D - prises d'otages En 1933, <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> Philipp Schei<strong>de</strong>mann, un éminent parlementaire social-démocrate <strong>de</strong> <strong>la</strong> République <strong>de</strong> Weimar, fut prise en otage et envoyée en camp <strong>de</strong> concentration après <strong>la</strong> publication <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> ses articles dans le New York Times. Schei<strong>de</strong>mann se rétracta et sa famille fut libérée. Pour le régime hitlérien, ce cas était sensé statuer un exemple : l'inci<strong>de</strong>nt aurait prouvé, selon <strong>la</strong> presse nazie, que les émigrants ne propageaient que <strong>de</strong>s mensonges et <strong>de</strong>s calomnies à l'Etranger ; ces représailles avaient pour but <strong>de</strong> dissua<strong>de</strong>r les émigrants <strong>de</strong> poursuivre leur travail d'information dans <strong>la</strong> presse étrangère. Un autre cas <strong>de</strong> prise d'otages a suscité l'indignation <strong>de</strong> l'opinion mondiale. En décembre 1933, l'ancien parlementaire social-démocrate Gerhard Seger parvint à s'échapper du camp <strong>de</strong> concentration d'Oranienburg et à trouver refuge en Tchécoslovaquie ; ses tentatives visant à faire fuir sa famille, afin qu'elle le rejoigne dans son exil, échouèrent. En janvier 1934, sa femme et sa fille âgée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans furent emprisonnées en détention protectrice ("Schutzhaft"). Seger ne se <strong>la</strong>issa pas intimi<strong>de</strong>r par ces représailles et rédigea un livre dans lequel il décrivait ce qu'il avait vécu et observé dans le camp d'Oranienburg. La publication <strong>de</strong> ce livre a soulevé <strong>de</strong> nombreux commentaires dans <strong>la</strong> presse internationale, qui s'est également indignée <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise d'otages. Ainsi, en avril 1934, un journal ang<strong>la</strong>is titrait : Baby <strong>la</strong>belled "Political Prisoner N° 58". Ce cas a suscité un scandale diplomatique ; et grâce à <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> l'opinion mondiale, Madame Seger et sa fille furent finalement remises en liberté après trois mois <strong>de</strong> détention, et furent autorisées à rejoindre Gerhard Seger à Londres. Le régime nazi dut se contenter <strong>de</strong> priver <strong>la</strong> famille Seger <strong>de</strong> sa nationalité alleman<strong>de</strong>. E - enlèvements et meurtres Lorsque toutes ces mesures n'atteignaient pas leur but, le régime nazi n'a pas hésité à enlever et à assassiner <strong>de</strong>s résistants allemands exilés. L'assassinat en août 1933 du pacifiste Theodor Lessing, qui s'était exilé en Tchécoslovaquie en février 1933, illustre bien que les résistants allemands n'étaient pas à l'abri <strong>de</strong>s représailles <strong>de</strong> <strong>la</strong> dictature nazie, même à l'Etranger. Le gouvernement aurait même promis une prime <strong>de</strong> 80 000 Reichsmark à <strong>la</strong> personne qui parviendrait à abattre Lessing. Les résistants qui organisaient <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong> tracts et <strong>de</strong> littérature illégale à partir <strong>de</strong>s pays voisins étaient tout particulièrement exposés au danger. Ainsi, <strong>la</strong> Gestapo a essayé à plusieurs reprises d'enlever un fonctionnaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> SOPADE, Otto Thiele, qui organisait à partir <strong>de</strong> son pays d'accueil, <strong>la</strong> Tchécoslovaquie, <strong>de</strong>s activités illégales dans le Reich. Une prime <strong>de</strong> 10 000 Reichsmark aurait été promise aux ravisseurs, qui furent finalement arrêtés par <strong>la</strong> police tchécoslovaque. Ce type <strong>de</strong> mesures a déclenché <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> protestations dans les pays concernés, qui se sont insurgés contre cette vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté territoriale ; l'opinion publique internationale a également fortement protesté contre ces crimes. La liste <strong>de</strong>s exilés morts pour leur conviction est assez longue et inscrire les noms <strong>de</strong> ces résistants ne suffiraient pas à leur rendre hommage. Pour qu’ils soient représentés à leur juste valeur il faudrait parler <strong>de</strong> leurs actions pour renverser une machine à tuer. Malgré <strong>la</strong> distance et les difficultés indénombrables rencontrées à cette époque pour communiquer et défendre ses opinions <strong>politique</strong>s, ces personnes inscrites dans notre histoire y ont cru et c’est certainement grâce à tous ces résistants aussi bien les exilés que les autres que l’horreur a pu être arrêtée. Hé<strong>la</strong>s, les mouvements <strong>de</strong> résistance d'exilés allemands ont échoué en raison <strong>de</strong> leur isolement dans leur pays d'accueil, du manque <strong>de</strong> soutien <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté mondiale et surtout du manque <strong>de</strong> coordination entre les différents types d'opposition au nazisme. Mais les 140
ésistants, en dépit <strong>de</strong> leur échec, ont montré au mon<strong>de</strong> entier un autre visage <strong>de</strong> l'Allemagne, celui du soulèvement <strong>de</strong>s consciences alleman<strong>de</strong>s révoltées par le national-socialisme. 141