N°093 - shage

NOTRE-DAME DU RAINCY, une église de béton
Christiane MENOT, adhérente 1086
Au début du XXème siècle, l'église du Raincy est
trop petite pour cette paroisse de banlieue dont la
population a doublé en quarante ans. La
construction d'une nouvelle église s'avère de plus
en plus nécessaire. Son histoire, celle de Notredame
du Raincy, en partie du moins, se confond
avec celle d'un homme: le chanoine Nègre. Il fut
installé dans sa charge de curé du Raincy le
dimanche des Rameaux 1918. Trois jours après
son installation, il reçut d'un pénitent inconnu une
très généreuse offrande qu'il choisit d'affecter à la
construction d'une nouvelle église, dédiée à Marie,
en remerciement de son intervention salutaire et en commémoration du départ des « taxis de la
Marne» qui, sur l'ordre du Général Gallieni, transportèrent les renforts qui permirent au Général
Maunoury de remporter la victoire de l'Ourcq, en septembre 1914.
En 1922, l'abbé Nègre se trouvait en possession d'une somme de 330.000 francs. C'était
beaucoup et bien peu pour construire une église, en faisant appel aux artistes de son choix. Il le fit
cependant et, en l'espace d'une grande année seulement (du 30 avril 1922 au 17 juin 1923), le
vaste vaisseau était achevé.
Dans le baptistère, une plaque rappelle au visiteur quelques dates et les noms des hommes qui
ont su transformer la matière et la transfigurer, et faire d'un hommage aux morts une œuvre de vie:
« Architecte, Auguste Perret - Vitraux, Maurice Denis ». Un nom pourtant ne figure pas sur ce
palmarès, et c'est bien dommage, puisque c'est celui du maître verrier Marguerite Huré, qui a
réalisé les vitraux avant l'âge de 30 ans. Le nom de l'entrepreneur a été omis lui aussi, alors que,
pourtant, il n'était autre que le propre frère de l'architecte: Gustave Perret, sans parler d'Antoine
Bourdelle, dont la pietà a été mise en place sur le fronton en 1999.
Quoiqu'il en soit, ces artistes, sous la direction de cet architecte et l'impulsion de ce
commanditaire, n'ont fait qu'une âme, afin d'insuffler dans leur création une respiration unie et
unique.
Par Notre-Dame du Raincy, un architecte concevait
pour la première fois une église entièrement en béton
armé et il l'affichait délibérément en laissant le matériau
à l'état brut. Pour Perret, la forme doit découler de la
structure et non la précéder. Les 32 fines colonnes
poreuses sont toutes mises en évidence. Seuls cinq
éléments différents composent l'ensemble des
claustras. Ceci permettait de standardiser les moules et
de réaliser une construction rapide et peu coûteuse.
« La reconnaissance critique de Notre-Dame du Raincy
fut immédiate. Un large éventail des revues françaises
d'art, de technique ou d'opinion louèrent l'œuvre des
Perret et son retentissement fit vite écho en Italie,
Grande-Bretagne, Suède, Allemagne, Suisse,
Tchécoslovaquie, aux Etats-Unis et ailleurs... Une dizaine d'années après l'édification de Notre-
Dame du Raincy, Le Corbusier fit un portrait vigoureux d'Auguste Perret qu'il considérait comme
un de ses maîtres », J-P Rayon.
D'autres églises figurent dans l'œuvre architecturale de Perret, celle de Montmagny et l'église
Saint-Joseph du Havre en 1950. A Tokyo, dès 1938, une réplique de Notre-Dame du Raincy
(proportions réduites de moitié), fut construite pour l'Université des femmes chrétiennes.
Nouvelles Racines n°93 12