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Recueil des textes primés 2010 - Encres Vives

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ainsi, provoqué par le silence de son téléphone où auraient dû se précipiter mes excuses. Il a<br />

ressenti le besoin d’une oreille amie. Une oreille, une amie, une copine. Alors il a appelé<br />

Marion, une fille qu’il connaît un peu par son boulot, une stagiaire sympa.<br />

- Nous avons marché dans Paris, nous avons discuté, plus d’elle et de ses problèmes que<br />

de moi finalement, mais ça m’a fait du bien…Je l’ai raccompagnée chez elle ensuite, elle<br />

m’a offert un verre en me faisant découvrir <strong>des</strong> musiques qu’elle aime, pour me<br />

changer les idées, et comme il était tard…enfin, tu comprends, elle m’a proposé de<br />

dormir chez elle.<br />

Je n’ai rien dit. Je traitais l’information. –Elle doit avoir de belles et bonnes oreilles pour qu’il<br />

ait pensé à l’appeler avant quiconque…<br />

- Avant que tu ne t’imagine quoi que ce soit, il faut que tu saches qu’il ne s’est rien<br />

passé, rien du tout ! Il n’en était pas question, mais…bon, je voulais te le dire. Quand<br />

même…Même s’il n’y a rien à raconter quand on y pense. Tu vois quoi.<br />

Quoi ? Je vois quoi ? Que dit-il. Quelqu’un me parle-t-il ? Je suis sourde, je…j’affabule, je dois<br />

être en train de rêver. Tiens il fait frais ce soir. J’aurais dû prendre mon pull. Il manque <strong>des</strong><br />

mots à mon vocabulaire. Je ne peux que le regarder, en silence. Je pense à ladite Marion, je ne<br />

l’ai jamais rencontrée. Entendu parler, tout au plus par un collègue et ami. Jolie fille, plutôt<br />

paumée, qui le drague discrètement depuis quelques mois, elle le drague, comme elle en<br />

cherche d’autres, pour se trouver elle-même. Ils en ont rigolé ensemble. Avant. J’y pense, sans<br />

précision, et puis, comme il faut répondre, je m’arrache un sourire. Et j’éructe, d’une voix<br />

atone que je ne reconnais pas un « Ah » tendance dubitatif, à la recherche d’un complément<br />

qui traduise correctement mes sentiments. Cette locution est pourtant la plus juste<br />

reproduction de l’état de mes pensées.<br />

Et puis, sentant frémir l’orgueil blessé et le doute insidieux, je cherche à en savoir un peu plus,<br />

tout de même. Est-ce pour me rassurer ? Pour prendre la mesure ? Je l’interroge avec un calme<br />

qui m’étonne.<br />

- Mais tu la connais bien ? Je croyais que c’était juste une relation de boulot ? Elle habite<br />

où ? Tu avais son numéro ?<br />

C’est vrai ça, son numéro, son portable, est-ce que j’ai les numéros <strong>des</strong> mecs qui me draguent<br />

moi ? Ceux de ses ex, déjà, c’est limite. Moi, au moins, je suis correcte, je n’ai pas conservé les<br />

numéros de mes anciens amants, ni de ceux qui me draguaient à l’époque ou je l’ai rencontré.<br />

Bon, d’accord, je sais très bien où ils sont notés, mais merde, ça ne me viendrait pas à l’idée de<br />

les appeler en cas de tension entre nous ! De très loin, je m’entends lui demander d’une voix<br />

doucereuse :<br />

- Elle n’allait pas très bien ? Mais que lui arrive-t-il ? Ce n’est pas trop grave…c’est<br />

sympa de sa part d’avoir accepté de te voir si tard dans la soirée et de t’avoir invité à<br />

dormir chez elle. Il faudra que tu me la présente.<br />

Le pilote automatique a pris les rênes d’une conversation insensée, et je parle, les mots<br />

sortent, mécaniquement. Les sentiments se télescopent : surprise, colère, rage, jalousie,<br />

incompréhension ? Tous, aucun. Plus de place pour la solitude ou l’angoisse. La rage domine,<br />

me domine, je la domine – Mais il me prend vraiment pour une conne ou quoi ? – Naïf ou<br />

perturbé, il répond à chacune de mes questions, il hésite un peu parfois, étonné de cette<br />

curiosité, et de l’absence de scène, mais ne se défile pas. Et je ramasse chacune de ses réponses<br />

comme autant d’armes dont je charge sa mémoire. Je suis calme, précise, presque sereine.<br />

Tout est tamisé, mon esprit focalisé sur cette histoire, qu’on me raconte. Histoire dont je suis<br />

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