Recueil des textes primés 2010 - Encres Vives
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Nous nous revîmes presque tous les jours pendant ces vacances, parfois chez lui, parfois<br />
ailleurs. J’échappais ainsi aux travaux de la ferme chez mes grands parents et apprenais les<br />
rudiments et techniques de l’art pictural, que le père d’Alain avait bien voulu m’enseigner lors<br />
de séances en extérieur.<br />
Mais notre affinité ne se bornait pas à la peinture.<br />
J’avais trouvé un ami insoupçonné en Alain. Nous ne nous ennuyions jamais ensemble lors de<br />
nos discussions passionnantes sur <strong>des</strong> sujets divers et variés, de nos promena<strong>des</strong> en vélo<br />
autour de l’étang <strong>des</strong> Noues ou encore de nos parties de pêche au lac de Ribou.<br />
Et puis, tout se brisa ce mercredi 25 août, où la chaleur écrasante et l’atmosphère orageuse<br />
nous firent renoncer à notre escapade. Dans notre état apathique, nous décidâmes d’aller nous<br />
rafraîchir à l’ombre <strong>des</strong> saules du parc de Moine. Nous étions assis dans l’herbe. Bizarrement,<br />
ce jour là, Alain était moins prolixe que d’habitude. Le ton qu’il employait était mélancolique,<br />
presque lascif. Il me regardait longuement avec insistance.<br />
Alors que j’observai les canards glisser silencieusement sur l’eau, je sentis sa main se poser sur<br />
la mienne.<br />
Un frisson ambigu me parcourut l’échine. Un mélange de plaisir tabou et de crainte.<br />
Peut-être cette main posée n’était-elle pas intentionnelle ? Et les secon<strong>des</strong> s’égrenèrent, ne<br />
laissant plus place au doute. Etrangement, je ne fis rien pour la retirer. Je sentais son regard<br />
posé sur moi. Troublé par ces émotions inconnues, je n’osais pas le croiser. Sa main, jusqu’ici<br />
immobile, caressa la mienne.<br />
Je feignis l’indifférence, mais mon cœur battait la chamade.<br />
Puis, un sentiment de panique m’envahit lorsque j’aperçus Kader et Hugo sur le pont en bois.<br />
Ils jetaient <strong>des</strong> cailloux dans l’eau, appuyés contre le garde-fou. Ils discutaient tous les deux<br />
et ne nous avaient pas repérés. Mais cela ne manquerait pas d’arriver…<br />
Mon cerveau se mit à bouillonner.<br />
S’ils nous voient, je suis foutu, pensai-je. Les connaissant, ils n’hésiteraient pas à diffuser ce<br />
scoop à coups de SMS, ruinant ainsi ma réputation. Le collège entier serait au courant.<br />
Quand à mon père, il allait me trucider !<br />
Alors, je retirai brutalement sa main, me leva, et l’insultai rageusement, d’un mot, un seul. Le<br />
mot de trop.<br />
Tous les promeneurs alentour se tournèrent vers nous, attirés par cette scène perturbant la<br />
quiétude <strong>des</strong> lieux.<br />
Puis, je m’éloignai d’Alain, m’assurant du coin de l’œil que Kader et Hugo m’avaient bien<br />
entendu, prouvant ainsi par ma réaction que je n’étais pas comme Alain.<br />
Ce fut le dernier mot que j’adressai à Alain.<br />
De retour chez moi, je ressassai cette scène en détail.<br />
Mais avais-je bien fait de l’insulter avec tant de violence ?<br />
Et si Kader et Hugo n’avaient pas été là, comment aurais-je réagi à cette avance imprévue ?<br />
Car je me sentais vraiment bien avec Alain. Le soir venu, je me mis à sangloter longuement<br />
sous mon oreiller.<br />
Regrettant mes propos, j’avais décidé de l’appeler dès le lendemain pour m’excuser.<br />
Mais cette fois-ci, aucun mot ne sortit lorsque son père répondit au téléphone.<br />
Je n’eus plus le courage de rappeler.<br />
Le jour de la rentrée, Kader et Hugo vinrent à ma rencontre. J’avais envie d’être ailleurs.<br />
Ils m’assénèrent de leurs commentaires :<br />
« La honte que tu lui a mis l’autre jour au parc de Moine ! », lança le premier.<br />
« Ouais, t’as eu raison ! Nous, on aime pas les pédés, ici ! », Enchaîna le second.<br />
Je débordais d’émotions, un cocktail explosif de tristesse et de rage.<br />
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