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Recueil des textes primés 2010 - Encres Vives

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Un mot…malheureux ?<br />

Archie tapait machinalement sur son clavier. Parmi ses nombreux talents non reconnus, il<br />

possédait la frappe la plus rapide de tous les services et pouvait écrire les yeux ailleurs le<br />

rapport insipide exigé par Miss Maguy. C’est ainsi qu’il avait surnommé sa chef directe, qui<br />

lui rappelait la Dame de Fer de la chanson de Renaud.<br />

Il faut dire qu’elle le méritait bien. Elle menait le service avec une autorité qui s’apparentait à<br />

de la dictature et les plus forts en gueule y regardaient à deux fois avant de lui tenir tête. Il<br />

valait mieux avoir <strong>des</strong> arguments en béton pour s’opposer à une de ses décisions. On aurait pu<br />

penser que le physique allait avec le caractère et qu’on allait découvrir une harpie anguleuse<br />

et rigide, l’air austère et pincé, la voix acide et agressive. Eh bien non, c’était tout le contraire.<br />

Miss Maguy était belle, très belle, avec de splendi<strong>des</strong> yeux bleus qui fixaient toujours<br />

l’interlocuteur. Un regard froid et impénétrable qui pétrifiait parfois le maillon faible de<br />

l’équipe. Une voix harmonieuse qui ne haussait jamais le ton, mais qui frémissait sous le coup<br />

de l’irritation ou pouvait devenir glaciale sans perdre de son charme vénéneux. C’était bien ce<br />

discours toujours égal et parfaitement articulé qui rendait ses déclarations si inquiétantes. Du<br />

moins pour Archie.<br />

Pour l’instant, il regardait dans le couloir par la baie vitrée de son bureau, tout en tapotant<br />

son clavier. C’était l’heure de la pause et comme chaque jour, les éléments féminins du service<br />

comptable allaient rejoindre les équipes techniques devant la machine à café. Il les connaissait<br />

toutes plus ou moins et essayait de repérer les nouvelles stagiaires, espérant que l’une,<br />

différente <strong>des</strong> autres, pourrait lui montrer un signe d’intérêt.<br />

Archie était timide. C’est pourquoi il allait boire son café quand tout le monde était reparti. Il<br />

enviait secrètement ses collègues qui draguaient ouvertement <strong>des</strong> beautés de l’entreprise.<br />

Maurice, le magasinier, surnommé Pit-bull pour son mauvais caractère, qui rembarrait tout le<br />

monde, livreurs ou compagnons, mais savait faire rire les filles avec ses plaisanteries lour<strong>des</strong><br />

de sous-entendus, qui ne restaient pas toujours sans échos. Bernard, le petit génie<br />

informatique à la main baladeuse, qui ne comptait plus les gifles reçues, mais aussi les succès<br />

éphémères. Jean-Luc, l’humoriste, qui séduisait par ses traits d’esprit et sa répartie. Et la<br />

troupe d’opportunistes qui tiraient parti de l’éclat <strong>des</strong> meneurs pour ramasser <strong>des</strong> miettes.<br />

Archie était choqué de voir que la plupart <strong>des</strong> femmes qu’il admirait secrètement pour leur<br />

allure et leur élégance, se montraient sensibles aux allusions salaces et y répondaient parfois<br />

avec la même verdeur, allant jusqu’à embrasser le plaisantin. Mais il y avait aussi Chloé, une<br />

nouvelle embauchée en CDD, qui lui témoignait un peu de sympathie et qui restait parfois à<br />

bavarder un instant dans son bureau quand elle apportait le courrier. Ce n’était pas grandchose,<br />

mais cela avait suffi à déclencher quelques plaisanteries douteuses qui avaient fait<br />

avorter un début de complicité. C’était surtout lui qui avait pris ses distances, car Chloé<br />

continuait à lui faire de petits signes amicaux quand elle passait dans le couloir. Elle était<br />

d’une simplicité charmante, très spontanée et sensible. Archie ne la trouvait pas vraiment<br />

jolie, mais pourtant séduisante. Ce qui le retenait, c’était l’allure un peu trop mode de la jeune<br />

fille, avec sa coiffure ébouriffée et ses tenues surprenantes qui changeaient deux fois par jour.<br />

Il était partagé entre l’envie de sortir avec elle et le fait qu’il ne pourrait pas supporter<br />

longtemps son mode de vie. Victime d’une éducation puritaine, il avait <strong>des</strong> principes moraux<br />

qui paralysaient ses envies et cassaient ses élans.<br />

Il était en train de rêver après l’avoir vu passer une fois de plus, lorsque son PC se mit à biper.<br />

« Vous avez du courrier ». Un message interne.<br />

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