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Sur la réforme du droit d'auteur - daryo.net

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<strong>Sur</strong> <strong>la</strong> <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur<br />

La proposition <strong>du</strong> Parti Pirate Suédois et deux autres textes<br />

Textes de Piotr Czerski, Christian Engström, Rick Falkvinge et Marcel-André Casaso<strong>la</strong> Merkle 1<br />

Tra<strong>du</strong>its par Xavier Gil<strong>la</strong>rd, Loïc Grobol et Étienne Loiseau<br />

Mis en page et publiés par Xavier Gil<strong>la</strong>rd<br />

Préface <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur-éditeur<br />

Le contenu<br />

Les textes composant ce livre ont tous été d’abord publiés sur mon blog<br />

http://politique<strong>du</strong><strong>net</strong>z.sploing.fr/. J’étais en échange Érasmus pendant mon master de<br />

philosophie à Munich. Je voyais dans les tra<strong>du</strong>ctions à partir de l’allemand ou de l’ang<strong>la</strong>is que j’ai<br />

p<strong>la</strong>cées et p<strong>la</strong>ce toujours sur le site une bonne manière de m’améliorer en <strong>la</strong>ngue.<br />

J’avais mis en p<strong>la</strong>ce un pad, un éditeur col<strong>la</strong>boratif en ligne, à http://<strong>net</strong>z.piratenpad.de. Deux<br />

autres internautes ayant eu vent <strong>du</strong> projet ont été volontaires pour m’aider substantiellement, Loïc<br />

Grobol, @LoicGrobol, et Étienne Loiseau. Loïc a tra<strong>du</strong>it les chapitres 1 et 5 <strong>du</strong> livre original, Étienne le<br />

6, sans compter leurs précieuses relectures. Un grand merci à eux deux !<br />

Les chapitres <strong>du</strong> livre The Case for Copyright Reform, disponible à http://www.copyrightreform.eu/,<br />

sont pour l’essentiel une compi<strong>la</strong>tion d’articles. Certains ont été publiés par les auteurs eux-mêmes sur<br />

leurs propres blogues ou sur Torrentfreak 1 . D’autres l’ont été par des collègues ou spécialistes <strong>du</strong><br />

domaine comme le journaliste Mike Masnick de Techdirt 2 ou Micheal Geist 3 , professeur de <strong>droit</strong><br />

canadien. Il m’était donc naturel de redécouper ces articles pour les publier sur un blog.<br />

Cependant, le format livre a aussi ses avantages. J’ai donc décidé de rassembler de nouveau ces textes,<br />

et de les réorganiser en suivant dans les grandes lignes le découpage de Rick Falkvinge et de Christian<br />

Engström.<br />

Afin de décentrer un peu le lecteur des analyses et propositions plutôt factuelles <strong>du</strong> livre, j’ai décidé<br />

d’inclure en annexe deux textes qui ont été appréciés sur mon blog, une allégorie et un manifeste<br />

générationnel.<br />

La licence<br />

L'image de <strong>la</strong> page de garde de Felix Huth est disponible sous CC-BY à<br />

http://www.flickr.com/photos/felixhuth/6149413639.<br />

Les textes de ce livre ont vocation à être diffusés le plus <strong>la</strong>rgement possible. Ils sont donc, comme mon<br />

blog l'était, sous licence Creative Commons CC-BY-SA : Paternité et Partage à l'identique.<br />

Vous trouverez le texte complet de <strong>la</strong> licence à http://creativecommons.org/licenses/bysa/2.0/fr/.<br />

Pour toute question ou remarque, n'hésitez pas à me contacter à xavier [@] sploing.fr ou sur mon compte<br />

Twitter @pol<strong>net</strong>z


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pour votre générosité !<br />

Enfin, vous pouvez vous abonner à mon compte Twitter ou ma page Facebook.<br />

Votre action<br />

Même si Rick Falkvinge et Christian Engström appartiennent au Parti Pirate Suédois, il me semble qu’il<br />

ne faut pas ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> portée des propositions et argumentations de ce livre à leur origine. Ces idées sont<br />

censées donner forme à l’intérêt <strong>du</strong> plus grand nombre, non seulement représenter les lubies d’une<br />

poignée de monomaniaques de <strong>la</strong> liberté sur Inter<strong>net</strong>.<br />

Du reste, s’il m’arrive un jour de voir ces propositions appliquées ou sérieusement discutées à<br />

l’Assemblée Nationale (en France), peu m’importera par qui elles y arriveront. Et il n’est pas certain que<br />

ce soit par les partis pirates que ces idées arriveront au pouvoir.<br />

Tout parti politique 4 a tendance à être une fin en lui-même, et à s’intéresser plus à lui qu’au reste de <strong>la</strong><br />

société. C’est aussi vrai à l’intérieur des partis pirates européens, parce que leurs organisations et<br />

positions idéologiques ne sont pas toujours très stables, et que ce sont des prérequis pour prendre<br />

régulièrement position sur des sujets divers et variés. Or pour donner confiance aux électeurs, il me<br />

paraît nécessaire d’avoir une organisation c<strong>la</strong>ire et une orientation idéologique repérable. Trancher sur<br />

des sujets de société divers, c’est se couper d’électeurs potentiels, mais aussi en rassurer d’autres.<br />

Il n’est pas sûr que tous les partis pirates d’Europe arriveront à trouver des mo<strong>du</strong>s vivendi et putandi.<br />

Les allemands et les suédois sont les plus avancés pour l’instant. Il n’est pas non plus certain que vous<br />

adhérerez toujours à ce qui sera conclu, ou que d’autres feront mieux que vous pour défendre vos idées.<br />

Donc si vous partagez tout ou partie des idées défen<strong>du</strong>es ci-dessous, voyez d’abord ce que vous pouvez<br />

faire pour les défendre et les répandre au mieux, à commencer par partager votre culture.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

http://torrentfreak.com/<br />

http://www.techdirt.com/<br />

http://www.michaelgeist.ca/<br />

C’est aussi vrai de toute organisation, plus généralement.<br />

Sommaire<br />

Chapitre 1 La <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est nécessaire<br />

Chapitre 2 Quelle <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur ?<br />

2.1 Pas de changement sur le <strong>droit</strong> moral<br />

2.2 Partage non-commercial gratuit<br />

2.2.1 Inéluctable, indispensable, inoffensif, et facile à mettre en p<strong>la</strong>ce<br />

2.2.2 Du commercial et <strong>du</strong> non-commercial<br />

2.3 20 ans de monopole commercial<br />

2.3.1 À pro<strong>du</strong>ctions différentes, <strong>du</strong>rées différentes ?


2.3.2 Rares sont les œuvres qui traversent les siècles<br />

2.3.3 Une <strong>du</strong>rée rationnelle pour un investisseur<br />

2.3.4 Pourquoi pas moins ?<br />

2.4 Enregistrement après 5 ans<br />

2.4.1 Le problème des œuvres orphelines<br />

2.4.2 est gigantesque<br />

2.4.3 et ne sera pas résolu de sitôt par une ré<strong>du</strong>ction de <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de protection<br />

2.4.4 mais par cette proposition, facile et gagnant-gagnant.<br />

2.5 Utilisation gratuite d’extraits<br />

2.6 Bannissement des MTP (ou DRM)<br />

2.7 Et après ?<br />

2.8 Un choix de société<br />

Chapitre 3 Petite histoire commentée des <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie<br />

3.1 15 e siècle : L’invention de l’imprimerie met fin aux moines-copistes<br />

3.1.1 Le prix <strong>du</strong> livre<br />

3.1.2 L’Église perd le contrôle de l’information<br />

3.2 17 e siècle : Marie <strong>la</strong> Sanguinaire censure grâce au <strong>droit</strong> de copie<br />

3.2.1 Une bâtarde répudiée<br />

3.2.2 Rétablissement <strong>du</strong> catholicisme<br />

3.2.3 Le <strong>droit</strong> de copie se maintient grâce aux éditeurs<br />

3.3 19 e siècle : De Jefferson à Hugo<br />

3.3.1 Le copyright américain sert le progrès de <strong>la</strong> science et des arts utiles<br />

3.3.2 Invention des bibliothèques publiques en Angleterre<br />

3.3.3 L’in<strong>du</strong>strialisation allemande dépasse l’ang<strong>la</strong>ise<br />

3.3.4 Les <strong>droit</strong>s moraux se répandent sur le continent<br />

3.4 Les quatre <strong>droit</strong>s essentiels de copie ou d’auteur<br />

3.5 Années 1930 : l’in<strong>du</strong>strie musicale entre dans <strong>la</strong> danse<br />

3.5.1 L’Italie fasciste et <strong>la</strong> naissance de l’IFPI<br />

3.5.2 Lumières et puissance financière<br />

3.6 1980 : deuxième piratage des <strong>droit</strong>s de copie et d’auteur, par Pfizer<br />

3.6.1 Les invasions barbares<br />

3.6.2 La réponse pharmaceutique<br />

3.6.3 Naissance de l’OMC<br />

Chapitre 4 Le <strong>droit</strong> d’auteur actuel met en danger nos libertés civiles<br />

4.1 Des 0 et des 1<br />

4.2 Le <strong>droit</strong> d’auteur menace le <strong>droit</strong> au secret de <strong>la</strong> correspondance<br />

4.2.1 Discriminer les contenus implique de tout ouvrir<br />

4.2.2 Il faut refuser les revendications actuelles de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur<br />

4.2.3 Les lois <strong>du</strong> monde analogique sont raisonnables<br />

4.2.3.1 Il n’y a qu’un seul monde<br />

4.2.3.2 Quand j’écris une lettre<br />

4.2.3.3 Des <strong>droit</strong>s niés<br />

4.2.4 Renoncer à nos <strong>droit</strong>s civiques est injustifiable…<br />

4.2.5 …et les tendances actuelles sont dangereuses<br />

4.2.6 Cependant, des activistes marginaux luttent pour notre liberté<br />

4.3 Filtrage, censure, et pédopornographie<br />

4.3.1 Un procédé efficace<br />

4.3.2 Pour ne pas nommer l’innommable<br />

4.3.3 Et piège même les politiques<br />

4.3.4 Cependant, <strong>la</strong> nature revient toujours au galop<br />

4.3.5 Conclusion<br />

4.4 La riposte gra<strong>du</strong>ée, ou l’art de débrancher les gens par caprice<br />

4.5 Le principe de proportionnalité dans ACTA et les infractions au <strong>droit</strong> d’auteur<br />

4.5.1 Condamnation par procuration<br />

4.5.2 Équité de <strong>la</strong> justice


4.5.3 Des millions dans des ba<strong>la</strong>deurs<br />

4.5.4 ACTA et les amendes arbitraires<br />

4.6 L’inutilité des procès en bonne et <strong>du</strong>e forme<br />

4.6.1 Être frappé par <strong>la</strong> foudre<br />

4.6.2 Le chantage comme technique « commerciale »<br />

4.6.3 IPRED et rétention des données<br />

4.7 De toute manière, <strong>la</strong> répression ne marche pas<br />

4.7.1 L’IFPI et ses hallucinations<br />

4.7.2 Les enseignements de l’histoire<br />

4.8 Partage de fichiers et <strong>droit</strong>s fondamentaux – <strong>la</strong> ligne de tension<br />

Chapitre 5 Comment se nourriront les artistes ?<br />

5.1 C’est justement ÇA le marché, bande d’imbéciles !<br />

5.1.1 Multi-connexion, hyper-distribution<br />

5.1.2 Le potentiel d’Inter<strong>net</strong> existe bel et bien<br />

5.1.3 Mais ce potentiel est le plus souvent méprisé<br />

5.2 Téléchargement illégal : Les artistes se portent bien, merci<br />

5.2.1 Pour une société florissante et libre<br />

5.2.2 Le téléchargement illégal n’a pas tué <strong>la</strong> culture<br />

5.2.3 Car le marché se reconfigure<br />

5.2.4 Et car le poste de dépense « culture » reste stable…<br />

5.2.5 …au profit des artistes.<br />

5.3 Études sur l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> culture à l’ère <strong>du</strong> piratage généralisé<br />

5.3.1 Les revenus des concerts et performances compensent les pertes des ventes<br />

d’enregistrements<br />

5.3.1.1 Angleterre 2004-2008 : le piratage fait gagner de l’argent aux artistes et<br />

en fait perdre aux <strong>la</strong>bels<br />

5.3.1.2 Suède 2000 – 2008 : Les musiciens suédois gagnent de plus en plus<br />

d’argent<br />

5.3.1.3 Norvège 1999 – 2009 : Les artistes font plus de bénéfices depuis<br />

l’apparition <strong>du</strong> piratage<br />

5.3.2 Pays-Bas : Le piratage peut entraîner une <strong>net</strong>te amélioration économique.<br />

5.3.3 Harvard : L’affaiblissement de <strong>la</strong> protection des œuvres par le <strong>droit</strong> d’auteur<br />

profite à <strong>la</strong> société<br />

5.3.4 Angleterre : Les propositions <strong>du</strong> rapport Hargreaves<br />

Chapitre 6 L’inutilité d’une licence globale<br />

6.1 Personne n’a jamais réc<strong>la</strong>mé une taxe sur les réfrigérateurs<br />

6.1.1 L’adaptation, c’est le changement<br />

6.1.2 Retour vers le futur<br />

6.1.3 Une évolution normale<br />

6.2 Une fausse solution pour un faux problème<br />

6.2.1 Diffusion à <strong>la</strong> télévision et <strong>la</strong> radio : prime aux plus riches<br />

6.2.2 Des milliards pour le porno<br />

6.2.3 Bourrer les réseaux<br />

6.2.4 Une source de revenus pour les éditeurs de virus<br />

6.2.5 Un vrai faux problème<br />

Chapitre 7 De <strong>la</strong> religion des <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie<br />

7.1 Les <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie ne sont pas des <strong>droit</strong>s de propriété<br />

7.1.1 La chaise<br />

7.1.2 Le DVD<br />

7.2 Le <strong>droit</strong> de copie est une religion fondamentaliste<br />

Annexe A Mon vélo, de Marcel-André Casaso<strong>la</strong> Merkle<br />

Annexe B Nous, les enfants <strong>du</strong> Sieć, de Piotr Czerski<br />

B.1 Nous avons grandi avec Inter<strong>net</strong> et sur Inter<strong>net</strong><br />

B.2 La participation à <strong>la</strong> culture n’est pas notre occupation des jours de fête<br />

B.3 Ce qui nous importe le plus, c’est <strong>la</strong> liberté


Chapitre 1 La <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est<br />

nécessaire<br />

Le système <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est aujourd’hui déphasé. Il criminalise une génération entière dans une<br />

tentative désespérée d’arrêter le progrès technologique. Et pourtant le partage de fichiers a continué à<br />

s’accroître exponentiellement. Ni <strong>la</strong> propagande ni les techniques d’intimidation ni même le<br />

<strong>du</strong>rcissement des lois n’ont pu arrêter son développement.<br />

Il n’est plus possible de renforcer les mesures contre le partage non-commercial de fichiers sans violer<br />

des <strong>droit</strong>s humains fondamentaux. Tant qu’il y aura pour les indivi<strong>du</strong>s <strong>la</strong> possibilité de communiquer en<br />

privé, ils s’en serviront pour partager des contenus soumis au <strong>droit</strong> d’auteur. Le seul moyen de limiter le<br />

partage de fichiers c’est de supprimer le doit à <strong>la</strong> communication privée. Au cours de <strong>la</strong> dernière<br />

décennie, c’est dans ce sens que se sont dirigées les lois sur le <strong>droit</strong> d’auteur, sous <strong>la</strong> pression des lobbys<br />

de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement qui voyaient leurs monopoles menacés. Nous devons inverser cette<br />

tendance pour sauver nos <strong>droit</strong>s fondamentaux.<br />

Nous voulons aussi une société où <strong>la</strong> culture prospère, où les artistes et les créateurs ont une chance de<br />

vivre de leur art. Heureusement, il n’y a aucune contradiction entre le partage et <strong>la</strong> culture. Une décennie<br />

de partage intensif nous l’a prouvé.<br />

Les statistiques économiques nous montrent que les dépenses moyennes des ménages dans le secteur<br />

culturel augmentent doucement chaque année. Si nous dépensons moins en CDs, nous dépensons plus<br />

ailleurs, comme dans les concerts. C’est une excellente nouvelle pour les artistes. Un artiste touche aux<br />

environs de 5 ou 7% sur les ventes des CD, mais 50% sur les entrées à ses concerts, La situation est<br />

défavorable aux <strong>la</strong>bels, mais uniquement parce qu’ils n’ajoutent plus aucune valeur.<br />

Il se peut qu’il devienne plus difficile de gagner de l’argent dans certains secteurs de l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong><br />

culture, mais pour d’autres secteurs - en particulier les nouveaux, ceux que nous n’avons pas encore<br />

imaginés - ce<strong>la</strong> sera plus facile. Tant que nous continuerons à payer pour <strong>la</strong> culture, personne ne pourra<br />

prétendre que les artistes ont quelque chose à perdre à une <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

Et si, en dommage col<strong>la</strong>téral, l’étau dans lequel les grands distributeurs tiennent <strong>la</strong> vie culturelle pouvait<br />

se desserrer, ce ne serait que mieux. Pour les artistes comme pour les consommateurs.<br />

Quand les bibliothèques publiques sont apparues en Europe il y a 150 ans, les éditeurs y étaient<br />

extrêmement opposés. Leurs arguments étaient les mêmes que ceux dont on se sert aujourd’hui dans le<br />

débat sur le partage. Si le peuple pouvait accéder gratuitement aux livres, les auteurs ne pourraient plus<br />

vivre de leur art, et il n’y aurait plus de nouveaux livres.<br />

Nous savons à présent que les arguments contre les bibliothèques publiques étaient faux. Il est c<strong>la</strong>ir que<br />

nous ne sommes pas dans une situation où il n’y a plus de nouveaux livres et où les auteurs ne peuvent<br />

plus vivre de leurs écrits. Au contraire, l’accès libre à <strong>la</strong> culture leur a été bénéfique, comme il a été<br />

bénéfique pour toute <strong>la</strong> société.<br />

Inter<strong>net</strong> est <strong>la</strong> plus merveilleuse bibliothèque publique jamais créée. Pour tous, y compris ceux aux<br />

moyens économiques limités, l’accès à toute <strong>la</strong> culture de l’humanité est n’est plus qu’à un simple clic.<br />

Nous devrions tous adopter et app<strong>la</strong>udir cette évolution.<br />

Le Parti Pirate Suédois affiche c<strong>la</strong>irement son ambition d’en finir avec <strong>la</strong> criminalisation de <strong>la</strong> jeunesse<br />

et de poser les fondations d’une culture variée et <strong>du</strong>rable à l’ère d’Inter<strong>net</strong>. Nous invitons tous les<br />

courants politiques à copier nos idées.


1<br />

acte d’amour. Photo de Ed Yourdon sous CC-BY-SA 1<br />

http://www.flickr.com/photos/yourdon/3088582622/<br />

Le partage est un<br />

Chapitre 2 Quelle <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur ?<br />

Le Parti Pirate Suédois ne veut pas abolir le <strong>droit</strong> d’auteur, il veut le <strong>réforme</strong>r. Il faut garder l’exclusivité<br />

commerciale pour permettre aux modèles économiques actuellement viables de le rester. Nous ne<br />

voulons essentiellement rendre tous les usages et copies non-commerciaux libres, ainsi que ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong><br />

<strong>du</strong>rée de protection.<br />

Notre proposition peut être résumée en six mesures détaillées et expliquées ci-dessous.<br />

2.1 Pas de changement sur le <strong>droit</strong> moral<br />

Mesure 1 Personne ne devrait être autorisé à déc<strong>la</strong>rer qu’il est Paul Mc Cartney s’il ne l’est pas. Ce<br />

devrait être illégal. « Rendre à César ce qui est à César » est une maxime qui met tout le monde<br />

d’accord.<br />

Dans les faits, <strong>la</strong> nétiquette est souvent plus stricte sur le sujet que n’importe quelle légis<strong>la</strong>tion re<strong>la</strong>tive<br />

au <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

Les blogueurs ont tendance à citer leurs sources d’une façon qui fait bien plus que respecter le minimum<br />

légal. Il y a plusieurs raisons à ce<strong>la</strong>. Ce<strong>la</strong> rend votre blogue plus crédible si vous donnez les liens vers<br />

vos sources afin que vos lecteurs puissent en vérifier l’origine s’ils le souhaitent. Les personnes que vous<br />

citez sont contentes, elles seront donc plus enclines à citer votre propre blogue si l’occasion s’y présente,<br />

et votre trafic augmentera. Voilà les raisons pratiques pour lesquelles il est dans l’intérêt d’un blogueur<br />

d’être plus généreux au niveau des citations de ses sources que ne l’exige aucune loi.<br />

Mais il y a aussi le sentiment humain que si vous avez trouvé quelque chose d’intéressant de votre point<br />

de vue, vous souhaitez en retour manifester votre gratitude. C’est un aspect très positif de <strong>la</strong> nature<br />

humaine.<br />

Le <strong>droit</strong> d’être reconnu en tant qu’auteur sur Inter<strong>net</strong> n’est pas menacé. Nous proposons donc de <strong>la</strong>isser


inchangé ce point de <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

2.2 Partage non-commercial gratuit<br />

Jusqu’il y a 20 ans, le <strong>droit</strong> d’auteur concernait à peine le commun des mortels. Les régu<strong>la</strong>tions visaient<br />

les acteurs commerciaux, comme les <strong>la</strong>bels ou maisons d’édition.<br />

Les citoyens qui vou<strong>la</strong>ient copier un poème et l’envoyer à leur amoureux ou enregistrer une chanson sur<br />

une cassette et <strong>la</strong> donner à un ami n’avaient pas à s’inquiéter des poursuites judiciaires.<br />

Mais aujourd’hui, le <strong>droit</strong> d’auteur a évolué de telle sorte qu’il impose de graves restrictions sur <strong>la</strong> vie<br />

quotidienne des indivi<strong>du</strong>s. Alors que <strong>la</strong> technologie a ren<strong>du</strong> le partage de plus en plus simple, <strong>la</strong><br />

légis<strong>la</strong>tion a évolué dans le sens inverse, vers une criminalisation croissante de ce partage.<br />

Mesure 2 Nous voulons que le <strong>droit</strong> d’auteur redevienne ce pourquoi il a été conçu, et rendre c<strong>la</strong>ir<br />

qu’il ne doit réguler que les échanges commerciaux. Copier ou utiliser un travail protégé sans but<br />

lucratif ne devrait jamais être interdit. Le pair à pair est, entre autres, une bonne raison pour cette<br />

légalisation.<br />

On devrait conserver le <strong>droit</strong> d’auteur, mais le restreindre aux cas où il y a une intention lucrative ou<br />

commerciale. Toutes les copies et usages non commerciaux, tel que le partage de fichiers entre<br />

particuliers, devraient être légalisés. On peut ajouter ce<strong>la</strong> comme restriction dans <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion re<strong>la</strong>tive au<br />

<strong>droit</strong> d’auteur, en conformité avec les traités internationaux tels que <strong>la</strong> convention de Berne 1 ou celui de<br />

l’Organisation Mondiale de <strong>la</strong> Propriété Intellectuelle 2 .<br />

2.2.1 Une telle avancée est<br />

inéluctable<br />

Si vous pensez que ce serait une bonne chose si tous les échanges illégaux de fichiers<br />

disparaissaient, c’est votre <strong>droit</strong>. Mais ça ne change rien à <strong>la</strong> réalité.<br />

La limitation <strong>du</strong> partage de fichiers par les lois et <strong>la</strong> répression ne fonctionnent pas. Le partage de<br />

fichier est là pour <strong>du</strong>rer, que vous l’approuviez ou non.<br />

indispensable<br />

Nous verrons pourquoi les tentatives d’imposer l’interdiction <strong>du</strong> partage de fichiers mettent en<br />

danger les <strong>droit</strong>s fondamentaux en Europe et ailleurs.<br />

Ce<strong>la</strong> serait une solution inacceptable même si ça fonctionnait, ce qui n’est pas le cas, et même si le<br />

secteur de <strong>la</strong> culture était réellement en train de mourir, ce qui n’est également pas le cas.<br />

inoffensive<br />

Nous verrons que les artistes et le secteur de <strong>la</strong> culture, dans leur ensemble, se portent bien malgré<br />

le partage de fichiers (ou peut être grâce à lui), il n’y a donc pas de réel problème à résoudre.<br />

Si <strong>la</strong> portée <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est ré<strong>du</strong>ite pour couvrir seulement les activités commerciales, ce<strong>la</strong> ne<br />

présente pas de problèmes majeurs à <strong>la</strong> société. Il y a quelques ajustements à effectuer (en<br />

particulier <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée déraisonnable de protection), mais il n’y a en principe aucun problème à<br />

appliquer le <strong>droit</strong> d’auteur seulement pour les usages à visée commerciale.<br />

facile à mettre en p<strong>la</strong>ce<br />

La raison est très simple. « Suivre l’argent » suffit aux autorités pour leur permettre de garder une


trace des activités commerciales.<br />

Si un entrepreneur souhaite gagner de l’argent, <strong>la</strong> première des choses qu’il doit faire, c’est faire<br />

connaître au plus grand nombre possible ce qu’il a à proposer. Mais s’il propose quelque chose<br />

d’illégal, ce<strong>la</strong> arrivera aux oreilles de <strong>la</strong> police avant qu’il ait eu le temps d’attirer une clientèle<br />

importante.<br />

Aucune restriction supplémentaire des <strong>droit</strong>s fondamentaux n’est nécessaire. Les systèmes de<br />

contrôle déjà en p<strong>la</strong>ce pour d’autres raisons suffisent pour garder une trace des activités<br />

commerciales.<br />

2.2.2 Du commercial et <strong>du</strong> non-commercial<br />

Il est vrai qu’il y a une zone d’ombre entre les activités commerciales et non commerciales, mais c’est un<br />

problème que les tribunaux ont déjà résolu à de nombreuses reprises dans des domaines différents.<br />

Nous possédons déjà un arsenal juridique qui fait <strong>la</strong> distinction entre intention commerciale et non<br />

commerciale, incluant <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur le <strong>droit</strong> d’auteur telle qu’elle existe aujourd’hui. C’est une bonne<br />

chose que les tribunaux aient déjà établi une jurisprudence afin de déterminer ce qui est commercial ou<br />

pas.<br />

Si vous avec besoin d’une réponse détaillée pour savoir où se situe <strong>la</strong> limite dans votre cas, vous devriez<br />

poser <strong>la</strong> question à un avocat spécialiste <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur (et payer 300 € de l’heure).<br />

Mais de façon générale, <strong>la</strong> limite entre activité commerciale et non commerciale est grossièrement à<br />

l’en<strong>droit</strong> où vous vous y attendiez. Si en tant que personne privée vous possédez un blogue sans aucune<br />

publicité, c’est non commercial.<br />

Si vous percevez quelques euros par mois de Google Ads, votre blogue est probablement encore non<br />

commercial, <strong>du</strong> moment que c’est un montant restreint et que votre but premier n’est pas de gagner de<br />

l’argent avec. Mais si c’est un blogue important qui génère des revenus substantiels de <strong>la</strong> publicité, il<br />

franchit sûrement <strong>la</strong> ligne et devient commercial.<br />

Il y a plusieurs licences basées sur le <strong>droit</strong> d’auteur, y compris les licences Creative Commons<br />

Attribution Non Commerciale 3 , qui font usage de cette définition déjà existante.<br />

Même s’il est vrai que tracer <strong>la</strong> ligne de démarcation peut parfois poser problème, ce<strong>la</strong> a déjà été résolu<br />

de façon raisonnable.<br />

2.3 20 ans de monopole commercial<br />

L’essentiel de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement actuelle est bâtie sur l’exclusivité commerciale des travaux<br />

protégés. Nous voulons sauvegarder cette activité. Mais les <strong>du</strong>rées d’exclusivité actuelles sont absurdes.<br />

Aucun investisseur ne voudrait attendre un retour sur investissement aussi long.<br />

Mesure 3 Nous souhaitons raccourcir les <strong>du</strong>rées de protection à quelque chose de raisonnable à <strong>la</strong> fois<br />

<strong>du</strong> point de vue de <strong>la</strong> société et des investisseurs, et nous proposons 20 années à partir de <strong>la</strong> publication.<br />

Nous souhaitons <strong>la</strong> même période de protection pour tous les types de création.<br />

2.3.1 À pro<strong>du</strong>ctions différentes, <strong>du</strong>rées différentes ?<br />

Ne serait-il pas judicieux d’avoir des <strong>du</strong>rées de protection différentes pour les différents types de<br />

création ? Vingt années de protection pour un programme informatique a certainement différentes<br />

implications que vingt années pour un morceau de musique ou un film. Ne serait-il pas mieux d’adapter<br />

les <strong>du</strong>rées de protection selon ce qui est raisonnable pour chaque type de création ?


C’est en fait ce que je (Christian Engström) pensais moi-même, jusqu’à ce que j’en discute avec un ami<br />

qui était complètement d’accord. Lorsque l’on a commencé à discuter, nous étions tous les deux d’accord<br />

qu’il serait raisonnable d’avoir des <strong>du</strong>rées de protections différentes puisque les marchés fonctionnent<br />

différemment suivant les secteurs.<br />

Moi, qui ait une formation de développeur, je pensais qu’il était assez raisonnable d’avoir une protection<br />

plus longue pour les programmes informatiques, puisque assez souvent ils continuent d’être utilisés<br />

longtemps après avoir été écrits. Du code que j’ai écrit dans les années 84-86 tourne encore en<br />

pro<strong>du</strong>ction aujourd’hui, et continue de générer des profits pour ces compagnies. C’est différent d’une<br />

chanson de « pop », qui au mieux est popu<strong>la</strong>ire <strong>du</strong>rant une année, avant de tomber dans l’oubli. C’était<br />

mon ressenti.<br />

Mais mon ami, qui a une formation de musicien (mais qui est maintenant un juriste spécialiste <strong>du</strong> <strong>droit</strong><br />

d’auteur, puisqu’il est plus facile d’en vivre), avait une opinion complètement opposée. Il voyait les<br />

programmes informatiques comme quelque chose que l’on met à jour au moins tous les 2-3 ans. Les<br />

logiciels plus anciens n’ayant plus de valeur commerciale, il devait être suffisant de les protéger pour une<br />

<strong>du</strong>rée assez courte. La musique par contre, très souvent existe pour toujours, donc <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de protection<br />

pour <strong>la</strong> musique devrait être bien plus longue. C’était son ressenti.<br />

2.3.2 Rares sont les œuvres qui traversent les siècles<br />

Voilà comment ça ce passe normalement, m’a dit mon ami qui avait eu des discussions simi<strong>la</strong>ires avec<br />

d’autres personnes. Pour le type de création qui est le plus proche de ta sensibilité, tu trouves raisonnable<br />

qu’il bénéficie d’une protection plus longue que tous les autres. C’est de cette façon que <strong>la</strong> plupart des<br />

gens réagissent apparemment.<br />

Pour cette raison, nous ne serions probablement pas d’accord sur les types de créations qui devraient<br />

bénéficier d’une <strong>du</strong>rée de protection plus courte ou plus longue.<br />

Dans ce genre de discussions, pour lesquelles vous essayez de tomber d’accord sur une <strong>du</strong>rée limite de x<br />

années, c’est dans <strong>la</strong> nature des choses que toutes les suggestions pour <strong>la</strong> valeur de x tendent à être<br />

quelque peu arbitraires et tombées <strong>du</strong> ciel. Devoir définir des valeurs semi-arbitraires pour chaque<br />

catégorie de pro<strong>du</strong>ction est encore plus compliqué, et ce<strong>la</strong> ré<strong>du</strong>it les chances de trouver une solution que<br />

l’on peut défendre de façon objective.<br />

2.3.3 Une <strong>du</strong>rée rationnelle pour un investisseur<br />

Si vous regardez <strong>la</strong> question <strong>du</strong> point de vue d’un investisseur, les choses deviennent différentes.<br />

L’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique à beau être très différente <strong>du</strong> secteur logiciel, ils ont quelque chose en<br />

commun. L’argent c’est de l’argent, quelque soit le secteur dans lequel vous choisissez d’investir.<br />

Lorsqu’un investisseur prend <strong>la</strong> décision d’investir dans un projet, quelle que soit l’in<strong>du</strong>strie – ce<strong>la</strong> peut<br />

être <strong>la</strong> musique, le cinéma, le logiciel grand public, ou tout autre chose – cet investisseur établira sa<br />

stratégie avec une limite de temps pour obtenir un retour sur investissement. Si le projet se développe<br />

selon les prévisions, il est supposé couvrir ses coûts et dégager des bénéfices dans les x années. Si tel<br />

n’est pas le cas, c’est un échec.<br />

X est toujours petit dans ce genre de prévisions. Que quelqu’un établisse une stratégie de développement<br />

concernant un projet culturel dont le dé<strong>la</strong>i de retour sur investissement est supérieur à trois ans, est<br />

hautement improbable. Les personnes qui construisent des ponts, des réacteurs nucléaires et autres<br />

infrastructures, effectuent évidemment des investissements à plus long terme, mais en dehors de ces<br />

in<strong>du</strong>stries, les stratégies de développement de plus de trois ans ne sont vraiment pas courantes en<br />

général.<br />

C’est encore plus vrai dans le domaine de <strong>la</strong> culture. Qui peut prédire ce qui sera à <strong>la</strong> mode dans deux ou<br />

trois ans, dans un paysage aussi changeant que celui de <strong>la</strong> culture ? On attend de <strong>la</strong> plupart des projets


culturels qu’ils s’autofinancent et génèrent des bénéfices dans l’année.<br />

En considérant les <strong>du</strong>rées de protections <strong>du</strong> point de vue d’un investisseur, on peut justifier le fait d’avoir<br />

les mêmes <strong>du</strong>rées pour toutes les créations. Le but de l’exploitation exclusive <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est<br />

d’attirer les investisseurs vers le marché de <strong>la</strong> culture. Et les investisseurs pensent <strong>la</strong> même chose sans<br />

tenir compte de ce dans quoi ils sont en train d’investir.<br />

Un projet doit s’autofinancer et dégager des bénéfices dans l’année ou les suivantes, autrement c’est un<br />

échec. La faible probabilité que le projet que vous avez financé se révèle indémodable et continue de<br />

générer des profits pendant des décennies est une chance pour l’investisseur, mais ça n’a pas sa p<strong>la</strong>ce<br />

dans un projet de développement sérieux.<br />

2.3.4 Pourquoi pas moins ?<br />

Notre proposition d’une <strong>du</strong>rée de protection de 20 années est un compromis pragmatique. Même s’il y a<br />

des arguments recevables pour lesquels 5 années ou même moins seraient suffisants <strong>du</strong> point de vue de<br />

<strong>la</strong> société, beaucoup de gens pensent encore instinctivement que 5 années seraient trop courtes, au moins<br />

dans certains cas.<br />

Et plutôt que de s’enliser dans des disputes non pro<strong>du</strong>ctives à propos de ce qui restera toujours, au<br />

moins pour partie, des chiffres arbitraires, nous choisissons 20 ans.<br />

L’important c’est de se débarrasser des <strong>du</strong>rées de protection actuelles d’une vie ou plus. Ces longues<br />

périodes sont c<strong>la</strong>irement néfastes pour <strong>la</strong> société, puisqu’elles gardent <strong>la</strong> plupart de notre héritage culturel<br />

commun bloqué même longtemps après que <strong>la</strong> majorité des pro<strong>du</strong>ctions aient per<strong>du</strong> toute valeur<br />

commerciale pour les ayants-<strong>droit</strong>s. C’est une perte sèche économiquement par<strong>la</strong>nt, et un scandale<br />

culturellement par<strong>la</strong>nt.<br />

Si les <strong>du</strong>rées de protections étaient ré<strong>du</strong>ites à 20 ans, ce<strong>la</strong> résoudrait <strong>la</strong> plupart des problèmes « <strong>du</strong> trou<br />

noir <strong>du</strong> 20 e siècle », et permettrait aux bibliothécaires et archivistes de commencer l’urgente tâche de<br />

préservation des créations <strong>du</strong> 20 e siècle qui se dégradent dans les archives, en les numérisant. Cinq ou<br />

dix ans seraient plus appropriés pour favoriser l’archivage, mais 20 ans devraient convenir.<br />

Dans le même temps, 20 ans est encore suffisant pour nourrir le rêve p<strong>la</strong>isant (mais hautement<br />

improbable) de créer un succès majeur indémodable qui génère des revenus <strong>du</strong>rant des décennies. Si<br />

votre prochain projet trouve le bon filon et vous propulse soudainement sous les feux des projecteurs<br />

pour longtemps tel Paul Mc Cartney ou ABBA, 20 ans devraient être plus que suffisants pour que vous<br />

deveniez très riche, et que vous n’ayez plus jamais jamais à vous soucier d’argent.<br />

2.4 Enregistrement après 5 ans<br />

Les œuvres orphelines sont un vrai problème. Bien souvent il est difficile de localiser le propriétaire<br />

d’une œuvre mais celui-ci se manifeste quand l’œuvre dérivée est publiée. De plus, <strong>la</strong> majorité des<br />

œuvres orphelines ont peu ou aucune valeur commerciale, mais il est quand même impossible de les<br />

diffuser sans risquer des poursuites.<br />

Mesure 4 La protection <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur devrait être accordée automatiquement dès <strong>la</strong> publication<br />

comme aujourd’hui, mais si les propriétaires veulent continuer à jouir de leurs <strong>droit</strong>s après les cinq<br />

premières années de publication, ils devraient se manifester de sorte qu’ils soient facilement trouvables.<br />

2.4.1 Le problème des œuvres orphelines<br />

Une œuvre orpheline est une œuvre encore protégée par le <strong>droit</strong> d’auteur, mais pour <strong>la</strong>quelle le détenteur<br />

des <strong>droit</strong>s n’est pas connu ou ne peut être retrouvé. Ce<strong>la</strong> peut être un livre, une chanson, un film, une<br />

photo ou tout autre création qui tombe sous le coup de <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion re<strong>la</strong>tive au <strong>droit</strong> d’auteur.


Les œuvres orphelines représentent un important problème pour quiconque souhaite les utiliser. Si vous<br />

le faites sans en avoir obtenu <strong>la</strong> permission, vous courez le risque que le détenteur des <strong>droit</strong>s s’en<br />

souvienne soudainement, vous intente un procès et vous réc<strong>la</strong>me beaucoup d’argent. Comme nous le<br />

savons tous, les tribunaux peuvent être assez enclins à attribuer des réparations même pour des vio<strong>la</strong>tions<br />

mineures de <strong>droit</strong>s d’auteur, et à condamner à des sommes astronomiques. Dans <strong>la</strong> plupart des cas, le<br />

risque n’est tout simplement pas acceptable.<br />

Puisqu’il n’y a pas de détenteur de <strong>droit</strong>s à qui s’adresser pour demander une licence, vous ne pouvez<br />

rien faire. Peu importe combien vous trouvez important de partager cette œuvre avec le reste <strong>du</strong> monde,<br />

il n’y a aucun moyen de le faire sans enfreindre <strong>la</strong> loi et sans vous exposer à un grand risque financier.<br />

Les œuvres orphelines sont de fait bloquées par le <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

2.4.2 est gigantesque<br />

Ce n’est pas un problème marginal. Une grande partie de notre héritage culturel commun <strong>du</strong> 20 e siècle<br />

tombe dans cette catégorie. Environ 75% des livres que Google souhaite numériser dans le cadre de leur<br />

« Google Books initiative » sont épuisés, mais toujours sous <strong>droit</strong>s d’auteur.<br />

Même s’il est théoriquement possible de retrouver le détenteur des <strong>droit</strong>s pour beaucoup de ces livres en<br />

entreprenant une investigation pour chaque cas indivi<strong>du</strong>el, ce<strong>la</strong> devient en pratique infaisable lorsque<br />

vous voulez numériser en masse.<br />

Google Books n’est pas le seul projet qui numérise des œuvres et les rend disponibles, même si c’est<br />

celui qui a attiré le plus d’attention dernièrement. Il y a un projet européen appelé Europeana 4 avec un<br />

objectif simi<strong>la</strong>ire, ainsi que l’initiative ouverte <strong>du</strong> Projet Gutenberg 5 . Tous ces projets sont freinés par le<br />

problème des œuvres orphelines (ou semi orphelines).<br />

Si nous n’agissons pas, une grande part de notre héritage culturel commun <strong>du</strong> 20 e siècle risque de se<br />

retrouver per<strong>du</strong>e avant qu’il ne soit légal de <strong>la</strong> sauver pour <strong>la</strong> postérité.<br />

2.4.3 et ne sera pas résolu de sitôt par une ré<strong>du</strong>ction de <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de protection<br />

Ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de protection <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur à 20 ans résoudrait <strong>la</strong> plupart de ces problèmes, mais<br />

pour des raisons légales techniques, ce<strong>la</strong> n’arrivera pas de sitôt. Afin de ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de pro<strong>du</strong>ction,<br />

nous devrons renégocier un certain nombre de traités internationaux re<strong>la</strong>tifs au <strong>droit</strong> d’auteur, tels que <strong>la</strong><br />

Convention de Berne.<br />

Bien que ce<strong>la</strong> représente une tâche difficile, l’Europe possède le pouvoir politique et économique pour le<br />

faire une fois <strong>la</strong> volonté politique acquise. Mais ce<strong>la</strong> prendra <strong>du</strong> temps, même dans le meilleur des cas.<br />

Nous avons besoin de quelque chose qui puisse être instauré plus rapidement.<br />

2.4.4 mais par cette proposition, facile et gagnant-gagnant.<br />

Nous proposons que le <strong>droit</strong> d’auteur (y compris le monopole sur l’exploitation commercial et <strong>la</strong><br />

distribution) soit garanti automatiquement sans enregistrement lorsqu’une œuvre est publiée, de <strong>la</strong> même<br />

façon qu’aujourd’hui. Mais si un détenteur de <strong>droit</strong>s souhaite bénéficier de ce monopole commercial<br />

pendant plus de cinq ans, il devrait lui être demandé d’enregistrer l’œuvre après que les cinq premières<br />

années se soit écoulées.<br />

Les ayants-<strong>droit</strong>s qui n’auraient pas choisi d’enregistrer leur prétention sur une œuvre publiée il y a plus<br />

de 5 ans conserveraient leur <strong>droit</strong> d’auteur comme tel, mais seraient considérés comme ayant abandonné<br />

leurs <strong>droit</strong>s sur le monopole commercial.<br />

D’un point de vue légal c’est parfaitement compatible avec <strong>la</strong> Convention de Berne, puisque ce<strong>la</strong> n’altère<br />

pas l’existence <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, mais ajoute simplement une condition raisonnable et justifiée pour pouvoir


exercer ce <strong>droit</strong>.<br />

Tout ce que nous disons c’est que si vous désirez une rémunération pour l’usage d’une œuvre plus<br />

vieille que 5 ans, vous devez faire savoir auprès d’une base de données publique comment vous<br />

contacter et où vous faire parvenir l’argent. Ce n’est pas une demande déraisonnable.<br />

Dans le même temps, l’existence de bases de données publiques, dans lesquelles les détenteurs des <strong>droit</strong>s<br />

en questions peuvent facilement être retrouvés par tous ceux intéressés par l’obtention d’une licence<br />

commerciale d’une œuvre, sera bien évidemment bénéfique aux détenteurs de <strong>droit</strong>s. Si vous voulez<br />

vendre quelque chose, rendre votre identité connue de potentiels acheteurs est bien sûr dans votre propre<br />

intérêt.<br />

L’enregistrement après 5 années est une proposition gagnant-gagnant qui peut être instaurée rapidement<br />

et facilement.<br />

2.5 Utilisation gratuite d’extraits<br />

La légis<strong>la</strong>tion très restrictive d’aujourd’hui est un obstacle majeur pour les musiciens et cinématographes.<br />

Mesure 5 Nous voulons changer <strong>la</strong> situation en intro<strong>du</strong>isant des exceptions c<strong>la</strong>ires de <strong>droit</strong> au remix<br />

ou à <strong>la</strong> parodie, de même que de <strong>droit</strong>s de citation pour les matériaux audiovisuels qui se calquent sur <strong>la</strong><br />

légis<strong>la</strong>tion existante pour les textes.<br />

Dans sa description <strong>du</strong> documentaire « Copyright Criminals », <strong>la</strong> chaîne de télévision américaine PBS<br />

écrit 6 :<br />

Bien avant que les gens ne commencent à poster leurs propres vidéos de compi<strong>la</strong>tion sur <strong>la</strong><br />

toile, les musiciens hip-hop perfectionnèrent l’art <strong>du</strong> montage audio grâce au sample . Le<br />

sample – ou riff – est aussi vieux que <strong>la</strong> musique elle-même, mais les nouvelles technologies<br />

développées dans les années 80 et 90 rendirent plus simple <strong>la</strong> réutilisation d’enregistrements<br />

audio existants. Des groupes comme Public Enemy, De La Soul et les Beastie Boys créèrent des<br />

jeux complexes de rythmes, références et d’enchevêtrement des originaux et de sons ad-hoc.<br />

Mais au début des années 1990, le sampling s’est heurté à <strong>la</strong> loi. Lorsque les avocats de<br />

l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> disque s’en sont mêlés, ce qui était autrefois appelé « mélodie empruntée » devint<br />

une vio<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

Copyright Criminals étudie <strong>la</strong> valeur créative et commerciale <strong>du</strong> sample, y compris les débats<br />

liés à propos de l’expression artistique, <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur et de l’argent.<br />

Le film présente plusieurs figures fondatrices de <strong>la</strong> musique hip-hop telles que Public Enemy,<br />

De La Soul et Digital Underground, mais aussi des artistes émergeant comme les « remixeurs »<br />

audiovisuels Eclectic Method.<br />

Il apporte aussi les premiers entretiens avec des artistes qui ont été samplés, tels que Clyde<br />

Stubblefield – le batteur de James Brown et le musicien le plus samplé <strong>du</strong> monde – ainsi qu’un<br />

commentaire d’un autre musicien grandement samplé, <strong>la</strong> légende funk George Clinton.<br />

Les ordinateurs, les téléphones mobiles et autres technologies interactives sont en train de<br />

modifier notre re<strong>la</strong>tion avec les médias, rendant floue <strong>la</strong> limite entre pro<strong>du</strong>cteur et<br />

consommateur et changeant radicalement <strong>la</strong> notion de créativité. Les artistes trouvent des<br />

façons plus inventives d’incorporer d’anciennes influences dans de nouvelles créations,<br />

Copyright Criminals pose <strong>la</strong> question: Peut on être propriétaire d’un son ?<br />

Aujourd’hui, <strong>la</strong> réponse à cette dernière question est malheureusement oui. Les majors revendiquent <strong>la</strong><br />

propriété sur des sons indivi<strong>du</strong>els et de très courts extraits. Si vous êtes un musicien hip-hop, attendez<br />

vous à payer des centaines de milliers d’euros par avance pour avoir le <strong>droit</strong> d’utiliser des samples si


vous souhaitez toujours rendre votre musique accessible au public.<br />

C’est c<strong>la</strong>irement une restriction <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de créer de nouvelles cultures.<br />

Les réalisateurs et autres artistes, qui souhaitent créer de nouvelles œuvres en réutilisant des parties<br />

d’œuvres préexistantes, font face au même problème.<br />

Nous souhaitons modifier ce<strong>la</strong> en intro<strong>du</strong>isant des exceptions et limitations afin de permettre le remix et<br />

les parodies, ainsi que le <strong>droit</strong> de citation pour le son et l’audiovisuel, calqué sur le <strong>droit</strong> de citation déjà<br />

existant pour le texte.<br />

2.6 Bannissement des MTP (ou DRM)<br />

À côté de <strong>la</strong> rue de<br />

l’avarice et de celle <strong>du</strong> monopole anti-concurrentiel. Photo de Josh Bonnain sous CC-BY 7<br />

Les MTP ou Mesures Techniques de Protection 8 , plus connues sous le sigle ang<strong>la</strong>is DRM pour Digital<br />

Rights Management, visent à restreindre les usages possibles des consommateurs d’œuvres «achetées»<br />

légalement et sur lesquelles ils devraient donc pouvoir exercer tous leurs <strong>droit</strong>s.<br />

Mesure 6 Il devrait être systématiquement légal de passer outre les MTP et nous devrions bannir les<br />

MTP qui empêchent des usages légaux. Les grandes multinationales ne devraient pas avoir le <strong>droit</strong><br />

d’écrire leurs propres lois d’utilisation des fichiers.<br />

L’objectif de notre proposition pour <strong>la</strong> <strong>réforme</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est d’obtenir une légis<strong>la</strong>tion équilibrée<br />

qui bénéficie à <strong>la</strong> société toute entière, y compris les consommateurs. Car avoir le <strong>droit</strong> de faire quelque<br />

chose selon <strong>la</strong> loi n’a que peu de valeur en soi, si vous n’avez pas les moyens pratiques de le faire.<br />

Dans son livre Culture Libre, le professeur de <strong>droit</strong> Lawrence Lessig donne l’exemple d’un livre


numérique publié par Adobe. Le livre était Alice au Pays des Merveilles. Il a été publié <strong>la</strong> première fois<br />

en 1865, et son copyright a expiré depuis longtemps. Puisqu’il n’est plus sous copyright, chacun peut<br />

faire ce qu’il veut <strong>du</strong> texte de Lewis Carroll.<br />

Mais dans ce cas, Adobe a décidé de régler les verrous DRM de telle sorte que vous ne pouviez pas en<br />

extraire une copie, ni l’imprimer, ni le louer, et encore moins le donner à un ami.<br />

Les aveugles et malvoyants qui ont besoin de convertir les livres numériques dans des formats audio qui<br />

leurs soient accessibles sont souvent entravés par les verrous DRM. Même s’ils ont légalement le <strong>droit</strong><br />

de changer de format, les verrous les en empêchent en pratique.<br />

Un autre exemple est le zonage régional sur les DVDs qui vous empêche de regarder des films que vous<br />

avez légalement le <strong>droit</strong> de regarder, si vous les achetez dans une autre zone que celle où vous avez<br />

acheté votre lecteur.<br />

Voilà des actions que vous avez tout à fait le <strong>droit</strong> de faire. Mais que vous ne ferez pas si une<br />

compagnie décide de mettre des verrous numériques sur leurs pro<strong>du</strong>its pour vous en empêcher<br />

techniquement.<br />

Il n’y a pas que <strong>la</strong> restriction technique qui vous rendra <strong>la</strong> vie difficile. La loi actuelle telle qu’elle est<br />

écrite rend même illégal d’essayer de faire sauter ces verrous (sauf parfois, comme en France, à des fins<br />

d’interopérabilité, voir <strong>la</strong> loi DADVSI 9 ).<br />

Tout ce<strong>la</strong> n’est c<strong>la</strong>irement pas raisonnable. Ce devrait toujours être légal de contourner des verrous<br />

numériques, et nous devrions considérer l’intro<strong>du</strong>ction d’une mise au ban légale de tout système<br />

technique qui empêche les consommateurs de faire ce qui est légalement en leur <strong>droit</strong>.<br />

Puisqu’il existe des exceptions et des limitations au <strong>droit</strong> d’auteur comme celui de faire des copies<br />

privées (à tout le moins c’est vrai pour le fair use aux États-Unis 10 , et pour l’exception de copie privée 11<br />

en Europe), cette définition couvre tous les systèmes que l’on pourrait normalement considérer comme<br />

étant des DRM.<br />

Il n’y a aucun intérêt à ce que nos parlements intro<strong>du</strong>isent une légis<strong>la</strong>tion équilibrée et raisonnable sur le<br />

<strong>droit</strong> d’auteur si en même temps nous permettons aux multinationales d’écrire leurs propres lois et<br />

d’obliger à leur respect par des moyens techniques.<br />

2.7 Et après ?<br />

Ces propositions sont pour l’essentiel issues de celles <strong>du</strong> PiratePartiet suédois et de <strong>la</strong> position sur le<br />

<strong>droit</strong> des Verts et de l’Alliance Libre Européenne au Parlement européen, adoptées en septembre 2011.<br />

Elles s’inscrivent dans <strong>la</strong> <strong>droit</strong>e ligne des propositions de Lawrence Lessig dans Culture Libre 12 ou de<br />

Yochai Benkler dans La richesse des réseaux 13 . Elles ont été discutées par des universitaires et <strong>la</strong><br />

communauté des internautes depuis plus de 10 ans.<br />

La première question qui surgit toujours dans les discussions est :<br />

« Et comment allons-nous payer les artistes si nous rendons le partage légal ? »<br />

Exactement par<strong>la</strong>nt, répondre au comment de <strong>la</strong> chose n’est pas notre travail comme politiques. C’est le<br />

travail des entrepreneurs, dans l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> culture comme dans toute autre. Mais nous sommes<br />

certains que le secteur de <strong>la</strong> culture s’en sortira dans l’ensemble, puisque une décennie de partage illégal<br />

ne l’a pas abattu. Il n’y a pas de conflit entre le partage de fichier et l’émergence de nouvelles<br />

pro<strong>du</strong>ctions culturelles, c’est même le contraire. Notre proposition nous paraît être <strong>la</strong> meilleure possible<br />

pour les artistes, que ce soit pour leur travail ou pour les retombées économiques de celui-ci.


2.8 Un choix de société<br />

La question est plus <strong>la</strong>rge que celle des revenus des artistes. Il s’agit d’un choix de société.<br />

Inter<strong>net</strong> est <strong>la</strong> meilleure chose qui soit arrivée à l’humanité depuis l’invention de <strong>la</strong> presse, et de loin.<br />

The Pirate Bay, Wikipédia et le printemps arabe ont montré que les popu<strong>la</strong>tions utilisent Inter<strong>net</strong> pour<br />

diffuser leurs cultures, leurs connaissances, leurs revendications politiques. Nous n’en sommes qu’au<br />

début.<br />

Mais pour le moment, alors que les opportunités sont fantastiques, le <strong>droit</strong> d’auteur se met en travers de<br />

<strong>la</strong> voie <strong>du</strong> progrès, de l’innovation et de <strong>la</strong> créativité, et menace les <strong>droit</strong>s fondamentaux, à l’inclusion de<br />

ceux au secret de <strong>la</strong> correspondance, à un juste procès et à <strong>la</strong> proportionnalité des peines.<br />

Nous avons besoin de changer <strong>la</strong> direction que prend <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur le <strong>droit</strong> d’auteur pour protéger nos<br />

<strong>droit</strong>s fondamentaux. Aucun modèle économique ne vaut mieux que nos <strong>droit</strong>s civiques.<br />

Il est urgent de <strong>réforme</strong>r le <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

9<br />

10<br />

11<br />

12<br />

13<br />

http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/berne/trtdocs_wo001.html<br />

http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/wct/trtdocs_wo033.html<br />

http://creativecommons.org/licenses/by-nc/3.0/fr/<br />

http://www.europeana.eu/portal/<br />

http://www.gutenberg.org/wiki/FR_Principal<br />

http://www.pbs.org/independentlens/copyright-criminals/film.html<br />

http://www.flickr.com/photos/jbonnain/523672080/<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestion_des_<strong>droit</strong>s_num\%C3\%A9riques<br />

http://fr.jurispedia.org/index.php/Mesure_technique_de_protection_(fr) en 2.3<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fair_use<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Copie_priv\%C3\%A9e<br />

http://datarun.fsa.u<strong>la</strong>val.ca/fileadmin/loli_H_2011/Culture_Libre-<br />

Lawrence_Lessig.pdf<br />

http://presses.univ-lyon2.fr/pro<strong>du</strong>it.php?id_pro<strong>du</strong>it=811<br />

Chapitre 3 Petite histoire commentée des <strong>droit</strong>s<br />

d’auteur et de copie<br />

3.1 15 e siècle : L’invention de l’imprimerie met fin aux moinescopistes<br />

3.1.1 Le prix <strong>du</strong> livre


Commençons avec <strong>la</strong> Peste Noire dans les années 1350 en Europe. L’Europe fut <strong>du</strong>rement touchée,<br />

comme le reste. Elle mit 150 ans pour s’en remettre. Les gens fuyaient l’Empire Byzantin et amenaient<br />

en Europe <strong>la</strong> peste.<br />

Les institutions religieuses furent les plus lentes à récupérer. Elles ne furent pas frappées <strong>du</strong>rement<br />

seulement parce que les moines vivaient dans des environnements confinés, mais aussi parce qu’ils ne se<br />

repro<strong>du</strong>isaient pas eux-mêmes, et que les parents manquaient à présent de main d’œuvre.<br />

À l’époque, si vous vouliez un livre, il fal<strong>la</strong>it le demander à un moine. Qui le recopierait à <strong>la</strong> main.<br />

Aucune copie n’était parfaite. Les moines corrigeaient des fautes tout en intro<strong>du</strong>isant d’autres.<br />

Seuls certains livres étaient publiés. Non seulement parce que le prix des matières premières était<br />

exorbitant (170 peaux de veau ou 300 de mouton) mais aussi parce que l’Église n’admettait pas les livres<br />

contrariant sa doctrine.<br />

En 1450, les monastères n’étaient toujours pas repeuplés, et copier un livre coûtait très cher, à cause des<br />

matières premières et <strong>du</strong> manque de main d’œuvre.<br />

En 1451, Gutenberg parfit <strong>la</strong> presse à imprimer, avec des caractères en métal amovible, une impression à<br />

base d’encre grasse et de blocs en bois. En même temps, un nouveau type de papier bon marché à<br />

fabriquer et résistant est copié des Chinois. Dans les décennies suivantes, les moines-scribes furent<br />

ren<strong>du</strong>s obsolètes.<br />

L’invention de <strong>la</strong> presse a révolutionné <strong>la</strong> société en permettant de transmettre rapidement, facilement et<br />

efficacement l’information.<br />

3.1.2 L’Église perd le contrôle de l’information<br />

L’Église catholique, qui contrô<strong>la</strong>it auparavant totalement <strong>la</strong> diffusion de l’information, et avait fait un<br />

marché de niche de cette rareté de l’information, éructa. Elle ne contrô<strong>la</strong>it plus l’information ni les<br />

esprits, et fit pression sur les rois pour bannir cette technologie.<br />

De nombreux arguments furent inventés à l’occasion, pour rétablir l’ancien régime. L’un d’entre eux<br />

était<br />

« Comment paierons-nous les moines-copistes ? »<br />

Finalement, l’Église catholique ne réussit pas à empêcher <strong>la</strong> propagation de l’imprimerie, <strong>la</strong>issant <strong>la</strong> voie<br />

libre à <strong>la</strong> Renaissance et au protestantisme, mais beaucoup de sang coulât pour empêcher <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<br />

rapide et efficace des idées, de <strong>la</strong> culture et de <strong>la</strong> connaissance.<br />

L’aboutissement des efforts de l’Église peut être marqué par <strong>la</strong> parution d’une loi en France le 13 janvier<br />

1535 qui ordonnait <strong>la</strong> fermeture de toutes les librairies et condamnait à mort par pendaison quiconque<br />

utilisait une imprimerie.<br />

Cette loi fut <strong>la</strong>rgement inefficace. Les frontières <strong>du</strong> pays fourmillèrent de librairies et <strong>la</strong> littérature pirate<br />

se répandit en France via des contrebandiers ravitail<strong>la</strong>nt les gens normaux en quête de nouvelles choses à<br />

lire.<br />

3.2 17 e siècle : Marie <strong>la</strong> Sanguinaire censure grâce au <strong>droit</strong> de<br />

copie<br />

3.2.1 Une bâtarde répudiée<br />

Le 23 mai 1533, <strong>la</strong> fille de 17 ans qui serait Marie 1d’Angleterre fut officiellement déc<strong>la</strong>rée bâtarde par


un archevêque protestant. Sa mère, Catherine, qui était catholique et une protégée <strong>du</strong> Pape, avait été mise<br />

à <strong>la</strong> porte par son père Henri, qui s’était converti au protestantisme pour se débarrasser d’elle. Marie<br />

tenterait de redresser cette injustice toute sa vie.<br />

Le roi Henri VIII vou<strong>la</strong>it un fils pour lui léguer le trône d’Angleterre, mais son mariage n’avait pas<br />

réussi. Sa femme, Catherine d’Aragon, ne lui avait donné qu’une fille. Pire, le Pape ne vou<strong>la</strong>it pas le<br />

<strong>la</strong>isser divorcer.<br />

La solution d’Henri fut assez radicale, mais innovante. Il convertit toute l’Angleterre au protestantisme et<br />

fonda l’Église d’Angleterre afin de renier le Pape. Il fit déc<strong>la</strong>rer son mariage nul le 23 mai 1533 puis se<br />

maria à plusieurs femmes par <strong>la</strong> suite. Il eut une deuxième fille avec sa seconde femme, puis enfin un<br />

garçon avec <strong>la</strong> troisième. La demi-sœur et le demi-frère de Marie étaient protestants.<br />

Édouard succéda à Henri VIII en 1547, à neuf ans. Il mourut avant d’atteindre l’âge a<strong>du</strong>lte. Marie était<br />

deuxième dans l’ordre de succession, même si elle était une bâtarde. Elle devint donc reine en 1553.<br />

Elle n’avait pas parlé à son père pendant des années. Elle voulut rendre l’Angleterre au catholicisme. Elle<br />

persécuta sans relâche les protestants, en en exécutant publiquement des centaines, et s’acquit le surnom<br />

de Marie <strong>la</strong> Sanguinaire.<br />

3.2.2 Rétablissement <strong>du</strong> catholicisme<br />

Marie Tudor partageait les préoccupations de l’Église catholique à propos de <strong>la</strong> presse. Que le grand<br />

public puisse faire rapidement circuler l’information était dangereux pour le rétablissement <strong>du</strong><br />

catholicisme, à cause de l’existence de textes hérétiques. Vu que <strong>la</strong> France avait misérablement échoué à<br />

bannir l’imprimerie, même en menaçant les contrevenants de pendaison, elle chercha une autre solution.<br />

Une qui serait aussi autant bénéfique pour l’in<strong>du</strong>strie de l’imprimerie que pour elle.<br />

Elle accorda un monopole à <strong>la</strong> corporation des imprimeurs de Londres en échange <strong>du</strong> contrôle des<br />

ouvrages imprimés. Ce fut un accord très lucratif pour <strong>la</strong> corporation, qui travail<strong>la</strong> <strong>du</strong>r pour maintenir le<br />

monopole en p<strong>la</strong>ce.<br />

Cette coopération des pouvoirs corporatistes et gouvernementaux fut très efficace pour ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> liberté<br />

d’expression et étouffer les dissensions politico-religieuses. Aussi longtemps que rien de politiquement<br />

dérangeant ne circu<strong>la</strong>it, tous les divertissements étaient autorisés. L’accord était gagnant-gagnant.<br />

Le monopole fut accordé le 4 mai 1557 à <strong>la</strong> Compagnie londonienne des Libraires. Il fut appelé copyright<br />

(<strong>droit</strong> de copie en français).<br />

Les Libraires travail<strong>la</strong>it comme un bureau de censure privée, en brû<strong>la</strong>nt les livres interdits, en détruisant<br />

les presses c<strong>la</strong>ndestines et en empêchant <strong>la</strong> diffusion de tous les textes politiquement incorrects. Peu<br />

d’affaires remontaient à <strong>la</strong> Reine. Après quelques consultations, les censeurs savaient ce qu’il fal<strong>la</strong>it<br />

censurer.<br />

Marie Tudor mourut en 1558. Sa sœur protestante Élisabeth lui succéda. La tentative de restauration <strong>du</strong><br />

catholicisme par Marie échoua, mais l’invention <strong>du</strong> copyright lui survécut.<br />

3.2.3 Le <strong>droit</strong> de copie se maintient grâce aux éditeurs<br />

À <strong>la</strong> mort de Marie, ni <strong>la</strong> Couronne ni <strong>la</strong> corporation ne désiraient abolir le copyright. L’accord <strong>du</strong>ra 138<br />

ans sans interruption. Élisabeth se servit de cet accord pour empêcher <strong>la</strong> propagation des matériaux<br />

catholiques.<br />

Pendant le 17 e siècle, le Parlement essaya de prendre progressivement le contrôle de <strong>la</strong> censure des<br />

mains de <strong>la</strong> Couronne.<br />

En 1641, il abolit dans <strong>la</strong> foulée <strong>du</strong> vote de l’Habeas Corpus l’infamante Chambre étoilée, véritable


tribunal d’inquisition qui jugeait les cas d’infractions à <strong>la</strong> censure. Ce<strong>la</strong> rendit ces infractions<br />

inoffensives, de même que <strong>la</strong> traversée en dehors des clous est tout à fait tolérée concrètement par<strong>la</strong>nt.<br />

Dès lors, <strong>la</strong> créativité en Grande-Bretagne fleurit.<br />

Malheureusement, ce n’était pas <strong>du</strong> tout ce que le Parlement avait prévu.<br />

En 1643, le monopole <strong>du</strong> copyright fut restauré par le Licensing Order of 1643 1 avec une subtilité<br />

supplémentaire. Tous les auteurs, imprimeurs et éditeurs devaient s’enregistrer auprès des Libraires pour<br />

demander une licence d’exercice et de publication pour chaque ouvrage. Les Libraires avaient de plus le<br />

<strong>droit</strong> de détruire les presses et les livres non autorisés, et d’infliger de sévères sanctions aux<br />

contrevenants.<br />

Accélérons un peu. Il y eut <strong>la</strong> Glorieuse Révolution en 1688, et <strong>la</strong> composition <strong>du</strong> Parlement changea<br />

radicalement. En faisaient désormais majoritairement partie des gens qui était <strong>du</strong> mauvais côté de <strong>la</strong><br />

censure et n’avait aucune envie de <strong>la</strong> voir continuer. Le monopole des Libraires fut abrogé en 1695.<br />

À partir de 1695, il n’y eut plus de copyright. La créativité fleurit de nouveau, et les historiens<br />

soutiennent que les documents publiés dans ce vent de liberté menèrent à <strong>la</strong> fondation des États-unis.<br />

Malheureusement, les Libraires étaient peu ravis d’avoir per<strong>du</strong> leur travail et leur monopole lucratif. Ils<br />

rassemblèrent leurs familles devant le Parlement en demandant <strong>la</strong> restauration de leur monopole.<br />

Le Parlement, qui venait juste d’abolir <strong>la</strong> censure, n’avait aucune envie de <strong>la</strong> restaurer. Les Libraires<br />

suggérèrent donc que les auteurs devraient « posséder » leurs travaux. Ainsi, ils faisaient d’une pierre<br />

trois coups.<br />

1. Le Parlement s’assurait qu’il n’y aurait pas de censure centralisée.<br />

2. Les éditeurs gardaient le monopole de leurs impressions, et les auteurs ne pouvaient publier sans<br />

eux.<br />

3. Le monopole entrait dans <strong>la</strong> Common Law, ce qui lui offrait des protections plus fortes que s’il<br />

faisait partie des lois purement jurisprudentielles.<br />

Le lobby des éditeurs obtint gain de cause, et le nouveau monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie parut en 1709, pour<br />

prendre effet au début 1710. Voilà <strong>la</strong> première grande victoire <strong>du</strong> lobby de l’édition.<br />

Dès lors, les Libraires continuèrent à détruire et brûler les travaux des autres presses pendant longtemps,<br />

même si légalement ils n’en avaient plus le <strong>droit</strong>. Ce<strong>la</strong> <strong>du</strong>ra jusqu’au jugement Entick vs. Carrington 2 en<br />

1765, qui concernait un de ces raids contre les auteurs « non licenciés » (c’est-à-dire non désirés). Les<br />

juges décidèrent que <strong>la</strong> poursuite des presses et auteurs illégaux était <strong>du</strong> ressort de l’État, non des<br />

Libraires.<br />

Ce qu’il faut retenir ici est que le copyright n’a jamais été inventé pour profiter aux auteurs. Ce sont des<br />

justifications a posteriori. Le copyright bénéficiait avant tout aux censeurs, aux éditeurs et aux<br />

imprimeurs. Personne ne défendit que le copyright était essentiel à l’écriture.<br />

Rien de nouveau sous le soleil donc. Les toutes premières fondations de <strong>la</strong> démocratie en Europe de<br />

l’Ouest devaient déjà se battre contre les monopoles de l’édition.<br />

3.3 19 e siècle : De Jefferson à Hugo<br />

3.3.1 Le copyright américain sert le progrès de <strong>la</strong> science et des arts utiles<br />

Lire sans payer ? C’est <strong>du</strong> vol !<br />

Lorsque les États-Unis furent fondés, le concept de monopole sur les idées fut apporté dans le nouveau


monde, et intensément débattu. Thomas Jefferson s’opposa fermement à ce monstre 3 :<br />

Si <strong>la</strong> nature a ren<strong>du</strong> une chose moins susceptible que les autres de propriété exclusive, c’est<br />

l’action de penser appelée idée, qu’un indivi<strong>du</strong> peut posséder pour autant qu’il <strong>la</strong> garde pour<br />

lui-même, mais qui ne lui appartient plus dès qu’elle est divulguée aux autres, sans que les<br />

autres puissent s’en débarrasser. Ce trait tout à fait particulier des idées fait que l’on ne les<br />

possède pas moins si les autres les possèdent, parce que tous les possèdent entièrement.<br />

Instruire quelqu’un ne diminue pas mon instruction. Il est illuminé sans me faire pour autant de<br />

l’ombre. Que les idées devraient circuler librement d’un point à l’autre <strong>du</strong> globe, pour<br />

l’instruction morale mutuelle des hommes et pour l’amélioration de leur condition, semble avoir<br />

été volontairement conçu par <strong>la</strong> nature quand elle nous a ren<strong>du</strong> … incapable de les enfermer ou<br />

de nous les approprier.<br />

Un compromis fut cependant conclu. Les États-Unis ont été les premiers à considérer qu’il y avait une<br />

raison à l’existence <strong>du</strong> copyright et des brevets. Cette raison est très <strong>la</strong>pidaire dans <strong>la</strong> loi américaine :<br />

…pour promouvoir le progrès des sciences et des arts utiles… 4<br />

Il doit être noté que l’intention <strong>du</strong> monopole n’est pas qu’une profession gagne sa vie, comme celle des<br />

distributeurs ou des imprimeurs. Elle est exemp<strong>la</strong>ire dans sa c<strong>la</strong>rté : <strong>la</strong> seule justification <strong>du</strong> monopole est<br />

<strong>la</strong> maximisation de <strong>la</strong> culture et de <strong>la</strong> connaissance disponibles dans <strong>la</strong> société.<br />

Le copyright américain découle donc d’un équilibre entre l’accès <strong>du</strong> public à <strong>la</strong> culture et l’intérêt de ce<br />

même public à <strong>la</strong> création de <strong>la</strong> culture. C’est essentiel. Le public est <strong>la</strong> seule aune de l’intérêt <strong>du</strong><br />

copyright.<br />

Les détenteurs de monopole, bien que bénéficiant eux aussi <strong>du</strong> copyright, ne sont pas des intéressés<br />

légitimes, et n’ont pas leur mot à dire dans l’interprétation de <strong>la</strong> loi, de même qu’un régiment obéit mais<br />

ne dicte pas <strong>la</strong> politique de sécurité nationale.<br />

Ce point doit être souligné. Beaucoup croient que 5 <strong>la</strong> Constitution des États-Unis justifie l’existence d’un<br />

monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie pour que les artistes puissent gagner leur vie. Littéralement par<strong>la</strong>nt, là n’est<br />

pas <strong>la</strong> question ou l’intérêt <strong>du</strong> copyright.<br />

3.3.2 Invention des bibliothèques publiques en Angleterre<br />

Pendant ce temps au Royaume-Uni, les livres devenaient re<strong>la</strong>tivement chers à cause <strong>du</strong> copyright. Seuls<br />

les riches pouvaient collectionner les livres, et certains commencèrent à en louer à d’autres.<br />

Les éditeurs devinrent furieux en s’en rendant compte, et firent pression sur le Parlement pour rendre<br />

illégale <strong>la</strong> lecture d’un livre sans en avoir payé son propre exemp<strong>la</strong>ire. Ils essayèrent de rendre illégales<br />

les bibliothèques publiques avant même que celles-ci soient inventées.<br />

Mais le Parlement ne suivit pas leur avis, en voyant que <strong>la</strong> diffusion des livres était bénéfique pour le<br />

public. Pour le Parlement, le vrai problème était surtout que les riches pouvaient maintenant contrôler ce<br />

que les pauvres lisaient, et qui lisait. Il décida donc de créer des bibliothèques accessibles au public, à<br />

tous les publics.<br />

Les défenseurs <strong>du</strong> copyright fulminèrent en entendant l’idée.<br />

« Plus personne ne pourra vivre de ses écrits ! Plus personne n’écrira de livre ! Plus aucun livre<br />

ne se vendra ! »<br />

Cependant, le Parlement ang<strong>la</strong>is de l’époque fut bien plus avisé que ne le sont les parlementaires<br />

européens d’aujourd’hui, et prit le pétage de plomb des monopolistes <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie pour ce qu’il<br />

était. En 1849, une loi instituant l’existence de bibliothèques publiques fut passée, et <strong>la</strong> première<br />

bibliothèque ouvrit en 1850.


Bien sûr, depuis, aucun livre n’a plus été écrit. Ou alors, les tirades des monopolistes <strong>du</strong> copyright<br />

étaient injustifiées, et tout aussi fausses que leurs tirades actuelles.<br />

On peut même noter que, dans certains pays européens, depuis le début <strong>du</strong> 20 e siècle, certaines rentes<br />

versées aux auteurs et tra<strong>du</strong>cteurs sont indexées sur leur succès en bibliothèque.<br />

3.3.3 L’in<strong>du</strong>strialisation allemande dépasse l’ang<strong>la</strong>ise<br />

À <strong>la</strong> même période, le <strong>droit</strong> d’auteur ou le <strong>droit</strong> de copie n’existaient pas en Allemagne. Plusieurs<br />

historiens soutiennent que 6 c’est cette différence qui a expliqué que l’Allemagne a si rapidement rattrapé<br />

et dépassé in<strong>du</strong>striellement le Royaume Uni. La connaissance se répandait vite et bien. D’une certaine<br />

manière, le succès allemand prouvait que les vues de Jefferson ou <strong>du</strong> Parlement ang<strong>la</strong>is étaient correctes :<br />

le public a intérêt à <strong>la</strong> diffusion rapide de <strong>la</strong> culture.<br />

3.3.4 Les <strong>droit</strong>s moraux se répandent sur le continent<br />

À <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> 19 e siècle, les renforcements <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie exigés par les éditeurs avaient enterré les<br />

possibilités pour les créateurs de gagner leur vie grâce à leur travail. Basiquement, l’argent al<strong>la</strong>it aux<br />

distributeurs et aux éditeurs, et les créateurs vivotaient sans le sou (tout comme aujourd’hui).<br />

En France, une personne nommée Victor Hugo essaya d’équilibrer les règles <strong>du</strong> jeu en internationalisant<br />

une tradition française nommée <strong>droit</strong> d’auteur, et en l’incluant dans le <strong>droit</strong> de copie.<br />

Il essaya aussi d’internationaliser le <strong>droit</strong> de copie, même si l’époque était plutôt aux lois de<br />

libéralisation des marchés à travers l’Europe. À l’époque, les <strong>droit</strong>s restaient nationaux. Un écrivain<br />

français vendait son monopole à un éditeur français, mais les éditeurs allemands et ang<strong>la</strong>is faisaient ce<br />

qu’ils vou<strong>la</strong>ient de son œuvre.<br />

Curieusement, les monopoles des brevets et <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie furent oubliés dans le mouvement de<br />

libéralisation des marchés, et ce pour empêcher <strong>la</strong> « concurrence déloyale », réminiscence de l’époque où<br />

les corporations dictaient les prix des pro<strong>du</strong>its et les sa<strong>la</strong>ires. Aujourd’hui encore, les poursuites<br />

judiciaires à coup de brevets rappellent l’époque où les corporations vandalisaient les commerces non<br />

autorisés.<br />

L’idée de Victor Hugo était de compenser les pouvoirs exorbitants des éditeurs en accordant des <strong>droit</strong>s<br />

inaliénables aux créateurs, avec l’effet de bord de continuer à priver le public de ses <strong>droit</strong>s.<br />

Il y réussit partiellement, même s’il ne vit pas son succès de son vivant, avec <strong>la</strong> signature de <strong>la</strong><br />

convention de Berne en 1886. Cette convention dit que les pays doivent mutuellement respecter les <strong>droit</strong>s<br />

d’auteur et de copie établis dans les autres pays, et instaure une autorité de surveil<strong>la</strong>nce, <strong>la</strong> BIRPI<br />

(Bureaux internationaux réunis pour <strong>la</strong> protection de <strong>la</strong> propriété intellectuelle). Cette agence est devenue<br />

l’Organisation mondiale de <strong>la</strong> propriété intellectuelle 7 , ou OMPI, et <strong>la</strong> convention de Berne a déjà été<br />

plusieurs fois réécrite depuis 1886.<br />

On peut noter que, dans toutes ses péripéties, les principaux perdants ont toujours été 8 le public et les<br />

créateurs, le plus souvent mal organisés et représentés lors de l’é<strong>la</strong>boration des lois, à l’inverse des<br />

éditeurs et distributeurs.<br />

3.4 Les quatre <strong>droit</strong>s essentiels de copie ou d’auteur<br />

1. Le monopole commercial de <strong>la</strong> repro<strong>du</strong>ction d’une œuvre. C’est le monopole originellement<br />

accordé à <strong>la</strong> corporation des imprimeurs londoniens pour organiser <strong>la</strong> censure.<br />

2. Le monopole commercial de <strong>la</strong> représentation vivante d’une œuvre. Si quelqu’un met en scène


une œuvre pour en tirer de l’argent, le détenteur <strong>du</strong> monopole a le <strong>droit</strong> de demander une<br />

rétribution.<br />

3. Le <strong>droit</strong> moral de <strong>la</strong> reconnaissance comme auteur, afin de protéger contre <strong>la</strong> contrefaçon ou le<br />

p<strong>la</strong>giat.<br />

4. Le <strong>droit</strong> moral d’interdire une réinterprétation de son œuvre. Si un artiste pense qu’une mise<br />

en scène détruit son œuvre ou son image, il peut refuser sa diffusion.<br />

Les <strong>droit</strong>s moraux, issus <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur français défen<strong>du</strong> par Victor Hugo à travers l’Europe, sont très<br />

différents des monopoles commerciaux en ce qu’ils ne sont pas transférables. Ils ne sont pas <strong>du</strong> tout<br />

justifiés par les raisons données par le Parlement britannique en 1709.<br />

Il est aussi notable que ces quatre aspects sont souvent délibérément confon<strong>du</strong>s pour défendre le<br />

monopole le plus dommageable à <strong>la</strong> société, le monopole commercial sur <strong>la</strong> repro<strong>du</strong>ction.<br />

Vous entendrez souvent des gens de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie défendre leur monopole en demandant<br />

« Voudriez-vous que quelqu’un prenne votre travail et se l’attribue ? ». Malheureusement, ce troisième<br />

point, peu controversé, le <strong>droit</strong> moral à l’attribution et au crédit, n’a rien à voir avec les monopoles<br />

d’exploitation commerciale.<br />

Les États-Unis ne voulurent pas reconnaître les <strong>droit</strong>s moraux, et restèrent donc en dehors de <strong>la</strong><br />

convention de Berne jusqu’à ce qu’elle se révèle utile pour contrer Toyota un siècle plus tard. Nous y<br />

reviendrons.<br />

3.5 Années 1930 : l’in<strong>du</strong>strie musicale entre dans <strong>la</strong> danse<br />

Pendant <strong>la</strong> plus grande partie <strong>du</strong> vingtième siècle, les conflits sur les <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie se<br />

focalisèrent sur <strong>la</strong> musique, non sur le livre. La bataille fit rage entre les musiciens et leurs <strong>la</strong>bels. Au<br />

début <strong>du</strong> vingtième siècle, les musiciens étaient regardés à juste titre comme les plus légitimes dans ce<br />

conflit. Cependant, l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique réussit à mettre sous sa coupe l’essentiel de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction<br />

musicale, tout d’abord en Italie.<br />

Dans les années 1930, beaucoup de musiciens perdirent leur emploi à cause de <strong>la</strong> crise économique et de<br />

l’arrivée <strong>du</strong> cinéma par<strong>la</strong>nt.<br />

Dans cet environnement, deux initiatives furent prises parallèlement.<br />

De leur côté, les syndicats de musiciens essayèrent de garantir des revenus stables à leurs chômeurs, tout<br />

en essayant de réglementer l’arrivée de <strong>la</strong> « musique mécanique », c’est-à-dire de celle qui ne demande<br />

pas de musiciens en chair et en os pour être repro<strong>du</strong>ite. La question fut soulevée dans une assemblée de<br />

l’Organisation internationale des travailleurs de l’époque.<br />

En même temps, l’in<strong>du</strong>strie musicale essaya aussi de contrôler cette « repro<strong>du</strong>ction technique » de <strong>la</strong><br />

musique, en contrô<strong>la</strong>nt <strong>la</strong> radio et les musiciens. Cependant, le monde politique et économique de<br />

l’époque les regardait comme des intermédiaires vers les musiciens. En faire plus était essayer de courir<br />

<strong>la</strong> faillite, vu qu’ils n’étaient pas plus importants que quiconque, sauf pour Mussolini.<br />

3.5.1 L’Italie fasciste et <strong>la</strong> naissance de l’IFPI<br />

En 1933, l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> phonographe fut invitée à Rome par <strong>la</strong> Confederazione Generale Fascista 9<br />

dell’In<strong>du</strong>stria Italiana. Lors d’une conférence, entre le 10 et le 14 novembre, <strong>la</strong> fédération internationale<br />

de l’in<strong>du</strong>strie phonographique fut fondée. Elle serait plus tard connue sous le nom d’IFPI. Il fut conclu<br />

que l’IFPI essayerait d’obtenir les mêmes <strong>droit</strong>s pour les pro<strong>du</strong>cteurs que pour les musiciens et les<br />

artistes (dont les <strong>droit</strong>s sont habituellement ven<strong>du</strong>s aux éditeurs/diffuseurs).<br />

L’IFPI continua à se rencontrer dans un pays qui favorisait son agenda corporatiste, c’est-à-dire l’Italie,


comme l’année suivante, à Stresa, en 1935. L’année 1935 et les suivantes furent chaotiques en Europe,<br />

mais l’Italie mit en p<strong>la</strong>ce les <strong>droit</strong>s corporatistes qu’elle réc<strong>la</strong>mait en 1937.<br />

Essayer de négocier un monopole attaché <strong>la</strong> convention internationale de Berne, <strong>du</strong> même style que le<br />

<strong>droit</strong> de copie possédé normalement par les auteurs, mais pour les pro<strong>du</strong>cteurs, était trop tentant pour<br />

l’IFPI.<br />

Vu que l’Italie de 1950 leur était politiquement hostile, elle se réunit dans le Portugal para-fasciste<br />

d’alors. La conférence mit sur pied un projet qui donnerait aux pro<strong>du</strong>cteurs des <strong>droit</strong>s identiques à ceux<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie, appelés « <strong>droit</strong>s voisins », sur les repro<strong>du</strong>ctions techniques ou vivantes des œuvres. Ce<br />

monopole serait à peu près identique à celui <strong>du</strong> monopole commercial <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie.<br />

Les <strong>droit</strong>s voisins furent ratifiés par l’Organisation mondiale de <strong>la</strong> propriété intellectuelle d’alors en 1961<br />

dans <strong>la</strong> convention de Rome, et donna aux pro<strong>du</strong>cteurs de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement, de même qu’aux<br />

artistes-interprètes, des <strong>droit</strong>s beaucoup plus importants qu’avant sur les œuvres.<br />

Depuis 1961, l’IFPI défend corps et âme le <strong>droit</strong> de copie, même si les pro<strong>du</strong>cteurs eux-même ne<br />

jouissent pas directement <strong>du</strong> monopole qu’il confère. Ils jouissent seulement des dits « <strong>droit</strong>s voisins ».<br />

3.5.2 Lumières et puissance financière<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement confond tous ces monopoles sur <strong>la</strong> repro<strong>du</strong>ction des œuvres à dessein. Elle<br />

défend « son <strong>droit</strong> de copie », qu’elle n’a en fait pas, et parle avec nostalgie d’une tradition qui<br />

remonterait à l’époque des Lumières, et aurait été créée par <strong>la</strong> sagesse des anciens de cette époque<br />

[insérez les chatons ici] . Ces monopoles n’ont été créés qu’en Europe en 1961, et sont controversés<br />

depuis. Ils n’ont jamais été le pro<strong>du</strong>it de <strong>la</strong> sagesse des Lumières.<br />

Si les musiciens avaient été les seuls à réussir à faire reconnaître leurs <strong>droit</strong>s sur les copies enregistrées<br />

de leurs performances, les pro<strong>du</strong>cteurs seraient restés des bureaux d’intermédiaires, comme ils l’avaient<br />

toujours été. Ce<strong>la</strong> aurait été le cas si les gouvernements fascistes ne s’étaient pas mêlés de l’affaire entre<br />

temps.<br />

3.6 1980 : deuxième piratage des <strong>droit</strong>s de copie et d’auteur, par<br />

Pfizer<br />

La dernière partie <strong>du</strong> vingtième siècle est marquée par deux faits.<br />

D’un côté les <strong>la</strong>bels s’effrayent de <strong>la</strong> possibilité qui s’ouvre au grand public de copier pour des usages<br />

non-commerciaux leurs œuvres, même si les <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie ont toujours visé les usages<br />

commerciaux. Au point de défendre que <strong>la</strong> copie privée devrait être illégale ou de remettre en cause le<br />

<strong>droit</strong> à <strong>la</strong> vie privée pour surveiller nos usages.<br />

De l’autre côté, les monopoles conférés par les <strong>droit</strong>s de copie continuent à s’étendre, et à forger le<br />

monde.<br />

Vu que les atteintes à <strong>la</strong> vie privée font <strong>la</strong> une des journaux, nous nous intéressons à l’expansion des<br />

<strong>droit</strong>s accordés par le légis<strong>la</strong>teur.<br />

3.6.1 Les invasions barbares<br />

Toyota a touché le cœur de l’âme américaine dans les années 1970 en envahissant le marché américain.<br />

Les voitures américaines - les voitures ! des voitures américaines ! - n’étaient pas assez performantes<br />

pour les Américains eux-mêmes. Tout le monde achetait Toyota. L’apocalypse approchait. Les États-<br />

Unis étaient finis, impuissants face à <strong>la</strong> compétitivité asiatique.


Lorsqu’il est devenu c<strong>la</strong>ir que les États-Unis n’étaient plus in<strong>du</strong>striellement compétitifs et ne pourraient<br />

continuer leur domination économique par ce biais, de nombreuses commissions furent formées pour<br />

répondre à cette question cruciale : Comment maintenir <strong>la</strong> domination économique américaine tout en ne<br />

pro<strong>du</strong>isant rien de compétitivement va<strong>la</strong>ble ?<br />

3.6.2 La réponse pharmaceutique<br />

La réponse vint d’un en<strong>droit</strong> inatten<strong>du</strong> : Pfizer.<br />

Le président de Pfizer, Edmun Pratt, écrivit un édito fulminant dans le New York Times <strong>du</strong> 9 juin 1982,<br />

titré « Voler les esprits ».<br />

Ce qui le faisait enrager était le vol de propriété intellectuelle par le tiers-monde. Il vou<strong>la</strong>it dire par là<br />

qu’il lui était inconcevable que les pays <strong>du</strong> tiers-monde utilisent leurs connaissances locales et leur temps<br />

pour pro<strong>du</strong>ire avec leurs matières premières dans leurs usines des médicaments pour soigner leurs<br />

peuples, qui mourraient fréquemment de ma<strong>la</strong>dies bénignes chez nous mais fatales dans les conditions de<br />

vie locales.<br />

Les politiciens y virent une réponse à leurs interrogations sur l’avenir des États-Unis, et Pratt al<strong>la</strong> diriger<br />

une nouvelle commission. Cette commission fut <strong>la</strong> magique ACTN : Commission de conseil sur les<br />

négociations commerciales (Advisory Committee on Trade Negotiations).<br />

Ce que l’ACTN recommanda, en suivant <strong>la</strong> direction de Pfizer, était si provocant que personne n’était<br />

tout à fait sûr de <strong>la</strong> nécessité de son application. Les États-Unis devraient mener de front les<br />

négociations commerciales et <strong>la</strong> politique extérieure, afin de stigmatiser les pays qui n’obéissaient pas<br />

aux impératifs <strong>du</strong> « libre échange » à l’américaine, par exemple en étant inscrit sur <strong>la</strong> liste de<br />

surveil<strong>la</strong>nce « Special 301 ». Cette liste est une liste de pays qui ne respecteraient pas assez les lois sur le<br />

copyright. La plupart des pays <strong>du</strong> monde, Canada inclus, seraient trop tolérants aux infractions au<br />

copyright pour les américains.<br />

La solution à l’absence de pro<strong>du</strong>ction de valeur ajoutée fut donc <strong>la</strong> redéfinition des termes « absence »,<br />

« pro<strong>du</strong>ction » et « valeur » via <strong>la</strong> diplomatie internationale, et ce au forceps.<br />

Ça a marché. Les représentants <strong>du</strong> commerce extérieur des États-Unis, en faisant diplomatiquement et<br />

économiquement pression sur les gouvernements étrangers pour mettre en p<strong>la</strong>ce des légis<strong>la</strong>tions<br />

favorisant les intérêts in<strong>du</strong>striels américains, et en établissant tout une pa<strong>la</strong>nquée d’accord bi<strong>la</strong>téraux et<br />

multi<strong>la</strong>téraux de « libre échange » aux mêmes fins, firent mieux respecter les intérêts américains dans le<br />

monde entier.<br />

De cette manière, les États-Unis pouvaient créer de <strong>la</strong> valeur en louant des p<strong>la</strong>ns de construction et en<br />

récupérant des pro<strong>du</strong>its finis selon ces p<strong>la</strong>ns. C’était à présent un marché équitable selon les accords de<br />

« libre échange » qui redéfinissaient artificiellement ce que valeur veut dire.<br />

Les in<strong>du</strong>stries américaines des monopoles par <strong>droit</strong> de copie ou de brevet étaient derrière ce putsch. Ils<br />

allèrent tous ensemble à l’Organisation mondiale de <strong>la</strong> propriété intellectuelle pour y répéter l’abordage<br />

réussi par l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique en 1961, pour y recueillir légitimité et hospitalité sous l’égide d’une<br />

nouvelle convention appelée « Berne Plus ».<br />

3.6.3 Naissance de l’OMC<br />

À un moment, il devint nécessaire aux États-Unis de rejoindre <strong>la</strong> convention de Berne, puisque l’OMPI<br />

surveille l’application de <strong>la</strong> convention.<br />

Cependant, l’OMPI comprit le p<strong>la</strong>n et les mit plus ou moins dehors. L’OMPI n’a pas été créé pour<br />

donner à un pays en particulier ce type d’avantage sur les autres. Les autres membres furent outrés par <strong>la</strong><br />

tentative assumée de détourner les lois sur les brevets et le <strong>droit</strong> d’auteur.


Une autre p<strong>la</strong>te-forme d’accord fut donc créée. Les consortiums américains approchèrent le GATT<br />

(acronyme ang<strong>la</strong>is pour Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) pour y gagner en<br />

influence.<br />

Une procé<strong>du</strong>re fut <strong>la</strong>ncée afin d’obliger plus ou moins directement les membres à adhérer à un nouvel<br />

accord qui enterrerait <strong>la</strong> convention de Berne et renforcerait l’in<strong>du</strong>strie américaine via <strong>la</strong> redéfinition des<br />

termes « pro<strong>du</strong>ction », « valeur » et « absence ».<br />

Cet accord fut appelé TRIPS en ang<strong>la</strong>is ou ADPIC en français : Aspects des <strong>droit</strong>s de propriété<br />

intellectuelle qui touchent au commerce. Lors de <strong>la</strong> ratification de l’ADPIC, le GATT fut renommé<br />

« OMC », Organisation mondiale <strong>du</strong> commerce. Les 52 pays <strong>du</strong> GATT qui refusèrent l’OMC furent<br />

bientôt dans une position intenable, et seul un pays sur les 129 pays signataires <strong>du</strong> GATT refusa de<br />

joindre l’OMC.<br />

L’ADPIC a été considérablement critiqué parce qu’il est construit pour enrichir les riches au détriment<br />

des pauvres, pour que ceux-ci payent de leur santé ou de leur vie quand ils n’ont pas d’argent. Il interdit<br />

aux pays pauvres de pro<strong>du</strong>ire leurs propres médicaments pour leur popu<strong>la</strong>tion, même si celle-ci en<br />

meurt. Quelques aménagements marginaux ont bien été concédés avec le temps, mais ils sont rares.<br />

Pour donner une idée de l’importance de l’in<strong>du</strong>strie américaine <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie dans l’affaire,<br />

regardons ce qui s’est passé quand <strong>la</strong> Russie a demandé à entrer, pour des raisons incompréhensibles,<br />

dans l’OMC. Les États-Unis exigèrent que <strong>la</strong> Russie ferme AllofMP3, une site qui vendait des MP3s et<br />

était c<strong>la</strong>ssé comme radio en Russie, payant une licence pour ce.<br />

Analysons un peu <strong>la</strong> situation. Les États-Unis et <strong>la</strong> Russie siègent à <strong>la</strong> même table. Ce sont d’anciens<br />

ennemis qui gardaient leurs armes nucléaires braquées sur l’autre 24h/24, 7j/7, par tous les temps. Les<br />

États-Unis auraient pu demander n’importe quoi au vaincu, et l’auraient obtenu.<br />

Qu’ont-ils demandé ?<br />

La fermeture d’un bête magasin de vente de musique en ligne.<br />

Voilà l’importance que ces lobbys ont actuellement.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

9<br />

http://www.british-history.ac.uk/report.aspx?compid=55829<br />

http://www.constitution.org/trials/entick/entick_v_carrington.htm<br />

http://movingtofreedom.org/2006/10/06/thomas-jefferson-on-patents-and-freedom-ofideas/<br />

Article I, Section 8, C<strong>la</strong>use 8 de <strong>la</strong> Constitution américaine, dite c<strong>la</strong>use <strong>du</strong><br />

copyright<br />

http://www.pddoc.com/copyright/promote_progess.htm<br />

http://www.spiegel.de/international/zeitgeist/no-copyright-<strong>la</strong>w-the-real-reasonfor-germany-s-in<strong>du</strong>strial-expansion-a-710976.html<br />

http://www.wipo.int/treaties/en/ip/berne/trtdocs_wo001.html<br />

http://falkvinge.<strong>net</strong>/2011/01/21/there-are-three-parties-to-copyright/<br />

Ce mot, fasciste, est chargé d’émotion aujourd’hui. Les fascistes italiens se déc<strong>la</strong>raient eux-mêmes<br />

comme fascistes, et nous les désignons comme ils se désignaient eux-mêmes.


Chapitre 4 Le <strong>droit</strong> d’auteur actuel met en<br />

danger nos libertés civiles<br />

4.1 Des 0 et des 1<br />

Les tentatives de renforcer l’interdiction actuelle <strong>du</strong> partage non-commercial de <strong>la</strong> culture entre les<br />

citoyens menacent les <strong>droit</strong>s fondamentaux, comme le <strong>droit</strong> au secret de <strong>la</strong> communication, celui de <strong>la</strong><br />

liberté d’expression et même celui à un procès juste.<br />

Le partage de fichier, c’est quand deux indivi<strong>du</strong>s s’envoient des uns et des zéros. La seule manière de<br />

limiter le partage de fichier, c’est de surveiller ces suites binaires et donc toutes les communications<br />

privées des uns et des autres. Il n’existe pas de possibilité de séparer les données protégées des données<br />

privées. Il faut ouvrir tous les contenus pour les examiner. Le secret postal, le <strong>droit</strong> de communiquer en<br />

privé avec son avocat ou à l’intimité lors des flirts par webcam disparaît, tout comme <strong>la</strong> protection des<br />

sources pour les journalistes.<br />

Nous ne sommes pas prêts à abandonner nos <strong>droit</strong>s fondamentaux pour renforcer le <strong>droit</strong> d’auteur. Le<br />

<strong>droit</strong> à <strong>la</strong> vie privée est plus important que le <strong>droit</strong> des grandes sociétés à continuer à gagner leur vie<br />

comme avant, parce que ce dernier <strong>droit</strong> n’existe pas.<br />

Le <strong>droit</strong> d’auteur actuel empêche ou restreint aussi de nombreuses performances culturelles nouvelles et<br />

excitantes, comme le remix sur MySpace ou Youtube, ou le remplissage de Wikipédia avec des images<br />

et de <strong>la</strong> musique.<br />

4.2 Le <strong>droit</strong> d’auteur menace le <strong>droit</strong> au secret de <strong>la</strong><br />

correspondance<br />

4.2.1 Discriminer les contenus implique de tout ouvrir<br />

Il y a six ans, quand moi, Rick Falkvinge, j’ai fondé le premier Parti Pirate <strong>du</strong> monde, le Parti Pirate<br />

suédois, <strong>la</strong> politique que nous défendions avait trois piliers : partage de <strong>la</strong> culture, liberté de <strong>la</strong><br />

connaissance, respect de <strong>la</strong> vie privée. C’étaient les thèmes qui portaient nos idéaux. J’avais bien l’idée<br />

vague qu’ils étaient liés d’une manière ou d’une autre, mais ce<strong>la</strong> m’a pris plusieurs mois avant de lier le<br />

<strong>droit</strong> à <strong>la</strong> vie privée et le <strong>droit</strong> au partage de <strong>la</strong> culture.<br />

Une fois que vous l’avez fait, le lien est tellement évident que c’est toujours l’un de nos meilleurs<br />

arguments : le respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur actuel est irréconciliable avec celui de <strong>la</strong> vie privée.<br />

Si je vous envoie un courriel, ce courriel peut contenir un morceau de musique. Si nous avons une<br />

conversation vidéo, je peux partager une vidéo protégée. Pour faire appliquer le <strong>droit</strong> d’auteur, il faut<br />

pouvoir le détecter. Or, le seul moyen de détecter des contenus protégés est d’écouter tous les 0 et les 1<br />

entrants et sortants des ordinateurs.<br />

Il n’y a aucun moyen de permettre le <strong>droit</strong> à <strong>la</strong> correspondance privée pour certains contenus et pas pour<br />

d’autres. Vous devez brisez le sceau et analyser les contenus pour les trier en deux catégories : autorisé<br />

et non autorisé. Dès ce moment, le sceau est brisé. Soit il y a un sceau sur tout soit il n’y en a aucun.<br />

Plus généralement, tout canal de communication numérique qui peut être utilisé pour échanger des<br />

informations privées peut aussi être utilisé pour transférer à des inconnus des copies numériques de<br />

fichiers protégés. Faire absolument respecter le <strong>droit</strong> d’auteur implique donc un viol massif <strong>du</strong> secret de<br />

<strong>la</strong> correspondance, d’un <strong>droit</strong> que le Parti Pirate Suédois n’est pas prêt d’abandonner.


4.2.2 Il faut refuser les revendications actuelles de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur<br />

Récemment, le niveau de compréhension de tout ce<strong>la</strong> par l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est devenu plus<br />

c<strong>la</strong>ir, puisque cette in<strong>du</strong>strie essaye sans cesse d’éradiquer le <strong>droit</strong> au secret de <strong>la</strong> correspondance afin de<br />

sauvegarder <strong>la</strong> protection actuellement polémique <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

Un câble 1 fuité par Wikileaks en décembre 2010 esquissait une liste de requêtes d’un organisme de<br />

défense de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur américaine, l’IIPA 2 , qui a été transmise au gouvernement<br />

suédois. L’ambassade américaine était assez élogieuse sur <strong>la</strong> manière dont le ministère de <strong>la</strong> justice<br />

suédois était « sur le pont » et avait fait des progrès considérables pour satisfaire les requêtes menées<br />

contre ses propres citoyens par l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur américaine.<br />

Ces requêtes contenaient déjà toutes les lois à <strong>la</strong> Big Brother passées par <strong>la</strong> suite. La rétention des<br />

données, l’IPRED, <strong>la</strong> riposte gra<strong>du</strong>ée, l’accès policier aux historiques des adresses IP pour des crimes<br />

mineurs, l’abolition <strong>du</strong> secret de <strong>la</strong> correspondance, tout y était.<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est en train de saper activement nos <strong>droit</strong>s civiques en soutenant une société<br />

à <strong>la</strong> Big Brother, puisqu’elle a compris que c’est le seul moyen de sauver le <strong>droit</strong> d’auteur. Il est temps<br />

d’éjecter cette in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> processus légis<strong>la</strong>tif.<br />

4.2.3 Les lois <strong>du</strong> monde analogique sont raisonnables<br />

4.2.3.1 Il n’y a qu’un seul monde<br />

Une des premières exigences <strong>du</strong> Parti Pirate Suédois est que les lois qui s’appliquent hors-ligne<br />

devraient aussi s’appliquer en ligne. C’est tout à fait raisonnable. Inter<strong>net</strong> n’est pas un cas particulier,<br />

mais fait partie de <strong>la</strong> réalité. Le problème apparaît quand une in<strong>du</strong>strie dépassée mais puissante réalise<br />

qu’une application juste et égalitaire de <strong>la</strong> loi signifie que son monopole de <strong>la</strong> distribution est terminé.<br />

Pour comprendre l’absurdité des requêtes de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur, on doit se demander quels<br />

<strong>droit</strong>s nous considérons acquis dans le monde analogique. Ces <strong>droit</strong>s doivent aussi s’appliquer au monde<br />

numérique, puisqu’au moins en théorie, <strong>la</strong> loi ne fait pas de différence entre les moyens de<br />

communication.<br />

4.2.3.2 Quand j’écris une lettre<br />

Regardons quels <strong>droit</strong>s j’ai quand je communique avec quelqu’un via des canaux analogiques, en<br />

utilisant <strong>du</strong> papier, un stylo, une enveloppe et un timbre, c’est-à-dire quand j’écris une lettre :<br />

J’ai le <strong>droit</strong> de communiquer anonymement ou non. Moi et moi seul choisis de m’identifier dans<br />

l’adresse sur l’enveloppe et/ou dans l’enveloppe.<br />

Personne n’a le <strong>droit</strong> de l’intercepter pour briser le cachet et examiner son contenu sauf si je suis<br />

déjà suspecté d’un crime, et alors ce<strong>la</strong> passe par une procé<strong>du</strong>re judiciaire.<br />

Personne n’exige que je l’aide à ouvrir mes lettres pour me surveiller.<br />

Nul n’a le <strong>droit</strong> d’en altérer le contenu ou de refuser de l’acheminer.<br />

Nul n’a le <strong>droit</strong> de rester devant <strong>la</strong> boîte et de noter à qui j’écris et <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de mes messages, ou<br />

qui me répond.<br />

Le facteur n’est pas responsable de ce que j’ai écrit. Il n’est qu’un intermédiaire.<br />

4.2.3.3 Des <strong>droit</strong>s niés<br />

Toutes ces règles fondamentales sont systématiquement attaquées par l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur.


Cette in<strong>du</strong>strie exige que les fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong> installent des appareils d’enregistrement et<br />

de censure des communications au milieu de leurs propres appareils. Elle les poursuit 3 en justice 4 pour<br />

ce<strong>la</strong>. Elle se p<strong>la</strong>int sans cesse de l’immunité des intermédiaires. Elle demande aux autorités d’identifier<br />

les gens qui communiquent, nous niant ainsi nos <strong>droit</strong>s fondamentaux, surtout ceux de <strong>la</strong> liberté<br />

d’expression et au secret de <strong>la</strong> correspondance, ayant l’outrance d’aller jusqu’à demander <strong>la</strong> censure des<br />

télécommunications.<br />

4.2.4 Renoncer à nos <strong>droit</strong>s civiques est injustifiable…<br />

De tels <strong>droit</strong>s font partie des libertés pour <strong>la</strong> défense desquelles nous aïeux ont donné leur sang. Il est<br />

plus qu’obscène de les abandonner au profit d’une in<strong>du</strong>strie obsolète qui désire préserver son monopole<br />

et veut pour ce avoir à titre privé encore plus de pouvoirs que <strong>la</strong> police quand elle recherche des<br />

criminels.<br />

Lorsque les photocopieurs sont arrivés dans les années 1960, les éditeurs ont tenté de les interdire au<br />

prétexte qu’ils pourraient être utilisés pour copier des livres que les gens s’enverraient ensuite par <strong>la</strong><br />

poste. À l’époque, tout le monde a expliqué aux éditeurs <strong>la</strong> <strong>du</strong>re vérité : Bien que le monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong><br />

d’auteur soit valide, personne n’a le <strong>droit</strong> de briser le secret de <strong>la</strong> correspondance simplement pour<br />

vérifier qu’aucune vio<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur n’est commise, donc il n’y avait rien à faire. La règle tient<br />

toujours hors-ligne. Pourquoi ne s’appliquerait-elle pas en ligne ?<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur se p<strong>la</strong>int parfois de <strong>la</strong> licence qui existerait sur Inter<strong>net</strong> alors que les mêmes<br />

lois devraient valoir pour les deux domaines. <strong>Sur</strong> ce point, le Parti Pirate Suédois ne pourrait être plus<br />

d’accord.<br />

4.2.5 …et les tendances actuelles sont dangereuses<br />

Malheureusement, c’est bien le contraire qui est en train de se passer. Les corporations essayent de<br />

prendre le contrôle de nos moyens de communications en prétextant des problèmes de <strong>droit</strong> d’auteur. Le<br />

plus souvent, elles aident les politiciens qui aspirent à <strong>la</strong> même chose, mais prétextent eux des impératifs<br />

de lutte contre le terrorisme ou des craintes McCarthystes pour <strong>la</strong> sécurité publique. Regardons par<br />

exemple ce qui s’est passé dans le monde arabe ou en Angleterre en 2011.<br />

Au Parti Pirate Suédois, les b<strong>la</strong>nc-seings aveuglément donnés aux autorités nous font peur, car nous nous<br />

méfions de l’incessant désir de savoir ce dont nous discutons et avec qui nous discutons, de ce désir<br />

affiché ouvertement par les corporations et les politiques.<br />

Pour dramatiser <strong>la</strong> situation, il ne s’agit pas que de mouchardage. Les corporations et les politiques<br />

veulent gagner le <strong>droit</strong> de nous ré<strong>du</strong>ire au silence.<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur exige le <strong>droit</strong> de tuer les commutateurs essentiels de nos communications.<br />

Pour peu que nos propos soient suffisamment dérangeants, que ce soit selon les membres de l’in<strong>du</strong>strie<br />

<strong>du</strong> divertissement ou de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse politique dirigeante, <strong>la</strong> ligne est coupée.<br />

Il y a 20 ans, ce<strong>la</strong> aurait paru être une horreur absolue. Aujourd’hui, c’est devenu <strong>la</strong> réalité. Vous ne le<br />

croyez pas ? Essayez de parler de The Pirate Bay sur MSN ou Facebook et admirez le silence.<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur se bat pour devenir de plus en plus envahissante. De même certains<br />

politiciens ont en poche leur propre calendrier sur <strong>la</strong> question.<br />

Bien que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur et les politiciens Big Brother ne partagent pas les mêmes<br />

motivations, ils poussent dans <strong>la</strong> même direction, promeuvent les mêmes changements.<br />

Pendant ce temps, les dép<strong>la</strong>cements des citoyens dans les rues sont tracés minute par minute et leur<br />

historique est enregistré.<br />

Comment imaginer une révolution possible quand tout ce que vous dites est étouffé dans l’œuf, afin


d’atteindre une quelconque oreille, et quand le régime peut surveiller qui a rencontré qui, où et quand,<br />

voire peut vous déconnecter par un simple appui sur un bouton distant ? Comment exercer son <strong>droit</strong> de<br />

résistance à l’oppression dans un monde où absolument tout est sans cesse surveillé ?<br />

De ce point de vue, l’Occident n’a pas beaucoup de leçons à donner à <strong>la</strong> Chine ou aux régimes <strong>du</strong><br />

monde arabe.<br />

4.2.6 Cependant, des activistes marginaux luttent pour notre liberté<br />

Malgré toutes ces ténèbres, une contre-réaction grandit de jour en jour.<br />

Dans <strong>la</strong> nuit de l’obscurantisme, des activistes jouent au chat et à <strong>la</strong> souris avec les outils de surveil<strong>la</strong>nce<br />

et de contrôle afin de garantir <strong>la</strong> liberté d’expression. Ce sont les héros de notre génération. En nous<br />

permettant de garantir notre liberté d’expression et de publication, ils nous assurent des communications<br />

incontrô<strong>la</strong>bles. C’est pourquoi ils attaquent aussi le <strong>droit</strong> d’auteur dans son cœur, par effet col<strong>la</strong>téral.<br />

Le logiciel libre est au cœur de <strong>la</strong> contre-réaction à Big Brother. Chacun peut examiner le contenu d’un<br />

logiciel libre, ce qui rend l’inclusion de portes dérobées ou de mécanismes de surveil<strong>la</strong>nce impossible, et<br />

lui permet de se répandre comme <strong>la</strong> poudre si nécessaire.<br />

De plus, il renonce au rêve <strong>du</strong> monopole, à tel point que les méthodes de développement les plus<br />

popu<strong>la</strong>ires le combattent activement, faisant ainsi de nouveau le lien entre imposition <strong>du</strong> respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong><br />

d’auteur et répression. Les systèmes d’exploitation et les logiciels de communication libres sont au cœur<br />

de toute liberté d’expression à venir ou présente.<br />

Le logiciel développé par ces héros garantit nos <strong>droit</strong>s civiques. Il s’agit de Tor 5 , FreeNet 6 , I2P 7 ,<br />

TextSecure et RedPhone 8 . Que des criminels échappent à <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce par ces moyens est un faible<br />

prix à payer pour nos <strong>droit</strong>s : Demain, ce sera peut-être nous qui serons considérés comme des criminels<br />

pour subversion. Ces outils sont déjà utilisés par les peuples en révolte contre <strong>la</strong> corruption. Nous<br />

devrions nous en souvenir.<br />

En même temps et par nécessité, ces logiciels libres rendent le <strong>droit</strong> d’auteur inapplicable, puisque qu’ils<br />

créent des moyens de communications anonymes, intraçables, inespionnables. Le blogueur Mike<br />

Masnick de Techdirt faisait récemment remarquer 9 que « le piratage et <strong>la</strong> liberté ressemb<strong>la</strong>ient à des<br />

frères jumeaux ».<br />

C’est peut-être le manifeste de Free<strong>net</strong> 10 qui est le plus c<strong>la</strong>ir :<br />

« Vous ne pouvez pas garantir <strong>la</strong> liberté d’expression et appliquer le <strong>droit</strong> d’auteur. C’est<br />

pourquoi toute technologie destinée à garantir <strong>la</strong> liberté d’expression doit aussi empêcher<br />

l’application <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur ».<br />

Les combats pour <strong>la</strong> liberté d’expression et pour <strong>la</strong> défaite <strong>du</strong> monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur sont les<br />

mêmes. C’est pourquoi les révolutions utiliseront des outils qui non seulement ne sont pas en-dehors <strong>du</strong><br />

monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur, mais le combattent activement. La licence pour <strong>la</strong> révolution ne sera pas<br />

proprement concédée.<br />

4.3 Filtrage, censure, et pédopornographie<br />

« La pédopornographie est géniale » déc<strong>la</strong>rait avec enthousiasme l’intervenant sur le podium.<br />

« C’est génial parce que les politiques comprennent ce que c’est. En jouant sur cette carte, nous<br />

pouvons les inciter à agir et à bloquer des sites. Une fois qu’il l’auront fait, nous pourrons<br />

réc<strong>la</strong>mer des blocages de sites de piratage. »


4.3.1 Un procédé efficace<br />

Ensemble, tout est possible. Photo de Duyarsiz Kitle sous CC-BY 11


C’était lors d’un séminaire organisé par <strong>la</strong> Chambre américaine <strong>du</strong> commerce de Stockholm le 27 mai<br />

2007, intitulé « La Suède, un havre pour les pirates ? ». L’orateur était Johan Schlüter 12 , <strong>du</strong> Groupe Anti-<br />

Piratage Danois 13 , un lobby de l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique et <strong>du</strong> film comme l’IFPI 14 .<br />

Nous étions trois pirates dans l’assemblée : Christian Engström, Rick Falkvinge, et le vétéran de<br />

l’activisme Oscar Swartz 15 . Oscar a écrit quelques colonnes 16 sur le séminaire dans une revue<br />

d’informatique suédoise dans les jours suivants; Rick a bloggé 17 dessus, et moi 18 (Christian Engström)<br />

aussi.<br />

« Un jour nous aurons un système de filtrage géant que nous développons en coopération<br />

renforcée avec l’IFPI et <strong>la</strong> MPA. Nous n’arrêtons pas de surveiller <strong>la</strong> pédopornographie sur<br />

Inter<strong>net</strong>, pour montrer aux politiques que ça fonctionne. La pédopornographie, ça ils le<br />

comprennent. » disait Johan Schlüter, avec un sourire béat, rayonnant de fierté et<br />

d’enthousiasme.<br />

Du point de vue de l’IFPI et <strong>du</strong> reste des lobbys <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur, il avait toutes les raisons d’être fier et<br />

enthousiaste, après le succès qu’il avait eu avec cette stratégie au Danemark.<br />

Actuellement, le site The Pirate Bay 19 est bloqué par les principaux fournisseurs d’accès <strong>du</strong> Danemark.<br />

La stratégie de M. Schülter avait fonctionné comme une horloge.<br />

Commencez avec <strong>la</strong> pédo-pornographie, que tout le monde trouve révoltante, et trouvez quelques<br />

politiciens qui veulent donner l’impression qu’ils agissent. Ne vous inquiétez surtout pas de <strong>la</strong> facilité à<br />

contourner les blocages en 10 secondes 20 . L’essentiel est seulement que le grand public et les politiques<br />

acceptent le concept <strong>du</strong> filtrage et de le censure. Une fois que c’est acquis, étendez ce principe à d’autres<br />

domaines, comme le piratage. Et une fois que le principe de <strong>la</strong> censure d’Inter<strong>net</strong> est <strong>la</strong>rgement accepté,<br />

vous pouvez commencer à rendre les solutions de contournement plus difficiles d’accès.<br />

4.3.2 Pour ne pas nommer l’innommable<br />

En Suède, le lobby <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur a essayé exactement cette tactique quelques mois après <strong>la</strong> tenue <strong>du</strong><br />

séminaire de Johan Schlüter. En juillet 2007, <strong>la</strong> policé suédoise était prête à ajouter The Pirate Bay à <strong>la</strong><br />

liste des sites de pédo-pornographie qui était bloquée par <strong>la</strong> plupart des fournisseurs d’accès.<br />

La police n’a jamais essayé de joindre quiconque appartenant à The Pirate Bay, ce qu’ils auraient bien<br />

enten<strong>du</strong> fait si jamais ils avaient vraiment trouvé des photos pédopornographiques. Il s’agissait<br />

simplement de censurer le site, et en même temps de mettre dans le même panier échange de biens<br />

culturels et pédopornographie.<br />

Dans le cas suédois, le p<strong>la</strong>n échoua <strong>la</strong>mentablement à cause d’une fuite de <strong>la</strong> liste des sites bloqués avant<br />

son utilisation. Après les rugissements de <strong>la</strong> blogosphère et de quelques médias, <strong>la</strong> police a dû justifier<br />

qu’elle avait bien trouvé des photos compromettantes ou au moins expliqué sur quelle base légale elle<br />

s’appuyait. Contrairement au Danemark, The Pirate Bay n’est toujours pas censuré en Suède.<br />

Cependant le lobby <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur n’abandonne jamais. S’ils n’arrivent pas à obtenir ce qu’ils veulent<br />

au niveau national, ils essayeront au niveau européen et vice-versa.<br />

Les gros <strong>la</strong>bels et les grandes maisons de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement veulent censurer Inter<strong>net</strong>, et sont<br />

tout à fait près à utiliser cyniquement <strong>la</strong> pédopornographie pour ce. Tout ce dont ils ont besoin est<br />

quelques politiciens cré<strong>du</strong>les ou désireux eux-mêmes de pouvoir censurer Inter<strong>net</strong>.<br />

4.3.3 Et piège même les politiques<br />

Malheureusement, <strong>la</strong> commissaire suédoise Cecilia Malmström (surnommée Censilia) fait partie de cette<br />

espèce de politiciens. En mars 2010, elle a présenté 21 une directive européenne 22 pour intro<strong>du</strong>ire le


filtrage <strong>du</strong> Netz, en suivant exactement le p<strong>la</strong>n de Johan Schlüter trois ans plus tôt. Selon le projet de <strong>la</strong><br />

Commission, <strong>la</strong> directive aurait forcé les États-membres à intro<strong>du</strong>ire le blocage de sites censés héberger<br />

de <strong>la</strong> pédopornographie.<br />

Grâce au <strong>du</strong>r travail d’eurodéputés de tout bord à l’intérieur de <strong>la</strong> commission parlementaire LIBE<br />

(Libertés civiles, justice et affaires intérieures), <strong>la</strong> Commission a dû avorter sa tentative de rendre le<br />

filtrage <strong>du</strong> Netz obligatoire en Europe. Le Parlement Européen a changé le texte pour remp<strong>la</strong>cer<br />

devraient par pourraient dans « Les États-membres devraient intro<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> censure <strong>du</strong> Netz », et en<br />

ajoutant que certaines procé<strong>du</strong>res judiciaires doivent être suivies, et que le principal concerné a le <strong>droit</strong><br />

de faire appel.<br />

Puisque <strong>la</strong> directive n’appelle aucune censure au niveau européen, mais <strong>la</strong> <strong>la</strong>isse possible au niveau<br />

national, nous pouvons nous attendre à ce que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur intensifie ses efforts pour<br />

intro<strong>du</strong>ire le filtrage d’Inter<strong>net</strong> dans les pays qui n’en ont pas encore mis en p<strong>la</strong>ce. Bien que leur vrai but<br />

soit d’amener les gouvernements à filtrer les sites comme The Pirate Bay, les lobbys de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong><br />

<strong>droit</strong> d’auteur vont continuer à jouer <strong>la</strong> carte de <strong>la</strong> pédopornographie à chaque fois qu’ils jugeront qu’il<br />

est trop tôt pour parler directement.<br />

4.3.4 Cependant, <strong>la</strong> nature revient toujours au galop<br />

Mais, de plus en plus, ils sentent qu’ils n’ont aucun besoin de cacher leurs vraies intentions. Aux États-<br />

Unis, ils se sont même présentés à visage ouvert avec les lois SOPA et PIPA (Stop Online Piracy Act et<br />

Protect Intellectual Property Act). À tort, puisque ces lois ont été rejetées avec fracas par l’opinion<br />

publique américaine 23 .<br />

Les idées sous-jacentes à SOPA et PIPA étaient de donner aux autorités <strong>la</strong> possibilité de couper l’accès à<br />

n’importe quel site web, n’importe où dans le monde, si les ayants-<strong>droit</strong>s l’accusaient de violer leurs<br />

<strong>droit</strong>s, ou même de « permettre ou faciliter » une telle vio<strong>la</strong>tion. Un simple lien mal p<strong>la</strong>cé et vous étiez<br />

déjà dans l’illégalité, tous vos paiements par des banques américaines (VISA et Mastercard) suspen<strong>du</strong>s.<br />

La décision devait être prise par une cour de justice sans audience des accusés. Afin de ne pas devenir<br />

eux-mêmes responsables en permettant le piratage, les fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong> et les réseaux<br />

sociaux auraient dû se dépêcher de fliquer leurs clients et de les débrancher à <strong>la</strong> moindre suspicion.<br />

Avec SOPA et PIPA, les lobbys de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur n’ont plus senti le besoin de prétexter <strong>la</strong><br />

pédo-pornographie pour appeler à <strong>la</strong> censure.<br />

Des mesures simi<strong>la</strong>ires ont été aussi proposées en Europe. L’universitaire ang<strong>la</strong>is Monica Horten a écrit<br />

en janvier 2012 24 :<br />

La Commission européenne pourrait demander aux fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong> de filtrer<br />

leurs réseaux, et demander aux intermédiaires de paiement de retenir l’argent tant qu’ils n’ont<br />

pas obéi aux exigences des ayants-<strong>droit</strong>s, suivant une annonce publiée aujourd’hui. Cette<br />

décision tant atten<strong>du</strong>e c<strong>la</strong>rifie <strong>la</strong> politique officielle de l’Union sur Inter<strong>net</strong> et le commerce en<br />

ligne. Elle suit <strong>la</strong> directive sur le commerce en ligne de <strong>la</strong> Commission.<br />

La directive sur le commerce en ligne a protégé l’Inter<strong>net</strong> ouvert, en le considérant avant tout<br />

comme un intermédiaire. Le rapport prône des changements radicaux qui mettent en danger sa<br />

neutralité d’intermédiaire. Plus précisément, <strong>la</strong> Commission veut intro<strong>du</strong>ire un procédé<br />

d’avertissement/déconnexion pan-européen. Ce<strong>la</strong> ressemblerait à l’Hadopi française, ou à <strong>la</strong><br />

procé<strong>du</strong>re « avertissement et déconnexion » <strong>du</strong> DMCA américain, avec une différence de taille :<br />

le mot « déconnexion » est remp<strong>la</strong>cé par « action », ce qui pourrait inclure le filtrage par les<br />

fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong>.<br />

« Les procé<strong>du</strong>res d’avertissement-action seraient celles suivies par les fournisseurs<br />

d’accès à Inter<strong>net</strong> pour lutter contre le contenu illégal lors de <strong>la</strong> notification de sa<br />

présence. L’intermédiaire pourrait, par exemple, mettre hors ligne le contenu illégal, le


loquer, ou forcer ceux qui l’ont posté à l’enlever. »<br />

De plus, <strong>la</strong> Commission veut impliquer les fournisseurs de solution de paiement dans les<br />

procé<strong>du</strong>res pour les utiliser comme moyens de pression. Paypal pourrait bloquer des paiements<br />

sur simple signalement par un ayant-<strong>droit</strong>.<br />

« La coopération entre les principaux intéressés, à savoir les fournisseurs d’accès à<br />

Inter<strong>net</strong>, les ayants-<strong>droit</strong>s et les services de paiement, dans l’Union Européenne<br />

comme aux États-Unis, peut aussi permettre de combattre le contenu illégal. »<br />

La procé<strong>du</strong>re avertissement, action, rétorsion financière pré-empte un autre rapport de <strong>la</strong><br />

Commission, <strong>la</strong> directive IPRED, pour Intellectual Property Right Enforcement Directive, ou en<br />

français Directive d’Imposition des Droits de Propriété Intellectuelle. L’IPRED considère que<br />

l’Europe est <strong>la</strong> bonne échelle pour imposer le respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur. Il n’est pas sûr que ce<br />

sera dans <strong>la</strong> directive sur le commerce en ligne ou dans l’IPRED que <strong>la</strong> « coopération » des<br />

services de paiement sera incluse.<br />

Les deux directives sont sous l’égide <strong>du</strong> Commissaire français Michel Barnier, qui est<br />

habituellement vu comme proche <strong>du</strong> président Nico<strong>la</strong>s Sarkozy.<br />

4.3.5 Conclusion<br />

Lorsque Censilia a intro<strong>du</strong>it sa proposition pour bloquer <strong>la</strong> pédopornographie en 2010, elle a insisté en<br />

public sur le fait qu’il s’agissait uniquement de pédopornographie, et qu’il ne s’agissait pas d’emprunter<br />

une pente glissante. Lors d’une présentation le 6 mai 2010 25 , elle déc<strong>la</strong>ra :<br />

« La proposition de <strong>la</strong> Commission ne concerne que <strong>la</strong> pédopornographie, ni plus, ni moins. Et<br />

<strong>la</strong> Commission n’a absolument aucun p<strong>la</strong>n de blocage d’autres types de contenu. Je<br />

m’opposerais personnellement à tout idée de ce type. »<br />

Sauf si Mme Malmström mentait effrontément à cette époque, il semble qu’elle n’avait pas été mise au<br />

courant <strong>du</strong> calendrier de ses collègues. Bloquer les sites web pour vio<strong>la</strong>tion de <strong>droit</strong>s d’auteur a toujours<br />

été le but <strong>du</strong> lobby <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur, à toutes les époques.<br />

4.4 La riposte gra<strong>du</strong>ée, ou l’art de débrancher les gens par<br />

caprice<br />

« Trois coups et t’es dehors » 26 est une expression qui a ses origines dans le base-ball, que les politiciens<br />

américains ont transformés en principe légal. Dans le contexte de <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> Netz, « trois coups »<br />

signifie que quelqu’un accusé de partage illégal trois fois de suite par des ayants-<strong>droit</strong>s est déconnecté.<br />

« Réponse gra<strong>du</strong>ée » est l’expression <strong>la</strong> plus utilisée en France.<br />

En France, nous avons <strong>la</strong> loi Hadopi 27 , qui demande aux Fournisseurs d’Accès à Inter<strong>net</strong> (FAI) de<br />

débrancher ceux qui ont reçu un, deux ou trois avertissements. Ceci dit, en France, les avertissements ne<br />

sont pas nécessaires, <strong>la</strong> déconnexion peut être immédiate. En Angleterre, le Digital Economy Act 28 dit<br />

essentiellement met <strong>la</strong> même chose. En Italie, qui a voulu faire mieux que tout le monde, un seul<br />

avertissement 29 suffit pour être banni.<br />

<strong>Sur</strong> le principe, ces lois <strong>la</strong>issent aux majors <strong>la</strong> liberté de se poser en juge et partie, en désignant les<br />

indivi<strong>du</strong>s suspectés de porter atteinte à leurs <strong>droit</strong>s, et en forçant les FAI à appliquer <strong>la</strong> sanction qu’est <strong>la</strong><br />

déconnexion.<br />

Laissons de côté <strong>la</strong> question de savoir si privatiser l’application de <strong>la</strong> loi est une bonne idée. Ce que nous<br />

défendons ici, c’est que vouloir débrancher arbitrairement les gens d’Inter<strong>net</strong> est un caprice<br />

irresponsable. Caprice car, comme nous le défendons, il faut <strong>réforme</strong>r le <strong>droit</strong> d’auteur plutôt que


l’appliquer aveuglément. Irresponsable à cause des effets qu’une coupure d’Inter<strong>net</strong> a sur les membres<br />

d’un foyer.<br />

Considérons deux secondes ce que ça veut concrètement dire :<br />

L’arrêt des études<br />

La plupart des systèmes sco<strong>la</strong>ires, particulièrement l’université, prennent pour acquis que vous<br />

avez un accès Inter<strong>net</strong>. Si vous êtes un étudiant, vous aurez besoin d’un accès Inter<strong>net</strong> pour toutes<br />

les choses de <strong>la</strong> vie courante, comme vous tenir au courant de votre emploi <strong>du</strong> temps, préparer des<br />

exposés en groupes, ou chercher <strong>la</strong> littérature sur un sujet précis. Les études montrent que <strong>la</strong><br />

majorité des étudiants piratent. Devriez-vous leur couper leur accès et arrêter là leurs études ? Ou<br />

peut-être faire un exemple sur 5-10% ? Quel est le meilleur sacrifice ?<br />

La mort des petites entreprises<br />

Si vous possédez une PME, vous dépendez entièrement d’Inter<strong>net</strong>, quelque soit votre branche.<br />

Pour contacter les clients, mettre à jour vos actualités, commander vos fournitures et simplement<br />

correspondre. Est-il raisonnable de ruiner le père ou <strong>la</strong> mère de famille parce que l’adolescent a<br />

téléchargé le dernier tube à <strong>la</strong> mode ? Couper une connexion punit un foyer entier.<br />

La coupure des re<strong>la</strong>tions sociales<br />

Les jeunes sont socialisés en grande partie via Inter<strong>net</strong>. Il n’est pas rare que certains aient des<br />

connaissances très proches qu’ils n’ont que rarement rencontrés en vrai. Ce n’était pas le cas il y a<br />

30 ans, mais les choses ont changé. Être tout d’un coup coupé <strong>du</strong> monde est normalement réservé<br />

aux dangereux criminels.<br />

La perte des <strong>droit</strong>s civiques<br />

L’accès à Inter<strong>net</strong> est devenu essentiel pour prendre part aux débats public. Non seulement pour<br />

être tenu au courant, mais aussi pour monter son propre blog, commenter ceux des autres, réagir en<br />

direct sur Twitter et organiser des évènements ou les rejoindre.<br />

« Si vos enfants sont méchants, nous leur enlevons leurs jouets » est un bon résumé de l’approche<br />

répressive des politiques qui défendent <strong>la</strong> riposte gra<strong>du</strong>ée.<br />

Mais les citoyens ne sont pas des enfants, n’ont pas à subir l’arrogance de leurs représentants. Inter<strong>net</strong><br />

n’est pas un jouet. C’est devenu un rouage essentiel de <strong>la</strong> société, et une infrastructure dont tout le<br />

monde a besoin.<br />

C’est dans cet esprit que le Conseil Constitutionnel français 30 a déc<strong>la</strong>ré que <strong>la</strong> suspension ne pouvait<br />

passer que par un juge car :<br />

Aux termes de l’article 11 de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration des <strong>droit</strong>s de l’homme et <strong>du</strong> citoyen de 1789 :<br />

« La libre communication des pensées et des opinions est un des <strong>droit</strong>s les plus<br />

précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf<br />

à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par <strong>la</strong> loi. »<br />

En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des<br />

services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services<br />

pour <strong>la</strong> participation à <strong>la</strong> vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce <strong>droit</strong><br />

implique <strong>la</strong> liberté d’accéder à ces services.<br />

Les politiques qui ne le comprennent pas ne devraient pas être surpris que <strong>la</strong> jeune génération ne vote<br />

pas pour eux.


4.5 Le principe de proportionnalité dans ACTA et les infractions<br />

au <strong>droit</strong> d’auteur<br />

En 2007, Mme Jammie Thomas, mère célibataire, est devenue bouc-émissaire 31 après avoir été<br />

poursuivie par une maison de disque qui exigeait 3,6 millions de dol<strong>la</strong>rs de dommages et intérêts. Le<br />

préten<strong>du</strong> crime concernait un partage de 24 chansons sur Kazaa (l’outil de partage de fichiers le plus<br />

popu<strong>la</strong>ire au début des années 2000). Le tribunal l’a condamnée, mais a ré<strong>du</strong>it sa peine à 222 000<br />

dol<strong>la</strong>rs. Mais pour Mme Thomas, ce montant était tout de même supérieur à cinq fois son revenu annuel.<br />

4.5.1 Condamnation par procuration<br />

Dans les cinq années qui ont suivies <strong>la</strong> condamnation, le jugement est passé en cour d’appel une<br />

première puis une deuxième fois. En janvier 2012, l’affaire était toujours en cours. Le montant des<br />

dommages et intérêts a longtemps varié en fonction des jugements ren<strong>du</strong>s en passant de 1 920 000 $ en<br />

2009 à 54 000 $ en 2011. La maison de disque a déc<strong>la</strong>ré ne pas être satisfaite de cette décision et<br />

cherchera une nouvelle augmentation de <strong>la</strong> condamnation.<br />

Mais que ce soit 2 000 000$ ou <strong>la</strong> « modique » somme de 50 000 $, le montant est c<strong>la</strong>irement<br />

disproportionné par rapport aux faits. Peu importe le nombre de chansons que vous ou les membres de<br />

votre famille ont écoutées sans les avoir achetées, vous ne devriez même pas considérer le risque de<br />

devoir vendre votre maison ou votre voiture, ou encore de payer des dommages et intérêts à une maison<br />

de disques le reste de votre vie. C’est tout simplement disproportionné.<br />

Dans cette affaire, <strong>la</strong> maison de disques n’est pas intéressée par l’argent. Ils savent que Mme Thomas<br />

n’en a pas, et ont déjà déboursé 3 000 000$ en frais juridiques. Ils veulent effrayer le public en mettant<br />

au pilori un exemple.<br />

4.5.2 Équité de <strong>la</strong> justice<br />

Le principe de proportionnalité est l’un des piliers d’un système d’un système judiciaire équitable. Mais<br />

les majors <strong>du</strong> copyright sont parvenus à persuader <strong>la</strong> justice que ce principe ne devrait pas être appliqué<br />

dans le cas des délits commis en ligne.<br />

Lorsqu’elle s’occupe <strong>du</strong> respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur sur Inter<strong>net</strong>, <strong>la</strong> justice peut être aveugle. Et<br />

malheureusement, ce<strong>la</strong> s’applique aussi aux tribunaux européens, pas qu’aux américains.<br />

En Suède en 2011, des tribunaux ont condamné à de <strong>la</strong> prison des pirates qui s’étaient fait prendre par<br />

malchance par des ayants-<strong>droit</strong>s. Certes, ce sont des cas isolés, et le jugement a été avec sursis à chaque<br />

fois, puisqu’ils n’avaient aucun casier. Mais, d’un point de vu légal, il est surprenant de voir qu’il s’agit<br />

d’un crime coupable de prison.<br />

S’agit-il vraiment de <strong>la</strong> société que nous voulons ? Il était un temps où vous pouviez être certains que<br />

« condamné pour avoir écouté de <strong>la</strong> musique illégalement » ne pouvait arriver qu’à Cuba ou en Union<br />

Soviétique. Les régimes totalitaires ont toujours eu pour habitude de contrôler les goûts de leur<br />

popu<strong>la</strong>tion.<br />

Mais maintenant, nous voyons que dans des États aussi respectables que les États-Unis ou <strong>la</strong> Suède, de<br />

telles choses arrivent. Certes il ne s’agit pas de protéger l’État contre les influences néfastes de<br />

l’extérieur, mais de protéger l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement contre le progrès. Cependant les<br />

condamnations sont les mêmes. Pensez-vous vraiment que ce<strong>la</strong> soit proportionné et <strong>du</strong>rable ?<br />

4.5.3 Des millions dans des ba<strong>la</strong>deurs<br />

En 2008, un citoyen danois avait été condamné à une amende de 160 000 couronnes 32 (21 000 €) pour<br />

avoir partagé 13 000 chansons sur un réseau Direct Connect en 2005. La peine avait été ré<strong>du</strong>ite par <strong>la</strong>


Cour Suprême en 2011 après six ans de bataille légale, mais les deux premiers tribunaux ont jugé que 20<br />

000 € était tout à fait normal pour un souffre-douleur de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement.<br />

Pour mettre les chiffres en perspective, 13 000 chansons, c’est 64 Go, et ça tient dans une poche. Il y a<br />

30 ans, ça aurait rempli une pièce entière. La technologie a tout bouleversé. Il est probablement difficile<br />

de trouver un adolescent danois qui a partagé moins de 64 Go dans sa vie.<br />

Est-ce que ça veut dire qu’il est juste que toutes les familles danoises vivent avec <strong>la</strong> menace permanente<br />

d’une amende de 20 000 € si un avocat frappe à <strong>la</strong> porte ? Est-ce qu’écouter illégalement de <strong>la</strong> musique<br />

est aussi grave que voler une voiture et <strong>la</strong> détruire ?<br />

Présentement, en Europe, les tribunaux ont toute <strong>la</strong>titude pour décider des dommages et intérêts. C’est<br />

pourquoi <strong>la</strong> cour suprême danoise a ré<strong>du</strong>it <strong>la</strong> condamnation. Mais ce<strong>la</strong> changera si le Parlement Européen<br />

ne rejette pas ACTA 33 .<br />

4.5.4 ACTA et les amendes arbitraires<br />

Bien que le nom <strong>du</strong> traité suggère qu’ACTA ne s’occupe que de <strong>la</strong> contrefaçon des biens commerciaux,<br />

que tout le monde, bien enten<strong>du</strong>, condamne, les effets <strong>du</strong> traité sont bien plus <strong>la</strong>rges. ACTA vise à<br />

renforcer l’application <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur sur Inter<strong>net</strong>, et rendrait certaines amendes absurdement élevées.<br />

Dans l’article 9,1 d’ACTA 34 , il est dit<br />

Lors de <strong>la</strong> détermination des indemnisations pour infraction à des <strong>droit</strong>s de propriété<br />

intellectuelle, les autorités judiciaires <strong>du</strong> pays signataire auront l’autorité pour prendre en<br />

compte, entre autres, toute mesure légitime de <strong>la</strong> valeur des pertes présentée par l’ayant-<strong>droit</strong>,<br />

qui pourra inclure les bénéfices non réalisés, <strong>la</strong> valeur des services ou biens à l’aune des prix <strong>du</strong><br />

marché, ou le prix de vente au détail.<br />

En d’autres termes : pour calculer les dommages infligés avec votre disque <strong>du</strong>r, vous devez multiplier le<br />

nombre de chansons par leur prix.<br />

Un disque de deux téraoctets peut contenir à peu près un demi-million de chansons. Si vous calculez les<br />

dommages selon le prix <strong>du</strong> marché, ce disque de quelques centimètres de diamètre vaut près d’un demimillion<br />

d’euros.<br />

Est-ce que ce<strong>la</strong> serait proportionné ou pas ? L’exemple n’est pas extrême. Beaucoup d’adolescents ont<br />

des fortunes en dizaines de milliers d’euros dans leur poche. Est-ce que leur famille devraient vraiment<br />

vendre <strong>la</strong> maison si ce<strong>la</strong> venait à être su ?<br />

Dans les lois actuelles des pays européens , les dommages et intérêts sont (au moins en principe) limitées<br />

aux pertes réellement subies, preuves à l’appui. Ils doivent être proportionnels. Même les meilleurs<br />

avocats de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement n’arriveraient pas à prouver qu’un enfant de 15 ans et son iPod<br />

leur a fait perdre des millions.<br />

Mais, suivant ACTA, les <strong>la</strong>bels n’auraient plus besoin de prouver qu’ils ont réellement per<strong>du</strong> de l’argent.<br />

Une bête multiplication est une preuve suffisante.<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement est consciente de ces absurdités, bien sûr. Elle a <strong>la</strong>rgement participé aux<br />

négociations sur ACTA depuis le tout début, et les eurodéputés ont été maintenus hors <strong>du</strong> jeu aussi<br />

longtemps que possible. Le p<strong>la</strong>n était de faire en sorte qu’ACTA soit signé, ratifié et avalisé avant que<br />

trop d’eurodéputés ne se rendent compte de ce qu’ils signaient.<br />

Il nous revient de continuer à faire échouer les lois et traités traîtres comme ACTA.<br />

4.6 L’inutilité des procès en bonne et <strong>du</strong>e forme


Les ayants-<strong>droit</strong>s préfèrent recourir au chantage que de poursuivre les pirates par des moyens judiciaires<br />

conventionnels. C’est devenu un véritable modèle économique.<br />

4.6.1 Être frappé par <strong>la</strong> foudre<br />

En Suède, avec 9 millions d’habitants, environ 10 personnes sont frappées par <strong>la</strong> foudre chaque année, et<br />

deux meurent. C’est bien sûr tragique, mais ce risque d’un sur un million n’est pas suffisant pour que les<br />

gens aient au quotidien peur d’être frappés par <strong>la</strong> foudre et pour changer leurs habitudes. Personne ne<br />

porte de casque avec prise de terre dans les rues de Stockholm.<br />

Avant 2011 35 , le risque de se faire prendre pour piratage était à peu près aussi élevé que celui d’être tué<br />

par <strong>la</strong> foudre. Ça arrivait une fois ou deux par an, donc personne ne prenait <strong>la</strong> menace au sérieux.<br />

En 2011, avec trois procureurs et dix enquêteurs consacrés à <strong>la</strong> tâche, on atteignit les huit personnes<br />

prises par an. Autrement dit, en augmentant « massivement » les ressources judiciaires consacrées au<br />

problème (qui auraient pu être dépensées ailleurs), on a amené le risque de condamnation au niveau de<br />

celui d’être frappé (et pas tué) par <strong>la</strong> foudre. C’est une augmentation considérable, mais pas suffisante<br />

pour impressionner qui que ce soit. Certains peuvent prendre quelques précautions supplémentaires en<br />

s’abonnant à un service d’anonymisation pour quelques euros par mois, mais le risque global de se faire<br />

prendre ne décourage personne.<br />

D’après l’agence de presse suédoise TT 36 , 20% de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion suédoise, soit 1,4 million, pirate des<br />

œuvres culturelles. Un tiers d’entre eux pourraient être envoyés en prison si <strong>la</strong> police les découvrait.<br />

Mais, bien sûr, seulement une infime minorité a une chance d’arriver en prison.<br />

« Nous aurions besoin de milliers d’enquêteurs » a déc<strong>la</strong>ré un des agents spécialisés, tout à fait conscient<br />

de ce qui arrivait.<br />

Du point de vue des grosses boîtes de pro<strong>du</strong>ction, utiliser <strong>la</strong> justice conventionnelle pour arriver à bout<br />

<strong>du</strong> piratage est peine per<strong>du</strong>e, parce que le risque d’être pris est ridicule, mais aussi parce que les étapes<br />

d’un procès en « bonne et <strong>du</strong>e forme » basé sur des «preuves » sont beaucoup trop lentes et que<br />

déclencher des centaines de procé<strong>du</strong>res engorgerait les tribunaux plutôt qu’autre chose.<br />

C’est pourquoi elles essayent d’accélérer les procé<strong>du</strong>res. Aux États-Unis, elles y ont <strong>la</strong>rgement réussi. La<br />

raison pour <strong>la</strong>quelle Jammie Thomas a eu l’attention des médias n’était pas qu’elle était <strong>la</strong> première à<br />

être poursuivie pour piratage, ou que les montants demandés étaient exorbitants. Les montants étaient<br />

ceux usuellement réc<strong>la</strong>més par l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> disque. Jammie Thomas a fait <strong>la</strong> une car elle était <strong>la</strong><br />

première à p<strong>la</strong>ider non coupable, et à résister à l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique. Au lieu de payer, elle est allée<br />

en justice.<br />

Récapitulons : <strong>la</strong> boîte de pro<strong>du</strong>ction a poursuivi Thomas pour 3,6 millions, mais a offert un arrangement<br />

à l’amiable de 2000$. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi <strong>la</strong> plupart des gens payent<br />

directement, même s’ils sont innocents. Perdre 2000$ n’est rien par rapport à <strong>la</strong> peur de devoir payer un<br />

avocat et de perdre des millions. Il est plus simple de céder au chantage.<br />

4.6.2 Le chantage comme technique « commerciale »<br />

Du chantage organisé. Voilà ce dont il s’agit. Les maisons de disques américaines ont poursuivi des<br />

grands-mères de 80 ans, des gens sans ordinateurs et même des morts. En forçant les fournisseurs<br />

d’accès à Inter<strong>net</strong> à donner les historiques des clients, ils ont mis sur p<strong>la</strong>ce une in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> chantage. Il<br />

n’y a rien qui explique que l’on reçoive un mail. Peu importe notre innocence. « Envoyons des mails et<br />

récupérons l’argent ». Tout à y gagner, rien à perdre.<br />

La clé de cette stratégie pour les ayants-<strong>droit</strong>s est qu’ils peuvent forcer les fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong><br />

à leur donner les historiques de connexion de leurs clients. Si c’est possible, les infractions au <strong>droit</strong><br />

d’auteur deviennent une manne en elles-mêmes. Puisque rares sont les citoyens à s’y opposer et à


prendre le risque d’aller au tribunal, le coût judiciaire est faible et le modèle économique fonctionne<br />

bien. Un timbre contre quelques milliers d’euros…<br />

En Europe, l’importance de cette pratique varie d’État en État. En 2010, Lars van Trier a utilisé cette<br />

technique en Allemagne, en menaçant des centaines de personnes de poursuites pour 10 000€ de<br />

dommages et intérêts minimums s’ils ne payaient pas 1200€ tout de suite. 600 Allemands ont été<br />

suffisamment effrayés pour payer directement, même si certains étaient innocents, ou pensaient que<br />

1200€ était exagéré pour avoir téléchargé illégalement un film. Il en a retiré plus d’argent que via <strong>la</strong><br />

vente de DVD ou de p<strong>la</strong>ces de cinéma 37 .<br />

La Suède comme <strong>la</strong> France, au contraire, ont été <strong>la</strong>rgement épargnées par ce type de comportement des<br />

ayants-<strong>droit</strong>s, parce que les ayants-<strong>droit</strong>s n’ont pas le <strong>droit</strong> de demander directement aux fournisseurs<br />

d’accès à Inter<strong>net</strong> les coordonnées de leurs clients. Il faut remplir une p<strong>la</strong>inte et passer par une procé<strong>du</strong>re<br />

policière puis judiciaire avant d’obtenir les données demandées.<br />

4.6.3 IPRED et rétention des données<br />

En France, ce<strong>la</strong> a changé depuis que l’État s’est chargé avec <strong>la</strong> Hadopi de l’envoi des mails lui-même,<br />

tandis que ce<strong>la</strong> peut changer en Suède avec <strong>la</strong> tra<strong>du</strong>ction en loi locale de l’IPRED 38 et de <strong>la</strong> directive sur<br />

<strong>la</strong> rétention des données 39 (contre <strong>la</strong>quelle un recours constitutionnel a été déposé en Autriche après<br />

l’Allemagne 40 ). Ces deux directives ont été conçues en tandem, et permettent aux ayants-<strong>droit</strong>s de mener<br />

à bien leur technique de chantage.<br />

La directive sur <strong>la</strong> rétention des données force les fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong> à conserver l’historique<br />

des données de connexion de leurs clients pour une <strong>du</strong>rée déterminée, tandis que l’IPRED sert à<br />

permettre aux ayants-<strong>droit</strong>s de réc<strong>la</strong>mer cette information. Ces deux directives combinées permettent le<br />

chantage version américaine.<br />

Le problème fondamental est que si les lois ont pour effet de permettre aux compagnies privées de<br />

mettre en p<strong>la</strong>ce leur propre milice répressive, les citoyens n’ont plus <strong>la</strong> possibilité de se défendre « à<br />

égalité » avec ces compagnies devant <strong>la</strong> justice.<br />

Ce qui compte n’est pas tant le résultat judiciaire que le coût de <strong>la</strong> procé<strong>du</strong>re. Si vous ne pouvez<br />

pratiquement par<strong>la</strong>nt pas vous défendre, il s’agit d’un déni de justice.<br />

4.7 De toute manière, <strong>la</strong> répression ne marche pas<br />

La politique répressive des lobbys de <strong>la</strong> culture n’a jamais donné que des résultats éphémères et<br />

incertains. Car rien n’arrêtera le piratage.<br />

4.7.1 L’IFPI et ses hallucinations<br />

En juin 2010, moi, Christian Engström, j’assistais à un groupe de travail sur le renforcement <strong>du</strong> <strong>droit</strong><br />

d’auteur au Parlement Européen. Nous avions des invités de <strong>la</strong> MPAA 41 et de l’IFPI 42 , c’est-à-dire des<br />

représentants des lobbys de <strong>la</strong> culture et des défenseurs de <strong>la</strong> ligne <strong>la</strong> plus <strong>du</strong>re sur le sujet.<br />

La représentante de l’IFPI nous a vanté tout ce qu’ils pourraient pro<strong>du</strong>ire si le piratage disparaissait. Elle<br />

nous demandait des campagnes d’information et une répression plus sévère. Elle nous a montré une<br />

diapo avec les mots :<br />

L’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique favorise l’information des utilisateurs, avec des sanctions pour les<br />

récidivistes.<br />

C’est exactement ce qu’elle dit depuis plus d’une décennie. Des campagnes d’information pour les<br />

internautes sur des sanctions infligées par les fournisseurs d’accès à Inter<strong>net</strong>, sans passer par un juge.


Mais, existe-t-il une bonne raison de penser que ça marchera ?<br />

Lorsque ce fut mon tour de parler, j’ai rappelé à l’IFPI et <strong>la</strong> MPA que ce<strong>la</strong> fait une décennie qu’elles<br />

poursuivent cette stratégie, aux États-Unis comme en Europe. En 1998 elles ont fait voté le DMCA 43<br />

aux États-Unis. En Europe, nous avons vu plusieurs lois qui ont renforcé <strong>la</strong> répression, en particulier<br />

l’EUCD 44 en 2001, dont <strong>la</strong> transposition française est <strong>la</strong> DADVSI 45 puis l’IPRED en 2004. Nous avons<br />

aussi vu plusieurs campagnes de dite information « Le partage c’est <strong>du</strong> vol ».<br />

Les lobbys de <strong>la</strong> culture sont donc en bonne position pour savoir si leur stratégie a été efficace. Je leur ai<br />

demandé dans quel pays elle avait fonctionné ? Malheureusement, admit <strong>la</strong> représentante de l’IFPI, nulle<br />

part.<br />

Les ayants-<strong>droit</strong>s sont in fine toujours obligés de poursuivre en justice les pirates pour être efficaces, ce<br />

qui restreint sévèrement le nombre de cas qu’ils peuvent poursuivre. L’IFPI et les autres lobbys vou<strong>la</strong>ient<br />

une réponse bien plus répressive pour qu’elle soit plus efficace, dit <strong>la</strong> représentante. Elle espérait que<br />

l’UE <strong>la</strong> comprendrait. Elle a cité <strong>la</strong> Suède comme un cas de pays où une légis<strong>la</strong>tion plus stricte avait été<br />

mise en p<strong>la</strong>ce le premier avril 2009.<br />

Regardons le trafic à cette période :<br />

Suède sur deux ans par Netnod<br />

Le trafic Inter<strong>net</strong> en<br />

Il est vrai que le trafic est tombé de 40% le jour de l’entrée en vigueur de <strong>la</strong> loi, et que l’IFPI avait publié<br />

un communiqué victorieux ce jour là. Il est aussi vrai que, six mois plus tard, le trafic était revenu à <strong>la</strong><br />

normale. Un succès peut-être, mais éphémère.<br />

Tout autour <strong>du</strong> monde, <strong>la</strong> même histoire se répète. Personne n’a jamais été capable d’arrêter le piratage.<br />

Mais les lobbys de <strong>la</strong> culture continuent à espérer que les mêmes sanctions inefficaces le deviendront un<br />

jour. Il n’y a rien qui suggère qu’ils puissent avoir raison.<br />

La stratégie « Informer et Réprimer » ne fonctionne tout simplement pas. Ce qui se passe, c’est que<br />

l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur en veut toujours plus, et ne réfléchit pas à deux fois pour faire passer nos<br />

libertés civiles fondamentales après leur monopole décrépi. Si une mesure <strong>du</strong>re ne sert à rien, elle en<br />

réc<strong>la</strong>me une autre. C’est une succession de victoires à <strong>la</strong> Pyrrhus.<br />

4.7.2 Les enseignements de l’histoire<br />

Il y a quelques siècles, <strong>la</strong> peine pour une copie inautorisée finit par être le supplice de <strong>la</strong> roue. Après<br />

d’affreuses souffrances, le condamné mourrait de soif dans les jours suivant <strong>la</strong> destruction de ses


membres.<br />

Le monopole de copie à cette époque concernait les modèles de couture. C’était au 18 e siècle en France,<br />

avant <strong>la</strong> Révolution. Certains modèles était plus popu<strong>la</strong>ires que d’autres, et pour remplir un peu plus ses<br />

caisses, le Roi avait ven<strong>du</strong> des monopoles d’exploitation à quelques nobles privilégiés, qui en retour<br />

pouvaient casser des bras et des jambes (et le faisaient).<br />

Mais les paysans et roturiers pouvaient pro<strong>du</strong>ire ces modèles d’eux-mêmes. Ils pouvaient les pirater, et le<br />

firent <strong>la</strong>rgement. Les nobles demandèrent donc justice au Roi. Le Roi commença par intro<strong>du</strong>ire des<br />

amendes, puis des châtiments corporels mineurs, puis finit par condamner ces infractions au monopole<br />

nobiliaire par <strong>la</strong> torture, et ne condamna pas seulement une poignée de pauvres hères.<br />

L’économiste et historien Eli Heckscher écrit dans son c<strong>la</strong>ssique Merkantilismen :<br />

Bien sûr, l’essai de stopper un développement encouragé par des modes féminines éphémères<br />

ne pouvait pas réussir. On considère qu’en France <strong>la</strong> police a tué 16 000 personnes pour copie<br />

inautorisée, sans compter ceux condamnés aux galères. À Valence, il arriva que 77 personnes<br />

soient pen<strong>du</strong>es en une seule fois, avec 58 rouées et 631 envoyées aux galères, un acquitté. Mais<br />

l’usage <strong>du</strong> calicot imprimé dont <strong>la</strong> copie était réprimée a continué à se répandre en France et<br />

ailleurs.<br />

Voilà le plus fascinant :<br />

La peine capitale n’a pas réussi à ralentir le piratage des fabriques des nobles. Même ceux qui<br />

connaissaient des artisans exécutés et torturés continuèrent à pirater sur le même rythme.<br />

Ce<strong>la</strong> remet sérieusement en doute <strong>la</strong> pertinence d’une politique répressive. Combien de temps encore estce<br />

que les politiciens continueront à croire que <strong>la</strong> répression sert à quelque chose quand l’histoire nous<br />

apprend que même <strong>la</strong> peine de mort n’empêche pas un phénomène de se propager à toute vitesse et de<br />

per<strong>du</strong>rer ?<br />

Pour résoudre le problème, nous devons trouver une autre solution. Et celle-ci existe. Une fois que vous<br />

acceptez de ré<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> protection des œuvres sous <strong>droit</strong> d’auteur, et d’autoriser le partage noncommercial,<br />

une foultitude d’avantages apparaît. Les deux milliards d’humains connectés de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète<br />

auraient accès 24h/24 à une culture immense à un coût dérisoire. C’est un énorme progrès par rapport à<br />

<strong>la</strong> bibliothèque d’Alexandrie. La technologie existe. Il reste à l’accepter.<br />

4.8 Partage de fichiers et <strong>droit</strong>s fondamentaux – <strong>la</strong> ligne de<br />

tension<br />

La re<strong>la</strong>tion entre le partage de fichier et les <strong>droit</strong>s fondamentaux est très simple. Le partage de fichier est<br />

là pour rester. Peu importe ce que le Parti Pirate Suédois ou n’importe qui d’autre fera ou ne fera pas,<br />

ce<strong>la</strong> ne changera pas les faits. À long terme, il deviendra impossible de faire payer simplement pour des<br />

copies numériques. Ce<strong>la</strong> fait partie de l’histoire de <strong>la</strong> technologie et il n’y a rien d’autre à ajouter.<br />

Alors pourquoi ce<strong>la</strong> dérange ? L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur ne sera pas capable d’arrêter le partage de<br />

fichiers. Les pirates trouveront d’autres moyens de se protéger grâce à l’anonymisation, le chiffrement,<br />

etc… Aucun problème pour eux. Mais l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur punit 46 et punira des indivi<strong>du</strong>s pris au<br />

hasard de façon <strong>du</strong>re et disproportionnée pour l’exemple.<br />

Ceci n’est pas acceptable. Qui plus est, ce<strong>la</strong> engendrera <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce généralisée des communications<br />

privées de tout le monde, ainsi que des systèmes de censure et de blocage. Pour cette raison, nous<br />

devons entrer dans le combat politique pour faire concorder <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur les <strong>droit</strong>s d’auteur avec <strong>la</strong><br />

réalité.<br />

Nous venons d’expliquer que <strong>la</strong> seule façon d’essayer de ré<strong>du</strong>ire le partage de fichiers est d’intro<strong>du</strong>ire <strong>la</strong>


surveil<strong>la</strong>nce de masse de tous les utilisateurs d’Inter<strong>net</strong>. Mais même ce<strong>la</strong> n’est pas très efficace, comme<br />

l’ont montrées les expériences des décennies passées. L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur sait tout ce<strong>la</strong>.<br />

Donc, même ceux qui pensent que le partage de fichiers est dangereux pour <strong>la</strong> société et qu’il faut<br />

l’éliminer doivent se demander s’ils sont préparés à accepter une société totalement surveillée pour<br />

arriver à ce<strong>la</strong>. Parce qu’une fois que les systèmes de surveil<strong>la</strong>nce ont été installés, ils peuvent être utilisés<br />

pour n’importe quoi qui p<strong>la</strong>ira aux personnes qui les maîtrisent.<br />

Vous pourriez avoir l’impression que vous n’avez « rien à cacher » lorsqu’il s’agit de partage de fichiers,<br />

si c’est quelque chose que vous ne pratiquez pas. Mais pouvez-vous être certains que vous n’aurez pas<br />

toujours « rien à cacher » quand il s’agira d’exprimer des points de vue que le futur gouvernement<br />

pourrait ne pas apprécier? Savez-vous déjà que vous serez loyal au gouvernement à <strong>la</strong> prochaine période<br />

de McCarthysme ou pire, quand l’État commencera a écouter et à verrouiller certaines sympathies<br />

politiques?<br />

Si vous construisez un système de surveil<strong>la</strong>nce de masse, il y aura un système de surveil<strong>la</strong>nce de masse à<br />

disposition pour tous les abus. Voilà l’essentiel <strong>du</strong> problème, sa ligne de tension.<br />

1<br />

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http://falkvinge.<strong>net</strong>/2011/09/05/cable-reveals-extent-of-<strong>la</strong>pdoggery-from-swedishgovt-on-copyright-monopoly/<br />

http://www.iipa.com/<br />

http://politique<strong>du</strong><strong>net</strong>z.sploing.fr/2012/03/5-tops-et-5-flops-de-2011-pour-<strong>la</strong>liberte-dexpression-sur-inter<strong>net</strong>-en-europe/<br />

en II.a<br />

http://www.numerama.com/magazine/20696-affaire-sabam-grande-victoire-contre-lefiltrage-generalise-en-europe.html<br />

https://www.torproject.org/<br />

https://free<strong>net</strong>project.org/<br />

http://www.i2p2.de/<br />

http://www.whispersys.com/<br />

http://www.techdirt.com/articles/20110221/22545113197/sometimes-piracy-freedomlook-remarkably-simi<strong>la</strong>r.shtml<br />

https://free<strong>net</strong>project.org/philosophy.html?<strong>la</strong>nguage=es<br />

http://www.flickr.com/photos/<strong>du</strong>yarsiz_kitle/5727537499/<br />

http://www.js<strong>la</strong>w.dk/<br />

http://www.antipiratgruppen.dk/<br />

http://www.ifpi.org/<br />

http://swartz.typepad.com/texplorer/2007/07/polisens-hmnd-m.html<br />

http://computersweden.idg.se/2.2683/1.111214<br />

http://falkvinge.<strong>net</strong>/2008/02/07/kommentarer-till-propagandakriget/<br />

http://christianengstrom.wordpress.com/2008/02/06/barnporr<strong>la</strong>nkar-for-nytillkomna/


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http://lmgtfy.com/?q=contourner+un+blocage+dns<br />

http://ceciliamalmstrom.wordpress.com/2010/03/29/ett-s<strong>la</strong>g-for-barnensrattigheter/<br />

http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?<br />

reference=IP/10/379&amp;format=HTML&amp;aged=0&amp;<strong>la</strong>nguage=fr&amp;guiLanguage=fr<br />

https://www.google.com/takeaction/images/sopa-012112-v12.png<br />

http://www.iptegrity.com/index.php/ipred/733. Article sous CC-BY<br />

http://www.meldpunt-kinderporno.nl/files/Biblio/Speech-Malmstrom-Combatingsexual-abuse06_05_2010.pdf<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_des_trois_coups<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Cr\%C3\%A9ation_et_Inter<strong>net</strong><br />

http://www.legis<strong>la</strong>tion.gov.uk/ukpga/2010/24/contents<br />

http://www.fulviosarzana.it/blog/il-diritto-ad-inter<strong>net</strong>-ed-il-par<strong>la</strong>mento-italiano<br />

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/lesdecisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-<strong>du</strong>-10juin-2009.42666.html<br />

http://www.numerama.com/magazine/17233-condamnee-a-payer-15-million-de-dol<strong>la</strong>rspour-son-troisieme-proces-p2p.html<br />

http://www.pcinpact.com/news/45828-danemark-piratage-wifi-abonne-P2P.htm<br />

Accord commercial de lutte contre <strong>la</strong> contrefaçon, rejeté très majoritairement par le Parlement<br />

européen en juin 2012, après <strong>la</strong> publication <strong>du</strong> livre présentement tra<strong>du</strong>it.<br />

http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2011/may/tradoc_147937.pdf<br />

http://5101.se/sammanstallda-domar/<br />

http://www.dn.se/kultur-noje/polisen-rustar-upp-mot-filde<strong>la</strong>rna<br />

http://www.nyteknik.se/nyheter/it_telekom/inter<strong>net</strong>/article3055830.ece<br />

http://www.<strong>la</strong>quadrature.<strong>net</strong>/fr/directive-anti-partage-ipred<br />

http://de.wikipedia.org/wiki/Vorratsdatenspeicherung<br />

http://politique<strong>du</strong><strong>net</strong>z.sploing.fr/2012/06/11-139-citoyennes-autrichiens-deposentun-recours-constitutionnel-contre-<strong>la</strong>-retention-des-donnees/<br />

http://www.mpaa.org/<br />

http://www.ifpi.org/<br />

http://politique<strong>du</strong><strong>net</strong>z.sploing.fr/wp-content/uploads/2012/09/remy-khouzam-dmcaanalyse.pdf<br />

http://eucd.info/documents/transposition-eucd-2003-06-20.pdf<br />

http://www.maitre-eo<strong>la</strong>s.fr/post/2006/08/07/411-<strong>la</strong>-loi-dadvsi-commentee


46<br />

http://www.numerama.com/magazine/23715-hadopi-un-premier-condamne-parnaiumlvete.html<br />

Chapitre 5 Comment se nourriront les artistes ?<br />

5.1 C’est justement ÇA le marché, bande d’imbéciles !<br />

En travail<strong>la</strong>nt avec l’eurodéputé 1 pirate Christian Engström au Parlement Européen, il m’arrive souvent<br />

d’entrer en contact avec des lobbyistes de <strong>la</strong> propriété intellectuelle, des lobbyistes de <strong>la</strong> musique, <strong>du</strong><br />

cinéma, ou de l’édition. Et il y a une chose qui me frappe toujours…<br />

On a l’impression qu’ils n’ont pas <strong>la</strong> moindre idée de ce qui est en train de se passer.<br />

5.1.1 Multi-connexion, hyper-distribution<br />

Ils semblent ne pas réaliser que nous vivons dans une société de l’information avec un phénomène<br />

d’hyper-distribution.<br />

Si quelques uns semblent bien se rendre compte de <strong>la</strong> tendance générale, ils pensent que c’est le Parti<br />

Pirate Suédois lui-même ou même l’eurodéputé Christian lui-même qui a inventé Inter<strong>net</strong>, <strong>la</strong> libre<br />

circu<strong>la</strong>tion de l’information et le partage.<br />

(Nous y répondons parfois « Non, c’est quelqu’un de beaucoup plus futé ». Mais il n’ont pas l’air de<br />

capter <strong>la</strong> subtilité de notre humour, et encore moins le message.)<br />

Ce que fait le Parti Pirate Suédois, c’est «simplement» montrer quelles politiques sont raisonnables dans<br />

notre nouvelle société.


Des millions de gens sont en ligne, et tous peuvent, au moins en théorie, se connecter les unes aux<br />

autres. Il n’y a le plus souvent, et c’est surprenant, que très peu d’intermédiaires potentiels entre deux<br />

personnes (8 tout au plus). Toutes les données qui sont sur mon ordinateur pourraient être transférées sur<br />

le vôtre. Ou sur celui d’un réparateur de vélo chilien. Si elles sont suffisamment intéressantes.<br />

5.1.2 Le potentiel d’Inter<strong>net</strong> existe bel et bien<br />

Certains entrepreneurs ont compris ce qui s’était passé. Ils créent des applications Inter<strong>net</strong>, ils mettent en<br />

ligne leur boutique (et le plus souvent, plus ils sont spécialisés, plus ils ont <strong>du</strong> succès), ils développent<br />

leurs propres chaînes médias et créent des projets qui incitent à <strong>la</strong> coopération. La plupart <strong>du</strong> temps, ce<br />

peut être fait avec très peu d’argent. S’ils le choisissent, ils peuvent s’adresser au monde entier.<br />

Pour les lobbyistes de <strong>la</strong> propriété intellectuelle, c’est le contraire…<br />

Ils refusent de voir ou d’accepter le monde comme il est. Ils s’excitent parce que plus personne ne veut<br />

descendre en centre-ville pour acheter leurs pro<strong>du</strong>its gravés sur des galettes de p<strong>la</strong>stique. Ils deviennent<br />

fous si quelqu’un partage l’information qu’il possède avec un ou une autre. Ils maudissent Inter<strong>net</strong>. Ils<br />

veulent superviser, filtrer et contrôler le flux des informations. Ils veulent couper les connexions à<br />

Inter<strong>net</strong>. Ce<strong>la</strong> ne leur pose aucun problème que de rendre le monde difficile à vivre pour tous les autres,<br />

tous les entrepreneurs, les scientifiques, les étudiants, les artistes, les blogueurs et les gens normaux qui<br />

remplissent le web de leur créativité et de vie.<br />

Les lobbys de <strong>la</strong> PI ne font aucun effort pour comprendre, accepter et adopter notre nouvelle réalité et<br />

notre nouvelle société de l’information. Ils le pourraient, s’ils le vou<strong>la</strong>ient. Et ils pourraient devenir<br />

riches ce faisant. Mais jusque maintenant, ils semblent incapables de penser en dehors des sentiers<br />

battus.<br />

5.1.3 Mais ce potentiel est le plus souvent méprisé<br />

Parfois, c’est presque surprenant. Nous avons rencontré quelqu’un de l’in<strong>du</strong>strie de l’édition. Quelqu’un<br />

qui nous a expliqué, <strong>la</strong> lèvre haute, que <strong>la</strong> quantité d’information circu<strong>la</strong>nt sur Inter<strong>net</strong> était un problème,<br />

puisque personne ne peut contrôler le processus de sélection, décider de ce qui doit être publié ou non.<br />

C’était tellement… condescendant.<br />

Une société de l’information en ligne avec une grande multitude d’informations et une hyperdistribution,<br />

voilà le nouveau marché. Et sous beaucoup d’aspects, c’est un marché beaucoup plus libre<br />

qu’avant. Vous devriez l’accepter ou vous ranger sur le côté et regarder le train passer.<br />

Car enfin, regardons les choses en face. Certains pro<strong>du</strong>its, certains modèles économiques, certains<br />

concepts et d’autres trucs finiront directement à <strong>la</strong> poubelle, puisqu’ils sont inadaptés à notre société<br />

moderne. Et ils devraient finir à <strong>la</strong> poubelle, libérant ainsi de l’espace pour d’autres trucs tout neufs, et<br />

plus rentables, plus orientés vers l’avenir, plus viables et plus florissants.<br />

Personne ne peut prédire de quoi demain sera fait, et quels seront les prochains modèles économiques.<br />

Mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Nous trouverons des solutions, en définitive. Le marché s’en<br />

chargera. De lui-même. Il y aura toujours des gens talentueux pour développer de nouveaux pro<strong>du</strong>its, et<br />

en vivre. Vous pouvez appeler ça capitalisme, organisation spontanée, progrès, <strong>la</strong> main invisible, les<br />

effets dynamiques ou comme il vous p<strong>la</strong>ira. Mais ce sera là. Car c’est déjà là. Malgré le piratage, voire<br />

grâce à lui.<br />

5.2 Téléchargement illégal : Les artistes se portent bien, merci<br />

« De quelle manière les artistes seront-ils rémunérés ? »<br />

C’est <strong>la</strong> question <strong>la</strong> plus fréquente que l’on nous pose lorsque nous argumentons en faveur de <strong>la</strong> refonte<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur en vue de légaliser le partage de fichiers.


5.2.1 Pour une société florissante et libre<br />

Au Parti Pirate Suédois, nous défendons que le respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur n’est à l’heure actuelle pas<br />

compatible avec celui des <strong>droit</strong>s fondamentaux.<br />

Certes, il peut être un peu frustrant de se voir poser <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> rémunération des artistes juste après<br />

avoir expliqué comment l’application <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur menace les <strong>droit</strong>s fondamentaux.<br />

Car est-ce que <strong>la</strong> question de savoir si nous voulons que les <strong>droit</strong>s au secret de <strong>la</strong> correspondance, à un<br />

procès équitable et à des peines proportionnées soient respectés dépend vraiment de savoir si c’est<br />

rentable pour les artistes ou non ?<br />

Ceci dit, c’est une question légitime. Nous désirons tous une société avec une culture florissante. Nous<br />

souhaitons tous que des écrivains, des musiciens et autres créateurs aient <strong>la</strong> possibilité de vivre de leur<br />

art. Si le cas d’un conflit entre ça et <strong>la</strong> préservation des <strong>droit</strong>s fondamentaux s’était posé, c’eût été un<br />

problème qui eût nécessité d’être traité, même si supprimer les <strong>droit</strong>s fondamentaux n’eût pas été <strong>la</strong><br />

bonne réponse.<br />

5.2.2 Le téléchargement illégal n’a pas tué <strong>la</strong> culture<br />

Il y a dix ans, <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> rémunération des artistes était une colle, et peu auraient assuré avec<br />

certitude que le secteur de <strong>la</strong> culture survivrait, ou auraient pu prédire comment.<br />

Mais aujourd’hui nous avons plus de dix années de recul sur un monde dans lequel chacun qui le<br />

souhaite peut télécharger ce qu’il veut gratuitement, et où une importante partie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion le fait<br />

régulièrement.<br />

Nous savons par expérience que le secteur culturel est financièrement viable malgré (voire grâce à) <strong>la</strong><br />

floraison des échanges de fichier en pair à pair.<br />

Ce qui aurait pu apparaître comme un problème insoluble il y a une décennie s’est révélé ne pas en être<br />

un <strong>du</strong> tout, mais plutôt une grande opportunité pour des artistes et des créateurs, et une aubaine pour <strong>la</strong><br />

diversité culturelle.<br />

5.2.3 Car le marché se reconfigure<br />

En fait, nous observons que <strong>du</strong>rant <strong>la</strong> décennie où le partage de fichiers s’est développé de façon<br />

exponentielle, les revenus ont augmenté d’année en année à <strong>la</strong> fois pour les secteurs culturels en général,<br />

mais aussi pour chaque pan de <strong>la</strong> culture tel que le cinéma, <strong>la</strong> musique ou les jeux vidéos.<br />

Le plus grand changement à été pour l’in<strong>du</strong>strie musicale. Durant les dix dernières années, les ventes de<br />

musique sur support physique ont chuté à pic, et l’augmentation des ventes de musique dématérialisée a<br />

été une maigre compensation. Mais le marché de <strong>la</strong> musique ne s’est jamais aussi bien porté.<br />

Dans un article de fond publié en octobre 2010, le magazine économique The Economist 2 écrit:<br />

Un nombre surprenant de trucs génère des revenus pour les artistes et les maisons de disques, et<br />

d’autres sont prometteuses. Le marché de <strong>la</strong> musique n’est pas en train de mourir, mais il est en<br />

train de changer en profondeur.<br />

La plus longue et <strong>la</strong> plus forte période de croissance concerne les concerts. Entre 1999 et 2009<br />

les ventes de tickets en Amérique ont triplé en valeur, de 1,5 à 4,6 milliards de dol<strong>la</strong>rs. [...]<br />

L’augmentation des revenus en provenance des concerts, des pro<strong>du</strong>its dérivés, des partenariats,<br />

de l’édition, <strong>du</strong> streaming et des marchés émergents est venue contreba<strong>la</strong>ncer les pertes <strong>du</strong>es au<br />

déclin des ventes de CDs. De ce fait, quelques musiciens font entendre un son de cloche


différent. L’année dernière un nouveau groupe, « the Featured Artists Coalition », a contesté les<br />

intentions <strong>du</strong> gouvernement de punir les personnes partageant des fichiers par <strong>la</strong> suspension de<br />

leur connexion ADSL. Ses meneurs, y compris des artistes établis tels que Billy Bragg et Annie<br />

Lennox, affirment que le partage de fichiers est une forme de promotion utile.<br />

Lorsque l’on regarde les statistiques, on s’aperçoit que le secteur culturel génère autant d’argent qu’il y a<br />

dix ans (ou légèrement plus, <strong>du</strong> fait de l’augmentation générale <strong>du</strong> niveau de vie). Les gens dépensent<br />

autant qu’avant pour <strong>la</strong> culture, malgré le fait qu’ils peuvent télécharger tout gratuitement, et le font<br />

fréquemment.<br />

5.2.4 Et car le poste de dépense « culture » reste stable…<br />

S’ils ne dépensent plus d’argent pour quelque chose, ils le dépensent pour autre chose. Les amateurs de<br />

musique dépensent autant qu’avant, mais comme ils dépensent moins pour les CD, ils dépensent plus<br />

pour aller aux concerts. C’est une mauvaise nouvelle pour les maisons de disques, mais une bonne pour<br />

les artistes, qui obtiennent une plus grosse part <strong>du</strong> gâteau.<br />

Plus d’argent que jamais auparavant afflue vers le secteur culturel, mais parfois par un chemin différent.<br />

Il est assez normal que ce soit ainsi, si nous pensons à notre expérience quotidienne <strong>du</strong> fonctionnement<br />

de l’économie. Quand vous avez un sa<strong>la</strong>ire, vous dépensez de l’argent dans le loyer (ou le prêt), dans <strong>la</strong><br />

nourriture, dans vos factures et d’autres trucs pénibles. Si vous êtes chanceux, il vous en reste assez pour<br />

vous divertir un peu, id est, pour <strong>la</strong> culture.<br />

Si vous ne dépensez plus d’argent dans l’achat de disques en p<strong>la</strong>stique, vous pouvez le dépenser dans<br />

des concerts où vous pourrez voir les musiciens en chair et en os. Si vous ne dépensez pas votre budget<br />

culture d’une certaine manière, vous le dépenserez d’une autre, et quelqu’un <strong>du</strong> secteur de <strong>la</strong> culture le<br />

récupérera de toute manière.<br />

5.2.5 …au profit des artistes.<br />

Il est toujours très difficile de gagner sa vie comme artiste. Ça l’a toujours été, et ça le sera toujours.<br />

Mais au moins c’est devenu un peu moins difficile qu’avant Inter<strong>net</strong> et le pair à pair. Dans le secteur de<br />

<strong>la</strong> musique, les revenus totaux ont augmenté un peu, tandis que <strong>la</strong> part des plus grosses compagnies<br />

diminue. Ça a libéré de l’argent pour les créatifs qui font réellement de <strong>la</strong> musique (et ne font pas que <strong>la</strong><br />

distribuer).<br />

Le partage de fichier n’est pas un problème à régler. C’est positif pour les artistes, les consommateurs et<br />

<strong>la</strong> société dans son ensemble. Tout ce que nous devons faire maintenant est aligner <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur le<br />

<strong>droit</strong> d’auteur sur cette nouvelle donne.<br />

En réformant le <strong>droit</strong> d’auteur pour légaliser le pair à pair sans intention commerciale, nous pouvons en<br />

terminer avec <strong>la</strong> criminalisation d’une génération entière, et en même temps favoriser l’éclosion d’un<br />

milieu culturel européen encore plus foisonnant.<br />

5.3 Études sur l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> culture à l’ère <strong>du</strong> piratage<br />

généralisé<br />

Il y a eu beaucoup de recherches académiques sur <strong>la</strong> manière dont le secteur culturel, à l’inclusion de<br />

celui de <strong>la</strong> musique, a bien survécu à l’ère <strong>du</strong> partage de fichier. Ces études sont des lectures très<br />

instructives, et les politiques impliqués dans <strong>la</strong> rédaction des lois sur le <strong>droit</strong> d’auteur devraient les lire.<br />

5.3.1 Les revenus des concerts et performances compensent les pertes des ventes<br />

d’enregistrements


Tout d’abord, trois études sur l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique menées dans divers États-membres :<br />

Angleterre 2004-2008 : Le piratage fait gagner de l’argent aux artistes et en fait perdre aux <strong>la</strong>bels.<br />

Suède 2000-2008 : Les musiciens suédois gagnent de mieux en mieux leur vie.<br />

Norvège 1999-2009 : Les artistes gagnent plus d’argent à l’ère <strong>du</strong> piratage qu’avant.<br />

Ces trois études, résumées ci-dessous, concluent que malgré que les ventes records soient terminées, les<br />

revenus des concerts et performances ont très fortement augmenté, d’une manière qui fait plus que<br />

compenser <strong>la</strong> chute des ventes de musique enregistrée.<br />

5.3.1.1 Angleterre 2004-2008 : le piratage fait gagner de l’argent aux artistes et en fait perdre aux<br />

<strong>la</strong>bels<br />

Ci-dessous « le graphique que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> disque ne veut pas que vous voyez », selon l’éditorialiste <strong>du</strong><br />

Telegraph Shane Richmond 3 :<br />

Le<br />

champ <strong>du</strong> haut représente les profits des <strong>la</strong>bels. Les quatre autres champs représentent ceux des<br />

artistes. Graphique de Times Online Labs<br />

Times Labs 4 a analysé le marché de <strong>la</strong> musique américain pendant les cinq dernières années, en se<br />

basant sur les données de <strong>la</strong> société ang<strong>la</strong>is PRS. La conclusion <strong>du</strong> graphique est très c<strong>la</strong>ire :<br />

Les <strong>la</strong>bels gagnent moins d’argent, les artistes plus, et le montant total des dépenses culturelles est<br />

constant.<br />

Si les <strong>la</strong>bels gagnent moins d’argent, c’est probablement à cause <strong>du</strong> piratage. Nous, Pirates, sommes<br />

même plutôt contents de l’affirmer. Le piratage est beaucoup plus efficace pour partager de <strong>la</strong> musique,<br />

donc les <strong>la</strong>bels sont de moins en moins demandés. Leur déclin est tout à fait naturel.


Le point positif dans l’affaire, c’est que les artistes gagnent de plus en plus d’argent. Les gens continuent<br />

à dépenser autant qu’avant dans <strong>la</strong> musique, mais le dépensent différemment.<br />

C’est excellent, et nous devrions nous en réjouir. Le piratage (à but non lucratif) devrait être légalisé. Les<br />

artistes y ont tout à gagner.<br />

5.3.1.2 Suède 2000 – 2008 : Les musiciens suédois gagnent de plus en plus d’argent<br />

Mike Masnick a écrit en 2009 pour Techdirt 5 :<br />

Nous avons déjà évoqué l’étude sur l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique au Royaume-Uni qui montrait<br />

que l’augmentation des gains réalisés sur les concerts faisait plus que compenser 6 <strong>la</strong> baisse des<br />

ventes d’enregistrements<br />

que les musiciens n’avaient jamais fait autant de bénéfices.<br />

Certains ont suggéré que ce phénomène ne concernait que le Royaume-Uni, mais une étude mondiale a<br />

donné les mêmes résultats 7 .<br />

À présent c’est pour <strong>la</strong> Suède que ce phénomène a été mis en évidence, là où est né The Pirate Bay,<br />

alors qu’on ne cesse de nous raconter que ce site détruit l’in<strong>du</strong>strie.<br />

Martin 8 , propriétaire d’un <strong>la</strong>bel suédois indépendant a relevé des données pour l’in<strong>du</strong>strie suédoise 9 très<br />

simi<strong>la</strong>ires aux données ang<strong>la</strong>ises. On y observe une légère oscil<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> revenu total, qui est en train de<br />

se rapprocher de son maximum historique, essentiellement grâce à <strong>la</strong> croissance <strong>du</strong> live.<br />

Les ventes chutent<br />

pour les enregistrements, restent stables pour les collections et augmentent pour les concerts.<br />

Graphique de Daniel Johansson


Les revenus des<br />

musiciens, eux, ne font qu’augmenter. Graphique de Daniel Johansson<br />

Pourtant, The Pirate Bay est en train de détruire <strong>la</strong> création musicale, non ? Il est amusant de constater<br />

que les chiffres ne vont pas <strong>du</strong> tout dans ce sens. Ces graphiques montrent <strong>la</strong> même chose que les études<br />

précédentes.<br />

On crée de plus en plus de musique. On découvre de plus en plus de nouveaux talents. Les musiciens<br />

gagnent de l’argent plus facilement, et les seuls qui en souffrent sont ceux qui vendent des disques en<br />

p<strong>la</strong>stique.<br />

Dommage pour eux, mais les opportunités n’ont jamais été aussi grandes pour ceux qui savent s’adapter.<br />

Plutôt contradictoire avec ceux qui déc<strong>la</strong>rent que le piratage détruit l’in<strong>du</strong>strie, non ?<br />

5.3.1.3 Norvège 1999 – 2009 : Les artistes font plus de bénéfices depuis l’apparition <strong>du</strong> piratage<br />

Selon Ernesto en 2010 pour Torrentfreak 10 :<br />

De nouvelles études sur le lien entre le piratage et les bénéfices de l’in<strong>du</strong>strie musicale sortent presque<br />

tous les mois. Seules quelques unes méritent vraiment qu’on y prête attention. Pour leur mémoire de<br />

master 11 à <strong>la</strong> Norwegian School of Management, Anders Sørbo et Richard Bjerkøe ont réalisé l’une des<br />

plus complètes de ces derniers temps.<br />

Ces étudiants ont étudié en détail les revenus de l’in<strong>du</strong>strie musicale entre 1999 et 2009. Leur but était<br />

d’étudier l’influence de <strong>la</strong> numérisation - et entre autres celle <strong>du</strong> piratage - sur <strong>la</strong> situation économique<br />

de l’in<strong>du</strong>strie musicale norvégienne. Les résultats sont édifiants.<br />

Les chiffres montrent que les bénéfices de l’in<strong>du</strong>strie musicale sont passés de 1,4 milliards de couronnes<br />

norvégiennes en 2009 à 1,9 milliards en 2009. Après ajustement pour tenir compte de l’inf<strong>la</strong>tion, c’est un<br />

bénéfice de 4% pour cette période. Certes ce n’est pas une croissance exceptionnelle, mais c’est<br />

beaucoup plus intéressant si on étudie en particulier les revenus des artistes.


Alors que les revenus globaux n’augmentaient que de 4%, ceux des artistes ont plus que doublé, avec<br />

une augmentation de 114%. En prenant en compte l’inf<strong>la</strong>tion, ils sont passés de 255 millions de<br />

couronnes en 1999 à 545 millions en 2009.<br />

Une partie de cette croissance est attribuable à l’augmentation de 28% <strong>du</strong> nombre d’artistes, mais le<br />

revenu indivi<strong>du</strong>el par artiste a tout de même augmenté de 66%, passant de 80 000 à 133 000 couronnes.<br />

Bref, <strong>la</strong> situation des artistes s’est <strong>la</strong>rgement améliorée depuis le début de <strong>la</strong> numérisation de <strong>la</strong> musique.<br />

En plus d’étudier les revenus, les chercheurs ont aussi interrogé les artistes sur les sources de leurs<br />

revenus. Ils en concluent que les ventes d’enregistrements n’ont jamais représenté une part considérable<br />

de leurs revenus. En 1999, 70% des artistes ont réalisé moins de 9% de leurs revenus totaux sur les<br />

ventes d’enregistrements, en 2009 cette proportion est descen<strong>du</strong>e à 5%.<br />

Les spectacles sont <strong>la</strong> principale source de revenu pour les artistes. 37% des artistes norvégiens y<br />

réalisent plus de 50% de leurs revenus, contre 25% en 1999. Ceci dit, il faut noter que très peu de<br />

musiciens vivent de leur art, <strong>la</strong> plupart ayant un autre travail.


Pour conclure, cette étude réfute les idées reçues sur l’in<strong>du</strong>strie musicale à l’ère <strong>du</strong> numérique. Les<br />

musiciens gagnent plus d’argent que jamais. Certes les bénéfices sur les enregistrements diminuent, mais<br />

le coupable pourrait bien être autant iTunes que The Pirate Bay.<br />

Le résultat est que l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique, dans son ensemble, est florissante. Les <strong>la</strong>bels peuvent<br />

rapporter une baisse dans leurs revenus des ventes d’enregistrement, mais en même temps, plus d’argent<br />

va aux artistes. Est-ce vraiment une issue dramatique ? Ça dépend vraiment de qui vous écoutez.<br />

5.3.2 Pays-Bas : Le piratage peut entraîner une <strong>net</strong>te amélioration économique.<br />

L’étude néer<strong>la</strong>ndaise Des bas et des hauts – Les effets culturels et économiques <strong>du</strong> piratage sur <strong>la</strong><br />

musique, le film et les jeux (2009) compare différents secteurs de l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> culture. Cette étude<br />

montre qu’entre 1999 et 2007, les revenus de tous les sous-secteurs ont augmenté, à part ceux de<br />

l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique. En ce qui concerne l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> musique, cette étude n’a pris en compte<br />

que <strong>la</strong> vente des enregistrements, excluant les concerts ou d’autres sources de revenus.<br />

Ce<strong>la</strong> veut dire que l’étude ne fait que confirmer <strong>la</strong> tendance négative des ventes des enregistrements, de<br />

même que les études ang<strong>la</strong>ises, norvégiennes et suédoises précédentes, mais <strong>la</strong>isse de côté le secteur de<br />

<strong>la</strong> musique qui a décollé pendant <strong>la</strong> même période.<br />

Il s’agit d’un rapport de recherche exhaustif qui analyse plus ou moins tout ce qui a à voir avec le<br />

piratage aux Pays-Bas, et a été commandé par le gouvernement des Pays-Bas. Elle en cartographie les<br />

contours économiques, légaux et culturels et compare ensuite les résultats locaux aux résultats<br />

internationaux.<br />

Selon Mike Masnick de Techdirt 12 :<br />

Même si on peut chicaner sur <strong>la</strong> méthodologie ci et là, les conclusions générales <strong>du</strong> rapport sont<br />

c<strong>la</strong>ires et <strong>net</strong>tes : le partage de fichier, légal ou non, n’est pas un problème pour l’in<strong>du</strong>strie prise<br />

dans son ensemble. Le partage de fichier a, de fait, <strong>net</strong>tement bénéficié à l’économie et à <strong>la</strong><br />

société à long comme à court terme, et ça va probablement continuer comme ça.<br />

L’impact direct sur les ventes <strong>du</strong> piratage est minimal (même si ça dépend des catégories).<br />

Les seuls secteurs actuellement en danger sont les ventes de disques en p<strong>la</strong>stique, mais ça n’a<br />

pas grand chose à voir avec le piratage, et plusieurs paramètres indiquent que l’argent « per<strong>du</strong> »<br />

peut être compensé d’autres manières. Le rapport recommande finalement d’éviter de<br />

criminaliser les activités des utilisateurs, et de se concentrer plutôt sur l’encouragement de<br />

nouveaux modèles économiques.<br />

Voilà une courte citation des conclusions :<br />

Les effets à court-terme sur le bien-être <strong>du</strong> piratage sont <strong>la</strong>rgement positifs vu que ceux qui le<br />

pratiquent sont des consommateurs motivés par un manque de pouvoir d’achat. Pour autant que<br />

le piratage a pour effet un déclin des ventes, nous voyons un transfert de bien-être des<br />

opérateurs/pro<strong>du</strong>cteurs vers les consommateurs, avec un bi<strong>la</strong>n total nul.<br />

Les marchés des CDs et des locations de DVD/VHS sont les seuls secteurs de l’in<strong>du</strong>strie qui<br />

souffrent d’un effondrement des ventes. Bien que ce<strong>la</strong> puisse être attribué au piratage, celui-ci<br />

n’est pas le seul à blâmer. Les marchés <strong>du</strong> DVD et des jeux vidéos continuent à croître de<br />

manière impressionnante malgré l’intro<strong>du</strong>ction des services d’échange en pair à pair, et le<br />

marché <strong>du</strong> cinéma était en constante croissance entre 1999 et 2007.<br />

Aussi longtemps que les marchés <strong>du</strong> jeu vidéo et <strong>du</strong> film sont en croissance ou restent stables, il<br />

y a peu de raisons pour s’inquiéter de <strong>la</strong> diversité et de l’accessibilité <strong>du</strong> contenu. Le partage de<br />

fichier a <strong>la</strong>rgement amélioré l’accès à de nombreux et divers pro<strong>du</strong>its, bien que cet accès tende<br />

à ne pas récolter l’assentiment des ayants-<strong>droit</strong>s.


En d’autres mots, presque tout ce que bon nombre de personnes ont raconté de ci de là pendant presque<br />

une décennie est vrai. Le piratage n’est pas un danger, et, de fait, peut entraîner une <strong>net</strong>te amélioration<br />

économique. Les problèmes commerciaux qui atteignent une part de l’in<strong>du</strong>strie sont vraiment des<br />

problèmes d’accommodation de modèle économique plutôt que des problèmes légaux. Le rapport<br />

démontre que se concentrer sur des thématiques légales quand il s’agit de piratage ou plus <strong>la</strong>rgement de<br />

partage de fichier est faire fausse route et se condamner à l’échec.<br />

5.3.3 Harvard : L’affaiblissement de <strong>la</strong> protection des œuvres par le <strong>droit</strong> d’auteur<br />

profite à <strong>la</strong> société<br />

Une étude d’Harvard de 2009 jette un œil sur <strong>la</strong> variété des effets qu’a le piratage sur <strong>la</strong> société, et trouve<br />

que depuis l’avènement <strong>du</strong> piratage, le nombre de films et d’albums publiés par an ont augmenté.<br />

En 2009, le professeur de <strong>droit</strong> Michael Geist écrivait sur son blog 13 :<br />

Les économistes Felix Oberholzer-Gee et Koleman Strumpf viennent de publier des résultats<br />

préliminaires d’une étude de l’Harvard Business School dans un papier appelé «Partage et Droit<br />

d’auteur» qui a soulevé plusieurs points importants à propos <strong>du</strong> partage de fichier, <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur et<br />

des bénéfices <strong>du</strong> Netz sur <strong>la</strong> société. Le papier inclut une revue très utile des précédentes études d’impact<br />

<strong>du</strong> piratage et conclut :<br />

1. Les données montrent que le piratage n’a pas découragé <strong>la</strong> créativité, puisqu’elles montrent une<br />

croissance significative de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction culturelle.<br />

Les auteurs de l’étude notent que :<br />

Les graphiques de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction totale des in<strong>du</strong>stries de <strong>la</strong> création paraissent concorder<br />

pour dire que le piratage n’a découragé ni les éditeurs ni les artistes. Tandis que les<br />

ventes d’albums ont dans l’ensemble chuté depuis 2000, le nombre d’albums publiés a<br />

explosé. En 2000, 35 516 albums ont été mis sur le marché. Sept ans plus tard, 79 695<br />

albums (dont 25 159 numériques) ont été publiés (Nielsen Sound Scan 2008). Même si le<br />

partage de fichier était <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle les ventes avaient chuté, <strong>la</strong> nouvelle<br />

technologie ne semble pas avoir exactement avoir créé une nouvelle gabelle sur <strong>la</strong><br />

quantité de musique pro<strong>du</strong>ite. À l’évidence, il serait bien de pondérer ces chiffres en<br />

qualifiant <strong>la</strong> qualité des musiques pro<strong>du</strong>ites, mais nous ne sommes pas au courant<br />

d’éventuelles études ayant abordé cette question.<br />

Il existe des tendances simi<strong>la</strong>ires dans les autres in<strong>du</strong>stries de <strong>la</strong> création. Par exemple, <strong>la</strong><br />

quantité totale de longs métrages pro<strong>du</strong>its chaque année a augmenté de 3 807 en 2003 à 4<br />

989 en 2007 (Screen Digest, 2004 and 2008). Il est même remarquable que c’est souvent<br />

dans les pays où le piratage a augmenté que <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction a aussi augmenté. C’est ainsi<br />

vrai en Corée <strong>du</strong> Sud (80 à 124), en Inde (877 à 1164) et en Chine (140 à 402). Pendant<br />

<strong>la</strong> même période, <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction états-unienne de longs métrages a augmenté de 459 en<br />

2003 à 590 en 2007 (MPAA, 2007).<br />

Vu que l’augmentation de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction artistique concorde avec <strong>la</strong> démocratisation de son accès<br />

par le grand public, il faut en conclure que l’affaiblissement <strong>du</strong> respect <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur profite à<br />

<strong>la</strong> société et que donc l’affaiblissement <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur profiterait à <strong>la</strong> société.<br />

C’est cohérent avec l’idée que l’affaiblissement <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est « sans ambiguïté désirable s’il<br />

ne diminue pas <strong>la</strong> motivation des artistes et des compagnies de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement à<br />

pro<strong>du</strong>ire de nouvelles œuvres ».<br />

2. L’article aborde plusieurs mythes sur les effets économiques <strong>du</strong> piratage, et note que <strong>la</strong> plupart des<br />

chansons téléchargées ne sont pas des pertes commerciales, que l’existence de mashups peut<br />

augmenter <strong>la</strong> diffusion et <strong>la</strong> vente d’une œuvre originale, et que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement peut


toujours attirer l’attention <strong>du</strong> consommateur sur certains artistes pour augmenter leurs ventes et<br />

téléchargements.<br />

3. Les auteurs signalent que le piratage peut ne pas avoir pour conséquence de ré<strong>du</strong>ire les incitations<br />

à créer si <strong>la</strong> volonté de payer pour des « compléments » augmente.<br />

Ils considèrent l’augmentation des revenus issus des spectacles ou des conférences comme des<br />

exemples incontestables des types de revenu que le piratage peut stimuler. En particulier, ils se<br />

concentrent sur une étude qui conclut que <strong>la</strong> demande pour les concerts a augmenté à cause <strong>du</strong><br />

partage de fichier, et que les prix des concerts ont considérablement augmenté pendant l’ère <strong>du</strong><br />

piratage.<br />

De plus, les auteurs ont parcouru <strong>la</strong> littérature sur les effets <strong>du</strong> piratage sur les ventes de musique,<br />

confirmant ainsi que les « résultats sont décidément mitigés ».<br />

Ces auteurs étaient les premiers à mettre en doute les affirmations précédentes sur les effets <strong>du</strong> partage<br />

de fichier. Quelques années plus tard, beaucoup d’autres économistes ont suivi (à l’inclusion de ceux de<br />

l’étude financée par In<strong>du</strong>strie Canada 14 ). Ce dernier papier fait un bon travail en é<strong>la</strong>rgissant <strong>la</strong><br />

discussion, via l’utilisation de données sur le piratage pour examiner ses répercussions sur <strong>la</strong> créativité et<br />

sur les revenus agrégés des créateurs et de l’in<strong>du</strong>strie.<br />

5.3.4 Angleterre : Les propositions <strong>du</strong> rapport Hargreaves<br />

Le gouvernement <strong>du</strong> Royaume-Uni avait commandé un rapport sur sa régu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur, des<br />

brevets et des autres <strong>droit</strong>s de propriété intellectuelle (IPR), qui a été présenté en mai 2011. Ce rapport a<br />

été mené par le professeur Ian Hargreaves 15 , titu<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> chaire d’économie numérique à l’école de<br />

Cardiff pour le journalisme, les médias et les études culturelles, ainsi qu’à l’école de commerce de<br />

Cardiff.<br />

Le résultat, le rapport Hargreaves 16 , est très intéressant à lire.<br />

Quelque chose qui doit être c<strong>la</strong>ir : le rapport Hargreaves n’est pas un « Manifeste Pirate ». Il est écrit<br />

avec une perspective pro-propriété intellectuelle et il y a beaucoup de propositions auxquelles le Parti<br />

Pirate Suédois n’adhère pas ou qui ne lui semblent pas aller assez loin. En particulier, ce rapport n’offre<br />

aucune solution au problème <strong>du</strong> partage illégal de fichier, à part les politiques d’é<strong>du</strong>cation/coercition qui<br />

ont si spectacu<strong>la</strong>irement raté ces dix dernières années.<br />

Mais si nous <strong>la</strong>issons ce point de côté, il y a plusieurs recommandations concrètes qui doivent être<br />

examinées sérieusement.<br />

Ce rapport veut avant tout promouvoir des politiques factuellement fondées. Dans l’avant propos, il est<br />

dit :<br />

« Nous demandons au gouvernement de s’assurer qu’à l’avenir, les politiques en matière de<br />

Propriété Intellectuelle seront basées sur des preuves plutôt que causées par des campagnes de<br />

lobbying. »<br />

De fait, c’est un domaine où de nombreux progrès sont à faire. Dans le résumé, le rapport déc<strong>la</strong>re :<br />

La fréquence des rapports sur <strong>la</strong> PI (quatre dans les six dernières années) indique les <strong>la</strong>cunes <strong>du</strong><br />

système ang<strong>la</strong>is. Dans les années 1970, les rapport de <strong>la</strong> Bank déploraient le manque de<br />

justifications factuelles dans les politiques, de même que le rapport Gowers cinq ans plus tard.<br />

<strong>Sur</strong> les 54 recommandations <strong>du</strong> rapport Gowers, seul 25 ont été mises en œuvre.<br />

Concernant les problèmes de <strong>droit</strong> d’auteur, le lobby des ayants-<strong>droit</strong>s a été plus persuasif pour<br />

les différents ministres que les études d’impact économique.


Concernant le <strong>droit</strong> d’auteur, le rapport défend avant tout un « changement <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur numérique<br />

qui facilitera l’attribution des licences et entraînera un potentiel de croissance des in<strong>du</strong>stries de <strong>la</strong><br />

création ».<br />

Même si ce<strong>la</strong> ne serait pas néfaste d’essayer de causer un tel changement sous <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion actuelle, on<br />

peut <strong>la</strong>rgement douter que ce<strong>la</strong> soit suffisant pour résoudre le problème des marchés pan-Européens et<br />

pour que l’Europe devienne un marché <strong>du</strong> numérique uni.<br />

Pour autant, certaines suggestions sont très constructives. Le rapport contient par exemple les<br />

propositions suivantes :<br />

Œuvres orphelines<br />

Le Gouvernement devrait légiférer pour permettre l’attribution de licences aux œuvres<br />

orphelines. Il faudrait établir des licences collectives qui permettraient l’attribution<br />

massive de licences aux œuvres orphelines, et une procé<strong>du</strong>re d’autorisation d’utilisation<br />

des œuvres isolées.<br />

Dans les deux cas, une œuvre ne devrait être traitée comme orpheline que si son auteur<br />

ne peut être trouvée via les bases de données créées par l’Accord numérique sur le <strong>droit</strong><br />

d’auteur.<br />

Limitations <strong>du</strong> copyright<br />

Le Gouvernement devrait s’opposer fermement à <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion des activités qui ne portent<br />

pas atteinte à <strong>la</strong> motivation principale <strong>du</strong> copyright, c’est-à-dire l’encouragement à <strong>la</strong><br />

création.<br />

Le Gouvernement devrait autoriser les exceptions au copyright au niveau national en<br />

accord avec <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion de l’Union Européenne, en particulier en ce qui concerne le<br />

transcodage, <strong>la</strong> parodie, <strong>la</strong> recherche non-commerciale et l’archivage.<br />

Le Royaume-Uni devrait également soutenir au niveau de l’UE une exception pour<br />

l’analyse de textes et de données, et prendre l’initiative de l’adaptation <strong>du</strong> <strong>droit</strong> européen<br />

aux nouvelles technologies. Ceci en créant des exceptions permettant les utilisations sans<br />

rapport avec <strong>la</strong> nature créative de l’œuvre.<br />

Le Gouvernement devrait enfin légiférer pour interdire les contrats empêchant<br />

l’utilisation de ces exceptions.<br />

Globalement, le rapport Hargreaves mérite d’être lu par tous ceux que le <strong>droit</strong> de <strong>la</strong> propriété<br />

intellectuelle intéresse. Même s’il est écrit d’un point de vue britannique, <strong>la</strong> plupart des raisonnements<br />

s’applique à l’UE et aux autres États membres.<br />

Mais le plus intéressant est évidemment <strong>la</strong> mesure dans <strong>la</strong>quelle le gouvernement britannique aura suivi<br />

les recommandations <strong>du</strong> rapport Hargreaves.<br />

Quelques mois à peine après sa publication, <strong>la</strong> réalité politique actuelle nous a été cruellement rappelée.<br />

La limitation de <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de protection des enregistrements à 50 ans au lieu de 70 était une des<br />

recommandations principales <strong>du</strong> rapport. Elle était censée protéger <strong>la</strong> société d’une perte sèche qui<br />

n’aurait aucun effet stimu<strong>la</strong>nt sur l’in<strong>du</strong>strie culturelle.<br />

Qu’a fait le gouvernement britannique ? En septembre 2011, quatre mois après le rapport Hargreaves, il a<br />

demandé et obtenu <strong>du</strong> conseil des ministres de l’Union Européenne une extension de <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée de<br />

protection.<br />

Faire des enquêtes est une chose, faire que les légis<strong>la</strong>teurs les lisent et agissent en conséquence en est<br />

une autre. Mais y avoir accès et connaître leurs conclusions donne un avantage considérable à tous ceux


qui veulent peser sur le <strong>droit</strong> <strong>du</strong> copyright.<br />

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16<br />

Article dans le domaine public d’Henrik Alexandersson disponible à<br />

http://theembeddedcitizen.blogspot.de/2010/01/this-is-market-stupid.html<br />

http://www.economist.com/node/17199460<br />

http://blogs.telegraph.co.uk/technology/shanerichmond/100004204/the-graph-therecord-in<strong>du</strong>stry-doesnt-want-you-to-see/<br />

http://<strong>la</strong>bs.timesonline.co.uk/blog/2009/11/12/do-music-artists-do-better-in-aworld-with-illegal-file-sharing/<br />

http://www.techdirt.com/articles/20091213/1648377324.shtml<br />

http://www.techdirt.com/articles/20091114/1835036932.shtml<br />

http://www.techdirt.com/articles/20090617/1138185267.shtml<br />

http://www.songsiwish.com/<br />

http://ec.europa.eu/avpolicy/docs/other_actions/col_2009/pub/kth_annex.pdf<br />

http://torrentfreak.com/artists-make-more-money-in-file-sharing-age-than-before-<br />

100914/ sous CC-BY-SA<br />

http://christianengstrom.files.wordpress.com/2010/09/norwegianstydymacro99-08.pdf<br />

http://www.techdirt.com/articles/20090304/0025383981.shtml<br />

http://www.michaelgeist.ca/content/view/4062/125/ sous CC-BY-SA<br />

http://www.ic.gc.ca/eic/site/ippd-dppi.nsf/eng/h_ip01456.html<br />

http://www.ipo.gov.uk/ipreview/ipreview-about.htm<br />

http://www.ipo.gov.uk/ipreview-finalreport.pdf<br />

Chapitre 6 L’inutilité d’une licence globale<br />

6.1 Personne n’a jamais réc<strong>la</strong>mé une taxe sur les réfrigérateurs


Un vendeur de g<strong>la</strong>ce à Berlin en 1957. Photo de Zimontkowski sous CC-BY 1<br />

Il y a 100 ans, <strong>la</strong> compagnie « Stockholm Is » était l’un des plus importants employeurs de Stockholm en<br />

Suède. Leur commerce était aussi simple que nécessaire : aider à conserver les denrées périssables plus


longtemps en distribuant <strong>du</strong> « froid » dans un format adéquat.<br />

Pour ce<strong>la</strong>, ils découpaient <strong>du</strong>rant l’hiver de grands blocs de g<strong>la</strong>ce sur les <strong>la</strong>cs gelés, les conservaient dans<br />

des granges sur de <strong>la</strong> sciure, coupaient les blocs en de plus petits morceaux et les revendaient dans <strong>la</strong><br />

rue. Les gens achetaient alors <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce et l’entreposaient avec <strong>la</strong> nourriture dans des p<strong>la</strong>cards spéciaux,<br />

les aliments étaient ainsi conservés au frais 2 .<br />

Lorsque <strong>du</strong>rant <strong>la</strong> première moitié <strong>du</strong> siècle dernier les foyers de Stockholm furent équipés de<br />

l’électricité, ces revendeurs de froid devinrent obsolètes. Après tout, ce qu’ils proposaient n’était rien<br />

d’autre que <strong>la</strong> possibilité de conserver <strong>la</strong> nourriture au frais, et à présent tout le monde en était capable.<br />

Ce fut un processus assez rapide dans les villes. Avec <strong>la</strong> disponibilité <strong>du</strong> réfrigérateur à partir de 1920<br />

environ, <strong>la</strong> plupart des foyers acquirent le leur à <strong>la</strong> fin des années trente. L’un des plus importants<br />

employeurs de <strong>la</strong> ville devint complètement obsolète à cause d’une avancée technique.<br />

Il y eu de nombreuses tragédies personnelles à cette époque <strong>du</strong> fait que les vendeurs de g<strong>la</strong>ce perdirent<br />

leur gagne pain et <strong>du</strong>rent se former afin de retrouver un emploi dans un nouveau secteur. Les vendeurs<br />

de g<strong>la</strong>ce ont souvent eu <strong>du</strong> mal à se reconvertir, et voir leur secteur se désintégrer à toute vitesse ne les a<br />

pas aidé.<br />

6.1.1 L’adaptation, c’est le changement<br />

Voici quelques faits qui n’ont pas eu lieu lorsque l’in<strong>du</strong>strie de distribution de g<strong>la</strong>ce devint obsolète :<br />

Aucun propriétaire de réfrigérateur ne fut poursuivi en justice pour « pro<strong>du</strong>ction de son propre<br />

froid », ignorant ainsi les sociétés de distribution de froid.<br />

Aucune loi ne fut proposée pour rendre les compagnies d’électricité passibles de poursuites dans le<br />

cas où l’électricité qu’elles fournissaient aurait été utilisée d’une manière pouvant porter préjudice<br />

au travail de vendeur de g<strong>la</strong>ce.<br />

Personne ne demanda une taxe mensuelle aux propriétaires de réfrigérateur au profit <strong>du</strong> syndicat<br />

des vendeurs de g<strong>la</strong>ce.<br />

Il n’y a pas eu de prolifération de coûteux panels d’experts pour soutenir combien les vendeurs de<br />

g<strong>la</strong>ce étaient importants pour l’économie toute entière.<br />

Par contre, <strong>la</strong> distribution monopolistique devint obsolète et l’économie en général bénéficia de cette<br />

décentralisation.<br />

6.1.2 Retour vers le futur<br />

Actuellement, on observe une répétition de ce scénario, mais l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong> distribution – l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong><br />

« <strong>droit</strong> d’auteur » – a l’audace de demander de légiférer et prétend que l’économie s’effondrera sans<br />

leurs services inutiles. Mais on apprend de l’histoire, qu’à chaque fois qu’une in<strong>du</strong>strie devient obsolète,<br />

ce<strong>la</strong> est bénéfique. Ce<strong>la</strong> tra<strong>du</strong>it que l’on a appris quelque chose d’important : faire les choses d’une<br />

manière plus efficace. De nouvelles compétences et de nouveaux secteurs in<strong>du</strong>striels apparaissent<br />

toujours dans leurs sil<strong>la</strong>ges.<br />

L’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> « <strong>droit</strong> d’auteur » nous ressasse que s’ils n’ont pas leur monopole de distribution préservé<br />

par <strong>la</strong> loi, accompagné d’amendes toujours plus lourdes si on ne le respecte pas, alors il n’y aura plus de<br />

création culturelle <strong>du</strong> tout. Comme on a pu le voir, c’est <strong>du</strong> b<strong>la</strong>b<strong>la</strong>.<br />

Ce qui pourrait être vrai, c’est que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> « <strong>droit</strong> d’auteur » ne puisse plus pro<strong>du</strong>ire un morceau<br />

pour un montant d’un million de dol<strong>la</strong>rs 3 . Mais on ne peut pas motiver une légis<strong>la</strong>tion monopolistique<br />

basée sur ces coûts, lorsque d’autres font <strong>la</strong> même chose pour beaucoup moins cher – pratiquement zéro.<br />

Il n’y a jamais eu autant de musique disponible qu’aujourd’hui, simplement parce que chacun de nous<br />

aime créer. On ne le fait pas pour l’argent, c’est dans notre nature. On a toujours créé.


Qu’en est-il des films, des pro<strong>du</strong>ctions a cent millions ? Il y a des exemples de films pro<strong>du</strong>its dans un<br />

garage (et l’un d’eux à même battu Casab<strong>la</strong>nca pour devenir le film le plus regardé de tous les temps<br />

dans son pays d’origine : le film Star Wreck 4 en Fin<strong>la</strong>nde). Il est cependant peut-être vrai que l’argument<br />

est un peu plus frappant quand il s’agit de pro<strong>du</strong>ctions de type hollywoodiennes.<br />

Jusqu’ici, l’in<strong>du</strong>strie cinématographique a enregistré chaque année de nouveaux records <strong>du</strong>rant <strong>la</strong><br />

dernière décennie. Malgré tous leurs scénarios de « fin <strong>du</strong> monde », ils n’ont jamais aussi bien réussi<br />

financièrement qu’actuellement. Mais bon, il viendra peut être un moment où les gens seront moins<br />

enclins à payer pour des pro<strong>du</strong>ctions à cent millions.<br />

6.1.3 Une évolution normale<br />

Même s’il était vrai que les films ne peuvent être faits comme avant en respectant à <strong>la</strong> fois Inter<strong>net</strong> et nos<br />

<strong>droit</strong>s civiques, il se pourrait que ce ne soit qu’une progression naturelle de <strong>la</strong> culture.<br />

Après tout, nous avons eu des opérettes, des ballets et des concerts de musique c<strong>la</strong>ssique comme<br />

moments forts de <strong>la</strong> culture dans le passé. Ils existent toujours, mais ils ne sont plus le centre d’attention<br />

principal <strong>du</strong> public. Personne ne s’inquiète particulièrement que ces formes d’expressions ont eu leur<br />

apogée et que <strong>la</strong> société s’est tournée vers de nouvelles formes. Pourquoi sanctuariser dans <strong>la</strong> loi les<br />

formes actuelles de <strong>la</strong> culture, empêchant ainsi les changements que l’on a toujours eu ?<br />

Partout où l’on regarde, on remarque que les monopoles <strong>du</strong> « <strong>droit</strong> d’auteur » nécessitent d’être revus à<br />

<strong>la</strong> baisse afin de permettre à <strong>la</strong> société d’aller de l’avant. Aujourd’hui les adolescents n’y voient aucun<br />

problème. Ils prennent tellement part à ce monde connecté comme si ça al<strong>la</strong>it de soi qu’ils ba<strong>la</strong>yent tout<br />

contre-argument comme « balivernes de l’ancien monde ».<br />

Et ils ne veulent sûrement pas payer une taxe sur les réfrigérateurs.<br />

6.2 Une fausse solution pour un faux problème<br />

La licence globale, soit un forfait illimité pour <strong>la</strong> culture sous forme d’une taxe sur l’inter<strong>net</strong> haut débit,<br />

est une idée qui est dans l’air <strong>du</strong> temps depuis au moins une décennie, mais n’est jamais devenue réalité.<br />

Il y a une raison à ce<strong>la</strong>. L’idée semble simple et éventuellement attractive au premier abord, mais lorsque<br />

l’on commence à s’intéresser aux détails afin de formuler une proposition concrète, on prend conscience<br />

des problèmes.<br />

Collecter l’argent est une chose. On peut discuter pour savoir si c’est juste d’obliger les gens qui ne<br />

téléchargent rien à payer quand même 5 , ou pour savoir pourquoi des entreprises devraient être<br />

dédommagées pour cause de progrès technologique 6 , ou encore pour savoir comment prendre en compte<br />

les multiples connexions à Inter<strong>net</strong> que possède une famille. Mais <strong>la</strong>issons ce<strong>la</strong> de côté.<br />

C’est lorsque l’on se demande comment l’argent devrait être réparti que les choses amusantes<br />

commencent.<br />

6.2.1 Diffusion à <strong>la</strong> télévision et <strong>la</strong> radio : prime aux plus riches<br />

Si l’on calcule les gains des artistes sur base de ce qui est joué à <strong>la</strong> télévision et <strong>la</strong> radio, <strong>la</strong> plupart de<br />

l’argent va aller aux artistes établis qui gagnent déjà très bien leur vie. C’est <strong>la</strong> manière dont fonctionne<br />

le système actuellement avec les prélèvements sur les supports vierges et les appareils électroniques.<br />

L’une des caractéristiques les plus intéressantes d’Inter<strong>net</strong>, c’est le fait que les plus petites performances<br />

confidentielles peuvent atteindre leur public, même si elles ne sont pas jouées à <strong>la</strong> télévision et <strong>la</strong> radio.<br />

C’est l’effet de <strong>la</strong> « longue traîne » 7 . L’addition de toutes les petites performances constitue une part<br />

importante de ce qui est téléchargé sur le <strong>net</strong>.


Ces petits artistes sont ceux que <strong>la</strong> plupart des gens souhaitent supporter, à <strong>la</strong> fois pour <strong>la</strong> diversité<br />

culturelle qu’ils assurent, et simplement parce que très souvent ils ont vraiment besoin de ces revenus.<br />

Avec un forfait basé sur <strong>la</strong> diffusion à <strong>la</strong> télévision et <strong>la</strong> radio, ils n’obtiendraient qu’une très faible partie<br />

de l’argent collecté. Dans le même temps, leurs aficionados disposeraient de moins de ressources<br />

financières pour supporter ces artistes, puisqu’ils auront déjà dû payer le forfait.<br />

L’effet immédiat serait un système qui diminue les revenus des artistes pauvres et distribue l’argent à<br />

ceux qui sont déjà riches.<br />

Une alternative, préférée par le plus grand nombre des partisans de <strong>la</strong> licence globale, est au contraire de<br />

mesurer ce qui est partagé sur inter<strong>net</strong> et de baser les gains aux artistes sur ces mesures. Mais ce<strong>la</strong><br />

engendre d’autres problèmes.<br />

6.2.2 Des milliards pour le porno<br />

35% des téléchargements sur Inter<strong>net</strong> sont de <strong>la</strong> pornographie 8 . L’in<strong>du</strong>strie pornographique possède<br />

exactement <strong>la</strong> même protection <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur que les autres pro<strong>du</strong>ctions audiovisuelles. Si les<br />

paiements d’un forfait culturel sont considérés comme un « dédommagement » pour le téléchargement<br />

d’œuvres protégées par le <strong>droit</strong> d’auteur, alors 35% de l’argent devrait immédiatement reversé à<br />

l’in<strong>du</strong>strie pornographique. Pensez vous que les politiques devraient créer un tel système ?<br />

Le point ici n’est pas de critiquer le porno en tant que tel. C’est une forme popu<strong>la</strong>ire de divertissement,<br />

et il n’y a rien de mal en soi avec ça. Mais ça ne veut pas dire qu’il ait besoin de milliards provenant de<br />

subventions gouvernementales. Au cours de l’histoire, c’est une in<strong>du</strong>strie qui a démontré sa capacité à<br />

s’adapter de son propre chef.<br />

Mais si vous souhaitez exclure le porno d’un système forfaitaire, vous n’aurez pas seulement à créer un<br />

« Bureau européen de <strong>la</strong> moralité et des bons goûts », ou quelque chose de simi<strong>la</strong>ire pour délimiter ce<br />

qui est de <strong>la</strong> pornographie ou de l’art. Plus essentiellement, vous ne pouvez plus utiliser l’argument que<br />

le forfait culturel est une “compensation” ou est relié au <strong>droit</strong> d’auteur.<br />

Il devient plutôt au mieux une subvention culturelle aléatoire, au pire un système de prélèvement non<br />

maîtrisé.<br />

6.2.3 Bourrer les réseaux<br />

Il est techniquement possible de mesurer ce qui est partagé sur Inter<strong>net</strong> avec une précision re<strong>la</strong>tivement<br />

élevée. Certains ont argué <strong>du</strong> respect à <strong>la</strong> vie privée pour s’y opposer, mais dans ce cas précis, ce ne<br />

serait pas un vrai problème. La mesure doit être « suffisante », il n’est donc pas nécessaire de tracer<br />

chaque échange de fichier. Il est possible de construire des statistiques d’échange sans porter atteinte à <strong>la</strong><br />

vie privée de chacun.<br />

Mais à <strong>la</strong> minute à <strong>la</strong>quelle vous commencerez à rémunérer suivant des statistiques de téléchargement,<br />

les gens changeront de comportement. Aujourd’hui, si vous aimez un artiste qui a pro<strong>du</strong>it un nouvel<br />

album, vous le téléchargez pour pouvoir l’écouter. Mais si vous savez que votre artiste préféré gagnera<br />

de l’argent en proportion de vos téléchargements, vous le retéléchargerez sans cesse pour l’aider.<br />

Puisque ce<strong>la</strong> ne coûtera rien aux aficionados de télécharger chaque album des milliers voire millions de<br />

fois, c’est ce qui arrivera. Nous savons que les aficionados adorent leurs idoles et veulent qu’elles<br />

gagnent leur vie. Si tout ce que vous avez besoin de faire pour ce est de créer un script de trois lignes<br />

pour télécharger quand vous n’utilisez pas votre connexion, beaucoup d’aficionados le feront.<br />

La seule vraie limite sur le nombre total de « Je-télécharge-pour-aider-mon-artiste-favori » sera <strong>la</strong><br />

capacité de l’infrastructure Inter<strong>net</strong>. En d’autres mots : avec une licence globale, le Netz sera en<br />

permanence congestionné par <strong>du</strong> trafic inutile, peu importe <strong>la</strong> capacité ajoutée par les opérateurs.


6.2.4 Une source de revenus pour les éditeurs de virus<br />

Les virus sont aujourd’hui un problème majeur, malgré qu’il soit assez difficile pour leurs créateurs de<br />

les rentabiliser. Le but d’un virus est généralement d’installer une porte dérobée dans votre ordinateur,<br />

pour que celui-ce devienne part d’un réseau d’ordinateurs vérolés, un bot<strong>net</strong>, que le créateur <strong>du</strong> virus<br />

peut contrôler à sa guise.<br />

Le détenteur d’un bot<strong>net</strong> peut vendre ses services à des organisations criminelles qui veulent envoyer <strong>du</strong><br />

spam ou commettre diverses formes de fraude, mais à moins qu’il ait des liens avec le crime organisé, il<br />

n’est pas facile pour lui de rentabiliser ses talents. Avec une licence globale, tout change.<br />

Chaque propriétaire d’un bot<strong>net</strong> n’aurait plus besoin que d’avoir un ami qui a enregistré une chanson<br />

couverte par le <strong>droit</strong> d’auteur. Ses milliers d’ordinateurs sous contrôle n’auront qu’à télécharger sans<br />

répit cette chanson. Grâce à <strong>la</strong> licence globale, ces téléchargements généreront automatiquement des<br />

revenus pour son ami.<br />

Pour les formes de fraude les plus simples, <strong>la</strong> police arrivera peut-être à détecter son activité criminelle<br />

et à y mettre fin, mais on peut facilement imaginer que des systèmes de fraude sophistiqués verront le<br />

jour. La licence globale deviendrait donc une excellente source de revenu pour les criminels, pour les<br />

éditeurs de virus.<br />

6.2.5 Un vrai faux problème<br />

Il y a plusieurs arguments contre <strong>la</strong> licence globale, mais il existe une raison simple de refuser cette<br />

solution : Les problèmes supposés n’existent pas.<br />

Inter<strong>net</strong> est une technologie révolutionnaire qui change <strong>la</strong> plupart des présuppositions de l’in<strong>du</strong>strie de <strong>la</strong><br />

culture. La tâche des politiques n’est pas de protéger les vieux modèles économiques ou d’en inventer de<br />

nouveaux. Ils doivent seulement s’assurer que <strong>la</strong> société dans <strong>la</strong>quelle nous vivons puisse être florissante<br />

et que les gens créatifs peuvent gagner leur vie avec ce qu’ils font.<br />

Il y a dix ans, lorsque le partage sur Inter<strong>net</strong> à <strong>la</strong>rge échelle était un phénomène nouveau, il était peutêtre<br />

raisonnable de s’inquiéter des suites de cette nouvelle technologie, et de se demander si ce<strong>la</strong> ne<br />

rendrait pas <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction culturelle absolument non-rentable, ce qui aurait eu comme effet une chute<br />

considérable de celle-ci.<br />

Aujourd’hui, nous sommes mieux informés. Nous savons qu’il existe toujours plus de culture, et que<br />

ceux qui prédisaient <strong>la</strong> « fin de <strong>la</strong> musique » se trompaient. Il existe de plus en plus d’études<br />

d’universitaires qui montrent que les artistes gagnent plus d’argent qu’avant. Le partage fait perdre de<br />

l’argent aux <strong>la</strong>bels, mais les artistes y gagnent.<br />

Il n’est pas simple de gagner sa vie comme artiste, et ce ne l’a jamais été, mais Inter<strong>net</strong> a ouvert de<br />

nouvelles opportunités pour les créatifs qui veulent trouver leur public sans avoir à vendre leur âme à des<br />

grandes compagnies qui étaient habituées à contrôler tous les canaux de distribution. C’est un<br />

changement très positif pour les artistes et les créateurs, à <strong>la</strong> fois d’un point de vue culturel et d’une<br />

perspective économique.<br />

Il n’y a pas besoin de dédommager qui que ce soit parce que le progrès technologique améliore ce<br />

monde.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

http://de.wikipedia.org/wiki/Datei:Bundesarchiv_Bild_183-47890-<br />

0001,_Berlin,_Kinder_mit_dem_Eismann.jpg<br />

Ceci explique pourquoi des personnes âgées appellent encore les réfrigérateurs « g<strong>la</strong>cières ».


4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

http://www.public.fr/News/Rihanna-sa-chanson-Man-Down-a-coute-un-million-dedol<strong>la</strong>rs-!-71469<br />

http://www.starwreck.com/intro<strong>du</strong>ction.php<br />

http://www.ebf-eu.org/positionpaper/campaign-against-cultural-f<strong>la</strong>t-rate<br />

http://falkvinge.<strong>net</strong>/2011/03/09/an-inter<strong>net</strong>-levy-is-a-terrible-idea/<br />

http://www.inter<strong>net</strong>actu.<strong>net</strong>/2005/04/12/<strong>la</strong>-longue-traine/<br />

http://www.numerama.com/magazine/16005-<strong>la</strong>-pornographie-occupe-un-tiers-<strong>du</strong>-webselon-une-societe-specialisee-dans-le-filtrage.html<br />

Chapitre 7 De <strong>la</strong> religion des <strong>droit</strong>s d’auteur et<br />

de copie<br />

7.1 Les <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie ne sont pas des <strong>droit</strong>s de<br />

propriété<br />

Aussi loin que remonte l’histoire, le concept de propriété a semble-t-il toujours existé.<br />

Les <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie sont des limitations des <strong>droit</strong>s de propriété. Ce sont des monopoles privés<br />

accordés par le gouvernement qui limitent ce que l’on peut faire avec des choses que l’on a acquises<br />

légalement.<br />

Bien trop souvent, nous entendons les lobbys <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur parler de vol, de propriété, de comment<br />

nous les dérobons quand nous copions quelque chose. C’est de fait, incorrect, car ce<strong>la</strong> sous-entend que<br />

l’exercice <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur est comparable à celui <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de propriété.<br />

Ce n’est que de <strong>la</strong> rhétorique de <strong>la</strong> part des lobbys <strong>du</strong> <strong>droit</strong> d’auteur qui utilisent le concept positif de<br />

« <strong>droit</strong> de propriété » pour justifier l’existence de « <strong>droit</strong> d’auteur » et <strong>du</strong> monopole qu’ils créent.<br />

Cependant, les monopoles sur les <strong>droit</strong>s de copie et d’utilisation sont des limitations des <strong>droit</strong>s de<br />

propriété.<br />

7.1.1 La chaise<br />

Quand j’achète une chaise, je donne de l’argent et je reçois <strong>la</strong> chaise et un reçu. Cette chaise a été<br />

pro<strong>du</strong>ite à <strong>la</strong> chaîne à partir d’un modèle dans une sorte d’usine. Après que l’argent ait changé de main,<br />

cette chaise en particulier est à moi. Il y en a plusieurs comme elle, mais celle-ci est à moi. J’en ai acheté<br />

une parmi de nombreuses copies identiques. Le reçu en est <strong>la</strong> preuve.<br />

Comme cette copie de <strong>la</strong> chaise est à moi, exclusivement à moi, il y a beaucoup de choses que je peux<br />

faire avec. Je peux <strong>la</strong> démonter et utiliser les pièces pour réaliser mes projets, que je pourrai décider de<br />

vendre, donner, montrer à une exposition ou mettre à <strong>la</strong> poubelle. Je peux <strong>la</strong> mettre sous mon porche et<br />

<strong>la</strong> louer à mes voisins. Je peux étudier sa construction, pro<strong>du</strong>ire de nouvelles chaises à partir de mes<br />

dé<strong>du</strong>ctions, et faire ce que je veux avec elles, ce qui inclut en particulier que je puisse les vendre.<br />

Tout ce<strong>la</strong> est un exercice normal <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de propriété. C’est à moi ; je peux faire ce qui me p<strong>la</strong>ît avec.<br />

Entre parenthèse, ce<strong>la</strong> suppose qu’il n’y a pas de brevets sur <strong>la</strong> chaise. Toutefois, en imaginant que <strong>la</strong><br />

chaise est vieille de plus de 20 ans, tous les brevets déposés sur cette invention en particulier ont expiré.<br />

Ainsi, les brevets ne sont pas pertinents pour cette discussion.


7.1.2 Le DVD<br />

Lorsque j’achète un film, je donne de l’argent et je reçois le DVD et un reçu. Ce film a été pro<strong>du</strong>it à <strong>la</strong><br />

chaîne à partir d’un modèle dans une sorte d’usine. Après que l’argent ait changé de main, ce film en<br />

particulier est à moi. Il y en a plusieurs comme lui, mais celui-ci est à moi. J’en ai acheté un parmi de<br />

nombreuses copies identiques. Le reçu en est <strong>la</strong> preuve.<br />

Malgré le fait que cette copie <strong>du</strong> film soit à moi, exclusivement à moi, il y a plusieurs choses que je ne<br />

peux pas faire avec, qui me sont interdites par le monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie détenu par quelqu’un<br />

d’autre. Je ne peux pas utiliser des pièces <strong>du</strong> film pour de nouveaux projets de loisirs que je vends,<br />

donne, ou montre à une exposition. Je ne peux pas le louer à mes voisins sous le porche. Je ne peux pas<br />

étudier sa construction et pro<strong>du</strong>ire de nouvelles copies. Tous ces <strong>droit</strong>s seraient normaux pour un objet<br />

possédé, mais le monopole <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie est une sévère limitation de mes <strong>droit</strong>s de propriété sur ce<br />

que j’ai légalement acquis.<br />

On ne peut pas dire que le DVD m’appartient si je le regarde d’une certaine manière, mais ne<br />

m’appartient pas si je le regarde d’une autre. Il y a une définition c<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> propriété, et le reçu dit que<br />

je possède le DVD dans toutes ses interprétations et aspects. Chaque partie de <strong>la</strong> forme qui constitue le<br />

DVD est à moi. Le copyright, toutefois, limite ma manière d’exercer mon <strong>droit</strong> de propriété.<br />

Ce<strong>la</strong> ne signifie pas en soi que le copyright est mauvais. Ce<strong>la</strong> signifie, toutefois, que le copyright ne peut<br />

pas être défen<strong>du</strong> en partant <strong>du</strong> principe que les <strong>droit</strong>s de propriété sont bons. Si vous partez sur cette<br />

base, vous arriverez à <strong>la</strong> conclusion que le copyright est mauvais car il constitue une limitation des <strong>droit</strong>s<br />

de propriété.<br />

Défendre le copyright en arguant que les <strong>droit</strong>s de propriété sont sacrés est comme défendre <strong>la</strong> peine de<br />

mort pour meurtre avec <strong>la</strong> justification que <strong>la</strong> vie est sacrée. Il peut y avoir d’autres arguments, valides,<br />

pour défendre ces limitations des <strong>droit</strong>s de propriété — mais cette chaîne logique particulière ne tient<br />

pas.<br />

7.2 Le <strong>droit</strong> de copie est une religion fondamentaliste<br />

Ce qui a lieu pour l’instant avec l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie face au peuple est pratiquement identique à<br />

ce qui a eu lieu lorsque l’imprimerie fut intro<strong>du</strong>ite et que l’Église catholique a déc<strong>la</strong>ré <strong>la</strong> guerre aux<br />

autodidactes. Dans les deux cas, il ne s’agit pas réellement de religion ou de loi, mais <strong>du</strong> simple fait que<br />

les gens sont ce qu’ils sont et que les puissants tentent toujours de garder le pouvoir.<br />

Ce qui est intéressant est que les défenseurs <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie ou d’auteur se comportent comme des<br />

fondamentalistes religieux. Ils ne sont pas religieux littéralement par<strong>la</strong>nt, mais agissent comme si le <strong>droit</strong><br />

d’auteur ou de copie était leur conviction inébran<strong>la</strong>ble.<br />

Enrique Dans fait remarquer 1 qu’ils n’attaquent pas seulement ceux qui ont un calendrier de <strong>réforme</strong> à<br />

avancer, mais plus simplement tous ceux qui remettent en question leur dogme, avec une ferveur<br />

émotionnelle et agressive. Ils les appellent pirates, voleurs, libertaristes, etc… À une autre époque, ils<br />

auraient plutôt parlé d’hérétiques.<br />

Analyser factuellement <strong>la</strong> situation ne sert à rien et est toujours rejeté agressivement.<br />

On peut tirer quelques dé<strong>du</strong>ctions de cette observation.<br />

1. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. De telles situations sont déjà arrivées et se répéteront.<br />

La technologie de l’imprimerie a rompu les équilibres anciens et a menacé le contrôle de<br />

l’information par l’Église catholique. De vieilles structures imp<strong>la</strong>ntées qui voient leur pouvoir<br />

s’évanouir dans <strong>la</strong> nature se battent avec l’énergie <strong>du</strong> désespoir. L’Église catholique a bien tué des<br />

centaines de personnes pour garder le monopole sur <strong>la</strong> diffusion de l’information avant d’accepter


sa défaite.<br />

De même Inter<strong>net</strong> bouleverse les équilibres établis et le contrôle sur <strong>la</strong> diffusion de l’information<br />

que s’était accaparé l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement dans son ensemble jusque là. Peu ou prou<br />

n’importe qui peut publier de l’information ou <strong>du</strong> divertissement à présent. Et les anciens<br />

monopolistes n’hésitent pas à empiéter sur nos <strong>droit</strong>s fondamentaux pour défendre leurs acquis<br />

financiers.<br />

Notre boulot est de cesser le massacre aussi tôt que possible, de sorte que <strong>la</strong> société puisse utiliser<br />

à son profit les nouvelles opportunités ouvertes par Inter<strong>net</strong>. La région <strong>du</strong> monde qui tirera le<br />

meilleur profit d’Inter<strong>net</strong> mènera <strong>la</strong> danse dans le siècle qui commence.<br />

2. L’existence de réactions émotionnelles montrent qu’il n’existe pas de demi-mesure dans le débat<br />

avec les fondamentalistes des <strong>droit</strong>s d’auteur et de copie.<br />

Rien ne sert d’essayer que des intégristes musulmans et chrétiens coupent <strong>la</strong> poire en deux entre le<br />

Coran et <strong>la</strong> Bible. De même il ne sert à rien de chercher des compromis avec les représentants<br />

d’une in<strong>du</strong>strie réagissant irrationnellement.<br />

3. La comparaison avec <strong>la</strong> fin des moines copistes nous apprend comment nous pouvons sortir<br />

vainqueurs de <strong>la</strong> répression menée par l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement.<br />

L’Église catholique avait excommunié et fait condamner à mort des dissidents en France pour<br />

utilisation de l’imprimerie, mais a finalement admis son échec quand une chose devint<br />

certaine : tous pouvaient à présent lire et remettre en question les dogmes catholiques.<br />

Son combat était un combat contre <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> connaissance, et il fut per<strong>du</strong> quand cette<br />

connaissance fut diffusée. Voilà comment nous pouvons nous aussi gagner.<br />

Il nous faut apprendre au monde entier comment partager et pro<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> culture. Tout le monde<br />

doit faire l’expérience de ce que l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> divertissement essaye de contrôler. Il faut connecter<br />

les télévisions de toutes les Madames Michu à des disques <strong>du</strong>rs remplis de films illégalement<br />

téléchargés en haute définition, et leur apprendre comment faire pour remplir les disques. Vous ne<br />

pouvez pas désapprendre ce qui l’est, à savoir que partager est un acte d’amour et que le <strong>droit</strong> de<br />

copie actuel tue <strong>la</strong> culture.<br />

Nous devons documenter les transgressions de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie. Les massacres<br />

injustifiés de protestants les rendirent sympathiques, et Marie fut surnommée Marie <strong>la</strong> Sanguinaire.<br />

Nous ne manquons pas d’exemples des excès de l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de copie actuelle. Nous<br />

devons les expliquer au grand public. Nous devrons montrer l’exemple et montrer qu’une autre<br />

voie est possible, pour tous, politiciens, artistes et citoyens en général.<br />

Le <strong>droit</strong> de copie s’appuye sur des lois. Une loi est un bout de texte, écrit par des humains, et à<br />

présent désynchronisé de <strong>la</strong> réalité. Il nous faut réécrire le code fautif pour le réparer. Et ce doit<br />

être fait le plus vite possible, pour éviter une accumu<strong>la</strong>tion d’horreurs.<br />

Pour conclure :<br />

Le partage de fichier n’est pas un problème indivi<strong>du</strong>el. C’est un problème de domination idéologicoéconomique,<br />

et ça l’a toujours été. Partager nos fichiers, c’est partager plus égalitairement cette<br />

domination. Apprenez aux gens à partager, et ils vaincront ceux qui veulent contrôler les usages de leurs<br />

ordinateurs, de même que lorsque les gens surent lire, ils renversèrent l’Église catholique.<br />

1<br />

http://www.enriquedans.com/2011/02/el-fracaso-de-<strong>la</strong>-ley-sinde.html


Annexe A Mon vélo, de Marcel-André Casaso<strong>la</strong><br />

Merkle<br />

Je me suis acheté un vélo. Un beau modèle. Je l’ai atten<strong>du</strong> longtemps.<br />

Aux États-Unis, ça fait déjà longtemps qu’il est sur le marché. Pas en Allemagne. Et l’importer aurait été<br />

illégal. Le mois dernier, on pouvait le louer auprès d’une grande chaîne de télé pendant une semaine et<br />

faire une virée. Ça m’a plu.<br />

Mais à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> journée, il était de nouveau verrouillé. Et je devais attendre.<br />

Par <strong>la</strong> suite, le vélo est devenu disponible dans les arrières-cours de mon quartier pour pas un rond. Ça<br />

m’a paru un peu louche.<br />

Mais je m’en fiche. Maintenant, j’ai mon vélo. Et il est beau.<br />

Il est marqué jusque sur les autocol<strong>la</strong>nts <strong>du</strong> cadre que je ne dois pas voler ou reconstituer de vélo.<br />

Logique. Pourquoi d’ailleurs ? Je l’ai bel et bien acheté.<br />

Avant le premier démarrage, j’ai dû appeler le fabricant et lui expliquer quels étaient les trois quartiers de<br />

<strong>la</strong> ville dans lesquels je vou<strong>la</strong>is utiliser mon vélo. Lorsque je circule dans un quartier non autorisé, les<br />

freins s’enclenchent tout seul. Je n’ai rien à faire. Ça fait partie <strong>du</strong> service. Je peux alors appeler le<br />

fabricant et reconfigurer le vélo. De <strong>la</strong> sorte je circule dans toute <strong>la</strong> ville.<br />

Si je vou<strong>la</strong>is louer mon vélo, ça ne me serait pas permis. La selle envoie des petites décharges dans le<br />

corps et signifie son désaccord. C’est à <strong>la</strong> répartition des masses à l’arrière qu’elle reconnaît qui s’assoit<br />

sur le vélo. Et si ce n’est pas moi, <strong>la</strong> son<strong>net</strong>te carillonne. Du coup, je fais attention à mon régime. Sinon<br />

mon vélo ne me reconnaît plus.<br />

Il y a peu, j’ai voulu le repeindre. Je trouvais que le kaki faisait vieux jeu. En grande surface on m’a ri<br />

au nez. Ça serait tout à fait illégal. Est-ce que j’avais demandé au fabricant ? Il aurait sûrement dû<br />

prévoir quelque chose pour <strong>la</strong> couleur.<br />

La ville vient de construire de nouvelles pistes cyc<strong>la</strong>bles et je trouvais qu’elle avait raison. Mais j’ai<br />

enten<strong>du</strong> une rumeur : Mon vélo ne peut plus rouler dessus. Les pneus sont trop minces. Ils ne passent<br />

plus sur le nouveau revêtement.<br />

Mais une nouvelle génération arrive. Avec des chenilles. Ils seront beaucoup plus sûrs.<br />

Et maintenant, il y a des postes de police sur les pistes. Pour contrôler qui est sur quel vélo. Et quand on<br />

perd le contact visuel avec tous les postes, le vélo éjecte son passager. Par temps de brouil<strong>la</strong>rd on voit<br />

souvent des hommes joncher <strong>la</strong> route comme des fruits trop mûrs.<br />

Si on me vole mon vélo, ça peut devenir encore plus cher. Parce qu’en effet je l’ai diffusé. Le<br />

constructeur ne peut plus en vendre un directement au voleur. Et j’en suis responsable.<br />

Tout ça m’est devenu trop périlleux. Maintenant je veux donner mon vélo à d’autres. Mais on chuchote<br />

que ce ne serait pas permis. Mon vélo ne serait qu’à moi. Je l’ai donc simplement supprimé. 1<br />

1<br />

http://www.137b.org/?p=2445 pour <strong>la</strong> version allemande sous CC-BY. Tra<strong>du</strong>ction sous CC-BY-<br />

SA


Annexe B Nous, les enfants <strong>du</strong> Sieć, de Piotr<br />

Czerski<br />

Il n’y a pas de concept 1 plus rabâché dans les discours médiatiques que celui de génération. J’ai déjà<br />

essayé une fois de compter les « générations » autoproc<strong>la</strong>mées dans les 10 dernières années depuis ce<br />

fameux papier sur <strong>la</strong> « Génération per<strong>du</strong>e ». Je pense en avoir trouvé douze. Mais elles avaient toutes<br />

une chose en commun : elles n’existent que sur le papier. Dans <strong>la</strong> réalité personne n’a vécu cette<br />

impulsion à <strong>la</strong> fois unique en son genre, tangible et inoubliable, cette expérience commune à travers<br />

<strong>la</strong>quelle nous resterions différenciables de toutes les générations précédentes. Nous cherchions loin à<br />

l’horizon, mais <strong>la</strong> mutation fondamentale était passée inaperçue, et se cachait dans les câbles grâce<br />

auxquels <strong>la</strong> télévision a embrassé le pays, dans l’éclipse <strong>du</strong> réseau fixe par celui mobile, et avant tout<br />

dans l’accès à Inter<strong>net</strong> généralisé. Ce n’est que maintenant que nous comprenons tout ce qui a changé<br />

dans les 15 dernières années.<br />

Nous, les enfants <strong>du</strong> Sieć, qui avons grandi avec Inter<strong>net</strong> et sur Inter<strong>net</strong>, nous sommes une génération<br />

qui, finalement, satisfait aux critères <strong>du</strong> concept. Il n’y a pas eu de déclic mais plutôt une métamorphose<br />

de <strong>la</strong> vie. Ce qui nous unit à présent n’est pas un contexte culturel commun et déterminé mais le<br />

sentiment que nous pouvons définir librement ce contexte et ses cadres.<br />

Pendant que j’écris, je sais bien que j’abuse <strong>du</strong> mot « Nous ». Parce que notre « nous » est changeant,<br />

flou. Avant on aurait dit : temporaire. Quand je dis « nous », je pense « beaucoup d’entre nous » ou<br />

« quelques uns d’entre nous ». Quand je dis « nous sommes », je pense « il arrive que nous soyons ».<br />

C’est pourquoi je dis « nous » pour pouvoir parler de nous.<br />

B.1 Nous avons grandi avec Inter<strong>net</strong> et sur Inter<strong>net</strong><br />

C’est pourquoi nous sommes différents. C’est le point crucial et à vrai dire pour nous l’étonnante<br />

différence : Nous ne « surfons » pas sur Inter<strong>net</strong>, et Inter<strong>net</strong> n’est pas pour nous un « lieu » ou un<br />

« espace virtuel ». Inter<strong>net</strong> n’est pas pour nous une extension externe de notre réalité, mais en fait partie<br />

: une couche invisible mais toujours présente qui s’entre<strong>la</strong>ce à notre environnement physique, une sorte<br />

de seconde peau.<br />

Nous n’utilisons pas Inter<strong>net</strong>, nous vivons dedans et avec. Si nous devions vous expliquer à vous, les<br />

analogiques, notre « Bil<strong>du</strong>ngsroman » 2 , nous vous dirions que toutes les expériences essentielles que<br />

nous avons faites avaient le Réseau en commun. En ligne, nous nous sommes créés des amis et des<br />

ennemis, nous avons préparé nos anti-sèches, nous avons p<strong>la</strong>nifié des soirées et des sessions de travail,<br />

nous sommes tombés amoureux et nous nous sommes séparés.<br />

Inter<strong>net</strong> n’est pas pour nous une technologie que nous devions apprendre et que nous avons intégrée<br />

d’une manière ou d’une autre. Le réseau est avant tout un processus continu qui évolue en permanence<br />

sous nos yeux, avec nous et à travers nous. Les technologies se créent et disparaissent dans notre<br />

environnement, les sites web naissent, se déploient et meurent, mais le réseau subsiste parce que nous<br />

sommes le réseau, nous qui communiquons bien plus efficacement que jamais dans l’histoire de<br />

l’humanité.<br />

Nous avons grandi sur Inter<strong>net</strong>, c’est pourquoi nous pensons différemment. Pouvoir trouver une<br />

information est pour nous aussi évident que pour vous pouvoir trouver une gare ou une poste dans une<br />

ville inconnue. Quand nous voulons quelque chose, comme les premiers symptômes de <strong>la</strong> varicelle, les<br />

raisons <strong>du</strong> naufrage de l’« Estonie » ou savoir pourquoi notre facture d’eau semble aussi suspicieusement<br />

haute, nous prenons les devants avec <strong>la</strong> sûreté d’un automobiliste guidé par un GPS.<br />

Nous connaissons beaucoup d’en<strong>droit</strong>s où trouver les informations désirées, nous savons comment on y<br />

arrive et nous pouvons juger de leur fiabilité. Nous avons appris à accepter que nous trouverons rarement


une réponse mais bien plutôt plusieurs, et nous extrayons de cette pluralité l’option <strong>la</strong> plus vraisemb<strong>la</strong>ble<br />

pour ignorer les autres. Nous sélectionnons, filtrons, nous souvenons, et sommes prêt à échanger ce que<br />

nous savons déjà contre quelque chose de neuf, de meilleur, quand nous butons contre un obstacle.<br />

Pour nous Inter<strong>net</strong> est une sorte de disque <strong>du</strong>r externe. Nous ne retenons pas de définition précise : les<br />

dates, les montants, les formules, les paragraphes et les définitions exactes. Un résumé avec le cœur de<br />

l’affaire nous suffit, et nous le travaillons pour le relier avec d’autres informations. Si nous avons besoin<br />

de détails, nous les cherchons dans les secondes qui suivent.<br />

Nous n’avons pas besoin d’être des experts dans tout ce que nous connaissons parce que nous trouvons<br />

les hommes qui en ont fait leur spécialité et que nous pouvons croire. Les autres hommes ne partagent<br />

pas leur expertise avec nous pour de l’argent mais plutôt parce qu’ils sont comme nous convaincus que<br />

l’information connaît un flux continuel et veut être libre, que nous profitons tous de l’échange. Et ce tous<br />

les jours : pendant nos études, au travail, lors de <strong>la</strong> résolution de problèmes quotidiens ou lorsque ça nous<br />

intéresse. Nous savons comment <strong>la</strong> concurrence fonctionne et l’aimons. Mais notre compétition, notre<br />

vœu d’être différent, se base sur <strong>la</strong> capacité de manipuler et interpréter les informations, pas sur leur<br />

monopolisation.<br />

B.2 La participation à <strong>la</strong> culture n’est pas notre occupation des<br />

jours de fête<br />

La culture globale est le socle de notre identité, plus importante que notre compréhension particulière<br />

comme tradition, les histoires de nos aînés, le statut social, l’origine ou même notre <strong>la</strong>ngue. Dans l’océan<br />

des événements culturels nous pêchons ce que bon nous semble, nous interagissons avec, notons et<br />

sauvegardons nos évaluations sur des sites web dédiés qui proposent d’autres albums, films ou jeux qui<br />

pourraient nous p<strong>la</strong>ire.<br />

Nous regardons avec d’autres collègues certains de ces films, de ces séries ou vidéos, ou alors avec des<br />

amis <strong>du</strong> monde entier. Pour certains contenus notre appréciation ne sera jamais partagée qu’avec un petit<br />

nombre de personnes que parfois nous ne verrons peut-être jamais dans <strong>la</strong> vie réelle. C’est pourquoi nous<br />

avons le sentiment que notre culture devient à <strong>la</strong> fois globale et indivi<strong>du</strong>elle. C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle<br />

nous avons besoin d’y accéder librement (NdT: swobodnego en polonais).<br />

Ce<strong>la</strong> ne veut pas dire que nous exigeons un accès gratuit à tous les biens culturels, même si quand nous<br />

créons quelque chose, bien souvent nous le mettons simplement en circu<strong>la</strong>tion. Nous comprenons que <strong>la</strong><br />

créativité demande toujours des efforts et de l’investissement, et ce malgré <strong>la</strong> démocratisation des<br />

techniques de montage audio ou vidéo. Nous sommes prêts à payer, mais les renchérissements<br />

gigantesques des intermédiaires nous paraissent bêtement et simplement inadaptés. Pourquoi devrions<br />

nous payons pour <strong>la</strong> copie d’une information qui peut pourtant être copiée parfaitement très rapidement,<br />

sans changer seulement d’un iota <strong>la</strong> valeur de l’original ? Si nous ne recevons que l’information brute,<br />

nous demandons un prix adapté. Nous sommes prêts à payer plus, mais alors nous attendons aussi plus :<br />

un embal<strong>la</strong>ge intéressant, un gadget, une meilleure qualité, <strong>la</strong> possibilité de pouvoir le regarder tout de<br />

suite, ici et maintenant, sans attendre <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> téléchargement. Nous pouvons même montrer de <strong>la</strong><br />

gratitude et donner à l’artiste (puisque l’argent ne correspond plus qu’à des suites de chiffres sur un<br />

écran, payer est presque devenu un acte symbolique <strong>du</strong>quel les deux partis devraient profiter), mais les<br />

objectifs de vente de quelque sorte que ce soit ne nous intéressent pas <strong>du</strong> tout. Ce n’est pas notre faute si<br />

votre modèle économique ne fait plus aucun sens dans sa forme traditionnelle et si vous vous décidez à<br />

défendre votre modèle daté au lieu d’accepter les nouvelles exigences et d’essayer de nous fournir plus<br />

que ce que nous pourrions avoir autrement.<br />

Encore une chose : Nous ne voulons pas payer pour nos souvenirs. Les films qui datent de notre enfance,<br />

<strong>la</strong> musique qui nous a bercée pendant 10 ans: Dans une mémoire mise en réseau, ce ne sont plus que des<br />

souvenirs. Les rappeler et les échanger, les redévelopper, c’est pour nous aussi normal que pour vous les<br />

souvenirs de « Casab<strong>la</strong>nca ». Nous trouvons sur le Sieć 3 les films que nous avons vus enfants. Pouvezvous<br />

vous imaginer que quelqu’un vous poursuive pour ça en justice ? Nous non plus.


B.3 Ce qui nous importe le plus, c’est <strong>la</strong> liberté<br />

Nous sommes habitués à payer automatiquement nos factures tant que l’état de notre compte bancaire le<br />

permet. Nous savons que nous devons seulement remplir en ligne un formu<strong>la</strong>ire et signer un contrat livré<br />

par <strong>la</strong> poste quand nous ouvrons un compte ou voulons changer d’opérateur téléphonique. C’est<br />

pourquoi, en tant qu’utilisateur de l’État, nous sommes de plus en plus énervés par son interface<br />

utilisateur archaïque. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devrions remplir plusieurs formu<strong>la</strong>ires<br />

papiers où le plus gros peut comporter plus de cent questions. Nous ne comprenons pas pourquoi nous<br />

devons justifier d’un domicile fixe (il est absurde de devoir en avoir un) avant de pouvoir entreprendre<br />

d’autres démarches, comme si les administrations ne pouvaient pas régler ces choses sans que nous<br />

devions intervenir.<br />

Nous avons per<strong>du</strong> <strong>la</strong> conviction née dans <strong>la</strong> crainte de nos parents que les trucs administratifs sont d’une<br />

importance capitale et que les affaires réglées par l’État sont sacrées. Ce respect ancré dans <strong>la</strong> distance<br />

entre le citoyen solitaire et <strong>la</strong> hauteur majestueuse dans <strong>la</strong>quelle réside <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse dominante, à peine<br />

visible là-haut dans les nuages, nous ne l’avons plus. Notre compréhension de <strong>la</strong> structure sociale est<br />

différente de <strong>la</strong> leur : La société est un réseau, pas une pyramide. Nous sommes habitués à pouvoir<br />

adresser <strong>la</strong> parole à presque n’importe qui, qu’il soit journaliste, maire, professeur d’université ou star de<br />

<strong>la</strong> pop, et nous n’avons pas besoin de qualifications qui iraient de pair avec notre statut social. Le succès<br />

d’une interaction tient uniquement à l’appréciation par les autres de l’importance <strong>du</strong> contenu de notre<br />

message et de <strong>la</strong> pertinence d’y répondre. Et puisque nous avons le sentiment, grâce à <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration et<br />

à des disputes incessantes où nous défendons contre <strong>la</strong> critique nos arguments, que nos opinions sont les<br />

meilleures, pourquoi ne pourrait-on pas attendre de dialogue sérieux avec le gouvernement ?<br />

Nous ne sentons pas de respect religieux pour les « institutions démocratiques » dans leur forme actuelle,<br />

nous ne croyons pas à l’irrévocabilité de leurs rôles comme tous ceux qui considèrent que les institutions<br />

démocratiques sont comme des objets de vénération qui se construisent d’eux-mêmes et à leur propre<br />

fin. Nous n’avons pas besoin de monuments. Nous avons besoin d’un système qui réponde à nos attentes,<br />

d’un système transparent et en état de marche. Et nous avons appris que le changement est possible, que<br />

tout système difficile à manier peut être remp<strong>la</strong>cé par un plus efficace, qui soit mieux adapté à nos<br />

exigences et <strong>la</strong>isse plus de marge de manœuvre.<br />

Ce qui nous importe le plus, c’est <strong>la</strong> liberté. La liberté de s’exprimer, d’accéder à l’information et à <strong>la</strong><br />

culture. Nous croyons qu’Inter<strong>net</strong> est devenu ce qu’il est grâce à cette liberté et nous pensons que c’est<br />

notre devoir de défendre cette liberté. Nous devons ce<strong>la</strong> aux générations futures comme nous leur devons<br />

de protéger l’environnement.<br />

Il est possible qu’aucun nom adapté n’existe pour désigner ce que nous voulons, ou que nous ne soyons<br />

pas encore tout à fait conscient qu’il s’agit là d’une vraie et réelle démocratie. Une démocratie qui n’a<br />

peut-être jamais été rêvée par vos journalistes.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

http://pokazywarka.pl/pm1pgl/ pour <strong>la</strong> version polonaise, et<br />

http://www.zeit.de/digital/inter<strong>net</strong>/2012-02/wir-die-<strong>net</strong>z-kinder/komplettansicht<br />

pour <strong>la</strong> version allemande, toutes les deux sous CC-BY-SA<br />

« Roman iniatique ». Style littéraire allemand <strong>du</strong> 18 e siècle qui thématise l’apprentissage de <strong>la</strong> vie<br />

d’un jeune personnage.<br />

Réseau en polonais<br />

Références


[1]<br />

[2]<br />

[3]<br />

[4]<br />

[5]<br />

[6]<br />

[7]<br />

[8]<br />

[9]<br />

[10]<br />

[11]<br />

[12]<br />

[13]<br />

[14]<br />

1<br />

P. Aigrain : Inter<strong>net</strong> &Création. In Libro Veritas, 2008.<br />

Y. Benkler et A. Clercq-Roques : La richesse des réseaux: marchés et libertés à l’heure <strong>du</strong><br />

partage social. Presses universitaires de Lyon, 2009.<br />

Simon Chignard : L’open data, comprendre l’ouverture des données publiques. Fyp, 2012.<br />

Collectif d’auteurs : La bataille Hadopi. In Libro Veritas, 2009.<br />

La Quadrature <strong>du</strong> Net : « Propositions ». http://lqdn.<strong>net</strong>, 2012.<br />

L. Florent : Du bon usage de <strong>la</strong> piratrerie: culture libre, science ouverte. Exils, 2004.<br />

L. Lessig : Culture libre. Presses Universitaires de Lyon, 2004.<br />

L. Lessig : L’avenir des idées. Presses universitaires de Lyon, 2005.<br />

J.M. Manach : La vie privée, un problème de vieux cons? Fyp, 2010.<br />

J.M. Manach : Au pays de Candy. Owni Éditions, 2012.<br />

N.T. Perline : La bataille <strong>du</strong> logiciel libre. La Découverte, 2004.<br />

E.S. Raymond : « La cathédrale et le bazar ». 1998.<br />

D. Sagot-Duvauroux : La propriété intellectuelle, c’est le vol! Les presses <strong>du</strong> réel, 2002.<br />

R.M. Stallman, S. Williams et C. Masutti : Richard Stallman et <strong>la</strong> révolution <strong>du</strong> logiciel libre: une<br />

biographie autorisée. Editions Eyrolles, 2010.<br />

À propos des auteurs :<br />

Rick Falkvinge, @falkvinge, est le fondateur <strong>du</strong> Parti Pirate Suédois. Ancien entrepreneur, il<br />

parcoure à présent l’Europe pour propager <strong>la</strong> bonne parole des Pirates Suédois. Il est très actif<br />

sur son blog htttp://falkvinge.<strong>net</strong>.<br />

Christian Engström, @Engstrom_PP, est député européen pour le Parti Pirate Suédois. Ancien<br />

développeur, il est venu à <strong>la</strong> politique par <strong>la</strong> lutte contre les brevets logiciels. Son blog est<br />

http://christianengstrom.wordpress.com/.<br />

Marcel-André Casaso<strong>la</strong> Merkle, @zeitweise, est un créateur de jeu bavarois. Il fait partie de<br />

l’équipe Annaberg et a aussi dessiné des films d’animation et des jeux interactifs. Il blogue<br />

régulièrement à http://www.137b.org.<br />

Piotr Czerski, @piotrczerski est un poète, auteur, musicien et ex-blogger polonais. Il a publié<br />

deux albums avec son groupe Towary Zastępcze « Marchandise d’échange », et est diplômé en<br />

informatique. Son site est http://czerski.art.pl/.

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