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1er mars - Association francophone de haïku

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Kukaï du 1 <strong>mars</strong> 2012<br />

Haïbun 4<br />

Animation : Jean Antonini<br />

Participant.es : Annie Reymond, Patrick Chomier, Jacques Beccaria, Catherine Guillot, Christian Lherbier,<br />

Danyel Borner, Jocelyne Serre, Michèle Ro<strong>de</strong>t, Patricia Roullé, Hélène Massip, Anne-Lise Blanchard,<br />

Robert Gillouin.<br />

Comme le haïga ou le renku, le haïbun met en jeu un travail <strong>de</strong> liaison/déplacement entre un texte en<br />

prose et un ou plusieurs <strong>haïku</strong>s. Nous avons travaillé à partir <strong>de</strong>s éléments fournis pas Luce Pelletier, dans<br />

Chou Hibou Haïku, chapitre 9 Le renku.<br />

1- Lien umo-zuke ou kotoba-zuke, par un mot ou par un objet entre prose et <strong>haïku</strong><br />

Tombée <strong>de</strong> la nuit<br />

La rue du Griffon s'anime<br />

Seul dans mes pensées<br />

On avait trouvé un nouveau lieu <strong>de</strong> réunion. Chacun s'y rendait au crépuscule, par les ruelles, les<br />

traboules, les escaliers. On s'y retrouvait à huit, douze, quatorze, pour griffonner, pour échanger <strong>de</strong>s mots.<br />

Jacques Beccaria<br />

Des grands livres, <strong>de</strong>s petits livres, <strong>de</strong>s livres en noir et blanc, <strong>de</strong>s vieux livres, <strong>de</strong>s livres épais, <strong>de</strong>s<br />

livres tout fin, <strong>de</strong>s livres à droite, <strong>de</strong>vant-<strong>de</strong>rrière-en-haut-en-bas.<br />

Des livres partout !<br />

J’imagine un esprit joueur qui mélangerait toutes les pages, tous les mots ; une explosion !!<br />

volant en tous sens<br />

avant le feu d’artifice<br />

les hiron<strong>de</strong>lles<br />

(Pascal Quero « Le cœur au centre », page 15)<br />

Annie Reymond<br />

Il s'ennuyait, là.<br />

Il n'était pas seul pourtant.<br />

Toujours accompagné.<br />

On ne laisse pas les enfants voyager seuls. L'hôtesse et son sourire. Les enfants badgés.<br />

Papa m'attend là-bas.<br />

Sur le velours <strong>de</strong>s sièges, l'ennui <strong>de</strong> première classe.<br />

Les autres enfants, <strong>de</strong>s inconnus, encore et encore.<br />

Maman viendra m'attendre.<br />

Compter les minutes.<br />

TGV<br />

trop vite les arbres<br />

par la fenêtre<br />

Robert Gillouin<br />

Aujourd’hui, le kukaï se réunit dans une nouvelle salle. Elle est située entre le début <strong>de</strong> la Montée Saint<br />

Sébastien et le jardin Croix Paquet. Tout autour <strong>de</strong> nous, <strong>de</strong>s étagères pleine <strong>de</strong> livres. De jour, la salle est<br />

très claire, mais il fait déjà nuit à 19H30 et les fenêtres sont obscures. Derrière les vitres s’élèvent trois ou<br />

quatre grands marronniers, sans une seule feuille pour l’instant.<br />

Écrire en silence<br />

sur <strong>de</strong>s feuilles rectangulaires<br />

<strong>de</strong>s <strong>haïku</strong>s clairs<br />

Jean Antonini


Aujourd’hui, jour <strong>de</strong> révolution ! Ce n’est ni le 1 er <strong>de</strong> l’an, ni le début du printemps, mais nous<br />

avons franchi un pas et quitté définitivement la maison d’édition située sur les quais du Rhône qui<br />

nous accueillait sous ses stucs, au <strong>de</strong>uxième étage, pour nos jeux d’écriture. Plus jamais d’Aléas !<br />

Pour la première fois, ce jour voit nos plumes appliquées se livrer à leurs exercices - mono-zuke<br />

et kotoba-zuke - dans un centre <strong>de</strong> documentation tapissé <strong>de</strong> livres dédié aux alternatives sociales.<br />

Désormais, pour écrire ensemble, nous gagnerons ce rez-<strong>de</strong>-chaussée, dominant un parc qui s’élève<br />

en terrasses jusqu’à ses fenêtres.<br />

C’est un Premier-<strong>de</strong>-Tout, comme disent les finlandais. Un tel jour s’honore et vaut bien un<br />

<strong>haïku</strong>.<br />

En haut du jardin<br />

théories libertaires<br />

et philosophies<br />

Ah ! Le plaisir <strong>de</strong> cultiver son jardin, chaque jour même et cependant différent<br />

Michèle Ro<strong>de</strong>t<br />

Tout le voisinage<br />

Est accouru - on abat<br />

L'arbre centenaire<br />

Plein <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> sur la petite place. L'un d'eux va partir en ron<strong>de</strong>lles, branches principales et<br />

secondaires.<br />

Les brindilles resteront là, pour le souvenir.<br />

Il a regardé longtemps, par la fenêtre, a suivi <strong>de</strong>s yeux le camion chargé <strong>de</strong> tous les gros morceaux<br />

<strong>de</strong> tronc, puis est revenu à son bureau.<br />

Dans son bureau à la traîne<br />

avec ses tas <strong>de</strong> dossiers<br />

il se sent moins seul<br />

Catherine Guillot<br />

Pour sortir du lit d'abord ouvrir un œil, l'esprit encore dans le coton. Sortir un pied hors du lit, il<br />

fait froid, et comme chaque jour n'avoir qu'une envie, le remettre sous la couette.<br />

Puis quand même se lever.<br />

La maison est vi<strong>de</strong>, seul je m'active. Puis sortir, aller au travail.<br />

Matin d'hiver<br />

Pas encore <strong>de</strong> trace <strong>de</strong> pas<br />

Dans la neige<br />

Christian L herbier<br />

Il murmure quelques mots. Je ne comprends pas ses paroles. La neige brille. On s’y enfonce à mi- mollets.<br />

Sur les pentes rai<strong>de</strong>s on décrypte <strong>de</strong>s traces – vision <strong>de</strong> courses fugitives, aériennes, <strong>de</strong>s chevreuils, peutêtre.<br />

Le gel maintient sur les branches vert sombre <strong>de</strong>s manchons <strong>de</strong> neige et <strong>de</strong>s herses luisantes. En<br />

sortant <strong>de</strong> la forêt, on perd le chemin. Un vaste dôme nu, l’air <strong>de</strong> rien, comme si trois pas suffisaient pour<br />

atteindre la crête. Le vent trimballe <strong>de</strong>s tourbillons glacés. Nous ne parlons plus. S’arrêter ? Si près du<br />

but ? Un pas, plus un pas… Remonter l’écharpe sur les oreilles douloureuses. Soudain, la vue s’ouvre sur<br />

le Massif <strong>de</strong> l’Oisans. Ciel bleu vif, vallée emplie <strong>de</strong> nuages mobiles. Petites gifles du vent, encore. Et la<br />

falaise abrupte d’où on ne peut pas s’envoler.<br />

Vent débridé<br />

comme si mes oreilles étaient<br />

<strong>de</strong>s coquillages<br />

(Hélène Boissé)<br />

Hélène Massip


Deux-cent-cinquante. Une par une et un par un, aux <strong>de</strong>ux extrémités du <strong>de</strong>mi-cercle en fond <strong>de</strong><br />

scène, ici la mixité est ordonnée. Tenue noire, beaucoup <strong>de</strong> têtes argentées, l'attente immobile.<br />

L'orchestre au premier plan s'accor<strong>de</strong>, dissonances bourdonnantes où chacun vérifie sa note juste.<br />

Comment font-ils ? Le chœur multiple sur trois rangs, tels élytres ou plumes discrètes ouvre ses<br />

partitions : <strong>de</strong>ux ailes blanches pour l'envol. Le violoncelle surnuméraire couché <strong>de</strong> tout son long en<br />

contrebas <strong>de</strong> l'estra<strong>de</strong> servira-t-il ? Suivre les mouvements d'une main ondulante. Deux heures<br />

passées en apesanteur, les yeux reposés d'une écoute aux paupières mi-closes.<br />

Dans le métro<br />

le trompettiste joue un air<br />

entendu jadis<br />

(Micheline Beaudry)<br />

2- Lien imu-zuke ou kokoro-zuke, par le sens ou par le contenu, le cœur.<br />

Danyel Borner<br />

Le mont Fuji<br />

émerge seul<br />

<strong>de</strong>s feuillages nouveaux (Buson)<br />

Ah ! ce mont Fuji ! Quand le verrai-je enfin autrement qu’en poésie, en peinture ou en photographie ?<br />

Quand le verrai-je enfin ?<br />

Jacques Beccaria<br />

Imu suké, kokora suké :<br />

Main dans la main, à pas lents, ensemble ils traversent la place. Aller jusqu’à la boulangerie, acheter<br />

la baguette <strong>de</strong> midi, c’est leur promena<strong>de</strong> du matin. Et revenir jusqu’à leur porte. On les voit tous les<br />

jours faire le même chemin, les <strong>de</strong>ux vieux (sauf le lundi parce que la boulangerie est fermée, mais<br />

çà c’est une autre partie <strong>de</strong> l’histoire).<br />

do<strong>de</strong>linant<br />

<strong>de</strong> la tête <strong>de</strong>ux pigeons gris<br />

arpentent le square<br />

(Pascal Quero « Le cœur au centre », page 24)<br />

Annie Reymond<br />

Ils n’ont jamais su se regar<strong>de</strong>r<br />

peut-être n’ont-ils pas osé<br />

peut-être n’était-ce pas<br />

encore<br />

le moment<br />

peut-être est-ce trop tard<br />

sur une feuille<br />

<strong>de</strong>ux gouttelettes <strong>de</strong> rosée<br />

se mêlent (A.M. Lupu, 13 ans, cité par Ion Codrescu dans Chou, Hibou, Haïku)<br />

Robert Gillouin<br />

À la nuit tombée, départ du carnaval. Le long du chemin, 2 lignes <strong>de</strong> gens, plantés. La battucada est<br />

là, les musiciens dansent la lutte <strong>de</strong>s esclaves.<br />

Sur la pelouse<br />

dans la fraîcheur du matin<br />

3 canards se dandinent<br />

Catherine Guillot


J’ai quitté <strong>de</strong>s yeux<br />

mon cahier pour rêver<br />

à <strong>de</strong>main - Pourquoi ?<br />

Un murmure à la table d’à côté : un homme et une femme y sont assis, que je n’ai pas<br />

entendu arriver. Ils échangent, les yeux dans les yeux - intenses, concentrés, pas <strong>de</strong> temps à perdre -<br />

<strong>de</strong>s confi<strong>de</strong>nces, <strong>de</strong>s adresses.<br />

Pour un projet commun ?<br />

Le serveur leur apporte <strong>de</strong>s tasses, fumantes. Elles sont brûlantes, ils patientent avant d’y<br />

porter leurs lèvres.<br />

D’où se connaissent-ils ?<br />

L’homme est passionné. Parfois sa voix lui échappe et il sème quelques sons barytons dans<br />

l’atmosphère, puis rappelé à l’ordre par l’éclat <strong>de</strong> sa voix, revient vite au murmure. Parfois, il se<br />

penche vers elle, rapproche son visage du sien.<br />

Secrets ?<br />

Du mon<strong>de</strong> entre encore. Le niveau sonore s’élève.<br />

Ces <strong>de</strong>ux-là vont-ils repartir ensemble ?<br />

Je referme mon carnet. Trop d’agitation. Impossible d’écrire.<br />

Je sors.<br />

Seule.<br />

Michèle Ro<strong>de</strong>t<br />

Un beau matin, en <strong>de</strong>scendant du trottoir, son pied glissa, il s’étala dans le caniveau et une douleur atroce<br />

explosa dans sa jambe. Pas moyen <strong>de</strong> se relever. Deux passantes appelèrent Police Secours. Il se<br />

retrouva à l’hôpital avec fracture complète du tibia.<br />

Allongé sur son lit, la jambe en extension, lui revint le souvenir d’une marche dans le massif du Queyras. Il<br />

avait 12, 13 ans, avec ses parents. Ils s’étaient arrêtés dans une clairière où poussaient <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong><br />

fraisiers. Il ramassèrent trois boîtes <strong>de</strong> fraises <strong>de</strong>s bois. Il lui en restait une o<strong>de</strong>ur vive.<br />

Le vent dans les pins<br />

fait <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s voyageurs<br />

sans attente (Hélène Boissé)<br />

Jean Antonini<br />

Hortensias. Ils ne sentent rien mais ils sont mes premiers souvenirs olfactifs. Boules blanches et<br />

roses, bleues ou violines s'épanouissant au matin, gorgées <strong>de</strong> rosée. Éponges après l'orage du soir.<br />

Ce même parfum d'eau et <strong>de</strong> terre, le plus suave que je connaisse, parle à mes sens <strong>de</strong>puis que<br />

j'observais à quatre pattes avant <strong>de</strong> savoir marcher cette haie <strong>de</strong> pompons fiers dans le jardin <strong>de</strong> ma<br />

grand-mère.<br />

Deux ans, déjà. De la fenêtre <strong>de</strong> la cuisine, L... me surprenait à contempler rêveusement ce<br />

bataillon échevelé après la tempête. « Je préfère le rosier jaune et le laurier rose » me disait-elle...<br />

Pourtant elle savait que les jours d'orage me titillait particulièrement les sens.<br />

Mon pigeonnier est parfait, l'horizon est plus vaste, mais la terre me manque.<br />

Pétale <strong>de</strong> tulipe<br />

fraîchement tombé <strong>de</strong> la tige<br />

dans mes baskets<br />

(Micheline Beaudry)<br />

Danyel Borner


Volets ouverts sur le soleil <strong>de</strong> mai.<br />

Tu bines, racles, désherbes.<br />

Tu te bats, rageur, contre <strong>de</strong>s racines tenaces.<br />

Tu délimites un territoire, à coups <strong>de</strong> sécateur, dans le rhizome conquérant <strong>de</strong>s bambous <strong>de</strong> la haie.<br />

Tu arraches, tu tries, tu amoncelles, tu brûles, tu fais place nette.<br />

Un rouge-gorge gourmand te suit à sauts légers.<br />

Tu aères la terre.<br />

Tu plantes, repiques, sèmes.<br />

Potager secoué comme une nappe à la fenêtre.<br />

Une pierre pour oreiller<br />

J’accompagne<br />

Les nuages<br />

(Taneda Santoka, 1882-1940)<br />

Hélène Massip<br />

Tous autour du berceau, <strong>de</strong>s fleurs à la main, la larme à l'œil.<br />

Au premier cri, c'est l'extase…<br />

« Regar<strong>de</strong> comme il est beau, ce qu'il ressemble à la mère, à son père, ses frères et ses sœurs, au<br />

facteur! »<br />

Autour <strong>de</strong> lui, on chuchote, on sourit discrètement, on se déplace en silence. Le bébé dort;<br />

Première rose jetée<br />

le vieillard enseveli<br />

tous autour en silence<br />

Christian L herbier

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