LIVRE 2005 - page rieuse - Free

Nos Maîtres veulent maintenant
être craints. Leur liberté ne saurait
plus être limitée. Ils nous ont économisé
l'esprit, en nous payant
de marchandises jetables. Ils sont
parvenus à nous rendre envieux,
aigris, individualistes. Et si le plaisir
est solitaire, sous le joug de la
privation prétendue économique,
la souffrance, elle, fait tache
d'huile dans le corps social. Qui
souffre fait souffrir son voisinage.
On nous a fait aimer le règne de
l'argent. On nous fait de nouveau
adorer le bâton.
L'Etat dit redistributeur s’est
vendu. Le bien et le lieu communs
sont devenus propriétés privées.
On précarise toujours
davantage des pauvres de plus
en plus nombreux, et le plus souvent
dépossédés des moyens de
résister à ce qui leur arrive. Ces
gens ne peuvent plus travailler la
terre alentour pour se nourrir ni
s’y construire des maisons pour
s'y loger, car la terre et le droit
appartiennent à une puissance
protéiforme, souvent lointaine,
tandis qu’eux sont déclarés non
solvables…
Pour empêcher toute révolte,
pour pouvoir imposer leur ordre,
nos Maîtres voraces prétendent
venir éteindre le feu alors qu'ils
soufflent sur les braises. Nos insatiables
racketteurs prétendent
nous protéger... des attentats, de
l'insécurité, de la guerre.
L'industrie du mensonge est la
propriété quasi-exclusive des vendeurs
d'armes, qui imposent leur
loi du silence. (L'adresse des chevaux
de bataille bon marché vaut
cher.) Cette industrie du mensonge
dégueule le prêt-à-discuter
qu'on verra répété ou parodié
dans des milliards d'interactions
quotidiennes. La perception, les
émotions et les argumentations
sont longuement policées ; ça
coule de source autorisée dans
chaque foyer, comme de l'eau
courante, pour s'en laver les
mains.
La guerre aux habitants est déclarée.
On empoisonne nos vies
mais aussi les sources et les puits
où nous nous abreuvons.
Certaines personnes vont sans
doute devoir entrer en résistance,
plus ou moins clandestinement,
préparant les points d'eau de
demain.
« Donne lui tout de même à
boire… » [0]
5 Sale ère de la peur