26.06.2013 Views

LIVRE 2005 - page rieuse - Free

LIVRE 2005 - page rieuse - Free

LIVRE 2005 - page rieuse - Free

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

1<br />

Bonne chance à tous...


Creative Commons (Ne se vend pas)<br />

N° spécial de Liquidation Totale<br />

(été 2008)<br />

2


3 Accord licence LT


Nos Maîtres veulent maintenant<br />

être craints. Leur liberté ne saurait<br />

plus être limitée. Ils nous ont économisé<br />

l'esprit, en nous payant<br />

de marchandises jetables. Ils sont<br />

parvenus à nous rendre envieux,<br />

aigris, individualistes. Et si le plaisir<br />

est solitaire, sous le joug de la<br />

privation prétendue économique,<br />

la souffrance, elle, fait tache<br />

d'huile dans le corps social. Qui<br />

souffre fait souffrir son voisinage.<br />

On nous a fait aimer le règne de<br />

l'argent. On nous fait de nouveau<br />

adorer le bâton.<br />

L'Etat dit redistributeur s’est<br />

vendu. Le bien et le lieu communs<br />

sont devenus propriétés privées.<br />

On précarise toujours<br />

davantage des pauvres de plus<br />

en plus nombreux, et le plus souvent<br />

dépossédés des moyens de<br />

résister à ce qui leur arrive. Ces<br />

gens ne peuvent plus travailler la<br />

terre alentour pour se nourrir ni<br />

s’y construire des maisons pour<br />

s'y loger, car la terre et le droit<br />

appartiennent à une puissance<br />

protéiforme, souvent lointaine,<br />

tandis qu’eux sont déclarés non<br />

solvables…<br />

Pour empêcher toute révolte,<br />

pour pouvoir imposer leur ordre,<br />

nos Maîtres voraces prétendent<br />

venir éteindre le feu alors qu'ils<br />

soufflent sur les braises. Nos insatiables<br />

racketteurs prétendent<br />

nous protéger... des attentats, de<br />

l'insécurité, de la guerre.<br />

L'industrie du mensonge est la<br />

propriété quasi-exclusive des vendeurs<br />

d'armes, qui imposent leur<br />

loi du silence. (L'adresse des chevaux<br />

de bataille bon marché vaut<br />

cher.) Cette industrie du mensonge<br />

dégueule le prêt-à-discuter<br />

qu'on verra répété ou parodié<br />

dans des milliards d'interactions<br />

quotidiennes. La perception, les<br />

émotions et les argumentations<br />

sont longuement policées ; ça<br />

coule de source autorisée dans<br />

chaque foyer, comme de l'eau<br />

courante, pour s'en laver les<br />

mains.<br />

La guerre aux habitants est déclarée.<br />

On empoisonne nos vies<br />

mais aussi les sources et les puits<br />

où nous nous abreuvons.<br />

Certaines personnes vont sans<br />

doute devoir entrer en résistance,<br />

plus ou moins clandestinement,<br />

préparant les points d'eau de<br />

demain.<br />

« Donne lui tout de même à<br />

boire… » [0]<br />

5 Sale ère de la peur


9 Tournée Générale


Reconnaissant : « Je ne compte plus<br />

mes emprunts » [1], « Montaigne<br />

avait ses citations » [2] ; et nous, nous<br />

avons les nôtres. Elles proviennent<br />

souvent des « luttes des journalistes<br />

réfractaires et [de] celles des médias<br />

indépendants et associatifs » [3].<br />

Nous écrivons donc « grâce à des<br />

publications qui jouent vraiment leur<br />

rôle critique [Voir « Dans l'ère revue »,<br />

p. 677] en se mettant à l’abri du mirage<br />

publicitaire [Voir Liquidation<br />

Totale n° 2].<br />

Néanmoins nous continuerons à utiliser<br />

la grande presse et fournirons des renvois<br />

aux articles de référence pour permettre<br />

à nos lecteurs de remonter aux<br />

sources accessibles au grand public [...,<br />

en présentant] un réseau d’arguments,<br />

de faits et de références qu’on ne trouve<br />

nulle part ailleurs ainsi synthétisés. » [4]<br />

Pour fabriquer une sorte de « Guide de<br />

bord » [5] pour certaines discussions ?<br />

D'anciens ouvrages nous furent également<br />

bien utiles. « Nous sommes [en<br />

effet] comme des nains juchés sur des<br />

épaules de géants [les Anciens comme<br />

les Modernes], de telle sorte que nous<br />

puissions voir plus de choses et de plus<br />

éloignées que n’en voyaient ces derniers.<br />

» [6]<br />

Malgré toutes ces références, nous<br />

n’avons cependant pas cité nombre de<br />

travaux pourtant remarquables (nous ne<br />

Tournée Générale 10<br />

prétendons donc pas à l’exhaustivité).<br />

De plus, certains « sont toujours tentés<br />

de prendre des raccourcis, d’aboutir à<br />

des conclusions trop hâtives et de sacrifier<br />

des méthodes plus saines dans ce<br />

type d’enquête importante » [7], en se<br />

contentant de ce qu'ils ont sous les yeux.<br />

Comme dit l’autre, « vous ne devez pas<br />

croire que ce que je dis est vrai. Les<br />

notes sont là et vous permettent de vérifier...<br />

Personne ne vous versera la vérité<br />

dans le cerveau » [8].<br />

Ce « qui est donné à lire [... ici] procède<br />

d’un choix et d’un montage qui ne peuvent<br />

que trahir ce qu’ils sont chargés de<br />

traduire. » [9] Nous avons ainsi édifié<br />

« notre “colloque imaginaire” » [10] entre<br />

personnes parfois inconciliables, entre<br />

sources opposées ; ce qui relève d'un<br />

syncrétisme certes curieux, mais non<br />

d'un quelconque « postmodernisme ».<br />

C'« est “plus une compilation qu’une<br />

investigation” [11] » [12], puisque « ce<br />

livre - qui ne contient aucune enquête<br />

empirique apportant des informations<br />

nouvelles - est essentiellement construit<br />

de seconde main à partir de livres » [13]<br />

et d'autres documents. Mais que voulaiton<br />

qu'on fasse ? Sinon que l'on compile<br />

d'un côté ce que le temps efface de<br />

l'autre ? « Une tâche simple mais particulièrement<br />

efficace [en effet] consiste à<br />

rendre public ce qui est déjà public. L’art<br />

de citer est aussi un art de montrer et de<br />

démontrer. » [14] « La lourdeur ancienne<br />

du procédé des citations [souvent]<br />

exactes sera compensée, [... espère-ton],<br />

par la qualité de leur choix. Elles<br />

viendront avec à-propos dans le discours<br />

: aucun ordinateur n’aurait pu [...]<br />

en fournir cette pertinente variété. » [15]<br />

« Surveiller la presse est une affaire de<br />

patience. Les “dépêches” rédigées [ou<br />

les citations relevées] sur le vif seront<br />

stockées dans un fichier de traitement


de texte [..., permettant] de retrouver<br />

très facilement les informations grâce à<br />

la fonction “rechercher” ». [16] Certains<br />

jugerons sans doute que nous faisons<br />

comme un auteur dont on disait qu'il<br />

« “découpait les articles glanés à droite<br />

et à gauche [...] et, sans trop s’embarrasser<br />

de vérification, faisait de cette<br />

matière première la pâte de ses<br />

ouvrages” [17]. Autrement dit [..., un]<br />

adepte du copié-collé, ne vérifiant pas<br />

les sources. » [18]<br />

Mais peut-on, obérant tout contexte, se<br />

contenter de l’apologie du « copier-coller<br />

» ? : « Des citations qui ont valeur<br />

d’explication (ou presque…) [...] Des<br />

faits qui se passent de commentaires (ou<br />

presque…) [...] Des rapprochements qui<br />

ont valeur d’investigation (ou<br />

presque…) » [14] ? Ne faisons-nous pas<br />

alors nous-mêmes ce que nous reprochons<br />

à d’autres : rapprocher indûment<br />

diverses actions, narrées diversement.<br />

N’est-ce pas là une grande tambouille<br />

confusionniste « post-moderniste » ?<br />

Quel brouet opposons-nous ici à la<br />

confusion régnante ?<br />

(1) : The Brain, http://thebrain.lautre.net<br />

On retrouve ici l’ombre. « Comme le saumon,<br />

l'ombre remonte les torrents pour<br />

frayer, franchissant d'un bond les cascades.<br />

» [19] « L’ombre est l’espèce<br />

emblématique des habitats de saumons<br />

juvéniles » [20]. En remontant le cours<br />

de l'histoire d'une citation, on fait donc<br />

un peu le travail de l'ombre.<br />

On peut avoir aussi l'impression d'une<br />

suite de coq-à-l'âne. « Ceci n'est en fait<br />

pas une digression, mais l'œuvre<br />

même. » [21] Comme le montre la place<br />

de la bibliographie (avec des liens web<br />

notés, apparaissant valides début 2008)<br />

dans les articles, « le média est le message<br />

» [22]. Cela peut fournir « alors<br />

l’occasion de lire plusieurs bons livres, à<br />

partir desquels il est toujours possible<br />

de trouver par soi-même tous les<br />

autres, voire d’écrire ceux qui manquent<br />

encore. » [23]<br />

L'œuvre d’artisanat culturel que vous<br />

lisez a donc emprunté la plupart de ses<br />

lignes à quelques plumes, auxquelles, en<br />

général, il est proposé de se rapporter<br />

pour, à chaque fois, saisir la distance<br />

d’avec le texte initial, en repérant ce qui<br />

11 Tournée Générale


manque dans une incise ou sur les deux<br />

bords d'une citation. « Les lecteurs auront<br />

[ainsi] rectifié d'eux-mêmes. » [24]<br />

« Ce qui, dans la formulation théorique,<br />

[par les guillemets et les renvois] se présente<br />

ouvertement comme » [25] décontextualisé,<br />

en jouant visiblement sur<br />

« l’ignorance de l’opinion » [26], et en<br />

« faisant intervenir par cette violence l'action<br />

qui dérange et emporte tout ordre<br />

existant, rappelle que cette existence du<br />

théorique n'est rien en elle-même, et n'a<br />

à se connaître qu'avec [...] la correction<br />

historique [que le lecteur fera de lui-même<br />

et] qui est sa véritable fidélité. » [25]<br />

« Les [...] mots peuvent être chargés<br />

d'autres sens, et l'ont été constamment à<br />

travers l'histoire, pour des raisons pratiques.<br />

Les sociétés secrètes de l’ancienne<br />

Chine disposaient d’un grand raffinement<br />

de signes de reconnaissance,<br />

englobant la plupart des attitudes mondaines<br />

[..., dont des] citations de<br />

poèmes arrêtés à des points convenus<br />

[...]. Le besoin d’une langue secrète, de<br />

mots de passe est inséparable d’une tendance<br />

au jeu. L’idée-limite est que n’importe<br />

quel [signe, n’importe quel] vocable,<br />

est susceptible d’être converti en autre<br />

chose, voire en son contraire. » [27]<br />

L'ambiguïté de notre écriture nous dote<br />

ici d'un alibi d'artisans culturels. Via « les<br />

Poésies » de Lautréamont et Dada, c’est<br />

l’art moderne qui nous avait amenés là ;<br />

quand bien même, se couvrant de<br />

copeaux de citations parfois très<br />

anciennes, notre « modernisme s’habille<br />

à Pompeï » [28]. Nous l'avons jugé utile<br />

pour produire un « dossier [... si] farci de<br />

précisions tellement écœurantes qu'il en<br />

serait indigeste sans [... un peu d'humour]<br />

» [29]. Est-ce un coup de l'art ou<br />

du cochon ?<br />

Peut-être, à propos de ce taxidermisme<br />

textuel, parlera-t-on d'un style citation-<br />

Tournée Générale 12<br />

niste ? On a dit que « chez les “citationnistes”<br />

[..., l’usage du passé] éclate en<br />

mille références, clins d’œil, déformations<br />

ou citations. » [30]<br />

On recycle aussi certaines traditions.<br />

« Dans la littérature, le centon est un<br />

texte de vers ou de prose fait de morceaux<br />

empruntés à un ou plusieurs<br />

auteurs. A la différence des citations, les<br />

passages réemployés ne sont pas [immédiatement]<br />

cités comme tels. On trouve<br />

aussi ce procédé dans la musique. » [31]<br />

« Comme une cuisinière inspirée qui<br />

compose un plat nouveau et succulent à<br />

partir de restes de la veille, le centon permet<br />

de réaliser d'amusants montages<br />

tout en redonnant de bonnes couleurs à<br />

quelques classiques pâlichons. » [32] Par<br />

ailleurs, Georges Perec nous a aussi inspiré<br />

par son pastiche d'étude scientifique<br />

sur la cantatrice et les tomates [33].<br />

Nous nous proposons donc ici de réaliser<br />

un pastiche sérieux en quasi-centon.<br />

Sent-on la différence ?<br />

« Il faut donc concevoir un style parodique-sérieux,<br />

où l'accumulation d'éléments<br />

détournés... s'emploirait à rendre<br />

un certain sublime. » [34] « L'opération<br />

[...] paraît porter à prendre conscience<br />

de l'emprise générale du conditionnement<br />

culturel et de la prison dans laquelle<br />

il enferme la pensée et la création.<br />

» [35] Mais on doit se « montrer<br />

tranchant. Le jeu l'exige. » [36]<br />

[0] : (Victor Hugo, « La Légende des siècles », XLIX, IV)<br />

[1] : (Essais II, X, cité par Serge Soupel, in « Préface » de<br />

dans la préface de Sterne, « Vie et opinions de Tristram<br />

Shandy », 1758-1867, trad. Charles Mauron, réed. Garnier<br />

Flammarion, 1982, p. 9)<br />

[2] : (Guy Debord, « Panégyrique tome premier », Gérard<br />

Lebovici, 1989, pp. 18-19, p. 82, réed. Gallimard)<br />

[3] : (Aline Pailler, Henri Maler, Patrick Champagne,<br />

« Quelle Europe ? Quels changements envisager en<br />

France après le 29 mai ? Lettre ouverte à la gauche de<br />

gauche : les médias désavoués ? », L’Humanité, 9/6/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/<strong>2005</strong>-06-<br />

09/<strong>2005</strong>-06-09-808234)<br />

[4] : (Philippe Doray, « Edito », p. 3, Zapito, n° 33 spécial


ed. annuelle 2004 (10 euros, c/o Association de Mots, 4<br />

rue de la République, F-76350 Oissel)<br />

[5] : (Patrick Farbiaz, « Comment manipuler les médias.<br />

101 recettes subversives », Denoël, 9/1999, IV de couv.)<br />

[6] : (Bernard de Chartres) [<br />

7] : (Tim Lynch, cité in Natasha Saulnier, « Un an après les<br />

attentats. Anthrax : le FBI sous pression », L’Humanité,<br />

10/9/2002, http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-09-10/2002-09-10-39748)<br />

[8] : (Noam Chomsky, De la propagande, Fayard, 2002,<br />

cité par Leila Salem, « Les kidnappeurs d’esprit », Bellaciao,<br />

10/2/2006, http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article<br />

=23046)<br />

[9] : (Laurent Martin, « Le Canard enchaîné ou les<br />

Fortunes de la vertu. Histoire d’un journal satirique 1915-<br />

2000 », Flammarion, 5/2001, p. 527)<br />

[10] : (René Zazzo, préface à la seconde édition de<br />

« Textes de base en psychologie. Le colloque sur l’attachement<br />

organisé par René Zazzo », Delachaux et Niestlé,<br />

1979, p. VI)<br />

[11] : (Christophe Ayad, « Verschave plonge dans le noir<br />

silence », Libération, 1/7/<strong>2005</strong>)<br />

[12] : (La rédaction de « Billets d’Afrique », « Hommages »,<br />

cité in « Décès de François-Xavier Verschave : nécrologies<br />

vindicatives », acrimed, 6/7/<strong>2005</strong>, http://www.acrimed.o<br />

rg/article2096.html)<br />

[13] : (Laurent Mucchielli, « Après les attentats du 11 septembre<br />

2001, les théoriciens néo-sécuritaires se déchaînent<br />

» Les enquêtes interdites – amnistia.net, 8/4/2002,<br />

d’après http://laurent.mucchielli.free.fr/)<br />

[14] : (Observatoire des médias (PLPL et Acrimed),<br />

« Informer sur l’information. Petit manuel de l’observateur<br />

critique des médias », supplément à PLPL, n° 18, 12/2004,<br />

p. 13 (2 euros, Le Plan B, 40, rue de Malte, F-75011 Paris))<br />

[15] : (Guy Debord, op. cit., pp. 18-19)<br />

[16] : (Observatoire des médias, op. cit., p. 11)<br />

[17] : (Jean-Pierre Tuquoi, « Carnet », Le Monde,<br />

2/7/<strong>2005</strong>, d'après Me Jacques Vergès)<br />

[18] : (Daniel Sauvaget, « Nos chers disparus - ou l’art subtil<br />

de la nécrologie », in « Décès de François-Xavier<br />

Verschave : nécrologies vindicatives », op. cit.)<br />

[19] : (« Les poissons de lac et de rivière du Chablais »,<br />

http://skivacances.free.fr/poissons.htm)<br />

[20] : (Barbara Froehlich-Schmitt, « Rhin & Saumon 2020.<br />

Programme de réimplantation des poissons migrateurs<br />

dans l’hydrosystème rhénan », trad. Isabelle Traue &<br />

Dominique Falloux, Commission Internationale pour la<br />

Protection du Rhin (CIPR) (Postfach 20 02 53, D-56002<br />

Coblence), 2004, p. 10, http://66.102.9.104/search?q=ca<br />

che:W4Y2s2A3P0QJ:www.iksr.org/FR/bilder/pdf/rz_franz<br />

_lachs2020_net.pdf)<br />

[21] : (Pline le Jeune, « Lettres », « Quintus Epistola sexta »,<br />

cité en exergue in Sterne, op. cit., VII, p. 429, et cité aussi<br />

par Serge Soupel, dans la « Préface », p. 10)<br />

[22] : (Marshall McLuhan)<br />

[23] : (Guy Debord, op. cit., pp. 25-26)<br />

[24] : (« Rektificatif », Le Plan B, n° 6, 2/2007, p. 15)<br />

[25] : (Guy Debord, « La Société du Spectacle », Buchet-<br />

Chastel, 1967, réed. Champ libre, réed. Gallimard,<br />

th. 209, http://www.diogene.ch/IMG/pdf/Debord_-_La_S<br />

ociete_du_Spectacle.pdf)<br />

[26] : (Gorgias de Léontium, B XI, « Eloge d'Hélène », 21,<br />

~IVe s., trad. Jean-Paul Dumont, in « Les Présocratiques »,<br />

Gallimard, La Pleïade, 1988, p. 1035, cité par Guy<br />

Debord, « “Cette mauvaise réputation…” », Gallimard,<br />

11/1993, exergue)<br />

[27] : (Guy-Ernest Debord et Gil J. Wolman, « Mode d'emploi<br />

du détournement », Les Lèvres nues, n° 8, 5/1956,<br />

http://sami.is.free.fr/Oeuvres/debord_wolman_mode_em<br />

ploi_detournement.html)<br />

[28] : (Internationale Situationniste n° 10, 3/1966, p. 63,<br />

réed. Fayard, 1997)<br />

[29] : (« Liquidation totale », A contre courant, n° 126,<br />

7/2001, http://www.acontrecourant.org/acc2/index.php<br />

?<strong>page</strong>=lire_txt&id_journal=7)<br />

[30] : (Félix Torres, « Déjà vu. Post et néo-modernisme : le<br />

retour du passé », Ramsay, 10/1986, pp. 93, 305 n. 10,<br />

d’après Renato Barilli, « Il Delicato, il Bruto et l’Altro »,<br />

L’Espresso, 8/1/1984)<br />

[31] : (« Centon », franc parler, 27/3/2006,<br />

http://www.francparler.org/fiches/centon.htm)<br />

[32] : (Claude Gagnière, rendant compte des<br />

« Demoiselles d'A. », dans « Au bonheur des mots »,<br />

Laffont, cité in Yak Rivais, « Les demoiselles d'A. », réed.<br />

Mémoire du livre, 2000, p. 212)<br />

[33] : (Georges Perec, « Démonstration expérimentale<br />

d'une organisation tomatotopique chez la Cantatrice »,<br />

reprod. in http://www.bonheurpourtous.com/humour/to<br />

matoto.html, trad. fr. de http://pauillac.inria.fr/~xleroy/st<br />

uff/tomato/tomato.html)<br />

[34] : ([27] cité in « Notes sur l'emploi des films volés », in<br />

« In girum imus nocte et consuminur igni », ed. crit. augm.<br />

De notes diverses de l'auteur, suivi de « Ordures et<br />

décombres », Gallimard, 10/1999, p. 65)<br />

[35] : (Jean Dubuffet à Yak Rivais, à propos des « Demoiselles<br />

d'A. », cité in Yak Rivais, op. cit., préface, p. 13)<br />

[36] : (Yak Rivais, op. cit., préface, p. 16)<br />

Victime<br />

« de son<br />

incapacité<br />

à se donner<br />

une<br />

stabilité et<br />

une légitimitésuffisantes,<br />

le<br />

néolibéralismesemble<br />

mal en<br />

point. Le régime militaro-sécuritaire<br />

qui pourrait lui succéder nous le ferat-il<br />

regretter ? » [1] se demande-t-on.<br />

On peut, en effet, remplacer l'objectif<br />

du concert des nations par celui du<br />

cancer des nazillons.<br />

La « période qui va de la mi-2000 (krach<br />

du Nasdaq, deuxième Intifada), à la<br />

guerre d’Irak, en passant par le 11 sep-<br />

13 Tournée Générale


tembre 2001 [Voir « Neuf ! Hein ?<br />

Hein ? », p. 610], marque une rupture.<br />

[... On note alors] une involution du<br />

néolibéralisme, privé de légitimité par<br />

l’accroissement de la précarité et des<br />

inégalités sociales, et l’effondrement des<br />

Bourses.<br />

L’exemple d’Israël est emblématique<br />

[Voir « Terror is Real », p. 603] : l’explosion<br />

de la pauvreté et des inégalités<br />

dans les années 1990 sous l’impact des<br />

politiques de libéralisation puis l’éclatement<br />

de la bulle Internet et l’envolée du<br />

chômage ne laissaient d’autre choix aux<br />

élites [locales, pour éviter les mouvements<br />

populaires,] qu’une fuite en avant<br />

sécuritaire et militaire. La peur du<br />

Palestinien cimente seule l’unité des<br />

Israéliens.<br />

Bush aux Etats-Unis ou Raffarin et<br />

Sarkozy chez nous ont [eu] recours au<br />

même artifice éculé mais efficace, consistant<br />

à re-légitimer une domination incertaine<br />

en agitant l’épouvantail de l’ennemi<br />

intérieur et extérieur. » [1]<br />

Nous constatons, comme tant d’autres,<br />

l’ineptie de la très nébuleuse « théorie du<br />

complot » avancée par Bush (et tout ce<br />

qui tourne derrière et autour de lui) pour<br />

expliquer, par une grande conspiration<br />

menée par « Al Qaeda », tant d’évènements<br />

disparates. Conspiration globale<br />

qui justifierait en retour la violence institutionnelle<br />

(police, armée, surveillance)<br />

et privée, partout dans le monde (guerre,<br />

répression).<br />

Ceux qui n’acceptent pas cette ineptie<br />

« complotiste » sont portés à se poser la<br />

question : N’a-t-on pas finalement affaire<br />

à des paranoïaques, fauteurs de<br />

guerre ? Or, le paranoïaque « projette ».<br />

C’est son « mécanisme de défense » de<br />

base : C’est-à-dire qu’il attribue à d’autres<br />

ses désirs plus ou moins inconscients.<br />

« Ils allaient m’attaquer, j’ai bien dû me<br />

Tournée Générale 14<br />

défendre ! ». Et ce sont les autres qui,<br />

attaqués « préventivement » par lui, vont<br />

alors vouloir se défendre. « Ah ! Vous<br />

voyez bien qu’ils m’attaquent ! » dira-t-il.<br />

D’où une belle cohérence.<br />

Il secrète lui-même la violence par laquelle<br />

ils prétend justifier ses propres agressions<br />

« défensives ». D’une certaine<br />

manière, les paranoïaques sont crédibles<br />

: Ils peuvent effectivement annoncer<br />

ce qui adviendra. « Nous allons<br />

devoir acheter plus d'armes. » Mais pour<br />

édicter la répression généralisée, il a<br />

bien fallu sembler la justifier dans les<br />

petites lucarnes du spectacle du monde.<br />

Les attentats (ou aussi bien « l’insécurité<br />

», en attendant le péril sanitaire) font<br />

ça très bien.<br />

Cependant, certains s'interrogent : Fautil<br />

qu’ils soient stupides, ces terroristes,<br />

qui ne se rendent pas compte que, par<br />

le contrecoup sécuritaire à leurs attentats,<br />

ils aggravent le joug quotidien de<br />

ceux qu’ils prétendent pourtant<br />

défendre et libérer ? A quoi ça sert tout<br />

ça ? A qui ça profite ?<br />

Un des principes de base de l'opportunisme<br />

du pouvoir central est que les<br />

conséquences négatives pour les gens<br />

d'une situation restent utiles… aux gouvernants,<br />

puisqu'on peut en récupérer<br />

du pouvoir (répressif) et de l'argent.<br />

Ainsi, pour permettre une justification<br />

du coup de force de l'exécutif, le<br />

désordre social était justement un des


effets recherchés. (Tout comme le<br />

désordre social est présenté comme justification<br />

de la répression des petits usagers<br />

de drogues, ce qui, en fait, renchérit<br />

la valeur économique de ces drogues<br />

et gonfle les bénéfices des gros trafiquants<br />

[Voir « Pour la drogue donc<br />

contre », p. 144].) Cela mène à la<br />

« double pensée » [2] : on pense les<br />

deux opposés à la fois : le trafic et la<br />

répression.<br />

On croit comprendre le principe :<br />

« L'ennemi, c'est la démocratie [même<br />

l’ersatz que nous connaissons, qui permet<br />

au moins de protester et de réagir] ;<br />

seule compte la règle [...,] la peur de la<br />

punition. » [3] La « cadence [...] avait<br />

déjà [...] un bon rythme au temps de la<br />

gauche jospiniâtre, mais là, c’est de l’extrême<br />

: octroi de 10 milliards d’euros<br />

entre 2002 et 2007 pour les flics et la<br />

justice » [4].<br />

Légitime dépense, rendue nécessaire<br />

par la situation sociale. Jean-Louis<br />

Debré, fils de Michel (le ministre de<br />

l’Intérieur de de Gaulle) [Voir « Place de<br />

Glaive », p. 104], alors « titulaire du perchoir<br />

[présidence de l’Assemblée nationale,<br />

avait, en 2004,] prédit même que<br />

la France se trouve “à la veille d’un nouveau<br />

mai 1968”. » [5] Logique, dans une<br />

société « qui entend lutter non pas<br />

contre la pauvreté mais contre les<br />

pauvres » [6]. Une société, également,<br />

où sont en crise toutes les représentations<br />

(médiatique, politique, syndicale,<br />

etc.), qui ne sont visiblement plus du<br />

tout représentatives [Voir « Verrou va-ton<br />

? », p. 674].<br />

Dans de telles « situations de crise politique,<br />

caractérisée par un phénomène<br />

de "désectorisation", d’évanouissement<br />

des multiples cloisons et frontières<br />

sociales qui forment habituellement,<br />

dans les sociétés à forte division du tra-<br />

vail, une sorte d’isolant contre la contagion<br />

des mobilisations » [7], se cherche<br />

un langage commun [Voir « Dans l'ère<br />

revue », p. 677]. Nous entendons y<br />

contribuer ici.<br />

Mais nous tenons évidemment d'emblée<br />

à liquider totalement ici un certain type<br />

d'appel à la « Liquidation Totale » de certains<br />

nihilistes manipulés. On sait trop ce<br />

que peut finalement dire un révolté<br />

manipulable et devenu prêt à se sacrifier<br />

: « Je hais tout ce qui vit sur terre et<br />

moi-même au premier rang. Alors, que<br />

la destruction règne » [8]<br />

On définit ainsi le terrorisme d'Etat :<br />

« recours systématique a des mesures<br />

d'exception, à des actes violents, par un<br />

gouvernement agissant contre ses<br />

propres administrés et, par extension,<br />

contre les populations d'un Etat ennemi...<br />

» [9] Il faut aussi pouvoir justifier un<br />

tel recours. Les tribunaux ne furent réellement<br />

saisis de l’affaire qu'en Italie [Voir<br />

« L'Italie se ment », p. 62] et en Belgique<br />

[Voir « La belle giclée », p. 82].<br />

« Avec le recul, la fin de la Seconde<br />

Guerre mondiale semble avoir marqué le<br />

véritable début d'un usage répété de<br />

méthodes terroristes par les États, afin<br />

de déstabiliser leurs propres systèmes<br />

démocratiques et de limiter les libertés<br />

individuelles. » [10] [Voir « Un réseau<br />

secret », p. 38] « Cette face cachée de<br />

l’Histoire instantanée n’a pas fini de nous<br />

surprendre. Et quand elle émerge au<br />

grand jour [...,] on se dit que, décidément,<br />

le monde de la politique et celui<br />

des services spéciaux sont bien<br />

proches. » [11]<br />

Avec « le » 11 septembre [Voir « Neuf !<br />

Hein ? Hein ? », p. 610], nous avons<br />

changé d'échelle. « La terreur est à<br />

l’ordre du jour. » [12] « Le pays a été divisé<br />

en deux classes : celle qui fait peur et<br />

celle qui a peur. » [13]<br />

15 Tournée Générale


« L’homme qui utilise la peur pour battre<br />

un adversaire a tendance à le mépriser.<br />

[... Contrairement aux imbéciles ou aux]<br />

lâches, pense-t-il [..., les] hommes de sa<br />

trempe, eux, savent faire face ! Ce raisonnement<br />

viril, on le retrouve aussi<br />

chez les mafieux, les proxénètes, les racketteurs.<br />

Ils utilisent la peur comme instrument<br />

de leur domination sur les individus.<br />

Eux n’ont pas peur – la preuve : ils<br />

bravent la police, la prison, la mort. [...<br />

La] peur ne fonctionne que si la menace<br />

est crédible. [... Et] la loi du silence permet<br />

aux mafieux de perdurer<br />

». [14]<br />

On fait appel à différents<br />

réseaux, comme les<br />

réseaux « Pasqua [Voir<br />

« Hisse Pasqua », p. 147]<br />

[...]. La sociologie très<br />

spécifique de ses réseaux<br />

a longtemps été bien<br />

utile, dans les coups tordus<br />

notamment. » [15]<br />

On peut comprendre<br />

alors un peu mieux la<br />

possibilité de compromissions,<br />

de prises de position<br />

inattendues de politiques<br />

ou d’intellectuels<br />

semblant comme<br />

« retournés ». A l'instar de Lascorz [Voir<br />

« 1 modèle à surpasser », p. 156], certains<br />

avaient trouvé comment faire des<br />

« renégats », même avec d’anciennes<br />

« vedettes » de la contestation.<br />

« Or, quand on fait de la sociologie, on<br />

apprend que les hommes et les femmes<br />

ont leur responsabilité mais qu’ils ou<br />

elles sont grandement définis dans leurs<br />

possibilités ou impossibilités par la structure<br />

dans laquelle ils sont placés et par la<br />

position qu’ils occupent dans cette structure.<br />

Donc on ne peut se satisfaire de la<br />

polémique contre tel [... ou tel]. Chacun<br />

a ses têtes de Turcs. [... Mais il] faut voir<br />

Tournée Générale 16<br />

[..., pour chaque cas exemplaire montré,]<br />

qu’il n’est qu’une sorte d’épiphénomène<br />

d’une structure, qu’il est à la façon<br />

d’un électron, l’expression d’un champ.<br />

On ne comprend rien si on ne comprend<br />

pas le champ qui le produit et qui<br />

lui donne sa petite force. » [16]<br />

Cette manière d'apparaître déterminé<br />

(« l'habitus » de Bourdieu) dépasse effectivement<br />

la question classique de faire la<br />

part de l’intentionnalité consciente et la<br />

part de la routine et des accommodements.<br />

On peut, par ailleurs, apparaître<br />

toujours bien intentionné<br />

; et, en route pour<br />

réunion philanthropique,<br />

écraser un groupe d'orphelins<br />

qui traverse la<br />

rue. Juger un des acteurs<br />

peut être délicat, et parfois,<br />

on conclue : Au<br />

mieux, c’est un imbécile,<br />

au pire c’est un escroc<br />

[Voir « Les faucons, de<br />

vrais salauds ? », p. 585].<br />

Nous allons plus loin<br />

entrer dans une vision<br />

radicale où tous les<br />

groupes ou partis apparaissent<br />

entachés d’affaires<br />

et de liens, d’alliances<br />

objectives, etc. avec l’extrême<br />

droite, le parti privilégié des services spéciaux,<br />

des mercenaires et de l’esclavagisme.<br />

Nous verrons les nervis du grand<br />

capital liés au Parti “Communiste” “soviétique”<br />

[Voir « Vodka Cola », p. 558], puis<br />

à l’islamiste intégriste honni [Voir « L'ami<br />

Ben Laden », p. 563], mais aussi avec<br />

des “socialistes”, des trotskistes, bien sûr<br />

dans les partis de droite, ainsi qu’avec<br />

tous les mafieux sinistres de l’Intérieur.<br />

Ainsi devient concevable la façon dont<br />

devra se constituer l'organisation de la<br />

Cité que fondera « le Prince » : « Je<br />

compterai un organe dévoué dans


chaque opinion, dans chaque parti ;<br />

j’aurai un organe aristocratique dans le<br />

parti aristocratique, un organe républicain<br />

dans le parti républicain, un organe<br />

révolutionnaire dans le parti révolutionnaire,<br />

un organe anarchiste, au besoin,<br />

dans le parti anarchiste. Comme le dieu<br />

Wishnou, ma presse aura cent bras, et<br />

ces bras donneront la main à toutes les<br />

nuances d’opinion quelconque sur la<br />

surface entière du pays. On sera de mon<br />

parti sans le savoir. Ceux qui croiront<br />

parler leur langue parleront la mienne,<br />

ceux qui croiront agiter leur parti agiteront<br />

le mien, ceux qui croiront marcher<br />

sous leur drapeau marcheront sous le<br />

mien. » [17]<br />

Certains répètent ainsi à l'envi les jugements<br />

pré-mâchés vomis par les médias<br />

dominants (aux couleurs apparemment<br />

variées) [Voir « Tambour battant », p. 638],<br />

chiens de garde fidèles de vendeurs d'armes<br />

en gros [Voir « Il est canon »,<br />

p. 650], pour qui les personnes sont des<br />

objets faits pour être détruits. Ils répètent<br />

au café ce qu'ils ont entendus à la télévision.<br />

Ce psittacisme témoigne de leur<br />

« syndrome de Stockolm » : Ils épousent<br />

les manières de voir de ceux qui les ont<br />

pris en otages et qui louent aux publicitaires<br />

et aux propagandistes leurs « cerveaux<br />

disponibles » [Voir « Coca collé »,<br />

p. 543]. Sale défaite !<br />

« Qui les gardera, eux, les gardiens<br />

? » [18]<br />

Enfin, croira-t-on finalement, à la lecture<br />

de cet ouvrage, qu’il n’y a pas de fumée<br />

sans pompier pyromane (même par<br />

temps de brouillard) ?<br />

[1] : (Thomas Coutrot, « La fin du néolibéralisme », Politis,<br />

22/4/2003, p. 7)<br />

[2] : (Georges Orwell, « 1984 », 1949)<br />

[3] : (temto (mASTA kILLA sARKO), « The Rule », http://wu-mp.org/wuki/wakka.php?wiki=Blog-<strong>2005</strong>0923163030-<br />

MP3 ; http://wu-m-p.org/wuki/wakka.php?wiki=Wump_Clip)<br />

[4] : (Willy Daunizeau, « Nouveau rapport de l’observatoire<br />

international des prisons. Les patrons en rêvaient, les<br />

prisons l’ont fait », CQFD n° 6, 11/2003, CQFD - Le RIRe<br />

BP 70054, F-13192 Marseille Cedex 20, http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=58)<br />

[5] : (« Sombres présages », Le Canard enchaîné,<br />

28/4/2004, p. 2)<br />

[6] : (Loic Wacquant, « Sur l’Amérique comme prophétie<br />

auto-réalisante », Actes de la recherche en sciences<br />

sociales n° 139 (9/2001) : « L’Exception américaine (2) »,<br />

pp. 86-87, http://www.persee.fr/showPage.do?urn=arss_<br />

0335-5322_2001_num_139_1_3355)<br />

[7] : (Erik Neveu, « Sociologie des mouvements sociaux »,<br />

la Découverte, 3/2000, p. 108)<br />

[8] : (Albert Camus, « Les Possédés », 16e tableau,<br />

Gallimard, 1959, p. 159, d’après Fedor Dostoïevski, « Les<br />

Possédés », 1871).<br />

[9] : (Michel Tubiana, « L'usage de la violence est-il légitime<br />

en politique ? », Hommes et Libertés, n° 117<br />

(« Terrorisme et violence politique »), 1-3/2002,<br />

http://www.ldh-france.org/docu_hommeliber3.cfm?idho<br />

mme=966&idpere=934, d'après le Dictionnaire Hachette)<br />

[10] : (« Terrorisme d'État. 1980 : carnage à Bologne, 85<br />

morts », 12/3/2004, Voltaire, 15/3/2004, p. 6,<br />

http://www.voltairenet.org/article12840.html)<br />

[11] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Au cœur de l’Etat,<br />

l’espionnage », Autrement, 4/1983, p. 11)<br />

[12] : (Convention, Décret du 5/9/1793)<br />

[13] : (Jean-Lambert Tallien, membre du Comité de sûreté<br />

générale, avant sa rencontre avec Madame.)<br />

[14] : (Christophe Nick, « Résurrection. Naissance de la Ve République, un coup d’Etat démocratique », Fayard,<br />

1998, p. 745)<br />

[15] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 270)<br />

[16] : (Pierre Bourdieu, « Sur la télévision, suivi de<br />

L’Emprise du journalisme », Liber Raisons d’agir. 1996,<br />

pp. 62-63)<br />

[17] : (Maurice Joly, « Dialogue aux enfers entre Machiavel<br />

et Montesquieu », 1865, réed. 1987, Allia, pp. 153-154)<br />

[18] : (Juvénal, « Satires », VI, 347, trad. P. de Labriolle et<br />

F. Villeneuve)<br />

Accumulation ?<br />

On « observe d’abord<br />

une concentration<br />

de force<br />

physique et une<br />

concentration de force économique –<br />

les deux allant de pair, il faut de l’argent<br />

pour pouvoir faire des guerres,<br />

pour pouvoir faire la police, etc. et il<br />

faut des forces de police pour pouvoir<br />

prélever de l’argent. Ensuite on a une<br />

concentration du capital culturel, puis<br />

une concentration d’autorité. » [1]<br />

17 Tournée Générale


« Les [...] compères s'absolvent avec une<br />

indulgence réciproque. Mais ils condamnent<br />

[les] malheureux [...] ; et ils se chargent<br />

d'exécuter la sentence » [2]. En<br />

contrepoint, en effet, trois « milliards de<br />

Terriens (la moitié de l’humanité) vivent<br />

officiellement avec moins d’un dollar par<br />

jour. » [3]<br />

« Le gouvernement mondial est décrit<br />

[...] comme un complexe intellectuel<br />

coordonnant, accumulant et concentrant<br />

des moyens<br />

capables de déterminer<br />

et de normer les<br />

devenirs du capitalisme.<br />

Ce complexe est<br />

constitué de cœurs<br />

financiers, réseaux<br />

de boîtes-à-penser<br />

(think tank) diplomatiques<br />

et stratégiques,<br />

offices d’orientation<br />

de recherches scientifiques et<br />

techniques, réseaux d’influence politique,<br />

mafias, services d’intelligence,<br />

sociétés d’expertise juridique et<br />

d’audit. [...]<br />

De fait, il n’existe pas de “dictature des<br />

marchés financiers” ni ”d’ultra libéralisme”<br />

mais un gouvernement structuré en<br />

réseaux et en hiérarchies coordonnées<br />

qui, à travers de petites décisions sur des<br />

points dominants et par délégations de<br />

responsabilités successives dans l’ensemble<br />

des organisations qu’ils contrôlent,<br />

mettent en œuvre des stratégies et<br />

font avancer leurs objectifs à l’échelle<br />

d’un pays, d’une région et de la planète.<br />

De par leur position, leur capital social,<br />

culturel, symbolique, financier, certains<br />

individus, groupes ou lignées déterminent,<br />

de façon directe ou indirecte, une<br />

part déterminante du potentiel planétaire.<br />

Ils renforcent leur cohérence par<br />

alliance, stratégies croisées ou coordonnées,<br />

renvoi d’ascenseurs ou par inter-<br />

Tournée Générale 18<br />

mariages.<br />

Une partie de ce complexe gouvernemental<br />

est donc stable, pérenne mais<br />

également diverse, étant constituée de<br />

multiples lignes d’accumulation du capital<br />

qui s’étalent sur plusieurs générations.<br />

Une autre partie de ce gouvernement<br />

mondial [...] est [composée] de<br />

nouveaux cerveaux dont les ambitions,<br />

les intérêts, et les stratégies, convergent<br />

[... dans le même sens], jeunes [condottieres],<br />

“élus” aux<br />

postes les plus importants<br />

des fonctions<br />

gouvernementales<br />

d’entreprises ou d’institutions<br />

publiques,<br />

militaires, religieuses<br />

ou civiles. » [4]<br />

« L'argent est la fraternisation<br />

des impossibilités,<br />

il oblige à s'embrasser<br />

ce qui se contredit. » [5]<br />

La parcellisation des tâches permet la<br />

déresponsabilisation des petites mains<br />

techniciennes, mais au « plus haut<br />

niveau, les principaux acteurs concernés<br />

ont une perception parfaitement<br />

cynique de la situation. » [6] Complot ?<br />

On nous en démontre l'ineptie. « Parmi<br />

les fantasmes qui hantent [...] l'Europe<br />

du Nord, il y a celui d'une possible "fédération<br />

mondiale des mafias"... Abstraitement,<br />

la fédération des mafias est réalisable,<br />

fondée sur la forte tradition des<br />

groupes ethniques, sur une extraordinaire<br />

capacité à contrôler le territoire et à<br />

exécuter les décisions... Mais le principal<br />

obstacle à la grande unification reste le<br />

langage. Comment faire communiquer<br />

des gens qui parlent le dialecte sicilien<br />

avec d'autres qui parlent le chinois de<br />

Canton ou de Hong Kong ? Le crime<br />

organisé ne survit que parce qu'il s'appuie<br />

sur des particularismes locaux et<br />

des structures archaïques. Nous sommes


loin de la fédération mondiale » [7].<br />

Enfin, nous le serions... si les traducteurs<br />

n'existaient pas !<br />

[1] : (Pierre Bourdieu, « Le mythe de la “mondialisation” et<br />

l’Etat social européen », reprod. in « Contre-feux », Liber<br />

Raisons d’agir, 3/1998, pp. 37-38)<br />

[2] : (Guillaume Haudent, « La Confession de l'Âne, du<br />

Renard et du Loup », XVIe s., cité in André Versaille, « Jean<br />

de La Fontaine. Œuvres. Sources et Postérité d'Esope à<br />

ll'Oulipo », Complexe, 10/1995, p. 1061)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 3/3/2004, p. 5)<br />

[4] : (« Esquisse synoptique du gouvernement mondial »,<br />

in « Le gouvernement mondial. Etats post-nationaux,<br />

réseaux d’influence, biocratie », pp. 4-5, http://utangente.free.fr/index2.html,<br />

éd. Homnisphères, 2004, diffusion<br />

Co-errances (5 euros), Cf. aussi « La carte du Parti de la<br />

presse et de l'argent », http://www.leplanb.org/<strong>page</strong>.php<br />

?article=20)<br />

[5] : (Karl Marx, cité par Didier Daeninckx, « Le goût de la<br />

vérité. Réponse à Gilles Perrault », Verdier, 10/1997,<br />

p. 116)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 222)<br />

[7] : (L’Evènement du Jeudi, 6/8/1992)<br />

On sait<br />

quelle poésie<br />

peut parfoischarmer<br />

un<br />

pompier :<br />

« Une pierre<br />

prit<br />

feu/Le château<br />

prit<br />

feu/La forêt prit feu/Les hommes prirent<br />

feu/Les femmes prirent feu/Les<br />

oiseaux prirent feu [...] Tout prit<br />

feu/Prit feu [...] » [1]<br />

Peu stupéfiant : « le responsable du plus<br />

important feu de forêt de l’histoire de<br />

l’Etat [d’Arizona] serait un pompier de 29<br />

ans. Leonard Gregg a en effet avoué<br />

être à l’origine de “Rodeo”, cet incendie<br />

gigantesque qui, depuis une dizaine de<br />

jours, a dévasté l’Arizona, détruisant<br />

185 000 hectares de forêt, 423 bâtiments<br />

et coûtant à l’Etat la bagatelle de<br />

17 millions de dollars. [… Il] souhaitait<br />

avant tout assurer sa saison d’été.<br />

Pompier à temps partiel, il trouvait ses<br />

revenus un peu faibles […] “[… Il] est<br />

indien et vit à Fort Apache. Il appartient<br />

à la brigade des pompiers de la tribu. En<br />

allumant cet incendie, il n’a pas seulement<br />

risqué la vie de 4 000 de ses compagnons<br />

qui [… devront combattre] l’incendie,<br />

il a aussi contribué à la destruction<br />

d’une partie de la forêt apache. Or<br />

l’exploitation de cette forêt fait partie des<br />

principales ressources de la réserve. En<br />

voulant assurer son propre revenu, il a<br />

mis au chômage plusieurs dizaines des<br />

membres de sa tribu”. » [2]<br />

En ne regardant qu’un objectif immédiat,<br />

il est possible de ne pas culpabiliser,<br />

comme ces pompiers incendiaires, qui<br />

dans « Farenheit 451 » étaient chargés<br />

de brûler les livres désormais interdits :<br />

« rien ne subsistait plus tard pour tracasser<br />

votre conscience. Il s’agissait simplement<br />

d’un nettoyage. D’un travail de<br />

désinfection. » [3]<br />

En France aussi, on en attrape : « Un<br />

pompier volontaire de quarante-sept ans<br />

a été condamné [… à] Montpellier, pour<br />

avoir "délibérément allumé un incendie<br />

à l'aide d'une cigarette", le 11 juillet<br />

[2001]. Souffrant de troubles psychologique<br />

et ivre au moment des faits, il<br />

s'était fait pyromane pour que "les collègues<br />

touchent la prime". » [4]<br />

Et deux ans plus tard : « Un pompier<br />

pyromane récidiviste qui avait allumé<br />

des feux sans gravité dans les Vosges a<br />

été condamné, mardi 9 septembre<br />

[2003], à quatre ans de prison dont un<br />

avec sursis » [5]<br />

Ou encore : « Un foyer pour personnes<br />

âgées attaqué au cocktail Molotov, une<br />

école maternelle, une [crèche] en feu,<br />

19 Tournée Générale


ou encore d'autres bâtiments publics...<br />

Les pompiers volontaires de Sallaumines,<br />

près de Lens dans le Pas-de-Calais, ont<br />

trouvé de quoi justifier l'activité de leur<br />

petite caserne menacée de disparition.<br />

Depuis l'été [2003], la multiplication de<br />

ces incendies dans l'ancienne commune<br />

minière n'en finissait pas d’inquiéter [...<br />

Les policiers ont interpellé le 20 janvier<br />

2004] cinq jeunes de 15 à 18 ans, la plupart<br />

élèves pompiers, des cadets qui précisent<br />

avoir agi sur [ordre] de leurs aînés,<br />

pouvant ainsi toucher davantage d'indemnités.<br />

[... Sept] soldats du feu volontaires<br />

ont été mis en examen et trois<br />

d'entre eux écroués. » [6]<br />

Il peut pourtant sembler osé de jouer les<br />

Cassandre, comme nous le faisons dans<br />

tout ce journal, en alertant sur la banalité<br />

du phénomène « pompier-pyroma-<br />

Tournée Générale 20<br />

ne », car en « France, on laisse en repos<br />

ceux qui mettent le feu et on persécute<br />

ceux qui sonnent le tocsin. » [7]<br />

[1] : (Eugène Ionesco, « La Cantatrice chauve », Gallimard,<br />

1954, pp. 37-38)<br />

[2] : (Anthony Bellanger, « Revue de presse », Courrier<br />

International, 1/7/2002, citant l’Arizona Republic)<br />

[3] : (Ray Bradbury, « Farenheit 451 », Denoël, Présence<br />

du futur, p. 18, trad. Henri Robillot)<br />

[4] : (L’Humanité, 11/9/2001, http://www.humanite.fr/jo<br />

urnal/2001-09-11/2001-09-11-250085)<br />

[5] : (« Incendies : un pompier pyromane, dans les Vosges,<br />

a été condamné à quatre ans de prison », Le Monde,<br />

11/9/2003)<br />

[6] : (Complot, « Au royaume des aveugles... »,<br />

Indymedia/IMC Paris, 23/1/2004, http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=14688)<br />

[7] : (Sébastien Chamfort, « Maximes et pensées », VIII,<br />

499)


I<br />

II<br />

III<br />

IV<br />

V<br />

VI<br />

VII<br />

VIII<br />

IX<br />

X<br />

Grille 1 criminaliser<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

HORIZONTAL<br />

I - Faire changer de chambre, pour plus d'assise.<br />

II - Celle des correspondants est souvent un secret.<br />

III - Feras la petite commission.<br />

IV - Mickey à grandes oreilles. - Universel ou familier.<br />

V- Un peu trop préparées. - A trop les sauter, on<br />

passe pour un étalon.<br />

VI - Puits. - Prise quand elle est douce, rejetée<br />

quand elle est usée. - Chercher à l'atteindre fait<br />

toujours gagner du temps.<br />

VII - Certains ont vu en eux les artificiers de la poudrière.<br />

- Dôme funéraire.<br />

VIII - Refile des puces et, pafois, filait les boules -<br />

On le met sur son 31. - Genre de pièce souvent<br />

produite au Japon.<br />

IX - Issue de germain.<br />

X- Paradoxalement, souvent associée à la loi.<br />

VERTICAL<br />

1 - Telles sont les âmes endurcies (définition canon !)<br />

2 - N'est parfois qu'un vieux dauphin. - Il y a celui<br />

que l'on prend et celui qu'on vous donne...<br />

3 - Justifie les exceptions érigées en règle.<br />

4 - Ne peut être gros et doux. Sa trilogie annonçait<br />

la Tétralogie.<br />

5 - Dans l'iris. A une perle à l'oeil.<br />

6 - Réactions naturelles chez ceux qui n'ont pas les<br />

mains sales ? - Cumul de degrés.<br />

7 - Se frotta au plus grossier avant de le rendre poli<br />

- Courant techno.<br />

8 - Sur le lit, à l'endroit ; dans son lit, à l'envers -<br />

Fatigant.<br />

9 - Quelques feux pour une terre au milieu de beaucoup<br />

d'eau - Ferme le discours et illumine les villes.<br />

10 - Mielleuses.<br />

11 - Réclame la liberté avec violence, à moins qu'il<br />

ne se fasse voir chez les grecs. - Vous aide à filer.<br />

12 - Mouvement terroriste reconnu par l'Histoire ?<br />

MAUX CROISÉS<br />

(Bonne Correction : p. 676)<br />

I<br />

II<br />

III<br />

IV<br />

V<br />

VI<br />

VII<br />

VIII<br />

IX<br />

X<br />

Grille 2 blanchisseur<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

HORIZONTAL<br />

I. Ce qu'il fait aux autres, beaucoup préfèrent le<br />

faire en famille.<br />

II. Oblige à nager en eaux troubles.<br />

III Saint bénédictin - Levée ou délivré - Fait un arc<br />

d'un rayon.<br />

IV. Net - Organisateur de jeux.<br />

V. Endroit, même à l'envers - Concernée par la recession.<br />

VI. À l'origine de frictions - Fin de cycle.<br />

VII. Genre de playboy - Cumule les grades -<br />

Douloureuse par anticipation.<br />

VIII. Donne le poids d'une bulle, parfois.<br />

IX. Dégraissée ?<br />

X. Privées... de libéralité !<br />

VERTICAL<br />

1. C'est une main courante, sauf si la nuit l'accompagne<br />

dans les camps.<br />

2. Aide à préparer les courses - Telle peut être une<br />

pièce d'un écu, ou une reine qui perd la main.<br />

3. Annulations.<br />

4. Débute à 15h00 - Reste liée au patron, quoi<br />

qu'on lise.<br />

5. Pas vraiement nickel, mais pas loin - En tête :<br />

préoccupât.<br />

6. Ouvre le ban - Adoucit.<br />

7. Né dans le Jura - Contre - On ne peut le garder<br />

s'il est mineur.<br />

8. Coupé en travers - Capitale martyre.<br />

9. Devant l'évêque - Vague.<br />

10. Put être un écu placé ici par un porteur lointain.<br />

11. Épuisa, ou puisent aux sources perses - N'a pas<br />

quitté la langue.<br />

12 Désormais continues.<br />

(Bonne Correction : p. 694)<br />

21 Maux croisés


23 L’Empire du bien en général


On appelle « théorie du complot<br />

toute attitude consistant à rechercher<br />

derrière les explications communément<br />

admises concernant des événements<br />

importants de la vie sociale<br />

l'existence de manipulations d'opinion<br />

tendant à cacher les causes et<br />

les acteurs réels de ces événements.<br />

» [1] Car, en effet, que l'on<br />

sache, aucune manigance ne fut<br />

jamais révélée a posteriori...<br />

Alors, ce quatrième numéro de<br />

« Liquidation Totale » - mâtin quelle<br />

revue ! – ne ressort-il pas, lui aussi, de<br />

cette fameuse « théorie du complot » en<br />

tentant de rappeler quelques conspirations<br />

passées ? Hein ?<br />

On nous met en garde : Il faut lire « Le<br />

Capital » de Marx (mais pas « Le Dix-huit<br />

Brumaire » ?). Car le « vide théorique et<br />

stratégique a profité à des théories du<br />

complot qui perçoivent dans les méfaits<br />

de la classe dirigeante non pas la crise<br />

d’accumulation du capital, ou la recherche<br />

d’un taux de profit plus élevé, ou les<br />

rivalités interimpérialistes, mais des manigances<br />

ourdies dans des lieux donnés :<br />

le Bohemian Grove, le groupe de<br />

L’Empire du bien en général 24<br />

Bilderberg, Davos, etc. Sans oublier les<br />

institutions et agences maléfiques, la<br />

Central Intelligence Agency (CIA) en<br />

tête. » [2]<br />

Vide théorique ? Et pourtant, on peut<br />

voir, à son travail similaire sur les esprits,<br />

que l’actuel fétichisme de la police est<br />

comme l’héritier (spectaculaire) du fétichisme<br />

de la marchandise, jadis incriminé<br />

par Marx [3].<br />

Les précédents numéros de « Liquidation<br />

Totale » insistaient déjà sur la cohérence<br />

qu’ont les influences médiatiques pour<br />

influer puissamment sur nos vies sans<br />

que nous n’en ayons conscience.<br />

« L’analyse du dévoiement médiatique<br />

n’exige, dans les pays occidentaux,<br />

aucun recours à la théorie du complot.<br />

» [4] « Il n'est pas besoin de recourir<br />

aux fantasmes d'un complot [...] pour<br />

mettre en évidence les liens entre les<br />

locataires de toutes les positions de pouvoir,<br />

les rapports de connivences,<br />

les renvois d'ascenseurs. » [5]<br />

De même, il « n’est pas nécessaire que<br />

les horloges conspirent pour donner<br />

pratiquement la même heure en même<br />

temps. Il suffit qu’au départ elles aient<br />

été mises à l’heure et dotées du même<br />

type de mouvement, de sorte qu’en suivant<br />

son propre mouvement chacune<br />

d’elle s’accordera grosso modo avec<br />

toutes les autres. » [6]<br />

Pour identifier les liens profonds qui unissent<br />

les « faiseurs d'opinions », il « suffit,


plus souvent [qu'on] ne le [croit,] de rele- livrer à la moindre critique des médias,<br />

ver et de connecter des informations préfère démasquer d’imaginaires “théori-<br />

publiques. […] Cette précision est d'auciens du complot”. » [8] C’est celui qui dit<br />

tant plus importante qu'un certain qui y est.<br />

nombre d'essayistes de second rang et De son côté, un Tartuffe “sociologue”<br />

de journalistes ne cessent de reprocher nous assure que le regretté « Pierre<br />

mensongèrement aux critiques des Bourdieu […] a irrémédiablement récusé<br />

médias, dont Noam Chomsky, d'être des la thématique du "complot" – dont<br />

partisans de la "théorie du complot". Ils Maurice Merleau-Ponty a écrit qu’elle<br />

espèrent ainsi se défausser eux-mêmes "est toujours celle des accusateurs parce<br />

des soupçons naturels que leur vaut leur qu’ils partagent avec les préfets de poli-<br />

refus intéressé de critiquer des organes ce l’idée naïve d’une histoire faite de<br />

de presse auxquels ils font appel en per- machinations individuelles" – en nous<br />

manence pour leur auto-promo- montrant que les mécanismes de domition.<br />

» [5]<br />

nation étaient plus intelligents<br />

« Toujours prompts à<br />

que les plus intelligents<br />

dénoncer chez leurs cri-<br />

des dominants et plus<br />

tiques des “relents<br />

efficaces que leurs tenta-<br />

conspirationnistes”, les<br />

tives explicites de<br />

médias qui mentent<br />

concertation. Et<br />

mettent [pourtant]<br />

surtout [il] a avancé<br />

régulièrement en<br />

une vision pluri-<br />

scène “complots” et<br />

dimensionnelle de<br />

autres “machinations”<br />

la société, organi-<br />

dans le seul but de<br />

sée autour d’une<br />

vendre du papier. » [7]<br />

diversité de modes de<br />

Certains des détracteurs<br />

domination (exploitation<br />

des médias font mine de<br />

économique, domination<br />

reconnaître leurs torts : « Nous<br />

masculine, domination<br />

arracher cet aveu fut long et difficile.<br />

politique, domination culturelle,<br />

Mais, soumis de longue date à une tor- domination technocratique, domination<br />

ture intensive - la lecture obligatoire de journalistique, etc.), à la fois autonomes<br />

déclarations prolifiques -, nous cédons. et imbriqués de manière complexe dans<br />

Oui, héritiers inconscients et successeurs une formation sociale comme la société<br />

malgré nous des auteurs du Protocole française. » [9]<br />

des Sages de Sion, nous sommes, Bourdieu, oubliant son concept-clé d’ha-<br />

comme eux, des adeptes de la “théorie bitus (avec un continuum entre planifi-<br />

du complot”. Mais nous savons que le cation lucide et automatisme incons-<br />

risque auquel s’expose toute conspiracient) aurait-il aussi dit - pourquoi pas ? -<br />

tion, c’est la trahison de l’un des conju- que le cynisme et la préméditation<br />

rés. C’est pourquoi nous le proclamons : n'existaient pas ? Le “sociologue” tartuffe<br />

le complot à la fois le plus sûr et le plus évacue aussi rapidement de son cata-<br />

dangereux est le complot solitaire. Et logue de thématiques de domination le<br />

nous l’avons découvert ! Dans tous les rapport de force brut, basique, et sa spé-<br />

médias qui lui accordent leur hospitalité, cialisation militaire.<br />

le comploteur solitaire, plutôt que de se Les complots ne seraient donc que des<br />

25 L’Empire du bien en général


mythes… Et ce spécialiste autoproclamé<br />

des dits mythes chez le commun des<br />

mortels fait comme si les mécanismes<br />

sociaux de domination pouvaient ne pas<br />

cheminer aussi par les nervis, les mercenaires,<br />

par le cynisme de groupes d’oligarques<br />

et la préméditation d’activistes<br />

militarisés ! Son scientisme désincarné<br />

oublie la réalité sociologique des écoles<br />

de torture et des groupes de mercenaires,<br />

spécialistes des coups de force,<br />

des coups tordus et des coups d’Etat ; les<br />

condottieres qui, à force de servir la<br />

structure sociale de domination en<br />

place, finissent par s’imposer eux-mêmes<br />

aux commandes.<br />

Il faut tenir compte des particularités du<br />

champ de la stratégie militaire (de plus<br />

en plus privatisé) [Voir « Mercenaires :<br />

De la guerre ! », p. 649] et de sa capacité<br />

d'imposer son rythme (« sécuritaire »)<br />

aux autres champs du corps social. C’est<br />

que les temps ont changé. « La "conception<br />

policière de l'histoire" était au XIX ème<br />

siècle une explication réactionnaire, et<br />

ridicule, alors que tant de puissants<br />

mouvements sociaux agitaient les<br />

masses. Les pseudo-contestataires d'aujourd'hui<br />

[tels ce “sociologue”] savent<br />

bien cela, par ouï-dire ou par quelques<br />

livres, et croient que cette conclusion est<br />

restée vraie pour l'éternité ; ils ne veulent<br />

jamais voir la pratique réelle de leur<br />

temps ; parce qu'elle est trop triste pour<br />

leurs froides espérances. L'Etat ne l'ignore<br />

pas, et en joue.<br />

[… Mille] complots en faveur de l’ordre<br />

établi s’enchevêtrent et se combattent<br />

un peu partout, avec l’imbrication toujours<br />

plus poussée des réseaux et des<br />

questions ou actions secrètes ; et leurs<br />

processus d’intégration rapide à chaque<br />

branche de l’économie, la politique, la<br />

culture. » [10]<br />

Cas exemplaire, loin « de constituer un<br />

L’Empire du bien en général 26<br />

bloc monolithique, l’Etat américain<br />

apparaît comme un champ social particulièrement<br />

éclaté, où chaque administration,<br />

chaque agence, mène une politique<br />

qui lui est propre. Aussi ne peut-il<br />

exister de "grand complot américain". En<br />

revanche, un réseau possédant des<br />

relais auprès des différentes positions de<br />

pouvoirs qui polarisent ce monde balkanisé,<br />

est apte à fédérer des ressources<br />

de natures différentes [Voir « Le gouvernement<br />

mondial », p. 17], et, par là, à<br />

tenter d’imposer à "l’Etat" ses propres<br />

orientations – fût-ce en recourant à des<br />

"coups" invisibles. […]<br />

Pour les conspirationnistes [effectivement<br />

égarés, les "complots"] se ramènent,<br />

au fond, à une seule grande clé<br />

explicative, à une conspiration unique<br />

[comme, par exemple, Al Qaida] , et<br />

celle-ci est tellement vouée à réussir –<br />

tant ses instigateurs sont puissants – que<br />

les détails les plus minimes de la réalité<br />

sociale en portent trace ; pour les "réalistes",<br />

au contraire, il peut exister une<br />

pluralité de manœuvres secrètes et de<br />

"complots", lesquels, comme tout<br />

"coup", peuvent être amenés à échouer,<br />

et ne possèdent par là aucune vertu<br />

explicative exorbitante par rapport aux<br />

autres types de "coups".<br />

L’importance historique d’un fait, cependant,<br />

ne se mesure pas à son adéquation<br />

à l’intention qu’il était censé servir :<br />

elle tient à ses effets réels sur une configuration<br />

politique précise. Un complot<br />

peut, au final, échouer, tout en faisant<br />

un nombre édifiant de victimes. » [11]<br />

[Voir « Sied à ravir », p. 571] « On est<br />

toujours forcé de donner quelque chose<br />

au hasard. » [12]<br />

Au total, un échec peut être aisément<br />

tolérable, voire même souhaitable.<br />

« Qu'il s'agisse de la perte de contrôle<br />

d'une centrale nucléaire ou de celle d'un


groupe terroriste, les manipulateurs de<br />

l'horreur restent parfaitement en mesure,<br />

en confrontant chacun à cette brutale<br />

réalité de l'incontrôlable, de récupérer<br />

en aval, comme militarisation, ce que<br />

cette société a perdu en amont comme<br />

maîtrise rationnelle de ces choix. C'est<br />

seulement à l'intérieur de ce cadre général<br />

qu'il faut envisager la manipulation<br />

policière, directe ou indirecte, du terrorisme<br />

[Voir « Risquo-logie », p. 461].<br />

Le point faible des analyses<br />

critiques du terrorisme<br />

a trop souvent été de<br />

prêter à l'Etat une capacité<br />

de décision unifiée<br />

qu'il ne possède en fait<br />

presque jamais, dont il<br />

approche seulement<br />

dans les moments de<br />

crise ouverte, quand il est<br />

pressé par un danger<br />

mortel qui contraint ses<br />

diverses fractions à se<br />

mettre en œuvre très<br />

vite, ou à se regrouper<br />

autour de celle qui prend<br />

l'initiative. Il s'agissait précisément<br />

dans les analyse<br />

qui ont fait la part trop belle à un supposé<br />

machiavélisme des dirigeants,<br />

d'une extrapolation à partir de l'exemple<br />

des bombes de Milan en 1969 [Voir<br />

« 69, l'année est toxique », p. 65], c'està-dire<br />

à un moment où l'affrontement<br />

des classes antagonistes concentrait<br />

pour chaque camp la multitude des<br />

choix possibles, en quelques nécessités<br />

tactiques pressantes.<br />

Mais […] qu'il s'agisse de fuite en avant<br />

de la démence nucléariste [ou] des développements<br />

"hors positionnement" d'un<br />

terrorisme téléguidé, on ne peut voir<br />

dans les conséquences les résultats d'un<br />

choix fait en toute connaissance de<br />

cause au centre de l'Etat. Et d'abord<br />

parce qu'un tel "centre" omniscient et<br />

omnipotent n'existe pas. L'Etat comme<br />

réalité institutionnelle et comme fiction<br />

politique, ne fait de plus en plus que<br />

couvrir un processus qu'il ne gouverne<br />

pas réellement, qui est bien plutôt la<br />

résultante, ajustée au coup par coup,<br />

d'initiatives prises au CEA ou à la DGSE,<br />

à l'INRA ou dans l'administration, mais<br />

aussi dans l'industrie ou les médias, bref<br />

par l'une ou l'autre des mafias qui se partagent<br />

le territoire de<br />

notre vie ». [13]<br />

Une maffia de mercenaires<br />

au service de l’impérialisme<br />

de grandes<br />

firmes (lobbies militaroindustriel,<br />

pétrolier,<br />

pharmaceutique) aura<br />

ainsi pour couverture<br />

un président niais mal<br />

élu. Passe-partout pour<br />

justifier l'hégémonie<br />

martiale de cette maffia,<br />

les "terroristes" qui se<br />

ramènent, au fond, à<br />

une seule grande clé<br />

explicative, à une<br />

« conspiration unique »<br />

[11] d’Al Qaida, « et celle-ci est tellement<br />

vouée à réussir – tant ses instigateurs<br />

sont puissants – que les détails les plus<br />

minimes de la réalité sociale en portent<br />

trace » [11]… Dans les banlieues<br />

comme ailleurs.<br />

[1] : (Jean-Paul Baquiast, « Politique et sciences. Théories<br />

du complot et analyse scientifique », La Revue mensuelle,<br />

n° 73, 26/5/2006, http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2006/73/complot.htm)<br />

[2] : (Alexander Cockburn, « Scepticisme ou occultisme ?<br />

Le complot du 11-Septembre n’aura pas lieu », Le Monde<br />

diplomatique, 12/2006, p. 3)<br />

[3] : (Cf. Karl Marx, « Le Capital », Tome 1 (1867), chap. 1,<br />

IV, http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/capital/capital_livre_1/capital_livre_1_1/fichiers_images/capital_livre_1_1_001_195.pdf,<br />

19,5 Mo)<br />

[4] : (Serge Halimi, « Les nouveaux Chiens de garde »,<br />

p. 32, d’après Noam Chomsky ; cité par PLPL n° 20, p. 5)<br />

27 L’Empire du bien en général


[5] : (Le « Petit manuel de l'observateur critique des<br />

médias », p. 13 (2 euros, Co-errances, 45 rue<br />

d’Aubervilliers, 75018 Paris), cité par Patrick Champagne,<br />

« Philippe Corcuff, critique “intelligent” de la critique des<br />

médias », Acrimed, 19/4/2004, http://www.acrimed.org/<br />

article.php3?id_article=1572, cité in « La critique des<br />

médias. Feu sur le Quartier Général », PLPL, n° 20,<br />

6-8/2004, p. 5)<br />

[6] : (Alain Accordo, « Un journalisme de classes<br />

moyennes », in « Médias et Censure, figures de l’orthodoxie<br />

», éditions de l’Université de Liège, 2004, pp. 46-47,<br />

cité in « La critique des médias. Feu sur le Quartier<br />

Général », op. cit., p. 4, et in PLPL n° 22, 12/2004, p. 4)<br />

[7] : (« Leur théorie du complot. Les médias paranoïaques<br />

», PLPL, n° 20, 6-8/2004, p. 12)<br />

[8] : (« Lu, vu, entendu n° 20 : “Indépendances et complots”<br />

», Acrimed, 3/11/<strong>2005</strong>, http://www.acrimed.org/ar<br />

ticle2188.html)<br />

[9] : (Philippe Corcuff, « De quelques problèmes des nouvelles<br />

radicalités en général », Le Passant Ordinaire, n° 36,<br />

9-10/2001, http://www.passant-ordinaire.com/revue/36-<br />

272.asp)<br />

[10] : (Guy Debord, « Commentaires à la société du spectacle<br />

», Ed. Gérard Lebovici, 1988, th. XX et th. XXX, réed.<br />

Gallimard, folio, pp. 82, 110)<br />

[11] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain.<br />

Crises, restaurations, dissidences », Ecologie sociale, n° 3,<br />

2-3/2003, p. 19, Arguments pour une Ecologie Sociale –<br />

BP 642 – 85016 La Roche-sur-Yon)<br />

[12] : (Napoléon Bonaparte, à Sieyès inquiet de son projet<br />

de renverser le Directoire et qui lui demande où est la<br />

garantie du succès.)<br />

[13] : (Encyclopédie des Nuisances, n° 9, encart p. III,<br />

11/1986 (80, rue de Menilmontant, 75020 Paris))<br />

« Cette ["]démocratie["] si parfaite<br />

fabrique elle-même son inconcevable<br />

ennemi, le terrorisme. Elle veut en<br />

effet être jugée sur ses ennemis plutôt<br />

que sur ses résultats. L'histoire du<br />

terrorisme est écrite par l'Etat : elle<br />

est donc éducative. Les populations<br />

spectatrices [… seront] persuadées<br />

que, par rapport à ce terrorisme, tout<br />

le reste devra leur sembler plutôt<br />

acceptable, en tous cas plus rationnel<br />

et plus démocratique. » [1]<br />

C’est l’intérêt de la seule domination,<br />

non de ceux qui luttent contre elle. « A<br />

L’Empire du bien en général 28<br />

examiner la chose du point de vue de la<br />

stratégie des luttes sociales, on doit dire<br />

qu'il ne faut jamais jouer avec le terrorisme.<br />

De plus, même un terroriste sérieux<br />

n'a jamais eu historiquement d'efficacité<br />

que là où toute autre forme d'activité<br />

révolutionnaire était rendue impossible<br />

par une répression complète ; et donc<br />

quand une notable fraction de la population<br />

était amenée à prendre parti pour<br />

les terroristes ». [2]<br />

C’est un principe ancien : « L'un des plus<br />

puissants remèdes qu'un prince ait<br />

contre les conjurations est de ne pas être<br />

haï par la masse du peuple : car toujours<br />

celui qui conspire croit satisfaire le<br />

peuple par la mort du prince ; mais, s'il<br />

pense lui déplaire, il n'a pas le courage<br />

de prendre un tel parti, car les difficultés<br />

qu'il y a du côté des conjurés sont infinies<br />

». [3]<br />

Ainsi pourrait poursuivre Machiavel :<br />

« Ce monde souterrain de sociétés<br />

secrètes est rempli de cerveaux vides,<br />

[…] il y a là des directions à donner,<br />

des forces à mouvoir. S'il s'y agite<br />

quelque chose, c'est ma main qui<br />

remue : s'il s'y prépare un complot, le<br />

chef c'est moi : je suis le chef de la<br />

ligue. […] A de certains moments, ce<br />

peut être pour moi un excellent moyen<br />

pour exciter la sympathie du peuple en<br />

faveur du prince, lorsque sa popularité<br />

décroît. En intimidant l'esprit public on<br />

obtient, au besoin, par là, les mesures<br />

de rigueur que l'on veut, ou l'on maintient<br />

celles qui existent. Les fausses<br />

conspirations, dont, bien entendu, il<br />

ne faut user qu'avec la plus grande<br />

mesure, ont encore un autre<br />

avantage : c'est qu'elles permettent de<br />

découvrir les complots réels, en donnant<br />

lieu à des perquisitions qui<br />

conduisent à rechercher partout la<br />

trace de ce qu'on soupçonne ». [4]


Louise Michel rapporte de même :<br />

« Comme les gouvernements qui ont<br />

besoin de détourner d'eux l'opinion<br />

publique, l'Empire faisait autour de lui<br />

un bruit continuel ; complots qu'il échafaudait<br />

lui-même ; bombes, données par<br />

des mouchards ; scandales ; crimes<br />

découverts en temps opportun, que<br />

depuis longtemps on connaissait et<br />

tenait en réserve ; ils abondent à certaines<br />

fins de règne ». [5]<br />

Un autre, enfin, s'exprime en termes<br />

mystiques : « Tout l’art de gouverner<br />

revient pour le chef d’Etat à donner à<br />

entendre qu’il est un Yahvé tâchant à<br />

organiser une cité harmonieuse alors<br />

qu’il utilise son serviteur-policier pour<br />

maintenir la disharmonie qui l’a porté au<br />

pouvoir, - cependant que ce serviteurpolicier<br />

lui-même le pousse vers l’établissement<br />

d’un ordre mystiquement pur,<br />

lequel a nom tyrannie, dictature et fascisme,<br />

et participe davantage de Satan<br />

que de Yahvé. » [6]<br />

Le siècle dernier a parfait le dispositif, et<br />

un terreau propice est aujourd’hui prêt à<br />

être massivement fécondé, pour produire<br />

de nombreux "idiots utiles" générant<br />

le climat social qui facilite le retour à<br />

l’ordre totalitaire. « Le terrorisme naît<br />

toujours de la révolte, ultime recours de<br />

ceux que notre société accule au désespoir<br />

et qui n'ont plus la parole. Si la<br />

démocratie, au mépris de ses principes<br />

fondamentaux, leur répond en<br />

déployant des soldats, en soupçonnant<br />

en bloc telle ou telle catégorie, en se lançant<br />

dans la chasse au faciès, d'autres<br />

crises éclateront, d'autres hommes et<br />

d'autres femmes tomberont, et la peur<br />

grandira encore. Ce redoutable cycle du<br />

terrorisme aveugle et de la répression<br />

généralisée » [7], qui se justifient mutuellement,<br />

est mondialement à la mode.<br />

« Tendance ».<br />

[1] : (Guy Debord, « Commentaires sur la société du spectacle<br />

», th. IX, éd. Gérard Lebovici, 1988, pp. 33-34, rééd.<br />

Gallimard, 1992, pp. 32-34, folio, pp. 40-41 : début cité<br />

in Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent la planète<br />

», seuil, 1/2007, p. 99 et atttribué à Medhi Belhaj<br />

Kacem, « La psychose française », Galllimard, 2006, p. 40)<br />

[2] : (« De la répression », Internationale Situationniste,<br />

n° 12 p. 98, 9/1969, réed. Fayard, 1997, p. 666)<br />

[3] : (Nicolo Machiavel, « Le prince », XIX, « Eviter le mépris<br />

et la haine », 1532 (1513), http://classiques.uqac.ca/classiques/machiavel_nicolas/le_prince/le_prince.pdf)<br />

[4] : (Maurice Joly, « Dialogue aux enfers entre Machiavel et<br />

Montesquieu », 1865, réed. Allia, 1987, pp. 174, 223-5)<br />

[5] : (Louise Michel, La Commune, cité par Encyclopédie<br />

des Nuisances, n° 10, 2/1987, p. IV)<br />

[6] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, p. 498)<br />

[7] : (Henri Leclerc, « Terrorisme et République », Le<br />

Monde diplomatique, 2/1996, p. 32)<br />

Association de bienfaiteurs : Faisons<br />

table rase pour qu’on crie mieux famine !<br />

« L'emploi d'un peu de logique historique<br />

permettrait de conclure assez vite<br />

que des gens qui manquent de tout sens<br />

historique peuvent [...] être manipulés ;<br />

et même encore plus facilement que<br />

d'autres. Il est aussi plus facile d'amener<br />

à "se repentir" quelqu'un à qui l'on peut<br />

montrer que l'on savait tout, d'avance,<br />

de ce qu'il a cru faire librement. C'est un<br />

effet inévitable des formes organisationnelles<br />

clandestines de type militaire, qu'il<br />

[suffise [1]] d'infiltrer peu de gens en certains<br />

points du réseau pour en faire marcher,<br />

et tomber, beaucoup. » [2]<br />

Car « dans le cas d'un petit groupe terroriste<br />

constitué spontanément, il n'est<br />

rien de plus facile au monde pour les<br />

corps détachés de l'Etat que de s'y infiltrer<br />

et, grâce aux moyens dont ils dispo-<br />

29 L’Empire du bien en général


sent et à l'extrême liberté de manœuvre<br />

dont ils jouissent, de se rapprocher du<br />

sommet original, et de s'y substituer, soit<br />

par des arrestations déterminées réalisées<br />

au moment opportun, soit par l'assassinat<br />

des chefs originels, qui se produit<br />

en général lors d'un conflit armé<br />

avec les "forces de l'ordre" prévenues<br />

d'une telle opération par leurs éléments<br />

infiltrés. A partir de ce moment là, les<br />

services parallèles de l'Etat peuvent disposer<br />

à leur guise d'un organisme parfaitement<br />

efficace, formé de militants<br />

naïfs ou fanatiques, qui ne demandent<br />

qu'à être dirigés. » [3]<br />

On sait en effet où peut mener parfois la<br />

détresse de révoltés. Il suffit de lire le<br />

catéchisme qu’a pu écrire autrefois « un<br />

spécimen de ces jeunes fanatiques qui<br />

ne doutent de rien et ne craignent rien<br />

[…] Ils sont admirables, ces jeunes fanatiques,<br />

- des croyants sans Dieu et des<br />

héros sans phrases ! » [4] : « L’association<br />

n’a d’autre but que l’émancipation complète<br />

et le bonheur du peuple, c’est-àdire<br />

des hommes de peine. Mais<br />

convaincue que cette émancipation et<br />

ce bonheur ne peuvent être atteints<br />

qu’au moyen d’une révolution populaire<br />

détruisant tout, l’Association emploiera<br />

tous ses moyens et toutes ses forces<br />

pour agrandir et augmenter les maux et<br />

les malheurs qui doivent enfin user la<br />

patience du peuple et l’exciter à un soulèvement<br />

en masse. » [5]<br />

Sophisme pour "idiots utiles". Le<br />

« "marxisme vulgaire" prétendait qu’une<br />

crise économique de l’ampleur de celle<br />

de 1929-1933 devait nécessairement<br />

aboutir à une évolution idéologique de<br />

gauche des masses concernées. Tandis<br />

qu’on parlait encore, en Allemagne,<br />

même après la défaite de janvier 1933,<br />

d’"essor révolutionnaire", […] la crise<br />

économique […] aboutit en fait à un glis-<br />

L’Empire du bien en général 30<br />

sement idéologique vers la droite […].<br />

Dans l’ordre rationnel, on pourrait s’attendre<br />

à ce que des masses labo<strong>rieuse</strong>s<br />

paupérisées développent une conscience<br />

aiguë de leur situation sociale et s’emploient<br />

à mettre un terme à leur détresse.<br />

[…] Le marxiste désignait une telle<br />

attitude par "conscience de classe". […]<br />

Or, l’écart entre la situation sociale des<br />

masses labo<strong>rieuse</strong>s et la conscience<br />

qu’elles ont de cette situation aboutit<br />

non pas à l’amélioration mais à la détérioration<br />

de leur condition sociale. Ce<br />

furent précisément les masses paupérisées<br />

qui aidèrent à l’installation au pouvoir<br />

du fascisme, c’est-à-dire à la réaction<br />

politique la plus impitoyable. » [6]<br />

« Alors, êtes vous capables, mes gentils<br />

terroristes, de comprendre comment<br />

vous êtes manipulés, et au service de<br />

quelle cause, qui est celle même que<br />

vous croyez combattre » ? [7]<br />

[1] : (D'après Maurice Grevisse, « Le bon Usage », 13 ème<br />

ed. par André Goose, DeBœck-Duculot, 1997, p. 1591<br />

[1063b2])<br />

[2] : Guy Debord, « Commentaires sur la société du spectacle<br />

», th. IX, éd. Gérard Lebovici, 1988, pp. 33-34, rééd.<br />

Gallimard, 1992, pp. 32-34, folio pp. 40-41)<br />

[3] : (Gianfranco Sanguinetti, « Du terrorisme et de l'État.<br />

La théorie et la pratique du terrorisme divulguées pour la<br />

première fois », Le Fin Mot de l'Histoire, 1980 (1re éd.:<br />

« Del terrorismo e dello Stato. La teoria e la pratica del terrorismo<br />

per la prima volta divulgate », Milan, 1979), cité<br />

par A. Hanrry, « Apocalypse now ou Eucalypse ? »,<br />

A Contre Courant, n° 128, 10/2001)<br />

[4] : (Lettre de Michel Bakounine à James Guillaume du<br />

13/4/1869, reproduite in James Guillaume, « L’Internationale.<br />

Documents et souvenirs », Vol. 1, rééd. Gérard<br />

Lebovici, 1985, p. 147)<br />

[5] : (Sergheï Gennadievitch Netchaïev, « Le catéchisme<br />

révolutionnaire » (attribué à tort à Michel Bakounine),<br />

§ 22,reprod. in http://kropot.free.fr/Netchaiev-catechisme<br />

R.htm)<br />

[6] : (Wilhelm Reich, « La psychologie de masse du fascisme<br />

» (« Massenpsychologie des Faschismus »), 1933, trad.<br />

Mary Boyd Higgins, 1972, rééd. Payot, pbp, pp. 32-34)<br />

[7] : (Roger Ikor, « Lettre ouverte à de gentils terroristes »,<br />

Albin Michel, 1976, p. 187)


Giuseppe Fieschi,<br />

conspirateur<br />

corse, « servit<br />

quelque temps<br />

d'agent secret à la<br />

police. Poussé par les<br />

mouvements républicains, il fomenta<br />

un complot contre la monarchie de<br />

Juillet. Tandis que [le 28 juillet 1835]<br />

Louis Philippe et sa suite se rendaient<br />

à la Bastille pour la fête de la<br />

Révolution de 1830, il fit éclater une<br />

machine infernale [...] qui n'atteignit<br />

pas la famille royale, tout en faisant<br />

dix neuf morts […]. Fieschi et ses<br />

complices […] furent condamnées à<br />

mort ». [1]<br />

« Suite à cet attentat, Thiers, ministre de<br />

l'intérieur, fait voter le 9 septembre une<br />

série de lois répressives : il réorganise les<br />

cours d'assises pour le jugement des<br />

actes de rébellion, et interdit toute<br />

contestation des principes du<br />

régime. ». [2] Une des « lois de septembre<br />

» votées « après l'attentat de<br />

Fieschi […] interdisait tout article attaquant<br />

le roi ou le gouvernement ». [1]<br />

Ainsi, par exemple, astreint « à un cautionnement<br />

de [100 000] francs, Le<br />

Charivari dut soumettre ses dessins à<br />

l'examen de la censure. Le texte et les<br />

dessins y perdirent aussitôt leur intérêt<br />

piquant. » [3] « Cette censure entraîne la<br />

disparition de 30 journaux républicains.<br />

» [2] On respire mieux.<br />

[1] : (Paul Robert dir., « Le petit Robert 2 », 1988, pp. 641, 1651)<br />

[2] : (« L’attentat du 28 juillet 1835 », http://www.nœeducation.org/D124S1.php3)<br />

[3] : (Centre d'études du 19 e siècle français Joseph Sablé,<br />

« L'Histoire du Charivari », 2001, http://www.chass.utoronto.ca/french/sable/recherche/catalogues/charivari/histoire.htm)<br />

« Charles<br />

Dupuy qui cumulait<br />

les charges<br />

de président<br />

du Conseil et<br />

ministre de l’Intérieur depuis le 5 avril<br />

1893, s’inquiétait beaucoup du succès<br />

rencontré par la propagande<br />

anarchiste. [...] “La doctrine libertaire<br />

s’insinuait jusqu’à dans les salons<br />

aristocratiques et les milieux bourgeois”<br />

remarque Ernest Raynaud<br />

dont les Souvenirs de police [1]<br />

constituent un précieux témoignage.<br />

[...] En novembre [1893], la détresse de<br />

[l’anarchiste Auguste] Vaillant atteint son<br />

comble. [... Au] moment même où le<br />

malheureux rêvait d’explosions purificatrices,<br />

la Préfecture s’était mise à la<br />

recherche de désespérés dans son<br />

genre. Et pas du tout pour les empêcher<br />

d’accomplir leur geste. “[... Un] fonctionnaire<br />

est envoyé à Vaillant, qu’il trouve<br />

dans une profonde misère. Il se donne à<br />

lui comme anarchiste cambrioleur prêt à<br />

subvenir aux besoins de son parti. Il lui<br />

remet [...] de [quoi] venir louer une<br />

chambre dans Paris. [...] C’est dans cette<br />

chambre que Vaillant confectionna<br />

sa bombe. [On] lui en avait fourni les<br />

éléments.<br />

[... Le 9 décembre 1893, Vaillant lance<br />

sa bombe au Palais Bourbon. Il n’y a pas<br />

de blessés graves. Il] faut reconnaître<br />

que jamais bombe plus anodine n’est<br />

intervenue plus à propos.”<br />

Effectivement, tandis que les anarchistes,<br />

unanimes, applaudissaient et<br />

qu’une bonne partie de l’opinion trouvait<br />

après tout sympathique ce révolté<br />

31 L’Empire du bien en général


qui s’en était pris à un Parlement discrédité,<br />

[...] les élus du peuple puisaient<br />

soudain dans la peur une vigueur nouvelle.<br />

[...]<br />

Le 11 décembre, deux jours à peine<br />

après l’attentat, la première des lois<br />

connues sous le nom de “lois scélérates”<br />

était votée, à la majorité écrasante de<br />

413 voix contre 63 par ce même<br />

Parlement qui n’en voulait pas une<br />

semaine plus tôt. Elle punit de prison l’incitation,<br />

même non suivie d’effet, au vol,<br />

à l’incendie, aux attentats, à la désobéissance<br />

militaire et la simple apologie de<br />

ces crimes. Quatre jours plus tard, elle<br />

fut renforcée par une seconde loi qui<br />

permet d’assimiler à une “association de<br />

malfaiteurs” tout groupe ou parti révolutionnaire<br />

partisan du passage à l’action<br />

directe, même s’il n’y a pas début d’exécution.<br />

[... Et Vaillant ?] Condamné à mort ;<br />

c’était la première fois depuis la<br />

Restauration qu’on appliquait une telle<br />

peine à quelqu’un qui n’avait pas<br />

tué. » [2] Il faut bien commencer.<br />

[1] : (Ernest Raynaud, « Souvenirs de police. La vie intime<br />

des commissariats », Payot, 1926)<br />

[2] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, pp. 60-65)<br />

« A la suite de l'assaut manqué contre<br />

la Chambre des députés le 6 février<br />

1934, deux dissidents de l'Action<br />

française, [le polytechnicien] Eugène<br />

Deloncle et Jean Filliol, fondent le<br />

"Comité secret d'action révolutionnaire"<br />

(CSAR), organisation secrète,<br />

structurée, qui s'étend à toute la<br />

L’Empire du bien en général 32<br />

France et qui prépare la guerre civile<br />

en tentant d'y entraîner l'armée. » [1]<br />

Cette organisation, également appelée<br />

« Organisation secrète d'action révolutionnaire<br />

nationale (OSARN) [...] se structure<br />

rapidement en groupes locaux et<br />

en système hiérarchisé extrêmement<br />

cloisonné, de sorte qu'en dehors des<br />

chefs, les membres de l'organisation<br />

ignorent tout de son ampleur, de ses<br />

objectifs réels, des moyens et soutiens<br />

dont elle dispose. Certaines cellules du<br />

complot, dont les Chevaliers du glaive,<br />

dirigés à Nice par Joseph [Darnand] et<br />

François Durand de Grossouvre [2] [Voir<br />

« Gros Œuvre », p 191], adoptent un<br />

rituel et un costume inspirés du Klu Klux<br />

Klan états-unien, ce qui vaudra à<br />

l'OSARN d'être désigné par les monarchistes<br />

[puis la presse] sous le sobriquet<br />

de « La Cagoule ». [...]<br />

Un groupe de jeunes gens [...] fréquente<br />

les chefs du complot et se joint à certaines<br />

de leurs actions sans pour autant<br />

adhérer formellement à l'OSARN. Il s'agit<br />

de Pierre Guillain de Bénouville, Claude<br />

Roy, André Bettencourt et François<br />

Mitterrand. Robert Mitterrand, frère de<br />

François, [épousera] la nièce d'Eugène<br />

Deloncle. » [3]<br />

En « application du programme électoral<br />

du Front populaire, M. Léon Blum devenu<br />

Président du Conseil décida le 19 juin<br />

1936, de dissoudre quatre ligues : les<br />

Croix de Feu, les Jeunesses patriotes, la<br />

Solidarité française et le Parti franciste.<br />

Certains des éléments les plus durs des<br />

ligues dissoutes se sont [alors] retrouvés<br />

au sein du [... CSAR], alias la Cagoule,<br />

dirigé par M. Eugène Deloncle.<br />

Le CSAR voulait entraîner l'armée contre<br />

les institutions de la République en faisant<br />

croire à un complot communiste. Il<br />

a perpétré divers attentats qui ne sont<br />

apparus initialement que comme des


crimes de droit commun (Navachine,<br />

frères Rosselli, fusillade de Clichy le 16<br />

mars 1937,...). Il était subventionné par<br />

l'étranger et avait accumulé, notamment<br />

par un trafic d'armes, plusieurs stocks<br />

d'armes [...]. Plusieurs centaines<br />

d'hommes [...] se livraient à [...] des<br />

entraînements militaires, selon une stricte<br />

discipline [...]. Le CSAR se livrait également<br />

à des opérations de renseignement<br />

contre les communistes. Il bénéficiait<br />

de la participation active de cadres<br />

de l'état-major et de militaires de haut<br />

rang. » [4]<br />

« La Cagoule se propose de renverser la<br />

République (qualifiée avec mépris de<br />

“gueuse”) en fomentant une révolution<br />

par le haut. Bénéficiant de l'aide financière<br />

de plusieurs industriels comme<br />

Louis Renault et Eugène Schueller, fondateur<br />

de L'Oréal, la Cagoule projette<br />

d'installer à la tête de l'État... le maréchal<br />

Philippe Pétain (le héros de Verdun est<br />

dans les années 1930 le Français le plus<br />

populaire). » [5]<br />

La Cagoule « passe à l'acte en organisant<br />

un attentat le 11 septembre 1937 contre<br />

la Confédération générale du patronat<br />

français et du groupe des industries<br />

métallurgiques ». [1] Ce « onze septembre<br />

[1937], deux bombes éclatent.<br />

L’une dans l’immeuble du patronat fran-<br />

çais, l’autre à l’Union des Industries<br />

métallurgiques. Les deux bâtiments s’effondrent,<br />

tuant deux agents de police.<br />

La veille, [...] trois ingénieurs [cagoulards<br />

de] chez Michelin, avaient reçu les instructions<br />

de Méténier et Filliol [chefs de<br />

la Cagoule] de faire exploser les bâtiments<br />

symboles du patronat, et en<br />

rendre les communistes responsables.<br />

» [6] Finalement, le CSAR « fut<br />

découvert le jour de sa tentative avortée<br />

de renversement de la République, en<br />

novembre 1937. » [4]<br />

L’aventure continuait cependant.<br />

« Pendant la Seconde Guerre mondiale,<br />

certains de ses membres choisirent la<br />

Collaboration en considérant qu'ils pourraient<br />

ainsi réaliser leur projet fasciste<br />

pour la France ; d'autres, par nationalisme,<br />

entrèrent en résistance, pensant que<br />

l'Occupation était un tribut trop lourd<br />

pour parvenir à leurs fins. Sous Vichy<br />

comme à la Libération, les cagoulards se<br />

prêtèrent mutuellement assistance. » [7]<br />

« La bataille de Stalingrad [... montre<br />

que] le Reich n'est plus invincible. André<br />

Bettencourt se rapproche de son ami<br />

François Mitterrand qui exerce diverses<br />

fonctions à Vichy où il partage son<br />

bureau avec Jean Ousset, le responsable<br />

du mouvement de jeunesse de la Légion<br />

française des combattants de Joseph<br />

Darnand. Ils seraient alors entrés en<br />

résistance au sein d'un Mouvement<br />

national des prisonniers de guerre et<br />

déportés (MNPGD) dont l'activité a été<br />

officiellement reconnue quarante ans<br />

plus tard par l'administration Mitterrand,<br />

mais sur laquelle les historiens s'interrogent<br />

toujours. [...]<br />

Eugène Deloncle est assassiné. Mais les<br />

crimes des cagoulards ne prennent pas<br />

fin [...] même avec le débarquement allié<br />

en Normandie. Le 10 juin 1944, Jean<br />

Filliol conduit la division SS Das Reich à<br />

33 L’Empire du bien en général


Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) où<br />

elle massacre 644 habitants dans des<br />

conditions particulièrement horribles.<br />

À la Libération, les cagoulards de<br />

Londres sauvent les cagoulards de<br />

Vichy. Grâce au témoignage d'André<br />

Bettencourt et de François Mitterrand,<br />

Eugène Schueller est relaxé au motif<br />

qu'il aurait aussi été résistant. L'Oréal<br />

devient le refuge des vieux amis.<br />

François [Mitterrand] est engagé comme<br />

directeur du magazine Votre Beauté.<br />

André Bettencourt rejoint la direction du<br />

groupe. Avec l'aide de l'Opus Dei [8],<br />

une confrérie catholique franquiste,<br />

Henri Deloncle (frère d'Eugène) développe<br />

L'Oréal-Espagne où il emploie<br />

Jean Filliol. [...] En 1950, André<br />

Bettencourt épouse Liliane, la fille<br />

unique d'Eugène Schueller. » [3]<br />

« François Mitterrand, dans sa jeunesse,<br />

était [donc] un proche des dirigeants de<br />

la Cagoule. Cela n’était probablement<br />

pas sans signification pour lui, puisqu’il<br />

se préoccupa avant de mourir de commanditer<br />

à Pierre Péan une biographie<br />

sur cette période trouble de sa jeunesse<br />

(Une jeunesse française [...]) [9]. La<br />

Cagoule [...], comme le DPS [Voir<br />

« Dépèce ! », p. 174], [... était] une organisation<br />

militaire aussi bien [... qu’un]<br />

service de renseignement. » [10] Et sa<br />

« proximité avec la Cagoule, vivier des<br />

“stay-behind” français, le mettait de<br />

plain-pied dans le microcosme atlantique.<br />

Il a assumé la sous-traitance françafricaine,<br />

avec un machiavélisme tortueux,<br />

et la complicité de génocide au<br />

Rwanda demeure la principale tumeur<br />

non extirpée de l’histoire française<br />

récente. » [11] « Jusqu’à sa mort,<br />

François Mitterrand ne démérita pas de<br />

la Cagoule ». [10] Et même après, l’aventure<br />

continue toujours…<br />

L’Empire du bien en général 34<br />

[1] : (http://www.histoire.fr/vert/html/touvier/touvier02_1.htm)<br />

[2] : (Cf. « Les protagonistes français du génocide rwandais :<br />

Grossouvre (François de) », Réseau Voltaire,<br />

15/12/1998, http://www.voltairenet.org/article1285.html)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Antisémitisme et anti-maçonnisme.<br />

Histoire secrète de L'Oréal », Voltaire, 3/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12751.html)<br />

[4] : (« Rapport de la Commission d'enquête parlementaire<br />

sur le DPS - La dissolution administrative : la loi du 10<br />

janvier 1936 », Réseau Voltaire, 26/5/1999,<br />

http://www.voltairenet.org/article7373.html)<br />

[5] : (« La Cagoule, Pétain et la gueuse », Hérodote,<br />

http://www.herodote.net/histoire01090.htm#Cagoule)<br />

[6] : (« "La cagoule", enquête sur une conspiration d’extrême<br />

droite », documentaire de William Karel, Arte /<br />

Gaumont, 1996, cité par Liquidation Totale n° 0, été<br />

2000, p. 22)<br />

[7] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », n. 25, Réseau Voltaire, 20/8/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[8] : (Cf. « La croisade de l'Opus Dei. Jean-Paul II canonise<br />

le directeur de conscience des époux Franco et du général<br />

Pinochet », reprod. in http://www.anarchie.be/AL/19/<br />

opus.htm)<br />

[9] : (Pierre Péan, « Une jeunesse française », Fayard,<br />

1994)<br />

[10] : (Michel Sitbon, « De Mitterrand à Le Pen. Les aventures<br />

de Bernard Courcelle », maintenant la lettre, n° 28,<br />

5/1999, http://membres.lycos.fr/maintenantlalettre/demiterrandpen.htm)<br />

[11] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 270)<br />

« Le soir du 27 février 1933, le<br />

Reichstag, le bâtiment où se réunissait<br />

le parlement allemand à Berlin,<br />

était incendié. Un jeune antifasciste<br />

hollandais fut retrouvé dans le bâtiment,<br />

arrêté puis jugé. Il s’appelait<br />

Marinus - Rinus - van der Lubbe. Il<br />

revendiqua son action, disant qu’il<br />

voulait ainsi pousser le peuple allemand<br />

à résister au régime nationalsocialiste<br />

qui venait de s’installer au<br />

pouvoir. [...]<br />

Après avoir essayé en vain d’organiser<br />

une manifestation de soutien [à des<br />

marins mutinés] et à leurs familles qui se<br />

trouvaient dans une situation drama-


tique, Rinus décida d’agir seul. Il choisit<br />

d’incendier un bâtiment public en signe<br />

de résistance. La nuit du 25 février, il<br />

tenta de mettre le feu à un bureau de<br />

l’office du chômage, à la mairie de Berlin<br />

ainsi qu’au château de Berlin. Toutes ces<br />

tentatives échouèrent parce que les<br />

foyers d’incendie furent rapidement<br />

découverts et éteints. [...] Le lendemain<br />

[... il] se rendit directement au Reichstag.<br />

Il l’escalada et alluma de nombreux<br />

incendies à l’intérieur du bâtiment. Les<br />

policiers et les pompiers arrivèrent trop<br />

tard. » [1]<br />

Individu isolé ? « Beaucoup de livres ont<br />

été consacrés à l’évènement [2] » [3]. Cet<br />

« épisode épineux de l’histoire allemande<br />

donne lieu à des polémiques » [4].<br />

« Manipuler le malheureux Van der<br />

Lubbe [... n’était pas] trop difficile [...]<br />

non plus que d’allumer l’incendie proprement<br />

dit [ou de compléter le travail<br />

revendiqué par Van der Lubbe], un passage<br />

souterrain reliant le Reichstag à la<br />

résidence de son président Gœring –<br />

située de l’autre côté de la<br />

Sommerstrasse. Les stratèges nazis<br />

avaient également trouvé, parmi les indicateurs,<br />

les hauts fonctionnaires et les<br />

repris de justice, cent soixante dix neufs<br />

témoins pour charger les accusés […<br />

Van der Lubbe et quatre autres qui<br />

seront, eux, relâchés faute de preuves].<br />

Au moment même de l’annonce de l’incendie<br />

par la radio, avant le moindre<br />

début d’enquête, les coupables avaient<br />

été désignés ; les communistes. Dans la<br />

nuit, un train de lois d’urgence avait été<br />

préparé. Elles suspendaient toutes les<br />

libertés constitutionnelles, liberté de la<br />

presse, droit de réunion, inviolabilité de<br />

la correspondance et du domicile. “Leur<br />

conséquence [...] fut de livrer le peuple<br />

allemand à la discrétion de la police<br />

nazie, qui pouvait agir sans restriction et<br />

sans responsabilité, pratiquer l’arrestation<br />

secrète et la détention à perpétuité,<br />

sans preuve, sans audience, sans avocat.<br />

Aucune juridiction ne pouvait s’y opposer<br />

[...]. La Gestapo gardera ces prérogatives<br />

jusqu’à la fin du régime”. [3]<br />

La chasse aux communistes et aux<br />

sociaux-démocrates avait été déclenchée<br />

sur le champ : 5 000 arrestations en<br />

Prusse en 24 heures et 2 000 en<br />

Rhénanie, tous ceux qui n’avaient pas<br />

pu s’enfuir. Les malheureux allaient inaugurer<br />

les camps de concentration que<br />

préparaient hâtivement Gœring.<br />

[... Les] syndicats, où plus de dix millions<br />

de travailleurs étaient inscrits [...] n’osèrent<br />

pas déclencher une grève générale<br />

immédiate, seule mesure pourtant susceptible<br />

d’endiguer le raz-de-marée hitlérien.<br />

Là, sans doute, se mesure le plus<br />

précisément l’efficacité du travail accompli<br />

par Gœbbels sur l’opinion<br />

nationale. » [5] Le mois suivant, Hitler se<br />

faisait voter les pleins pouvoirs.<br />

Et un peu plus tard, on peut voir la<br />

banalisation du principe d’inversion :<br />

d’« intenses campagnes de propagande<br />

dénoncent avec conviction les petits<br />

trafiquants du marché noir, alors qu'en<br />

fait celui ci est organisé par les nazis<br />

eux mêmes, à une bien plus vaste<br />

échelle ». [6]<br />

[1] : (Robert Hérisson, « Rinus van der Lubbe, l’incendiaire<br />

35 L’Empire du bien en général


du Reichstag », REFLEXes, n° 3, 2001,<br />

http://reflexes.samizdat.net/article.php3?id_article=12)<br />

[2] : (Cf. notamment Edouard Calic, « Le Reichstag brûle »,<br />

Stock, 1969)<br />

[3] : (Jacques Delarue, « Histoire de la Gestapo », Fayard, 1963)<br />

[4] : (« Allemagne », Zapito, n° 33, ed. annuelle 2004 (10<br />

euros), p. 9, d’après Marinus Van der Lubbe, « Carnets de<br />

route de l’incendie du Reichstag », Verticales, 2003 ; S . de<br />

Mendez, « Services secrets “stay behind” », Zapito, n° 28,<br />

ed. annuelle 2003, 6/2003 (10 euros) ; Jean-Jacques<br />

Gandini, « Carnets de route de l’incendiaire du<br />

Reichstag », Le Monde diplomatique, 12/2003, p. 34)<br />

[5] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, pp. 113-114)<br />

[6] : (Jacques Rivoyre, Histoire pour tous, HS n° 20,<br />

10/11/1980)<br />

« Alfred Naujocks, officier SS du S.D. [le<br />

service de renseignements du parti nazi]<br />

et collaborateur direct de Heydrich (luimême<br />

bras droit<br />

d'Himler), était le responsable<br />

de la section<br />

"coups fourrés". Il fut<br />

notamment l'organisateur<br />

de l'attaque de<br />

l'émetteur de Gleiwitz<br />

par de faux soldats polonais<br />

en 1939, ce qui permit<br />

à Hitler de justifier<br />

son attaque contre la<br />

Pologne, et de l'"incident<br />

de Venlo", en<br />

Hollande (enlèvement<br />

de deux officiers anglais<br />

en 1940).] » [1]<br />

« Le 10 août [1939],<br />

Heydrich convoqua [...<br />

Naujocks]. Cinq jours<br />

plus tard, Naujocks, suivi<br />

de six hommes sûrs, partait<br />

directement pour<br />

Gleiwitz, une petite station de radio allemande<br />

sur la frontière polonaise. [... La]<br />

police des frontières était [... déjà pas-<br />

L’Empire du bien en général 36<br />

sée] sous le contrôle de la Gestapo. [...]<br />

A la même date, l’amiral Canaris [chef de<br />

l’Abwehr] reçut un ordre du Führer [...] :<br />

il lui fallait fournir 150 uniformes polonais<br />

à Heydrich. [...]<br />

Le 31 août 1939 à 12 heures 40, le<br />

Führer remit enfin au général Keitel la<br />

“directive N° 1 pour la conduite de la<br />

guerre”. [...] L’attaque se produirait le<br />

lendemain à l’aube. Le “plan Himmler”<br />

démarra aussitôt. [... La] compagnie S.S.,<br />

rangée sous les ordres de Naujocks,<br />

monte en tiraillant à l’assaut de la station<br />

de Gleiwitz dont la garnison a été retirée.<br />

Elle y brise tout. En même temps, les<br />

détenus polonais, revêtus des uniformes<br />

de leur pays, sont extraits un à un d’un<br />

fourgon. Mais au lieu de la distribution<br />

d’armes qu’ils attendaient, c’est un infirmier<br />

qui se tient devant eux, une<br />

seringue à la main. [...] Il<br />

faut les assommer. Puis<br />

on les pique [...], on jette<br />

les corps au hasard, on<br />

referme leurs mains sur<br />

des armes, et on les crible<br />

de balles pour parfaire la<br />

vraisemblance. [...]<br />

Le lendemain, devant les<br />

membres du Reichstag<br />

réunis au grand complet<br />

dans la salle de l’Opéra<br />

Kroll, Hitler prononçait un<br />

discours véhément : “La<br />

Pologne, cette nuit, pour<br />

la première fois, et sur<br />

notre territoire, a fait<br />

ouvrir le feu par ses soldats<br />

réguliers. Depuis 5<br />

heures 45 du matin, nous<br />

tirons de notre côté.”<br />

Divers membres de la<br />

presse avaient été amenés à Gleiwitz.<br />

Les moins crédules d’entre eux [...] ne<br />

purent que rapporter ce que leurs yeux


voyaient. Les Polonais avaient bel et bien<br />

attaqué l’émetteur-radio puisqu’ils<br />

avaient laissé des morts sur le terrain<br />

[...].<br />

Il faudra attendre le procès de<br />

Nuremberg, six ans plus tard, pour que<br />

la vérité éclate [...]. Heydrich avait vraiment<br />

pris toutes les précautions pour<br />

que le secret soit bien gardé : tous les<br />

adjoints de Naujocks avaient été liquidés<br />

aussitôt l’opération terminée de peur<br />

qu’ils ne parlent un jour. » [2] « Seul<br />

Naujocks poursuit sa carrière. [...]<br />

Deux mois après cette mission, le même<br />

Naujocks et ses SS commettent un attentat<br />

à la bombe à Munich, qui fait sept<br />

morts. Douze minutes avant l’explosion,<br />

Hitler était encore sur place et achevait<br />

son discours. Les Allemands accusent<br />

deux officiers britanniques mais il apparaît<br />

ultérieurement que Hitler a lui-même<br />

décidé et fomenté cet attentat pour resserrer<br />

plus étroitement l’état-major de l’armée<br />

allemande autour de lui.<br />

En 1944, Naujocks passe au service de la<br />

CIA. » [3]<br />

[1] : (Patrice Chairoff, « Dossier B ... comme Barbouzes »,<br />

1975, pp. 28-29)<br />

[2] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, pp. 81-84)<br />

[3] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 174, d’après William L. Shirer,<br />

« Opkomst en ondergang van het Derde Rijk, de geshiedenis<br />

van het nationaal-socialistische Duistland »,<br />

Diogenes, Anvers, 1960, tome 2, pp. 699-700 et tome 1,<br />

p. 636)<br />

37 L’Empire du bien en général


« Une série de travaux récents […]<br />

modifient notre perception de l’histoire<br />

de France (et du monde) depuis<br />

1945 [1]. Fondés sur une documentation<br />

impressionnante, ils sont difficilement<br />

récusables. » [2] François-<br />

Xavier Verschave, dans son brillant et<br />

dense « Noir Chirac » [3] propose de<br />

débuter un survol de la face cachée<br />

de notre société par l’étude de « l’histoire<br />

décapée des quatre enjeux<br />

longtemps top secret, gérés par les<br />

américains dans le cadre de l’Otan,<br />

de la CIA et de leurs dépendances :<br />

1) L’implantation progressive du nucléaire<br />

militaire dans plusieurs dizaines de<br />

pays, avec un important concours français<br />

(une expansion soutenue par les<br />

lobbies militaro-industriels, reliés via l’enjeu<br />

énergétique aux lobbies pétroliers)<br />

[..., ce qu’on peut appeler le lobby énergético-militaro-industriel].<br />

L’Empire du bien en général 38<br />

2) Les alliances anticommunistes avec les<br />

anciens nazis ou collaborateurs, l’extrême-droite<br />

européenne, les mafias, les<br />

conservateurs catholiques, etc. pilotées<br />

en sous-main par une organisation<br />

secrète au sein de la CIA (le réseau "stay<br />

behind" ou Gladio). [...]<br />

3) L’essor de certains paradis fiscaux (en<br />

particulier le Luxembourg) et des circuits<br />

d’argent sale pour financer ces stratégies<br />

coûteuses, en grande partie cachées au<br />

Congrès américain. Ils montrent l’importance<br />

de l’économie parallèle, dont les<br />

"affaires" ne donnent qu’un aperçu. [...]<br />

4) Le choix de faire porter les trois stratégies<br />

précédentes par des milieux d’initiés,<br />

coutumiers du secret (excroissances<br />

maçonniques, chevaleries, sectes).<br />

[... Ces stratégies sont] des stratégies<br />

"glissantes", voire des managements [...].<br />

Souvent, d’ailleurs, les impulsions initiales<br />

se prolongent d’elles-mêmes : les acteurs<br />

trouvent tant d’intérêt à leur continuation<br />

qu’ils évitent de se poser des questions.<br />

Beaucoup de "grandes décisions"<br />

sont le fruit de processus d’inhibition de<br />

la décision. On pourrait aussi parler de<br />

tendances lourdes, portés par les "habitus"<br />

[4] (bref salut à Pierre Bourdieu) des<br />

acteurs qu’elles ont enrôlés. » [5]<br />

Si nous abordons les quatre enjeux précédents<br />

dans ce numéro de Liquidation<br />

Totale, nous avons choisi cependant de<br />

nous centrer davantage sur le second.<br />

« L’existence du stay-behind a été officiellement<br />

reconnue en Allemagne, en<br />

Autriche (réseau Schwert), en Belgique,<br />

au Danemark, en Espagne, en France<br />

(Rose des vents), en Grèce (Toison<br />

rouge), en Italie (Gladio), au Luxembourg,<br />

en Norvège, aux Pays-Bas, au<br />

Portugal, au Royaume-Uni, en Suède, en<br />

Suisse et en Turquie. Aucune investigation<br />

n'a été conduite au sein des institutions<br />

de l'Union européenne, bien que


de nombreuses informations laissent à<br />

penser que le stay-behind en contrôle<br />

les rouages essentiels.<br />

[... Plusieurs] coups d'État [… ou tentatives]<br />

peuvent lui être imputés : outre les<br />

événements de 1958 et 1961 en France<br />

[Voir « De Gaulle, le général-présidentputschiste<br />

», p. 109 et « Barricades<br />

Academy », p. 120], les complots Sogno<br />

[Voir « 1978 : Signé Sogno », p. 73] et<br />

Borghèse [Voir « 1970 : Coup d’Etat<br />

avorté en Italie », p. 70] en Italie, le coup<br />

des colonels en Grèce [Voir « Est bien,<br />

mon colon ! », p. 97], celui contre<br />

Makarios à Chypre [6]. À ces opérations<br />

de vaste envergure, il convient d'ajouter<br />

de nombreuses opérations de déstabilisation<br />

politique et des assassinats<br />

comme celui du Premier ministre suédois,<br />

Olof Palme [Voir « Allan<br />

Francovich », p. 49]. » [7]<br />

« Les faits sont établis. Un réseau clandestin,<br />

créée sous l'égide de l'O.T.A.N. à<br />

la fin des années 40, organisé par les services<br />

secrets britanniques et financée par<br />

la C.I.A., s'est rendu coupable d'actions<br />

terroristes en Europe [au moins] jusqu'à<br />

la fin des années 80. Le scandale éclate<br />

en Italie, en octobre 1990 [... dévoilé<br />

par] le Premier ministre italien, Giulio<br />

Andreotti, qui niait [pourtant] avec force<br />

depuis plus de dix ans l'existence de<br />

Gladio ["branche italienne de cette vaste<br />

organisation" [8]]. Dans un discours<br />

devant le Parlement à Rome, M.<br />

Andreotti est devenu le premier homme<br />

politique important à parler publiquement<br />

de l'opération. » [8] « Un aveu du<br />

à l'opiniâtreté d'un petit juge vénitien<br />

qui, enquêtant sur l'assassinat de trois<br />

carabiniers, a réussi à remonter jusqu'à…<br />

l'OTAN. Aussitôt, à travers toute<br />

l'Europe, les gouvernements annoncent,<br />

la main sur le cœur, qu'ils ont mis fin aux<br />

activités de ce réseau [Voir « Dissous,<br />

c’est pas cher », p. 53]. » [8]<br />

Réseau armé très puissant, « Gladio/stay<br />

behind [...] comprend dans sa structure<br />

des responsables politiques anticommunistes,<br />

des hauts fonctionnaires d'Etat,<br />

des représentants de la hiérarchie militaire<br />

ainsi que des membres [… d’organisations]<br />

clandestines liées à l'extrême<br />

droite. » [9] « Gladio est devenue une<br />

organisation clandestine de surveillance<br />

politique, finissant fatalement par<br />

fomenter une série d'attentats avec l'extrême<br />

droite, qui ont causé la mort de<br />

centaines d'Européens [...]. Parmi eux,<br />

au moins un leader politique, l'Italien<br />

Aldo Moro [Voir « 1978 : Moro mort »,<br />

p. 76]. L'enquête est loin d'être close, […<br />

notamment] en ce qui concerne les activités<br />

de Gladio dans l'Espagne franquiste.<br />

[... On les appelle aussi les réseaux]<br />

"stay-behind", les reste-en-arrière. [...]<br />

Même si au début les réseaux ont été<br />

mis en place [... avec l’accord] de chefs<br />

d'Etat démocratiquement élus, ils ont<br />

rapidement vécu leur propre vie, au<br />

point que même les commandants en<br />

chef, les ministres de la Défense, les<br />

Premiers ministres et les chefs d'Etat<br />

ignoraient [...] leurs activités. » [8]<br />

Naît « une pénible question : tout au<br />

long de la guerre froide, les démocraties<br />

occidentales ont-elles été manipulées<br />

par les services spéciaux de l'Alliance<br />

atlantique, au point que la démocratie<br />

39 L’Empire du bien en général


elle-même n'aurait été qu'un simulacre ?<br />

Pour y répondre, des commissions d'enquête<br />

parlementaires ont été constituées<br />

en Italie [10], en Suisse [11] et en<br />

Belgique [12]. Le résultat de ces investigations<br />

[13] est si pénible que d'autres<br />

États, comme la France, ont préféré s'enfoncer<br />

dans la dénégation. » [7]<br />

Le sujet est bien documenté. « Le réseau<br />

stay-behind est mentionné, en 1976,<br />

dans le rapport de la commission d'enquête<br />

parlementaire américaine sur la<br />

CIA présidée par le sénateur Frank<br />

Church [14]. Des informations plus précises<br />

ont été rendues publiques, en<br />

1978, par l'ex-chef des stay-behind et expatron<br />

de la CIA, William Colby [15] [...<br />

puis] en 1982, par [... un] ancien commandant<br />

du 4 e Groupe d'action psychologique<br />

[16]. Toujours en 1982, l'enquêteur<br />

du Bureau des investigations spéciales<br />

John Loftus, a révélé [17] les<br />

conditions de recrutement [via le<br />

Vatican] des stay-behind parmi les<br />

agents nazis. Le journaliste et historien<br />

Gianni Flamini a décrit leur action en<br />

Italie dans son monumental ouvrage<br />

[18] (1981 à 1984). Enfin, la redéfinition<br />

des actions du stay-behind a été officiellement<br />

analysée lors d'un colloque<br />

organisé, en 1988, par l'US National<br />

Strategy Information Center [19].<br />

Des documents du département d'État<br />

américain, ultérieurement déclassifiés et<br />

publiés, [...] complètent utilement [cette<br />

documentation] et font apparaître un<br />

dispositif global d'ingérence dans la vie<br />

démocratique des États alliés bien plus<br />

large que les seuls stay-behind. » [7]<br />

[1] : (Dominique Lorentz, « Affaires atomiques », Les<br />

Arènes, 2001 ; Notes d’information du Réseau Voltaire, à<br />

partir d’août 2001, http://www.voltairenet.org/fr ; Denis<br />

Robert et Ernest Backes, « Révélation$ », Les Arènes,<br />

2001 ; Ferdinando Imposimato, « Un juge en Italie », de<br />

Fallois, 2000 ; Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre,<br />

« Les frères invisibles », Albin Michel, 2001)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les<br />

L’Empire du bien en général 40<br />

Arènes, 3/2002, p. 16)<br />

[3] : (François-Xavier Verschave, op. cit.)<br />

[4] : (Cf. « "Lexique" bourdieusien. Parcours erratique de<br />

morceaux choisis. Habitus », http://hommemoderne.org/societe/socio/bourdieu/lexique/lexique.pdf,<br />

pp. 25-27)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 16-17)<br />

[6] : (Brendan O'Malley & Ian Graig, « The Cyprus<br />

Conspiracy. America, Espionnage and the Turkish<br />

Invasion », Tauris & Co éd., 2001)<br />

[7] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html)<br />

[8] : (Hugh O'Saughnessy, The Observer, (Londres), trad.<br />

« Gladio, le secret le mieux gardé d’Europe », trad. in<br />

Courrier International, n° 85, 18/6/1992, pp. 8-10)<br />

[9] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Première partie: La particularité française »,<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[10] : (« Relazione sulla vicenda "Gladio" presentatat dal<br />

Presidente del Consiglio dei Ministri (Andreotti) communicata<br />

alla Presidenza il 26 febbraio 1991 », Senato della<br />

Repubblica, X Legislativa, Doc. XXVII, n° 6)<br />

[11] : (« Rapport de la Commission d'enquête parlementaire<br />

chargée de clarifier les faits d'une grande portée survenus<br />

au Département militaire fédéral », 1990)<br />

[12] : (« Rapport de la Commission d'enquête parlementaire<br />

sur l'existence en Belgique d'un réseau de renseignements<br />

clandestin international », Sénat, 1/10/1991,<br />

n° 1117-4)<br />

[13] : (J. Willems (dir.), « Dossier Gladio », E.P.O. - Reflex,<br />

Bruxelles, 1991 ; A. Müller, « Gladio, Das Erbe des Kalten<br />

Kriesges », 1991 ; Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire<br />

Gladio, les réseaux secrets américains au cœur du terrorisme<br />

en Europe », Albin Michel, 3/1994. Voir aussi le<br />

documentaire d'Allan Francovitch, « Gladio, les meneurs<br />

de jeu », Observer Film Company, 1992)<br />

[14] : (US Congress, Senate, « Select Committee to Study<br />

Governmental Operations with Respect to Intelligence<br />

Activities », Final Report, 94 th Cong., 2d sess., 1976,<br />

livres I et IV)<br />

[15] : (William Colby, « Honorable Men, my Life in the<br />

CIA », trad. « 30 ans de CIA », Presses de la Renaissance,<br />

1978)<br />

[16] : (Colonel Alfred H. Paddock, « US Special Warfare :<br />

its origins », National Defence University Press, 1982)<br />

[17] : (John Loftus, « The Belarus Secret », 1982. trad.<br />

« L'Affreux secret, quand les Américains recrutaient des<br />

espions nazis. De Gehlen à Klaus Barbie », Plon, 1985)<br />

[18] : Gianni Flamini, « Il partido del golpe. Le strategie<br />

della tensione e del terrore dal primo centrosinistra organico<br />

al sequestro Moro », Italo Bovolenta, 4 vol., 1981 à<br />

1984]<br />

[19] : (« Political Warfare and Psychological Operations,<br />

Rethinking the US Approach », US National Strategy<br />

Information Center, National Defence University Press, 1989)


Dans tout le monde libre, « il s'agit,<br />

sous la bannière de la lutte contre le<br />

communisme, de museler l'opposition<br />

interne à l'OTAN. » [1] Et l’opposition<br />

en général. « Le sénateur Libero<br />

Gualtieri, responsable de l'enquête<br />

du parlement italien sur Gladio [… l’a<br />

dit] : ''Lorsque Gladio a démarré, les<br />

américains insistaient souvent<br />

[…] sur le fait que l'organisation<br />

devait également<br />

servir à lutter<br />

contre les insurrections.''<br />

» [2] Notamment.<br />

« D'où une intervention<br />

permanente des services<br />

secrets américains dans<br />

la vie politique de la<br />

Péninsule [italienne], avec un<br />

objectif final, résumé dans un<br />

document secret du commandement<br />

général de l'état-major des forces<br />

armées américaines, adressé aux services<br />

secrets italiens et français et dans<br />

lequel on peut lire: "Il faut réduire les<br />

forces des partis communistes, leur<br />

influence dans les gouvernements italien<br />

et français, et en particulier dans les syndicats,<br />

de manière à réduire le danger<br />

que le communisme puisse s'installer en<br />

Italie et en France, lésant les intérêts des<br />

Etats-Unis dans ces deux pays [...].<br />

La limitation du pouvoir des communistes<br />

est un objectif prioritaire qui doit<br />

être atteint par tous les moyens." [3] » [4]<br />

« Si les stay-behind avaient pour seule<br />

finalité de préparer la résistance en cas<br />

d'occupation, chaque État aurait pu s'en<br />

doter [...] sous sa seule autorité. Mais [...<br />

si] on considérait que les communistes<br />

occupaient déjà partiellement [... idéologiquement]<br />

l'Europe occidentale, il [...<br />

fallait] que les stay-behind échappent à<br />

des gouvernements dans lesquels l'ennemi<br />

pouvait entrer par la voie électorale<br />

à tout moment. Forts de ce raisonnement,<br />

des accords tripartites furent<br />

signés entre les États-Unis, le Royaume-<br />

Uni et chacun de leurs alliés autorisant<br />

Washington à agir sur leurs territoires à<br />

leur insu, de manière à les défendre face<br />

à l'infiltration communiste. » [5]<br />

« Dans un mémorandum daté du 8 mars<br />

[1948], les Américains affirmaient :<br />

"Le problème du moment n’est<br />

plus tellement de prendre<br />

des mesures contre un<br />

agresseur étranger, mais<br />

bien contre une cinquième<br />

colonne intérieure,<br />

soutenue par une puissance<br />

étrangère" [...] En bref :<br />

la lutte contre l'ennemi intérieur<br />

fait partie intégrante du pacte<br />

de l'OTAN, signé en avril 1949. » [6]<br />

« Des directives du Shape [Supreme<br />

Headquarter Allied Powers Europe, le<br />

Quartier Général de l’Otan], et plus particulièrement<br />

une directive de janvier<br />

1969, ainsi que des accords passés au<br />

sein du Comité de coordination allié prévoient<br />

"la formation au sein des services<br />

secrets de cadres particulièrement qualifiés<br />

capables d’initier du ‘’personnel extérieur’’<br />

à la conduite d’opérations militaires<br />

clandestines d’information et de<br />

propagande, d'évasion, de guérilla ou<br />

de sabotage." [... En novembre 1990, la<br />

presse italienne] publie des extraits d’un<br />

manuel des services secrets consacré à<br />

l’opération Gladio [...] intitulé La guerre<br />

non orthodoxe, partie III, [...] daté de<br />

1962. Il prévoit [...] l’intervention des<br />

gladiateurs en cas d’insurrection armée<br />

communiste. Il n’est plus question d’in-<br />

41 L’Empire du bien en général


vasion de l’Est, mais bien d’une révolution<br />

interne. [... Le] manuel donne une<br />

série de directives relatives à l’organisation<br />

de l’insurrection, anticipant [...] avec<br />

une précision quasi géométrique la stratégie<br />

utilisée vingt ans plus tard par les<br />

Brigades rouges [7]. » [8]<br />

Une « note émise par le quartier général<br />

du commandement américain en<br />

Europe et signée par le général<br />

McConnel, vice-commandant des forces<br />

américaines [... le dit ainsi] "En cas de<br />

troubles internes susceptibles d’influencer<br />

matériellement la mission des forces<br />

américaines ou leur sécurité, comme<br />

une soumission militaire ou une résistance<br />

à grande échelle, le gouvernement<br />

de…"<br />

Rien ne suit sinon une annexe faisant<br />

état d’un accord intervenu avec les pays<br />

qui suivent par ordre de priorité : 1)<br />

Norvège, 2) Grèce, 3) Turquie, 4) RFA, 5)<br />

France, 6) Italie, 7) Pays-Bas, 8) Belgique,<br />

9) Luxembourg, 10) Danemark. Le document<br />

poursuit : "devra faire son possible<br />

pour supprimer de tels troubles en utilisant<br />

ses propres ressources.<br />

Si ces initiatives étaient insuffisantes, ou<br />

dans le cas d’un appel à l’aide de la part<br />

d’un gouvernement, ou enfin si le commandement<br />

en chef américain devait<br />

déclarer le gouvernement incompétent<br />

quant à la suppression de ces troubles,<br />

les forces américaines pourraient entreprendre<br />

les actions que le commandement<br />

en chef jugerait nécessaires, soit<br />

de sa propre initiative, soit en collaboration<br />

avec le gouvernement." [9]<br />

Un discours suspect qui n’est pas sans<br />

rappeler les accents de la théorie soviétique<br />

de la souveraineté limitée, qui justifiera<br />

les nombreuses ingérences de<br />

l’Armée rouge dans les affaires internes<br />

des pays du bloc communiste. » [10]<br />

C’est ça, l’Alliance Atlantique…<br />

L’Empire du bien en général 42<br />

« Alliance ? Il serait plus juste de dire :<br />

main mise des services secrets américains<br />

sur tous les services d'Europe occidentale,<br />

de sorte qu’à partir de 1950, le<br />

service de renseignement français, par<br />

exemple, n’est [quasiment] plus que la<br />

section française de l’internationale américaine.<br />

» [11]<br />

Les stratèges savent manier la dialectique<br />

puisqu’on lit dans « un livret d'instructions<br />

américain destiné aux officiers...<br />

: ''Il peut arriver que des gouvernements<br />

des pays hôtes se laissent aller<br />

à la passivité ou à l'indécision face à la<br />

subversion communiste ou d'inspiration<br />

communiste [...]. Dans des cas semblables,<br />

les services de renseignements<br />

de l'armée américaine doivent avoir les<br />

moyens de lancer des opérations spéciales<br />

destinées à convaincre les gouvernements<br />

des pays hôtes et l'opinion<br />

publique de la réalité des menées séditieuses<br />

permettant ainsi d'envisager des<br />

contre-mesures''. » [2] Dont acte.<br />

On pourra donc ensuite réagir aux<br />

troubles qui auront permis de rendre<br />

patent le danger. « Après la session du<br />

Conseil de l’OTAN, en mai 1977, à<br />

Londres, on apprit qu’elle avait approuvé<br />

un plan secret prévoyant, en cas de<br />

nécessité, des mesures de "stabilisation"<br />

de la situation politique, dans tel ou tel<br />

pays membre du bloc. Il prévoit la transmission<br />

de la plénitude du pouvoir aux<br />

militaires en suspendant l’action de la<br />

constitution, l’utilisation des forces<br />

armées pour réprimer les mouvements<br />

de grèves et les actions de protestation,<br />

la garantie de fonctionnement des ports<br />

et des chemins de fer, ainsi que la participation<br />

des unités militaires aux opérations<br />

de "Déplacement massif" ou d’internement<br />

de la population civile. » [12]<br />

L’« opération stades » en semble une<br />

application française [Voir « StadeS de


France », p. 151].<br />

L’internationalisation de la répression au<br />

service de l’Etat privatisé des U.S.A., a<br />

encore fait de progrès depuis lors [Voir<br />

« Harmonie technique », p. 473]. Et<br />

« l’extrême droite [... a décidément changé]<br />

de tactique. Plus de recours au pronunciamento,<br />

quand le terrorisme<br />

ébranle [... la société]. Il suffit d’en manipuler<br />

les organisateurs [...] pour provoquer<br />

une réponse totalitaire de<br />

l’Etat. » [13]<br />

[1] : (Stef Janssens & Jan Willems, « L'OTAN vous voit », in<br />

Jan Willems dir., « Dossier Gladio », E.P.O. - Reflex,<br />

Bruxelles, 1991, p. 151)<br />

[2] : (Hugh O'Saughnessy, The Observer, (Londres), trad.<br />

« Gladio, le secret le mieux gardé d’Europe » in Courrier<br />

International, n° 85, 18/6/1992, pp. 8-10)<br />

[3] : (Document cité par Roberto Chiodi in « Gelli et<br />

Kissinger », l'Espresso, 25/11/1990)<br />

[4] : (François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[6] : (Stef Janssens & Jan Willems, « La matraque de<br />

l'OTAN », in Jan Willems dir., op. cit., pp. 147, 149)<br />

[7] : (R. Cantore, « Gladio, nomi e cognomi », L’Européo,<br />

23/11/1990, p. 10)<br />

[8] : (Yves Cartulyvels, « La confirmation officielle de l’existence<br />

du réseau Gladio et de l’intervention clandestine<br />

américaine en Italie », in Jan Willems dir., op. cit., p. 128)<br />

[9] : (Appendice 3 de l’annexe N Affaires civiles, Uscinceur<br />

Oplan n. 100-1 : « Accord sur le statut des forces rappelées<br />

d’urgence »)<br />

[10] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 199)<br />

[11] : (Gilles Perrault, « Du service secret au gouvernement<br />

invisible », Le Pavillon, 9/1970, p. 26)<br />

[12] : (Actualités soviétiques, 6/2/1978, cité par Jean-<br />

François Brozzu-Gentile, op. cit., pp. 96-97)<br />

[13] : (L’Express, 15/11/1990, cité par Jean-François<br />

Brozzu-Gentile, op. cit., p. 97)<br />

Dans les derniers mois de la Seconde<br />

Guerre mondiale, un service de<br />

contre-espionnage américain, la<br />

branche X2 de l'OSS (Office of<br />

Strategic Services [ancêtre de la CIA]),<br />

fut chargé de localiser les agents<br />

nazis restés sur place après le repli de<br />

la Wehrmacht : les "stay-behind"<br />

[reste-en-arrière]. Plutôt que de les<br />

arrêter et de les fusiller, [… il fut décidé]<br />

d'en retourner le plus grand<br />

nombre et de les enrôler en vue de la<br />

Guerre mondiale suivante, celle qui<br />

opposerait le "monde libre" au "péril<br />

communiste" [1]. [...]<br />

Cette opération débuta en Italie avec le<br />

retournement du chef des escadrons de<br />

la mort (Decima Mas ["une unité d’élite<br />

mussolinienne" [2]], le prince Valerio<br />

Borghese, qui révéla les noms de ses<br />

agents pour les sauver. [Voir « Enfants<br />

de Salo à la botte de l’oncle Sam », p. 62]<br />

[... Les] stay-behind français furent identifiés<br />

et recrutés après le retournement<br />

du secrétaire général de la police, René<br />

Bousquet.<br />

À la capitulation de l'Axe, l'opération fut<br />

étendue à l'Allemagne elle-même jusqu'à<br />

retourner le général Reinhard<br />

Gehlen, ex-chef du service secret de la<br />

Wehrmacht sur le front de l'Est. [Voir<br />

« Gai Gehlen », p. 93] » [3]<br />

« Les agents nazis, fascistes et oustachis,<br />

dont les fonctions étaient publiques ne<br />

pouvaient être réemployés en Europe. Ils<br />

furent donc déplacés en Amérique latine<br />

où ils pouvaient être utilisés [Voir « On<br />

scandait "le fascisme ne passera pas" ? Le<br />

43 L’Empire du bien en général


plan Condor passa ! », p. 550]. Leur exfiltration<br />

fut réalisée par le Saint-Siège, qui<br />

partageait leur logique, sous la responsabilité<br />

de M gr Giovanni Battista Montini<br />

[Futur pape sous le nom de Paul VI ]. [...]<br />

Officiellement, le National Security Act,<br />

validé par le Congrès en 1947, pérennise<br />

en temps de paix un dispositif militaire<br />

général qui comprend une agence de<br />

renseignements extérieurs, la CIA,<br />

dénuée de toute compétence pour<br />

conduire des "opérations spéciales". [...<br />

Mais] c'était le début de la<br />

guerre [...] "froide".<br />

Revenant illégalement sur la<br />

décision du Congrès, Harry<br />

S. Truman institua en secret<br />

un nouveau service pour<br />

conduire des opérations de<br />

guerre en temps de paix.<br />

L'Organisation Gehlen et le<br />

réseau stay-behind en fournirent<br />

immédiatement les<br />

fondements.<br />

La seule base juridique des<br />

opérations spéciales est […<br />

une directive du NSC,<br />

National Security Council ,<br />

Conseil National de<br />

Sécurité, de] 1948 [4]. Classée top<br />

secret, elle n'a été rendue publique que<br />

cinquante ans plus tard [5]. [... Elle] stipule<br />

que les opérations du réseau seront<br />

planifiées et conduites sous l'autorité<br />

d'un Bureau [l’OPC, Office of Policy<br />

Coordination] [Voir : « Aux paies, c’est<br />

l’O.P.C. », p. 45] administrativement rattaché<br />

à la CIA [... mais seulement] pour<br />

bénéficier d'un financement légal. [...<br />

Le] secret de l'existence même du<br />

Bureau fut conservé.<br />

La compétence du Bureau […, l’OPC,<br />

comprend] "[toutes] activités, conduites<br />

ou favorisées par le Gouvernement<br />

contre des États ou des groupes hostiles,<br />

L’Empire du bien en général 44<br />

ou de soutien d'États ou de groupes<br />

amis, mais qui sont planifiées et exécutées<br />

de sorte que la responsabilité d'aucun<br />

Gouvernement [présent ou à venir]<br />

des États-Unis ne puisse apparaître aux<br />

personnes non-autorisées, ou que, si<br />

elles sont découvertes, le Gouvernement<br />

des États-Unis puisse en dénier plausiblement<br />

la responsabilité. [...]". » [6]<br />

Cette « directive [... a permis des] millions<br />

de morts et de torturés [... et a<br />

incrusté nombre de] tyrans "anticommunistes<br />

locaux" [...] en<br />

Afrique, en Asie et en<br />

Amérique latine. » [7]<br />

« L'organisation interne du<br />

réseau a été définie dans<br />

un mémorandum secret,<br />

rédigé par le premier directeur<br />

du Bureau [OPC] à l'attention<br />

du directeur de la<br />

CIA. Il est divisé en cinq<br />

groupes fonctionnels :<br />

- le Groupe de guerre psychologique<br />

[chargé de la<br />

propagande. Et là un<br />

"agent secret" pourrait aussi<br />

bien être une "vedette<br />

médiatique"] (presse, radio,<br />

rumeurs, etc.) ;<br />

- le Groupe de guerre politique [chargé<br />

de la subversion d'États hostiles] (aide à<br />

la résistance dans les États communistes,<br />

aide aux mouvements en exil, aide aux<br />

mouvements anticommunistes dans les<br />

pays libres, encouragement aux transfuges)<br />

;<br />

- le Groupe de guerre économique<br />

(empêchement d'achat de fournitures,<br />

manipulation des marchés, marché noir,<br />

spéculation sur les monnaies, contrefaçon,<br />

etc.) ;<br />

- le Groupe d'action directe préventive<br />

(aide aux guérillas, sabotage, contresabotage,<br />

destruction, exfiltration, stay-


ehind) ;<br />

- le Groupe "divers".<br />

Pour Truman et son équipe, la nouvelle<br />

guerre [...] est politique, économique et<br />

psychologique et oppose l'Occident au<br />

communisme. [...] Tous les moyens doivent<br />

être mobilisés pour que les<br />

Occidentaux se reconnaissent dans le<br />

camp américain, s'identifient au "monde<br />

libre", se préparent à se sacrifier pour lui.<br />

Le stay-behind n'est qu'une arme particulière<br />

dans cette croisade. L'expression<br />

"stay-behind" était utilisée par les services<br />

britanniques pour désigner ses<br />

agents restés en arrière de la ligne de<br />

front [... et ayant souvent à] organiser<br />

une résistance locale en bénéficiant du<br />

parachutage d'armes et de moyens de<br />

transmission. Pendant la guerre froide,<br />

l'idée [parut logique] de ne pas attendre<br />

une occupation soviétique de l'Europe<br />

occidentale pour y préparer l'infrastructure<br />

de réseaux de résistance [... et d’y]<br />

recruter [...] des anticommunistes habitués<br />

à l'action secrète [...]. Outre les<br />

agents nazis retournés [..., on] continua<br />

à recruter des personnels dans les<br />

milieux d'extrême droite pour la nouvelle<br />

structure américaine. » [6] [Voir « Les<br />

chiens de garde nationalistes », p. 181]<br />

Pour « certains, il faudrait limiter l’appellation<br />

"stay behind" aux agents nazis<br />

retournés, pour d’autres, à la première<br />

vague d’agents de l’OPC. Dans la mesure<br />

où il y a eu un maître d’œuvre<br />

constant, le "Bureau de coordination"<br />

secret au sein de la CIA, caché même au<br />

Congrès US, agissant avec une idéologie<br />

persistante contaminée par l’extrême<br />

droite, nous appellerons "stay behind"<br />

[...] les réseaux et stratégies initiées,<br />

contrôlées ou agréées par l’OPC ou ses<br />

héritiers. » [8]<br />

[1] : (Tom Brower, « OSS. The Secret History of America's<br />

First Central Intelligence Agency » , University of California<br />

Press, 1972)<br />

[2] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 47)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html, cité par François-Xavier Verschave, « Noir<br />

Chirac », Les Arènes, 3/2002, pp. 35-36)<br />

[4] : (La National Security Council Directive on Office of<br />

Special Projects (NSC 10/2) du 18/6/1948)<br />

[5] : (« Foreign Relations of the United States, 1945-1950<br />

Emergence of the Intelligence Establishment »,<br />

Governement Printing Office, 1996)<br />

[6] : (Thierry Meyssan, op. cit., cité partiellement par<br />

François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 36-38)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 38)<br />

[8] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 39 n. i)<br />

« Entre 1947 et 1960, se met en place<br />

un appareil clandestin de guerre secrète<br />

au cœur de l'Etat américain. [... Son<br />

corps principal est initialement dénommé]<br />

Office of Policy Coordination<br />

(O.P.C.) [Bureau de Coordination<br />

Politique des stay behind], un organisme<br />

spécialisé dans les opérations<br />

clandestines, [...] rattaché à la [CIA]<br />

(créée en 1947), mais largement<br />

autonome et dirigé par Frank Wisner<br />

[1] » [2], jusqu’en « 1958. Il [...] a<br />

été choisi par le secrétaire d'État, le<br />

général George Marshall » [3],<br />

l’« auteur du fameux plan » [4].<br />

« William Colby écrit : "Débordant de<br />

dynamisme et d'intelligence, Wisner ne<br />

ménagea pas sa peine et, en quelques<br />

mois, [...] mit sur pied, dans le monde<br />

entier, une espèce de nouvel ordre des<br />

Templiers, chargé de défendre la liberté<br />

occidentale contre l'obscurantisme communiste...<br />

et la guerre". » [5] « Colby<br />

[... parle d’une] "espèce de nouvel ordre<br />

des Templiers" ; les stay behind vont en<br />

effet multiplier les cercles initiatiques.<br />

45 L’Empire du bien en général


Adjoint puis directeur de la toute neuve<br />

CIA [Voir « Sied à ravir », p. 571], Allen<br />

Dulles n’était pas homme à partager. La<br />

CIA obtient la tutelle de l’OPC, qui resta<br />

cependant une organisation ultra-secrète<br />

» [4] « En contrepartie de sa perte d'indépendance,<br />

Frank G. Wisner disposa<br />

de moyens accrus, notamment d'un<br />

Centre de guerre psychologique, installé<br />

à Fort Bragg [...] devenu l'une des plus<br />

importantes bases militaires dans le<br />

monde [... et où] stationnent les unités<br />

spéciales, les "bérets verts". » [6] On s’y<br />

prépare. Ainsi, une « formation aux<br />

Affaires civiles à Fort Bragg a pour objet<br />

de préparer des personnels aptes à<br />

administrer des territoires occupés, dans<br />

le cadre de missions de maintien de la<br />

paix, et à y maximiser l'influence américaine<br />

[7]. » [8]<br />

Le « réseau disposait déjà, en 1952, de<br />

trois mille collaborateurs, de quarantesept<br />

postes à l'étranger et d'un budget<br />

annuel de deux cents millions de dollars.<br />

» [9] « Wisner [… revendique] la<br />

création de syndicats non communistes<br />

en Europe [... comme Force Ouvrière]<br />

[Voir « Syndicats cassés », p. 576], le renversement<br />

des gouvernements de<br />

Mossadegh en Iran [1953] et Arbenz au<br />

Guatemala [1954]. » [6] « Des opérations<br />

moins probantes ont été conduites » [3]<br />

ailleurs.<br />

Depuis « 1973, le dispositif [... s’appelle]<br />

Direction des opérations. » [8] « L'appareil<br />

clandestin inclut également les<br />

réseaux stay-behind [...] [10] [... qui]<br />

accueillent notamment d'anciens collaborateurs<br />

fascistes et nazis, parfois "blanchis"<br />

avec l'aide du Vatican [11]. [...]<br />

Quant au financement des activités clandestines,<br />

il est assuré par un véritable trésor<br />

trouvé aux Philippines, à la fin de la<br />

guerre du pacifique [...] : des lingots d'or<br />

résultant du pillage des richesses de<br />

L’Empire du bien en général 46<br />

l'Asie par le régime japonais, plus précisément<br />

par une organisation secrète liée<br />

aux dirigeants de Tokyo, le Lys<br />

d'Or. [12] » [2] De l’argent, il en faut ! Car<br />

qui paye les gladiateurs ? C’est l’OPC…<br />

Mais les dons sont les bienvenus.<br />

« En 1986, les armes du Gladio, enfouies<br />

dans des conteneurs disséminés dans<br />

toute l'Europe, furent remplacées. Le<br />

réseau fut doté du matériel de transmission<br />

crypté le plus sophistiqué, le<br />

Harpoon. Ces acquisitions furent facturées<br />

par les Américains à chaque État<br />

membre. » [3] Et quand le réseau est dit<br />

dissous, c’est pas cher.<br />

[1] : (Cf. John Kenneth McDonald, « Les premières actions de<br />

la CIA vers l'Europe », in J. Delmas et J. Kessler dir.,<br />

« Renseignement et propagande pendant la guerre froide<br />

(1947-1953) », Complexe, 1999)<br />

[2] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain. Crises,<br />

restaurations, dissidences », Ecologie sociale, n° 3, 2-3/2003,<br />

p. 19, Arguments pour une Ecologie Sociale – BP 642 –<br />

85016 La Roche-sur-Yon, 3,5 euros)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les Arènes,<br />

3/2002, p. 39)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, op. cit., cité par François-Xavier<br />

Verschave, op. cit., p. 39)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 39, d’après Thierry<br />

Meyssan, op. cit.)<br />

[7] : (« Les Actions civilo-militaires. De l'urgence au développement<br />

: quels outils pour la France ? », Rapport n° 3167, présenté<br />

par Robert Gaïa le 20/6/2001, Assemblée nationale,<br />

Commission de la Défense. Ce rapport cite en exemple pour<br />

la France la cohérence de la doctrine américaine.)<br />

[8] : (Thierry Meyssan, op. cit., cité par François-Xavier<br />

Verschave, op. cit., p. 40)<br />

[9] : ([5], d’après Major D. H. Berger, « The Use of Covert<br />

Paramilitary Activity as a Policy Tool : An Analysis of Operations<br />

Conducted by the US CIA, 1949-1951 », US Marine Corps<br />

Command éd)<br />

[10] : (Cf. Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio. Les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994 ; Eric Denécé, « Forces spéciales,<br />

l'avenir de la guerre ? De la guérilla aux opérations clandestines<br />

», chap. V, Editions du Rocher, 2002)<br />

[11] : (Cf. notamment Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir »,<br />

Stock, 1978)<br />

[12] : (Cf. Sterling & Peggy Seagrave, « Opération Lys d'Or »,<br />

Michalon, 2002)


« À l'initiative [... notamment] du baron<br />

Benoît de Bonvoisin [1], le Bureau<br />

[OPC] a utilisé comme couverture plusieurs<br />

associations sectaires [2].<br />

Elles étaient toutes financées par l'entremise<br />

du Public Information Office (PIO) de<br />

l'OTAN à Bruxelles. [...] Le PIO a été fermé<br />

en 1978, mais ses activités subsistent sous<br />

une autre appellation. Le PIO manipulait<br />

[... notamment] le CEPIC [Voir « CEPIC,<br />

c’est épique ! », p. 89] » [3].<br />

« Ainsi, dans les années 70, l'Ordre souverain<br />

et militaire du Temple de Jérusalem<br />

(OSMTJ) fut utilisé par Charly Lascorz et le<br />

député Claude Marcus en lien avec le SAC<br />

de Jacques Foccart [Voir « OSMTJ »,<br />

p. 157] ; de même pour l'Ordre rénové du<br />

Temple (ORT) de Raymond Bernard et de<br />

Julien Origas [...], puis de Luc Jouret.<br />

Enfin, l'Ordre du Temple solaire (ORT)<br />

[Voir « Carcan solaire », p. 162] de Luc<br />

Jouret [médecin homéopathe pour la galerie,<br />

il était paracommando belge, engagé<br />

volontaire lors de l'opération Kolwezi, en<br />

1978 ; il était membre du Gladio, rémunéré<br />

par le PIO] et Joseph Di Mambro. » [3]<br />

L’homéopathie, ça ne peut pas faire de<br />

mal...<br />

[1] : (Philippe Brewaeys et Jean-Frédérick De Liège, « de<br />

Bonvoisin et Cie. De Liège à Bruxelles, les prédateurs de<br />

l’Etat », EPO, 1992)<br />

[2] : (Patrice Chairoff, « Faux chevaliers, vrais gogos. Enquête<br />

sur les faux ordres de chevalerie », Jean-Cyrille Godefroy éd.,<br />

1985. « Rapport de la Commission d'enquête parlementaire<br />

visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques<br />

illégales des sectes et le danger qu'elles représentent<br />

pour la société et pour les personnes, particulièrement les<br />

mineurs d'âge », Chambre des Représentants de Belgique, n°<br />

313/7, 28/4/1997, www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

20/8/2001,http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

« En 1949, les premiers accords<br />

furent intégrés dans un système multilatéral<br />

incluant la Belgique, les Pays-<br />

Bas, le Luxembourg, la France et le<br />

Royaume-Uni [...] géré par le Comité<br />

clandestin de l'Union occidentale<br />

(CCUO).<br />

[... Ouvert ensuite] à de nouveaux États,<br />

[... le] CCUO devint [...] le Comité clandestin<br />

de planification (CPC, Clandestine<br />

Planning Committee) puis, en 1958, le<br />

Comité allié de coordination (ACC, Allied<br />

Coordination Committee) » [1] lorsque<br />

« les Etats-Unis [en] sont devenus<br />

membres [… L’ACC] était un organisme<br />

international travaillant avec l’OTAN,<br />

mais où chaque Etat restait autonome.<br />

Les années suivantes, l’Allemagne,<br />

l’Italie, le Danemark et la Norvège rejoindront<br />

l’ACC. » [2]<br />

Cette « Allied Coordination Committee<br />

(ACC), dont le quartier général était installé<br />

à Bruxelles, visait à "organiser la<br />

résistance par des méthodes de guerre<br />

non [conventionnelles] en cas d'occupation<br />

communiste", par le développement<br />

de réseaux ‘dormants’ (stay-behind)." [3]<br />

Et, donc, l’ACC est un comité de concertation<br />

qui a pour mission de préparer en<br />

temps de paix la coordination des activités<br />

Stay-Behind » [2].<br />

« Le fondement juridique de ce dispositif<br />

est fourni par des protocoles secrets du<br />

Traité de l'Atlantique-Nord. Il n'est pas<br />

intégré pour autant à l'Organisation du<br />

Traité (OTAN), de sorte que le retrait<br />

français de l'OTAN (1966-95) n'a nullement<br />

impliqué son retrait du dispositif.<br />

47 L’Empire du bien en général


La supervision du CCUO-CPC-ACC est<br />

assurée par les Anglo-Américains qui se<br />

sont réparti des zones d'influence : aux<br />

Britanniques le Benelux et la péninsule<br />

ibérique, aux Américains, tout le reste. » [1]<br />

« Depuis 1968, le Comité de liaison<br />

(CCUO-CPC-ACC) a été renforcé, selon<br />

une articulation et des modalités obscures,<br />

par une réunion annuelle de<br />

contact des services secrets européens,<br />

le Club de Berne. » [4]<br />

« Lors de la [...] réunion de l’ACC à<br />

Bruxelles, les 23 et 24 octobre 1990, il a<br />

été débattu de l’avenir de l’ACC, vu l’évolution<br />

des relations Est-Ouest en Europe.<br />

[... C’était] quelques jours avant la<br />

dénonciation du scandale italien [..., la<br />

révélation de l’existence de Gladio, que<br />

l’Europe apprend,] alors que chaque<br />

Etat s’évertue de manière absurde à fixer<br />

une date fantasmatique de dissolution<br />

de ces réseaux secrets. » [5] Mais maintenant,<br />

c’est fini, non ?<br />

[1] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html, cité par François-Xavier Verschave, op. cit.,<br />

p. 39)<br />

[2] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 134-135)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le coup d’État du 13 mai 1958.<br />

Quand le stay-behind portait De Gaulle au pouvoir »,<br />

Notes d'information du Réseau Voltaire, n° 231-232,<br />

27/08/2001, p. 18 n. 5, http://www.voltairenet.org/article8694.html)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, op. cit.)<br />

[5] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit.,<br />

pp. 135-136)<br />

« Selon le colonel Oswald Le Winter,<br />

ancien officier traitant du Gladio au<br />

sein de la CIA, les protocoles additionnels<br />

du Traité de l'Altantique-<br />

L’Empire du bien en général 48<br />

Nord stipulent notamment que les<br />

États membres renoncent à poursuivre<br />

les agissements de groupes<br />

d'extrême droite lorsque ceux-ci sont<br />

utilisés pour les besoins du service.<br />

Protégeons notre planète<br />

Ces documents auraient été signés pour<br />

la France par Robert Schuman, alors président<br />

du Conseil » [1] et « Père de<br />

l'Europe ». Le colonel Le Winter le dit<br />

ainsi : « Il y avait un amendement au<br />

protocole de l’OTAN et cet amendement<br />

était indispensable. On n’entrait pas à<br />

moins de l’avoir signé. L’amendement<br />

demandait l’accord du gouvernement<br />

de ne pas poursuivre les militants d’extrême<br />

droite, les activistes de droite, les<br />

militants anticommunistes dans leur<br />

propre pays ! » [2]<br />

De même, un « ancien agent de la<br />

CIA,qui occupa pendant près de vingt<br />

ans un poste de choix au sein du renseignement<br />

américain, rappelle le protocole<br />

secret de l’OTAN [... au] terme duquel<br />

les pays membres renoncent à toute<br />

poursuite des activités de la droite extrême,<br />

condition sine qua non du ralliement<br />

du candidat aux côtés des puissances<br />

atlantiques. » [3] « Jean-Marie Le<br />

Pen, ses semblables et leurs hommes de


main ont bénéficié d’une incroyable<br />

bienveillance, pour ne pas dire complicité<br />

de tous les pouvoirs exécutifs français<br />

depuis 1958. Ainsi donc, l’impunité pourrait<br />

avoir une cause protocolaire… » [4]<br />

[1] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d'information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html)<br />

[2] : (in Allan Francovitch, « Time Watch », BBC2, Observer<br />

Film Company, cité par J.-F. Brozzu Gentile, « L'Affaire<br />

Gladio », Albin Michel, 3/1994, p. 179)<br />

[3] : (J.-F. Brozzu Gentile, op. cit., pp. 185, 284 n. 15,<br />

d’après Stern, 11/1990)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 38-39)<br />

Le réalisateur américain « Allan<br />

Francovich [… avait] réalisé une<br />

enquête sur le réseau Gladio [1], [...]<br />

provoquant ainsi la réouverture du<br />

procès Aldo Moro en Italie ainsi que<br />

diverses démissions dans les gouvernements<br />

européens. » [2] La série de<br />

trois émissions qu’il avait réalisé fut<br />

diffusée sur BBC2. Elle fut accompagnée<br />

d’un long article sur Gladio,<br />

publié dans The Observer [3].<br />

Ce fut aussi une « émission diffusée en<br />

France, à une heure pour le moins innocente<br />

: 8 heures du matin. » [4]<br />

Plus tard, « Arte [a diffusé] le 19 janvier<br />

[1996] l'enquête d'Allan Francovich sur<br />

l'affaire du crash de Lockerbie [5]. Ce<br />

document, diffusé la première fois en<br />

novembre 1994 au Royaume-Uni, établit<br />

les vraies responsabilités de l'attentat.<br />

Depuis sa publication, seuls les États-<br />

Unis et la France continuent à accuser la<br />

Libye ». [2] De ce film, « il ressort clairement<br />

que tout se savait et que rien n’a<br />

été empêché. [... Pour] découvrir la<br />

bombe, il aurait fallu de véritables<br />

contrôles de sécurité dans l’aéroport de<br />

Francfort, mais ces contrôles auraient<br />

permis, en cueillant la bombe, de mettre<br />

aussi à jour un vaste trafic de drogue<br />

moyen-oriental couvert [pour une infiltration<br />

?] par les services secrets américains<br />

et transitant, depuis quelques<br />

temps, via Francfort, par les avions de la<br />

Pan Am. [... L’auteur de l’attentat]<br />

connaissant l’énorme brèche laissée par<br />

les services de sécurité dans l’aéroport<br />

allemand, décide que c’est sur ce vol<br />

que sera placée [sa] bombe. Le soir du<br />

21 décembre 1988, deux cent soixante<br />

dix [… personnes en] meurent ». [6]<br />

On a su se débarrasser du méchant<br />

gêneur. « Le journaliste d'investigations<br />

Allan Francovich est décédé en douane<br />

à l'aéroport de Houston le 18 avril 1997.<br />

Il aurait succombé à une crise cardiaque,<br />

ce que contestent ses proches. [...] Selon<br />

Le Monde du renseignement, Francovich<br />

se rendait aux États-Unis pour enregistrer<br />

le témoignage de l'assassin d'Olof<br />

Palme qu'il aurait identifié. » [7] [Voir<br />

« Palme inacadémique », p. 662]<br />

[1] : (Allan Francovich, « Gladio, les meneurs de jeu »,<br />

Observer Film Company, 1992)<br />

[2] : (« Prochaine diffusion en France d'une enquête sur<br />

l'attentat de Lockerbie », Réseau Voltaire, 8/1/1996, (RV<br />

96/0025))<br />

[3] : (Hugh O'Saughnessy, The Observer, trad. « Gladio, le<br />

secret le mieux gardé d’Europe » in Courrier International,<br />

N° 85, 18/6/1992, pp. 8-10)<br />

[4] : (Jean-François Brozzu Gentile, « L'Affaire Gladio. Les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 155)<br />

[5] : (« The Maltese Double Cross », trad. « L’imposture<br />

maltaise »)<br />

[6] : (Elisabeth Cacheux, « L’imposture maltaise. Anatomie<br />

d’un film pas comme les autres », Maintenant, 22/2/1995,<br />

pp. 4-5)<br />

[7] : (« Allan Francovich aurait découvert l'organisation du<br />

complot ayant éliminé Olof Palme, "l'arbre suédois" »,<br />

Réseau Voltaire, 7/7/1997, (RV 97/0354))<br />

49 L’Empire du bien en général


On a un bon plan !<br />

« "Nous pensons que la première partie<br />

de notre action politique doit être<br />

de favoriser l’installation du chaos<br />

dans toutes les structures du régime.<br />

Il est nécessaire de commencer par<br />

miner l’économie de l’Etat pour arriver<br />

à créer une confusion dans tout<br />

l’appareil légal. Cela apporte une<br />

situation de forte tension politique,<br />

de peur dans le monde industriel,<br />

d’antipathie envers le gouvernement<br />

et tous les partis, dans ce but doit<br />

être prêt un organisme efficient<br />

capable de réunir et de ramener à lui<br />

tous les mécontents de toutes les<br />

classes sociales afin de réunir cette<br />

vaste masse pour favoriser notre<br />

révolution. [...]" [1]<br />

[...] Ce document [...] a été retrouvé au<br />

mois d’octobre 1974 dans les archives<br />

de l’Agence Aginter-Presse. Il faisait partie<br />

d’une série de rapports envoyés par<br />

l’agence à ses correspondants italiens,<br />

des journalistes et des militants du mouvement<br />

néo-nazi Ordine Nuovo, au mois<br />

de novembre 1968, c’est-à-dire au<br />

moment même où débute en Italie la<br />

stratégie de la tension. » [2]<br />

« Cette officine internationale d'extrême<br />

droite [...] avait son quartier général au<br />

Portugal durant les dernières années du<br />

régime fasciste d'Antonio Salazar. [...]<br />

Aginter press servit de courroie de transmission<br />

entre la police politique portugaise,<br />

les groupes néofascistes internationaux<br />

et des services parallèles nordaméricains.<br />

» [3] « En effet, [...] Aginter<br />

Press, fondée par des anciens de l'OAS<br />

[Voir « Barricades Academy », p. 120],<br />

L’Empire du bien en général 50<br />

constituait le principal point de référence<br />

de l'internationale fasciste en Europe.<br />

Aginter Press était [...] généreusement<br />

alimentée par l'aile droite du parti républicain<br />

américain dont le sénateur<br />

Goldwater était le principal représentant.<br />

C'était par ce biais que cette "agence<br />

de presse" avait des rapports directs<br />

avec la CIA. Aginter Press représentait en<br />

effet une des principales structures logistiques<br />

et de liaison au sein de l'internationale<br />

du terrorisme noir en Europe<br />

tout en étant structurellement à l'intérieur<br />

du dispositif Gladio. » [4]<br />

Le « président d’Aginter, le capitaine<br />

[Yves Félix Marie] Guillou, alias Ralf<br />

Guérin-Serac [...] collectionne les décorations<br />

militaires et les blessures d’ancien<br />

combattant de Corée, d’Indochine et<br />

d’Algérie (au 11 e choc, unité de paras à<br />

la disposition du service "Action" du<br />

SDECE). » [5] C’est « un fanatique national-catholique<br />

et ancien barbouze de<br />

l'OAS (Organisation armée secrète, groupe<br />

terroriste partisan de l'Algérie française).<br />

[...] Lorsqu’il faisait partie de<br />

l’Organisation armée secrète, [il] s’était


spécialisé dans les techniques terroristes.<br />

Après la défaite des partisans de l’Algérie<br />

française, Guérin-Sérac se réfugia, sous<br />

la protection du dictateur Salazar, au<br />

Portugal. Il y fondera l’agence Aginter<br />

Press » [3], « qui avait installé dans la<br />

capitale portugaise une véritable école<br />

des techniques de subversion et de terrorisme.<br />

» [6]<br />

« Au nom de la lutte contre le communisme,<br />

cette structure internationale<br />

avait pour vocation la réalisation d’opérations<br />

de déstabilisation, entre autres<br />

en collaboration avec des services spéciaux<br />

nord-américains. Cette étrange<br />

agence orchestra par exemple une partie<br />

de la "stratégie de la tension" qui<br />

secoua l’Italie à partir de 1969. Cinq ans<br />

plus tard, après la Révolution portugaise<br />

[des Œillets], on retrouvera [… donc]<br />

dans les bureaux de Guérin-Sérac cette<br />

note particulièrement explicite sur ses<br />

manœuvres [... et qui dit en particulier] :<br />

"La première phase de notre activité politique<br />

consiste à créer le chaos dans<br />

toutes les structures du régime. Deux<br />

formes de terrorisme peuvent provoquer<br />

cette situation : le terrorisme aveugle<br />

(commettre des attentats au hasard qui<br />

font de nombreuses victimes [pour "briser<br />

la confiance du peuple en désorganisant<br />

les masses pour mieux les manipuler"<br />

[7]]) et le terrorisme sélectif (éliminer<br />

des personnes précises [pour "casser l’appareil<br />

politique et administratif en éliminant<br />

les cadres de cet organisme" [7]]).<br />

La destruction de l’Etat démocratique<br />

doit s’opérer autant que possible sous le<br />

couvert d’activités communistes [...] [Voir<br />

« “Les années de poudre” », p. 57].<br />

Ensuite, nous devons intervenir au sein<br />

de l’armée, du pouvoir judiciaire et de<br />

l’Eglise, pour travailler l’opinion<br />

publique, proposer une solution et faire<br />

apparaître clairement l’impuissance de<br />

l’appareil légal existant. Cela suppose<br />

donc une phase d’infiltration, de récolte<br />

des informations et de pression sur les<br />

organes vitaux de l’Etat par le biais de<br />

nos cadres. La pression psychologique<br />

sur nos amis et nos ennemis doit être<br />

telle qu’un courant de sympathie se<br />

forme à l’égard de notre organe politique<br />

et que l’opinion publique soit polarisée<br />

de manière à ce qu’on nous présente<br />

comme le seul instrument capable<br />

de sauver la nation. [... Il] est évident<br />

que nous devons disposer de moyens<br />

financiers considérables pour pouvoir<br />

exercer de telles activités." [1] » [3] On<br />

les trouva.<br />

[1] : (Document d’Aginter Presse intitulé « Notre action<br />

politique », cité in [2] ; in Jean-François Brozzu-Gentile,<br />

« L'Affaire Gladio, les réseaux secrets américains au cœur<br />

du terrorisme en Europe », Albin Michel, 3/1994,<br />

pp. 89-90 et in Jan Willems dir., « Dossier Gladio », EPO –<br />

Reflex, 1991, p. 89)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 169-170)<br />

[3] : (« Aginter press et l’agent Guérin-Sérac au service de<br />

l’Occident chrétien », RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs8.html)<br />

[4] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Troisième partie : Le terrorisme "atlantique" »,<br />

Les Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[5] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit., pp. 228-229)<br />

[6] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 135)<br />

[7] : (Un des cours théoriques d’Aginter Press, cité par<br />

Frédéric Laurent, op. cit., p. 136)<br />

Nous avons vu<br />

le rôle de Guérin-<br />

Sérac. « Son second<br />

est Robert<br />

Leroy. » [1] qui a<br />

« été l’un des<br />

agents opérationnelsd’Aginter-Presse<br />

les plus<br />

efficaces. [... Il]<br />

est né en 1908 à<br />

Paris. A quinze ans, il entre dans<br />

l’Action française, puis en 1936 il<br />

rejoint la Cagoule [Voir « Cagoule<br />

L’art », p. 32].<br />

51 L’Empire du bien en général


A l’arrivée<br />

du Front<br />

populaire, il<br />

passe en<br />

Espagne où<br />

il combat<br />

[...] dans [les<br />

rangs] de la<br />

Phalange.<br />

[... Il se]<br />

retrouve à<br />

Vichy, au service de renseignements [...<br />

puis s’ engage] en 1943 dans la Waffen-<br />

S.S. [...] dans la division "Charlemagne"<br />

sur le front de l’Est, puis devient instructeur<br />

à l’école de sabotage de Skorzeny [...].<br />

Arrêté à la Libération, il est condamné en<br />

novembre 1947 à vingt ans de travaux forcés.<br />

Il est libéré le 24 juin 1954.<br />

[Plus tard, il dira :] "[...] Séduit, j’adhère<br />

[...] au parti communiste prochinois [...],<br />

à toutes les associations franco-chinoises<br />

de Paris, Marseille, Toulon et Nice et aux<br />

cercles marxistes-léninistes du Val<br />

d’Aoste. J’ai même rédigé mon autocritique<br />

[...]" [2] La vocation pro-chinoise<br />

de Robert Leroy a une explication qu’il<br />

s’est bien gardé de révéler : l’ancien<br />

Waffen-S.S. travaille pour les services de<br />

renseignements de l’O.T.A.N. et pour les<br />

services secrets allemands du général<br />

Gehlen. » [3] [Voir « Gai Gehlen », p. 93]<br />

Lesquels ont besoin d’attentats « de<br />

gauche » dans la région.<br />

[1] : (« Le Terrorisme noir en Italie. Une histoire de<br />

réseaux », documentaire (2/2) de Fabrizio Calvi, Frédéric<br />

Laurent et Jean-Michel Meurice, 1997, rediffusé sur Arte le<br />

14/3/2001)<br />

[2] : (Entretien avec Jacques Derogy, L’Express Rhône-<br />

Alpes, 10/1974)<br />

[3] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 154-155)<br />

L’Empire du bien en général 52<br />

« La conférence de l’hôtel Parco dei<br />

Principi se tient les 2, 4 et 5 mai 1965.<br />

Discrètement financée par le bureau<br />

D du [... S.I.F.A.R. – le contre-espionnage<br />

italien, qui prendra le nom de<br />

S.I.D, "service d’information de la<br />

défense", cinq mois plus tard [1] -, elle<br />

porte] sur le thème de "la guerre révolutionnaire,<br />

instrument de l’expansion<br />

communiste dans le monde" [...].<br />

Présidée par un général parachutiste et<br />

par le président de la cour d’appel de<br />

Milan, la conférence est animée par un<br />

journaliste d’extrême droite très proche<br />

des services secrets [...]. Parmi les autres<br />

participants de la conférence figurent<br />

pratiquement tous les penseurs du néofascisme<br />

italien, quelques futurs putschistes<br />

et les principaux instigateurs de<br />

la stratégie de la tension. » [2]<br />

« Le thème central qui se dégage lors de<br />

la conférence, outre une intervention<br />

prophétique sur la "contre-révolution<br />

des officiers grecs", qui anticipe de deux<br />

ans le coup des colonels [Voir « Est bien,<br />

mon colon », p. 97], est celui de "la guerre<br />

psychologique comme instrument privilégié<br />

de la lutte réactionnaire". » [3]<br />

« Des hauts fonctionnaires militaires<br />

défendent la thèse que la guerre révolutionnaire<br />

communiste est la troisième<br />

guerre mondiale, qu’elle est commencée,<br />

et qu’une guerre contre-révolutionnaire<br />

est nécessaire pour bloquer cette<br />

offensive, en recourant si besoin au terrorisme.<br />

» [4] Puisque « "la troisième<br />

guerre mondiale [...] est commencée [...<br />

il faut créer des] groupes permanents<br />

d’auto-défense [...] qui n’hésitent pas à<br />

accepter la lutte, fût-ce dans les condi-


tions les moins orthodoxes, avec l’énergie<br />

et l’absence de préjugés nécessaires"<br />

[5]. [...]<br />

La conférence [...] s’attarde sur l’intervention<br />

de l’universitaire Pio Filippani<br />

Ronconi qui présente un "plan de défense<br />

et de contre-attaque", dont le point B<br />

suggère l’enrôlement de "personnes qui<br />

[...] pourraient provenir d’organisations<br />

armées, nationalistes, irrédentistes, de<br />

militaires en congé, etc. [...] et devraient<br />

être prêtes à appuyer, en tant que<br />

défense civile, les forces de l’ordre<br />

(armée, carabiniers, sûreté publique) si<br />

elles étaient contraintes à intervenir pour<br />

contrer une révolte sur la place<br />

publique". » [6] « La conférence est en<br />

fait le point de départ du vaste plan politico-militaire<br />

par lequel l’extrême droite<br />

italienne va tenter de mettre en place un<br />

appareil de coup d’Etat en exploitant la<br />

restructuration de l’armée italienne. [...]<br />

Le plan des fascistes du Parco dei Principi<br />

est simple. Ils espèrent que, leur projet<br />

retenu par l’état-major, ils pourront<br />

investir en force toutes les structures militaires.<br />

Ayant établi leur qualité d’experts<br />

en contre-révolution, ils se verront alors<br />

confier la constitution et la gestion des<br />

"groupes d’autodéfense permanents". Ils<br />

comptent évidemment trouver l’armature<br />

de ces groupes au sein des organisations<br />

d’extrême droite qu’ils contrôlent,<br />

et constituer ainsi, sous la couverture de<br />

l’état-major et du secret militaire, un véritable<br />

appareil putschiste.Toutes ces propositions<br />

sont accueillies avec enthousiasme<br />

par [le chef d’état-major] le général<br />

Aloja. [...] C’est ainsi qu’Aloja va s’attacher<br />

la collaboration de la plupart des<br />

orateurs de la conférence, faisant d’eux<br />

ses principaux collaborateurs, et les placer<br />

dans les services secrets. » [7] « La<br />

conférence du Parco dei Principi, et ce<br />

n’est pas un hasard, intervient au<br />

moment où le débat sur la restructuration<br />

des forces armées italiennes bat son<br />

plein. » [8] D’où, l’« entrée massive des<br />

néo-fascistes dans les services secrets italiens<br />

en 1966 » [9]. Bienvenue aux<br />

valeureux patriotes !<br />

[1] : (Yves Cartuyvels, « Les services secrets au cœur de la<br />

stratégie de la tension », in « Dossier Gladio », EPO –<br />

Reflex, 1991, p. 87)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 205)<br />

[3] : (Yves Cartuyvels, op. cit., pp. 87-88)<br />

[4] : (Le sénateur G. Pellegrino, dirigeant la Commission<br />

parlementaire sur les massacres, in « Le Terrorisme noir en<br />

Italie. Une histoire de réseaux », documentaire (2/2) de<br />

Fabrizio Calvi, Frédéric Laurent et Jean-Michel Meurice,<br />

1997, rediffusé sur Arte le 14/3/2001)<br />

[5] : (« La Guerra Rivoluzonara, atti del primo convegno di<br />

studio, promosso e organizzato dall’Instituto Alberto-<br />

Pollio », Giovanni Volpe Ef., Rome, 1965)<br />

[6] : (Jean-François Brozzu Gentile, « L'Affaire Gladio. Les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 88-89)<br />

[7] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 206-7)<br />

[8] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 202)<br />

[9] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 201)<br />

« La presse italienne<br />

a publié,<br />

lundi 7 janvier<br />

[1991], la liste<br />

[1] des 577<br />

membres [italiens]<br />

du réseau<br />

Gladio [… qui]<br />

avait été remise<br />

[...] au procureur<br />

de la<br />

53 L’Empire du bien en général


République de Rome dans le cadre de<br />

l'enquête ouverte après les révélations<br />

faites par le président du<br />

Conseil, M. Giulio Andreotti, sur<br />

l'existence de Gladio en Italie et [sur<br />

celle] de réseaux similaires mis en<br />

place dans d'autres pays européens<br />

sous l'égide de l'OTAN.<br />

Gladio a été officiellement dissous » [2]<br />

le « mercredi 28 novembre [1990], par<br />

une décision du président<br />

du Conseil, M.<br />

Giulio Andreotti, a<br />

annoncé, jeudi 29<br />

novembre, le général<br />

Paolo Inserilli, [...] chef<br />

d'état-major du SISMI<br />

(service de renseignement<br />

italien). Le général<br />

Inserilli avait été responsable<br />

de la formation des<br />

membres du réseau<br />

Gladio de 1974 à<br />

1980. » [3]<br />

« Pourtant, M. Andreotti<br />

avait, au mois d'août<br />

[1990], devant la commission<br />

parlementaire<br />

sur les massacres, affirmé<br />

que l'organisation Gladio<br />

n'était plus opérationnelle<br />

depuis 1972. Or, en novembre<br />

[1990], non seulement il reconnaissait la<br />

pérennité actuelle de l'organisation,<br />

mais il précisait que les présidents successifs<br />

du conseil avaient tous été informés<br />

de l'existence de Gladio. [...] M.<br />

Andreotti, six fois président du conseil et<br />

ministre à maintes reprises, est l'hommeclé<br />

du pouvoir en Italie depuis si longtemps<br />

que ses successives déclarations<br />

sur Gladio et ses contradictions ne peuvent<br />

relever de l'imprécision de la mémoire.<br />

» [4]<br />

Peu crédible, « M. Andreotti. [... est]<br />

revenu sur "l'équivoque" qu'il avait lui-<br />

L’Empire du bien en général 54<br />

même fait naître le 3 août [1990], en<br />

affirmant, à huis clos, [à] la commission<br />

parlementaire sur les attentats, que le<br />

réseau parallèle en question, dont la réalité<br />

était peu à peu mise à jour par le<br />

juge Casson, n'existait plus depuis 1972.<br />

"On m'avait informé que les dépôts<br />

d'armes [qui avaient été mis à la disposition<br />

de Gladio à partir de 1963] avaient<br />

été récupérés (127 conteneurs sur 139)<br />

à partir de cette année-là". D'où la<br />

confusion entre [prétendu]<br />

désarmement et cessation<br />

d'activité… » [5]<br />

« Ce service, dont l'existence<br />

n'a été reconnue<br />

que pour affirmer qu'il<br />

appartenait au passé, ne<br />

serait-il pas toujours<br />

actif ? Alors qu'il était<br />

censé n'avoir jamais existé,<br />

il a officiellement été<br />

dissous trois fois :<br />

d'abord en 1952, puis en<br />

1973, enfin en 1990. Et,<br />

s'il est toujours actif,<br />

manipulant en sous-main<br />

les institutions publiques,<br />

les démocraties occidentales<br />

ne sont-elles que<br />

des leurres ? [...]<br />

Officiellement les stay-behind furent dissous<br />

partout en Europe. En réalité, ils<br />

continuèrent à fonctionner sans rien<br />

changer, sous le commandement de<br />

Thomas A. Twetten, puis de David<br />

Cohen. » [6]<br />

Et ici ? [Voir « Place de Glaive », p. 104]<br />

La « situation est sé<strong>rieuse</strong> : un réseau<br />

clandestin de résistance non orthodoxe<br />

à la montée du PCF aurait existé en<br />

France, supervisé au plus haut niveau<br />

par les services secrets nationaux et américains<br />

dans le cadre de l’OTAN. Ce<br />

réseau aurait trempé dans la vague terroriste<br />

des années 70-80. Un silence


envahit la salle [de conférence de presse<br />

ce 13 novembre 1990].<br />

François Mitterrand s’exprime avec la<br />

mesure que dix ans de protocole élyséen<br />

ont imprimé à son discours et à ses<br />

gestes publics. [...] Les traits tirés et le<br />

regard maîtrisé, il confirme que ce<br />

réseau a existé sur le territoire national<br />

mais que sa dissolution est ancienne et<br />

fait de cette opération un avatar disgracieux<br />

de la lutte anticommuniste.<br />

"Quand je suis arrivé [...] il ne restait plus<br />

grand-chose à dissoudre. Il restait<br />

quelques résidus dont j’ai eu la connaissance<br />

avec une certaine stupeur, étant<br />

donné que tout le monde ne s’en souvenait<br />

plus." » [7] Comment dites-vous ?<br />

Gladio ?<br />

« François Mitterrand [Voir « Cagoule.<br />

L’art », p. 32] indiqua qu'il avait récemment<br />

ordonné au général Jean Heinrich,<br />

qui le dirigeait en qualité de chef du service<br />

Action de la DGSE, de le<br />

dissoudre. » [6]<br />

« La veille [...] le lundi 12 novembre<br />

1990, Jean-Pierre Chevènement [Voir<br />

« Jouer au jeu vainement », p. 229] a<br />

apporté de premières réponses aux<br />

interrogations françaises sur Gladio [...<br />

et] reconnaît [...] cet héritage de la guerre<br />

froide [...]. Cette structure de type<br />

Gladio a "été mise en place au début<br />

des années 50 pour permettre la liaison<br />

avec un gouvernement qui aurait du se<br />

réfugier à l’étranger dans l’hypothèse de<br />

l’occupation de son pays." [...]<br />

Chevènement ne relève pas dans les<br />

déclarations d’Andreotti le rôle prédominant<br />

de la représentation française au<br />

sein du Comité secret de planification<br />

[OPC] des réseaux Stay-Behind [… de<br />

l’OTAN]. La France aurait pourtant été à<br />

l’origine du réseau italien. [...]<br />

Dans le silence général, le témoignage<br />

de Constantin Melnik [Voir « Coup de<br />

main rouge », p. 133≤], responsable des<br />

services secrets français au cabinet du<br />

Premier ministre Michel Debré, de 1959<br />

à 1962, retentit. Il ne nie pas l’existence<br />

du réseau Glaive mais conteste formellement,<br />

en revanche, la présidence du<br />

Conseil italien sur le fait que les Français<br />

auraient, en 1959, convié les Italiens au<br />

sein des structures secrètes de l’OTAN. A<br />

l’en croire, la mission Glaive aurait été<br />

"probablement désactivée en France à la<br />

mort de Staline [... le 5 mars 1953 et]<br />

elle n’existait plus à l’époque où le général<br />

de Gaulle était au pouvoir". » [8]<br />

Cependant, « un représentant français<br />

assistait bien à la dernière réunion de<br />

"Gladio" selon des "milieux responsables<br />

55 L’Empire du bien en général


italiens", cités [... le 10 novembre 1990],<br />

par l'agence Ansa, démentant ainsi les<br />

déclarations de l'ancien responsable des<br />

services secrets français, M. Constantin<br />

Melnik. » [9]<br />

Bof ! En cas de révélation ultérieure malvenue,<br />

on peut toujours prétendre,<br />

comme jadis Andreotti, avoir été mal<br />

compris. Et tout peut continuer tant<br />

qu’on le nie. En fait, le « stay-behind [...]<br />

est en cours de reconstitution sous une<br />

nouvelle forme et se cherche un fondement<br />

juridique. » [10]<br />

[1] : (« Voici la liste des 959 membres de la loge P2 »,<br />

http://www.amnistia.net/news/gelli/lesnoms.htm)<br />

[2] : (Le Monde, 9/1/1991, d’après AFP)<br />

[3] : (Le Monde, 1/12/1990, d’après AFP)<br />

[4] : (François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990)<br />

[5] : (Patrice Claude, « Les rebondissements de l'affaire<br />

Gladio, le président de la république italien est cité<br />

comme témoin », Le Monde, 10/11/1990, p. 6)<br />

[6] : (Thierry Meyssan, « "Stay-behind" : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d’Information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html)<br />

[7] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 141, d’après la conférence<br />

de presse du 13/11/1990)<br />

[8] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit., pp. 142-143)<br />

[9] : (« Italie, les suites de l'affaire "Gladio". Le président<br />

de la République, M. Cossiga, est prêt à donner "toute<br />

information opportune" », Le Monde, 13/11/1990, p. 8)<br />

[10] : (« La France autorise l'action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, 9/3/2004, p. 3, http://www.voltairenet.org/article12786.html)<br />

Comment pourraient-ils bien agir<br />

dans l’ombre, de tels services secrets,<br />

s’ils étaient réputés encore exister ?<br />

Mais parfois, on reconnaît du bout des<br />

lèvres quelques activités : « L'Hôtel<br />

Matignon a discrètement préparé un<br />

décret [... pour] la veille du second tour<br />

de l'élection présidentielle [... de 2002] :<br />

plus de quarante ans après sa création,<br />

L’Empire du bien en général 56<br />

ce décret va officialiser l'existence du<br />

Groupe interministériel de contrôle, le<br />

fameux GIC, qui réalise les écoutes téléphoniques<br />

à la demande des magistrats,<br />

ou après autorisation du chef de cabinet<br />

du Premier ministre [Voir « Ecoute que<br />

coûtent », p. 439]. [... Bien] pour un<br />

pays dont les dirigeants ne cessent de<br />

pérorer sur "l'Etat de Droit". » [1]<br />

« Toute une organisation complexe<br />

s’est [en fait] constituée pour protéger<br />

les différentes sortes de secrets. Les<br />

règles de ce système sont elles-mêmes<br />

tenues secrètes, bien que la loi précise<br />

depuis 1978 que l’information du<br />

citoyen soit la règle, et le secret l’exception.<br />

[...] Le secret justifié par la<br />

raison d’Etat - qui, par définition, n’a<br />

pas elle-même à être argumentée -<br />

permet toutes les illégalités : cambriolages,<br />

écoutes téléphoniques, interconnexions<br />

d’ordinateurs, décisions<br />

arbitraires de toute nature. » [2]<br />

Mais, puisqu’on n’a même pas à discuter<br />

le bien–fondé du secret, on peut aussi<br />

dire que ces menus services « secrets »<br />

n’existent en fait que dans l’imagination<br />

des amateurs de « théories du complot<br />

» ! Déjà, le 7 mai 1966, le ministre<br />

de l'Intérieur Roger Frey claironnait à<br />

l'Assemblée nationale : « J'affirme solennellement<br />

- une fois pour toutes - qu'il<br />

n'y a pas en France de police parallèle et<br />

qu'il faut que cessent ces calomnies<br />

odieuses, ces racontars déshonorants,<br />

ces histoires de barbouzes... » [2] Enfin,<br />

puisqu’on vous le dit : Circulez, il n’y a<br />

rien à voir !<br />

[1] : (« Des écoutes enfin légales », Le Canard enchaîné,<br />

3/4/2002 p. 2)<br />

[2] : (Pierre Péan, « Secret d’Etat. La France du secret, les<br />

secrets de la France », Fayard, 9/1986, IV de couv.)<br />

[3] : (Cité in Patrice Chairoff, « Dossier B ... comme<br />

Barbouzes », Alain Moreau, 1975, p. 20)


VA TE FAIRE INFILTRER<br />

La révolte grondait durablement.<br />

« La République parlementaire, enfin, se<br />

vit contrainte, dans sa lutte contre la<br />

révolution, de renforcer par ses mesures<br />

de répression les moyens d'action et la<br />

centralisation du pouvoir gouvernemental.<br />

Toutes les révolutions politiques<br />

n'ont fait que perfectionner cette machine,<br />

au lieu de la briser. » [1]<br />

Et l’exécutif se renforce alors, jusqu’à<br />

pouvoir inspirer la terreur parmi les<br />

citoyens. La révolte – et notamment celle<br />

contre l’exécutif lui-même - est aussi utilisée,<br />

recyclée, métabolisée, pour permettre,<br />

en contre-coup, une prise de<br />

pouvoir encore accrue par l’exécutif, qui<br />

progresse vers un totalitarisme toujours<br />

plus affiché. D’où, pour des intégristes<br />

de l’Ordre – intégristes donc sans scrupules<br />

-, un « attachement à la subversion<br />

à travers le contre-coup policier qu’elle<br />

entraîne continuellement ». [2] « Les<br />

extrêmes [...] se touchent, pour l'excellente<br />

raison qu'on les a amenés à se toucher.<br />

« [3]<br />

[1] : (Karl Marx, « Le dix huit brumaire de Louis<br />

Bonaparte », VII, http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm<br />

; Guy Debord<br />

cite les deux bords de cette citation in<br />

« Commentaires sur la société du spectacle », éd.<br />

Gérard Lebovici, 1988, th. VIII, p. 32, rééd.<br />

Gallimard, 1992, p. 32, folio p. 39, après avoir<br />

abordé la loge P2)<br />

[2] : (Guy Debord, « Sur les difficultés de la traduction<br />

de Panégyrique », in Guy Debord, « Panégyrique<br />

tome second », Fayard, 9/1997, p. 108)<br />

[3] : (Aldous Huxley, « Le meilleur des mondes », 1932,<br />

réed. Pocket, 1988, p. 57, l'Administrateur)<br />

« A Paris, Bruxelles, Francfort et Milan,<br />

les avatars de l’activisme estudiantin s’organisent<br />

subitement en groupes armés<br />

et prennent d’assaut l’Etat bourgeois.<br />

Comment expliquer cette soudaine délectation<br />

morose pour le plastic dans la fine<br />

fleur de la gauche intellectuelle, beaucoup<br />

plus à l’aise dans la désacralisation verbale<br />

que dans le maniement d’un détonateur ?<br />

Aujourd’hui, plus que jamais, la thèse d’une<br />

infiltration de ces foyers d’insurrection par<br />

la "droite extrême" et les renseignements<br />

retient l’attention de tous ceux qui se prêtent<br />

à l’examen du terrorisme des années<br />

70-80 à travers le prisme Gladio. C’est par<br />

ailleurs une hypothèse que le colonel<br />

Oswald Le Winter, de la CIA, soutient fermement<br />

en prétendant que les Brigades Rouges<br />

et Action Directe auraient été infiltrées et sous<br />

le contrôle de puissances occultes sans rapport<br />

avec la doctrine libertaire. » [2]<br />

Un « document [...] retrouvé au mois<br />

d’octobre 1974 dans les archives de<br />

l’Agence Aginter-Presse [Voir « Aginter-<br />

Presse », p. 50] [... et envoyé] au mois de<br />

novembre 1968, c’est-à-dire au moment<br />

même où débute en Italie la stratégie de<br />

la tension [...] explique l’embourgeoisement<br />

du parti communiste et le développement<br />

des organisations gauchistes,<br />

en particulier dans la jeunesse. "[...]<br />

L’introduction de forces provocatrices<br />

dans ce milieu révolutionnaire de la<br />

gauche (que nous définissons improprement<br />

de pro-chinois), reflète seulement<br />

le désir de pousser au maximum cette<br />

situation instable et de créer un climat<br />

de chaos. [...] Le milieu prochinois,<br />

caractérisé par son impatience et son<br />

enthousiasme, est propice à une infiltra-<br />

57 L’Empire du bien en général


tion." » [3] « En fait, l’infiltration des organisations<br />

prochinoises et l’utilisation de<br />

cette couverture sont l’une des grandes<br />

spécialités d’Aginter. » [4]<br />

La démocratie est apparue en Grèce,<br />

croit-on savoir. De même, selon « une<br />

thèse soutenue par la plupart des<br />

ouvrages publiés en Italie sur les complots<br />

fascistes [5], c’est lors d’un [...] voyage à<br />

Athènes, organisé au mois d’avril 1968,<br />

qu’est en grande partie planifiée la stratégie<br />

de la tension. [...] Stefano Delle Chiaie<br />

et Mario Merlino sont du voyage [Voir :<br />

« 69, l’année est toxique », p. 65] [... Plus]<br />

de la moitié des Italiens invités par le gouvernement<br />

des colonels vont rentrer<br />

d’Athènes subitement convertis à l’anarchisme,<br />

au gauchisme, ou au communisme,<br />

chinois de préférence.<br />

Dès son retour à Rome, Merlino, militant<br />

très actif d’Avanguardia Nazionale, va en<br />

effet opérer une métamorphose aussi<br />

brutale que complète : en moins de<br />

quinze jours, il fonde un groupe politique,<br />

le "XXII marzo", et se revendique<br />

de Cohn-Bendit et des "Enragés" de<br />

Nanterre. Quelques jours plus tard, il<br />

inaugure son militantisme de gauche en<br />

défilant derrière un drapeau noir, suivi<br />

de quelques uns de ses compagnons de<br />

voyage, Delle Chiaie en tête, eux aussi<br />

convertis au gauchisme [...].<br />

Cette vaste opération d’infiltration va de<br />

pair avec la création de groupes fascistes<br />

L’Empire du bien en général 58<br />

camouflés sous des étiquettes protomarxistes.<br />

Leur idéologie consiste à pratiquer<br />

un amalgame entre le gauchisme et<br />

le fascisme présentés comme "des courants<br />

révolutionnaires apparemment<br />

opposés". [... Après quelques échecs à<br />

l’extrême gauche], Merlino décide alors<br />

de se mettre en rapport avec les anarchistes,<br />

moins sectaires, plus naïfs et souvent<br />

peu regardants sur l’origine de leurs<br />

militants. Parallèlement, il donne à croire<br />

qu’il a mis fin à toutes ses amitiés d’extrême<br />

droite et adhère à Rome au cercle<br />

Bakounine dans lequel son entrée provoque<br />

une crise interne. Le cercle scissionne.<br />

Entraînant avec lui une partie<br />

des militants, Merlino forme un groupe<br />

anarchiste auquel il donne à nouveau le<br />

nom de "22 mars" (mais en chiffres<br />

arabes cette fois). Pietro Valpreda, [... et<br />

d’autres] anarchistes authentiques qui<br />

seront bientôt accusés d’être les auteurs<br />

des attentats de Milan, se joignent à lui.<br />

[...] L’enquête sur les attentats du 12<br />

décembre révélera que quelques fascistes,<br />

amis de Merlino, ainsi qu’un policier<br />

[...], faisaient également partie du<br />

groupe. Ce cocktail va faire du "22<br />

mars", privé de [toute protection parlementaire,<br />

même indirecte], isolé au sein<br />

du mouvement gauchiste et sans aucun<br />

lien avec les masses, le groupe le plus<br />

apte à être le bouc émissaire et la couverture<br />

d’une provocation de grande<br />

envergure. » [6]<br />

« Ce plan [...] semblait devoir s’articuler,<br />

d’une part, sur les anarchistes poseurs<br />

de bombes qui constituent la cible idéale<br />

– et c’est effectivement chez eux que<br />

s’infiltreront Merlino et Delle Chiaie – et,<br />

d’autre part, sur les prochinois, ces derniers<br />

permettant d’accréditer la thèse du<br />

complot international. » [7] Un autre de<br />

la bande, Claudio Orsi, dénoncé « par<br />

toute l’extrême gauche comme un


provocateur fasciste, [...] persiste – toujours<br />

une sorte de schizophrénie – à s’affirmer<br />

prochinois, dénonçant par tracts<br />

tous les autres gauchistes, y compris des<br />

anciens dirigeants de la résistance,<br />

comme les véritables provocateurs nazisfascistes.<br />

» [8] A défaut d’être cru, qu’au<br />

moins la confusion règne !<br />

Un autre encore, et non des moindres,<br />

nommé « Ventura a [... quant à lui] réussi<br />

dans son entreprise. Fréquentant assidûment<br />

les cercles et les groupes d’extrême<br />

gauche, cultivant les contacts<br />

avec les personnalités progressistes, il est<br />

peu à peu parvenu à se donner la réputation<br />

d’un fasciste repenti et l’image<br />

d’un homme de gauche. » [9] Ce genre<br />

d’infiltré est bien utile…<br />

Mais il y a mieux : « de tous les cas d’infiltrations,<br />

[... c’est] l’un des plus remarquables.<br />

Frère du dirigeant du M.S.I.<br />

Alvise Loredan, Piero Loredan, lui-même<br />

dirigeant du mouvement Ordine Nuovo,<br />

a réussi à se faire passer pour un ancien<br />

partisan, en militant activement dans les<br />

associations d’anciens résistants [...]. Son<br />

activité débordante, son antifascisme<br />

radical, lui ont même valu dans la presse<br />

le titre de "comte rouge" » [10]. Sachons<br />

donc rester prudents [Voir « Va te faire<br />

infiltrer 2. Le retour », p. 196].<br />

[1] : (Hervé Hamon et Patrick Rotman, « Génération<br />

tome 2 : les années de poudre », Seuil, 3/1998, réed.<br />

Points, 4/1999)<br />

[2] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 156)<br />

[3] : (Document d’Aginter Presse intitulé « Notre action<br />

politique », cité par Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir »,<br />

Stock, 4/1978, pp. 170-171, également cité in Jean-<br />

François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les réseaux<br />

secrets américains au cœur du terrorisme en Europe »,<br />

Albin Michel, 3/1994, p. 90)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 148)<br />

[5] : (« L Politica della strage », « Agenda Nera », « Indagine<br />

su un movimento al centro di ogni comploto, etc.)<br />

[6] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 175-178)<br />

[7] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 184)<br />

[8] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 185)<br />

[9] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 182)<br />

[10] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 186)<br />

Au Pied !<br />

59 L’Empire du bien en général


« Le premier gouvernement De<br />

Gasperi, l'un des gouvernements provisoires<br />

[...] avant la proclamation de<br />

la République, s'empressa en juin<br />

1946, sous la pression américaine, de<br />

décréter une loi d'amnistie qui eut<br />

comme conséquence de libérer tous<br />

les fascistes [...]. Le ministre de<br />

l'Intérieur de ce même<br />

gouvernement De<br />

Gasperi, Giuseppe<br />

Romita, explique dans ses<br />

mémoires comment il a<br />

structuré la police de la<br />

nouvelle République: "La<br />

police italienne est un<br />

peu ma créature. […] En<br />

décembre 1945 j'ai<br />

[…] réintégré dans les services<br />

tous les fonctionnaires"...<br />

qui venaient de<br />

l'ancien régime mussolinien!"<br />

» [1]<br />

“ Les groupes [stay behind<br />

italiens] naissants sont composés<br />

à 80 % d’anciens fascistes,<br />

comme l’admettra Licio Gelli luimême<br />

en novembre 1990 : "Ces<br />

hommes étaient non seulement des<br />

patriotes mais ils savaient se battre.<br />

On les a trouvé dans les anciens de la<br />

République de Salo, c’est-à-dire le dernier<br />

retranchement de Mussolini en<br />

1943." Base fasciste, organisation calquée<br />

sur celle des réseaux de résistance<br />

Label Europe 62<br />

européens contre le nazisme [... et] qui<br />

adopte – tout un programme ! – l’emblème<br />

du Glaive, symbole de la défunte<br />

République de Salo. » [2]<br />

« La Démocratie chrétienne italienne a<br />

pu aussi, avec l'encouragement des services<br />

américains, recycler impunément<br />

dans ses rangs des armées entières d'anciens<br />

fascistes et cela pour servir la nouvelle<br />

République... "née de la<br />

Résistance". » [1] Le « nouveau parti-régime<br />

[DC, Démocratie Chrétienne] qui a<br />

gouverné le pays pendant 50 ans […]<br />

contrôle directement le ministère de la<br />

Défense, et est arrivé à placer<br />

certains de ses alliés<br />

notoires […] à la direction<br />

du ministère des Affaires<br />

Etrangères et de l'Intérieur<br />

dans le gouvernement de<br />

compromis historique avec<br />

l'ex-PCI, aujourd'hui DS. Et<br />

le président imposé à la<br />

Commission européenne<br />

n'est autre que Romano<br />

Prodi, démocrate-chrétien<br />

de toujours... » [1]<br />

La méthode ? « La stratégie<br />

aura été toujours la<br />

même : encourager le<br />

chaos pour susciter un état<br />

d’urgence, qui suscite à<br />

son tour l’intervention de l’armée, qui<br />

s’empresse de dénoncer le désordre<br />

démocratique pour installer un régime<br />

fort. Pour parvenir à cette fin, les ligues<br />

fascistes assumaient les basses œuvres, à<br />

charge pour les services de renseignements<br />

d’imputer les attentats et les morts<br />

à la gauche anarchiste ou maoïste. » [3]<br />

La population ne s’est pas toujours lais-


sée égarer. « Le détonateur du sursaut<br />

italien a été l’assassinat spectaculaire du<br />

juge Falcone, à une époque où la péninsule<br />

"digère" lentement la pilule de la<br />

censure par l’exécutif et que l’actualité se<br />

demande comment la Mafia pouvait<br />

connaître l’horaire du juge, mis au point<br />

quelques jours auparavant par les services<br />

secrets italiens responsables de sa<br />

sécurité. Ce genre de détail en dit long<br />

sur l’idylle que vivent le monde du renseignement<br />

et les parrains de Cosa<br />

Nostra depuis le second conflit mondial.<br />

» [4]<br />

[1] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Première partie : La particularité française »,<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[2] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 48)<br />

[3] : (Jean Belot, Télérama, 7/3/2001, à propos de « Le<br />

Terrorisme noir en Italie. Une histoire de réseaux », documentaire<br />

(2/2) de Fabrizio Calvi, Frédéric Laurent et Jean-<br />

Michel Meurice, 1997, Arte le 14/1/1998, rediffusé sur<br />

Arte le 14/3/2001)<br />

[4] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 53)<br />

« La droite italienne a été traumatisée<br />

par les événements du<br />

mois de juillet 1960 où une véritable<br />

insurrection populaire a fait<br />

chuter le gouvernement démocrate-chrétien<br />

de Fernando<br />

Tambroni.<br />

Les insurgés ont pu, dans de nombreux<br />

cas, tenir la rue devant les forces de<br />

l’ordre totalement paralysées, et seul le<br />

"réalisme" du parti communiste italien a<br />

permis à la droite de rétablir la situation.<br />

Terrifiés à l’idée que de tels événements<br />

puissent se reproduire, les autorités mili-<br />

taires, les partis de la majorité, et tout<br />

particulièrement le président de la<br />

République Segni, vont se donner les<br />

moyens de tenir tête dorénavant à toute<br />

situation insurrectionnelle. » [1]<br />

En 1964, le « général De Lorenzo est<br />

alors responsable du réseau Gladio.<br />

Commandant en chef des carabiniers, il<br />

a fait des services secrets militaires une<br />

véritable police politique, constituant<br />

fiches et dossiers sur tous les citoyens<br />

influents et l’ensemble de la classe politique.<br />

» [2]<br />

« On découvrira en 1967 que » [3] « le<br />

général De Lorenzo […] et ses hommes<br />

au sein du bureau D (défense) du SIFAR<br />

[Servizio Informazioni Forze Armate,<br />

Service Information des Forces Armées<br />

(contre-espionnage) italien entre 1949<br />

et 1965] [... ont constitué illégalement]<br />

157 000 dossiers confidentiels complets<br />

sur la vie privée et publique des représentants<br />

du monde politique, économique<br />

et ecclésiastique. » [4] D’autres<br />

suivront.<br />

« Lorenzo met au point le plan Solo avec<br />

[...] le chef de station de la CIA à<br />

Rome. » [5] « Le général De Lorenzo,<br />

avec l’accord du président de la<br />

République Antonio Segni » [6], « et sous<br />

couvert du président du Conseil de<br />

l’époque, Aldo Moro » [7], « avait réuni le<br />

14 juillet 1964 une vingtaine de géné-<br />

63 Label Europe


aux et de colonels afin de préparer un<br />

coup de force militaire pour le cas où,<br />

dans les jours suivants, les partis du<br />

centre gauche n’auraient pas mis fin à la<br />

crise gouvernementale [...]. Un accord<br />

étant intervenu in extremis entre socialistes<br />

et démocrates chrétiens pour<br />

reconduire un gouvernement de centre<br />

gauche, le coup perdit sa justification et<br />

fut abandonné. Informés de ce qui se<br />

tramait, les dirigeants du parti socialiste<br />

préfèrent un mauvais accord de gouvernement<br />

avec la démocratie chrétienne à<br />

un putsch militaire. » [4] Comme on<br />

vote pour le moins pire… « Aldo Moro<br />

ne considéra donc pas nécessaire de<br />

passer à la phase [suivante] : Le<br />

Putsch. »[7]<br />

[1] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 202)<br />

[2] : (« Le Terrorisme noir en Italie. Une histoire de<br />

réseaux », documentaire (2/2) de Fabrizio Calvi, Frédéric<br />

Laurent et Jean-Michel Meurice, 1997, Arte le 14/1/1998,<br />

rediffusé sur Arte le 14/3/2001)<br />

[3] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 204)<br />

[4] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 75, d’après « Relazione<br />

della Commissionne d’inchiesta constitua dall’ ministro<br />

della Difesa e affidata al generale Beolchini », cité in<br />

L’Unità, 10/1/1991)<br />

[5] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 49)<br />

[6] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 204-205)<br />

[7] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Deuxième partie : Un pays à souveraineté limitée<br />

», Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

« L'Etat italien […] a pensé, tout<br />

comme un autre, à infiltrer des<br />

agents de ses services spéciaux dans<br />

les réseaux terroristes clandestins, où<br />

il leur est si facile ensuite de s'assurer<br />

une rapide carrière jusqu'à la direction,<br />

et d'abord en faisant tomber<br />

Label Europe 64<br />

leurs supérieurs, comme le firent, pour<br />

le compte de l'Okhrana tsariste,<br />

Malinovski qui trompa même le rusé<br />

Lénine ou Azev qui, une fois à la tête de<br />

"l'organisation de combat" du parti<br />

socialiste-révolutionnaire, poussa la maîtrise<br />

jusqu'à faire assassiner lui-même le<br />

premier ministre Stolypine [Voir « Raufer<br />

raille », p. 242].<br />

Une seule coïncidence malheureuse est<br />

venue entraver la bonne volonté de<br />

l'Etat : ses services spéciaux venaient<br />

d'être dissous. [Pourtant, jusqu'alors, un]<br />

service secret, […] gardant ses archives,<br />

ses mouchards, ses officiers traitants,<br />

[…] changeait simplement de nom. C'est<br />

ainsi qu'en Italie, le S.I.M., Service des<br />

Informations Militaires, du régime fasciste,<br />

si fameux pour ses sabotages et ses<br />

assassinats à l'étranger, était devenu le<br />

S.I.D., Service des Informations de la Défense,<br />

sous le régime démocrate-chrétien.<br />

[… Les ouvriers en révolte étaient ceux<br />

qu’on voulait atteindre.] C'est parce<br />

qu'un grand nombre d'ouvriers italiens<br />

ont échappé à l'encadrement de la police<br />

syndicale-stalinienne, que l'on a fait<br />

marcher la "brigade rouge", dont le terrorisme<br />

illogique et aveugle ne peut que<br />

les gêner ; les mass-média saisissent l'occasion<br />

pour y reconnaître sans aucun<br />

doute leur détachement avancé et leurs<br />

inquiétants dirigeants. […] La "brigade<br />

rouge" s'est [d’ailleurs] bien gardée de<br />

s'attaquer aux staliniens personnellement.<br />

[…]<br />

Dans un tel climat, on constate inévitablement<br />

l'élargissement d'une couche<br />

périphérique du petit terrorisme sincère,<br />

plus ou moins surveillé, et toléré<br />

momentanément comme un vivier dans<br />

lequel on peut toujours pêcher à la commande<br />

quelques coupables à montrer<br />

sur un plateau ; mais la "force de frappe"<br />

des interventions centrales n'a pu être<br />

composée que de professionnels, ce que


confirme chaque détail de leur style. » [1]<br />

Des professionnels « tels le fameux<br />

Steffano Delle Chiaie, responsable de<br />

l'attentat de la gare de Bologne » [2] survenu<br />

le 2 août 1980, qui a fait 86 morts<br />

200 blessés, et devait être le pire d'une<br />

atroce série, où plus de 300 personnes<br />

ont trouvé la mort : sur la piazza<br />

Fontana à Milan, dans un train à Brescia,<br />

dans l'express Naples-Milan sous un tunnel<br />

au sud de Bologne. Ces attentats ont<br />

été attribués à l'extrême gauche, dans le<br />

cadre d'une stratégie visant à convaincre<br />

les électeurs que le pays était en proie à<br />

de vives tensions, et qu'ils n'avaient pas<br />

d'autres choix que de voter pour les<br />

démocrates-chrétiens, garants de leur<br />

sécurité.<br />

Au total, jusqu’en « 1988, deux décennies<br />

[s’écouleront], pleines d’assassinats<br />

et d’attentats à la bombe. Les noms<br />

résonnent encore : Goio Tauro (7<br />

morts), Peteano (3 morts), piazza della<br />

Loggia (8 morts), San Benedetto Val di<br />

Sambro (12 morts), Ustica (81 morts),<br />

Bologne (85 morts), à nouveau San<br />

Benedetto val di Sambro (15 morts),<br />

etc. » [3]<br />

La « "brigade rouge" a une autre fonction,<br />

d'un intérêt plus général, qui est de<br />

déconcerter ou de discréditer les prolétaires<br />

qui se dressent réellement contre<br />

l'Etat, et peut-être un jour d'éliminer<br />

quelques uns des plus dangereux. […]<br />

C'est à ce degré [général] de l'analyse<br />

que l'on est fondé à évoquer une politique<br />

"spectaculaire" du terrorisme, et<br />

non, comme le répète vulgairement la<br />

finesse subalterne de tant de journalistes<br />

ou professeurs, parce que des terroristes<br />

sont parfois mus par le désir de faire parler<br />

d'eux. [...]<br />

Etant [...] le pays le plus avancé dans le<br />

glissement vers la révolution prolétarienne,<br />

l’Italie est aussi le laboratoire le plus<br />

moderne de la contre-révolution internationale.<br />

Les autres gouvernements [...]<br />

regardent avec admiration le gouvernement<br />

italien [...]. C’est une leçon qu’ils auront<br />

à appliquer chez eux pendant une longue<br />

période. » [4]<br />

[1] : (Guy Debord, « Préface à la quatrième édition italienne<br />

de la Société du Spectacle », Champ Libre, 1979,<br />

pp. 24-25, 29-30, réed. Gallimard, 9/1992, pp. 102-103,<br />

105-106)<br />

[2] : (Entretien avec Gustavo Sanchez (ancien ministre de<br />

l'intérieur de la Bolivie, auteur de “Comment j'ai piégé<br />

Klaus Barbie”, Ed. Messidor), L'Evénement du Jeudi,<br />

14/5/1987)<br />

[3] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 34)<br />

[4] : (Guy Debord, op. cit., 1979, pp. 32, 34-35, réed.<br />

1992, pp. 107-109)<br />

« L'Italie n'a pas été simplement<br />

secouée par le mouvement des étudiants<br />

de 1968 ; des luttes ouvrières<br />

se sont développées de manière autonome<br />

dans le pays au cours des<br />

années 1969/1972 [… dans] un vaste<br />

mouvement de contestation. Le 11<br />

septembre 1969, par exemple, 1 million<br />

d'ouvriers des secteurs de la<br />

métallurgie se mettent en grève, cent<br />

mille bloquent l'entrée de Fiat... Au<br />

même moment, le parti communiste,<br />

critiqué à sa gauche par les comités<br />

de base ouvriers, affirme de plus en<br />

plus son influence ». [1]<br />

Il faut noter qu’alors « le système italien<br />

de l’époque, bloqué par le poids de la<br />

Démocratie chrétienne et la position<br />

hors système du PCI, est très peu perméable<br />

aux demandes des mouvements<br />

sociaux, comme le montrera le blocage<br />

65 Label Europe


de la réforme du divorce, pourtant objet<br />

de réelles mobilisations. » [2] En effet,<br />

« un mouvement d'opposition contre les<br />

structures hiérarchiques de l'Eglise voit<br />

enfin le jour pour [finalement] déboucher,<br />

en 1974, sur un référendum : pour<br />

ou contre le divorce. C'est dans ce climat<br />

social qu'on assiste à une véritable<br />

contre-offensive réactionnaire.<br />

Elle se manifeste à travers le terrorisme.<br />

» [1]<br />

« Le 8 et le 9<br />

août 1969 dix<br />

bombes de faible<br />

puissance explosent<br />

à l'intérieur<br />

de huit trains<br />

dans différentes<br />

localités italiennes.<br />

Le 12<br />

décembre 1969<br />

à Milan, piazza<br />

Fontana, une<br />

bombe explose à<br />

l'intérieur de la Banque de l'Agriculture.<br />

» [1] Cet « attentat fondateur de la<br />

"stratégie de la tension" [...] fait 16 morts<br />

et 98 blessés. » [3]<br />

« D'autres bombes explosent à Rome,<br />

comme au siège de la Banque Nationale<br />

du Travail où il y a 16 blessés. [… La] police<br />

et la magistrature décident d'ignorer<br />

complètement la piste de l'extrême-droite<br />

pour focaliser leurs enquêtes sur les mouvements<br />

de gauche, en mettant en<br />

œuvre une répression » [1] tous azimuts.<br />

Pourtant, « le 17 décembre 1969, le<br />

S.I.D. avait envoyé aux autorités chargées<br />

de l’enquête une note qui accusait<br />

Guérin-Sérac, directeur d’Aginter-Presse<br />

[Voir « Aginter Presse », p. 50], et Robert<br />

Leroy [Voir « Leroy des cois ? », p. 51],<br />

son adjoint, d’être les "cerveaux" des<br />

attentats [... et affirmant que] Mario<br />

Merlino et Stefano Delle Chiaie, "deux<br />

Label Europe 66<br />

fascistes se faisant passer pour des anarchistes",<br />

étaient les auteurs matériels des<br />

attentats de Rome. » [4] [Voir « "Les<br />

années de poudre" », p. 57]<br />

Certains surent réagir immédiatement<br />

après les attentats italiens de 1969 : « La<br />

Bombe de Milan a explosé contre le prolétariat,<br />

destinée à blesser les catégories<br />

les moins radicalisées pour les allier au<br />

pouvoir, et à resserrer les rangs de la<br />

bourgeoisie<br />

pour la "chasse<br />

aux sorcières" :<br />

ce n’est pas un<br />

hasard s’il y a eu<br />

un massacre<br />

parmi les agriculteurs(Banque<br />

nationale<br />

de l’agriculture)<br />

et si les bourgeois<br />

en ont été<br />

quitte pour la<br />

peur (Banque<br />

du commerce). Les résultats, directs et<br />

indirects, des attentats sont leur but. [...]<br />

Dans la situation actuelle, à la montée<br />

d’une nouvelle période révolutionnaire,<br />

c’est le pouvoir même qui, dans sa tendance<br />

à l’affirmation totalitaire, exprime<br />

de façon spectaculaire sa propre négation<br />

terroriste [... en organisant luimême<br />

l’action terroriste, pour pouvoir la<br />

dénoncer comme étant la quintessence<br />

du mouvement social qui s’oppose à lui].<br />

Ainsi, le Pouvoir doit brûler, dès le<br />

début, la dernière carte politique à jouer<br />

avant la guerre civile ou avant le coup<br />

d'Etat dont il est incapable, la double<br />

carte du faux "péril anarchiste" (pour la<br />

droite) et du faux "péril fasciste" (pour la<br />

gauche) [pas si faux que ça, nous l’avons<br />

vu, mais plutôt solution de rechange],<br />

aux seules fins de déguiser et de rendre<br />

possible son offensive contre le vrai dan-


ger : le prolétariat. De plus, l'acte par<br />

lequel la bourgeoisie essaie de conjurer la<br />

guerre civile est en réalité son premier<br />

acte de guerre civile contre le prolétariat.<br />

Pour le prolétariat, il ne s'agit donc plus<br />

de l'éviter ni de la commencer, mais de la<br />

gagner. » [5] Ce tract, « plusieurs mois<br />

avant les premiers timides doutes avancés<br />

par les gauchistes italiens, révélaient l’essentiel<br />

de cette manœuvre. » [6]<br />

« Dans l'espoir de déstabiliser la gauche,<br />

les autorités avaient accusé un cheminot<br />

anarchiste, Giuseppe Pinelli, qui perdra<br />

la vie, jeté d'une fenêtre à l'issue d'un<br />

interrogatoire. » (« Mort accidentelle<br />

d'un anarchiste », « une des plus<br />

anciennes et des plus célèbres [pièces]<br />

de [Dario Fo], s'appuie sur [ce] fait divers<br />

réel, la défenestration en 1969 d'un militant<br />

anarchiste inoffensif dans un commissariat.<br />

Dario Fo en a fait une sotie<br />

jubilante ». [7])<br />

« M. Pietro Valpreda, du même bord<br />

[que Pinelli], fera trois ans de prison préventive<br />

sur fausse dénonciation avant<br />

d'être définitivement innocenté en<br />

1985. Il y aura, longtemps encore,<br />

d'autres massacres, jusqu'à ceux de<br />

Brescia et de Bologne en 1980.<br />

En 1997, enfin, on procède à l'arrestation<br />

des auteurs de l'attentat de Milan :<br />

des militants fascistes, qui d'ailleurs<br />

avouent [...,] membres du groupe Ordre<br />

nouveau [Ordine Nuovo]. On est loin<br />

des éditoriaux vengeurs des années 70<br />

dénonçant le "péril rouge" [8]. » [3] Il<br />

« s'agissait bien d'une série d'attentats<br />

d'Etat [... commandités] par les décideurs<br />

de l'Alliance atlantique [...]<br />

Interrogé plusieurs années après les<br />

faits, l'ancien ministre de l'intérieur Paolo<br />

Emilio Taviani déclara à la commission<br />

d'enquête parlementaire sur le massacre<br />

de Piazza Fontana, que "l'attentat terroriste<br />

avait été organisé par des per-<br />

sonnes sé<strong>rieuse</strong>s, qui ne voulaient sûrement<br />

pas causer la mort de 16 italiens..."<br />

[... Le] général Borsi [quant à lui], déclarait<br />

que l'organisation fasciste Ordine<br />

Nuovo était en réalité une structure<br />

"soutenue par les services de sécurité de<br />

l'OTAN" et que son rôle était celui d'une<br />

organisation de "guérilla et d'information"...<br />

» [1] Nous voilà informés.<br />

Il y a quelques années, on notait que<br />

pour sa part, « Steffano Delle Chiaie,<br />

jamais condamné pour piazza Fontana<br />

et toujours acquitté, vit à Rome où il dirige<br />

le Bulletin Condor, du nom de la<br />

structure qui contrôle les "escadrons de<br />

la mort" en Amérique latine. » [9] …<br />

[Voir : « On scanda : "Le fascisme ne passera<br />

pas" ? Mais l’opération Condor<br />

passa ! », p. 550]<br />

[1] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Deuxième partie : Un pays à souveraineté limitée<br />

», Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[2] : (Erik Neveu, « Sociologie des mouvements sociaux »,<br />

La Découverte, 3/2000, p. 103)<br />

[3] : (Anne Schimel, « La lutte antiterroriste. Justice "de<br />

plomb" en Italie », Le Monde diplomatique 4/1998, p. 23)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 172)<br />

[5] : (« Il Reichstag bruscia ? » (« Le Reichstag brûle-t-il ? »),<br />

tract affiché dans Milan le 19/12/1969 par les situationnistes<br />

italiens, sept jours après les bombes du 12<br />

décembre, reproduit in Section italienne de l’I.S., « Ecrits<br />

complets », Contre-Moule, 6/1988, pp. 130-131)<br />

[6] : (« Notes pour servir à l’histoire de l’I.S. de 1969 à<br />

1971 », in Internationale Situationniste, « La véritable scission<br />

dans l’internationale » Annexe I, Champ libre,<br />

4/1972, p. 89)<br />

[7] : (Jean-Pierre Simeon, « Coté off », L’Humanité,<br />

12/7/2000, http://www.humanite.presse.fr/journal/2000-07-12/2000-07-12-228367)<br />

[8] : (Cf. Corriere della Sera, Milan, 15 et 17/6/1997)<br />

[9] : (« Le Terrorisme noir en Italie. Une histoire de<br />

réseaux », documentaire (2/2) de Fabrizio Calvi, Frédéric<br />

Laurent et Jean-Michel Meurice, 1997, Arte, 14/1/1998,<br />

rediff. Arte, 14/3/2001)<br />

67 Label Europe


« Après dix ans d’enquête, le magistrat<br />

instructeur romain Francesco Monastero<br />

rend public un document de 269 <strong>page</strong>s,<br />

le 19 novembre 1991. Il vient de prononcer<br />

un arrêt de renvoi pour que s’engage<br />

le procès des conjurés de la loge<br />

P2 [Propaganda Due]. [...] La loge est<br />

présentée comme une association criminelle<br />

destinée "à modifier et à altérer l’essence<br />

même et le fonctionnement des<br />

pouvoirs constitués de l’Etat et ceux de<br />

la constitution. Créer un Etat dans l’Etat<br />

en noyautant les services de renseignements<br />

et en se procurant les dossiers<br />

‘sensibles’ des grands ministères, où,<br />

grâce à d’innombrables ramifications, la<br />

P2 avait pu s’infiltrer". » [1]<br />

« Seules les listes des membres italiens et<br />

argentins de la loge ont été publiées.<br />

» [2] Des « personnalités démocrates-chrétiennes,<br />

des secteurs de l'extrême<br />

droite, des responsables de l'armée<br />

et des services secrets, voire des<br />

chefs mafieux travaillaient bel et bien et<br />

de longue date - notamment au sein de<br />

la Loge P 2 - à une entreprise séditieuse,<br />

qui avait de surcroît la bénédiction de [...<br />

l’OTAN] et de son réseau Gladio [3]. » [4]<br />

« "La loge P2 était le refuge de l'intégrisme<br />

atlantique" a écrit [...] le président de<br />

la commission parlementaire [sur les<br />

massacres] Giovanni Pellegrino. » [5]<br />

« Quand on tire les fils de l'opération<br />

Gladio, on est inévitablement ramené<br />

vers l'écheveau de la loge P2. [...]<br />

"Ce fut Ted Shackley, chef adjoint de la<br />

station de la CIA à Rome, qui présenta le<br />

chef de la loge maçonnique P2, Licio<br />

Label Europe 68<br />

Gelli, dans ces années 70, à Alexander<br />

Haig. Ce fut avec l'imprimatur de Haig et<br />

de Kissinger, respectivement adjoint et<br />

chef du Conseil national de sécurité<br />

américaine que Gelli recruta à l'automne<br />

1969 quatre cents hauts officiers italiens<br />

et de l'OTAN dans sa loge." [6] » [7]<br />

Ajoutons à cela les « déclarations à la<br />

télévision [… à l’été 1990] d'un collaborateur<br />

de la CIA, M. Richard Brenneke,<br />

qui suscitèrent l'indignation du président<br />

italien, la dénégation totale du président<br />

du conseil, et valurent des ennuis<br />

au journaliste responsable de l'entretien<br />

[...] : "Je connais la P2 depuis 1969, avec<br />

laquelle j'ai traité jusqu'au début des<br />

années 80. Le gouvernement des Etats-<br />

Unis finançait la P2 jusqu'à 10 millions<br />

de dollars par mois [...]. Nous nous<br />

sommes servis d'eux pour créer des<br />

situations favorables à l'explosion du terrorisme<br />

en Italie et dans d'autres pays au<br />

cours des années 70 [...]. La P2 est encore<br />

active et est encore utilisée pour le<br />

même type de finalité qu'au début des<br />

années 70." [8] » [7]<br />

« Il semble enfin que le président de la<br />

République [... de 1985 à 1992,]<br />

Cossiga, garant de la Constitution, soit<br />

un acteur de premier plan de l'histoire<br />

occulte de l'Italie. Il aurait joué un rôle<br />

important dans la mise en place de<br />

Gladio, et s'est entouré, au moment de<br />

l'enlèvement d'Aldo Moro, alors qu'il<br />

était ministre de l'intérieur, d'un "comité<br />

de crise" composé exclusivement<br />

d'hommes de la loge P2. » [7] [Voir<br />

« 1978 : Moro mort », p. 76] Ce « président<br />

de la République [… qui approuvait]<br />

la loge P2 et le réseau facho-séditieux<br />

Gladio, [menaça en 1992] de casser<br />

le Conseil national de magistrature<br />

pour chasser les "mauvais" juges qui se<br />

sont prononcés contre la [première]<br />

guerre du Golfe [… Il avait dirigé] en


tant que ministre de l'Intérieur la lutte<br />

contre les Brigades rouges ». [9]<br />

Mais il y a surtout un « acteur essentiel<br />

[qui] reste intouchable. Licio Gelli, cet<br />

admirateur de Mussolini qui n’hésite pas<br />

à déclarer que "Gladio, de toute façon, a<br />

accompli sa mission" ». [10] Parole d’expert.<br />

Licio Gelli a d’abord « été volontaire<br />

avec les "chemises noires" en Espagne<br />

dans les troupes de Franco. Rentré en<br />

Italie, il a été fasciste » [11]. Il fut « l’officier<br />

de liaison entre [...] l’OSS et la<br />

Decima Mas du prince Valerio Borghese<br />

lors de la constitution du stay behind en<br />

Italie » [12], « puis enrôlé par les<br />

Américains dans les services qui auront<br />

donné naissance à la CIA et à l'organisation<br />

"Gladio". Parti en Argentine, il entretient<br />

des relations avec Peron. [...]<br />

Rentré en Italie, il [...] entre en 1966<br />

dans une loge "couverte" du Grand<br />

Orient d'Italie, existant depuis le siècle<br />

dernier, "Propagande 2", la P2. Il en<br />

devient Grand Maître en 1975. A partir<br />

de là il organise les activités de cette<br />

loge dans un sens global de liaison avec<br />

les services secrets italiens et américains<br />

(Gladio), tentatives de coups d'Etat en<br />

Italie, terrorisme fasciste, (il a été [inquiété]<br />

et condamné au procès pour l'attentat<br />

de la gare de Bologne), milieux affairistes<br />

(Roberto Calvi et le Banco<br />

Ambrosiano), la mafia pour échanges de<br />

services. » [11]<br />

Mais, une fois découvert, il a su se<br />

défendre. En « 1981, rentrant en Italie,<br />

la fille de M. Licio Gelli, […] fut arrêtée<br />

en possession d'un document classé top<br />

secret, intitulé "Stability Operation<br />

Intelligence", daté de 1970 et signé par<br />

le général Westmoreland, alors chef<br />

d'état-major de l'armée américaine. Ce<br />

document décrivait, de manière<br />

détaillée, les réseaux de l'organisation<br />

Gladio dans les pays alliés, et fournissait<br />

des recommandations sur le type de<br />

résistance et de contre-insurrection pour<br />

empêcher la formation de gouvernements<br />

non amis. En faisant rentrer ce<br />

document en Italie, alors qu'il était en<br />

fuite en Amérique du Sud, l'objectif de M.<br />

Licio Gelli était probablement de faire<br />

savoir que la loge P2 était liée aux services<br />

secrets américains. Ce que semble confirmer<br />

le [...] refus des Etats-Unis de communiquer<br />

le dossier Gelli, demandé par la<br />

commission italienne d'enquête parlementaire<br />

sur les massacres, sous prétexte<br />

qu'il s'agit d'un secret d'Etat. » [7]<br />

Ses démêlés avec la justice furent exemplaires<br />

: Le 18 juin « 1982 [...] Roberto<br />

Calvi, PDG de la banque Ambrosiano,<br />

[est] retrouvé pendu sous un pont de<br />

Londres (étranglé sur ordre de la Mafia<br />

pour avoir détourné des fonds de Licio<br />

Gelli, maître de la loge P2). [… En septembre<br />

1982, à] Genève, Gelli [… est<br />

arrêté et] s'évade [… en août]<br />

1983 » [11] ; « l’enquête révèle des<br />

appuis français (SDECE, SAC). » [13]<br />

Ramené en Italie le 16 février 1988, il est<br />

« libéré [le 12 avril] pour raisons de santé<br />

[puis] s'évade [… en] mai 1988 ; [dix ans<br />

plus tard, il sera] arrêté [... en] 1998 à<br />

Cannes [puis] extradé vers Rome ». [14]<br />

Mais bientôt, l’« homme des pouvoirs<br />

occultes qui manœuvrait l'establishment<br />

de la péninsule en maniant l'art du chantage<br />

et de la terreur a été remis en liberté<br />

après [quelques] mois de détention.<br />

[... Alors] que le "vénérable grand<br />

maître" devait purger huit ans et demi<br />

de prison ferme dans le cadre [du krach]<br />

de "la banque du Vatican", [... bien] qu'il<br />

soit poursuivi par des innombrables<br />

accusations et [...] que les autorités françaises<br />

aient jugé opportune son extradition<br />

[...], la justice italienne a préféré "se<br />

libérer" de cet hôte encombrant après à<br />

peine 7 mois de détention... en invo-<br />

69 Label Europe


quant des raisons de santé... » [15]<br />

Encore une fois… Un bel exemple pour<br />

les Pinochet, Papon, etc. (mais évidemment<br />

pas pour Ménigon, par exemple).<br />

La « loge P2 a été reconstituée sous le couvert<br />

d'une ONG suisse de jumelage de<br />

communes dans le monde. Cette association<br />

disposant d'un statut consultatif<br />

auprès des Nations Unies, le fils de Licio<br />

Gelli, qui en assure la présidence, a pu<br />

participer [récemment à une des dernières<br />

assemblées générales] de l'ONU. » [2]<br />

Silvio Berlusconi, homme le plus riche<br />

d’Italie et propriétaire de plusieurs télévisions<br />

[Voir « Berlue ! C’est une connerie<br />

! », p. 79], était du petit millier de<br />

membres de la Loge P2 [16]. Il est longtemps<br />

resté Président du Conseil italien…<br />

et peut avoir une relative confiance,<br />

lui, dans ce qu’est devenue la justice<br />

de son pays.<br />

[1] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 125-126, d’après Le<br />

Monde, 27/11/1991)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001, http://w<br />

ww.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[3] : (Lire François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

[4] : (Anne Schimel, « La lutte antiterroriste. Justice "de<br />

plomb" en Italie », Le Monde diplomatique 4/1998, p. 23)<br />

[5] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Troisième partie : Le terrorisme "atlantique" »,<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[6] : (Cf. Note d'information 446/R, du SISMI (Services<br />

secrets militaires), datée du 16/4/1983, citée dans l'acte<br />

d'accusation du juge de Trente, Carlo Palermo, du<br />

15/11/1984 concernant le trafic international d'armes et<br />

de drogue ; extrait cité in Yves Cartuyvels, « La réaction<br />

politico-judiciaire à la subversion noire en Italie (1946-<br />

1990) », in Jan Willems dir., « Dossier Gladio », E.P.O. -<br />

Reflex, 1991, p. 120, et in « Jean-François Brozzu-Gentile,<br />

« L'Affaire Gladio, les réseaux secrets américains au cœur<br />

du terrorisme en Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 124)<br />

[7] : (François Vitrani, op. cit.)<br />

[8] : (Entretien avec Ennio Remondino, propos cités ensuite<br />

in Yves Cartuyvels, « La réaction politico-judiciaire à la<br />

subversion noire en Italie (1946-1990) », in Jan Willems<br />

dir., « Dossier Gladio », E.P.O. - Reflex, 1991, p. 121)<br />

[9] : (Frédéric Pagès, Le Canard enchaîné, 1/1/1992)<br />

[10] : (Yves Cartuyvels, « Conclusion », in Jan Willems dir.,<br />

« Dossier Gladio », E.P.O. - Reflex, 1991, p. 134)<br />

[11] : (« Né à Pistoia, Toscane, en 1919 », Enquêtes interdites -<br />

amnistia.net, http://www.amnistia.net/news/gelli/gellivie.htm)<br />

Label Europe 70<br />

[12] : (Thierry Meyssan, op. cit., cité in François-Xavier<br />

Verschave, Noir Chirac, les Arènes, 3/2002, p. 40)<br />

[13] : (« Quid 2000 »)<br />

[14] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit., p. 263)<br />

[15] : (« La justice italienne a libéré le grand maître de la<br />

loge P2 », Enquêtes interdites - amnistia.net, 18/5/1999,<br />

http://www.amnistia.net/news/gelli/derniers/gelsorti.htm)<br />

[16] : (« Voici la liste des 959 membres de la loge P2 »,<br />

http://www.amnistia.net/news/gelli/lesnoms.htm)<br />

Le "mai rampant", l’insoumission populaire<br />

persistante en Italie au lendemain<br />

de Mai 1968, commençait à user la<br />

classe dominante… L’extrême droite<br />

était logiquement appelée à reprendre<br />

plus de place. « Il s’en est fallu de peu<br />

que le prince Julio Valerio Borghese<br />

[dit le "Prince Noir"], par un attentat,<br />

ne parvînt à ses fins en 1970. » [1]<br />

C’est l’Opération « Tora Tora » [2]. Dans<br />

« la nuit du 7 décembre 1970, à Rome,<br />

un véritable coup d'Etat est mis en<br />

œuvre. Plusieurs centaines d'hommes<br />

sous le commandement de [...]<br />

Borghese, s'étaient [structurées] dans<br />

une organisation dénommée "Fronte<br />

Nazionale". Cette organisation a vu le<br />

jour le 13 septembre 1968 et regroupait<br />

toutes les tendances des mouvements<br />

fascistes italiens depuis le MSI, parti dont<br />

Borghese fut président [MSI avec lequel<br />

Berlusconi partageait le pouvoir récemment],<br />

jusqu'à Ordine Nuovo et<br />

Avanguardia Nazionale. Depuis 1969 le<br />

"Fronte Nazionale" avait donné naissance<br />

à des commandos clandestins en<br />

étroit rapport avec des secteurs de l'armée<br />

italienne. [...] Borghese avait aussi<br />

des contacts directs [...] dans le cadre de<br />

l'OTAN. Notamment avec Otto Skorzeny<br />

(cet officier SS avait organisé l'évasion de<br />

Mussolini en 1943), qui était [lui] en<br />

contact direct avec le sous-secrétaire de


l'Aviation US. » [3] « Selon le bras droit<br />

du Prince Noir, le président Nixon aurait<br />

[...] suivi tous les préparatifs du coup<br />

d’Etat dont il était informé par deux<br />

hommes de la C.I.A. » [4]<br />

« Dans la nuit du 7 au 8 décembre, un<br />

groupe de putschistes, avec à leur tête<br />

Stefano Delle Chiaie, fondateur de l'organisation<br />

fasciste Avanguardia<br />

Nazionale, pénètrent dans le ministère<br />

de l'Intérieur. [... Des] fonctionnaires du<br />

ministère avaient reçu l'ordre de leur<br />

ouvrir grand les portes. Les putschistes<br />

pouvaient donc tranquillement prendre<br />

possession des armes qui se trouvaient<br />

dans ce palais de la République.<br />

Pendant ce temps un autre [...] commando<br />

putschiste [...] était chargé d'investir<br />

le ministère de la Défense. Quant<br />

au major Berti, [...] il avait la mission de<br />

prendre le contrôle des bureaux de la<br />

télévision d'Etat. Pendant ce temps Licio<br />

Gelli (le grand maître de la toute-puissante<br />

loge P2) [...] aurait eu la tâche d'arrêter<br />

le président de la République. Tout<br />

le dispositif était déjà en place, quand,<br />

soudainement, [...] Borghese ordonna<br />

de tout arrêter. Sans autres<br />

explications. » [3] « Il semble [...] – et<br />

c’est l’avis de nombreux journalistes italiens<br />

– que le prince Noir, lui-même, a<br />

été la victime de plus malins que lui, qu’il<br />

était destiné à servir d’appât pour la<br />

prise du pouvoir par d’autres, mais qu’il<br />

s’en est aperçu à temps.<br />

L’occupation des ministères n’avait en<br />

fait qu’un but : créer un climat de<br />

panique qui autoriserait l’intervention<br />

des forces armées et la mise en place<br />

d’un plan d’urgence de l’O.T.A.N. [dont<br />

l’existence sera révélée par le complot<br />

"Rose des Vents" (Voir l’article suivant)],<br />

pour s’emparer de Borghese, de Delle<br />

Chiaie et de ses amis. Ainsi, l’armée<br />

ayant empêché un coup d’Etat fasciste,<br />

aurait pu légitimement imposer l’état<br />

d’exception et la formation d’un gouvernement<br />

de salut public militaire et civil,<br />

sans que la gauche et les syndicats puissent<br />

s’y opposer. L’opération aurait finalement<br />

échoué à cause d’un coup de<br />

téléphone avertissant Borghese au dernier<br />

moment du piège dans lequel il<br />

s’apprêtait à tomber. » [5]<br />

Borghese mourra en exil « en Espagne,<br />

après son coup d’Etat manqué de<br />

1970 » [6]. Mais tout se termine bien<br />

puisque « le 14 juillet 1978, la cour d’assises<br />

de Rome clôt par une sentence<br />

d’acquittement le procès des conspirateurs<br />

du putsch Borghese » [7].<br />

[1] : (Jean Belot, Télérama, 7/3/2001, à propos de « Le<br />

Terrorisme noir en Italie. Une histoire de réseaux », documentaire<br />

(2/2) de Fabrizio Calvi, Frédéric Laurent et Jean-<br />

Michel Meurice, 1997, Arte le 14/1/1998, rediffusé sur<br />

Arte le 14/3/2001)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 246-257)<br />

[3] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Troisième partie: Le terrorisme "atlantique" »,<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 253)<br />

[5] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 255-256)<br />

[6] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 260)<br />

[7] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 49)<br />

71 Label Europe


En 1973, « l’ombre du prince noir<br />

Valério Borghese assombrit [...]<br />

une nouvelle affaire qui commence<br />

avec la découverte par la police italienne,<br />

de documents inquiétants, frappant<br />

d’un sceau reproduisant l’aigle et le faisceau,<br />

symbole d’une organisation mysté<strong>rieuse</strong>,<br />

[la Rose des Vents] la Rosa dei<br />

ventigiunta, esecutiva riscossa sociale<br />

italiana. Ces documents rassemblent les<br />

éléments d’un coup d’Etat prévu pour le<br />

début de l’année 1974, vraisemblablement<br />

élaboré en 1972 au sein du Fronte<br />

Nazionale du prince Borghese. Ils résument<br />

clairement dix années de complot<br />

politico-militaire en Italie, depuis les fondements<br />

"intellectuels" du Parco dei<br />

Principi et la conspiration De Lorenzo de<br />

1964 :<br />

"Phase I : financement de l’opération grâce<br />

à l’appui d’industriels d’extrême droite, à<br />

des hold-up et à des enlèvements.<br />

Phase II : application de la stratégie de la<br />

tension et exécution d’attentats sanglants<br />

dans toute la péninsule. Ces<br />

attentats sont attribués indifféremment à<br />

l’extrême gauche et à l’extrême droite.<br />

Création d’un état de psychose dans la<br />

population.<br />

Phase III : offensive contre les organisa-<br />

Label Europe 72<br />

tions de gauche, assassinats de leurs dirigeants,<br />

guerre civile.<br />

Phase IV : intervention de l’armée. Les<br />

officiers et les soldats putschistes se joignent<br />

à l’extrême droite et neutralisent<br />

les militaires démocrates, dont la liste a<br />

été établie à l’avance.<br />

Phase V : exécution des ministres et parlementaires<br />

socialistes ou communistes,<br />

des dirigeants de la gauche et des<br />

anciens chefs de la résistance, etc. Au<br />

total : 1 624 personnes.<br />

Phase VI : institution d’un régime inspiré<br />

par celui de la République de Salo." [1] [...]<br />

Parmi les conjurés, un dirigeant actif<br />

[d’un] syndicat vénitien [...] passe aux<br />

aveux [...], il est imité par [un] général en<br />

retraite [...] ancien responsable du service<br />

de guerre psychologique auprès du<br />

commandement allié [...] de l’OTAN, et<br />

par [un] lieutenant colonel [...] chef du<br />

bureau des renseignements militaires de<br />

la III e armée. » [2] Et encore un putsch<br />

avorté en Italie…<br />

[1] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 259-260)<br />

[2] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 102-103)<br />

Le « 28 mai 1974, à Brescia, une<br />

bombe explose » [1] « place de la<br />

Loggia [...] où les syndicats avaient<br />

organisé une grande manifestation antifasciste<br />

à laquelle assistaient plusieurs<br />

milliers de personnes. » [2] « Il y a huit<br />

morts et 94 blessés [...], aucun coupable<br />

n'a jamais été retrouvé. [...]<br />

Immédiatement après l'explosion, [...] le<br />

sous-préfet en place ordonna aux<br />

sapeurs-pompiers de nettoyer les lieux…<br />

afin d'effacer tout indice ? » [1] Et « des


tracts sont retrouvés sur la place encore<br />

sanglante. Ils sont signés Ordine Nero, le<br />

nouveau sigle de l’organisation néonazie<br />

Ordine Nuovo, dissoute à la fin de<br />

1973.<br />

Le jour même, plusieurs fascistes<br />

notoires sont arrêtés. Les enquêteurs<br />

sont convaincus de l’existence d’un vaste<br />

plan de subversion. Trois semaines plus<br />

tôt, l’arrestation d’un nommé Carlo<br />

Fumagalli leur avait permis d’éventer un<br />

programme d’action terroriste qui devait<br />

être mis en œuvre le 10 mai, quarantehuit<br />

heures avant le référendum sur le<br />

divorce. Ce plan prévoyait une série de<br />

massacres, et en particulier le mitraillage<br />

d’une manifestation ouvrière à Milan.<br />

Prévue aussi, l’attaque de certaines<br />

casernes et bases de l’O.T.A.N., sans<br />

oublier quelques enlèvements et autres<br />

attentats à faire attribuer à l’extrême<br />

gauche. Pour cette opération, l’unité<br />

s’était faite entre groupes terroristes<br />

d’extrême droite. L’enquête révèlera<br />

qu’elle était déjà connue des services<br />

secrets, bien avant l’arrestation de<br />

Fumagalli. Son nom de code était Stella<br />

del mar (étoile de mer). » [2]<br />

La « piste des assassins nous ramène<br />

[...] vers le [...] "noyau pour la défense<br />

de l'Etat" organisé, dans la région de<br />

Padoue, par les fascistes Freda et<br />

Ventura avec la couverture de l'étatmajor<br />

de la Défense, ainsi que vers le<br />

Movimento Azione Rivoluzionaria dont<br />

le chef, Carlo Fumagalli, dépendait<br />

directement du commandement de la<br />

division des carabiniers "Pastrengo",<br />

sous les ordres du général Palumbo<br />

(membre de la loge P2 [...]). Ces<br />

groupes armés étaient partie intégrante<br />

du dispositif "atlantique Gladio". [… Il<br />

existait] d'autres organisations, encore<br />

plus secrètes, [...] couvertes par des<br />

appareils de l'Etat italien dont des responsables<br />

appartenaient à leur tour<br />

aux réseaux de Gladio ainsi qu'à la [...]<br />

loge P2. » [1]<br />

[1] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Troisième partie: Le terrorisme "atlantique" »,<br />

Les Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 277-278)<br />

« En cette année 1974, les services<br />

américains avaient mis au point un<br />

nouveau coup d'Etat. C'est à Edgardo<br />

Sogno, [... que] revient, cette fois, le rôle<br />

d'organiser la conjuration. Edgardo<br />

Sogno, malgré sa médaille d'or de résistant<br />

obtenue à la Libération, est un anticommuniste<br />

viscéral [... Ce] "frère" de la<br />

loge P2 [... a, en 1953, fondé la section<br />

italienne d’une] association dénommée<br />

"Pace e Libertà" (Paix et Liberté) [... « créée<br />

deux ans auparavant par le député radical-socialiste<br />

français Jean-Paul David » [1]<br />

73 Label Europe


et] financée directement avec des fonds<br />

"atlantiques" [...], dont le but était la<br />

lutte anticommuniste [... Elle] entretenait<br />

des rapports structurels avec le service<br />

secret militaire italien, le SIFAR (Service<br />

d'information des forces armées). Ces<br />

rapports passaient par le "bureau des<br />

relations économiques et industrielles"<br />

[...] spécialisé dans le contre-espionnage<br />

[... qui] était dirigé par le major Rocca, et<br />

cela bien que ce dernier ait toujours<br />

refusé de prêter serment à la<br />

"République née de la Résistance"...<br />

En août 1974, Edgardo Sogno préparait<br />

un coup d'Etat afin "que le pays puisse<br />

renouer avec une vision proche du<br />

Risorgimento : une alliance entre les laïcs<br />

occidentaux comme Pacciardi, les catholiques<br />

libéraux comme Cossiga et les<br />

socialistes anticommunistes comme<br />

Craxi", explique-t-il. Pour cela, il avait<br />

imaginé avec son ami Pacciardi qui, en<br />

tant que ministre de la Défense dans plusieurs<br />

gouvernements De Gasperi de<br />

1948 à 1953, avait été en 1949 "le père"<br />

des services secrets du SIFAR, de "suspendre"<br />

la démocratie, même bien limitée,<br />

qui existait dans le pays. » [2]<br />

« "Le coup, avait écrit [un des putschistes,<br />

haut fonctionnaire de la Fiat,<br />

Luigi] Cavallo, doit être organisé selon<br />

les critères du Blitzkrieg [...]. Le samedi,<br />

pendant les fêtes du mois d’août, alors<br />

que les usines sont fermées et les masses<br />

dispersées par les vacances. L’action doit<br />

être préparée à la manière indonésienne,<br />

péruvienne, brésilienne [...]. Ce doit<br />

être un coup d’Etat de droite avec un<br />

programme politique de gauche [...].<br />

Afin de démanteler l’édifice antifasciste<br />

et de placer les néo-fascistes hors-jeu. Le<br />

nouveau gouvernement devra alors agir<br />

de façon énergique, impitoyable et sans<br />

hésitation…" [...] Afin de ne pas "apparaître<br />

comme de dangereux extré-<br />

Label Europe 74<br />

mistes", les dirigeants du putsch prévoient<br />

la dissolution du M.S.I. et des<br />

groupes d’extrême droite et d’extrême<br />

gauche, dont les principaux responsables<br />

seront arrêtés et internés dans des<br />

camps. [...] Le 4 août 1974, six jours<br />

avant la date choisie pour le putsch, une<br />

bombe explose dans l’express Italicus.<br />

Bilan : douze morts et quarante-huit<br />

blessés. » [3] Le réflexe sécuritaire devait<br />

faciliter le coup d’Etat imminent.<br />

« Faisaient partie des putschistes [... des<br />

chefs militaires de plusieurs régions militaires],<br />

le commandant adjoint des carabiniers<br />

[...] appartenant à la loge P2 [...],<br />

le commandant de la division des carabiniers<br />

"Pastrengo", [...] général et<br />

membre de la P2 [...], le commandant<br />

de la division des carabiniers de Rome, le<br />

commandant de la division Folgore (les<br />

parachutistes) [...] (qui eut ensuite le privilège<br />

d'être nommé chef des services<br />

secrets militaires) lui aussi membre de la<br />

loge P2, le chef d'état-major de la marine,<br />

[...] ainsi que l'amiral [...] qui lui succéda<br />

comme chef de la marine "républicaine",<br />

le chef de l'état-major de l'aviation,<br />

[...] le commandant de la "Guardia<br />

di Finanza" (la police militaire des<br />

finances et des frontières), [...] le commandant<br />

de l'école de guerre, [...] l'ancien<br />

chef d'état-major de la défense, [...]<br />

et le procureur général de la Cour de<br />

Cassation [...]<br />

Selon le témoignage d'Edgardo Sogno,<br />

soudainement, le général Palumbo, le<br />

commandant de la division des carabiniers<br />

"Pastrengo", "trahit" et dévoile le<br />

complot. [...] La révélation de la préparation<br />

du putsch est donc transmise à la<br />

magistrature, Sogno est arrêté, pour être<br />

ensuite relâché "car le fait n'a pas eu<br />

lieu". Et c'est le ministre de l'Intérieur de<br />

l'époque, Taviani [le démocrate-chrétien<br />

Paolo Emilo Taviani est considéré


comme le fondateur du réseau Gladio<br />

en Italie], avec Giulio Andreotti [...]<br />

ministre de la Défense, qui empêchent<br />

les militaires de passer à l'action. [... Ces]<br />

deux personnalités qui sont au cœur<br />

même du dispositif Gladio [... le firent<br />

car] au même moment, eut lieu l'épisode<br />

de "l'impeachment" de Nixon.<br />

L'administration américaine ne souhaitait<br />

pas être directement confrontée à la<br />

responsabilité d'un coup d'Etat en<br />

Europe alors que [...] la droite républicaine<br />

américaine est submergée par le<br />

scandale du Watergate. Le président<br />

Nixon est contraint à quitter le pouvoir.<br />

Brusquement, pendant cette affaire, la<br />

politique extérieure des USA subit un<br />

important changement. C'est en effet à<br />

ce même moment que les régimes fascistes<br />

européens, privés de l'appui de<br />

leur riche bienfaiteur, se décomposent<br />

[...] : la Grèce des colonels, l'Espagne du<br />

Caudillo, le Portugal de Salazar. Avec la<br />

"disparition" de leur base portugaise, les<br />

fascistes européens perdent aussi une des<br />

structures les plus performantes de l'internationale<br />

noire [...] Aginter Press. [...]<br />

D'autre part, les stratèges de l'Otan<br />

avaient compris que le seul fait [… que<br />

l'on sache] qu'ils pouvaient activer un<br />

coup d'Etat, à tout moment, constituait<br />

déjà une dissuasion suffisante [... pour<br />

empêcher] les forces politiques de<br />

gauche d'assumer avec courage l'idée<br />

même d'envisager une alternance possible.<br />

» [2] On change alors de stratégie<br />

et « l’échec du complot Sogno marque<br />

soudain l’arrêt de conjurations sanglantes<br />

qui durent depuis dix ans. Après<br />

1974, l’Italie connaîtra certes encore des<br />

attentats, mais elle ne connaîtra plus de<br />

tentative de coup d’Etat comparable [...].<br />

Au mois de mai 1974, le référendum sur<br />

le divorce a marqué un tournant très<br />

important [...]. Se prononçant à plus de<br />

60 % en faveur de la législation du divorce,<br />

les Italiens ont porté un coup sévère à<br />

la démocratie chrétienne qui avait investi<br />

d’énormes moyens dans sa campagne en<br />

faveur du "non". Cette défaite idéologique<br />

de la démocratie chrétienne sera<br />

d’ailleurs sanctionnée dès l’année suivante<br />

aux élections régionales par une très<br />

forte poussée du parti communiste, qui<br />

passera de 27 % à plus de 33 %.<br />

Les résultats du référendum ont convaincu<br />

une partie importante de la droite et<br />

du patronat qu’il est désormais inévitable<br />

pour la démocratie chrétienne de<br />

passer un accord avec le parti communiste<br />

si elle veut continuer à diriger le<br />

pays. C’est effectivement ce qui se passera<br />

au lendemain des élections de 1976<br />

avec le "compromis historique" rampant<br />

entre la démocratie chrétienne et le parti<br />

communiste. L’homme de cette alliance<br />

tactique contre nature [Voir « Vodka-<br />

Cola » p. 558] est l’ancien ministre de la<br />

défense Giulio Andreotti. Celui-là même<br />

qui, à la fin du printemps 1974, a choisi<br />

de révéler le rôle des services secrets italiens<br />

dans les complots de la stratégie de<br />

la tension [...]. Pour l’homme du Vatican<br />

et des Américains qu’est Andreotti, c’était<br />

une volte-face. [...]<br />

C’est au lendemain du coup d’Etat qui a<br />

renversé Salvador Allende au Chili que le<br />

secrétaire général du parti communiste<br />

le plus puissant d’Europe occidentale a<br />

proposé aux représentants de la bourgeoisie<br />

un "compromis historique" de<br />

gouvernement. Sous prétexte qu’il est<br />

impossible pour un parti de gauche de<br />

gérer un pays avec l’appui de seulement<br />

51 % de la population. Faut-il chercher<br />

plus loin la preuve du succès de la stratégie<br />

de la tension ? » [4]<br />

[1] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 280)<br />

[2] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

75 Label Europe


confisquée. Troisième partie: Le terrorisme "atlantique" »,<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[3] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 275-276)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 286-288)<br />

Le peuple italien s’agitait depuis Mai 68<br />

sans que les syndicats ni le PCI ne<br />

sachent le contenir. C’était le "Mai rampant".<br />

« En 1977, [...] le ministre de<br />

l’Intérieur évaluait la "population socialement<br />

subversive" [...] à 100 000 personnes<br />

en Italie, selon les calculs du ministère<br />

de l’Intérieur ». [1] « Moro croyait au<br />

"compromis historique" [avec les chefs<br />

"communistes"], c'est-à-dire à la capacité<br />

des staliniens de briser finalement le mouvement<br />

des ouvriers révolutionnaires.<br />

Une autre tendance, celle qui [… était] en<br />

situation de commander aux contrôleurs<br />

de la "brigade rouge", n'y croyaient pas ;<br />

ou du moins, estimaient que les staliniens,<br />

pour les faibles services qu'ils [pouvaient]<br />

rendre, et qu'ils rendront de toute<br />

façon, [n’avaient] pas à être exagérément<br />

ménagés, et qu'il [fallait] les bâtonner<br />

plus rudement pour qu'ils ne deviennent<br />

pas trop insolents. » [2]<br />

Et, en 1978, Moro est enlevé. « Un général<br />

des carabiniers lié aux services secrets<br />

aurait "infiltré" un homme des clans cala-<br />

Label Europe 76<br />

brais dans le commando des Brigades<br />

rouges qui a enlevé l'homme politique.<br />

[... C’est] Mario Moretti, à l'époque chef<br />

des [Brigades Rouges], qui a exécuté<br />

Moro. » [3] Son « cadavre sera déposé,<br />

en plein centre de Rome, à mi-parcours<br />

entre le siège de son propre parti [DC] et<br />

celui du Parti communiste » [4]. « Le<br />

colonel Oswald Le Winter de la C.I.A. qui<br />

a servi comme officier de liaison américain<br />

avec Gladio, va jusqu'à affirmer que<br />

l'équipe organisatrice des Brigades<br />

rouges était constituée d'agents secrets<br />

[…]. Les balles qui ont tué les gardes du<br />

corps [d'Aldo Moro] étaient... d'un type<br />

uniquement utilisé par les services spéciaux<br />

italiens... » [5] La conscience de<br />

l’infiltration est tellement répandue que<br />

même un film de comédie écrit pour un<br />

large public [6] peut montrer des<br />

"Brigades pourpres" comme étant une<br />

création de la police de César.<br />

Le futur « président de la république, M.<br />

Fernando Cossiga, […] s'est entouré au<br />

moment de l'enlèvement d'Aldo Moro,<br />

alors qu'il était ministre de l'intérieur,<br />

d'un ''comité de crise'' composé exclusivement<br />

d'hommes de la loge P2 » [7].<br />

Mais, plus tard, on a « découvert, mysté<strong>rieuse</strong>ment,<br />

un paquet de textes manuscrits<br />

de l'ancien président de la<br />

Démocratie chrétienne (DC), Aldo Moro<br />

[...], mettant en cause de nombreuses<br />

personnalités de la classe politique italienne,<br />

au premier rang desquelles M.<br />

Giulio Andreotti, le président du Conseil.<br />

[...] Dans un tel contexte de crise, la<br />

publication des lettres d'Aldo Moro pourrait<br />

bien constituer un avertissement de<br />

la Mafia en direction de la Démocratie<br />

chrétienne.<br />

En effet, la Mafia serait en possession de<br />

documents compromettants qu'elle<br />

aurait récupérés à la préfecture de<br />

Palerme dans le bureau du général Della


Chiesa, après l'assassinat de celui-ci. » [7]<br />

On lit dans ces « textes d'Aldo Moro [...] :<br />

"[...] Andreotti [...] a dirigé plus longtemps<br />

et plus que tout autre les services<br />

secrets [...]. Il a une extraordinaire habileté<br />

à s'approprier tous les leviers du<br />

pouvoir. Il évoluait très facilement dans<br />

ses rapports avec ses collègues de la CIA<br />

(au-delà du terrain diplomatique), si bien<br />

qu'il put être informé des rapports confidentiels<br />

faits par les organismes italiens<br />

aux organismes américains [... A propos<br />

de la» ‘stratégie de la tension’, on peut<br />

parler] d'indulgences et de connivences<br />

des organes de l'Etat et de la Démocratie<br />

chrétienne dans certains de ses secteurs".<br />

[8] Il évoque aussi ses mauvais<br />

rapports avec les Etats-Unis et notamment<br />

avec l'ancien secrétaire d'Etat<br />

Henry Kissinger. » [7] Kissinger, « la<br />

détente » ? [Voir « Kissinger, le "faucon<br />

masqué" », p. 545] Quel rapport avec la<br />

« stratégie de la tension » ?<br />

[1] : (Daniel Mermet, « Les années noires, les années<br />

rouges en Italie (3) », Là-bas si j’y suis, France Inter,<br />

23/6/2004,http://lbsjs.free.fr/LaBasMermet/230604.ram,<br />

(4:20/54:24))<br />

[2] : (Guy Debord, « Préface à la quatrième édition italienne<br />

de la Société du Spectacle », Champ libre, 1979, réed.<br />

Gallimard)<br />

[3] : (L'Evénement du Jeudi, 28/10/1993, p. 43)<br />

[4] : (Alain Geismar, « L’Engrenage terroriste », Fayard,<br />

1/1981, p. 84)<br />

[5] : (Hugh O’Saughnessy, The Observer (Londres), trad.<br />

« Gladio, le secret le mieux gardé d’Europe », Courrier<br />

International, n° 85, 18/6/1992, pp. 7-9)<br />

[6] : (Jean Yanne, « Deux heures moins le quart avant<br />

Jésus Christ », 1982)<br />

[7] : (François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

[8] : (Textes reproduits dans le dossier spécial "Aldo Moro",<br />

L'Espresso, 4/11/1990)<br />

« Chargés d'instruire les affaires du<br />

crash d'un avion militaire secret, en<br />

1973, à Maghera, et celle d'un attentat<br />

à la voiture piégée, à Paetano, les<br />

juges vénitiens Felice Casson et Carlo<br />

Mastelloni recueillent des témoignages<br />

et des documents tendant à<br />

prouver qu'un gouvernement secret<br />

contrôlerait l'Italie dans l'ombre des<br />

institutions officielles. » [1]<br />

En effet, « M. Felice Casson, en enquêtant<br />

à partir de 1982 sur [...] le massacre<br />

de Peteano, [...] découvre que [... le] chef<br />

des services secrets militaires, l'amiral<br />

Fulvio Martini, a récupéré dans la région<br />

un stock d'armes clandestin, de peur qu'il<br />

ne soit découvert par la magistrature. Ce<br />

stock d'armes était l'un des nombreux<br />

dépôts secrets dont disposait, à travers<br />

l'Italie, l'organisation Gladio progressivement<br />

mise au jour par le juge. » [2]<br />

« Alors [que les juges] convoquent en<br />

leur cabinet plusieurs dirigeants politiques<br />

du pays, le président du Conseil,<br />

Giulio Andreotti, rend publique le 27<br />

octobre 1990 une déclaration authentifiant<br />

l'existence d'une telle superstructure,<br />

le Gladio : "Après la Seconde Guerre<br />

mondiale, la peur de l'expansionnisme<br />

soviétique et l'infériorité des forces de<br />

l'OTAN par rapport au Kominform<br />

conduisirent les nations d'Europe de<br />

l'Ouest à envisager de nouvelles formes<br />

de défense non conventionnelles, créant<br />

sur leur territoire un réseau occulte de<br />

résistance destiné à œuvrer en cas d'occupation<br />

ennemie, à travers le recueil<br />

d'informations, le sabotage, la propagande,<br />

la guérilla." [3] » [2]<br />

77 Label Europe


Evidemment, un « an tout juste après la<br />

destruction du mur de Berlin » [4], la<br />

« révélation par le gouvernement italien<br />

de l'existence depuis quarante ans d'une<br />

structure parallèle de renseignement et<br />

d'action armée clandestine, pilotée par les<br />

services secrets mais "sponsorisée" par<br />

l'OTAN et la CIA, a provoqué un<br />

choc [5]. » [6] Mais tout ça s’est fini au<br />

moment même où on en a parlé, bien sûr<br />

[Voir « Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 609].<br />

[1] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[2] : (François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

[3] : (« Rapport Andreotti sur l'Opération Gladio », 2/1991,<br />

republié par Réseau Voltaire, 26/2/1991, http://www.voltairenet.org/article8387.html)<br />

[4] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 47)<br />

[5] : (Le Monde, 25/10/1990)<br />

[6] : (Claude Patrice, « Italie : face aux interrogations de<br />

l'opinion M. Andreotti lève le voile sur le passé d'une structure<br />

armée parallèle patronnée par l'OTAN et la CIA », Le<br />

Monde, 7/11/1990)<br />

Giordano bruni<br />

Petit joueur. « Au total, c'est près de 10<br />

millions de francs qui auraient transité sur<br />

les comptes de M gr Giordano, cardinal<br />

archevêque de Naples. Pour aider son<br />

frère dans le besoin, dit-il. » [1] « Fin août<br />

[1998], M gr Giordano s'est vu signifier sa<br />

mise en examen pour… usure, extorsion<br />

de fonds et association de malfaiteurs.<br />

Des centaines de millions de lires, destinées<br />

au trafic usuraire mis sur pied par<br />

son frère, [...] proviendraient du compte<br />

personnel du cardinal, à l'Institut des<br />

œuvres de la religion, la banque vaticane.<br />

[...] "Dans sa jeunesse, indique<br />

Panorama, il faisait partie de<br />

Gladio [...]" ». [2] Péché de jeunesse. On<br />

a fait bien pire au Vatican.<br />

[1] : (Henri Haget & Vanja Luksic, « Le Monsignore<br />

aux deniers occultes », L’Express, 5/11/1998)<br />

[2] : (Michele Giordano, « L'archevêque qui voit<br />

rouge », Courrier international, 3/9/1998, p. 10,<br />

d’après Panorama)<br />

Label Europe 78<br />

« Cinq bombes en trois mois, dix<br />

morts, une soixantaine de blessés :<br />

comment ne redouteraient-ils pas le<br />

retour de la "stratégie de tension" de<br />

sinistre mémoire, cette longue litanie<br />

d'attentats sanglants - entre<br />

décembre 1969 et décembre 1984 -<br />

et pour la plupart demeurés<br />

impunis ? [... Et] l'escalade de la violence<br />

intervient au moment où les<br />

juges de "Mani Pulite", cette enquête<br />

tentaculaire sur la corruption "unissant"<br />

les milieux d'affaires et le<br />

monde politique, s'apprêtent à porter<br />

un coup violent au vieux "système".<br />

Car des personnalités de premier plan<br />

seraient impliquées dans l'affaire Enimont,<br />

qui s'est déjà soldée par trois ["]suicides["],<br />

dont celui de Raul Gardini. Risque-t-on de<br />

découvrir derrière cette affaire l'existence<br />

de trafics internationaux où l'Etat luimême<br />

aurait trempé et tellement scandaleux<br />

qu'il faudrait absolument faire taire<br />

leurs derniers témoins ? » [1]<br />

Enimont ? C'est l'histoire de Raoul<br />

Gardini, PDG "suicidé" de Ferruzi, qui<br />

avait monté le holding Enimont pour<br />

racheter à l'Etat italien le géant de la chimie<br />

Montedison, avec de l'argent que lui<br />

prêtaient les banques du même Etat,


pour enfin le revendre, avec de très<br />

importants bénéfices (le score étant<br />

caché en Suisse), à encore ce même<br />

Etat. Comme même les voix du P.C.I. ont<br />

servi au Parlement pour adopter l'absence<br />

d'impôts sur le holding Enimont,<br />

Craxi, ex-premier ministre italien socialiste,<br />

s'est certes reconnu coupable de<br />

complicité... mais comme l'ensemble des<br />

dirigeants politiques de son pays. [2]<br />

« Depuis les attentats du 14 mai [1993]<br />

via Fauro à Rome et du 27 mai [1993] à<br />

Florence, l'enquête piétine. [...] Une première<br />

tête est cependant tombée : celle<br />

du chef des services secrets civils (SISDE),<br />

le préfet Angelo Finocchiaro, qui a remis<br />

sa démission [...]. Des agents des services<br />

secrets [du SISDE] ont collaboré<br />

avec la loge P2 de Licio Gelli, ou le<br />

réseau Gladio, certains ont même été<br />

mêlés à l'attentat contre la gare de<br />

Bologne en 1980, et ont été condamnés<br />

pour avoir délibérément brouillé les<br />

pistes durant l'enquête. » [3] On a donc<br />

du changer le fusible.<br />

[1] : (« L'Italie s'interroge », Le Monde, 30/7/1993, p. 1)<br />

[2] : (D’après Libération, 20/4/1994)<br />

[3] : (Marie-Claude Decamps, « Italie : après les attentats<br />

de Rome et de Milan », Le Monde, 30/7/1993, p. 3)<br />

Honorable Berlusconi. « C'est le<br />

premier Italien du classement<br />

mondial [des fortunes], 29 e de la<br />

liste [des fortunes personnelles dans le<br />

monde en 2001], avec 10,3 milliards de<br />

dollars. » [1] « Mais au fait comment a-til<br />

fait pour faire fortune, le richissime<br />

Silvio Berlusconi ? [...] Qui se cachait derrière<br />

les mysté<strong>rieuse</strong>s sociétés financières<br />

suisses administrées par un avocat de<br />

Lugano, Renzo Rezzonico, qui ont<br />

apporté les fonds au futur Cavaliere ? A<br />

cette question Silvio Berlusconi n'a<br />

jamais apporté une réponse claire. » [2]<br />

En tous cas, la « prospérité de ses sociétés<br />

est [...] due en partie à ses appuis<br />

politiques (depuis les "décrets<br />

Berlusconi" édictés par Bettino Craxi<br />

pour permettre à ses chaînes de télévision<br />

de recommencer à diffuser quand<br />

les magistrats de première instance les<br />

ont déclarées hors la loi et fait brouiller,<br />

jusqu’à la "loi Mammi", faites sur mesure<br />

pour Fininvest), et en partie aux bénéfices<br />

fiscaux qu’il s’est octroyés grâce à<br />

une loi approuvée par son propre gouvernement.<br />

[... Le] principal financier (à<br />

fonds perdus) de Mediaset est l’Etat italien.<br />

Alors que les citoyens [...] payaient<br />

leurs impôts [...] pour assainir les<br />

finances publiques dans les années<br />

1994-95, Berlusconi déclarait des pertes<br />

fiscales de 135 [... milliards de] lires et<br />

prélevait dans le même temps des profits<br />

pour lesquels Mediaset avait bénéficié<br />

d’une aide fiscale de 181 [... milliards de]<br />

lires. [...] Il a toujours affirmé que ses<br />

sociétés n’ont jamais reçu un sou de<br />

l’Etat, ce qui est faux. Chaque fois qu’il a<br />

été mis en examen, il a crié au complot,<br />

et son empire médiatique a déchaîné un<br />

bombardement sans précédent contre la<br />

magistrature, alors qu’en général les<br />

autres industriels ont gardé le silence.<br />

Mais il a surtout été chef du gouvernement,<br />

et il l’est redevenu. Ce qui fait de<br />

lui un personnage unique dans le<br />

monde des chefs d’entreprise. Pas seulement<br />

en Italie, partout ailleurs. » [3]<br />

Berlusconi, El Cavaliere (comme on surnommait<br />

Mussolini auparavant), est un<br />

modèle de prince de notre temps. C’est<br />

bien un exemple à suivre quand<br />

« Berlusconi fait le contraire de ce qu'il<br />

79 Label Europe


dit… et se sucre » [4]<br />

Le « conflit d’intérêts de Berlusconi [...]<br />

ne se limite pas à la propriété de trois<br />

chaînes de télévision, mais touche aussi<br />

aux secteurs les plus vitaux de l’économie<br />

et des finances. Chaque fois que le<br />

gouvernement est appelé à s’occuper<br />

d’édition, de télécommunications, de<br />

téléphonie portable, d’assurances, de<br />

grande distribution, de cinéma et d’audiovisuel,<br />

du bâtiment, d’affaires immobilières,<br />

de sport, etc., le président du<br />

Conseil des ministres<br />

Silvio Berlusconi devrait<br />

sortir de la salle du Conseil<br />

pour incompatibilité<br />

manifeste. » [5]<br />

Parfois, bien sûr, les profits<br />

illicites apparaissent.<br />

« En quelques années, la<br />

Suisse a restitué à l'Italie<br />

plus de 100 millions de<br />

francs saisis dans ses<br />

banques. Où des politiciens<br />

et de gros industriels<br />

italiens avaient transféré<br />

leurs fonds occultes. La<br />

plus connue des personnalités<br />

de cette<br />

Tangentopoli (la cité des pots-de-vin)<br />

n’est autre que Silvio Berlusconi […<br />

Début 2002, il était] d’ailleurs impliqué<br />

dans plusieurs procédures pénales<br />

concernant la gestion frauduleuse de sa<br />

société Fininvest. » [6] « Fininvest, dont<br />

Mediaset est la filiale [... et] dont la plupart<br />

des hauts dirigeants ont été arrêtés<br />

et/ou mis en examen et/ou inculpés<br />

et/ou condamnés pour des délits<br />

graves ». [7]<br />

Mais, de « fait, le gouvernement<br />

Berlusconi a fourni à Mediaset, société<br />

appartenant à Berlusconi, l’interprétation<br />

de la loi du gouvernement de<br />

Berlusconi permettant à Berlusconi de<br />

gagner 250 milliards [de lires]. » [8] Et déjà,<br />

Label Europe 80<br />

quelques mois avant, on notait :<br />

« Berlusconi vient de faire adopter par le<br />

Parlement italien une loi sur le droit des<br />

sociétés qui va lui permettre d'échapper à<br />

trois procès ». [9] ; Eva « Joly confirme la<br />

défaite des juges de "Manu pulite", la nouvelle<br />

loi sur les falsifications de bilan<br />

menant, par son effet rétroactif de prescription,<br />

à l’annulation de la moitié des procédures<br />

engagées par "Manu pulite". » [10]<br />

Son parti, « Forza Italia, souligne son<br />

porte-parole, M. Sandro Bondi, se fonde<br />

essentiellement sur la<br />

personnalisation et la<br />

spectacularisation de la<br />

vie politique à partir d’un<br />

leader charismatique. La<br />

télévision permet le rapport<br />

direct de ce leader<br />

avec les électeurs. » [11]<br />

Ainsi, nous avons vu<br />

« surgir une république<br />

nouvelle. Cogérée entre<br />

l'ex-membre de la loge<br />

P2 [12], Berlusconi, et les<br />

"post" fascistes de Fini,<br />

elle pourra enfin boucler<br />

la boucle : assassiner l'histoire<br />

de la résistance antifasciste<br />

et absoudre les criminels ayant<br />

les moyens de payer une caution. » [2]<br />

Car Berlusconi n’est pas seul.<br />

« Gianfranco Fini, numéro deux du gouvernement<br />

italien et leader de l’Alliance<br />

nationale (AN) [... est] fils et petit-fils de<br />

fascistes [...]. Devenu [... dirigeant du]<br />

Mouvement social italien [...], il comprend<br />

que, pour percer, le MSI doit<br />

devenir "respectable", et [...] le transforme<br />

en Alliance nationale. » [13]<br />

Le « Mouvement Social Italien (MSI) [fut]<br />

fondé par d’anciens dignitaires de la<br />

République de Salo » [14] « à la fin de<br />

1946. » [15] « Son symbole est un catafalque<br />

et une flamme tricolore [...]. Le<br />

sigle M.S.I. signifie aussi : Mussolini Sei


Immortale ("Mussolini tu es<br />

immortel"). » [16] Alors, pour faire<br />

oublier d’où il vient, Fini « n’a pas lésiné<br />

[...] en se recueillant longuement, avec<br />

une kippa, à Yad Vashem, le mémorial<br />

en souvenir des victimes de la Shoah.<br />

Puis, en qualifiant de "honteuses" les<br />

"lois fascistes racistes" adoptée par l’Italie<br />

à partir de 1938 ». [13] Bush va bien se<br />

recueillir à Auschwitz… [Voir : « Les<br />

Bush rient », p. 584]<br />

« Silvio Berlusconi a profité de la diversion<br />

procurée par la campagne antiterroriste<br />

pour accélérer son processus de<br />

déstabilisation de la justice, rare institution<br />

italienne qui lui [résistait] encore.<br />

[…] L’homme à la fortune douteuse,<br />

devenu président du Conseil après avoir<br />

été le plus fameux “repris de justesse” du<br />

système judiciaire italien, a échappé à<br />

toute condamnation grâce aux finasseries<br />

procédurales que la loi italienne<br />

fournit généreusement aux mafieux et<br />

aux corrompus. […]<br />

Avec cynisme mais détermination, il a<br />

entrepris dès son arrivée au pouvoir de<br />

faire voter, par un Parlement composé<br />

de ses créatures, des lois qui, dans tout<br />

autre pays civilisé, auraient déjà provoqué<br />

de nos jours une crise de régime.<br />

[…] Les mafias se frottent évidemment<br />

les mains. [… Il] a décidé d’alléger ou de<br />

supprimer les escortes policières des<br />

magistrats pour économiser les deniers<br />

publics ! [… Il] se dépense [ensuite] sans<br />

compter pour briser la résistance des<br />

juges et de l’institution judiciaire.<br />

Menaces, calomnies, ingérences […]<br />

Silvio Berlusconi exerce [...] son "droit de<br />

poursuite" contre les juges jusque dans<br />

les couloirs de la Commission européenne.<br />

Il refuse de donner à l’Office européen<br />

de lutte anti-fraude (Olaf) […] le<br />

concours de magistrats italiens. […] Une<br />

partie de ses efforts pour empêcher la<br />

justice de la péninsule de recueillir des<br />

preuves serait anéantie si des magistrats<br />

italiens, rompus aux circuits de corruption<br />

de la péninsule et connaissant sur le<br />

bout des doigts les réseaux criminels italiens<br />

et leurs méthodes, pouvaient faire<br />

au sein de l’Olaf ce qu’ils ne pourront<br />

plus faire en Italie. [… Berlusconi affiche]<br />

ses prétentions de bloquer le fonctionnement<br />

de l’Union européenne et de<br />

livrer celle-ci aux prédateurs du crime<br />

organisé. […] Les mafias, revenues en<br />

cour, relèvent partout la tête. Elles ne<br />

limiteront pas leurs prédations à la<br />

péninsule. » [17] L’Europe est à elles.<br />

Berlusconi « exploite l'apparition dans la<br />

Péninsule d'un nouveau groupe armé<br />

qui se revendique des Brigades rouges.<br />

Une organisation qui s'était auto-dissoute<br />

à la fin des années 1980. Or, le 19<br />

mars 2002, Marco Biagi, conseiller<br />

auprès du ministre du Travail est assassiné<br />

à Bologne. Ce meurtre est revendiqué<br />

[...] par de "nouvelles" Brigades<br />

rouges. [...] Une partie de la presse<br />

pense [...] qu'il pourrait s'agir d'un coup<br />

monté par les services secrets. Marco<br />

Biagi se sentait menacé et avait demandé<br />

une escorte que le ministre de<br />

l'Intérieur lui avait refusée. Et c'est peu<br />

après qu'il a été tué.<br />

[... On a vu] la répression brutale qui<br />

s'est abattue sur les manifestants antiglobalisation<br />

lors de l'énorme rassemblement<br />

de 2001 à Gênes, au moment du<br />

G8. Carlo Giuliani, un jeune manifestant<br />

[... fut abattu] d'un coup de pistolet tiré<br />

par un carabinier [Voir : « J’ai ouï :<br />

“Tue !” », p. 468]. [... Puis], après les attentats<br />

[...] du 11 septembre 2001,[...] Silvio<br />

Berlusconi s'est enrôlé, en première<br />

ligne, aux côtés des nouveaux "croisés"<br />

conduits par Georges Bush junior. [...]<br />

La recette conçue par le "cavaliere" est la<br />

suivante : l'ennemi étant désormais "le<br />

81 Label Europe


terrorisme", il faut trouver le moyen de<br />

relier Al-Qaida aux Brigades rouges… et<br />

ces dernières au mouvement alter-mondialiste<br />

! L'assassinat de Marco Biagi lui<br />

offre un prétexte précieux. C'est ainsi<br />

qu'il est suggéré aux enquêteurs, qui<br />

naviguent dans le brouillard, de s'intéresser<br />

aux brigadistes rouges, de l'ancienne<br />

génération, qui ont trouvé refuge,<br />

depuis désormais 20 ans, en<br />

France. » [18]<br />

Bien sûr, Berlu aura tout de même dû<br />

quitter le pouvoir étatique... Son successeur<br />

« Romano Prodi passe pour avoir<br />

lui-même appartenu au réseau stay<br />

behind. » [19] Et le souvenir de Gladio<br />

est toujours vivant en Italie, comme l’atteste<br />

son site internet. [20] Alors, finalement<br />

le revoilà élu en 2008.<br />

[1] : (« Fortunes. Au hasard des classements », L’Humanité,<br />

4/8/2001, http://www.humanite.presse.fr/journal/2001-<br />

08-04/2001-08-04-248353, d’après Le nouvel Economiste<br />

et Forbes)<br />

[2] : (Zeno, « Berlusconi, le nouveau "duce" », Les<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, n° 4, 6-8/2001, p. 80)<br />

[3] : (Elio Veltri et Marco Travaglio, « L’odeur de l’argent.<br />

Les origines et les dessous de la fortune de Silvio<br />

Berlusconi », Fayard, 10/2001, pp. 332-333)<br />

[4] : (« Berlusconi fait le contraire de ce qu'il dit… et se<br />

sucre », Le Canard enchaîné, 3/4/2002, p. 8)<br />

[5] : (Elio Veltri et Marco Travaglio, op. cit., p. 329)<br />

[6] : (Swissinfo, 16/2/2002)<br />

[7] : (Elio Veltri et Marco Travaglio, op. cit., p. 330)<br />

[8] : (Elio Veltri et Marco Travaglio, op. cit., p. 327)<br />

[9] : (Le Canard enchaîné 8/8/2001, p 2, d’après<br />

Libération 5/8/2001)<br />

[10] : (Philippe Doray, « Edito », p. 3, n. a, Zapito, n° 33<br />

spécial ed. annuelle 2004 (10 euros, c/o Association de<br />

Mots, 4 rue de la République, F-76350 Oissel, d’après Eva<br />

Joly, « Est-ce dans ce monde que nous voulons vivre ? »,<br />

Les Arènes, 2003, réed. folio, 2004)<br />

[11] : (Cité in « Le centre-droit italien aux abois Nœuds<br />

gordiens pour Forza Italia », Le Monde diplomatique,<br />

9/2003, p. 8, http://www.mondediplomatique.fr/2003/09/WASMES/10501)<br />

[12] : (« Voici la liste des 959 membres de la loge P2 »,<br />

http://www.amnistia.net/news/gelli/lesnoms.htm)<br />

[13] : (Camille Bauer, « Prise de tête Gianfranco Fini »,<br />

L’Humanité, 29/11/2003, http://www.humanite.presse.fr<br />

/popup_print.php3?id_article=383432)<br />

[14] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock,<br />

4/1978, p. 37)<br />

[15] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 61)<br />

[16] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 38)<br />

Label Europe 82<br />

[17] : (Jean de Maillard, « Rebond » in Libération<br />

5/12/2001, cité in Billets d’Afrique n° 99 1/2002,<br />

http://www.survie-france.org/IMG/doc/doc-112.doc)<br />

[18] : (Enrico Porsia, « Madrid-Rome via Paris-Alger :<br />

Voyage dans l’univers des professionnels de la manipulation<br />

», Les Enquêtes interdites - amnistia.net, n° 46,<br />

5/4/2004)<br />

[19] : (« La France autorise l’action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, n° 72, 9/3/2004, p. 3 n. 1,<br />

http://www.voltairenet.org/article12786html#nb1)<br />

[20] : (http://www.gladioitalia.com, site avec cookie obligatoire…<br />

« L’affaire des tueurs du Brabant a<br />

d’autant plus traumatisé la Belgique<br />

qu’elle est totalement incompréhensible,<br />

irrationnelle. » [1]<br />

Revenons sur ces « mitraillages […] dans<br />

les supermarchés belges, qui ont culminé<br />

en 1983 par un massacre horrible dans la<br />

ville d'Aalst, à quelques kilomètres de<br />

Bruxelles, commis par les ''tueurs fous du<br />

Brabant''. Le sénateur Lallemand a mis<br />

ces meurtres en rapport avec ''les activités<br />

de gouvernements étrangers ou de services<br />

de renseignements travaillant pour<br />

l'étranger et un terrorisme visant à déstabiliser<br />

la société démocratique.'' » [2]


Cependant, malgré « des moyens d'investigation<br />

exceptionnels, les travaux de<br />

deux commissions d'enquête parlementaire<br />

et la pression permanente des<br />

familles des victimes, l'énigme demeure<br />

entière.<br />

[… Le] 14 août 1982, des malfaiteurs<br />

cambriolent une épicerie à Maubeuge<br />

[…]. Les ''tueurs fous'' viennent d'entrer<br />

en scène. Ce coup porte déjà leur griffe :<br />

un braquage au butin dérisoire s'achevant<br />

par une fusillade avec la police […]<br />

qui tourne à leur avantage. Au cours des<br />

mois qui suivent, ils multiplient les<br />

attaques et les vols […] et assassinent,<br />

au passage, une dizaine de personnes.<br />

Les […] criminels […, à] l'automne 1985,<br />

s'abattent sur trois grandes surfaces de<br />

la firme Delhaize. Bilan : 16 morts pour<br />

une poignée de francs et quelques kilos<br />

de café [… Trois] hommes masqués qui<br />

tirent sur tout ce qui bouge, adultes et<br />

enfants […] et sèment les policiers qui les<br />

prennent en chasse. » [3]<br />

« Le vendredi soir - c'est ce jour-là que les<br />

tueurs du Brabant wallon ont l'habitude<br />

d'opérer, - les supermarchés sont devenus<br />

quasiment déserts [...]<br />

Conséquence : alors que la Belgique [...]<br />

s'acheminait vers un fédéralisme de plus<br />

en plus poussé, les nécessités de la lutte<br />

contre le banditisme et le terrorisme<br />

impliquent maintenant une nouvelle<br />

concentration des pouvoirs. » [4] « Après<br />

le dernier massacre, celui du 9<br />

novembre 1985 à Alost, ces killers […]<br />

ne donneront plus jamais signe de vie.<br />

Ils laissent derrière eux 28 cadavres, des<br />

survivants marqués à vie, des familles de<br />

victimes traumatisées, une population<br />

sous le choc et un pays en état de siège.<br />

Le gouvernement envoie les paras commandos<br />

dans la rue. » [3]<br />

Un « ''limier'' de la Cellule du Brabant<br />

wallon (CBW) (Cellule d'enquête spécia-<br />

le créée en 1990 […]), [… nota plus tard<br />

que] les riot guns, pistolets-mitrailleurs et<br />

autres revolvers utilisés [...] n'avaient pas<br />

servi avant et ne serviront plus après.<br />

Même invisibilité [des tueurs] au sein du<br />

[...''milieu''.] ''[…] Vu leur connaissance<br />

des armes, ils peuvent [...] provenir de<br />

milieux militaires ou de mercenaires. '' » [3]<br />

« Mais comment savoir à quoi ont pu servir,<br />

au fond, les ''tueurs fous du<br />

Brabant'' ? Il est difficile d’appliquer le<br />

principe Cui prodest ? dans un monde<br />

où tant d’intérêts agissants sont si bien<br />

cachés. » [5] « Aujourd’hui, pas loin de<br />

vingt ans après [… à] peine pouvonsnous<br />

[…] énumérer les différentes hypothèses<br />

[…]. Les tueries s’expliqueraient<br />

alors par une opération de racket<br />

menée, aux Etats-Unis, par la Cosa<br />

Nostra contre une chaîne de grands<br />

magasins belges qui s’y était implantée […].<br />

Ces tueries de masse [pourraient aussi<br />

n’être] que le camouflage de "cadavres<br />

exquis", comme disent les Italiens.<br />

Quelques personnes bien précises<br />

devaient mourir, pour diverses raisons,<br />

et leur assassinat, extrêmement ciblé, a<br />

été noyé dans des massacres incohérents<br />

pour brouiller les pistes […] tel gendarme<br />

enquêtait à titre privé, en dehors<br />

de ses heures de service, sur une grosse<br />

affaire politico-financière ; tel autre individu<br />

se révélait être un banquier failli<br />

dont l’établissement aurait été mêlé à<br />

des financements de trafics d’armes<br />

internationaux, telle autre personne<br />

aurait disposé d’un dossier particulièrement<br />

chaud susceptible de mouiller une<br />

importante personnalité politique.<br />

[… Ou enfin] les tueries s’expliquent par<br />

une volonté de certains, dans une<br />

branche "dissidente" des services secrets<br />

américains, de renforcer un Etat belge<br />

qui leur semblait dangereusement faible<br />

et instable. Elles auraient participé à une<br />

83 Label Europe


"stratégie de la tension" visant à pousser<br />

l’Etat à durcir ses positions sécuritaires. » [1]<br />

En effet, « depuis 1966, après que le<br />

général De Gaule pria l'OTAN et le<br />

SHAPE de quitter la France, l'organisation<br />

militaire atlantique [avait du, en<br />

effet] trouver un autre sanctuaire. A l'invitation<br />

du ministre belge des Affaires<br />

étrangères, Paul-Henri Spaak, l'OTAN -<br />

sous la domination des Etats-Unis - s'installa<br />

à Bruxelles et son état-major près<br />

de Mons. "Quelques années plus<br />

tard, au sein du "club atlantiste"<br />

des pressions ont été<br />

faites pour que la Belgique<br />

soit plus sûre", témoignera<br />

le journaliste du "Soir" [René<br />

Haquin] sur les antennes de<br />

la RTBF. » [6]<br />

Raisonnant de même, « certains,<br />

proches de l'enquête, privilégient<br />

l'hypothèse de la tentative de déstabilisation<br />

orchestrée par des ''chiens de<br />

guerre'' qui considèrent, à l'époque, la<br />

Belgique comme le ventre mou de<br />

l'Europe » [3] (« c'est-à-dire une zone<br />

géostratégique relativement faible au<br />

niveau de sa sécurité » [6]) « et auxquels<br />

le puissant mouvement d'opposition<br />

populaire à l'installation des euromissiles<br />

[nucléaires braqués sur l’URSS] donne<br />

d'insupportables démangeaisons. […]<br />

D'aucuns évoquent une transposition<br />

[belge] de la stratégie de la tension qui a<br />

lacéré l'Italie [5].<br />

''Les tueurs, c'est l'extrême droite. Avec<br />

l'intervention possible de services de renseignement<br />

américano-atlantistes. Les<br />

attaques ressemblaient trop à des opérations<br />

de commandos. Elles n'étaient pas<br />

possibles, en outre, sans des relais et des<br />

complicités à l'intérieur du système.<br />

Pourquoi la Belgique aurait-elle échappé<br />

à ce qui s'est passé en Italie ? Quand<br />

l'Amérique sent ses intérêts menacés,<br />

Label Europe 84<br />

elle a tendance à vouloir remettre de<br />

l'ordre. […], la thèse de la stratégie de la<br />

tension m'apparaît comme la seule possible<br />

[…]'', avance M e Michel Graindorge,<br />

défenseur d'une des parties civiles. » [3]<br />

Le journaliste « René Haquin [... note<br />

que] "[…] les tueries du Brabant perpétrées<br />

de 1982 à 1985, aboutissent en<br />

1985 à une musculation de l'Etat. Or,<br />

cette musculation était demandée<br />

depuis les années septante par nos partenaires<br />

étrangers présents en<br />

Belgique, notamment<br />

l'OTAN". » [6] Et les missiles<br />

nucléaires de l’OTAN seront<br />

bien installés en Belgique.<br />

« "Cette décision était loin<br />

d’être facile à prendre dans<br />

un pays où des centaines de<br />

milliers de pacifistes défilaient<br />

régulièrement dans les rues pour<br />

s’opposer à ce type de menace. Et cette<br />

sensibilité trouvait un écho favorable<br />

dans une frange de l’omniprésent et<br />

tout-puissant Parti socialiste. À tel point<br />

que l’on a pu craindre que la Belgique<br />

n’accepte jamais les missiles américains. Or<br />

si ce pays, où siègent l’Alliance atlantique<br />

et le Commandement suprême interallié,<br />

avait refusé les missiles, quel autre Etat<br />

européen les aurait acceptés ? » [1]<br />

Réflexion, bien sûr, « qui met de côté<br />

l'hypothèse du banditisme pur et simple<br />

pour expliquer ce qui devrait être considéré<br />

comme de véritables attentats.<br />

Pourtant, cette piste [du banditisme] fut<br />

défendue bec et ongles par Jean<br />

Deprêtre. Ce procureur du Roi du<br />

Parquet de Nivelles s'occupa, au début,<br />

de l'enquête sur les premiers méfaits des<br />

tueurs du Brabant. Ce magistrat ultraconservateur<br />

proche du "lobby" de la<br />

droite chrétienne est [aussi, par<br />

exemple] à la base de l'acharnement<br />

judiciaire contre [une] délégation syndicale<br />

» [6]. Avec lui, le « monde judiciaire,


lui, va longtemps s’atteler à [... cette]<br />

hypothèse : les tueries sont le fait de<br />

petits truands sans morale, des prédateurs,<br />

qui ne tuent que parce qu’ils ont<br />

l’occasion de tuer. » [1] Ben, tiens ! Et on<br />

tint ainsi près de vingt ans : « Face aux<br />

impasses actuelles, les enquêteurs ont<br />

annoncé, le 31 mai 2001, qu'ils privilégieraient<br />

la piste terroriste, celle du<br />

grand banditisme n'ayant rien donné. » [3]<br />

[1] : (Claude Moniquet, Bienvenue au Brabant wallon,<br />

RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs0a.html)<br />

[2] : (Hugh O’Saughnessy, The Observer (Londres), trad.<br />

« Gladio, le secret le mieux gardé d’Europe », Courrier<br />

International, n° 85, 18/6/1992, p. 8)<br />

[3] : (Sergio Carrozzo, « L'énigme des "tueurs fous du<br />

Brabant" », Le Monde diplomatique 8/2001 p. 3,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/08/CARROZ-<br />

ZO/15508)<br />

[4] : (Le Monde, 15/6/1985)<br />

[5] : (Guy Debord, « Commentaires sur la société du spectacle<br />

», Ed. Gérard Lebovici, 1988, th. XVIII, p. 63, réed.<br />

Gallimard, Folio, p. 77)<br />

[6] : (Alexandre Vick, « L'OTAN derrière les<br />

tueries du Brabant ? », RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs13.html)<br />

[7] : (Lire François Vitrani, « Italie, un Etat à souveraineté<br />

limitée », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

« En octobre 1984, le mouvement<br />

pacifiste relève le défi de forcer le<br />

gouvernement catholique-libéral de<br />

Martens à se conformer au point de<br />

vue de la majorité de la population,<br />

opposée aux missiles. La montée du<br />

mouvement pacifiste a provoqué<br />

beaucoup d’inquiétude au sein de<br />

l’OTAN et à Washington. En ce<br />

moment crucial, les CCC entrent en<br />

scène sans s’annoncer. » [1]<br />

Un « groupe de marines américains […]<br />

parachutés […] tue un adjudant de [...]<br />

gendarmerie de Vielsam [... au] sud de<br />

la Belgique […]. Le but de l'opération<br />

était double : créer un choc afin de<br />

mettre les forces de police belges en état<br />

d'alerte supérieur et, plus important<br />

encore, donner l'impression à la population<br />

que le royaume de Belgique, si tranquille<br />

[...] était au bord d'une révolution<br />

communiste. Les armes utilisées ont<br />

ensuite été dissimulées […] dans » [2]<br />

« un appartement bruxellois appartenant<br />

aux Cellules Communistes<br />

Combattantes. » [3]<br />

Bilan des mois suivants : « Les cellules<br />

communistes combattantes (CCC) [sont]<br />

responsables d'octobre 1984 à janvier<br />

1985 de treize attentats contre des<br />

objectifs liés à [l'OTAN] » [4]. Ça durera<br />

un an. Les « Cellules communistes combattantes<br />

[…] d'octobre 1984 à<br />

décembre 1985, […] plastiquent des<br />

sièges de banque et sabotent des oléoducs<br />

de [l'OTAN] à une période où la<br />

mobilisation du mouvement pacifiste<br />

atteint son amplitude maximale... » [5]<br />

« Les dirigeants du groupe, quatre tout<br />

au plus, sont arrêtés en décembre 1985<br />

et condamnés à perpétuité en octobre<br />

1988. [6] » [5]<br />

Les « "Cellules communistes combattantes<br />

[étaient] menées par Pierre<br />

Carette et ses acolytes", précise René<br />

Haquin. […] "Pierre Carette était une<br />

sorte de petit frère d'Andreas Baader", le<br />

leader de l'extrême gauche terroriste<br />

allemande à la fin des années soixante.<br />

"Seulement voilà, en 1984, quand les<br />

CCC commencèrent à s'agiter, à lancer<br />

des bombes et à faire sauter des casseroles<br />

à pression devant des bâtiments de<br />

l'OTAN à Bruxelles, la Guerre du<br />

Vietnam était finie depuis longtemps.<br />

[…] Baader avait pour sa part [...] débuté<br />

son combat à la fin des années soixante<br />

[… alors] que des B52 viennent charger<br />

des bombes au Napalm sur des aéroport<br />

en Allemagne […]". Pour Baader et<br />

85 Label Europe


ses compagnons de<br />

route, il fallait coûte<br />

que coûte dénoncer<br />

cette complicité criminelle<br />

allemande et la<br />

combattre par les<br />

armes. […]<br />

"Est-ce que Carette ne fut pas relié à une<br />

ficelle, comme une marionnette, actionnée<br />

par le même cerveau que celui qui<br />

aurait agité les tueurs du Brabant ? Cela<br />

nous remet dans le miroir italien. On<br />

pourrait alors se dire : comme en Italie, la<br />

Belgique a peut-être subi une politique de<br />

l'ombre venant du club atlantique". » [7]<br />

[1] : (Jos Vander Velpen, « Guère civil, de la gendarmerie<br />

à la police unique », EPO, 1998, p. 80)<br />

[2] : (Hugh O’Saughnessy, The Observer (Londres), trad. «<br />

Gladio, le secret le mieux gardé d’Europe », Courrier<br />

International, n° 85, 18/6/1992, p. 7)<br />

[3] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 153)<br />

[4] : (Le Monde, 27-28/1/1985)<br />

[5] : (Sergio Carrozzo, « L'énigme des "tueurs fous du<br />

Brabant" », le Monde diplomatique 8/2001 p. 3,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/08/CARROZ-<br />

ZO/15508)<br />

[6] : (Lire aussi « Les tueurs du Brabant », Avancées,<br />

5/1999, Bruxelles)<br />

[7] : (Alexandre Vick, « L'OTAN derrière les tueries du Brabant ? »,<br />

RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs13.html)<br />

« Août 1983 : […] [Suite à] une bagarre<br />

de bistrot […] Barbier, ancien<br />

para-commando et militant d'extrême<br />

droite, est arrêté. […], les policiers<br />

découvrent chez lui […] : croix gammées,<br />

insignes nazis, armes diverses, le<br />

plan militaire d'une opération nommée<br />

"Puma", la description de projets terroristes<br />

(attaque du palais royal, enlèvement<br />

de personnalités belges...) ainsi<br />

qu'un sac rempli de documents ultra-secrets<br />

de l'OTAN !<br />

[…] Barbier "craque". Il parle de ses liens<br />

avec de mystérieux chevaliers teuto-<br />

Label Europe 86<br />

niques et avoue un double meurtre commis<br />

dix-neuf mois plus tôt, rue de la<br />

Pastorale à Anderlecht [… Mais]<br />

quelques jours avant les aveux de<br />

Barbier, René Haquin, journaliste au […]<br />

Soir, est approché par […] Paul Latinus,<br />

[…] honorable informateur de la Sûreté<br />

de l'Etat (mélange belge des Renseignements<br />

généraux et de la DST), militant<br />

d'extrême droite naguère infiltré dans<br />

des organisations de gauche et, durant<br />

quelques mois, attaché au cabinet d'un<br />

ministre grâce au piston de Paul Vanden<br />

Bœynants, ancien Premier ministre<br />

social-chrétien […]. Latinus affirme obéir<br />

aux ordres d'une organisation secrète<br />

américaine et avoir créé en Belgique,<br />

depuis quelques années une milice néonazie<br />

nommée Westland New Post<br />

(WNP), véritable réplique de la SS de<br />

Heinrich Himmler. Le "maréchal" Latinus<br />

est secondé par des officiers initiés de<br />

l'Ordre teutonique […]<br />

L'objectif de la WNP, explique Latinus,<br />

est de préparer la jeunesse belge à la<br />

résistance contre l'envahisseur soviétique,<br />

[…] "C'est pour prouver que la<br />

sécurité militaire est un véritable gruyère<br />

que nous avons volé les secrets de<br />

l'OTAN !" dit Latinus qui parle d'Irminsul<br />

(arbre de vie en celtique), une association<br />

de scouts très spéciaux, animée par<br />

un "druide" initiatique de 74 ans, […]<br />

ancien Waffen SS belge condamné à<br />

mort après la guerre et grâcié en 1951.<br />

On l'apprendra plus tard, l'assassinat du<br />

couple de la rue Pastorale a été décidé<br />

au cours d'une cérémonie ésotérique sur<br />

fond de mythologie celtique.<br />

[… Mais] Barbier se rétracte, affirme qu'il<br />

a avoué "sur ordre" de […] Latinus. » [1]<br />

[1] : (Istvan Felkai, « La Sûreté d’Etat belge est-elle infiltrée<br />

par les néonazis ? », L'Evénement du Jeudi, 4/6/1987,<br />

pp. 66-67, évoquant René Haquin, « Des taupes dans l'extrême<br />

droite. La Sûreté de l'Etat et le WNP », postface de<br />

Walter de Bock, EPO, 1985)


« Sans doute actif de 1979 à 1983, le<br />

WNP [Westland new post … était<br />

structuré] sur le modèle de la SS [... et]<br />

ne pouvait nier son amour immodéré<br />

pour le national-socialiste. Mais le [...]<br />

WNP fut avant tout une organisation<br />

clandestine dont le but était la déstabilisation<br />

de [la Belgique] (par l’infiltration, la<br />

manipulation et divers projets d’attentats).<br />

Issu du Front de la jeunesse [FJ], il bénéficiait<br />

d’un réseau d’information important<br />

avec des tentacules au cœur même<br />

de l’appareil de l’Etat [belge]. Beaucoup<br />

[... d’observateurs] pensent que le WNP<br />

devait en réalité être un groupe d’action<br />

au service d’une structure encore plus<br />

importante. [...] Plusieurs de ses activistes<br />

seront ensuite cités dans l’enquête<br />

sur les tueries du Brabant. » [1]<br />

« Pour expliquer l'existence de la WNP,<br />

[certains] ont invoqué le rôle occulte<br />

d'une mysté<strong>rieuse</strong> agence internationale<br />

de renseignements, l'IRIS (International<br />

Reporting Information System), sorte de<br />

CIA privée fondée en 1981 par Henry<br />

Kissinger [Voir « Kissinger, le "faucon<br />

masqué" », p. 545]. Paul Latinus,<br />

lui, » [2] « ne cache absolument pas qu’il<br />

a fondé le WNP à la demande des services<br />

secrets américains. Ceux-ci sont<br />

brouillés depuis des années déjà avec le<br />

chef de la sûreté d’Etat, Albert Raes, qui<br />

tente de secouer le joug américain. » [3]<br />

Et « Latinus reconnaît qu’il a fondé le<br />

WNP avec l’intention de jeter le discrédit<br />

sur le sommet de la hiérarchie de la<br />

Sûreté de l’Etat. » [4]<br />

Il a déclaré : « ''J’ai été recruté en 1967,<br />

à l’âge de 17 ans, par une organisation<br />

étrangère dont le but est de lutter par<br />

tous les moyens contre le communisme<br />

soviétique. J’ai été initié en 1973 au<br />

contre-espionnage et aux techniques de<br />

renseignement par un officier OTAN<br />

[…]. En 1977 […], j’ai reçu ordre, par<br />

l’organisation à laquelle j’appartiens […],<br />

de m’introduire dans la sphère du Front<br />

de la jeunesse […]. Ma nouvelle mission,<br />

en 1980, fut alors de créer en Belgique<br />

un groupe revanchard<br />

nazi calqué<br />

sur la Waffen-SS<br />

[c’est-à-dire le<br />

WNP]''. [5]<br />

[... Lors] d’une instruction<br />

judiciaire<br />

dont il était l’objet,<br />

Latinus désignera<br />

cette organisation<br />

étrangère : il s’agissait<br />

de la Défense<br />

intelligence agency<br />

(DIA), l’équivalent<br />

militaire de la CIA<br />

[...] L’utilisation de l’extrême droite est<br />

l’une des traditions des services secrets<br />

occidentaux en général, de ceux des<br />

Etats-Unis en particulier. En Italie, par<br />

exemple, c’est le groupe Ordre nouveau<br />

qui fut infiltré par la CIA afin qu’il participe<br />

à la stratégie de la tension. » [6]<br />

« Le 1 er octobre 1990, quelques semaines<br />

avant que l'affaire Gladio se trouve sous les<br />

feux des projecteurs, les militants du WNP<br />

qui avaient volé les télex de l'OTAN sont<br />

acquittés de toute poursuite judiciaire par<br />

le conseil de guerre, pour cause de prescription.<br />

Dans son plaidoyer, l'auditeur<br />

militaire Nicolas van Winsen explique : "Le<br />

WNP aurait pu être dangereux et a, en son<br />

temps, été mis dans le même sac que les<br />

CCC. Mais depuis, la guerre froide a pris fin<br />

et les faits semblent moins graves qu'alors,<br />

si bien que des peines criminelles ne se justifient<br />

plus." » [7]<br />

[1] : (« L'ombre de l'extrême droite ? », RésistanceS,<br />

http://www.resistances.be/tueurs2.html)<br />

87 Label Europe


[2] : (Istvan Felkai, « La Sûreté d’Etat belge est-elle infiltrée<br />

par les néonazis ? », L'Evénement du Jeudi, 4/6/1987,<br />

pp. 66-67, évoquant René Haquin, « Des taupes dans l'extrême<br />

droite. La Sûreté de l'Etat et le WNP », postface de<br />

Walter de Bock, EPO, 1985)<br />

[3] : (Jos Vander Velpen, « Guère civil, de la gendarmerie<br />

à la police unique », EPO, 1998, p. 69)<br />

[4] : (Jos Vander Velpen, op. cit., p. 77)<br />

[5] : (Cité in René Haquin, op. cit.)<br />

[6] : (« Vie et mort de Paul Latinus », RésistanceS,<br />

http://www.resistances.be/tueurs3.html, d’après le mensuel<br />

Avancées, 2/1999)<br />

[7] : (Jan Willems dir., « Dossier Gladio », EPO Reflex,<br />

1991, p. 19)<br />

« Depuis 1978, cet ingénieur en<br />

sciences nucléaires était un informateur<br />

de la Sûreté de l’Etat belge. […]<br />

Latinus était également officier de<br />

réserve de la Force aérienne et fréquentait<br />

le Brabant reserve officer<br />

club (BROC), [… qui] regroupait des<br />

militaires conservateurs obsédés par<br />

le "péril communiste" et souhaitant<br />

jouer un rôle politique de premier<br />

plan.<br />

Cette "amicale" militariste faisait partie<br />

d’une mouvance idéologique qui<br />

contrôlait les tendances dures du Parti<br />

social-chrétien et du Parti libéral. [... En]<br />

1977, Latinus aurait [1] été recruté par le<br />

Public information office (PIO) » [2] [Voir<br />

« PIO », p. 47].<br />

« Vers 1978, [...] Latinus adhéra au<br />

Front de la jeunesse, une organisations<br />

d’extrême droite groupusculaire impliquée<br />

dans des actions ultraviolentes,<br />

mais, ''parrainée'' par le CEPIC [Voir<br />

« CEPIC, c’est épique ! », p. 89]. […] Au<br />

FJ, très vite, il fit partie du noyau dirigeant<br />

et fut chargé [... de] son service<br />

de renseignements politiques. [...] Par la<br />

suite, on apprendra que le FJ avait été<br />

utilisé (manipulé ?) pour des missions de<br />

fichage, à la fois par des structures paramilitaires,<br />

policières, la gendarmerie et<br />

Label Europe 88<br />

des personnalités liées au CEPIC.<br />

Un an après son arrivée au Front,<br />

Latinus mit sur pied Delta Nord, qui [...<br />

deviendra le] Westland new post (WNP).<br />

[… Cette] organisation clandestine sera<br />

présentée comme étant une dissidence<br />

du FJ. Au même moment, par le biais de<br />

personnalités importantes du CEPIC,<br />

Latinus devint successivement fonctionnaire<br />

à l'ONEM (le service chômage<br />

belge), [... puis] au ministère de l’Emploi<br />

et du Travail [...]. Grâce à ces postes, il<br />

infiltra plusieurs organisations démocratiques<br />

et des associations de jeunes […].<br />

En janvier 1981, lorsque l’hebdomadaire<br />

de gauche "Pour" révéla au grand public<br />

les activités politiques de Paul Latinus,<br />

celui-ci prit directement la fuite pour le<br />

Chili. [… Serait] intervenu dans la fuite<br />

de Latinus, […] le bureau bruxellois de<br />

liaison de la DINA, la police politique chilienne<br />

[… dans] le cadre de son « opération<br />

Condor » […]. [Voir « On scanda "Le<br />

fascisme ne passera pas", mais l’opération<br />

Condor passa », p. 550]<br />

De retour en Belgique, après un mois et<br />

demi passé au Chili, Paul Latinus […]<br />

supervisa personnellement les missions<br />

d’infiltration au cœur du dispositif de<br />

l’armée belge et au siège bruxellois de<br />

l’OTAN. [... Il] refera parler de lui en septembre<br />

1983 quand il dénoncera à la<br />

police judiciaire son "lieutenant" Marcel<br />

Barbier [...] comme étant [... un des]<br />

assassins du couple [... rue de la<br />

Pastorale à Anderlecht]. Un mois plus<br />

tard [3], Latinus transmettait à la justice<br />

le fichier du WNP sur l’extrême gauche<br />

belge constitué en collaboration avec<br />

des membres de la BSR [un service de<br />

renseignement civil] et des fonctionnaires<br />

de la Sûreté de l’Etat. En mars<br />

1986, la BSR aurait repris possession de<br />

ce fichier alors entreposé au palais de<br />

justice de Bruxelles. » [2]


Puis finalement, Paul Latinus « a été trouvé<br />

chez lui pendu au fil de téléphone<br />

[...]. Courageusement l'enquête a officiellement<br />

conclu à un "suicide érotique".<br />

» [4] Ainsi, le « fondateur et "führer"<br />

du groupe secret néonazi belge<br />

Westland new post (WNP), Paul Latinus<br />

[…], le 24 avril 1985, officiellement, […]<br />

se suicida […]. A l’époque où des opérations<br />

de subversion déstabilisaient la<br />

Belgique […], des individus liés aux<br />

mêmes milieux politiques (et certains aux<br />

mêmes dossiers) avaient déjà auparavant<br />

été assassinés. [… D’autres suivront.]<br />

[5]<br />

Maintenant encore, des enquêteurs se<br />

posent toujours la question de savoir si<br />

ces disparitions sont à mettre à l’actif des<br />

tueurs du Brabant. En tout cas, Paul<br />

Latinus et [… d’autres] avaient des<br />

connaissances communes apparaissant<br />

dans le dossier des tueries du Brabant.<br />

[…] Paul Latinus connaissait beaucoup<br />

de monde. Surtout ceux gravitant<br />

autour de milieux politico-financiers<br />

louches, de services parallèles (belges<br />

comme étrangers) et du dossier des tueries<br />

du Brabant. Paul Latinus affirmait<br />

aussi détenir le « dossier Pinon » (volet<br />

"ballets roses" des enquêtes sur les tueries<br />

du Brabant). » [2] L’« "affaire Pinon"<br />

[...] concerne des partouzes auxquelles<br />

aurait participé l’épouse du docteur Pinon<br />

en compagnie de hautes personnalités<br />

de l’Etat. Des mineurs y auraient également<br />

été "livrés". Plus tard, cette affaire<br />

sera souvent évoquée dans le cadre des<br />

enquêtes sur les tueries du Brabant, du<br />

WNP et d'autres "dossiers chauds". » [6]<br />

Encore des « individus isolés »…<br />

[1] : (Selon Walter de Bock, du journal flamand De<br />

Morgen)<br />

[2] : (« Vie et mort de Paul Latinus », RésistanceS,<br />

http://www.resistances.be/tueurs3.html, d’après le mensuel<br />

Avancées, 2/1999)<br />

[3] : D’après un article du journaliste flamand Jan Capelle<br />

dans la revue d’investigation "Article 31", 7/1987)<br />

[4] : (Istvan Felkai, « La Sûreté d’Etat belge est-elle infiltrée<br />

par les néonazis ? », L'Evénement du Jeudi, 4/6/1987,<br />

pp. 66-67, évoquant René Haquin, « Des taupes dans l'extrême<br />

droite. La Sûreté de l'Etat et le WNP », postface de<br />

Walter de Bock, EPO, 1985)<br />

[5] : (Sergio Carrozzo, Avancées, 1/2000)<br />

[6] : « Chronologie. De la préparation à l'action »,<br />

ResistanceS, http://www.resistances.be/tueurs1.html)<br />

Le bétonnage intensif est « ce que des<br />

urbanistes ont appelé la "bruxellisation"<br />

d'une ville [... Cette] sauvagerie<br />

immobilière, un homme politique la symbolise<br />

: M. Paul Vanden Bœynants [... Il]<br />

fut bourgmestre de Bruxelles, ministre<br />

de la défense et chef du gouvernement,<br />

mais aussi dirigeant de la droite musclée<br />

du Parti social-chrétien (PSC) - le Centre<br />

politique des indépendants et cadres<br />

(Cepic) » [1] qui « fut actif de 1972 à<br />

1982 avec le soutien dès ses débuts du<br />

président [de la Chambre des représentants]<br />

Charles-Ferdinand Nothomb. Ses<br />

animateurs [...] se prenaient pour des<br />

"croisés" de la civilisation occidentale. Ils<br />

défendaient un programme économique<br />

ultralibéral pour s'opposer à l'esprit<br />

"collectiviste" de l’époque.<br />

Dirigé par Paul Vanden Bœynants […],<br />

le baron Benoît de Bonvoisin, [...] et bien<br />

d'autres, le CEPIC, lors de son premier<br />

congrès en 1975, reçut les encouragements<br />

de Léo Tindemans (le premier<br />

ministre CVP [parti chrétien-démocrate<br />

flamand] de l’époque). » [2] On apprécie<br />

cette « pépinière de futurs cadres où<br />

l'ami baron Benoît de Bonvoisin [Voir<br />

« PIO », p. 47] arrosait l'extrême droite<br />

[... et] au sein de laquelle [... sévissait]<br />

le néo-nazi Westland New Post (WNP),<br />

[ses] artificiers et champs de tir. [... Des]<br />

agents des polices du royaume (Sûreté<br />

89 Label Europe


de l'Etat, brigade spéciale de recherche<br />

[BSR] de la gendarmerie, renseignements<br />

militaires) et même quelques<br />

hauts gradés de la gendarmerie [...]<br />

s'étaient inscrits dans cette mouvance.<br />

Laquelle, en outre, croise les milieux de<br />

trafiquants d'armes et, bientôt, les<br />

"tueurs du Brabant". » [1]<br />

Cette « organisation [assurait] la promotion<br />

de Jean-Marie Le Pen en Belgique<br />

[...]. Le CEPIC contrôlait alors le mensuel<br />

[très raciste] Nouvel Europe Magazine<br />

(NEM), dont le rédacteur en chef était<br />

Émile Lecerf, ancien responsable de la<br />

section wallonne de l'institut culturel de<br />

la SS [Schutzstaffeln]. » [3] « Emile Lecerf<br />

[...] était l’un des principaux contacts<br />

belges d'Yves Guérin-Sérac. » [4] [Voir<br />

« Aginter Presse », p. 50] Quel chemin<br />

accompli, cependant, depuis que dans<br />

« les années septante, en Belgique,<br />

[Guérin-Sérac] théoricien du terrorisme<br />

fut mis en contact avec une poignée de<br />

Belges acquis à l’idée qu’il fallait, face à<br />

la menace soviétique, de toute urgence<br />

durcir le régime. La majorité de ceux-ci<br />

agissaient à la tête du CEPIC. [4]<br />

« Le CEPIC parrainait également le Front<br />

de la Jeunesse (FJ) avant de donner naissance<br />

au Mouvement des Forces nouvelles<br />

qui fusionna avec le Front National<br />

belge en 1991. Le CEPIC éclata en 1982<br />

lors du procès en interdiction instruit<br />

contre le FJ. » [3] Quant au baron<br />

« Benoît de Bonvoisin [qui] fut, dans les<br />

années 70, le trésorier du [... CEPIC, il fut,<br />

en 1996,] condamné en appel à 5 ans<br />

d'emprisonnement avec arrestation<br />

immédiate à l'audience, dans le cadre<br />

d'une escroquerie instruite depuis<br />

1979. » [3] « C'est [… alors le même avocat]<br />

qui défend à la fois Marc Dutroux et<br />

le baron Benoît de Bonvoisin. » [3] [Voir<br />

« Marque du trou », p. 168]<br />

[1] : (Jean-Marie Chauvier, « En Belgique, l'"année<br />

blanche" vire au gris », Le Monde diplomatique,<br />

Label Europe 90<br />

10/1997, pp. 8-9)<br />

[2] : (« L'ombre de l'extrême droite ? »,<br />

http://www.resistances.be/tueurs2.html)<br />

[3] : (Réseau Voltaire, « Les défenseurs de Marc<br />

Dutroux et Michel Nihoul sont liés à l'extrême droite<br />

belge », 11/11/1996, (RV 96/0866))<br />

[4] : (« Aginter press et l’agent Guérin-Sérac au service<br />

de l’Occident chrétien », RésistanceS,<br />

http://www.resistances.be/tueurs8.html)<br />

La révélation italienne de l’existence de<br />

Gladio posa problème en Belgique.<br />

« Le ministre de la défense, M. Guy<br />

Coëme, a [alors] demandé […, le 8<br />

novembre 1990,] l'ouverture d'une<br />

enquête sur la ramification belge du<br />

réseau "Gladio", ramification dont il<br />

ignorait l'existence […]. "En Belgique,<br />

depuis, me dit-on, le début des années<br />

70, cette activité (de sabotage) a été<br />

totalement supprimée" a assuré M. Guy<br />

Coëme, selon lequel il n'y aurait pas eu<br />

non plus dans le royaume de dépôts<br />

d'armes ou de munitions. Mais le<br />

ministre est troublé par le fait qu'une<br />

réunion de ce qu'il appelle une "coordination"<br />

des différents réseaux nationaux<br />

[de Gladio] a eu lieu à Bruxelles pas plus<br />

tard qu'à la fin du mois d'octobre [1990]<br />

et que la Belgique en assume la "présidence<br />

tournante" pour deux ans…<br />

Malgré la tendance des autorités à minimiser<br />

l'affaire, […] le rapprochement est<br />

tentant avec les "tueurs fous du Brabant"<br />

[…]. Les milieux de l'OTAN à Bruxelles restent<br />

très prudents et peu loquaces. » [1]<br />

Compréhensible, vu le cafouillage précédent<br />

: « La déclaration, faite vingt-quatre<br />

heures plus tôt à Bruxelles par le porteparole<br />

du Commandement suprême des


forces alliées en Europe (SHAPE), selon<br />

laquelle l'OTAN n'avait jamais entendu<br />

parler de Gladio", a été démentie, mardi<br />

6 novembre [1990], par une autre structure<br />

de l'organisation atlantiste : son<br />

secrétariat général. » [2]<br />

« Est-ce [à cause de] la présence sur son<br />

territoire du siège de l'OTAN, de la CEE<br />

et du quartier général de nombreuses<br />

multinationales ? » [3] Le « journaliste<br />

d'investigation [du Soir] René Haquin a<br />

affirmé qu'il se pourrait que la Belgique<br />

ait été la victime d'un plan de déstabilisation<br />

fomenté par l'Organisation du<br />

traité de l'Atlantique nord (OTAN). Les<br />

tueries du Brabant et les actions de "guérilla<br />

urbaine" des CCC auraient été une<br />

des phases de ce plan. [4] ». [5] « Les<br />

tueurs du Brabant Wallon [se relayant<br />

avec] les CCC » [6] pour maintenir une<br />

bonne ambiance. « Les exactions surviennent<br />

[à point nommé] au moment<br />

où libéraux et sociaux-chrétiens mettent<br />

sur pied un gouvernement (1981-1985)<br />

qui s'octroie [finalement] des "pouvoirs<br />

spéciaux" pour appliquer un programme<br />

d'austérité. Le conseil des ministres<br />

devient de facto omnipotent. Il agit par<br />

arrêtés royaux mettant hors jeu le<br />

Parlement et l'opposition [7].<br />

[… Il y a alors de quoi inquiéter la population.]<br />

Des individus d'extrême droite<br />

incendient les locaux de Pour, un hebdomadaire<br />

de gauche ; les activistes<br />

d'une milice néonazie, le Westland New<br />

Post, dérobent des télex de l'Otan classés<br />

top secret [8] ; des gendarmes sont<br />

la cible d'attentats à l'explosif. » [9] On<br />

en veut encore ? On veut se fritter ?<br />

« Quelqu'un, dans l'ombre, a-t-il joué à<br />

fabriquer et à manipuler des pistoleros d'extrême<br />

gauche comme de droite pour provoquer<br />

un renforcement de l'appareil<br />

répressif de l'Etat qui abrite, après tout, les<br />

institutions européennes, l'Otan et le Shape<br />

(Supreme Headquarters Allied Powers<br />

Europe) ? "Sans exclure aucune piste, il<br />

faut aussi prendre en compte cette politique,<br />

celle de l'extrême droite et d'une<br />

stratégie de déstabilisation à l'instar de<br />

ce qu'a connu l'Italie", affirme Claude<br />

Michaux, avocat général près la cour<br />

d'appel de Mons, qui supervise la CBW.<br />

[Cellule du Brabant wallon …] "[… Pour<br />

les tueurs du Brabant] il pouvait très bien<br />

s'agir de terroristes déguisés en braqueurs<br />

[…]. Nous vivions dans un<br />

contexte de guerre froide. Et la politique<br />

de Ronald Reagan était de muscler<br />

l'Occident face au ‘péril rouge’. […]" » [9]<br />

« René Haquin affirmera aussi que "face<br />

à cette situation, l'OTAN aurait très bien<br />

pu agir comme en Italie". Dans ce pays,<br />

l'implication de l'Organisation du traité<br />

de l'Atlantique nord "sur les "années de<br />

plomb" est évidente [... N’y a-t-il] pas eu<br />

aussi la main de l'OTAN sur nos "années<br />

de plomb" » ? [5]<br />

« Pour tenter d'y voir plus clair, les élus<br />

ont institué deux commissions d'enquête<br />

parlementaire. La première a passé au<br />

crible les dossiers criminels sensibles de<br />

la décennie écoulée où se croisent<br />

agents secrets, crânes rasés et flics douteux.<br />

Elle […] n'est pas parvenue à "se<br />

défaire de l'impression que ces crimes<br />

dissimulent d'autres mobiles […] et de la<br />

conviction qu'une force occulte agissait<br />

dans les coulisses" [10]. […] "La modernisation<br />

de l'appareil judiciaire et policier<br />

va commencer dans la foulée des tueries.<br />

[…] Je perçois une réelle volonté de<br />

déstabilisation en profitant du marasme<br />

ambiant. Le pays est en plein marasme<br />

économique, une situation propice aux<br />

actions irréfléchies, incontrôlées. [… Les]<br />

tueries […] ont davantage accéléré le<br />

renforcement du pouvoir exécutif", rappelle<br />

Thierry Giet, député, membre de la<br />

deuxième commission parlementai-<br />

91 Label Europe


e [11], […] qui remontera plusieurs<br />

pistes ne menant nulle part finalement<br />

». [9]<br />

On connaît l’ambiance « au tournant des<br />

années 90 : financements occultes des<br />

partis via des contrats d’armement<br />

(Agusta-Dassault) et autres scandales<br />

politico-financiers, avec en point d’orgue<br />

l’assassinat, le 18 juillet 1991, d’André<br />

Cools, ancien vice-premier ministre et<br />

président du Parti socialiste (PS). » [12]<br />

Certains ne comprennent pas que l’exécutif<br />

croît avec sa corruption : « S'ils ont<br />

voulu déstabiliser le pays, ils ont échoué.<br />

Leur action n'a pas servi non plus les<br />

intérêts des possibles tenants de l'Etat<br />

policier. A preuve : le cas Dutroux (Marc<br />

Dutroux, responsable présumé du rapt<br />

et de la mort de plusieurs enfants de juin<br />

1995 à août 1996 [13] [Voir « Marque<br />

du trou », p. 168]), qui a révélé la dégradation<br />

générale d'un édifice répressif<br />

gangrené. » [9]<br />

[1] : (Jean de la Guerivière, « Embarras en Belgique, le ministre<br />

de la défense demande l'ouverture d'une enquête », Le<br />

Monde, 30/7/1993, p. 3)<br />

[2] : (Patrice Claude, Le Monde, 8/11/1990, p. 6)<br />

[3] : (Istvan Felkai, « La Sûreté d’Etat belge est-elle infiltrée par<br />

les néonazis ? », L'Evénement du Jeudi, 4/6/1987, pp. 66-67,<br />

évoquant René Haquin, « Des taupes dans l'extrême droite. La<br />

Sûreté de l'Etat et le WNP », postface de Walter de Bock, EPO,<br />

1985)<br />

[4] : (Débat de l'"Ecran témoin", consacré aux assassinats politiques,<br />

RTBF, 26/2/2001)<br />

[5] : (Alexandre Vick, « L'OTAN derrière les tueries du<br />

Brabant ? », RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs13<br />

.html)<br />

[6] : (Jos Van der Velpen, « Guère civil, de la gendarmerie<br />

à la police unique », EPO, 1998, p. 90)<br />

[7] : [Lire Xavier Mabille, « Histoire politique de la<br />

Belgique », Crisp, Bruxelles, 1997, p. 365]<br />

[8] : (Lire René Haquin, op. cit.)<br />

[9] : (Sergio Carrozzo, « L'énigme des "tueurs fous du<br />

Brabant" », Le Monde diplomatique 8/2001, p. 3,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/08/CARROZ-<br />

ZO/15508)<br />

[10] : (« Enquête parlementaire sur la manière dont la lutte<br />

contre le banditisme et le terrorisme est organisée, rapport<br />

final », 30/4/1990, Chambre des représentants de<br />

Belgique, p. 355)<br />

[11] : (« Enquête parlementaire sur les ''tueurs du<br />

Brabant'', rapport final », Chambre des représentants de<br />

Belgique, 14/10/1997)<br />

[12] : (Jean-Marie Chauvier, « En Belgique, l'"année<br />

blanche" vire au gris », Le Monde diplomatique,10/1997,<br />

pp. 8-9)<br />

Label Europe 92<br />

[13] : (Lire Jean-Pierre Borloo, « De timides réformes pour<br />

la justice belge », Le Monde diplomatique, 7/2001,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/07/BOR-<br />

LOO/15330)


Alors qu’il était chef de service de renseignement<br />

« opérationnel de la<br />

Wehrmacht sur le front russe [... et<br />

malgré] les réticences des doctrinaires,<br />

il s’efforça d’utiliser contre l’URSS les<br />

nationalismes, régionalismes, particularismes<br />

locaux ou religieux bridés par le<br />

régime stalinien. Infatigable, il inventait<br />

avec ses collaborateurs de nouvelles<br />

techniques de reconnaissance en<br />

profondeur, d’interrogatoire, d’exploitation<br />

et d’archivage des informations,<br />

de manipulation. » [1]<br />

« À la capitulation de l'Axe, l'opération<br />

[d’identification et de recrutement des<br />

stay-behind] fut étendue à l'Allemagne<br />

elle-même jusqu'à retourner le général<br />

Reinhard Gehlen, ex-chef du service<br />

secret de la Wehrmacht sur le front de<br />

l'Est. » [2] « Ex-nazi, Gehlen, qui appartenait<br />

à l’Abwehr (services secrets militaires)<br />

de l’amiral Canaris, s’est rendu en<br />

1945 aux Américains avec toutes les<br />

archives du service. » [3]<br />

« Après dix mois de "traitement" aux<br />

États-Unis par Frank G. Wisner, Gehlen<br />

fut amnistié et se vit confier [en 1946] la<br />

création et la direction du [...] service<br />

secret de l'Allemagne fédérale [4] [équivalent<br />

de la DGSE française]. L'opération<br />

fut planifiée par [Allen] Dulles [Voir<br />

« Sied à ravir », p. 571], alors chef de<br />

poste de l'OSS à Berne. Il s'appuya sur<br />

les contacts informels qu'il avait eus,<br />

depuis la mi-1942, avec deux tendances<br />

du parti nazi en vue de conclure une<br />

paix séparée. En violation de la Charte<br />

de l'Atlantique, l'OSS prit contact avec<br />

des dignitaires du Reich et de la<br />

Collaboration pour négocier une paix<br />

séparée USA-Allemagne et une alliance<br />

contre l'URSS. Il s'agissait en quelque<br />

sorte de renverser la logique cynique du<br />

pacte soviéto-germanique. [...]<br />

En 1942-43, [Allen] Dulles [avait] notamment<br />

reçu en Suisse André Bettencourt<br />

[L’Oréal], Pierre Guilhain de Bénouville<br />

et François Mitterrand. » [2] [Voir<br />

« Cagoule. L’art », p. 32] Tout naturelle-<br />

93 Label Europe


ment, donc, les « services français [à partir<br />

de la Libération, collaboreront] étroitement<br />

avec les services allemands du<br />

général Gehlen, […] dotés de moyens<br />

puissants pour remettre en marche sa<br />

machine à renseigner. […Et] les agents<br />

des services français [deviendront] les<br />

auxiliaires dévoués de ceux du service<br />

Gehlen, composé en majorité d’anciens<br />

de la Gestapo et du S.D. des S.S. » [5]<br />

« Surnommé le "Loup gris", le général<br />

Gehlen a dirigé [jusqu’en] 1967 les services<br />

secrets allemands (appelés "organisation<br />

Gehlen" jusqu’en 1956, puis<br />

B.N.D., Bundes Nachrichter Dienst). » [3]<br />

« Aux initiatives spectaculaires, il a toujours<br />

préféré la souplesse. La démonstration<br />

de force lui paraît moins efficace<br />

que l’infiltration en douceur. » [6]<br />

« En 1955, il a été placé sous le commandement<br />

de la Chancellerie fédérale<br />

par Konrad Adenauer. Puis, en 1968, il a<br />

été démilitarisé par les sociaux-démocrates<br />

pour devenir un service de renseignement<br />

civil. Ses effectifs sont évalués à<br />

7 000 hommes » [7]. En mai 1968, le<br />

Label Europe 94<br />

Général gris [Gehlen] prend officiellement<br />

sa retraite. Quelques jours plus tôt,<br />

le 11 avril, le leader des étudiants gauchistes<br />

ouest-allemand, Rudi Dutschke, a<br />

été victime d’une tentative d’assassinat.<br />

» [8] « Le remplacement de Gehlen<br />

par Wessel en 1968 ne fera que renforcer<br />

la cohésion du GLADIO allemand.<br />

» [9]<br />

Mais la collusion entre nazis et CIA peut<br />

finalement se dissoudre dans la fusion<br />

Vodka-Cola [Voir « Vodka-Cola »,<br />

p. 558] : derrière les oppositions mortifères<br />

Est-Ouest et grâce à elles, on travaille<br />

ensemble. On se coordonne.<br />

Mark Aarons et John Loftus, bons<br />

connaisseurs des filiales vaticanes d’exfiltration<br />

des nazis, expriment leur « point<br />

de vue [... :] non seulement les agents<br />

de Staline ont usé des mouvements d’extrême<br />

droite comme d’un camouflage,<br />

ils les ont en outre manipulés pour polariser<br />

et réduire à néant la réaction anticommuniste<br />

de l’Occident. » [10] « La<br />

plupart des officiers de l’état-major du<br />

CIC [Counter Intelligence Corps, service


de contre-espionnage de l’armée américaine]<br />

sont en effet persuadés que l’organisation<br />

de Gehlen est largement infiltrée<br />

par des agents soviétiques. Dans les<br />

années soixante, le procès Felfe prouvera<br />

qu’ils ont vu juste : Heinz Felfe, le bras<br />

droit de Gehlen, avait accès à des documents<br />

de l’OTAN qu’il transmettait à<br />

Moscou. [… Il] était l’officier assurant la<br />

liaison entre l’OTAN et les services de<br />

renseignements ouest-allemands » [11]<br />

« Sous la conduite de leurs plus fameux<br />

agents doubles, Kim Philby, Richard<br />

Sorge et Anton Turkul, les services<br />

secrets soviétiques ont noyauté tous les<br />

groupes émigrés [d'URSS] anticommunistes.<br />

» [12] « A la place de la liberté, il<br />

y eut des porte-parole fascistes de la<br />

cause anticommuniste, et au lieu<br />

d’abattre la tyrannie stalinienne, ce sont<br />

nos peuples qu’ont infiltré les agents du<br />

totalitarisme. » [11] Privé de ses divers<br />

oripeaux idéologiques, partout se renforce<br />

un même totalitarisme armé,<br />

même si manque au « public » une claire<br />

identification de ceux qui le dirigent.<br />

[1] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 75)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article8691.html, cité partiellement<br />

par François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les<br />

Arènes, 3/2002, p. 36)<br />

[3] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 154 n. 2)<br />

[4] : (Richard Gehlen, « L'Organisation Gehlen.<br />

Mémoires », Presses de la Cité - Fayard, 1972. Version<br />

abrégée aux éditions Saint-Clair, 1975, par le stay-behind<br />

négationniste David Irving)<br />

[5] : (Gilles Perrault, « Du service secret au gouvernement<br />

invisible », Le Pavillon, 9/1970, p. 27)<br />

[6] : (Gilles Perrault, op. cit., p. 71)<br />

[7] : (« BND (Bundesnachrichtendienst - Service fédéral de<br />

renseignement) », Réseau Voltaire, (RV 99/0142),<br />

15/4/1999,http://www.voltairenet.org/article616.html)<br />

[8] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, op. cit., p. 82)<br />

[9] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, op. cit., p. 54)<br />

[10] : (Mark Aarons et John Loftus, « Des Nazis au<br />

Vatican », Olivier Orban, 1991, pp. 294, 318, d’après<br />

Höhne et Zolling, « The General was a Spy », p. 312)<br />

[11] : (Mark Aarons et John Loftus, op. cit., pp. 280, 291)<br />

[12] : (Mark Aarons et John Loftus, op. cit., IV de couv.)<br />

« De 1970 à<br />

1972, les attentats<br />

de la<br />

Fraction armée<br />

rouge mettent<br />

l’Allemagne à<br />

feu et à sang.<br />

Une hystérie collective<br />

proche de<br />

la psychose est<br />

alors savamment<br />

entretenue par<br />

les politiciens et la presse populaire. » [2]<br />

« La question de la manipulation du<br />

groupe Baader-Meinhof (comme des<br />

Brigades rouges italiennes ou d'Action<br />

directe en France) par les services secrets<br />

de l'OTAN dans le cadre de la stratégie<br />

de la tension avait pourtant été posée<br />

dès la révélation des agissements du<br />

Gladio […].<br />

Les services secrets de l'OTAN avaient<br />

décidé d'infiltrer au plus haut niveau des<br />

organisations d'extrême gauche, de les<br />

manipuler, et de les pousser au terrorisme<br />

pour susciter un réflexe sécuritaire<br />

dans l'opinion publique. Il restait à déterminer<br />

quels étaient les agents doubles à<br />

la tête du groupe Baader-Meinhof.<br />

On sait aujourd'hui, mais ses camarades<br />

de combat l'ignoraient à l'époque,<br />

qu'avant de participer au SDS<br />

[Sozialistischer Deutscher Verbund (Union<br />

socialiste allemande) puis à la RAF<br />

(Fraction Armée Rouge)], Horst Mahler<br />

appartenait à une confrérie paramilitaire<br />

néonazie, la Thuringia. » [3] Il est issu<br />

« de parents profondément nationauxsocialistes<br />

». [4]<br />

« Il fut exclu du parti social-démocrate (SPD)<br />

pour avoir fondé une organisation étudiante<br />

d'extrême gauche, le SDS, très active en 68.<br />

95 Label Europe


Il y fait la rencontre<br />

d'Andreas Baader et de<br />

sa compagne Gudrun<br />

Ensslin et fonde avec<br />

eux la Fraction Armée<br />

Rouge (RAF), qui commettra<br />

une trentaine d'assassinats. En<br />

1970, il organise l'entraînement de la<br />

RAF dans le camp palestinien d'Ali<br />

Hassan Salameh. Arrêté à son retour, il<br />

est condamné à quatorze ans de prison.<br />

» [3]<br />

Cet ancien avocat de Beate Klarsfeld eut<br />

lui-même pour avocats Gerhart Schröder<br />

ou Otto Schily (ministre de l'Intérieur<br />

allemand) [5] Mais, tout de même, il « fut<br />

condamné à une peine de prison ferme<br />

pour ses activités.<br />

Or, après une assez longue période de<br />

retrait de la vie politique allemande,<br />

Mahler a donné à partir de 1998 un certain<br />

nombre d'entretiens ta<strong>page</strong>urs à la<br />

grande presse allemande, dans lesquels<br />

il soutenait des positions nationalistes<br />

sous un angle “de gauche”. » [4] Et le<br />

« 6 août 2000, alors que l'opinion<br />

publique allemande s'interroge sur l'opportunité<br />

d'interdire le parti néo-nazi<br />

NPD, Horst Mahler, dirigeant historique<br />

de l'extrême gauche, annonce son<br />

adhésion au NPD. » [3] Surprise.<br />

Un terroriste d'un autre mouvement<br />

raconte : « Notre première grande action<br />

publique a eu lieu à l'occasion de la visite<br />

de Nixon [...] j'ai déposé une bombe<br />

sur le trajet qu'il devait emprunter. [...]<br />

C'était le premier grand exercice de la<br />

police en vue de l'état d'exception en<br />

relation avec nos actions, mais le<br />

"Verfassungschutz" [Service de renseignement<br />

allemand] par l'intermédiaire<br />

d'Urbach, nous avait aussi fourni cette<br />

bombe. On ne se rendait absolument<br />

pas compte à l'époque qu'on était manipulé<br />

par des flics à l'intérieur d'une stra-<br />

Label Europe 96<br />

tégie bien précise. [...]<br />

Dans le temps, Urbach nous avait déjà<br />

procuré des armes, ce qui revient à dire<br />

que c'est le Verfassungsschutz qui a<br />

fourni ces armes qui ont servi plus tard à<br />

abattre des flics. [...] Au fond, on n'avait<br />

pas pigé qu'on n’était que des marionnettes<br />

dans ce mécanisme. Si c'est eux<br />

qui nous mettent les armes dans les<br />

mains, c'est que ça les intéresse qu'on<br />

s'en serve. Personne n'a encore sé<strong>rieuse</strong>ment<br />

réfléchi à ce problème, personne<br />

sauf les groupes qui, pour justifier leur<br />

propre politique, voient en nous des<br />

mecs frayant la voie au fascisme. » [6]<br />

On l’aura donc tardivement compris.<br />

« Dans un livre publié en septembre<br />

1998, Andreas von Bulow, qui fut secrétaire<br />

d’Etat à la Défense à Bonn (de<br />

1976 à 1980) puis ministre de la<br />

Recherche (de 1980 à 1982) - un<br />

homme présenté comme un expert dans<br />

les questions de défense [...] - affirme en<br />

effet que les services secrets américains<br />

ont influencé, sinon dirigé partiellement<br />

ou complètement tout le terrorisme<br />

européen. » [7]<br />

1] : (Attribué au roi de Prusse Guillaume 1 er , en voyant la<br />

charge menée par le général de Gallifet à Sedan<br />

(01/09/1870))<br />

[2] : (Marie-Laure Le Foulon, Télérama, à propos de<br />

« Ulrike Marie Meinhof », documentaire de Timon<br />

Koulmasis, 1994)<br />

[3] : (« Horst Mahler : dérive ou continuité ? », Notes du<br />

Réseau Voltaire, 1/12/2000 (RV 0/0390),<br />

http://www.reseauvoltaire.net/article474.html)<br />

[4] : (« Ach, Gross Mahler ! », REFLEXes, 27/9/2003,<br />

http://reflexes.samizdat.net/article.php3?id_article=6)<br />

[5] : (Libération, 28/8/2000, p.12)<br />

[6] : (« Bommi » Baumann, « Tupamaros de Berlin-Ouest »,<br />

Ed. la France sauvage / les presses d'aujourd'hui, 1976,<br />

pp. 83, 174)<br />

[7] : (Claude Moniquet, « Bienvenue au Brabant wallon »,<br />

RésistanceS, http://www.resistances.be/tueurs0a.html


Que va-t-on voir chez les grecs ?<br />

« En septembre 1944, peu avant Yalta,<br />

un accord secret entre Churchill et<br />

Staline (entériné par Roosevelt) réserve<br />

au premier le droit de considérer la<br />

Grèce comme son fief. [1] [...] Tous les<br />

hommes qui, au sein de l’administration,<br />

de l’armée, de la police, de la gendarmerie,<br />

des bataillons de sécurité, ont collaboré<br />

avec l’occupant nazi sont maintenus<br />

aux postes clés. » [2] C’est dans ce<br />

cadre qu’en « 1963, les Américains et<br />

leurs complices militaires complotent<br />

pour neutraliser le résultat des premières<br />

élections libres depuis la guerre ». [3] «<br />

C’est le général de corps d’armée<br />

Jordanidis, un officier démocrate proche<br />

de l’Union du centre qui, deux ans<br />

avant le putsch, a révélé l’existence de<br />

cette junte en évoquant, dans un article<br />

publié dans le quotidien centriste To<br />

Vima, “les forces occultes qui gouvernent<br />

la Grèce et qui veulent abattre la<br />

façade démocratique du régime”. » [4]<br />

« Le coup d’Etat des colonels du mois<br />

d’avril 1967 s’inscrira lui aussi dans un<br />

plan d’action américain savamment<br />

conçu dans l’intimité tiède de l’OTAN et<br />

intitulé : opération Prométhée. » [5] « Ce<br />

plan, élaboré par les services de<br />

l’O.T.A.N. dans les années 50 et applicable<br />

en cas de révolte communiste intérieure,<br />

prévoyait l’arrestation rapide des<br />

leaders “communistes” (afin d’empêcher<br />

la formation d’une résistance clandestine)<br />

et l’occupation de l’administration et<br />

des centres de communications [...]. Les<br />

conjurés n’auraient apporté que deux<br />

modifications au plan Prométhée : l’arrestation<br />

provisoire de quelques représentants<br />

de la droite, de manière à annihiler<br />

toute tentative de contre-coup, et la<br />

coupure de la totalité des lignes téléphoniques<br />

[...] afin d’isoler les dirigeants<br />

de la droite qui ne feraient pas l’objet<br />

d’arrestations [6]. » [7]<br />

« Le 21 avril 1967, à 2 heures du matin,<br />

cent cinquante chars et quelques centaines<br />

d’hommes investissent Athènes.<br />

[...] Calmement, des commandos [...]<br />

occupent tous les points stratégiques de<br />

la ville : radios, télécommunications,<br />

postes, ministères, etc. [...] L’opération,<br />

modèle de réussite technique, a de quoi<br />

faire rêver les apprentis dictateurs du<br />

monde entier. [...] Seuls trois cents des<br />

dix mille officiers que compte l’armée<br />

grecque étaient dans le “coup”. [...] Ils<br />

appartiennent essentiellement aux unités<br />

d’élite dépendant de l’O.T.A.N. [...,<br />

organisées] sur le modèle des bérets<br />

verts de l’U.S. Spécial Force et entraînés<br />

directement par les Américains. [...<br />

L’armée] a agi pour empêcher que se<br />

tiennent les élections générales prévues<br />

pour le 28 mai suivant, la consultation<br />

risquant fort de confirmer, voire de renforcer<br />

la victoire remportée par l’Union<br />

du centre de George Papandhréou en<br />

février 1964. [... Le] porte parole du<br />

nouveau gouvernement explique [...]<br />

“Nous savions que M. Papandhréou<br />

97 Label Europe


devait lancer un appel qui aurait<br />

conduit à l’émeute et à la révolte, et [...]<br />

nous avons agi préventivement.” [8] [...]<br />

En fait, la rapidité du putsch n’a permis<br />

aucune résistance. [...]<br />

Tous les ordres étaient donnés verbalement<br />

et seul le groupe de direction centrale<br />

disposait d’un sceau pour d’éventuelles<br />

directives écrites. Il n’en reste<br />

aucune trace. La terreur blanche s’est<br />

donc abattue [...]. La guerre civile va<br />

durer plus de trois ans. La gauche et la<br />

Résistance voient leurs militants massacrés,<br />

emprisonnés et contraints à l’exil.<br />

La répression fera plus de 50 000<br />

morts ; 80 000 personnes, presque 1 %<br />

de la population, seront internées dans<br />

des camps, 60 000 autres prendront le<br />

chemin de l’exil ». [9] Une réussite :<br />

« George Papadopoulos, grand admirateur<br />

des colonels de l’O.A.S. est tout simplement<br />

le premier agent régulier de la<br />

C.I.A. a être devenu un chef d’Etat européen.<br />

» [10] Ainsi, le « plan Prométhée [a<br />

mis] au pouvoir les hommes du GLADIO<br />

grec alors que la guerre froide est terminée.<br />

» [11]<br />

[1] : (Kedros, in Le Monde, 25/4/1966)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 228)<br />

[3] : (Agnès Bozon-Verduraz, Télérama, 9/4/2003, à propos<br />

de la rediffusion sur France 3, le 16/4/2003, du documentaire<br />

de Robert Manthoulis, « La Dictature des colonels<br />

grecs », 1998)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 221, n. 1)<br />

[5] : (J.-F. Brozzu Gentile, « L'Affaire Gladio », Albin Michel,<br />

3/1994, p. 178)<br />

[6] : (The New York Times, 3/5/1967)<br />

[7] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 240-241)<br />

[8] : (Le Monde, 25/4/1967)<br />

[9] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 217-221, 229)<br />

[10] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 239)<br />

[11] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994,<br />

pp. 59-60)<br />

Label Europe 98<br />

On ne sait pas tout. « Le rôle exact<br />

des réseaux du GLADIO turc dans<br />

les coups d’Etat militaires de 1971<br />

puis de 1980 n’a jamais été tiré au<br />

clair. » [1] Parfois, des éléments émergent<br />

dans les actualités.<br />

Pour en savoir un peu sur les coulisses, il<br />

fallut « un accident de voiture survenu le<br />

3 novembre 1996, […près de Susurluk,<br />

à 150 kilomètres] d'Istanbul. De l'épave<br />

[…] on a dégagé les corps de Huseyin<br />

Kocadag, un haut responsable de la police<br />

qui commandait des unités antiguérilla,<br />

Abdullah Çatli, un homme en fuite,<br />

recherché pour trafic de drogue et<br />

meurtre, et sa compagne, […]. Le quatrième<br />

passager a survécu : M. Sedat<br />

Bucak, un chef de guerre kurde, dont la<br />

milice était financée par le gouvernement<br />

turc pour lutter contre la guérilla<br />

du Parti des travailleurs du Kurdistan<br />

(PKK). […] Quand il devint évident<br />

qu'Abdullah Çatli était de mèche avec la<br />

police, et non traité comme un malfaiteur,<br />

le ministre de l'intérieur dut démissionner<br />

et plusieurs hauts responsables<br />

[…] furent suspendus de leurs fonctions.<br />

Abdullah Çatli […] connu pour être une<br />

figure de premier plan des Loups gris,<br />

une organisation terroriste et néofasciste,<br />

née à la fin des années 60 [… avait<br />

du en 1978] plonger dans la clandestinité,<br />

quand il se retrouva mêlé au meurtre<br />

de sept [personnes.] » [2] « Considéré<br />

comme l'un des exécutants majeurs des<br />

basses œuvres de la branche turque de<br />

l'organisation Gladio […, ] Çatli avait<br />

[…] joué un rôle de premier plan dans<br />

les évènements sanglants des années<br />

1976 à 1980, lesquels avaient préparé


les conditions du coup d'Etat militaire de<br />

septembre 1980. […] On le voit également<br />

en compagnie de Stephano Della<br />

Chiae, de la branche italienne de Gladio,<br />

au cours d'un périple en Amérique latine,<br />

et à Miami en septembre 1982.<br />

[Alors qu'il est] réfugié en France, […]<br />

l'Etat turc […] le charge d'une série d'attentats<br />

contre les intérêts arméniens et<br />

contre l'Asala - dont le plasticage du<br />

monument arménien d'Alfortville, le 3<br />

mai 1984, et l'attentat contre l'activiste<br />

Ara Toronian. » [3]<br />

Anciens sont les liens « entre les Loups<br />

gris et les forces antiguérilla du gouvernement<br />

ainsi que [ceux] très étroits entre<br />

ces dernières et la CIA. » [2] Déjà, dans<br />

les années 70, « les Loups gris opéraient<br />

[… sous] la protection de l'Organisation<br />

de la contre-guérilla, une section du<br />

département des opérations spéciales de<br />

l'armée turque. Ce département - installé<br />

dans le bâtiment de la mission d'assistance<br />

militaire américaine à Ankara -<br />

recevait des fonds et bénéficiait d'entraînement<br />

de conseillers américains. Il<br />

s'agissait de créer des escadrons clandestins,<br />

formés de civils supposés rester<br />

en retrait et mener des actes de sabotage<br />

dans l'hypothèse d'une invasion<br />

soviétique, sur le modèle répandu dans<br />

tous les pays de l'OTAN. Mais, en fait,<br />

ces agents se concentrèrent sur des<br />

cibles intérieures. […] Ces unités paramilitaires<br />

clandestines étaient chargées de<br />

la traque et de la torture de l'extrême<br />

gauche [4]. […] Les Loups gris furent<br />

ainsi à l'origine d'une partie de la violence<br />

politique qui culmina par le coup<br />

d'Etat militaire de 1980. ». [2]<br />

« Abdullah Çatli entretenait également<br />

des liens étroits avec la Mafia turque de<br />

la drogue. […] [D’importantes livraisons]<br />

d'armes de haute précision de l'OTAN<br />

passaient en contrebande d'Europe de<br />

l'Ouest vers le Proche-Orient […] en<br />

échange de cargaisons d'héroïne qui,<br />

avec l'aide des Loups gris et d'autres trafiquants,<br />

pénétraient ensuite en Italie du<br />

Nord, où elles étaient récupérées par<br />

des hommes de main de la Mafia, puis<br />

envoyées en Amérique du Nord.<br />

[…] Kintex, une entreprise d'Etat d'import-export,<br />

basée à Sofia et spécialisée<br />

dans le commerce des armes, jouait un<br />

rôle primordial. Elle était truffée d'espions<br />

bulgares et soviétiques, […mais]<br />

les services de renseignement occidentaux<br />

misaient également sur Kintex ; la<br />

CIA utilisa cette entreprise pour acheminer<br />

des armes aux "contras" du<br />

Nicaragua. » [2] [Voir « Pour la drogue<br />

donc contre ! », p. 144]<br />

« La MIT [Organisation nationale du renseignement]<br />

rémunérant [Abdullah Çatli]<br />

en héroïne, c'est pour trafic de stupéfiants<br />

qu’il est arrêté, le 24 octobre<br />

1984, à Paris. Condamné à sept ans de<br />

prison, il est remis, en 1988, à la Suisse,<br />

qui voulait également le juger pour trafic<br />

d'héroïne. Malgré une nouvelle peine<br />

de sept ans de prison, il parvient à s'évader<br />

en mars 1990, grâce à de mysté<strong>rieuse</strong>s<br />

complicités. De retour en<br />

Turquie, il est recruté par la police pour<br />

des "missions spéciales" - à l'époque, il<br />

est officiellement toujours recherché par<br />

la justice turque pour meurtres et passible<br />

de la peine de mort » [3].<br />

« En échange de la coopération<br />

d'Ankara durant la [première] guerre du<br />

Golfe, Washington fermait les yeux sur<br />

les bombardements de l'aviation turque<br />

contre les bases kurdes en territoire irakien.<br />

De même, les escadrons de la mort<br />

antikurdes purent assassiner en toute<br />

impunité plus d'un millier de civils dans<br />

le sud-est de la Turquie. Des violations<br />

évidentes des droits de l'homme perpétrées<br />

par les forces de sécurité turques<br />

99 Label Europe


furent dénoncées par Human Rights<br />

Watch, Amnesty International et le<br />

Parlement européen. » [2] Mais « dans le<br />

no man's land juridique du Sud-Est<br />

kurde, les hommes de la guerre spéciale,<br />

ne se contentant point de tuer qui bon<br />

leur semble, se sont livrés au racket des<br />

commerçants, au chantage, au viol, au<br />

trafic de drogue [5]. [… Et] l'Etat a délégué<br />

la sécurité d'un vaste district - autour<br />

des villes de Siverek et Hilvan - à l'armée<br />

privée d'un chef de tribu, M. Sedat<br />

Bucak, un député proche de<br />

Mme Tansu Ciller [alors<br />

ministre des affaires étrangères]<br />

et qui a droit de vie et<br />

de mort sur ses habitants. Ce<br />

député seigneur de la guerre<br />

est par ailleurs le seul survivant<br />

de l'accident […] de<br />

Susurluk » [3]<br />

Cet « accident […donnait] la<br />

preuve [… que] les gouvernements<br />

successifs turcs avaient<br />

protégé des narcotrafiquants,<br />

abrité des terroristes et financé des<br />

gangs de tueurs pour éliminer dissidents<br />

turcs et rebelles kurdes. Le colonel<br />

Alparslan Türkes le confirma d'ailleurs :<br />

"Çatli a coopéré dans le cadre d'un service<br />

secret travaillant pour le bien de<br />

l'Etat" [6]." » [2] « Depuis, pour les Turcs,<br />

Susurluk est devenu synonyme de la<br />

dérive mafieuse de l'Etat. […] Chef de la<br />

principale unité d'exécution du bureau<br />

des opérations spéciales et impliqué<br />

dans ces assassinats, Abdullah Çatli était<br />

un proche de Mme Tansu Ciller [la<br />

ministre des affaires étrangères] qui lui<br />

rendit un vibrant hommage après à sa<br />

mort dans l'accident de Susurluk. » [3]<br />

Les « responsables politiques et policiers<br />

désignés sont toujours en liberté et […]<br />

affirment avoir agi sur des ordres provenant<br />

du sommet de l'Etat ([…] 43 responsables<br />

policiers impliqués dans ces<br />

Label Europe 100<br />

opérations [… ont été vite] promus.<br />

[7]). » [3]<br />

Cependant, « la MIT elle-même accuse sa<br />

rivale, la direction générale de la sûreté,<br />

de "fournir des cartes de police et des<br />

passeports diplomatiques à des<br />

membres d'un groupe qui, sous couvert<br />

d'activités antiterroristes, se rendent en<br />

Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique,<br />

en Hongrie et en Azerbaïdjan et s'y<br />

livrent au trafic de drogue". Elle donne<br />

une liste nominative de certains<br />

de ces trafiquants protégés<br />

de la sûreté [8] […]. Celleci<br />

[…] livrera, à son tour, une<br />

liste de noms de trafiquants<br />

au service de la MIT. La guerre<br />

des polices pour le contrôle<br />

de ce trafic juteux aura<br />

d'ailleurs coûté la vie à une<br />

quinzaine d'agents de la MIT,<br />

selon le rapport officiel de M.<br />

Kutlu Savas. […] Le très officiel<br />

International Narcotics<br />

Control Strategy Report<br />

(INCSR) du département d'Etat américain,<br />

rendu public fin février 1998, relève<br />

que "environ 75 % de l'héroïne saisie<br />

en Europe est fabriquée ou provient de<br />

Turquie" ». [3]<br />

[1] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 63)<br />

[2] : (Martin A. Lee, « Les liaisons dangereuses de la police<br />

turque », Le Monde diplomatique 3/1997, p. 9)<br />

[3] : (Kendal Nezan, « La Turquie, plaque tournante du trafic<br />

de drogue », Le Monde diplomatique 7/1998, p.13,<br />

d’après Soner Yalçin et Dogan Yurdakul, « Ries, Gladio'nun<br />

Türk Tetikçisi » ("Le Raïs, tueur turc du Gladio"), Oteki<br />

Yayinlari, Istanbul, 10/1977)<br />

[4] : (D’après Talat Turkan (haut responsable militaire en<br />

retraite, auteur de trois livres sur les Loups Gris), in Info-<br />

Turk Bulletin, Bruxelles, 2/1993)<br />

[5] : (Rapport de l'inspecteur en chef du gouvernement<br />

turc, M. Kutlu Savas, publié le 28/1/1997, dont le texte<br />

expurgé a été publié par le quotidien turc Radikal,<br />

4/2/1998, supplt.)<br />

[6] : (The New York Times, 19/12/1996)<br />

[7] : (Selon le quotidien turc Hürriyet du 6/6/1998)<br />

[8] : (MIT Raporu, publié in Aydinlik, 21/9/1996)


101 Label Europe


102


« En un large consensus, la classe<br />

politique française a préféré occulter<br />

le sujet, tant il touchait de réputations<br />

ancrées. Aussi peut-il paraître<br />

neuf. [... Et si] en Italie, en Suisse et<br />

en Belgique, des commissions d’enquête<br />

ont éclairé le rôle des stay behind<br />

[Voir « Stay behind », p. 43], le<br />

sujet est resté tabou en France. » [1]<br />

A la Libération, la « France<br />

gaulliste est étudiée avec<br />

attention et méfiance [par<br />

les USA]. Elle est en effet<br />

le seul pays libéré stratégiquement<br />

important, qui a<br />

néanmoins réussi à refuser<br />

le protectorat américain<br />

auquel elle était destinée<br />

après une guerre<br />

qui l'avait vue capituler<br />

devant l'armée du Reich<br />

et s'humilier dans la collaboration<br />

du régime de<br />

Vichy. » [2] Dès « 1941-1942,<br />

Washington avait prévu d’imposer à la<br />

France - comme aux futurs vaincus,<br />

Italie, Allemagne et Japon - un statut de<br />

protectorat, régi par un Allied Military<br />

Government of Occupied Territories<br />

(Amgot). Ce gouvernement militaire<br />

américain des territoires occupés aurait<br />

aboli toute souveraineté, y compris le<br />

droit de battre monnaie ». [3]<br />

« De Gaulle, pour préserver sa pleine<br />

souveraineté, n'hésite pas à recycler les<br />

anciens fonctionnaires de Vichy dans<br />

l'appareil d'Etat. Dès le débarquement<br />

allié en Normandie, il assure la continuité<br />

de l'administration française. A l'instar<br />

Franc du Collier 104<br />

de Papon, de nombreux préfets passent<br />

directement de la francisque à la croix<br />

de Lorraine sans autre forme de procès.<br />

De Gaulle […] fonce en recrutant des<br />

fonctionnaires pétainistes dans la structure<br />

de la nouvelle administration. Ceuxci<br />

se retrouvent blanchis et poursuivent<br />

un même combat : ni américains, ni<br />

rouges ! » [2]<br />

Mais ce sont les services étasuniens qui<br />

ont en main le Gladio français. « Pour ce<br />

qui concerne la France, en 1947, James<br />

J. Angleton prit contact avec Henri<br />

Ribière, le patron du SDECE. » [4] « Le<br />

colonel Pierre Fourcaud [..., son adjoint]<br />

fut chargé de transmettre, en 1947, la<br />

proposition [...] (implanter<br />

un réseau staybehind)<br />

» [5] « au premier<br />

président du<br />

Conseil de la IV e République,<br />

Paul Ramadier,<br />

qui l'accepta. Le 4 mai,<br />

Ramadier renvoya les<br />

ministres communistes de<br />

son cabinet, puis il autorisa<br />

le ministre des Affaires<br />

étrangères, Georges<br />

Bidault, à négocier un<br />

accord militaire secret avec les États-<br />

Unis. » [4] Le réseau fut donc créé « par<br />

le colonel Fourcaud, en liaison avec le<br />

National Security Council [NSC] des<br />

Etats-Unis » [6].<br />

« Le patron du SDECE après la guerre,<br />

Ribière, aurait présenté ainsi : "l'opération<br />

‘Rose des vents’. Nous allons créer,<br />

zone par zone, dans toute la France, des<br />

réseaux de renseignements ultra-secrets,<br />

qui ne bougeront pas tant que tout ira<br />

bien, mais que nous pourrons réveiller le<br />

moment venu. Au lieu d'attendre une<br />

invasion [...,] nous prenons les devants<br />

et nous organisons une résistance préventive<br />

[... Si on] apprenait nos projets<br />

[...], on nous accuserait d'attenter aux


lois républicaines, de monter des provocations,<br />

de pousser à la guerre [...]" » [5].<br />

« Selon les accords conclus, seul le président<br />

du Conseil est tenu informé de<br />

l'activation du "stay-behind" local,<br />

d'abord dénommé "Mission 48", puis<br />

"Arc-en-ciel" [7] » « ou Réseaux bis » [8].<br />

« Il peut se faire communiquer les noms<br />

des agents opérant sur son territoire [...].<br />

Le réseau comprend une cellule occulte<br />

au sein des principaux services militaires<br />

officiels (Sécurité militaire, services extérieurs,<br />

etc.) et civils (Renseignements<br />

généraux, Secrétariat général de la<br />

Défense nationale, etc.). » [4]<br />

« Les agents sont recrutés sur le double<br />

critère de la compétence et de l'anticommunisme.<br />

Compte tenu des réseaux<br />

cagoulards [...] du colonel Pierre<br />

Fourcaud, il peut s'agir aussi bien d'anciens<br />

résistants que d'anciens agents<br />

nazis retournés et recyclés. » [4] « Le<br />

recrutement en France [des "stay<br />

behind"] suivit le retournement du chef<br />

de la police de Vichy, René Bousquet -<br />

l'ami de François Mitterrand, lui-même<br />

approché. Deux intimes du futur<br />

Président, Roger-Patrice Pelat et François<br />

de Grossouvre [Voir « Gros Œuvre »,<br />

p. 191], seront du dispositif. Bien entendu,<br />

la droite extrême est restée un vivier<br />

privilégié. La CIA a recouru au camouflage<br />

de sectes, d'ordres templiers ou intégristes.<br />

Elle a ainsi utilisé les Paul<br />

Touvier, Charly Lascorz [Voir « Charlie’s<br />

Angels », p. 155], Luc Jouret, Joseph di<br />

Mambro [Voir « Carcan Solaire »,<br />

p. 162]… les trois derniers dans le sillage<br />

du SAC (Service d'action civique) de<br />

Foccart et Pasqua [Voir « Hisse Pasqua »,<br />

p. 147]. » [9]<br />

« Ils peuvent recevoir une formation<br />

commando au sein de la 11 e Brigade<br />

parachutiste de choc à Cercottes<br />

(Loiret). » [4] Ce « service Action des ser-<br />

vices secrets français (le 11 e Choc du<br />

Sdece) a chapeauté les stay behind français<br />

jusqu'au début des années quatrevingt-dix.<br />

Longtemps commandé par<br />

Paul Aussaresses [Voir « Aussaresses aux<br />

arrêts ? », p. 138] » [9], selon « la hiérarchie<br />

officielle, [il] dépend du service<br />

Action des services secrets extérieurs<br />

(SDECE) [...] mais, selon la hiérarchie<br />

occulte, [il] dépend de l'OTAN par l'entremise<br />

du lieutenant-colonel Jacques<br />

Foccart » [4] [Voir « Foccart t’a joué »,<br />

p. 129], « surveillant général de la<br />

Françafrique. » [10].<br />

A « partir de 1952, les agents peuvent<br />

recevoir une formation complémentaire<br />

en guerre psychologique au<br />

Psychological Warfare Center de la CIA à<br />

Fort Bragg (Caroline du Nord) [Voir<br />

« Aux paies, c’est l’O.P.C. », p. 45]. Une<br />

cellule du stay-behind, liée au SDECE, le<br />

"Brain Trust Action", est subordonnée à<br />

l'"Executive Action" de la CIA, pour exécuter<br />

des meurtres politiques. Pour permettre<br />

à des civils de se former au 11 e<br />

Choc, le ministre des Anciens combattants,<br />

François Mitterrand, autorise l'utilisation<br />

de l'Association des réservistes<br />

volontaires parachutistes (ARVP). [... On<br />

dispose d’emplois] de couverture. [...<br />

Deux] responsables régionaux du staybehind,<br />

[... dont] François Durand de<br />

Grossouvre [...], créent une société commerciale<br />

qui bénéficie aussitôt de la<br />

concession exclusive d'embouteillage de<br />

Coca-Cola [voir « Caca Collé », p. 543]<br />

[La distribution revient à [... deux] filiales<br />

des Pastis Pernod.] [Voir « pour la<br />

drogue, donc contre ! », p. 144].<br />

[... Le] groupe de l'ex-milicien Paul<br />

Touvier se trouve [...] organisé au sein<br />

d'un ordre secret de chevalerie, la Militia<br />

Sanctæ Mariæ ; [...] celui de Roger<br />

Patrice-Pelat à l'intérieur d'une société<br />

ésotérique, l'Ordre du Prieuré de Sion.<br />

105 Franc du Collier


Ces cellules [...] obéissent [en général]<br />

au CCUO-CPC-ACC [Voir « CCUO-CPC-<br />

ACC », p. 47], mais elles peuvent aussi<br />

être directement subordonnées au<br />

Supreme Headquarter Allied Powers<br />

Europe (SHAPE) [QG de l’OTAN]. » [4]<br />

« Ces réseaux étaient alors dirigés des<br />

Etats-Unis par un service ultrasecret,<br />

l’OPC (Bureau de Coordination Politique)<br />

[Voir « Aux paies, c’est l’OPC », p. 45].<br />

Celui-ci ne répugnait ni aux assassinats,<br />

ni aux manœuvres de déstabilisation<br />

». [9] « En 1947, l'OPC fut impliqué<br />

dans le Plan Bleu, une tentative de libération<br />

des épurés emprisonnés à Fresnes<br />

et de renversement de la République au<br />

profit de l'amiral Paul Auphan. L'affaire<br />

ayant avorté avant d'être lancée, John<br />

Foster Dulles rencontra discrètement le<br />

général [de] Gaulle, en décembre, afin<br />

d'envisager avec lui une opération de ce<br />

type si les communistes gagnaient les<br />

élections. À la même période, c'est par le<br />

biais d'Irwing Brown [11] et de Carmel<br />

Offie que l'OPC provoqua la scission de<br />

la CGT et la création de Force ouvrière,<br />

ainsi que l'instrumentalisation d'une dissidence<br />

trotskiste contre les communistes<br />

orthodoxes. En 1958, le Bureau<br />

[OPC] organisa l'accession au pouvoir de<br />

[de] Gaulle [Voir « De Gaulle, le généralprésident-putschiste<br />

», p. 109]. Mais c'est<br />

encore le Bureau qui, en 1961, songea<br />

à remplacer [de] Gaulle par un autre<br />

général et encouragea le putsch des<br />

généraux d'Alger [Voir « Barricades<br />

Academy », p. 120]. » [4]<br />

En 1990, « le président du Conseil [italien],<br />

Giulio Andreotti, rend publique [...<br />

l’existence du] Gladio » [12] [Voir<br />

« Découverte de Gladio », p. 77] Le<br />

Monde, « journal officiel de tous les pouvoirs<br />

», dit « Quotidien Vespéral des marchés<br />

(QVM) », [13], réagit « "C'est la<br />

France, a révélé Giulio Andreotti, qui en<br />

Franc du Collier 106<br />

1959 appela l'Italie à participer au comité<br />

clandestin de planification [OPC] qui<br />

opérait dans le cadre du SHAPE [...]. Des<br />

réseaux de résistance (à une éventuelle<br />

occupation soviétique) poursuit-il, furent<br />

organisés en Grande-Bretagne, en<br />

France, aux Pays-Bas et en Belgique. La<br />

France avait également pris des mesures<br />

pour les territoires allemands et autrichiens<br />

soumis à son contrôle."<br />

Curieux décalage de date ! A en croire<br />

[d’autres] témoignages [14] [...,] il a bien<br />

existé, à partir de 1948, une opération<br />

similaire à celle de "Gladio", telle que<br />

décrite par M. Andreotti. La création en<br />

1947 du Kominform à la conférence des<br />

partis communistes européens faisait<br />

craindre un éventuel coup de force de<br />

ces derniers, suivi d'une occupation<br />

soviétique. Les initiateurs de l'opération,<br />

parmi lesquels M. François de<br />

Grossouvre [...], envisagent alors de<br />

recruter quelques milliers d'hommes à<br />

travers la France, des "taupes dormantes"<br />

que la SDECE réveillerait en cas<br />

de coup dur.<br />

Incidemment, cette organisation secrète,<br />

qui avait notamment pour nom de code<br />

la "Rose des Vents", a la même appellation<br />

que la "rose des Vents" italienne,<br />

opération néo-fasciste découverte en<br />

1974 [Voir « 1973 : "A table !" », p. 72],<br />

qui coûta son poste au chef des services<br />

secrets transalpins et dont on susurre<br />

[...] qu'elle n'était rien d'autre qu'une<br />

"déviation" de "Gladio". Le plus étonnant<br />

est que, selon [... cette source] [14], si les<br />

structures de l'opération française "sont<br />

restées en place pendant une décennie<br />

[...], la mission a disparu du répertoire<br />

du SDECE en 1958". Pourtant, selon le<br />

chef du gouvernement italien, c'est un<br />

an après que Paris invitait Rome à mettre<br />

en place un réseau du même type que<br />

celui qu'elle avait laissé disparaître. » [15]


C’est en effet l’antienne qui prévalait<br />

alors : « Pendant dix ans, ce réseau est<br />

maintenu en vie. [...] Peu après le retour<br />

de [de] Gaulle aux affaires, en 1958, le<br />

général Grossin, le directeur général [du<br />

Sdece] de l'époque [... dit] recevoir un<br />

ordre formel du Général. La mission 48<br />

[autre nom du Gladio français] est annulée."<br />

[16] Mais c’est que la discrétion est<br />

de mise. « De toutes les opérations<br />

conçues par le S.D.E.C.E. après la guerre,<br />

c'est la plus secrète. Je n'ai jamais<br />

reçu d'ordre écrit. Tout s'est passé verbalement.<br />

Aucun rapport n'a jamais été enregistré<br />

sur cette organisation fantôme dont<br />

seuls quelques<br />

hommes à la tête<br />

de l'Etat ont connu<br />

l'existence. » [16]<br />

Mais la France<br />

n’était-elle pas sortie<br />

de l’Otan ? C’est<br />

que, précise le<br />

« président italien<br />

Cossiga :<br />

"Les réseaux Stay-<br />

Behind ne faisaient<br />

pas partie de<br />

l’OTAN, de l’organisation<br />

militaire intégrée",<br />

mais "de<br />

l’Alliance atlantique<br />

; de sorte que la France a continué<br />

à faire partie des Stay-Behind même<br />

après avoir quitté l’Otan !" » [17] Et « les<br />

réseaux des services SDECE (puis DGSE)<br />

resteront néanmoins an liaison avec<br />

l’Allied Coordination Commitee<br />

(ACC). » [8]<br />

Quelques jours après l’article du "QVM",<br />

le « 12 novembre 1990, [...] le ministre<br />

de la Défense, Jean-Pierre Chevènement,<br />

reconnut qu'un Glaive avait<br />

existé en France. Maniant la langue de<br />

bois, il assura qu'il était resté dormant et<br />

ne s'était jamais ingéré dans la vie politique<br />

intérieure. Le lendemain, le président<br />

François Mitterrand indiqua qu'il<br />

avait récemment ordonné au général<br />

Jean Heinrich, qui le dirigeait en qualité<br />

de chef du service Action de la DGSE, de<br />

le dissoudre. [...] En 1998, le général<br />

Jean Heinrich [...] a démissionné des<br />

armées. Il dirige aujourd'hui la société<br />

de sécurité Géos [18] qui emploie de<br />

nombreux anciens du 11 e Choc. » [4]<br />

On se renouvelle en faisant peau neuve.<br />

« En 1986 encore, l'armement caché des<br />

stay behind européens a été renouvelé<br />

et on les a dotés d'un matériel de transmissionultrasophistiqué.<br />

» [9]<br />

Mais, quatorze ans<br />

plus tard, on<br />

entendait encore<br />

parler de leur équipement<br />

en France :<br />

« Le procès du policier<br />

Huy Declœdt<br />

[s’est tenu] le 26<br />

janvier 2000<br />

devant la XVII e<br />

Chambre correctionnelle<br />

de Paris.<br />

En 1994, un arsenal<br />

militaire avait<br />

été saisi en sa possession<br />

: 500 grammes de plastic, des<br />

détonateurs, des mèches, des grenades,<br />

des armes de poing, de la poudre et des<br />

milliers de munitions.<br />

Pour sa défense, le policier [a fait] savoir<br />

que cet arsenal provient de la saisie du<br />

Parti nationaliste français et européen<br />

(PFNE). Il aurait été détourné et conservé<br />

sur instruction de la DGSE, probablement<br />

dans le cadre des services secrets<br />

"stay-behind" de l'OTAN (Rose-des-vents,<br />

Gladio, Arc-en-ciel). » [6] Et, cette fois, il<br />

107 Franc du Collier


allait servir contre les dangereux immigrés<br />

[Voir « Gladio contre les immigrés »,<br />

p. 269].<br />

Mitterrand pouvait bien, encore une<br />

fois, faire l’innocent "socialiste", pour<br />

« laisser le temps au temps » [19] et à<br />

l’Otan d’accomplir leur tâche. « Pierre<br />

Marion, l'homme qui dirigea les services<br />

secrets militaires français [… en 1981-<br />

1982 et] transforma le SDECE en DGSE,<br />

[… rapporte] qu'il existait un réseau<br />

"manipulé par la division Action (au sein<br />

du SDECE) s'appuyant sur une structure<br />

clandestine constituée d'éléments extérieurs<br />

au Service, souvent des anciens de<br />

l'Action ; ils ne sont connus que du commandement<br />

de la division, et répartis<br />

dans des lieux clefs de l'Hexagone. Ce<br />

réseau m'est présenté comme pouvant<br />

effectuer l'exfiltration de personnalités<br />

en cas d'invasion du territoire national.<br />

Le dispositif aurait été créé au début des<br />

années cinquante ; il aurait son pendant<br />

dans d'autres pays européens, notamment<br />

en Italie et en Belgique.<br />

L'ensemble serait coordonné par un<br />

organe spécifique de l'OTAN. […] Je<br />

décide donc de dissoudre ce réseau<br />

dont l'équivalent italien aura quelques<br />

années plus tard les honneurs de la presse<br />

sous le nom de Gladio. Lorsque je<br />

parle de l'affaire à François Mitterrand,<br />

j'ai l'impression qu'il en connaissait déjà<br />

l'existence." [20].<br />

Nous savons aujourd'hui que ce réseau<br />

n'a en réalité jamais été dissous dans le<br />

cadre de l'OTAN [Voir « Dissous, c’est<br />

pas cher », p. 53] et qu'en France » [2],<br />

« dirigé par François de Grossouvre<br />

» [6] , « il aurait d'abord infiltré le SAC<br />

(Service d'action civique gaulliste) [Voir<br />

« Mis à SAC. Mis dans le MIL », p. 140]<br />

ensuite, il aurait utilisé le DPS<br />

(Département protection sécurité), la<br />

milice du Front National [Voir<br />

« Dépèce ! », p. 174]. Ce qui amène cer-<br />

Franc du Collier 108<br />

tains observateurs à se demander si<br />

Jean-Marie Le Pen faisait partie du<br />

réseau Gladio. » [2]<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 34, 38)<br />

[2] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Première partie : La particularité française »,<br />

Les Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001)<br />

[3] : (Annie Lacroix-Riz, « Quand les Américains voulaient<br />

gouverner la France », Le Monde diplomatique, 5/2003,<br />

p. 19, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/05/LAC<br />

ROIX_RIZ/10168)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article8691.html)<br />

[5] : (Philippe Bernet, « SDECE Service 7 », Presses de la<br />

cité, 1980, pp. 61-62)<br />

[6] : (« Gladio toujours », Réseau Voltaire, 1/10/1999, (RV<br />

99/0318))<br />

[7] : (Cf. la rubrique « stay-behind », in Jacques Baud,<br />

« Encyclopédie du renseignement et des services secrets »,<br />

Lavauzelle éd., 1997. Et les rubriques « Opération Gladio »<br />

et « Des réseaux dormants dans toute la France » in Pascal<br />

Krop, « Les Secrets de l'espionnage français de 1870 à nos<br />

jours », Jean-Claude Lattès, 1993)<br />

[8] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 57)<br />

[9] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 34-35,<br />

d’après Thierry Meyssan, op. cit.)<br />

[10] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 35)<br />

[11] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Éminences grises »,<br />

Fayard, 1992 ; « The Origin of CIA Financing of AFL<br />

Programs » in Covert Action Quaterly, n° 76, 1999)<br />

[12] : (François Vitrani, « L'Italie, un Etat de "souveraineté<br />

limitée" ? », Le Monde diplomatique, 12/1990, p. 3)<br />

[13] : (PLPL n° 0, p. 6, 10/2000, http://www.hommemoderne.org/plpl/n1/p6.html)<br />

[14] : (in Roger Faligot et Pascal Krop, « La Piscine. Les services<br />

secrets français 1944-1984 », Seuil, 1985)<br />

[15] : (Patrice Claude, « La "Rose des Vents", en France<br />

aussi… », Le Monde, 8/11/1990, p. 6)<br />

[16] : (Philippe Bernet, op. cit., p. 65)<br />

[17] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 145)<br />

[18] : (http://www.geos.tm.fr)<br />

[19] : (Michel Fugain, « Chaque jour de plus », 1991)<br />

[20] : (Pierre Marion, « La Mission Impossible », Calmann<br />

Lévy, 1991, pp. 126-127)


« Cet événement majeur de l’Histoire de<br />

France est quasiment absent des livres<br />

d’Histoire. [...] C’est l’autre grand tabou<br />

de la France contemporaine, après celui<br />

de Vichy. [... L’évidence] s’impose malgré<br />

tout : la naissance de l’actuelle<br />

République n’a été possible que grâce à<br />

un coup d’Etat d’un type nouveau, perpétré<br />

avec le concours de l’extrême droite<br />

et des forces de sécurité du pays. » [1]<br />

« Le coup de force du général de Gaulle,<br />

en mai 1958, est [...] un maillon de la<br />

CATENA [Voir « Enchaîné », p. 137] » [2]<br />

ou, si l’on préfère, des stay behind.<br />

En « 1958, la France de la IV e<br />

République s'enlise dans la guerre<br />

d'Algérie. [...] Quatre cent mille hommes<br />

ont été envoyés au combat [... en<br />

Algérie par les gouvernements de<br />

gauche]. Après la défaite de Diên-Biên-<br />

Phu et la perte de l'Indochine, après l'indépendance<br />

du Maroc et de la Tunisie,<br />

celle de l'Algérie paraît inévitable [...<br />

Pour] la réaliser [...] un nouveau Front<br />

populaire [...] garantirait la stabilité<br />

nécessaire [... Mais en] pleine guerre froide,<br />

l'entrée des communistes au gouvernement<br />

français menacerait [...] la sécurité<br />

du commandement de l'Alliance<br />

atlantique, [… alors] sur le sol français<br />

[..., et aussi] le rôle stratégique dévolu à<br />

la force de dissuasion nucléaire française<br />

[...] en cours de constitution [...<br />

L'indépendance] de l'Algérie [...] placerait<br />

[...] au pouvoir le seul FLN pro-soviétique<br />

au risque de [... voir l'URSS] installer<br />

des missiles stratégiques en Afrique du<br />

Nord, pointés sur l'Europe occidentale.<br />

[... À Washington,] le Conseil national de<br />

sécurité [NSC, National Security<br />

Council [3]] étudie alors les possibilités<br />

d'action secrète [...]. Les informations<br />

recueillies par la [CIA] font état de l'hostilité<br />

des officiers supérieurs français à<br />

"l'abandon" de l'Algérie [...]. Les rapports<br />

du "département des coups tordus" [..., la<br />

Direction de la planification], indiquent<br />

que les agents "stay-behind" recrutés en<br />

France, formés et entretenus par les services<br />

secrets de l'Alliance atlantique, sont<br />

en mesure de fomenter un coup d'État<br />

militaire.<br />

[Toutefois, le] Département d'État considère<br />

que l'instauration d'une dictature<br />

militaire en France compromettrait l'image<br />

du "monde libre" [... et] qu'un coup<br />

d'État n'apporterait de solution que si<br />

l'officier ou la junte au pouvoir auto-limitaient<br />

leur dictature et rétablissaient rapidement<br />

les libertés démocratiques au<br />

sein d'un régime renouvelé d'où les<br />

communistes seraient écartés. [... On<br />

parle] d'un général nationaliste, Charles<br />

[de] Gaulle, [...] les États-Unis avaient<br />

[...] reconnu in extremis son gouvernement<br />

en exil [...], et l'avaient installé à la<br />

tête d'un gouvernement provisoire pour<br />

qu'il jugule la pression communiste. Mais<br />

[de] Gaulle [...] fut rapidement chassé du<br />

pouvoir par les urnes. En décembre<br />

1947, les Américains songèrent à l'utiliser<br />

à nouveau et John F. Dulles [Voir « Sied à<br />

ravir », p. 571] vint lui rendre visite [... en<br />

vue d’un] éventuel coup d'État en cas de<br />

triomphe électoral des communistes.<br />

Depuis, ce général attend son heure [...].<br />

Le général Dwight D. Eisenhower autorise<br />

l'exécution du plan élaboré par le<br />

NSC [4], et préparé par le Département<br />

de la planification (ex-OPC) [Voir « Aux<br />

paies, c’est l’OPC », p. 45]. Conformément<br />

au protocole secret du Traité de<br />

l'Atlantique-Nord, le président des États-<br />

Unis fait informer oralement le président<br />

109 Franc du Collier


du Conseil français, [...] Félix Gaillard [...<br />

qui ne s’est] peut-être [...] attendu [qu’à]<br />

une simple opération de déstabilisation<br />

du Parti communiste. Les 29 et 30 avril<br />

1958, les États-Unis convoquent à Paris<br />

la première réunion de l'Allied<br />

Coordination Committee (ACC) [Voir<br />

« CCUO-CPC-ACC », p. 47] au cours de<br />

laquelle [...] ils réorganisent le réseau et<br />

informent leurs alliés [... qu’il faut] faire<br />

intervenir les stay-behind en France.<br />

En 1957-58, les stay-behind préparent<br />

l'arrivée de Charles [de] Gaulle en suscitant<br />

des complots [5]. Le plus connu est<br />

celui du "Grand O" [...]. Le général<br />

Lionel-Max Chassin, [... y tient un grand<br />

rôle. Il est] coordinateur de la défense<br />

aérienne de l'OTAN pour la zone Centre-<br />

Europe [... et] l'un des responsables du<br />

"Brain Trust Action", la cellule assassinat<br />

du réseau stay-behind. Les conjurés sont<br />

recrutés par l'inévitable Docteur Martin,<br />

[...] figure historique de la "Cagoule" [Voir<br />

« Cagoule : L’art », p. 32].<br />

Ils rassemblent des syndicalistes et divers<br />

officiers d'extrême droite disposant chacun<br />

de leurs propres réseaux dans les<br />

armées [... pour] sauver l'Empire français<br />

en plaçant l'Armée au pouvoir. [...] Ils<br />

veulent obtenir les pleins pouvoirs en<br />

Algérie et des moyens militaires illimités<br />

pour écraser la rébellion. Le général<br />

Jacques Massu réunit autour de lui ceux<br />

pour qui, seul, le général Charles [de]<br />

Gaulle est capable d'une telle [...] fermeté.<br />

Ne s'est-il pas montré impitoyable, en<br />

mai 1945, donnant l'ordre de massacrer<br />

des dizaines de milliers de Nord-Africains<br />

manifestant à Sétif [et] qui, s'étant battus<br />

à ses côtés contre l'Axe, croyaient avoir<br />

gagné leur liberté ?<br />

Le lieutenant-colonel Jacques Foccart<br />

assure la coordination [... avec] les différents<br />

groupes de comploteurs [Voir<br />

« Foccart t’a joué », p. 129]. Le sénateur<br />

Franc du Collier 110<br />

Michel Debré supervise la propagande<br />

[...]. L'activité des stay-behind, devenue<br />

voyante, est couverte par le ministre de<br />

la Défense, Jacques Chaban-Delmas. [...]<br />

Au New York Times qui lui demande s'il<br />

pourrait s'emparer du pouvoir, Charles<br />

[de] Gaulle répond : "Pourquoi pas ? J'ai<br />

déjà réalisé deux coups d'État dans ma<br />

vie. En juin 1940, quand j'ai établi notre<br />

mouvement à Londres, j'ai accompli un<br />

coup d'État. Et, en septembre 1944, j'ai<br />

fait un coup d'État à Paris... J'ai constitué<br />

un gouvernement, j'étais le gouvernement".<br />

Le 9 mai 1958, le secrétaire d'État, John<br />

F. Dulles [...] transmet le feu vert de<br />

l'opération. Le jour même, le général<br />

Raoul Salan télégraphie une mise en<br />

garde au gouvernement [...]. Le 13 mai,<br />

sur le forum d'Alger, une manifestation<br />

de colons [...] tourne à l'insurrection.<br />

Dans la foule, [...] deux spécialistes de la<br />

subversion [...]. Léon Delbecque représente<br />

[...] Chaban-Delmas [...]. Jean<br />

Ousset [6], [... ancien secrétaire de<br />

Charles Maurras et] maître à penser [...]<br />

de nombreux officiers supérieurs, est<br />

envoyé par le Secrétaire général permanent<br />

de la Défense nationale, Geoffroy<br />

Chodron de Courcel [oncle de<br />

Bernadette]. Il est aussi le fondateur de<br />

la Cité catholique [très liée à Gladio dans<br />

plusieurs pays [7]] et le représentant<br />

politique en France de l'Opus Dei [8].<br />

La foule prend d'assaut et saccage le<br />

Palais du Gouvernement. Elle déboulonne<br />

la statue de la République. Les généraux<br />

Jacques Massu et Raoul Salan, qui<br />

participent au complot, prennent la tête<br />

des insurgés. Ce sont des "durs" qui ont<br />

commandé la "bataille d'Alger" et généralisé<br />

la torture face au FLN. [... Ils]<br />

annoncent la création d'un Comité de<br />

Salut public, sorte de gouvernement<br />

provisoire. Après [...] hésitation, Salan


enonce plus ou moins au leadership<br />

politique et lance un appel à [de] Gaulle.<br />

Parmi les [...] membres du Comité, [...<br />

celui qui l’y a poussé,] Léon Delbecque<br />

[Voir ci-dessous « Delbecque, le<br />

"Naujocks français" »] [...].<br />

Massu télégraphie au président de la<br />

République, René Coty : "[...] Exigeons<br />

création à Paris d'un gouvernement de<br />

Salut public, seul capable de sauver<br />

l'Algérie partie intégrante de la métropole".<br />

Le président Coty [...] en retour [lui]<br />

"[...] donne l'ordre de rester [...] sous<br />

l'autorité du gouvernement de la<br />

République française".<br />

Le 15 mai, la foule scande sur le forum<br />

Delbecque, le « Naujocks français »<br />

"L'Armée au pouvoir !". Le général Raoul<br />

Salan [...] répondant [...] : "[...] Vive<br />

l'Algérie française ! Vive le général [de]<br />

Gaulle !". À Paris, les partisans du Comité<br />

de Salut public, gaullistes et fascistes du<br />

Parti patriote révolutionnaire (PPR) et de<br />

Jeune Nation, défilent côte à côte sur les<br />

Champs-Élysées. Derrière le député<br />

Jean-Marie Le Pen, qui ouvre un cortège<br />

où se mêlent croix de Lorraine et croix<br />

celtiques, ils crient "Algérie française",<br />

"Les députés à la Seine !", "De Gaulle au<br />

pouvoir !". Le service d'ordre de la manifestation<br />

est assuré par l'Association pour<br />

l'appel au général [de] Gaulle dans le respect<br />

de la légalité républicaine (sic), une<br />

Pour aider de Gaulle à prendre le pouvoir, « Delbecque devint le commissaire politique<br />

en chef de l’armée française, l’homme qui a tous pouvoirs pour mobiliser les<br />

civils derrière les militaires. Poste d’autant plus considérable qu’il reste flou, avec<br />

une seule contrainte : le temps. Car il ne repose que sur la durée de vie [du gouvernement]<br />

de Chaban. Or, quand on n’a pas le temps, on ne cherche pas à<br />

convaincre. On contourne. On crée des structures parallèles. On court-circuite les<br />

réseaux officiels. » [1]<br />

« En métropole et en Algérie, Léon Delbecque, infatigable, anime une équipe<br />

d'agitateurs gaullistes [...] qui préparent avec succès le coup d'Etat du 13 mai<br />

1958. Léon Delbecque, l'œil des gaullistes en Algérie, effectue en cinq mois 27<br />

fois le voyage d'Alger, ce qui lui permet d'affirmer dès juillet 1958 : "...Il est exact<br />

que j'ai été l'organisateur du mouvement du 13 mai. Aux fonctions que j'occupais,<br />

je me suis arrangé pour être au bon endroit, au bon moment, pour détourner<br />

vers le général de Gaulle ce soulèvement qui devait se produire..." L'activité<br />

de Léon Delbecque lui valut d'être surnommé "le Naujocks français" [Voir « Private<br />

Naujocks », p. 35] par Christian Fouchet que de Gaulle venait de nommer ambassadeur<br />

au Danemark. [2] » [3])<br />

Reconnu, dans « les mois qui suivirent les événements de mai 1958 [...] il fut élu<br />

député [...] et ses avis sur les questions stratégiques étaient écoutés. L’évolution<br />

de la guerre d’Algérie l’a ensuite conduit à rompre avec les gaullistes [...]. Il s’est<br />

alors enfermé dans l’aigreur et le lobbying au profit de l’Afrique du Sud du temps<br />

de l’apartheid, avant de s’éteindre » [4].<br />

[1] : (Christophe Nick, « Résurrection. Naissance de la V e République, un coup d’Etat démocratique », Fayard, 1998,<br />

pp. 282-283)<br />

[2] : (Lettre privée de Christian Fouchet, 4/9/1958)<br />

[3] : (Patrice Chairoff, « Dossier B ... comme Barbouzes. Une France parallèle. Celle des basses-œuvres du pouvoir »,<br />

Alain Moreau, 1975, pp. 28-29)<br />

[4] : (Christophe Nick, op. cit., p. 278).<br />

111 Franc du Collier


structure mise en place par le staybehind.<br />

Le 16 mai, le gouvernement de Pierre<br />

Pflimlin, [...] tout juste [...] constitué,<br />

n'ose pas sanctionner les généraux<br />

d'Alger. [...] Il décrète la dissolution des<br />

ligues fascistes qui viennent de le défier,<br />

Jeune Nation et le PPR. Certains dirigeants<br />

sont interpellés et écroués.<br />

D'autres plongent dans la clandestinité<br />

[... aidés] par le "caudillo" Franco. [...<br />

Les] députés Jean-Marie Le Pen et Jean-<br />

Maurice Demarquet [futur médecin du<br />

milliardaire Lambert dont Le Pen héritera<br />

cu<strong>rieuse</strong>ment] tentent de rejoindre Alger<br />

et sont [...] refoulés par Salan [... puis<br />

vont] en Andorre, pour y rencontrer un<br />

des chefs des stay-behind [...] [9]<br />

Pendant ce temps, le Parlement vote<br />

l'état d'urgence pour trois mois. Les préfets<br />

peuvent prononcer des interdictions<br />

de circulation et des couvre-feux [...,] fermer<br />

tout lieu de réunion et assigner qui<br />

bon leur semble à résidence. La presse<br />

[...] est soumise à la censure. Pour [de]<br />

Gaulle, le fruit est mûr. [... Il] déclare :<br />

"Naguère le pays [...] m'a fait confiance<br />

[... ;] qu'il sache que je me tiens prêt à<br />

assumer les pouvoirs de la République"<br />

(15 mai 1958). [...] L'Humanité résume<br />

[... en] "une" : "De Gaulle [...] chef des<br />

généraux factieux revendique le pouvoir<br />

personnel [...] organisez-vous pour briser<br />

toute tentative de coup d'État ! [...]"<br />

(16 mai). Tandis que [...] Pierre Mendès-<br />

France appelle à l'Assemblée nationale<br />

"à l'action contre les hommes de la sédition<br />

à qui [de] Gaulle fournit sa caution<br />

et son soutien".<br />

L'avionneur Marcel Dassault ouvre un<br />

crédit [...] pour assurer les besoins logistiques<br />

immédiats. [...] Sous [les] ordres<br />

[du général Chassin,] des Comités<br />

secrets de Salut public se forment [...<br />

comme par exemple à] Marseille ([avec]<br />

Franc du Collier 112<br />

Charles Pasqua). [Chassin] appelle à la<br />

constitution de comités similaires dans<br />

chaque commune et leur donne instruction<br />

de se tenir prêts à prendre les préfectures.<br />

Toujours le 16 mai, Chassin<br />

réunit l'état-major secret du stay-behind<br />

à Lyon. [... Le] chef de zone du Gladio,<br />

François Durand de Grossouvre [Voir<br />

« Gros Œuvre », p. 191], est [probablement]<br />

présent.<br />

Chassin rédige un ultimatum au gouvernement<br />

et pose pour une photo de pres-<br />

se [10] [...] en uniforme français et casque<br />

américain, mitraillette au poing parmi ses<br />

officiers [...]. Chassin affirme se tenir prêt à<br />

marcher sur Paris à la tête de quinze mille<br />

hommes. [...] La nouvelle de l'implication<br />

des Américains dans la tentative de putsch<br />

fait le tour du monde des chancelleries. [...<br />

Le] gouvernement français [...] interdit<br />

immédiatement la diffusion [de la photo]<br />

sur le territoire national. Tous les journaux<br />

qui en font état sont saisis. Un mandat<br />

d'amener est délivré à l'encontre du général<br />

Chassin [...].


Le 19 mai, [de] Gaulle donne une conférence<br />

de presse au Palais d'Orsay. Elle<br />

est organisée par les stay-behind [...]. Un<br />

journaliste interroge le général :<br />

"Certains craignent que [...] vous attentiez<br />

aux libertés publiques". Il répond :<br />

"[...] Croit-on qu'à soixante-sept ans je vais<br />

commencer une carrière de dictateur ?"<br />

L'Assemblée nationale [...] reconduit les<br />

pouvoirs spéciaux dont disposent les<br />

militaires pour conduire la guerre en<br />

Algérie. Le gouvernement titube. [...]<br />

Face à la montée du péril, les partis et<br />

syndicats de gauche refont leur unité. Ils<br />

mobilisent ensemble cinq cent mille<br />

manifestants qui marchent de la place<br />

de la Nation à celle de la République en<br />

scandant "Halte au fascisme, Non à la<br />

dictature militaire, Paix en Algérie".<br />

Le Comité de Salut public [...] déclare<br />

qu'il "est fermement résolu à mettre en<br />

place un gouvernement de Salut public<br />

présidé par le général [de] Gaulle<br />

[...]" [...]. Le 24 mai, le président du<br />

Conseil Pierre Pflimlin s'adresse par radio<br />

à la nation : "[...] Des factieux essaient<br />

de nous entraîner sur la pente qui<br />

conduit à la guerre civile. [... Il faut] vous<br />

rassembler autour du gouvernement<br />

[...]". Trop tard. Toute alternative crédible<br />

au putsch militaire s'est évanouie.<br />

[...]<br />

Le 26 mai, le Comité de Salut public se<br />

dote d'un triumvirat exécutif composé<br />

de Massu, Soustelle et du docteur Sid<br />

Cara dans le rôle de l'alibi musulman.<br />

Deux cent cinquante parachutistes du<br />

11 e Choc [Voir « Aussaresses aux<br />

arrêts ? », p. 138] débarquent d'Alger et<br />

prennent d'assaut la préfecture d'Ajaccio<br />

[..., semblant] obéir à l'état-major secret<br />

du général [...] Chassin. Les parachutistes<br />

installent un Comité de Salut public<br />

en Corse [...].<br />

Le président Coty, [... acculé], joint [...<br />

de] Gaulle [qui] franchit à son tour le<br />

Rubicon. Il communique (27 mai) : "J'ai<br />

entamé hier le processus régulier nécessaire<br />

à l'établissement d'un gouvernement<br />

républicain capable d'assurer l'unité<br />

et l'indépendance du pays. [...]<br />

J'attends des forces [...] présentes en<br />

Algérie qu'elles demeurent exemplaires<br />

sous les ordres de leurs chefs. À ces<br />

chefs, j'exprime ma confiance et mon<br />

intention de prendre incessamment<br />

contact avec eux". [...]<br />

Le 28 mai, le gouvernement Pflimlin [...]<br />

démissionne. De Gaulle refuse de se présenter<br />

devant les Assemblées pour y être<br />

investi et exige qu'on le porte au pouvoir<br />

sans qu'il ait à débattre de ses intentions.<br />

Dans une lettre au président Coty, il se<br />

fait menaçant : "Je me heurte, du côté<br />

de la représentation nationale, à une<br />

opposition déterminée. D'autre part, je<br />

sais qu'en Algérie et dans l'armée [...] le<br />

mouvement des esprits est tel que cet<br />

échec de ma proposition risque de briser<br />

les barrières et même de submerger le<br />

commandement [...]. Ceux qui, par un<br />

sectarisme [...] incompréhensible, m'auront<br />

empêché de tirer encore une fois la<br />

République d'affaire, quand il en était<br />

encore temps, porteront une lourde responsabilité.<br />

[...]" [...] Massu déclare :<br />

"C'est au général [de] Gaulle de décider<br />

si l'armée doit le porter au pouvoir par la<br />

force ou non" [11]. » [12]<br />

« "La peur est le ressort des assemblées."<br />

[13] [... Et ainsi] une Assemblée<br />

hostile au général de Gaulle lui accorde<br />

les pleins pouvoirs après trois semaines<br />

de crise. » [14] Effrayés « par les troubles<br />

et le déploiement de la troupe à Paris,<br />

les parlementaires investissent sans débat<br />

Charles [de] Gaulle comme président du<br />

Conseil, le 1er juin. Rares sont ceux qui,<br />

comme Pierre Mendès-France, s'y opposent.<br />

Celui-ci clame : "Je n'admets pas de<br />

113 Franc du Collier


vote sous la menace de l'insurrection et<br />

du coup de force militaire [...] chacun le<br />

sait ici [...], le consentement que l'on va<br />

donner est vicié". Deux jours plus tard,<br />

l'Assemblée se saborde : elle autorise le<br />

général-président à user [des] pouvoirs<br />

spéciaux en Algérie, lui remet les pouvoirs<br />

constituants, enfin lui accorde les pleins<br />

pouvoirs pour six mois. [...] La IV e<br />

République vient d'être renversée sous la<br />

pression des armes. Le sang n'a pas été<br />

versé [...].<br />

De Gaulle interrompt l'opération<br />

"Résurrection", [...] nom donné au complot.<br />

[... On] rappelle les parachutistes,<br />

qui avaient déjà décollé : il n'est plus<br />

nécessaire qu'ils sautent sur le Palais-<br />

Bourbon pour arrêter les principaux leaders<br />

de la gauche. [... On] stoppe [aussi]<br />

les commandos civils qui [...] se tenaient<br />

eux aussi prêts à l'assaut. » [12]<br />

Mais ces assauts préparés resteront des<br />

modèles. « Immortalisé par les opérations<br />

Cid et Résurrection, [...] le putsch<br />

gaulliste est un exemple du genre, dont<br />

sauront s’inspirer plus tard les colonels<br />

grecs [Voir « Est bien, mon colon ! »,<br />

p. 97] et le prince noir italien [Valerio]<br />

Borghese [Voir « 1970 : Coup d’Etat<br />

avorté en Italie », p. 70], lesquels reproduiront<br />

à l’identique les recommandations<br />

françaises du plan Résurrection : "Il<br />

s’agit d’instaurer en quelques heures ‘la<br />

prise rapide par les paras tombés du ciel<br />

[et venus d’Alger] des centres vitaux de<br />

la capitale : le ministère de l’Intérieur, la<br />

préfecture de police, la radio et l’électricité,<br />

etc.‘ [15]. [...] Le plan prévoit également<br />

l’arrestation d’un certain nombre<br />

d’hommes politiques, dont François<br />

Mitterrand, Pierre Mendès France, Edgar<br />

Faure, Jules Moch et toute la direction<br />

du parti communiste." [16] » [17]<br />

« Les responsables politiques de la IV e<br />

République ne doutaient plus de la capa-<br />

Franc du Collier 114<br />

cité des conspirateurs à aller jusqu’au<br />

bout de leur démarche. Aussi, comme l’a<br />

écrit le 28 mai 1958 Maurice Duverger<br />

dans Le Monde, entre la guerre civile et<br />

de Gaulle, il faudrait être fou pour ne<br />

pas choisir de Gaulle. [...] La réussite du<br />

"coup d’Etat démocratique" repose en<br />

dernière analyse sur la crédibilité de la<br />

menace. Si les tenants du pouvoir pensent<br />

sincèrement qu’il ne s’agit que d’un bluff,<br />

s’ils nourrissent un vrai doute sur la capacité<br />

des insurgés à déclencher l’irréparable,<br />

alors la raison leur permet d’annihiler la<br />

peur, et l’opération est anéantie. [...]<br />

De Gaulle sait que "seul le pouvoir législatif,<br />

si favorable au jeu des compromis<br />

et des complicités, peut l’aider à insérer<br />

le fait accompli dans l’ordre constitué,<br />

par une greffe de la violence révolutionnaire<br />

sur la légalité constitutionnelle [...].<br />

Or le Parlement accepte le fait accompli<br />

et le légalise formellement en transformant<br />

le coup d’Etat en changement de<br />

ministère…" [18]. L’art du "coup d’Etat<br />

démocratique" tient en ces quelques<br />

phrases tirées de Malaparte commentant<br />

le 18 Brumaire. » [19]<br />

Putschez-vous, j’arrive !<br />

« Charles de Gaulle s'est d'autant plus<br />

efforcé d'apparaître comme le restaurateur<br />

de l'indépendance nationale qu'il<br />

devait son retour aux affaires à l'aide des<br />

États-Unis. Accédant au pouvoir, en<br />

1958, il constitue un cabinet noir sous<br />

contrôle américain. Il se fait assister à l'Élysée<br />

par Jacques Foccart, cofondateur<br />

des stay-behind en France [Voir<br />

« Foccart t’a joué », p. 129], tandis que<br />

Michel Debré est assisté à Matignon par<br />

Constantin Melnik » [20] [Voir « Coup de<br />

Main rouge », p. 133].<br />

« Tout coup d’Etat, qu’il soit démocratique<br />

ou pas, se paie du prix que coûtent<br />

les gages à donner à ceux qui ouvrent<br />

les portes du pouvoir. » [21] « De Gaulle


[...] désigne Geoffroy Chodron de<br />

Courcel comme ambassadeur à l'OTAN.<br />

Il choisit comme directeur de son cabinet<br />

Georges Pompidou, directeur général<br />

de la banque Rothschild frères.<br />

Il donne des airs d'union nationale au<br />

gouvernement en y intégrant, avec les<br />

honneurs, mais sans portefeuilles, Guy<br />

Mollet (SFIO) et Pierre Pflimlin (MRP).<br />

En juillet 1958, le secrétaire d'État américain,<br />

John Foster Dulles [Voir « Sied à<br />

ravir », p. 571], vient rencontrer officiellement<br />

Charles [de] Gaulle à Paris. Dulles<br />

débute l'entretien en évoquant le projet<br />

de complot qu'il<br />

avait préparé avec<br />

[de] Gaulle en<br />

1947, manière élégante<br />

de rappeler<br />

à son interlocuteur<br />

des secrets partagés<br />

et une relation<br />

inégale.<br />

Puis, il [...] s'assure<br />

que son interlocuteur<br />

a bien compris<br />

ce que les<br />

États-Unis attendent<br />

de lui,<br />

notamment sur la<br />

question nucléaire.<br />

Peu après le<br />

retour de Dulles à<br />

Washington, le<br />

Conseil national<br />

de sécurité (NSC)<br />

[...] décide d'aligner<br />

la politique<br />

de sécurité des<br />

États-Unis en<br />

Méditerranée sur<br />

celle de la France.<br />

Le 4 juin, [de]<br />

Gaulle se rend à<br />

Alger où [...] il<br />

adresse aux colons son célèbre "Je vous<br />

ai compris !". [...] À Constantine, il prend<br />

explicitement position pour l'Algérie<br />

française. Il [...] décrète : "En raison de la<br />

situation [...] en Algérie, l'autorité militaire<br />

exerce les pouvoirs normalement<br />

départis à l'autorité civile". [...] Salan est<br />

promu délégué général du gouvernement<br />

en Algérie. Les différents généraux<br />

et colonels impliqués dans le complot du<br />

13 Mai sont nommés aux principaux<br />

postes civils en Algérie. Ainsi, [...] Massu<br />

est-il nommé préfet d'Alger. [...] Pour<br />

mener la guerre à outrance, Salan<br />

115 Franc du Collier


obtient le crédit pharaonique supplémentaire<br />

de cent vingt milliards de<br />

francs. Le ministre des Finances [...] est<br />

contraint de lever cinquante milliards<br />

d'impôts nouveaux et de lancer un<br />

emprunt.<br />

[... Des] non-lieux sont prononcés en<br />

faveur de tous les factieux poursuivis<br />

[...]. Le général Salan est décoré [...]<br />

Massu est promu général de division. Les<br />

parachutistes qui occupèrent le Palais du<br />

gouverneur à Alger défilent sur les<br />

Champs-Élysées. André Malraux est<br />

nommé ministre du Rayonnement français<br />

(sic). Jacques Soustelle devient<br />

ministre de l'Information. Il révoque les<br />

dix principaux responsables de la Radio<br />

Télévision Française (RTF) qu'il remplace<br />

par des dirigeants gaullistes. [...] Le préfet<br />

de police de Paris, Maurice Papon,<br />

organise une répression sans précédent<br />

des Arabes et Kabyles vivant dans la<br />

capitale. [...] Un Comité d'experts s'attelle<br />

à rédiger un projet de<br />

Constitution selon les instructions du<br />

général-président. [...]<br />

Le général-président entreprend une<br />

tournée des colonies [... avec le] ministre<br />

de la France d'Outre-Mer, Bernard<br />

Cornut-Gentille [par ailleurs administrateur<br />

des Pastis Ricard [Voir « Hisse<br />

Pasqua », p. 147]]. Partout, il annonce<br />

une réorganisation de l'Empire sous la<br />

forme d'une "Communauté" dans laquelle<br />

chaque territoire sera désormais autonome,<br />

à l'instar du self-government dans<br />

le Commonwealth britannique.<br />

Selon les actualités télévisées, il est<br />

accueilli partout par des foules en liesse<br />

qui saluent en lui le visionnaire de<br />

Brazzaville [... ayant] anticipé la décolonisation<br />

de l'Afrique dans un discours de<br />

février 1944. [...] En réalité, le discours<br />

de Brazzaville fut tenu dans le cadre<br />

d'une conférence de hauts fonction-<br />

Franc du Collier 116<br />

naires dont le relevé des conclusions stipule<br />

: "Les fins de l'œuvre de civilisation<br />

accomplie par la France dans les colonies<br />

écartent toute idée d'autonomie,<br />

toute possibilité d'évolution hors du bloc<br />

français de l'Empire ; la constitution<br />

éventuelle, même lointaine, de selfgovernements<br />

dans les colonies est à<br />

écarter". Quant aux intentions du général-président,<br />

elles sont claires : celui qui<br />

fut le boucher de Sétif, en mai 1945, est<br />

accompagné, tout au long de sa tournée<br />

africaine par le général Pierre<br />

Garbay, [...] qui revendique d'avoir fait<br />

massacrer quatre-vingt-neuf mille<br />

Malgaches à la suite de l'insurrection du<br />

11 juin 1947.<br />

[... Début septembre], les parlementaires<br />

sont invités [à] se positionner [... sur la<br />

Constitution de la V e République] en réaction<br />

aux propos de [de] Gaulle, sans avoir<br />

pris connaissance du texte soumis au référendum,<br />

qui ne sera diffusé à la presse<br />

que le surlendemain. Pierre Mendès-<br />

France dénonce le chantage permanent<br />

aux paras qui conduit à accepter la nouvelle<br />

Constitution sans la discuter, comme<br />

a été acceptée précédemment la chute<br />

de la IV e République. [...] De son côté, le<br />

Parti communiste exhume le projet de<br />

Constitution élaboré par Philippe<br />

Pétain [22] et note avec dégoût les nombreuses<br />

similitudes qu'il présente avec le<br />

projet [de] Gaulle. [Le projet Pétain partage<br />

la conception gaulliste de la fonction<br />

arbitrale du président et du rabaissement<br />

du Parlement. Mais le projet Pétain accorde<br />

une place au corporatisme, tandis que<br />

le projet de Gaulle renforce encore le<br />

pouvoir exécutif.]<br />

La radio et la télévision d'État rendent<br />

compte en détail de tous les appels au<br />

Oui et assimilent le Non à une directive<br />

soviétique relayée par le Parti communiste.<br />

[...] Une kyrielle d'associations


apparemment différentes fleurit pour<br />

soutenir le Oui. La plus ta<strong>page</strong>use est<br />

l'Association nationale pour le soutien à<br />

l'action du général [de] Gaulle (nouvelle<br />

dénomination de l'Association pour l'appel<br />

au général [de] Gaulle dans le respect<br />

de la légalité républicaine), animée<br />

par les stay-behind Bernard Dupérier et<br />

Henri Gorce-Franklin. Elles disposent<br />

toutes de temps d'antenne à la RTF et<br />

sont coordonnées en sous-main [... par]<br />

l'homme de confiance de Jacques<br />

Soustelle. La gauche non-communiste<br />

bat en retraite [...], mettant Mendès-<br />

France [...] en minorité.<br />

En Algérie, le général Raoul Salan supervise<br />

"l'Opération Référendum". [...]<br />

Toutes les réunions en faveur du Non<br />

sont interdites et les matériels électoraux<br />

saisis. Lors des opérations de vote, l'armée<br />

établit les listes électorales, transporte<br />

les populations aux bureaux de<br />

vote, tient les urnes, et dépouille les bulletins.<br />

La mascarade est complète.<br />

En métropole, la Constitution est<br />

approuvée par 79,25 % des suffrages<br />

exprimés. Dans les colonies, la moyenne<br />

est de 94 % de Oui. On atteint même<br />

99,99 % en Côte-d'Ivoire. Seule ombre<br />

au tableau : la Guinée [de Sékou Touré<br />

qui le défiait]. De Gaulle a décidé de lui<br />

donner sa liberté et de lui faire payer<br />

cher l'affront qu'elle lui a fait [en exigeant<br />

l’indépendance lors de sa tournée<br />

des colonies]. Ce sera aussi un moyen de<br />

dissuader les autres prétendants à l'indépendance<br />

[Voir « Foccart t’a joué »,<br />

p. 129]. Les élections n'y étant pas<br />

contrôlées par l'armée et aucune fraude<br />

importante n'ayant été relevée, le Oui<br />

n'y remporte que... 4,6 %. » [12]<br />

« Pour punir la Guinée, le général-président<br />

lui fait couper les vivres dès le jour<br />

de son indépendance. En se retirant, les<br />

fonctionnaires français [... détruisent]<br />

toutes les archives [...]. Lorsque la<br />

Guinée [...] crée sa propre monnaie, [de]<br />

Gaulle tente de la ruiner. [... On] imprime<br />

de la fausse monnaie guinéenne à<br />

Paris [... dont on] inonde la Guinée. [...]<br />

Jacques Foccart tente plusieurs fois de [...]<br />

faire éliminer [Sékou Touré]. [23] » [20] Ce<br />

dernier « en était devenu paranoïaque,<br />

instaurant un régime policier épouvantable,<br />

ce qui lui ouvrit la porte d'une<br />

réconciliation avec Foccart. » [24]<br />

« Le 21 décembre, de Gaulle devint le<br />

premier président de la V e République –<br />

un président à l’américaine avec de<br />

larges pouvoirs exécutifs, mais sans un<br />

congrès à l’américaine, pour les restreindre.<br />

» [25]<br />

« Pour les législatives, le gouvernement<br />

décrète le scrutin majoritaire à deux<br />

tours et découpe à son avantage les circonscriptions<br />

de sorte qu'un candidat<br />

gaulliste a besoin de dix-neuf mille voix<br />

pour être élu quand il en faut trois cent<br />

quatre-vingt mille à un candidat communiste.<br />

Les gaullistes, qui ne<br />

recueillaient que 4,42 % des voix lors de<br />

la consultation précédente, obtiennent<br />

[la majorité avec] 198 députés. La plupart<br />

de ceux qui s'étaient opposés à la<br />

Constitution [dont Mendès-France] sont<br />

balayés [...]. Les institutions ayant été<br />

verrouillées, les pleins pouvoirs peuvent<br />

prendre fin. [...] Michel Debré est<br />

nommé Premier ministre ; [...] Georges<br />

Pompidou passe au Conseil constitutionnel.<br />

Geoffroy Chodron de Courcel est<br />

nommé secrétaire général de l'Élysée<br />

[... La] IV e République n'a pas su appliquer<br />

les principes universalistes dont elle<br />

se réclamait. Elle a refusé avec obstination<br />

l'égalité en droits des "peuples associés"<br />

[...] [26]. Au contraire, [... de]<br />

Gaulle incarne une cohérence : la domination<br />

par la force. Pour maintenir encore<br />

le joug français sur les colonisés, [...] il<br />

117 Franc du Collier


accorde une complète autonomie à<br />

chaque colonie, de sorte que le principe<br />

égalitaire en vigueur en métropole puisse<br />

cohabiter avec des systèmes discriminatoires<br />

variés hors métropole, et que<br />

leur exploitation économique puisse perdurer.<br />

En outre, il entend liquider la<br />

démocratie représentative, le "régime<br />

d'Assemblée", qu'il exècre et instaurer<br />

un pouvoir personnel. Dans la tradition<br />

bonapartiste, il prétend, par sa personne,<br />

réconcilier l'inconciliable : le contrat<br />

social de la République et la France éternelle<br />

de l'Ancien régime. » [12]<br />

[1] : (Christophe Nick, « Résurrection. Naissance de la V e<br />

République, un coup d’Etat démocratique », Fayard,<br />

1998, IV de couv.)<br />

[2] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 223)<br />

[3] : (Voir : http://www.whitehouse.gov/nsc/history.html)<br />

[4] : (Document 5721/1 du NSC, émis en 1957)<br />

[5] : (Merry et Serge Bromberger, « Les 13 complots du 13<br />

Mai », Fayard, 1959 ; J-R. Tournoux, « Secrets d'État »,<br />

Plon, 1960 ; Pierre Péan, « Le Mystérieux docteur Martin,<br />

1895-1969 », Fayard, 1993 ; Christophe Nick, op. cit.)<br />

[6] : (Raphaëlle de Neuville, « Jean Ousset et la Cité catholique<br />

», Dominique Martin Morin éd., 1998)<br />

[7] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 61-79, 406-408)<br />

[8] : (Yvon Le Vaillant, « Sainte Maffia », Mercure de<br />

France, 1971)<br />

[9] : (L'Humanité, 13/8/1958).<br />

[10] : (The Daily Express, 17/5/1958)<br />

[11] : (The Times, 29/5/1958)<br />

[12] : (Thierry Meyssan, « Le coup d’État du 13 mai 1958.<br />

Quand le stay-behind portait [de] Gaulle au pouvoir »,<br />

Note d'information du Réseau Voltaire n° 231-232,<br />

27/08/2001, pp. 6-20, http://www.voltairenet.org/article<br />

8694.html)<br />

[13] : (Charles de Gaulle, 13/3/1948, in Claude Guy, « En<br />

écoutant de Gaulle. Journal, 1946-1949 », Grasset, 1996,<br />

p. 409)<br />

[14] : (Christophe Nick, op. cit., p. 745)<br />

[15] : (Philippe Bernert, « Roger Wybot et la bataille pour<br />

la DST », Laffont - Presse de la Cité, 1975, réed. 1983,<br />

p. 460)<br />

[16] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 83)<br />

[17] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit., pp. 223-224)<br />

[18] : (Malaparte)<br />

[19] : (Christophe Nick, op. cit., pp. 746-747)<br />

[20] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer [de]<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[21] : (Christophe Nick, op. cit., p. 746)<br />

[22] : (Publié par le fâcheux M e Jacques Isorni dans<br />

Franc du Collier 118<br />

« Quatre Années au pouvoir », La Couronne littéraire éd.,<br />

1949)<br />

[23] : (Cf. Roger Faligot et Pascal Krop, « La Piscine, les services<br />

secrets français, 1944-1984 », Seuil, 1985)<br />

[24] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 238)<br />

[25] : (Edward Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique<br />

», Robert Laffont, 2/1969, p. 41)<br />

[26] : (Cf. Pierre d'Outrescaut, « La nationalité française -<br />

Textes et documents », Ministère de la Justice - La<br />

Documentation Française, 10/1997,<br />

http://piedsnoirs.org/histoire/dossiers/outrescaut/natalg.htm)<br />

Serait-ce comme au siècle de<br />

Périclès… ? « Le propre de la démocratie<br />

est de s’incarner dans un<br />

homme. » disait Louis Napoléon<br />

Bonaparte (Napoléon III, surnommé<br />

"Badinguet") à la veille de son coup<br />

d’Etat. Il fut « élevé sur le pavois par une<br />

soldatesque ivre qu’il a acheté avec de<br />

l’eau-de-vie et du saucisson, et à laquelle<br />

il doit constamment jeter davantage de<br />

saucisson. » [1] Et, reconnu lui aussi<br />

comme incarnation de la Démocratie,<br />

[de] Gaulle fut plébiscité, comme l’avait<br />

été Badinguet : « La France a répondu à<br />

l’appel loyal que je lui avais fait. Elle a<br />

compris que je n’étais sorti de la légalité<br />

que pour entrer dans le droit. » [2] L’un<br />

comme l’autre avaient pour tailleurs des<br />

juristes constitutionnalistes qui ont mit le<br />

paquet. Louis Napoléon Bonaparte le<br />

disait : « Une constitution doit être [...]<br />

comme un vêtement qui, pour être bien<br />

fait, ne doit aller qu’à un seul homme. »<br />

« Charles de Gaulle s'est emparé du pouvoir,<br />

en mai 1958, en s'appuyant sur<br />

une conjonction d'intérêts : les impérialistes<br />

français qui comptaient sur lui pour<br />

maintenir l'Algérie française, et les impérialistes<br />

américains qui voulaient éviter à


tout prix l'influence soviétique sur une<br />

Algérie indépendante.<br />

Pour remplir ces objectifs - qu'il n'a pas<br />

tenus -, il a d'abord "rétabli l'autorité de<br />

l'État", c'est-à-dire substitué un pouvoir<br />

personnel au régime républicain. Puis, il<br />

a fait usage de la force en métropole et<br />

surtout dans l'ex-Empire [Voir « Foccart<br />

t'a joué », p. 129]. À tout moment, il a su<br />

tirer le meilleur profit de son inféodation<br />

aux services américains, les servant en<br />

prétendant les combattre, faisant de la<br />

France "le plus fidèle et le plus turbulent<br />

allié des États-Unis". Il a exigé des<br />

Français qu'ils acceptent des restrictions<br />

des libertés démocratiques pour disposer<br />

d'un État fort capable de garantir l'indépendance<br />

nationale et le rayonnement<br />

du pays à l'extérieur. Mais peut-on<br />

être indépendant sans être libre ? » [3]<br />

Un « énarque constipé [... qui, par<br />

ailleurs,] plaide pour un retour à la situation<br />

de 1945, quand les Français travaillaient<br />

entre "48 et 52 heures pour<br />

reconstruire ce pays" [4] » [5] nous rapporte<br />

que le « général [de] Gaulle [...]<br />

déclarait : "Raymond Aron me traitait de<br />

Badinguet. Il a contribué à répandre aux<br />

Etats-Unis l'idée que je n'étais qu'un<br />

général de pronunciamiento de type latino-américain."<br />

» [6]. Mais si Aron, qui<br />

était appointé par la CIA [voir « Preuves à<br />

l’appui », p. 576], a confondu de Gaulle<br />

sur sa similitude avec Badinguet, est-ce<br />

seulement dû à l’influence de la CIA, qui<br />

avait lâché de Gaulle après 1958, ou n’y<br />

a-t-il pas aussi une réelle similitude ?<br />

Bien plus radicaux qu’Aron, de nombreux<br />

écrits luttèrent contre le système<br />

"gaullliste". De même, sous Napoléon III,<br />

divers écrivains participèrent à la lutte<br />

contre l’oppression à coup de pamphlets.<br />

L’un d’entre eux fut « Maurice<br />

Joly, dont le Dialogue aux enfers entre<br />

Machiavel et Montesquieu [7] fut utilisé<br />

par » [8] des membres de l’Okhrana, la<br />

police du tsar Nicolas II. Ils s'en inspirèrent<br />

pour écrire le « plus célèbre faux du<br />

vingtième siècle, les Protocoles des<br />

Sages de Sion », « l’un des livres les plus<br />

vendus et traduits au monde après la<br />

Bible » [9], « censé démontrer l’existence<br />

d’un complot juif mondial pour prendre<br />

le pouvoir. » [8] et qui notamment, servit<br />

beaucoup aux nazis.<br />

S’étonnera-t-on alors que, similairement,<br />

de nombreuses autres justes critiques<br />

faites ensuite contre l’oppression - et<br />

notamment la (néo)gaulliste - soient, à<br />

leur tour, savamment recyclées, récupérées,<br />

pour servir à faire perdurer et progresser<br />

cette oppression [Voir « GRECE,<br />

la patte », p. 214] ?<br />

[1] : (Karl Marx, « Le Dix-Huit Brumaire de Louis<br />

Bonaparte », VII, 1852, trad. revue par Gérard Cornillet,<br />

réed. Messidor – Ed. Sociales, 8/1984, p. 188)<br />

[2] : (Louis Napoléon Bonaparte, apprenant le résultat du<br />

119 Franc du Collier


plébiscite des 21 et 22 décembre 1851)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer [de]<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.reseauvoltaire.net/article8701.html)<br />

[4] : (Nicolas Baverez, in Ripostes, France 5, 21/9/2003)<br />

[5] : (« Conséquence de l’effet de serre. Purée Froide se<br />

réchauffe », PLPL n° 17, 12/2003, http://www.hommemoderne.org/plpl/n17/p8.html)<br />

[6] : (Nicolas Baverez, « Le grand fossé. Aron et [de]<br />

Gaulle », 31/5/2000, http://www.parutions.com/index.p<br />

hp?pid=1&rid=4&srid=7&ida=1598, d’après Alain<br />

Peyrefitte)<br />

[7] : (Maurice Joly, « Dialogue aux enfers entre Machiavel<br />

et Montesquieu », 1865, réed. Allia, 4/1987)<br />

[8] : (Henri Rollin, « L’Apocalypse de notre Temps. Les dessous<br />

de la propagande allemande d’après des documents<br />

inédits », Allia, 1991, (présentation de l’éditeur), p. II de<br />

couv.)<br />

[9] : (Henri Rollin, op. cit., « Avant-propos de l’éditeur », p. VII)<br />

« L'opinion publique attend d'abord<br />

de de Gaulle qu'il rétablisse la paix en<br />

Algérie [..., dont il s'est engagé] à<br />

maintenir [le] statut de département<br />

français. [... Mais malgré] leur ampleur,<br />

les opérations militaires sont vouées à<br />

l'échec [... Les] appelés du contingent et<br />

leurs familles ne veulent pas se battre<br />

pour l'Algérie française. En privé, le<br />

général-président [...] déclare : "[...] Si<br />

nous faisions l'intégration, si tous les<br />

Arabes et les Berbères d'Algérie étaient<br />

considérés comme Français, comment<br />

les empêcherait-on de venir s'installer en<br />

métropole alors que le niveau de vie y<br />

est tellement plus élevé ? Mon village ne<br />

s'appellerait plus Colombey-les-Deux-<br />

Églises, mais Colombey-les-Deux-<br />

Mosquées !" [1]. En public, il s'exprime<br />

[...] plus sobrement. [...]<br />

En janvier [1960], la presse allemande<br />

[2] rapporte un entretien avec [...]<br />

Massu [... qui] déplore le virage politique<br />

du gouvernement et affirme que l'armée<br />

Franc du Collier 120<br />

poursuivra son action. Bien que Massu<br />

ait immédiatement démenti [..., de]<br />

Gaulle lui ordonne de venir s'expliquer à<br />

Paris. À Alger, les ultras, civils et militaires,<br />

qui croient - à tort - pouvoir compter<br />

sur le soutien de Massu, descendent<br />

dans la rue, le 24 janvier 1960. C'est la<br />

"journée des barricades". L'ordre de l'insurrection<br />

est donné par le colonel Jean<br />

Gardes du 5 e Bureau militaire. Les émeutiers<br />

sont conduits par le député Pierre<br />

Lagaillarde et M e Jean-Baptiste Biaggi, le<br />

cafetier Joseph Ortiz et le syndicaliste étudiant<br />

Jean-Jacques Susini. » [3]<br />

Les « barricades, qui ne sont apparemment<br />

qu’un élément mécanique du soulèvement,<br />

ont en réalité une signification,<br />

surtout comme stimulant moral » [4].<br />

« Le 26 [janvier 1960], au petit matin, on<br />

compte déjà vingt-cinq morts. Des officiers<br />

rebelles diffusent un communiqué<br />

sur Radio-Alger : "[... Il faut] ressusciter<br />

l'esprit du 13 mai [...]. Notre armée est à<br />

la pointe du combat pour l'Occident.<br />

[...]". Pour rétablir l'ordre, le général<br />

Maurice Challe, commandant en chef<br />

des forces armées en Algérie, déclare<br />

l'état de siège, mais il interdit d'ouvrir le<br />

feu sur les insurgés.<br />

À Paris, quatre-vingts mandats d'arrêt<br />

sont lancés contre les instigateurs de l'insurrection.<br />

Le député Jean-Marie Le Pen<br />

[Voir « Fais de Le Pen ! », p. 318], qui a<br />

appelé à étendre les barricades à Paris,<br />

[... est placé] en garde à vue. Le 29 au<br />

soir, le général-président [... dit] à la télévision<br />

[... :] "[... Quand] nous aurons mis<br />

un terme aux combats, quand, ensuite,<br />

après une période prolongée d'apaisement,<br />

les populations auront pu prendre<br />

conscience de l'enjeu et, d'autre part,<br />

accomplir, grâce à nous, les progrès<br />

nécessaires [...], alors ce seront les<br />

Algériens qui diront ce qu'ils veulent être<br />

[...]. Français d'Algérie, comment pou-


vez-vous écouter les menteurs et les<br />

conspirateurs qui vous disent qu'en<br />

accordant le libre choix aux Algériens, la<br />

France et [de] Gaulle veulent vous abandonner,<br />

se retirer de l'Algérie et vous<br />

livrer à la rébellion ? [...] Je dis à tous nos<br />

soldats : votre mission ne comporte ni<br />

équivoque, ni interprétation. Vous avez<br />

à liquider la force rebelle qui veut chasser<br />

la France de l'Algérie [...]. En vertu du<br />

mandat que le peuple m'a donné et de la<br />

légitimité nationale que j'incarne depuis<br />

vingt ans (sic), je demande à tous et à<br />

toutes de me soutenir quoi qu'il arrive".<br />

Cette intervention suffit à ramener le<br />

calme après cinq jours d'émeutes. "Le"<br />

général, [cependant,] qui s'est emparé<br />

du pouvoir au nom de l'Algérie française,<br />

n'a pas les moyens de tenir ses promesses.<br />

En mobilisant cinq cent mille<br />

hommes - c'est-à-dire deux soldats pour<br />

un colon -, [...] il ne parvient pas à écraser<br />

le FLN, [... et] ne pourra pas éternellement<br />

poursuivre un tel effort militaire.<br />

[... Il devra] se résigner à l'indépendance.<br />

Il ne peut donc pas s'étonner de voir<br />

son autorité contestée par "ceux qui<br />

l'ont fait roi". Il n'est pas en mesure de<br />

sanctionner les officiers qui ont soutenu<br />

l'insurrection [...]. Pour maintenir la pression,<br />

il requiert et obtient de l'Assemblée,<br />

les pleins pouvoirs pour un an.<br />

Le légionnaire Pierre Messmer est<br />

nommé ministre de la Défense. Il dissout<br />

les 5 e Bureaux [... présents] dans chaque<br />

armée, [qui avaient] théorisé les principes<br />

de la "guerre révolutionnaire"<br />

incluant la justification de la torture. En<br />

effet, au cours de la guerre d'Indochine,<br />

des officiers, comme [...] Lionel-Max<br />

Chassin [Voir « De Gaulle, le général-président-putschiste<br />

», p. 109], se sont<br />

imprégnés de la doctrine militaire de<br />

Mao et en ont extrait des principes pour<br />

conduire des guerres coloniales. Leur<br />

idée de base [... était] que l'on<br />

contraigne les corps avant de modeler<br />

les esprits. Sous l'autorité de Geoffroy<br />

Chodron de Courcel, [... oncle de<br />

Bernadette Chirac,] les 5 e Bureaux furent<br />

coordonnés par Jean Ousset [... qui, à<br />

Vichy, avait partagé son bureau avec<br />

François Mitterrand [5]]. Les officiers<br />

étaient initialement formés au Centre<br />

d'instruction et de préparation à la<br />

contre-guérilla (Arzew). Jacques<br />

Chaban-Delmas ajouta à ce dispositif le<br />

Centre d'entraînement à la guerre subversive<br />

Jeanne-d'Arc (Philippeville,<br />

Algérie), dont il confia le commandement<br />

au colonel Marcel Bigeard. Dans la<br />

grande salle, on pouvait lire [...] aux<br />

murs : "Cette Armée doit être fanatique,<br />

méprisant le luxe, animée de l'esprit des<br />

croisés". [...] Bref, Messmer dissout des<br />

structures qui ont joué un rôle essentiel<br />

dans la prise de pouvoir par [de] Gaulle,<br />

mais dont certaines unités se sont retournées<br />

contre lui. [...]<br />

En mai 1960, l'opposition de la MNEF à<br />

l'envoi du contingent provoque une scission<br />

du syndicat et la création de la<br />

Fédération des étudiants nationalistes<br />

(FEN) autour [notamment] de [...] Alain de<br />

Benoist [Voir « GRECE : la patte », p. 222].<br />

[... Le] général Raoul Salan [... et d’autres<br />

se] rejoignent [dans l’Espagne de Franco].<br />

Ensemble, ils constitueront l'Organisation<br />

de l'armée secrète (OAS). Le général-président<br />

[...] convoque un référendum pour<br />

approuver son virage politique. Le 8 janvier<br />

1961, il obtient 75 % de Oui en<br />

métropole, mais seulement 40 % en<br />

Algérie. [... Les] ultras ont l'opinion<br />

publique métropolitaine contre eux. [...]<br />

La CIA considère que le choix de [de]<br />

Gaulle lors du coup du 13 mai 58 était<br />

erroné [... et qu’il faut] le remplacer par<br />

un autre officier, plus docile et [...] efficace.<br />

Mais [...] le général Dwight D.<br />

121 Franc du Collier


Eisenhower refuse les scénarios d'ingérence<br />

qui lui sont présentés.<br />

La CIA, qui a acquis une autonomie de<br />

décision, sous-traite alors les contacts<br />

préparatoires à un nouveau coup<br />

[d’Etat] à l'Opus Dei [6]. L'Œuvre entre<br />

en contact avec le général à la retraite<br />

Edmond Jouhaud, ancien chef d'étatmajor<br />

de l'Armée de l'air. Puis, le directeur<br />

des opérations spéciales de l'agence,<br />

Richard M. Bissell J r, chef suprême du<br />

stay-behind, rencontre Jacques Soustelle<br />

à Washington [7]. [... À l’insu du nouveau<br />

Président Kennedy], l'agence lance<br />

une nouvelle opération. » [3]<br />

Le « stay-behind avait [donc] organisé<br />

une tentative de coup d'État, en 1962,<br />

[qui sera suivie] d'une trentaine de tentatives<br />

d'assassinat du président Charles<br />

de Gaulle jusqu'à la rupture avec l'étatmajor<br />

de l'OTAN, en 1966 ». [8] « Le<br />

général Maurice Challe, qui venait d'être<br />

promu chef d'état-major des forces de<br />

l'OTAN pour la zone Centre-Europe,<br />

obtient une retraite anticipée et rejoint<br />

Alger. Des réunions du stay-behind se<br />

tiennent à Paris, [...] à l'École militaire,<br />

tandis que le colonel Godard mobilise<br />

des hommes du 11 e Choc » [3] [Voir<br />

« Aussaresses aux arrêts ? », p. 138].<br />

« Les forces engagées en Algérie par la<br />

France étaient beaucoup plus puissantes<br />

que celles basées en métropole et en<br />

Allemagne : aussi les conjurés espéraient-ils<br />

que, après avoir acquis la participation<br />

des meilleures troupes, ils parviendraient<br />

sans peine à exercer un<br />

contrôle effectif du gouvernement.<br />

Après tout, de Gaulle n’avait-il pas accédé<br />

au pouvoir, trois ans plus tôt, à la<br />

faveur d’un épisode semblable ? » [9]<br />

[Voir « De Gaulle, le général-présidentputschiste<br />

», p. 109]<br />

« Le 21 avril 1961, les généraux Maurice<br />

Challe, André Zeller et Edmond Jouhaud<br />

Franc du Collier 122<br />

tentent un putsch, [... bientôt] rejoints<br />

par [...] Salan, directement acheminé<br />

d'Espagne par le beau-frère du caudillo.<br />

Ils promulguent un ordre de commandement<br />

militaire instaurant l'état de<br />

siège et stipulant : "Les individus ayant<br />

participé directement à l'entreprise<br />

d'abandon de l'Algérie [...] seront [...]<br />

déférés devant un tribunal militaire<br />

[...]". » [3] « Quand les quatre généraux<br />

firent leur déclaration à la radio<br />

d’Alger, les 1 er , 14 e et 18 e régiments<br />

coloniaux de parachutistes se rallièrent à<br />

eux. [...] Mais la plupart des forces<br />

armées françaises d’Algérie furent attentistes.<br />

Or, l’attitude qui consiste à<br />

attendre et voir venir les événements est<br />

en général de nature à favoriser le coup<br />

d’Etat. » [9]<br />

« Radio-Alger devient Radio-France. Elle<br />

prend comme indicatif le chant SS Wir<br />

Marchieren gegen England. Au micro, le<br />

général Challe déclare : "[... Je] suis à


Alger avec les généraux Zeller et<br />

Jouhaud et en liaison avec le général<br />

Salan pour tenir notre serment : garder<br />

l'Algérie. Un gouvernement d'abandon<br />

s'apprête à livrer le département<br />

d'Algérie à la rébellion [..., avec] demain<br />

des bases soviétiques [...]. L'armée ne<br />

faillira pas à sa mission et les ordres que<br />

je vous donnerai n'auront pas d'autre<br />

but". » [3]<br />

« Pendant que [les auteurs du coup<br />

d’Etat] commençaient à rechercher des<br />

concours, le ministre de la Défense<br />

nationale était en visite au Maroc ; le<br />

préfet de Police de Paris, Maurice Papon,<br />

se trouvait en vacances ; le premier<br />

ministre et "premier pompier du régime",<br />

Michel Debré, devait garder la<br />

chambre ; enfin, de Gaulle recevait officiellement<br />

le président du Sénégal,<br />

Léopold Senghor. D’autres ministres,<br />

présents à Alger, le 23 avril, furent arrêtés<br />

et incarcérés tout de suite, ainsi que<br />

certaines personnalités connues pour<br />

leur attachement au général de Gaulle.<br />

Tout portait à croire que le coup d’Etat<br />

allait réussir très vite. » [11]<br />

« À Paris, le gouvernement se [... voyant]<br />

lâché par les Américains [...] décrète<br />

l'état d'urgence. Le Premier ministre,<br />

Michel Debré exhorte la population à la<br />

RTF : "[... A] très brève échéance une<br />

action de surprise serait tentée sur la<br />

métropole, en particulier la région parisienne.<br />

Des avions sont prêts à lancer ou<br />

à déposer des parachutistes sur divers<br />

aérodromes afin de préparer une prise<br />

du pouvoir [...]. Les vols et les atterrissages<br />

sont interdits sur tous les aérodromes<br />

de la région parisienne à partir<br />

de minuit. Dès que les sirènes retentiront,<br />

allez-y, à pied ou en voiture,<br />

convaincre les soldats trompés de leur<br />

lourde erreur. [...]". Face au péril, le<br />

Parti communiste apporte son soutien<br />

[...] pour lutter contre les fascistes. Il<br />

appelle à la grève générale. Douze millions<br />

de Français quittent leur travail,<br />

tandis que s'organisent des groupes de<br />

volontaires. » [3]<br />

La « tentative de coup d’Etat a été<br />

menée "à la sud-américaine", sans<br />

consensus populaire et sans participation<br />

des activistes civils » [12]. A l’opposé,<br />

le « 13 mai 1958, l’action [...] avait<br />

réussi grâce à deux facteurs essentiels :<br />

les fonctionnaires de l’administration<br />

française en Algérie étaient noyautés par<br />

les gaullistes, et d’autre part les groupes<br />

politiques divers n’avaient pas la ferme<br />

volonté de s’opposer à la dissolution de<br />

la IV e République. Les auteurs du coup<br />

d’Etat d’avril 1961, par contre, ignorèrent<br />

purement et simplement les civils, et<br />

ce fut leur perte. » [9]<br />

« Le général-président évalue rapidement<br />

[...] le dispositif mis en place contre<br />

lui [qui] est précisément celui dont il a<br />

disposé à son avantage deux ans plus<br />

tôt. [... En] Algérie, les généraux commandants<br />

d'Oran et de Constantine lui<br />

restent fidèles, et [...,] en métropole, l'armée<br />

ne bouge pas. Il envoie [...] négocier<br />

avec la junte. Il protège les bâtiments<br />

officiels avec les blindés de la gendarmerie,<br />

mais cantonne prudemment<br />

ceux de l'Armée de terre dans les<br />

casernes. Puis il apparaît en uniforme à<br />

la télévision : "J'ordonne que tous les<br />

moyens [...] soient mis en œuvre partout<br />

pour barrer la route à ces hommes-là<br />

[...]. Devant le malheur qui plane sur la<br />

Patrie et la menace qui pèse sur la<br />

République [...,] j'ai décidé [... d'utiliser]<br />

l'article 16 de notre constitution [L'article<br />

16 de la Constitution de 1958 lui permet<br />

de "prendre les mesures exigées par les<br />

circonstances" lorsque "les institutions de<br />

la République, l'indépendance de la<br />

nation, l'intégrité de son territoire ou<br />

123 Franc du Collier


l'exécution de ses engagements internationaux<br />

sont menacés d'une manière<br />

grave et immédiate et que le fonctionnement<br />

régulier des pouvoirs publics<br />

constitutionnels est interrompu". Il peut<br />

donc s'arroger les pouvoirs d'un dictateur<br />

s'il le juge nécessaire]. À partir d'aujourd'hui,<br />

je prendrai, au besoin directement,<br />

les mesures qui me paraîtront exigées<br />

par les circonstances". Enfin, il<br />

signe une instruction aux armées : "[...]<br />

Chaque fois que se présente l'occasion<br />

de contraindre à la soumission un élément<br />

insurgé, il est nécessaire de le faire,<br />

[...] au besoin [par] les armes. Si ces dispositions<br />

ne suffisent pas à provoquer<br />

l'effondrement de l'insurrection, des instructions<br />

ultérieures [... viendront]".<br />

[... Les] appelés du contingent et<br />

quelques officiers loyalistes retournent<br />

leurs armes contre les putschistes. Le<br />

coup a échoué. Ses chefs rejoignent<br />

l'Organisation de l'armée secrète (OAS)<br />

dans la clandestinité. Les principales unités<br />

impliquées dans le putsch sont dissoutes.<br />

[...] Le Front national des combattants<br />

de Jean-Marie Le Pen [...] également<br />

[...]. Les six principaux généraux et<br />

les quatre principaux colonels impliqués<br />

sont destitués. De Gaulle, quant à lui,<br />

doit se désengager militairement<br />

[d’Algérie] au plus tôt et hâter l'indépendance<br />

que son accession au pouvoir<br />

était censée prévenir. [...]<br />

L'ambassade des États-Unis dément<br />

toute implication de la CIA dans le<br />

putsch avorté, mais le Quai d'Orsay [...]<br />

alimente la presse en révélations sur le<br />

soutien de l'agence aux putschistes. Une<br />

fois la tempête apaisée, [... pour de<br />

Gaulle, le] meilleur moyen de prévenir<br />

de nouvelles déconvenues [est] de resserrer<br />

les liens [… avec l'Opus Dei,<br />

proche de la CIA].<br />

Le programme de l'OAS stipule : "[...] Il<br />

Franc du Collier 124<br />

n'existe plus désormais que deux solutions<br />

: le nationalisme ou le communisme.<br />

C'est pourquoi les nationalistes français<br />

ont établi ce programme [...]".<br />

Suivent la dissolution des partis politiques,<br />

la suppression des assemblées<br />

parlementaires, l'expulsion des Nord-<br />

Africains immigrés en métropole, la francisation<br />

des médias, etc.<br />

L'emblème de l'OAS est la croix celtique<br />

[...]. Son organigramme est calqué sur<br />

celui du FLN. L'organisation des masses<br />

(OM), c'est-à-dire la mobilisation sous la<br />

contrainte des Pieds-Noirs, est confiée<br />

au colonel Jean Gardes, membre de la<br />

Cité catholique [Voir « De Gaulle, le<br />

général-président-putschiste », p. 109] et<br />

ancien responsable du 5 e Bureau.<br />

L'action politique et la propagande (APP)<br />

échoient à Jean-Jacques Susini. Enfin,<br />

l'organisation-renseignements-opérations<br />

(ORO) est confiée à Jean-Claude<br />

Perez. C'est de cette troisième branche que<br />

dépendent les commandos [...] "Delta", qui<br />

multiplient les attentats. C'est aussi elle qui<br />

finance l'organisation par des hold-up.<br />

L'ensemble est dirigé par [... Salan].<br />

L'OAS s'étend en métropole [OAS Metro]<br />

avec une branche militaire créée par le<br />

capitaine Pierre Sergent, et une branche<br />

propagande autour des éditions de La<br />

Table ronde [...]. Autour d'eux gravitent<br />

l'inévitable docteur Martin, le staybehind<br />

Jean Dides, et [...] les frères<br />

Sidos. » [3] Il « s’agit d’abord de retenir<br />

hors d’Algérie le plus grand nombre possible<br />

de forces de l’ordre, en provoquant<br />

en France un climat d’insécurité généralisée<br />

» [14].<br />

« Enfin, l'OAS reconnaît une direction<br />

extérieure, placée à Madrid sous l'autorité<br />

du colonel Antoine Argoud, de<br />

Charles Lacheroy (ex-5 e Bureau et Cité<br />

catholique), rejoints par les leaders de la<br />

["journée des barricades"], le député


Pierre Lagaillarde (Cité catholique) et<br />

Joseph Ortiz.<br />

Toujours à l'insu du président Kennedy,<br />

des services US apportent leur soutien à<br />

l'OAS [... Mais] l'agence ne prend aucun<br />

risque, puisqu'elle joue sur les trois<br />

tableaux et soutient également des nationalistes<br />

algériens et le gouvernement<br />

français. Elle élève même ce triple jeu au<br />

rang de stratégie afin d'affaiblir tous les<br />

protagonistes et de rester seul maître des<br />

événements. » [3] On fit de même, plus<br />

tard, durant la guerre Iran-Irak.<br />

« D’après les statistiques<br />

officielles du ministère<br />

de l’Intérieur – très<br />

incomplètes – 801<br />

attentats O.A.S., F.L.N.<br />

et anti-O.A.S. ont été<br />

enregistrés entre le 1 er<br />

et le 31 janvier 1962.<br />

Bilan 555 morts et 990<br />

blessés. A noter qu’à<br />

cette époque le F.L.N.<br />

ne faisait presque plus<br />

d’attentats. » [15]<br />

« Rapidement, l'OAS-<br />

Métro change ses<br />

cibles. Elle abandonne<br />

partiellement ses attentats contre le pouvoir<br />

pour s'en prendre aux communistes.<br />

[...] Si l'OAS était une opposition<br />

intérieure combattue par des forces<br />

secrètes, le FLN était un adversaire étranger<br />

impitoyablement réprimé par les<br />

forces officielles. La durée de la garde à<br />

vue est étendue à quinze jours, sans visite<br />

d'avocat ou de médecin. Une décision<br />

qui équivaut à autoriser et à généraliser<br />

la torture dans les commissariats de police.<br />

Le préfet de police de Paris, Maurice<br />

Papon, dirige une ratonnade faisant plusieurs<br />

centaines de morts le 17 octobre<br />

1961. Soumise à la censure quand elle<br />

n'est pas à la botte du pouvoir, la presse<br />

n'en dit mot. » [3] « "Un massacre<br />

d’Algériens à Paris ? Allons, voyons, ça se<br />

saurait !" » [16]<br />

« Le 8 février 1962, des organisations de<br />

gauche appellent à manifester à Paris<br />

contre les terroristes de l'OAS. Des policiers<br />

chargent les manifestants communistes<br />

au métro Charonne.<br />

On compte huit morts. [...] Une foule<br />

immense - cinq cent mille [... à] un million<br />

[... de personnes] - participe aux obsèques<br />

des victimes.<br />

Le 18 mars, la France<br />

signe à Évian un cessezle-feu<br />

avec le FLN. [...]<br />

L'OAS réagit [... mais]<br />

cette ultime insurrection<br />

est balayée par l'armée<br />

loyaliste [...]. Les principaux<br />

dirigeants sont<br />

arrêtés ou en fuite. [...]<br />

Le 8 avril, les Français<br />

approuvent par référendum<br />

les accords d'Évian<br />

à 90 % des suffrages<br />

exprimés.<br />

Le 3 juillet, l'indépendance<br />

de l'Algérie est<br />

proclamée. » [3]<br />

« Le 22 août 1962, au Petit-Clamart, près<br />

de Paris, l’automobile qui emmène le<br />

général de Gaulle vers l’aérodrome de<br />

Villacoublay échappe de justesse aux tirs<br />

croisés d’au moins trois armes automatiques.<br />

[...] Le cerveau de l’attentat, un<br />

ingénieur militaire [...] polytechnicien, le<br />

lieutenant-colonel Bastien-Thiry, est arrêté<br />

au début du mois de septembre. [... Il]<br />

déclare : "Ce complot [...] contient [...]<br />

des représentants de toutes les élites de<br />

la nation. [...] Je ne citerai qu’un nom<br />

[...,] M. Giscard d’Estaing, ministre des<br />

Finances." [17] [...] L’attentat du Petit-<br />

Clamart sonne le glas de l’O.A.S. » [18]<br />

Le « mont Faron [fut le] lieu du dernier<br />

125 Franc du Collier


attentat manqué contre le général de<br />

Gaulle, en 1964 [...].<br />

Selon les anciens de l’OAS, c’était un<br />

faux attentat monté par les Services pour<br />

marquer l’opinion et justifier le maintien<br />

des lois d’exception. » [19] « Les ultimes<br />

attentats contre le général-président<br />

échouent [donc]. Les derniers activistes<br />

encore en liberté se cachent un peu partout<br />

en Europe. La France demande officiellement<br />

leur extradition. Mais, en<br />

secret, [...] de Gaulle envoie un [... émissaire]<br />

leur proposer individuellement de<br />

rejoindre l'armée ou les services français<br />

[... pour] la préservation de ce qui reste<br />

de l'Empire et la lutte contre le communisme.<br />

Ils seront au moins deux cent cinquante<br />

à bénéficier de "l'Opération<br />

Réconciliation".<br />

La "fin du régime des partis" et le "rétablissement<br />

de l'autorité de l'État" sont<br />

des slogans [... qui] permettent de faire<br />

admettre la fin du régime républicain<br />

tout en prétendant le garantir. En acceptant<br />

de prendre la présidence du Conseil<br />

(1er juin 1958), Charles de Gaulle avait<br />

exigé qu'on lui remette les pleins pouvoirs<br />

jusqu'à promulgation d'une nouvelle<br />

Constitution. Ceci fait (4 octobre<br />

1958), les pleins pouvoirs furent automatiquement<br />

prorogés pour quatre<br />

mois afin d'assurer la continuité de l'État.<br />

Pour faire face au putsch des généraux<br />

(21 avril 1961), le général-président s'arroge<br />

[de nouveau] les pleins pouvoirs,<br />

en vertu de "l'article 16", pour une période<br />

de six mois (décret du 23 avril 1961),<br />

immédiatement reconduite pour six<br />

mois supplémentaires (décret du 29 septembre<br />

1961). Peu avant la fin de cette<br />

seconde période, il fait approuver sa<br />

nouvelle politique algérienne et fait prolonger<br />

les pleins pouvoirs par référendum<br />

(8 avril 1962).<br />

Une fois reconnue l'indépendance de<br />

Franc du Collier 126<br />

l'Algérie (3 juillet 1962), il met lui-même<br />

fin à sa dictature et rétablit le fonctionnement<br />

normal des institutions comme il<br />

s'y était engagé. Mais c'est pour modifier<br />

immédiatement la Constitution en renforçant<br />

la fonction présidentielle. Par le<br />

référendum du 28 octobre 1962, il [...]<br />

modifie le mode d'élection du président<br />

de la pseudo-République en le présentant<br />

au suffrage universel direct. Dès<br />

lors, le déséquilibre des institutions est<br />

maximal : le président est le chef suprême<br />

de l'exécutif, il dispose de la plus<br />

forte légitimité. Il nomme le gouvernement,<br />

qui confisque le pouvoir législatif<br />

puisqu'il peut initier des lois, imposer<br />

son ordre du jour aux Assemblées, et<br />

empêcher le débat parlementaire<br />

(art. 49-3). En cas de rébellion de<br />

l'Assemblée, le président peut prononcer<br />

sa dissolution. Les députés, qui ne peuvent<br />

plus que marcher au pas, se qualifient<br />

eux-mêmes de "godillots" du régime.<br />

Le président accapare aussi le pouvoir<br />

judiciaire car il préside le Conseil<br />

supérieur de la magistrature.<br />

En quatre ans, Charles de Gaulle a exercé<br />

les pleins pouvoirs pendant vingtdeux<br />

mois. Finalement, il a fait adopter<br />

par une opinion publique anesthésiée<br />

un régime antirépublicain entièrement<br />

organisé autour du pouvoir personnel et<br />

dans lequel tous les contre-pouvoirs ont<br />

été neutralisés. [...] De Gaulle peut donc<br />

intégrer à son cabinet des personnalités<br />

de la Collaboration [...] tardivement ralliées<br />

à la Résistance. [...] Maurice Couve<br />

de Murville, qui fut deux années durant<br />

le principal responsable de la<br />

Collaboration économique de l'État français<br />

avec le Reich nazi, devient ministre<br />

des Affaires étrangères. [... Antoine<br />

Pinay, membre de l'Opus Dei devient<br />

ministre] des Finances. [...] Le banquier<br />

qui assure la [trésorerie de l'Opus Dei]


en France, Edmond Giscard d'Estaing,<br />

étant trop marqué par sa francisque [...,<br />

ne lui succédera pas et cédera cette]<br />

place à son fils Valéry. » [3]<br />

« Les "événements d'Algérie" justifient le<br />

recours à la terreur. Le général-président<br />

[...] abuse des pouvoirs exceptionnels<br />

qui sont les siens et de la complicité<br />

internationale des stay-behind. Il soumet<br />

tous les livres et journaux à la censure.<br />

Transformant la France en un État terroriste,<br />

il fait assassiner les opposants politiques<br />

réfugiés à l'étranger. Les meurtres<br />

sont signés par une organisation fantoche,<br />

La Main rouge [Voir « Coup de<br />

Main rouge », p. 133] [...].<br />

La CIA autorise également certains staybehind<br />

européens à collaborer avec<br />

leurs homologues français. Ainsi, le plus<br />

haut magistrat suisse, le procureur général<br />

de la Confédération René Dubois est<br />

mis à contribution pour transmettre des<br />

notes de la police suisse et des relevés<br />

d'écoutes téléphoniques. Découvert par<br />

un policier suisse, René Dubois se suicide<br />

le 23 mars 1957 plutôt que de livrer<br />

des informations sur le réseau secret de<br />

l'Alliance atlantique. » [3]<br />

Il faut aussi contrer secrètement l’OAS.<br />

« Une centaine de barbouzes sont<br />

employés à plastiquer les cafés et autres<br />

lieux de réunion des activistes algérois,<br />

parmi eux [le] mafieux [...] Dominique<br />

Venturi. Ils se livrent à une atroce guerre<br />

secrète contre les commandos Delta de<br />

[l'OAS,] faite d'enlèvements, de torture,<br />

et de meurtres. » [3]<br />

Pourtant, « Dominique Venturi, malgré<br />

ses liens connus avec la municipalité<br />

socialiste de Marseille [et donc avec le<br />

futur ministre de l’Intérieur Gaston<br />

Deferre], a rendu bien des services au<br />

SAC [... et] été l’un des recruteurs de barbouzes<br />

[...] à la fin de la guerre<br />

d’Algérie. [...] Son frère, Jean Venturi,<br />

[lui,] assure l’acheminement de la<br />

drogue vers le Canada et le rapatriement<br />

des capitaux vers la Suisse [Voir « Pour la<br />

drogue donc contre », p. 144]. Il est au<br />

même moment représentant au Canada<br />

du Pastis Ricard. [... Son supérieur] est<br />

Charles Pasqua. » [20] [Voir « Hisse<br />

Pasqua ! », p. 147]<br />

« Au contraire [de Dominique Venturi et<br />

de ses comparses], d'autres éléments du<br />

SAC tentent d'apaiser le jeu en retournant<br />

des dirigeants de l'OAS. Ainsi, le<br />

patron de bar Joseph Ortiz, exilé en<br />

Espagne, est recruté par le directeur des<br />

exportations des Pastis Ricard, Charles<br />

Pasqua [justement], par ailleurs responsable<br />

national du SAC. » [3]<br />

« "L’OAS a laissé une série d’enseignements<br />

:<br />

1. Avant tout elle a démontré qu’il était<br />

possible [...] de parvenir à une formulation<br />

occidentale de la guerre révolutionnaire<br />

en retournant contre les marxistes<br />

leurs propres instruments de lutte [...].<br />

2. Elle a également démontré – en tout<br />

cas en ce qui concerne la France – qu’il<br />

était possible de mettre fin à la vieille [...]<br />

querelle [...] entre fascisme et antifascisme.<br />

Dans les rangs de l’O.A.S. se sont<br />

retrouvés [...] ainsi unis d’anciens résistants,<br />

d’anciens déportés de Buchenwald<br />

ou de Mauthausen et d’anciens<br />

collaborateurs, des pétainistes, d’anciens<br />

miliciens et d’anciens combattants de la<br />

Waffen-S.S.<br />

[3. ... Elle a enfin] montré comment une<br />

guerre révolutionnaire peut être conduite<br />

avec quelques chances de succès quand<br />

pour la diriger et pour combattre se<br />

retrouvent ensemble des militaires de profession<br />

et des civils hautement spécialisés."<br />

Cette exégèse élogieuse [... de] l’O.A.S.<br />

était faite, en 1965, par un ancien compagnon<br />

de Mussolini au cours d’une<br />

conférence au sommet du fascisme ita-<br />

127 Franc du Collier


lien qui fut à l’origine de la stratégie de<br />

la tension. » [21] [Voir « Parco dei<br />

Principi », p. 52]<br />

[1] : (5/3/1959, rapporté in Alain Peyrefitte, « C'était de<br />

Gaulle », t. 1, Fallois éd., 1994, réed. livre de poche)<br />

[2] : (Süddeutsche Zeitung, 18/1/1958)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer [de]<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[4] : (Lev Davidovitch Bronstein (Trotski), cité par Edward<br />

Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique », Robert<br />

Laffont, 2/1969, p. 151)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « Antisémitisme et anti-maçonnisme.<br />

Histoire secrète de L'Oréal », Voltaire, 3/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12751.html)<br />

[6] : (Cf. Réseau Voltaire, « La croisade de l'Opus Dei. Jean-<br />

Paul II canonise le directeur de conscience des époux<br />

Franco et du général Pinochet », 4/10/2002, reprod. in<br />

http://users.skynet.be/roger.romain/JeanPaul2canonise.htm)<br />

[7] : (The Daily Mail, 2/5/1961)<br />

[8] : (« La France autorise l'action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, 9/3/2004, p. 3, http://www.voltairenet.org/article12786.html)<br />

[9] : (Edward Luttwak, op. cit., pp. 151-152)<br />

[10] : (Edward Luttwak, op. cit., p. 152)<br />

[11] : (Edward Luttwak, op. cit., pp. 152-153)<br />

[12] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock,<br />

4/1978, p. 104)<br />

[13] : (Edward Luttwak, op. cit., p. 153)<br />

Franc du Collier 128<br />

[14] : (Capitaine Curutchet, cité par [12])<br />

[15] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 99 n. 1)<br />

[16] : (Cité par Anne Tristan, « Le silence du fleuve.<br />

Octobre 1961 », Syros, 1991, p. 10)<br />

[17] : (Le Monde, 12/2/1963)<br />

[18] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 108-109, 112)<br />

[19] : (Eric Lemasson, « Marchiani, l’agent politique »,<br />

Seuil, 3/2000, p. 181 n. 3)<br />

[20] : (Alain Jaubert, « Dossier D… comme drogue. Le<br />

Milieu et le Politique… les Gros Bonnets… les Financiers et<br />

les Filières… En France », Alain Moreau, 1973, p. 345)<br />

[21] : (Frédéric Laurent, op. cit., pp. 98-99)<br />

« Il y a beaucoup de bluff dans un certain<br />

anti-américanisme "gaulliste" des<br />

Pasqua et consorts. » [1] De « Gaulle ne<br />

remet [jamais] en cause les accords du<br />

Plan Marshall selon lesquels les<br />

Américains doivent pouvoir accéder<br />

aux matières premières de l'Empire [...<br />

colonial français. Et] c'est avec des<br />

sociétés à capitaux mixtes franco-américains<br />

qu'il exploitera le "domaine<br />

réservé" [...].<br />

De Gaulle [... utilise] des méthodes<br />

expéditives [...] partout dès lors qu'il<br />

s'agit de son "domaine réservé" [2] et<br />

que l'équilibre Est-Ouest en fournit une<br />

justification. » [3]<br />

« Il place le pétrole et l'atome au centre<br />

de sa politique étrangère [..., faisant]<br />

fusionner l'ensemble des sociétés et<br />

agences publiques du secteur pétrolier<br />

[..., aidé d’un] habile technicien de l'économie,<br />

Raymond Barre. [... En] 1962, le<br />

secteur est restructuré autour d'une puissante<br />

société, Elf. Pour la diriger, Pierre<br />

Guillaumat, fondateur historique de la<br />

Direction générale des services spéciaux<br />

[...] abandonne [... le ministère] de la<br />

Défense. Elf devient à la fois la tirelire et<br />

le bras armé du "domaine réservé". Les<br />

gêneurs sont éliminés, comme Enrico


Mattei, le directeur de la société italienne<br />

rivale, Ente Nazionale Idrocarburi (ENI),<br />

victime d'un faux accident d'avion, le 26<br />

octobre 1962. Mais [...] Elf renonce à se<br />

doter de services de recherche et d'autoéquipement<br />

suffisants [... et] s'allie avec<br />

des sociétés de recherche et des équipementiers<br />

américains.<br />

En ce qui concerne l'atome, [de] Gaulle<br />

hérite d'un programme nucléaire très<br />

avancé. Depuis 1954, le gouvernement<br />

américain transfère, secrètement et illégalement,<br />

ses secrets atomiques vers la<br />

France et Israël [4]. Utiliser la bombe atomique<br />

alors que la survie des États-Unis<br />

n'est pas en jeu suppose [...] qu'elle soit<br />

lancée par une puissance périphérique<br />

alliée de Washington, qui s'expose, à la<br />

place des Américains, à la riposte soviétique.<br />

De Gaulle choisit de médiatiser le<br />

programme nucléaire en cours et de le<br />

présenter à l'opinion publique comme<br />

l'acquisition d'une arme suprême qui<br />

ramène la France parmi les grandes puissances<br />

[...]. Il cache le fait que la France<br />

n'est pas maîtresse de sa propre bombe<br />

et que les USA l'utilisent comme agent<br />

provocateur et appât [Voir « Besse de<br />

régime », p. 211]. [...] De manière à ne<br />

pas être obligés de fournir la bombe à<br />

tous les autres membres de l'Alliance,<br />

Washington et Paris mettent en scène le<br />

retrait de la France de l'OTAN, en 1966,<br />

et retardent son retour jusqu'à la signature<br />

des Traités d'interdiction d'expérimentation,<br />

en 1995. » [3]<br />

En fait, les services Etasuniens « en<br />

étaient arrivés à exercer une tutelle<br />

presque complète sur l’exécution du<br />

budget militaire français. » [5] Derrière<br />

l’opposition officielle de la France à<br />

l’OTAN, la vassalité fonctionne à plein.<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 22)<br />

[2] : (Cf. François-Xavier Verschave, « La Françafrique, le<br />

plus long scandale de la République, » Stock, 1998 ;<br />

François-Xavier Verschave, « Noir silence. Qui arrêtera la<br />

Françafrique ? », Les Arènes, 2000 ; François-Xavier<br />

Verschave et Laurent Beccaria, « Noir procès. Offense à<br />

chefs d’Etats », Les Arènes, 2001)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer [de]<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[4] : (David Bruce, in Foreign Policy, 5/1989 ; Valéry<br />

Giscard d'Estaing, « Le Pouvoir et la Vie », vol. 2,<br />

Compagnie douze, 1991 ; Dominique Lorentz, « Affaires<br />

atomiques », Les Arènes, 2/2001)<br />

[5] : (Irvin M. Wall, « L’influence américaine sur la politique<br />

française », Balland, 1989, cité par Dominique Lorentz,<br />

op. cit., p. 71, cité par François-Xavier Verschave, op. cit.,<br />

4/2002, p. 23)<br />

Foccart était « homme de l’ombre [1]<br />

pour les menées du capitalisme en<br />

Afrique » [2] ; « éminence grise [...<br />

de] de Gaulle, l'homme des fameux<br />

"réseaux" [...] tint la Françafrique sans<br />

partage jusqu'à la mort de [...]<br />

Pompidou en 1974. » [3]<br />

« Cet ancien résistant est appelé en 1958<br />

au poste de conseiller technique à<br />

Matignon chargé des affaires africaines.<br />

Il est chargé à la fois d'appliquer la politique<br />

africaine du Général de Gaulle, élément<br />

essentiel de sa politique étrangère,<br />

et [... de] contrôler les services spéciaux<br />

et plus spécialement le SDECE.<br />

C'est ainsi que pendant près de 35 ans il<br />

va tisser des réseaux [d'influence] avec<br />

de nombreux chefs [d'État africains],<br />

mêlant affaires, espionnage et politique.<br />

Très proche de [de] Gaulle, il est considéré<br />

par beaucoup de gaullistes comme<br />

la voix du Général. C'est dire l'influence<br />

qu'il a [...exercée]. Membre honoraire<br />

du SAC, il en est même pour beaucoup<br />

(comme Pasqua) le père spirituel, voire<br />

129 Franc du Collier


l'inspirateur. » [4] [Voir « Mis à SAC. Mis<br />

dans le MIL », p. 140]<br />

« De Gaulle [...] renoncera par réalisme<br />

[à] l’"Algérie française" [...]. Mais il a<br />

d’abord, pendant près de deux ans, laissé<br />

les plus durs [des partisans de l'Algérie<br />

française] généraliser les méthodes de la<br />

bataille d’Alger, et il laissera jusqu’au<br />

bout Foccart transposer ces méthodes<br />

aux néocolonies » [5] « indépendantes ».<br />

Le « réseau stay behind très porté sur<br />

l’extrême-droite […, et qui a œuvré au<br />

putsch de de Gaulle,] a mal vécu son<br />

retournement réaliste [...] sur la question<br />

algérienne [Voir « Barricades<br />

Academy », p . 120].<br />

Mais Jacques Foccart, en<br />

liaison avec l’OTAN, n’a eu<br />

de cesse de récupérer pour<br />

ses barbouzeries françaises<br />

et africaines ces hommes de<br />

main prompts à toutes les<br />

besognes - moyennant un<br />

stage auprès des régimes<br />

rhodésien ou sud-africain<br />

d’apartheid, ou dans le<br />

ranch [gabonais de Bob]<br />

Denard » [6], cet « homme de main [qui<br />

fut] impliqué dans une tentative d'élimination<br />

de Pierre Mendès-France » [7].<br />

Il faut suivre certaines règles ; et notamment<br />

utiliser « au maximum la "matrice<br />

ethnique" pour monter [un] coup d’Etat,<br />

mais en [se] gardant bien de l’aligner sur<br />

une fraction ethnique particulière. Sur le<br />

plan tactique, [on s’efforcera], par<br />

exemple, de recruter tel officier par un<br />

homme ayant la même affiliation ethnique<br />

que lui, et au besoin [on présentera<br />

le] coup d’Etat dans cet esprit.<br />

Il [faut] aussi tenir compte d’un [...] phénomène<br />

post-colonial typique. Les<br />

régimes coloniaux ont eu pour habitude<br />

de recruter le personnel de leurs armées<br />

parmi les groupes ethniques minori-<br />

Franc du Collier 130<br />

taires, car ceux-ci avaient la réputation<br />

d’être plus combatifs et, ce qui était plus<br />

important, on pouvait compter qu’ils se<br />

lanceraient avec enthousiasme dans des<br />

opérations ayant pour but d’exercer sur<br />

les groupes majoritaires une action<br />

répressive. Après la proclamation d’indépendance<br />

des ex-colonies, ces minorités<br />

ont naturellement régressé, au point de<br />

vue de leur importance politique et de<br />

leur situation sociale dans le pays, mais<br />

elles ont continué de fournir une grande<br />

partie des effectifs des forces armées.<br />

C’est ainsi qu’on a pu voir ce spectacle<br />

paradoxal : des minorités<br />

agissant en protectrices officielles<br />

du régime qui les<br />

opprimait. [...] Il n’est donc<br />

guère surprenant que des<br />

officiers mécontents, appartenant<br />

à ces [...] groupes ethniques,<br />

aient joué un rôle<br />

prépondérant dans [de nombreux]<br />

coups d’Etat. » [8]<br />

On ne compte plus les victoires<br />

du gaullisme en<br />

Afrique. « Les principaux leaders<br />

de l'UPC [Union populaire du<br />

Cameroun] ont été assassinés et [...]<br />

Jacques Foccart installe un gouvernement<br />

fantoche [..., en 1960, lors de la]<br />

pseudo-indépendance [du Cameroun].<br />

Cent cinquante-six villages bamikélés<br />

sont incendiés et rasés. Des dizaines de<br />

milliers de personnes sont massacrées<br />

[9]. De cette terrible répression, la<br />

presse française, muselée et aveuglée<br />

par la crise algérienne, ne dira mot. [...]<br />

En 1960, [... au] Congo-Kinshasa (Zaïre)<br />

[..., la France] soutient la rébellion de<br />

Moïse Tschombé dans la région minière<br />

du Katanga au grand dam de l'ONU. [...<br />

Le stay behind] Irving Brown [Voir<br />

« Jospin dans la gueule », p. 224] se<br />

déplace au Congo pour coordonner les<br />

opérations franco-américaines. Utilisant


ses réseaux français et belges, la CIA<br />

confie au stay-behind Otto Skorzeny la<br />

planification de l'assassinat du Premier<br />

ministre du gouvernement légal, Patrice<br />

Lumumba, et favorise [... le] colonel<br />

Joseph Mobutu. [...] Jacques Foccart<br />

envoie des mercenaires encadrés par le<br />

Français Bob Denard [...].<br />

Pour gérer le "domaine réservé", le<br />

général-président accorde tous les<br />

moyens nécessaires à Jacques Foccart<br />

[..., qui] dispose d'un bureau jouxtant<br />

celui du président de la pseudo-<br />

République à l'Élysée. [... Pour] le traitement<br />

des dirigeants africains lors de<br />

leurs passages à Paris [...,] est créée [Voir<br />

« Divin Marchiani », p. 152] la "base<br />

Bison", aux Invalides, qui entretient des<br />

liens très étroits avec les stay-behind<br />

américains. » [7]<br />

Le filet est tressé serré et, par exemple,<br />

« le Togo d’Eyadema [...] adhérait au<br />

réseau secret Mosaïque qui reliait des<br />

dictatures africaines pro-occidentales à<br />

l’instar du réseau latino-américain<br />

Condor. » [10] [Voir « On scanda : "Le<br />

fascisme ne passera pas" ? Mais l’opération<br />

Condor passa ! », p. 550]<br />

« Léguée à [...] Chirac, la Françafrique<br />

foccartienne a adoubé un certain<br />

nombre de potentats néocoloniaux, certains<br />

depuis plus de trente ans. Au Togo,<br />

au Cameroun, à Djibouti, au Burkina, en<br />

Guinée, etc. les peuples étouffent sous la<br />

chape de régimes répressifs aux<br />

méthodes policières variées - des plus<br />

brutales aux plus sournoises. » [11] De<br />

Foccart, « Chirac [...] a fait son "Monsieur<br />

Afrique" à partir du milieu des années<br />

soixante-dix, de façon plus centrale en<br />

1986, avec le deuxième passage à<br />

Matignon. C'était indispensable pour<br />

toucher sereinement les dividendes du<br />

continent noir, pétroliers en particulier, -<br />

en contenant les appétits gargan-<br />

tuesques de [...] Pasqua [...]. » [12] Et<br />

Loïk Le Floch Prigent parle ainsi d’Elf ,<br />

qu’il dirigeait : « Il s’agit d’un réseau RPR.<br />

Le personnage central était [...] Foccart.<br />

Ensuite, pour les Africains, il y avait deux<br />

grands frères, [...] Chirac et [...] Pasqua<br />

[..., ce dernier leur paraissant] désigné<br />

par Chirac. » [13]<br />

Digne héritier de de Gaulle, Chirac, « à<br />

l'Elysée, [...] n'a cessé [...] d'armer [les dictatures<br />

africaines] ou de les dédouaner,<br />

de bénir leurs fraudes électorales après y<br />

avoir souvent "coopéré" - au Tchad, au<br />

Gabon, au Cameroun, au Burkina Faso,<br />

au Togo, au Bénin, en Mauritanie, en<br />

Guinée-Conakry, en Guinée équatoriale,<br />

à Djibouti, aux Comores, à Madagascar,<br />

en Algérie, en Tunisie [... Il] a restauré a<br />

un prix effroyable son ami Sassou-<br />

Nguesso, [...] il a impliqué ou laissé interférer<br />

des mercenaires, des commandos,<br />

des instructeurs ou des trafiquants<br />

d'armes français dans les guerres civiles<br />

angolaise [Voir « Fort Angola », p. 645],<br />

soudanaise, libérienne, sierra-leonaise,<br />

bissau-guinéenne, dans la guerre "continentale"<br />

qui met à l'agonie l'ex-Zaïre. [...<br />

Il y eut, au] nom des "intérêts de la<br />

France", des milliers d'assassinats, des<br />

millions de morts, massacrés ou affamés,<br />

un nombre incalculable de tortures et de<br />

viols. [14] » [15]<br />

Bien joué. « On [...] prêche le développement<br />

de l’Afrique, mais on installe un<br />

ordre mercenaire, milicien, dictatorial ou<br />

mafieux [...] dans la majorité des<br />

anciennes colonies. Spécialement en<br />

Afrique centrale pétrolifère. [... Puis] le<br />

pétrole est remplacé par la dette, et cette<br />

double escroquerie [16], dont la fortune<br />

d’un Gaydamak donne une petite idée,<br />

n’a pas servi qu’à financer des coups<br />

d’Etat, des guerres d’agression, des<br />

guerres civiles ou des campagnes électorales<br />

françaises. [... Car] "il y a un tiers<br />

131 Franc du Collier


qu’on se met dans la poche" [17]. Cette<br />

économie parallèle est au cœur de la<br />

Chiraquie. » [18] Avec Foccart, elle a<br />

gagné gros. Spirituel ?<br />

[1] : (Pierre Péan, « L’Homme de l’Ombre », Fayard,<br />

10/1990)<br />

[2] : (Guy Debord, « "Cette mauvaise réputation…" »,<br />

Gallimard, 10/1993, p. 13)<br />

[3] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 119)<br />

[4] : (« Le MIL a plus d’un tour dans son SAC », REFLEXes<br />

n° 49, 5/1996, pp. 3-7, http://www.ecn.org/samizdat/refl<br />

ex/txt/ref_n49_02.html)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 51)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 76-77)<br />

[7] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer De<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[8] : (Edward Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique<br />

», Robert Laffont, 2/1969, pp. 110-111)<br />

[9] : (Cf. Mongo Beti, « Main basse sur le Cameroun »,<br />

Maspero, 1972)<br />

[10] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 239, d’après<br />

Amnesty International, « Togo, Etat de terreur »,<br />

5/5/1999)<br />

[11] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 238)<br />

[12] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 119-120)<br />

[13] : (Loïk Le Floch Prigent, « Affaire Elf, affaire d’Etat »,<br />

Le cherche midi, 2001, cité par François-Xavier Verschave,<br />

op. cit., p. 129)<br />

[14] : (Cf. François-Xavier Verschave, « Noir silence. Qui<br />

arrêtera la Françafrique ? », Les Arènes, 2000)<br />

[15] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 2002, p. 204)<br />

[16] : (Cf. les travaux du CADTM, http://www.cadtm.org)<br />

[17] : (Barril, entretien in Le Parisien, 23/12/2000)<br />

[18] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 2002, p. 163)<br />

« Pendant plus d’une décennie (1982-<br />

1993), le plus proche collaborateur<br />

de Jacques Chirac fut un ancien (?)<br />

haut responsable des services,<br />

nommé par l’atlantiste Alexandre de<br />

Marenches : Michel Roussin. » [1]<br />

Evoquons son parcours : « Diplômé [...]<br />

de l'Ecole de guerre [... il est chargé de<br />

1969 à 1972] des relations avec la presse<br />

à la direction de la gendarmerie et de<br />

Franc du Collier 132<br />

la justice militaire. [... De 1972 à 1976, il<br />

est commandant] militaire de l'Hôtel<br />

Matignon sous Mesmer puis sous Chirac,<br />

assure la liaison avec la "piscine" (surnom<br />

du S.D.E.C.E.). [... Entre 1977 et<br />

1981, il devient] directeur de cabinet<br />

d'Alexandre de Marenches, patron du<br />

S.D.E.C.E. (Service de documentation<br />

extérieure et du contre-espionnage,<br />

aujourd'hui D.G.S.E.). Il se spécialise<br />

dans le "traitement" des Affaires africaines<br />

et la lutte contre le terrorisme. » [2]<br />

Notons « les liens qui existent entre la<br />

direction du RPR et Francesco Pazienza,<br />

par l’intermédiaire de Michel Roussin [...]<br />

Pazienza, agent des services secrets italiens,<br />

[est] considéré comme l’un des<br />

artisans de la manipulation de l’enquête<br />

sur la gare de Bologne ». [3] Or, ce<br />

« Francesco Pazienza, un des dirigeants<br />

du S.I.S.M.I. (services secrets italiens),<br />

bras droit de Liccio Gelli (patron de la<br />

loge P2) et correspondant appointé du<br />

S.D.E.C.E. puis de la D.G.S.E. (services<br />

secrets français), était le contact transalpin<br />

de Michel Roussin. De son côté,<br />

Roussin n'aurait pas été le correspondant<br />

de la P2 quand même ? » [2]<br />

De 1981 à 1983, ce spécialiste de la<br />

« pompe à phynances » est chargé « de<br />

mission à la Compagnie générale des<br />

eaux [future Vivendi]. [... Et de 1983 à<br />

1986, il rejoint] Pandraud comme<br />

conseiller auprès de Jacques Chirac, puis<br />

devient le chef de cabinet du maire de<br />

Paris. [... De 1986 à 1988, il est chef] de<br />

cabinet du même Jacques, alors Premier<br />

ministre. A en charge l'affaire des otages<br />

du Liban. [... De 1989 à 1993, il<br />

reprend] la direction du cabinet de<br />

Jacques Chirac à la mairie de Paris. [...<br />

En 1993, il est élu] député [...] de Paris<br />

[... XVI e et nommé] ministre de la<br />

Coopération. » [2]<br />

« La carrière de Roussin n’est pas dépour-


vue d’une certaine cohérence : en 1993,<br />

l’as du management parallèle, venu des<br />

services secrets, passe de la mairie de<br />

Paris au ministère de la Coopération ;<br />

puis il devient le "Monsieur Afrique" du<br />

patronat (medef) et du groupe monopolistique<br />

Bolloré. Les mêmes connivences,<br />

les mêmes deals, siphonnent l’argent<br />

public français et pillent les ressources<br />

africaines (avec là-bas, toutefois, des<br />

pourcentages dix fois supérieurs à ceux<br />

en vigueur dans l’Hexagone. » [4]<br />

On sent des liens puissants entre Roussin<br />

et l’OTAN. Mais ceux entre Chirac et lui<br />

se sont détendus.<br />

En effet, « Michel Roussin, l’ancien bras<br />

droit et trésorier occulte de Jacques<br />

Chirac, a été meurtri par sa brève incarcération<br />

de décembre 2000, durant<br />

laquelle l’Élysée ne le soutint guère. Il a<br />

enregistré ses "confessions" sur magnétophone<br />

[5], en présence de son ami<br />

Charles Villeneuve, de TF1 et de la GLNF<br />

(Grande Loge Nationale Française). Il<br />

n’entend plus jouer les martyrs…<br />

Autrement dit, si l’une ou l’autre des<br />

nombreuse "affaires" de valises à billets<br />

reviennent à l’actualité judiciaire, Chirac,<br />

immunisé par sa fonction, a intérêt à se<br />

montrer solidaire de Roussin – vulné-<br />

rable, mais chargé de dynamite. » [6]<br />

Bien sûr, « Roussin nie tout en bloc [...].<br />

Pourtant [...] les cassettes Roussin existent.<br />

[...] Roussin s’est [...] rendu à<br />

l’Elysée entre les deux tours de la présidentielle,<br />

le dimanche 28 avril [2002].<br />

[...] A en croire les échos du Château, la<br />

discussion s’est plutôt mal passée. » [7].<br />

Est-ce qu’à l’instar de de Gaulle, Chirac<br />

se serait distancié des réseaux secrets de<br />

l’Otan, les stay behind, qui l’avaient<br />

pourtant hissé vers le pouvoir ?<br />

Les tribulations judiciaires de Roussin ont<br />

continué : « 4 [...] ans de prison avec sursis<br />

et [... une amende] de 80.000<br />

euros » [8]...<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 270-271)<br />

[2] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie Hebdo, 7/4/1993)<br />

[3] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 241)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 168)<br />

[5] : (L’Express, 08/05/2002 ; Hervé Liffran, « Chirac tient<br />

la vedette dans une nouvelle cassette », Le Canard enchaîné,<br />

15/05/2002, p. 3)<br />

[6] : (« En Chiraquie », Billets d’Afrique n° 104, 6/2002,<br />

http://www.survie-france.org/IMG/doc/doc-102.doc)<br />

[7] : (Hervé Liffran, op. cit.)<br />

[8] : : (« Marchés public d'IDF Peines durcies en appel pour<br />

Roussin et Casetta », nouvelobs.com, 27/2/2007, reprod. in<br />

http://www.denistouret.net/constit/Roussin.html)<br />

« La Main Rouge était un escadron de<br />

la mort, créé par les services secrets<br />

français, en 1952, [...] pour éliminer<br />

le terrorisme au Maghreb, qu'il soit<br />

indépendantiste ou colonialiste. [...]<br />

On lui prête plus de trois cents<br />

meurtres. Elle était liée aux services<br />

"stay behind" de l'OTAN. » [1] C’est<br />

avec le terrorisme qu’on combat le<br />

terrorisme.<br />

« Après la "Main Rouge" qui frappait<br />

133 Franc du Collier


avec une précision étonnante, suivant<br />

pas à pas la rébellion [algérienne] dans<br />

ses retranchements les plus secrets, une<br />

organisation plus complète se forma à<br />

Alger même, la CATENA [Comité Anti-<br />

Terroriste Nord-Africain]. Cette société<br />

[...] noyauta tous les secteurs politiques<br />

et économiques européens et devint,<br />

peu à peu une force redoutable [...]<br />

dont le but était le maintien inconditionnel<br />

de l’empire français » [2]<br />

En fait, reprise « à l’occasion de la guerre<br />

d’Algérie, l’appellation "Main rouge"<br />

va servir de terme générique à toute une<br />

série de réseaux terroristes (successivement<br />

appelés C.A.T.E.N.A., Therma,<br />

F.A.N.A., etc.) créés par le S.D.E.C.E.<br />

[Service de Documentation Extérieur et<br />

de Contre-Espionnage, ancêtre de la<br />

D.G.S.E.] pour tenter de démanteler les<br />

réseaux F.L.N. [Front de Libération<br />

Nationale] en métropole et dans plusieurs<br />

pays européens [...]. Il s’agit d’éviter<br />

au gouvernement français d’être<br />

mêlé directement à des affaires trop souvent<br />

criminelles. » [3]<br />

« "La Main Rouge" [...] dissimulait l'action<br />

homicide des services spéciaux français<br />

placés sous la direction de Constantin<br />

Melnik et sous la responsabilité du<br />

Premier ministre de l'époque, Michel<br />

Debré. » [4] « Constantin Melnik, [...] a<br />

été formé aux États-Unis à la Rand<br />

Corporation [Principale fondation du<br />

lobby militaro-industiel américain, la<br />

Rand Corporation est le think-tank de la<br />

Direction de la science et de la technologie<br />

de la CIA]. » [5] [Voir « Légitime<br />

Dépense », p. 652]<br />

« Il était alors vital, pour un gouvernement<br />

français, isolé diplomatiquement<br />

du fait de son aventure coloniale, de ne<br />

pas être désigné comme l'organisateur<br />

d'actions de guerre sur le territoire de<br />

pays amis. Celui qui "inventa" le mythe<br />

Franc du Collier 134<br />

d'une organisation secrète autonome<br />

est [le] général [...] Paul Grossin, [qui]<br />

dirige le [SDECE] depuis 1957. [...] Les<br />

services français bâtissent un organigramme,<br />

créent un état-major fictif et<br />

commencent à fournir à la presse des<br />

déclarations enflammées revendiquant<br />

chacun des attentats. Dans le même<br />

temps, les mêmes services font semblant<br />

de tenter de saisir une Main qu'ils savent<br />

insaisissable puisque c'est la leur ! » [4]<br />

La « "main Rouge" établit [...] des liaisons<br />

avec les services secrets français par l’entremise<br />

d’un agent [du SDECE], le colonel<br />

Marcel Mercier [... Un] coup [...]<br />

spectaculaire fut l’assassinat de l’industriel<br />

français Jacques Lemaigre-Dubreuil<br />

[...] le 11 juin 1955 [...] à Casablanca.<br />

Propriétaire des huiles Lesieur, [il] jouait la<br />

carte du nationalisme marocain en soutenant<br />

[...] le parti de l’Istiqlal par [...] son<br />

journal, Maroc Presse. [...] Avant lui, des<br />

nationalistes marocains avaient été exécutés<br />

: Ahmed Diouri, Omar Slaoui, Tahar<br />

Sebti [... Puis,] le 2 mars 1956, le Maroc<br />

accédait à l’indépendance [officielle].<br />

Avec la guerre d’Algérie, la "Main<br />

Rouge" donnera sa pleine mesure. Ce<br />

furent surtout les trafiquants d’armes,<br />

particulièrement des Allemands » [6],<br />

« comme Otto Schlütter, Georges Geiser,<br />

Marcel Léopold ou Georg Puchert » [7],<br />

« qui allaient devenir ses victimes […,<br />

afin de] dissuader les fournisseurs des<br />

rebelles algériens » [8]. « Constantin<br />

Melnik, revendiquera ultérieurement<br />

plus d'un millier d'assassinats politiques.<br />

[...] Ou encore l'explosion du cargo<br />

Atlas, en plein port de Hambourg ; et<br />

l'arraisonnement en Méditerranée du<br />

cargo tchèque Lidice.<br />

Pour empêcher les marxistes du FLN de<br />

s'approvisionner en armes, la CIA met en<br />

place un accord entre les services secrets<br />

extérieurs (SDECE) et le "parrain des par-


ains" italo-américain, Lucky Luciano<br />

[Voir « Pour la drogue, donc contre »,<br />

p. 144] [...] intégré aux réseaux staybehind.<br />

Les hommes de Cosa Nostra<br />

indiquent les bateaux transportant des<br />

armes en Méditerranée afin qu'ils soient<br />

arraisonnés. En échange, la France<br />

ferme les yeux sur des opérations de<br />

contrebande et des trafics de stupéfiants.<br />

Le contact du SDECE auprès de<br />

Luciano est un criminel [corse] et collaborateur<br />

français, Étienne Leandri, que<br />

le stay-behind a repêché à la<br />

Libération [9]. » [5]<br />

L’amitié de Leandri avec<br />

Pasqua date de l’époque<br />

du SAC et « de la French<br />

connection [10]. […<br />

Leandri] toujours branché<br />

sur la mafia italienne [11],<br />

s’est tôt construit un triangle<br />

pétrole-armes-BTP.<br />

Au top niveau. Leandri est<br />

aussi relié, comme les<br />

mafieux italiens, au<br />

Luxembourg des marchands<br />

d’armes » [12].<br />

« On retrouve sans cesse sa<br />

trace dans des affaires qui<br />

agitent notre République.<br />

» [13] [Voir « Léandri Blé », p. 648]<br />

Revenons aux actions d’alors. « Un professeur<br />

belge, [Georges] Laperche, reçut<br />

[... début] 1960 à son domicile de Liège<br />

un ouvrage d’un auteur algérien [...,] La<br />

Pacification. [...] Le livre sauta et lui avec.<br />

C’était un cadeau de la "Main Rouge". »<br />

[8] « Le même jour, dans la même ville,<br />

Pierre Le Grève, un autre professeur<br />

favorable au FLN, échappait à la mort en<br />

n'ouvrant pas le colis identique [...].<br />

Ces attentats faisaient suite à des<br />

dizaines de meurtres attribués à [cette]<br />

mysté<strong>rieuse</strong> organisation de partisans de<br />

l'Algérie Française, "La Main Rouge".<br />

Jusque là, les assassins visaient essentiel-<br />

lement les hommes, les structures et le<br />

matériel de ceux qui assuraient l'approvisionnement<br />

en arme du FLN [...]. Puis<br />

ce fut le tour des avocats défendant les<br />

patriotes algériens devant une justice<br />

expéditive, comme Auguste Thuveny et<br />

Ould Aoudia.<br />

Le fait que les nouvelles cibles étaient de<br />

simples militants, et que "La Main<br />

Rouge" ne craignait pas de frapper au<br />

cœur d'un pays étranger, la Belgique en<br />

[l'occurrence], provoqua une vive émotion<br />

en Europe. » [7]<br />

« Constantin Melnik nous<br />

présente [...] un artificier<br />

surnommé "Le Sorcier<br />

aztèque" [responsable des<br />

attentats au livre piégé] :<br />

"Le 'Sorcier' était un officier<br />

parachutiste [...] Jeannou<br />

Lacaze et deviendra, quinze<br />

ans plus tard, chef<br />

d'état-major général des<br />

armées d'un Giscard<br />

d'Estaing qui, avec<br />

Maurice Papon et le général<br />

Bigeard était bien<br />

entouré" [14]. » [15]<br />

Jeannou Lacaze fut éphémère<br />

candidat aux<br />

Présidentielles, comme le fut par exemple<br />

Yvon Briant, autre fasciste des services.<br />

« Quant au colonel Mercier, [...] il entreprit<br />

de noyauter le F.L.N. en y infiltrant<br />

des éléments du M.N.A. (Mouvement<br />

nationaliste algérien) de Messali Hadj ;<br />

ce prophète barbu vivait dans une villa<br />

de Chantilly des subsides du gouvernement<br />

français, qui, pendant un temps,<br />

avait décidé de jouer cette carte contre<br />

G.P.R.A. (Gouvernement provisoire de la<br />

République algérienne) de Tunis, émanation<br />

du F.L.N. » [16]<br />

Il fallait alors « brouiller les cartes [...].<br />

Quelques semaines seulement après l'as-<br />

135 Franc du Collier


sassinat de Georges Laperche, l'auteur<br />

[… d’un roman, "La Main Rouge", fait<br />

dire à] son héros, un agent du SDECE<br />

[...] : "Ne nous confonds pas avec les<br />

excités désastreux qui envoient à droite<br />

et à gauche des menaces de mort grandiloquentes<br />

et des machines infernales<br />

déguisées en colis postaux. Ici, on s'occupe<br />

de choses plus sé<strong>rieuse</strong>s que de<br />

mettre en pièces des professeurs qui<br />

rêvent de marcher dans le sens de l'histoire".<br />

Dans ce livre où les Algériens sont<br />

appelés "les salopards", [...] les trafiquants<br />

d'armes du FLN [...] "[...] sont<br />

riches, ils sont intouchables [...]. Mais une<br />

Main se lève, couleur de ce sang qu'ils<br />

ont tant versé, une Main justicière qui va<br />

frapper sans relâche, sans merci". [...]<br />

L'auteur de cette Main Rouge [...] récidivera<br />

en juillet 1960 [...]. Sous le titre Le<br />

Faux Frère, la manipulation franchira un<br />

nouveau degré. Cette fois, l'assassinat<br />

de Georges Laperche est au cœur même<br />

du récit. Le professeur belge est désigné<br />

sous le nom de "Prélot" et la mort qu'il<br />

reçoit, sous la forme d'un livre piégé, dès<br />

le premier chapitre, est pour l'auteur un<br />

juste retour des choses : "Etait-ce une<br />

faute si grave que de ne pas prévoir<br />

toutes les conséquences lointaines des<br />

mots qu'il écrivait, des phrases qu'il prononçait<br />

? Son petit bouquin sur la justification<br />

partielle des actes terroristes,<br />

par exemple..."<br />

[... A la fin du roman, on comprit :] "Le<br />

meurtre de Prélot a été monté par<br />

l'Organisation (le FLN) [... pour] dresser<br />

l'opinion publique belge contre la Main<br />

Rouge et, à travers elle, contre la lutte<br />

que livre la France aux trafiquants<br />

d'armes. [...]" La boucle est ainsi bouclée<br />

: on attribue aux militants algériens<br />

les assassinats des membres des réseaux<br />

d'aide perpétrés par les services français<br />

eux-mêmes dissimulés par la fiction policière<br />

de "La Main Rouge" ! [...]<br />

Franc du Collier 136<br />

L'auteur si bien renseigné qui se prête à<br />

ce jeu de brouillage des cartes et qui fait<br />

peser sur les victimes la responsabilité<br />

des bourreaux [...] s'était porté volontaire<br />

[quelques<br />

temps plus tôt]<br />

pour servir dans<br />

les Parachutistes<br />

coloniaux et ne<br />

cachait pas son<br />

admiration pour<br />

Bigeard qui,<br />

pour lui, "maniait<br />

aussi bien la<br />

plume que l'épée".<br />

Quelques<br />

mois plus tard,<br />

en octobre 1961, alors que des centaines<br />

d'Algériens étaient martyrisés<br />

dans les rues de Paris par la police de<br />

Papon [17], il portera les dernières modifications<br />

à un livre Les Parachutistes dans<br />

lequel il justifiera le recours à la torture.<br />

Par la suite, les responsables de la DST lui<br />

fourniront la matière documentaire<br />

nécessaire à l'écriture de deux de ses<br />

best-sellers, L'orchestre rouge et Un<br />

homme à part, et il collaborera efficacement<br />

au livre Treblinka signé par Jean-<br />

François Steiner, un proche [maintenant<br />

avéré] de Maurice Papon.<br />

S'il a aujourd'hui effacé [entre autres] La<br />

Main Rouge et Le Faux Frère [...] de son<br />

abondante bibliographie, il tient toujours<br />

à placer Les Parachutistes [épuisé]<br />

en tête de son œuvre revendiquée.<br />

Pour le vérifier, il vous suffit, à la table du<br />

libraire, de feuilleter le dernier livre paru<br />

signé... Gilles Perrault. » [15] [Voir<br />

« Perrault : Carte ! », p. 202]<br />

[1] : (Réseau Voltaire, « Audition de M. Ali Bourequat »,<br />

n. 8, (RV 99/0211), http://www.voltairenet.org/article68<br />

6.html)<br />

[2] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 222-223).


[3] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 73, cité partiellement in Jean-François Brozzu-Gentile,<br />

op. cit., pp. 220-221)<br />

[4] : (« Guerre d'Algérie : les colis piégés des services<br />

secrets », Les Enquêtes interdites - amnistia.net, 6/6/2001,<br />

http://www.amnistia.net/news/enquetes/mainroug/mai<br />

nroug.htm, d’après, entre autres, Douglas Porch,<br />

« Histoire des services secrets français », Albin Michel,<br />

1997)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer De<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[6] : (Nicolas Fournier et Edmond Legrand, « Dossier E…<br />

comme Espionnage. Qui espionne qui ? Pourquoi ?<br />

Comment ? Espions, minables et Cie… », Alain Moreau,<br />

1978, pp. 64-65)<br />

[7] : (« Guerre d'Algérie : les colis piégés des services<br />

secrets », op. cit., d’après Nils Andersson, Libération,<br />

24/5/2001)<br />

[8] : (Nicolas Fournier et Edmond Legrand, op. cit., pp.<br />

65-66, 69)<br />

[9] : (Cf. Jacques Kermoal, « L'Onorata Societa », La Table<br />

ronde, 1971 ; Time, 4/9/1972 ; Julien Caumer, « Les<br />

Requins, un réseau au cœur des affaires », Flammarion,<br />

10/1999)<br />

[10] : (Cf. François-Xavier Verschave, « Noir silence. Qui<br />

arrêtera la Françafrique ? », Les Arènes, 2000, pp. 432-434)<br />

[11] : (Julien Caumer, op. cit., pp. 236-237)<br />

[12] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 142)<br />

[13] : (Julien Caumer, op. cit., p. 60)<br />

[14] : (Constantin Melnik, « Un espion dans le siècle. La<br />

diagonale du double », Plon, 1994)<br />

[15] : (« Guerre d'Algérie : les colis piégés des services<br />

secrets », op. cit.)<br />

[16] : (Nicolas Fournier et Edmond Legrand, op. cit., p. 71)<br />

[17] : (Voir, par exemple, Anne Tristan, « Le silence du<br />

fleuve. Octobre 1961 », Syros, 1991, Au nom de la<br />

mémoire, BP 82, F-95873 Bezons Cedex)<br />

francs de l'époque] » [1].<br />

Suite au « Casse du siècle » puis à l'évasion<br />

de son auteur, l'image « de gentleman-cambrioleur<br />

colle [... à cet] activiste<br />

d'extrême droite. [...]<br />

Ancien d'Indochine, il s'engage dans<br />

l'OAS (Organisation armée secrète), ce<br />

réseau terroriste qui voulait, par des<br />

attentats criminels, bloquer le processus<br />

qui menait l'Algérie à son indépendance.<br />

[...] Il devient photographe au service<br />

du maire de Nice. Ce dernier, Jacques<br />

Médecin, avait constitué autour de sa<br />

personne un véritable système mafieux<br />

« Le 27 octobre 1976, la Catena régional et il ne cachait pas ses pen-<br />

[Chaîne en italien], que l’on croyait chants pour l'extrême droite. Pourtant, à<br />

officiellement dissoute en 1960 repa- l'époque, aucun lien n'a été recherché<br />

raît au grand jour. Cette irruption de la entre le casse de Nice et le système<br />

centrale subversive européenne fait suite médeciniste.<br />

à l’arrestation du français Albert<br />

Si Spaggiari n'a perçu qu'une modeste<br />

Spaggiari, le cerveau du "casse du siècle",<br />

part du butin du casse de la Société<br />

survenu durant le week-end du 17 au 18<br />

générale, c'est uniquement parce qu'il<br />

novembre [1976] à la Société Générale<br />

n'en était que l'exécutant.<br />

de Nice, et qui rapportera à ses opérateurs<br />

un butin dépassant [60 millions de [... Spaggiari] présente son groupe [...] :<br />

137 Franc du Collier


"une moitié de truands, une moitié de<br />

politiques". Il ajoute : "J'ai donné ma<br />

part à la Catena. [...]" [2] La Catena ?<br />

Une officine occulte liée à la Main rouge<br />

[Voir « Coup de Main rouge », p. 133],<br />

organisation terroriste ayant multiplié les<br />

meurtres et les attentats politiques en<br />

Afrique du Nord et en France entre<br />

1952 et 1960. Et, derrière ces sigles, on<br />

retrouve les services secrets français (le<br />

SDECE) et l'OTAN [... qui avaient] mis en<br />

place une stratégie terroriste d'extrême<br />

droite, Gladio [...]. La Catena est un maillon<br />

de cette chaîne et Spaggiari un simple exécutant<br />

de l'internationale noire. » [3]<br />

Spaggiari « poursuit : "La Catena aide les<br />

camarades en difficulté surtout en Italie,<br />

en Yougoslavie et au Portugal. Elle a des<br />

sièges dans toute l’Europe, mais son<br />

noyau dirigeant se trouve à Turin et s’appelle<br />

le CIDAS." [2] Le Centre Italien de<br />

Documentation et d’Action Sociale<br />

constitue, sous la férule du président<br />

d’IBM Italie [...,] l’une des nombreuses<br />

couvertures de l’extrême droite. On y<br />

retrouve le GRECE [Voir « GRECE :la<br />

patte », p. 214], Occident, Ordre<br />

Nouveau (aux côtés de son parrain italien,<br />

le Mouvement Social Italien). [...]<br />

On a vu à ses séminaires, Gianno<br />

Accame, le correspondant italien<br />

d’Aginter, ancien participant de la conférence<br />

de Parco dei Principi, artisan de la<br />

stratégie de la tension en Italie ; Diulio<br />

Fanali, général putschiste suspecté en<br />

1974 dans le cadre du complot<br />

Borghese ; Manlio Brosio, ancien secrétaire<br />

général de l’OTAN, un proche<br />

d’Edgardo Sogno [...].<br />

Ordre Nouveau confie à Spaggiari le<br />

soin d’amasser un "trésor de guerre",<br />

susceptible de financer la version française<br />

de la guerre psychologique. » [4] Il<br />

faut bien mettre à gauche pour les<br />

coups à venir de l’extrême droite…<br />

Franc du Collier 138<br />

Catena ne serait-elle pas encore active ?<br />

« Jusqu’à quand abuseras-tu de notre<br />

patience » [5], Catena !?<br />

[1] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 235)<br />

[2] : (L'Espresso, 5/12/1976)<br />

[3] : (Serge Garde, « Spaggiari, maillon de l'internationale<br />

noire », L'Humanité, 3/7/1999, à propos de La case de<br />

l'oncle doc : « L'affaire Spaggiari », France 3, 3/7/1999,<br />

http://www.humanite.fr/journal/1999-07-3/1999-07-3-<br />

292458)<br />

[4] : (Jean-François Brozzu-Gentile, op. cit., p. 236)<br />

[5] : (Cicéron, début de la « Première Catilinaire »)<br />

C’est à la 11 e Brigade parachutiste<br />

de choc à Cercottes (Loiret) que<br />

les membres français du réseau<br />

stay-behind reçurent une formation<br />

commando. « Le service Action des services<br />

secrets français (le 11 e Choc du<br />

Sdece) a chapeauté les stay behind français<br />

jusqu'au début des années quatrevingt-dix.<br />

» [1]<br />

Les « commandos du service action [...]<br />

se sont rendus célèbres par un haut fait<br />

d’armes en Nouvelle-Zélande, le plasticage<br />

du Rainbow Warrior de Greenpeace.<br />

» [2]<br />

Fondé et longtemps « commandé par<br />

Paul Aussaresses, [le 11 e Choc du Sdece]<br />

dépendait en fait de l'Otan par l'entremise<br />

du colonel Foccart, surveillant<br />

général de la Françafrique. » [1] Et pour<br />

diriger l’orchestre, on retrouve à la<br />

baguette « le tortionnaire Paul Aussaresses,<br />

alias "O", dont les méthodes<br />

ont fait école non seulement en Afrique<br />

francophone, mais dans les deux<br />

Amériques [3]. » [2] Dans « les années<br />

60-70, Aussaresses et les spécialistes<br />

français de la guerre antisubversive instruisent<br />

les militaires américains et


argentins. Quand ces derniers installent<br />

leur junte sanglante en 1976, ce sont les<br />

leçons françaises qu’ils appliquent. » [4]<br />

De même, le « tortionnaire en chef de la<br />

bataille d’Alger, Paul Aussaresses, a été<br />

invité à enseigner la guerre subversive<br />

aux USA [instructeur des Special<br />

Forces], au début de la guerre<br />

du Vietnam. Outre-<br />

Atlantique, la praxis contrerévolutionnaire<br />

française a<br />

suscité un véritable<br />

enthousiasme. L’un des<br />

meilleurs "élèves" d’Aussaresses<br />

à la CIA, Robert<br />

Komer, s’illustra comme<br />

ambassadeur à Saigon. Ce sera<br />

l’opération Phœnix : 20 000 morts,<br />

des dizaines de milliers de détenus sans<br />

procès et de torturés [Voir « Revoilà<br />

Phœnix », p. 542]. Aussaresses, haut<br />

gradé du dispositif stay behind, deviendra<br />

attaché militaire au Brésil entre 1973<br />

et 1975, peu avant le plan Condor. » [5]<br />

[Voir « On scanda : “Le fascisme ne passera<br />

pas” ? Mais l’opération Condor<br />

passa », p. 550] Il « reconnaît de son<br />

propre aveu "avoir enseigné ‘la torture<br />

et les techniques de la bataille d'Alger’<br />

aux militaires brésiliens, lorsqu'il était<br />

attaché militaire auprès de l'ambassade<br />

de France au Brésil, de 1973 à<br />

1975." [6] » [7]<br />

Passage d’une carrière. Un modèle à<br />

suivre, que dis-je, un paradigme : « Le<br />

général "O" demeure une figure de référence<br />

pour la haute barbouzerie tricolore<br />

: En 1999, "lorsqu'il a fêté ses 80 ans,<br />

tout le gratin des services secrets français<br />

lui a organisé une réception dans un restaurant<br />

de la rue Saint-Benoît à Paris. Ce<br />

fut un des plus beaux rassemblements<br />

de barbouzes qu'on [n’ait] jamais<br />

vus". [8] » [2] Normal : « Paul<br />

Aussaresses, figure de proue de la torture<br />

systématique en Algérie, puis son pro-<br />

pagandiste en Amérique latine, est resté<br />

au long de sa carrière une icône intouchable<br />

des barbouzes néogaullistes [...<br />

après] avoir été couvert par François<br />

Mitterrand. » [9]<br />

On peut le sortir pour produire un signal<br />

fort : Deux « généraux, Jacques<br />

Massu et Paul Aussaresses -<br />

principaux chefs militaires<br />

de la bataille de 1957 - se<br />

décident à avouer des<br />

exécutions sommaires et<br />

des actes de torture<br />

pendant la guerre<br />

d'Algérie [10] ». [11] Mais<br />

le méchant vieux monsieur,<br />

qui avoue 24 exécutions<br />

sommaires [12], a été bien<br />

puni : « Le général Paul Aussaresses a été<br />

condamné le 25 janvier [2002] à 7 500<br />

euros d’amende pour apologie de<br />

crimes de guerre. » [13] Confirmé en<br />

appel [14] Na !<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 34)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 216)<br />

[3] : (Cf. entre autres [4])<br />

[4] : (Pierre Abramovici, « Argentine. L'autre sale guerre<br />

d'Aussaresses », Le Point, 15/6/2001)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 45)<br />

[6] : (Noël Mamère, Martine Billard et Yves Cochet, « Proposition<br />

de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête<br />

sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires<br />

d'Amérique latine entre 1973 et 1984. », Assemblée nationale,<br />

10/9/2003, ensuite rejettée : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r1295.asp)<br />

[7] : (Paul Labarique, « L'armée s'en prend à la population<br />

civile irakienne. Opération "Marteau de fer" », p. 4,<br />

Voltaire, 12/12/2003, http://www.voltairenet.org/article<br />

11560.html)<br />

[8] : (Louis-Marie Horeau, « La vilaine histoire d'O », Le<br />

Canard enchaîné, 9/7/2001)<br />

[9] : (François-Xavier Verschave, op.cit., pp. 270, 306 n. 2)<br />

[10] : (Le Monde, 23/11/2000)<br />

[11] : (Réseau Voltaire, « Le Livre noir (1998-2001), "droite<br />

extrême droite, les amitiés particulières" - Philippe de<br />

Villiers », (RV Dossier 5/0032), 2/2001, http://www.voltairenet.org/article7486.html)<br />

[12] : (Libération, 24/11/2000)<br />

[13] : (Billets d’Afrique, n° 100, 2/2002, http://www.survie-france.org/article.php3?id_article=152)<br />

[14] : (Brigitte Vital-Durand, « Aussaresses condamné en<br />

appel. La justice confirme l'amende pour “apologie de la<br />

torture” », Libération, 26/4/2003, p. 18, cité in<br />

http://www.denistouret.net/constit/Aussaresses.html)<br />

139 Franc du Collier


Le « Service d'Action Civique (SAC) [...]<br />

est issu en 1958 du Service d'ordre du<br />

Rassemblement du Peuple [Français]<br />

[RPF], lointain ancêtre du RPR » [1], qui<br />

était déjà réputé : « le Service d'Ordre du<br />

RPF est le meilleur bastion contre toute<br />

tentative de force de l’extrême<br />

gauche » [2]. Le général-président lui<br />

« avait donné une totale indépendance<br />

juridique [... par rapport au RPF.] Le "service<br />

d'ordre" [...] recrutait des militants<br />

anticommunistes que l'expérience de la<br />

Résistance avait déculpabilisés face à<br />

d'éventuelles transgressions de la loi.<br />

De nombreux adhérents du "service<br />

d'ordre" n'étaient pas membres du RPF<br />

et préféraient militer dans des partis ou<br />

groupuscules d'extrême droite. [...] Il<br />

participa activement au "complot du 13<br />

mai 1958" [Voir « De Gaulle, le généralprésident-putschiste<br />

», p. 109].<br />

Jacques Foccart le réorganisa, en<br />

décembre 1959, sous l'appellation<br />

Service d'action civique (SAC). [...] Les<br />

hommes du SAC furent utilisés en métropole<br />

pour " casser du gauchiste ", et [...]<br />

pour encadrer les forces militaires ou<br />

policières locales. Une partie d'entre eux<br />

furent intégrés parmi les stay-behind de<br />

l'Alliance atlantique. » [3] « Le paramètre<br />

de la clandestinité est indissociable de<br />

cette lutte où les communistes ont remplacé<br />

les nazis dans le rôle des<br />

méchants.<br />

Ce combat a pour corollaire l'illégalité<br />

des moyens financiers et matériels mis<br />

en œuvre, puis le glissement progressif<br />

vers l'esprit mafieux. » [4] Le SAC, « police<br />

secrète créée en marge du parti gaul-<br />

Franc du Collier 140<br />

liste [servit aussi notamment] pour lutter<br />

contre le terrorisme des partisans de<br />

l'Algérie française. » [5]<br />

« Le SAC se veut [...] une sorte de garde<br />

prétorienne [...] du Général [de] Gaulle<br />

[...]. Il bénéficie ainsi d'une sorte de label<br />

officiel qui lui permettra d'avoir [... des]<br />

entrées dans l'appareil d'État ainsi que<br />

[la] complicité active et passive une partie<br />

de la [hiérarchie] policière. Cette<br />

proximité du pouvoir expliquant également<br />

l'attrait que le SAC va provoquer<br />

chez des truands en mal d'impunité.<br />

» [1] « L’Etat a toujours recruté ses<br />

troupes de choc dans le sous-prolétariat,<br />

ce que Marx appelait le Lumpenproletariat<br />

(cf. les décembriseurs, les Cent-<br />

Noirs) : truands, proxénètes, etc. [...] De<br />

tels gens sont plus royalistes que le roi,<br />

parce que leur position est plus précaire.<br />

[...] Ainsi [...], les gouvernements entretiennent<br />

la délinquance que la société<br />

produit. » [6]<br />

Les spécialités du SAC ? « La collecte [...,<br />

la] centralisation et l’exploitation du renseignement<br />

[... ; la] collaboration avec<br />

les services secrets étrangers [... ; l’espionnage]<br />

politique [... ; les actions],<br />

provocations et répression contre la<br />

gauche [... ; le] chantage [... ; le] trafic<br />

d’armes [... ; le] trafic de drogues [... ; le]<br />

banditisme tous azimuts [... ; les<br />

meurtres] en tous genres [... et bien sûr]<br />

la délinquance en col blanc. » [7]<br />

« Mais les événements de mai 1968 vont<br />

faire vaciller le pouvoir [Voir « Mai, sois<br />

sans twist ! », p. 194], l'onde de choc<br />

finissant même par déboulonner le<br />

Général de Gaulle en 1969. Dès lors le<br />

SAC [… devient] un prestataire de [services]<br />

auprès du mouvement gaulliste<br />

(UDR puis RPR), et d'un certain patronat<br />

de choc (Peugeot, Citroën...).<br />

Combattant par tous les moyens les partis<br />

et organisations de gauche, [...] le


SAC va alors intégrer [...] des militants<br />

d'extrême droite avant de soutenir certaines<br />

[initiatives de leurs partis] (notamment<br />

celles du Parti des Forces<br />

Nouvelles). Ayant [pressenti] la victoire<br />

de la gauche en 1981, le SAC [s'était]<br />

préparé à jouer un rôle de fer de lance<br />

de la nouvelle opposition. Mais la tuerie<br />

d'Auriol [Voir « OSMTJ », p. 157], puis la<br />

constitution d'une commission d'enquête<br />

sur ses activités [8] et enfin sa dissolution<br />

en août 1982 briseront son élan.<br />

[... Cela n’empêchera pas que certains]<br />

de ses initiateurs, adhérents et sympathisants<br />

se retrouveront même aujourd'hui<br />

dans [les] couloirs du nouveau pouvoir,<br />

dans des ministères, à l'Assemblée nationale.<br />

[En effet, dès] le début 1981, Pierre<br />

Debizet le secrétaire général du SAC,<br />

envisage la victoire de [… Mitterrand et]<br />

décide donc de mettre à l'abri le fichier<br />

du SAC pour éviter qu'il ne tombe aux<br />

mains des "socialos-marxistes". [... Il] est<br />

interpellé puis incarcéré dans le cadre de<br />

la tuerie d'Auriol [… Prudemment, en<br />

prévision de la dissolution du SAC qui<br />

aura effectivement lieu], le 16 décembre<br />

1981 ont été déposés [les] statuts d'une<br />

nouvelle [association] intitulée "Mouvement<br />

Initiative et Liberté" (MIL) [9].<br />

Cette association a pour objet de<br />

"défendre et de promouvoir une organisation<br />

de la société française fondée sur<br />

l'initiative personnelle des citoyens et<br />

inspirée par les valeurs civiques,<br />

culturelles, morales et spirituelles<br />

de la civilisation française,<br />

de façon à réaliser<br />

les conditions de développement<br />

de la véritable<br />

liberté". [...]<br />

Le nom du président et<br />

l'adresse [... correspondent<br />

à ceux] de l'UNI (l'Union<br />

Nationale Interuniversitaire)<br />

[...,qui] a été créé à l'initiative du SAC<br />

après les événements de mai 1968 pour<br />

"regrouper tous ceux qui entendent<br />

soustraire l'Éducation Nationale à l'emprise<br />

communiste et gauchiste, et<br />

défendre la liberté en luttant contre<br />

toute les formes de subversion". [...]<br />

Tout comme le SAC première manière<br />

(1958 à 1969) le MIL met un point<br />

d'honneur à être le garant de l'héritage<br />

gaulliste. [... Au communisme,] ennemi<br />

traditionnel [du MIL,] sont venus s'ajouter<br />

[...] l'écologisme [... l’antiracisme et<br />

le] tiers mondisme [...]. Heureusement<br />

face à l'Anti-France se dresse le MIL [...<br />

qui] se veut un mouvement de réflexion<br />

et d'action [...]. On a tiré les leçons du<br />

SAC. Politiquement le MIL s'est "résolument<br />

situé à droite et s'emploie à favoriser<br />

l'union des partis de droite". Cela<br />

consiste par exemple à répandre [et]<br />

reprendre des mots d'ordre ou des campagnes<br />

du Front national [...].<br />

Sur le terrain le MIL est organisé en trois<br />

[types] de structures : 1) Territoriale :<br />

région, département, ville. 2) Militante :<br />

collage, [tractage,] etc. 3) [Socio-professionnelle<br />

:] entreprises, [professions],<br />

grands corps [... Le MIL] ne vise pas [à]<br />

être une organisation de masse mais<br />

une organisation qui cherche à recruter<br />

des gens sûrs. C'est ainsi que pour adhérer<br />

il faut être parrainé. [Parmi] les adhérents<br />

[..., il y a] ceux qui veulent adhérer<br />

pour les idées et ceux qui veulent<br />

être plus actif. A ces derniers<br />

on propose un questionnaire<br />

plus complet, sur<br />

le type d'activité souhaité,<br />

sur leur engagement<br />

actuel, leur passé politique<br />

[...,] questionnaire qui rappelle<br />

fu<strong>rieuse</strong>ment celui du<br />

défunt SAC » [1].<br />

Finalement, le « MIL est intégré<br />

141 Franc du Collier


officiellement en 1989 parmi les associations<br />

satellites du RPR. Néanmoins il<br />

garde son autonomie [...]. Si le SAC a<br />

changé de nom, [... si] les gros bras<br />

ne sont plus apparents (sauf pendant<br />

la campagne électorale), le discours<br />

reste le même avec en plus une thématique<br />

anti-immigrée. Son réseau<br />

d’influence remonte jusqu’au sommet<br />

de l’Etat. » [10]<br />

Rien d’étonnant, donc, quand on<br />

apprend, par exemple, que l’ancien<br />

ministre de l’Intérieur, « Robert Pandraud<br />

est animateur du [...] MIL » [11]. Il en est<br />

même « membre d'honneur [..., alors<br />

qu’il est par ailleurs] mis en examen dans<br />

une affaire de fausses factures destinées<br />

au financement du RPR. » [1] Dans la<br />

même lignée, « Dominique Perben a<br />

honoré de sa présence, le 1 er février<br />

[2003], la convention du MIL [...]. Une<br />

réunion fermée à la presse » [12], évidemment.<br />

« Chaque année, ce mouvement<br />

[...] tient une sorte de congrès avenue<br />

Georges V. Et Juppé, Sarkozy, MAM,<br />

Godfrain et autres éminentes personnalités<br />

de l’UMP y sont parfois invités,<br />

comme en février 2004. » [13] Un bon<br />

ciment pour le parti présidentiel.<br />

[1] : (« Le MIL a plus d’un tour dans son SAC », Reflexes<br />

n° 49, 5/1996, pp. 3-6, http://www.ecn.org/samizdat/refl<br />

ex/txt/ref_n49_02.html)<br />

[2] : (Jean Dides, « La lutte pour le pouvoir », brochure de<br />

formation du R.P.F., citée par Patrice Chairoff, « Dossier B ...<br />

comme Barbouzes. Une France parallèle celle des bassesœuvres<br />

du pouvoir », Alain Moreau, 10/1975, p. 23)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer De<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[4] : (Philippe Madelin, « Les Gaullistes et l’Argent. Un<br />

demi-siècle de guerres clandestines », L’Archipel, 2001,<br />

p. 20, cité par François-Xavier Verschave, « Noir Chirac »,<br />

les Arènes, 3/2002, pp. 119-120)<br />

[5] : (« Audition de M. Ali Bourequat », 5/6/1998, Réseau<br />

Voltaire, 24/6/1999, n. 6, http://www.voltairenet.org/art<br />

icle686.html)<br />

[6] : (André Migeot, « De la manière de s’imposer dans le<br />

monde », Champ libre, 1/1978, pp. 52-53)<br />

[7] : (Patrice Chairoff, op. cit., p. 515)<br />

[8] : (« Commission d'enquête sur les activités du SAC »,<br />

Franc du Collier 142<br />

rapport n° 955, Assemblée nationale éd., 1982)<br />

[9] : (http://www.lemil.org)<br />

[10] : (« Le MIL a plus d’un tour dans son SAC », op. cit.,<br />

pp. 6-7)<br />

[11] : (Thierry Meyssan, « L’Énigme Pasqua », Golias, 2000,<br />

p. 28)<br />

[12] : (Le Canard enchaîné, 5/2/2003, p. 2)<br />

[13] : (Jérôme Canard, « Le lourd pedigree des "libérateurs<br />

d’otages" », Le Canard enchaîné, 6/10/2004, p. 3)<br />

Philippe Massoni aura eu une belle<br />

carrière. En 1967, il est chargé « de<br />

l'infiltration des milieux étudiants.<br />

[... De 1968 à 1976, il est le chef du<br />

Groupe de] "Direction" [ou GD] des<br />

R.G., chargé de la coordination de l'action<br />

antigauchiste et des missions spéciales<br />

(détournements de correspondance,<br />

écoutes téléphoniques, visites clandestines<br />

de bureaux » [1], « poses de<br />

micros [...] vol de courrier (comme celui<br />

perpétré à l’Agence de Presse<br />

Libération, qui était à l’origine du quotidien<br />

du même nom), l’infiltration de<br />

faux étudiants dans les facs… A l’intérieur<br />

même de ce service très opérationnel,<br />

Philippe Massoni choisit des<br />

hommes sûrs chargés des opérations<br />

très spéciales. » [2]<br />

« Pour [...] G. Lecavelier [Voir « Le cave<br />

lié », p. 175] [3], Massoni aurait été un<br />

"membre éminent du S.A.C". Après les<br />

événements de mai 68, Massoni met au<br />

point le système de Quadrillage du<br />

Quartier latin par les flics. » [1] « Ce<br />

Corse d’origine [...] a connu une ascension<br />

fulgurante. Il est nommé commissaire<br />

à 26 ans, puis commissaire principal<br />

à 35, divisionnaire à 39, contrôleur<br />

général à 42. » [2]<br />

En 1976, il est « chargé de mission au<br />

cabinet de Jacques Chirac, Premier


ministre (il s'occupe de la liaison [avec]<br />

les R.G., la D.S.T. [la Sécurité Militaire] et<br />

le S.D.E.C.E.), et de son successeur<br />

Raymond Barre » [1], « qui maintient<br />

Massoni à ce poste sensible. Mais en mai<br />

1981, le vent tourne [... On] le voit alors<br />

[...] fréquenter le bureau de François de<br />

Grossouvre, conseiller de [Mitterrand]<br />

pour les affaires de police et de sécurité<br />

[Voir « Gros Œuvre », p. 191]. En 1986,<br />

lorsque la droite l’emporte, Pasqua et<br />

Pandraud ne semblent pas lui tenir<br />

rigueur de ses fréquentations à<br />

gauche. » [2]<br />

De 1986 à 1987, il est directeur « adjoint<br />

du cabinet de Robert Pandraud, ministre<br />

délégué à la Sécurité [...]. Directeur<br />

général du Bureau de liaison sur les problèmes<br />

africains, chargé du flicage des<br />

opposants de nos amis les dictateurs<br />

» [1] « africains. Son zèle est une<br />

fois de plus reconnu, Massoni prend très<br />

vite la direction centrale des<br />

Renseignements Généraux à la tête de<br />

laquelle il obtient son plus gros succès<br />

[officiel], l’arrestation des chefs d’Action<br />

Directe en 1987, à Vitry aux Loges [Voir<br />

« Action indirecte », p. 211].<br />

Mai 1988, [... Mitterrand étant] réélu, s’il<br />

perd [...] ce poste stratégique, [il] y<br />

gagnera une casquette de préfet. » [2]<br />

En avril 1993, il devient directeur « de<br />

cabinet de Charles Pasqua, ministre de<br />

l'Intérieur, puis [il est] nommé préfet de<br />

police de Paris quelques jours plus tard,<br />

après quelques bavures et les graves<br />

affrontements du XVIII e arrondissement<br />

avec de cu<strong>rieuse</strong>s escouades de flics en<br />

civil et sans brassard, mais avec manches de<br />

pioche. » [1] Il restera en place à Paris quand<br />

Jean-Louis Debré sera ministre de l'Intérieur.<br />

Préfet de Police ? Les sceptiques sont<br />

châtiés. « Après l’aventure factieuse et<br />

mafieuse de la Loge P2 en Italie [Voir<br />

« Calibre P2 », p. 68], [... certains francs]<br />

maçons authentiques [... ont voulu] se<br />

prémunir contre de telles dérives [...] "[...<br />

Ainsi des] frères ont créé un site<br />

Internet [4] [...]. Son initiateur [... a été]<br />

exclu de la GLF [Grande Loge Nationale<br />

de France] pour avoir mis en cause<br />

Philippe Massoni, [...] frère du 33 e degré<br />

[le grade le plus élevé]" [5]. » [6]<br />

On a pu notamment lire sur ce site :<br />

« "Par décret du Président de la<br />

République en date du 11/01/01,<br />

M. Philippe Massoni, préfet, est admis à<br />

faire valoir ses droits à la retraite à compter<br />

du 14/01/01". [... Par le biais de cette<br />

affirmation, l'entourage] du préfet de<br />

police Philippe Massoni veut faire croire<br />

qu'un "décret spécial" régulariserait la<br />

situation, ce qui est inexact, et le futur<br />

membre du Conseil d'Etat n'est pas sans<br />

savoir qu'un tel décret n'existe pas et<br />

n'est pas rétroactif. Philippe Massoni<br />

usurpe donc les fonctions de préfet de<br />

police de Paris [...]. Que penser aussi du<br />

fait qu'il occupe toujours son logement<br />

de fonctions de 1000 m 2 ? » [7]<br />

« A l’automne 2001, Jacques Chirac a<br />

appelé le frère Massoni à l’Elysée pour<br />

préparer sa réélection. » [6] On salue sa<br />

montée en puissance : « Unanimement<br />

considéré comme l'un des policiers les<br />

plus doués de sa génération, Philippe<br />

Massoni devrait faire preuve, à la tête du<br />

CSI (Conseil de sécurité intérieure), d'un<br />

réel savoir-faire. » [8]<br />

Par la suite, des conseillers du Premier<br />

ministre Raffarin « disent avoir “retrouvé”<br />

dans le passé plusieurs affaires de<br />

mœurs où ont été mouillés des membres<br />

de cabinet. Mais à l’époque, personne<br />

n’en avait rien su, car la police et la justice<br />

s’étaient appliquées à enterrer les<br />

dossiers. [... Alors certains déchantent<br />

quand survient "l'affaire Ambiel" selon<br />

laquelle le directeur de la communication<br />

de l’ancien (?) publicitaire Raffarin,<br />

143 Franc du Collier


avait aurait eu des relations répétées<br />

avec une prostituée mineure]. Le<br />

Premier ministre accuse [alors] trois<br />

hommes d’avoir balancé l’information à<br />

la presse : Dominique de Villepin, son<br />

conseiller officieux Yves Bertrand, ancien<br />

directeur des Renseignements généraux,<br />

et Philippe Massoni, conseiller de<br />

l’Elysée et secrétaire général du Conseil<br />

de la sécurité intérieure. » [9] Quel<br />

talent ! Et on le remercie [10].<br />

[1] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie hebdo, 5/5/1993,<br />

p. 9)<br />

[2] : (« Police partout, justice nulle part ! Le clan des<br />

Marseillais », REFLEXes, n° 49, 5/1996, pp. 8-9)<br />

[3] : (Gilbert Lecavelier, « Aux ordres du S.A.C. », Albin<br />

Michel, 1982)<br />

[4] : (http://www.chez.com/hiram, devenu http://www.hiram.be)<br />

[5] : (Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, « Les<br />

frères invisibles », Albin Michel, 2001, p. 142)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 142)<br />

[7] : (Hiram et ses trois mauvais compagnons, « Philippe<br />

Massoni, ancien préfet de police de Paris 33 eme degré de<br />

la grande loge de France Imposteur à la préfecture depuis<br />

le 14/01/01 », http://www.chez.com/hiram (disparu)<br />

d’après le décret INTA0000317D du 11/01/01, Journal<br />

Officiel, 13/1/2001)<br />

[8] : (Le Figaro, 20/5/2002, cité par Le Canard enchaîné,<br />

22/5/2002, p. 2)<br />

[9] : (Jérôme Canard, « Dans l’affaire Ambiel, Matignon a<br />

découvert les vrais coupables », Le Canard enchaîné,<br />

28/4/2004, p. 3)<br />

[10] : (Fin mise aux fonctions, par décret présidentiel du<br />

26/9/2007, publié au Journal Officiel n° 224 du<br />

27/9/2007, p. 15800, texte n° 2)<br />

Il fut une époque où le libéralisme se<br />

battait officiellement pour la plus<br />

grande diffusion des drogues.<br />

« En 1839 à la suite de la saisie à Canton<br />

d’une cargaison de 20 000 caisses<br />

d’opium sur un navire anglais,<br />

l’Angleterre envisage une riposte militaire.<br />

Malgré les critiques […], l’Angleterre<br />

Victorienne, au nom de la liberté du<br />

commerce des mers, déclare la guerre à<br />

Franc du Collier 144<br />

la Chine [1]. Le corps expéditionnaire<br />

anglais remporte d’ailleurs facilement la<br />

victoire. L’empereur est contraint de<br />

signer, le 27 octobre 1842, le traité de<br />

Nankin qui prévoit le remboursement de<br />

l’opium saisi, l’ouverture de cinq ports<br />

chinois aux importateurs britanniques et<br />

la cession de l’île de Hong-Kong. Celle-ci<br />

sert d’ailleurs de base arrière au trafic, car<br />

la Chine continue de prohiber le commerce<br />

de l’opium sur son territoire. » [2]<br />

« Entre le milieu et la fin du siècle, la<br />

France suit l’exemple anglais et se<br />

construit un empire. [… A la fin du<br />

XIX ème siècle], Paul Doumer […] reste<br />

cinq ans gouverneur général de<br />

l’Indochine. Remarquable d’efficacité, il<br />

réorganise en deux ans le commerce de<br />

l’opium, ouvre une raffinerie à haut rendement,<br />

productrice d’une variété<br />

d’opium à combustion rapide qui pousse<br />

les amateurs à la consommation. Il<br />

regroupe et centralise cinq organismes<br />

en un monopole unique. Cette gestion<br />

énergique porte ses fruits ; en quatre ans<br />

les bénéfices récoltés par le gouvernement<br />

français s’accroissent de 50 %. […]<br />

Paul Doumer est récompensé de sa belle<br />

réussite financière : il devient ministre<br />

des Finances et finit sa vie, en 1932, président<br />

de la République. » [3]<br />

Le trafic de drogue est un bon moyen de<br />

grimper vers le pouvoir. L’"alternative"un<br />

temps présentie à Bush le sait bien. « La<br />

mère de John Kerry, Rosemary Forbes,<br />

appartient à l'une des familles [... de la]<br />

grande bourgeoisie [...].<br />

Les Forbes se sont enrichis dans le commerce<br />

avec la Chine - celui de l'opium,<br />

entre autres » [4]. Puis vint la prohibition.<br />

On a vu son utilité aux Etats-Unis<br />

avec la prohibition de l’alcool (18 ème<br />

amendement adopté en 1917) qui a<br />

enrichit notamment le père du président<br />

Kennedy, « Joseph […] grâce à la contre-


ande d'alcool au cours de la prohibition.<br />

Il a conservé ses avoirs en retirant<br />

ses placements au bon moment avant le<br />

krach boursier de 1929. » [5]<br />

« Les effets pervers d’une interdiction<br />

absolue ne tardent pas […,] des décès<br />

dus à l’alcool frelaté apparaissent, les<br />

débits clandestins se multiplient, la grande<br />

criminalité progresse et bénéficie de<br />

revenus considérables grâce auxquels<br />

elle peut corrompre juges et policiers.<br />

Enfin et surtout les citoyens en viennent<br />

à ne plus croire en la loi, et à douter – ce<br />

qui est plus grave – de leur propre<br />

Constitution [6]. » [7]<br />

Comme d’habitude, le combat policier<br />

de l’Etat ne s’en prend (presque ?)<br />

qu’aux victimes des maffieux. Et « cette<br />

guerre aux drogues s'est traduite surtout<br />

par une aggravation de la situation,<br />

que cela concerne la santé des<br />

usagers (alors que c'est pour leur santé,<br />

paraît-il […]), ou leurs conditions<br />

sociales. Paradoxalement, la consommation<br />

explose. C'est un peu l'histoire du<br />

pompier pyromane.<br />

De plus, la criminalisation de l'usage et,<br />

par voie de conséquence, de la détention,<br />

de l'achat et de la vente, a poussé<br />

à des conduites délinquantes. Elle a<br />

appris à des centaines de milliers de personnes<br />

(en France) les lois de la clandestinité,<br />

voire à se comporter en "vrai" criminel<br />

! Loin de protéger l'ordre public, la<br />

prohibition est incontestablement facteur<br />

d'insécurité, bien plus que les<br />

drogues elles-mêmes. Même le patron<br />

d'Interpol le reconnaît. » [8] Mais elle est<br />

pourtant jugée douce, la prohibition des<br />

drogues ! Car, les économistes le savent,<br />

« c'est bien la prohibition qui crée le<br />

risque et assure les profits du trafic, soit<br />

les trois quart du chiffre d'affaire ». [9]<br />

« Dès l’après-guerre, la drogue conclut<br />

un pacte avec la politique. [...] Lucky<br />

Luciano est sous les verrous, et le syndicat<br />

du crime s’en trouve considérablement<br />

affaibli. C’est dans d’étranges<br />

circonstances que le truand sort de prison,<br />

pendant les hostilités. » [10]<br />

« Lucky Luciano, le mythique successeur<br />

d'Al Capone, le parrain des parrains<br />

de la Mafia, l'homme de Cosa<br />

Nostra, [… détiendra] après guerre le<br />

monopole mondial de la drogue au<br />

prix d'un accord tacite avec l'OSS, qui<br />

deviendra la CIA : offrir son réseau<br />

mondial de truands pour renseigner le<br />

service secret, en échange d'être laissé<br />

tranquille sur "la blanche" [...]. Ecroué<br />

à vie aux USA à l'aube de la seconde<br />

Guerre mondiale, le truand légendaire<br />

a négocié sa libération avec l'OSS pour<br />

filer en Sicile préparer le débarquement<br />

américain. » [11]<br />

L’affaire progressera dès lors. Un ancien<br />

de la DEA, l’organisme US de lutte<br />

contre la drogue, raconte : « nos services<br />

comprennent progressivement que la<br />

CIA ne se contente pas de protéger des<br />

narcotrafiquants qui, en réalité, travaillent<br />

pour son compte : elle organise<br />

aussi, sur les vols réguliers de lignes<br />

aériennes qu’elle détient (comme Air<br />

America), l’acheminement de la drogue<br />

depuis les quatre coins de l’Asie du Sud-<br />

Est – officiellement pour soutenir nos<br />

"alliés" dans ces pays. Elle utilise encore<br />

ses comptes bancaires pour blanchir l’argent<br />

généré par ce gigantesque trafic.<br />

Bref, la CIA s’est lancée dans le commerce<br />

de la drogue. Et elle apprend vite<br />

[…], aux quatre coins de la planète, la<br />

CIA et le Département d’Etat protègent<br />

un nombre croissant de narcotrafiquants<br />

dont le rôle politique est loin d’être<br />

mineur : les moudjahidine d’Afghanistan,<br />

les cartels de la cocaïne en Bolivie,<br />

les plus hauts dignitaires de l’Etat mexicain,<br />

les magnats panaméens passés<br />

145 Franc du Collier


maîtres dans l’art du blanchiment, la<br />

Contra nicaraguayenne, la droite colombienne<br />

alliée aux "narcos" … » [12]<br />

Particularité états-unienne ? « Certaines<br />

affaires […] voient cependant des policiers<br />

français surpris en possession de stupéfiants<br />

dans des conditions suspectes, soidisant<br />

pour confondre des trafiquants.<br />

Ces exemples, qui semblent<br />

se multiplier [13]<br />

montrent que les risques<br />

de dérive sont<br />

grands ». [14]<br />

Michel Charasse annonce<br />

[15] qu’ « "[…] on n’attrape<br />

pas les mouches<br />

avec du vinaigre." D’où<br />

la nécessité de se<br />

déguiser en marchand<br />

de confiture. […] Tout<br />

en alléguant [un] "flou<br />

juridique" dont il faudrait<br />

sortir, le chargé du<br />

Budget invoque un ensemble d’arrêts de<br />

la Cour de cassation qui [… avec]<br />

constance, […] légitime depuis longtemps<br />

le fait que les policiers se fassent<br />

passer pour des acheteurs de drogue,<br />

car cela "ne détermine en rien les agissements<br />

délictueux et a seulement pour<br />

effet de permettre la constatation des<br />

infractions déjà commises et d’en arrêter<br />

la continuation". Et c’est effectivement<br />

en vain que les avocats des trafiquants<br />

invoquent l’excuse atténuante de la provocation<br />

devant les tribunaux. [16]<br />

[… Le projet de loi de Charasse est] présenté<br />

en "urgence déclarée" à la session<br />

d’automne [1991] du Parlement […] :<br />

"Le projet vise à permettre aux policiers,<br />

aux gendarmes et aux douaniers habilités<br />

à cette fin, d’acquérir, de détenir ou<br />

de transporter des stupéfiants et des<br />

substances et matériels nécessaires à la<br />

fabrication des stupéfiants, ainsi que les<br />

Franc du Collier 146<br />

fonds provenant du trafic. Il vise également<br />

à leur ouvrir la possibilité de fournir<br />

aux trafiquants des instruments juridiques<br />

[sic], des moyens de transport, de<br />

dépôt ou de communication. […]" [17].<br />

Une seule lecture est nécessaire devant<br />

chacune des deux chambres : le texte<br />

est adopté à l’unanimité et promulgué le<br />

19 décembre 1991. Les<br />

députés auraient souhaité<br />

que les "infiltrés"<br />

poussent le mimétisme<br />

jusqu’à fournir la<br />

drogue eux aussi. Le<br />

ministre délégué de la<br />

justice qui défendait le<br />

projet se déclara hostile<br />

à la "provocation à la<br />

vente", à la "fourniture".<br />

On se rabattit sur le<br />

terme de "livraison". "Le<br />

Palais-Bourbon est parfois<br />

le théâtre d’étourdissants<br />

débats sémantiques" [18] […]<br />

Les parlementaires s’étant eux-mêmes<br />

récemment blanchis à propos du financement<br />

illicite des campagnes électorales, ils<br />

ne pouvaient faire moins […]. Désormais,<br />

une seule fantaisie devrait rester interdite<br />

aux provocateurs d’Etat : goûter la marchandise.<br />

Depuis 1970, consommer de la<br />

drogue est un délit ; le législateur n’a pas<br />

pensé que parfois, il faut en arriver à cette<br />

extrémité pour savoir donner le change<br />

jusqu’au bout. […]<br />

"[…] La provocation est très dangereuse<br />

pour les libertés individuelles. […], on ne<br />

sait pas où ça finit. On commence par l’admettre<br />

pour le trafic de drogue, puis on<br />

s’habitue, on l’étend et on la généralise.<br />

[…] Avec de telles pratiques de provocation,<br />

on peut piéger n’importe<br />

qui." [19] » [20] Bientôt le tabac interdit<br />

avec des "faux" dealers de clopes au coin<br />

de la rue ?


Charasse devant les bœufs<br />

Le bon ministre gouailleur sait comment<br />

il convient de se comporter<br />

et recommande de payer en liquide,<br />

pour ne pas laisser de traces. Mais il fait<br />

plus fort. « Le jour de la publication de<br />

l’agenda d’Alfred Sirven, [...] sa réaction<br />

n’a pas été diffusée comme prévu au<br />

[...] journal de 20 heures [… de TF1] :<br />

"Moi, j’ai deux agendas. Un vrai carnet,<br />

où je note tous mes rendez-vous et que<br />

je détruis chaque jour. Et un faux, que<br />

je conserve toujours sur moi et où ne<br />

figurent que des noms de magistrats et<br />

leurs numéros de ligne directe…" » [1]<br />

[1] : (« Agenda piégé », Le Canard enchaîné,<br />

14/2/2001, p. 2)<br />

[1] : (Ouchterlony, « The Chinese war : an account of all<br />

the operations of british forces from the commencement<br />

to the treaty of Nankin », Londres, Saunders, 1844)<br />

[2] : (Francis Caballero, « Précis du Droit de la Drogue »,<br />

Dalloz, 3/1989, § 26, pp. 38-39)<br />

[3] : (Christian Bachmann et Anne Coppel, « Le dragon<br />

domestique, deux siècles de relations étranges entre<br />

l’Occident et la drogue », Albin Michel, 5/1989, pp. 188-<br />

189)<br />

[4] : (Patrick Jarreau, « John Kerry, aristocrate de gauche »,<br />

Le Monde, 26/7/2004)<br />

[5] : (Jean-Philippe Cipriani, « John Fitzgerald Kennedy »,<br />

site de Radio Canada, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/jfk/bio-ken.html)<br />

[6] : (Huet & Grimaldi, « La prohibition aux Etats-Unis »,<br />

mémoire DES, 1973)<br />

[7] : (Francis Caballero, op. cit., § 158, p. 206)<br />

[8] : (Didier D., « Libérez Marie-Jeanne, enfermez Jean-<br />

Marie ! », Maintenant, 21/6/1995, http://www.voltairenet.org/article6828.html)<br />

[9] : (La Tribune, 1/6/2003)<br />

[10] : (Christian Bachmann & Anne Coppel, op. cit., p. 455)<br />

[11] : (Julien Caumer, « Les Requins », Flammarion, 1999,<br />

p. 89, cité en partie par François-Xavier Verschave, « Noir<br />

Chirac », les Arènes, 3/2002, p. 37)<br />

[12] : (Michael Levine, « Qu’est-ce qui te dit qu’ils publieront<br />

ton histoire ? – L’arnaque de la guerre contre la<br />

drogue », in Kristina Borjesson, « Black List. Quinze journalistes<br />

américains brisent la loi du silence », Les Arènes,<br />

4/2003, pp. 386-387)<br />

[13] : (Le Monde, 24/11/1988, p. 11 ; Le Monde, 7-<br />

8/7/1985, p. 8 ; Le Monde, 10-11/3/1985, p. 12 ; Le<br />

Monde, 20/2/1988, p. 36 ; Le Monde, 8/3/1988, p. 14 ;<br />

Le Monde, 29/6/1987, p. 14, etc.)<br />

[14] : (Francis Caballero, op. cit., § 470, p. 587)<br />

[15] : (Entretien, Libération, 23-24/3/1991)<br />

[16] : (Francis Caballero, op. cit., § 470, p. 586)<br />

[17] : (Bulletin de l’Assemblée nationale, 26/11/1991)<br />

[18] : (Le Monde, 21/11/1991)<br />

[19] : (Francis Caballero, in Libération, 11/4/1991)<br />

[20] : (Mylène Sauloy & Yves Le Bonniec, « A qui profite la<br />

cocaïne ? », Calmann-Lévy, 9/1992, pp. 170-172)<br />

« Rappelons que sans Pasqua il n'y<br />

aurait eu pour Chirac ni Matignon en<br />

1974, ni appel de Cochin, ni<br />

RPR. » [1] « Entre 1974 et 1993 [...],<br />

Jacques Chirac utilise pleinement le<br />

réseau Pasqua, typiquement stay<br />

behind – de par ses connections avec<br />

la pègre ou par son intimité avec un<br />

personnage comme Etienne Leandri,<br />

collaborateur et mafieux récupéré par<br />

la CIA [Voir « Coup de Main rouge »,<br />

p. 133]. [Par ailleurs,] Elf et les exploitants<br />

forestiers, presque intégralement<br />

néogaullistes, sont truffés<br />

d’agents [...].<br />

En 1986, Chirac s’attache aussi le réseau<br />

de Jacques Foccart, lui-même ancien<br />

relais des stay behind. » [2] [Voir<br />

« Foccart t’as joué », p. 129] Selon le président<br />

Chirac, Pasqua « était en 1986<br />

l’un des hommes les plus puissants de<br />

France ». [3]<br />

Pasqua, comme Foccart a bien servi<br />

dans l’ombre de de Gaulle. « Trois jours<br />

à peine après que de Gaulle eût appelé<br />

ses fidèles au Rassemblement du Peuple<br />

Français, Pasqua créait la section<br />

Alpes-Maritimes du RPF, le 10 avril 1947.<br />

Et tout naturellement, il se fit un nom<br />

dans la mise en place des services<br />

d'ordre et dans la minutieuse préparation<br />

des meetings gaullistes. Ainsi sut-il<br />

retenir l'attention du Grand Organisateur<br />

du RPF, Jacques Foccart, […]<br />

l'homme de toutes les activités souter-<br />

147 Franc du Collier


aines et parallèles du gaullisme. […]<br />

Ricard doit aussi beaucoup à Pasqua. Il<br />

sut terroriser [… les concurrents et]<br />

conquérir le terrain. […] Pasqua a à lui<br />

seul créé la civilisation Ricard. […]<br />

Il cédait à sa passion du service d'ordre.<br />

Il a ainsi participé à la création du SAC<br />

(Service d'Action Civique), jusqu'à devenir<br />

patron du SAC de Marseille et<br />

vice-président du SAC national. C'était<br />

le temps où, dans les manifestations<br />

officielles, la police, ulcérée, devait laisser<br />

passer les gros<br />

bras porteurs de la<br />

fameuse carte tricolore.<br />

Histoire du SAC difficile,<br />

opaque, quand<br />

le silence épais des<br />

barbouzes "au parfum"<br />

cachait machination,<br />

racket, hold-up ou pis,<br />

de Strasbourg à<br />

Saint-Laurent-du-Pont.<br />

[…] Fidèles parmi les<br />

fidèles, on reconnaîtra<br />

quelques Pasqua-Boys :<br />

[… Patrick] Devedjan,<br />

son avocat [venu de<br />

l'extrême-droite, Nicolas Sarkozy, et<br />

d’autres].<br />

Le 30 mai 68, Super-Pasqua l'Organisateur<br />

sauve la Patrie en rassemblant dans<br />

l'ordre un million de braves Français sur<br />

les Champs-Elysées, bien encadrés par<br />

un [Service d’Ordre] qui terrorise les<br />

contestataires. Mai 68 s'achève en campagne<br />

électorale. Pasqua est dirigé par<br />

Roger Frey vers le nouveau département<br />

des Hauts-de-Seine. […] Comme tout<br />

gaulliste cette année-là, Pasqua est<br />

élu. » [4]<br />

En « 1972, le quotidien new-yorkais<br />

Newsday publie une série d'articles intitulés<br />

"The Heroïn Trails" [...,] enquête au<br />

Canada sur les agissements, dans les<br />

années 60, de Jean Venturi, représen-<br />

Franc du Collier 148<br />

tant local de la firme Ricard, dont le<br />

supérieur hiérarchique direct avait été à<br />

l'époque Charles Pasqua, directeur des<br />

ventes à l'export.<br />

Après avoir obtenu confirmation auprès<br />

des services de police compétents du<br />

document du bureau américain des narcotiques<br />

incriminant Jean Venturi dans<br />

un trafic d'héroïne à destination des<br />

États-Unis, les journalistes new-yorkais<br />

arrivent à Paris pour remonter cette<br />

ramification de la célèbre French<br />

Connection. [...]<br />

L'opacité de la firme<br />

Ricard ne leur a pas<br />

permis d'établir la<br />

vraie nature et l'ancienneté<br />

des liens<br />

unissant Pasqua et<br />

Venturi. Au moins<br />

ceux-ci étaient-ils liés<br />

par une réalité hiérarchique<br />

au moment de<br />

la cavale de Venturi,<br />

en 1967. » [1]<br />

« Au moment où<br />

Pasqua a Jean Venturi<br />

sous ses ordres, il ne<br />

peut absolument pas ignorer les activités<br />

de son représentant, puisqu’elles ont fait<br />

l’objet d’une fiche du F.B.I. publiée aux<br />

Etats-Unis, qu’il y a à Marseille un copieux<br />

dossier de police consacré aux Frères<br />

Venturi [Voir « Barricades Academy »,<br />

p. 120] et que le nom de Venturi ne peut<br />

à l’époque en aucune façon être ignoré<br />

du moindre directeur commercial de la<br />

région marseillaise. » [5]<br />

« Au Maroc, Charles Pasqua a noué au<br />

temps de la fusion Pernod-Ricard<br />

d'étroites relations avec le roi Hassan<br />

II. » [1] Trente ans plus tard, l’homme<br />

est fidèle au poste. Au début de<br />

1996, par exemple, « Charles Pasqua<br />

s'est rendu secrètement au Maroc […].<br />

Inquiète des rumeurs sur l'état de santé


du souverain [Hassan II], la France craint<br />

que le prince Sidi Mohamed ne soit pas<br />

officialisé comme héritier […].<br />

Simultanément dans sa dernière livraison,<br />

le mensuel Maintenant publie [6] la<br />

déposition de Jacqueline Hémard<br />

devant la justice américaine. Cette<br />

citoyenne française, belle-fille du fondateur<br />

du groupe [Pernod Ricard] affirme<br />

que sa vie est en danger en France. Elle<br />

accuse Charles Pasqua d'être un des parrains<br />

de la drogue. » [7]<br />

Les réseaux peuvent en effet compter<br />

sur plusieurs hommes-clés. « Né au<br />

Maroc, Michel Roussin [Voir « Ça sent le<br />

Roussin ! », p. 132] a été un parfait intermédiaire<br />

avec le royaume chérifien.<br />

Charles Pasqua y évoluait aussi parfaitement<br />

à son aise, depuis l’époque où le<br />

Sdece, le SAC (Service d’action civique)<br />

et ses amis corses y avaient installé, avec<br />

la bénédiction du roi et la couverture de<br />

Pernod-Ricard, des laboratoires de transformation<br />

de la cocaïne. C’est du moins<br />

ce dont l’accuse depuis [... 1996]<br />

Jacqueline Hémard, sans que cela ait<br />

donné lieu à la moindre plainte en justice.<br />

[D’ailleurs,] Hicham Mandari, ancien<br />

"conseiller spécial" du Roi, affirme avoir<br />

vu une instruction du Palais à la gendarmerie,<br />

ordonnant de ne jamais interpeller<br />

un camion Pernod-Ricard.<br />

Aujourd’hui encore, la production de<br />

cannabis rapporte chaque année 2 à 3<br />

milliards d’argent sale au Maroc. Le<br />

Palais contrôle l’essentiel de la filière (Cf.<br />

les enquêtes de l’Observatoire géopolitique<br />

des drogues – qui entraînèrent sa<br />

disparition, par suppression des subventions<br />

[...]). Ceci sans compter les drogues<br />

dures. [... D'un autre côté, pour] la campagne<br />

présidentielle [française] de<br />

1995, Hassan II aurait apporté l’équivalent<br />

de 54 millions d’euros [8]. Après<br />

l’élection, la première visite officielle de<br />

Jacques Chirac a été pour le Maroc. » [9]<br />

« A la suite de [la] déposition [de<br />

Jacqueline Hémard] et des vérifications<br />

d'usage, le gouvernement des États-Unis<br />

lui a [chose rarissime] accordé l'asile politique.<br />

Dans les milieux proches des "services<br />

français", on souligne la mauvaise<br />

manière de leurs homologues américains<br />

qui contrôlent déjà le marché mondial<br />

de la cocaïne et ne supportent plus<br />

le contrôle français des marchés de l'héroïne<br />

et du cannabis. » [7]<br />

C’est aussi ce que dit aussi le fâcheux<br />

"porte-plume" du super-gendarme Barril,<br />

Jean-Paul Cruse, « qui en connaît luimême<br />

un rayon » [10] : « La guerre de<br />

l’héroïne n’oppose en réalité, à ce<br />

moment, que les "services" rivaux des<br />

puissances de premier plan, et la France<br />

n’entend pas abandonner aux excellents<br />

alliés américains ces routes de l’opium<br />

brun, raffiné en poudre blanche, devenues<br />

aussi, qu’on le veuille ou non, des<br />

routes stratégiques du renseignement et<br />

de l’action secrète. » [11]<br />

Le commanditaire est présenté comme<br />

un rival ; mais les USA sont en fait conciliants.<br />

« Le réseau stay behind a ainsi<br />

toujours protégé le narcotrafic de ses<br />

alliés, depuis les cubains anti-castristes<br />

jusqu’aux talibans afghans [Voir « Fumeux<br />

? C’est de l’afghan ! », p. 598]. [...]<br />

Dans la mouvance de la mafia sicilienne,<br />

la mafia corse a tenu un rôle analogue.<br />

Elle ne pèse évidemment pas autant que<br />

l’italienne, mais elle a joué un rôle clé<br />

dans le financement de la guerre<br />

d’Indochine. Elle est l’un des piliers de la<br />

Françafrique foccartienne, léguée à<br />

Jacques Chirac. » [12] Les recettes restent.<br />

Est-ce encore là un pyromane incendiaire<br />

? En 1970, Charles Pasqua fait adopter<br />

une loi très répressive pour les<br />

consommateurs de stupéfiants illicites.<br />

« La Convention unique, pierre angulai-<br />

149 Franc du Collier


e du droit international des stupéfiants,<br />

ne prévoit pas la pénalisation de l’usager.<br />

[...] La criminalisation de<br />

l’usager est donc une mesure de législation<br />

d’exception française, qui ne se justifieaucunement<br />

par les<br />

règlements internationaux<br />

et<br />

européens. » [13]<br />

« Le projet prévoyaitégalement<br />

la possibilité<br />

de placer<br />

l’inculpé en<br />

détention provisoire<br />

s’il ne<br />

respectait pas<br />

son obligation<br />

de soins et<br />

d’aggraver à<br />

deux ans d’emprisonnement les peines<br />

applicables à l’usager simple [14]. » [15]<br />

Voici un homme qui sait utiliser de la dialectique<br />

!<br />

« Charles Pasqua [...] admet que sa fortune<br />

est faite dès le début des années<br />

soixante-dix. Et pourtant il va servir le<br />

jeune loup Jacques Chirac, l’aider à<br />

conquérir l’Hôtel de Ville de Paris, organiser<br />

ses meetings monstres, "chauffer"<br />

les militants, monter des coups, écarter<br />

les gêneurs, faire sauter les obstacles à<br />

l’ascension du "Grand" - malgré l’ultime<br />

faux pas de 1995. » [16]<br />

« La presse a salué la réélection de<br />

Charles Pasqua à la présidence du<br />

conseil général des Hauts-de-Seine » [17],<br />

le département le plus riche de France<br />

(et où, cu<strong>rieuse</strong>ment, ses subventions<br />

permettent qu’on soit assez humain avec<br />

les toxicomanes, ce qui les assagit).<br />

Mais il dut plus tard céder cette place à<br />

l’ami Sarkozy [Voir « Le syndrome de<br />

Narkozy », p. 664]. Cependant, « Charles<br />

Franc du Collier 150<br />

Pasqua [... fut] candidat aux sénatoriales<br />

dans les Hauts-de-Seine [... avec] la certitude<br />

d’être élu [... et salivant] à la perspective<br />

d’une nouvelle immunité parlementaire<br />

qui n’empêche pas l’instruction<br />

mais bloque toutes les mesures contraignantes.<br />

» [18]<br />

On s’acharne contre lui ; pourtant,<br />

« Charles, lui, ne possède rien, même<br />

pas son appartement de Neuilly, que,<br />

par modestie sans doute, il loue. » [19]<br />

[1] : (Americano Gansia, « Pasqua : les questions sans<br />

réponse. De la French Connection à Matignon ? »,<br />

Maintenant, 22/2/1995, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le6800.html)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 271)<br />

[3] : (Jacques Chirac devant ses troupes, rapporté par Le<br />

Canard enchaîné, 28/7/2004, p. 2, cité par Pierre<br />

Caminade, « Ils ont dit… Françafrique », Billets d’Afrique,<br />

9/2004, p. 9, http://www.survie-france.org/IMG/pdf/Nu<br />

m128.pdf)<br />

[4] : (Fidel Alibi, « Bon anniversaire monsieur Pasqua »,<br />

Zéro, n° 8, 5/1987, pp. vii-ix)<br />

[5] : (Alain Jaubert, « Dossier D… comme drogue. Le<br />

Milieu et le Politique… les Gros Bonnets… les Financiers et<br />

les Filières… En France », Alain Moreau, 1973, p. 345)<br />

[6] : (« Une famille en or », reproduit in Maintenant,<br />

20/3/1996, http://www.voltairenet.org/article6816.html)<br />

[7] : (Réseau Voltaire, « Pasqua connection », (RV<br />

96/0251), 1/4/1996)<br />

[8] : (Témoignage d’Hicham Mandari à Francis<br />

Christophe, 9/2001)<br />

[9] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 196)<br />

[10] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 171)<br />

[11] : (Jean-Paul Cruse, « Un corbeau au cœur de l’Etat »,<br />

éditions du Rocher, 9/1998, p. 127)<br />

[12] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 64)<br />

[13] : (Xavier Colle, « Les Drogues en vente libre. Pour ou<br />

contre la dépénalisation ? », Prat éditions, 10/2000, p. 160)<br />

[14] : (Le Monde, 4/11/1986, p. 44)<br />

[15] : (Francis Caballero, « Précis du Droit de la Drogue »,<br />

Dalloz, 3/1989, p. 516 n. 1)<br />

[16] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 142)<br />

[17] : (« Pasqua rattrapé par son fils », Le Canard enchaîné,<br />

5/3/2003, p. 2)<br />

[18] : (« Pasqua a toujours des dents », Le Canard enchaîné,<br />

15/9/2004, p. 2)<br />

[19] : (« La chansonnette de Marchiani », Le Canard<br />

enchaîné, 29/12/2004, p. 3)


« En 1968, le SAC a reçu [… beaucoup]<br />

d’armes […]. Pendant la puissante<br />

grève générale de cette annéelà,<br />

de Gaulle projetait une grande<br />

rafle […], à la manière des rafles de<br />

1942 ou encore de l’opération menée<br />

à bien, cinq ans plus tard […] par le<br />

général Pinochet au Chili. […<br />

Quelques] mois après le coup chilien<br />

[du 11 septembre… 1973,] Libération<br />

[1] a publié un document » [2]<br />

« émanant du S.A.C. Daté du 24 mai<br />

1968, il porte le timbre "diffusion restreinte"<br />

et contient une liste de noms<br />

et d'adresses [… de] marseillais "à<br />

regrouper" au stade de l'Huveaune<br />

ou au stade vélodrome "en cas de<br />

clash et sur ordre de Paris". Cette liste<br />

provient selon le document lui-même<br />

de la D.S.T.<br />

[…Puis Libération] publie [3] un document<br />

du même genre, prouvant que<br />

ces listes […] avaient été fournies au<br />

S.A.C. par la D.S.T. [… et] apporte [4]<br />

la preuve indiscutable que, loin d'être<br />

limitée à Marseille, l'"opération<br />

stades" était planifiée rationnellement<br />

et produit des documents intéressant<br />

notamment Grenoble et Lyon ». [5]<br />

C’est ainsi qu’on « reçut de la D.S.T.<br />

les listes mécanographiées de<br />

citoyens français connus pour leurs<br />

opinions de gauche, d'extrême<br />

gauche ou pour leurs activités de syndicaliste,<br />

et à regrouper dans les<br />

stades. [... Et le 24 mai] au soir [ces<br />

listes] ont été diffusées dans les provinces<br />

» [6]<br />

Peu après les révélations de Libé, toujours<br />

« en mars 1974, le Nouvel<br />

Observateur a déclaré que les<br />

preuves présentées "confirment que,<br />

en mai 1968, des dispositions avaient<br />

été prises par les polices officielles et<br />

parallèles pour s’emparer de certaines<br />

personnes, dans le cas où la situation<br />

aurait évolué dans un sens défavorable<br />

pour le pouvoir. À la fin de la<br />

semaine dernière, aucun service<br />

n’avait contesté l’authenticité de ce<br />

document."<br />

D’après les journalistes qui ont pu<br />

examiner les listes, "l’opération<br />

stades" concernait au moins 41 villes<br />

et prévoyait une première vague d’internements<br />

de 52 400 personnes, soit<br />

connues pour leurs activités politiques<br />

ou syndicales, soit simplement abonnées<br />

à des revues "mal pensantes".<br />

L’opération a été annulée à la dernière<br />

minute, par la crainte parfaitement<br />

justifiée qu’au lendemain de la grande<br />

rafle, la découverte des agissements<br />

nocturnes du régime, loin d’affaiblir<br />

la grève générale, la transforme<br />

en insurrection. » [2]<br />

[1] : (Libération, 25/2/1974)<br />

[2] : (Greg Oxley, « Le RPF et le Service d’Action<br />

Civique, ou la “tradition démocratique” du mouvement<br />

gaulliste », la Riposte n° 15, 9/5/2002, reprod.<br />

in http://www.bugbrother.com/article265.html)<br />

[3] : (Libération, 4/3/1974)<br />

[4] : (Libération, 14/3/1974)<br />

[5] : (Patrice Chairoff, « Dossier B ... comme<br />

Barbouzes », Alain Moreau, 1975, pp. 46-47)<br />

[6] : (Patrice Chairoff, op. cit., p. 312)<br />

151 Franc du Collier


« Né le 6 août 1943 à Bastia, Jean-<br />

Charles Marchiani a poursuivi des<br />

études au petit séminaire d'Ajaccio<br />

avant de rejoindre, à l'âge de 19 ans,<br />

les services secrets français. » » [1]<br />

« Comme le noyau dur du parti gaulliste,<br />

il entame sa carrière sous la bannière<br />

de l’anticommunisme. » [2]<br />

« Après avoir reçu une formation au 8 e<br />

RPIMa à Castres » [1], « il est intégré à 25<br />

ans au Sdece (future DGSE) [dont il<br />

devient délégué], affecté à la section K<br />

(anti-PCF, anti-KGB), [...] au Service 6,<br />

ultra-gaulliste, lié à Foccart, et qui<br />

manipule les "honorables correspondants".<br />

C’est la "base Bison", située dans<br />

les mêmes bâtiments que la Sécurité militaire<br />

[3]. » [2] [Voir « Foccart t’a<br />

joué », p. 129]<br />

« En 1969, [... il est donc] à la section<br />

6 du SDECE, une cellule dévoyée qui<br />

tenta de déstabiliser le [futur] président<br />

Pompidou en diffusant des photomontages<br />

censés compromettre son épouse.<br />

Un intermédiaire, jouant probablement<br />

le rôle de [maître chanteur], Stefan<br />

[Markovic], garde du [corps] d'Alain<br />

Delon, fut éliminé. M. Marchiani a toujours<br />

nié avoir participé à cette manipulation<br />

et a obtenu condamnation des<br />

journaux qui l'avaient mis en cause sans<br />

en apporter la preuve. [... Dès lors],<br />

Jean-Charles Marchiani apparaît [...]<br />

proche de Charles Pasqua » [1] [Voir<br />

« Hisse Pasqua », p. 147]. « Pompidou,<br />

sitôt élu, fait exclure Marchiani.<br />

Celui-ci restera pourtant toute sa vie<br />

dans la nébuleuse des Services [...] ; Au<br />

Sdece, il semble avoir eu le temps de for-<br />

Franc du Collier 152<br />

mer Roger Delouette, qui se mouillera<br />

dans la French Connection et se fera<br />

arrêter en 1971, pour l’exemple – bien<br />

tardif [...] [Voir « Delouette, Je te plumerai<br />

», p. 153]. Marchiani se recycle au<br />

SAC et dans la lutte antisyndicale » [2]<br />

« De 1970 à 72, il organise les milices<br />

patronales chez Peugeot SA. De 1972 à<br />

85, il exerce des fonctions de directeur<br />

du personnel et de chargé de la sécurité<br />

[et de la lutte antisyndicale] dans des<br />

filiales d'Air France. » [1]<br />

« En 1986, Marchiani pénètre [visiblement]<br />

au cœur du système. Charles<br />

Pasqua le prend au ministère de<br />

l’Intérieur pour traiter les effets non désirés<br />

d’un raté de la dissémination nucléaire<br />

américano-française : la guerre menée<br />

par l’Iran, avec des vagues d’attentats et<br />

de prises d’otages, pour récupérer sa<br />

part d’uranium enrichi dans l’usine<br />

Eurodif et fabriquer sa bombe atomique.<br />

[Voir « Besse de régime », p. 211] [...]<br />

Désormais familier des fabricants, trafiquants<br />

et intermédiaires en armement, y<br />

compris les moins recommandables<br />

[Voir « Il est canon », p. 650], il connaît<br />

les ingrédients d’une négociation réussie.<br />

Il décroche la libération des otages<br />

français détenus au Liban juste avant le<br />

scrutin présidentiel de 1988 [4] : un<br />

superbe cadeau pour le candidat<br />

Chirac... qui ne suffira pas à le porter à<br />

l’Elysée. » [2]<br />

« De 1988 à 93, il est affecté auprès du<br />

chevènementiste Alain Gomez [Voir<br />

« Jouer le jeu vainement ? », p. 229] à la<br />

direction du groupe Thomson [..., tout<br />

en étant] depuis 1989 conseiller du<br />

Commerce extérieur de la France. » [1]<br />

« En 1993-95, il revient au cabinet du<br />

ministre de l'Intérieur dans les bagages<br />

de Charles Pasqua. » [1] « Charles<br />

Pasqua a attendu [... le] vingtième anniversaire<br />

de la mort de Pompidou, en


avril 1994, pour faire nommer Marchiani<br />

préfet. Il lui fit ensuite attribuer la Légion<br />

d'honneur le 1er janvier 1995. » [5]<br />

« En 1995, il négociera avec autant d'efficacité<br />

[qu’en 1998 au Liban] la libération<br />

des pilotes français otages des<br />

forces serbes. [... Contre] l'avis d'Alain<br />

Juppé, [... il] est nommé préfet du Var. Il<br />

s'y caractérise par un appui soutenu au<br />

maire (FN) de Toulon, Jean-Marie Le<br />

Chevalier, et une opposition virulente à<br />

Gérard Paquet (PR) et Robert Gaïai<br />

(PS). » [1] « On ne plaisante pas avec la<br />

Préfecture. » [6] « En 1995, alors qu'il est<br />

déjà préfet du Var, Jean-Charles<br />

Marchiani apparaît dans le sillage d'une<br />

société écran, la Brenco, qui réalise des<br />

opérations triangulaires de ventes<br />

d'armes, fabriquées dans l'ex-bloc soviétique,<br />

à destination de l'Angola et de la<br />

narco-dictature birmane [Voir « Fort<br />

Angola », p. 645].<br />

En 1997, Jean-Charles Marchiani est<br />

nommé secrétaire général de la zone de<br />

Défense de Paris. » En 1999, il est cofondateur<br />

« avec Charles Pasqua du Rassemblement<br />

pour la France (RPF) [à ne pas<br />

confondre avec le Rassemblement du<br />

Peuple Français [RPF] de de Gaulle à la<br />

Libération], flirtant volontiers avec l’extrême-droite<br />

[...].<br />

Honorable correspondant du Sdece, il a<br />

des opérations financières inexpliquées<br />

avec des paradis fiscaux. » [2] « Des<br />

dizaines de millions ont transité par des<br />

cagnottes suisses du préfet Marchiani<br />

». [7] Alors, finalement, il est « mis en<br />

cause dans de nombreux dossiers de<br />

pots-de-vin (ventes d’armes vers<br />

l’Angola, chars Leclerc, tris de bagages à<br />

Roissy, ventes de frégates au Koweït…)<br />

[... et, le 2 août 2004, le juge Philippe<br />

Courroye] demandait sa mise en détention<br />

» [8].<br />

Puis « l'ancien préfet du Var a été remis<br />

en liberté [... ; il] affirme avoir été payé<br />

pour remplir des “missions secrètes pour<br />

le gouvernement” mais l'accusation<br />

pense qu'il a monnayé son influence<br />

frauduleusement auprès de sociétés privées.<br />

[...] Jean-Charles Marchiani a<br />

appris en prison sa réintégration comme<br />

préfet “hors cadre” (sans affectation), un<br />

poste rémunéré par l'Etat. » [9] En<br />

appel : quatre ans fermes et 400.000<br />

euros d'amende [10]. A suivre ?<br />

[1] : (« Activation d'un niveau supérieur du plan<br />

Vigipirate », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

3/6/1998, http://www.voltairenet.org/article1067.html)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 143-145)<br />

[3] : (Eric Lemasson, « Marchiani. L’agent politique », Seuil,<br />

3/2000, pp. 39 sqq.)<br />

[4] : (Eric Lemasson, op. cit., pp. 136 sqq.)<br />

[5] : (Americano Gansia, « Pasqua : les questions sans<br />

réponse. De la French Connection à Matignon ? »,<br />

Maintenant, 22/2/1995, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le6800.html)<br />

[6] : (Jacques Ancelot, « L’Important », acte III, sc. 5)<br />

[7] : (Nicolas Beau, « Des dizaines de millions ont transité<br />

par des cagnottes suisses du préfet Marchiani », Le Canard<br />

enchaîné, 2/5/2201, p. 3)<br />

[8] : (Nicolas Beau, « Derrière les malheurs de Marchiani,<br />

il y a Falcone et l’enjeu du pétrole angolais », Le Canard<br />

enchaîné, 4/8/2004, p. 3)<br />

[9] : (« Jean-Charles Marchiani, libéré pour 500.000<br />

euros », Libération, 21/2/<strong>2005</strong>)<br />

[10] : (http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Charles_Marchiani)<br />

Même si les quantités maniées<br />

actuellement sont bien plus<br />

importantes, il est bon de revenir<br />

sur les débuts du business. « Le 5 avril<br />

1971, Roger Delouette est appréhendé<br />

à Port-Elisabeth (New Jersey, U.S.A.)<br />

alors qu’il prend livraison de son véhicule<br />

» [1], « un minibus Volkswagen » [2],<br />

« arrivé par bateau du Havre et dans<br />

lequel les services des douanes vont<br />

découvrir plus de 49 kilos d’héroïne. [...<br />

Le] 16 novembre 1971, le grand jury de<br />

153 Franc du Collier


Newark – à la suite des révélations faites<br />

par Delouette – inculpe Paul Fournier,<br />

colonel du S.D.E.C.E., de participation à<br />

une conspiration visant à importer aux<br />

Etats-Unis de l’héroïne pour une valeur<br />

marchande de 12.000.000 de dollars.<br />

C’est le véritable début de "l’affaire<br />

Delouette". » [1]<br />

« Roger Delouette, ingénieur agronome,<br />

[travaillait] pour les services de renseignement<br />

français. Proche du colonel<br />

Roger Barberot [Voir « Jouer le jeu vainement<br />

? », p. 229] [... qui] l’engage au<br />

printemps 1968 lorsqu’il a pris la direction<br />

du BDPA, un office paragouvernemental<br />

[... censé] assurer une coopération<br />

technique, sur le plan agricole, avec<br />

les pays en voie de développement.<br />

L’organisme sert surtout de couverture à<br />

des agents du SDECE pour leur mission<br />

dans le tiers-monde. » [3]<br />

Franc du Collier 154<br />

Arrêté, « Roger Delouette [...] dénonce<br />

la filière dont il dépend et accuse Jean-<br />

Charles Marchiani d'être l'un des chefs<br />

du réseau issu de la "French connection".<br />

» [4] « Delouette revendique le<br />

tutorat de Marchiani. Ses relations sont<br />

avérées avec ce dernier [...]. Il affiche<br />

une éthique pasquaïenne :<br />

"Malheureusement, ou heureusement<br />

[...], les services de renseignements sont<br />

toujours à court d’argent. Même la CIA<br />

[...]. Quand la CIA s’est lancée dans le<br />

trafic de drogue au moment de la guerre<br />

du Vietnam, c’était pour financer des<br />

opérations pour lesquelles elles avaient<br />

besoin d’argent que le Sénat ne voulait<br />

pas voter. [...] Il faut toujours des caisses<br />

noires, sinon on ne peut pas financer<br />

des trucs qui paraissent aberrants." [5]<br />

Dans ses aveux, Delouette déclare<br />

[... qu’il] s’agissait d’alimenter la caisse<br />

noire d’un réseau de renseignement [6].<br />

[...] Cette piste est confortée par les<br />

mémoires d’ex-agents américains, selon<br />

lesquels "l’argent provenant d’un trafic<br />

de diamants lié aux réseaux Foccart<br />

[sans doute du Centrafrique de Bokassa<br />

ou du Zaïre de Mobutu] était réinvesti<br />

dans le commerce de l’héroïne vers<br />

l’Amérique, pour en tirer de gros profits<br />

et financer d’autres sales boulots en<br />

Afrique." [7] » [8] Blancs comme neige<br />

en Afrique noire.<br />

[1] : (Patrice Chairoff, « Dossier B… comme barbouzes »,<br />

Alain Moreau, 10/1975, p. 383)<br />

[2] : (Fabrizio Calvi et Frédéric Laurent, « France Etats-Unis<br />

50 ans de coups tordus », Albin Michel, 3/2004, p. 245)<br />

[3] : (Fabrizio Calvi et Frédéric Laurent, op. cit., p. 247)<br />

[4] : (« Activation d'un niveau supérieur du plan<br />

Vigipirate », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

3/6/1998, http://www.voltairenet.org/article1067.html)<br />

[5] : (Eric Lemasson, « Marchiani. L’agent politique », Seuil,<br />

3/2000, p. 76)<br />

[6] : (Eric Lemasson, op. cit., pp. 92-94)<br />

[7] : (« Dirty Work », t. 2, « CIA in Africa », Lyle Stuart Inc.,<br />

1979, p. 31)<br />

[8] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 144)<br />

[9] : (« Jean-Charles Marchiani libéré pour 500.000 euro »,<br />

Libération, 21/2/<strong>2005</strong>, http://www.liberation.fr/<strong>page</strong>.ph<br />

p?Article=277322)


« Charlie Lascorz a monté, pendant<br />

les événements de mai [1968], des<br />

groupes d’intervention anti-gauchistes<br />

[…]. Ces commandos sont dirigés<br />

par Bob Denard » [1] « Puis [avec<br />

les accords de Grenelle] la tension<br />

baisse […], l’opération stades [Voir<br />

« StadeS de France », p. 151] n’a pas<br />

lieu et on s’achemine vers la préparation<br />

de la manifestation "spontanée",<br />

le raz de marée gaulliste du 30<br />

mai. Le S.A.C. […] a la charge de<br />

l'organisation de la manifestation<br />

du 30 mai 1968, et plus particulièrement<br />

Charles Pasqua et Charly<br />

Lascorz. » [2]<br />

« Le 10 décembre 1971, éclate "l'affaire<br />

[…] de l'E.T.E.C." ou "l'affaire Charly<br />

Lascorz" […] caractéristique des mœurs<br />

du régime [3] […et] modèle des officines<br />

de chantage qui se pro<strong>page</strong>nt en France<br />

- et parfois en Europe - et constituent un<br />

marché florissant. [… Bien particulières<br />

sont ses] "études techniques, économiques<br />

et commerciales" : l'officine a<br />

pour objet de faire de l'argent par le racket,<br />

l'extorsion de fond, de titres, de<br />

signatures, le trafic d'influence » [4],<br />

« l’extorsion de fonds et les missions de<br />

renseignements pour le compte de<br />

divers services de police » [5]. « Lascorz<br />

et son équipe s'attaquent en priorité à<br />

des personnalités compromises dans des<br />

affaires illégales, mais personne n'est à<br />

l'abri de leurs exactions. […] En juillet<br />

1971, Charly Lascorz lance son opération<br />

de chantage. Sa première victime,<br />

un maire U.D.R. de banlieue, paye sans<br />

discuter […]. Au moment où l'opération<br />

va s'amplifier, Lascorz est trahi par ses<br />

propres troupes. » [6]<br />

« Décembre 1971. La police met sous les<br />

verrous la bande à Charly Lascorz […,<br />

mais pas lui]. Les hommes de la bande<br />

sont presque tous des membres du SAC.<br />

Lascorz est un des fondateurs et un<br />

ancien dirigeant du SAC pour le Sud-<br />

Ouest. » [5] « Les cartes [tricolores] du<br />

S.A.C., Charlie Lascorz les distribuait<br />

généreusement autour de lui. […] Dès<br />

que l'on est assuré du silence de Lascorz,<br />

muselé par la promesse d'une peine<br />

minime et d'une contrepartie financière,<br />

[… il] est incarcéré à la Santé. Il y passe<br />

six mois […], le juge d'instruction […]<br />

qui avait diagnostiqué "une affaire<br />

d'Etat" est remplacé […]. Le manque<br />

d'enthousiasme des individus rackettés,<br />

grugés, exploités par les barbouzes,<br />

pour porter plainte, ou tout simplement<br />

témoigner, apparaît évident. […]<br />

Lascorz et son E.T.E.C. ont fait des<br />

155 Franc du Collier


émules et on estime à une vingtaine le<br />

nombre d'officines, bureaux et organisation<br />

qui, au printemps 1975, avaient<br />

pour fonction essentielle le chantage<br />

politique ou économique. Une vingtaine<br />

pour la France et les pays limitrophes,<br />

dont au moins huit fonctionnent simultanément<br />

à Paris sous les aspects les plus<br />

divers : personnel intérimaire, bureau<br />

d'études, instituts de sondages ainsi que<br />

les inévitables firmes d'import-export et<br />

agences de publicité. » [7]<br />

[1] : (Patrice Chairoff, « Dossier B… comme Barbouzes »,<br />

Alain Moreau (poche), 1975, p. 40)<br />

[2] : (Patrice Chairoff, op. cit., p. 38)<br />

[3] : (Cf. Alain Jaubert, « Dossier D… comme Drogue »,<br />

Alain Moreau, 1973)<br />

[4] : (Patrice Chairoff, op. cit., pp. 361-362)<br />

[5] : (Alain Jaubert, op. cit., pp. 404-405)<br />

[6] : (Patrice Chairoff, op. cit., pp. 362, 366)<br />

[7] : (Patrice Chairoff, op. cit., pp. 363, 366-367, 369)<br />

Le principe est bien connu : « En nous<br />

mettant le canon du revolver sur la<br />

poitrine, on nous a réclamé cent francs ;<br />

nous avons payé les cent francs : alors<br />

on nous a réclamé deux cents francs,<br />

toujours sous la menace du revolver.<br />

Enfin le dictateur a bien voulu se<br />

contenter de 190 francs, à condition<br />

que nous lui promettions nos faveurs<br />

pour l’avenir. » [1]<br />

Un modèle : « Charlie Lascorz dont le travail<br />

consistait à organiser des parties<br />

fines, à inviter des personnalités et à les<br />

piéger en les filmant, en les photographiant.<br />

Ensuite les gens se trouvaient<br />

confrontés à des chantages, qui<br />

n'étaient pas seulement financiers, mais<br />

qui pouvaient s'apparenter à un trafic<br />

d'influence. [… Et] actuellement, organi-<br />

Franc du Collier 156<br />

ser une partie fine et introduire au cours<br />

de la soirée des mineurs avec prise de<br />

photos, ça piège tous les participants.<br />

[… On voit] mal comment certains<br />

groupes se priveraient de cette arme qui<br />

peut leur procurer des parcelles de pouvoir<br />

et de l'argent. » [2]<br />

Plusieurs francs « maçons ont évoqué<br />

[...] les "méthodes dignes des pires séries<br />

noires, utilisées par certains frères pour<br />

compromettre leurs honorables associés"<br />

[3] : l’utilisation de lieux de partouze<br />

avec des miroirs sans tain permettant<br />

de prendre des photos. Avec des<br />

mineurs au besoin […].<br />

Eduquée par le grand frère Alfred<br />

Sirven, Christine Deviers-Joncour décrit<br />

ce procédé dans son roman [4] […].<br />

Basé sur les confessions enregistrées de<br />

Chantal Pacary, le vrai-faux roman […]<br />

de Denis Robert [5], montre comment<br />

un grossium de la corruption et de la<br />

GLNF, Michel Pacary, mari de Chantal,<br />

faisait de ce procédé un usage systématique,<br />

dans un manoir normand.<br />

Les dictateurs françafricains ont vite<br />

compris l’intérêt de ce système. Ainsi,<br />

tout le monde se tient par la barbichette.<br />

Certains font même une philosophie<br />

de cette variante fusionnelle du "Temple<br />

de l’humanité", en référence à de vieux<br />

rites magiques ou religieux qui<br />

incluaient de telles pratiques. Il existe en<br />

effet des branches ésotériques, aliénées


ou foldingues de ces "chevaleries"<br />

secrètes mises en branle par Franck<br />

Wisner, le premier patron du stay<br />

behind. » [6]<br />

« C’est comme pour les détournements de<br />

fonds et de subventions, il ne faut laisser<br />

personne de côté. Mais qu’il s’agisse d’une<br />

histoire de gros sous ou de fesses, chacun<br />

dans le milieu pourrait vous rassurer : l’extrême<br />

droite est d’une totale correction. [...]<br />

La vie privée des politiques n’intéresse les<br />

journalistes sérieux que lorsqu’elle sort de<br />

nos frontières. [... On s’en étonnait il y a<br />

quelques années :] La Belgique reste sous<br />

le choc de cette invraisemblable affaire<br />

Dutroux et de ses réseaux pédophiles dans<br />

les beaux milieux [Voir « Marque du<br />

trou », p. 168] [...] mais c’était en<br />

Belgique, n’est-ce pas ! [...] Dormez tranquilles,<br />

braves gens. Rien à signaler officiellement<br />

sur ce front-là non plus. N’allez pas<br />

prétendre que c’est bizarre. » [7]<br />

[1] : (Winston Churchill, Discours à la Chambre des<br />

Communes du 5/10/1938 sur l’accord de Munich, trad.<br />

Mme Priestman-Bréal)<br />

[2] : (« Pédocriminalité : l'enquête qui accuse. Serge<br />

Garde, coauteur du "Livre de la honte" témoigne »,<br />

Entretien avec Enrico Porsia, Les Enquêtes interdites -<br />

amnistia.net, http://www.amnistia.net/news/articles/pedcrim/sgarde.htm,<br />

entretien vidéo lié)<br />

[3] : (Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, « Les<br />

Frères invisibles », Albin Michel, 2001, p. 141)<br />

[4] : (Christine Deviers-Joncour, « Relation publique »,<br />

Pauvert, 1999)<br />

[5] : (Denis Robert, « Tout va très bien puisque nous<br />

sommes en vie », Stock, 1998)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 79)<br />

[7] : (Daniel Carton, « "Bien entendu… c’est off". Ce que<br />

les journalistes politiques ne racontent jamais », Albin<br />

Michel, 1/2003, pp. 188-189, 194)<br />

« Charlie Lascorz, PDG de la société<br />

ETEC, fut chargé par le SAC de<br />

contrôler un ordre néo-templier,<br />

l'OSMTJ, afin d'en faire un réseau<br />

clandestin capable de parer à un nouveau<br />

Mai 68. » [1]<br />

L’Ordre Souverain et Militaire du Temple<br />

de Jérusalem était « la plus mysté<strong>rieuse</strong><br />

et la plus inquiétante des organisations<br />

néo-templières […], qui défraya largement<br />

la chronique et continue à s’agiter<br />

dans l’ombre. [2] [...]<br />

Dès 1970, [...] Charly Lascorz, […]<br />

ancien dirigeant national du Service<br />

d’Action Civique (S.A.C.) et chef d’un<br />

groupe de police parallèle pendant la<br />

guerre d’Algérie, est chargé de noyauter<br />

les néo-Templiers pour le compte du<br />

S.A.C. » [3] Aussi, à « l'automne 1970,<br />

[…] les hommes de Charly Lascorz, […]<br />

organisent un putsch au sein de<br />

[… l’OSMTJ], multinationale de l'ésotérisme<br />

créée au début du siècle. Dès lors,<br />

les barbouzes du Service d'action civique<br />

n'auront de cesse qu'ils n'infiltrent les<br />

commanderies de l'ordre. » [4]<br />

« Les cérémonies qui regroupent pêlemêle,<br />

sous la cape frappée de la croix<br />

templière, barbouzes en service, truands<br />

de tous poils, amateurs de reconstitution<br />

historiques, hommes politiques et B.O.F.<br />

fortune faite, ne représentent pour lui<br />

qu’une source de renseignements et de<br />

profits. Le fichier de l’ordre constitue une<br />

réserve de clients pour une officine de<br />

chantage, l’E.T.E.C. » [3]<br />

« Ainsi, dans les années 70, l'Ordre souverain<br />

et militaire du Temple de<br />

Jérusalem (OSMTJ) fut utilisé par Charly<br />

Lascorz et le député Claude Marcus en<br />

157 Franc du Collier


lien avec le SAC de Jacques Foccart ». [5]<br />

« Ils apprécient particulièrement de<br />

compter dans leurs rangs des militaires,<br />

des policiers [...]. Interrogé le 28 juin<br />

1996 par la commission d'enquête sur<br />

les sectes du Parlement belge [6], un<br />

policier français, Roger Facon, évoquait<br />

la présence d'officiers de l'Otan au sein<br />

[de cet] ordre templier, l'OSMTJ.<br />

Vérifications faites, il existe bien une<br />

Commanderie militaire française Otan<br />

des chevaliers templiers de Jérusalem.<br />

Ces chevaliers liés à l'OSMTJ ont organisé<br />

un rassemblement mondial le 16 mars<br />

1996 à l'église américaine de Paris. Ils<br />

semblent très établis dans les milieux de<br />

la défense. [… De plus], d'après les<br />

fiches des Renseignements généraux,<br />

l'OSMTJ de France dépend de son aîné<br />

américain. Or l'OSMTJ des Etats-Unis<br />

serait très lié à la CIA. Dans un rapport<br />

d'enquête de 1991, le sénat de Belgique<br />

explique que le Public Information Office<br />

(PIO), structure de propagande à la<br />

solde des Etats-Unis [Voir « P.I.O. »,<br />

p. 47], a infiltré l'OSMTJ dans les années<br />

70. Car l'association avait été jugée "a<br />

priori favorable aux thèses de l'armée".<br />

En fait, l'opération d'infiltration faisait<br />

partie du projet Gladio » [4]<br />

« La tuerie d'Auriol, en juillet 1981, de<br />

sinistre mémoire, est un épisode tragique<br />

de l'histoire de l'OSMTJ. Jacques<br />

Massie, dont la famille fut massacrée<br />

dans sa villa, était responsable départemental<br />

du SAC et membre de l'OSMTJ.<br />

Profitant de cet épisode sanglant, les<br />

socialistes au pouvoir décidèrent la création<br />

d'une commission parlementaire sur<br />

les activités de la police parallèle gaulliste<br />

qui aboutit à sa dissolution. » [4] En<br />

effet, « Le SAC a été dissous par ordonnance<br />

prise en Conseil des ministres le 3<br />

août 1982, après la tuerie d'Auriol. » [7]<br />

« C'était compter sans Pierre Debizet.<br />

Franc du Collier 158<br />

L'homme fort du SAC avait assuré ses<br />

arrières en créant le Mouvement initiative<br />

et liberté (MIL) en novembre 1981.<br />

De source policière, MIL et OSMTJ continuent<br />

à entretenir des liens. Deux informations<br />

que contestent fermement les<br />

dirigeants du MIL. » [4] [Voir « Mis à SAC.<br />

Mis dans le MIL », p. 140]<br />

[1] : (Eric Lemasson, « Marchiani, l’agent politique », Seuil,<br />

2000, p. 81n)<br />

[2] : (http://www.templiers.ch)<br />

[3] : (Patrice Chairoff, « Faux chevaliers et vrais gogos »,<br />

Ed. Jean-Cyrille Godefroy, 1985, p. 206)<br />

[4] : (Christophe Deloire, « Les Templiers modernes en<br />

croisade ! », Le Point, 9/1/1999, p. 59, http://users.skynet.be/pierre.bachy/encroisade.html,<br />

cité en partie par<br />

François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les Arènes,<br />

3/2002, p. 79)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Notes d’Information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html)<br />

[6] : (Cf. Commission d'enquête parlementaire belge sur<br />

les pratiques illégales des sectes - Eléments d'information<br />

fournis lors des auditions à huis-clos : Ordre Souverain et<br />

Militaire du Temple de Jérusalem (OSMTJ),<br />

http://www.voltairenet.org/article3223.html)<br />

[7] : (« Audition de M. Ali Bourequat », 5/6/1998, n. 6,<br />

http://www.voltairenet.org/article686.html)


« Depuis<br />

fort longtemps<br />

des<br />

gens recherchent<br />

une<br />

certaine illumination<br />

par la sagesse ou par la connaissance,<br />

qui serait acquise par paliers. » [1]<br />

Pour les séduire, il faut un certain style.<br />

On observe les « déferlements d’adhésions<br />

à l’idéologie [...], à l’enseignement<br />

[...] dès lors qu’il se maquille de quelque<br />

millénarisme et utilise la prophétie. » [2]<br />

« La vérité de la promesse ou du pronostic<br />

dépend de la véracité mais aussi<br />

de l’autorité de celui qui les prononce –<br />

c’est-à-dire sa capacité de faire croire en<br />

sa véracité et en son autorité. » [3]<br />

Et cet aplomb intimiderait même les<br />

« rebelles » ? « Que "la simple affirmation<br />

de l’autorité par son détenteur [soit]<br />

presque toujours suffisante" [4] est une<br />

observation qui résume bien la situation<br />

et aide à éclairer la question vraiment<br />

très énigmatique de la soumission au<br />

gourou, du passage de l’état d’individu<br />

en révolte à l’état d’individu gouroufié.<br />

La nostalgie de l’autorité est précisément<br />

le péril qui se profile au bout de la quête<br />

la plus marginale, la plus extrémiste,<br />

celle qui a constaté que les Partis reconduisent<br />

les tares des systèmes qu’ils prétendaient<br />

combattre, et que les "mouvements<br />

sauvages" en faisaient autant que<br />

ces Partis par eux contestés. » [5] Et là,<br />

les "rebelles" pensent qu'il y aurait enfin<br />

autre chose.<br />

« De plus, les persécutions du pouvoir<br />

politique [...] fertilisent cette adhésion<br />

grâce au plus efficace des engrais : le<br />

sang des martyrs » [2]. Car on peut<br />

compter sur la contribution de la répres-<br />

sion. Il faut donc concevoir une « défense<br />

[...] sur deux côtés : Comment protéger<br />

l’individu de la secte ? Comment protéger<br />

l’individu contre la légitime défense<br />

antisecte, tentation inévitable de l’Etat<br />

pour réprimer ses opposants. » [6]<br />

En France, « trois articles [de loi] visent<br />

l'abus de l'état d'ignorance, de la situation<br />

de faiblesse ou de vulnérabilité, et<br />

de la situation de dépendance de personnes.<br />

» [7] « L'article 31 de la loi de<br />

1905 [sur la séparation de la Religion<br />

d’avec l’Etat], réprime depuis un siècle<br />

les pressions abusives exercées sur un<br />

tiers pour l'amener à changer ses convictions.<br />

[...] Ces dispositions [...] ne concernent<br />

cependant que la manipulation<br />

mentale exercée dans les limites du religieux.<br />

Or, les sectes contemporaines ne<br />

limitent pas leurs activités à la sphère religieuse<br />

» [8].<br />

En fait, « la pénétration sectaire de la vie<br />

sociale est "presque universellement<br />

observée dans les ‘gisements’ privilégiés<br />

d'influence et de ressources que constituent<br />

la formation professionnelle et les<br />

psychothérapies" [8]. [... L'obtention]<br />

d'un contrat de formation ouvre aussi les<br />

portes des sociétés dans le but de<br />

recueillir de l'information, orienter les<br />

prises de décision, et renseigner [9]. [...<br />

On connaît en France] quelques entreprises<br />

cibles dont IBM, Thomson CSF,<br />

EDF et la centrale nucléaire de<br />

Bugey [10]. » [11]<br />

Dieu veille au grain. La « mondialisation<br />

et la globalisation des marchés sont des<br />

missions inspirées par la Bible aux Etats-<br />

Unis. Un concept mystico-impérial<br />

auquel adhèrent l’ensemble des groupes<br />

fondamentalistes et évangéliques américains,<br />

et qui est fortement présent à l’esprit<br />

de ceux qui se veulent les défenseurs<br />

des libertés religieuses. » [12] Il faut<br />

protéger cette « nébuleuse [de] groupes<br />

159 Franc du Collier


[...] qui se présentent comme des religions<br />

minoritaires mais dont les activités,<br />

au caractère commercial souvent évident,<br />

sont régulièrement condamnées<br />

par les tribunaux. Au nom de la défense<br />

de la liberté religieuse, Washington vise<br />

à obtenir leur impunité. Cette connivence<br />

avec des réseaux qui virent le jour<br />

dans un creuset où convergeaient "nouvelle<br />

droite" [Voir « GRECE : la patte », p. 214]<br />

et "néoconservatisme", le tout au nom<br />

de l’anticommunisme, entend imposer<br />

dans les esprits l’ultralibéralisme et l’inégalitarisme,<br />

socles prétendus de la<br />

société. » [12]<br />

« Les sectes attirent un public plus manipulable<br />

que la franc-maçonnerie. Elles<br />

brassent des sommes d’argent énormes,<br />

les transfèrent d’un pays à l’autre telles<br />

des multinationales : un bon appoint<br />

dans la stratégie financière atlantiste. En<br />

Asie, la secte Moon "a été créée par les<br />

services secrets coréens (KCIA) comme<br />

sous-traitant des services américains<br />

(CIA)" [13]. La Scientologie, qui expérimente<br />

des techniques avancées de<br />

manipulation mentale [14], est vivement<br />

promue par les Etats-Unis » [1]. De<br />

même, le Vatican sert de QG à la CIA<br />

pour les opérations italiennes.<br />

La « Scientologie et Moon ont rapidement<br />

passé des accords. Depuis le milieu<br />

des années 1990, ils mènent conjointement<br />

leurs actions pour la liberté religieuse<br />

tant en Europe qu’aux Etats-<br />

Unis. » [12] L’union des sectes fait leur<br />

force. A « coups de procès, la Greater<br />

Grace [structure se disant "évangélique"]<br />

et la Scientologie ont réussi à mettre en<br />

faillite la principale organisation d’aide<br />

aux victimes des sectes fondée dans les<br />

années 1970 : la Cult Awareness<br />

Network... Pour enfin la racheter devant<br />

l’équivalent américain d’un tribunal de<br />

commerce [15] ! [...]<br />

Depuis 1993, la très puissante adminis-<br />

Franc du Collier 160<br />

tration américaine des impôts sur le revenu<br />

(IRS) a accordé à la [Scientologie] le<br />

statut de religion à part entière, l’exonérant<br />

ainsi d’impôt. Durant les vingt-cinq<br />

années précédentes, l’IRS lui avait refusé<br />

systématiquement les exonérations fiscales<br />

dont bénéficient les institutions religieuses.<br />

[...] La Scientologie [a semble-til]<br />

mené une véritable guerre contre l’administration<br />

fiscale [... avec] plus de 50<br />

procédures judiciaires [... et] en embauchant<br />

des détectives privés pour enquêter<br />

sur la vie privée des hauts fonctionnaires<br />

de l’IRS. L’un d’entre eux [...]<br />

aurait collecté des informations sur des<br />

responsables qui manquaient des<br />

réunions, buvaient trop ou avaient des<br />

liaisons extraconjugales... [16] L’octroi<br />

de l’agrément à la Scientologie bénéficia<br />

d’une procédure hors norme, court-circuitant<br />

les cercles de décision habituels, à la<br />

demande expresse du directeur de l’IRS...<br />

Aux 300 millions de dollars de bénéfices<br />

engrangés par la Scientologie chaque<br />

année, à ses techniques d’infiltration et<br />

d’intimidation, à sa reconnaissance par<br />

l’IRS, se sont ajoutées d’autres synergies<br />

lui permettant d’asseoir son influence au<br />

plus haut sommet de l’Etat américain.<br />

» [12]<br />

De son côté, ratissant large, « la secte<br />

Moon, propriétaire d’un des principaux<br />

titres de la presse quotidienne [US], le<br />

Washington Time, a ouvert les colonnes<br />

de sa publication, pourtant très conservatrice,<br />

à Mme Hillary Clinton, qui,<br />

chaque semaine, y publie un billet d’humeur.<br />

On ne compte plus les sénateurs<br />

et les membres du Congrès "subventionnés"<br />

par Moon. [... Deux] présidents des<br />

Etats-Unis ont honoré régulièrement les<br />

conférences organisées par le Révérend<br />

Sun Myung Moon : MM. George Bush<br />

(père) et Gerald Ford. » [12]<br />

Les techniques ont été travaillées. La<br />

« multiplication des attentats-suicides [...


nécessite les] ambiances mythifiées qui<br />

prédisposent les militants au sacrifice,<br />

même pour un motif futile. On retrouve<br />

des phénomènes analogues avec les suicides<br />

collectifs [...] dans des sectes apocalyptiques<br />

» [17]. « Les massacres provoqués<br />

par l’Ordre du Temple solaire en<br />

1994 et 1995 [Voir « Carcan Solaire »,<br />

p. 162], l’attaque au gaz Sarin par la<br />

secte Aum dans le métro de Tokyo en<br />

mars 1995, le suicide collectif de<br />

Heaven’s Gate à Los Angeles en 1999<br />

furent autant d’événements qui ont<br />

accéléré [une] prise de conscience.<br />

La France, la Belgique, l’Espagne et<br />

l’Allemagne ont ainsi renforcé leur arsenal<br />

répressif. Un choix des législateurs<br />

qui, généralement, fit suite à des rapports<br />

parlementaires sur la dangerosité<br />

de certains groupements et les<br />

méthodes coercitives d’aliénation qui y<br />

sont infligées aux adeptes. La France et<br />

l’Allemagne sont à la pointe de cette tendance<br />

répressive.<br />

Face à ce durcissement européen, [... on<br />

attendait] une contre-offensive des multinationales<br />

sectaires dont certaines, rien<br />

qu’en France, disposent d’actifs dépassant<br />

plusieurs centaines de millions de<br />

francs. La riposte vint des Etats-Unis ([...]<br />

90 % des sectes sont d’origine nordaméricaine<br />

ou ont installé leur siège<br />

outre-Atlantique.). Le 27 janvier 1997,<br />

les mesures frappant la Scientologie en<br />

Allemagne furent officiellement dénoncées<br />

par Washington. [...]<br />

Edité en juin 1999, le rapport officiel des<br />

sénateurs américains [18] [... accuse] le<br />

gouvernement français d’instrumentaliser<br />

son administration fiscale pour en<br />

faire le bras armé d’une nouvelle inquisition.<br />

[... Or,] la Scientologie [... est] une<br />

authentique organisation à but lucratif,<br />

générant des profits colossaux ([...] qui<br />

justifient pleinement des amendes fis-<br />

cales) » [12].<br />

L’ambassade « américaine de Paris<br />

recommande sur son site Internet un<br />

avocat, M. Kay Gaetjens, membre notoire<br />

de la Scientologie. Par ailleurs, lors<br />

d’un colloque à l’Assemblée nationale<br />

sur le problème de la manipulation<br />

mentale, en février [2001], l’ambassade<br />

américaine, bien que non invitée, a<br />

dépêché deux de ses membres, accompagnés<br />

d’un cadre français de la<br />

Scientologie. » [12]<br />

On se souvient, par ailleurs, comment<br />

« la secte coréenne [Moon a fourni] une<br />

aide financière et militante au président<br />

du » [19] F.N. pour les élections de<br />

1988. Le représentant de Moon en<br />

France, Pierre Ceyrac, fut élu député<br />

F.N. du Nord en 1986. Et, en 1989,<br />

Ceyrac deviendra député européen [20].<br />

Que ce soient « les liens qui unissent<br />

ABC, CNN et consorts aux lobbies fondamentalistes<br />

américains [... ou le fait<br />

que] l’une des principales sociétés de<br />

l’empire Microsoft - Executive Software -<br />

se revendique officiellement comme<br />

scientologue » [12], « l’interpénétration<br />

des grands groupes sectaires et des<br />

consortiums de la communication, qu’ils<br />

soient vecteurs - comme l’industrie informatique<br />

- ou producteurs d’objets communicants<br />

- comme l’industrie du cinéma<br />

-, est avérée. » [12]<br />

« Dans leur stratégie, [... ils] ont un ennemi<br />

commun [...] une idéologie fortement<br />

répandue en Europe, celle de la laïcité,<br />

dont la France est historiquement le<br />

creuset. C’est cette laïcité de l’Etat français<br />

qui est directement attaquée à travers<br />

sa politique de répression des mouvements<br />

sectaires. » [12] Il était normal<br />

d’attaquer cette laïcité, protégeant les<br />

musulmans, au nom de la laïcité [Voir<br />

« Le syndrome de Narkozy », p. 664].<br />

161 Franc du Collier


[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 79)<br />

[2] : (Françoise d’Eaubonne, « Dossier S… comme Sectes.<br />

Voyage chez les marchands d’Absolu et d’Alternative.<br />

Gourous et Gouroufiés », Alain Moreau, 3/1982, p. 33)<br />

[3] ; (Pierre Bourdieu, « Langage et pouvoir symbolique »,<br />

Seuil, 9/2001, réed. points 461, p. 239)<br />

[4] : (Stanley Milgram, « Soumission à l’autorité », Calmann-<br />

Lévy, 1974)<br />

[5] : (Françoise d’Eaubonne, op . cit., p. 273)<br />

[6] : (Françoise d’Eaubonne, op . cit., p. 14)<br />

[7] : (http://www.prevensectes.com/loi2.htm, d’après<br />

Bulles, 4 ème trim. 1996)<br />

[8] : (« Mission interministérielle de lutte contre les sectes<br />

(MILS) - Rapport 2000 - Au Sénat et à l'Assemblée nationale<br />

: la loi About-Picard », Réseau Voltaire, 1/3/2000,<br />

http://www.voltairenet.org/article7059.html)<br />

[9] : (« Mission interministérielle de lutte contre les sectes<br />

(MILS) - Rapport 1999 - Les risques d'emprise sectaires sur<br />

l'entreprise », Réseau Voltaire, 1/1/2000, http://www.voltairenet.org/article7078.html)<br />

[10] : (« Rapport de la Commission d'enquête parlementaire<br />

française sur les sectes et l'argent - Un marché propice<br />

au développement des pratiques sectaires », Réseau<br />

Voltaire, 10/6/1999, http://www.voltairenet.org/article7<br />

130.html)<br />

[11] : (Jean-Victor Verlinde, « Contrôle social et ingérence<br />

politique. Sectes, une autre approche », http://www.voltairenet.org/article7659.html)<br />

[12] : (Bruneau Fouchereau, « Au nom de la liberté religieuse.<br />

Les sectes, cheval de Troie des Etats-Unis en<br />

Europe », Le Monde diplomatique, 5/2001, pp. 1, 26-27,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/05/FOUCHE-<br />

REAU/15215)<br />

[13] : (Réseau Voltaire, « Révérend Moon, le retour »,<br />

Notes d’information du Réseau Voltaire, 26/03/2001<br />

http://www.voltairenet.org/article7830.html)<br />

[14] : (Lire Paul Ariès, « La Scientologie : une secte contre<br />

la République », Golias, 1999)<br />

[15] : (Los Angeles Times, 9/9/1999)<br />

[16] : (New York Times, en 3/1997)<br />

[17] : (Pierre Conesa, « Sri Lanka, Irak, Tchétchénie,<br />

Israël… Aux origines des attentats-suicides », Le Monde<br />

diplomatique, 6/2004, pp. 14-15, http://www.mondediplomatique.fr/2004/06/CONESA/11248)<br />

[18] : (http://www.csce.gov)<br />

[19] : (Daniel Carton, « Le Front National vingt ans après<br />

V. Les auxiliaires du Révérend Moon Comment la secte<br />

coréenne fournit une aide financière et militante au président<br />

du Front national », Le Monde, 8/2/1992)<br />

[20] : (Olivier Biffaud, « Député européen et conseiller<br />

régional Pierre Ceyrac, membre de la secte Moon, quitte<br />

le Front national », Le Monde, 17/2/1994)<br />

Franc du Collier 162<br />

Une formation maçonnique assez<br />

proche de l’OSMTJ [Voir<br />

« OSMTJ », p. 157], mais plus petite,<br />

a tardivement effrayé les chroniqueurs.<br />

L’« Ordre Souverain du Temple<br />

Solaire [OTS] - qui compte un peu plus<br />

de mille membres français [...] - a des<br />

préoccupations fort matérielles et des<br />

méthodologies qui rappellent désagréablement<br />

certaines sectes [...]. Les enfants<br />

sont embrigadés - dès l’âge de 7 ans -<br />

dans des équipes d’éclaireurs. » [1]<br />

Et, « contrairement aux dirigeants de<br />

l'OTS, les adeptes effectuaient bénévolement<br />

des travaux très durs (par exemple,<br />

des travaux agricoles à la pelle), en plus<br />

de leurs activités professionnelles,<br />

jusque très tard le soir. Ces travaux<br />

étaient encore suivis de cérémonies<br />

pseudo-templières. Le lendemain, les<br />

adeptes devaient se lever à 5 heures afin<br />

d'assister à d'autres cérémonies. Ils<br />

étaient également soumis à un régime<br />

alimentaire carencé. » [2]<br />

A propos des « conditions de la création<br />

de l'Ordre Souverain du Temple Solaire<br />

[...,] diverses sources [...] citent avec<br />

insistance, pour la France, le parrainage<br />

d'un grand manipulateur [...,] dirigeant<br />

des services secrets français [... qui] fut le<br />

concepteur de La Main Rouge [Voir<br />

« Coup de main rouge », p. 133] [...,]<br />

Constantin Melnik, [...] mais il dément [... et<br />

accuse] le KGB qui, en 1958, aurait promené<br />

des hommes déguisés en Chevaliers du<br />

Temple près de sa résidence pour le compromettre,<br />

le ridiculiser ! » [3]<br />

Il y eut aussi « l'Ordre Rénové du Temple<br />

(ORT) : "Il s'agit d'un ordre templier d'ex-


trême-droite, qui fut dirigé jusqu'en<br />

1983 par Julien Origas. Durant la seconde<br />

guerre mondiale, ce dernier fut<br />

proche de la Gestapo de Brest. Après<br />

son décès, Luc Jouret de nationalité<br />

belge, médecin-homéopathe, [...] a<br />

repris la direction de l'ORT, qu'il quittera<br />

avec la moitié des membres pour<br />

rejoindre l'OTS". [4] » [5]<br />

Le parcours de Jouret est moins confus<br />

que confusionniste. « Selon un témoin,<br />

Luc Jouret était connu des autorités bien<br />

avant les années 1980, pour son engagement<br />

politique d'extrême gauche au<br />

cours de ses études à [l'Université libre<br />

de Bruxelles]. Il était membre des jeunesses<br />

communistes wallonnes et de<br />

l'association Belgique-Chine. Il a ensuite<br />

effectué son service militaire au deuxième<br />

Bataillon paracommando en<br />

1977. » [2] « En 1978, alors simple<br />

médecin issu d'une famille de coloniaux<br />

belges, [..., l'arme à la main, il] saute sur<br />

[Kolwezi] en compagnie des paras<br />

belges et français, pour maintenir au<br />

pouvoir un dictateur néo-colonial en difficulté<br />

[... Mobutu].<br />

[Il participe] au développement du parti<br />

"nazi-maoïste" [Voir « Ensemble sur la<br />

photo », p. 218] belge [... de] Jean<br />

Thiriart [... Cet] adepte des théories<br />

nationales-bolchéviques fut [auparavant]<br />

parmi les créateurs, en 1939, des Amis<br />

du Grand Reich, une association de<br />

["]communistes["] belges émerveillés par<br />

le pacte germano-soviétique » [3], confusionnistes,<br />

mais « dont le slogan est<br />

clair : "Le plastic sera le porte-voix de<br />

l’anticommunisme dans la seconde moitié<br />

du XX e siècle." » [6]<br />

En fait, « le groupe "nazi-maoïste" belge<br />

auquel appartenaient Thiriart et Jouret<br />

dans les années 70, n'était que le cachesexe<br />

d'une officine anti-communiste, le<br />

SDRA-8, pilotée par les services de<br />

l'OTAN dans le cadre de la guerre froide.<br />

Un élément de Gladio [7]. Une autre des<br />

créations de ce SDRA-8 [était] le groupe<br />

terroriste Westland-New-Post » [3] [Voir<br />

« Le WNP et Latinus », p. 87].<br />

Thiriart avait du payer. « Son activité de<br />

collaboration se solda, à la Libération,<br />

par une condamnation à trois années de<br />

prison. Malgré tout cela, il [...] parviendra,<br />

au moment de la tentative de déstalinisation<br />

du PCB [Parti communiste<br />

belge], à susciter une scission sur la base<br />

de la fidélité à Joseph Staline [..., aidé<br />

par] Luc Jouret qui créera le Parti<br />

Communautaire Européen dont un avatar,<br />

le Parti Communautaire National<br />

Européen existe toujours et publie un<br />

journal où s'expriment [...] Roger<br />

Garaudy ou Isabelle Coutant-Peyre, la<br />

future madame Carlos. » [3]<br />

Le bon docteur « Jouret marquait un<br />

intérêt particulier pour les médecines<br />

douces [..., se rendant] aux Philippines<br />

[...]. Il aurait été réprimandé à cet égard<br />

par l'Ordre des médecins. Il a ensuite<br />

ouvert un cabinet médical à<br />

Bruxelles. » [2] Puis, il « a quitté la<br />

Belgique en 1984 pour résider principalement<br />

en Suisse et au Canada. » [2]<br />

Mais également en France. Par ailleurs,<br />

« Luc Jouret [...] entretenait des relations<br />

avec [...] d'autres sectes » [2].<br />

« A compter du 21 juin 1984, une première<br />

structure templière, l'Ordre chevaleresque<br />

international de Tradition solaire<br />

(Ocits), est créée. Dirigé à ses débuts<br />

par le docteur Luc Jouret, un proche de<br />

Jo Di Mambro [... le gourou principal],<br />

qui porte le titre occulte de Grand<br />

maître, l'Ocits est alors constitué d'un<br />

Conseil de l'Ordre, dans lequel figure<br />

notamment Michel Tabachnik avec le<br />

titre occulte d'ambassadeur.<br />

Parallèlement à la mise en place de cette<br />

structure templière secrète, de nom-<br />

163 Franc du Collier


euses associations voient le jour. Plus<br />

ouvertes, elles ont pour objet l'organisation<br />

de conférences, la diffusion de l'enseignement,<br />

la vente de livres et de cassettes.<br />

Ainsi, dès 1981, Joseph Di<br />

Mambro lance [...] les clubs Amenta, qui<br />

deviendront l'association Archedia, le<br />

principal vivier dans lequel l'Ordre vient<br />

puiser ses futurs adeptes. » [8] « Cette<br />

association prônait le retour à la nature,<br />

l'écologie, une vie plus saine sur le plan<br />

spirituel. De retour des Philippines, Luc<br />

Jouret y a donné des conférences<br />

(homéopathie, vie saine et naturelle) » [2].<br />

« En 1986, l'association se subdivise en<br />

deux structures : l'une secrète, l'autre<br />

exotérique, donc grand public, à<br />

but commercial. L'existence<br />

concomitante de deux structures,<br />

l'une ésotérique, initiatique<br />

et secrète, l'autre<br />

ouverte et publique, sera<br />

une constante tout au<br />

long de l'histoire de<br />

l'Ordre.<br />

[... Chacun] se devait de<br />

suivre avec assiduité l'enseignement<br />

réservé à son<br />

degré s'il voulait espérer gravir<br />

les échelons. Le but final était de parvenir<br />

à l'Ecole des Mystères [...,] "un degré<br />

conscienciel foncièrement distinct". [...<br />

Les cours de Michel Tabachnik] "permettaient<br />

d'accéder à l'ultime degré initiatique",<br />

note le juge Fontaine. Le docteur<br />

Jean-Marie Abgrall, expert près la Cour<br />

de cassation et spécialiste des sectes, a<br />

examiné le contenu de ces [cours] au<br />

cours de l'instruction. Selon lui, l'idée de<br />

"transformation énergétique par voie de<br />

combustion était au cœur de cet enseignement".<br />

"[Son] caractère gradué avait<br />

pour effet d'accoutumer l'adepte à cette<br />

idée de mutation, de transformation, de<br />

sublimation alchimique, présupposant à<br />

terme, la ’destruction de l'enveloppe<br />

Franc du Collier 164<br />

matérielle (le corps) [...]’."<br />

S'il n'exclut pas l'éventualité d'une lecture<br />

symbolique, il précise qu' "il n'était pas<br />

possible [pour l'adepte] de sortir d'une<br />

logique conditionnante car tout l'enseignement<br />

intégrait et exposait un corpus<br />

théorique homogène ayant pour effet<br />

de dépouiller la psychodynamique de<br />

suicides ou de meurtres de toute connotation<br />

critique, les intégrant dans une<br />

forme d'actes sacrificiels, la notion de<br />

mort étant peu à peu dépouillée de sa<br />

dimension angoissante pour devenir le<br />

signe objectif de l'aboutissement du parcours<br />

initiatique". » [8] Pas de bûcher<br />

sans feu.<br />

« Lorsqu'en octobre 1994, 48<br />

adeptes de la secte du Temple<br />

Solaire sont assassinés en<br />

Suisse dans les villages de<br />

Cheiry et Salvan, un<br />

curieux expert qui se présente<br />

comme "con-seiller<br />

pour les questions religieuses<br />

au sein de l'Office<br />

central de la Défense"<br />

(Département militaire suisse),<br />

collabore avec les enquêteurs,<br />

interroge seul à seul les<br />

témoins au mépris de toutes les règles<br />

de procédure. Il s'agit de Jean-François<br />

Mayer, ancien militant de l'extrême droite<br />

lyonnaise, ex-responsable de diffusion<br />

de la feuille négationniste Défense de<br />

l'Occident, membre de la secte vaticane<br />

CESNUR. Il collabore [...] à la revue ésotérique<br />

Politica Hermetica où il côtoie de<br />

nombreux universitaires comme Régis<br />

Ladous qui accorda un diplôme négationniste<br />

à Jean Plantin, ou Pierre-André<br />

Taguieff [Voir « Ensemble sur la photo »,<br />

p. 218] rabatteur de voix pour<br />

Chevènement. [...]<br />

J.F. Mayer [...] admet avoir été en<br />

contact avec Luc Jouret [...]. "J'ai eu l'occasion<br />

de rencontrer Luc Jouret à plu-


sieurs reprises durant les années quatrevingt.<br />

[...] J'avais vu quelles foules il attirait<br />

et, [...] derrière [les réunions des<br />

clubs Archédia,] il y avait cette autre<br />

structure ésotérique initiatique : l'Ordre<br />

chevaleresque international tradition<br />

solaire" [9]<br />

Après l'assassinat final des 16 autres<br />

adeptes du Temple Solaire en décembre<br />

1995, dans le Vercors, Jean-François<br />

Mayer sera l'un des 300 privilégiés qui<br />

recevront un dossier émanant de la<br />

secte et contenant les écrits posthumes<br />

des sacrifiés. » [3]<br />

Les « médias [...] parlent indistinctement<br />

de "la mort de 74 adeptes" ou de "74 victimes"<br />

» [5], « entre 1994 et 1997 au<br />

Canada, en Suisse et en France » [10],<br />

« ce qui inclut dans le nombre les deux<br />

gourous, Di Mambro et Jouret. » [5]<br />

« "Derrière l'aspect mythomaniaque de<br />

Di Mambro gourou principal de l'OTS,<br />

[... apparemment] mort carbonisé à<br />

Salvan, et jouissif de Jouret [second gourou<br />

de l'OTS, semble-t-il mort également<br />

carbonisé à Salvan,] il y a, en [fait], une<br />

réalité d'extrême droite." [4]<br />

Selon un témoin auditionné par la<br />

Commission d'enquête parlementaire<br />

belge, les démocraties européennes<br />

auraient été directement confrontées à<br />

une tentative de déstabilisation. [... On<br />

fait semblant de rien. L'OTS] fonctionne<br />

toujours [en 2001] et le nombre de ses<br />

adeptes ou sympathisants est [alors] estimé<br />

entre 400 et 500 personnes. » [5] On<br />

notera que « Denis Guillaume, repreneur<br />

désigné de l'Ordre du temple solaire, est<br />

un ancien des ESR (Equipes spéciales de<br />

reconnaissance) [services secrets]<br />

belges » [11].<br />

« L'ORT, lui aussi, serait toujours en activité...<br />

» [5] Pour continuer d’influencer<br />

des simples d’esprits ? « Les adeptes du<br />

Temple solaire, qui, en octobre 1994, [à<br />

ce qu’on a prétendu] retournèrent la violence<br />

eschatologique contre eux-mêmes<br />

[...] étaient ingénieurs, médecins ou<br />

cadres. » [12]<br />

« Dans l'enchevêtrement de structures<br />

qui constituaient la nébuleuse de l'Ordre<br />

du Temple solaire (OTS), le nom de<br />

Joseph Di Mambro [...] n'apparaît<br />

qu'une seule fois, comme président de la<br />

Fondation Golden Way (FGW), de 1978<br />

- date de sa création - à 1981. A compter<br />

de cette date, Michel Tabachnik en<br />

devient le président jusqu'à sa dissolution<br />

officielle [... en] 1990. La FGW, qui<br />

selon d'anciens adeptes, était le noyau<br />

dur autour duquel gravitaient un certain<br />

nombre d'organisations satellites, n'en<br />

continuera pas moins d'exister [...,] dans<br />

le cadre de l'Ecole des Mystères, une<br />

structure regroupant l'"élite" de l'OTS. La<br />

quasi-totalité des personnes mortes lors<br />

des cinq suicides collectifs, en France, en<br />

Suisse et au Canada, en étaient issues. [...]<br />

L'annonce de la fin de l'Ordre, le 24 septembre<br />

1994, onze jours avant les premiers<br />

suicides collectifs, marque aussi<br />

l'avènement d'une nouvelle structure :<br />

l'Alliance Rose-Croix » [8]. Ça transite.<br />

Il y eut enfin le procès. L'attitude du président<br />

avait fait dire au cinquième jour<br />

du procès à Alain Vuarnet, dont la mère<br />

et le frère sont morts au Vercors : "Je n'ai<br />

aucune certitude sur le fait de savoir si<br />

toutes ces personnes se sont suicidées,<br />

victimes de leur endoctrinement, ou si<br />

elles ont été assassinées. [...] Ici, dès que<br />

l'on cherche à s'interroger sur la version<br />

officielle du suicide collectif, on n'est pas<br />

entendu" [13].<br />

[... Cependant,] le procureur de la<br />

République lors de son réquisitoire, soulignera<br />

qu'il s'agit bien là "d'assassinats<br />

collectifs et non de suicides collectifs,<br />

comme on l'écrit encore". [... Les] différentes<br />

enquêtes menées en France, en<br />

165 Franc du Collier


Suisse et au Canada ont déterminé que<br />

quarante personnes avaient été assassinées,<br />

mais [...] il semblerait que la plupart<br />

des victimes de Salvan (Suisse) aient<br />

été volontaires et qu'elles acceptaient la<br />

"mort physique" en vue de leur "transit"<br />

sur la planète Sirius. » [5]<br />

S’il « écarte définitivement la piste de l'assassinat<br />

perpétré par des survivants agissant<br />

au nom d'obscures organisations<br />

mafieuses ou barbouzardes, le tribunal<br />

n'a plus à trancher que cette question :<br />

Michel Tabachnik est-il un véritable manipulateur,<br />

maître secret de l'OTS, ou bien<br />

un parfait imbécile ? » [13] Car lors « du<br />

procès du Temple Solaire, qui fut habilement<br />

centré sur la seule personnalité du<br />

chef d'orchestre Michel Tabachnik » [3],<br />

« poursuivi pour "participation à une<br />

association de malfaiteurs" » [14], « une<br />

partie importante de la personnalité du<br />

fondateur et principal animateur de la<br />

secte criminelle, Luc Jouret, resta à l'abri<br />

des [... regards]. » [3]<br />

« Le procès de Michel Tabachnik, hypothétique<br />

"n°3" de l'Ordre du Temple<br />

Solaire, se déroulant dans le contexte du<br />

va-et-vient entre l'Assemblée nationale et<br />

le Sénat de la proposition de loi sur les<br />

"groupements à caractère sectaire" [...,]<br />

il importe peu que Michel Tabachnik ait<br />

joué [... le] simple d'esprit, qui [...] a écrit<br />

des textes ésotériques que Joseph Di<br />

Mambro, grand gourou de l'OTS, aurait<br />

utilisé [...] et que des adeptes auraient pris<br />

au sens réel et non au sens symbolique.<br />

[... Les] circonstances de la mort des<br />

seize personnes du Vercors, même s'il<br />

apparaît avec certitude que quatorze ont<br />

été tuées, n'ont pas été totalement<br />

éclaircies, encore moins celles des cinquante-huit<br />

autres morts. » [5] Et finalement,<br />

« Michel Tabachnik, seul poursuivi<br />

dans cette affaire, [...] a été [...] relaxé au<br />

bénéfice du doute en avril 2001 à<br />

Franc du Collier 166<br />

Grenoble. Le parquet a fait appel et il<br />

doit être rejugé. » [15] Finalement, la<br />

« Cour d'appel de Grenoble a décidé<br />

[...], de repousser au 13 juin <strong>2005</strong> le<br />

procès en appel » [16].<br />

Dans « un procès verbal [..., le Dr] Jean-<br />

Marie Abgrall, [psychiatre] spécialiste des<br />

sectes mis en examen pour violation du<br />

secret de l'instruction [...,] affirme,<br />

comme [...] au Point ou à Nice-Matin,<br />

que l'Ordre rénové du temple (ORT),<br />

ancêtre de l'OTS, avait des relations avec<br />

le réseau Gladio [Voir « Un réseau<br />

secret », p. 38] [...]. Jean-Marie Abgrall<br />

ferait aussi état de relations entre<br />

l'Amorc [Ancien et mystique ordre de la<br />

Rose-Croix], dont il a lui-même fait partie<br />

[...], et les réseaux français en Afrique,<br />

dits "réseaux Foccart" [Voir « Foccart t’a<br />

joué », p. 129].<br />

"C'est une vérité qui nous dépasse, qui<br />

va jusqu'au secret d'Etat [...]. Je m'exprimerai<br />

un jour [...]. Il y a trop d'enjeux,<br />

d'intérêts en jeu." [17] Jean-Marie<br />

Abgrall "révèle [...] que l'Ordre du<br />

Temple solaire, comme l'Amorc et l'ORT,<br />

étaient créés et contrôlées par des<br />

réseaux de services secrets français et<br />

étrangers", explique M e Leclerc [avocat<br />

de familles de victimes] - des informations<br />

[...] dont le psychiatre n'avait pas<br />

fait bénéficier l'instruction. » [14] Qui instruira<br />

les instructeurs ?<br />

On apprend qu’une « "note blanche"<br />

des renseignements généraux sur le procès<br />

[... de] Tabachnik [...], qui multiplie<br />

les remarques visant à discréditer les parties<br />

civiles, a été [transmise] par son<br />

auteur le 28 mai 2001 au juge d'instruction<br />

Luc Fontaine, qui l'a lui-même fait<br />

parvenir pendant le délibéré au vice-président<br />

du tribunal de grande instance de<br />

Grenoble, Gérard Dubois, chargé de<br />

prononcer le jugement.<br />

M e Leclerc dénonce une intervention


"déloyale, irrégulière et illégale" visant à<br />

"influencer le magistrat". "Ces éléments<br />

nouveaux sont de nature à conforter<br />

l'idée selon laquelle l'instruction de M. le<br />

juge Fontaine n'a pu être menée à bien<br />

afin de rechercher et d'identifier l'ensemble<br />

des auteurs des crimes commis<br />

par la nébuleuse OTS avec ses mobiles<br />

financiers", conclut l'avocat.<br />

Les familles des victimes du massacre du<br />

Vercors reprochent à la justice de n'avoir<br />

pas pris en compte la piste du crime<br />

commis par des éléments extérieurs,<br />

confortée selon elles par des expertises<br />

réalisées sur les cadavres carbonisés.<br />

"Nous avons retrouvé du phosphore. S'il<br />

y a du phosphore, cela veut dire qu'il y<br />

a eu utilisation d'un lance-flamme pour<br />

tuer ces personnes", a ainsi expliqué<br />

Alain Vuarnet. "Pour neuf cadavres sur<br />

16, la carbonisation est allée jusqu'à la<br />

fusion des os, ce qui veut dire une chaleur<br />

d'au moins 1.600 [°C] alors que<br />

dans une forêt, en plein hiver, avec de<br />

l'essence et du bois, on ne peut pas aller<br />

au-delà de 700 [°C]." C'est sur la base de<br />

[ce rapport] d'expertise et d'autres éléments<br />

que les parties civiles [les familles<br />

de victimes du Vercors] et leur avocat ont<br />

déposé le 21 octobre [2003] leur demande<br />

de réouverture de l'instruction. » [14]<br />

« Quatre experts, dont le docteur Eric<br />

Baccard, spécialiste des corps brûlés qui<br />

a longuement travaillé sur leurs identifications<br />

au Kosovo, et Claude Calisti,<br />

directeur du laboratoire central de la<br />

préfecture de police de Paris, ont étudié<br />

[… ce rapport]. Ils ont estimé qu'il "était<br />

entaché de grossières erreurs de méthode<br />

qui rendent ses conclusions inopérantes",<br />

a indiqué le procureur [de<br />

Grenoble, Jacques Fayen,] citant un rapport<br />

de 50 <strong>page</strong>s des experts. "Il y a des<br />

résultats mathématiques impossibles, les<br />

prélèvements ont été réalisés 5 ans après<br />

les faits alors que le terrain avait changé,<br />

nos experts ont fait des recherches sur<br />

des lance-flammes dopés au phosphore,<br />

ils sont remonté jusqu'en 1914. Ce type<br />

d'arme n'existe pas [...]. Les constatations<br />

scientifiques permettent d'expliquer<br />

ce qui s'est passé [suicide collectif<br />

et assassinat des enfants] sans une intervention<br />

extérieure" [... Il a donc confirmé]<br />

la non-réouverture de l'information<br />

judiciaire » [15].<br />

[1] : (Patrice Chairoff, « Faux chevaliers et vrais gogos »,<br />

Ed. Jean-Cyrille Godefroy, 1985, pp 203-207)<br />

[2] : (Commission d'enquête parlementaire belge sur les<br />

pratiques illégales des sectes, « Eléments d'information<br />

fournis lors des auditions à [huis clos] : Ordre du Temple<br />

Solaire (OTS) », http://www.voltairenet.org/article3224.ht<br />

ml, d’après Chambre des Représentants de Belgique,<br />

http://www.lachambre.be)<br />

[3] : (Didier Daeninckx, « Du Temple Solaire au réseau<br />

Gladio, en passant par Politica Hermetica... », Enquêtes<br />

interdites – amnistia.net, n° 13, 27/2/2002, http://www.a<br />

mnistia.net/librairi/amnistia/n13/tempsol.htm)<br />

[4] : Rapport de la Commission d'enquête parlementaire belge<br />

sur les pratiques illégales des sectes (15/4/1997), Cf.<br />

http://www.voltairenet.org/ecrire/rubrique103.html)<br />

[5] : (Jean-Luc Guilhem, « Ordre du Temple Solaire : trop<br />

de zones d'ombre », Combat face au sida, n° 24, 6/2001,<br />

d’après [4])<br />

[6] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 101)<br />

[7] : (Bruno Fouchereau, « La mafia des sectes. Du rapport<br />

de l’Assemblée nationale aux implications des multinationales<br />

», Filipacchi, 10/1996 et divers articles du Monde<br />

diplomatique)<br />

[8] : (Acaccio Pereira, « La nébuleuse de l'Ordre du Temple<br />

solaire », Le Monde, 16/8/2000, cité in http://www.prevensectes.com/rev0008.htm#16b)<br />

[9] : (Entretien avec Jean-François Mayer, in Rosemarie<br />

Jaton, « Ordre du Temple Solaire, en quête de vérité »).<br />

[10] : (François Koch, « Questions pour cinq massacres »,<br />

L'Express, 05/04/2001)<br />

[11] : (Le Point, 9/1/1999, p. 60)<br />

[12] : (Denis Duclos, « Quand la culture de la haine s'approprie<br />

les technologies de mort », Le Monde diplomatique,<br />

8/1995, pp. 22-23)<br />

[13] : (Robert Marmoz, « Suicides ou assassinats ? OTS : le<br />

procès fou », Le nouvel Observateur, n° 1903, 26/4/2001)<br />

[14] : (« Les familles des victimes de l'OTS veulent rouvrir<br />

l'instruction », Libération, 22/3/2004, reproduit in<br />

http://www.prevensectes.com/rev0403.htm#22)<br />

[15] : (Jacques Guillon, « Le procureur justifie la non-réouverture<br />

de l'information sur le drame », AFP, 26/3/2004, reproduit<br />

in http://www.prevensectes.com/rev0403.htm#26a)<br />

[16] : (« Procès en appel de Michel Tabachnik en juin<br />

<strong>2005</strong> », AFP, 14/6/2004, reprod. in http://www.prevensectes.com/rev0406.htm#14.<br />

Cf. aussi http://www.prevensectes.com/rev0610.htm#31a)<br />

[17] : (Nice-Matin, 15/2/2003)<br />

167 Franc du Collier


« Toutes les<br />

petites filles<br />

et jeunes<br />

filles disparues<br />

en<br />

Belgique, et dont les visages étaient<br />

reproduits à des milliers d'exemplaires<br />

sur des avis de recherche, avaient<br />

donc été enlevées par un même pervers,<br />

aidé d'une poignée de complices.<br />

Surprenant, [... mais au] fur et à mesure<br />

que l'enquête avance, [...] il apparaît [...<br />

que la] petite bande à Dutroux ne serait<br />

que la partie émergée d'un iceberg<br />

pédocriminel constitué en réseaux et rassemblant<br />

du beau monde. La presse fait<br />

ses choux gras de cette perspective, la<br />

presse à sensation fait son boulot (elle<br />

exagère), et le pays est en émoi. » [1]<br />

« Le juge Connerotte avait été élevé au<br />

rang de héros en Belgique, après avoir<br />

retrouvé en six jours Laetitia Delhez,<br />

âgée de 14 ans, libérée vivante le 15<br />

août 1996 de la cave de Dutroux à<br />

Marcinelle avec Sabine Dardenne, 12<br />

ans. [...] "Dutroux est un homme qui<br />

pense à tout [...” résume le juge<br />

Connerotte]. Manifestement, les caches<br />

étaient construites de manière à ne pas<br />

pouvoir être décelées.<br />

C'était d'un professionnalisme<br />

effrayant." Il a raconté la réaction de<br />

Sabine et Laetitia à l'ouverture de la<br />

geôle de Marcinelle. D'abord apeurées<br />

d'être livrées à la "bande" dont<br />

Dutroux leur a affirmé vouloir les protéger,<br />

"elles ne veulent pas sortir".<br />

"Ensuite, elles remercient Dutroux.<br />

C'est absolument épouvantable : elles<br />

l'embrassent." Un "conditionnement"<br />

qui rappelle à M. Connerotte le "mode<br />

Franc du Collier 168<br />

opératoire des proxénètes pour asservir<br />

les prostituées". » [2]<br />

« La première vraie polémique intervient<br />

avec le dessaisissement du juge<br />

Connerotte [...] : voilà un homme qui<br />

obtient des résultats là où tout l'appareil<br />

judiciaire pataugeait depuis des années,<br />

et c'est lui que l'on sanctionne ? » [1]<br />

« Son dessaisissement le 14 octobre<br />

[1996], pour un "dîner spaghetti" avec des<br />

proches de Laetitia, avait suscité la colère<br />

de la population et accentué la mobilisation<br />

de l'imposante "Marche blanche" en<br />

mémoire des enfants disparus, qui avait<br />

rassemblé 320 000 personnes six jours<br />

plus tard à Bruxelles. » [2]<br />

Il fallait absolument se débarrasser de ce<br />

juge gêneur. On avait donc nourri la<br />

confusion. « Au cours de l'affaire<br />

Dutroux-Nihoul, en Belgique, [Jean<br />

Nicolas] a publié un opuscule, "Les<br />

pédophiles sont parmi nous", mettant<br />

notamment en cause le vice-Premier<br />

ministre Elio di Rupo et le juge<br />

Connerotte. L'ouvrage est cosigné avec<br />

Georges Frisque, un associé de Jean-<br />

Michel Nihoul. Il se trouve que Georges<br />

Frisque et Jean Nicolas avaient, par le<br />

passé, été inculpés pour escroquerie,<br />

dans des affaires différentes, par le<br />

même juge Connerotte. Pour financer<br />

cette édition, une souscription a été<br />

ouverte par la revue nazifiante Le<br />

Bastion de Marguerite Bastien (députée<br />

du Front national de Belgique). Les<br />

imputations contenues dans l'ouvrage<br />

ont déstabilisé la Belgique jusqu'à ce<br />

qu'elles soient infirmées par la Cour de<br />

Cassation, le Comité P (Inspection générale<br />

de la police), et la Commission d'enquête<br />

parlementaire. Poursuivi en diffamation,<br />

Jean Nicolas a alors choisi<br />

comme avocat le défenseur de Marc<br />

Dutroux, M e Julien Pierre, qui a obtenu<br />

le dessaisissement du juge Connerot-


te » [3] parce qu’il avait mangé les<br />

fameux spaghettis.<br />

« Le cas de l'arrêt spaghetti est détonnant<br />

[... : le dessaisissement] du juge<br />

Connerotte résulte d'un rapprochement<br />

entre deux articles de codes différents,<br />

dont l'un concerne la suspicion légitime<br />

et relève du code d'instruction criminelle,<br />

et l'autre la procédure de récusation,<br />

qui relève du code judiciaire et n'est pas<br />

de la compétence de la Cour de<br />

Cassation ! » [4]<br />

« Le juge Jean-Marc Connerotte [... avait]<br />

aussi pointé les zones d'ombre de l'exhomme<br />

d'affaires bruxellois Michel<br />

Nihoul, co-accusé de Dutroux que ce<br />

dernier présente désormais comme<br />

l'homme-orchestre d'un réseau pédophile.<br />

» [2] A l’époque des « tueurs du<br />

Brabant » [Voir « Sicaires du Brabant »,<br />

p. 82], « M. Nihoul, qui deviendra plus<br />

tard "informateur codé de la gendarmerie<br />

[5]", est déjà réputé organisateur de<br />

"parties fines" qui, selon des spécialistes,<br />

"ont une fonction précise [...]. Des personnes<br />

‘que l'on connaît’ organisent, à<br />

l'occasion de ces dîners bien arrosés et<br />

diversement ‘’agrémentés’’ de chair<br />

fraîche, leurs contrats d'affaires, et plus<br />

particulièrement d'armements. Grâce<br />

aux situations scabreuses où sont placés<br />

les participants, on met en place des<br />

réseaux de chantage. Ils sont à l'œuvre<br />

[...,] très efficaces dans l'étouffement des<br />

enquêtes en cours." » [6]<br />

Début « 1998, un an et demi après l'arrestation<br />

de "Dutroux, Nihoul et<br />

consorts", [...] le quotidien De Morgen<br />

révèle que les enquêtes sur les déclarations<br />

des témoins X [un ensemble de<br />

témoins confortant l’hypothèse d’un<br />

réseau] ont été stoppées net en été<br />

169 Franc du Collier


1997, une guerre s'installe dans l'espace<br />

médiatique belge. D'une part, De<br />

Morgen et Télémoustique, qui affirment<br />

avec force documents et témoignages à<br />

l'appui que les enquêtes sur les témoignages<br />

sous X ont été stoppées net lorsqu'elles<br />

se mettaient à avancer trop<br />

bien. Dans l'autre camp, à peu près tous<br />

les autres médias, [...] qui estiment que<br />

les enquêtes sont menées correctement,<br />

que les témoins X délirent, et que ceux<br />

qui les croient sont des tenants du<br />

"grand complot" qui se laissent malencontreusement<br />

guider par des émotions<br />

exacerbées. [...]<br />

Dans l'espace public belge, médiatique<br />

comme intellectuel, [bientôt] une seule<br />

version de l'affaire semble prévaloir :<br />

celle de Dutroux comme pervers isolé, et<br />

de Nihoul comme escroc fanfaron qui<br />

passait par là et qui a failli être la victime<br />

innocente de circonstances malheureuses.<br />

Tout ce qui va à l'encontre de ce<br />

dogme est dans un premier temps ridiculisé,<br />

puis ignoré dans un silence<br />

assourdissant. » [1]<br />

Le juge Connerotte « a par ailleurs<br />

dénoncé [au procès, en mars 2004,] les<br />

"manipulations" à son encontre de la<br />

gendarmerie belge, et les rétentions par<br />

celle-ci d'informations qui auraient pu<br />

permettre, selon lui, de sauver les quatre<br />

fillettes et adolescentes retrouvées<br />

mortes chez Dutroux et de prévenir<br />

deux derniers rapts qui lui sont imputés.<br />

[...] Il a déploré que la gendarmerie n'ait,<br />

un an plus tôt, jamais transmis un rapport<br />

soupçonnant Dutroux à sa collègue<br />

qui enquêtait sur les disparitions de ses<br />

deux plus jeunes victimes, Julie Lejeune<br />

et Melissa Russo, âgées de 8<br />

ans. Rappelant le climat "délétère" qui<br />

régnait en Belgique après la découverte<br />

des crimes de Dutroux, le juge<br />

Connerotte a, "avec le recul", accusé les<br />

Franc du Collier 170<br />

mêmes gendarmes d'avoir voulu le<br />

"contrôler" en lui imposant en septembre<br />

1996 une protection rapprochée.<br />

» [2]<br />

Et un « avocat, administrateur de la<br />

Ligue des droits de l'homme, d'ajouter :<br />

"[...] Quel contrôle démocratique exercer<br />

sur des forces de police [qui] [...] s'aident<br />

d'indicateurs jouissant, comme<br />

dans l'affaire Dutroux, d'une redoutable<br />

impunité ? Faut-il rappeler que tous les<br />

protagonistes dans cette affaire étaient,<br />

à tout le moins, des indicateurs ?" Y compris<br />

Dutroux... » [6]<br />

« À la suite de ces affaires, le Comité P<br />

(Inspection générale de la police) a montré<br />

l'existence d'un complot visant à<br />

déstabiliser l'État en instrumentalisant les<br />

rivalités entre la police et la gendarmerie.<br />

De son côté, Luc Michel, un ex-militant<br />

néonazi qui combat aujourd'hui<br />

cette mouvance en Belgique, a montré<br />

le lien entre les protagonistes de cette<br />

affaire et l'Europaïsche Bewegung, une<br />

organisation nazie, créée par les services<br />

de l'OTAN en 1986, autour de Michaèl<br />

Kühnen, [...] et Michel Caignet [Voir<br />

« Qui c’est Caignet ? », p. 172], dans le<br />

cadre de la "stratégie de la tension".<br />

Signalons que des membres de la<br />

branche française de cette organisation<br />

montèrent une opération impliquant<br />

Hubert Védrine (alors secrétaire général<br />

de l'Élysée) et qui donna lieu, en 1990,<br />

à "l'affaire Doucé" » [7].<br />

[1] : (Vincent Decroly, « [Le Raconteur Belge] Affaire<br />

'Dutroux, Nihoul ...': un discours public cadenassé », indymédia.org,<br />

7/5/2003, http://belgium.indymedia.org/news<br />

/2003/05/61516.php)<br />

[2] : (« Le sombre portrait de Marc Dutroux par le juge<br />

Connerotte, Le Monde, 4/3/2004)<br />

[3] : (« Qui a fait tomber la Commission européenne ? »,<br />

Le Figaro 2/4/1999, cité par Réseau Voltaire, 15/4/1999,<br />

(RV 99/0138), http://www.voltairenet.org/article612.html)<br />

[4] : (Carine Dierckx, « Nom de code : Neufchâteau »,<br />

Alternative Libertaire, n° 217, 5/1999, http://perso.wanadoo.fr/libertaire/archive/99/217-mai/dutroux.htm,<br />

d’après Érik Rydberg, « Nom de code Neufchâteau », EPO,<br />

3/1999)


[5] : (Rapport de la commission d’enquête parlementaire<br />

« Dutroux, Nihoul et consorts », 14/4/1997, p. 187)<br />

[6] : (Jean-Marie Chauvier, « En Belgique, l'"année<br />

blanche" vire au gris », Le Monde diplomatique, 10/1997,<br />

pp. 8-9)<br />

[7] : (Réseau Voltaire, « Les services de l'OTAN ont été mis<br />

en cause dans l'affaire di Rupo », 15/4/1999, (RV<br />

99/0139), http://www.voltairenet.org/article613.html)<br />

Védrine, alors secrétaire général de<br />

l'Élysée, est aussi « conseiller<br />

municipal de Saint-Léger-des-<br />

Vignes (Nièvre). En 1990, il s'avéra que<br />

son domicile [fictif, comme élu du cru],<br />

qui était aussi celui du père Nicolas<br />

Glencross (un vieil ami de son père, Jean<br />

Védrine), hébergeait le plus important<br />

studio de pornographie enfantine jamais<br />

découvert en Europe. Les photographies<br />

du père Glencross » [1]<br />

Notons de Jean Védrine, le père de l’exministre<br />

"socialiste", qu’il « participa à la<br />

Cagoule [Voir « Cagoule : L’art », p. 32]<br />

et fut, à ce titre, arrêté pour complot<br />

contre l'État, en même temps notamment<br />

qu'Eugène Deloncle [...]. Jean<br />

Védrine [fut] chef du secrétariat particulier<br />

du Chef de l'État français, Philippe<br />

Pétain, de qui il reçut la Francisque<br />

numéro 2172. C'est pourtant lui qui, à la<br />

Libération, établit l'histoire de la<br />

Résistance et assura le blanchiment de<br />

François Mitterrand. » [1]. Un "socialiste",<br />

donc.<br />

Le père Glencross avait fait « entre vingt<br />

mille et trente mille photos d’enfants en<br />

l’espace de quarante ans » [2] qui<br />

« étaient transmises par l'entremise du<br />

pasteur Joseph Doucé à l'éditeur nazi<br />

Michel Caignet qui les commercialisaient.<br />

Michel Caignet diffusait également<br />

les photographies de Bernard<br />

Alapetite, un ancien du PFN », Parti des<br />

Forces Nouvelles, ancêtre du FN.<br />

D’ailleurs, « Alapetite signe des articles<br />

dans des revues d’extrême droite<br />

comme Défense de l’Occident, Initiative<br />

nationale et Eléments. » [3]. Cette dernière<br />

est une revue du GRECE [Voir<br />

« GRECE, la patte », p. 214].<br />

« Le père Glencross décéda peu après sa<br />

sortie de détention préventive et le pasteur<br />

Doucé fut assassiné. L'affaire s'éteignit<br />

sans qu'Hubert Vedrine ait été<br />

entendu dans le cadre de l'enquête.<br />

» [1] « La disparition de Nicolas<br />

Glencross entraîne tout naturellement la<br />

clôture du dossier judiciaire ouvert près<br />

de deux années auparavant. Quant aux<br />

autres protagonistes de l’affaire, la plupart<br />

bénéficieront en janvier 1993 d’un<br />

non-lieu partiel. C’est le cas d’Alapatite<br />

[...] et de Caignet, contre lesquels le juge<br />

Frédéric N’Guyen – qui a succédé à<br />

Catherine Scholastique, nommée substi<br />

tut en Gironde – ne trouvera pas de<br />

charges suffisantes. » [4]<br />

[1] : (« Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères »,<br />

Notes d’Information du Réseau Voltaire, 23/6/1997, (RV<br />

97/0339))<br />

[2] : (Bernard Violet, « Mort d’un pasteur. L’affaire<br />

Doucé », Fayard, 5/1994, p. 256)<br />

[3] : (Bernard Violet, op. cit., p. 248)<br />

[4] : (Bernard Violet, op. cit., pp. 264-265)<br />

171 Franc du Collier


Extrême droite et esclavagisme pédocriminel<br />

font bon ménage. « En juin<br />

1997, la 15 e chambre correctionnelle<br />

de Paris jugeait soixante-et-onze personnes<br />

impliquées dans un réseau<br />

[…] de cassettes à caractère pédophile,<br />

la filière Toro Bravo. A la tête de<br />

cette entreprise très lucrative on trouvait<br />

un personnage surtout connu<br />

[…] pour son activisme néo-nazi :<br />

Miguel (dit Michel) Caignet.<br />

La presse sera cu<strong>rieuse</strong>ment discrète sur<br />

le mensuel pédophile Gaie France<br />

Magazine qu'il édite […] et dont le pasteur<br />

Doucé, mysté<strong>rieuse</strong>ment assassiné<br />

en 1990, assurait la gestion des abonnements.<br />

[…Caignet] passa […] par le GRECE<br />

d'Alain de Benoist [Voir « GRECE, la<br />

patte », p 214], et […] collabora avec le<br />

groupe négationniste issu de "l'ultragauche"<br />

connu sous le nom de La Vieille<br />

Taupe [Voir « “Bien creusé, vieille<br />

taupe” », p. 199]. En 1984, il fait même<br />

partie avec le gourou de La Vieille Taupe<br />

Pierre Guillaume, Robert Faurisson et le<br />

chercheur au CNRS Serge Thion, de<br />

l'équipe qui traduit un texte fondamental<br />

de la négation des camps d'extermination,<br />

Le Mythe d'Auschwitz, de<br />

Wilhelm Stäglich que La Vieille Taupe<br />

intègre à son catalogue en 1986. » [1]<br />

« Le nom de Michel Caignet apparaît<br />

donc dans un grand nombre d'affaires<br />

criminelles et terroristes, sans que sa responsabilité<br />

personnelle ait jamais pu être<br />

établie, simplement parce qu'il apparaissait<br />

comme le trait d'union juridiquement<br />

innocent entre des organisations<br />

Franc du Collier 172<br />

criminelles. [...] Le Monde et Libération<br />

ont révélé son rôle au sein du Comité de<br />

célébration du centenaire d'Adolf Hitler<br />

en 1989 » [2]<br />

[1] : (Didier Daeninckx, « Négation des camps et promotion<br />

de la pédophilie », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

3/1/2000, http://www.amnistia.net/news/enquet<br />

es/negped/negped.htm)<br />

[2] : (Réseau Voltaire, « Michel Caignet n'a pas changé -<br />

Itinéraire d'un cadre national-socialiste et patron de presse<br />

gay », 1997, (Dossier 3/0008), http://www.voltairenet.org/article7506.html)<br />

A Toulouse, on s’échauffa un peu.<br />

« Plusieurs témoignages de prostituées<br />

qui figurent dans le dossier [Allègre]<br />

mettent [...] en cause des notables<br />

locaux, qui auraient participé à des partouzes<br />

pédophiles organisées par des<br />

proxénètes du coin. » [1] « Si le soufflé<br />

médiatique est largement retombé<br />

depuis, les dégâts sur les enquêtes<br />

concernant des meurtres et des disparitions<br />

non résolus sont considérables.<br />

Devant le souci d’un "recadrage" valant<br />

apaisement général, Michel Roussel [l’adjudant<br />

enquêteur de l’affaire Allègre], plutôt<br />

que de lutter seul contre le système, a<br />

décidé de quitter la gendarmerie. » [2]<br />

Il évoquait des « réseaux pédophiles,<br />

dont rien ne montre, dans les affichages<br />

gouvernementaux d’aujourd’hui, qu’on<br />

cherche vraiment à les identifier et à les<br />

démanteler – et pourquoi ? » [3] Parce<br />

que la justice est indépendante !<br />

Exemple : « Un haut magistrat [réputé<br />

honorable] fait partie de la soixantaine<br />

de personnes interpellées dans 38<br />

départements par [...] la gendarmerie<br />

d’Orléans, dans le cadre d’une vaste


opération, baptisée Forum 45, lancée<br />

pour démanteler un réseau pédocriminel<br />

sur Internet. Michel Joubrel, [...] substitut<br />

général à la cour d’appel de<br />

Versailles depuis 1997, [a été] mis en<br />

examen. Ancien secrétaire général de<br />

l’un des principaux syndicats de la profession,<br />

l’Union syndicale des magistrats<br />

(USM), il avait siégé au Conseil supérieur<br />

de la magistrature (CSM) de 1998 à 2002.<br />

Il risque comme ses co-mis en examen jusqu’à<br />

cinq ans de prison et 76 000 euros<br />

d’amende pour "diffusion, captation et<br />

recel d’images pédophiles". Au dire des<br />

enquêteurs, certaines des 10 000 à<br />

15 000 photos saisies sont "à la limite du<br />

supportable". Les membres du réseau<br />

s’échangeaient des photos de viols d’enfants,<br />

de bébés de moins de deux ans, ou<br />

d’adolescents mis en scène dans des<br />

actes sexuels avec des adultes. [...]<br />

Outre une demande de suspension temporaire<br />

de Michel Joubrel, le garde des<br />

Sceaux, Dominique Perben, a annoncé<br />

la création d’ "une commission d’éthique<br />

composée de personnalités incontestables<br />

et connues pour leur rigueur<br />

morale" qui devront "réfléchir aux règles<br />

de recrutement, de formation et de suivi<br />

tout au long de la vie professionnelle<br />

des magistrats". » [4] Ah ! Beaux discours,<br />

toujours !<br />

« A la veille de sa comparution devant le<br />

Conseil supérieur de la magistrature,<br />

Michel Joubrel [pu cependant]<br />

reprendre ses fonctions. La chambre de<br />

l'instruction de la cour d'appel d'Orléans<br />

[a infirmé] la décision [...] qui lui avait<br />

interdit de se rendre sur son lieu de travail.<br />

[...] Pour prendre cette décision, la<br />

chambre de l'instruction a estimé "qu'à ce<br />

stade de l'enquête aucun indice ne permettait<br />

de considérer que les infractions<br />

poursuivies avaient été commises à l'occasion<br />

de ses activités profession-<br />

nelles". » [5] Penaud, il a dit : « "Je vous<br />

demande pardon." [...] alors qu'il comparaissait<br />

depuis 9 heures devant le Conseil<br />

supérieur de la magistrature (CSM), Michel<br />

Joubrel s'est excusé devant ses pairs. » [6]<br />

Il y a tant d’affaires ! Pauvre justice ! [Voir<br />

« Justice (de) Classe », p. 337] « En avril<br />

[2004], le premier substitut du procureur<br />

de Bobigny, Jean-Louis Voirain,<br />

avait été suspendu dans une affaire de<br />

trafic d’influence présumée. À Toulouse,<br />

le nom d’un magistrat est prononcé<br />

dans le dossier du tueur en série Patrice<br />

Allègre. Lors d’un précédent coup de<br />

filet dans les milieux pédocriminels, en<br />

1997, 70 magistrats (selon le Canard<br />

enchaîné) avaient été inquiétés parmi les<br />

centaines de personnes interpellées.<br />

Sans suite.<br />

En 2000, convaincu de violences<br />

sexuelles sur mineurs, un magistrat de la<br />

cour d’appel de Chambéry avait été suspendu<br />

avec maintien de son traitement,<br />

avant d’être condamné à dix mois de prison<br />

avec sursis assortie d’une mise à la<br />

retraite anticipée. "L’implication d’un<br />

magistrat dans une affaire de cette nature<br />

constitue un fait nouveau qui devrait<br />

amener la justice à réexaminer tous les<br />

dossiers d’inceste ou de viols de mineurs<br />

qu’il a eus entre les mains", estime l’eurodéputée<br />

Sylviane Ainardi. » [4]<br />

N’exagérons pas !<br />

[1] : (« Une justice qui se "Dépêche" », Le Canard enchaîné,<br />

7/5/2003, p.2)<br />

[2] : (Michel Roussel, « Homicide 31. au cœur de l’affaire<br />

Allègre. L’ex-directeur d’enquêtes parle », Denoël, 1/2004,<br />

IV de couv.)<br />

[3] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre aux<br />

pauvres vue des beaux quartiers », Ecologie sociale, n° 1,<br />

10-11/2002, p. 21)<br />

[4] : (Serge Garde, « Pédophilie Un haut magistrat pris la<br />

main dans le sac », L’Humanité, 19/5/2003,<br />

http://www.humanite.fr/journal/2003-05-19/2003-05-<br />

19-372329)<br />

[5] : (Renaud Domenici, « Le magistrat soupçonné de pédophilie<br />

retrouve son poste », Le Parisien, 10/6/2004, p. 14)<br />

[6] : (Stéphane Albouy, « Révocation requise contre le<br />

magistrat de Versailles Une petite phrase en forme<br />

d'aveux. », Le Parisien, 12/6/2004, p. 13)<br />

173 Franc du Collier


On en revient encore aux « services<br />

secrets "stay-behind" de l'OTAN<br />

(Rose-des-vents, Gladio, Arc-en-ciel) [Voir<br />

« Un réseau secret », p. 38]. Créé par le<br />

colonel Fourcaud, en liaison avec le<br />

National Security Council des États-Unis,<br />

puis dirigé par François de Grossouvre<br />

[Voir « Gros Œuvre », p. 191] , ce réseau<br />

aurait utilisé le SAC [ Voir « Mis à SAC. Mis<br />

dans le MIL », p. 140] puis le DPS. » [1]<br />

En effet, après « la dissolution du SAC<br />

(Service d'action civique) de Jacques<br />

Foccart, l'appareil d'État<br />

français se trouva<br />

démuni de mercenaires<br />

pour intervenir<br />

dans le "domaine<br />

réservé africain" [Voir<br />

« Foccart t’a joué »,<br />

p. 129].<br />

Comme [le Réseau<br />

Voltaire l’a] démontré<br />

devant une<br />

Commission d'enquêteparlementaire,<br />

Jacques Foccart<br />

et son successeur<br />

François de Grossouvre<br />

organisèrent<br />

alors le DPS (Département protection<br />

sécurité) au sein du FN pour disposer de<br />

gros bras en France et de mercenaires<br />

pour les actions en Afrique. » [2]<br />

« En 1995, [Chirac] reprend sans état<br />

d’âme le vivier lepéniste de mercenaires,<br />

Franc du Collier 174<br />

créé sous Mitterrand, [ce] DPS, piloté par<br />

un ancien (?) officier de Sécurité militaire,<br />

Bernard Courcelle [Voir « Rude<br />

Courcelle », p. 176]. Il le fait intervenir<br />

dans les guerres des deux Congo. » [3]<br />

On peut bien vivre de l’insécurité de<br />

diverses manières ; par exemple, avec<br />

« une société privée de convoyage de<br />

fonds, [créée] en marge de la DPS, la<br />

société ACDS, qui [a été] mise en liquidation<br />

judiciaire. Les propriétaires<br />

étaient d'anciens responsables de l'OAS<br />

et le directeur était M. Régis de la Croix<br />

Vaubois, qui [a ensuite été] nommé<br />

dans la direction très rapprochée de<br />

M. Jean-Marie Le Pen. Il faudrait se poser<br />

des questions sur les [très nombreuses]<br />

affaires de braquage dont cette société<br />

de convoyage de fonds a fait l'objet et qui<br />

l'ont conduite à déposer son bilan. » [4]<br />

« Depuis [1997], le Réseau Voltaire, [...]<br />

avec de nombreuses autres organisations,<br />

alerte les pouvoirs publics sur les<br />

objectifs supposés<br />

du [... DPS. Les]<br />

quarante cinq organisations<br />

du Comité<br />

national de vigilance<br />

contre l'extrême<br />

droite ont soutenu<br />

la demande de<br />

constitution d'une<br />

Commission d'enquêteparlementaire,<br />

qui a finalement<br />

vu le jour à la midécembre<br />

[… 1998.<br />

Car] de nombreuses<br />

imputations [...<br />

avaient été publiées],<br />

selon lesquelles le DPS présenterait les<br />

caractéristiques d'un groupe de combat<br />

[...] susceptible d'attenter à la forme<br />

républicaine de gouvernement. » [5]<br />

« Les députés ont [donc] été acculés par<br />

le Réseau Voltaire à mettre en place


[cette] commission d’enquête sur le<br />

DPS [6]. » [7]<br />

Pour « protéger [le Réseau Voltaire, fortement<br />

menacé], une information judiciaire<br />

a dû être ouverte par le Procureur<br />

de la République de Paris pour "menace<br />

d'assassinat sans condition", Jean-Marie<br />

Le Pen, quant à lui, entamait une procédure<br />

à [leur] encontre. [... Le] Réseau<br />

Voltaire [a été] entendu, à huis clos, le 3<br />

mars 1999, par la Commission d'enquête<br />

parlementaire [... et attira] l'attention<br />

des députés sur les soutiens dont a<br />

bénéficié le DPS au sein de l'appareil d'État.<br />

Pour cela, elle [évoqua] le parcours<br />

original de son chef, Bernard<br />

Courcelle. » [5] [Voir « Rude Courcelle »,<br />

p. 176]<br />

La « commission d’enquête sur le DPS<br />

[...] n’a pu éviter d’en constater les agissements.<br />

Mais dans un bel élan transpartisan,<br />

elle a refusé d’en prononcer la<br />

dissolution. C’était en 1999. Le rapporteur<br />

[...] conclu benoîtement "Le DPS<br />

n'est jamais loin de la ligne jaune, mais il<br />

ne l'a franchie qu'une seule fois" (en<br />

1996, en s'en prenant à des militants<br />

anti-FN) [... Mais il] se garde bien de dire<br />

qu'en tant que pépinière de mercenaires,<br />

le DPS franchit en permanence la<br />

ligne rouge. » [7]<br />

On ne fit donc réellement rien à son<br />

encontre. N'oublions pas que « la France<br />

avait consenti, en 1947-1948, un accord<br />

avec les Etats-Unis dont les "clauses<br />

secrètes" ressemblent à celles que la Ve République a imposé aux néocolonies<br />

africaines. Paris a dû [...] renoncer à<br />

poursuivre les agissements de groupes<br />

d'extrême-droite "agréés" » [3] [Voir<br />

« Protégeons l’extrême-droite », p. 48].<br />

Tout continue. « Symboliquement, au<br />

soir du 21 avril 2002 [Voir « Entre<br />

deux », p. 322], Jean-Marie Le Pen<br />

s'adressa aux Français depuis son quar-<br />

tier général de campagne en plaçant à<br />

ses côtés Roger Holeindre, ancien combattant<br />

des guerres coloniales et fondateur<br />

du DPS. » [2]<br />

[1] : (« Gladio toujours », Notes d’Information du Réseau<br />

Voltaire, 1/10/1999)<br />

[2] : (« Le 21 avril 2002 n'a pas été marqué par une poussée<br />

du FN, mais par un effondrement des partis de gouvernement<br />

», Réseau Voltaire, 4/5/2002, http://www.voltairenet.org/article7597.html)<br />

[3] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 271)<br />

[4] : (Thierry Meyssan et Yves Frémion, in « DPS : audition<br />

de Thierry Meyssan, Yves Frémion et Jean-Claude Ramos »,<br />

Assemblée nationale française, 3/3/1999,<br />

http://www.voltairenet.org/article3252.html)<br />

[5] : (« Bernard Courcelle : de la DPSD au DPS », Notes<br />

d’Information du Réseau Voltaire, 1/3/1999)<br />

[6] : (« Rapport de la commission d’enquête parlementaire<br />

sur le DPS », Assemblée nationale française, 5/1999,<br />

http://www.voltairenet.org/rubrique327.html, d’après<br />

http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/dps/r1622p<br />

02.asp)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op.cit., p. 221)<br />

Gilbert Lecavelier, l'acolyte de<br />

Charlie Lascorz [Voir « Charlie’s<br />

Angels », p. 155], fut « membre<br />

d'Ordre nouveau et du SAC. En 1968,<br />

Jacques Foccart [Voir « Foccart t’a joué »,<br />

p. 129] le chargea de désigner les cibles<br />

des groupes d'intervention anti-gauchistes<br />

de Bob Denard. En 1970, il<br />

devint l'homme de confiance de Charly<br />

Lascorz au sein d'une officine […,<br />

l’E.T.E.C.]. Ainsi qu'au sein de l'Ordre<br />

souverain et militaire du Temple de<br />

Jérusalem [Voir « OSMTJ », p. 157] et de<br />

l'Union pour la défense des libertés et du<br />

droit (UDLD). Il travaille alors en étroite<br />

liaison avec la Grande loge nationale de<br />

France (GLNF). » [1] « L’infiltration [de<br />

175 Franc du Collier


l’ultra gauche] est planifiée par Charly<br />

Lascorz au sein d’une "section anti-gauchiste"<br />

de l’E.T.E.C. animée par Gilbert<br />

Le Cavelier.<br />

Omniprésent, celui-ci gardera des<br />

contacts avec les divers groupes nationalistes<br />

ainsi qu’avec les sections du S.A.C.<br />

ayant choisi la dissidence [...]. Profitant de<br />

ses contacts, il centralise les informations<br />

sur les militants gauchistes, et effectue par<br />

la même occasion le fichage des éléments<br />

d’extrême droite. » [2].<br />

Il est bien utile, ce « Gilbert Lecavelier,<br />

ancien militant d'extrême droite, en<br />

charge du service d'ordre des Jeunesses<br />

patriotes et sociales de Roger Holeindre<br />

en 1969 et proche de Jean-Marie Le Pen<br />

lui-même pour diverses opérations "spéciales".<br />

» [3] « Rival de Bernard Courcelle,<br />

dont il espérait prendre la place à la tête<br />

du DPS, Gilbert Lecavelier a diffusé à la<br />

presse divers documents sur l'affaire<br />

tchétchène. » [1] [Voir « Tchatche tchétchène<br />

», p. 179]<br />

[1] : (Réseau Voltaire, « Une figure du Département protection<br />

sécurité (DPS) : Gilbert Lecavelier », Notes<br />

d’Information du Réseau Voltaire, 1/9/1999)<br />

[2] : (Patrice Chairoff, « Dossier B… comme barbouzes »,<br />

Alain Moreau, 10/1975, p. 45)<br />

[3] : (La Commission d'enquête, d’après le ministère de la<br />

Défense, http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/dps/<br />

r1622p02.asp cité in « Une figure du Département protection<br />

sécurité (DPS) : Bernard Courcelle », Notes d'information<br />

du Réseau Voltaire, 1/9/1999)<br />

Franc du Collier 176<br />

« Le capitaine Bernard Courcelle est<br />

un ancien parachutiste qui a servi au<br />

6 e RPIMa (Régiment parachutiste d'infanterie<br />

de marine) de 1978 à 1981.<br />

Il a [...] effectué quelques missions au<br />

Moyen-Orient en tant qu'officier [parlant<br />

arabe].<br />

Il a été instructeur parachutiste pour la<br />

5 e Région militaire jusqu'en 1985. [1] Au<br />

début des années quatre-vingt - alors [...<br />

qu’il] est toujours instructeur parachutiste<br />

-, Bernard Courcelle est engagé par<br />

une société privée de sécurité, le<br />

Groupe 11 (aujourd'hui dirigée par son<br />

frère, Nicolas Courcelle) "pour protéger<br />

Alain Juppé en campagne électorale<br />

pour les élections municipales de 1983,<br />

dans le XVIII e arrondissement de<br />

Paris" [2].<br />

Bernard Courcelle est [aussi] "correspondant"<br />

de la Direction de la protection et<br />

de la sécurité de la Défense (DPSD). Il y<br />

était chargé de la surveillance des trafics<br />

d'armes et des mercenaires [3]. En 1985,<br />

Bernard Courcelle dit s'être mis en disponibilité<br />

au grade de capitaine pour<br />

entrer dans la société d'armements<br />

Luchaire, tout en conservant son habilitation<br />

confidentiel-secret-Défense [1].<br />

Dans cette entreprise » [4] « qui, durant<br />

la guerre Irak-Iran, fournissait en munitions<br />

les deux adversaires (leur affaiblissement<br />

réciproque était une stratégie de<br />

l’Otan) » [5], « il était en particulier chargé<br />

de la sécurité de Daniel Dewawrin,<br />

président du directoire de la société et<br />

fils du célèbre résistant André Dewawrin<br />

(alias colonel Passy) [1].


[... Or], l'entreprise Luchaire fut impliquée<br />

dans "l'Irangate français" pendant<br />

les années quatre-vingt. Sous couvert de<br />

faux certificats de destination finale<br />

(Portugal, Brésil, Israël...), des navires<br />

remplis d'armes furent affrétés par la<br />

France afin de rallier l'Iran. Dès 1983, de<br />

grandes quantités d'armes sont ainsi<br />

acheminées clandestinement [6].<br />

[... A l’époque], Paris fait l'objet d'un<br />

double chantage de la part de la<br />

République islamique d'Iran : des ressortissants<br />

français sont retenus en otages<br />

au Liban par des groupes islamistes téléguidés<br />

par Téhéran, tandis que des<br />

attentats à l'explosif ensanglantent la<br />

capitale française. [... L'Iran] entend faire<br />

respecter par Paris le contrat Eurodif,<br />

signé en 1974. À l'époque, le Shah avait<br />

accordé à la France un prêt d'un milliard<br />

de dollars dans le cadre de la construction<br />

de la centrale nucléaire du Tricastin,<br />

sur le site de Pierrelatte. En échange,<br />

Téhéran (qui devenait actionnaire<br />

d'Eurodif) devait avoir accès à 10 % de<br />

l'uranium enrichi à Pierrelatte. Mais, Paris<br />

considéra que la Révolution islamique,<br />

conduite par l'ayatollah Khomeiny en<br />

1979, remettait en cause ce contrat, et<br />

bloqua toute livraison d'uranium enrichi.<br />

Différents clans s'opposèrent alors en<br />

France, certains refusant de céder au<br />

chantage iranien, d'autres préférant<br />

transiger [7] [Voir « Besse de régime »,<br />

p. 211].<br />

La DPSD a commencé à s'intéresser dès<br />

le 25 janvier 1984 à d'éventuelles exportations<br />

illégales d'obus fabriqués par la<br />

société Luchaire vers l'Iran [...]. Si l'appartenance<br />

de Bernard Courcelle à la DPSD<br />

était confirmée - l'information, plusieurs<br />

fois publiée, n'a [...] fait l'objet d'aucune<br />

demande de droit de réponse ou de rectificatif<br />

-, il ne serait pas fantaisiste de<br />

considérer que celui-ci appartenait enco-<br />

re à ce service secret lorsqu'il exerçait ses<br />

fonctions chez Luchaire. » [4]<br />

« Après que l'affaire eut été révélée par la<br />

presse, le contrôleur général des armées<br />

Jean-François Barba sera chargé de rédiger<br />

un rapport sur l'affaire Luchaire. "À<br />

la question de savoir si le cabinet du<br />

ministre de la Défense a pu couvrir et<br />

aider les exportations de la société<br />

Luchaire vers l'Iran, Jean-François Barba<br />

n'apporte pas de réponse claire" [8] [...].<br />

Cependant, le général Barba cite deux<br />

témoignages de poids. Celui de l'amiral<br />

Lacoste, responsable de la DGSE au<br />

moment des faits, qui lui affirme que<br />

Jean-François Dubos, chargé de mission<br />

auprès de Charles Hernu, lui aurait dit :<br />

"Pas vu, pas pris !" D'autre part, le général<br />

Armand Wautrin, patron de la DPSD,<br />

lui a confié qu'en 1984, alors que Jean-<br />

François Dubos lui avait demandé de<br />

"lever le pied" dans le cadre de l'enquête<br />

menée par son service sur Luchaire, le<br />

conseiller du ministre aurait ajouté :<br />

"Vous comprenez, Luchaire alimente les<br />

caisses du Parti socialiste" (propos que le<br />

général Wautrin niera par la suite avoir<br />

tenu [...]) [8]. [...]<br />

Après la victoire de la droite parlementaire<br />

aux élections législatives de mars<br />

1986, les livraisons d'armes à l'Iran continuent.<br />

[... Et] "c'est par le canal de la<br />

République fédérale islamique des<br />

Comores que la France a livré, au cours<br />

de cette période, des armes à l'Iran" [9].<br />

[...] À l'époque, l'archipel des Comores<br />

est tenu par les hommes du mercenaire<br />

français Bob Denard [voir « Foccart t’a<br />

joué », p. 129], qui encadre la garde présidentielle<br />

(GP) du président comorien<br />

Ahmed Abdallah.<br />

[... Et] "les mercenaires [de Bob Denard]<br />

assiègent, souvent, l'aéroport international<br />

de Moroni-Hahaya la nuit, autorisant<br />

les avions sud-africains à faire escale et à<br />

177 Franc du Collier


y décharger des armes destinées à<br />

d'autres pays comme le Mozambique et<br />

l'Iran" [10].<br />

Durant cette période, sur le continent<br />

africain, plusieurs hommes politiques liés<br />

au RPR effectuent de secrètes missions<br />

diplomatiques dans le maquis angolais<br />

[Voir « Fort Angola », p. 645] de Jonas<br />

Savimbi (soutenu, notamment, par la<br />

France et l'Afrique du Sud) : Michel<br />

Roussin [Voir « Ça sent le Roussin »,<br />

p. 132] , chef de cabinet de Jacques<br />

Chirac à Matignon ; Jean-Yves Ollivier,<br />

un homme d'affaires proche de Michel<br />

Roussin et très lié au régime sud-africain<br />

(par ailleurs conseiller du Commerce extérieur<br />

de la France depuis 1988) ; Éric<br />

Raoult, délégué national à la jeunesse du<br />

parti gaulliste ; Joèl Galli-Papa, lié à Pierre-<br />

Philippe Pasqua (le fils du ministre de<br />

l'Intérieur de l'époque). [...]<br />

"D'après plusieurs sources convergentes,<br />

[...] l'Unita, l'Afrique du Sud et les<br />

Comores ont été impliquées [...] dans la<br />

fourniture secrète d'armes à l'Iran [...].<br />

Dans le sens Iran-Comores circule le<br />

pétrole qui sert de monnaie d'échange.<br />

Dans le sens inverse, ce sont des armes<br />

qui transitent [...]. Le gouvernement des<br />

Comores fournit aux Iraniens les certificats<br />

de destination finale pour le pétrole<br />

que la Comoil [alors présidée par Jean-<br />

Yves Ollivier] distribue ensuite dans<br />

d'autres pays." [9]<br />

Quant aux armes, livrées, selon Loiseau,<br />

sur l'aéroport zaïrois de Kamina par les<br />

avions de la compagnie Santa Lucia<br />

Airways, "elles ne partent pas vers les<br />

maquis angolais mais vers les Comores<br />

et, de là, vers l'Iran" [9].<br />

Selon la journaliste Dominique Lorentz,<br />

auteur d'un livre sur les enjeux de la<br />

"guerre" franco-iranienne (en l'occurrence,<br />

l'uranium dû à l'Iran par la France en<br />

vertu du contrat Eurodif), des livraisons<br />

Franc du Collier 178<br />

secrètes d'uranium (probablement enrichi<br />

au Gabon) vers l'Iran auraient pu<br />

suivre des canaux similaires [7].<br />

En 1988-89, après la réélection de [...]<br />

Mitterrand à la présidence [..., on veut]<br />

remplacer Bob Denard à la tête de la<br />

garde présidentielle comorienne. [...]<br />

Bob Denard affirme que des contacts<br />

ont été pris avec certains de ses hommes<br />

par le capitaine Bernard Courcelle qui<br />

[...] se réclamait implicitement de l'Élysée.<br />

[...] Selon Bob Denard, [le 29 mars<br />

1989,] "Courcelle [... m’affirme] que la<br />

France a désormais reçu de la<br />

Communauté économique européenne<br />

la charge de l'océan Indien [... et] que la<br />

France ne tient pas à nuire au président<br />

Abdallah, mais qu'elle propose seulement<br />

qu'il accepte d'améliorer son<br />

image de démocrate en se séparant de<br />

quelques éléments de la GP [Garde<br />

Présidentielle] devenus trop voyants [...].<br />

Il affirme qu'une fois le principe d'allégement<br />

de la GP accepté, je conserverai<br />

ma place aux Comores [...] Courcelle<br />

avance que la France, par le truchement<br />

du ministère de la Coopération, pourrait<br />

supplanter les Sud-Africains à l'entretien<br />

de la GP [... On pourra] avoir confirmation<br />

de ses dires en prenant rendez-vous<br />

avec le ministre de la Coopération en<br />

personne [...] Jacques Pelletier, qui a<br />

pour directeur de cabinet le préfet<br />

Claude Érignac" [11].<br />

En 1989, Bernard Courcelle devient le<br />

garde du corps de Simone Veil - l'une<br />

des "bêtes noires" du FN - à l'occasion de<br />

la campagne pour les élections européennes.<br />

[2] » [4] Et en « mai 1990,<br />

Bernard Courcelle est engagé par les<br />

Musées nationaux pour assurer la sécurité<br />

du Musée d'Orsay. En lien avec la "cellule<br />

élyséenne" » [5], « (officiellement<br />

jamais créée et néanmoins prétendument<br />

dissoute en 1983) » [4], « il assure


surtout [jusqu’en 1993] la sécurité de la<br />

conservatrice du Musée, Anne Pingeot<br />

(maîtresse du président François<br />

Mitterrand). » [12] « La liaison était alors<br />

gardée comme un secret d’Etat [Voir<br />

« Fou, Hallier ? », p. 221]. Difficile pour<br />

Courcelle, d’être plus proche du cœur<br />

du pouvoir… » [5]<br />

« Bernard Courcelle déclare [...] : "Je<br />

m'occupais de préparer les visites, souvent<br />

impromptues, de François<br />

Mitterrand à Anne Pingeot" [2]. Mais<br />

après [une] intervention publique de<br />

Noël Mamère, Bernard Courcelle se<br />

rétracte [...].<br />

En 1994, [...] c'est le commissaire<br />

Charles Pellegrini, un ancien de la cellule<br />

élyséenne (comme Paul Barril), qui le<br />

présente à Jean-Marie Le Pen. Celui-ci lui<br />

propose de prendre la direction du<br />

Département protection et sécurité<br />

(DPS) du Front national. [...] Bernard<br />

Courcelle accepte la proposition, "d'autant<br />

que les idées du FN correspondaient<br />

tout à fait" aux siennes. [13] » [4]<br />

[1] : (Entretien de Bernard Courcelle avec Rivarol,<br />

5/2/1999)<br />

[2] : (Michaël Darmon et Romain Rosso, « L'après Le Pen »,<br />

Seuil, 1998)<br />

[3] : ([2] et Libération, 4/2/1999)<br />

[4] : (« Bernard Courcelle : de la DPSD au DPS », Notes<br />

d’Information du réseau Voltaire, 1/3/1999)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 218)<br />

[6] : (La Presse de la Manche, 2-4/1986)<br />

[7] : (Dominique Lorentz, « Une Guerre », Les Arènes,<br />

1997)<br />

[8] : (Jean Guisnel et Bernard Violet, « Services secrets. Le<br />

pouvoir et les services de renseignement sous François<br />

Mitterrand », La Découverte, 1988)<br />

[9] : (Yves Loiseau, « Le Grand Troc », Hachette, 1988)<br />

[10] : (Ahmed Wadaane Mahamoud, « Autopsie des<br />

Comores », Cercle Repères, non daté)<br />

[11] : (Bob Denard, « Corsaire de la République », Robert<br />

Laffont, 1998 ; Stephen Smith et Antoine Glaser, « Ces<br />

Messieurs Afrique », Calmann-Lévy, 1992)<br />

[12] : (« Les frères Courcelle : des barbouzes au cœur des<br />

réseaux Mitterrand », Notes d’information du Réseau<br />

Voltaire, 26/3/2001)<br />

[13] : (Entretien de Bernard Courcelle avec LCI,<br />

13/01/1999 ; [1] ; [2])<br />

« Bernard Courcelle [...] a été mis en<br />

cause par un reportage [sur "l'affaire<br />

tchétchène"] [1] [... Les] journalistes<br />

ont notamment exploité une lettre<br />

anonyme dénonçant Bernard<br />

Courcelle, qui peut être attribuée à<br />

Gilbert Lecavelier » [2] [Voir « Le cave<br />

lié », p. 175].<br />

« Bernard Courcelle a appris, par l'intermédiaire<br />

de [...] son frère Nicolas<br />

Courcelle, dirigeant du Groupe Onze<br />

France, société de sécurité privée spécialisée<br />

dans le recrutement de mercenaires,<br />

qu'un consortium franco-américain<br />

avait établi des relations avec les<br />

dirigeants de la Tchétchénie, République<br />

de l'ex-URSS en guerre contre la Russie<br />

pour son indépendance. » [2] [Voir « Ex-<br />

Est », p. 560]<br />

« En 1992, Bernard Courcelle s'était<br />

rendu en Tchétchénie afin de "réaliser<br />

un audit sur la sécurité des ressortissants<br />

occidentaux devant participer à [cet]<br />

important consortium [...]". À cette occasion,<br />

il avait fait la connaissance du président<br />

tchétchène Djokhar Doudaïev,<br />

qu'il rencontrera à quatre reprises<br />

durant l'année 1993. Courcelle précise<br />

encore qu'il a "assuré la protection<br />

d'équipes de télévision qui venaient<br />

tourner [en Tchétchénie] (dont celle de<br />

la chaîne Arte)" » [3].<br />

« Il informa le DPSD que ces [les dirigeants<br />

de la Tchétchénie] étaient à la<br />

recherche de partenaires pour exploiter,<br />

raffiner et transporter du pétrole de<br />

cette République. Il était également<br />

question d'étudier les conditions dans<br />

lesquelles pourrait être assurée la sécuri-<br />

179 Franc du Collier


té du Président de la Tchétchénie, le<br />

général Doudaïev, et celle des personnels<br />

étrangers - environ 400 - qui<br />

seraient amenés à travailler en<br />

Tchétchénie après la signature du<br />

contrat. Le Gouvernement français<br />

n'ayant pas souhaité participer à ces<br />

contacts, il a été signifié à Bernard<br />

Courcelle de ne plus s'occuper de cette<br />

affaire. Celui-ci ayant persisté dans ses<br />

intentions, la DPSD a alors [officiellement]<br />

rompu toute relation avec lui.<br />

Bernard Courcelle a assuré la sécurité du<br />

général Doudaïev lors de sa visite au<br />

salon du Bourget en juin 1993. Un<br />

contrat de sécurité a été signé à cette<br />

occasion entre le Gouvernement tchétchène<br />

et le Groupe Onze France.<br />

Bernard Courcelle s'est alors rendu en<br />

Tchétchénie avec son beau-frère<br />

Christian Bègue, son frère Nicolas [...]. Il<br />

aurait alors perçu 20 000 dollars pour<br />

ses services. » [2] A noter que « Bernard<br />

Courcelle a recruté des mercenaires<br />

pour aller en Tchétchénie en utilisant<br />

des lignes téléphoniques du Front<br />

National et avec l'aide de [...] personnes<br />

à contacter au siège du Front National<br />

dans cette opération. » [2]<br />

« Le 12 mars 1996, Bernard Courcelle se<br />

rend à Grozny accompagné d'une petite<br />

équipe appartenant à une société de<br />

production télé, Galaxie (qui vendra à<br />

l'émission "Envoyé spécial" (France 2) un<br />

reportage sur la résistance tchétchène)<br />

» [3] réalisé « jusque dans la cachette<br />

secrète du général Doudaïev. Souci<br />

documentaire en faveur de la cause<br />

tchétchène ou simple couverture ? [... Il]<br />

a évoqué avec un adjoint du Président<br />

Doudaïev, le général Bassaïev, la possibilité<br />

de vendre des armes à bas prix à<br />

l'armée tchétchène. » [2]<br />

Les « Tchétchènes dépêcheront un émissaire<br />

en France afin de traiter la proposition<br />

de services évoquée par Courcelle :<br />

Franc du Collier 180<br />

l'aide de camp Ilia Mustapha arrive à<br />

Paris à la mi-avril 1996. L'émissaire tchétchène<br />

loge chez Bernard Courcelle,<br />

dans les Hauts-de-Seine. » [3]<br />

« Il aurait ainsi mis en relation Ilias<br />

Akhmadov, dit Mustapha, envoyé du<br />

gouvernement tchétchène, avec le mercenaire<br />

belge Marty Cappiau qui a installé<br />

une société de vente d'armes en<br />

Croatie, Joy Slovakia » [2], « qui doit fournir<br />

armes et missiles aux Tchétchènes.<br />

Ilia Mustapha crée une société écran en<br />

Suisse, Fordfield, qui effectuera deux<br />

virements sur le compte de Joy Slovakia,<br />

pour un montant total d'un million de<br />

dollars (Cappiau s'engage par lettre à<br />

rembourser la somme en cas de nonlivraison).<br />

Mais les Tchétchènes ne verront jamais<br />

la couleur des armes promises - et<br />

payées. Mustapha sera baladé de la<br />

Croatie à l'Ouganda en passant par la<br />

Pologne, la Roumanie et la Bulgarie. À<br />

chaque escale, les armes sont cu<strong>rieuse</strong>ment<br />

inaccessibles. [...]<br />

Bernard Courcelle contestera être partie<br />

prenante dans cette escroquerie : "J'ai<br />

mis en contact des gens ; l'un d'entre<br />

eux était plus malhonnête que les autres<br />

et s'est enfui avec une somme importante<br />

d'à-valoir sur une vente de matériel<br />

sensible qui n'a jamais eu lieu." [4] » [3]<br />

« Bernard Courcelle a-t-il touché une<br />

commission dans cette affaire ? Toujours<br />

est-il que celle-ci a sans aucun doute<br />

terni sa réputation aux yeux de Jean-<br />

Marie Le Pen. » [2]<br />

[1] : (Stéphane Ravion et Pascal Henry, dans Le Vrai<br />

Journal, Canal +, 14/12/1997, repris par Le Canard<br />

enchaîné et Libération)<br />

[2] : (La Commission d'enquête, d’après le ministère de la Défense,<br />

http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/dps/r1622p02.asp<br />

cité in « Une figure du Département protection sécurité (DPS) :<br />

Bernard Courcelle », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

1/9/1999)<br />

[3] : (« Bernard Courcelle : de la DPSD au DPS », Notes<br />

d’Information du réseau Voltaire, 1/3/1999)<br />

[4] : (Entretien avec Rivarol, 5/2/1999 ; Stéphane Ravion et Pascal<br />

Henry, op. cit.)


« Les tenants du […] pouvoir [...] préfèrent<br />

le calme, plus propice à leur<br />

prospérité. […] Mais s’ils sentent leurs<br />

privilèges vaciller, leur puissance<br />

menacée, ils possèdent une parade :<br />

faire créer artificiellement par leurs<br />

gardiens de l’ordre un désordre provisoire,<br />

[…] de façon à rétablir l’ordre<br />

plus facilement. C’est-à-dire à utiliser la<br />

provocation. Les challengers fascistes<br />

[…] sont utilisés par [le régime en<br />

place] ; ils tâchent d’instaurer le plus de<br />

confusion possible […] et poussent enfin<br />

au désordre en vue de l’installation d’un<br />

ordre supérieur, d’essence mystique, de<br />

forme pyramidale, qui aboutisse à une<br />

fusion de l’individu dans un Etat unifié.<br />

La provocation est leur arme favorite et<br />

permanente. » [1]<br />

Il y a « un mode de gestion analogue, aux<br />

Etats-Unis et en France, des viviers de miliciens<br />

et mercenaires d’extrême droite.<br />

» [2] Dans les guerres provoquées et<br />

les coups de force, ils servent l’Etat qui<br />

n’en finit pas de néocoloniser [Voir<br />

« Foccart t’a joué », p. 129]. « Quelle guerre<br />

? Mais n’importe laquelle. Je n’ai pas lu<br />

les journaux ces temps-ci ; mais je suppose<br />

qu’il y a bien une guerre quelque part.<br />

Il y a toujours une guerre. » [3]<br />

La CIA et ses mandants ont toujours<br />

aimé les éléments nationalistes (« il suffit<br />

de leur suggérer, très habilement, qu'ils<br />

agissent dans l'intérêt de leur<br />

patrie » [4]) et peu leur chaut qu’ils<br />

disent « US Go home ! » « Il n’y pas qu’en<br />

Afrique que les suppôts du colonialisme<br />

s’abritent sous les diatribes anticoloniales<br />

: en France, certains agents ou<br />

alliés de l’Otan comptaient parmi les plus<br />

virulents pourfendeurs de l’impérialisme<br />

américain. » [5]<br />

S’il existe un haut pourcentage de partisans<br />

de l'extrême droite parmi les policiers,<br />

les militaires ou les gendarmes, il<br />

en est de même dans les milieux<br />

mafieux. « Il est classique de voir à<br />

chaque moment de crise le milieu collaborer<br />

avec l’extrême droite ou le fascisme.<br />

A l’exception de quelques Corses, ce<br />

fut en France le même milieu qui fournit<br />

les éléments de base les plus importants<br />

de la Gestapo pendant l’occupation hitlérienne.<br />

» [6]<br />

« Ce n’est pas le moindre des paradoxes<br />

de voir ces partis d’extrême droite – qui<br />

envoient dans des assemblées démocratiquement<br />

élues des gens aux casiers<br />

judiciaires pas vraiment vierges – passer,<br />

dans une partie non négligeable de<br />

l’électorat, pour des formations<br />

"pures". » [7] Il s’agit réellement d’une<br />

pseudo-opposition.<br />

Une pseudo-opposition milliardaire ; et<br />

on ne prête qu’aux riches. « Le MNR de<br />

Bruno Mégret et le FN seraient [en 2004]<br />

les deux partis les plus endettés [8] [...],<br />

avec des déficits atteignant respectivement<br />

2,7 et 1,2 million d’euros. » [9]<br />

[1] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, p. 53)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les<br />

Arènes, 3/2002, p. 44)<br />

[3] : (F. Scott Fitzgerald, « Tendre est la nuit », livre I, 6,<br />

trad. M. Chevalley, Stock)<br />

[4] : (Le PDG de "GTI", dans le film de Henri Verneuil,<br />

« Mille milliards de dollars », 1981)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 34)<br />

[6] : (Françoise d’Eaubonne, « Dossier S… comme Sectes.<br />

Voyage chez les marchands d’Absolu et d’Alternative.<br />

Gourous et Gouroufiés », Alain Moreau, 3/1982, p. 217 n. 1)<br />

[7] : (Philippe Brewaeys et Jean-Frédérick De Liège, « de<br />

Bonvoisin et Cie . De Liège à Bruxelles, les prédateurs de<br />

l’Etat », EPO, 1992, p. 271)<br />

[8] : (Journal officiel, 18/9/2004)<br />

[9] : (Le Canard enchaîné, 29/9/2004, p. 2)<br />

181 Franc du Collier


L<br />

’extrême droite est clairement raciste.<br />

« Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret<br />

ont été condamnés, [... le] 25 novembre<br />

[1998], par le tribunal de grande instance<br />

de Nanterre, à verser chacun [1500<br />

euros] de dommages et intérêts [...]<br />

pour leurs propos sur l' "inégalité des<br />

races". "Je crois à l'inégalité des races",<br />

avait déclaré M. le Pen [... Bruno Mégret]<br />

avait affirmé [..., lui,] qu'il croyait en "la<br />

supériorité d'une race sur une<br />

autre" [1] » [2]. Mais pourquoi est-on élu<br />

d’extrême droite ?<br />

On veut jouer aux flics. Ainsi, « l'élu FN<br />

Claude Jaffrès, à qui la cour d'appel de<br />

Strasbourg a confirmé le 9 avril [1998]<br />

une condamnation à un an de prison<br />

avec sursis et deux ans de privation des<br />

droits civiques, pour avoir "contrôlé" illégalement<br />

des jeunes gens dans la banlieue<br />

strasbourgeoise en se faisant passer<br />

pour un policier en civil » [3] ; ce qu’il<br />

fit accompagné de « trois membres du<br />

Département protection sécurité<br />

(DPS) » [4] [Voir « Dépèce ! », p. 174],<br />

jugés initialement avec lui.<br />

On veut aussi jouer aux voyous. « Le 13<br />

juillet 1990, Jacky Codvelle, tête de liste<br />

FN aux municipales de 1989, incendie la<br />

voiture du député-maire PS de Bron,<br />

Jean-Jack Queyranne. Il écope de six<br />

mois avec sursis » [5].<br />

En fait, on veut jouer aux deux à la fois.<br />

« Le 9 mars 1990, Jean Holtzer, ex-candidat<br />

Front national [ardéchois] aux cantonales<br />

de 1985 et aux législatives de<br />

Franc du Collier 182<br />

1986, empoigne un revolver et s'en va<br />

braquer une banque [...] : [2 250 euros]<br />

de butin, 8 ans de prison. [... Pourtant,]<br />

pour une histoire identique, cet ancien<br />

avocat général avait un jour réclamé la<br />

peine de mort. » [6]<br />

On aime aussi les rapports directs avec<br />

ses employés. « Marc Lyœn, secrétaire<br />

départemental du Front national du<br />

Maine-et-Loire, a été condamné, [... le]<br />

10 avril [1998], à six mois de prison avec<br />

sursis et [4 500 euros] d'amende par le<br />

tribunal correctionnel de Saumur [...].<br />

Actionnaire d'une société de textile, M.<br />

Lyœn était poursuivi pour avoir employé<br />

de façon clandestine une trentaine de<br />

personnes lors d'une vente non autorisée<br />

de vêtements dans une usine désaffectée<br />

[... Il] a assuré qu'il avait été aidé<br />

par des bénévoles, militants de son<br />

parti. » [7] On reconnaît un style.<br />

On voit le travail autrement. « Sylvain<br />

Ferrua, conseiller municipal FN à Fréjus<br />

(Var), se porte caution pour le salon-demassage-maison-de-passe<br />

de sa compagne<br />

[...], prostituée et "mère maquerelle".<br />

Condamné le 8 janvier 1996 à un<br />

an de prison avec sursis et [7 500 euros]<br />

pour proxénétisme. » [6] C’est ma<br />

femme, j’en fais ce que je veux.<br />

Et puis, on a l’esprit de famille. En avril<br />

1992, « Jean-Claude Poulet cognait sa<br />

femme depuis quinze ans. Cet [...]<br />

ancien candidat du FN aux élections<br />

cantonales et régionales [de Haute<br />

Saône] voulait ainsi "la stimuler, car elle<br />

n'était pas très courageuse au travail. Il<br />

fallait que je la stimule assez fréquemment"<br />

[...]. Quatre mois de prison avec<br />

sursis. » [6] Le « 30 novembre 1991 [...,]<br />

Pascal-Bernard de Leersnyder, conseiller<br />

régional FN de Lorraine, enseigne l'allemand<br />

au fils de sa compagne, Arnold,<br />

cinq ans. A coup de poing, de pied. Des<br />

heures [...]. L'enfant saigne. Pour le


débarbouiller, Leersnyder lui plonge la<br />

tête dans la cuvette des WC. ("Il n'était<br />

pas digne de la salle de bains"). Treize<br />

mois de prison, dont dix ferme. » [6]<br />

Surtout, on aime l’argent. « L. Mirabaud,<br />

financier de J.-M. Le Pen, a été condamné<br />

à 11 mois [de prison] en 1994 pour<br />

escroquerie et exercice illégal de la profession<br />

de banquier. » [6] On a protesté<br />

de son innocence à Toulon. « La Cour de<br />

cassation a déclaré "non admis" le pourvoi<br />

de l’ancien maire de Toulon Jean-<br />

Marie Le Chevallier (ex-FN) et de son<br />

épouse Cendrine, contre leur condamnation<br />

à huit mois d’emprisonnement<br />

avec sursis pour complicité d’abus de<br />

confiance » [8] « dans la gestion de l'association<br />

Jeunesse toulonnaise » [9],<br />

« qui devient ainsi définitive. » [8]<br />

Et comment va la petite famille ?<br />

« Guillaume d'Herbais [de la Thun], beaufrère<br />

du maire FN de Toulon J.-M. Le<br />

Chevallier [a été] condamné [le 21 février<br />

1994 à deux ans de prison avec sursis]<br />

pour abus de biens sociaux au détriment<br />

d'une caisse de retraite [7,5 millions d’euros].<br />

» [6] Et le « 15 août 1996 [..., les] deux<br />

dogues allemands de [sa femme,]<br />

Katherine [d'Herbais], conseillère régionale<br />

FN de Picardie, égorgent 48 brebis et en<br />

blessent une centaine d'autres. Un gardechasse,<br />

survenu lors du massacre, doit se<br />

réfugier dans une voiture pour protéger sa<br />

carotide. 400 000 F de préjudice. » [6]<br />

Le Toulon de Jean-Marie Le Chevallier<br />

n’est pas qu’une garnison, c’est une<br />

pépinière. Jean-Pierre Calone, l’« exadjoint<br />

Front national de Toulon [a été<br />

condamné à 12 ans de prison] pour harcèlement,<br />

agressions sexuelles et viols<br />

devant la cour d’assises du Var. Les premiers<br />

témoignages ont balayé ses dénégations.<br />

L’une de ses victimes RMIste,<br />

mère de trois enfants [...,] avait dû être<br />

hospitalisée pendant 6 mois après les<br />

faits. Jean-Pierre Calone [...], amnistié<br />

après avoir participé au putsch d’Alger<br />

en 1962 [Voir « Barricades Academy »,<br />

p. 120], était entré au Front national<br />

pour être élu à la mairie de Toulon tout<br />

en prétendant "ne pas adhérer aux idéologies"<br />

de ce parti. » [10] Qu’est-ce que<br />

ç’aurait été ?<br />

[1] : (France 2, 17/2/1997)<br />

[2] : (« Condamnés pour leurs propos sur l'"inégalité des<br />

races" », Le Monde, 27/11/1998,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-174907,0.html)<br />

[3] : (« Front National : le conseil régional d'Auvergne a à<br />

nouveau retiré ses délégations dans les lycées à l'élu FN<br />

Claude Jaffrès », Le Monde, 24/6/1998,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-149546,0.html)<br />

[4] : (Marcel Scotto, « Quatre membres du FN jugés à<br />

Strasbourg pour s'être fait passer pour des policiers », Le<br />

Monde, 2/4/1997)<br />

[5] : (« Les condamnations et démêlés judiciaires du FN »,<br />

L’Humanité, 28/3/1998)<br />

[6] : (MRAP, « Argumentaire pour lutter contre le FN »,<br />

d’après la rubrique "National-Voyou" de Charlie Hebdo,<br />

en 1996 ; repris in Réseau Voltaire, « Condamnations de<br />

membres du FN », 1/10/1998, http://www.voltairenet.or<br />

g/article7518.html)<br />

[7] : (« Un responsable du FN condamné pour utilisation<br />

de clandestins », Le Monde, 12/4/1998,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-258549,0.html)<br />

[8] : (L’Humanité, 11/04/2002, http://www.humanite.fr/j<br />

ournal/2002-04-11/2002-04-11-32064)<br />

[9] : (Le Monde, 3-4/12/2000)]<br />

[10] : (« Jean-Pierre Calone devant les juges », L’Humanité,<br />

17/5/2000, http://www.humanite.fr/journal/2000-05-<br />

17/2000-05-17-225372)<br />

Non. Bruno Mégret, l’ancien du GRECE<br />

[Voir « GRECE, quelques membres »,<br />

p. 222], quitta son poste de haut dirigeant<br />

du FN, acquis après l’étrange accident<br />

routier de Jean-Pierre Stirbois, en<br />

novembre 1988 ; et créa en 1999 un<br />

mouvement concurrent, le MNR. Il fallu<br />

bien alors le financer. « Le président du<br />

Mouvement national républicain (MNR),<br />

Bruno Mégret, a été condamné, [...,<br />

finalement, le] 26 janvier [2004] à<br />

183 Franc du Collier


Marseille, à un an d'inéligibilité, à un an<br />

de prison avec sursis et à 10 000 euros<br />

d'amende pour "complicité et recel<br />

d'abus de biens sociaux".<br />

Le MNR en tant que personne morale a<br />

été condamné à 30 000 euros d'amende.<br />

M. Mégret était jugé pour le financement<br />

irrégulier de son parti. » [1]<br />

Sa femme, lui avait docilement succédé<br />

à la mairie de Vitrolles. « Le<br />

tribunal correctionnel d'Aixen-Provence<br />

a condamné,<br />

[... le] 8 novembre [2000],<br />

Catherine Mégret, maire<br />

(MNR) de Vitrolles<br />

(Bouches-du-Rhône), et son<br />

premier adjoint, Hubert<br />

Fayard, à trois mois de prison<br />

avec sursis, [15 000<br />

euros] d'amende et deux<br />

ans d'inéligibilité. Il les<br />

désigne comme "les auteurs<br />

intellectuels" de la délibération<br />

adoptée le 20 janvier<br />

1998 par le conseil municipal instaurant<br />

une allocation de naissance de [750<br />

euros] pour les familles vitrollaises dont<br />

l'un des parents est français ou ressortissant<br />

de l'Union européenne. » [2] « Le<br />

tribunal correctionnel a estimé qu'une<br />

telle création était une discrimination et<br />

une provocation à la discrimination, la<br />

haine ou la violence [3]. » [4]<br />

Il y eut appel. « La cour d’appel d'Aix-en-<br />

Provence a confirmé, [... le] 18 juin<br />

[2001], que [cette] prime de naissance<br />

[...] était discriminatoire.<br />

La cour a condamné Mme Mégret à<br />

trois mois de prison avec sursis, deux<br />

ans d'inéligibilité et [15 000 euros]<br />

d'amende. » [5] « La cour d'appel confirme<br />

ainsi l'exception française, à savoir<br />

qu'en France la discrimination [en<br />

faveur] des français et membres de<br />

l'Union européenne ne peut pas être<br />

Franc du Collier 184<br />

une discrimination positive et relève de<br />

la "haine raciale". » [4]<br />

Ça continue à pleuvoir, alors on « fait<br />

appel ». « Catherine Mégret [...], a été<br />

condamnée » [6] « pour avoir diffusé un<br />

tract présentant comme une "véritable<br />

colonisation à rebours" » [7], le « 23<br />

novembre [2001], à cinq ans d'inéligibilité,<br />

par le tribunal correctionnel d'Aixen-Provence.<br />

Elle devra également verser<br />

7 620 euros [...] pour "provocation<br />

à la discrimination raciale".<br />

Mme Mégret a annoncé<br />

qu'elle fera appel de cette<br />

décision. » [6]<br />

Elle fit bien, car il suffit parfois<br />

d’avoir la patience dilatoire.<br />

« Invoquant la prescription<br />

des faits, la cour<br />

d'appel d'Aix-en-Provence<br />

[...] a relaxé, [... le] 10<br />

février [2003], Catherine<br />

Mégret, » [7]. La roue tourne.<br />

Il faut connaître et travailler<br />

les arcanes de la justice. « Me René<br />

Blanchot, l'un des avocats de Catherine<br />

Mégret, [...] a été condamné [... le] 24<br />

septembre [1997] à [4 500 euros]<br />

d'amende par le tribunal correctionnel<br />

d'Aix-en-Provence (Bou-ches-du-Rhône)<br />

"pour enregistrement sonore sans autorisation<br />

au cours d'une audience juridictionnelle".<br />

[... Surpris] en flagrant délit<br />

d'enregistrement des débats [..., il fut]<br />

contraint de quitter la salle d'audience,<br />

alors qu'il défendait Catherine Mégret<br />

qui comparaissait, le 30 juin [1997],<br />

pour diffamation et provocation à la<br />

haine raciale [9]. » [10]<br />

[1] : (« M. Mégret (MNR) condamné à un an d'inéligibilité<br />

», Le Monde, 27/1/2004, http://www.lemonde.fr/web<br />

/recherche_breve/1,13-0,37-837041,0.html)<br />

[2] : (« Catherine Mégret condamnée à deux ans d'inéligibilité<br />

», Le Monde, 10/11/2000, http://www.lemonde.fr/


web/recherche_breve/1,13-0,37-110389,0.html)<br />

[3] : (Libération, 9/11/2000, p. 23)<br />

[4] : (Ras l’front, « 40 ans de poursuites judiciaires et de<br />

condamnations pour Le Pen, le Front national, le MNR, et<br />

quelques autres... », http://www.raslfront.org/documentation/proces.php)<br />

[5] : (« La condamnation de Catherine Mégret pour discrimination<br />

confirmée en appel », Le Monde, 20/6/2001,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-710808,0.html)<br />

[6] : (« MNR : Catherine Mégret a été condamnée, vendredi<br />

23 novembre, à cinq ans d'inéligibilité », Le Monde,<br />

25/11/2001, http://www.lemonde.fr/web/recherche_br<br />

eve/1,13-0,37-681188,0.html)<br />

[7] : (« Extrême-droite : Invoquant la prescription des faits<br />

la cour d'appel d'Aix-en-Provence a relaxé Catherine<br />

Mégret », Le Monde, 12/2/2003, http://www.lemonde.fr<br />

/web/recherche_breve/1,13-0,37-792079,0.html)<br />

[8] : (Cf. « Les époux Mégret punis d'un an d'inéligibilité »,<br />

La libre Belgique, 18/10/2006, http://www.lalibre.be/arti<br />

cle.phtml?id=10&subid=91&art_id=310094)<br />

[9] : (Le Monde, 2/7/1997)<br />

[10] : (« Vitrolles : M e René Blanchot, l'un des avocats de<br />

Catherine Mégret, a été condamné "pour enregistrement<br />

sonore sans autorisation au cours d'une audience juridictionnelle".<br />

», Le Monde, 28/9/1997, http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-285064,0.html)<br />

On sait galvaniser les militants. « La<br />

cour d'assises des Bouches-du-Rhône a<br />

estimé que Robert Lagier avait volontairement<br />

donné la mort à Ibrahim Ali,<br />

un jeune Français d'origine comorienne.<br />

Pour l'avocat général, ce crime est<br />

lié au "conditionnement" idéologique<br />

des militants du Front national. » [1]<br />

On n’en veut pas tant aux personnes en<br />

elles-mêmes qu’à ce qu’elles représentent,<br />

dans la grille d’interprétation qu’on a<br />

adopté. Le « 2 août 1994 [..., à] Cannes,<br />

Raynald Liekens, encarté FN depuis un<br />

mois et demi, assassine sa logeuse,<br />

Henriette Barsky, ancienne déportée.<br />

Commentaire du meurtrier : "Elle était plus<br />

gentille avec moi que personne ne l'avait<br />

été jusque-là. [Mais], quand j'ai appris<br />

qu'elle était juive, j'ai décidé de la tuer car<br />

les juifs sont les ennemis de la race<br />

blanche." Condamné à perpétuité. » [2]<br />

Parfois, on apprend que sont condamnés<br />

des militants du FN ou du MNR. Par<br />

exemple, le « tribunal correctionnel de<br />

Toulon a condamné deux militants du<br />

Mouvement national républicain (MNR)<br />

à six mois et quatre mois de prison ferme<br />

pour violence avec arme. » [3]<br />

Mais, il faut bien défendre ses opinions.<br />

Le « 18 septembre 1985 [...,] Emilien<br />

Bonnal, ancien policier municipal,<br />

ancien de l'Indochine et de l'Algérie,<br />

ancien candidat du Front national aux<br />

cantonales et aux municipales de Saint-<br />

Maximin-la-Sainte-Baume (Var), est en<br />

train de coller des affiches pour Le Pen.<br />

Abdallah Moktari, 23 ans, passe par là et<br />

l'insulte, Le colleur du FN sort un fusil à<br />

pompe de sa voiture et le tue. Huit ans<br />

de prison. » [2]<br />

C’était tout de même plus facile avant :<br />

Ainsi, le 17 août 1988, « Olivier<br />

Messaoudi [... était, à] 21 ans, tué à<br />

Saint-Ambroise (Gard) par un patron de<br />

bistrot. Soutenu par un comité de défense<br />

animé par le FN, l'assassin, d'abord<br />

incarcéré, sera libéré un mois après.<br />

[Quatre mois plus tard, le 10 décembre<br />

1988,] Mabrouk Merabet [... était, à] 27<br />

ans, abattu par un patron de bistrot sympathisant<br />

du FN à Arandon (Isère). Le 22<br />

décembre 1989, l'assassin bénéficie d'un<br />

non-lieu pour légitime défense, par la<br />

cour d'appel de Grenoble. » [2] Les traditions<br />

se perdent.<br />

[1] : (Michel Samson, « Le colleur d'affiches du FN a été<br />

condamné à quinze ans de réclusion criminelle », Le<br />

Monde, 24/6/1998)<br />

[2] : (MRAP, « Argumentaire pour lutter contre le FN »,<br />

d’après la rubrique "National-Voyou" de Charlie Hebdo,<br />

en 1996 ; repris in Réseau Voltaire, « Condamnations de<br />

membres du FN », 1/10/1998, http://www.voltairenet.or<br />

g/article7518.html)<br />

[3] : (José Lenzini, « Deux militants du MNR sont condamnés<br />

à Toulon pour violence avec arme », Le Monde, 13/8/2000)<br />

185 Franc du Collier


186


« Le 21 décembre 1972, une<br />

demi-douzaine de barbouzes ordinaires<br />

sont arrêtés et inculpés à<br />

Bordeaux. “Trois des inculpés affirment<br />

avoir été engagés pour faire<br />

sauter des édifices publics si la<br />

gauche gagnait les élections”, révèle<br />

un journaliste du Figaro […].<br />

Parmi eux Pierre Despradels, qui a transporté<br />

la dynamite nécessaire : 45 petits<br />

kilos. [… La] DST a suivi, depuis Paris,<br />

Despradels, sa bande et leurs 45 kilos à<br />

faire sauter quelque part. Sans les arrêter<br />

». [1]<br />

Pierre Despradels était l’ami de Charly<br />

Lascorz [Voir « Charlie’s Angels », p. 155]<br />

et de Jacques Foccart [Voir « Foccart t’a<br />

Franco de porc 188<br />

joué », p. 129], et le fondateur en 1971<br />

du “Centre des Républicains Libres”,<br />

mouvement créé pour porter au pouvoir<br />

le fils du Général de Gaulle, le contreamiral<br />

Philippe de Gaulle. « Interrogé le<br />

4 janvier 1973, Despradels déclara qu’il<br />

avait été envoyé à Bordeaux pour “y<br />

commettre des attentats et créer ainsi un<br />

climat d’insécurité”. […] Avec ses<br />

hommes, il avait pour mission d’effectuer<br />

des plasticages d’édifices publics<br />

dans la métropole aquitaine entre les<br />

deux tours des élections législatives de<br />

mars 1973. Il détenait à cet effet 45 kilos<br />

de cheddite. Jacques Foccart et son<br />

brain-trust espéraient créer et favoriser<br />

ainsi un climat d’insécurité, dont l’UDR<br />

aurait tiré profit. » [2]<br />

Cette manière de faire prend de l’ampleur<br />

en 1974, à la mort de Pompidou.<br />

« C’est durant cette période difficile que<br />

naît l’idée d’appliquer une “stratégie de<br />

tension” comparable à celle mise en<br />

œuvre en Italie dès 1969 avec tout le lot<br />

des “attentats extrémistes”, des “exactions”,<br />

du “vandalisme gauchiste”, des<br />

provocations permanentes soigneusement<br />

orchestrées et mises au point<br />

depuis la centrale de Foccart, boulevard<br />

de Magenta. Jean-Charles Petrini,<br />

Claude Raynouard et Jean-Xavier Orsini<br />

sont les partisans les plus résolus de ces<br />

méthodes vigoureuses et il faut toute<br />

l’autorité de Pierre Debizet pour les dissuader<br />

d’y avoir recours. » [3]<br />

En fait, c’était récurrent. « Peu avant les<br />

élections législatives de mars 1978, un<br />

petit groupe d’excités - membres du<br />

SDECE [l’ancêtre de la DGSE] et de la<br />

police nationale - estimaient que les<br />

carottes étaient cuites, pour la majorité.<br />

Et ils envisageaient de laisser d’autres<br />

excités poser quelques bombes dans<br />

Paris, histoire de provoquer une peur<br />

salutaire chez ces cochons d’électeurs. A<br />

l’époque, on les calma et c’est heureux.


Mais il y a toujours des provocateurs<br />

prêts à jouer avec le feu... » [4]<br />

Et l’exemple vient alors visiblement d’en<br />

haut. « “Si la gauche gagne en 1978, on<br />

peut prévoir des troubles que nous<br />

avons les moyens d’encourager ; attentats,<br />

manifestations qui dégénèrent…”<br />

Rapportées le 14 février 1977 par<br />

Libération, ces propos ont été tenus<br />

quelques jours plus tôt par Michel<br />

Poniatowski, alors ministre de l’Intérieur,<br />

devant quelques responsables de journaux<br />

parisiens invités place Beauvau<br />

pour évaluer la situation politique. “Aux<br />

journalistes éberlués, Poniatowski expose<br />

ainsi la tactique des giscardiens, poursuit<br />

Libération. […] Dès lors, devait-il<br />

ajouter, Giscard pourra dissoudre<br />

l’Assemblée et provoquer ainsi des élections<br />

de la peur qui ramèneront au<br />

Palais-Bourbon une majorité conforme à<br />

l’actuelle…”<br />

Que l’homme alors chargé du maintien<br />

de l’ordre en France ait osé avouer aussi<br />

ouvertement qu’il pourrait, personnellement,<br />

participer à l’établissement d’une<br />

stratégie de la tension à l’italienne est<br />

assez remarquable. […] L’arrogance de<br />

l’aveu est révélatrice sur les rapports existants<br />

entre la majorité au pouvoir et les<br />

seuls capables d’appliquer une stratégie<br />

de la tension en France : les activistes<br />

d’extrême droite. » [5]<br />

« L’actualité lui donne cu<strong>rieuse</strong>ment raison.<br />

Dès le début de l’année 1977 éclatent<br />

une série d’attentats “généralement<br />

dirigés contre les partis de gauche, les<br />

syndicats, les organisations antiracistes<br />

(MRAP), les collectifs de lutte (grévistes,<br />

paysans du Larzac, viticulteurs contestataires,<br />

etc.) ou encore, bien sûr, les établissements<br />

soviétiques en France [...]” [6].<br />

Dans cette escalade de la violence, le<br />

GAJ de Stirbois [futur bras droit de Le<br />

Pen] prend la tête d’un vaste mouve-<br />

ment de provocation. » [7]<br />

A l’approche des élections présidentielles<br />

de 1981, l’esprit reste similaire.<br />

Exemple : « Un (au moins) des policiers<br />

marseillais membres du SAC pourrait être<br />

[…] convaincu d’avoir participé à l’un<br />

des attentats commis, [début 1981],<br />

dans les Bouches-du-Rhône. C’est en<br />

tout cas, ce que pensent ses collègues<br />

qui enquêtent, très sé<strong>rieuse</strong>ment, sur<br />

ces “coups” explosifs qui ont secoué la<br />

région et dont l’un, dirigé contre l’imprimerie<br />

anarchiste Encre Noire a fait un<br />

mort et douze blessés. » [8]<br />

Un journaliste de Libération l’annonçait<br />

en 1975 : « Si la pression de l’opposition<br />

devient trop forte, on verra des commandos<br />

de la violence enclencher une<br />

nouvelle ‘’stratégie de la tension’’ qui<br />

profiteraient exclusivement aux hommes<br />

qui gouvernent la France. Ces commandos<br />

de la violence, cristallisés autour du<br />

S.A.C. et autres barbouzes, sont directement<br />

liés à l’appareil d’Etat et bénéficient<br />

d’appuis politiques et financiers qui leur<br />

permettent d’armer et d’entraîner de<br />

véritables spécialistes du coup de main,<br />

une véritable armée de l’ombre rodée à<br />

seule fin de violence. Car l’ombre est<br />

indispensable à leur efficacité : ombre<br />

des égouts, de la pègre, des arsenaux<br />

clandestins et des caisses noires. Notre<br />

expérience des polices parallèles, de<br />

leurs chefs, de leurs cadres et de leur raison<br />

d’être, nous interdit de croire au passage<br />

pacifique à un autre régime.<br />

L’appareil gouvernemental ne vise qu’au<br />

maintien d’un ordre social violemment<br />

contesté. » [9]<br />

Il semble qu’on ait du ensuite externaliser<br />

certains services, grâce à des relais<br />

dans le Moyen Orient. Le 7 décembre<br />

1985 « Deux attentats au Printemps et<br />

aux Galeries Lafayette : 35 blessés.<br />

[… Du 3 au 19 février 1986] Série d’at-<br />

189 Franco de porc


tentats à Paris (galerie du Claridge,<br />

Gilbert-Jeune, F.N.A.C. Sport) revendiqués<br />

par un mystérieux “Comité de solidarité<br />

avec les prisonniers politiques<br />

arabes et du Proche-Orient”. [… Puis le 8<br />

mars 1986] Enlèvement de G. Hansen,<br />

J.-L. Normandin, A.Cornéa, membres<br />

d’une équipe d’Antenne 2, par le Djihad<br />

islamique à Beyrouth. [… Et le 16]<br />

Succès de la droite aux élections législatives<br />

[… Du 17 au 20, à] Paris : série<br />

d’attentats dont celui de la galerie Point<br />

Show aux Champs-Elysées. [… Et le] 20<br />

J. Chirac, Premier ministre. […] La cohabitation<br />

est en place. » [10]<br />

[1] : (Le Canard enchaîné, 30/9/1981)<br />

[2] : (Patrice Chairoff, « Dossier B ... comme Barbouzes »,<br />

Alain Moreau, 1975, pp. 411, 439-440)<br />

[3] : (Patrice Chairoff, op. cit., p. 55)<br />

[4] : (Le Canard enchaîné 22/4/1981)<br />

[5] : (Frédéric Laurent, « L’orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 403)<br />

[6] : (Frédéric Laurent, op. cit., p. 410)<br />

[7] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L’Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 238)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné 12/8/1981)<br />

[9] : (Patrice Chairoff, op. cit.)<br />

[10] : (Le Débat, « Histoire des Idées en France :<br />

1945-1988 », folio, 1989)<br />

« La<br />

bombe qui,<br />

dans la nuit<br />

du 12 au 13<br />

avril 1972, a<br />

ravagé la villa malouine du géant des<br />

Travaux publics, Francis Bouygues, a<br />

été posée par deux hommes. Le premier<br />

travaillait pour la DST et il n’a<br />

pas été inquiété. Le second était un<br />

authentique militant du Front de libération<br />

de la Bretagne (FLB), qui ignorait<br />

que l’opération était, si l’on ose dire,<br />

Franco de porc 190<br />

“patronnée” par la DST. Lui, il a été arrêté<br />

et condamné par la Cour de sûreté de<br />

l’Etat, de même que quatre autres<br />

membres du FLB coffrés trois jours après<br />

l’attentat. […]<br />

La DST [aurait] eut l’idée de l’attentat et<br />

[l’aurait] préparé […] affirme le Matin [1]<br />

qui a révélé l’affaire. […] Les faits sont<br />

amnistiés depuis 1974 ; […] l’indic de la<br />

DST a été contraint d’agir par ses chefs<br />

sous la menace d’un chantage sur sa vie<br />

privée. […] Marcel Chalet, [… futur]<br />

patron de la DST, était à l’époque<br />

sous-directeur, et c’est sous son contrôle<br />

que les commissaires divisionnaires Jean<br />

Baklouti et Emile Casanova ont dirigé<br />

l’opération. Opération profitable pour<br />

leur carrière : le premier a été nommé<br />

[ensuite] sous-directeur de la DST ; le<br />

second en est [en 1981] le responsable<br />

pour la région Rhônes-Alpes. […]<br />

Raymond Marcellin, ex-ministre<br />

archi-musclé de l’Intérieur, [… s’était]<br />

borné à déclarer que toutes ces accusations<br />

étaient absurdes et sans fondement.<br />

[… Un] commissaire trop scrupuleux<br />

se fit virer de la DST et se trouva<br />

muté dans […] une autre ville. […]<br />

Francis Bouygues n’a jamais fait la<br />

moindre déclaration sur ses malheurs<br />

» [2]. Laissez tomber…<br />

« La DST a [en effet] parfaitement retenu<br />

la leçon atlantique de la guerre non<br />

orthodoxe. C’est ainsi qu’elle aurait, dans<br />

les années 70, perpétré [d’autres] attentats<br />

signés du Front de Libération de la<br />

Bretagne (FLB). “L’attentat de la DST,<br />

signé FLB, contre la villa de son propre<br />

directeur [...] fait à maintes reprises les<br />

délices du Canard enchaîné” [3], tandis<br />

que [par ailleurs] “les services français<br />

[manient] l’explosif contre Air France à<br />

Lisbonne, là aussi pour infiltrer des<br />

groupes insignifiants” [3] et que “la présence<br />

d’un instructeur parachutiste des


militaires du SDECE parmi les activistes<br />

du FLNC, laisse penser que certains<br />

services chargent leurs<br />

membres de participer à,<br />

voire d’organiser, des attentats<br />

sur le territoire national”<br />

[3]. » [4] Allons, allons !<br />

Quelle idée !<br />

[1] : (Le Matin, 22/9/1981)<br />

[2] : (Le Canard enchaîné, 30/11/1981)<br />

[3] : (René Monzat, « Enquêtes sur la droite extrême », Le<br />

Monde – Editions, 1992)<br />

[4] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L’Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 145)<br />

Grossouvre :<br />

« Membre<br />

du Service<br />

d’ordre légionnaire<br />

(SOL), il rompt avec Darnant,<br />

en 1943, et rejoint le maquis […]. À la<br />

Libération, il affirme avoir été agent de<br />

l’Organisation de la résistance armée<br />

(ORA) infiltré au SOL. » [1]<br />

Cet « ... ancien collaborateur pétainiste<br />

[…est repêché] par l’OSS-CIA américain<br />

» [2] : « il devient le chef du réseau<br />

stay-behind “Arc-en-ciel”, installé par<br />

l’OTAN en France, dans le cadre de<br />

l’opération “Gladio” » [1] Tout en devenant<br />

« concessionnaire Coca-Cola [Voir<br />

« Caca collé », p. 543] pour la région<br />

Rhône-Alpes [… à] la Libération, il<br />

devient le responsable lyonnais du<br />

fameux réseau Gladio, “le Glaive”, qui<br />

porte en France le nom de code Rose<br />

des vents ou Mission 48 [Voir « Place de<br />

Glaive », p. 104].<br />

François de Grossouvre est chargé de<br />

constituer des petits groupes d’agents<br />

dormants équipés d’armes, de matériel<br />

de transmission, de codage<br />

et de décodage, en<br />

cas d’invasion de<br />

l’Armée rouge [ou<br />

de mouvement social<br />

conséquent]. » [4]<br />

« Simultanément, il est<br />

chevalier de l’Ordre de Malte<br />

et ambassadeur de cet État souverain<br />

auprès du royaume du Maroc. Il conservera<br />

l’ensemble de ses fonctions secrètes<br />

et diplomatiques jusqu’à sa mort. » [1]<br />

Ainsi, le « chef de Gladio en France<br />

fut, jusqu’à sa mort, François de<br />

Grossouvre. » [3]<br />

Cet « organisateur de la campagne de<br />

[Mitterrand pour] l’élection présidentielle<br />

de 1965 [… comme] de 1974 [… et]<br />

fondateur, avec d’autres, en 1972, de la<br />

société Urba, chargée de financer le<br />

Parti socialiste » [4], « assurera […] le<br />

financement de la carrière de François<br />

Mitterrand. Très proche de François<br />

Mitterrand, il est le parrain de sa fille<br />

Mazarine et veille sur les secrets de famille<br />

[…]. En 1981, il est nommé chargé de<br />

mission à la présidence de la République<br />

» [1] par « Mitterrand, chargé<br />

de “suivre” pour lui l’action des services<br />

spéciaux, [et] acquiert vite la conviction<br />

que le pouvoir socialiste n’est pas en<br />

mesure de s’attaquer de front aux<br />

anciens “réseaux Foccart” [Voir « Foccart<br />

t’a joué », p. 129] et au S.A.C. » [5] [Voir<br />

« Mis à SAC. Mis dans le MIL », p. 140].<br />

« En 1985, il est mis fin à ses fonctions,<br />

de sorte qu’il puisse être conseiller international<br />

des avions Marcel Dassault<br />

(1985-86). Il […] prend progressivement<br />

de la distance face à François<br />

Mitterrand. » [1] En arrivant finalement<br />

à en dire : « Cet homme-là n’aime personne.<br />

Il n’a que du mépris à la bouche.<br />

L’argent, la mort, il n’y a plus que cela<br />

qui l’intéresse » [6]. Il « dénonçait pêle-<br />

191 Franco de porc


mêle la corruption des ministres, les<br />

“magouilles” de Jean-Christophe<br />

Mitterrand, […] des fils Pelat, les trafics<br />

autour du circuit de [Magny-cours], des<br />

pots-de-vin liés à la vente des missiles<br />

Mistral à l’Afrique du Sud, les écoutes<br />

téléphoniques de Gilles Ménage […], les<br />

scanners offerts par Roland Dumas à sa<br />

ville mais payés par les Syriens, les liens<br />

coupables du président<br />

avec René Bousquet [avec<br />

qui Grossouvre organisa<br />

Gladio en France et aussi<br />

bien le financement de<br />

Mitterrand, mais qu’il<br />

déclarera n’avoir vu qu’une<br />

fois en refusant de lui serrer<br />

la main !], […] jusqu’au<br />

“magot présidentiel” dissimulé<br />

dans des coffres<br />

suisses » [7].<br />

« Il est retrouvé mort par<br />

balle le 7 avril 1994 dans<br />

son bureau du palais de l’Élysée.<br />

L’enquête judiciaire, écourtée, conclut<br />

au suicide » [1] ; « n’avait-il pas toujours<br />

fricoté dans les ventes d’armes ? » [4]<br />

Notons « la date de la mort [… de ce]<br />

conseiller spécial de Mitterrand en matière<br />

de services spéciaux et de politique<br />

africaine. C’était le 7 avril 1994,<br />

quelques heures après l’attentat qui<br />

coûta la vie au chef d’Etat rwandais. Au<br />

même moment où le génocide commençait<br />

à Kigali. » [8]<br />

« Plusieurs témoins ont assuré que<br />

François Durand de Grossouvre était<br />

opposé à une opération de durcissement<br />

à Kigali. Ceux qui, à l’Élysée et au<br />

sein des services, se heurtaient à lui<br />

interprétèrent son opposition comme<br />

une inféodation aux États-Unis, dont il<br />

était le contact officieux à l’Élysée. Des<br />

proches de François Mitterrand […] ont<br />

intempestivement tenté d’accréditer la<br />

thèse du suicide en évoquant la sénilité<br />

Franco de porc 192<br />

du défunt, argument qui a été formellement<br />

démenti par son médecin personnel.<br />

À l’inverse, son ami, Paul Barril, a<br />

soutenu la thèse de l’exécution [9]. Aux<br />

obsèques du défunt, sa famille refusa<br />

que le président Mitterrand se tienne à<br />

ses côtés » [10].<br />

« Aucune lettre, aucun mot d’explication<br />

n’a été trouvé » [11] « Personne n’a<br />

entendu de coup de feu<br />

dans le palais. Aurait-on<br />

abattu le conseiller avec<br />

un silencieux ? [… Des]<br />

gendarmes de la présidence<br />

ont fouillé en douce<br />

son appartement de fonction,<br />

avant que la police<br />

judiciaire perquisitionne.<br />

[Son fils] Patrick de<br />

Grossouvre s’étonne de<br />

n’avoir « jamais retrouvé<br />

un manuscrit de souvenirs<br />

que [son] père avait mis en<br />

chantier ». Après enquête préliminaire,<br />

le parquet n’a pas jugé bon d’ouvrir une<br />

information judiciaire. […]<br />

« Le rapport de police qui liste le mobilier<br />

du bureau […] omet de mentionner le<br />

coffre-fort où il rangeait les notes qu’il<br />

adressait à Mitterrand. Il n’y a pas eu<br />

d’expertise balistique et l’on ne sait pas si<br />

la balle logée dans le plafond a bien été<br />

tirée par son arme. Le rapport d’autopsie<br />

précise que le corps présentait “une luxation<br />

avant de l’épaule gauche et une<br />

ecchymose à la face”. [… Or], il a été<br />

retrouvé assis dans son fauteuil. Le rapport<br />

note que la luxation doit être la<br />

conséquence du tir. […] Un médecin<br />

légiste [… dit] que ce genre de trace<br />

[est] souvent la conséquence d’une torsion<br />

arrière du bras. » [12] Disparues<br />

avec Grossouvre « ses mystérieux et<br />

cruels Mémoires. Il les préparait, disait-il<br />

depuis un an. » [7]


[1] : (Réseau Voltaire, « Les protagonistes français du<br />

génocide rwandais : Grossouvre (François de) »,<br />

15/12/1998, (RV 98/0365), http://www.voltairenet.org/<br />

article1285.html)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « L’énigme Pasqua », Golias, 2000,<br />

p. 8)<br />

[3] : (Réseau Voltaire, « L’OTAN restructure le réseau<br />

Gladio face aux immigrés, qualifiés de “menace clandestine<br />

à caractère permanent” », Notes d’Information du<br />

Réseau Voltaire, 9/9/1996, http://www.voltairenet.org/ar<br />

ticle2675.html)<br />

[4] : (Serge Raffy, « Les étranges confessions de François<br />

de Grossouvre », Le Nouvel observateur, 14/4/1994,<br />

pp. 40-42)<br />

[5] : (Pierre Péan, « L’homme de l’ombre », Fayard, 1990,<br />

p. 475)<br />

[6] : (Le Monde 9/4/1994 p. 11)<br />

[7] : Pascal Krop, « L’ami qui en savait trop », L’Evénement<br />

du jeudi, 14-20/4/1994, pp. 28-31)<br />

[8] : (Michel Sitbon, « Un dernier mot sur le génocide<br />

rwandais... », Maintenant n° 20, 3/1996, p. 3,<br />

http://www.voltairenet.org/article6859.html)<br />

[9] : (Cf. capitaine Paul Barril, « Guerres secrètes à<br />

l’Elysée », Albin Michel, 8/1996)<br />

[10] : (Réseau Voltaire, « Écrans de fumée », 15/12/1998,<br />

http://www.voltairenet.org/article1313.html)<br />

[11] : (Edwy Plenel, « François de Grossouvre, l’ami blessé<br />

», Le Monde, 9/4/1994, pp. 1, 11)<br />

[12] : (Christophe Deloire, Le Point, 5/4/2002, p. 15)<br />

Juste avant<br />

mai 1981, à<br />

propos de<br />

l’attentat du<br />

16 avril 1981<br />

« contre<br />

VGE » à<br />

Ajaccio, « Le<br />

Quotidien de Paris, le Matin, [... puis]<br />

TF1 [...] ont ouvertement avancé<br />

l’hypothèse d’une provocation.<br />

Même France-Soir, le 20 avril, écrivait,<br />

dubitatif : “Tout est possible”. De leur<br />

côté, des chefs policiers s’étonnent de<br />

l’absence des habituelles mesures de<br />

protection [c’est l’étonnement habituel<br />

dans ce genre de cas]. Quand aux responsables<br />

politiques non giscardiens, en<br />

Corse comme sur le continent, ils ne<br />

croient pas, eux non plus, à la thèse offi-<br />

cielle. Mieux, pour l’état-major chiraquien,<br />

l’affaire est entendue : cet attentat<br />

est un “coup tordu” destiné à faire<br />

monter la côte du candidat Giscard par<br />

une adéquate injection de trouille. […]<br />

La veille de l’attentat d’Ajaccio, un inconnu<br />

appelle le bureau de Marseille de<br />

l’Agence France Presse. Lundi matin, le<br />

Quotidien de Paris relate cette conversation,<br />

qui date du 15 avril, le jour où<br />

deux grenades fumigènes ont fusé lors<br />

d’un meeting tenu par Giscard dans<br />

cette ville. […] “[L’homme dit :] ‘’Ici, le<br />

groupe Pascal Paoli’’, et non Pasquale<br />

[…]”. Prononcer “Pascal Paoli”, alors qu’il<br />

s’agit du héros national de l’île, quand<br />

on se dit Corse et “combattant” clandestin,<br />

c’est du plus haut comique [… ;] “la<br />

voix du correspondant était parfaitement<br />

distincte. Il n’avait pas d’accent<br />

corse, ni méridional. Troublant !” conclut<br />

le Quotidien de Paris. […]<br />

Cinq minutes avant l’attentat, […] un<br />

correspondant anonyme annonce au<br />

nom du Front de libération nationale<br />

de la Corse (FLNC), l’explosion imminente<br />

d’une bombe. Or, jamais le<br />

FLNC n’a revendiqué un attentat<br />

avant qu’il n’ait eu lieu. Et jamais ces<br />

clandestins n’ont pris le risque de tuer<br />

des Corses, en déposant une bombe<br />

dans un lieu public. De plus, le FLNC<br />

a officiellement annoncé “une trêve<br />

des attentats” jusqu’au lendemain de<br />

l’élection présidentielle. […]<br />

Aussitôt après l’attentat, [...] quelques<br />

[...] membres de l’état-major giscardien<br />

ont bondi sur le téléphone et appelé les<br />

rédactions des journaux, des radios et<br />

des chaînes de télévision pour leur affirmer<br />

que la bombe était destinée à<br />

Giscard. Certaines radios [...] ayant<br />

quand même précisé que l’engin avait<br />

explosé dans la salle des consignes que<br />

le candidat-citoyen ne devait, en aucun<br />

cas, traverser, Lecat [haut responsable<br />

193 Franco de porc


giscardien] a appelé les rédactions : “Il<br />

faut, leur a-t-il dit en substance, insister<br />

sur le fait qu’on a voulu tuer Giscard.”<br />

[…] Deniau affirmait [en privé] que cette<br />

bombe “ferait gagner des points au<br />

Président”. Et les ministres Alice<br />

Saunier-Seïté et Jacques Dominati déclaraient<br />

à certains journalistes : “Quand<br />

Mitterrand, Marchais et Chirac sont<br />

venus en Corse, il n’y a pas eu d’attentat.<br />

Cela prouve que, pour les extrémistes,<br />

l’homme à abattre, c’est Giscard.” » [1]<br />

L’abattre, c’est, en tout cas, ce que firent<br />

les électeurs quelques jours plus tard…<br />

[1] : (Jérôme Canard, « Le mystérieux attentat d’Ajaccio.<br />

Des consignes peu observées », Le Canard enchaîné,<br />

22/4/1981, p. 3)<br />

M A L D E S G A U C H I S T E S<br />

« Mai 1968 est une sorte de mai 1958<br />

à l’envers : ce ne sont pas les stay<br />

behind et l’extrême-droite qui sont les<br />

fers de lance des manifestations, mais<br />

leurs adversaires. » [1]<br />

« En 1968, à la demande de Raymond<br />

Marcellin, qui vient de s’installer au ministère<br />

de l’intérieur, la DST sélectionne<br />

quelques dizaines de fonctionnaires pour<br />

former le SUBAC (SUBversion-ACtion).<br />

Objectif, espionner tout ce qui bouge :<br />

hommes politiques, syndicalistes, militants<br />

divers et, accessoirement quelques<br />

journalistes » [2]. Le « pouvoir affolé se<br />

tourne une nouvelle fois vers ceux qui<br />

savent si bien se rendre indispensables<br />

pour animer les réseaux mis en place :<br />

Franco de porc 194<br />

Michel Debré, Me Pierre Lemarchand et<br />

consorts. C’est avec ces hommes, [...]<br />

Jacques Foccart, [...] et leurs séides que<br />

la France prépare ses stades 5 ans avant<br />

le Chili du général Pinochet ! [Voir<br />

« StadeS de France », p. 151]<br />

Le 13 mai 1968 [le jour de la grève générale],<br />

une réunion extrêmement importante<br />

se tient [...] à Paris [... avec] Jacques<br />

Foccart [...]. C’est au cours de cette réunion<br />

qu’est accepté le ralliement à la cause gaulliste<br />

de divers groupes d’extrême droite et<br />

de certains de leurs animateurs. » [3]<br />

« Durant les événements de mai 1968, [les<br />

anciens du fameux 11 e Choc] donnent des<br />

cours accélérés de contre-guérilla urbaine<br />

aux nouvelles recrues du Service d’Action<br />

Civique. [...] La crise de mai 1968 permit au<br />

S.A.C. de se mettre à nouveau en valeur ;<br />

mais [...] on avait laissé pénétrer au sein du<br />

sérail des hommes indociles. » [4]<br />

En effet, la « grande peur de mai 1968 a<br />

mis fin à la rupture que la guerre<br />

d’Algérie avait crée entre la droite au<br />

pouvoir et l’extrême droite. [...] La “sainte<br />

alliance” contre la “chienlit” voit ainsi,<br />

le 30 mai 1968, défiler côte à côte, sur<br />

les Champs-Elysées, gaullistes, anciens<br />

collabos et partisans de l’Algérie française,<br />

et même, à côté des croix de<br />

Lorraine, quelques croix celtiques brandies<br />

aux cris de “Cohn-Bendit à Dachau”.<br />

Le fossé est définitivement comblé<br />

quelques jours plus tard par l’amnistie<br />

des derniers O.A.S. et le retour des<br />

“grands” exilés : Bidault, Soustelle,<br />

Sergent, etc. » [5], « à l’occasion des<br />

cérémonies du 18 juin. » [6] Et depuis<br />

« 1968, sur l’initiative de de Gaulle, une<br />

gerbe de fleurs est déposée, chaque 11<br />

novembre sur la tombe de Pétain » [7].<br />

En 1988, on constate : « Rien, depuis<br />

vingt ans, n’a été recouvert de tant de<br />

mensonges commandés que l’histoire<br />

de mai 1968. D’utiles leçons ont pour-


tant été tirées de quelques études<br />

démystifiées sur ces journées et leurs origines<br />

; mais c’est le secret de l’Etat. » [8]<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 113)<br />

[2] : (Le Canard enchaîné, 30/9/1981)<br />

[3] : (Patrice Chairoff, « Dossier B... comme Barbouzes.<br />

Une France parallèle celle des basses-œuvres du pouvoir<br />

», Alain Moreau, 1975, pp. 34-35)<br />

[4] : (Patrice Chairoff, op. cit., p. 163)<br />

[5] : (Frédéric Laurent, « L’orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

pp. 369-370)<br />

[6] : (Le Débat, « Les idées en France 1945-1988. Une<br />

chronologie », Gallimard, folio histoire, 10/1989, p. 250)<br />

[7] : (Le Brûlot, n° 311, 8/1992)<br />

[8] : (Guy Debord, « Commentaires sur la Société du<br />

Spectacle », VI, Champ libre, 8/1988, p. 23, cité par Pascal<br />

Dumontier, « Les situationnistes et mai 1968. Théorie et<br />

pratique de la révolution (1966-1972) », Gérard Lebovici,<br />

5/1990, p. 11)<br />

« Le plan<br />

Vigipirate a<br />

été conçu<br />

en 1978,<br />

sous [...]<br />

Giscard<br />

d’Estaing. Il résulte d’une instruction<br />

ministérielle du 7 février 1978 émanant<br />

du Secrétariat général de la<br />

défense nationale [...] classée “confidentiel<br />

défense”. [...] Objectif du<br />

plan : prévenir les menaces ou réagir<br />

aux actions terroristes. Lors de sa<br />

création, en 1978, l’Europe est marquée<br />

par une vague d’actions terroristes<br />

sans précédent.<br />

C’est notamment le cas en Allemagne,<br />

confrontée aux actions de la Fraction<br />

armée rouge (FAR) [Voir « “Oh les braves<br />

gens !” », p. 95], et en Italie, ébranlée par<br />

les attentats perpétrés par les Brigades<br />

rouges. Hans Martin Schleyer, le patron<br />

des patrons allemands, est retrouvé mort<br />

à Mulhouse assassiné par la Bande à<br />

Baader le 19 octobre 1977. La tension<br />

ressentie en Europe sera plus lourde-<br />

ment ressentie encore après l’enlèvement<br />

le 16 mars 1978 à Rome d’Aldo Moro<br />

[...] [Voir « 1978. Moro mort », p. 76].<br />

Conçu en 1978 » [1], « dans le cadre de<br />

la réflexion conduite par l’OTAN sur l’ennemi<br />

intérieur, Vigipirate a été activé<br />

une première fois pendant la Guerre du<br />

Golfe, pour prévenir un soulèvement<br />

hypothétique des banlieues islamisées,<br />

puis à nouveau à l’occasion d’attentats<br />

terroristes, en 1995 [Voir « Algérie aux<br />

éclats », p. 248]. Il est toujours en application<br />

depuis lors. » [2]<br />

« Quatre mois après son élection à la<br />

présidence de la République, Jacques<br />

Chirac [en effet] activait le plan<br />

Vigipirate. Le gaullisme renouait avec<br />

ses racines. Pour la première fois depuis<br />

la crise algérienne, les forces armées<br />

étaient requises pour assurer la sécurité<br />

intérieure. » [3] Et c’est « dans une<br />

effrayante unanimité que la classe dirigeante<br />

française a approuvé le 7 septembre<br />

1995 le déploiement de la phase<br />

supérieure du plan Vigipirate. Aucun des<br />

grands leaders politiques nationaux ne<br />

s’est élevé contre le recours, sur une<br />

grande échelle, aux militaires pour assurer<br />

une mission de sécurité intérieure. [...<br />

Après la] militarisation partielle [de la<br />

police nationale, les conscrits] affectés<br />

dans des commissariats [...,] rien d’affolant<br />

à voir des appelés patrouiller aux<br />

côtés des gendarmes et policiers.<br />

Mais les exigences de Vigipirate obligent<br />

à une rotation des effectifs tous les quinze<br />

jours. Aussi par manque de personnel<br />

en Île-de-France, le Commandement<br />

militaire de défense (CMD) a-t-il fait appel<br />

le 6 janvier 1997 à trois compagnies de<br />

la Légion étrangère. C’est donc insensiblement,<br />

pour un motif technique, que<br />

les 319 bérets verts du “groupement<br />

Bravo”, équipés de fusils d’assaut, ont<br />

été affectés à Paris. [... Des] mercenaires,<br />

195 Franco de porc


hommes d’élite de l’armée de métier,<br />

ont été projetés à l’intérieur du<br />

pays [... et] poursuivent la guerre du<br />

Golfe dans les souterrains du métro parisien<br />

contre d’insaisissables terroristes<br />

islamiques [... Se] substituant à la police<br />

républicaine d’essence civile, ils [sont] de<br />

retour dans la capitale où ils font régner<br />

“l’ordre public” pour la première fois<br />

depuis la bataille d’Alger de sinistre<br />

mémoire » [4].<br />

Un an plus tard, ça va encore mieux.<br />

« Le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre<br />

Chevènement [Voir « Jouer le jeu vainement<br />

? », p. 229], a annoncé l’activation<br />

d’un degré supérieur du plan Vigipirate,<br />

à partir du 1er juin 1998, afin de prévenir<br />

des attentats qui pourraient être commis<br />

pendant la Coupe du monde de<br />

football [Voir Liquidation Totale n° 0].<br />

La date du 1er juin coïncide avec le<br />

moratoire sur les expulsions des “sanspapiers”<br />

cependant que 45 913 ressortissants<br />

étrangers ont reçu notification<br />

de quitter le territoire.<br />

Le plan Vigipirate [quoique semble décider<br />

Chevènement] n’est pas conçu, ni<br />

mis en œuvre, par le ministère de<br />

l’Intérieur mais par le Secrétariat général<br />

de la Défense nationale (SGDN), directement<br />

placé sous l’autorité du Premier<br />

ministre. [...] Le plan Vigipirate est<br />

coordonné par les huit secrétaires<br />

généraux de zone de Défense. Le<br />

secrétaire général de la zone de<br />

Défense de Paris est [alors] le préfet<br />

Jean-Charles Marchiani. » [2] [Voir<br />

« Divin Marchiani », p. 152]<br />

Depuis, Vigipirate progresse en force, au<br />

gré des menaces brandies. On a pu<br />

remarquer aux Etats-Unis que « le<br />

déploiement de la Garde nationale<br />

(équivalent US de Vigipirate) n’aurait<br />

rien changé aux événements s’il avait eu<br />

lieu avant le 11 septembre. Son but n’est<br />

Franco de porc 196<br />

pas d’augmenter la sécurité, mais de<br />

montrer que nous sommes en guerre.<br />

» [5] Déploiement de la Garde nationale<br />

ou Vigipirate, la guerre ainsi rendue<br />

visible, c’est d’abord le maintien de la<br />

paix sociale.<br />

[1] : (« Le plan Vigipirate de “A” à “Z” », http://www.service-public.fr/accueil/vigipirate_definition1.html)<br />

[2] : (« Activation d’un niveau supérieur du plan Vigipirate »,<br />

Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

3/6/1998, http://www.voltairenet.org/article1067.html)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Editorial : Vigipirate : l’ombre du<br />

Général », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

9/12/1996, http://www.voltairenet.org/article2914.html)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, « Editorial : Les légionnaires poursuivent<br />

la guerre du Golfe dans le métro parisien », Notes<br />

d’information du Réseau Voltaire, 20/1/1997,<br />

http://www.voltairenet.org/article1388.html)<br />

[5] : (« Revue de presse internationale », 19/9/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article7592.html, d’après<br />

Christopher Hitchens, « So is the war ? », The Guardian,<br />

13/9/2001, http://www.guardian.co.uk/wtccrash/story/<br />

0,1300,550939,00.html)<br />

L<br />

’OTAN a toujours<br />

aimé les<br />

extrémistes de<br />

droite [Voir “Protégeonsl’extrême<br />

droite”, p. 48].<br />

Et avant que le F.N. n’existe, Occident<br />

était le groupuscule français d’extrême<br />

droite le plus activiste, comptant parmi<br />

ses animateurs « Patrick Devedjian,<br />

Gérard Longuet, Alain Madelin [... et<br />

d’autres, qui] militaient dans les [différents]<br />

groupuscules d’extrême droite des<br />

années 1960 et faisaient le coup de<br />

poing dans les manifestations. [... En<br />

<strong>2005</strong>, ils ont prospéré.] MM. Devedjian<br />

et de Saint-Sernin sont au gouverne-


ment, M. Schuller prépare son procès<br />

dans l’affaire des HLM des Hauts-de-<br />

Seine, M. Goasguen brigue la Mairie de<br />

Paris, tandis que M. Longuet siège au<br />

Sénat. » [1]<br />

Après mai 68 [Voir « Mai, sois sans<br />

twist ! », p. 194], en France, la « dissolution<br />

d’Occident en novembre 1968 sera<br />

suivie d’un phénomène d’infiltration<br />

dans l’extrême gauche qui, à une échelle<br />

réduite, n’est pas sans ressembler à ce<br />

qui s’est passé en Italie à la même<br />

époque [Voir « Va te faire infiltrer »,<br />

p. 57]. L’extrême droite française va en<br />

effet connaître, elle aussi, à la fin de l’automne<br />

1968 et durant l’hiver 1969,<br />

quelques cu<strong>rieuse</strong>s et soudaines vocations<br />

gauchistes. Ainsi, on verra par<br />

exemple, à Nice, au mois de décembre<br />

1968, un ex-responsable d’Occident,<br />

Thierry Guyot-Cestier, devenir le dirigeant<br />

d’un groupe anarchiste local<br />

avant de retrouver quelques mois plus<br />

tard les rangs d’Ordre nouveau (dont il<br />

défendra les couleurs aux législatives de<br />

mars 1973 [...]), puis, lors des présidentielles<br />

de mai 1974, servir de garde du<br />

corps “rapproché” de Giscard. » [2]<br />

Pour réaliser l’infiltration, il fallait avoir le<br />

« pouvoir de garder à l’esprit simultanément<br />

deux croyances contradictoires, et<br />

de les accepter toutes les deux. » [3]<br />

« C’était du camouflage. Si on respectait<br />

les petites règles, on pouvait briser les<br />

grandes. » [4] Cette para-police ne<br />

confondait pas la fin et le moyen. Car<br />

c’est pour elle un principe général : « On<br />

n’établit pas une dictature pour sauver<br />

une révolution. On fait une révolution<br />

pour établir une dictature » [5].<br />

Et les infiltrations de la fin des années 60<br />

ont été bien utilisées : Le pouvoir législatif<br />

a ainsi fortement pu renforcer le pouvoir<br />

exécutif quand le 29 avril 1970,<br />

Alain Peyrefitte fit adopter la loi « anti-<br />

casseurs » qui engage « la responsabilité<br />

collective des organisateurs dans les<br />

manifestations de rue. » [6] « Seront<br />

condamnés, selon une procédure de flagrant<br />

délit, sans avoir le temps de prévenir<br />

famille, amis ou avocats, les organisateurs<br />

qui n’auront pas ordonné la dissolution<br />

aux premières violences et tous<br />

les manifestants qui seront restés sur<br />

place. Tout individu pris sur le fait pourra<br />

être considéré comme financièrement<br />

responsable de l’ensemble des dégâts,<br />

même s’il n’y est pour rien. C’est instaurer<br />

la notion de responsabilité collective,<br />

inconnue du code pénal français. C’est<br />

également justifier par avance n’importe<br />

quelle provocation policière. » [7]<br />

« Dès son entrée en vigueur on comprend<br />

immédiatement la raison de l’intérêt<br />

porté aux groupuscules d’extrême<br />

droite. Ces derniers deviennent le détonateur<br />

nécessaire à l’explosion de ce que<br />

les services du ministère de l’Intérieur<br />

appellent benoîtement des “affrontements<br />

entre extrémistes des deux<br />

bords”, ces opérations étant immédiatement<br />

suivies d’une répression qui, grâce<br />

aux renseignements recueillis, frappe les<br />

militants révolutionnaires [et contestataires].<br />

On retrouve là le système classique<br />

: infiltration / répression, tactique<br />

rodée tour à tour contre le F.L.N.,<br />

l’O.A.S. et maintenant l’ultra gauche. » [8]<br />

On ne change pas une méthode qui<br />

gagne.<br />

Et puis, même après une longue carrière<br />

d’agent infiltré chez les contestataires, il y<br />

a toujours pour les « agents » la possibilité<br />

d’abjurer officiellement plus tard, pour<br />

revenir défendre l’Occident. Alors, « ils<br />

occupent, parmi les places qu’ils pouvaient<br />

prétendre occuper, les meilleures.<br />

Celles que le capital réserve de préférence<br />

à ceux qui le rallient après avoir formé<br />

le projet de le renverser. » [9]<br />

197 Franco de porc


[1] : (Gérard Davet et Philippe Ridet, « Quarante ans<br />

après, les anciens d’Occident revisitent leur passé », Le<br />

Monde, 13/2/<strong>2005</strong>, http://www.lemonde.fr/web/article/<br />

0,1-0@2-3224,36-397885,0.html, d’après Frédéric<br />

Charpier, « Génération Occident : De l’extrême droite à la<br />

droite », Seuil, <strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 374 n. 2)<br />

[3] : (George Orwell, « 1984 », trad. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, 1950, réed. folio, 1972, pp. 303-304)<br />

[4] : (George Orwell, op. cit., p. 185)<br />

[5] : (O’Brien dans George Orwell, op. cit., p. 371)<br />

[6] : (Le Débat, « Les idées en France. 1945-1988. Une<br />

chronologie », Gallimard, folio-histoire, 10/1989, p. 266)<br />

[7] : (Bernard Thomas, « Les provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, p. 388)<br />

[8] : (Patrice Chairoff, « Dossier B... comme Barbouzes »,<br />

Alain Moreau, 1975, p. 45)<br />

[9] : (Michel Surya, « De l’argent. La ruine du politique »,<br />

Manuels Payot, 3/2000, p. 25)<br />

Rappelons « l’incroyable confession de<br />

Claude Hermant, membre repenti de<br />

la bande à Courcelle [le DPS] [Voir<br />

« Dépèce ! », p. 174] : “[…] J’ai suivi une<br />

formation de 90 jours au siège du Front<br />

national. Ces cours, très techniques,<br />

nous étaient donnés par d’anciens fonctionnaires<br />

du renseignement. Ils portaient<br />

notamment sur l’infiltration et la<br />

manipulation de foule. Après cette formation,<br />

il m’a été demandé d’infiltrer des<br />

organisations telles que Ras l’Front [Voir<br />

« Perrault ; Carte ! », p. 202] [...]. Ras<br />

l’front, SOS Racisme et Act Up étaient<br />

nos priorités. [...] Le second type de mission<br />

demandée aux “fantômes” consiste<br />

à organiser la déstabilisation de certains<br />

quartiers ou [de] villes qui ne sont pas<br />

[acquis] aux idées du Front [Voir « Les<br />

français ont exigé plus de sacurité »,<br />

p. 259]. Là encore, il faut infiltrer.<br />

Prendre contact avec des bandes. Inciter<br />

à la violence et à la rébellion. [...] Dans<br />

un quartier, si vous mettez le feu à une<br />

Franco de porc 198<br />

voiture, dans l’heure qui suit, neuf fois<br />

sur dix, vous en avez quinze autres qui<br />

brûlent. [...] En faisant avancer l’insécurité,<br />

vous faites progresser l’électorat du<br />

Front. [...] Nous prenons nos ordres directement<br />

de Bernard Courcelle. [...]” [1]<br />

[Voir « Rude Courcelle », p. 176] [... Il<br />

devait y avoir contre lui, paraît-il, un]<br />

procès en diffamation intenté par<br />

Bernard Courcelle » [2], mais on n’en<br />

entendit plus parler.<br />

[1] : (Karl Laske et Renaud Dely, « Confessions d’un<br />

“fantôme” », Libération, 6/6/2001 pp. 14-15,<br />

http://www.idcongo.com/<strong>page</strong>html/confessionsfantomas.htm)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, Noir Chirac, les Arènes,<br />

3/2002, pp. 219-221, http://www.survie-france.org/articl<br />

e.php3?id_article=110)<br />

Durant<br />

l’occupation<br />

nazie, « Guy Dauvé [..., nommé] commissaire<br />

au printemps 1943 [..., fut rapidement<br />

affecté] à la première Brigade<br />

Spéciale dirigée par Labaume [1] [...].<br />

Avant la guerre, le travail de la [...] section<br />

consistait à s’informer sur “les mouvements<br />

d’extrême-gauche : socialiste,<br />

communiste, anarchiste et sur le cadre<br />

syndical de ces partis”. A compter de<br />

1941, c’est pour le compte du chef de la<br />

Gestapo en France, Bœmelburg, que la<br />

section des Brigades Spéciales infiltre,<br />

[puis] détruit la résistance communiste.<br />

Dans le journal Franc-Tireur, Madeleine<br />

Jacob présentait ainsi le chef de la première<br />

Brigade Spéciale : “Le commissaire<br />

principal Labaume était [...] le Führer<br />

des indicateurs chargé de prospecter [...]<br />

les milieux d’extrême-gauche [...].” [...]<br />

Une grande partie de ceux qui [... assuraient]<br />

la répression anti-communiste


aux côtés des Allemands, furent appelés<br />

à la rescousse dès les débuts de la guerre<br />

froide. Guy Dauvé, [lui,] n’avait pas<br />

quitté son service et continuait à tenir<br />

ses fiches [...]. En 1955, alors que des<br />

troubles faisaient des dizaines de morts à<br />

Casablanca, il fut envoyé en mission au<br />

Maroc pour déterminer la structure des<br />

mouvements d’opposition à l’administration<br />

coloniale. [... Extrémiste de droite<br />

partisan de] l’Algérie française, il est l’année<br />

suivante à Alger [Voir « Barricades<br />

Academy », p. 120].<br />

De retour à Paris, il est avec ses hommes,<br />

l’un des plus acharnés dans la traque<br />

des responsables du FLN algérien. [...]<br />

En octobre 1961, les hommes de Guy<br />

Dauvé participent aux rafles, à l’effroyable<br />

répression qui ensanglante<br />

Paris [Voir « Coup de Main rouge »,<br />

p. 133]. [...] Quelques semaines plus<br />

tard, Guy Dauvé reçoit la médaille du<br />

Mérite Civil. Le préfet de police, Maurice<br />

Papon, lui remet un mot manuscrit qu’il<br />

fera encadrer et gardera précieusement<br />

jusqu’à la fin de sa vie : “Je sais tout ce<br />

que vous avez fait. Votre chef en est fier<br />

et vous remercie”. Un peu plus tard, il<br />

recevra la Légion d’Honneur.<br />

Une partie de son travail consistait également<br />

à surveiller la presse. Le Canard<br />

Enchaîné lui consacrera quelques articulets,<br />

et Dauvé menacera à plusieurs<br />

reprises de sortir des photos montrant<br />

des journalistes dans des situations à<br />

l’époque compromettantes. [...]<br />

Les événements de 1968 relancent sa<br />

carrière, et il devient un collaborateur<br />

précieux de Raymond Marcellin, ce<br />

ministre de la police parti en guerre<br />

contre l’ennemi intérieur. Infiltrations,<br />

manipulations, créations de groupes<br />

politiques faux-semblants, de journaux<br />

attrape-tout [...], l’imagination est au<br />

pouvoir sur l’Ile de la Cité ! » [2]<br />

Plus tard, quand « Michel Colucci [...,<br />

dit] Coluche, a décidé de se présenter<br />

aux élections présidentielles [... de<br />

1981,] les premiers sondages lui ont<br />

donné entre 15 et 17 % des voix !<br />

L’Élysée, alors empêtré dans l’affaire des<br />

[“diamants de Giscard”], a chargé le<br />

ministre de l’Intérieur de l’époque,<br />

Christian Bonnet, de décourager le<br />

comique. [... En 1980, Guy Dauvé est<br />

alors le] commissaire des Renseignements<br />

Généraux chargé d’organiser la surveillance,<br />

le harcèlement, les campagnes<br />

de calomnie, de rumeurs, la déstabilisation<br />

du candidat libre, en utilisant jusqu’aux<br />

menaces de mort [... Cette] opération<br />

couronnée de succès sera la<br />

touche finale qu’il apportera à une carrière<br />

[si] exceptionnelle » [2] qu’un fils<br />

peut licitement vouloir égaler un tel père<br />

[Voir “Dauvé renie en surface ?”, p. 200].<br />

[1] : (D’après les archives du procès de Labaume en mai<br />

1945)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, « 1981 : Les Renseignements<br />

Généraux contre Coluche... », amnistia.net – Les enquêtes<br />

interdites, 3/4/2001)<br />

« Marx citait [1] ce vers de<br />

Shakespeare : “Bien creusé, vieille<br />

taupe” [2], pour rappeler que l’histoire<br />

sociale agit autant de manière souterraine<br />

que visible » [3].<br />

Utilisant cette référence, en « septembre<br />

1965, Pierre Guillaume ouvre la librairie<br />

La Vieille Taupe, [... qui] devient [...] jusqu’à<br />

sa fermeture en 1973 un point de<br />

ralliement de “l’ultra-gauche” non léniniste<br />

et contribue à [...] disséminer des<br />

thèses encore peu connues [..., comme<br />

199 Franco de porc


celles de l’Internationale] situationniste [4].<br />

« La lune de miel avec les “situs” prend<br />

fin abruptement au printemps 1967<br />

lorsque René Viénet vient reprendre les<br />

documents situationnistes mis en vente<br />

à La Vieille Taupe. Il semblerait que la<br />

brouille provienne du caractère trop<br />

“hétéroclite” de la librairie » [5], « souffrant<br />

la présence prolongée et les discours<br />

d’imbéciles et même de pro-chinois<br />

» [6].<br />

Après 17 ans de fermeture, en<br />

« novembre 1990, Pierre Guillaume<br />

ouvre une [... nouvelle] librairie La Vieille<br />

taupe [..., où] on se procure des textes<br />

d’extrême droite, souvent américains [...,<br />

qui] cohabitent avec de vieux documents<br />

“ultra-gauche”, exhumés des<br />

caves de Guillaume. La confusion est à<br />

son comble. » [7] « Comment ne pas songer<br />

[...] à l’Italie des années soixante-dix<br />

où, afin d’accentuer la stratégie de la<br />

tension, des militants d’extrême droite<br />

s’étaient mis à singer le vocabulaire et le<br />

comportement des gauchistes, allant<br />

parfois jusqu’à infiltrer certains groupes<br />

marxistes-léninistes ou libertaires ? [Voir<br />

« “Les années de poudre” », p. 57] Cette<br />

démarche, à un niveau idéologique, se<br />

poursuit aujourd’hui et pas seulement<br />

en Italie. » [8] Le summum est d’afficher<br />

l’appellation « situationniste ».<br />

Le style parasite para-situationniste fit<br />

donc florès, et servit à rallier des<br />

membres de l’ultra-gauche. Par exemple,<br />

un numéro des Annales d’histoire révisionniste,<br />

en « 1988, contient pour sa<br />

part les “bonnes feuilles” du livre<br />

Commentaires sur la Société du spectacle<br />

[du situationniste] Guy Debord [9].<br />

Il s’agit d’un “piratage”, visant à laisser<br />

entendre que Guy Debord “soutiendrait”<br />

les “révisionnistes”. Il n’en est rien.<br />

Jamais le fondateur de l’internationale<br />

situationniste n’apporta le moindre sou-<br />

Franco de porc 200<br />

tien à Pierre Guillaume. » [10]<br />

Autre exemple de ce confusionnisme,<br />

Pierre Guillaume, dans une « circulaire »<br />

de 1995 [11], paraphrasait en français<br />

un titre en latin du situationniste Guy<br />

Debord [12] : « Consumé par le feu, j’errais<br />

dans la nuit, lorsque... [je rencontrais<br />

Garaudy] ». Et, dans la même circulaire<br />

et dans la même veine, un texte du<br />

négationniste Jean-Claude Pressac, paraphrase<br />

les titres de deux ouvrages situationnistes,<br />

en étant intitulé : « De la misère<br />

en milieu universitaire, et notamment<br />

dans la corporation des historiens.<br />

Véridique rapport, sur un exemple consternant<br />

d’aveuglement collectif [...] » [13].<br />

Ce genre de travestissement peut fonctionner.<br />

Quand on est “radical”, on aime<br />

la critique avec un goût fort, parfois<br />

même si elle sert à dissimuler des manipulations.<br />

« Lynx envers nos pareils, et<br />

taupes envers nous, [nous] nous pardonnons<br />

tout, et rien aux autres<br />

hommes. » [14]<br />

« Le 3 octobre 1980, une bombe éclate<br />

devant la synagogue libérale de la rue<br />

Copernic (Paris XVI e). Aussitôt, les amis<br />

de Pierre Guillaume diffusent un tract,<br />

Notre royaume est une prison, présenté<br />

comme un supplément [... à] La Guerre<br />

sociale. » [15]<br />

« Ainsi les équipes publiant La guerre<br />

sociale et Jeune Taupe, renforcées pour<br />

l’occasion par d’autres groupes de l’ultragauche<br />

(celui publiant Le Frondeur, le<br />

groupe “Commune de Cronstadt”, le<br />

“Groupe de travailleurs pour l’autonomie<br />

ouvrière”, “Les amis du Potlach”) [l’ont]<br />

rédigé, signé et diffusé en commun, à<br />

plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires,<br />

lors des manifestations qui ont<br />

suivi l’attentat antisémite de la rue<br />

Copernic » [16].<br />

« Les auteurs s’en prennent tout particulièrement<br />

aux antifascistes, qui s’élèvent


contre un attentat perçu comme relevant<br />

du “terrorisme brun” :<br />

“L’antifascisme reste le moyen d’éviter la<br />

critique de l’Etat.” [17] Le texte » [18] dit<br />

aussi : « “La rumeur des chambres à gaz,<br />

rumeur officialisée par le Tribunal de<br />

Nuremberg, a permis d’éviter une critique<br />

réelle, profonde du nazisme. C’est<br />

cette horreur mythique qui a permis de<br />

masquer les causes réelles et banales des<br />

camps et de la guerre.” [17] » [16]<br />

« Le fait notable, c’est que le tract est<br />

signé par une kyrielle de groupes. [...]<br />

Jamais sans doute le message “révisionniste”<br />

n’a été autant repris dans la mouvance<br />

des gauches communistes. [...]<br />

Les “ultra-gauche” jouissaient [jusqu’alors]<br />

d’une certaine réputation intellectuelle.<br />

[... Pour en profiter, dans la<br />

foulée,] Pierre Guillaume [...] impulse en<br />

août 1981 aux éditions Albin Michel<br />

sous les auspices de Jean-Edern Hallier<br />

[Voir « Fou, Hallier ? », p. 221] une collection<br />

nommée “Le Puits et la Pendule”,<br />

qui [..., en] décembre 1981, [...] sort un<br />

livre [regroupant plusieurs textes] visant<br />

à défendre [le négationniste] Faurisson :<br />

Intolérable intolérance [19]. Il est cosigné<br />

par [“le candide” [20]] Jean-Gabriel<br />

Cohn Bendit [frère et mentor de l’écolibéral<br />

“Dany”], [... et trois autres, dont<br />

Claude Karnoouh [21] qui viennent de<br />

“l’ultra-gauche”, [… et Eric Delcroix, qui]<br />

milite depuis longtemps à l’extrême droite.<br />

La boucle est ainsi bouclée. » [18]<br />

Petite liste de revues de la « fausse ultragauche<br />

» liées à la Vieille Taupe : « Le<br />

mouvement communiste, la Guerre<br />

sociale, le Frondeur [qui devint<br />

l’Unisme], Jeune Taupe, Révolution<br />

sociale !, l’Antimythe, [l’Ami-noir, qui<br />

devint] le Lutteur de classe, la Banquise<br />

[Voir « A la Banquise du vit », p. 207],<br />

l’Anarchie journal de l’ordre, le Petit rapporteur<br />

libertaire, l’Homme libre,<br />

Révision, Maintenant le communisme, la<br />

Gazette du Golfe et des banlieues, l’Idiot<br />

international [Voir « Fou, Hallier<br />

? », p. 221] » [22], « Pour une intervention<br />

communiste (qui devint Volonté<br />

communiste), les Amis du Potlach,<br />

L’Abat-Jour, le Groupe Commune de<br />

Cronstadt, le Groupe des travailleurs<br />

pour l’autonomie ouvrière, [...] Guerre<br />

de classe [et] l’Antenne » [23].<br />

Il « est incontestable qu’avec le recul, des<br />

groupes comme la Vieille taupe, La<br />

Guerre sociale ou d’autres semblent bien<br />

avoir été largement infiltrés par des policiers<br />

[...] ou pis, directement liés à ces<br />

services. » [24] De quoi semer encore<br />

un peu de confusion chez les rebelles à<br />

l’ordre du monde pour mieux les<br />

retourner.<br />

[1] : (Karl Marx, « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte »,<br />

1852, réed. Editions Sociales, 8/1984, p. 124)<br />

[2] : (William Shakespeare, « Hamlet », I, 5, 1600)<br />

[3] : (A Contre Courant, n° 144, 4-5/2003, p. 1)<br />

[4] : (Christophe Bourseiller, « Histoire générale de l’ultragauche<br />

», Denoël, 10/2003, p. 276)<br />

[5] : (Christophe Bourseiller, op. cit., p. 280)<br />

[6] : (« Misère de la librairie », Internationale situationniste,<br />

n° 11, 10/1967, p. 61, réed. Champ Libre, 1975, réed.<br />

Fayard 5/1997)<br />

[7] : (Christophe Bourseiller, op. cit., p. 449)<br />

[8] : (Thierry Maricourt, « Les nouvelles passerelles de l’extrême<br />

droite », Syllepse, 5/1997, p. 31 (Le goût de l’Être,<br />

B.P. 403, F-80004 Amiens Cedex 1))<br />

[9] : (« Extraits choisis », Annales d’histoire révisionniste,<br />

n° 5, été-automne 1988)<br />

[10] : (Christophe Bourseiller, op. cit., p. 448)<br />

[11] : (Circulaire de l’automne 1995, citée par Golias<br />

magazine, n° 47, 5/1996, p. 39)<br />

[12] : (« In girum imus nocte et consumimur igni. », édition<br />

critique, Champ Libre, 10/1990, réed. Gallimard ;<br />

d’après Matila C. Ghyka, « Sortilèges du verbe »,<br />

Gallimard, cité in Bizarre n° 1, 5/1955, p. 49 : « In gyrum<br />

[sic] imus noctes [re-sic] et consumimur igni. »)<br />

[13] : (Références à Anonyme (Mustapha Khayati), « De la<br />

misère en milieu étudiant », Champ Libre, réed. Ivrea et<br />

réed. Sulliver, 11/1995 ; et à Censor (Gianfranco<br />

Sanguinetti), « Véridique rapport sur les dernières chances<br />

de sauver le capitalisme en Italie », trad. fr. Guy Debord,<br />

Champ Libre, 1/1976, réed. Ivrea)<br />

[14] : (Jean de La Fontaine, « Fables », I, 7, « La Besace »)<br />

[15] : (Christophe Bourseiller, op. cit., p. 443)<br />

[16] : (Alain Bihr, Golias Magazine, n° 47, 5/1996, p. 56)<br />

[17] : (« Notre royaume est une prison », supplément au<br />

n° 3 de La Guerre sociale, 10/1980)<br />

[18] : (Christophe Bourseiller, op. cit., pp. 443-445)<br />

201 Franco de porc


[19] : (Jean-Gabriel Cohn Bendit, Claude Karnoouh,<br />

Vincent Monteil, Jean-Louis Tristani et Eric Delcroix,<br />

« Intolérable intolérance », Albin Michel, 12/1981)<br />

[20] : (Pierre Vidal-Naquet, « Les assassins de la mémoire.”Un<br />

Eichmann de papier” et autres essais sur le révisionnisme<br />

», La Découverte, réed. Points essais, n° 302, p. 152)<br />

[21] : (Voir « Réseau Voltaire : Karnoouh démissionne,<br />

mais la ligne est maintenue », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 4/4/<strong>2005</strong>, http://www.amnistia.net/<br />

news/articles/voltaire/voltaire2_553.htm)<br />

[22] : (Golias Magazine, n° 47, 5/1996, p. 38)<br />

[23] : (Christophe Bourseiller, op. cit., p. 450)<br />

[24] : (Thierry Maricourt, op. cit., p. 174)<br />

Da n s<br />

« un<br />

livre<br />

que son éditeur<br />

présente<br />

comme autobiographique<br />

[...] Gilles Perrault termine<br />

l’évocation de sa prime jeunesse<br />

militante et, hélas munichoise, sur cette<br />

phrase : “Je n’en garde aucun souvenir.<br />

Le souci de faire carrière à l’extrême<br />

gauche m’aura probablement conduit à<br />

refouler cet épisode encombrant.” [1]<br />

Le souci de faire carrière à l’extrême<br />

gauche… Formule déplaisante mais<br />

éclairante. » [2] Rafraîchissons donc la<br />

mémoire du carriériste.<br />

Pour cela, il faut lire « les nombreux<br />

ouvrages [que Perrault] prend soin<br />

aujourd’hui de nettoyer de sa bibliographie,<br />

et dans lesquels il mettait son<br />

savoir-faire au service de l’effort de guerre<br />

des unités paras en Algérie, [et de] la<br />

couverture des coups tordus des services<br />

spéciaux de Constantin Melnik [Voir<br />

« Coup de Main rouge », p. 133]. [Il faut<br />

aussi étudier] les dizaines de <strong>page</strong>s qu’il<br />

consacrait à la justification de la torture<br />

et au viol des femmes algériennes par les<br />

soudards de Bigeard qui, pour lui,<br />

“manie aussi bien la plume que<br />

l’épée”. » [3]<br />

Franco de porc 202<br />

« En 1962, Gilles Perrault est recruté pour<br />

travailler dans une publication politique<br />

et culturelle, richement dotée, crée [en<br />

1961]. Le nom de cet hebdomadaire, Le<br />

nouveau Candide, fait directement référence<br />

au Candide de la collaboration, ce<br />

qui le place d’emblée à l’extrême droite<br />

de l’échiquier éditorial même si ses promoteurs<br />

vont avoir l’intelligence de faire<br />

appel, pour la seule partie culturelle, à<br />

quelques signatures “de gauche”. [...]<br />

Perrault prend soin de ne [plus] parler<br />

que de celles-là [4] : [Paul-Marie de la<br />

Gorce,] Yvan Audouard, Françoise<br />

Verny. Le magazine est piloté par le<br />

groupe Hachette [Voir « Tambour battant<br />

», p. 638], mais [...] c’est une invention<br />

des services du gouvernement français<br />

qui a besoin, alors que la guerre<br />

d’Algérie fait rage, de contrebalancer l’influence<br />

du journal antigaulliste L’Express<br />

dans les milieux intellectuels. L’homme<br />

discret qui a la charge de l’opération s’appelle<br />

Constantin Melnik, et il occupe,<br />

directement sous l’autorité du Premier<br />

ministre Michel Debré, les fonctions de<br />

coordinateur des différents services de<br />

surveillance du territoire, de contreespionnage<br />

et de renseignement politique<br />

(SDECE, DST, RG) » [5], et il est<br />

donc « le supérieur de Guy Dauvé [Voir<br />

« Dauvé daubé », p. 198] qui a la charge<br />

des RG. » [6]<br />

« C’est [alors] par centaines que les militants<br />

indépendantistes qui tombent<br />

dans ses filets sont durement interrogés,<br />

et parqués dans des camps comme celui<br />

de Thol, dans l’Ain [..., qui fut ainsi décrit<br />

en] 1962 dans Le Nouveau Candide<br />

» [6] : « Des steaks épais alignés sur<br />

des grills. On nous fait goûter la soupe :<br />

elle est bien bonne. [... Les] dortoirs [surchauffés<br />

ont leurs murs tendus de drapeaux<br />

F.L.N. Chaque lit est doté d’un<br />

matelas confortable [... Il y aurait un vrai]<br />

salon de coiffure [...] avec des vrais fau-


teuils qui [... coûtent] les yeux de la tête<br />

[..., pour choyer] ces détenus qui se préparaient<br />

à la lutte révolutionnaire en<br />

s’empiffrant chez nous » [7].<br />

« Jacques Peyrolles, le “journaliste” qui<br />

prolongeait idéologiquement le travail<br />

des policiers était promis, lui aussi, à une<br />

brillante carrière sous son nom d’emprunt<br />

de Gilles Perrault » [6]. « Dès le<br />

début des années soixante, [...] Gilles<br />

Perrault travaille sur deux “vrais-faux<br />

romans” nourris [...] d’archives<br />

sensibles : [C’est d’abord,] “Treblinka”<br />

[8], en équipe avec Jean-François<br />

Steiner » [9], « l’un des principaux<br />

organisateurs du comité<br />

de soutien [de Maurice<br />

Papon, qui fut le] seul français<br />

accusé de complicité dans<br />

mise en œuvre de la solution<br />

finale » [10], puis l’« organisateur<br />

de la fuite manquée<br />

de Maurice Papon en<br />

Suisse [11] » [9].<br />

L’ouvrage participe pourtant à « toute<br />

une sous-littérature qui représente une<br />

forme proprement immonde d’appel à la<br />

consommation et au sadisme [qui] doit<br />

être impitoyablement dénoncée » [12] :<br />

« Christian Bernadac, [...] Silvain Reiner,<br />

[...] Jean-François Steiner [... L’historien<br />

Pierre Vidal-Naquet reconnaîtra d’ailleurs<br />

être] tombé dans le piège tendu par<br />

Treblinka de J.-F. Steiner » [13].<br />

Mais Perrault écrit aussi et « surtout<br />

L’Orchestre Rouge. » [9] « En 1963,<br />

Constantin Melnik décide [en effet] d’offrir<br />

la chance de sa vie à son journaliste<br />

vedette du Nouveau Candide en lui<br />

commandant l’écriture de L’Orchestre<br />

rouge [14] [... et en lui donnant accès<br />

aux] archives ultra-sensibles de la<br />

Gestapo qui restent aujourd’hui encore<br />

interdites aux historiens » [15], « comme le<br />

révèle l’ex-patron des services secrets pen-<br />

dant la guerre d’Algérie, Constantin<br />

Melnik [16] » [9].<br />

Après la publication de « l’Orchestre<br />

rouge », « l’écrivain se brouille avec<br />

Melnik » [17], affirme la version officielle.<br />

Puis, « Gilles Perrault adhère au parti<br />

Socialiste en 1973 [...]. En 1977, sous la<br />

houlette [... de] François de Grossouvre<br />

[Voir « Gros Œuvre », p. 191], il fait équipe<br />

avec Régis Debray pour mettre sur<br />

pied une presse socialiste [...]. L’échec<br />

de ce projet précipite son départ du PS,<br />

et il adhère au Parti Communiste qu’il<br />

quittera en 1981. » [18]<br />

Vers cette époque, « Régis Debray [...<br />

parle de Perrault avec] le<br />

directeur de la DST, Yves<br />

Bonnet [..., qui] s’alarme<br />

quand il apprend que l’écrivain<br />

enquête sur la mort de<br />

Curiel. Il le reçoit, et chose<br />

toute à fait inusitée dans ces<br />

lieux habités par le secret, il<br />

lui ouvre le dossier Curiel<br />

pour [...] convaincre que les<br />

services français n’ont aucune responsabilité<br />

dans l’attentat. “J’ai effectivement<br />

fait lire ces documents à Gilles Perrault ;<br />

rarement ma confiance aura été aussi<br />

bien placée, puisque la DST est, justement,<br />

exonérée [de ce] crime [...]. Nous<br />

avons alors rendu service, Gilles Perrault<br />

à la vérité, moi à la DST, et noué une<br />

amitié qui ne s’est jamais démentie” [19]<br />

peut écrire Yves Bonnet [...].<br />

Non sans malice, [... certains] posaient la<br />

bonne question : “les amis de Curiel<br />

demandent à Gilles Perrault [d’utiliser]<br />

ses talents d’enquêteur [... pour] la<br />

rédaction d’une biographie de Curiel.<br />

[...] L’auteur de L’Orchestre Rouge<br />

dépassionne l’animosité des milieux de<br />

gauche à l’égard des services français ;<br />

mais en sont-ils conscients ?” [20].<br />

[... Non. Pourtant, le] maître enquêteur<br />

n’en était pas à sa première mise à dis-<br />

203 Franco de porc


position de dossiers par la DST. » [9]<br />

La « carrière » à l’extrême gauche se fit<br />

aisément, Perrault devenant le porteparole<br />

de l’organisation anti-fasciste Ras<br />

l’Front, et ayant, comme Régis Debray,<br />

<strong>page</strong> ouverte au Monde diplomatique.<br />

Un problème survint cependant, tandis<br />

qu’en « octobre 1997, Gilles Perrault<br />

publiait [...] Le Goût du secret [21].<br />

Quelques jours plus tard paraissait un<br />

pamphlet de Didier Daeninckx intitulé Le<br />

Goût de la vérité, Réponse à Gilles<br />

Perrault [22] [...], s’appuyant sur une lecture<br />

exhaustive de l’œuvre de Perrault,<br />

[...] contestait l’autobiographie du héros<br />

de l’extrême gauche. Après avoir [rappelé]<br />

son engagement de jeunesse dans la<br />

mouvance nazie, Daeninckx accusait<br />

Perrault de ne pas avoir rompu avec son<br />

passé et d’entretenir avec discrétion des<br />

liens étroits avec l’extrême droite européenne.<br />

En d’autres termes, [Perrault]<br />

ne serait pas un militant anti-fasciste,<br />

mais une taupe d’extrême droite infiltrée<br />

au plus haut niveau des organisations<br />

de gauche.<br />

Cette charge violente avait provoqué un<br />

vif émoi dans les milieux concernés et la<br />

démission de Gilles Perrault de l’association<br />

anti-fasciste Ras-l’Front, dont il était<br />

la figure tutélaire. Serge [Quadruppani]<br />

[Voir « Quadruple ami », p. 208] et ses<br />

amis, quant à eux, avaient dénoncé les<br />

méthodes “staliniennes” de Didier<br />

Daeninckx et assuré Gilles Perrault de<br />

leur indéfectible soutien. [...] Gilles<br />

Perrault, Serge [Quadruppani] et<br />

Maurice [Rasjfus avaient] annoncé publiquement<br />

leur intention de confondre<br />

Didier Daeninckx devant les tribunaux<br />

[...].<br />

Un an après, les trois écrivains ont<br />

renoncé à intenter des [poursuites] judiciaires,<br />

que ce soit au pénal et même au<br />

civil. L’auteur et l’éditeur du Goût de la<br />

Franco de porc 204<br />

vérité n’ont eu à répondre que d’une<br />

plainte civile, émanant de Bernard<br />

Wittmann [23] [..., et qui fut] débouté<br />

» [24]. Cependant, l’imprudent<br />

Daeninckx, qui parfois, il est vrai, exagère<br />

[Voir « Ensemble sur la photo »,<br />

p. 218], fut largement diffamé à travers<br />

la presse et on lui cassa la gueule [25].<br />

Non, mais !<br />

[1] : (Gilles Perrault, « Les jardins de l’Observatoire »,<br />

Fayard, 1995)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, « Le goût de la vérité. Réponse à<br />

Gilles Perrault », Verdier, 10/1997, p. 88)<br />

[3] : (Didier Daeninckx, « Ce n’est pas de roman qu’il s’agit,<br />

mais d’atteinte à la liberté d’expression... », amnistia.net –<br />

les Enquêtes interdites, 3/7/2001, http://www.amnistia.net/news/articles/multdoss/libexpr/libexpr.htm)<br />

[4] : (Gilles Perrault, « Le Goût du secret », Arléa, 10/1997,<br />

p. 25)<br />

[5] : (Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997, pp. 55-56)<br />

[6] : (Didier Daeninckx, « 1981 : Les Renseignements<br />

Généraux contre Coluche... », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 3/4/2001)<br />

[7] : (Gilles Perrault, « J’ai visité une république FLN », Le<br />

nouveau Candide, 22/3/1962, reprod. in Didier<br />

Daeninckx, op. cit., 3/4/2001)<br />

[8] : (Jean-François Steiner, « Treblinka », Fayard, 1966)<br />

[9] : (Didier Daeninckx, « Les ateliers d’écriture de la DST »,<br />

amnistia.net – Les Enquêtes interdites, 20/6/2000)<br />

[10] : (Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997, p. 59)<br />

[11] : (Cf. Didier Daeninckx, « De Treblinka à Bordeaux »,<br />

amnistia.net – les Enquêtes interdites, 11/1999)<br />

[12] : (Pierre Vidal-Naquet, « Les assassins de la mémoire.<br />

“Un Eichmann de papier” et autres essais sur le révisionnisme<br />

», La Découverte, 1987, Points essais, n° 302, p. 27)<br />

[13] : (Pierre Vidal-Naquet, op. cit., p. 193, n. 24)<br />

[14] : (Gilles Perrault, « L’Orchestre rouge », Fayard, 1965)<br />

[15] : (Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997, pp. 74-75)<br />

[16] : (Constantin Melnik, « 1000 jours à Matignon »,<br />

Grasset, 1988)<br />

[17] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire mondiale du renseignement. Tome 2. De la guerre<br />

froide à nos jours », préface d’Alexandre de Marenches,<br />

Robert Laffont, 4/1994, p. 372)<br />

[18] : (Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997, p. 102)<br />

[19] : (Yves Bonnet, « Mémoires d’un patron de la DST »,<br />

Calmann-Lévy, 4/2000, p. 260)<br />

[20] : (Roger Faligot et Pascal Krop, « DST, police secrète »,<br />

Flammarion, 10/1999, p. 324)<br />

[21] : (Gilles Perrault, op. cit., 10/1997)<br />

[22] : (Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997)<br />

[23] : (Cité in Didier Daeninckx, op. cit., 10/1997, p. 127)<br />

[24] : (« Un an après, le point sur la polémique autour du<br />

Goût de la vérité », Notes d’information du Réseau<br />

Voltaire, 27/10/1998)<br />

[25] : (Enrico Porsia, « Commando contre un écrivain »,<br />

amnistia.net - Les Enquêtes interdites, 22/6/2001,<br />

http://www.amnistia.net/news/articles/multdoss/commando/commando.htm)


« En<br />

mars 1985,<br />

Sydney Peyrolles,<br />

le fils<br />

de Gilles<br />

Perrault, est<br />

enlevé au Liban où il remplit sa difficile<br />

mission d’attaché culturel en temps<br />

de guerre » [1], « par les Forces Armées<br />

révolutionnaires Libanaises. » [2] [Voir<br />

« Besse de régime », p. 211] En effet,<br />

les « frères Abdallah ont été directement<br />

impliqués dans [cet] enlèvement<br />

[...] au Nord-Liban. » [3]<br />

« Sa libération interviendra très rapidement<br />

grâce à une conjonction des<br />

efforts de l’éminence grise de l’Élysée,<br />

François de Grossouvre [Voir « Gros<br />

Œuvre », p. 191], de Régis Debray et de<br />

Yves Bonnet qui fait jouer ses contacts<br />

avec la Sécurité Militaire Algérienne [Voir<br />

« Tête de Boudiaf », p. 250].<br />

Quelques mois plus tard, le chef de la<br />

DST sera remercié après la publication<br />

de documents sensibles<br />

dans la presse.<br />

Pour lui témoigner sa gratitude,<br />

Gilles Perrault fera<br />

parvenir une lettre d’anthologie<br />

à Yves Bonnet<br />

dont on se demande bien<br />

pourquoi il la fait figurer<br />

en annexe de son livre de<br />

Mémoires : “[...] Mérimée<br />

disait qu’un ami est quelqu’un<br />

qu’on va chercher<br />

au milieu de la nuit pour<br />

aider à enterrer un cadavre, et qui vient<br />

sans poser de question [... ; pour lui,] ma<br />

pelle sera toujours prête”. Terrassier du<br />

secret d’État » [1], c’est bien la fonction<br />

de l’écrivain (r)engagé.<br />

Rappelons nous le contexte. Début août<br />

1986, il y eut les lois « concernant la<br />

lutte contre le terrorisme et l’application<br />

des peines ; la lutte contre la criminalité<br />

et la délinquance ; les conditions de<br />

séjour des étrangers en France » [4]. Et,<br />

un mois plus tard, la possibilité « pour les<br />

autorités administratives d’expulser tout<br />

étranger ne remplissant pas les conditions<br />

de séjour en France » [4].<br />

Septembre 1986 voit une succession<br />

d’évènements : « Série d’attentats à Paris<br />

perpétrés par le Comité de solidarités<br />

avec les prisonniers politiques arabes du<br />

Proche-Orient (C.S.P.P.A.).<br />

Bilan : onze morts. Instauration de visas<br />

pour entrer en France (le 14 [septembre]).<br />

Le 16, offre d’une prime d’un<br />

million de francs à toute personne<br />

susceptible de fournir des renseignements<br />

sur les frères Abdallah, présumés<br />

coupables, dont la photo est affichée à<br />

Paris » [4] et dans toutes les gares, ce qui<br />

provoque un torrent de délation antiarabe.<br />

Et le lendemain, le « 17 septembre 1986 :<br />

Une bombe explose rue de Rennes, à Paris,<br />

devant le magasin Tati, [...]<br />

à quelques mètres de la<br />

Fnac-Montparnasse. Bilan :<br />

5 morts, 52 blessés, dont<br />

18 grièvement atteints.<br />

Après une fausse piste qui<br />

accuse les frères Abdallah<br />

» [5], on fera mine de<br />

chercher ailleurs…<br />

Les frères Abdallah qui<br />

étaient alors hors de<br />

France, apprenaient “leurs<br />

forfaits” par la presse.<br />

Mais la France assiégée pouvait maintenant<br />

se défendre contre l’Antifrance. Et<br />

le 18 octobre 1986, ce fut l’expulsion « de<br />

cent un Maliens en situation irrégulière à<br />

205 Franco de porc


ord d’un charter ». [4]<br />

Et le lendemain de la libération « de<br />

deux étages français détenus au Liban<br />

[..., apparût, le 12 novembre 1986, le]<br />

Projet de loi réformant le code de la<br />

nationalité : les enfants nés en France de<br />

parents étrangers ne seraient plus automatiquement<br />

français à dix-huit<br />

ans. ». [4] Car tous les malheurs viennent<br />

de cette mauvaise graine...<br />

[1] : (Didier Daeninckx, « Les ateliers d’écriture de la DST »,<br />

amnistia.net – les Enquêtes interdites, 20/6/2000)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, « Le goût de la vérité. Réponse à<br />

Gilles Perrault », Verdier, 10/1997, p. 102, 102 n)<br />

[3] : (Erwan Jourand et Frédéric Ploquin, « Terrorisme :<br />

Pasqua à côté de la plaque. La piste Abdallah a du plomb<br />

dans l’aile », L’Evénement du jeudi, 2-8/10/1986, pp. 10-11)<br />

[4] : (Le Débat, « Histoire des Idées en France 1945-1988.<br />

Une chronologie », Gallimard, folio histoire, 10/1989,<br />

pp. 431-432)<br />

[5] : (Olivier Weber et Constance Rondet, « 30 dates »,<br />

Le Point, 13/09/2002, n° 1565, p. 375)<br />

Franco de porc 206<br />

Le « fils de Guy Dauvé, qui a pris le<br />

pseudonyme de Jean Barrot pour<br />

[dit-il] ne pas être identifié par son<br />

père [Voir « Dauvé daubé », p. 198],<br />

milite à l’ultra-gauche.<br />

D’une cu<strong>rieuse</strong> manière, puisque c’est<br />

essentiellement par son canal que sera<br />

assurée la promotion des écrits négationnistes<br />

de Paul Rassinier et les textes<br />

de banalisation du génocide comme<br />

Auschwitz ou le Grand Alibi. A l’insu de<br />

son père, [pense-t-on,] Gilles Dauvé animera<br />

un groupe de solidarité avec Puig<br />

Antich, un anarchiste espagnol assassiné<br />

par Franco, et des réunions auront pour<br />

cadre le domicile du commissaire des<br />

RG... Beau comme de l’antique !<br />

Au moment de l’affaire Faurisson, Gilles<br />

Dauvé écrira ou participera à la rédaction<br />

de multiples textes négationnistes<br />

qui seront publiés dans La Guerre<br />

Sociale ou Le Frondeur . » [1]<br />

Gilles Dauvé était « un des principaux<br />

supporters du négationniste Faurisson<br />

en 1978 » [2] et « l’un des principaux<br />

producteurs de textes négationnistes de<br />

l’offensive faurissonnienne, qui pense<br />

toujours que : “les chambres à gaz sont<br />

un gigantesque détail de l’histoire de la<br />

Seconde Guerre mondiale” ! » [3] Aussi,<br />

le « dédouanement de ce personnage<br />

par une organisation [antifasciste<br />

comme ReflexES] est pour le moins surprenant.<br />

» [4]<br />

« Il poursuivra, sur un mode mineur<br />

[... son action négationniste] dans La<br />

Banquise de Serge Quadruppani [Voir<br />

« Quadruple ami », p. 208]. » [1]


[1] : (Didier Daeninckx, « 1981 : Les Renseignements<br />

Généraux contre Coluche... », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 3/4/2001)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, entretien avec Gilles Alfonsi et<br />

Agnès Deurveilher « Face aux taupes négationnistes, la<br />

guerre des mots », Combat face au sida, n° 9, 9/1997)<br />

[3] : (Didier Daeninckx, « Une enquête deux fois louche »,<br />

amnistia.net – Les Enquêtes interdites, 28/1/2000,<br />

http://www.amnistia.net/piazza/delouche/delouche.htm)<br />

[4] : (« Le sens des mots », Combat face au sida, n° 10,<br />

12/1997)<br />

Dans « le numéro 2 de La Banquise,<br />

en 1983, un article de la rédaction<br />

principalement constituée de Serge<br />

Quadruppani et de Gilles Dauvé [...]<br />

assène : “Si la pédophilie est la plupart<br />

du temps misérable, il en est de même<br />

de tous les rapports ‘sexuel’ et amoureux.<br />

Il n’est pas nécessaire d’être un<br />

révolutionnaire pour voir que le supplément<br />

de misère de la pédophilie est le<br />

fruit de sa répression sociale. Un pédagogue<br />

libéral américain n’explique-t-il<br />

pas que le principal traumatisme que<br />

subit l’enfant ‘victime’ d’un satyre provient<br />

de ses parents qui en font tout un<br />

plat, alors que lui, s’il n’y a pas eu violence,<br />

aurait plutôt tendance à s’en<br />

foutre ?” » [1]<br />

[... Dix ans plus tard, Quadruppani s’interrogera<br />

encore avec Gilles Dauvé dans<br />

Mordicus :] “[...] combien de meurtres<br />

commis par des pédophiles auraient pu<br />

être évités, si la pédophilie, “épisode particulier<br />

[...] des relations adultes-enfants”<br />

était moins dramatisée ? [... Dans] la<br />

haine que certains parents étalent, dans<br />

cette douleur entretenue par les hurlements<br />

des chacals de village et médiatisée<br />

par la plus basse ordure journalistique, on<br />

sent comme une parenté avec la fureur<br />

du propriétaire cambriolé” [2]. » [3]<br />

Les femmes sont également choyées par<br />

la bande : « “En opposant à la barbarie<br />

sordide du viol la barbarie froide et civilisée<br />

de la justice et de la prison, les féministes<br />

ne font que dévoiler leur collusion<br />

avec l’Etat et la société qu’elles prétendent<br />

dénoncer [...]” [4] [...]<br />

“[...] Comme si infliger à une femme la<br />

pénétration d’un pénis par la violence<br />

était plus dégoûtant que de la forcer à<br />

l’esclavage salarial par la pression économique<br />

! [...] Comme si la manipulation<br />

publicitaire, les innombrables agressions<br />

physiques du travail ou la mise en carte<br />

par les organismes de contrôle social ne<br />

constituaient pas des violences intimes<br />

au moins aussi profondes qu’un coït<br />

imposé” [5].<br />

Ainsi, au nom des méfaits du système<br />

capitalisme, on banalise le crime qui<br />

déstructure l’individu en le plaçant au<br />

même niveau que le numéro imposé par<br />

la sécurité sociale à tout salarié ! Dans un<br />

autre texte, les mêmes [...] prétendront<br />

que ce même numéro d’identification<br />

est pire que le tatouage des déportés<br />

juifs par les nazis puisque, selon eux, il<br />

est plus facile de retirer un lambeau de<br />

peau, sur un bras, qu’un numéro de<br />

sécurité sociale dans un ordinateur ! Le<br />

sommet [...] est atteint quand les rédacteurs<br />

de La Banquise écrivent : “En dernier<br />

ressort, ce qui pousse le Somali à<br />

arracher le clitoris de sa femme et ce qui<br />

meut les féministes procède d’une même<br />

conception de l’individualité humaine<br />

comme pouvant être l’objet d’un rapport<br />

de propriété” [5]. » [6] Tout s’équivaut.<br />

CQFD.<br />

1] : (« Ami(e)s pédophiles, bonjour ! », La Banquise, n° 2,<br />

1983)<br />

[2] : (« HB nous parle », Mordicus, été 1993, p. 3)<br />

[3] : (Didier Daeninckx, « Les profiteurs du “Grand Bazar”»,<br />

Les enquêtes interdites - amnistia.net, 12/3/2001,<br />

207 Franco de porc


http://www.amnistia.net/news/articles/profbazr/profbazr.htm)<br />

[4] : (La Guerre Sociale, 2/1978)<br />

[5] : (« Pour un monde sans morale », La Banquise, n° 1,<br />

1983, http://troploin0.free.fr/biblio/moral_fr)<br />

[6] : (« Le viol au service de la Révolution... », Les enquêtes<br />

interdites - amnistia.net, 16/3/2001, http://www.amnistia.net/news/articles/violrev/violrev.htm)<br />

« La<br />

Banquise est<br />

une dissidence<br />

[...] qui a<br />

rompu avec<br />

La Vieille Taupe,<br />

sur plusieurs<br />

terrains, dont celui du faurissonnisme.<br />

Elle garde cependant une attitude<br />

discrètement révisionniste qui<br />

s’exprime par exemple dans [un] livre<br />

d’un membre du groupe, S. Quadruppani<br />

[1] [...]. D’autres rompirent clairement<br />

et définitivement avec le groupe à<br />

propos de l’affaire Faurisson, et tout particulièrement<br />

Jacques Baynac qui avait<br />

pris des distances radicales dès la fin de<br />

1969. » [2]<br />

Remous à l’extrême gauche. « En mai<br />

1992, un texte intitulé Les Ennemis de<br />

nos ennemis ne sont pas forcément nos<br />

amis circule abondamment. Il a été rédigé<br />

par Serge Quadruppani et Louis<br />

Janover. Il s’agit d’un acte de rupture.<br />

On y lit cette phrase définitive : “Nous<br />

devons traiter les bouffons ultra-gauche<br />

de l’extrême droite pour ce qu’ils sont :<br />

Des ennemis.” La liste des signatures [...<br />

montre que toutes] les générations de<br />

défenseurs des gauches communistes<br />

[...] se sont donnés rendez-vous pour<br />

mettre le holà. Certains critiquent cependant<br />

[...] le caractère “inachevé” [de la<br />

rupture]. Le livre collectif Libertaires et<br />

“ultra gauche” contre le négationnisme,<br />

qui paraît [... en 1996] [3], avec [...] des<br />

Franco de porc 208<br />

contributions de [...] Serge Quadruppani,<br />

ou Gilles Dauvé, cristallise les ressentiments.<br />

» [4] « Gilles Perrault [...] a accordé<br />

une préface blanchissant Gilles Dauvé<br />

de son passé négationniste [5]. » [6]<br />

« Beaucoup s’émeuvent [cependant] de<br />

voir Gilles Dauvé figurer dans un tel<br />

recueil. L’ancien animateur du<br />

Mouvement communiste est notamment<br />

accusé de n’avoir pas réellement rompu<br />

avec les “valeurs” révisionnistes. [...]<br />

Didier Daeninckx se place à la pointe de<br />

ce combat. » [7] Ce dernier n’est donc<br />

qu’un « procureur stalinien ».<br />

[1] : (Serge Quadruppani, « Catalogue du prêt-à-penser<br />

depuis 1968 », Balland, 1983)<br />

[2] : (Pierre Vidal-Naquet, « Les Assassins de la mémoire.<br />

“Un Eichmann de papier” et autres essais sur le révisionnisme<br />

», La découverte, points essais, n° 302, 1987,<br />

p. 220, n. 66, cité par Didier Daeninckx, « Le goût de la<br />

vérité. Réponse à Gilles Perrault », Verdier, 10/1997,<br />

p. 35)<br />

[3] : (Collectif, « Libertaires et “ultra gauche” contre le<br />

négationnisme », Reflex, 1996)<br />

[4] : (Christophe Bourseiller, « Histoire générale de l’ultragauche<br />

», Denoël, 10/2003, pp. 450-451)<br />

[5] : (Didier Daeninckx, entretien avec Ariane Chemin, « Ils<br />

veulent faire sauter le verrou d’un “mythe” génocidaire »,<br />

Le Monde, 8/6/1996)<br />

[6] : (Didier Daeninckx, « 1981 : Les Renseignements<br />

Généraux contre Coluche... », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 3/4/2001)<br />

[7] : (Christophe Bourseiller, op. cit., pp. 450-451)<br />

« Serge Quadruppani qui défendait le<br />

“non-antisémite” Faurisson à pleines<br />

<strong>page</strong>s dans ses livres, bénéficie de la<br />

même machine à laver [… que Gilles<br />

Dauvé].<br />

Gilles Perrault [avait] déjà œuvré [...],<br />

sept ans plus tôt, en préfaçant L’anti-terrorisme<br />

en France [1] [...,] un livre de<br />

Serge Quadruppani nourri aux sources<br />

les plus mysté<strong>rieuse</strong>s... » [2]<br />

En « préfacier prolixe [3], Gilles Perrault


écrira [...] dans sa présentation [du] livre<br />

“remarquablement informé” de son ami<br />

Serge Quadruppani [...] ces quelques<br />

lignes dans lesquelles se lit le cynisme<br />

assumé du manipulateur de marionnettes<br />

: “Quadruppani observe avec justesse<br />

qu’en matière de terrorisme, les<br />

sources d’informations sont presque<br />

exclusivement policières. Comment en<br />

serait-il autrement ?” Poser la question,<br />

c’est y répondre ! » [4] Ne sont-ce pas<br />

les polices secrètes qui informent habituellement<br />

Perrault de ce qu’il convient<br />

d’écrire ?<br />

« Aujourd’hui, [Quadruppani] s’est éloigné<br />

de l’ultra-gauche, s’est rapproché<br />

un temps de la mouvance libertaire pour<br />

se réclamer maintenant [des situationnistes.<br />

Mais] Guy Debord, le fondateur<br />

de l’Internationale Situationniste a [...<br />

écrit à propos de ce livre] : “J’avais lu<br />

Quadruppani. C’est évidemment un désinformateur<br />

[...]. Au moins [...] manipulé<br />

par ses dangereuses fréquentations,<br />

policières, ou repenties, et aussi son préfacier”<br />

[5] » [2].<br />

A propos de « L’Antiterrorisme en<br />

France », Debord note également : « il<br />

n’y a qu’un détail qui me concerne, mais<br />

c’est un truquage parfaitement extravagant,<br />

une sorte de cuvée réservée aux<br />

objectifs spéciaux » [6]. Quadruppani<br />

fait, selon lui, partie de ces « employés<br />

aux étranges travaux » [6], qui sont « les<br />

véritables auteurs de la société du spectacle<br />

» [6], que Quadruppani prétend<br />

pourtant dénoncer à la suite de Debord.<br />

Quadruppani fut un des principaux animateurs<br />

de la liste de diffusion (internet)<br />

Résistons [7], jusqu’à ce que son mépris<br />

visible des causes féministes provoque<br />

assez de réactions pour le faire taire un<br />

peu.<br />

Au début des années 90, Quadruppani<br />

dirigeait la revue Mordicus distribuée en<br />

kiosques. Les lecteurs visés sont toujours<br />

les plus révoltés par l’ordre du monde,<br />

l’enthousiasme juvénile étant un bon<br />

filon. Le principe ne serait-il pas d’infiltrer<br />

la contestation, plus ou moins confuse,<br />

de l’ordre existant, pour faciliter ensuite,<br />

en contre-coup, la radicalisation de la<br />

répression pour établir un « ordre nouveau<br />

» ?<br />

[1] : (Serge Quadruppani, « L’anti-terrorisme en France ou<br />

la terreur intégrée 1981-1989. Préface de Gilles<br />

Perrault », La découverte, 2/1989)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, « 1981 : Les Renseignements<br />

Généraux contre Coluche... », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 3/4/2001)<br />

[3] : (Cf. Didier Daeninckx, « Le goût de la préface »,<br />

amnistia.net – Les Enquêtes interdites, 25/2/2000)<br />

[4] : (Didier Daeninckx, « Les ateliers d’écriture de la DST »,<br />

amnistia.net – Les Enquêtes interdites, 20/6/2000)<br />

[5] : (Lettre de Guy Debord à Jean-François Martos,<br />

24/2/1990, reprod. in Jean-François Martos,<br />

« Correspondance avec Guy Debord », le fin mot de l’histoire,<br />

8/1998, p. 126 (BP n° 274, 75866 Paris Cedex 18))<br />

[6] : (Guy Debord, « Cette mauvaise réputation... », Paris,<br />

Gallimard, 10/1993, pp. 43-45)<br />

[7] : (http://resistons.lautre.net)<br />

On sait<br />

que les associations<br />

se<br />

réclamant<br />

de l’anti-fascisme<br />

ont<br />

été particulièrement<br />

recherchées<br />

pour y infiltrer des gens servant l’extrême<br />

droite. Prenons par exemple,<br />

l’ancien mercenaire O.A.S. Dominique<br />

Jamet : En 1985, il assiste « au 80 e anniversaire<br />

de Léon Degrelle (nazi belge [fils<br />

spirituel d’Hitler] condamné à mort et<br />

réfugié en Espagne. […Puis, peu après,<br />

il va soutenir] S.O.S. Racisme. » [1]<br />

D’ailleurs, l’exemple du mélange des<br />

genres vient d’en haut : « François<br />

209 Franco de porc


Mitterrand n’avait [jamais] cessé d’entretenir<br />

des relations d’amitié avec René<br />

Bousquet, l’organisateur de la rafle de<br />

12 000 Juifs parisiens, et de la destruction<br />

à l’explosif du quartier du Panier à<br />

Marseille, considéré par les nazis comme<br />

un repaire de résistants. » [2]<br />

Mais on verra nombre d’autres manipulations<br />

confusionnistes. Ainsi, « Le<br />

Monde publiera le 1 er juillet 1996 une<br />

lettre signée de l’historien Denis<br />

Peschanski cautionnant un douteux<br />

devoir de physique sur les chambres à<br />

[gaz, devoir] donné à ses élèves par une<br />

enseignante du collège de Maurepas<br />

[3]. Deux jours plus tard Le Monde<br />

insérera un démenti de ce chercheur au<br />

CNRS [4] : il n’avait jamais rien écrit de<br />

tel, la lettre était un faux émanant des<br />

Franco de porc 210<br />

négationnistes, et que le journal n’avait<br />

pas détecté. » [5] Et plus on confondra<br />

tout, plus ça sera facile…<br />

[1] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie Hebdo,<br />

16/12/1992)<br />

[2] : (Didier Daeninckx, « Le goût de la vérité. Réponse à<br />

Gilles Perrault », Verdier, 10/1997, p. 149)<br />

[3] : (« Une lettre de Denis Peschanski », Le Monde,<br />

2/7/1996, http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve<br />

/1,13-0,37-217420,0.html)<br />

[4] : (Le Monde, 4/7/1996)<br />

[5] : (Didier Daeninckx, « Le jeune poulpe contre la vieille<br />

taupe », Bérénice, 1997)


Peu avant,<br />

on avait<br />

donné un<br />

« coup de<br />

chapeau au<br />

plus méritant<br />

: Georges<br />

Besse,<br />

patron de Renault, a refusé toutes les<br />

sollicitations, amicales ou non. Pour la<br />

[...] campagne électorale [de 1986], il<br />

n’a pas voulu donner un sou et il s’en<br />

vante, le pingre.<br />

A dire vrai […,] la Régie est bougrement<br />

malade » [1]. Le 17 novembre 1986, on<br />

apprend l’assassinat de Georges « Besse,<br />

P.D.G de la régie Renault par Action<br />

Directe ». [2]<br />

Mais « Georges Besse n’est pas [que] le<br />

Pdg de Renault ! Bien sûr, il a occupé<br />

cette fonction pendant vingt-et-un mois.<br />

Mais il a surtout passé vingt-six ans [de<br />

1956 à 1982] aux commandes de l’industrie<br />

nucléaire française, jusqu’à devenir<br />

» [3] « “[...] président du Directoire<br />

d’Eurodif (1974-1976), directeur général<br />

puis président de Cogema (1976-1982),<br />

de Pechiney (1982-1985), [avant d’être]<br />

président directeur général de la Régie<br />

nationale des usines Renault (depuis<br />

1985)” [4]<br />

« Georges Besse est abattu de trois<br />

balles, lundi 17 novembre 1986 [...]. A<br />

vingt heures, [Besse,] le premier patron<br />

d’Eurodif » [5], « qui supervisa la<br />

construction de toutes les installations<br />

françaises d’enrichissement de l’uranium<br />

» [6], « est assassiné.<br />

A vingt-deux heures (environ), le ministère<br />

des Affaires étrangères annonce un<br />

règlement partiel du contentieux<br />

Eurodif » [7], « avec l’Iran, auquel est<br />

réglé un premier dédommagement de<br />

330 millions de dollars. (Une partie de<br />

cet argent, admettent des “officiels français”<br />

[...] est reversé par Téhéran à ses<br />

correspondants au Liban, le Hezbollah<br />

et le Jihad, [en] “remboursement des<br />

frais engagés par les ravisseurs pour<br />

avoir gardé les otages” [8]. » [6])<br />

Et, à « minuit, un interlocuteur anonyme<br />

qui se réclame de l’OJR (Organisme pour<br />

la justice révolutionnaire) annonce la<br />

libération imminente de l’un des otages<br />

français au Liban. » [9]<br />

Eurodif ? Revenons en arrière [Voir<br />

« Rude Courcelle », p. 176]. « Dans les<br />

années 1970, sous le shah [d’Iran], Paris<br />

s’était engagé à fournir de l’uranium à<br />

Téhéran, en échange d’une participation<br />

d’un milliard de dollars iraniens au sein<br />

du consortium Eurodif, qui gère la<br />

construction de la centrale nucléaire de<br />

Pierrelatte. [... Mais] Paris s’estime délié<br />

de ses engagements lorsque survient la<br />

révolution islamique.<br />

Au contraire, l’ayatollah Khomeiny estime<br />

que le contrat a été signé avec l’État<br />

iranien [...]. Commence alors une<br />

longue campagne d’attentats sur le sol<br />

français afin de contraindre François<br />

Mitterrand à respecter [la] signature [de<br />

la France]. Dans le même temps, des ressortissants<br />

français sont enlevés au Liban<br />

211 Franco de porc


comme monnaie d’échange. Les enjeux<br />

de cette “guerre” [10] qui ne dit pas son<br />

nom ne peuvent évidemment être rendus<br />

publics [... puisqu’on ne pourrait<br />

expliquer] que Paris a promis l’arme<br />

nucléaire à l’Iran, au moment même où<br />

elle produisait également un réacteur<br />

[Osirak] à destination de l’Irak [Voir<br />

« Frères ennemis », p. 128]. L’Iran ne<br />

revendiquera donc jamais officiellement<br />

les attentats, et la France ne l’en accusera<br />

jamais. Au contraire, les différents<br />

attentats qui rythment les négociations<br />

diplomatiques seront camouflés sous de<br />

lourds écrans de fumée : ils sont attribués<br />

à des organisations différentes,<br />

avec des objectifs différents, et un mode<br />

opératoire différent. La justice antiterroriste<br />

veillera particulièrement à ce que<br />

rien ne permette officiellement de les<br />

relier les uns aux autres.<br />

[... Exemple parfait,] l’assassinat de<br />

Georges Besse, [...] est officiellement<br />

attribué à Action directe, sur la base de<br />

tracts du mouvement laissés sur place.<br />

La piste est ténue. L’enquête est confiée<br />

au juge Bruguière lorsque, début 1987,<br />

parvient enfin [à l’AFP] une revendication<br />

officielle, le 13 février 1987, soit<br />

trois mois après les faits. [...] Ce document<br />

évoque “la ‘brute’ Besse” dont l’élimination<br />

concrétiserait “l’escalade de<br />

l’antagonisme entre les classes, entre<br />

libération et oppression, entre pouvoir<br />

ouvrier et exploitation” [11]. [... Le] pouvoir<br />

en place [...] profite des nouvelles<br />

lois antiterroristes pour faire arrêter<br />

immédiatement Jean-Marc Rouillan,<br />

Nathalie Ménigon, Georges Cipriani et<br />

Joëlle Aubron [12] [..., qui] auraient, à<br />

l’instar des Brigades rouges, décidé de<br />

tuer au nom de la lutte contre l’oppression<br />

capitaliste.<br />

Cette hypothèse ne résiste pas à l’analyse<br />

[... Car] comment ne pas faire le lien<br />

avec l’attentat, le 14 septembre 1986,<br />

Franco de porc 212<br />

donc deux mois plus tôt, qui a visé le<br />

pub Renault et a été officiellement attribué<br />

au Comité de solidarité avec les prisonniers<br />

politiques arabes et du Proche<br />

Orient (CSPPA) ? [...] Comment enfin a-ton<br />

pu ignorer les négociations diplomatiques<br />

qui ont eu lieu ce jour-là entre la<br />

France et l’Iran [...]. Ces questions ne<br />

seront jamais posées. Jamais les<br />

membres d’Action directe ne reconnaîtront<br />

sur procès-verbal leur implication.<br />

Ils seront néanmoins lourdement<br />

condamnés au terme de l’instruction du<br />

juge Bruguière et de leur procès, au<br />

cours duquel leur stratégie de défense<br />

aura été de conserver le silence. » [13]<br />

Ils parleront pourtant : « A partir de<br />

[1985, Action Directe] conduit des opérations<br />

contre un responsable du commerce<br />

d’armes (Audran) et contre un des<br />

grands patrons, Besse, maître d’œuvre<br />

de restructurations industrielles et de<br />

licenciements. » [14] La revendication<br />

reste assumée ; mais on peut être des<br />

révoltés sincères ET être manipulés par<br />

des provocateurs.<br />

Notons d’ailleurs que, le 25 janvier<br />

1985, l’assassinat de René Audran,<br />

« directeur des affaires internationales au<br />

ministère de la Défense, et responsable à<br />

ce titre des ventes d’armes » [15], « est le<br />

premier crime prémédité revendiqué<br />

[par Action Directe] depuis son apparition<br />

en 1979. Il intervient alors que le<br />

groupe terroriste français s’engage dans<br />

une stratégie internationale, marquée, le<br />

15 janvier [1985], par une déclaration<br />

commune avec la Fraction Armée Rouge<br />

[Voir « “Oh les braves gens !” », p. 95], et<br />

par une collaboration avec le groupe<br />

belge, les cellules communistes combattantes<br />

[Voir « Cessez ces manifestations<br />

! », p. 85] [...]. Ainsi l’organisation<br />

[...] se présente comme une suite terroriste<br />

au mouvement pacifique [...]. Le<br />

choix des cibles [...] découle de cette


stratégie [... ; par exemple,] en juillet<br />

[1984, est attaqué] l’institut atlantique<br />

des affaires internationales, ‘’comme<br />

centre de réflexion de l’O.T.A.N.’’ précise<br />

un texte du mouvement terroriste... » [16]<br />

A-t-on déjà vu l’OTAN tenter de faire infiltrer<br />

par ses services des groupes qui<br />

attenteraient à ses propres installations ?<br />

On a insisté « sur la responsabilité des services<br />

secrets iraniens, qui auraient manipulé<br />

Action directe à travers les liens de cette<br />

organisation avec les Fractions armées<br />

révolutionnaires libanaises (FARL). » [17]<br />

[Voir « Le compte de Perrault », p. 205]<br />

Hasard du calendrier ? Du 21 au 23 février<br />

1987 : « Arrestation des responsables<br />

d’Action Directe » [18] ; et du 23 au 28 :<br />

« Procès de Georges Ibrahim Abdallah,<br />

chef présumé des Fractions des armées<br />

révolutionnaires libanaises (F.A.R.L.) [est]<br />

condamné à la réclusion à perpétuité. Le<br />

verdict va à l’encontre du réquisitoire de<br />

l’avocat général P. Baechlin qui n’avait<br />

réclamé qu’une peine mineure ». [18] Les<br />

jurés ne comprennent rien à la politique<br />

internationale !<br />

[1] : (Claude Angeli, Le Canard enchaîné, 6/8/1986)<br />

[2] : (Le Débat, « Histoire des Idées en France : 1945-1988 »,<br />

Gallimard, folio, 10/1989, p. 432)<br />

[3] : (Dominique Lorentz, « Une guerre », Les Arènes, 6/1997,<br />

p. 91)<br />

[4] : (« Who’s Who » de 1986, cité par Dominique Lorentz, op.<br />

cit., p. 91, puis par Paul Labarique, « Raison d’État. Jean-Louis<br />

Bruguière, un juge d’exception », Voltaire, 29/4/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article13591.html)<br />

[5] : (Dominique Lorentz, op. cit., p. 92)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les Arènes,<br />

3/2002, p. 30)<br />

[7] : (Dominique Lorentz, op. cit., pp. 92, 94)<br />

[8] : (Washington Post, cité par Libération, 10/5/1988, cité par<br />

Dominique Lorentz, « Affaires atomiques », Les Arènes,<br />

2/2001, p. 538)<br />

[9] : (Dominique Lorentz, op. cit., 1997, pp. 93-94, cité partiellement<br />

par Paul Labarique, op. cit.)<br />

[10] : (Dominique Lorentz, op. cit., 1997)<br />

[11] : (« Nouvelle revendication par Action directe de l’assassinat<br />

de Georges Besse », Le Monde, 13/2/1987)<br />

[12] : (Edwy Plenel, « Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron<br />

seraient bien les auteurs de l’assassinat de Georges Besse », Le<br />

Monde, 25/2/1987)<br />

[13] : (Paul Labarique, op. cit.)<br />

[14] : (Joëlle Aubron et Jean-Marc Rouillan, « Régis a terminé<br />

sa peine, il doit être libéré ! », 5/2004, Collectif Nlpf, Nlpf@no-<br />

log.org, NLPF c/o LPJ, 58 rue Gay-Lussac, 75005 Paris)<br />

[15] : (Dominique Lorentz, op. cit., 1997, p. 86)<br />

[16] : (Le Monde, 27-28/1/1985)<br />

[17] : (wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_fran<br />

co-iraniennes, d’après David Carr-Brown et Dominique<br />

Lorentz, « La République atomique, France-Iran le pacte<br />

nucléaire », Arte, 14/11/2001)<br />

[18] : (Le Débat, op. cit., p. 436)<br />

Un changement de lumière fait<br />

pâlir. « Joëlle Aubron, la militante<br />

d’Action Directe [...] participa [...]<br />

à la célébration du solstice de 1979. Car<br />

le national-socialisme européen s’épanouit<br />

au rythme de l’illumination astrale,<br />

à l’instar du Centre doctrinal d’études de<br />

Julius Evola, l’instigateur de cette liturgie<br />

païenne de 1979. C’est au cours d’une<br />

année d’amours droitières avec Jean-<br />

Pierre Tillenon, “fondateur et directeur<br />

de Diaspad, revue bretonne de la nouvelle<br />

droite” (qui rejoindra ensuite le<br />

GRECE) [Voir « GRECE : la patte »,<br />

p. 214] que notre prolétarienne célèbre,<br />

le bras levé, la révolution (stellaire). » [1]<br />

« Tillenon, idéologue des skinheads » [2],<br />

dans le cadre de « l’équipe parisienne<br />

Batskin-Tillenon [...] tente de diffuser<br />

une théorie et une pratique selon laquelle<br />

les hooligans seraient une force révolutionnaire.<br />

[...] Les courants militants de<br />

l’extrême droite ont toujours, pour exprimer<br />

leur révolte ou leur radicalité, singé<br />

des mouvements de gauche (libertaires,<br />

autogestionnaires, staliniens) » [3]. Aussi<br />

Batskin peut-il allégrement citer Debord !<br />

Ce confusionnisme est des plus efficaces<br />

! « C’est au belge Jean-Thiriart,<br />

déjà à l’origine, au milieu des années 60,<br />

du “nazi-maoïsme” [Voir « Carcan<br />

Solaire », p. 162], que l’on doit [… le<br />

213 Franco de porc


courant “nazi-soviétique” qui influença]<br />

fortement les cercles culturels d’extrême<br />

droite “Culture et Liberté”, créés en 1976<br />

par les disciples du théoricien néo-nazi<br />

italien Julius Evola. Son idéologue est en<br />

France le fasciste roumain Jean<br />

Parvulesco, dit Jean Walter, dont le nom<br />

a été souvent associé en Italie à celui de<br />

l’instigateur des bombes de Milan,<br />

Guido Giannettini. » [4] Avec le confusionnisme,<br />

on peut s’éclater en compagnie<br />

des « gauchistes » !<br />

[1] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L’Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 157, d’après René<br />

Monzat, « Enquête sur la droite extrême », Le Monde-éditions,<br />

1992)<br />

[2] : (Jean-Yves Camus et René Monzat, « Les droites nationales<br />

et radicales en France, P.U.L., 1992, p. 304)<br />

[3] : (Jean-Yves Camus et René Monzat, op. cit., p. 332)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 414 n. 2)<br />

LÀ, GRECE !<br />

Dirigeant<br />

du GRECE<br />

(Groupement<br />

de Recherche<br />

et d’Etude<br />

pour la<br />

Civilisation<br />

Européenne) [1], principal organe de<br />

la « Nouvelle Droite » depuis 1968,<br />

Alain de Benoist est « le plus extrême des<br />

nouveaux-philosophes » [2].<br />

« Journaliste, publiciste, [...] et rien d’un<br />

adepte de la barre de fer, ce penseurphare<br />

de la Nouvelle Droite se flatte<br />

d’une notice d’une cinquantaine de<br />

lignes dans le Who’s Who. [... Il accumule<br />

les] pseudonymes : Cédric de<br />

Gentissard, Fabrice Laroche, Robert de<br />

Franco de porc 214<br />

Herte [...], Mortimer Davidson. Sous<br />

cette [dernière] signature, [...] Alain de<br />

Benoist [... réhabilite] les artistes officiels<br />

du régime nazi, injustement décriés [...].<br />

Heureux directeur d’une revue théorique,<br />

Nouvelle Ecole, il a ouvert son<br />

comité de rédaction à Bernard Notin,<br />

ancien membre du conseil scientifique<br />

du Front national et auteur d’un article<br />

(dans Economies et société) niant l’existence<br />

des chambres à gaz, ainsi qu’à<br />

Jean-Claude Rivière, rapporteur de la<br />

thèse révisionniste d’Henri Roques. » [3]<br />

A quoi sert le négationnisme ? « “Celui<br />

qui a le contrôle du passé, disait le slogan<br />

du Parti, a le contrôle du futur. Celui<br />

qui a le contrôle du présent a le contrôle<br />

du passé.” » [4] Renverser les causes et<br />

les conséquences permet d’accroître les<br />

spirales inflationnistes. D’où l’intérêt de<br />

l’entreprise négationniste, autour de<br />

Faurisson et de ce qu’est devenue la<br />

Vieille taupe de Pierre Guillaume, ancien<br />

libraire gauchiste [5] [Voir « “Bien creusé,<br />

vieille taupe” », p. 199].<br />

Dans l’entreprise de confusion, on se<br />

sent bien entouré. Albert Spaggiari [Voir<br />

« Enchaîné », p. 137], également, avait<br />

son couvert chez Alain de Benoist [6].<br />

On le notait déjà il y a un quart de<br />

siècle : « Bien que Nouvelle Ecole soit<br />

distincte du GRECE, ses animateurs sont<br />

souvent les mêmes. Ce sont en général<br />

d’anciens dirigeants de Jeune Nation,<br />

d’Europe Action ou de la Fédération des<br />

Jeunes Nationalistes (F.E.N.), comme<br />

Alain de Benoist, dit Fabrice Laroche, ou<br />

François d’Orcival, rédacteur en chef de<br />

Valeurs Actuelles. Nouvelle Ecole bénéficie,<br />

par ailleurs, d’une collaboration<br />

impressionnante où se mêlent : Pierre<br />

Debray-Ritzen, l’historien André<br />

Brissaud, le journaliste de Minute, Jean<br />

Mabire, le sociologue Jules Monnerot, le<br />

psychologue Roger Mucchielli, les écrivains<br />

Jean Cau, Thierry Maulnier,


Thomas Molnar, Raymond Abelio, ou<br />

encore le PDG de Citroën Pierre Bercot,<br />

etc. » [7]<br />

Think tank français de la promotion de<br />

l’esclavagisme à visage technocratique,<br />

le GRECE et, plus largement, la<br />

« Nouvelle Droite a méticuleusement<br />

déblayé le terrain idéologique [...] ; elle<br />

a procédé à une redéfinition du vocabulaire,<br />

s’est attaqué à la syntaxe, est<br />

partie à l’assaut de quelques tabous, a<br />

entamé ou conduit des discussions animées<br />

avec l’ensemble de l’intelligentsia<br />

[...]. Le but n’était [...] pas de faire<br />

l’unanimité au sein des “masses”, volontairement<br />

délaissées par la Nouvelle<br />

Droite, mais de diffuser dans les sphères<br />

“pensantes” de la société (parmi les décideurs)<br />

et sous couvert de recherche culturelle<br />

et scientifique, une idéologie élitiste<br />

opposée à l’idéologie égalitariste et<br />

humaniste émanant de la gauche, qui<br />

régnait alors plus ou moins formellement<br />

avec hégémonie. [...]<br />

Les théories assassines de naguère [...],<br />

des Barrès, Maurras et autres Déroulède,<br />

seront soigneusement écartées du<br />

devant de la scène [...]. Simultanément,<br />

des idées qui, hier, semblaient appartenir<br />

à la gauche, seront brandies par les<br />

héritiers spirituels de ces mêmes Barrès,<br />

Maurras et Déroulède. [...] Hitler lui<br />

même ne s’était-il pas exercé [...] à plagier<br />

[...] certaines pratiques de la<br />

gauche, notamment en organisant un<br />

recrutement de masse à la manière communiste,<br />

et en assurant sur le même<br />

modèle l’éducation des militants ? Quant<br />

aux symboles même du nazisme, beaucoup<br />

étaient calqués directement sur<br />

ceux du communisme : même [couleur<br />

rouge du] drapeau [...] ; chants repris<br />

presque mot pour mot, etc.<br />

Les membres du GRECE, eux, vont donc<br />

inclure dans leurs discours de multiples<br />

références au Che Guevara, à Blanqui,<br />

aux Brigades rouges. Les ennemis, ce<br />

sont les “Versaillais”, les politiciens, les<br />

puissants, en bref l’”establishment”,<br />

comme dirait le Front national, vilipendant<br />

les “gros” ennemis des “petits”, et<br />

reprennent le langage populiste de la<br />

droite nationaliste de la fin du XIX e siècle.<br />

Les ennemis, ce seront les USA, accusés<br />

de coloniser l’Europe, d’introduire ici<br />

une culture décadente. Retrouver nos<br />

racines indo-européennes s’impose.<br />

Comment des individus de gauche ou<br />

d’ultra-gauche, déçus par l’attitude des<br />

partis traditionnels [...], ne tendraient-ils<br />

pas l’oreille vers ces singuliers philosophes<br />

qui affirment nécessaire la solidarité<br />

avec les pauvres, pratiquent un drôle<br />

de tiers-mondisme et soutiennent, avec<br />

infiniment plus de vigueur que les<br />

rouges d’antan, les luttes de libération<br />

“ethnique” (pays basque, Corse, Irlande,<br />

etc.) ? Mais si des liens se nouent, ce<br />

n’est pas parce que le GRECE vire à<br />

gauche, en dépit de ce que l’on peut<br />

être amené à penser au vu de sa production<br />

idéologique, mais bien parce<br />

qu’il a pour stratégie de recruter à<br />

gauche et surtout de ne pas apparaître<br />

d’emblée pour ce qu’il est : une organisation<br />

d’extrême droite » [8].<br />

Depuis 1984, Alain de Benoist « affirme<br />

que l’URSS et son armée ne représentent<br />

plus un danger. A [... quoi] se sont<br />

ajoutés [...] une critique du capitalisme,<br />

une sympathie surprenante pour les<br />

thèses tiers-mondistes, une apparente<br />

ouverture d’esprit et un soupçon de<br />

démarche révolutionnaire qui l’ont<br />

conduit à prôner l’alliance des extrêmes<br />

- la “périphérie” dans son jargon - contre<br />

le “centre” (libéraux et socialistes). [...]<br />

Alain de Benoist et ses amis ont réussi à<br />

faire avaler [à des] gogos qu’ils défendaient<br />

les mêmes causes qu’eux : avor-<br />

215 Franco de porc


tement, droit à la différence, écologie. Si<br />

les mots sont identiques, leur sens est<br />

très différent [9]. » [3]<br />

« Un exemple [...] révélateur de [la] perversion<br />

[...] sémantique [... et] idéologique,<br />

propre à la Nouvelle Droite :<br />

l’avortement. Alors que la droite et l’extrême<br />

droite sont généralement hostiles<br />

à l’interruption volontaire de grossesse<br />

[Voir « Pour la vie ! », p. 589] [...], la<br />

Nouvelle Droite [... est] en faveur du<br />

droit à l’avortement [...]. L’accent est<br />

mis, ici, sur les bienheureuses pratiques<br />

eugéniques qui pourraient en découler<br />

et sur la nécessaire réduction du taux de<br />

natalité des couches défavorisées de la<br />

population parmi lesquelles figurent [...]<br />

nombre d’étrangers. Poussée à son<br />

terme, cette position impliquerait [...]<br />

son obligation pour divers groupes<br />

sociaux, ce qui n’est pas sans rappeler<br />

les théories du III e Reich.<br />

[... La] Nouvelle Droite [... est] parvenue<br />

à générer un type nouveau de comportement,<br />

dont les militants nationalistes<br />

se sont abondamment inspirés. Pour piéger<br />

l’adversaire, rien de tel que de donner<br />

l’impression de se placer sur son terrain<br />

et de s’emparer de ses arguments.<br />

[... Autre exemple, le] “droit à la différence”<br />

constitue l’armature idéologique<br />

de la Nouvelle Droite [...] en prônant un<br />

chacun chez soi qui ne respire pas vraiment<br />

la fraternité universelle, même si le<br />

projet présenté par les “différencialistes”<br />

peut sembler aller de soi et recueille<br />

quelque écho à gauche. [...]<br />

Officiellement l’”autre” n’est plus rejeté<br />

initialement en raison de son origine<br />

(vraie ou supposée) extra-nationale,<br />

mais de son impossibilité à s’intégrer<br />

dans la communauté dans laquelle il vit<br />

désormais [..., impossibilité] posée<br />

comme un postulat. Au besoin, des<br />

chiffres fantaisistes seront sortis d’un<br />

Franco de porc 216<br />

chapeau [...]. Le droit à la différence,<br />

pour la gauche, garantit l’égalité de tous<br />

les citoyens dans la diversité. Pour la<br />

Nouvelle Droite, c’est exactement l’inverse.<br />

» [8] « Enfin, l’écologie sert à prouver<br />

qu’il existe un ordre naturel, où les forts<br />

dominent les faibles. » [3] Les concurrences<br />

indirectes entre espèces différentes<br />

servant à “justifier”, à la sauce<br />

“sociobiologique”, les guerres au sein de<br />

l’espèce humaine. « Struggle for life ».<br />

Et on saura aller plus loin [10].<br />

[1] : (http://www.grece-fr.net)<br />

[2] : (Lettre de Guy Debord à Jean-François Martos,<br />

24/2/1990, in Jean-François Martos, « Correspondance<br />

avec Guy Debord », le fin mot de l’histoire, B.P. n° 274,<br />

75866 Paris cedex 18, 8/1998, p. 124)<br />

[3] : (Alain Guédé, Le Canard enchaîné, 21/7/1993)<br />

[4] : (George Orwell, « 1984 », trad. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, 1950, réed. folio, p. 54)<br />

[5] : (« Misère de la librairie », Internationale situationniste,<br />

n° 11, 10/1967, p. 61, réed. Champ Libre, 1975, réed.<br />

Fayard 5/1997)<br />

[6] : (« Faites entrer l’accusé : Albert Spaggiari », France 2,<br />

12/8/2004)<br />

[7] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 396)<br />

[8] : (Thierry Maricourt, « Les nouvelles passerelles de l’extrême<br />

droite », Syllepse, 5/1997, pp. 25-32 (Le goût de<br />

l’Être, B.P. 403, F-80004 Amiens cedex 1))<br />

[9] : (Cf. Thierry Maricourt, « Les passerelles de l’extrême<br />

droite », Manya, 1993)<br />

[10] : (Cf. Meyssan et de Benoist juxtaposant leurs analyses<br />

in Réflechir & Agir, n° 28, 2/2008, http://www.reflechiretagir.com)<br />

Il faut donc savoir jouer des mots<br />

comme on le fait, par exemple, quand<br />

on présente comme un bien en soi la<br />

destruction de logements vétustes et de<br />

travaux répétitifs, sans un instant s’attarder<br />

sur les personnes laissées alors sans<br />

toit ni ressources. Le Pen recyclera le travail<br />

sémantique du Grece « en interposant<br />

entre lui et les autres une rhétorique<br />

en miroir. » [1] « On l’accuse de


xénophobie, de racisme ? Mais les<br />

racistes, rétorque-t-il avec verve, [... ce]<br />

sont ceux qui pratiquent une discrimination<br />

à l’égard des Français ; car le racisme,<br />

de nos jours, est d’abord dirigé<br />

contre les nationaux, les vrais Français<br />

[...]. En assurant la défense de ces derniers,<br />

il combat donc le racisme. » [2]<br />

Et « ce sont les amis de Le Pen qui utilisent<br />

les mêmes tics que leur maître en<br />

adressant aux autres les insultes qu’ils<br />

devraient recevoir d’eux. Cette utilisation<br />

en miroir du discours de l’autre<br />

(qu’il annule par un effet boomerang)<br />

est une violence qui doit être soulignée :<br />

elle rend impossible le repérage de<br />

l’autre par son discours, et ce processus<br />

tend à nier l’identité de tous ceux qui ne<br />

font pas partie du groupe » [3].<br />

[1] : (Pierre Jouve et Ali Magoudi, « Les dits et les non-dits<br />

de Jean-Marie Le Pen. Enquête et psychanalyse », La<br />

Découverte, 2/1988, p. 32, cité par Thierry Maricourt,<br />

« Les nouvelles passerelles de l’extrême droite », Syllepse,<br />

5/1997, p. 24)<br />

[2] : (Thierry Maricourt, op. cit., p. 23)<br />

[3] : (Pierre Jouve et Ali Magoudi, op. cit., p. 31).<br />

Le « droit à la<br />

différence »<br />

du GRECE<br />

culmine incognito<br />

dans le<br />

« tribal ». On<br />

posait la<br />

question :<br />

« A quoi sert Technikart ? A diffuser<br />

de la publicité. [... Mais aussi cette<br />

propagande inspirée du Grece.] En<br />

injectant [entre deux <strong>page</strong>s de réclame]<br />

un contenu “tribal”. [...]<br />

Koncept : la société serait un agrégat<br />

de tribus en butte avec une oppression<br />

protéiforme. Issu des [...] publicitaires,<br />

le fourre-tout “tribu” permettait<br />

déjà aux industriels des années<br />

1980 d’écouler leurs bidules électroniques.<br />

Le “sociologue” Michel Maffesoli s’est<br />

jeté sur le créneau pour en faire le pivot<br />

conceptuel de son “œuvre” [... et fut]<br />

promu gourou en chef de Technikart.<br />

[... Mais on le lit aussi dans] Eléments, la<br />

revue de la Nouvelle Droite [... ou dans<br />

Le Figaro. Il] effectue des piges extrauniversitaires<br />

pour le “sponsor n° 1” de<br />

Technikart, le groupe Pernod-Ricard<br />

[Voir « Hisse Pasqua », p. 147], “un des<br />

plus grands mécènes du pays” dont<br />

Maffesoli organise avec modestie les<br />

“Rencontres de haute volée intellectuelle”<br />

[1]. » [2] Ce « sociologue jaune »,<br />

comme dit Bourdieu, sait vendre. Il fut le<br />

directeur de thèse de l’astrologue<br />

Elisabeth Teissier (« thèse sur la situation<br />

épistémologique de l’astrologie à travers<br />

l’ambivalence fascination/rejet dans les<br />

sociétés postmodernes »).<br />

De son côté, « l’ex-rédacteur en chef [de<br />

Technikart] Patrick Williams [...] soutiendra<br />

[… pour l’élection] présidentielle<br />

[... de 2002 :] “Chevènement, c’est le<br />

maton sévère mais juste [...].” [3] [Voir<br />

« Jouer le jeu vainement ? », p. 229] Un<br />

mois avant le scrutin, le marchand de la<br />

peur et simultanément PDG d’un cabinet<br />

de sûreté urbaine Alain Bauer [Voir<br />

« Le fond de Bauer effraie », p. 235] est<br />

à l’honneur dans Technikart [4]. » [2]<br />

Propagande répressive et mode « délurée<br />

» peuvent ainsi faire bon ménage.<br />

Les riches annonceurs aiment les médias<br />

à la mode, mais particulièrement ceux<br />

qui, dans leurs textes, justifient la transformation<br />

de l’Etat encore redistributeur<br />

de richesses en un exécutif fort, répressif<br />

et arrogant, protecteur des richesses<br />

des puissants. Or, la publicité [Voir<br />

Liquidation Totale n° 2] joue d’abord sur<br />

les interdits et leurs transgressions symboliques.<br />

La publicité commande donc à la<br />

217 Franco de porc


fois l’interdiction et l’aspiration à la transgression<br />

de l’interdit, canalisée dans la<br />

consommation de marchandises. La duplicité<br />

voit sa force résider dans la synergie<br />

objective du barrage et de la turbine insérée<br />

dans le barrage pour y récupérer la<br />

force vive du fluide qui tend à chuter.<br />

[1] : (Technikart, 11/2001)<br />

[2] : (« Par-delà le néant : Technikart », PLPL, n° 21,<br />

10/2004, p. 8 (PLPL, BP 70072, F-13192 Marseille cedex 20))<br />

[3] : (Le nouvel Observateur, 31/1/2002)<br />

[4] : (Technikart, 3/2002)<br />

Mais en plus de jouer sur les mots,<br />

il faut étendre la confusion aux<br />

personnages (plus ou moins<br />

réputés antifascistes). Le confusionnisme<br />

savant du GRECE égare les commentateurs.<br />

Par exemple, le Canard enchaîné<br />

affirme qu’entre 1988 et 1993, « une<br />

vingtaine d’intellectuels de gauche, de<br />

journalistes et d’hommes politiques ont<br />

accepté [sic] de collaborer à une revue,<br />

Krisis, qui n’a jamais caché ses liens avec<br />

l’extrême droite. [...] Maître d’œuvre de<br />

cette opération : Alain de Benoist [... qui<br />

va] “recruter” des signatures sur le rivage<br />

opposé. Comment ? [... Grâce à la<br />

confusion entretenue. Chaque] fois que<br />

de Benoist engrange une signature de<br />

gauche, il en tire argument pour en attirer<br />

d’autres. Qui sont ces intellos qui, de<br />

1988 à 1993, ont accepté [sic] de collaborer<br />

à la revue Krisis aux côtés de<br />

quelques vedettes de la Nouvelle Droite<br />

française ou italienne ? Le rédacteur en<br />

chef de l’hebdo communiste Révolution,<br />

deux anciens ministres (André Giraud,<br />

Franco de porc 218<br />

Michel Jobert), un ambassadeur de<br />

France (Gilbert Perol) [...] Les politiques. -<br />

Régis Debray, ancien conseiller de<br />

Mitterrand à l’Elysée ; Pierre<br />

Fougeyrollas, ancien trotskiste du PCI ;<br />

Max Gallo, ex-ministre socialiste ; Jean-<br />

Luc Mélanchon, sénateur socialiste [et<br />

membre de SOS-Racisme et de la Ligue<br />

des droits de l’homme]. Les intellos. -<br />

Jean Baudrillard, sociologue ; Jean-Marie<br />

Domenach, ancien directeur de la revue<br />

Esprit ; André Comte-Sponville, philosophe<br />

; Bruno Etienne, spécialiste de l’islam<br />

; Roger Garaudy, philosophe,<br />

ancien membre du bureau politique du<br />

PC ; Olivier Mongin, directeur de la<br />

revue Esprit ; Pierre-André Taguieff, écrivain,<br />

spécialiste de l’extrême droite ;<br />

Jean-Pierre Vernant, philosophe, professeur<br />

au Collège de France, qui - autocritique<br />

? [sic] - vient de signer un manifeste<br />

dénonçant les intellectuels qui “ont<br />

accepté de signer des articles dans des<br />

revues dirigées par ces idéologues [d’extrême<br />

droite]”. Les journalistes. - Jean-<br />

Paul Jouary, rédacteur en chef de l’hebdo<br />

du PC Révolution ; Claude Julien,<br />

ancien directeur du Monde diplomatique<br />

; Jacques Julliard (un article du<br />

Nouvel Observateur [que le Canard a<br />

reconnu] reproduit dans Krisis) ; Jean-<br />

François Kahn, directeur de<br />

L’Evénement du jeudi ; Bernard<br />

Langlois, directeur de Politis ; Philippe<br />

Meyer, chroniqueur à France Inter et à<br />

L’Evénement du jeudi ; Ignacio<br />

Ramonet, directeur du Monde diplomatique<br />

; Philippe Simonot ; Dominique<br />

Wolton. » [1] Puisque certaines personnalités<br />

plus ou moins antifascistes « ont<br />

accepté » de contribuer à une revue fasciste,<br />

ils devaient donc être discrédités…<br />

La semaine d’après, le palmipède dut<br />

[quand même] un peu se corriger :<br />

« Pierre-André Taguieff nous signale qu’il


avait [lui, oui,] accepté la reproduction<br />

dans Krisis d’un article qu’il avait publié<br />

auparavant (en 1987) dans la revue<br />

L’Homme et la société. Précision qu’Alain<br />

de Benoist s’est bien gardé de mentionner.<br />

Pareillement, l’article d’Ignacio<br />

Ramonet reproduit dans Krisis était paru<br />

dans Le Monde diplomatique de mai<br />

1987. Ignacio Ramonet, qui n’avait pas<br />

personnellement donné son accord,<br />

avait obtenu un rectificatif d’Alain de<br />

Benoist dans le numéro suivant de sa<br />

revue. » [2] D’autres, comme Vernant,<br />

dont des articles anciens ont été ainsi<br />

repris, n’ont pas réagi à la note du<br />

Canard. Certains de la liste n’avaient pas<br />

été prévenus qu’on reprenait un article<br />

paru ailleurs ; d’autres, égarés par les<br />

prédécesseurs présentés, avaient accepté.<br />

Mais le Canard en témoigne, tous ces<br />

anti-fascistes déclarés ont collaboré à<br />

une feuille fasciste… Voilà un brillant travail<br />

de confusion.<br />

Didier Daeninckx, échaudé pour<br />

d’autres raisons, fera mine plus tard de<br />

ne pas comprendre la machination : « La<br />

passerelle vers Alain de Benoist empruntée<br />

aussi bien par Jean-François Kahn<br />

(Marianne) que par Bernard Langlois<br />

(Politis) était un petit peu [...] discrète : ils<br />

n’hésitaient pas, il y a quelques années,<br />

à apposer leurs signatures dans la revue<br />

haut de gamme de la Nouvelle-Droite,<br />

Krisis. » [3] Et voilà.<br />

Malheureusement, Didier Daeninckx, malgré<br />

les vrais lièvres qu’il a levé [Voir « Va te<br />

faire infiltrer 2. Le retour », p. 196], abuse<br />

de ce genre de simplisme et parfois dénonce<br />

trop vite ; il peut même se faire condamner<br />

pour diffamation [4]. Il est vrai que la<br />

logique assez exclusive de Didier<br />

Daeninckx, parfois lui-même durement<br />

molesté [5], le pousse à rendre responsable<br />

des signataires de pétition d’avoir toléré des<br />

cosignataires plus ou moins cryptofas-<br />

cistes. Dans sa revue amnistia.net, qui a par<br />

ailleurs révélé des affaires intéressantes, on<br />

suspecte assez facilement d’être un intime<br />

de divers fascistes du GRECE celui ou celle,<br />

comme « Gisèle Halimi qui signa à leur côté<br />

la pétition » [6]<br />

Par contre, Daeninckx ne fera pas de<br />

procès d’intention à une historienne qui<br />

n’avait pas ôté sa signature d’une pétition<br />

contre la première guerre du Golfe,<br />

quand il fut notable qu’elle était par<br />

ailleurs paraphée par plusieurs membres<br />

du GRECE. Il s’agit d’Annie Lacroix-Riz,<br />

qui est une référence [7] que Daeninckx<br />

reconnaît [8]. Daeninckx peut pourtant<br />

tout à fait comprendre « un réflexe pétitionnaire<br />

et corporatiste tout à fait caractéristique<br />

du milieu universitaire » [9].<br />

D’ailleurs, Daeninckx lui-même, ne fait<br />

pas retirer sa signature d’une pétition<br />

[10], lorsqu’il appert qu’un co-signataire,<br />

René Dumont, malgré ce qu’il fit<br />

« en faveur du développement agricole<br />

du Tiers-Monde » [11], écrivait jadis « des<br />

articles très techniques sur l’agriculture<br />

dans un grand hebdomadaire fasciste<br />

rural, “La Terre française” [..., qui soutenait]<br />

Pétain, militait pour le retour forcé<br />

des citadins à la terre et pour le corporatisme<br />

agricole. [...] René Dumont [...]<br />

citait l’agriculture nazie en modèle, invitait<br />

à s’unir derrière “le Maréchal”, et<br />

exhortait les paysans à faire des enfants<br />

pour régénérer la race et disposer d’une<br />

main d’œuvre abondante. » [11].<br />

Et on sert parfois par une intransigeance<br />

simpliste ceux-là mêmes qu’on croyait<br />

contrer. Le confusionnisme se sert des<br />

réactions « épidermiques » de ses opposants.<br />

On comprend qu’avec d’épisodiques<br />

« alliés objectifs », tels que le<br />

Canard ou Daeninckx, la nouvelle droite<br />

et ceux qui procèdent de même, aient<br />

tôt fait de pouvoir discréditer un peu qui<br />

les gêne, en faisant jeter une suspicion<br />

219 Franco de porc


par un procureur intransigeant de<br />

l’autre bord. On infiltre, on désinforme,<br />

on récupère, ou même on séduit…<br />

Car on peut, au contraire de Daeninckx,<br />

être volontiers compréhensif. Ainsi, un<br />

de ceux de la liste donnée par le Canard,<br />

Pierre-André Taguieff : « Moi-même, j’ai<br />

été piraté et les acteurs que nous étudions<br />

sont aussi des stratèges, ils savent<br />

tendre des pièges. Récemment encore, à<br />

propos de la guerre au Kosovo, j’ai prévenu<br />

quelques amis ou proches qu’ils<br />

étaient en train de signer une pétition<br />

“pacifiste” inspirée par des milieux liés à<br />

l’extrême droite. La plupart ont enlevé<br />

leurs signatures, pas tous... » [12]<br />

Mais c’est vraiment un cas particulier<br />

dans la liste du Canard (mis à part le<br />

négationniste ex-chrétien ex-stalinien<br />

Garaudy), que ce chevènementiste<br />

Pierre-André Taguieff, dont on voit souvent<br />

la prose dans Eléments [13], la<br />

revue du Grece la plus largement diffusée.<br />

Taguieff, a été séduit par le Grece,<br />

où l’on apprécie son « renom » [14].<br />

« Taguieff est collaborateur de la revue<br />

Krisis d’Alain de Benoist et [...], dès<br />

1985, il expliquait dans la revue du<br />

GRECE Eléments : “Le dialogue est<br />

aujourd’hui possible” avec le<br />

GRECE » [9]. Subtil, il sait ne dépister les<br />

« nouveaux judéophobes » [15] que<br />

chez les seuls altermondialistes. [Voir<br />

« Terror is Real », p. 603]<br />

Taguieff rétorque à ses détracteurs :<br />

« Certains disent “rouges-bruns” Je crois<br />

plutôt qu’en dehors du champ gauchedroite,<br />

ou encore le traversant secrètement,<br />

il existe un esprit maximaliste qui<br />

peut se qualifier de rebelle, de révolutionnaire,<br />

d’héroïque ou de “fasciste”. Il<br />

existait, dès la fin des années 60, un<br />

groupuscule d’extrême droite qui s’appelait<br />

“Organisation Lutte du Peuple”<br />

(OLP!), et cette référence palestinienne<br />

Franco de porc 220<br />

habillait une vision néo-nazie, centrée<br />

sur l’antisémitisme. Le “nazi-maoïste”<br />

[Voir « Carcan Solaire », p. 162] Giorgio<br />

Freda, dans l’Italie des années 70, illustre<br />

la même catégorie de militantisme “oxymorique”.<br />

Autre exemple frappant, la<br />

façon dont toute une extrême droite,<br />

dans les marges du FN et du MN, fait<br />

aujourd’hui référence massive à Debord<br />

ou à Guevara. A côté de cette littérature<br />

“radicale” anti-système, les textes synthétiques<br />

produits par le Grece de ces dernières<br />

années ressemblent à une mélasse<br />

idéologique sans spécificité. » [12]. Ça<br />

ne serait donc qu’un post-modernisme<br />

comme un autre. La preuve, c’est que<br />

d’autres font visiblement plus grossier<br />

dans la confusion… Taguieff, lui, fait<br />

dans la finesse.<br />

[1] : (Alain Guédé, Le Canard enchaîné, 21/7/1993)<br />

[2] : (« On écrit au Canard », Le Canard enchaîné,<br />

28/7/1993)<br />

[3] : (« Marianne et Politis : des jumeaux de papier ? », Les<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, n°6, 7/11/2001)<br />

[4] : (« Amnistia.net condamné », Les Enquêtes interdites -<br />

amnistia.net, 26/1/2004, http://www.amnistia.net/news/<br />

articles/multdoss/amncond/amncond.htm)<br />

[5] : (Enrico Porsia, « Commando contre un écrivain », Les<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, 22/6/2001,<br />

http://www.amnistia.net/news/articles/multdoss/commando/commando.htm)<br />

[6] : (Patrick Farrel, « Les amis de Slobo invités par<br />

Saddam... », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

6/11/2000, http://www.amnistia.net/news/articles/balkdoss/slobamis/slobamis.htm)<br />

[7] : (Annie Lacroix-Riz, « Lire les archives. Le Vatican, de<br />

l’antisémitisme des années trente au sauvetage-recyclage<br />

des bourreaux », Voltaire, 18/2/2002, http://www.voltairenet.org/article7605.html<br />

; Annie Lacroix-Riz,<br />

« Industriels et banquiers sous l’Occupation », Armand<br />

Colin, 9/1999 ; Annie Lacroix-Riz, « Le Vatican, l’Europe et<br />

le Reich », Armand Colin, 10/1996)<br />

[8] : (Didier Daeninckx, « Quand la France fournissait le<br />

gaz mortel aux nazis », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

14/12/1999)<br />

[9] : (Malek Boutih et Didier Daeninckx, « Lumière noire<br />

sur la commission “Négationnisme à Lyon III”. Lettre<br />

ouverte de SOS Racisme et du Cercle Marc Bloch au<br />

ministre de l’Education nationale Jack Lang », Les<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, s. d.,<br />

http://www.amnistia.net/news/articles/negdoss/lettlang/lettlang.htm)<br />

[10] : (« Appel Rwanda - Pour que la France comparaisse<br />

devant le Tribunal international institué par l’ONU »,<br />

11/1/1995, http://www.voltairenet.org/article6842.html)


[11] : (« René Dumont, pacifiste, fasciste et tiers-mondiste,<br />

est mort », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

8/8/2001, http://www.voltairenet.org/article13.html)<br />

[12] : (Pierre-André Taguieff, « Taguieff : “On choque toujours<br />

un Billancourt ou un Neuilly” », entretien avec<br />

Antoine de Gaudemar, Libération, 10/6/1999,<br />

http://perso.orange.fr/fromveur/taguieff_ismes_liberation_10juin1999.htm)<br />

[13] : (« Eléments », http://www.labyrinthe.fr/Site2/element.asp)<br />

[14] : (http://www.grece-fr.net/liens/_liens.php)<br />

[15] : (Pierre-André Taguieff, « La nouvelle judéophobie »,<br />

Mille et une nuits, 1/2002)<br />

« Jean-<br />

Edern Hallier<br />

[...] était<br />

le fils du<br />

général André<br />

Hallier,<br />

attaché militaire<br />

en<br />

Hongrie de l’État français de Pétain. Il<br />

fonda en 1960 la revue littéraire Tel<br />

Quel avec son camarade d’études<br />

Philippe Sollers dont il se sépare en<br />

1963. Il créa en 1969 [...] L’Idiot international<br />

(69-72/84/89/90-91). » [1] Il<br />

obtint de son copain Georges<br />

Blondeau (dit Gébé), bon dessinateur<br />

anarchiste de Charlie Hebdo, qu’il<br />

participe durablement à son journal.<br />

« En 1973, il détourna les fonds d’une<br />

collecte de soutien aux résistants chiliens.<br />

Ultérieurement, il se rendit au Chili<br />

soutenir le régime du général Pinochet.<br />

[...] En 1980, il créa les éditions Hallier<br />

où il publia [l’imam] Khomeiny, les négationnistes<br />

Éric Delcroix et Serge Thion,<br />

etc. Le 25 avril 1982, il mit lui-même en<br />

scène son propre enlèvement à la<br />

Closerie des Lilas. En juillet 1982, il organisa<br />

avec Cyril Platov un attentat à la<br />

bombe contre Régis Debray, alors<br />

conseiller de François Mitterrand, pour<br />

lequel il ne fut pas poursuivi dans les<br />

délais légaux. À la même époque, il commença<br />

à faire chanter le président de la<br />

République menaçant de révéler son<br />

passé de collaborateur et l’existence de<br />

sa fille adultérine. Aussi le 20 février<br />

1984 obtint-il l’annulation d’un rappel<br />

d’impôt de 300 000 F [...].<br />

François Mitterrand, détournant à des<br />

fins privées l’appareil d’État, le fit désormais<br />

espionner en permanence par la<br />

“cellule élyséenne”. Il lança alors la<br />

seconde période de L’Idiot international<br />

avec des responsables du Grece [Voir<br />

« GRECE, la patte », p. 214]. [...] En<br />

1991, il publia un texte violemment antisémite,<br />

Sur le Sentier de la guerre, pour<br />

lequel il fut condamné à 110 000 F<br />

d’amende. [...] Bien qu’il se présentât<br />

avant tout comme un monarchiste, il<br />

reconstitua autour de lui la filière rougebrun<br />

avec l’avocat Jacques Vergès, le<br />

journaliste de Libération Jean-Paul<br />

Cruse, et le capitaine Paul Barril. » [1] Et<br />

maintenant, il « est mort » [2].<br />

[1] : (« Décès de Jean-Edern Hallier », (RV 97/0058), Notes<br />

d’information du Réseau Voltaire, 27/1/1997,<br />

http://www.reseauvoltaire.net/article1419.html)<br />

[2] : (Pierre Carles, in « Pas vu, pas pris », 1998, CP<br />

Productions, in fine (85 mn, VHS et DVD, Co-errances, 45<br />

rue d’Aubervilliers. F-75018 Paris))<br />

221 Franco de porc


Yvan Blot, membre du GRECE « sert<br />

également de nègre littéraire à Charles<br />

Pasqua [Voir « Hisse pasqua », p. 147].<br />

“Citons par exemple le livre l’Ardeur nouvelle,<br />

révèle Blot. Je l’ai écrit avec Bruno<br />

Tellenne [animateur du groupe Jalons<br />

sous le nom de Basile de Koch et frère de<br />

Karl Zéro], également coauteur des<br />

Racines du futur. [...]” » [1], « de »<br />

Charles Pasqua, itou.<br />

Denis Daude, « petit-neveu du Docteur<br />

Martin, membre historique de la<br />

Cagoule [Voir « Cagoule. L’art », p. 32],<br />

[...] s’est spécialisé [...] dans la formation<br />

des élus frontistes [... et] s’est intéressé<br />

au logement social [..., notamment] au<br />

sein de l’Association des foyers de la<br />

région parisienne (AFPR), où il participa<br />

activement aux montages très contestés<br />

de son ami Yves Laisné, ancien membre<br />

du Comité central du FN [2]. Depuis,<br />

Yves Lainé a été mis en examen pour<br />

avoir versé un salaire fictif à Jean-<br />

Christophe Cambadélis (fondateur du<br />

Manifeste contre le FN et n° 2 du Parti<br />

socialiste) [Voir « Combat des lys »,<br />

p. 227]. Denis Daude milite [...] au<br />

Grece d’Alain de Benoist [... et est<br />

conseiller] régional du Centre. En 1998,<br />

il fut pressenti pour succéder à Bernard<br />

Courcelle [Voir « Rude Courcelle »,<br />

p. 176] à la tête du DPS [Voir<br />

« Dépèce ! », p. 174] si celui-ci avait<br />

abandonné ses fonctions lors de l’affaire<br />

tchétchène. Par arrêté du Premier<br />

ministre, Lionel Jospin [Voir « Jospin<br />

dans la gueule », p. 224], en date du 15<br />

Franco de porc 222<br />

septembre [… 1998] [3], il fut nommé<br />

membre du Comité de coordination des<br />

programmes régionaux d’apprentissage<br />

et de formation. Denis Daude [... fut] sur<br />

la liste FN-MN aux élections européennes<br />

de 1999 et a été élu membre du Comité<br />

national du parti mégretiste. » [4]<br />

Bruno Mégret : « L’entourage de<br />

Jacques Chirac [Voir « Chie ! Raque ! »,<br />

p. 312] est [... hétéroclite]. Ses plumes<br />

de l’ombre [les “nègres” qui écrivent<br />

pour lui] en fournissent un échantillon :<br />

De Bruno Mégret, le futur délégué général<br />

du Front National à » [5] d’autres plus<br />

à gauche. Ce nègre-là aura, lui, voulu<br />

voler de son propre zèle… [Voir : « Les<br />

Mégret, deux connards ? », p. 183]<br />

[1] : (L’Evénement du Jeudi, 6-12/11/1997)<br />

[2] : (Cf. Blandine Hennion, « Le Front National, l’argent<br />

et l’establishment » La Découverte, 2/1993)<br />

[3] : (Journal officiel, 18/9/1998)<br />

[4] : (« Une figure du Département protection sécurité<br />

(DPS) : Denis Daude », Notes d’Information du Réseau<br />

Voltaire, 1/9/1/999, http://www.voltairenet.org/article72<br />

9.html)<br />

[5] : (Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perez,<br />

« Plumes de l’ombre. Les nègres des hommes politiques »,<br />

Ramsay, 10/1991, p. 159)


« Pierre-<br />

Marie Gallois<br />

a sans doute<br />

joué un rôle<br />

important<br />

d’interface<br />

entre la politique<br />

et l’industrie<br />

d’armement [1] [... Il] est très<br />

bien introduit dans les milieux américains<br />

de la recherche militaro-universitaire sur<br />

les problèmes de défense, notamment la<br />

Rand Corporation [Voir « Légitime dépense<br />

», p. 652]. [...] Il est réputé pour ses<br />

liens avec les Républicains conservateurs :<br />

Kissinger [Voir « Kissinger, le “faucon masqué”<br />

», p. 545] vient fréquemment dîner<br />

chez Gallois.<br />

Les liens de ce dernier avec les hommes<br />

politiques français se multiplient, au plus haut<br />

niveau. Il fait du lobbying pour promouvoir<br />

auprès d’eux les armes nucléaires. [...]<br />

Tout donne à penser que Pierre-Marie<br />

Gallois était l’officier chargé des relations<br />

de haut niveau entre la France, l’Otan et<br />

le Pentagone. En 1958, il devient l’un<br />

des plus proches conseillers de Marcel<br />

Dassault. » [2]<br />

« En 1983, [Marie France Garaud, exégérie<br />

de Chirac] fonde l’Institut de géopolitique.<br />

Le loyer de cette association<br />

est payé par [... une structure] dont le<br />

gérant est Roger [… Patrice-Pelat [Voir<br />

« Place de Glaive », p. 104], et qui] édite<br />

une prestigieuse revue trimestrielle,<br />

Géopolitique, dont le directeur de publication<br />

est le général Pierre-Marie Gallois<br />

[...], et qui reprend des analyses atlantistes<br />

et anti-européennes soutenues par<br />

une faction du Pentagone. » [3]<br />

« Père de la stratégie de dissuasion<br />

nucléaire française, expert en géostratégie,<br />

le général Gallois a toujours été<br />

proche des Serbes, alliés historiques des<br />

militaires français. » [4] Mais, c’est<br />

Marchiani qui « prend à Belgrade le<br />

relais du général Gallois et négocie la<br />

libération d’otages français en<br />

Yougoslavie » [5]. De cela, Marchiani est<br />

un plus grand spécialiste ! [Voir « Divin<br />

Marchiani », p. 152]<br />

On trouve ensuite Gallois « dans l’entourage<br />

immédiat du Che de Belfort [Voir<br />

« Jouer le jeu vainement », p. 229] [...,<br />

lui] qui, il n’y a pas si longtemps, était<br />

l’adjoint [...] de Alain de Benoist [...] à la<br />

rédaction de la revue néo-fasciste Éléments.<br />

» [6] [Voir « GRECE, la patte »,<br />

p. 214] Un stratège écouté, donc.<br />

Et maintenant ? Hier honni de Meyssan ;<br />

Gallois est aujourd’hui son voisin [7].<br />

[1] : (D’après général Pierre-Marie Gallois, « Le sablier du<br />

siècle », L’Âge d’Homme, 1999)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 23-24)<br />

[3] : (« Garaud (Marie-Françoise, dite Marie France) »,<br />

Notes d’Information du Réseau Voltaire, 24/6/1999)<br />

[4] : (Eric Lemasson, « Marchiani. L’agent politique », Seuil,<br />

3/2000, p. 175)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « L’Enigme Pasqua », Golias, 2000,<br />

p. 48)<br />

[6] : (Didier Daeninckx, « Marianne et Politis : des jumeaux de<br />

papier ? », Les Enquêtes interdites - amnistia.net, n° 6,<br />

7/11/2001, http://www.amnistia.net/librairi/amnistia/n06/jumpap.htm)<br />

[7] : (Cf par ex. http://www.politiquedevie.net/Etatdeguerre.htm)<br />

223 Franco de porc


« Le Parti socialiste […] qui ne compte<br />

presque plus de cadres issus des<br />

couches populaires et dont de nombreux<br />

dirigeants sont assujettis à l’impôt<br />

sur les grandes fortunes, a donné<br />

l’impression d’être sur une autre planète<br />

sociale, à des années-lumière du<br />

peuple commun. » [1] Les « socialistes<br />

» ne sont pas, depuis longtemps,<br />

si éloignés des méthodes drastiques.<br />

Ainsi, « le régime de Vichy<br />

n’est pas tombé du ciel : ce sont cinq<br />

cent soixante neuf députés, la plupart<br />

élus sous l’insigne du Front<br />

populaire, qui ont voté les pleins pouvoirs<br />

à Pétain. » [2] Et après la<br />

Libération, « en France, le socialiste<br />

Jules Moch réprime dans le sang les<br />

grèves insurrectionnelles de<br />

1947 ». [3] Les « socialistes » ont le<br />

sens du devoir.<br />

Franco de porc 224<br />

[1] : (Ignacio Ramonet, « La peste », Le Monde diplomatique,<br />

5/2002, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/<br />

2002/05/RAMONET/16527)<br />

[2] : (Gérard Biard, Charlie Hebdo 5/5/1993)<br />

[3] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L’Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, p. 191)<br />

« Olivier Spithakis, responsable socialiste,<br />

surtout connu comme l’homme qui<br />

dirigea la MNEF pendant 15 ans [… le]<br />

précise : “[…] nous recevons l’aide du<br />

puissant syndicat américain AFL-CIO,<br />

allié traditionnel de FO.” » [1]<br />

Cela, par le « négationniste [...] Irving<br />

Brown […, qui était] responsable du<br />

stay-behind pour les milieux de gauche<br />

et étudiants en Europe [Voir « Syndicats<br />

cassés », p. 576]. Il se vantait d’avoir<br />

financé aussi bien l’UNI que la MNEF et<br />

d’avoir formé personnellement Jean-<br />

Christophe Cambadélis et Lionel<br />

Jospin. » [2] Les liens furent durables.<br />

« Selon certains<br />

[3],<br />

Lionel Jospin,<br />

alors premier<br />

secrétaire du<br />

parti socialiste,<br />

rencontre à<br />

Washington le<br />

14 avril 1982<br />

les responsables<br />

du syndicat américain AFL-CIO<br />

afin de les rassurer sur la présence de<br />

ministres communistes dans le gouvernement<br />

Mauroy.<br />

Celui qui a organisé la réunion est un<br />

agent de la CIA, Irving Brown [Voir<br />

« Foccart t’a joué », p. 129], celui qui a<br />

fait fonder et financer le syndicat français<br />

Force Ouvrière pour lutter contre la


CGT communiste financée par la Russie<br />

soviétique. Le sieur Irving Brown serait<br />

également celui qui aurait constamment<br />

entretenu des liens [avec] les trotskistes,<br />

et notamment l’OCI, et FO. » [4]<br />

Fidèle lui aussi aux USA, Lionel Jospin,<br />

Premier ministre, se comparait à Blair (le<br />

« digne héritier » [5]<br />

de Thatcher) :<br />

« Tony et moi, on est<br />

peut-être modernisateurs<br />

tous les deux,<br />

mais pas de la même<br />

façon […]. Si Blair<br />

continue, il finira par<br />

signer une déclaration<br />

avec Jörg<br />

Haider ! » [6] « Bah !<br />

c’est aussi Blair qui a<br />

inventé : “Etre dur<br />

avec la violence et<br />

être dur avec les<br />

causes de la violence”,<br />

repris texto à<br />

son compte par<br />

Jospin, le jour<br />

même, à Tours. » [7]<br />

L’esprit de l’Ordre<br />

est bien là, fidèle au<br />

poste, derrière la<br />

façade « sociale ».<br />

Déjà, fin 1999,<br />

« Jospin et Strauss-<br />

Kahn avaient privatisé plus que Balladur<br />

et Juppé réunis. Tout en affirmant le<br />

contraire, et après avoir promis pendant<br />

la campagne électorale qu’il n’en serait<br />

pas question. » [8] Puis, bientôt, il y eut<br />

deux « fois plus de privatisations pour la<br />

gauche que pour la droite. Avec 40 milliards<br />

d’euros contre 20. » [9]<br />

« En 1997, pendant sa campagne aux<br />

législatives, [Jospin] s’était engagé à ne<br />

pas laisser Renault fermer son usine de<br />

Vilvorde et à ne pas privatiser France<br />

Télécom. Cinq ans après, on le sait,<br />

Vilvorde est fermé, et France Télécom<br />

privatisé. » [6] En effet, le « 28 juin<br />

[1997], le conseil d’administration de<br />

Renault accepte la fermeture de l’usine<br />

[de Vilvorde]. Avec 49,3 % des droits de<br />

vote, l’Etat, la Caisse des dépôts et les<br />

salariés pouvaient<br />

pourtant facilement<br />

obtenir gain de<br />

cause. » [10] Mais<br />

« Yoyo » en décida<br />

autrement.<br />

On reconnaît l’étoffe<br />

des hommes d’Etat.<br />

« Lionel Jospin et<br />

Jacques Chirac ont<br />

désormais le même<br />

tailleur, la maison<br />

Lanvin » [11]. On<br />

reconnaît aussi le<br />

beau travail.<br />

« Grand pourfendeur<br />

des rigidités de<br />

la société française,<br />

le quotidien de Wall<br />

Street salue la loi<br />

sur la réduction du<br />

temps de travail : la<br />

flexibilité a tout à y<br />

gagner » [12] Et « en<br />

première <strong>page</strong>, [...<br />

le journal constate]<br />

que les 35 heures<br />

ne justifient plus la révolte patronale [...]<br />

La flexibilité et la précarité sont assurément<br />

les principaux défis auxquels le<br />

monde du travail est confronté depuis<br />

près de deux décennies. On comprend<br />

donc mieux l’amertume de certains syndicalistes<br />

ou de militants quand ils se<br />

rendent compte que les 35 heures, loin<br />

de remédier à cet éclatement du monde<br />

du travail, risquent de le favoriser. [...]<br />

Loin de constituer une ligne de défense<br />

pour les salariés, la fameuse réforme<br />

225 Franco de porc


aura servi de marchepied à une fragmentation<br />

des formes d’emploi, en<br />

dehors du dorénavant menacé contrat à<br />

durée indéterminée. » [13]<br />

Le peuple ignare pourrait donc être rétif<br />

à ces belles libertés, mais justement vint<br />

le virage sécuritaire de la gauche française<br />

[14], avec toutes les heureuses justifications<br />

qu’on sut lui trouver…<br />

[1] : (Enrico Porsia, « Le réseau Gladio et la démocratie<br />

confisquée. Première partie : La particularité française »,<br />

Les Enquêtes interdites - amnistia.net, 3/1/2001, citant<br />

Olivier Spithakis, « Tout sur la MNEF », Editions n°1, 2000,<br />

p. 61)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d’ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001)<br />

[3] : (Notamment Serge Raffy, « Secrets de famille »,<br />

Fayard, 2001)<br />

[4] : (Denis Touret, « Lionel Jospin », http://www.denistouret.net/textes/jospin.html)<br />

[5] : (Keith Dixon, « Un digne héritier », Raisons d’agir,<br />

1/2000)<br />

[6] : (Cité in Le Canard enchaîné, 27/2/2002, p. 2)<br />

[7] : (Le Canard enchaîné, 3/4/2002 p. 2)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 20/10/1999 p. 2)<br />

[9] : (Les Echos 22/2/2002, cité par Le Canard enchaîné,<br />

27/2/2002, p. 2)<br />

[10] : (Le Canard enchaîné, 15/9/1999 p 3).<br />

[11] : (Le Canard enchaîné, 27/2/2002 p. 2, d’après Paris<br />

Match, 21/2/2002)<br />

[12] : (Chapô de « Quand le “Wall Street Journal” célèbre<br />

les 35 heures », Courrier International, n° 419,<br />

12/11/1998, d’après le Wall Street Journal)<br />

[13] : (Laurent Mauduit et Gérard Desportes, « La Gauche<br />

imaginaire et le nouveau capitalisme », Grasset, 1999, cité<br />

par Marianne n°124, 6-12/9/1999,<br />

http://mouv4x8.club.fr/F990906a.htm)<br />

[14] : (Colloque de Villepinte, 25/10/1997)<br />

« Député PS de l’Essonne, Julien Dray<br />

estime que la reconstruction de la<br />

gauche se fera autour de la police […] :<br />

“Je suis la gauche, la vraie. Je suis populaire,<br />

au sens où je vis avec le peuple,<br />

celui qui gagne 8 000 francs par mois,<br />

Franco de porc 226<br />

qui galère dans les transports en commun<br />

et qui vit dans des quartiers difficiles.<br />

Eux n’ont pas les moyens de se<br />

payer une sécurité privée. Être de<br />

gauche, c’est représenter ces gens-là,<br />

leur garantir le droit à la sécurité. Alors,<br />

oui, je suis sécuritaire !” [1] [… Ce même<br />

Dray] a acheté en 1997, dans un “quartier<br />

difficile” de Paris (place Vendôme<br />

[…]), une “montre à complication” à<br />

250 000 francs [31 fois 8 000 francs],<br />

dont 150 000 payés en liquide (Régler<br />

en espèces une telle somme est interdit<br />

par la loi, que fabrique le député<br />

Dray. […]) » [2] Mais, apparemment<br />

incapable, il « n’aurait pas eu le sentiment<br />

de se mettre en tort. Il croyait que<br />

le paiement en liquide était possible jusqu’à<br />

la limite de 150 000 francs. » [3]<br />

Il exprime sa foi en Sarkozy à l’Assemblée<br />

nationale : « “A l’instar de Jean-Pierre<br />

Raffarin, nous pensons qu’un délinquant<br />

est un délinquant. […] Oui, il existe un<br />

terreau propice à la délinquance, mais<br />

cela ne justifie en rien l’acte délictueux<br />

[…] et l’on choisit de devenir délinquant.<br />

La société, dès lors, ne peut trouver<br />

d’autre solution que la répression – proportionnée<br />

à l’acte, et favorisant la réinsertion<br />

de l’individu.<br />

Pour le bien-être de notre pays, je ne<br />

peux que souhaiter votre succès. […] Il<br />

faut être dur avec le crime mais aussi<br />

avec les causes du crime [toujours le slogan<br />

lancé par Anthony Blair].”


Nicolas Sarkozy, enthousiaste, répond à<br />

Julien Dray : “[…] Monsieur Dray, je ne<br />

saurais vous dire le plaisir que j’ai eu de<br />

vous entendre vanter comme vous l’avez<br />

fait le modèle américain. Jamais je ne<br />

serais allé si loin ! Je vous remercie !” […]<br />

Enchanté de sa prestation, Julien Dray<br />

plastronnera plus tard : “Globalement,<br />

nous avons été plus offensifs que ne l’attendaient<br />

nos adversaires [4].” » [5] Loin<br />

est l’époque où ce Dray dénonçait<br />

Pasqua, le parrain de Sarkozy : « Le<br />

ministre de l’Intérieur s’emploie tout l’été<br />

à couvrir les bavures sanglantes. » [6]<br />

Promu, Dray est devenu un beau bavoir<br />

qui fait saliver Sarkozy. Ensuite...<br />

[1] : (Entretien in Le Figaro 18/07/02)<br />

[2] : (« Julien Dray et le PS : Touche pas ma police ! », PLPL<br />

n° 11, 10/2002, http://www.homme-moderne.org/plpl/<br />

n11/p10I.html)<br />

[3] : (Pascal Ceaux, « Une montre “à complication” met<br />

Julien Dray dans l’embarras », Le Monde, 9/12/1999,<br />

d’après L’Express, 9/12/1999)<br />

[4] : (Le Monde, 9/8/2002)<br />

[5] : (PLPL n° 11, op.cit., http://www.hommemoderne.org/plpl/n11/p10I.html,<br />

citant la Discussion sur<br />

la loi Sarkozy sur la sécurité à l’Assemblée nationale, 1 re<br />

séance du mardi 16 juillet 2002 présidée par Jean-Louis<br />

Debré)<br />

[6] : (Julien Dray, « SOS génération », Ramsay, 1987, p. 23)<br />

Manuel Valls soutint Dray à l’Assemblée :<br />

« “L’intervention de Julien Dray a été réaliste<br />

et objective. Elle indique que nous<br />

vous soutiendrons quand ce sera nécessaire,<br />

car nous savons que, trop souvent,<br />

policiers et gendarmes sont vilipendés et<br />

agressés. [… Cela] permettra qu’un<br />

grand pas soit fait dans le rétablissement<br />

de l’autorité de la République. La motion<br />

de Julien Dray doit donc être appuyée<br />

massivement.” » [1]<br />

La dérive sécuritaire n’étonne plus.<br />

Manuel Valls, ex-conseiller en communication<br />

de Lionel Jospin, avait eut ce cri :<br />

« Arrêtez ! On n’a pas été battus aux élections<br />

par trop de social-libéralisme, mais<br />

par trop de social-laxisme ! » [2] Par<br />

ailleurs, Manuel Valls a pour « ami Alain<br />

Bauer [Voir « Le fond de Bauer effraie »,<br />

p. 235], avec lequel il s’illustra dans le<br />

financement du courant rocardien,<br />

d’abord à la MNEF, puis avec [le]<br />

ministre de la Défense Alain Richard,<br />

enfin par le biais d’un cabinet de conseil<br />

en sécurité. » [3] Un gage de qualité.<br />

[1] : (Julien Dray et le PS : Touche pas ma police !, PLPL<br />

n° 11, 10/2002, http://www.homme-moderne.org/plpl/<br />

n11/p10I.html, citant la Discussion sur la loi Sarkozy sur la<br />

sécurité à l’Assemblée nationale, 1re séance du mardi<br />

16/7/2002 présidée par Jean-Louis Debré)<br />

[2] : (Le Canard enchaîné, 24/7/2002, cité par PLPL n° 11,<br />

op.cit., http://www.homme-moderne.org/plpl/n11/p10I.html)<br />

[3] : (« Manipulations au GOdF », Réseau Voltaire,<br />

5/3/2000, http://www.reseauvoltaire.net/article152.html)<br />

On ne peut parler de cas isolés :<br />

« L’étrange nomination [au Comité de<br />

coordination des programmes régionaux<br />

d’apprentissage et de formation, en<br />

1998] de Denis Daude [un dirigeant FN]<br />

par Lionel Jospin [avait relancé] les interrogations<br />

ouvertes, le 8 novembre 1996,<br />

lors de la mise en examen de Jean-<br />

Christophe Cambadélis, conseiller privé<br />

de Lionel Jospin et responsable des relations<br />

extérieures du Parti socialiste. » [1]<br />

Car, en effet, Jean-Christophe Cambadélis,<br />

« tacticien du PS, a chuté pour<br />

emploi fictif » [2] et « a été condamné en<br />

janvier 2000 à cinq mois de prison avec<br />

sursis et 100 000 francs d’amende […]<br />

par le tribunal correctionnel de Paris.<br />

Celui qui était alors le numéro 2 du PS<br />

avait touché un total de 441 336 F grâce<br />

227 Franco de porc


à la bienveillance d’un ami, Yves Laisné,<br />

gestionnaire escroc de foyers d’immigrés<br />

et ancien [membre du Comité central]<br />

du Front national. » [3] Et ce, « alors<br />

même que Jean-Christophe Cambadélis<br />

préside depuis 1991 l’association<br />

“Manifeste contre le FN”. […] Jean-<br />

Christophe Cambadélis pouvait difficilement<br />

ignorer le passé et l’engagement<br />

d’Yves Laisné » [4] fortement médiatisés.<br />

En complément, pour services rendus,<br />

Yves Laisné, président de l’AFRP (Agence<br />

des foyers et résidences hôtelières privée)<br />

dont la filiale Agos a fictivement<br />

employé Cambadélis, a fait réaliser une<br />

plaquette pour l’AFRP par Policité, société<br />

de com’ qui travaille surtout pour les<br />

socialistes et la Mnef... [5] Ce qui n’empêchera<br />

pas, bientôt, le « député PS de<br />

Paris Jean-Christophe Cambadélis […] de<br />

sonner le tocsin contre le FN, qui pourrait<br />

“profiter”, dit-il, d’un “contexte où la<br />

droite échoue et où la gauche est divisée”.<br />

» [6] Pourquoi se priver de duplicité<br />

si ça paye ?<br />

[1] : (« Lionel Jospin nomme un dirigeant FN au Comité de<br />

coordination des programmes régionaux d’apprentissage<br />

et de formation », Réseau Voltaire, 27/10/1998)<br />

[2] : (Libération 7/3/2000)<br />

[3] : (« Gauche fictive », CQFD n° 1)<br />

[4] : (« Le président du “Manifeste contre le FN” était salarié<br />

par un ex-dirigeant du FN », Notes d’Information du<br />

Réseau Voltaire, 11/11/1996)<br />

[5] : (Libération, 13-14/2/1999)<br />

[6] : (« Pas de honte », CQFD n° 5, http://cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=197)<br />

Franco de porc 228<br />

Ce « socialiste », qui fut salarié par<br />

Pinault, le riche ami du Président<br />

Chirac [1], ne dépareille pas.<br />

« Président sortant du conseil régional<br />

d’Île-de-France et candidat à sa propre<br />

succession [en 2004], Jean-Paul Huchon<br />

[a alors recruté], avec le titre de chargé<br />

de mission, le directeur de cabinet du<br />

mégrétiste Jean-Yves Le Gallou. » [2]<br />

Etonnant ? De 1988 à 1991, Alain Bauer<br />

[Voir « Le fond de Bauer effraie », p. 235]<br />

fut chargé « de mission auprès de Jean-<br />

Paul Huchon, directeur de cabinet du<br />

Premier ministre, Michel Rocard, pour<br />

“les affaires réservées” [... et participa par<br />

exemple] aux négociations sur le statut<br />

de la Nouvelle-Calédonie. » [3]<br />

Coïncidences, puisque le pôle Huchon<br />

représente l’alternative « socialiste » en<br />

Île-de-France. Connaissant la « prise illégalle<br />

d’intérêts » [4].<br />

[1] : (le Canard enchaîné 16/12/1998)<br />

[2] : (« Huchon recrute », Le Canard enchaîné, 25/2/2004, p. 2)<br />

[3] : (Réseau Voltaire, « Alain Bauer, Repères biographiques<br />

», (RV 0/0329), 1/10/2000, http://www.voltairenet.org/article414.html)<br />

[4] : (Tribunal correctionnel de Paris, condamnation du<br />

20/2/2007, cf. wikipedia)


« Né le 9<br />

mars 1939 à<br />

Belfort,<br />

Jean-Pierre<br />

[Chevènement]poursuivit<br />

des<br />

études à<br />

l’IEP. » [1]<br />

« Son mémoire [de troisième cycle] à<br />

l’Institut d’études politiques, consacré<br />

à “La droite nationaliste face à<br />

l’Allemagne”, est dédié à son ami<br />

Raoul Girardet, [professeur d’histoire<br />

à Sciences Po] responsable de [la propagande<br />

de l’organisation terroriste]<br />

OAS Metro, avec qui il partage les<br />

mêmes “ardeurs patriotiques” » [2]<br />

[Voir « Barricades Academy », p. 120].<br />

On y lit aussi des « remerciements à<br />

Pierre Debray [...] militant royaliste »<br />

« que l’on retrouvera, en 1996, à la tête<br />

de l’Insurgé, une publication cathofacho,<br />

en compagnie de Roland Gaucher,<br />

fondateur du Front National » [3].<br />

« Mobilisé en 1961-62, il se bat avec<br />

conviction pour “l’Algérie française”<br />

comme sous-lieutenant. Il continue ses<br />

études à l’ENA [...] où il fréquente “Patrie<br />

et Progrès” » [1] Apparu « au début de<br />

l’année 1959 [c’était] un groupe [d’officiers]<br />

et de technocrates [...]. Il revendique<br />

des idées nationalistes et sociales,<br />

et rabat vers les gaullistes ceux qui pourraient<br />

être tentés par une aventure pleinement<br />

fasciste. [...] En réalité, Patrie et<br />

Progrès est une officine du colonel Roger<br />

Barberot [liée au stay behind]. » [4] [Voir<br />

« Place de Glaive », p. 104]<br />

C’est aussi « un groupe nationalistesocial,<br />

issu de la Synarchie, prônant<br />

[comme elle] l’élitisme technocratique<br />

» [1] « qui, ignorant la lutte des<br />

classes, transcenderait le clivage droite-<br />

gauche. » [5] « Sous Philippe Pétain, les<br />

partisans de la Synarchie justifièrent de<br />

la “nécessaire continuité de l’État” pour<br />

poursuivre leur carrière et préserver les<br />

intérêts de puissants trusts [...]. À Vichy,<br />

les factions rivales de l’État français s’accusèrent<br />

mutuellement de complot<br />

synarchique. [...] À la Libération, ce courant<br />

de pensée, s’épurant de toute référence<br />

à l’État français, s’investit dans la<br />

création de l’ENA et du Commissariat au<br />

plan. » [5]<br />

A l’ENA, Chevènement se « lie notamment<br />

à d’autres énarques comme Alain<br />

Gomez et Didier Motchane. Simultanément,<br />

il adhère à la SFIO en 1964 où il<br />

devient un collaborateur de François<br />

Mitterrand, un ancien fonctionnaire de<br />

Vichy défenseur des intérêts des<br />

Synarques après la Libération. [...] S’étant<br />

toujours conservé une autonomie d’action,<br />

en 1966 il avait fondé un club, le<br />

Centre d’études, de recherches et d’éducation<br />

socialiste (CERES) » [1] « avec<br />

Motchane [qui deviendra plus tard viceprésident<br />

du MDC] et Gomez » [2].<br />

« En 1971, il joue un rôle décisif au<br />

congrès d’Épinay pour écarter les anciens<br />

SFIO (Guy Mollet, Alain Savary) au profit<br />

de l’énigmatique François Mitterrand.<br />

» [1] Il est alors « secrétaire général<br />

de la “Convention pour une armée nouvelle”<br />

au PS. [Il partage] avec les gaullistes<br />

la passion du nucléaire. » [2]<br />

La reconnaissance arrive. « Il est membre<br />

du Siècle depuis 1978. » [1] « Ce club,<br />

qui comprend environ 550 membres<br />

cooptés [...] rassemble la fine fleur de la<br />

classe dirigeante française. [...<br />

L’appartenance] au Siècle est le signe de<br />

la suprême reconnaissance par la classe<br />

dirigeante. Ses membres se caractérisent<br />

par cette bonne éducation qui sait ne<br />

pas remettre en cause le statu quo et ses<br />

privilèges. » [6]<br />

229 Franco de porc


En 1979, il « rédige en grande partie le<br />

“programme socialiste” qui assure la victoire<br />

de 1981. Il est ministre d’État de la<br />

Recherche, puis de l’Industrie dans les<br />

gouvernement Mauroy, dans lesquels il<br />

tente d’imposer un “capitalisme d’État”<br />

où la décision économique revient à une<br />

technocratie publique, mais il démissionne<br />

en 1983 [... pour] désaccord avec la<br />

“politique d’austérité” de Jacques Delors.<br />

Il participe néanmoins au gouvernement<br />

Fabius comme ministre de l’Éducation<br />

(1984-86) [... puis au gouvernement<br />

Rocard] comme ministre de la Défense<br />

(1988-1991). » [1]<br />

Un ministre efficace. « Le 12 novembre<br />

1990, alors que l’Italie se débattait dans<br />

le scandale Gladio, le ministre de la<br />

Défense, Jean-Pierre Chevènement,<br />

reconnu qu’un Glaive avait existé en<br />

France. Maniant la langue de bois, il<br />

assura qu’il était resté dormant et ne<br />

s’était jamais ingéré dans la vie politique<br />

intérieure. Le lendemain, le président<br />

François Mitterrand indiqua qu’il avait<br />

récemment ordonné [...] de le dissoudre.”<br />

[7] [Voir « Dissous, c’est pas<br />

cher », p. 53]<br />

« Il démissionne lors de la guerre du<br />

Golfe, officiellement pour protester<br />

contre l’alignement de la France sur les<br />

États-Unis, officieusement en raison de<br />

ses liens personnels persistants avec<br />

Saddam Hussein. » En 1985, il fut « cofondateur<br />

des amitiés franco-irakiennes.<br />

» [2] Et il « continue [...] d’animer<br />

l’Association franco-irakienne de coopération<br />

économique (AFICE) de Gilles<br />

Munier (militant pro-arabe et anti-israélien<br />

issu du groupe national-révolutionnaire<br />

Jeune Europe).<br />

Lors du congrès de Rennes (1990), il<br />

soutient Lionel Jospin contre Laurent<br />

Fabius ce dont il est remercié [en étant<br />

nommé ministre de l’Intérieur]. [... Le<br />

Franco de porc 230<br />

mouvement de ce manœuvrier, le CERES,<br />

est] devenu, en 1986, un courant du PS<br />

sous la dénomination Socialisme et<br />

République, puis, en 1993, un parti politique<br />

nationaliste anti-maastrichien sous<br />

le titre Mouvement des citoyens [(MDC),<br />

avant de se nommer “Mouvement républicain<br />

et citoyen” (MRC)].<br />

C’est toujours par nationalisme qu’il s’associe<br />

en 1996 à un appel d’une association<br />

d’extrême droite “l’Alliance Population<br />

et Avenir”, présidée par Philippe<br />

Rossillon ([... un] fondateur de “Patrie et<br />

Progrès”). Aux côtés de Christine Boutin,<br />

Philippe de Villiers [...], il affirme que l’État<br />

doit s’immiscer dans la vie privée des<br />

citoyens pour développer une politique<br />

familiale nataliste. [... Il] multiplie également<br />

les passerelles avec la mouvance<br />

royaliste, associant des personnalités<br />

comme Philippe de Saint-Robert<br />

aux initiatives du MdC ou accordant un<br />

entretien à Insurrection royaliste. » [1]<br />

A « l’occasion des élections européennes<br />

de 1999. Charles Pasqua et son association,<br />

“Demain la France” tentent de<br />

constituer une liste souverainiste en<br />

associant des personnalités de droite et<br />

de gauche opposés à l’évolution supranationale<br />

de l’Union européenne. Des<br />

contacts sont pris avec les chévènementistes<br />

par l’intermédiaire de la Fondation<br />

Marc-Bloch et de journalistes de la revue<br />

Marianne. Mais l’affaire n’aboutit pas car<br />

elle impliquerait la démission de Jean-<br />

Pierre Chevènement du gouvernement,<br />

ce qu’il ne souhaite pas. » [8] « Il semble<br />

que les faiblesses de certains ténors du<br />

journal [Marianne] pour Chevènement<br />

ne soient pas étrangères à [certains]<br />

déra<strong>page</strong>s » [8] de cette hebdomadaire.<br />

« Pour “Chevènement”, la définition du<br />

Canard Enchaîné reste de mise : “adverbe<br />

le plus confus de la langue française”.<br />

» [3] Car ce personnage ambigu est


d’une grande aide pour le renforcement<br />

du confusionnisme ambiant. « On<br />

retrouve, il est vrai, nombre de personnages<br />

influents de la Nouvelle-Droite<br />

[Voir « GRECE : la patte », p. 214] dans<br />

l’entourage immédiat du Che de Belfort,<br />

comme le général Pierre-Marie<br />

Gallois » [9] [Voir « Galloiserie », p. 223].<br />

On n’est pas étonné quand on apprend,<br />

avant les élections présidentielles de<br />

2002, « qu’une dizaine de cadres ou excadres<br />

du RPF [de Pasqua et de Villiers]<br />

s’apprêtent à rejoindre Jean-Pierre<br />

Chevène-ment et son pôle républicain. »<br />

[10] « La presse a [aussi] largement commenté<br />

les différents ralliements de personnalités<br />

de la droite extrême au candidat<br />

ultra-républicain » [2], et aux côtés<br />

de nombreux hauts gradés et, par<br />

exemple, de Max Gallo. On notait ainsi<br />

parmi les soutiens de Chevènement « à<br />

la [précédente] présidentielle, Pierre<br />

Poujade » [11], « qui mit le pied à l’étrier<br />

à Le Pen, dès 1956, en le faisant élire<br />

député “Algérie française”. » [3]<br />

Et pourtant, tous ces nationalistes ne<br />

regimbent pas devant ses accointances<br />

maghrébines. « Le roi du Maroc,<br />

Mohammed VI, a reçu, mardi 8 janvier<br />

[2002] au palais de Rabat, le candidat à<br />

l’élection présidentielle, Jean-Pierre<br />

Chevènement, qui s’était auparavant<br />

rendu à Alger et Tunis. » [12] Et si les<br />

trois dirigeants du Maghreb le reçoivent<br />

alors en deux jours, le valorisant dans<br />

son rôle de challenger de Jospin, c’est<br />

du à son seul charisme…<br />

Mais il faut cacher certaines choses. On<br />

doit être discret. Ensuite... « Il est loin, le<br />

bon temps où le Che s’était fait imprimer<br />

une carte de vœux ministérielle représentant<br />

Napoléon qui sodomisait Jeanne<br />

d’Arc… » [13]<br />

[1] : (« Jean-Pierre [Chevènement], ministre de l’Intérieur »,<br />

Notes d’Information du Réseau Voltaire, 23/6/1997, (RV<br />

97/0315), http://www.voltairenet.org/article1675.html ;<br />

L’insoumis, 5/1998, p. 6)<br />

[2] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie hebdo,<br />

30/9/1992, p. 10)<br />

[3] : (Didier Daeninckx, « Les Rouges-Bruns votent<br />

Chevènement... », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

25/2/2002, http://www.amnistia.net/news/articles/chevenem/chevenem.htm)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer De<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[5] : (« La Synarchie », Notes d’information du Réseau<br />

Voltaire, 23/6/1997, (RV 97/0316), http://www.voltairenet.org/article1676.html)<br />

[6] : (« Le Siècle », Notes d’Information du Réseau Voltaire,<br />

23/6/1997, http://www.voltairenet.org/article1690.html)<br />

[7] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d’ingérence<br />

américains », Notes d’Information du Réseau<br />

Voltaire, 20/8/2001, http://www.voltairenet.org/article8<br />

691.html)<br />

[8] : (Thierry Meyssan, « L’Énigme Pasqua », Golias, 2000,<br />

pp. 71-72)<br />

[9] : (Didier Daeninckx, « Marianne et Politis: des jumeaux<br />

de papier? », Les Enquêtes interdites - amnistia.net, n° 6,<br />

7/11/2001, http://www.amnistia.net/librairi/amnistia/n0<br />

6/jumpap.htm)<br />

[10] : (Christiane Chombeau, « De nouveaux proches de<br />

M. Pasqua rejoignent le “Che” », Le Monde, 12/1/2002)<br />

[11] : (Le Canard enchaîné, 3/9/2003, p. 2)<br />

[12] : (« M. Chevènement soulève une controverse au<br />

sujet de la Tunisie », Le Monde, 10/1/2002,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-736093,0.html)<br />

[13] : (Le Canard enchaîné, 3/4/2002, p. 2)<br />

231 Franco de porc


232


« Depuis une dizaine d'années, des<br />

"experts en sécurité", souvent d'anciens<br />

policiers, ont monté leurs<br />

propres entreprises [… de] diagnostics<br />

vendus clé en main aux municipalités,<br />

contre plusieurs dizaines de<br />

milliers d'euros, dans le cadre notamment<br />

des contrats locaux de sécurité,<br />

mis en place depuis 1997. Un lobbying<br />

aussi efficace […] qu'inquiétant.<br />

Non seulement ces "experts"<br />

influents font du modèle anglo-saxon<br />

(caméras de vidéosurveillance, police<br />

municipale, tolérance zéro, etc.) l'alpha<br />

et l'oméga de toute politique en<br />

matière de sécurité, mais, de plus, ils<br />

s'appliquent, dans une véritable<br />

logique marchande, à nourrir de<br />

leurs propos alarmistes cette situation<br />

sur laquelle ils prospèrent... » [1]<br />

C’est pourquoi depuis « le retour de la<br />

gauche au pouvoir en 1997, une poignée<br />

de ces experts multiplient les interventions<br />

médiatiques ». [2]<br />

Une « quinzaine d’années après le "tournant<br />

libéral" de 1983 en matière économique,<br />

le "tournant sécuritaire" du P.S.<br />

était en voie d’être consommé. D’où les<br />

lénifiants propos de campagne de Lionel<br />

Jospin sur le fait que le problème de l’in-<br />

Sécurisons un peu 234<br />

sécurité méritait d’être traité en dehors<br />

des clivages partisans. » [3] [Voir « Jospin<br />

dans la gueule », p. 224]<br />

Les experts « diffusent, pour des raisons<br />

professionnelles, une idéologie sécuritaire<br />

résolument ignorante de la sociologie<br />

et tournent par là le dos à toute la tradition<br />

de la criminologie française depuis<br />

Tarde et Lacassagne [4]. » [3]<br />

« L’"expert" balaye les causes et propose<br />

une approche gestionnaire des effets : à la<br />

question de la situation économique et<br />

sociale des quartiers populaires, il substitue<br />

celle de la "lutte contre la violence urbaine"<br />

». [2] Il dissimule le fait que la "tolérance<br />

zéro", qu’il réclame, signifie "itolérance<br />

infinie". Par exemple, si on prétend minimiser<br />

le risque de voir un coupable en<br />

liberté, on maximise évidemment le risque<br />

de voir des innocents jetés en prison.<br />

Dans le style (performatif) de la "prophétie<br />

auto-accomplissante" [5], le discours<br />

ultra-sécuritaire permet de faire advenir<br />

ce qu'il annonce et à quoi il prétend<br />

s’opposer. Il justifie en l’accompagnant<br />

le mouvement d’aggravation de la situation<br />

sociale ("Il faut arrêter de faire dans<br />

le social. On n'est pas là pour faire de la<br />

prévention, ça ne marche pas la prévention…").<br />

Il obtient donc vite l’explosion<br />

de violence qu’il annonce, pour ensuite<br />

répondre policièrement aux dégâts créés<br />

dans le tissu social. Et dans la logique de<br />

ce renversement des conséquences en<br />

causes, les protestations contre une<br />

répression qui "bave" deviennent évidemment<br />

"rébellion et outrage à agent"<br />

justifiant de nouvelles répressions musclées.<br />

La logique de la répression préventive<br />

est ici à l'œuvre, qui participe<br />

grandement à faire advenir ce qu'elle<br />

prétend résoudre. Ce traitement policier<br />

du social est facilité par la dissémination<br />

de jugements de valeur qui, il y a peu,<br />

étaient dits d'extrême-droite [6].


Mais maintenant ces experts « saturent<br />

les médias […]. Leur succès tient pour<br />

beaucoup au caractère prétendument<br />

secret, confidentiel et rare des connaissances<br />

qu’ils proposent […,] construites<br />

à partir d’un mode de questionnement<br />

proprement policier mais présentées de<br />

manière pseudo-savante. Le discours<br />

fourni aux journalistes - […] séduits par<br />

les grilles d’analyse que proposent les<br />

experts, simples, carrées, parfaitement<br />

ajustées à leur mode de questionnement<br />

- donne l’impression d’être produit<br />

par une longue enquête de terrain et<br />

par une recherche de type universitaire.<br />

[...] L’inscription de la "lutte contre l’insécurité"<br />

au nombre des priorités du gouvernement<br />

Jospin, la volonté de dissocier<br />

cette lutte d’une analyse - stigmatisée<br />

comme "sociologique" - de ses<br />

causes économiques et sociales ont ouvert<br />

la voie à la promotion et au succès médiatique<br />

de ces experts en sécurité. » [2]<br />

Aussi, la radio publique nationale France<br />

Inter, appelée couramment « Medef Inter<br />

[…, a pour] chouchous […] Alain Bauer et<br />

Xavier Raufer. » [7] Ce tandem est une<br />

pièce maîtresse du dispositif prétendant justifier,<br />

par le discours sécuritaire, un désengagement<br />

des moyens mis dans "la main<br />

gauche de l'Etat" (comme dit Bourdieu :<br />

éducation, santé, prévention) pour privilégier<br />

"la main droite de l'Etat" (forces de<br />

l'ordre, répression). Les USA servent<br />

d'exemple à suivre, avec plus d'une personne<br />

sur 150 qui survit en prison. Les<br />

émissions TV de Charles Villeneuve sur TF1<br />

sont données en modèle aux journalistes,<br />

qui boivent les paroles de ces deux<br />

"experts". Et si on ne voit guère, dans les<br />

grands médias, les analyses, pourtant bien<br />

plus pertinentes, de Laurent Mucchielli,<br />

chercheur au CNRS (Cesdip), sur cette<br />

omniprésente insécurité [8], Bauer est, par<br />

contre, le parangon des « Envahissants<br />

experts de la tolérance zéro » [2].<br />

[1] : (Laurent Mouloud, « Clé en main Le business de l'insécurité<br />

», L’Humanité 18/1/2003, http://www.humanite.fr/journal/2003-01-18/2003-01-18-256555,<br />

à propos<br />

de « les Marchands de sécurité », réal. Richard Vargas, in<br />

Thema : « Les bonnes affaires de l'insécurité », Arte,<br />

18/1/2003)<br />

[2] : (Pierre Rimbert « Envahissants experts de la tolérance<br />

zéro », Le Monde Diplomatique, 2/2001, pp. 20-21,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/02/RIM-<br />

BERT/14759)<br />

[3] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre au pauvre<br />

vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1,<br />

10-11/2002, p. 19)<br />

[4] : (Cf. Gabriel Tarde, « La criminalité comparée », Alcan,<br />

1886, Emile Durheim, « L’état actuel des études sociologiques<br />

en France », 1895, repris in « Textes, 1 Eléments<br />

d’une théorie sociale » (présentation Victor Karady)<br />

[5] : (Lire Pierre Bourdieu, « Pouvoir et capital symbolique<br />

», Seuil, points, n° 461, 9/2001)<br />

[6] : (Voir les travaux de Pierre Tévanian et Sylvie Tissot,<br />

« Mots à maux. Dictionnaire de la lepénisation des<br />

esprits », Dagorno, 11/1998, réed. l’esprit frappeur ; et de<br />

leur collectif « les mots sont importants », http://lmsi.net)<br />

[7] : (« La laisse d’or », PLPL n° 16, 9-10/2003, p.1,<br />

http://www.homme-moderne.org/plpl/n16/p1-1I.html)<br />

[8] : (Laurent Mucchielli, « Violences et insécurité.<br />

Fantasmes et réalités dans le débat français », la<br />

Découverte, 2001. Et dir., avec Philippe Robert, de<br />

« Crime et sécurité, l'état des savoirs », la Découverte,<br />

2002), Voir aussi le site personnel de Laurent Mucchielli<br />

(http://laurent.mucchielli.free.fr), avec les analyses du<br />

groupe CLARIS : clarifier le débat public sur la sécurité.)<br />

Il y a dans la biographie d’Alain Bauer,<br />

tout un parcours dans les arcanes du<br />

pouvoir de la gauche "socialiste" et,<br />

parallèlement, du pouvoir militaro-industriel,<br />

qui paraît légèrement téléguidé. A<br />

18 ans, en 1980, il forme « une "troïka"<br />

avec ses amis Manuel Valls [Voir « Valls a<br />

mis le temps », p. 227] et Stéphane<br />

Fouks. [… Dès l'âge de 20 ans, il est]<br />

administrateur de l'Institut national supérieur<br />

d'études de défense et de l'Institut<br />

d'études judiciaires de Paris […, mais<br />

également] administrateur de la MNEF<br />

[… et haut responsable à l’Unef-ID. En<br />

235 Sécurisons un peu


1988, il est] trésorier de la pré-campagne<br />

présidentielle de Michel Rocard. » [1]<br />

Il passera deux ans au cabinet de Michel<br />

Rocard, alors Premier ministre, même si<br />

« des anciens affirment qu'il n'avait ni<br />

[…] bureau, ni […] réunions, encore<br />

moins son nom au Journal Officiel. Il<br />

passait effectivement de temps en<br />

temps, et rendait service pour quelques<br />

déplacements. On utilise Bauer, on ne<br />

l'affiche pas... » [2]<br />

En 1993, Alain Bauer « effectue un stage<br />

de sept mois au siège californien de<br />

Science Application International<br />

Corporation (SAIC) […<br />

et devient] vice-président<br />

pour l'Europe de<br />

la SAIC. [… L’an suivant,<br />

il est] consultant<br />

senior de la SAIC et<br />

Pdg d'Alain Bauer<br />

Associates. » [1]<br />

La SAIC « est une<br />

firme privée […].<br />

Fournisseur d'infrastructurestechnologiques<br />

pour les administrations<br />

fédérales<br />

américaines, [… dont<br />

la moitié pour le<br />

Pentagone, et qui<br />

atteint] un chiffre d'affaires<br />

de 5,5 milliards<br />

de dollars […] en<br />

1999. Elle emploie 41 000 personnes<br />

[…]. La SAIC est aujourd'hui considérée<br />

comme la "vitrine des services spéciaux<br />

américains" dont elle sous-traite l'ensemble<br />

des besoins industriels. [… Et]<br />

certains officiers s'interrogent sur une<br />

possible utilisation d'AB Associates<br />

comme cheval de Troie [des services US]<br />

dans les milieux policiers français. […]<br />

Le 11 septembre 2000, les bureaux de la<br />

SAIC-Europe ont été transférés à<br />

Sécurisons un peu 236<br />

Londres. C'était le premier jour ouvrable<br />

après qu'Alain Bauer a été élu à la présidence<br />

du Grand Orient de France. » [3]<br />

Parallèlement, en « 1994 Alain Bauer<br />

[…] fonde une entreprise qui se spécialise<br />

dans le "conseil en sûreté urbaine".<br />

C'est AB Associates (AB pour Alain<br />

Bauer). […] Son credo ? Contrôle et<br />

répression. Vidéosurveillance dans<br />

chaque coin de rue, dans chaque escalier<br />

d'immeuble [Voir « Je passe à la télé »,<br />

p. 385] et tolérance zéro pour toute<br />

infraction. [… Il] vend des audits aux<br />

municipalités grâce à ses affinités "naturelles"<br />

avec le<br />

ministère de l'Intérieur<br />

[… surtout<br />

depuis] l'arrivée de<br />

Jean-Pierre Chevènement<br />

et la mise<br />

en place des<br />

"Contrats locaux de<br />

sécurité" » [4]<br />

Naturellement,<br />

également, au<br />

« tour de table<br />

constitutif du capital<br />

d'AB Associates,<br />

on trouve la SOCA-<br />

DIF, la société d'investissements<br />

de<br />

l'ex-journaliste d'extrême<br />

droite Patrick<br />

Grumelart (qui tenta<br />

de racheter Minute en 1985). » [3]<br />

En 2003, il a prospéré. « Lionel Jospin<br />

rêvait d'un Observatoire national de la<br />

délinquance. Sarkozy a exaucé ses<br />

vœux, il [en a créé] un, organisme indépendant,<br />

dont la fonction officielle est<br />

de produire des chiffres, des statistiques<br />

au-dessus de tout soupçon. Cet organisme<br />

sera présidé par […] Alain<br />

Bauer » [5]. Ensuite...<br />

[1] : (« Alain Bauer, Repères biographiques », Notes d'information<br />

du Réseau Voltaire, 1/10/2000,


http://www.voltairenet.org/article414.html)<br />

[2] : (Judith Perrignon, Libération, 14/9/2000)<br />

[3] : (« Alain Bauer, de la SAIC au GOdF », Notes d'information<br />

du Réseau Voltaire, 1/10/2000, http://www.voltairenet.org/article413.html)<br />

[4] : (Enrico Porsia, « Les grands maîtres de la "démocratie<br />

blindée" », Enquêtes interdites - amnistia.net, 28/9/2000)<br />

[5] : (« Bauer, larbin d’Etat. », s. d.,Résistons ensemble c/o<br />

CICP, 21ter, rue Voltaire, F-75011 Paris, http://www.resistons.lautre.net,<br />

et pour recevoir le bulletin courriel : resistons_ensemble@yahoo.com)<br />

Alain Bauer et Xavier Raufer ont<br />

écrit un best seller « Violences et<br />

insécurités urbaines ». [1] « Ce<br />

petit pamphlet, d'inspiration américaine,<br />

servira de bible à la droite et à la<br />

“gauche” pour mettre en place en<br />

France la théorie de la vitre brisée dont<br />

l'application concrète est : la Tolérance<br />

Zéro, que l'on connaissait sous la formule<br />

populaire, inventée par les libéraux du<br />

19 e siècle : qui vole un œuf vole un<br />

bœuf. » [2]<br />

Et « dès la <strong>page</strong> 6 les auteurs glissent<br />

sous les yeux des lecteurs une liaison<br />

directe entre l'immigration et l'insécurité.<br />

[… On fait le mal de par sa mauvaise<br />

nature.] "Au-delà de toutes les théories<br />

d'inspiration sociologique, l'origine la<br />

plus certaine du crime, c'est le criminel<br />

lui-même." […] Selon eux la solution<br />

consiste dans l'accroissement des<br />

moyens de surveillance, dans l'efficacité<br />

de l'action répressive et dans l'inflexibilité<br />

de l'application des peines. Et cela même<br />

s'ils s'insurgent contre les "Prisons-clubs"<br />

(<strong>page</strong> 33) car "dans la culture des banlieues<br />

la prison est une sorte de club de<br />

gentlemen, un peu comme à Londres<br />

dans le siècle passé. […] Leurs membres<br />

y ont leurs habitudes : c'est pour eux un<br />

lieu de résidence habituel, quasi familial".<br />

Bauer et Raufer se battent donc (<strong>page</strong> 5)<br />

contre "l'aveuglement idéologique",<br />

mais surtout contre "les pieuses intentions,<br />

le désir méritoire de ne pas stigmatiser<br />

des populations déjà défavorisées,<br />

le bon cœur poussant à morigéner<br />

plutôt qu'à sanctionner". » [3] Les<br />

« auteurs désignant par là les politiques<br />

de prévention mises en œuvre depuis<br />

1982 à l'initiative de la gauche (p. 4-5).<br />

Or, ce serait précisément depuis ce<br />

moment que la situation se serait dramatiquement<br />

aggravée [on cherchera<br />

en vain des statistiques conformes à ces<br />

affirmations] : extension géographique<br />

de la violence, précocité, récidive et violence<br />

accrues des délinquants (p. 4).<br />

Enfin, cette aggravation générale serait<br />

à relier à l'immigration (p. 5, 30). » [4]<br />

Ils « consacrent un chapitre aux "Modèles<br />

et exemples étrangers", singulièrement<br />

réduits à l’exemple de la "tolérance<br />

zéro" à New York […]. C’est l’inspiration<br />

managériale des méthodes new-yorkaises<br />

qui séduit les experts policiers<br />

français : usage intensif de cartographies<br />

statistiques de la délinquance, évaluation<br />

constante des performances puni-<br />

237 Sécurisons un peu


tives de la police et augmentation corrélative<br />

d’une "productivité policière" directement<br />

inspirée par une logique microéconomique.<br />

» [5]<br />

« En réalité, le livre de Bauer et Raufer<br />

repose fondamentalement sur deux<br />

pieds : des documents administratifs d'un<br />

côté (surtout ceux qu'élaborent les RG),<br />

des coupures de presse de l'autre (surtout<br />

les faits divers et surtout la presse sécuritaire).<br />

Toute la littérature sociologique et<br />

psychosociologique (voire ethnologique)<br />

sur les jeunes des quartiers populaires est<br />

inconnue des auteurs. » [4] La bibliographie<br />

est donc « purement formelle, les<br />

auteurs n'ayant pas ouvert les ouvrages<br />

qu'ils citent. » [4]<br />

Quelle « autre ambition cache donc ce<br />

petit bouquin, écrit par un jeune Grand<br />

Maître "de gauche" et par un ancien militant<br />

d'Ordre Nouveau, sinon terroriser<br />

pour vendre de la sécurité ? » [3] Quand<br />

« Alain Bauer aborde le chapitre « Concrètement,<br />

que faire ? », il vante longuement<br />

les mérites de « l’analyse locale<br />

de sécurité », procédure dont il est par<br />

ailleurs prestataire en tant que PDG d’un<br />

cabinet de conseil en sûreté urbaine. » [5]<br />

[1] : (Que sais-je ? PUF, 1998, mise à jour 2000).<br />

[2] : (« Bauer, larbin d’Etat », Résistons ensemble c/o CICP,<br />

21ter, rue Voltaire, 75011 Paris, http://www.resistons.lau<br />

tre.net, pour recevoir le bulletin courriel :<br />

resistons_ensemble@yahoo.com)<br />

[3] : (Enrico Porsia, « Les grands maîtres de la "démocratie<br />

blindée" », Enquêtes interdites - amnistia.net, 28/9/2000)<br />

[4] : (Laurent Mucchielli, « Alain Bauer et Xavier Raufer,<br />

marchands de peur », 23/10/2003, http://www.lmsi.net/<br />

article.php3?id_article=177)<br />

[5] : (Pierre Rimbert « Envahissants experts de la tolérance<br />

zéro », Le Monde diplomatique, 2/2001, pp. 20-21,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/02/RIM-<br />

BERT/14759)<br />

Sécurisons un peu 238<br />

Remarquable « Alain Bauer, dont la<br />

société AB Associates est l'une des<br />

deux plus grosses entreprises privées<br />

sur le marché de la sécurité (avec Espace<br />

Risk Managment). Un "pompier pyromane",<br />

selon l'ancien maire de Vitrolles, Jean-<br />

Jacques Anglade, qui a fait appel à ses services<br />

à deux reprises. » [1] « Il a par<br />

exemple conseillé la mairie de Vitrolles en<br />

matière d'acquisition de système de vidéosurveillance<br />

et d'armes de guerre ». [2]<br />

Résultat : C’est Mégret (ancien du GRECE<br />

[Voir « GRECE : la patte », p. 214]) qui lui<br />

succédera. Le sentiment d’insécurité y sera<br />

d’autant plus exploité.<br />

Et « beaucoup de jeunes disent, eux aussi,<br />

vivre dans l'insécurité […] : "[…] Il n 'y a<br />

rien à faire sur Vitrolles. Les jeunes s'emmerdent.<br />

Parfois, ils font des conneries".<br />

[…] "C'est avec l'arrivée de l'extrême droite<br />

que j'ai ressenti une montée de l'insécurité,<br />

de la pression". Une politique de<br />

sécurité ne se mesure pas au nombre de<br />

policiers municipaux embauchés, mais tel<br />

le pyromane qui se déguise en pompier,<br />

l'extrême droite continue de jouer avec le<br />

feu de l'insécurité. » [3] C’est même devenu<br />

une mode mondiale.<br />

[1] : (Laurent Mouloud, « Clé en main Le business de l'insécurité<br />

», L’Humanité, 18/1/2003, http://www.humanite.fr/journal/2003-01-18/2003-01-18-256555,<br />

à propos<br />

de « les Marchands de sécurité », réal. Richard Vargas, in<br />

Thema : « Les bonnes affaires de l'insécurité », Arte,<br />

18/1/2003)<br />

[2] : (« Alain Bauer, de la SAIC au GOdF », Notes d'information<br />

du Réseau Voltaire, 1/10/2000, http://www.voltairenet.org/article413.html)<br />

[3] : (C. D., « Objectif sécurité à la Frescoule », L’Humanité,<br />

17/2/2001, http://www.humanite.fr/journal/2001-02-<br />

17/2001-02-17-239780)


A QUI PROFITE LE CRIME...<br />

239 Sécurisons un peu


... A QUI PROFITE LE CRIME...<br />

Sécurisons un peu 240


... A QUI PROFITE LE CRIME...<br />

241 Sécurisons un peu


« Pendant tout l’après-midi du 11 septembre<br />

[2001], les télévisions [… et]<br />

les radios […] ont convoqué des<br />

"experts" pour nous éclairer sur les<br />

attentats contre le World Trade<br />

Center. A France 2, Xavier Raufer a<br />

longuement péroré sur la responsabilité<br />

du Front populaire de libération<br />

de la Palestine (FPLP). Le FPLP ? Une<br />

organisation affaiblie et désorganisée<br />

pourrait-elle mener une telle action<br />

[…] ? Absurde, bien sûr, mais qui<br />

demande des comptes aux<br />

"experts" ? » [1]<br />

« Xavier Raufer s’intitule "directeur des<br />

études du Centre universitaire<br />

de recherche sur les menaces<br />

criminelles contemporaines de<br />

l’université Panthéon-Assas",<br />

alors que ce centre est une<br />

simple association hébergée par<br />

l’université. [… Il] est en fait<br />

chargé de cours à l’Institut de<br />

criminologie de Paris [… et] responsable<br />

d’une collection aux<br />

Presses universitaires de France<br />

("Criminalité internationale"). » [2] Il est<br />

« connu pour sa proximité avec les services<br />

américains » [3] et « il fut membre<br />

du National Strategy Information Centre<br />

de Washington, une structure privée<br />

créée par l'ex-directeur de la CIA William<br />

Casey » [3].<br />

« Xavier Raufer, pseudonyme de<br />

Christian de Bongain, a longtemps milité<br />

dans le mouvement [le plus actif] d’extrême<br />

droite Occident [avec Madelin,<br />

Longuet, etc.] et a [fondé et] collaboré<br />

en 1969-1970 (notamment comme<br />

Sécurisons un peu 242<br />

secrétaire de rédaction) à L’Elite européenne,<br />

un organe néofasciste. Dans le<br />

numéro 6, il critiquait le NPD ouest-allemand,<br />

coupable d’opportunisme : "Il ne<br />

s’agit pas, précisait-il, d’élever le terrorisme<br />

au niveau d’une panacée, mais..."<br />

L’important est le "mais"... » [1] Or, justement,<br />

Aginter-Press, pièce maîtresse<br />

du dispositif Gladio en Europe et de la<br />

réalisation des attentats [voir « Aginter<br />

Presse », p. 50], « était, en 1969-1970,<br />

en rapport avec le groupe de l’Elite européenne<br />

et avec l’éphémère publication<br />

du même nom » [4].<br />

Mais le terrorisme peut en effet être jugé<br />

bien utile par ce Raufer. En 1984, il<br />

« organise des dîners-débats pour assurer<br />

la promotion de la Nouvelle droite<br />

[Voir « GRECE : la patte », p. 214]. [… Et<br />

en 1986-88 - grande période d’attentats<br />

-, il donne] des conférences à l'Ecole<br />

supérieur de Guerre, à l'Ecole d'enseignement<br />

supérieur de la<br />

Gendarmerie, et au Service de<br />

coopération technique internationale<br />

de Police. Il organise ses<br />

cours autour des Souvenirs<br />

d'un terroriste de Boris<br />

Savinkov (éd. Champ libre,<br />

1982). » [5] Cet ouvrage est<br />

présenté ainsi par l’éditeur :<br />

« Savinkov […] s’évade [de<br />

Sibérie] et gagne Genève où il rejoint en<br />

1903 les rangs de l’Organisation de<br />

Combat du parti socialiste-révolutionnaire,<br />

dirigée par Azef [Voir « Campagne<br />

d’Italie », p. 64]. C’est alors le temps du<br />

"terrorisme central" – attentats dirigés<br />

contre les plus hauts responsables du<br />

pouvoir, y compris le tsar, auxquels<br />

Savinkov participe comme principal<br />

organisateur. En 1909, lorsque Azef est<br />

démasqué comme agent de l’Okhrana<br />

[la police tsariste], Savinkov refuse longtemps<br />

d’admettre la culpabilité de celuici<br />

avant de se rendre à l’évidence. » [6]


On comprend qu’une telle histoire puisse<br />

servir de modèle (princeps) pour tous<br />

nos bons maîtres-experts en sécurité,<br />

joyeux pompiers-pyromanes.<br />

Mais Raufer saura dire, dans les grands<br />

médias, qu’une officine gouvernementale<br />

ne pourrait débuter en France une<br />

opération de provocation sans que le<br />

Canard enchaîné, forcément averti, ne<br />

brise immédiatement la tentative dans<br />

l’œuf… Et “l’externalisation”, c’est fait<br />

pour qui ?<br />

[1] : (« Expert », Le Monde diplomatique, 11/2001, p. 23,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/A/15773b)<br />

[2] : (Pierre Rimbert « Envahissants experts de la tolérance<br />

zéro », Le Monde diplomatique, 2/2001, pp. 20-21,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/02/RIM-<br />

BERT/14759)<br />

[3] : (« Alain Bauer, de la SAIC au GOdF », Notes<br />

d’Information du Réseau Voltaire, 1/10/2000,<br />

http://www.voltairenet.org/article413.html)<br />

[4] : (Frédéric Laurent, « L’Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 132)<br />

[5] : (« Christian de Bongain, alias Xavier Raufer », Notes<br />

d’Information du Réseau Voltaire, 1/10/2000,<br />

http://www.voltairenet.org/article416.html)<br />

[6] : (Boris Savinkov, « Souvenirs d'un terroriste », 1931,<br />

réed. Champ libre, 10/1982, II de couv.)<br />

« Les banlieues s'étaient fait médiatiquement<br />

connaître lorsque, au début<br />

des années Mitterrand, les quartiers<br />

périphériques de Lyon - [...] Bron,<br />

Vénissieux et Vaux en Velin - fêtaient<br />

l'arrivée des grandes vacances par de<br />

nocturnes rodéos automobiles.<br />

A coups "d'été jeunes" et autres dispositifs<br />

d'animation du désœuvrement estival,<br />

les pouvoirs publics avaient cru<br />

désamorcer la charge émeutière de ces<br />

zones urbaines. Ils n'avaient fait que la<br />

retarder puisque, dix ans plus tard, c'est<br />

aux congés de la Toussaint qu'éclataient<br />

les principaux incidents. Dix ans plus<br />

tard encore, l'incendie couve toujours,<br />

mais c'est à l'occasion des fêtes de fin<br />

d'année qu'il s'embrase. [...]<br />

Marx [...] avait clairement distingué du<br />

prolétariat industriel le Lumpenproletariat<br />

(prolétariat en haillons) incapable de<br />

conscience politique, toujours susceptible<br />

de vendre sa force (violence) au<br />

pouvoir, toujours susceptible de se laisser<br />

instrumentaliser pour réprimer un<br />

mouvement effectivement révolutionnaire.<br />

De la capacité des jeunes des banlieues<br />

de s'affranchir des déterminismes<br />

qui les cantonnent le plus souvent au<br />

rôle de Lumpenproletariat du spectacle<br />

et de leur aptitude à se penser, s'organiser<br />

et agir en force prolétarienne,<br />

dépend le sens de leur rébellion. » [1]<br />

Comme à d'autres échelles, l'instrumentalisation<br />

de la violence et du sentiment<br />

d'insécurité peut, dans les villes, faire<br />

gagner des élections, assurant ainsi un<br />

label « démocratique » à l'accaparement<br />

des cités. « Les maires qui ont mis l'accent<br />

sur la lutte contre l'insécurité n'ont,<br />

en règle générale, pas réussi à faire baisser<br />

de façon significative le score de l'extrême<br />

droite dans leur ville. » [2] Mais ça<br />

n'est pas le problème.<br />

[1] : (« Jeunesse prolétarienne ou Lumpenproletariat du<br />

spectacle ? », A contre courant, n° 120, 12/2000)<br />

[2] : (« La Chiraquie victime de son piège sécuritaire », Le<br />

Canard enchaîné, 24/4/2002, p. 3)<br />

243 Sécurisons un peu


« Georges<br />

Tron, députémaire<br />

RPR de<br />

Draveil (Essonne),<br />

[...] fut un<br />

proche collaborateur<br />

du Premier<br />

ministre<br />

Edouard Balladur<br />

[...]. Son<br />

attachée parlementaire<br />

s'est fait piéger [...] : elle pensait<br />

téléphoner à un éducateur de Ris-<br />

Orangis, ville dirigée par Thierry<br />

Mandon (PS), principal adversaire de<br />

Georges Tron aux [...] législatives. Mais<br />

un autre employé de la ville était au bout<br />

du fil. La conversation [...] est édifiante,<br />

l'attachée explique en substance que<br />

l'éducateur sera soutenu par le député<br />

s'il encourage les jeunes à casser des<br />

équipements publics.<br />

[... D'abord,] le député ignorait qu'un<br />

enregistrement avait été effectué. Il a nié<br />

les propos attribués à sa collaboratrice.<br />

"C'est moi qui<br />

lui ai dit d'appeler l'animateur<br />

et, si elle a laissé son<br />

nom, c'est qu'il n'y avait pas<br />

de problème. [...] Depuis<br />

que Mandon est élu, ça<br />

pète dans sa ville parce qu'il<br />

fait trop de promesses non<br />

tenues. [... Il] s'est fait insulter<br />

par des jeunes, et sa<br />

seule réponse, c'est un coup politique :<br />

piéger le député. C'est une méthode de<br />

fasciste."<br />

La défense a changé lorsque le parlementaire<br />

a appris qu'un enregistrement<br />

avait été réalisé [...] : "Elle a fait une<br />

énorme connerie politique. Je désavoue<br />

totalement ses propos." Malgré cette<br />

condamnation, Georges Tron a refusé<br />

Sécurisons un peu 244<br />

[...] la démission de son attachée parlementaire.<br />

» [1]<br />

Or, plusieurs « témoignages, font état, à<br />

présent, de “manœuvres semblables” à<br />

Draveil, ville dont Georges Tron est<br />

[devenu] maire [...,] dans les prémices<br />

de la campagne électorale, au mois de<br />

septembre 1994. » [2] Ainsi, un « salarié<br />

du Conseil général, André Delcroix affirme<br />

[... au procureur] avoir été le témoin,<br />

le 19 septembre 1994 "de manœuvres<br />

semblables, orchestrées par la même<br />

équipe et sur le même registre, dans la<br />

ville voisine de Draveil" » [3].<br />

« Le député aurait, selon les témoins,<br />

encouragé des jeunes à mettre la pression<br />

sur une association de quartier soutenue<br />

par la municipalité en place [...,<br />

les “Enfants du monde”.] L'association<br />

[qui] développait notamment un soutien<br />

scolaire efficace [..., a été expulsée de<br />

son local sans que la police ne l’empêche.<br />

Et a] décidé de suspendre [ses]<br />

activités, “pour ne pas aller à l'affrontement”,<br />

explique son président. Deux<br />

mois plus tard, une autre<br />

association est née, Draveil<br />

espoir jeunesse, sous le parrainage<br />

de la Fondation<br />

Concorde [de Georges<br />

Tron]. Certains membres de<br />

son bureau avaient participé<br />

à la prise du local [des<br />

“Enfants du monde”]. “On a<br />

juste amené les papiers de<br />

l'association à la préfecture,<br />

raconte l'un d'eux. C'est l'équipe de Tron<br />

qui nous a fourni les papiers et qui les a<br />

remplis.” » [2]<br />

A peine élu à Draveil, Tron « est catégorique.<br />

Il condamne vigoureusement [...]<br />

les actes de vandalisme. Bien décidé à<br />

lutter contre ces groupuscules "qui pourrissent<br />

la vie de la cité". » [4]<br />

Plus tard encore, on reprocha ses


méthodes à Tron. Lors « des élections<br />

cantonales de 1998, Jean-Jacques<br />

Lejeune, le candidat PS battu par<br />

Geneviève Izard-le-Bourg, première<br />

adjointe au maire, avait porté plainte<br />

contre George Tron, l'accusant d'avoir<br />

fait pression sur les électeurs. » [5] Mais<br />

tout finit bien puisque « la cour d'appel<br />

de Paris a confirmé le non-lieu obtenu en<br />

novembre [2000] par George Tron » [5].<br />

[1] : (Olivier Bertrand, « Les "émeutiers" téléguidés de Ris-<br />

Orangis », Libération, 12/6/1996, p. 17)<br />

[2] : (« A Draveil, l’étrange mort d’une association »,<br />

Libération, 12/6/1996, p. 15)<br />

[3] : (Pascale Sauvage, « Deux maires de l'Essonne se<br />

livrent une guerre ouverte », Le Monde, 21/6/1996)<br />

[4] : (« Le maire : "Plus jamais ça !" », Le Parisien,<br />

20/7/1995)<br />

[5] : (« Draveil. Non-lieu confirmé pour George Tron », Le<br />

Parisien, 6/7/2001)<br />

Jean-<br />

François<br />

Copé, avant<br />

de devenir<br />

ministre,<br />

était depuis<br />

1995<br />

maire RPR<br />

de Meaux,<br />

petite « ville grise de Seine-et-Marne,<br />

[...] connue pour son brie » [1]. Il y<br />

était aussi « président de l'office<br />

HLM » [2], et devait « faire face à l’insécurité<br />

».<br />

Le « 18 septembre 1999 [...], quatre voitures<br />

s'embrasent dans une cité et deux<br />

cocktails Molotov sont jetés contre des<br />

établissements publics. [...] Le 23 septembre,<br />

un jeune Turc et Amine B. (17<br />

ans) sont interpellés et avouent avoir<br />

participé aux “violences urbaines". [...<br />

Amine] explique aux flics qu'il leur a<br />

échappé quelques jours plus tôt, car un<br />

adjoint du maire l'a prévenu [..., et] qu'il<br />

a été recruté [...] pour faire brûler des<br />

voitures. Il balance les noms d'un maire<br />

adjoint et d'un membre local du RPR.<br />

Puis celui de l'intermédiaire [...,] un<br />

"agent d'ambiance" rétribué par l'Opac<br />

[Office public d’aménagement et de<br />

construction] et plutôt estampillé malfrat.<br />

Amine précise qu'il touchait [275<br />

euros] par bagnole cramée. [... Cela,<br />

pour] créer un climat d'insécurité dans<br />

les cités, exploité électoralement par la<br />

droite.<br />

L'histoire d'Amine est consignée sur PV<br />

[... et] la commissaire [... Nelly Delbosc<br />

avertit] le procureur et [sa] hiérarchie. Le<br />

feu vert du parquet est indispensable<br />

pour vérifier les allégations d'Amine. [...]<br />

Quatre jours plus tard, [...] incarcéré,<br />

Amine [...] réitère ses accusations [... et]<br />

le jeune Turc [...] confirme. [... Ils]<br />

signent leur déclaration. La procédure<br />

N° 6232/99 est remise au parquet le 27<br />

septembre [... vers] 10 heures. Et, dès<br />

1l h 30, celui-ci transmet une demande<br />

au supérieur de Nelly Delbosc : les policiers<br />

doivent remplacer les PV par un<br />

"rapport d'information" [..., lequel], ne<br />

comportant pas les signatures d'Amine<br />

et de son complice, n'aura quasiment<br />

aucune valeur juridique. Les policiers<br />

s'exécutent [... et] remettent le rapport<br />

au procureur [... Le] parquet classe l'affaire.<br />

Aucune enquête n'éclaircira les<br />

accusations d'Amine. [...]<br />

Alors que l'air de Meaux devient irrespirable<br />

pour Nelly Delbosc et son adjoint,<br />

une bombe artisanale détruit, le 10 mars<br />

2000, le poste de la police municipale. [...<br />

La] PJ de Versailles [va] arrêter 17 suspects<br />

dont certains ["agents d'ambiance"]<br />

sont employés par l'Opac. Quatre sont<br />

incarcérés. Via l'Opac, c'est la mairie qui<br />

est de nouveau mise en cause. » [1]<br />

« L'affaire [d’Amine] est révélée par la<br />

245 Sécurisons un peu


presse [...] au début du mois [d’août<br />

2000] [3]. [... Copé dit qu’il va] porter<br />

plainte contre X pour diffamation. Il ne<br />

le fait pas. » [2] « La commissaire et son<br />

adjoint sont aussitôt désignés comme les<br />

auteurs de la “fuite" [..., pour] une manipulation<br />

politique. [...] Copé écrit au<br />

ministre de l'Intérieur pour obtenir [leur]<br />

révocation [...]. Le 8 août, quand l'affaire<br />

éclate, Amine se met au vert, sur les<br />

conseils de la commissaire. Le 16, [...] il<br />

l'appelle [...]. Il a peur, sa famille a été<br />

menacée » [1].<br />

Le « 31 août, [... Amine] veut rencontrer<br />

d'urgence la commissaire. Comme les<br />

murs du commissariat de Meaux ont des<br />

oreilles, avec son adjoint [...], elle l'entend<br />

à celui de Lagny. Amine explique<br />

qu'on lui a conseillé d'écrire une lettre<br />

de rétractation : “Je suis allé avec eux la<br />

poster en recommandé." Une fois seul,<br />

pris de remords, il retourne à la poste,<br />

récupère le courrier, enlève la lettre<br />

adressée à Copé et la remplace par des<br />

prospectus. » [1] Mais le virage est officiel<br />

: « Fin août 2000, les deux garçons<br />

se rétractent » [4]. « Le 5 septembre, le<br />

maire écrit au procureur de Meaux<br />

qu'Amine a rédigé une lettre dans<br />

laquelle il explique qu'on lui a forcé la<br />

main mais que l'enveloppe qu'il a reçue<br />

ne contient que des prospectus.<br />

[Cependant,] il a une copie de la lettre et<br />

peut la faire certifier conforme. Amine<br />

[...] accuse : les flics ont fait pression sur<br />

lui, ils lui ont payé ses vacances » [1].<br />

Copé « fournit une lettre [...] au style très<br />

administratif daté du 31 août, et pourtant<br />

à l'écriture enfantine et à l'orthographe<br />

approximative [..., Amine y]<br />

accuse [... la] commissaire et [... son<br />

adjoint]. Il donne [...] même les numéros<br />

de leur téléphone portable. “[... On] m'a<br />

fait dire sur les procès-verbaux [qu’on]<br />

m'a fait signer que [… des membres de<br />

Sécurisons un peu 246<br />

l'office HLM et de la mairie] me versaient<br />

de l'argent pour brûler des voitures. Je<br />

peux vous affirmer que tout ceci est<br />

faux.” » [2]<br />

« Les flics se taisent par devoir de réserve<br />

: ils ont tort. » [1] « Une enquête de<br />

l’IGPN est [lancée]. » [5] Devant « les policiers<br />

versaillais [..., Amine] maintient ses<br />

accusations et affirme avoir écrit la lettre<br />

“de son plein gré”, sans intervention des<br />

services de la mairie ou de l’office d’HLM.<br />

[... Le] 13 septembre, il envoie une seconde<br />

lettre [...] au procureur [..., où] il<br />

explique que la veille, l'un des deux policiers<br />

qui le “persécutent” [... l'a amené]<br />

au commissariat de Lagny [... et] lui<br />

aurait demandé de revenir à la version<br />

des faits qui mettait en cause la mairie.<br />

“[... Il] disait [... qu'il fallait] enlever de<br />

l'ordinateur [...] les faux PV.” [… Amine]<br />

affirme [... qu’il] s'est sauvé du commissariat<br />

de Lagny [...].<br />

Les deux policiers ont-ils obligé le jeune,<br />

comme il l'affirme, à mentir en échange<br />

d'argent, d'un emploi et de contraventions<br />

à faire sauter ? » [2] « Pourquoi un<br />

haut responsable d’un commissariat [...<br />

ferait ça] ? “[... Par] haine personnelle<br />

contre les agents de prévention de<br />

l’Opac, estime une source proche de l’affaire.<br />

Ce sont souvent d’anciens jeunes<br />

délinquants, beurs ou black réinsérés<br />

[...], mais lui considère que ce sont encore<br />

des voyous et refuse de travailler avec<br />

eux [...]. Il veut les mouiller, et la mairie<br />

avec.” [...] Le maire [... ajoute] : “[...]<br />

nous sommes à sept mois des élections<br />

municipales et [...] des considérations<br />

électoralistes ne sont pas à écarter.” » [2]<br />

En « décembre 2000 [..., lors] de la campagne<br />

pour les élections municipales, [...<br />

Copé] fait imprimer un tract reproduisant<br />

[...] un article du Figaro [... accusant<br />

les] deux policiers [...]. Les deux<br />

fonctionnaires s'estiment diffamés et ont


porté plainte à la fois contre le quotidien<br />

et contre M. Copé. » [6] « En mars 2001,<br />

[les deux policiers] sont mutés. Pourtant,<br />

une enquête interne, conduite par la justice<br />

et la police, établit leur bonne foi.<br />

Les PV ont bien existé, ils ont été transmis<br />

au parquet, Amine n'a subi aucune<br />

pression, contrairement à ce qu'a dit<br />

Copé, il n'a été ni “enlevé" ni ”suborné"<br />

et les flics ne lui ont pas “payé ses<br />

vacances". L'enquête absout les policiers.<br />

Elle suggère que le procureur de<br />

Meaux “apprécie la suite à donner" aux<br />

déclarations faites par Amine en septembre<br />

1999. » [1]<br />

« Le 15 février 2002, devant la 17 e<br />

chambre correctionnelle de Paris, [les<br />

deux policiers] ont vidé leur sac. » [1] Et<br />

l’« article de presse assassin contre les<br />

deux flics, [...] la justice [l’a] considéré<br />

comme diffamatoire. Elle a blanchi les<br />

deux anciens policiers de Meaux » [1].<br />

Copé va bien, pourtant. Son équipe a<br />

gardé Meaux. Et il ne put être qu’un<br />

excellent « porte-parole du Gouverne-<br />

ment » [7]. On le verra ensuite « rejoignant<br />

le cabinet d’avocats d’affaires<br />

Gide Loyrette, tout en présidant le groupe<br />

UMP et en restant député-maire de<br />

Maux. » [8]<br />

[1] : (Frédéric Charpier, Le Vrai papier journal, n° 21,<br />

5/2002, pp. 48-49)<br />

[2] : (Bastien Bonnefous, « A Meaux, pour qui flambent les<br />

voitures ? Deux pyromanes dénoncent la mairie, puis la<br />

police », Libération, 15/9/2000, p. 22)<br />

[3] : (Mathieu Janin et Brendan Kemmet, « La note secrète<br />

qui agite la police de Meaux », Le Parisien, 7/8/2000 ;<br />

Libération, 8/8/2000)<br />

[4] : (Bastien Bonnefous, « La police et la justice enquêtent<br />

à Meaux », Libération, 26/9/2000, p. 27)<br />

[5] : (« Les jeunes incendiaires de Meaux reviennent sur<br />

leurs déclarations », L’Humanité, 16/9/2000,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2000-09-<br />

16/2000-09-16-231535)<br />

[6] : (« Jean-François Copé mis en examen », Le nouvel<br />

Observateur, 21/6/2002, http://archquo.nouvelobs.com/<br />

cgi/articles?ad=politique/20020621.OBS6863.htm)<br />

[7] : (« M. Jean-François Copé - Assemblée nationale - Les<br />

députés », http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/917.asp)<br />

[8] : (« Copé ou la solitude du cumulard de fond », Le<br />

Canard enchaîné, 3/10/2007, p. 2)<br />

{1} (François Guizot, Chambre des députés, 1/3/1843, lors d’un débat sur les fonds secrets)<br />

247 Sécurisons un peu


« Alger,<br />

jouissant<br />

grâce aux<br />

prix records<br />

des<br />

hydrocarbures<br />

» [1] d’un important « trésor de<br />

guerre pétrolier (pas moins de 30 milliards<br />

de dollars en caisse [en mars<br />

2004]) » [2], « est engagé dans un<br />

vaste effort de modernisation de ses<br />

forces [..., alors que l'Algérie a pourtant<br />

déjà] l’armée la plus puissante<br />

du Maghreb » [1].<br />

Un livre assez récent sur l’Algérie [3]<br />

« éclaire les stratégies militaires de manipulation<br />

de la terreur qu’on a vues à<br />

l'œuvre au Rwanda et qui ont conduit<br />

en 1994 au génocide d’un million de<br />

Sécurisons un peu 248<br />

Tutsi. [... Ces] stratégies étaient mises en<br />

œuvre par des officiers français héritiers<br />

des méthodes expérimentées durant la<br />

guerre d’Algérie [Voir « Barricades<br />

Acade-my », p. 120]. En Algérie, elles ont<br />

été déployées depuis une quinzaine<br />

d’années sous la responsabilité d’officiers<br />

algériens formés par l’armée française,<br />

avec le possible soutien de conseillers<br />

français, s’inspirant en tout cas des précurseurs<br />

[..., comme] Aussaresses [Voir<br />

« Aussaresses aux arrêts ? », p. 138],<br />

[...] : tortures, massacres, mensonges,<br />

infiltrations, manipulations jusqu’à la<br />

nausée, et au delà. » [4]<br />

Devenus puissants, riches et redoutables,<br />

ces officiers sont « quelques<br />

dizaines de militaires qui font et défont<br />

les élections et les présidents. [... Les]<br />

votes des Algériens comptent moins [...]<br />

que les additions réalisées par quelques<br />

mains expertes à l’issue du scrutin… » [2]<br />

Et le « lifting [vers 2000] de la hiérarchie<br />

militaire algérienne n’a en rien altéré<br />

l’appareil de répression-manipulation. Le<br />

président Bouteflika est là pour couvrir<br />

l’impunité d’une litanie de crimes abominables,<br />

inavoués, ainsi que la perpétuation<br />

de cet appareil, qui terrifie les<br />

contre-pouvoirs et protège la captation<br />

des pétrodollars contre toute investigation<br />

démocratique. » [4]<br />

« Les dirigeants français ont [“succombé”<br />

d’une part] aux pressions du lobby françalgérien<br />

– qui s’enrichit à milliards dans<br />

le détournement de la rente pétrolière,<br />

les monopoles d’importation, les<br />

contrats juteux laissant dans la misère<br />

une grande majorité de la population –<br />

et d’autre part au chantage terroriste.<br />

» [4] Car « les généraux vont également<br />

utiliser la couverture du “GIA” pour<br />

prendre Paris en otage. Dès 1993, des<br />

citoyens français sont en effet la cible de<br />

nombreuses opérations “terroristes”, en


Algérie puis en France même. Attribuées<br />

à l’époque au “GIA”, ces opérations sont<br />

aujourd’hui dénoncées par plusieurs<br />

anciens officiers du DRS comme ayant<br />

été des opérations de “guerre psychologique”<br />

commanditées par les généraux<br />

pour terroriser la population française et<br />

contraindre Paris à soutenir coûte que<br />

coûte leur politique répressive. Comme<br />

l’OAS à la fin de la deuxième guerre<br />

d’Algérie, les généraux ont donc été<br />

jusqu’à utiliser le terrorisme pour<br />

contraindre la<br />

“métropole” à ne pas<br />

les lâcher. » [5]<br />

Ce terrorisme a été<br />

pratiqué en France<br />

même. « Le 25 juillet<br />

1995, à l’heure de la<br />

sortie des bureaux,<br />

une très violente<br />

explosion secoue<br />

une rame de RER qui<br />

pénètre dans la station<br />

Saint-Michel, à<br />

Paris [...], sept [...]<br />

tués et près de<br />

quatre-vingts [...]<br />

blessés. [...] Montrés<br />

du doigt, les représentants<br />

du FIS en<br />

Europe “condamnent<br />

avec force l’horrible<br />

attentat” [6].<br />

[... Le] 17 août [...<br />

1995,] nouvel attentat<br />

à la bombe place de l’Etoile à Paris.<br />

Dix-sept [...] blessés. [...] Le surlendemain<br />

[...], une lettre surréaliste parvient<br />

à l’ambassade de France à Alger. Signée<br />

“Zitouni”, elle demande à Jacques Chirac<br />

de se “convertir à l’islam” [...]. Pour la<br />

population française [...], ce “communiqué<br />

du GIA” [...] est évidemment une<br />

provocation majeure qui contribue à<br />

créer en France une atmosphère de psy-<br />

chose et d’islamophobie. [...] Au cours<br />

de la première semaine de septembre<br />

[1995], nouveaux attentats [..., nouveaux<br />

blessés.] Cette violence, qui bouleverse<br />

la France, est comme un écho de<br />

celle, beaucoup plus meurtrière qui<br />

déchire alors l’Algérie. » [7]<br />

« Il est désormais certain que les services<br />

secrets algériens ont provoqué les attentats<br />

de 1995 à Paris (un grand classique<br />

de la terreur d’État, où les vrais terroristes<br />

n’ont à la bouche que l’écrasement<br />

du terrorisme). Or ni<br />

Chirac, ni Jospin<br />

n’ont voulu dénoncer<br />

cette agression<br />

caractérisée, infime<br />

proportion de ce que<br />

la junte algérienne<br />

fait subir à son<br />

propre peuple. » [4]<br />

Au contraire, on se<br />

contenta de ce « qui<br />

[sera] pris souvent<br />

comme exemple par<br />

les gens qui font<br />

[… l’amalgame<br />

entre immigration,<br />

insécurité, drogue,<br />

Islam et terrorisme,]<br />

l'histoire de Khaled<br />

Kelkal, ce jeune qui<br />

en 1995 a posé des<br />

bombes en France<br />

[...,] manipulé par<br />

[...] des réseaux [...]<br />

algériens » [8], mais officiellement grand<br />

organisateur de ces attentats. « Quelques<br />

années auparavant, un chercheur<br />

allemand avait [pourtant eu à Vaulx-en-<br />

Velin] un entretien avec Khaled Kelkal,<br />

[..., alors simple] petit délinquant [...<br />

sans] liaisons avec les réseaux islamistes.<br />

[... Il] expliquait comment il était devenu<br />

un petit délinquant [...] comment il avait<br />

découvert tardivement la religion, en pri-<br />

249 Sécurisons un peu


son, et comment la découverte de l'Islam<br />

l'avait amené non pas à devenir plus haineux,<br />

à sa sortie de prison, mais au<br />

contraire à essayer de sortir de la délinquance.<br />

» [8]<br />

Mais Khaled Kelkal fut tout de même<br />

manipulé, et devint un coupable « organisateur<br />

» à immoler. « Le 29 septembre<br />

1995, Kelkal, encerclé, tombe sous les<br />

balles des gendarmes à Vaugneray. Un<br />

cri a fusé devant les caméras [... de M6] :<br />

"Finis-le !" [...] "Légitime défense", affirment<br />

les gendarmes. » [9] « A l’époque,<br />

Patrice de Carolis, directeur de l’information<br />

de M6, choisira d’interdire la diffusion<br />

de cette phrase dans le journal télévisé<br />

de la chaîne. La séquence sera également<br />

interdite de vente aux autres<br />

chaînes de télévision. [... On finit cependant<br />

par l’entendre.]<br />

Mais le 17 octobre [..., malgré tout], une<br />

nouvelle bombe explose dans le RER<br />

parisien, entre les stations Musée<br />

d’Orsay et Saint-Michel. Cette fois, il<br />

s’agit d’une bouteille de gaz. On relève<br />

une trentaine de blessés. » [10] Le spectacle<br />

continue et les services algériens<br />

sont bien couverts. Et c’est ensuite<br />

« avec ce régime terroriste-là que la<br />

France [va] nouer un accord de défense<br />

(le plus haut degré de coopération<br />

militaire) » [4].<br />

[1] : (Philippe Migault, « Vers une coopération militaire<br />

franco-algérienne », Le Figaro, 19/7/2004, cité par<br />

François-Xavier Verschave, « A fleur de presse.<br />

Françafrique », Billets d’Afrique, 9/2004, p. 10,<br />

http://www.survie-france.org/IMG/pdf/Num128.pdf)<br />

[2] : (Nicolas Beau, « Les grands électeurs militaires du<br />

futur président algérien », Le Canard enchaîné, 3/3/2004,<br />

p. 3)<br />

[3] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire,<br />

« Françalgérie. Crimes et mensonges d’Etats », La<br />

Découverte, 4/2004)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, op. cit., d’après Lounis<br />

Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.)<br />

[5] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit., p. 29)<br />

[6] : (Déclaration de Rabah Kébir, président de l’Instance<br />

exécutive du FIS à l’étranger, 28/7/1995)<br />

[7] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

Sécurisons un peu 250<br />

pp. 448-449)<br />

[8] : (« Interview de Laurent Mucchielli [avec Enrico<br />

Porsia]. Insécurité, immigration, Islam, terrorisme: la force<br />

dévastatrice de l'amalgame », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 19/9/2001)<br />

[9] : (Élisabeth Fleury, « Vingt-quatre hommes à la barre »,<br />

L’Humanité, 1/6/1999, http://www.humanite.presse.fr/jo<br />

urnal/1999-06-01/1999-06-01-290584)<br />

[10] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

pp. 450, n. a, 451)<br />

En Algérie, depuis longtemps, on n'a<br />

pas hésité à s'attaquer la présidence<br />

algérienne. En janvier 1992, les<br />

« généraux algériens viennent de chasser<br />

le président Chadli et d’annuler le<br />

deuxième tour des élections pour éviter<br />

la victoire programmée des islamistes du<br />

FIS. Boudiaf semble être leur dernier<br />

joker, les militaires ayant besoin de cette<br />

caution morale et de l’intégrité austère<br />

de cet historique, écarté au lendemain<br />

de l’indépendance, pour rétablir un semblant<br />

de légalité. En revenant d’exil,<br />

Mohamed Boudiaf n’entend pas jouer<br />

les figurants. » [1]<br />

« Boudiaf semble [pourtant] dans un premier<br />

temps accepter le rôle de marionnette<br />

qu’on lui propose : le 9 février<br />

1992, il signe, sans barguigner, le décret<br />

instaurant l’état d’urgence, prenant la<br />

responsabilité de couvrir de son autorité<br />

l’envoi de milliers d’Algériens dans des<br />

camps d’internement [... Au] fil des<br />

semaines, il décide de remettre en cause<br />

le fonctionnement du système, en s’attaquant<br />

à son cœur même, la corruption<br />

qui gangrène le commerce entre<br />

l’Algérie et ses principaux partenaires, le<br />

noyau dur de la Françalgérie. » [2] « Mais<br />

il connaît mal les méandres de cette<br />

armée qui l’a mis en vitrine, il commet<br />

même l’erreur de se heurter à l’état-


major. [... En] Algérie le président ne<br />

décide pas. Il est placé là par le pouvoir<br />

militaire de l’ombre, qui [...] propulse sur<br />

le devant de la scène qui bon lui<br />

semble. » [1]<br />

Dans « son discours officiel du 23 avril<br />

[… 1992], le président Boudiaf s’en<br />

prend, sans les nommer, aux hauts responsables<br />

militaires qui comptent sur<br />

l’aggravation de la situation sécuritaire<br />

pour justifier leur maintien au pouvoir et<br />

empêcher toute réforme [...]. A la mi-juin<br />

[1992], quand le général Khaled Nezzar<br />

insiste auprès de Mohamed Boudiaf<br />

pour qu’il effectue des voyages en province<br />

”à la demande de l’opinion<br />

publique”, le président ne se doute pas<br />

que le haut commandement militaire est<br />

en réalité en train de lui tendre un piège<br />

mortel [...].<br />

A Annaba, le 29 juin 1992, la troisième<br />

[tentative] sera la bonne. La scène se<br />

déroule devant les caméras de la télévision<br />

algérienne. Quand un bruit sourd<br />

résonne à l’arrière de la tribune (celui<br />

d’une grenade qui roule sur le sol), le<br />

président Boudiaf tourne légèrement la<br />

tête [...]. L’image suivante montre la salle,<br />

puis une détonation éclate. [...] Alors que<br />

la télévision a forcément filmé l’intégralité<br />

de l’assassinat du président, et notamment<br />

le(s) tueur(s) en train de tirer sur lui,<br />

les cassettes disparaissent. [...]<br />

Officiellement, Boudiaf a été tué par le<br />

sous-lieutenant Lembarek Boumaârafi,<br />

l’un des hommes venus à Annaba pour<br />

assurer sa sécurité. Soldat d’élite, il aurait<br />

aussi été un islamiste désireux d’en finir<br />

avec le président et son acte serait<br />

isolé. » [3] Il « aurait agi par conviction<br />

religieuse » [4]. « Les autorités françaises<br />

n’ont jamais cru à cette version<br />

officielle : “[...] Boudiaf a été liquidé par<br />

ceux qui l’ont sorti de sa retraite marocaine<br />

et appelé au pouvoir, à savoir la<br />

gendarmerie, des éléments des services<br />

secrets et l’ancienne administration<br />

Chadli” [5] » [6]. Très rapidement,<br />

d’ailleurs, l’historien algérien Mohamed<br />

Harbi déclare voir dans la Sécurité militaire<br />

le véritable commanditaire de l’attentat<br />

[7].<br />

De plus, on peut remarquer que le « 29<br />

juin [1992], le déplacement du président<br />

à Annaba se déroule dans des<br />

conditions très inhabituelles : ni le colonel<br />

Smaïl Lamari ni les généraux Toufik<br />

Médiène et Larbi Belkheir n’accompagnent<br />

le président, ce qui est sans précédent.<br />

Membre du GIS, le sous-lieutenant<br />

Boumaârafi est censé rester à l’extérieur<br />

du bâtiment. Mais [...] il est [...]<br />

posté derrière le rideau qui ferme la tribune<br />

» [8].<br />

« “La vie est brève, nous devons tous disparaître<br />

un jour”, disait avec à-propos le<br />

président Mohamed Boudiaf qui allait<br />

être assassiné » [9]. Et quelques phrases<br />

plus tard, vers « 11 h 30, alors que<br />

Boudiaf prononce dans son discours les<br />

mots suivants : “Avec quoi nous ont surpassé<br />

les autres nations ? Elles nous ont<br />

surpassé par la science et la technologie.<br />

L’Islam…”, Boumaârafi lance sous la tribune<br />

une grenade, puis tire sur le président<br />

qui s’écroule [...].<br />

A la grande surprise des participants, ni<br />

le colonel Smaïl Lamari ni le général<br />

251 Sécurisons un peu


Toufik Médiène, pourtant responsables<br />

de la sécurité du président, ne proposent<br />

[ensuite] leur démission. Mieux, ils<br />

se taisent. [... A] Annaba, [...] il faut<br />

attendre trois quarts d’heure l’arrivée de<br />

l’ambulance présidentielle, dont le<br />

chauffeur, qui ne connaît pas la ville,<br />

mettra plus d’une demi-heure pour trouver<br />

l’hôpital.<br />

C’est avec les derniers blessés de l’attentat<br />

que le président parvient finalement à l’hôpital<br />

vers 12 h 45. Grièvement blessé, il est<br />

évacué par avion vers Alger. Il va alors être<br />

victime de nouveaux retards incompréhensibles<br />

: “Le pilote n’avait pas l’autorisation<br />

d’atterrir, se souvient [...] un témoin [...]” [...].<br />

“Tout le monde sait que Boumaârafi était<br />

en service commandé, confirme Hacine<br />

Ouguenoune, porte-parole du MAOL<br />

[Mouvement Algérien des Officiers<br />

Libres, dissident]. Mon frère était le chef<br />

direct de Boumaârafi à Annaba. [...]<br />

Boumaârafi a reçu l’ordre de tuer le président<br />

Boudiaf. Les vrais cerveaux,<br />

c’étaient Nezzar, Belkheir et Médiène,<br />

car Boudiaf devait les faire démissionner.<br />

Boudiaf avait décidé d’entreprendre un<br />

nettoyage en profondeur de l’armée<br />

algérienne et c’est ce qu’il avait commencé<br />

à faire.” [10]<br />

[... En] juillet 1992, une commission<br />

nationale d’enquête [...] rend un rapport<br />

[... sur l’évènement, dans un] double<br />

langage [devenu] très classique [en<br />

Algérie], où il est banal de dénoncer les<br />

“clans du pouvoir” et autres “mafia politico-financière”<br />

et “cabinet noir”, pourvu<br />

qu’aucun nom ne soit donné [...].<br />

Le 15 mai 1995, s’ouvre le procès du<br />

sous-lieutenant Lembarek Boumaârafi.<br />

Dénonçant une “mise en scène”, Fatiha<br />

Boudiaf, la veuve du président assassiné,<br />

refuse d’y participer. Quant à [...] l’avocat<br />

désigné par Boumaârafi, il n’a eu<br />

que quatre jours pour lire les 1 100<br />

Sécurisons un peu 252<br />

<strong>page</strong>s du dossier : “C’était impossible,<br />

raconte [en 2002, le président de la<br />

Ligue Algérienne de Défense des Droits<br />

de l’Homme] M e Ali Yahia. Il s’est désisté.<br />

Mais il m’a quand même raconté la<br />

chose suivante : Boudiaf avait été atteint<br />

par des balles dans le dos, mais aussi par<br />

une balle tirée de face. Or, le juge d’instruction<br />

n’a obtenu ni les balles, ni l’autopsie,<br />

ni rien du tout : l’énigme reste<br />

entière.”<br />

Le 3 juin 1995, la justice estime pourtant<br />

qu’il n’y a eu “ni complot ni commanditaire”<br />

et condamne à mort Boumaârafi,<br />

présenté comme l’unique assassin du<br />

président. » [11] Comme d’habitude, un<br />

individu isolé s’était infiltré parmi les responsables<br />

de la sécurité. Routine.<br />

[1] : (Thierry Leclère, Télérama, 19/6/2002, à propos de<br />

« Boudiaf, un espoir assassiné », documentaire de Noël<br />

Zuric et Malek Bensmaïl, 1999, rediff. Arte, 26/2/2002)<br />

[2] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire,<br />

« Françalgérie. Crimes et mensonges d’Etats », La<br />

Découverte, 4/2004, p. 281)<br />

[3] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

pp. 285, 287-288)<br />

[4] : (Le Monde, 3/7/1992)<br />

[5] : (Roger Faligot et Pascal Krop, « DST, Police secrète »,<br />

Flammarion, 1999, p. 447)<br />

[6] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

pp. 288-289)<br />

[7] : (Libération, 12/8/1992, Le nouvel Observateur,<br />

5/8/1992)<br />

[8] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

p. 290)<br />

[9] : (Guy Debord, « “Cette mauvaise réputation…” »,<br />

Gallimard, 10/1993, p. 88)<br />

[10] : (Hacine Ouguenoune, entretien pour le documentaire<br />

de Jean-Baptiste Rivoire, « Services secrets : révélations<br />

sur un “vrai-faux” enlèvement », 90 minutes, Canal +,<br />

1/12/2003)<br />

[11] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

pp. 290-292)


Le terrorisme algérien en France<br />

semble aussi annoncer de nouvelles<br />

formes de terrorisme. « Fin<br />

novembre 1994, les services secrets français<br />

(DGSE) ont vent de projets d’attentats<br />

terroristes sur la ligne aérienne<br />

Alger-Paris [1] Conscients du risque<br />

encouru, les dirigeants<br />

d’Air France<br />

et du gouvernement<br />

décident néanmoins<br />

de maintenir<br />

la liaison.<br />

Début décembre,<br />

l’ambassade de<br />

France à Alger fait<br />

circuler une étonnante<br />

note de service<br />

parmi les personnels<br />

du consulat<br />

de France :<br />

“Elle disait qu’il<br />

était déconseillé de<br />

prendre les vols<br />

entre le 23 et le 26<br />

décembre, se souvient<br />

Catherine Beugnet, alors en poste<br />

au consulat. [...]” [... Le 24 décembre<br />

1994] vers 11 heures, alors que l’embarquement<br />

du vol pour Paris est terminé et<br />

que l’Airbus s’apprête à décoller avec<br />

deux cents vingt-sept passagers à bord,<br />

quatre hommes armés [...] font irruption<br />

[... C’est] un commando du GIA de<br />

Djamel Zitouni. [...]<br />

Dans le monde entier, l’annonce de la<br />

prise d’otages surprend les spécialistes :<br />

comment des terroristes ont-ils pu introduire<br />

des armes et des explosifs dans un<br />

Airbus d’Air France stationné sur l’aéroport<br />

d’Alger, en principe l’un des plus<br />

sécurisés du monde [2], et prendre le<br />

contrôle de l’appareil [...] à la barbe des<br />

forces de sécurité algériennes, pourtant<br />

omniprésentes dans l’aéroport ? [...<br />

Alors] que l’Algérie est plongée dans une<br />

guerre terroriste sans précédent et que<br />

les autorités s’attendent à un attentat sur<br />

la ligne Alger-Paris, le dispositif de sécurité<br />

entourant habituellement l’aéroport<br />

a été partiellement levé et les bagages<br />

de certains passagers ne sont même pas<br />

fouillés [3] [...] ; soixante-dix passagers<br />

ont donc embarqué<br />

sans que leurs<br />

billets soient contrôlés<br />

[1], ce qui est<br />

en principe parfaitement<br />

impossible<br />

dans le contexte de<br />

l’époque et qui constitue<br />

l’une des multiples<br />

preuves de la<br />

manipulation. [...]<br />

“Ne s’agissait-il pas<br />

d’une opération<br />

[...] compliquée du<br />

gouvernement algérien<br />

qui s’est<br />

aperçu que, pour<br />

faire pression sur la<br />

France, il fallait utiliser<br />

la violence ?”, se demande par<br />

exemple Alain Marsaud, ancien patron<br />

de la lutte antiterroriste. “Le détournement<br />

de l’Airbus était destiné à inciter<br />

l’Etat français à soutenir plus activement<br />

le pouvoir algérien dans un contexte où<br />

les accords de Rome [signés par l’opposition<br />

algérienne, dont le FIS, et proposant<br />

au régime militaire un scénario politique<br />

de sortie de la crise] étaient sur le point<br />

d’être signés, estime quant à lui l’ex-colonel<br />

Samraoui. Une fois la France impliquée,<br />

elle s’est mise à croire à nouveau à<br />

une menace intégriste risquant de l’atteindre<br />

[4].” “La mission de Zitouni, qui<br />

253 Sécurisons un peu


était manipulé pour la politique extérieure,<br />

était d’amener la France à céder aux<br />

Algériens ; les services secrets français le<br />

savent bien”, confirme l’ex-adjudant du<br />

DRS Abdelkader Tigha. [5] » [6]<br />

« Huit ans après les faits, l’affaire du<br />

détournement de l’Airbus d’Air France,<br />

qui aurait dû, selon les autorités algériennes,<br />

“exploser contre la tour Eiffel”,<br />

fait étrangement penser aux attentats<br />

du 11 septembre 2001. Zitouni, précurseur<br />

de Ben Laden ? La thèse sera reprise<br />

par les éradicateurs algériens et par<br />

certains médias [7]. Vu les liens secrets<br />

qui unissaient le chef du GIA au DRS [ex-<br />

Sécurité militaire], cette thèse équivaut<br />

aujourd’hui à envisager que les services<br />

spéciaux algériens furent les premiers à<br />

commanditer, préparer et mettre en<br />

œuvre une opération terroriste du type<br />

de celle du 11 septembre 2001 … » [8]<br />

Sécurisons un peu 254<br />

[1] : (Eric Pelletier, « La veuve du cuisinier, témoin inattendu<br />

», Le Figaro, 13/1/2000).<br />

[2] : (Catherine Simon, « L’aéroport Houari-Boumédiene :<br />

les limites d’un dispositif de sécurité », Le Monde,<br />

27/12/1994)<br />

[3] : (« Témoignage de Monsieur Saïd », Paroles de victimes<br />

(bulletin de l’association SOS-Attentats), n° 12,<br />

3/2001)<br />

[4] : (Entretien avec le colonel Samraoui, pour le documentaire<br />

de Jean-Baptiste Rivoire et Romain Icard,<br />

« Attentats de Paris : enquête sur les commanditaires », 90<br />

minutes, Canal +, 4/11/2002)<br />

[5] : (Entretien avec Abdelkader Tigha, pour le documentaire<br />

de Jean-Baptiste Rivoire, « Services secrets : révélations<br />

sur un “vrai-faux” enlèvement », 90 minutes, Canal +,<br />

1/12/2003)<br />

[6] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire,<br />

« Françalgérie. Crimes et mensonges d’Etats », la<br />

Découverte, 4/2004, pp. 413-415, 418)<br />

[7] : (Notamment : Séverine Labat et Farid AÏchoune, « Un<br />

airbus contre la tour Eiffel », Le nouvel Observateur,<br />

13/9/2001)<br />

[8] : (Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, op. cit.,<br />

pp. 416-417)


« Les attentats sont [...] arithmétiquement<br />

insignifiants par rapport aux<br />

victimes des accidents de la route<br />

[..., mais] il s'agit de circonvenir les<br />

esprits [...] par la "manipulation" de<br />

l'horreur. Le terrorisme s'inscrit dans<br />

les stratégies d'influence sociale<br />

[… Un] public (passif) assiste au développement,<br />

sous ses yeux, d'une dramaturgie<br />

médiatique pour laquelle<br />

les médias fournissent la scène et les<br />

terroristes le scénario. […] Les représentations<br />

sociales sont au centre de<br />

l'imaginaire collectif, à la base du<br />

comportement des individus et de<br />

leurs croyances. En tant qu'il est une<br />

technologie de l'imaginaire, le terrorisme<br />

s'efforce de manipuler ces<br />

représentations pour influencer les<br />

groupes qu'ils cherchent à circonvenir.<br />

Et c'est justement ce à quoi il parvient<br />

dans la mesure où les médias lui<br />

en fournissent les moyens. […]<br />

Il est éprouvant de vivre dans un climat<br />

permanent d'insécurité, quand bien<br />

même celui ci ne correspond pas à un<br />

risque véritable. L'idée qu'on se fait de la<br />

réalité est plus forte que la réalité elle<br />

même. Si cette idée est angoissante, si<br />

l'angoisse s'exagère et se généralise<br />

à tout le groupe, on peut assister à<br />

une déstructuration mentale collective<br />

et à une dissolution de la vie socio<br />

politique ». [1]<br />

« Les névroses expérimentales […],<br />

comme le terrorisme, [...] placent les rapports<br />

de l'individu avec son milieu dans<br />

le cadre d'un conflit insoluble. De fait, la<br />

modification artificielle des conditions<br />

d'existence introduite par le terrorisme<br />

ressemble d'assez près à la mise en place<br />

expérimentale d'un climat général [d'insécurité]<br />

qui vérifie bien la définition du<br />

terrorisme comme laboratoire de la<br />

peur. Et les individus exposés aux attentats<br />

répétés ou à leur menace permanente<br />

finissent par être privés, comme<br />

les sujets d'expérience, d'une part importante<br />

de leur capacité d'action et de<br />

réaction et perdent leur pouvoir de<br />

contrôler la<br />

situation. […]<br />

Les victimes<br />

indirectes ont<br />

l'impression<br />

d'être inévitablementexposés<br />

aux attentats<br />

et éprouvent<br />

un profondsentimentd'impuissance<br />

à l'égard<br />

du danger qui<br />

les menace.<br />

Elles partagent avec les prisonniers soumis<br />

à divers enfermements la conviction<br />

aliénante d'être soumis à un pouvoir discrétionnaire<br />

extérieur, et finissant par<br />

connaître, comme eux, le développement<br />

progressif d'une psychasthénie au<br />

long cours. […]<br />

Les hommes en arrivent à confondre les<br />

causes et les effets et à se croire assiégés,<br />

non parce qu'ils le sont vraiment mais<br />

255 Sécurisons un peu


parce qu'ils pensent "vraiment" qu'ils le<br />

sont. "L'important n'est pas la réalité de<br />

la vie mais ce que les gens croient" [2]. » [3]<br />

L’important n’est pas la réalité mais ce<br />

que les médias en font sentir.<br />

[1] : (Entretien avec Pierre Mannoni, Le Journal des<br />

Psychologues, 10/1992)<br />

[2] : (Roger Mucchielli, « La Subversion », CFC, 1972)<br />

[3] : (Pierre Mannoni, « Un laboratoire de la peur, terrorisme<br />

et média », 1992, cité in Le journal des psychologues,<br />

10/1992)<br />

La « télévision<br />

[...] fait<br />

courir un danger<br />

[...] à la vie<br />

politique et à<br />

la démocratie<br />

[Voir Liquidation<br />

Totale<br />

n° 2]. [... Ce<br />

que prouve l’analyse du] traitement<br />

que, poussée par la recherche de l'audience<br />

la plus large, la télévision, suivie<br />

par une partie de la presse, a<br />

accordé aux fauteurs de propos et<br />

d'actes xénophobes et racistes ou<br />

[que montrent AUSSI] les concessions<br />

qu'elle fait chaque jour à une vision<br />

étroitement nationale, pour ne pas<br />

dire nationaliste, de la politique.<br />

[... Un] incident survenu [...] entre la<br />

Grèce et la Turquie [en] constitue la<br />

Sécurisons un peu 256<br />

meilleure illustration [...] : à la suite des<br />

appels à la mobilisation et des proclamations<br />

belliqueuses d'une chaîne de télévision<br />

privée, à propos d'un minuscule<br />

îlot désert, Imia, les télévisions et les<br />

radios grecques, relayées par les quotidiens,<br />

se sont lancées dans une surenchère<br />

de délires nationalistes ; les télévisions<br />

et journaux turcs, emportés par la<br />

même logique de la concurrence pour<br />

l'audimat, se sont lancées dans la<br />

bataille. Débarquement de soldats grecs<br />

sur l'îlot, déplacement des flottes, et la<br />

guerre n'est évitée que de justesse. » [2]<br />

Mais en France, par contre, il n’y aurait<br />

pas de dérive sécuritaire ?<br />

On connaît l’orientation de plusieurs<br />

vedettes des JT. Pour la première chaîne<br />

publique, France 2, rappelons déjà<br />

l’émission de Daniel Bilalian sur l’extrême<br />

droite qui, en décembre 1991, a permis<br />

le renouveau de plusieurs de ses<br />

groupes, qui représentaient la quasitotalité<br />

des intervenants. Leurs dirigeants<br />

ont pu s’y exprimer sans retenue<br />

et les adhésions suivirent. Un autre animateur-journaliste,<br />

Benoît Duquesne,<br />

est un proche de l’intégriste Philippe de<br />

Villiers [3].<br />

A TF1, première chaîne privée, on nous<br />

ressort le sophisme du miroir : « Si TF1,<br />

comme tous les grands média, a longuement<br />

traité de l'insécurité, c'est simplement<br />

que nous nous efforçons d'être


à l'écoute de nos concitoyens et de<br />

répondre à leurs attentes. [...] Plutôt que<br />

[de faire notre] autocritique, nous préférons<br />

nous interroger en permanence sur<br />

la validité de nos choix éditoriaux et de<br />

leur cohérence avec la réalité du pays et<br />

les attentes des téléspectateurs. » [4]<br />

Le choix éditorial peut être plutôt cohérent<br />

avec les buts des dirigeants. Ainsi,<br />

lors de la première guerre du Golfe,<br />

« tous les courants de pensée qui traversent<br />

cette rédaction se sont retrouvés<br />

d'accord sur la façon d'agir avec<br />

Mougeotte, qui, lui, pourtant, parlait de<br />

"bougnoules" et de<br />

"ratons". » [5] Charles<br />

Villeneuve expliquait<br />

alors : « C'est la guerre<br />

du monde civilisé contre<br />

les Arabes. » [6] [Voir<br />

« Bâtissons le choc des<br />

civilisations », p. 566] A<br />

force de martèlement, ça<br />

deviendra bien l’opinion<br />

majoritaire. « On mesure<br />

là le rôle que la presse<br />

peut jouer, non seulement<br />

pour relater ce qui<br />

se passe, mais pour en<br />

infléchir le cours. Et,<br />

avant elle, ceux qui commanditent [un]<br />

sondage qui, révélant l’état de l’opinion,<br />

va permettre cette influence en retour<br />

sur elle. Où le propos informatif devient<br />

“performatif”. » [7]<br />

La tête de l’Etat, parlant en 2002 à un<br />

journaliste, fait mine de ne faire luimême<br />

que refléter le miroir médiatique :<br />

« "Vous me reprochez d'avoir ainsi [en<br />

ressassant le thème de l'insécurité] fait le<br />

jeu de Le Pen alors que vous-même vous<br />

avez passé des sujets sur l'insécurité<br />

dans tous vos journaux !" Ce n'est pas<br />

faux, mais Chirac paraît avoir oublié qu'il<br />

avait lui-même donné le départ à cette<br />

surenchère lors d'une fameuse allocution<br />

du 14 Juillet [2001], donc [...] presque<br />

dix mois » [8] avant les élections.<br />

On s’est en effet empiffré de faits d’insécurité<br />

les plus divers. L’un d’eux « pendant<br />

la présidentielle [de 2002 a] fait les<br />

titres ronflants des journaux télévisés :<br />

un père de famille [...] voulant venger<br />

son fils qui était racketté, s'est fait assassiner<br />

par les racketteurs. Le candidat<br />

Chirac en a fait une machine à gagner<br />

des voix. [… On n’a pas dit que] le père<br />

de famille n'était pas seul, ils étaient<br />

quatre malabars moustachus armés de<br />

cutters. Cela n'excuse en rien, bien sûr,<br />

le crime. Mais l'éclaire<br />

autrement. C'était plus<br />

compliqué. » [9]<br />

Puis, « au lendemain du<br />

21 avril [2002], l’insécurité<br />

disparaît presque des<br />

écrans [...], les confrères<br />

cognent désormais sur<br />

l’épouvantail Le Pen. » [10]<br />

« Omniprésente pendant<br />

toutes les semaines qui<br />

ont précédé le 21 avril<br />

[2002] (France 2 en<br />

oubliait même d’annoncer<br />

les autres sujets traités),<br />

l’insécurité [...] était<br />

reléguée à la place qui est traditionnellement<br />

celle des faits divers, la quatrième<br />

ou la cinquième dans la hiérarchie des<br />

actualités du jour ; [...] Le tout ponctué,<br />

sur télés et radios, et jusqu’aux émissions<br />

de variétés, d’incessants rappels au<br />

devoir de voter [...] Chirac [étant] bien<br />

sûr préservé de toute question génante<br />

lors de ses interviews. [...] “Il y a deux<br />

vainqueurs du premier tour : Robert<br />

Namias (directeur de l’info de TF1) et<br />

Charles Villeneuve”, avait ironisé<br />

François Hollande [...]. De fait, le sursaut<br />

républicain des chaînes sent un peu la<br />

mauvaise conscience perceptible dans certaines<br />

rédactions audiovisuelles. ». [11]<br />

257 Sécurisons un peu


En juin 2002, la « proximité des législatives<br />

excite la fibre sécuritaire de TF1 [...] :<br />

avant le scrutin, l’accent est mis sur les<br />

agressions et les dysfonctionnements de<br />

la justice. Puis, une fois les élections terminées,<br />

TF1 se préoccupe surtout d’encenser<br />

l’action du gouvernement. [...]<br />

Question zèle, le journal de 13 heures<br />

présenté le plus souvent par l’ineffable<br />

Jean-Pierre Pernaut, [est le meilleur].<br />

Ainsi, en janvier [2002], sur 32 reportages<br />

consacrés à l’insécurité, 29 relataient<br />

des agressions ou leurs conséquences.<br />

En septembre, toujours au 13<br />

heures, on ne comptait plus que 14<br />

sujets, dont trois seulement évoquaient<br />

de nouvelles violences. La quasi-totalité<br />

des autres séquences était consacrée<br />

aux exploits de [Sarkozy] et de ses<br />

hommes. » [10] « A l'instar de certains de<br />

ses collègues, Robert Namias [le patron<br />

de l’info de TF1] [12] insiste sur la nécessité<br />

"d'anticiper" l'intérêt du public, en<br />

disant, pour sa part : "c'est ce que<br />

nous avons fait sur le débat sur l'insécurité.<br />

Il y a eu des déra<strong>page</strong>s mais je<br />

les assume." » [13]<br />

« TF1, France 2 et France 3 [...] ont traité<br />

158 fois d’insécurité en septembre<br />

2001 contre 66 fois seulement en septembre<br />

2002. Comme si la délinquance<br />

avait chuté de près de 60 % en un<br />

an… » [14] Et « après ces reportages<br />

effrayants, sont [ensuite] administrées<br />

comme un tranquillisant des enquêtes<br />

diffusant, images à l’appui, ce message<br />

implicite : la police – et son célèbre<br />

ministre – travaille ! » [15] Même l’ancien<br />

« guide » d’un groupe d’extrême droite<br />

(Occident, dont l’« activisme déchaîné lui<br />

vaut d’être dissous [en] novembre<br />

1968 » [16]) le reconnaît : « Le commerce<br />

électoral de la sécurité attise leurs<br />

peurs réelles ou supposées. Dans le journal<br />

télévisé, cela donne : victimes à 20 h,<br />

Sécurisons un peu 258<br />

compassion à 20 h 2, bons policiers à<br />

20 h 5, et le ministre à 20 h 7 qui déclare<br />

: “Nous avons tout compris, nous<br />

allons réagir.” […] Il y a là connivence<br />

étrange entre les fabricants de peur et<br />

les marchands de sécurité… » [17] Ça<br />

roule !<br />

[1] : (Roger Gicquel au journal TV de 20 heures,<br />

30/1/1976, cité in « La France a peur : une histoire sociale<br />

de l’insécurité », là-bas si j’y suis, France inter, 7/2/2008,<br />

http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1365)<br />

[2] : (Pierre Bourdieu, « Sur la télévision », Liber Raisons<br />

d'agir, 1996, pp. 5-6)<br />

[3] : (« Les amis du vicomte », Golias, n° 67, 7-8/1999, p. 30)<br />

[4] : (Etienne Mougeotte, Le Monde supplément Radio-<br />

Télévision, 4/5/2002.)<br />

[5] : (Pierre Géraud, ancien rédacteur en chef en chef à<br />

TF1, rapporté par Pierre Péan et Christopher Nick, « TF1,<br />

un pouvoir », Fayard, pp. 436-439, cité par Serge Halimi,<br />

« Les nouveaux chiens de garde », Liber raisons d'agir,<br />

p. 105 n. 12)<br />

[6] : (Serge Halimi, op. cit., p. 24)<br />

[7] : (Jean-Marie Renouard, « Opinions et pourcentages.<br />

L’opinion fait-elle l’opinion ? », Pénombre, n° 34, 7/2003,<br />

p. 2 (B.P. 87, F-75222 Paris cedex 05))<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 30/4/2002 p. 2)<br />

[9] : (Bernard Thomas, « Flash-ball de match », Le Canard<br />

enchaîné, 22/5/2002, p. 7)<br />

[10] : (Hervé Liffran, « La télé avait un peu oublié l’insécurité<br />

», Le Canard enchaîné, 9/10/2002, p. 3)<br />

[11] : (Patrice Lestrohan, « Après l’intermède Le Pen, l’insécurité<br />

revient au galop à la télé », Le Canard enchaîné,<br />

7/5/2002, p. 8)<br />

[12] : (« Robert Namias », http://www.acrimed.org/mot.p<br />

hp3?id_mot=119)<br />

[13] : (Le Monde, supplément Radio-Télévision<br />

11-17/10/2004)<br />

[14] : (Le Canard enchaîné, 9/10/2002, p. 3, d’après Arrêt<br />

sur images, France 5, 7/10/2002)<br />

[15] : (Jean-françois Julliard, « Un grand festival de télécopie<br />

aux "20 heures" de TF1 et de France 2 », Le Canard<br />

enchaîné, 29/10/2003, p. 4)<br />

[16] : (Frédéric Laurent, « L'orchestre noir », Stock,<br />

4/1978, p. 131)<br />

[17] : (Alain Madelin, cité in « Le trublion Madelin », Le<br />

Canard enchaîné, 7/1/2004, p. 2)


La victoire de l’argent sur les esprits<br />

(par forfait) devait précéder la victoire<br />

de la force répressive. Donc, « les<br />

sujets changent, le matraquage demeure.<br />

Après la pensée unique [Voir<br />

Liquidation Totale n° 0] – l’économie,<br />

c’est le marché -, la presse découvre la<br />

déclinaison unique : l’”insécurité” quel<br />

que soit le sujet. En 1997, le gouvernement<br />

Jospin choisissait<br />

de masquer<br />

son libéralisme économique<br />

par l’interventionnisme<br />

policier.<br />

Privatisations d’un<br />

côté, Vigipirate de<br />

l’autre. » [1] [Voir<br />

« Vigies & Pirates »,<br />

p. 195] Et en<br />

2002, encore,<br />

« Lionel Jospin<br />

[Voir « Jospin dans<br />

la gueule », p. 224]<br />

en rajoutait, en<br />

expliquant, pendant<br />

la campagne<br />

présidentielle, qu’il<br />

avait été naïf en<br />

matière de répression<br />

et donc qu’il<br />

fallait persister<br />

dans cette voie. » [2] [Voir « Jospin de<br />

sucre », p. 299] L’image donnée de la<br />

matraque comme panacée domine<br />

« l’échiquier politique ».<br />

« Une politique publique est fondée [3]<br />

sur [...] la construction d’une image de la<br />

réalité sur laquelle on veut intervenir, et<br />

qui oriente toutes les déclinaisons pratiques<br />

(pénale, policière, judiciaire, carcérale)<br />

d’une telle représentation du<br />

“problème” [...,] objet d’un intense<br />

conflit de définition entre acteurs<br />

sociaux et politiques dont l’expérience et<br />

les intérêts en la matière sont divergents<br />

[4]. [... Les] acteurs tentent d’instrumentaliser<br />

les médias et les journalistes<br />

afin qu’ils traduisent en “information”<br />

l’illustration de leur point de<br />

vue [5]. [... Plus] un acteur a de pouvoir<br />

– politique, institutionnel, économique<br />

[ou symbolique] – et plus il est à même<br />

de mettre en œuvre des stratégies de<br />

communication favorable à ses intérêts<br />

ou à ses représentations,<br />

tandis que<br />

les autres ont à<br />

faire valoir leur<br />

légitimité même à<br />

exprimer un point<br />

de vue [6]. » [7]<br />

Quels jugements<br />

de valeur profitent<br />

d’un porte-voix ?<br />

« Les médias que<br />

détiennent des milliardaires<br />

[Voir<br />

« Tambour battant<br />

», p. 638] se<br />

plaisent à criminaliser<br />

les pauvres. [...]<br />

Sarkozy [Voir « Le<br />

syndrome de<br />

Narkozy », p. 664]<br />

est [par contre]<br />

indigné [dès 2001<br />

par la moindre<br />

docilité de certains magistrats] : “La moitié<br />

des chefs d’entreprises du CAC 40 a<br />

été mise en examen.” De fait, au cours<br />

du seul mois de juin [2001], Claude<br />

Bébéar, patron d’Axa, a été mis en examen<br />

pour “blanchiment de capitaux<br />

259 Sécurisons un peu


aggravé” et Alain Gomez [Voir « Jouer le<br />

jeu vainement ? », p. 229], ancien<br />

patron de Thomson, inculpé de “complicité<br />

de tentative d’extorsion de fonds,<br />

abus de biens sociaux et recel”. [...] Aux<br />

profiteurs, qui sont leurs propriétaires,<br />

les médias servent des compliments<br />

[pleins] d’aromates. Du peuple, ils imposent<br />

l’image d’un ramassis de fripouilles.<br />

Les médias mentent. » [8]<br />

Pendant « des mois, la lutte contre la<br />

pédophilie, le terrorisme ou l’antisémitisme<br />

a conduit la plupart des médias à<br />

stigmatiser des crimes imaginaires et à<br />

accabler des innocents (affaires<br />

d’Outreau, du bagagiste d’Orly, du<br />

RER D [Voir « Assaillie dans le métro ? »,<br />

p. 265]). La presse sacrifie les informations<br />

importantes pour donner une<br />

large place à ce traitement de plus en<br />

plus irresponsable des faits divers. [...] La<br />

production d’informations à flux tendu<br />

amenuise la vigilance. L’emploi éventuel<br />

du conditionnel absout bien des journalistes<br />

du devoir d’aller vérifier [...]. Enfin,<br />

la concurrence parachève ce travail de<br />

négligence. [... On] peut désinformer<br />

sans [... problème si] on le fait avec les<br />

autres. » [9]<br />

Exemple : « Dix jours durant, Le Parisien<br />

charrie les gros titres accusateurs : “Le<br />

bagagiste de Roissy transportait des<br />

explosifs” ; “Le bagagiste de Roissy avait<br />

une bombe prête à l’emploi” ; “Le baga-<br />

Sécurisons un peu 260<br />

giste de Roissy confondu par son portable”…<br />

La supercherie une fois éventée,<br />

Le Parisien ne perd rien de sa superbe et<br />

titre : “L’hallucinant complot”. » [10] Les<br />

apparences étaient il est vrai trompeuses<br />

: Le « bagagiste n’est [en fait] pas<br />

algérien [..., mais] “Français d’origine<br />

algérienne” [..., cependant] originaire de<br />

Tlemcen, petite ville de la région d’Oran<br />

“réputée pour être le berceau du<br />

Groupe salafiste pour la prédication et le<br />

combat” [11] [...]. Un groupe particulièrement<br />

insidieux qui recruterait [...]<br />

“parmi les gens qui n’ont pas de passé<br />

suspect et n’affichent pas leur croyance<br />

de manière ostentatoire.” [11] [... Or,]<br />

c’est précisément le profil du bagagiste,<br />

“bon citoyen et employé ‘irréprochable’”<br />

[11] » [12]. Et « “souligne un expert,<br />

pour mener une opération d’infiltration<br />

sur un terrain aussi sensible qu’un aéroport,<br />

mieux vaut trouver un homme au<br />

profil impeccable.” [13] Logique : tout<br />

innocent est présumé coupable, surtout<br />

s’il est irréprochable et d’origine algérienne.<br />

» [14]<br />

Autre exemple : « La presse, après avoir<br />

nommément accusé un certain nombre<br />

de personnes d’actes de pédophilie [Voir<br />

« Marque du trou », p. 168], après leur<br />

avoir prêté des agissements monstrueux,<br />

après les avoir condamnées sans procès,<br />

les réhabilite, les innocente, puis les<br />

métamorphose en héros pathétiques.<br />

[...] Les archives Internet des journaux<br />

de presse écrite permettent de mesurer<br />

l’évolution. » [9]<br />

« En janvier 2002, les aveux d’un prévenu<br />

qui s’accuse du meurtre (imaginaire)<br />

d’une petite fille aiguisent la voracité des<br />

médias. “Outreau, c’est trop !” [15]. [...]<br />

Les reporters rivalisent sur-le-champ<br />

dans un déballage de faits aussi sordides<br />

que [... faux]. [...] On invoque souvent la<br />

présomption d’innocence dans le cas<br />

d’affaires politiques, quitte à ne pas tou-


jours la respecter. Là, on n’en parle<br />

même pas. [...]<br />

La presse flirte allégrement avec l’adage<br />

“classes labo<strong>rieuse</strong>s = classes dangereuses”<br />

retraduit en [... associations]<br />

classes populaires, chômage, logements<br />

sociaux insalubres, alcoolisme, soushumanité,<br />

pédophiles prostituant leurs<br />

enfants... “La modeste cité de la Tour du<br />

Renard, à Outreau, est-elle frappée de<br />

malédiction ? [...] On veut plutôt croire<br />

qu’elle est, comme beaucoup d’autres<br />

cités semblables dans le Nord-Pas-de-<br />

Calais et ailleurs, victime de l’explosif<br />

cocktail : chômage, alcool, oisiveté, promiscuité...<br />

L’inceste n’est alors jamais<br />

bien loin” [16]. [...] “C’est devenu une<br />

sorte de mode de vie dans les cités. On<br />

se tape une bière comme on se tape un<br />

garçon. Ça n’a rien de nouveau, c’est<br />

comme ailleurs, en Bretagne ou en<br />

Normandie.” [17] [Voir « 1 modèle à surpasser<br />

», p. 156] [...]<br />

Imaginons alors les réactions de la<br />

presse si, à l’époque, le juge Burgaud<br />

avait eu la moindre tentation de libérer<br />

un des accusés d’Outreau. Deux ans<br />

plus tard, il sera plus facile de clamer<br />

son indignation devant une erreur<br />

judiciaire. » [9]<br />

Comme pour « la mise en cause de la<br />

classe politique par la justice, puis celle<br />

de la justice par la presse, [...] les médias<br />

médiatisent l'accès à l'espace public, et<br />

[... gardent pour] eux le soin de leur<br />

propre critique. » [18]<br />

Du côté des spectateurs des médias, la<br />

« perception du péril varie selon la plus<br />

ou moins grande vulnérabilité que l’on<br />

ressent : la perspective d’une agression<br />

effraie davantage à un âge où une<br />

simple chute peut entraîner une fracture<br />

qui ne se consolidera pas ; elle panique<br />

plus celle qui y lit, au-delà du seul affrontement<br />

physique, la possibilité d’un viol [...].<br />

Y sont particulièrement sensibles ceux<br />

qui peinent – en raison d’un âge avancé,<br />

d’attitudes rigides, d’un bagage éducatif<br />

limité – à faire face aux mutations qui<br />

traversent la société. La préoccupation<br />

sécuritaire paraît aussi fortement liée<br />

avec des positions d’extrême droite ou<br />

de droite. [...] A l’inverse, se situer à<br />

gauche, [et] surtout avoir atteint ou<br />

dépassé le niveau du baccalauréat vaccine<br />

[en général] fortement contre toute<br />

sympathie pour la revendication sécuritaire.<br />

» [19]<br />

Le « rôle des médias dans l’insécurité : ils<br />

fournissent à une préoccupation qu’ils<br />

n’ont pas créée, des points de cristallisation<br />

sur des violences emblématiques ;<br />

mais leur poids sur la peur n’est notable<br />

qu’en cas de consonance entre le vécu<br />

du lecteur [...,] de l’auditeur [ou du spectateur]<br />

et le message médiatique. » [20]<br />

Cependant, le vécu du spectateur est fait<br />

pour beaucoup de « vie par procuration<br />

» des personnages dont les médias<br />

narrent les palpitantes aventures avec,<br />

souvent, la (menace de la) destruction<br />

de la vie humaine comme ressort principal<br />

du spectacle.<br />

On retrouve dans les médias le « sophisme<br />

du miroir » [Voir Liquidation Totale<br />

n° 2] et « cette consternante idéologie<br />

de "l'enregistrement des faits". » [18] On<br />

nous martèle « que le critère de l'audience<br />

est démocratique par excellence.<br />

Montrer l'insécurité jusqu'à la nausée<br />

261 Sécurisons un peu


n'est [...] que déférer démocratiquement<br />

à la demande du public souverain et lui<br />

donner à voir ses "vraies préoccupations".<br />

Mais comment ces préoccupations<br />

pourraient-elles être autres quand<br />

du matin au soir on lui présente le spectacle<br />

d'un pays à feu et à sang ? Pour<br />

sortir de l'antinomie entre dénégation et<br />

surdramatisation de l'insécurité, et aussi<br />

[... de] ce plaidoyer indigent de journalistes<br />

s'abritant derrière la "réalité des<br />

faits" qui "n'ont pas été inventés", il faut<br />

[...] rappeler à une corporation manifestement<br />

inconsciente de son propre pouvoir<br />

tous les effets de construction de la<br />

réalité sociale qu'emporte potentiellement<br />

la répétition<br />

exclusive d'une image<br />

publique.<br />

Il y a en France<br />

chaque année plusieurs<br />

centaines de<br />

milliers d'actes délictueux,<br />

[...] plus que<br />

[suffisants] pour alimenter<br />

[... des] journaux<br />

quotidiens<br />

exclusivement remplis<br />

de voitures brûlées et de téléphones portables<br />

volés. Il y a également en France<br />

chaque année plusieurs centaines de<br />

milliers de licenciements, et [...] matière<br />

à remplir les mêmes journaux [... avec]<br />

une actualité exclusivement sociale.<br />

[... Montrer] une partie de la réalité n'est<br />

pas montrer la réalité, et [... les images<br />

sont] formées par sélection et toujours<br />

selon une construction implicite. Le<br />

cimetière des emplois détruits et des vies<br />

brisées n'est pas moins "réel" que celui<br />

des voitures brûlées ; [... et] bien plus<br />

pertinent [...] dans la hiérarchie des causalités<br />

: par des médiations certes ramifiées<br />

et complexes [...], les vies en<br />

miettes [... entraînent] l'anomie violente<br />

[...]. Mais faute d'une image [diffusée],<br />

Sécurisons un peu 262<br />

rien de ceci ne tombe sous aucun<br />

regard, et le plus fondamental est renvoyé<br />

à l'inexistant… » [18] Ce n’est pas<br />

« dans le champ » de vision, de conscience,<br />

des spectateurs.<br />

« "Avec tout ce qu'on voit maintenant"<br />

est une phrase très courante, prononcée<br />

entre autres, aux actualités télévisées par<br />

des personnes interviewées dans la rue<br />

[... et] employée comme une démonstration<br />

du climat d'insécurité [… On<br />

entend] des personnes dire à peu près :<br />

"j'ai peur, là où je vis je ne risque rien<br />

mais avec tout ce qu'on voit maintenant"<br />

[..., c’est-à-dire] les images des journaux<br />

télévisées avec leurs registres filmiques<br />

inconscients [... La]<br />

notion de climat<br />

social impose de penser<br />

les valeurs d'ambiance<br />

et leurs cadres<br />

émotionnels » [21],<br />

fabriqués par les<br />

« informations » télévisées.<br />

« L'insécurité télévisée<br />

est d'abord un<br />

espace de référence,<br />

celui des cités. Quelles que soient les<br />

déclinaisons du thème [...] (trafic<br />

d'armes de guerre, attentats contre des<br />

synagogues, violences contre les personnes,<br />

toxicomanie, vandalisme, incivilités,<br />

etc.), ce sont toujours les quartiers<br />

d'habitat social qui fournissent le décor<br />

[...] : pelouses étiques, épaves automobiles,<br />

vitres brisées, ordures non ramassées,<br />

etc., semblent [... obligatoires<br />

pour] "ces gens-là". Une articulation<br />

visuelle irréfutable se crée entre des<br />

espaces dégradés et des populations<br />

dangereuses. [... Deux] types de prises<br />

de vue [...] mettent en scène [les habitants<br />

de ces cités] en plans rapprochés. Il<br />

y a d'abord la photo de groupe : le journaliste<br />

tente d'obtenir des réponses de


plusieurs interlocuteurs qui ne maîtrisent<br />

pas les codes de l'interview [..., et] se<br />

contentent de fixer l'objectif pour faire<br />

une dédicace à la cité [... ou bien] opposent<br />

une fin de non-recevoir plus ou<br />

moins audible et articulée, à toute velléité<br />

de questionnement. Ce qui est alors<br />

"visiblement" frappant pour le téléspectateur,<br />

c'est l'incapacité à s'exprimer<br />

rationnellement, la dimension instinctuelle<br />

des sociabilités et le refus de saisir<br />

la possibilité d'argumenter.[...]<br />

L'espace des cités est vu très souvent à<br />

partir [du] procédé [...]<br />

"une journée avec la<br />

police". [...] Avec des<br />

degrés de dramatisation<br />

différents, suivant<br />

[... la situation], le téléspectateur<br />

embarque<br />

pour un travelling de<br />

la peur [..., avec les]<br />

réflexions "en direct"<br />

des policiers qui surlignent<br />

les images. Il<br />

[... y a] une version<br />

piétonne [..., avec passage<br />

obligé dans] les<br />

caves squattées [... Nombre] de procédés<br />

[... filmiques sont repris du film<br />

d'horreur] (caméras "subjectives" portées<br />

à l'épaule, grandes focales rendant l'espace<br />

fuyant, musique de fond angoissante,<br />

etc.). [...]<br />

Parfois, [également,] les personnes sont<br />

filmées au plus près, dans le cadre d'entretiens<br />

[... censés] approcher leurs pensées<br />

intimes [..., mais masqués ou flous,<br />

avec une] voix robotisée. Ce [... procédé<br />

de] "la terreur sans visage" [... est] l'un<br />

des codes rhétoriques du film d'horreur<br />

qui fonctionne sur l'émotion [... de]<br />

côtoyer une personne dangereuse sans<br />

jamais pouvoir l'identifier. [... Les] actualités<br />

télévisées, [... disant] rendre compte<br />

du réel, nourrissent l'imaginaire par des<br />

références à certains codes filmiques. Les<br />

procédés du film documentaire animalier<br />

et ceux du film d'horreur sont importés<br />

[ni explicites, ni permanents,] avec<br />

des effets d'efficacité grâce au potentiel<br />

émotif des images mais aussi grâce à<br />

une logique de déshumanisation des<br />

populations. » [21] Et on sait bien<br />

comme on doit traiter le bétail [Lire<br />

Liquidation Totale n° 1] !<br />

Devant ces risques si bien mis en scène,<br />

vite ! il faut plus de policiers ! En 2002,<br />

on notait pourtant déjà : « Avec un uniforme<br />

pour 265 habitants,<br />

la France est le<br />

pays le plus policé<br />

d'Europe ». [22] Les<br />

chiffres varient alors<br />

selon les sources pour<br />

cette première place :<br />

« Notre pays compte<br />

un policier ou gendarme<br />

pour 252 habitants<br />

contre 283 en Italie,<br />

296 en Allemagne et<br />

310 au Royaume-Uni.<br />

Encore ce chiffre ne<br />

tient-il pas compte du<br />

développement exponentiel de polices<br />

municipales, véritables milices locales [...<br />

étant maintenant autorisées] entre<br />

autres à porter une arme [... ni les]<br />

vigiles et autres gardes » [23]. Car la police,<br />

comme l’armée [Voir « Mercenaires :<br />

De la guerre », p. 649], se privatise. On<br />

peut se faire une idée de la privatisation<br />

progressive de la police : « Un policier<br />

seulement vêtu […] d'une paire de bas<br />

résille a été interpellé au Bois de<br />

Boulogne à Paris alors qu'il se livrait à la<br />

prostitution, qu'il a reconnu être une<br />

activité habituelle, selon une source judiciaire.<br />

» [24]<br />

Pour certains mauvais éléments, « les violences<br />

visibles et les prédations des<br />

dominés sont indissociables des vio-<br />

263 Sécurisons un peu


lences invisibles des rapports sociaux<br />

asymétriques et de conflits (exclusion<br />

scolaire et économique, relégation<br />

urbaine, disqualification symbolique), de<br />

sorte que l’insécurité est une coproduction<br />

entre tous les acteurs, y compris de<br />

la part d’institutions et d’organisations<br />

qui se pensent comme une partie de la<br />

solution alors qu’elles sont souvent aussi<br />

une partie du problème. » [7] Se pensent<br />

comme une partie de la solution ou se<br />

prétendent telles.<br />

On pourrait vouloir les croire sincères.<br />

« Pourtant, on le sait à présent, la plupart<br />

de ceux qui [...] ont glapi en faveur<br />

de la loi et de l’ordre se sont révélés être<br />

des fripouilles. Tel ancien maire de Nice,<br />

proche du Front national, ne cessait de<br />

réclamer davantage de police et de<br />

poigne… jusqu’au jour où les tribunaux<br />

l’ont contraint à aller dépenser en<br />

Uruguay les sommes extorquées à ses<br />

administrés. Tel autre champion de la<br />

“lutte contre l’insécurité”, réélu maire<br />

RPR d’une ville détenant le record de<br />

caméra de surveillance au centimètre<br />

carré, restera célèbre pour avoir à la fois<br />

utilisé des employés municipaux à titre<br />

de domestiques personnels et contraint,<br />

pistolet au poing, une malheureuse à lui<br />

faire une fellation. Tel ancien ministre de<br />

la Justice, théoricien sécuritaire du RPR<br />

dans les années 1980, a fini mis en examen,<br />

le 30 août [2001], pour “recel<br />

d’abus de biens sociaux”. » [1]<br />

« Quand l’arrogance des corrompus prétend<br />

moraliser le peuple à coups de<br />

bâtons, quand les leçons de civisme tombent<br />

d’une présidence qui s’endort,<br />

chaque soir, sous des draps trempés<br />

dans la boue et dans le sang de la<br />

Françafrique [25], quand les éminences<br />

néogaullistes disent le droit nouveau<br />

avec, dans leurs placards, le corps de<br />

Boulin [... et d’autres] : cela s’appelle la<br />

Sécurisons un peu 264<br />

droite » [26]. Le cynisme porte haut, et<br />

clame bien fort qu’il n’y a pas assez de<br />

répression contre cette mauvaise populace.<br />

Les médias portent sa voix [Voir<br />

« “La France a peur” », p. 256].<br />

Pourtant, on se pose parfois des questions.<br />

Exemple : « Le Front national (FN)<br />

a-t-il cherché à provoquer des tensions<br />

dans les quartiers sensibles, comme<br />

Beauval à Meaux [Voir « Copé collé »,<br />

p. 245], en menant des opérations de<br />

déstabilisation ? [... Un] ancien du<br />

département protection et sécurité (DPS)<br />

[Voir « Dépèce ! », p. 174], le service de<br />

sécurité du FN, [...] Claude Hermant<br />

[Voir « Membre fantôme », p. 198] [...]<br />

raconte comment, entre fin 1997 et<br />

1998, il a mené “des opérations dans les<br />

quartiers”, pour y faire “monter le Front<br />

national en jouant sur l'insécurité”. [...<br />

Dans] le quartier de Beauval [...,] il avait<br />

“repéré un trafic de drogue”, en “mission<br />

d'infiltration”, ainsi qu'une BMW noire<br />

venue d'un autre département “pour<br />

s'approvisionner régulièrement”.<br />

“J'ai soumis l'idée d'une opération à<br />

Paris, affirme-t-il, et elle a été acceptée.<br />

Elle a consisté à récupérer une voiture<br />

du même modèle et à mettre des<br />

plaques identiques. Nous sommes allés<br />

sur place, à quatre dans la voiture, vers<br />

22 heures. Le long du boulevard, nous<br />

avons tiré deux coups de fusil à pompe<br />

sur les dealers, à blanc. Le but [... était]<br />

de susciter des tensions entre les<br />

bandes”. L'homme ne fait plus partie du<br />

DPS depuis 1999, mais il affirme avoir<br />

mené à l'époque “six ou sept opérations<br />

du même genre dans le département,<br />

en un an et demi”. » [27] Ordre et<br />

désordre. Gros, demi-gros, détail.<br />

[1] : (« Les pyromanes de l’insécurité », PLPL, n° 6,<br />

10/2001, p. 3, http://www.homme-moderne.org/plpl/n6<br />

/p3.html)<br />

[2] : (Gilles Sainati, « La tolérance zéro à la place de l’Etat


de droit », Justice, n° 175, 6/2003, p. 7 (Syndicat de la<br />

magistrature, BP 155, F-75523 Paris cedex 11, 7,62<br />

euros))<br />

[3] : (D’après P. Muller, « Les politiques publiques », PUF,<br />

1994)<br />

[4] : (D’après Eric Macé et A. Peralva, « Violences urbaines<br />

en France : une construction politique et journalistique »,<br />

Les cahiers de la sécurité intérieure, n° 40, 2000,<br />

pp. 137-150)<br />

[5] : (H. Molotch et M. Lester, « Informer : une conduite<br />

délibérée de l’usage stratégique des événements »,<br />

Réseaux, n° 75, 1996, pp. 23-42)<br />

[6] : (P. Schlessinger, « Repenser la sociologie du journalisme.<br />

Les stratégies de la source d’information et les<br />

limites du média-centrisme », Réseaux, n° 51, 1992,<br />

pp. 25-35)<br />

La [7] : (Eric Macé, « Le traitement médiatique de la sécuri- nouvelle est délivrée sur France 2, en<br />

té », in Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime juillet 2004, par l’animatrice de la propa-<br />

et sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002, gande « Béatrice Schönberg [... Mme<br />

pp. 33-34)<br />

Jean-Louis Borloo] : "[...<br />

[8] : (« L’autre guerre des médias », PLPL, n°6, 10/2001,<br />

http://www.homme-moderne.org/plpl/n6/p4.html)<br />

Marie-Léonie, une] jeune<br />

[9] : (« Gilles Balbastre, « Les faits divers, ou le tribunal<br />

femme a été prise à partie<br />

implacable des médias », Le Monde diplomatique,<br />

par six hommes armés de<br />

12/2004, pp. 14-15, http://www.mondediplomatique.fr/2004/12/BALBASTRE/11719)<br />

couteaux [...]" [1] » [2],<br />

[10] : (« Qu’est-il devenu ? », in Olivier Cyran et Mahdi Ba,<br />

« âgés de quinze à vingt<br />

dir., « Almanach critique des médias », Les Arènes,<br />

ans » [3] « d’origine magh-<br />

9/<strong>2005</strong>, p. 184)<br />

rébine et africaine. Elle a<br />

[11] : (Le Figaro, 3/1/2003)<br />

[12] : (Pierre Laniray, « La brigade anti-terroriste du surtout vu leurs baskets. » [4] « Le service<br />

“Parisien” », in Olivier Cyran et Mahdi Ba, dir., op. cit., "public" qui court après le privé a désigné en<br />

p. 180)<br />

exclusivité les coupables de l’agression imagi-<br />

[13] : (Frédéric Helbert, Europe 1, 30/12/2002)<br />

naire : les Maghrébins et les Africains.<br />

[14] : (« Impeccable », in Olivier Cyran et Mahdi Ba, dir.,<br />

op. cit., p. 181)<br />

[... On en apprend plus.] "Les trois maghré-<br />

[15] : (Revue de presse, RTL, 11/1/2002)<br />

bins et trois africains ‘‘taggent, sur son ventre<br />

[16] : (Le Figaro, 15/1/2002)<br />

sous ses seins et jusqu’au pubis, des croix<br />

[17] : (Le Monde, 24/1/2002, Cf. « Qui sont les hooligans<br />

gammées’’. Puis taillent dans ses longs che-<br />

anti-Ch’tis ? », Le Plan B, n° 13, 4/2008, p. 14)<br />

[18] : (Frédéric Lordon, « Télévisions inconscientes », s.d., veux." [5] Comme sur TF1 et France 2,<br />

http://raisonsdagir.org/flo2.htm)<br />

Europe 1 et France Inter, Le Figaro et Le<br />

[19] : (Philippe Robert, « Le sentiment d’insécurité », in Parisien, le récit de Libération est d’une extra-<br />

Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), op. cit.,<br />

pp. 372-373)<br />

ordinaire précision. Et Comme TF1 [6], le<br />

[20] : (Philippe Robert, op. cit., p. 370)<br />

journal de July fait état de "témoins de la<br />

[21] : (Alain Vulbeau, « Le langage de l'insécurité - Regard scène". Bien vu. » [7]<br />

sur le regard télévisé », amnistia.net – Les Enquêtes inter-<br />

Sachez le encore : Cette « jeune femme dans<br />

dites, n° 25, 24/9/2002, d’après http://www.groupeclaris.com)<br />

un RER a été agressée par six hommes parce<br />

[22] : (Le Canard enchaîné, 22/5/2002, p. 2, d'après qu’ils la croyaient juive. » [8] Le Monde<br />

Libération, 16/5/2002)<br />

dénonce : « "Juive dans le regard de six mau-<br />

[23] : (Syndicat de la magistrature – Clément Schouler,<br />

vais garçons d’origine maghrébine et africai-<br />

« Vos papiers ! Que faire face à la police ? », L’Esprit frappeur,<br />

2/2002, p. 7 (2 euros))<br />

ne, des gamins de banlieue qui en voulaient<br />

[24] : (AFP, 7/5/2004)<br />

d’abord à son argent [...], dans le RER D,<br />

[25] : (Voir François-Xavier Verschave, « La Françafrique. [cette] jeune femme [...,] pendant treize<br />

Le plus long scandale de la République », Stock, 1998)<br />

minutes [...,] a été victime de méthodes de<br />

[26] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre aux<br />

pauvres vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1, nazis. Et face à ces petites frappes, il ne s’est<br />

10-11/2002, p. 20)<br />

trouvé aucune voix, aucune main secou-<br />

[27] : (Vincent Lepreux, « Meaux. Le FN accusé d'avoir rable. [...]" [9] [...] Et dire que deux jours plus<br />

voulu attiser les tensions à Beauval », Le Parisien,<br />

28/2/2002, d’après « Pièces à conviction », France 3, tard, Le Monde n’aura pas de mots assez<br />

28/2/2002)<br />

durs contre les "mythomanes" [10] ! » [11]<br />

265 Sécurisons un peu


On en a rajouté. « Ce qui n’est pas admissible,<br />

c’est que des gens dans le wagon ait<br />

assisté à ça sans réagir. » [12] La « thématique<br />

de la lâcheté des voyageurs émerge<br />

comme le principal angle de vision médiatique.<br />

[...] : "[...] Une jeune femme prise à<br />

partie sous les yeux des autres voyageurs qui<br />

n’ont pas bougé. Un acte infâme [...] C’était<br />

vendredi matin à une<br />

heure d’affluence, personne<br />

n’a bougé. [...]" [8]<br />

Sur TF1, soliloque l’animatrice<br />

de la propagande<br />

« Claire Chazal [à qui<br />

Jean-Pierre Raffarin en<br />

personne a remis la<br />

"Six hommes armés<br />

de couteau [...]<br />

L'agression s'est<br />

produite"<br />

[TTFF11, 13 heures,<br />

11/7/2004]<br />

AVANT APRÈS<br />

légion d’honneur au<br />

début de l’année] : "Et<br />

c’est Jacques Chirac qui<br />

a réagi le premier [Voir<br />

« Chie ! raque ! », p. 312]<br />

en [... réclamant] toute<br />

la sévérité qui s’impose. [...]" [13] » [14] La<br />

« collusion politique délibérée [de TF1] avec<br />

le candidat Chirac, aussi évidente qu'avec le<br />

candidat Balladur en son temps, donne une<br />

image assez nette de ce que pourrait être la<br />

berlusconisation du pays. » [15] [Voir «<br />

Berlue ! C’est une connerie ! », p. 79]<br />

Une conclusion s’impose. « Il va falloir qu’on<br />

ait des caméras de vidéo surveillance à l’intérieur<br />

des wagons. » [16] Et on en tiendra<br />

compte. « Le développement de la videosurveillance<br />

passera sur le réseau RATP de<br />

2OOO [début <strong>2005</strong>] à plus de 6 5OO caméras<br />

à la fin de 2OO7 selon le ministre (de<br />

l'Intérieur) [..., plus] les 4 OOO caméras qui<br />

Sécurisons un peu 266<br />

équiperont le réseau SNCF Ile de France<br />

début 2OO6 ». [17] [Voir « Je passe à la<br />

télé ! », p. 385]<br />

« Libération conclut théâtralement :<br />

“Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme<br />

mêlés comme aux pires heures de l’histoire.”<br />

[18]. » [19] Et le Figaro : « "[... Avec]<br />

une Française traitée de ‘sale juive’ [...], l’antisémitisme<br />

est devenu l’autre nom de la francophobie."<br />

[20] [...] ? [...] “Ils se sont jetés sur<br />

une jeune femme parce qu’elle était en face<br />

d’eux, parce que la violence les fascine, parce<br />

qu’ils se considèrent comme des militants se<br />

quelque Hamas, c’est-à-dire la forme la plus<br />

moderne de l’antisémitisme [Voir « Terror is<br />

Real », p. 603]. [...] Les petits-enfants du<br />

Maghreb veulent participer à leur manière à<br />

la lutte des Palestiniens. La voyageuse du<br />

RER a soudain incarné l’ensemble des<br />

Israéliens. [...]" [21]<br />

[... On pontifie scientifiquement<br />

:] "L’antisémitisme<br />

vient renforcer le<br />

sexisme. Ces jeunes,<br />

non contents de correspondre<br />

au stéréotype de<br />

l’Arabe voleur et machis-<br />

"Et c'est Jacques<br />

Chirac qui a réagi<br />

le premier"<br />

[TTFF11, 20 heures,<br />

11/7/2004]<br />

te, sont devenus les antisémites<br />

idéaux de notre<br />

société, dans leur langue<br />

d’origine, les juifs<br />

sont considérés comme<br />

inférieurs. Ils ont hérité cette vision méprisante<br />

des juifs qui est diffuse dans la culture de<br />

leurs parents, [...] et développent un ressentiment<br />

à l’égard des juifs, qu’ils tentent de<br />

justifier par la distance de classe. [...] En


maniant ce type de violence, ils manifestent<br />

la haine qu’ils ont d’eux-mêmes et basculent<br />

dans l’autodestruction. [...] Il faut sortir des<br />

stéréotypes [... sic]. Il faut créer des lieux<br />

pour aider les garçons à parler à leurs pères,<br />

à sortir de la rhétorique sexiste et de la haine<br />

de soi pour conquérir une autre image d’euxmêmes."<br />

[22]<br />

[... On s’essaye à la lucidité :] "[... On] peut<br />

parler de deux sentiments quelque peu<br />

incompatibles. D’un côté, l’indignation, la<br />

colère, légitimes. De l’autre, la prudence qui<br />

apparaît toujours suspecte. [...] Et ce weekend,<br />

l’ensemble des partis politiques hormis<br />

le front national, la majorité des syndicats, la<br />

presse dans son ensemble n’ont fait qu’une<br />

seule voix pour dire son écœurement, son<br />

sentiment d’horreur devant ce double<br />

constat, l’acte lui-même et ce manque de<br />

civisme. [...] La vérité judiciaire sera peut-être<br />

légèrement différente [sic !]. Il restera quand<br />

même un double procès : celui de la violence<br />

et celui de l’indifférence." [23] [... Quand<br />

bien même, en réalité, il n’y eu là ni l’une ni<br />

l’autre.]<br />

“La publication, la diffusion ou la reproduction,<br />

par quelque moyen que ce soi, de nouvelles<br />

fausses, de pièces fabriquées, falsifiées<br />

ou mensongèrement attribuées à des tiers<br />

lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé<br />

la paix publique, ou aura été susceptible<br />

de la troubler, sera punie d’une amende de<br />

45 000 euros.”[24]<br />

Ils ont menti deux jours durant, glapi contre<br />

les Maghrébins et les Africains, insulté les<br />

"jeunes de banlieue” et les "anticapitalistes"<br />

[...], réclamé des punitions exemplaires. Les<br />

auteurs de ce délit sont<br />

identifiés : journalistes,<br />

patrons de presse et éditorialistes.<br />

Leur crime s’est<br />

déroulé devant des millions<br />

de témoins. Ces<br />

derniers resteront-ils im-<br />

"Cette fois, l'emballement<br />

politique a<br />

précédé l'emballement<br />

médiatique."<br />

[PPDA, TT FF 11, 2 0<br />

heures, 13/7/2004]<br />

passibles ? Ou, à leur<br />

tour, réclameront-ils que<br />

les coupables soient châtiés<br />

avec la sévérité qui<br />

s’impose ? » [25]<br />

Le « lundi 12 juillet [...<br />

2004], alors qu’il était<br />

[presque] établi que Marie-Léonie avait<br />

menti, [la secrétaire d’Etat aux victimes]<br />

Nicole Guedj a proposé à Europe 1 l’exclusivité,<br />

pour le lendemain matin d’une interview<br />

de la “victime”… » [26] Las ! « Le soir du<br />

13 juillet 2004, la prétendue victime placée<br />

en garde à vue avouait aux enquêteurs avoir<br />

inventé de toutes pièces son "agression".<br />

Saisi d’effroi, le Parti de la Presse et de l’argent<br />

adoptait sa stratégie habituelle : peu<br />

importe si les informations publiées étaient<br />

fausses ; elles témoignaient d’une "réalité".<br />

Et, de toute façon, les journalistes n’avaient<br />

rien à voir avec cette histoire : les politiques<br />

s’étaient "emballés", eux n’avaient fait que<br />

suivre. La presse admettait que son activité<br />

consiste à mettre ses pas dans ceux du<br />

pouvoir.<br />

Vue sur France 2 [27], "l’affaire" se résume<br />

rétrospectivement à une longue suite de<br />

déclarations politiques ridicules mais tempérées<br />

par la prudence des médias. Les dizaines<br />

de reportages outranciers, les centaines de<br />

commentaires indignés vrillés dans le cerveau<br />

des téléspectateurs par France 2 ont<br />

disparu. La plupart des médias reprendront<br />

par la suite la méthode de la chronologie falsificatrice.<br />

Elle permet le cas échéant, de<br />

morigéner les responsables politiques outrecuidants<br />

[...]". » [28]<br />

« Superbe réaction de Julien Dray [Voir<br />

« Dray, c’est pour tuer », p. 224] au journal<br />

de 20h00 sur la 2 à propos de la pseudo<br />

agression du RER. Il nous assène sans rire<br />

que puisque le Président avait dit que c'était<br />

vrai, il n'y avait pas lieu de se poser de questions<br />

complémentaires » [29]. Cet esprit<br />

nuancé, qui passe aisément du coq à l’âne,<br />

clamera plus tard : « Je n'accorde plus aucun<br />

crédit à la parole présidentielle » [30].<br />

Mais, ici, on va se demander : à qui profite la<br />

palinodie ? « Une aubaine pour ceux qui<br />

œuvrent à la victimisation des musulmans.<br />

[...] La fausse agression n’enlève rien à cette<br />

réalité qui met en scène des voyous [...] : la<br />

source des nouvelles intolérances, et désormais<br />

de hystéries collectives qui les dénoncent,<br />

est à rechercher dans une immigration<br />

qui demeure incontrôlée et qui menace la<br />

cohésion nationale. » [31] Pile, je gagne ;<br />

face, tu perds. Selon, par exemple, Alain<br />

267 Sécurisons un peu


« Duhamel [32], soit l’agression est vraie et il<br />

faut sévir "dans le milieu des jeunes beurs",<br />

soit elle est fausse et il faut sévir contre les<br />

"jeunes beurs" "crédules" et "accessibles à<br />

l’antisémitisme". » [33]<br />

« Au président du tribunal, qui lui demandait<br />

pourquoi elle avait accusé des Maghrébins et<br />

des Noirs, la fausse victime d’”agression antisémite”<br />

répondit du tac au tac : “Parce que<br />

quand je regarde la télévision, c’est toujours<br />

eux qui sont accusés.” [34] » [35]<br />

[1] : (« 13 heures », France 2, 11/7/2004)<br />

[2] : (« Les affabulateurs. Médiatisation d’une agression<br />

imaginaire dans le RER D, juillet 2004 », PLPL, supplément<br />

au n° 21, 10/2004, (BP 70072, F-13192 Marseille cedex<br />

20), p. 6)<br />

[3] : (13 heures, TF1, 11/7/04, reportage de Guillaume<br />

Hennette et James André, cité par « Les affabulateurs », p. 5]<br />

[4] : (Télématin, France 2, 12/7/2004, 8 h., cité par Les<br />

affabulateurs, p. 9)<br />

[5] : (Libération, 12/7/2004)<br />

[6] : (13 heures, TF1, 11/7/2004)<br />

[7] : (« Les affabulateurs », pp. 10-11)<br />

[8] : (Béatrice Schönberg, « 20 heures », France 2,<br />

11/7/2004, cité par « Les affabulateurs », p. 8)<br />

[9] : (Eric Fottorino, « Méthode de nazis », Le Monde,<br />

13/7/2004)<br />

[10] : (Sandrine Blanchard et Virginie Malingre, « La<br />

mythomanie "cache-misère" et défense contre un sentiment<br />

d’infériorité », Le Monde, 15/7/2004)<br />

[11] : (« Les affabulateurs », pp. 14-15)<br />

[12] : (Jean-Paul Huchon, entretien dans un reportage,<br />

20 heures, TF1, 11/7/2004, cité par « Les affabulateurs », p. 7)<br />

[13] : (« 20 heures », TF1, 11/7/2004)<br />

[14] : (« Les affabulateurs », p. 7)<br />

[15] : (Frédéric Lordon, « Télévisions inconscientes », s.d.,<br />

http://raisonsdagir.org/flo2.htm)<br />

[16] : (Entretien avec Franck Carabin, syndicat Synergies,<br />

Télématin, France 2, 8 heures, 12/7/2004, cité par « Les<br />

affabulateurs », p. 9)<br />

[17] : (Métro, 1/4/<strong>2005</strong>)<br />

[18] : (Libération, 12/7/2004)<br />

[19] : (« Gilles Balbastre, « Les faits divers, ou le tribunal<br />

implacable des médias », Le Monde diplomatique,<br />

12/2004, pp. 14-15, http://www.monde-diplomatique.fr/<br />

2004/12/BALBASTRE/11719)<br />

[20] : (Alain-Gérard Slama, Le Figaro, 12/7/2004)<br />

[21] : (Georges Suffert, « Il faut punir plus », Le Figaro,<br />

12/7/2004)<br />

[22] : (Entretien avec Nacira Guénif-Souilamas, par<br />

Philippe Bernard, « Des opprimés se sont mués en oppresseurs<br />

de la pire espèce », Le Monde, 13/7/2004, cité par<br />

« Les affabulateurs », p. 16)<br />

[23] : (Dominique Verdeilhan, « 20 heures », France 2,<br />

12/7/2004)<br />

[24] : (Loi du 29 juillet 1881, Article 27 (modifié par<br />

Ordonnance 2000-916 2000-09-19 art. 3, Journal Officiel<br />

de la République Française, 22/9/2000, en vigueur le<br />

1/1/2002), cité par « Les affabulateurs », p. 19)<br />

Sécurisons un peu 268<br />

[25] : (« Les affabulateurs », pp. 10, 15-18)<br />

[26] : (« Nicole Guedj victime de sa prudence », Le Canard<br />

enchaîné, 28/7/2004, p. 2)<br />

[27] : (« 20 heures », France 2, 13/7/2004)<br />

[28] : (« Les affabulateurs », p. 22)<br />

[29] : (Gilles Lestrade, « Une journée ordinaire pour la<br />

presse quotidienne. Puisque le Président l'a dit ! », oulala.net,<br />

14/7/2004, http://www.oulala.net/Portail/article.<br />

php3?id_article=1338)<br />

[30] : (France 2, 29/5/<strong>2005</strong>, 23 h 45)<br />

[31] : (Ivan Rioufol, Le Figaro, 16/7/2004, cité par « Les<br />

affabulateurs », p. 31)<br />

[32] : (Alain Duhamel, RTL, 13/7/2004)<br />

[33] : (« Les affabulateurs », p. 20)<br />

[34] : (Libération, 27/7/04)<br />

[35] : (Olivier Cyran (avec CQFD, PLPL et ACRIMED),<br />

« L’affaire du RER D », in Olivier Cyran et Mahdi Ba, dir.,<br />

« Almanach critique des médias », Les Arènes, 9/<strong>2005</strong>, p. 73)


C’est un vieux principe : « Il doit y<br />

avoir une tête forte [de Turc] qui<br />

serve de but à tous les coups, et<br />

qui porte les reproches de toutes les<br />

fautes et de tous les malheurs, aux<br />

dépens de sa propre ambition. » [1] Et<br />

quand, grâce au pétrole cher, l’Etat<br />

engrange des taxes croissantes par litre<br />

d’essence (nécesssaire pour la voiture<br />

que l’urbanisme rend bien souvent obligatoire),<br />

on produit une identification<br />

entre émirs, terroristes et immigrés [Voir<br />

« Bâtissons le choc des civilisations »,<br />

p. 566], afin que l’immigré serve de<br />

paratonnerre contre l’ire populaire.<br />

Criminaliser l’immigré clandestin permet<br />

de plus facilement pouvoir l’utiliser<br />

comme esclave [2] [Voir « Soutenons les<br />

esclavagistes ! », p. 658]. Il serait méprisable<br />

par nature... Comme pour la<br />

drogue [Voir « Pour la drogue, donc<br />

contre ! », p. 144], il faut réprimer sévèrement<br />

les victimes pour faire progresser<br />

leur asservissement.<br />

Et le goût amer des fruits et légumes ne<br />

nous gênera pas. « Le développement<br />

spectaculaire des cultures sous serre, en<br />

Andalousie, repose [en effet] sur la surexploitation<br />

d’une communauté immigrée,<br />

essentiellement marocaine, à<br />

laquelle est contestée la simple revendication<br />

de ses droits sociaux. [...<br />

Méprisée] en raison même des conditions<br />

d’existence indignes qu’on lui fait<br />

subir, cette population est également<br />

crainte du fait des comportements marginaux<br />

provoqués, chez une minorité de<br />

ses membres, par sa situation marginalisée.<br />

[... Ce] contexte explique [par<br />

exemple] la vague de violence raciste<br />

qui s’est abattue sur El Ejido du 5 au 7<br />

février [2000]. » [3] La « ratonade », ça<br />

défoule et puis, comme ça, ils ne la<br />

ramènent pas.<br />

On connaît par ailleurs la réalité persistante<br />

du rapport entre étrangers et terrorisme<br />

; à l’inverse de celui qui est exposé<br />

en vitrine : « Plus de 40 attentats à<br />

caractère raciste [surtout anti-arabes]<br />

avaient été signalées par les autorités<br />

[corses pour] l’année 2004. » [4] Le reste<br />

de l’Europe est aussi concerné.<br />

Mais ce genre d’histoires n’est pas<br />

récent. « En mai 1986, [par exemple,]<br />

quatre bombes éclatent à Marseille et<br />

Toulon contre des bâtiments fréquentés<br />

par des travailleurs immigrés à savoir un<br />

bar, une boucherie, un hôtel et un<br />

foyer. Bien que rappelant les méthodes<br />

du SAC [... des] années 1970 [Voir « Mis<br />

à SAC. Mis dans le MIL », p. 140], ces<br />

attentats sont alors revendiqués par les<br />

“Commandos de France contre l’invasion<br />

maghrébine”. [Il en est de même,<br />

en] juin de la même année, [... pour]<br />

trois nouveaux attentats visant SOS-<br />

Racisme à Draguignan et Fréjus [...].<br />

Une dernière explosion [...] en août [...]<br />

met fin aux activités du commando<br />

puisque quatre militants meurent dans<br />

l’explosion de la bombe qu’ils allaient<br />

269 Sécurisons un peu


poser à Toulon contre SOS-Racisme. [...<br />

C’étaient] quatre militants [nazionalistes]<br />

de SOS-France [5].<br />

[... Deux ans plus tard, pour] une stratégie<br />

de déstabilisation [...], certains militants<br />

[néo-nazis] du Parti Nationaliste<br />

Français & Européen (PNFE) [scission du<br />

FN d’avril 1987] décident [...] une série<br />

d’attentats dans le sud de la France. [...<br />

A] Cannes en mai 1988 et à Cagnes-sur-<br />

Mer en décembre [1988] contre des<br />

foyers Sonacotra, [ces actions] provoquent<br />

la mort d’un travailleur immigré<br />

[... et] plus d’une dizaine de blessés.<br />

Dans les deux cas, la revendication [...<br />

viendrait de l’OJC], Organisation Juive<br />

de Combat, qui [a, par ailleurs,] attaqué<br />

le défilé du 8 mai en l’honneur de<br />

Jeanne d’Arc organisé chaque année<br />

par l’Œuvre française. [... Mais] l’enquête<br />

s’oriente assez rapidement vers le PNFE<br />

[...] et ses dirigeants. Croyant infiltrer la<br />

police, le PNFE devint rapidement une<br />

annexe de celle-ci tant le nombre d’indicateurs<br />

y était important. Les pratiques<br />

du PNFE avaient de quoi inciter à cette<br />

surveillance, en particulier [les] stages<br />

sur le maniement des explosifs [6] [...] ou<br />

sur les moyens de déjouer les techniques<br />

de surveillance policière.<br />

Finalement, la police procède [à partir<br />

de janvier 1989] à une série d’arrestations<br />

[... de] militants de base du PNFE<br />

[..., certains] étant policiers et membres<br />

de la FPIP [Fédération Professionnelle<br />

Indépendante de la Police, classée droite<br />

Sécurisons un peu 270<br />

extrême]. [...] 24 personnes [... sont]<br />

emprisonnées et [jugées,] pour 16<br />

d’entre [elles,] en septembre 1991. Mais<br />

les dirigeants du PNFE obtiendront dès<br />

janvier 1991 un non-lieu devant la Cour<br />

d’Appel d’Aix-en-Provence pour inculpation<br />

abusive [...]. Durant toutes les<br />

audiences, les avocats de la défense ne<br />

rateront pas une occasion de suggérer<br />

que les attentats ont été télécommandés<br />

par les “services”, accusant en particulier<br />

la gendarmerie d’avoir fourni le matériel<br />

nécessaire.<br />

[... Les] explosifs, en particulier de la<br />

pentrite, venaient de la DGSE [...<br />

Direction Générale de la Sécurité<br />

Extérieure, contre-espionnage, et on ne<br />

l’apprit] qu’en janvier 2000 avec le procès<br />

de Huy Decloedt devant la 17 e<br />

chambre du tribunal correctionnel de<br />

Paris. Il est [alors] reproché à ce policier<br />

des RG [Renseignements Généraux, qui<br />

ont environ 3 200 agents, chargés de la<br />

sécurité intérieure de l’État et donc du<br />

renseignement politique et social],<br />

ancien de la police judiciaire de Nice,<br />

d’avoir entreposé dans un garage un<br />

véritable arsenal composé d’explosifs,<br />

chargeurs, détonateurs...<br />

La [...] quasi-totalité de ce stock saisi en<br />

1994 est justement [liée] aux attentats<br />

du PNFE de 1989. Il aurait été entreposé<br />

de façon irrégulière à la PJ de Nice<br />

pendant des années [...] avec la bienveillante<br />

indifférence de la hiérarchie<br />

policière. Cela s’explique par le fait que<br />

H. Decloedt était le policier chargé de<br />

l’enquête sur les attentats Sonacotra. » [7]<br />

C’est toujours plus facile pour le criminel<br />

d’être aussi le policier chargé d’enquêter<br />

sur le crime.<br />

Cet « arsenal militaire [...] aurait été<br />

détourné et conservé sur instruction de<br />

la DGSE, probablement dans le cadre<br />

des services secrets "stay-behind" de


l'OTAN ([...] Gladio [...]). » [8] [Voir « Place<br />

de Glaive », p . 104]<br />

Puis, la polarisation mondiale a changé,<br />

on l’apprenait il y a quelques années :<br />

« De source très bien informée, [...] le<br />

réseau Gladio [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38] [... était] en cours de restructuration<br />

depuis [1995]. Pendant la guerre<br />

froide, Gladio avait reçu comme mission<br />

de préparer une résistance en cas d'invasion<br />

de l'Europe occidentale par les forces<br />

soviétiques. [...] Selon l'hypothèse [adoptée<br />

en 1995 par] Gladio, la menace à<br />

contrer provient [désormais] des "communautés<br />

immigrées [...] fixées dans les<br />

grandes agglomérations" et qui pourraient<br />

entrer en conflit avec les politiques<br />

conduites par les gouvernements occidentaux.<br />

Il s'agirait "d'une menace clandestine<br />

à caractère permanent". Gladio se<br />

serait donc restructuré en service de renseignement<br />

et d'action militaires antiimmigrés.<br />

Ainsi, du 28 novembre au 1 er décembre<br />

1995, un important exercice militaire a<br />

été réalisé en Belgique sur le scénario suivant<br />

: "Depuis le mois d'août dernier, un<br />

mouvement de terreur s'affirme dans la<br />

plupart des grandes villes européennes.<br />

Les trafics aérien et ferroviaire sont perturbés<br />

dans de nombreux pays. Les communautés<br />

d'émigrants originaires principalement<br />

de la république de Moslavie<br />

affichent leurs idées anti-européennes et<br />

anti-américaines..." » [9]<br />

Et le délinquant d’origine immigrée remplaça<br />

le gauchiste dans la figure de l’ennemi<br />

public. Pas seulement en France. En<br />

« Italie [Voir « L’Italie se ment », p. 62] et<br />

en République fédérale [d’Allemagne]<br />

[Voir « Allemand, songe ! », p. 93], le<br />

souci pour la délinquance ordinaire<br />

n’émergera qu’après la fin des années de<br />

plomb du terrorisme noir et rouge » [10].<br />

[1] : (Balthasar Gracian, « El Oraculo Manual », trad.<br />

« L’Homme de Cour », CXLIX, « Savoir détourner les maux<br />

sur autrui », 1647, trad. Amelot de la Houssaie, réed.<br />

Gérard Lebovici, 10/1987)<br />

[2] : (Jean Benoît, « Dossier E… comme Esclaves. Les soutiers<br />

de l’Europe… exploités, exclus, assassinés… Le dossier<br />

noir de l’immigration en France », Alain Moreau,<br />

1980)<br />

[3] : (Victor Angel Lluch, « “Ratonades” à El Ejido. En<br />

Espagne, un apartheid sous plastique », Le Monde diplomatique,<br />

3/2000, p. 6, chapô, http://www.monde-diplomatique.fr/2000/03/LLUCH/13412)<br />

[4] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », http://web.amnesty.org/report<strong>2005</strong>/fra-summary-fra)<br />

[5] : (http://www.sosfrance.com)<br />

[6] : (Cf. REFLEXes n° 41, 1/1994 (REFLEXes, 21 ter rue<br />

Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[7] : (« Pétard mouillé », REFLEXes, n° 3, 2001,<br />

http://reflexes.samizdat.net/article.php3?id_article=1)<br />

[8] : (« Gladio toujours », Réseau Voltaire, 1/10/1999,<br />

(RV 99/0318), http://www.voltairenet.org/article791.html)<br />

[9] : (Réseau Voltaire, « L'OTAN restructure le réseau<br />

Gladio face aux immigrés, qualifiés de "menace clandestine<br />

à caractère permanent" », Notes d’Information du<br />

Réseau Voltaire, 9/9/1996, http://www.voltairenet.org/ar<br />

ticle2675.html)<br />

[10] : (Philippe Robert, « Le sentiment d’insécurité », in<br />

Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime et<br />

sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002, p. 367)<br />

« En fait », c’était l’équivalent suicidaire<br />

d’un individu isolé. Circulez !<br />

« Maxime Brunerie [...], le 14 juillet<br />

[2002, lors du défilé], a tiré sur Jacques<br />

Chirac. » [1] Il « était connu pour son<br />

appartenance à des mouvements néonazis<br />

et hooligans » [2] Il était « depuis<br />

le milieu des années 90 [un] supporter<br />

271 Sécurisons un peu


enthousiaste du Parti nationaliste français<br />

et européen [... PNFE,] héritier de la<br />

Fédération nationale européenne<br />

(FANE) qui jusqu'en 1980 fut le principal<br />

mouvement néo-nazi français. [... Il] fut,<br />

aussi, un candidat [...] du MNR de Bruno<br />

Mégret. [...] Brunerie militait [...] à Unité<br />

Radicale, une organisation créé en juin<br />

1998 par l'alliance du GUD, de Jeune<br />

Résistance et de l'Union des Cercles<br />

Résistance. Or, ce groupe "national-révolutionnaire"<br />

se battait [...] pour "apporter<br />

un soutien total à Bruno Mégret"<br />

Le lendemain de l'attentat, M. Mégret a<br />

"condamné avec force la tentative [sic]<br />

d'attentat et déploré que certains cherchent<br />

à en donner une signification,<br />

alors que l'auteur s'avère être à l'évidence<br />

un cas psychiatrique". » [1]<br />

« Maxime Brunerie aurait agi seul, selon les<br />

premiers éléments de l'enquête. Mais [...]<br />

on peut lire dans [...] Le manuel du soldat<br />

politique national-socialiste [3] [...] : "[...]<br />

L'action directe est aussi la plus claire<br />

démonstration du national-socialisme en<br />

action, souvent impliquant des actes de<br />

grand courage et d'héroïsme [...] Le<br />

niveau de précautions à prendre par quiconque<br />

envisage une forme d'action<br />

directe ne peut pas être surestimé.<br />

L'ennemi fera tout ce qui est en son pouvoir<br />

pour l'empêcher<br />

[... La tactique du "loup solitaire",] d'opérer<br />

seul et de ne parler à personne de<br />

vos plans [...,] est de loin l'approche la<br />

plus sûre puisque vous ne dépendez de<br />

personne pour l'accomplissement favorable<br />

de votre plan et que votre sécurité<br />

personnelle est entièrement dans vos<br />

mains..." » [1]<br />

« Ses tendances suicidaires, l’abus de<br />

drogue et d’alcool laissaient alors penser<br />

[affirmait-on] qu’il s’agissait [... de l’acte<br />

isolé] d’un illuminé. Pourtant, dans le<br />

sillage de Brunerie, la PJ est tombée sur<br />

Sécurisons un peu 272<br />

un certain nombre de fanatiques d’extrême<br />

droite animés d’une même haine<br />

contre les musulmans. Le 15 septembre<br />

2002, un commando s’en prenait au<br />

curé de Saint-Denis [...], qualifié de “collaborateur<br />

de l’invasion islamique”. Peu<br />

de temps après, l’un des principaux<br />

organisateurs de ce raid musclé, Nicolas<br />

de Clippel, un pote à Brunerie, se suicidait<br />

d’une balle dans la tête.<br />

Enfin, début 2003, les RG découvrent<br />

qu’un autre proche d’Unité radicale, [...]<br />

Florian Scheckler, caressait l’idée,<br />

comme l’explique un enquêteur, de “se<br />

faire péter la cervelle dans une mosquée”,<br />

et de préférence dans la Grande<br />

Mosquée de Paris. Histoire, a-t-il expliqué<br />

lors de son interrogatoire, de “tuer le<br />

maximum de musulmans”.<br />

Effectivement, ce kamikaze conservait<br />

chez lui des bouteilles d’acide chlorhydrique<br />

et une boîte de conserve remplie<br />

de peroxyde d’acétone, un explosif plutôt<br />

puissant » [4], qu’il mis « trois mois<br />

pour fabriquer [...] : "J’espère bien<br />

déclencher une nouvelle guerre de religion",<br />

assène-t-il. » [5]<br />

« Adeline Rimoux [..., proche de<br />

Scheckler mais aussi] fille du chef de<br />

cabinet du garde des Sceaux [...<br />

Dominique Perben, avait] fourni l’arme à<br />

feu avec laquelle Nicolas, le [...] "kamarade"<br />

de Scheckler, s’était donné la mort<br />

en octobre [2002]. » [6]<br />

On n’est pas obligé de mourir au combat.<br />

« Michel Lajoye avait adhéré au<br />

Front national à l'âge de 16 ans. Ensuite,<br />

il s'approcha du PNFE. Il s'était enfin<br />

convaincu "de combattre l'ennemi sioniste<br />

et tiers-mondiste par les armes". En<br />

1987, il a fini par placer une bombe<br />

dans un bar fréquenté par des travailleurs<br />

immigrés [Voir « Gladio contre<br />

les immigrés », p. 269]. A lui aussi, Unité<br />

radicale apporte un soutien sans


faille. » [1]<br />

Il faut toujours de la puissance pour la<br />

propagande ; et diverses plumes contribuent<br />

à Unité radicale. « Philippe Randa,<br />

éditorialiste vedette à Unité Radicale, est<br />

aussi directeur de la maison d'éditions et<br />

librairie en ligne Dualpha [7]. » [1]<br />

Broutilles. Mais certains s’inquiètent.<br />

« Un certain nombre de gens en Israël,<br />

en Russie et ailleurs, qui détestent les<br />

musulmans, cherchent à déstabiliser la<br />

France et Chirac, jugés trop pro-arabes.<br />

Et nous avons le sentiment qu’ils cherchent<br />

à instrumentaliser un certain<br />

nombre de têtes brûlées d’extrême droite.”<br />

Voilà résumées les craintes émises<br />

par un certain nombre de policiers et de<br />

magistrats. [... Au] parquet de Paris, [...<br />

on a] la conviction qu’il s’agit là d’une<br />

mouvance plus ou moins organisée. En<br />

effet, c’est par milliers qu’ils participent à<br />

de mystérieux forums de discussion antiarabes<br />

sur Internet, dont beaucoup d’ordinateurs<br />

serveurs sont basés en Russie.<br />

On [a arrêté] début août [2003] dans ce<br />

pays l’animateur du plus célèbre [ancien]<br />

site raciste SOS-Racaille. » [4] Un réseau<br />

d’individus isolés ?<br />

[1] : (« Le tireur nazi du 14 juillet », amnistia.net - Enquêtes<br />

interdites, 16/7/2002)<br />

[2] : (Communiqué de la Préfecture, cité in « Un militant<br />

d'extrême droite a tiré sur Jacques Chirac », Libération,<br />

14/7/2002)<br />

[3] : (Sur le site de "Blood and Honour/ Combat 18",<br />

http://www.skrewdriver.net)<br />

[4] : (Nicolas Beau, « Des anti-arabes au bord du terrorisme<br />

», Le Canard enchaîné, 27/8/2003, p. 3)<br />

[5] : (Sébastien Homer, « Ultra-droite Le testament de<br />

Florian Scheckler », L’Humanité, 12/2/2003,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2003-02-<br />

12/2003-02-12-258056)<br />

[6] : (Sébastien Homer, « Le "kamikaze" d’extrême droite<br />

jugé en septembre » L’Humanité, 28/7/2003,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2003-07-<br />

28/2003-07-28-376384)<br />

[7] : (http://www.dualpha.com)<br />

« "[Dans] l'exercice délicat qui consiste<br />

à affirmer du même mouvement sa<br />

propre excellence, la gravité toujours<br />

croissante du problème dont on s'occupe,<br />

et la nécessité de lui accorder<br />

toujours plus de ressources, le corps<br />

policier trouve un principe à la fois de<br />

dramatisation permanente et de<br />

revendications incessantes" [1]. » [2]<br />

Ça imprègne l’air du temps.<br />

« "Nous rétablirons la sécurité" ; [...]<br />

"Assez de laxisme" ; "Plus de policiers sur<br />

le terrain" ; "Une répression plus efficace"<br />

; "Des sanctions déterminées et dissuasives".<br />

Voici quelques-uns des slogans<br />

[... depuis les] élections municipales<br />

[de mars 2001]. De l'extrême droite<br />

à la gauche plurielle [..., la] sécurité<br />

est devenue [alors] l'un des principaux<br />

sujets de débats [...]. A croire que les<br />

autres préoccupations (l'emploi, les<br />

transports, la pollution, les crèches, les<br />

écoles, les projets urbains, [etc.]) ont disparu<br />

» [3].<br />

Ce n’est cependant pas récent. Déjà, la<br />

« fin du XIX e siècle voit augmenter sensiblement<br />

la part rédactionnelle consacrée<br />

aux crimes dans toute la presse, y compris<br />

“de qualité”. » [4] C’est donc une<br />

vieille antienne : « "L'insécurité est à la<br />

mode, c'est un fait" [5]. [... Indémodable.]<br />

Le problème a provisoirement<br />

disparu avec la guerre de 14-18 [..., où]<br />

une bonne partie [... de quelques classes<br />

273 Sécurisons un peu


d'âge a péri. Puis, va] de nouveau<br />

inquiéter [... avec] les cohortes nées [lors<br />

du "baby boom"] après la Libération [...,<br />

quand elles] arrivent à l'adolescence.<br />

[... L'été 1959,] les médias inventent [...<br />

les] "Blousons noirs" pour désigner [les]<br />

jeunes délinquants [... ;] on évoque des<br />

groupes rivaux [...] d'une centaine de<br />

jeunes [...,] leur violence, [...] fulgurante<br />

et "irrationnelle" voire "gratuite" (déjà !).<br />

Les propos les plus catastrophistes [...] et<br />

les explications moralisatrices sont [fréquentes]<br />

: laxisme des familles, perte des<br />

valeurs morales, influence de la culture<br />

de masse américaine [...]. Le préfet de<br />

Paris, Maurice Papon [Voir « Barricades<br />

Academy », p. 120], se demande avec<br />

d'autres s'il ne faudrait pas interdire le<br />

rock n' roll [...].<br />

Sécurisons un peu 274<br />

On reprochait d'abord aux "Blousons<br />

noirs" des affrontements violents entre<br />

grandes bandes [...], autour de "territoires",<br />

mais [...] aussi des "descentes"<br />

dans les centres-villes, dans des fêtes<br />

[...,] saccageant tout sur leur passage.<br />

[... Mais aussi] des viols collectifs [...,] la<br />

plus grosse partie de la criminalité<br />

sexuelle juvénile [... jugée] dans les<br />

années 1960.<br />

[... Et on leur reprochait également]<br />

d'"emprunter" [un] véhicule pour une<br />

"virée" d'un soir, [...] puis de l'abandonner<br />

au retour sur le bas-côté de la route<br />

[..., voire parfois], l'alcool aidant, [... de<br />

provoquer] des accidents de la route. [...<br />

Enfin, on condamnait aussi des] actes de<br />

vandalisme tournés [... surtout] contre<br />

les institutions (école, bâtiments publics)<br />

et les lieux publics ([... offrant] une visibilité<br />

très forte à leur action [... comme<br />

les] incendies de voitures d'aujourd'hui).<br />

[... Mais, eux] ne connaissaient [que<br />

peu] les drogues [...,] avaient la peau<br />

bien blanche, ne se sentaient pas victimes<br />

d'un complot de la société ourdi<br />

contre eux et n'entraient qu'exceptionnellement<br />

dans des rapports de force<br />

collectifs et violents avec la police. [...]<br />

Le discours sur "les jeunes ultra-violents<br />

qui font des choses qu'on a jamais vues"<br />

[… prévaut cependant toujours actuellement<br />

et veut conclure] sur "la prévention<br />

qui a échoué et le besoin de passer<br />

maintenant à autre chose", c'est-à-dire à<br />

la prison. » [6] [Voir « Au moins, tu<br />

pleures pour quelque chose ! », p. 298]<br />

Le « sentiment d'insécurité [... est mû par<br />

l'émotionnel,] le spectaculaire [..., et<br />

promu par une] rhétorique [...] développée<br />

depuis des années par des instituts<br />

de recherches dépendants du ministère<br />

de l'Intérieur et par certains "consultants"<br />

intéressés [..., comme] le duo [...] Alain<br />

Bauer [Voir « Le fond de Bauer effraie »,


p. 235] et [...] Xavier Raufer [Voir<br />

« Raufer raille », p. 242], qui, sous couvert<br />

d'expertise savante, alimentent les<br />

peurs urbaines et vendent de la sécurité<br />

"clés en mains" aux collectivités locales<br />

en maniant allègrement références<br />

pipées, chiffres bidons et concepts douteux<br />

("zéro-tolérance", "zone de nondroit",<br />

etc.). » [3] [Voir « Que sais-je ?<br />

Que fait la police ? », p. 237]<br />

Nombre « de hauts fonctionnaires sont<br />

convaincus par des discours et des<br />

représentations sociales déjà constitués<br />

dont ils héritent. De plus, [... éloignés]<br />

du terrain, ils [... fondent] leurs analyses<br />

[...] sur des lectures [...], des conversations,<br />

etc. » [2] Au centre du dispositif de<br />

la propagande, « des pseudo-experts<br />

[..., aux] accointances fortes avec l'idéologie<br />

d'extrême droite [...,] reprennent<br />

largement les schémas intellectuels qui<br />

permettaient d'analyser le terrorisme<br />

d'extrême gauche dans les années 70,<br />

ensuite ils les plaquent [...] sur les phénomènes<br />

de terrorisme des extrémistes<br />

musulmans d'aujourd'hui, ils situent ça<br />

[...] dans les banlieues [..., en y mêlant<br />

un peu] de drogue... On retrouve parmi<br />

ces experts certains policiers [... ou] militaires<br />

qui ont fait la guerre d'Algérie. » [7]<br />

[Voir « Barricades Academy », p. 120] Des<br />

connaisseurs.<br />

[1] : (D. Monjardet, « Ce que fait la police. Sociologie de<br />

la force publique », La Découverte, 1996)<br />

[2] : (Laurent Mucchielli, « Quand la hiérarchie policière<br />

analyse la "violence urbaine" », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 17/4/2001)<br />

[3] : (Roland Pfefferkorn, « La sécurité : un argument électoral<br />

manipulateur », amnistia.net – Les Enquêtes interdites,<br />

13/4/2001)<br />

[4] : (« Gilles Balbastre, « Un certain effet de brouillage... »,<br />

Le Monde diplomatique, 12/2004, p. 15,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/12/BAL-<br />

BASTRE/11720)<br />

[5] : (En 1907, à la une du journal La Petite République)<br />

[6] : (Laurent Mucchielli, « "Apaches", "Blousons noirs",<br />

"sauvageons" et autres "racailles" : la longue histoire de la<br />

peur des jeunes délinquants », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, n° 28, 21/12/2002, d’après<br />

http://www.groupeclaris.com)<br />

[7] : (Laurent Mucchielli, entretien vidéo réalisée par<br />

Enrico Porsia, « Insécurité, immigration, terrorisme : la<br />

force dévastatrice de l'amalgame », amnistia.net - Les<br />

Enquêtes interdites, s. d.)<br />

Depuis « plus de vingt ans, le débat<br />

public sur "l'insécurité" tourne<br />

autour de [...] la relation supposée<br />

entre délinquance et immigration<br />

[..., visant] d'une part les étrangers [...,<br />

surtout] ceux qui séjournent clandestinement<br />

[...], d'autre part les "jeunes issus<br />

de l'immigration", pour la plupart de<br />

nationalité française, [... surtout] les<br />

jeunes d'origine maghrébine et noire<br />

africaine. [... L'extrême] droite et une<br />

partie de la droite [... s’opposaient dans<br />

ce débat à] la gauche et [aux] mouvements<br />

anti-racistes. [... Mais, au] tournant<br />

des années 1980 et 1990, "l'affaire<br />

du voile islamique" [Voir « Le syndrome<br />

de Narkozy », p. 664], le surgissement<br />

des "émeutes urbaines" [Voir « Vile<br />

Insécurité », p. 243] puis le contexte de<br />

la Guerre du Golfe [Voir « Béni<br />

Hill », p. 552] ont beaucoup accru la<br />

peur du monde arabe en France.<br />

Ensuite, le tournant politique du Parti<br />

socialiste et du gouvernement Jospin,<br />

depuis 1997 [Voir « Jospin dans la gueule<br />

», p. 224], sur [...] la "sécurité" et en<br />

particulier [...] la délinquance juvénile<br />

[Voir « Jospin de sucre », p. 299], a [...]<br />

atténué fortement la critique traditionnelle<br />

de gauche et permis l'expression<br />

plus libre de discours désignant comme<br />

principaux responsables les étrangers et<br />

275 Sécurisons un peu


les jeunes issus de l'immigration.<br />

Symbole [... de la palinodie], le président<br />

de SOS Racisme (un homme d'origine<br />

maghrébine) déclarait [...] : "cette surdélinquance<br />

des jeunes issus de l'immigration<br />

est visible par la société et il est<br />

dans notre intérêt de briser le<br />

tabou" [1]. » [2]<br />

Les « discours dominants à prétention<br />

savante [... sont] ceux de responsables<br />

policiers et d'"experts" liés au marché<br />

privé de la sécurité [3] » [2] [Voir « Et que<br />

se perd en route... », p. 234], dénonçant<br />

surtout « "la dissolution du principe d'autorité<br />

dans la société [..., en renvoyant]<br />

la responsabilité [... des] difficultés de<br />

[la] pratique [policière] quotidienne<br />

[... à] la famille, l'école et la justice" [4] ;<br />

[... et dénonçant] "les difficultés endémiques<br />

entre la police et les groupes<br />

sociaux qui, pour des raisons structurelles,<br />

se plient moins facilement que<br />

d'autres à cette imposition d'autorité :<br />

les jeunes [... et] les minorités ethniques<br />

[...]" [4]. » [5] :<br />

Nous « serions face à une jeunesse désocialisée,<br />

sans repères moraux et sociaux,<br />

pourvue de parents "démissionnaires".<br />

[... Ces] jeunes [...] massivement "toxicomanes"<br />

[... (haschich)] deviendraient fatalement<br />

des trafiquants [... s'organisant]<br />

en bandes délinquantes et armées, organisant<br />

toute une économie souterraine<br />

dans leur cités, empêchant la police d'y<br />

entrer et terrorisant les environs. Les<br />

incendies de voitures serviraient uniquement<br />

à faire disparaître les voitures<br />

volées, tandis que les émeutes ne<br />

seraient en rien l'expression d'un sentiment<br />

d'injustice mais simplement un<br />

moyen de tenir à distance la police pour<br />

mieux protéger les trafics.<br />

Et [...] les plus âgés initieraient les plus<br />

jeunes » [2] « pour faire le guet, transporter<br />

la drogue, etc. » [5] dans « un<br />

Sécurisons un peu 276<br />

véritable "système mafieux" organisé<br />

autour de quelques familles contrôlant<br />

peu à peu tout un quartier et utilisant les<br />

jeunes » [2] « pour se protéger de la police<br />

[6], la criminalisation des familles ne<br />

se limitant pas aux fratries mais atteignant<br />

également les parents [7]. » [5]<br />

« Ainsi, [...] avec son commandement de<br />

grands trafiquants organisés et sa piétaille<br />

de jeunes adolescents désocialisés,<br />

c'est une véritable "armée délinquante"<br />

[..., un] ennemi de l'intérieur, prêt à renverser<br />

l'ordre social [...] : cet ennemi est<br />

étranger dans le sang et le demeure<br />

dans l'âme. » [5]<br />

Il « s'agirait [... de] familles maghrébines<br />

[... pour] des raisons "culturelles". » [2]<br />

« [... Le] commissaire Bousquet précise<br />

[...] : "jugé peu dangereux par la tradition<br />

[...] maghrébine, légitimé par son<br />

impact économique positif, le trafic de<br />

haschisch [...] soutient la capacité de<br />

consommation du quartier. Facteur de<br />

paix sociale, il maintient sur le quartier le<br />

voile du silence mafieux" [6].<br />

[... Le commissaire poursuit. :] "[En quinze<br />

ans], l'ethnicisation croissante des<br />

banlieues s'est accompagnée d'un doublement<br />

de la population musulmane<br />

dont désormais la religion constitue l'axe<br />

structurant [...]. Différent de la religion<br />

fataliste et résignée des pères, l'islam [...<br />

peut] conduire à l'opposition aux valeurs<br />

d'une société perçue comme pratiquant<br />

l'exclusion économique et sociale. Il conduit<br />

à la méfiance à l'égard des institutions<br />

et au repli communautaire" [6]. [...]<br />

Le policier invoque ici l'autorité du chercheur<br />

[...] F. Khosrokhavar qui distingue<br />

[pourtant] nettement un processus très<br />

majoritaire d'appropriation positive et<br />

constructive de l'Islam, facteur de stabilisation<br />

psychologique et sociale des<br />

jeunes, d'un processus très minoritaire<br />

d'appropriation purement réactive qui


ationalise le rejet de la société française<br />

et justifie [...] la violence à son égard. [...<br />

Le] commissaire [... va] simplement [...]<br />

inverser les proportions pour faire de la<br />

dérive violente le risque non pas mineur<br />

mais véritablement central de l'islamisation<br />

des quartiers.<br />

Ainsi se profile la menace suprême, le<br />

terrorisme de grande échelle. "L'aventure<br />

du djihad" fournit en effet un "modèle<br />

héroïque" d'identification à "des<br />

jeunes déjà formés par la délinquance et<br />

l'action illégale" [6]. Ainsi [s'expliquerait]<br />

comment le Groupe Islamiste Armé (GIA)<br />

a pu organiser les terribles attentats qui<br />

ont frappé les parisiens en 1995. Le cas<br />

de Khaled Kelkal devient [...] emblématique<br />

d'un processus général » [5] [Voir<br />

« Algérie aux éclats », p. 248].<br />

Et le leurre peut durer un bon peu. Ainsi,<br />

arrêté en 1993, « Moussa Kraouche, leader<br />

suspecté d'une puissante “association<br />

de malfaiteurs en relation avec une<br />

entreprise terroriste”, a [finalement, en<br />

2000,] bénéficié d'un non-lieu à cause<br />

“d'une construction de preuves pure et<br />

simple [...]” » [8], par la police antiterroriste,<br />

dirigée alors par Roger Marion.<br />

« [Ce] discours [...] simplificateur, catastrophiste<br />

et ultra-stigmatisant [..., trahit<br />

des] intentions implicites :<br />

- 1. Accréditer l'idée d'un engrenage toujours<br />

plus dangereux, de jeunes de plus<br />

en plus jeunes, etc.<br />

- 2. Evacuer la dimension politique du<br />

comportement agressif des jeunes<br />

envers les institutions (en ramenant tout<br />

au "système mafieux").<br />

- 3. Dissimuler la coresponsabilité policière<br />

dans la tension permanente [...<br />

dans] certains quartiers ainsi que dans le<br />

déclenchement direct de certaines<br />

émeutes.<br />

- 4. Défendre une conception répressive<br />

du [...] policier [...] au détriment d'une<br />

conception préventive centrée sur la<br />

qualité de vie quotidienne des citoyens<br />

(prévenir les conflits interpersonnels,<br />

retrouver plus souvent les biens volés,<br />

dissuader les cambriolages). » [5]<br />

Il « existe [donc] une présomption de culpabilité<br />

et [...] de dangerosité pesant sur<br />

les jeunes d'origine immigrée, [... surtout]<br />

maghrébine. » [5] Ce « racisme policier<br />

anti-jeune et anti-immigré [... est]<br />

constitutif de [...] la culture professionnelle<br />

des policiers, bénéficiant d'une<br />

tolérance inédite [...] ([... La police française<br />

a été] plusieurs fois citée dans les<br />

rapports annuels d'Amnesty International<br />

[... ; et, pour l’exemple,] un arrêt de<br />

la Cour européenne des droits de l'homme<br />

du 28 juillet 1998 [condamna] la<br />

France pour torture suite aux violences<br />

infligées par cinq policiers à un prévenu<br />

maghrébin au cours d'une garde à<br />

vue.).<br />

[... On note aussi] un dénigrement du<br />

rôle de ces agents de médiation [..., dits]<br />

"grands frères", une volonté de criminaliser<br />

les associations islamiques ainsi<br />

qu'une dénonciation particulièrement<br />

virulente des soutiens associatifs et [militants,]<br />

que rencontrent parfois les<br />

[jeunes,] dans leurs critiques à l'égard<br />

des policiers.<br />

Au fond, les policiers reprennent ici des<br />

schémas [très] utilisés dans les années<br />

70 face notamment au terrorisme [dit]<br />

d'extrême gauche. [... Leur] discours<br />

s'apparente à une théorie du complot<br />

[Voir « “Théorie du complot” », p. 24] et<br />

nourrit l'image de la police comme dernier<br />

rempart avant l'invasion, la guerre,<br />

le chaos. » [5]<br />

[1] : (Le Figaro, 25/4/2002)<br />

[2] : (Laurent Mucchielli, « Délinquance et immigration :<br />

des préjugés à l'analyse », amnistia.net - Les Enquêtes<br />

interdites, n° 23-24, 12/9/2002, d’après le<br />

http://www.groupeclaris.com d’alors)<br />

277 Sécurisons un peu


[3] : (Laurent Mucchielli, « Violences et insécurité.<br />

Fantasmes et réalités dans le débat français », La<br />

Découverte, 4/2001)<br />

[4] : (D. Monjardet, « Ce que fait la police. Sociologie de<br />

la force publique », Paris, La Découverte, 1996)<br />

[5] : (Laurent Mucchielli, « Quand la hiérarchie policière<br />

analyse la "violence urbaine" », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 17/4/2001)<br />

[6] : (Richard Bousquet, « Insécurité : nouveaux risques.<br />

Les quartiers de tous les dangers », L'Harmattan, 1998<br />

(préface de Alain Bauer) ; « Insécurité : nouveaux enjeux.<br />

L'expertise et les propositions policières », L'Harmattan,<br />

1999)<br />

[7] : (Lucienne Bui-Trong, « L'insécurité des quartiers sensible<br />

: une échelle d'évaluation », Les cahiers de la sécurité<br />

intérieure, 1993, n° 14 ; « Résurgence de la violence en<br />

France », Futuribles, 1996, n° 206 ; « Incivilités et violences<br />

juvéniles collectives dans les quartiers sensibles »,<br />

Les cahiers dynamiques, 1996, n° 4 ; « Le business comme<br />

système de vie », Informations sociales, 1997, n° 62 ; « Les<br />

rapports des jeunes avec l'autorité policière », Migrants-<br />

Formation, 1998, n° 112)<br />

[8] : (Patricia Tourancheau, « Des preuves créées de toutes<br />

pièces. », Libération, 6/7/2000, p. 17)<br />

Sécurisons un peu 278<br />

Comment voulez-vous qu’on arrête le<br />

réseau de trafiquants de chiffres ?<br />

Il ne faut « pas confondre la montée de<br />

la peur, de l’intolérance ou de la préoccupation<br />

du crime avec l’augmentation<br />

du crime lui-même. » [1] La « presse a<br />

[plusieurs fois] repris aveuglément la<br />

pseudo-information faisant état de la<br />

"hausse de la délinquance", alors » [2]<br />

qu’il « s'agit des résultats de l'activité des<br />

policiers et des gendarmes, non de celle<br />

des délinquants. [...]<br />

La statistique policière est alimentée [...]<br />

par ce que les victimes signalent » [3],<br />

« et que [la police et la gendarmerie]<br />

acceptent d'enregistrer » [2], et, d’autre<br />

part, « par ce que les policiers trouvent<br />

eux-mêmes. » [3] « La [première] catégorie,<br />

les trois-quarts de la délinquance<br />

chiffrée, dépend pour l'essentiel de<br />

conditions socio-économiques [...], du<br />

niveau de chômage et de précarité [...,<br />

lié au] niveau de la petite délinquance<br />

[...], du type de biens [..., et] de la propension<br />

des victimes à déposer une<br />

plainte, [...] l'indemnisation par les assurances<br />

[... impliquant] récépissé de<br />

dépôt de plainte » [2].<br />

« La [seconde] catégorie représente<br />

environ un quart du chiffre global, elle<br />

dépend largement de la manière, dont<br />

la police travaille et de son efficacité<br />

dans [l'enregistrement] de faits. [...] Le<br />

développement [d’une] police dite "de<br />

proximité", qui vise à rassurer les habitants<br />

et qui repère notamment un certain<br />

nombre de petits délits qui autre-


ment passeraient à la trappe, se traduira<br />

donc [...] par une "insécurité" croissante<br />

! » [2] Et là, le « "contrôle au faciès" est<br />

[...] célèbre. [...]<br />

Deux spécialistes de la police résument<br />

[...] : "Tous les travaux d'observation<br />

menés auprès de la police concluent à<br />

l'existence d'un discours raciste généralisé,<br />

[...] véritable norme à laquelle il est<br />

difficile, lorsqu'on est policier de base,<br />

d'échapper et plus encore<br />

de s'opposer. Le<br />

caractère normatif de ce<br />

racisme policier en fait<br />

avant tout un élément<br />

de la culture policière,<br />

distinct du racisme<br />

ambiant […, et qui] a<br />

essentiellement un<br />

caractère construit. [...]<br />

L'habitude de juger les<br />

individus en fonction de<br />

leurs caractéristiques<br />

ethniques supposées<br />

s'acquiert sur le tas, au<br />

cours de la socialisation<br />

professionnelle […],<br />

dans la mesure où la police de la rue renvoie<br />

avant tout à une conception de la<br />

normalité conçue comme adéquation<br />

d'un type de population, d'un espace et<br />

d'un moment donnés. Tout décalage<br />

entre ces trois paramètres déclenche le<br />

soupçon policier et peut déboucher sur<br />

une intervention" [4]. [... Il y a donc] tri<br />

sélectif des policiers. » [3]<br />

Qui se drogue ? Collégiens et lycéens<br />

« consomment du cannabis dans tous<br />

les milieux sociaux, [... surtout, même,]<br />

dans les milieux aisés. Or, les personnes<br />

mises en cause par la police même pour<br />

simple usage de cannabis sont massivement<br />

des jeunes issus de milieux populaires<br />

[5]. [Vu les] conséquences du "tri<br />

ethnique" et du tri social opérés par les<br />

policiers [..., les] chiffres sont donc à<br />

prendre avec une grande précaution.<br />

[... On maintient aussi] la confusion<br />

entre trafic international et revente locale<br />

[... Au] sein des étrangers arrêtés pour<br />

trafic de drogues » [3], « nombre [...]<br />

sont [interpellés] dans les aéroports et ne<br />

sont pas [résidents] en France » [3]. Par<br />

ailleurs, « on rencontre d'une part des<br />

clandestins issus majoritairement de<br />

pays africains, qui vivent dans la précarité<br />

au bas de l'échelle du<br />

trafic, d'autre part des<br />

ressortissants de pays<br />

exportateurs de cannabis<br />

([... comme] le<br />

Maroc) qui travaillent<br />

dans le cadre de réseaux<br />

mixtes dans lesquels les<br />

positions dominantes<br />

sont tenues par des<br />

Français d'origine française<br />

[6]. » [3]<br />

Autre exemple, pour « les<br />

trafics de drogue à la<br />

frontière franco-espagnole<br />

[...,] l'implication au<br />

plus haut niveau de<br />

jeunes hommes blancs issus de milieux<br />

aisés est inconnue de la police qui se<br />

concentre sur les revendeurs [..., souvent<br />

issus] de la communauté gitane [5]. » [3]<br />

Les étrangers sont plus souvent appréhendés.<br />

« Au recensement de 1999, la<br />

France comptait 58,5 millions d'habitants<br />

en métropole, [...] 90,4 % de<br />

Français de naissance, 4 % de Français<br />

par acquisition [de la nationalité] et<br />

5,6 % d'étrangers (dont 43,5 % [... d’africains]<br />

et, plus précisément, 35 % [...] du<br />

Maghreb). [... Mises à part les] "infractions<br />

administratives" dans lesquelles les<br />

étrangers sont par définition sur-représentés<br />

[..., tels les] délits à la police des<br />

étrangers, [... les] faux documents<br />

d'identité et autres documents administratifs<br />

et [...] de travail clandestin [..., les<br />

279 Sécurisons un peu


mises en cause] de personnes étrangères<br />

[...] en 2000 [ont] été d'environ<br />

89.000, [... avec] 11 % du total des personnes<br />

mises en cause [..., soit deux fois<br />

le pourcentage d’étrangers] (5,6 %). [...<br />

Il y a] de fortes disparités.<br />

Les étrangers [...] ne sont pas particulièrement<br />

[identifiés comme] auteurs de<br />

vols de [... ou dans les voitures], ni de<br />

destructions et de dégradations de biens<br />

publics, et ils ne sont pas beaucoup plus<br />

souvent accusés de cambriolages et<br />

d'agressions<br />

sexuelles.<br />

L'écart se<br />

creuse par<br />

contre avec<br />

des infractionscomme<br />

les violences<br />

et<br />

outrages<br />

envers les<br />

policiers, les<br />

ports et<br />

détentions<br />

d'armes<br />

prohibées,<br />

les vols avec<br />

violence mais sans arme à feu ou encore<br />

les homicides.<br />

« Les logiques sélectives du travail de<br />

police [...] vident [évidemment] de tout<br />

fondement la sur-représentation dans la<br />

catégorie des "violences et outrages à<br />

dépositaires de l'autorité" (c'est-à-dire à<br />

policiers). » [3]<br />

« Au fond, [...] les vols à la tire [paraissent]<br />

commis presque une fois sur deux<br />

par un étranger ; [... et le] trafic de<br />

drogue [une fois sur quatre] » [3] ; « un<br />

étranger sur huit mis en cause [... l’est]<br />

pour vol à l'étalage ; [... et un] sur sept<br />

[...] pour coups et blessures ([...]<br />

bagarres) ; les étrangers sont nettement<br />

sur-représentés en matière d'homicides<br />

Sécurisons un peu 280<br />

et de tentatives d'homicides, même s'il<br />

s'agit de petits nombres [..., surtout des<br />

personnes venant] du Maghreb et [du]<br />

Portugal [..., et] presque exclusivement<br />

[des] milieux populaires précarisés » [3].<br />

Et « les homicides jugés en cours d’assises<br />

sont massivement commis au sein<br />

de la fraction la plus déstructurée de la<br />

population française sur le triple plan<br />

familial, social et économique. [...<br />

Comme] si ces personnes tuaient d’autant<br />

plus facilement que, d’une part elles<br />

étaient accoutumées<br />

depuis l’enfance<br />

à un<br />

environnementaffectifparticulièrement<br />

pauvre, voire<br />

violent,<br />

d’autre part<br />

elles n’avaient<br />

en<br />

somme pas<br />

grand chose<br />

à perdre<br />

dans la vie<br />

sociale. » [7]<br />

En fait, « sur les 1200 meurtres annuels,<br />

en France, la moitié sont passionnels, et<br />

[...] l'endroit le plus dangereux [...] n'est<br />

pas une cité de banlieue, mais une<br />

chambre à coucher ordinaire [... Par<br />

ailleurs, comme] la plus effroyable des<br />

insécurités est l'insécurité sociale […,] les<br />

accidents du travail continuent de tuer<br />

autant que les assassins, [et] au cours<br />

des 20 prochaines années, 100.000 [...<br />

travailleu-r-se-s] mourront des suites de<br />

l'intoxication à l'amiante. » [8] sans préjuger<br />

du reste [Voir « Le travail libère »,<br />

p. 496].<br />

La « surreprésentation des étrangers<br />

dans les délinquances enregistrées


[semble] liée en réalité à leurs conditions<br />

de vie. » [3]<br />

C’est donc « une sur-délinquance de<br />

miséreux : petits voleurs [...], petits<br />

revendeurs de drogue, bagarreurs et<br />

parfois meurtriers [9] [...] ; « version<br />

moderne de la sur-délinquance traditionnelle<br />

des milieux sociaux les plus précarisés<br />

[...] depuis le 19 e siècle [..., avec]<br />

le chômage et les accidents du travail<br />

chez les pères, précarité [...] qui<br />

bloque l'accès à<br />

de nombreuses<br />

ressources et<br />

génère un fort<br />

sentiment de<br />

frustration chez<br />

les enfants,<br />

familles nombreuses<br />

vivant<br />

dans peu d'espace,<br />

[... les<br />

enfants prenant]<br />

la rue<br />

comme terrain<br />

de jeux et d'expériences<br />

[...]<br />

([... d’où] à la<br />

fois une intense<br />

sociabilité juvénile<br />

et des problèmes de surveillance<br />

parentale), faible niveau scolaire ne permettant<br />

pas un soutien à la scolarité des<br />

enfants, fréquence [... accrue] des cas de<br />

troubles psychologiques et d'alcoolisme<br />

chez les parents. [... Et avec le] statut<br />

d'étranger en France : la [...] précarité<br />

juridique (qui oblige certains parents à<br />

faire des allers-retours réguliers au pays<br />

d'origine), le racisme et les discriminations<br />

qui compliquent singulièrement<br />

l'accès au logement, à l'emploi et aux<br />

loisirs.<br />

Fragilités familiales, précarité socio-économique,<br />

contexte urbain très dégradé,<br />

fratries larges, forte sociabilité juvénile<br />

locale, handicaps scolaires, etc., on<br />

retrouve bien tous ces facteurs dans<br />

l'analyse de la délinquance juvénile des<br />

quartiers populaires. » [3]<br />

Quartiers à fric ? « En France, les ressortissants<br />

des pays africains - et leurs<br />

enfants [...] - sont globalement dans une<br />

situation socio-économique précaire,<br />

voire très précaire. Ils [... sont] sur-représentés<br />

dans les métiers ouvriers [les plus<br />

précaires,] les moins qualifiés, les plus<br />

pénibles<br />

et les plus<br />

dangereux<br />

[...]. Ils<br />

sont [deux<br />

fois] plus<br />

touchés<br />

par le chômage<br />

[...]<br />

et, parmi<br />

[les Maghrébins],<br />

le taux de<br />

chômage<br />

de la tranche<br />

des<br />

15-24 ans<br />

[dépasse<br />

50 %]<br />

[10] » [3]. « Loin de présenter des spécificités<br />

liées à telle ou telle culture, la<br />

délinquance des étrangers de nationalité<br />

africaine semble avant tout être une<br />

délinquance de pauvres, assez comparable<br />

aux problèmes posés jadis par des<br />

populations françaises ou par d'autres<br />

populations étrangères en période de<br />

crise économique. » [3]<br />

La « source statistique [...] de la police<br />

[...] donne trois [cases] sur les personnes<br />

[...] faisant l'objet de procès-verbaux<br />

transmis à la justice) : [... mâle ou femelle,]<br />

majeur ou [... mineur et français ou<br />

non,] donc pas d'information sur les personnes<br />

issues de l'immigration » [3].<br />

281 Sécurisons un peu


« Pour s'enquérir de la délinquance des<br />

fameux "jeunes issus de l'immigration", il<br />

faut donc rechercher des données d'enquêtes<br />

construites par les chercheurs.<br />

[... On a par exemple analysé [11] [...]<br />

les patronymes [...] de délinquants identifiés<br />

par la police [... On peut comparer.<br />

Dans] une ville [...] comme Amiens<br />

[..., sans handicap notable], il n'y a pas<br />

de surdélinquance des jeunes issus de<br />

l'immigration africaine [..., par rapport<br />

aux] autres jeunes issus de familles<br />

pauvres. » [3] Mais, « dans le pays<br />

Mantois (Mantes-La-Jolie, Mantes-La-Ville<br />

et Les Mureaux), zone dite sensible de<br />

l'agglomération parisienne concentrant<br />

[...] les handicaps économiques et<br />

sociaux, les grands ensembles et leur<br />

population massivement étrangère et<br />

d'origine étrangère ([...] les "quartiers<br />

d'exil" [12]) [..., il] existe une forte surdélinquance<br />

des jeunes issus de l'immigration<br />

africaine (autant d'Afrique noire que<br />

du Maghreb).<br />

[... Le] comportement des jeunes issus<br />

de l'immigration varie fortement selon le<br />

contexte local ([... mais] la discrimination<br />

policière [... peut-être aussi]). [... La]<br />

délinquance des jeunes (généralement<br />

Français) issus de l'immigration africaine,[...]<br />

ne présente de spécificités que<br />

dans certains contextes urbains bien précis,<br />

lorsque le sentiment d'être "ghettoïsé"<br />

est tel qu'il discrédite les institutions,<br />

légitime certaines pratiques délinquantes<br />

et amène à répondre par la<br />

force aux pratiques discriminatoires de la<br />

police. » [3]<br />

« Logiquement, cette population pauvre<br />

se concentre dans les quartiers qui font<br />

l'objet des politiques de la ville [13]. En<br />

1992, [... déjà,] 500 quartiers faisaient<br />

l'objet d'un contrat de ville [... avec] 3<br />

millions d'habitants [..., et] sur-représentation<br />

des étrangers, des jeunes de<br />

moins de 20 ans et des familles nom-<br />

Sécurisons un peu 282<br />

breuses [...,] la part d'étrangers dans les<br />

moins de 15 ans [était multipliée par 3,<br />

dépassant 20 %] » [3].<br />

Quand « on laisse s’accumuler dans un<br />

quartier les signes du désordre social<br />

(ivresse, bandes, harcèlement et violence<br />

dans la rue, trafics de drogue) et ceux<br />

de désordre physique (vandalisme,<br />

abandon de bâtiments, accumulation<br />

[...] de déchets), on sape les mécanismes<br />

de contrôle informel [entre les personnes],<br />

le sentiment d’insécurité s’accroît<br />

tout comme la délinquance, le marché<br />

du logement est déstabilisé, toutes<br />

les familles qui en ont les moyens cherchent<br />

à aller habiter ailleurs pour échapper<br />

à la stigmatisation d’une zone qui<br />

s’engouffre dans une spirale de désordre<br />

[... ; la] peur au domicile [... augmentant]<br />

dans des quartiers en difficulté [...,]<br />

qu’on ne peut quitter faute de ressources<br />

suffisantes. » [14].<br />

« Dans ces grands ensembles dégradés<br />

des banlieues des grandes agglomérations,<br />

où la population étrangère et<br />

d'origine étrangère est généralement<br />

très majoritaire, où le taux de chômage<br />

est particulièrement élevé, où la proximité<br />

avec des centres-villes attractifs accen-


tue encore la frustration et le sentiment<br />

d'exclusion, où les jeunes disent souvent<br />

[...] vivre dans des "ghettos", où leurs<br />

relations avec la police sont généralement<br />

détestables, les représentations<br />

collectives des jeunes se rigidifient à un<br />

point tel qu'elles confinent parfois avec<br />

une théorie du complot [Voir « “Théorie<br />

du complot” », p. 24] : le complot d'une<br />

société injuste et raciste [15] » [3], « qui<br />

les maintient volontairement dans des endroits<br />

de misère et qui protège les grands<br />

délinquants et les puissants<br />

tandis qu'elle s'acharne sur<br />

les petits... » [16]<br />

« Les comportements délinquants<br />

juvéniles trouvent<br />

ici de puissants arguments<br />

déculpabilisateurs. Mais [...<br />

le] sentiment de vivre dans<br />

un ghetto ne légitime pas<br />

la violence contre des personnes<br />

privées comme le<br />

meurtre ou le viol. L'enfermement<br />

dans l'espace<br />

micro-local peut générer<br />

par contre da-vantage de<br />

violences entre jeunes de<br />

villes et de quartiers frontaliers.<br />

» [3]<br />

Cette « révolte des jeunes<br />

des quartiers populaires<br />

était il y a vingt ou trente<br />

ans structurée politiquement.<br />

Il y avait [...] des<br />

acteurs dans les quartiers,<br />

[...] des militants, des syndicalistes,<br />

des éducateurs. [... Toute] cette<br />

structure de représentation des jeunes<br />

des quartiers populaires s'est globalement<br />

effondrée au cours des années 80,<br />

mavec le tournant idéologique de la<br />

gauche, l'arrivée du Front National,<br />

l'échec des mouvements antiracistes qui<br />

venaient de la base, cette vague de<br />

racisme qui s'est aussi révélée dans l'af-<br />

faire du voile islamique en 89... [Voir<br />

« Le syndrome de Narkozy », p. 664]<br />

Tout ce message global a été ressenti<br />

comme un terrible abandon dans les<br />

quartiers, et le fait est que sur le terrain<br />

tous ces militants ont déserté [ces] quartiers<br />

» [16]. Mais d’au-tres secourables initiatives<br />

voient le jour. « L’association<br />

niçoise d’extrême droite Soulidarieta a<br />

décidé de servir aux plus démunis une<br />

soupe avec des morceaux de lard pour<br />

être sûr d’éconduire les SDF juifs et musulmans<br />

» [17].<br />

« La "violence urbaine"<br />

est une expression<br />

[... qui] s'est<br />

ancrée dans les discours<br />

médiatiques,<br />

policiers et parfois<br />

scientifiques [...], à<br />

l'occasion d'une nouvelle<br />

série d'émeutes<br />

urbaines qui commence<br />

à Vaulx-en-<br />

Velin, dans la banlieue<br />

de Lyon, en<br />

octobre 1990, et se<br />

poursuit entre mars<br />

et juillet 1991 dans la<br />

banlieue parisienne<br />

(Sartrouville, Mantesla-Jolie,<br />

Meaux,<br />

Garges-les-Gonesses).<br />

[... Cette expression,<br />

devenue] pratiquement<br />

quotidienne<br />

dans [... les médias]<br />

depuis quelques années [..., associée] à<br />

l'imposition progressives dans le débat<br />

public d'un discours policier [... Celui-ci<br />

présente] un tableau de la situation<br />

sociale indûment catastrophiste [...,<br />

amalgamant] sous l'expression "violence<br />

urbaine" des comportements qui ne relèvent<br />

pas des mêmes logiques [... et accusant]<br />

abusivement les jeunes issus de<br />

283 Sécurisons un peu


l'immigration africaine et surtout<br />

arabe. » [18]<br />

Les chiffres sont là ! Le « nouveau discours<br />

policier établit [...] sa légitimité sur<br />

l'analyse du contenu et de l'évolution de<br />

statistiques qui procèdent de deux<br />

modes de comptage différents. [...]<br />

Le premier est [...] opéré par le ministère<br />

de l'intérieur [...], à partir des renseignements<br />

[...]<br />

de police et<br />

de gendarmerie,<br />

[...<br />

uniformisés]<br />

depuis<br />

1972. C'est<br />

[... là que<br />

ces auteurs]<br />

voient<br />

la prétendue"explosion"<br />

de [la]<br />

délinquance[juvénile]<br />

qui se<br />

produirait<br />

depuis 1993.<br />

[...] En réalité,<br />

les plus<br />

fortes haussessurvenuesdepuis<br />

cette<br />

date concernent<br />

les<br />

vols d'automobile ou de deux roues » [3]<br />

par des mineurs (aux diver-ses « significations,<br />

[... comme] se venger d'un<br />

groupe adverse [19] » [3]), « l'usage<br />

(dans 80 % des cas), l'usage/revente et<br />

le trafic de drogue ([... surtout] cannabis),<br />

les destructions et dégradations de<br />

biens privés et surtout » [18] les violences<br />

contre « des biens et des personnes<br />

qui symbolisent les institutions<br />

[...,] policiers, transporteurs collectifs,<br />

écoles et bâtiments publics [..., mais surtout]<br />

la police » [3], avec « enfin les<br />

"outrages et violences" à agents de la<br />

force publique [20]. » [3]<br />

Les « principales hausses concernent<br />

[donc] des catégories d'infractions dont<br />

la découverte et la répression [..., peuvent<br />

attester] avant tout de la dégradation<br />

des relations [... entre les jeunes et<br />

la police,]<br />

qui amènerait<br />

les policiers<br />

d'une<br />

part à<br />

contrôler<br />

plus systématiquement,d'autre<br />

part à<br />

verbaliser<br />

davantage<br />

pour transmettre<br />

à la<br />

Justice des<br />

affaires auparavant<br />

signalées<br />

seulement<br />

sur les<br />

mains courantes<br />

ou<br />

bien [...]<br />

classées. [...<br />

Il est] probable<br />

que<br />

[... c’est du] à un fort accroissement de la<br />

répression de la part de la police et des<br />

parquets au moment même où [... viennent]<br />

du sommet de l'État des directives<br />

de plus en plus sécuritaires. » [18]<br />

Les « relations entre jeunes d'origine africaine<br />

et police dans ces quartiers dits<br />

sensibles fonctionnent avec des cycles<br />

de provocations, ripostes, représailles,<br />

etc., entretenus de part et d'autre [21].<br />

Et c'est bien dans ces contextes qu'ex-<br />

« Quatre jeunes ont été condamnés [... fin 2004] à Paris à une<br />

amende de 300 euros chacun pour entrave à l'entrée d'un<br />

hall d'immeuble, un jugement dénoncé par leurs avocats qui<br />

ont relancé la polémique sur ce délit controversé créé par la<br />

loi Sarkozy de mars 2003. » [1]<br />

[1] : (« Hall d'immeuble : la condamnation de 4 jeunes à Paris relance la polémique<br />

», AFP, 22/11/2004)<br />

Sécurisons un peu 284


plosent parfois des "émeutes" qui cristallisent<br />

les représentations collectives en<br />

question [22]. » [3] [Voir « Clichy dans les<br />

bottes », p. 671]<br />

« [... La surdélinquance des mineurs,]<br />

bien réelle quoi qu'exagérée dans les<br />

statistiques policières [..., reflète l’absence<br />

de] toute perspective d'insertion économique<br />

et sociale [Voir « Insécurité<br />

sociale », p. 489] [..., qui] constitue logiquement<br />

un facteur facilitant l'investissement<br />

de l'économie souterraine [... classique]<br />

(les vols, recels et reventes de<br />

pièces détachées de voitures) ou plus<br />

[récente] ([...] cannabis). » [3] Mais « les<br />

chiffres du ministère de l'Intérieur témoignent<br />

avant tout de l'activité de la police,<br />

et non de celle des délinquants.<br />

Le second comptage est [...] lié à la création,<br />

en avril 1991, de la nouvelle section<br />

de la Direction centrale des renseignements<br />

généraux intitulée "Villes et<br />

banlieues" [..., devant anticiper les]<br />

émeutes urbaines. [... Dirigée par la philosophe<br />

et] commissaire principale Bui<br />

Trong […, elle réalise] une cartographie<br />

des "quartiers sensibles" [... et] une grille<br />

d'évaluation de la dangerosité des quartiers<br />

[..., qui mesure] les tensions surgissant<br />

entre les jeunes et les représentants<br />

de l'État [..., surtout] les policiers [... ;<br />

nouveau] "corpocentrisme" flagrant. [...<br />

En] quelques années, [ces] chiffres [...]<br />

vont indiquer une aggravation continue<br />

[... De] 400 quartiers [... en 1993, on<br />

passe en effet à] 1.171 en 1998. [... Et<br />

les] faits constatés [... ont] des évolutions<br />

exponentielles impressionnantes au<br />

cours des années 1990 [... ; qui s’étendrait<br />

à] la France profonde.<br />

[... Cette] hausse reflète avant tout l'effet<br />

d'aggravation continue propre à la mise<br />

en place de tout nouvel instrument de<br />

mesure ([... comme] pour les "violences<br />

scolaires" enregistrée par l'Éducation<br />

nationale). [... Le] simple nombre de<br />

fonctionnaires mobilisables pour la collecte<br />

des données [influe] directement à<br />

la fois sur la quantité de faits relevés et<br />

sur leur localisation géographique. Ainsi<br />

lorsque la commissaire annonce le recrutement<br />

de nouveaux agents, on peut<br />

prévoir à l'avance que ses statistiques<br />

témoigneront d'une dégradation dans<br />

les années qui viennent… » [18]<br />

On peut aussi présenter la Justice<br />

comme laxiste. Début 2002, alors « que<br />

le Président-candidat célèbre en tout lieu<br />

les vertus de la "tolérance zéro", et de la<br />

peine "rapide et certaine", l'Union syndicale<br />

des magistrats (USM) [...,"apolitique",<br />

affirme que] "37,15 % des<br />

condamnations à l'emprisonnement<br />

ferme ne seront jamais exécutées." [23]<br />

[... Deux] chiffres après la virgule, pour<br />

un calcul [..., déjà cité en 2001, et] complètement<br />

fantaisiste. L'USM a entrepris<br />

de comparer le nombre de condamnations<br />

et celui des incarcérations. En y<br />

ajoutant à la louche, les détentions provisoires,<br />

suivies d'une condamnation.<br />

Mais sans tenir compte, par exemple,<br />

des condamnations multiples, qui ne<br />

donnent lieu dans les statistiques qu'à<br />

une incarcération. Ni les détenus déjà<br />

incarcérés pour une autre raison au<br />

moment de la décision, etc. » [24]<br />

« Quant au fameux taux d’élucidation,<br />

285 Sécurisons un peu


[un sociologue] reconnu de la police<br />

relève une recette éprouvée pour le faire<br />

progresser : “Appréhender les fumeurs<br />

de shit qui traînent dans la rue ou des<br />

petits receleurs connus, plus ou moins<br />

indics. Là, c’est du 100 % d’élucidation<br />

et ça dope les chiffres.” » [25] On recourt<br />

en effet « à quelques recettes éprouvées<br />

pour doper les chiffres, comme le suggère<br />

lourdement le ministre de l’intérieur<br />

[Sarkozy] depuis son arrivée. Il s’est trouvé<br />

un commissaire [...] pour retranscrire<br />

[...] les consignes ministérielles. [... Le]<br />

ratio de délits élucidés est jugé insuffisant<br />

[..., comme le] nombre moyen de<br />

mise en garde à vue par tête d’officier<br />

[...] “Il convient donc, pour l’ensemble<br />

des procéduriers [...] d’accentuer, et<br />

rapidement, le traitement de leurs dossiers<br />

dans les domaines où les taux d’élucidation<br />

sont faciles à réaliser : CBV<br />

[coups et blessures volontaires] correctionnels,<br />

violences conjugales, non-paiement<br />

de pensions alimentaires, vols à<br />

l’étalage, ILE [infractions à la législations<br />

sur les étrangers], ILS [infractions à la<br />

législation sur les stupéfiants], chèques,<br />

urbanisme, travail illégal, etc.” [... En<br />

général,] des délits qui sont [...] “élucidés”<br />

au moment où ils sont constatés<br />

[...] “Conformément aux instructions<br />

ministérielles reprises par les Directions<br />

centrale et départementale de la<br />

Sécurité publique, la ‘’culture du résultat’’<br />

doit être le leitmotiv judiciaire du service.”<br />

Avant de conclure, menaçant : “Et<br />

seuls ceux en mesure et désireux d’y participer<br />

seront maintenus ou recrutés<br />

dans ce domaine.” [...] En revanche,<br />

cambriolages, affaires financières ou braquages,<br />

qui demandent du temps et des<br />

enquêteurs, sont beaucoup moins rentables<br />

pour les statistiques. » [26]<br />

L’essentiel « des moyens de la police et de<br />

la justice sont [ainsi] consacrés aux crimes<br />

et aux délits les plus "visibles". [Tandis, évi-<br />

Sécurisons un peu 286<br />

demment, que] le personnel et les ressources<br />

manquent pour lutter contre la<br />

délinquance et la criminalité en col blanc,<br />

et démêler les affaires impliquant de<br />

grosses pointures (escroqueries financières,<br />

affaires de corruption, délits douaniers,<br />

trafics en tout genre, [etc.]) ? » [2]<br />

[Voir « Justice (de) classe », p. 337]<br />

Car, combien, par exemple, de femmes<br />

ou de secrétaires de politiciens sont ou<br />

furent rémunérées pour des emplois fictifs<br />

? Dominique Strauss-Kahn, « ancien<br />

ministre de l'Economie était soupçonné<br />

d'avoir fait prendre en charge une partie<br />

des rémunérations de sa secrétaire [...]<br />

par une filiale d'Elf, sans contrepartie<br />

réelle pour le groupe pétrolier français.<br />

» [27] Autre exemple : « Christian<br />

Poncelet, le président du Sénat. [...] Le<br />

licenciement de son assistante parlementaire<br />

Marie-Joséphe Aucouturier [...]<br />

a surtout révélé [qu’elle] avait été payée<br />

pendant trente ans par La Poste puis par<br />

France Telecom… » [28]<br />

Heureusement, « l’Office central de la<br />

répression de la grande délinquance<br />

financière [..., ne] comptait [que] soixante<br />

fonctionnaires lors de sa création [en<br />

1990], et [...] les effectifs [avaient déjà]


fondu des deux tiers [… en 2002].<br />

Michel Begon, le contrôleur d’Etat grâce<br />

auquel l’affaire de la Française des jeux a<br />

été révélée [pour, en fait, finir en procès<br />

mineur], et qui a payé cher son sens de<br />

l’Etat de droit, confirme les propos d’Eva<br />

Joly : “Pour une affaire qui sort, neuf<br />

sont étouffées.” » [29]<br />

L’important est la quantité d’affaires. Et<br />

l’évolution de ce nombre. « Un savant<br />

spécialiste des statistiques policières a<br />

énoncé une règle, connue sous le nom<br />

de “théorème de Demonque”, selon<br />

lequel “les chiffres de la délinquance<br />

varient en proportion inverse de la popularité<br />

du ministre auprès des services<br />

chargés de collecter les données”. » [30]<br />

On sait en effet inverser la tendance.<br />

« Pour faire baisser les statistiques de la<br />

délinquance, souligne [un sociologue<br />

s’intéressant aux comportements policiers],<br />

il suffit de supprimer les chaises<br />

d’attente dans le commissariat. Rien de<br />

tel pour dissuader les gens de venir porter<br />

plainte.” [... Par contre, ils] “[...] portent<br />

plus facilement plainte dans leur<br />

quartier, où ils savent qu’on va les écouter,<br />

que lorsqu’ils doivent se rendre au<br />

commissariat central”, fait remarquer<br />

Claude Guéant [...,] directeur de cabinet<br />

de [Sarkozy]. Or, des commissariats de<br />

quartier, il s’en est créé plus de 300<br />

[entre 1998 et 2003]. Mauvais pour les<br />

statistiques. » [25]<br />

On peut donc rendre la police moins<br />

abordable. « “Vous n’êtes pas des assistants<br />

sociaux [Voir « Insécurité sociale »,<br />

p. 489]. La meilleure des préventions,<br />

c’est la sanction”, avait martelé, le 3<br />

février [2003], Nicolas Sarkozy à des îlotiers<br />

toulousains. [...] Les syndicats policiers<br />

n’ont pas apprécié cette humiliation,<br />

infligée [...] devant des millions de<br />

téléspectateurs. Cette mise en scène [...]<br />

spectaculaire [...] avait pour but de frapper<br />

fort. Histoire [également] de prépa-<br />

rer le limogeage du patron des polices<br />

toulousaines » [25], « Jean-Pierre<br />

Havrin, ancien rival [dudit] Claude<br />

Guéant » [31].<br />

Il n’y a pas que Sarkozy qui sait faire<br />

varier les chiffres. Villepin, au « ministère<br />

[de l’Intérieur,] a décidé [en <strong>2005</strong>]<br />

d’abandonner son indicateur statistique<br />

traditionnel “crimes et délits contre les<br />

personnes”. Motif : il [...] mélangeait [...]<br />

les délits sur la garde de enfants et les<br />

violations de domicile, mais en omettant<br />

les vols avec violence et les violences à<br />

dépositaires de l’autorité. Et surtout, cet<br />

indice fourre-tout est en hausse [...] de<br />

4,76 % [pour 2004] par rapport à<br />

2003 [32] ! Ce que Villepin s’est bien<br />

gardé de préciser.<br />

[... Donc], l’Observatoire national de la<br />

délinquance a été sommé par le ministre<br />

de plancher sur un nouvel “indicateur”<br />

de la violence aux personnes. [... Mais<br />

celui-ci] persiste à être en hausse de<br />

0,7 % par rapport à 2003... Fort opportunément,<br />

la Direction générale de la<br />

police nationale a viré en octobre [2004]<br />

les “menaces et chantages” de ce nouvel<br />

outil statistique, faisant tomber à 29 les<br />

crimes et délits recensés, [... et] l'indicateur<br />

revu et corrigé [...] s'est retrouvé en<br />

baisse de 0,25 % [..., permettant à<br />

Villepin d’obtenir] un “très léger reflux”<br />

[... Le] ministre a prétendu, [début<br />

<strong>2005</strong>], avoir repris tel quel l'indicateur<br />

287 Sécurisons un peu


goupillé par l'Observatoire, en oubliant<br />

la petite manipulation qu'on lui avait fait<br />

subir. » [33]<br />

On note en 2004 : « Les cambriolages,<br />

vols de véhicules et vols à la roulotte ([...]<br />

trois quarts des crimes et délits enregistrés<br />

par les autorités) diminuent tous<br />

régulièrement depuis 1993 au moins ;<br />

les homicides et coups mortels [tendent<br />

à refluer] depuis 1995, d’après [...] la<br />

police, et depuis 1984 selon les relevés<br />

de l’Institut national de la santé et de la<br />

recherche médicale (Inserm) » [1] Mais il<br />

y avait eu un pic d’augmentation récente,<br />

saluée par la presse de droite :<br />

« 1 322 personnes ont été assassinées<br />

en France en 2002, contre 1 047 l’année<br />

précédente, soit une augmentation<br />

de 26 %. » [34] Cependant, ce n’est pas<br />

vraiment ce que note l’Insee, qui parle<br />

plutôt de 10 % environ. Et les chiffres<br />

sont revenus à environ un millier les<br />

années suivantes [35].<br />

D’autre part, « les vols avec violence, [...,<br />

d’ailleurs] principalement [des] “violences”<br />

verbales (insultes, menaces),<br />

sont en recul depuis vingt ans [36]. » [1]<br />

En fait, les « atteintes aux personnes et<br />

aux biens sont [contrairement à l’opinion<br />

répandue] nettement moins nombreuses<br />

aujourd'hui, et moins graves<br />

quant aux conséquences, qu'il y a<br />

quelques décennies (et ne parlons pas<br />

du XIX e siècle !) et [...] jamais nos villes<br />

n'ont été aussi sûres » [2].<br />

[1] : (Loïc Wacquant, Le Monde diplomatique, 9/2004,<br />

pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/W<br />

ACQUANT/11454, d’après le dernier chapitre de « Punir<br />

les pauvres : le nouveau gouvernement de l’insécurité<br />

sociale », Agone, 2004)<br />

[2] : (Roland Pfefferkorn, « La sécurité : un argument électoral<br />

manipulateur », amnistia.net – Les Enquêtes interdites,<br />

13/4/2001)<br />

[3] : (Laurent Mucchielli, Délinquance et immigration : des<br />

préjugés à l'analyse », amnistia.net - Les Enquêtes interdites,<br />

n° 23-24, 12/9/2002, d’après le http://www.groupeclaris.com<br />

d’alors)<br />

[4] : (R. Lévy et R. Zauberman, « La police et les minorités<br />

visibles : les contradictions de l'idéal républicain », in<br />

Y. Cartuyvels et alii., éds., « Politique, police et justice au<br />

Sécurisons un peu 288<br />

bord du futur », L'Harmattan, 1998 ; Cf. aussi<br />

D. Monjardet, « Ce que fait la police. Sociologie de la force<br />

publique », Paris, La Découverte, 1996)<br />

[5] : (M.-D. Barré, et T. Godefroy, « Le consommateur de<br />

produits illicites et l'enquête de police judiciaire », CESDIP-<br />

OFDT, 1999, Étude n° 19)<br />

[6] : (D. Duprez et M. Kokoreff, « Les mondes des drogues.<br />

Usages et trafics dans les quartiers », Odile Jacob, 2000)<br />

[7] : (Laurent Mucchielli, « Recherche sur les homicides :<br />

auteurs et victimes », Observatoire des inégalités,<br />

19/1/<strong>2005</strong>, http://www.inegalites.fr/article.php3?id_artic<br />

le=308)<br />

[8] : (Didier Daeninckx, « Voter blanc, c'est voter "petit<br />

blanc" » discours au Zénith, reprod. in amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 29/4/2002)<br />

[9] : (Laurent Mucchielli, « Approche sociologique de l'homicide.<br />

Étude exploratoire », Guyancourt, CESDIP, 2002)<br />

[10] : (INSEE, 1994, d’après l'enquête "Emploi" de l'INSEE<br />

de 1992 ; Enquête « Emploi » de l’INSEE, 3/2000)<br />

[11] : (H. Lagrange, « De l'affrontement à l'esquive.<br />

Violences, délinquance, usages de drogues », Syros,<br />

2001)<br />

[12] : (F. Dubet, D. Lapeyronnie, « Les quartiers d'exil »,<br />

Seuil, 1992)<br />

[13] : (M. Castellan, M. Marpsat et M.-F. Goldberger, « Les<br />

quartiers prioritaires de la politique de la ville », Insee<br />

Première, n° 234, 1992)<br />

[14] : (Philippe Robert, « Le sentiment d’insécurité », in<br />

Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime et<br />

sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002,<br />

pp. 371-373)<br />

[15] : (Laurent Mucchielli, « Le rap et l'image de la société<br />

française chez les "jeunes des cités" », Questions pénales,<br />

1999, n° 2)<br />

[16] : (Laurent Mucchielli, entretien vidéo réalisée par<br />

Enrico Porsia, « Insécurité, immigration, terrorisme : la<br />

force dévastatrice de l'amalgame », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, s.d.)<br />

[17] : (Le canard enchaîné, 28/12/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après<br />

Libération, 22/12/<strong>2005</strong>)<br />

[18] : (Laurent Mucchielli, « Quand la hiérarchie policière<br />

analyse la "violence urbaine" », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 17/4/2001)<br />

[19] : (M. Esterle-Hedibel, « Virées, incendies et vols de voitures<br />

: motivations aux vols et aux dégradations de voitures<br />

», Déviance et société, 1996, vol. 20, n° 4)<br />

[20] : (B. Aubusson de Cavarlay, « La place des mineurs<br />

dans la délinquance enregistrée », Les cahiers de la sécurité<br />

intérieure, n° 29, 1997)<br />

[21] : (Cf. M. Esterle-Hedibel, « Jeunes des cités, police et<br />

désordres urbains », in L. Mucchielli, Ph. Robert, dir.,<br />

« Crime et sécurité : l'état des savoirs », La Découverte,<br />

2002)<br />

[22] : (C. Bachmann, N. Le Guennec, « Violences<br />

urbaines », Albin Michel, 1996)<br />

[23] : (Union syndicale des magistrats, « Livre blanc »,<br />

4/2002)<br />

[24] : (Le Canard enchaîné, 10/4/2002, p. 8)<br />

[25] : (Hervé Martin, « Une police de proximité à la sauce<br />

Sarko », Le Canard enchaîné, 5/3/2003, p. 4)<br />

[26] : (David Fontaine, « Comment la police d’en bas<br />

mitonne les statistiques d’en haut », Le Canard enchaîné,<br />

23/4/2003, p. 4)<br />

[27] : (Gilles Gaetner et Jean-Marie Pontaut, « Quand Elf<br />

salariait la secrétaire de DSK », L'Express, 25/11/1999)


[28] : (« Poncelet dans la seringue ? », Le Canard enchaîné,<br />

20/7/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[29] : (Eric Alt, chroniquant Frédéric Ploquin, « Une affaire<br />

sous François Mitterrand, la Française des jeux », Fayard,<br />

2002, in Justice, n° 170, 3/2002, p. 32 (7,60 euros,<br />

Diffusion populaire, 21 ter, rue Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[30] : (Louis-Marie Horeau, « A quoi rêve le ministre de<br />

l’Intérieur », Le Canard enchaîné, 2/10/2002, p. 3)<br />

[31] : (Nicolas Beau, « Billard à trois bandes avec un flic<br />

toulousain », Le Canard enchaîné, 5/3/2003, p. 4)<br />

[32] : (Le Monde, 16/1/<strong>2005</strong>)<br />

[33] : (D. F., « Des chiffres à la poudre de Villepinpin », Le<br />

Canard enchaîné, 19/1/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[34] : (Le Canard enchaîné, 22/1/2003, p. 2, d’après Le<br />

Point, 17/1/2003)<br />

[35] : (Insee, « Crimes et délits constatés en France »,<br />

http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF05305.XLS,<br />

d’après « Tableaux de l'Économie Française (<strong>2005</strong>-2006) »)<br />

[36] : (Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime<br />

et sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002)<br />

Il y a une « exaspération [...] chez<br />

nombre de policiers [...] de terrain<br />

(dont on aurait tort de sous-estimer la<br />

dureté des conditions de travail dans et<br />

autour des quartiers les plus pauvres)<br />

» [1]. Mais, « là où le syndicat des<br />

commissaires (SCHFPN) dénonce une<br />

généralisation du trafic de drogue, une<br />

ethnicisation, une réislamisation, et<br />

demande le durcissement de la répression<br />

[...] des jeunes des cités, le Syndicat<br />

National des Officiers de Police (SNOP)<br />

insiste surtout sur les répercussions<br />

d'une situation économique et sociale<br />

désastreuse et demande "la relance<br />

d'une véritable politique de la ville", "une<br />

meilleure coordination des services de<br />

l'État" [...], le rétablissement de l'ordre à<br />

l'école, etc., répétant que "les problèmes<br />

de violences urbaines ne peuvent en<br />

aucun cas se résoudre par des réponses<br />

policières" [2].<br />

[... Au] cours de l'histoire, "les périodes<br />

de forte tension dans les rapports<br />

sociaux et/ou politiques scandent les<br />

avancées des revendications policières"<br />

[3] [... Or, dans les] réformes [...]<br />

qui se succèdent depuis 1993, ce sont<br />

les aspects les plus répressifs qui font<br />

l'objet du plus d'attention. » [1] Et c’est<br />

« parce qu'elle espère ne pas avoir à<br />

remettre en cause cette évolution que la<br />

hiérarchie policière s'arc-boute sur un<br />

discours caricatural et simplificateur dont<br />

la conclusion est qu'il convient simplement<br />

d'imposer l'ordre public en sanctionnant<br />

la moindre incivilité (c'est le<br />

modèle de la "tolérance zéro") [Voir « Et<br />

que se perd en route », p. 234]. [...]<br />

"On [a] en France une police très attentive<br />

aux besoins politiques du maintien<br />

de l'ordre, très enfermée aussi dans des<br />

logiques corporatives […] et assez peu<br />

sensible aux mutations de la demande<br />

sociale" [4]. Le problème est aujourd'hui<br />

que, sur fond de réelle dégradation des<br />

relations sociales dans les zones urbaines<br />

de relégation, la mise en scène dramatisée<br />

de la "dérive mafieuse" des "cités<br />

interdites" ne rend pas compte d'une<br />

réalité dominée par la misère et les stratégies<br />

diverses pour "s'en sortir la tête<br />

haute" [5].<br />

En amalgamant en permanence incivilité<br />

et délinquance, injure et agression physique,<br />

usage/revente dans le groupe de<br />

pairs et trafic organisé de drogue, incendie<br />

de voiture une nuit d'émeutes et trafic<br />

de voitures volées, drogue douce et<br />

drogue dure, motivation crapuleuse,<br />

motivation ostentatoire et motivation<br />

politique, contestation et terrorisme,<br />

etc., et en généralisant [par la pensée]<br />

certains processus réels mais minoritaires,<br />

la hiérarchie policière tend à criminaliser<br />

l'ensemble de la jeunesse des<br />

quartiers défavorisés, et tout particulièrement<br />

celle qui n'a pas la peau tout à fait<br />

blanche. Ce faisant, [...] loin de favoriser<br />

le règlement des conflits qui traversent la<br />

289 Sécurisons un peu


société [...], elle ne peut que contribuer<br />

à leur aggravation. » [1] Mais si c’était ce<br />

qu’on cherchait, dans une spirale autojustificatrice<br />

?<br />

« Des syndicalistes flics sont les premiers<br />

à l’affirmer : “Chaque fois qu’on a un discours<br />

ultra-sécuritaire [...], on a des gens<br />

qui se sentent autoriser à déraper.” Les<br />

bavures s’enchaînent » [6]. Et on « a<br />

constaté que les fautes policières,<br />

notamment les mauvais traitements,<br />

étaient commises principalement contre<br />

des personnes perçues comme étrangères<br />

» [7]. « 60 p. cent des victimes<br />

d’actes de violence imputables à des<br />

policiers entre les mois de juillet 2002 et<br />

juin 2004 étaient des étrangers. [Dans<br />

les] 40 p. cent restants [..., beaucoup<br />

semblaient] pris<br />

pour cible parce<br />

qu’ils semblaient<br />

être<br />

d’origine étrangère.<br />

» [8] « Les<br />

associations<br />

constatent bien<br />

une recrudescence<br />

des<br />

témoignages,<br />

mais [...] l’Inspectiongénérale<br />

des services<br />

(à l’échelon<br />

parisien) et<br />

l’Inspection générale de la police nationale<br />

ont refusé de répondre aux questions<br />

[...] sur ce sujet tabou. » [6]<br />

Cependant, « le nombre de saisines pour<br />

actes de violence ou brutalités imputables<br />

à la police [a] presque doublé en<br />

2003 par rapport à [… 2002. Les<br />

plaintes] contre des policiers [... ont alors<br />

augmenté], pour la sixième année consécutive<br />

[... Plus] 9 p.cent en 2003 par rapport<br />

à [... 2002. Ensuite ....<br />

On constate] une impunité de fait : les<br />

Sécurisons un peu 290<br />

plaintes [sont] souvent classées sans suite<br />

ou [ne sont] traitées par la justice qu’avec<br />

retard. En revanche, celles déposées par<br />

des policiers pour outrage et rébellion<br />

[sont] généralement examinées sans<br />

délai » [9].<br />

Et voici une histoire « qui rappelle [...]<br />

l’affaire Selmouni où des policiers<br />

avaient battu et sodomisé des suspects<br />

de trafics de stupéfiants » [10] ; la vie<br />

d’une femme d’à peine dix-huit ans<br />

entre 1999 et 2001 : « Sodomisée, pénétrée<br />

à plusieurs reprises chez elle et dans<br />

le gymnase du commissariat, contrainte<br />

à des fellations, elle s’était exécutée<br />

devant l’ordre émanant de l’uniforme et<br />

sous le chantage au placement de son<br />

bébé à la DDASS [... Mais elle porte finalement<br />

plainte<br />

et justice est<br />

rendue. Les]<br />

quatre hommes<br />

en bleu comparaissent<br />

donc<br />

libres [..., évitant<br />

les assises<br />

grâce au chef<br />

d’inculpation]<br />

d’agressions<br />

sexuelles [...] Le<br />

procureur [...]<br />

estime qu’il faut<br />

[...] “ne pas mettre<br />

ces pauvres<br />

policiers en prison, ne pas en faire des<br />

criminels avérés”. “Vous savez, mettre<br />

ces policiers en prison créerait des [martyrs]”<br />

et aussi “un état de tension, un<br />

désordre”. Ainsi le procureur au nom du<br />

risque à l’ordre public requiert un petit<br />

sursis à l’encontre de ces agresseurs<br />

sexuels. [...] Quant à la victime [...],<br />

enfant placé [...], elle se retrouve à la rue<br />

en train de zoner avec les SDF et leurs<br />

chiens [11]. » [10] Que ça serve d’exemple<br />

pour calmer les éventuel(le)s indociles !


On peut d’ailleurs recenser [12] « les édifiantes<br />

sanctions judiciaires infligées aux<br />

policiers qui “dérapent” : un gamin tué<br />

par un flic d’une balle dans la nuque ?<br />

Légitime défense, sursis en première instance,<br />

acquittement en appel. Un gardé<br />

à vue meurt pour avoir été laissé sans<br />

soins et mis en cellule alors qu’il avait<br />

perdu connaissance ? Simple erreur<br />

d’appréciation de la part du policier, qui<br />

a cru que l’interpellé “simulait”…<br />

Verdict : 7 mois avec sursis, le flic est<br />

relaxé du chef de non-assistance de personne<br />

en danger.<br />

[... On peut ainsi citer] trente bavures<br />

restées impunies [... Par contre,] le<br />

simple citoyen qui, en février 2004, avait<br />

insulté [Sarkozy], alors en campagne<br />

dans le quartier des Halles à Paris, a été<br />

jugé quelques jours plus tard et condamné<br />

à 1 mois de prison ferme. » [13]<br />

[Voir « Bourreaux ? Non ! Victimes ! »,<br />

p. 360]<br />

[1] : (Laurent Mucchielli, « Quand la hiérarchie policière<br />

analyse la "violence urbaine" », amnistia.net – Les<br />

Enquêtes interdites, 17/4/2001)<br />

[2] : (« Violences urbaines : une préoccupation quotidienne<br />

», Police nouvelle, 1999, n° 251, pp. 14-18)<br />

[3] : (D. Monjardet, « Ce que fait la police. Sociologie de<br />

la force publique », La Découverte, 1996)<br />

[4] : (Philippe Robert)<br />

[5] : (D. Duprezet & M. Kokoreff, « Le monde des drogues.<br />

Usages et trafics dans les milieux populaires », Odile<br />

Jacob, 2000)<br />

[6] : (Brigitte Rossigneux, « L’autre insécurité, celle des<br />

bavures policières », Le Canard enchaîné, 31/12/2002,<br />

p. 4)<br />

[7] : (Amnesty International, « France : pour une véritable<br />

justice. Mettre fin à l'impunité de fait des agents de la<br />

force publique », 6/4/<strong>2005</strong>, http://www.amnesty.asso.fr/<br />

01_informer/12_actualite/france/france_en_quete_de_jus<br />

tice.htm#rapport)<br />

[8] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », http://web.amnesty.org/report<strong>2005</strong>/fra-summary-fra,<br />

d’après la commission Citoyens-Justice-Police,<br />

12/2004)<br />

[9] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », op. cit., d’après la Commission nationale de déontologie<br />

de la sécurité (CNDS), 5/2004)<br />

[10] : (Gilles Sainati, « Tournante au commissariat d’Albi.<br />

Du bon usage de l’ordre public », Justice, n° 170, 3/2002,<br />

pp. 19-20 (7,60 euros, Diffusion populaire, 21 ter, rue<br />

Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[11] : (Libération, 15/12/2001)<br />

[12] : (Amnesty International, « France. Pour une véritable<br />

justice », 6/4/<strong>2005</strong>, http://web.amnesty.org/library/Index<br />

/FRAEUR21010<strong>2005</strong>?open&of=FRA-FRA)<br />

[13] : (Lauriane Gaud, « Bavures camouflées ou en direct<br />

à la télé », Le Canard enchaîné, 13/4/<strong>2005</strong>, p. 4)<br />

La criminalisation des<br />

prostitués, victimes des<br />

réseaux de proxénétisme,<br />

facilite leur aservissement.<br />

On sait que le « maquereau »<br />

qui dit « protéger » « ses » prostituées<br />

les fait en réalité (sur)vivre sous sa<br />

menace constante. C’est un principe<br />

assez général. Par exemple, dans la<br />

Corse de Charles Pieri, « “[...] les perquisitions<br />

et les témoignages recueillis<br />

montrent clairement que la société<br />

Corsica-Gardiennage-Services (CGS) a<br />

utilisé le chantage à l’attentat auprès<br />

de la clientèle qu’elle était censée protéger”<br />

explique un des enquêteurs.<br />

» [1] Ce serait dommage si la<br />

sécurité n’était pas assurée.<br />

[1] : (Nicolas Beau, « L’enquête sur Charles Pieri glisse du fric<br />

au terrorisme », Le Canard enchaîné, 17/12/2003, p. 3)<br />

291 Sécurisons un peu


Plus fort que les cités de relégation,<br />

c’est possible ? Oui. « Les conditions<br />

de détention dans les prisons et les<br />

centres de rétention pour étrangers se<br />

sont dégradées et [ne sont] pas<br />

conformes aux normes internationales<br />

[...] dans bien des domaines. [...] Des<br />

personnes retenues dans un centre de<br />

réception des étrangers à Paris auraient<br />

été victimes d’actes de violence et soumises<br />

à des conditions de vie inhumaines<br />

et dégradantes. » [1]<br />

« [... De] mauvais traitements [semblent]<br />

infligés à des étrangers dans les centres<br />

de rétention et de réception ou au cours<br />

d’opérations d’éloignement. Des enfants<br />

non accompagnés ont été maintenus en<br />

zone d’attente avant leur renvoi. [...]<br />

Dans un certain nombre de cas, des<br />

enfants ont été empêchés de rejoindre<br />

leurs parents qui se trouvaient déjà en<br />

France.<br />

[... Certes,] la cour d’appel de Paris a<br />

conclu, en décembre [2004], que les<br />

zones d’attente devaient être considérées<br />

juridiquement comme faisant partie<br />

du territoire français et qu’en conséquence<br />

les juges étaient compétents<br />

pour examiner les cas qui leur étaient<br />

soumis. » [1] Mais on prépare alors activement<br />

l’externalisation systématique<br />

des centres de rétention dans les pays<br />

mitoyens de l’Union Europénne...<br />

On note aussi « la persistance des violences<br />

au cours d’opérations d’éloigne-<br />

Sécurisons un peu 292<br />

ment. [... Exemple, en août 2004],<br />

quatre passagers d’un vol en partance<br />

de l’aéroport de Roissy qui avaient protesté<br />

contre des brutalités policières ont<br />

été inculpés d’entrave au trafic aérien et<br />

de trouble à l’ordre public. Ils ont affirmé<br />

avoir vu des policiers français frapper un<br />

Malien au cours d’une opération d’éloignement<br />

[... et] ont été débarquées<br />

menottées et [...] retenues plusieurs<br />

heures en garde à vue. » [1] Quel besoin<br />

ont-ils aussi de se mêler d’affaires qui<br />

leur sont étrangères ?<br />

De toutes façons, il faut savoir être<br />

ferme. Par exemple, lors « d’une opération<br />

d’éloignement effectuée en<br />

décembre 2002 [..., dans] un avion en<br />

partance pour Buenos Aires, deux policiers<br />

et trois gendarmes auraient maintenu<br />

[Ricardo Barrientos, un argentin,]<br />

plié en deux sur un siège, en appuyant<br />

sur chacune de ses omoplates, alors qu’il<br />

avait les mains attachées dans le dos au<br />

moyen de menottes, et le torse, les<br />

cuisses et les chevilles ligotés avec des<br />

bandes Velcro. Ricardo Barrientos avait<br />

le visage recouvert d’un masque et on<br />

l’avait caché sous une couverture afin<br />

que les autres passagers ne le voient pas<br />

et qu’il ne puisse pas appeler au secours.<br />

Il a perdu connaissance avant le verrouillage<br />

des portes de l’avion.<br />

[... En] septembre [2004], la cour d’appel<br />

de Paris a rendu une ordonnance de<br />

non-lieu [... Elle] a considéré que Ricardo<br />

Barrientos n’avait pas été victime de “violences<br />

ayant entraîné la mort sans intention<br />

de la donner” car les policiers<br />

avaient simplement obéi à l’ordre de<br />

l’immobiliser. Elle a conclu à une mort<br />

naturelle liée à une pathologie cardiaque.<br />

[... Cependant,] les méthodes de<br />

contrainte utilisées n’étaient pas<br />

conformes aux normes internationales.<br />

[... On connaît] [2] le risque auquel sont<br />

exposées les personnes contraintes de


“se plier vers l’avant, tête entre les<br />

genoux, comprimant ainsi fortement la<br />

cage thoracique” [... et] “l’utilisation de<br />

la force et/ou de moyens de contrainte<br />

susceptibles de provoquer une asphyxie<br />

posturale ne [devrait] constituer qu’un<br />

ultime recours”. » [1] Mais on pourra<br />

quand même continuer ...si l’opposition<br />

à ces méthodes s’essouffle…<br />

[1] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », http://web.amnesty.org/report<strong>2005</strong>/fra-summary-fra,<br />

d’après la commission Citoyens-Justice-Police,<br />

12/2004)<br />

[2] : (Comité européen pour la prévention de la torture et<br />

des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT),<br />

13e rapport général d’activités, 2003,<br />

http://www.cpt.coe.int/fr/annuel/rapp-13.htm)<br />

Prenons<br />

maintenant<br />

la<br />

route où, malgré<br />

les nombreux<br />

morts, la loi reste visiblement massivement<br />

bafouée quotidiennement.<br />

Pour les femmes battues, c’est moins<br />

visible...<br />

« La plus grande partie [des infractions<br />

de circulation] sont de simples contraventions<br />

au code de la route, mais un<br />

quart de million – [un] ordre de grandeur<br />

équivalent à celui des atteintes aux<br />

personnes ou de la délinquance économique<br />

et financière – sont susceptibles<br />

de constituer des délits routiers [...].<br />

Pour autant, sont rares heureusement<br />

les infractions au code de la route qui<br />

occasionnent un accident mortel. Et il<br />

est difficile de dire quelle place la répression<br />

pénale tient dans la décroissance de<br />

l’hémorragie sur les routes. » [1]<br />

« Soutenir que l’absence de réponse à<br />

une infraction bénigne conduirait son<br />

auteur a en commettre de plus graves<br />

relève [évidemment] du délire : tout<br />

automobiliste, fut-il ministre, auteur d’un<br />

excès de vitesse, serait bientôt un corrompu<br />

et un assassin. » [2] Mais c’est<br />

ainsi : Les infractions au code de la route<br />

ne doivent aucunement être tolérées.<br />

Exemple : « Un Réunionnais [est] insulté<br />

et frappé par des policiers à Paris pour<br />

avoir traversé hors des clous. » [3]<br />

On s’est félicité de la progression : « Le<br />

nombre de retraits de permis de conduire<br />

a augmenté de 76 % [en 2004] par<br />

rapport à 2003 » [4]. « Les policiers font<br />

[en effet] preuve d’un remarquable zèle,<br />

et, dans la seule agglomération parisienne,<br />

au cours des dix premiers mois de<br />

2003 [...], l’augmentation du nombre<br />

des contraventions atteint 54 % pour le<br />

non-respect des feux rouges et 65 %<br />

pour l’utilisation du portable au<br />

volant. » [5]<br />

« Dopée par une culture intensive du<br />

résultat, 2004 [devait] être une excellente<br />

année pour la récolte des prunes.<br />

A Bercy, on [tablait] sur 510 millions<br />

d’euros [..., soit] une progression [...]<br />

de plus de 24 % [..., soit] plus de 100<br />

millions d’euros [...]. En 2003, déjà, [...<br />

ces recettes avaient augmenté] d’une<br />

centaine de millions. On n’arrête pas le<br />

progrès. [...]<br />

En principe, depuis la loi de finances de<br />

1978, la recette de ces amendes est<br />

reversée aux communes. Mais la nouvelle<br />

loi de 2003 renforçant la lutte contre<br />

la violence routière a prévu [...] une<br />

dérogation bienvenue, [et Bercy encaisse<br />

donc, à partir de 2003], la totalité des<br />

contraventions perçues [... grâce aux]<br />

radars. [...] A 135 euros, la prune, ça<br />

grimpe vite. Exemple : entre le 18<br />

décembre [2003] et le 4 janvier [2004],<br />

le radar [...] sur l’autoroute A75, dans<br />

l’Hérault, a rapporté [...] 2,29 millions<br />

293 Sécurisons un peu


d’euros. C’étaient les vacances et il a flashé<br />

jusqu’à 1 000 personnes par jour.<br />

[...] On comprend mieux l’appétit que<br />

suscite la gestion des PV chez les maires<br />

des grandes villes. » [5]<br />

« En 2006, les radars automatiques<br />

[devaient encore] rapporter 26 % de<br />

plus au Trésor public » [6] qu’en <strong>2005</strong>.<br />

Un « ministre des Transports se demande<br />

s’il ne faut pas cesser d’implanter des<br />

radars, constatant qu’ils n’ont globalement<br />

aucun impact sur le nombre de<br />

décès. [...] Mais c’est en Angleterre » [7].<br />

En France, au contraire, une « alliance<br />

va [alors] de la droite la plus chiraquienne<br />

aux socialistes [... et aux] verts.<br />

Objectif : [...] dépénaliser les infractions<br />

au stationnement payant et remplacer<br />

les amendes par des “redevances” dont<br />

le montant serait du seul ressort des<br />

élus. [...] Ce petit glissement sémantique<br />

[... serait utile.] Nul besoin de procès verbaux<br />

[...,] de policiers ni de tribunaux<br />

pénaux. Comme tous les litiges entre<br />

particuliers, seules les juridictions civiles<br />

Sécurisons un peu 294<br />

deviendraient compétentes. [... Et] les<br />

fonctionnaires ne seraient plus indispensables<br />

pour distribuer les prunes, n’importe<br />

quelle société privée pouvant s’en<br />

charger. Pour augmenter le rendement,<br />

les municipalités seraient même libres de<br />

pouvoir payer les entreprises concessionnaires<br />

en fonction du nombre d’infractions<br />

constatées. Un peu comme si<br />

un policier était rémunéré au nombre de<br />

voleurs arrêtés… » [8] Le rêve !<br />

Des exceptions doivent « confirmer »<br />

l’implacable règle routière. Des « listings<br />

“top secret” dénombrent 6 990 délits en<br />

douze mois ! 2 590 ont été commis par<br />

les véhicules d’ambassades, de consulats<br />

ou d’organisations internationales. Les<br />

4 400 autres sont le fait de fonctionnaires<br />

de police, de gendarmerie, de<br />

ministères, de préfectures… et même de<br />

Matignon et de l’Elysée ! Particularité<br />

[des PV] de ces contrevenants d’en<br />

haut : contrairement au million et demi<br />

[de PV] d’automobilistes d’en bas qui,<br />

[en 2004], ont été épinglés par les


adars et ont payé 100 millions d’euros à<br />

l’Etat, ils n’ont pas [… été reçus. Les] dossiers<br />

ont été classés “sans suite”… » [9]<br />

« Les flics et les fonctionnaires de<br />

l’Intérieur battent, haut la main, tous les<br />

records. Maximum au compteur : un<br />

bolide de la Direction générale de la<br />

police nationale (DGPN), chronométré à<br />

212 km/h sur autoroute [...]. Des centaines<br />

d’autres voitures de la DGPN ont<br />

été “prises” à plus de 160 km/h et parfois<br />

sur des axes limités à 50 km/h ! Au total,<br />

les policiers et leurs patrons ont eu les<br />

honneurs des radars à… 3 660<br />

reprises. » [10]<br />

Encore une fois, les dirigeants politiques<br />

sont exemplaires. En <strong>2005</strong>, sur « trois<br />

semaines, [... on] recense [pour Sarkozy<br />

et Villepin] les différentes infractions au<br />

code de la route allant des feux rouges<br />

brûlés, rues prises à contre-sens (soit -60<br />

points pour Villepin et -32 pour Sarkozy),<br />

les excès de vitesse (-5 points pour les<br />

deux membres du gouvernement) et les<br />

incivilités comme emprunter la file des<br />

bus (-10 points pour le Premier ministre<br />

et -3 pour le ministre de l'Intérieur). [...<br />

Et] un motard de la police qui ouvrait le<br />

convoi de Nicolas Sarkozy a été victime<br />

d'un accident sans gravité en voulant<br />

griller un feu : il a percuté une voiture<br />

arrêtée au feu devant l'esplanade des<br />

Invalides... » [11]<br />

[1] : (Philippe Robert et Marie-Lys Pottier, « Les grandes<br />

tendances de l’évolution des délinquances », in Laurent<br />

Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime et sécurité.<br />

L’état des savoirs », La Découverte, 2002)<br />

[2] : (« Sécurité ou justice, l’Etat de droit en question »,<br />

Justice, n° 170, 3/2002, p. 1 (7,60 euros, Diffusion populaire,<br />

21 ter, rue Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[3] : (Patricia Tourancheau, « “Je t'emmerde et je te mets<br />

un PV” », Liberation, 18/05/2004)<br />

[4] : (Le Canard enchaîné, 26/1/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après Le<br />

Monde, 21/1/<strong>2005</strong>)<br />

[5] : (Brigitte Rossigneux, « Une affaire qui roule… », Le<br />

Canard enchaîné, 10/3/2004, p. 4)<br />

[6] : (Le Canard enchaîné, 28/12/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après Le<br />

Journal du Dimanche, 18/12/<strong>2005</strong>)<br />

[7] : (Le Canard enchaîné, 4/1/2006, p. 2, d’après Le<br />

Parisien, 30/12/<strong>2005</strong>)<br />

[8] : (Hervé Liffran, « La privatisation des prunes fait rêver<br />

les maires de droite et de gauche », Le Canard enchaîné,<br />

10/3/2004, p. 4)<br />

[9] : (Christophe Nobili, « 7 000 fous du volant rescapés<br />

des radars », Le Canard enchaîné, 16/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[10] : (« Le char de l’Etat a fond la caisse », Le Canard<br />

enchaîné, 16/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[11] : (« Auto Plus épingle Villepin et Sarkozy », nouvelobs.com,<br />

29/11/<strong>2005</strong>, http://permanent.nouvelobs.com<br />

/societe/<strong>2005</strong>1128.OBS6817.html, d’après AP, d’après<br />

Auto Plus, n° 1566, 29/11/<strong>2005</strong>)<br />

« Il n’y a que la foi qui sauve. » [1] « Le Vatican est le pays d’Europe<br />

où la délinquance est proportionnellement la plus élevée [2]. En<br />

2002, il s’y est commis 600 forfaits pour 492 habitants seulement. » [3]<br />

Mais « la petite délinquance (pickpockets) est fréquente dans les lieux<br />

à affluence touristique » [4]. Il y a plus d’insécurité sous le lampadaire.<br />

Heureusement, on entrevoit une solution : « L’avocat Nicola Picardi, procureur du<br />

Vatican, souhaite que l’État pontifical adhère aux Accords de Shengen - bien qu’il<br />

ne soit pas membre de l’Union européenne -, afin de perfectionner “les mesures<br />

de protection de la sécurité” face au “terrorisme international”. » [5]<br />

[1] : (adage)<br />

[2] : (Libération, 9/1/2003)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 15/1/2003, p. 2)<br />

[4] : (Quai d’Orsay, « Fiches conseils aux voyageurs. Russie », 4/11/<strong>2005</strong>, http://www.diplomatie.gouv.fr/voyageurs/etrangers/avis/conseils/fiches/p_fiche.asp?pays=RUSSIE)<br />

[5] : (« Le Vatican souhaite rejoindre l’espace Shengen », voltairenet.org, 17/1/2006,<br />

http://www.voltairenet.org/article133781.html)<br />

295 Sécurisons un peu


Choisie, après le terrorisme, pour<br />

justifier aux yeux du peuple (« le<br />

public »), le retour de l’Etat policier,<br />

la délinquance est vraiment bien<br />

utile. Et, comme pour la drogue, ceux<br />

qui veulent en profiter investissent dans<br />

deux pôles apparemment complètement<br />

opposés : la prohibition ET le trafic, ou<br />

encore la répression ET la délinquance.<br />

Ce n’est pas trop difficile. Les surnommés<br />

« “sauvageons”, bien que socialement<br />

non intégrés, ont parfaitement intégré<br />

les valeurs dominantes [...] qui gouvernent<br />

effectivement les comportements<br />

dans “nos sociétés démocratiques” :<br />

argent, consommation, individualisme,<br />

compétition [...]. Recouvrant les petits<br />

trafics qui alimentent l'ordinaire des<br />

jeunes habitants des “cités” comme substitut<br />

ou complément au salariat précaire<br />

et à l'assistance, [les termes] de “bizness”<br />

[... ou de “deal” sont empruntés] au langage<br />

courant de tous ceux qui, à un titre<br />

ou à un autre, ont fait du monde une<br />

marchandise » [1].<br />

Les « méthodes employées par les<br />

“voyous” [... peuvent] apparaître frustes<br />

et artisanales au regard des techniques<br />

sophistiquées enseignées en “gestion”.<br />

[... Mais, il y a] d'indéniables analogies :<br />

concurrence exacerbée, recours à la<br />

force et à la ruse pour s'imposer,<br />

conquête et contrôle de territoires,<br />

[... ou] de “parts de marché”. Et le succès<br />

en “affaires” devra, pour les heureux<br />

gagnants dans cette course au profit, se<br />

manifester de manière visible autant que<br />

Sécurisons un peu 296<br />

possible : une paire de Weston, par<br />

exemple, pour le “broker” qui aura réussi<br />

un “joli coup” en Bourse, et de Nike<br />

pour le petit caïd de quartier qui y aura<br />

écoulé un “bon arrivage de dope”. Ou<br />

encore, pour tous les deux cette fois,<br />

une BMW<br />

[... Quand les] plus âgés vont exprimer<br />

leur rancœur d'être traités comme des<br />

moins que rien par [...] l'abstention, ou<br />

par un vote que les approbateurs patentés<br />

du monde tel qu'il va auront vite fait<br />

de qualifier de “protestataire” [...], les plus<br />

jeunes [..., eux,] vont s'efforcer de trouver<br />

un substitut à leur dignité déniée : le “respect”.<br />

Un ersatz, plutôt, importé comme<br />

[...] certaines tenues vestimentaires des<br />

ghettos des États-Unis, [... car] à côté des<br />

formes de révolte libératrices, il peut en<br />

exister d'aliénées.<br />

Compensation illusoire à l'inexistence<br />

sociale, le “respect” devient essentiel<br />

lorsque l'être, privé de consistance sociale,<br />

en est réduit à ne plus pouvoir s'affirmer<br />

que dans le paraître. D'où cet attachement<br />

névrotique de nombre de<br />

jeunes des “cités” à une “réputation”<br />

qu'ils vont bâtir puis préserver avec les<br />

moyens du bord. [...] “[...] Ce qui prime,<br />

c'est l'argent pour s'acheter les objets<br />

qui permettent de correspondre aux<br />

images que l'on voit dans la pub.” [2] Et<br />

cela vaut encore plus pour ceux qui ne<br />

valent rien, au sens propre [...] : une<br />

paire de Reebok ou de Rayban, ou encore<br />

un blouson Chevignon, dérobés ou<br />

non, pour échapper à l'invisibilité sociale<br />

[...,] au non-être. La “Marque”, mondialement<br />

connue, leur tiendra lieu de<br />

Nom. En l’arborant sur eux, ils auront<br />

l'impression d'être “comme tout le<br />

monde”. » [1]<br />

« Leurs “repères” [... sont] ceux inculqués<br />

par la publicité, en y incluant celle dont<br />

bénéficient les hauts faits de quelques


délinquants notoires en col blanc ou<br />

avec écharpe tricolore. Les “modèles”<br />

que véhicule à foison le matraquage<br />

médiatique sont parfaitement intériorisés<br />

par les enfants des couches “défavorisées”.<br />

Seuls font défaut à ces derniers<br />

les moyens de s'y conformer sans<br />

enfreindre la loi ou les codes de bonne<br />

conduite. » [1] « On ne peut donc sousestimer<br />

la part de la publicité aux<br />

sources de la violence, mise en jeu pour<br />

se procurer les objets que le statut économique<br />

ne permet pas toujours d'obtenir<br />

en se soumettant aux lois du monde<br />

marchand. » [3] [Pour l’étude détaillée<br />

des vitrines du paradis marchand : Voir<br />

Liquidation Totale n° 2] Et « les prospectus<br />

dont les boîtes aux lettres débordent<br />

(1,02 million de tonnes par an pour<br />

toute la France, soit une moyenne de 17<br />

kg par Français) » [4], en rajoutent, en<br />

prévenant les voleurs quand les locataires<br />

ne sont pas là.<br />

On peut parler de « normo-margi-<br />

naux » [5]. « Un [autre] concept désigne<br />

ce mimétisme délinquant : le conformisme<br />

déviant. [...] Au nom de la préservation<br />

d’une “identité culturelle” menacée<br />

par la suprématie “céfran”, de jeunes<br />

mâles s’autorisent à faire peser une véri-<br />

table oppression quotidienne sur les<br />

“meufs” de leur “territoire”, convertie en<br />

chasse gardée. Sans doute cette soumission<br />

qu’ils imposent à un genre renvoyé<br />

à sa faiblesse et son infériorité postulées<br />

les aide-t-elle à supporter le poids de la<br />

domination à laquelle ils doivent euxmêmes<br />

se plier dans les autres sphères<br />

de la société.<br />

[... Pour réguler ces normo-déviants bien<br />

utiles, il y a] encore, favorisé par des<br />

apprentis-sorciers qui misent sur les vertus<br />

pédagogiques d’un islam rigoriste<br />

pour encadrer une jeunesse que l’école<br />

publique n’arrive plus à “tenir”, l’essor<br />

d’un obscurantisme religieux, [..., pouvant]<br />

à l’occasion virer au fanatisme.<br />

Nourri de ces ingrédients régressifs, le<br />

souci obsessionnel de “l’honneur”, parmi<br />

les jeunes déshérités peut conduire à<br />

des horreurs, comme l’ont montré des<br />

faits divers [...] : lynchage à mort d’un<br />

jeune garçon par une bande en représailles<br />

à un “manque de respect”, jeune<br />

fille brûlée vive par un ancien petit ami<br />

pour l’avoir “traité”. » [1]<br />

[1] : (Jean-Pierre Garnier, « Fauteurs de troubles et facteurs<br />

de troubles », A contre courant, n° 168, 9-10/<strong>2005</strong>,<br />

pp. 5-8 (1,5 euros, BP 2123, F-68060 Mulhouse cedex),<br />

reprod. d’après La Question sociale, n° 2, <strong>2005</strong> (Librairie<br />

Publico, 145 rue Amelot, F-75011 Paris, 7 euros à l’ordre<br />

de G. Carroza))<br />

[2] : (Rabah Ameur-Zaïmeche, Entretien, No Pasaran,<br />

n° 10, 6-7-8/2002)<br />

[3] : (Henri Laborit, « La Colombe assassinée », Grasset,<br />

1983, p. 144)<br />

[4] : (Sophie Durand, Le Monde diplomatique, 1/2006,<br />

p. 27, chronique du livre de Sébastien Darsy, « Le temps<br />

de l’antipub. L’emprise de la publicité et ceux qui la combattent<br />

», Actes Sud (Arles), <strong>2005</strong>)<br />

[5] : (Jules Henry et Léon Léger, « Les hommes se droguent,<br />

l’Etat se renforce », Champ Libre, 1976)<br />

297 Sécurisons un peu


Les conditions de (sur)vie n’étant<br />

pour rien dans la délinquance, il<br />

convient donc de casser la mauvaise<br />

graine.<br />

« Le syndicat des commissaires et hauts<br />

fonctionnaires de la police nationale<br />

(SCHFPN) [..., dit] “Schtroumpf” [..., a<br />

publié] un document de “proposition”<br />

pour “la sécurité au quotidien”. [...] De<br />

très nombreuses dispositions des lois<br />

Sarkozy et Perben [Voir « La loi ne fait<br />

que répondre aux menaces terroristes »,<br />

p. 327] sont inspirées par des “idées” du<br />

Schtroumpf et de ses dirigeants. [...]<br />

L’idée de délier les travailleurs sociaux de<br />

leur secret professionnel pour les [...]<br />

obliger [...] à se confier aux policiers et aux<br />

magistrats est longtemps développée.<br />

[... Le] Schtroumpf se lance dans la “prévention<br />

précoce des enfants à risque”.<br />

L’action menée actuellement est jugée<br />

“tardive”. “Aucune action, se désole le<br />

rédacteur du texte, n’a été expérimentée<br />

à ce jour auprès d’enfants qui présentent<br />

un comportement prédicteur (sic)<br />

de la délinquance dès la crèche, la<br />

maternelle ou l’école primaire.” » [1]<br />

Il faut changer l’approche. A la crèche,<br />

Sécurisons un peu 298<br />

un bébé vicieux tend-t-il la main vers la<br />

poitrine d’une dame de l’encadrement ?<br />

Incivilité ! « Les incivilités désignent<br />

moins une réalité sortant du champ des<br />

conduites incriminables qu’un ensemble<br />

de conduites qui sont la plupart du<br />

temps le fait de jeunes et qu’on ne juge<br />

pas ou pas assez incriminées. La lutte<br />

des incivilités se confond avec la volonté,<br />

récurrente aux Etats-Unis et en<br />

Europe, d’intensifier l’action pénale<br />

autour de la notion de “tolérance zéro”.<br />

A travers la chasse aux incivilités, certains<br />

prétendent en fait systématiser le traitement<br />

pénal des petits délits, en sollicitant<br />

le zèle policier à “l’insuffisance des<br />

plaintes”. » [2]<br />

De l’incivilité à la délinquance, on les voit<br />

venir. « Courbe évolutive d'un jeune qui<br />

au fur et à mesure des années s'écarte<br />

du “droit chemin” pour s'enfoncer dans<br />

la délinquance, voilà le titre de la seule<br />

illustration du rapport Bénisti [3] [truffé<br />

de fautes d’orthographe] sur la prévention<br />

de la délinquance, remis au ministre<br />

de l'Intérieur en octobre 2004. Selon le<br />

graphique, les “comportements déviants”<br />

commencent dès la maternelle. » [4]<br />

Enfin, pour en remettre une couche, le<br />

bienveillant INSERM a publié fin <strong>2005</strong> un<br />

rapport sur le « Trouble de la conduite<br />

chez l’enfant et l’adolescent » [5]. « Ce<br />

document présente la synthèse des travaux<br />

du groupe d’”experts réunis par<br />

l’Inserm dans le cadre de la procédure<br />

d’expertise collective, [...] sur le dépistage,<br />

la prise en charge et la prévention et<br />

du trouble des conduites chez l’enfant et<br />

l’adolescent. Il s’appuie sur les données<br />

scientifiques [... de plus] de 1 000<br />

articles et documents » [6]. Ses<br />

« approches et les conclusions conduisent<br />

à pathologiser les comportements<br />

“déviants” (rebaptisés anti-sociaux par les<br />

auteurs) d’enfants et d’adolescents. Il<br />

encourage la surveillance et la normali-


sation très précoce des familles et des<br />

enfants repérés comme antisociaux.<br />

» [7].<br />

« Alertez les bébés ! » [8] La nouvelle<br />

méthode : J’ai bien fait de gifler ce nourrisson<br />

puisque j’avais prévu qu’il allait<br />

brailler ! Et si je n’avais pas tué dans<br />

l’œuf de mauvaises tendances, alors<br />

ç’aurait été pire, croyez-moi.<br />

[1] : (Louis-Marie Horeau, « Le syndicat des commissaires<br />

s’attaque aux délinquants en couches-culottes », Le<br />

Canard enchaîné, 28/9/<strong>2005</strong>, p. 4)<br />

[2] : (Hugues Lagrange, « La délinquance des jeunes », in<br />

Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime et<br />

sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002, p. 159)<br />

[3] : (Pdt Jacques Alain Bénisti et all., « Rapport préliminaire<br />

de la commission prévention du groupe d’études<br />

parlementaire sur la sécurité intérieure », 10/2004,<br />

reprod. in http://www.etudiants-social.ouvaton.org/IMG/<br />

pdf/rapport_benisti.pdf)<br />

[4] : (CQFD, n° 20, 2/<strong>2005</strong>, p. 1, (B.P. 70054, F-13192<br />

Marseille Cedex 20, 2 euros))<br />

[5] : (Inserm, « Expertise collective. Trouble de la conduite<br />

chez l’enfant et l’adolescent », http://www.libertysecurity.org/IMG/pdf/INSERM_trouble_conduites_synthese.pdf,<br />

1.6 Mo)<br />

[6] : (Inserm, op. cit., p. V)<br />

[7] : (« L’INSERM pathologise la délinquance », Liberty &<br />

Security, 11/10/<strong>2005</strong>, http://www.libertysecurity.org/arti<br />

cle447.html, d’après Liste etatpenal)<br />

[8] : (Jacques Higelin, « Alertez les bébés ! (1976-1987) »,<br />

1987)<br />

Début 2002, le « virage "sécuritaire"<br />

du candidat Jospin [Voir « Jospin<br />

dans la gueule », p. 224] a surpris<br />

plus d'un spécialiste de la délinquance<br />

juvénile. [...]<br />

Magistrats et fonctionnaires<br />

affirment [alors] ne plus savoir<br />

qui croire. Le Premier ministre<br />

qui avait jusqu'à présent<br />

donné raison à ses gardes des<br />

Sceaux contre ses ministres de<br />

l'Intérieur ? Ou le candidat<br />

Jospin dont les propositions<br />

sont peu éloignées de celles<br />

de son rival Chirac ?<br />

Les juges des mineurs doivent<br />

donc [alors] se contenter<br />

d'une lettre [datée du 15<br />

décembre 1998] de la directrice<br />

de la Protection judiciaire<br />

de la jeunesse, Sylvie<br />

Perdriolle, qui, sauf avis<br />

contraire, garde valeur de<br />

bible en la matière. [...] "Il<br />

m'apparaît nécessaire, écrivait<br />

cette magistrate, de rappeler<br />

que des centres fermés ont<br />

existé en France jusqu'à la fin<br />

des années 1970. Cette expérience<br />

s'est soldée par un<br />

échec. [...] La violence qui<br />

caractérisait le fonctionne-<br />

299 Sécurisons un peu


ment de ces centres a conduit à leur fermeture."<br />

» [1]<br />

Le « centre fermé [...] a eu plusieurs<br />

noms depuis la Maison d’amélioration<br />

du projet Mirabeau de 1790, la maison<br />

de correction de 1791, la prison d’amendement<br />

de 1814, la maison d’éducation<br />

correctionnelle de 1836, les colonies<br />

agricoles, industrielles, pénitentiaires ou<br />

correctionnelles de 1850, les Maisons<br />

d’éducation surveillée de 1927, les IPES,<br />

institutions publiques d’éducation surveillée<br />

de 1940 qui deviennent internats<br />

publics puis professionnels en 1945, les<br />

Centres d’observation publics de [l’E.S.]<br />

toujours en 1945, puis les institutions<br />

d’éducation corrective, puis [Institutions]<br />

spéciales et enfin les foyers de semi-liberté<br />

de 1955 et d’action éducative en<br />

1965… Bref, la terminologie change, la<br />

réalité perdure. Ces différentes structures<br />

n’ont jamais empêché l’augmentation<br />

du nombre de condamnations de<br />

mineurs et ceux qui les ont connues ou<br />

décrites en parlent comme des lieux<br />

d’hyperviolence institutionnelle où les<br />

crimes sexuels étaient fréquents. » [2]<br />

Même si « la palme revient sans surprise<br />

à Le Pen avec sa proposition d'abaisser<br />

la majorité pénale à dix ans » [3], Jospin<br />

a changé d’apparence. Et Guigou, l’ancienne<br />

garde des Sceaux de Jospin, se<br />

dit consternée, car « les spécialistes de<br />

l'enfance délinquante - psychologues,<br />

juges des mineurs, éducateurs de la PJJ<br />

[Protection Judiciaire de la Jeunesse] et<br />

même parlementaires, auteurs de rapports<br />

sur la question - lui renvoient tous<br />

le même son de cloche. Les centres fermés,<br />

conçus comme des prisons pour<br />

mineurs, se transforment rapidement,<br />

affirment-ils, en Cocotte-Minute. En sortant,<br />

au bout de quelques années, des<br />

fauves encore plus violents qu'à leur<br />

entrée et prêts à terroriser leur quartier<br />

d'origine. » [4]<br />

Sécurisons un peu 300<br />

Et en « Espagne, malgré une [...] campagne<br />

électorale musclée sur le thème<br />

de l’insécurité, le parti de droite au pouvoir<br />

a renoncé, [en 2001], à l’emprisonnement<br />

des mineurs “tant son échec en<br />

matière de réinsertion est évidente”. » [5]<br />

Mais Jospin tient bon la barre à<br />

mine(urs). « Nous sommes bien loin du<br />

“projet socialiste pour la France des<br />

années 80” [, qui] avait pour objectif “la<br />

dépénalisation complète de la justice<br />

des mineurs”. Le pouvoir a rendu les<br />

socialistes tellement [“]responsables[“]<br />

qu’ils endossent désormais les idées et<br />

les méthodes qu’ils pourfendaient<br />

naguère encore, avec la virulence des<br />

nouveaux convertis. » [2] S’ils ont été<br />

retournés, ce ne sont pourtant pas eux<br />

qui l’ont dans le dos.<br />

[1] : (Alain Guédé, « Les juges des mineurs regrettent déjà<br />

le Premier ministre Jospin », Le Canard enchaîné,<br />

20/3/2002 p. 3)<br />

[2] : (Alain Dru, « Le syndrome de l’enfermement… »,<br />

Justice, n° 170, 3/2002, pp. 9-11 (7,60 euros, Diffusion<br />

populaire, 21 ter, rue Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[3] : (« Présidentielles. De A à Z, les mots de la campagne<br />

», L'Humanité, 20/4/2002, http://www.humanite.fr/journal/2002-04-20/2002-04-20-32555,<br />

cité par Le Canard<br />

enchaîné 24/4/2002, p. 2)<br />

[4] : (Jean-François Julliard, « Les centres fermés pour<br />

délinquants mineurs créent des désaccords majeurs au<br />

PS », Le Canard enchaîné, 27/3/2002, p. 4)<br />

[5] : (« Les experts tirent à vue sur la loi Perben », Le<br />

Canard enchaîné, 7/8/2002, p. 4, d’après Dedans Dehors<br />

(mensuel de l’Observatoire international des prisons,<br />

http://www.oip.org), 7/2002)


Puisque ces idées devaient faire vibrer<br />

le second tour [des présidentielles de<br />

2002], et puisque tous les chefs de<br />

grands partis sont d’accords, les mineurs<br />

sont volontiers accueillis en prison !<br />

« Les premiers centres fermés, au<br />

nombre de quatre, [... ont ouverts début<br />

2003]. Mais dans le même temps, le<br />

gouvernement se prépare à fermer<br />

quelques-uns des centres ouverts.<br />

[... Le] nombre de mineurs confrontés à<br />

la justice, connaît une véritable explosion.<br />

En 2001, 75 000 décisions et<br />

condamnations ont été prononcées par<br />

des tribunaux et juges pour enfants,<br />

contre 35 000 [huit ans plus tôt]. Et<br />

4 000 mineurs ont été incarcérés pour<br />

des durées variables, soit deux fois de<br />

plus qu’en 1990.<br />

Sainte-Eulalie (Gironde), Lusigny (Allier),<br />

Saint-Denis-le-Thiboult (Seine-maritime)<br />

et Puygiron (Drôme) reçoivent donc chacun,<br />

depuis mars [2003], et pour six<br />

mois (éventuellement renouvelable une<br />

fois) entre 8 et 10 pénitentiaires, logés<br />

en chambre individuelle. Chaque groupe<br />

sera encadré par 27 adultes – éducateurs,<br />

psychologues, enseignants (la<br />

rescolarisation est une priorité) – travaillant<br />

à temps complet. Le tout dans<br />

un environnement de choix [...]. Au<br />

bout du compte, le prix de revient par<br />

jour et par mineur dépassera 600 euros.<br />

Un coût cinq fois supérieur à celui d’un<br />

séjour en prison. Ce prix élevé est sans<br />

doute la principale raison de l’extrême<br />

timidité des promoteurs de centres fermés.<br />

Après des mois de campagne sécuritaire,<br />

de discours enflammés dénonçant<br />

le laxisme à l’égard des “sauva-<br />

geons”, Dominique Perben, garde des<br />

Sceaux, et son sous-ministre à la<br />

construction des prisons, Pierre Bédier,<br />

ont accouché d’une souris. » [1]<br />

Notons d’ailleurs que Bédier dut démissionner<br />

peu après, « soupçonné d’avoir<br />

perçu des fonds en espèces de la part du<br />

PDG d’une société de nettoyage, [...]<br />

lorsqu’il était maire de [Mantes-la-Jolie],<br />

entre 1995 et 2002, en échange de son<br />

appui pour l’attribution de marchés. » [2]<br />

« A la fin de l’année [2003], le nombre<br />

de jeunes de treize à seize ans accueillera<br />

en établissements fermés [devaient<br />

atteindre] péniblement… la soixantaine.<br />

[... Des] milliers de mineurs [...], dans les<br />

prochaines années, n’auront pas d’autre<br />

choix que de passer par la case prison.<br />

Car [de début 2003] à la fin 2007, il [fallait]<br />

compter au mieux 400 à 600 places<br />

dans les nouveaux établissements. [...]<br />

Les stratèges du ministère semblent si<br />

honteux de leur indulgence qu’à l’horizon<br />

2006 ils comptent créer des “établisssements<br />

pénitentiaires pour<br />

mineurs” (de vrais prisons, cette fois)<br />

accueillant chacun de 50 à 70<br />

jeunes. [...]<br />

Les éducateurs eux-mêmes, et les responsables<br />

de ces centres fermés-entrouverts<br />

[... boudent]. “Je ne suis pas un flic,<br />

déclare l’un d’eux, et pas un maton non<br />

plus. Ces jeunes, il faut être ferme avec<br />

eux, mais aussi comprendre qu’avant<br />

d’être violents ils ont tous été des victimes.”<br />

Et d’évoquer le parcours d’enfants<br />

battus, violés, abandonnés et refusés<br />

à l’adoption, ou chassés de chez eux<br />

à treize ans, par une mère qui “refait sa<br />

vie”. “On a reçu dans un foyer un gosse<br />

qui, à peine arrivé, s’est mis à tout casser,<br />

raconte un de ses collègues. Quand<br />

on a lu son dossier, on a compris. A<br />

douze ans il avait assisté, impuissant, au<br />

meurtre de sa mère par son père. La<br />

301 Sécurisons un peu


petite sœur de quatre ans hurlait, assise<br />

par terre.” [...]<br />

[Faut-il] alors généraliser les quartiers<br />

pour mineurs dans les prisons ? Surtout<br />

pas, répondent les éducateurs, qui invoquent<br />

les taux de rechute catastrophiques<br />

(plus de 80 %) à la sortie. » [1]<br />

Ils n’ont rien compris ! Une telle situation<br />

justifiera qu’on serre encore plus la vis.<br />

Et on peut aussi assister les enfants hors<br />

les murs. « Confié au service de l'enfance<br />

et de la famille du Conseil général du<br />

Finistère, [un] adolescent [de 15 ans]<br />

s'était retrouvé en Zambie dans le cadre<br />

d'une action d'assistance éducative<br />

["séjour de rupture"] prononcée par le<br />

juge des enfants en raison de nombreuses<br />

difficultés de comportement.<br />

Arrivé le 25 février [2002] au camp de<br />

Livingstone, l'adolescent devait trouver<br />

la mort le 17 mars, quatre jours après<br />

avoir subi des actes d'une "violence<br />

inqualifiable", [... perpétrés] également<br />

[...] 48 heures avant le décès.<br />

Selon les témoignages [... des] autres<br />

adolescents, l'éducateur [...], titulaire<br />

pour seul diplôme d'un brevet de culturisme,<br />

aurait eu recours à [... quelques<br />

saines mesures éducatives] : tête plongée<br />

à plusieurs reprises dans une mare à<br />

Sécurisons un peu 302<br />

cochons, coups de baguette et de rangers<br />

sur les tempes. L'adolescent aurait<br />

également été abandonné toute une<br />

nuit attaché nu à un poteau. A l'origine,<br />

sa mort avait été présentée à la famille<br />

comme consécutive à un accident de<br />

vélo. » [3]<br />

[1] : (Jean-François Julliard, « Les centres fermés pour<br />

mineurs délinquants sont déjà ouverts à toutes les critiques<br />

», Le Canard enchaîné, 30/4/2003, p. 4)<br />

[2] : (Ludovic Tomas, « Démission. Une mise en examen<br />

fait trébucher Pierre Bédier », L’Humanité, 23/1/2004,<br />

http://www.humanite.fr/journal/2004-01-23/2004-01-<br />

23-386620)<br />

[3] : (« Interrogations après la mort d'un adolescent en<br />

"séjour de rupture" en Zambie », AFP, 14/4/2002,<br />

http://www.huyette.com/afp140402.htm)<br />

« Le discours sécuritaire permet de<br />

justifier l’incarcération annuelle de<br />

4 000 enfants, de délaisser complètement<br />

les procédures d’assistance éducative<br />

en refusant de voir qu’un<br />

mineur délinquant est plus en danger<br />

que dangereux » [1].<br />

Les « jeunes confiés à la PJJ sont [en<br />

effet] aussi victimes de violences physiques<br />

ou sexuelles (45 % des garçons et<br />

62 % des filles) [... Et, évidemment,] les<br />

jeunes victimes de violences physiques<br />

ont plus souvent des conduites violentes.<br />

[... Il] est facile de larmoyer sur les<br />

pauvres enfants victimes et de réprimer<br />

sauvagement les auteurs : ce sont trop<br />

souvent les mêmes. Il est facile de créer<br />

des jolis sites Internet pour combattre<br />

l’utilisation des mineurs dans la prostitution<br />

et favoriser la violence sexuelle dans<br />

l’institution » [2].<br />

Conséquences des traumatismes de l’enfance<br />

? « Les personnes traumatisées


continuent généralement d’avoir [...]<br />

une tendance à répondre aux stress en<br />

tout ou rien. Elles sont enclines à réagir<br />

avec une anxiété [...]<br />

accompagnée par une<br />

décharge motrice, ou par<br />

un retrait social et émotionnel.<br />

» [3] Une assistance<br />

psychologique a heureusement<br />

été prévue.<br />

« “Assermentés à la cour<br />

d’appel de Douai, deux<br />

experts psychologues [ont<br />

été] mis en examen pour<br />

pédophilie et viol.” [4]<br />

Voilà qui doit rassurer ». [5]<br />

« Ouvrez une école, vous<br />

fermerez une prison » [6]<br />

disait-on. Mais si quelques<br />

écoles privées vont encore<br />

fleurir, l’école publique<br />

semble, elle, vouée à<br />

l’agonie [Voir « Enfants perdus sans colliers<br />

», p. 491]. On prévoit par contre un<br />

boum dans l’immobilier pénitentiaire,<br />

d’autant que « “chaque pouce de terrain<br />

conquis en matière éducative est très vite<br />

reperdu lorsque d’inévitables maladresses<br />

sont commises et que les partisans du<br />

droit répressif classique rencontrent l’appui<br />

de l’opinion publique” [7]. [...]<br />

Dans cette logique de la plus pure idéologie<br />

[“]libérale[“], la remise en cause de<br />

la primauté de l’éducatif sur le répressif<br />

pour les mineurs va de pair avec la remise<br />

en cause des libertés individuelles<br />

sous un prétexte anti-terroriste. Le<br />

“consensus” conduit au contrôle de<br />

tous, tout le temps. En d’autres temps,<br />

d’aucuns appelleraient ça l’Etat<br />

policier. » [2]<br />

La « loi Perben [Voir « Modèle suivi ?<br />

Allah loupe ! », p. 331], entre les lignes,<br />

circonscrit [...] le “problème” de l’insécurité<br />

en désignant comme son principal<br />

responsable [... les] “jeunes de banlieue”<br />

- euphémisme “politiquement correct”<br />

servant à pointer du doigt les jeunes<br />

maghrébins pauvres, en général suspectés<br />

de ne pas être assez<br />

pauvres par rapport à leur<br />

condition sociale initiale,<br />

et de s’enrichir indûment<br />

par l’économie informelle<br />

et les trafics. C’est l’apanage<br />

des “sauvageons” forgés<br />

par Chevènement, et<br />

la nouvelle “classe dangereuse”<br />

mise en scène par<br />

les élites politiques françaises.<br />

» [8]<br />

« La logique qui lie le repli<br />

de l’”Etat social” aux avancées<br />

de l’”Etat de sécurité”,<br />

ou de l’Etat pénal, se<br />

retrouve dans le dispositif<br />

même de la loi [...<br />

Perben]. Alors que les responsabilités<br />

de la croissance de certaines<br />

formes de délinquance incombent en<br />

premier lieu aux politiques économiques<br />

menées depuis vingt ans, et à ceux qui<br />

en sont les auteurs, la loi Perben défausse<br />

les gouvernants eu détriment [...] des<br />

familles pauvres [... et] porte que les<br />

parents d’un mineur placé en centre<br />

éducatif se verront privés de la part d’allocations<br />

familiales correspondantes [9]<br />

[...]. Une telle restauration du lien entre<br />

protection sociale et “moralisation” des<br />

classes populaires [...] renvoie au discours<br />

moraliste des libéraux des années<br />

1930 » [8].<br />

En « se posant comme les maîtres “bons,<br />

mais sévères”, de familles traitées<br />

comme politiquement et socialement<br />

mineures, les [...] gouvernants redoublent<br />

l’humiliation des parents qui, souvent,<br />

éprouvent déjà les plus grandes<br />

difficultés à maintenir une relation<br />

d’”autorité” avec leurs enfants [... Les]<br />

relations intrafamiliales pâtiront davanta-<br />

303 Sécurisons un peu


ge encore de cette mesure et [la] perte<br />

financière qui en découlera sera dans<br />

maints cas compensée, du côté des<br />

ados, par une recrudescence des petits<br />

délits. » [10] Mais que veut-on réellement<br />

faire ? « Eteindre le feu ou souffler<br />

sur les braises ? » [11]<br />

« Dès la fin des années quatre-vingt, des<br />

voix se sont élevées, y compris parmi les<br />

vétérans de la “guerre à la drogue”, pour<br />

[... souligner] que les lois antidrogues<br />

étaient plus nocives que les substances<br />

elles-mêmes et qu’elles mettaient en péril<br />

les libertés publiques, que la prohibition<br />

contribuait à dynamiser l’économie souterraine,<br />

ou bien encore qu’elle était<br />

contre-productive en matière de soins.<br />

[...] En France, [...] le Conseil national du<br />

sida [s’est prononcé] en faveur d’une<br />

décriminalisation totale de la consommation<br />

[... En] 1995 déjà, une commission<br />

d’experts nommée par le gouvernement<br />

avait préconisé, en vain, de dépénaliser<br />

l’usage et la possession de cannabis.<br />

» [12] [Voir « Pour la drogue donc<br />

contre », p. 144]<br />

« Si l’on veut rendre compte des délinquances<br />

des jeunes, il faut [13] [...] réfléchir<br />

non pas seulement en terme de<br />

mécanismes inhibiteurs ou de morale<br />

intériorisée, mais s’interroger sur les raisons<br />

des jeunes de jouer le jeu social<br />

dans les règles. Dans cette optique, on<br />

passe d’une compréhension de la délinquance<br />

comme insuffisance des ressources<br />

ou des capacités adaptatives de<br />

la part de jeunes à une situation où les<br />

acteurs considèrent que, pour eux, le<br />

jeu est verrouillé, qu’il n’ont pas ou trop<br />

peu de possibilités d’action dans le respect<br />

des règles et que, par conséquent,<br />

il faut sortir du cadre imposé. » [14] Et<br />

rentrer alors dans un nouveau cadre : les<br />

« normo-marginaux » [Voir « La tenaille<br />

dont vous êtes une mâchoire », p. 296].<br />

Pourquoi en est-on arrivé là ? « Si l’enfant<br />

Sécurisons un peu 304<br />

est la première victime de la société marchande,<br />

c’est qu’il porte en lui la promesse<br />

d’une vie dont la loi du profit<br />

brise l’essor. N’être pas rentable est son<br />

crime, le devenir rapidement, sa seule<br />

façon de l’expier. Emancipé – en Europe<br />

tout au moins – de la famille patriarcale<br />

où il n’était qu’un objet soumis à un pouvoir<br />

paternel arbitraire et presque absolu,<br />

le voici, dès le berceau, sommer de<br />

consommer l’inutilité rentable, en attendant<br />

l’âge où il aura le devoir de la produire.<br />

» [15]<br />

Et heureusement, en effet, que les<br />

marques [Voir Liquidation Totale n° 2] lui<br />

permettent de s’évader. Comment ça se<br />

passe ? Le « magazine de la chaîne<br />

McDonald's intitulé "ça se passe comme<br />

ça" [16] vante les mérites du jeu Gran<br />

Theft Auto : "Sous les traits d'un braqueur<br />

de banque évadé, vous devez écumer les<br />

rues [...] vous disposerez d'une dizaine<br />

d'armes [...]. Libre à vous [...] d'agresser<br />

ouvertement les passants dans la<br />

rue." » [17] Mais, en jouant chez McDo,<br />

on pourra s’énerver avec du café « équitable<br />

», alors l’honneur « citoyen » sera<br />

sauf. En effet, dès 2003, « c'est un café<br />

acheté selon les règles du commerce équitable,<br />

certifié Max Havelaar, que les clients<br />

des 140 restaurants McDo de Suisse vont<br />

déguster, pour un prix un peu plus élevé.<br />

Une opération marketing de taille » [18].<br />

Et si on calmait tous ces « sauvageons »


avec un peu de chimie ? En 2003, il y<br />

avait déjà ainsi « 220 000 enfants sous<br />

Ritaline° en Grande Bretagne » [19] !<br />

Mais des Cassandre la déconseillent<br />

pourtant : « Chez l’enfant, le diagnostic<br />

de syndrome d’hyperactivité avec déficit<br />

de l’attention repose sur des symptômes<br />

non spécifiques (agitation motrice, déficit<br />

de l’attention, impulsivité). Ses limites<br />

sont floues [...]. La thérapie comportementale<br />

est efficace chez la majorité des<br />

enfants [... La Ritaline°] est un<br />

recours de dernière ligne,<br />

chez les enfants dont le<br />

comportement reste perturbé<br />

avec des conséquences<br />

so-ciales, scolaires<br />

et familiales préoccupantes<br />

malgré les<br />

prises en charge non<br />

médicamenteuses. Le<br />

déra<strong>page</strong> de la prescription<br />

vers des enfants<br />

simplement turbulents<br />

expose à des risques disproportionnés.<br />

» [20] Peu importe, si<br />

nos amies naturelles les industries chimiques<br />

en profitent !<br />

De son côté, fin 2002, le garde des<br />

sceaux « Dominique Perben dispose<br />

d’un laboratoire où expérimenter [...,]<br />

Chalon-sur-Saône, la ville dont il a été le<br />

maire jusqu’en mai [2002]. Les élus et<br />

fonctionnaires municipaux participant à<br />

la rédaction d’un “contrat local de sécurité”<br />

y fourmillent d’idées [...,] résumées<br />

dans un document de travail [...] : “Il faut<br />

[...] forcer le trait (sic), sortir de la statistique<br />

et opter désormais pour un suivi<br />

personnalisé des familles et des mineurs<br />

signalés.” [...] En organisant la “traçabilité”<br />

(comme pour les bestiaux [Cf.<br />

Liquidation Totale n° 1]) de ces mauvais<br />

éléments, et en multipliant les fichages<br />

des jeunes mais aussi de leurs proches.<br />

Pour “dix, vingt, cinquante familles, il est<br />

nécessaire de pouvoir dresser [une] liste<br />

en croisant les données de la police<br />

nationale, de la police municipale, des<br />

services de la CAF (Allocations familiales),<br />

des services de l’Education nationale,<br />

des bailleurs sociaux, de la Ville, de la<br />

sous-préfecture”. Peu importe que le<br />

“croisement” de ces fichiers soit interdit<br />

par la commission nationale Informatique<br />

et Libertés, puisque c’est pour la<br />

bonne cause » [21]. [Voir « Fichiers à la<br />

fin ! », p. 447]<br />

[1] : (« Sécurité ou justice, l’Etat de droit<br />

en question », Justice, n° 170, 3/2002,<br />

p. 2 (7,60 euros, Diffusion populaire,<br />

21 ter, rue Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[2] : (Alain Dru, « Le syndrome de<br />

l’enfermement… », Justice, n° 70,<br />

3/2002, pp. 9-11)<br />

[3] : (Dr Maurice Green,<br />

« Conséquences à long terme<br />

des traumatismes de l'enfance »,<br />

in fine, trad. Dr Isablle<br />

Bouguennec, http://psydocfr.broca.inserm.fr/bibliothq/sallelec/textselect/Green.html)<br />

[4] : (Titre du Figaro, 7/6/2003)<br />

[5] : (Le Canard enchaîné, 11/6/2003, p. 2)<br />

[6] : (Victor Hugo)<br />

[7] : (Rapport Costa, 1976)<br />

[8] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre aux<br />

pauvres vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1,<br />

10-11/2002, p. 20)<br />

[9] : (Voir Frédéric Chambon, Pascale Kremer et Mathilde<br />

Mathieu, « La loi sur la justice alarme les syndicats et les<br />

associations », Le Monde, 7/8/2002)<br />

[10] : (Edwige Caillet, « Démagogie sécuritaire contre les<br />

familles populaires et les enseignants », Ecologie Sociale,<br />

n° 1, 10-11/2002, p. 21)<br />

[11] : (Laurent Mucchielli, « Quand la hiérarchie policière<br />

analyse la "violence urbaine" », amnistia.net – Les Enquêtes<br />

interdites, 17/4/2001)<br />

[12] : (Igor Charras, « L’incrimination de l’usage et du trafic<br />

de stupéfiants », in Laurent Mucchielli et Philippe<br />

Robert (dir.), « Crime et sécurité. L’état des savoirs », La<br />

Découverte, 2002, pp. 108-109)<br />

[13] : (Selon R. K. Merton, « Anatomie et structure sociale»,<br />

1938, réed. PUF, 1985)<br />

[14] : (Hugues Lagrange, « La délinquance des jeunes », in<br />

Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), op. cit., p. 166)<br />

[15] : (Raoul Vaneigem, « L’économie tue l’enfance », préface<br />

à Philippe Godard, « Contre le travail des enfants »,<br />

Desmaret, 3/2001, p. 9)<br />

[16] : (Ça se passe comme ça, 5/2002)<br />

[17] : (Le Canard enchaîné, 29/5/2002, p. 5)<br />

[18] : (Sylvie Touboul, « Du café équitable dans les Mc<br />

Do suisses », novethic.fr, 1/8/2003, http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=39365)<br />

[19] : (France Info, 23/5/2003)<br />

305 Sécurisons un peu


[20] : (La Revue Prescrire, 4/2004, tome 24, n° 249,<br />

p. 289, 83, bd Voltaire, F-75558 Paris cedex 11,<br />

http://www.prescrire.org)<br />

[21] : (J.-F. J., « Chalon-sur-zone, laboratoire de Perben »,<br />

Le Canard enchaîné, 2/10/2002, p. 4)<br />

« Dix pays ont [certes] désormais ratifié<br />

le Traité [1] interdisant le recours<br />

aux enfants soldats, soit le nombre<br />

minimum requis pour que le texte<br />

entre en vigueur. Mais de nombreuses<br />

ratifications sont encore nécessaires [...]<br />

Ce Traité] établit à 18 ans l'âge minimum<br />

de la conscription, du recrutement forcé<br />

ou de la participation à un conflit armé.<br />

[...] C’est la position "straight 18" souhaitée<br />

par l’ONU » [2]. Mais les enfants sont<br />

souvent utilisés comme chair fraîche à<br />

canon [3].<br />

Dans certaines contrées, Ça fait même<br />

quelques décennies qu’on cultive les<br />

enfants tueurs, dans le civil. « Comme ils<br />

sont plus jeunes, il n’en seront que plus<br />

impitoyables » [4]. Et plus influençables<br />

par l’ambiance générale. « Ces garçons<br />

Sécurisons un peu 306<br />

ne sont que la plaie, la manifestation<br />

extérieure d’une maladie répandue dans<br />

tout le corps social. Par leurs agissements,<br />

ils posent des questions essentielles<br />

à cette société à propos de la<br />

cohérence de son projet éthique et<br />

social. Mais ils ne touchent [l’opinion, via<br />

les médias,] que lorsque leur action<br />

concerne les centres sensibles du pouvoir.<br />

» [5]<br />

« De petites bandes extravagantes ont<br />

surgi. Leurs membres sont grossiers avec<br />

les gens, tuent pour un oui ou pour un<br />

non, parce que tu m’as regardé comme<br />

ça ou parce que tu ne m’as pas regardé.<br />

Ces types qui font de l’épate, voilà la<br />

véritable ruine » [6]. Des « familles<br />

entières ont été tuées à la suite de vengeances.<br />

C’est que si on descend un<br />

copain ou un parent à toi, tu t’arranges<br />

pour flinguer le donneur ou quelqu’un<br />

de sa famille, pourvu que ça ne soit pas<br />

une femme. Si tu n’agis pas, on te<br />

marche sur les pieds. » [7]<br />

« Celui qui présente le tueur à gages<br />

comme un malade paranoïaque et celui<br />

qui l’absout en tant que produit de la<br />

marginalisation font preuve du même<br />

manichéisme. » [8] On participe avec<br />

détermination à un mouvement général.


« C’est très difficile de juger les gens, car<br />

les conditions de vie sont très précaires.<br />

[...] De plus, les médias leurs suggèrent<br />

tous les jours d’acheter ce qu’il y a de<br />

mieux [...] : il faut qu’ils aient une moto,<br />

de l’argent, une voiture. C’est le modèle<br />

créé par la publicité et par les chefs de la<br />

mafia. » [9]<br />

« La marque, la mode, la possibilité de<br />

consommer sont des données importantes<br />

pour le tueur à gages. Elles constituent<br />

son autre manière d’être puissant.<br />

[...] Le langage de ces jeunes est chargé<br />

d’images [...]. Leur manière de s’habiller<br />

est voyante. Cette culture visuelle a été<br />

assimilée grâce aux mass media, particulièrement<br />

par le cinéma, qui a édifié la<br />

mythologie guerrière, celle du spectacle<br />

et des superhéros, que beaucoup de<br />

jeunes vivent dans leur for intérieur<br />

comme leur idéal. En outre, les films de<br />

guerre sont utilisés comme moyen d’apprentissage<br />

pratique. » [10]<br />

« Le tueur à gages mène la société de<br />

consommation [Voir Liquidation Totale<br />

n° 2] à ses diverses extrémités : il transforme<br />

la vie, la sienne et celles de ses victimes,<br />

en objets d’opérations économiques,<br />

en articles jetables. En contrepartie,<br />

il a introduit la mort en tant<br />

qu’élément quotidien. Il est normal de<br />

tuer et de mourir. » [11] Pour les nantis,<br />

il suffit souvent, comme au Brésil, de<br />

faire ses déplacements en hélicoptère<br />

pour éviter l’insécurité…<br />

[1] : (« Protocole facultatif à la Convention relative aux<br />

droits de l'enfant », http://www.unhchr.ch/french/html/<br />

menu2/6/protocolchild_fr.htm)<br />

[2] : (Human Rights Watch, « Campagne pour la ratification<br />

du Traité contre le recours aux enfants soldats »,<br />

http://hrw.org/french/campaigns/childsoldiers/childsoldiers.htm)<br />

[3] : (« Enfants/Mineurs », Amnesty International,<br />

http://web.amnesty.org/library/fra-364/index)<br />

[4] : (Platon, « Apologie de Socrate », [39d], autre trad. in<br />

http://philoctetes.free.fr/apologiedesocrate.htm, cité par<br />

Louis Jean-Duclos, « Les enfants et la violence politique »,<br />

Cultures & Conflits, n° 18, http://www.conflits.org/document469.html)<br />

[5] : (Alonso Salazar J., « Des enfants tueurs à gage. Les<br />

bandes d’adolescents de Medellin », Centre Europe-Tiers<br />

Monde –Ramsay, 1/1992, p. 221)<br />

[6] : (Alonso Salazar J., op. cit., p. 120)<br />

[7] : (Alonso Salazar J., op. cit., p. 53)<br />

[8] : (Camilo Borrero, Préface à Alonso Salazar J., op. cit.,<br />

p. 14)<br />

[9] : (Alonso Salazar J., op. cit., p. 182)<br />

[10] : (Alonso Salazar J., op. cit., pp. 210-211)<br />

[11] : (Alonso Salazar J., op. cit., p. 210)<br />

« Près de 5.000 enfants sont livrés à<br />

eux-mêmes en Roumanie [..., notait-on<br />

en 2001.] Environ 2.000 gamins survivent<br />

[...] dans les rues de Bucarest. [...]<br />

Ils sont les "aurolaci", du nom d'un solvant<br />

utilisé pour coller les joints des calorifères<br />

et vendu à bas prix. C'est leur<br />

drogue. Ils l'inspirent à pleins poumons.<br />

Ces enfants, entre six et vingt ans, qui<br />

vaguent sur les trottoirs de Bucarest,<br />

sont déjà rongés par la pneumonie, la<br />

syphilis et le sida. » [1]<br />

Souvent, heureusement, ils ne sont pas<br />

livrés à eux-mêmes. « Travail, guerre,<br />

prostitution, tel est le triptyque sur lequel<br />

s´appuie [déjà en 1998] l´asservissement<br />

[dans le monde] de plus de 300 millions<br />

d´enfants de 5 à 14 ans [Voir<br />

« Soutenons les esclavagistes ! », p. 658].<br />

[...] Travailleurs forcés, esclaves sexuels,<br />

soldats malgré eux, ils sont aussi l´objet<br />

de l´embrigadement par le crime organisé,<br />

de mutilations pour la mendicité ou à<br />

des fins de trafic d´organes, d´exécutions<br />

extra-judiciaires, du commerce de<br />

l´adoption. [...] Un enfant sur quatre est<br />

concerné dans le monde et deux tiers<br />

des 140 millions d´enfants qui ne vont<br />

pas à l´école sont des filles.<br />

[... Les] chiffres et documents [... de]<br />

l´UNICEF ou [du] BIT, [permettent d’établir]<br />

un constat impitoyable, […qui]<br />

démontre qu´un très grand nombre de<br />

307 Sécurisons un peu


sociétés humaines s´accommodent aisément<br />

d´une négation des droits élémentaires<br />

de l´individu, et que le mal gagne<br />

[...], poussé par la misère, le racisme, la<br />

discrimination, l´esprit de lucre, les plaisirs<br />

pervers, mais aussi sous les prétextes<br />

Sécurisons un peu 308<br />

fallacieux de traditions, de cultures, ou<br />

d´impératifs économiques. L´ampleur du<br />

phénomène et son évolution ces vingt<br />

dernières années interdisent, hélas, tout<br />

optimisme. » [2]<br />

Après, nous pourrons nous lamenter :<br />

« nous avons mangé notre blé en<br />

herbe. » [3]<br />

Mais c’est d’une simplicité enfantine :<br />

« Le sort tomba sur le plus jeune, ce sera<br />

lui qui [...] sera mangé ». [4]<br />

[1] : (Ettore Malanca, « Bucarest : les gamins de la gare du<br />

Nord », amnistia.net - les Enquêtes interdites, 26/11/2001,<br />

http://www.amnistia.net/exiles/bucarest/bucar00.htm)<br />

[2] : (Martin Monestier « Les Enfants esclaves. L'Enfer quotidien<br />

de 300 millions d'enfants », Le cherche midi, 1998,<br />

IV de couv., alors sur http://www.bouclier.org)<br />

[3] : (Jacques Chirac, entretien avec Patrick Poivre d'Arvor<br />

« Vingt heures », TF1, 12/2/2002, reprod. in<br />

http://www.up.univ-mrs.fr/~veronis/cours/INFZ16/donnees/chirac-poivre.txt,<br />

cité in WUMP, « ExplicitChirac »<br />

http://wu-m-p.org/MP3/2-EXPLICITCHIRAC.mp3, 1,7 Mo)<br />

[4] : (« Il était un petit navire », comptine traditionnelle)


« Laurence Parisot [...], la nouvelle<br />

présidente du Medef, [… succède<br />

donc au baron de Seillière, mais]<br />

reste PDG de l'IFOP (institut de sondages)<br />

» [1].<br />

« Certes, la famille Parisot, propriétaire<br />

des meubles du même nom, premier<br />

fournisseur de Ikea, But ou Conforama,<br />

est classée parmi les 200 plus riches de<br />

France. » [2] Mais il faut bien que « les<br />

deux cents familles » défendent leurs<br />

intérêts !<br />

« L’univers du sondage, avec ses petites<br />

mains payées au questionnaire pour des<br />

missions temporaires et révocables à<br />

volonté, pourrait [...] passer pour une<br />

vitrine de la précarité. » [2] Et de la malfaçon.<br />

« Parisot ne s’est-elle pas fait<br />

remarquer, [début <strong>2005</strong>], en annon-<br />

çant, la veille des résultats à son mentor<br />

Ernest-Antoine Seillière, une victoire “les<br />

doigts dans le nez” de Kerry sur Bush ?<br />

Elle a aussi pris sa part [... aux] brillantes<br />

prédictions politiques de ces dernières<br />

années, du “succès” de la dissolution de<br />

1997 aux chances de présidentielles de<br />

Jospin. » [2]<br />

« Sur le campus d'HEC à Jouy-en-Josas<br />

(Yvelines), où plusieurs centaines de<br />

chefs d'entreprise, quatre ministres dont<br />

[...] Nicolas Sarkozy, […, et d’autres,<br />

allaient] débattre des moyens de "réenchanter<br />

le monde", Mme Parisot [...<br />

donna] ses premières orientations » [1]<br />

de patronne en chef de la société française.<br />

La fée Parisot réenchante à tuetête.<br />

« Bernadette Chirac est une amie.<br />

Sarkozy la consulte. » [2]<br />

Pierre Bourdieu nous dit que « le champ<br />

de la politique, où l’on chercherait en<br />

vain une instance capable de légitimer<br />

les instances de légitimité, oscille toujours<br />

entre deux critères de validation, la<br />

science et le plébiscite. ([... Et] le sondage<br />

d’opinion manifeste la contradiction<br />

entre [les] deux principes de légitimité<br />

antagonistes, la science technologique<br />

et la volonté démocratique, en alternant<br />

[auprès des sondés] les questions qui<br />

invitent au jugement d’expert ou au<br />

vœu de militant.) » [3]<br />

309 Sécurisons un peu


On somme des personnes, qui l’ont bien<br />

accepté (biais de sélection notable), de<br />

répondre séparément et à brûle-pourpoint<br />

à des questions déjà formulées.<br />

C’est vendu comme « Vox Populi » et ça<br />

sert d’engrais. Bourdieu continue : « En<br />

politique, “dire, c’est faire” [4], c’est plus<br />

exactement, se donner les moyens de<br />

faire en faisant croire que l’on peut faire<br />

ce qu’on dit, en faisant connaître et<br />

reconnaître des principes de vision et de<br />

division du monde social qui, comme les<br />

mots d’ordre, produisent leur propre<br />

vérification en produisant des groupes<br />

et, par là, un ordre social. » [3] La fonction<br />

de prescription remplace celle de<br />

description.<br />

« En effet, la publication des sondages<br />

interagit avec les réponses sollicitées [...],<br />

comme dans les prophéties autoréalisatrices<br />

des crises financières » [5]. L’alerte<br />

diffusée massivement : « Vendez vite !<br />

Les cours sont en train de s’effondrer ! »<br />

aide grandement à faire advenir ce<br />

qu’elle « dépeint » [6].<br />

On peut d’ailleurs goûter la représentativité<br />

des échantillons des personnes<br />

interrogées et les « coefficients de redressement<br />

» utilisés par les sondeurs.<br />

« Hommage à la célèbre loi de Gauss,<br />

selon laquelle une opinion donnée par<br />

un échantillon [qui serait vraiment représentatif]<br />

de 1 000 personnes peut être<br />

affectée d’une marge d’erreur de<br />

6%. » [7] « L’Ifop a sondé les Français les<br />

6 et 7 octobre [<strong>2005</strong>] pour le compte de<br />

“Paris Match” [8] [...] ; Ipsos a interrogés<br />

ces mêmes Français les 7 et 8 octobre<br />

pour “Le Point” [9] [...]. A en croire le tandem<br />

de choc Ifop-”Paris Match”, formé<br />

par l’institut de la cheftaine du Medef<br />

Laurence Parisot et l’hebdo Lagardère,<br />

Chirac gagne 8 points par rapport au<br />

mois [… précédent]. Mais du côté de<br />

l’Ipsos, [...] Chirac s’écroule de 9 points.<br />

Sécurisons un peu 310<br />

[...] Et Jospin baisse de trois points pour<br />

l’Ipsos alors qu’il décolle de six points<br />

pour l’Ifop ! Etc., etc. » [10]<br />

Plus « la voix de son maître » que « la<br />

voix du peuple », ces sondages restent<br />

bien utiles. Pour préparer les élections<br />

présidentielles de 2002, le « candidat<br />

Chirac a trouvé moyen de signer des<br />

chèques pour 572 448 euros à des instituts<br />

de sondages et Jospin pour 627 905<br />

euros. Ce qui fait de ce dernier le recordman<br />

en la matière. Jean-Marie Le Pen,<br />

lui, [n’y] a investi, en revanche, aucun<br />

centime » [11]. Et l’arrivée possible de Le<br />

Pen au second tour n’était tout simplement<br />

pas prise en compte dans les sondages<br />

communiqués au public.<br />

The best ? « Un logiciel permettait à<br />

chaque intervention télévisée de Jospin<br />

ou de Chirac de connaître les réactions<br />

d'un échantillon-test, plan par plan et<br />

phrase par phrase : "Un truc génial,


expliquait un membre de [l'équipe des<br />

publicitaires d'Euro-RSCG]. Ca nous permet<br />

de voir ce qui passe bien, ou mal,<br />

dans les propos de Jospin comme de<br />

Chirac." Pour prix de leur service, le PS a<br />

signé à Séguéla et Fouks un chèque de<br />

450 000 euros [...]. "Un prix d'ami"<br />

avaient-ils ajouté. » [12] Qui aime bien<br />

charrie bien. On fournissait déjà de<br />

beaux slogans élaborés. « Pour Jacques<br />

Séguéla, la formule "Présider autrement"<br />

doit [en effet] aussi se comprendre :<br />

"L’autre (Chirac) ment." » [13]<br />

On comprend bien comment l’appareil<br />

politico-médiatique, pseudo-représentatif<br />

et réellement au service du pouvoir<br />

financier, travailla aussi à produire l’illusion<br />

intéressée sur le Traité européen. A<br />

les entendre partout : « De profundis »,<br />

clama le « oui » ! Il allait être pourtant<br />

« massivement repoussé » [14] en France<br />

le 29 avril <strong>2005</strong>.<br />

« On ne voit pas au nom de quoi on<br />

pourrait interdire à l'électeur la possibilité,<br />

s'il le désire, de choisir son candidat<br />

ou son parti en "petit stratège amateur"<br />

comme [...] les professionnels de la politique.<br />

Si l'on veut rester fidèle à la<br />

logique de l'isoloir et à la conception de<br />

la démocratie qu'elle implique, il faut<br />

autoriser la publication des sondages<br />

préélectoraux, mais [... il faut] que les<br />

résultats soient donnés d'une manière<br />

scientifiquement irréprochable, c'est-àdire<br />

sans exclure les indécis et les "nonréponses"<br />

[... et] que cette publication<br />

ne soit autorisée que durant la seule<br />

semaine précédant l'élection. Les sondages<br />

sont alors les plus fiables et, surtout,<br />

ils sont proposés au bon moment,<br />

lorsque les électeurs doivent se prononcer.<br />

En dehors de cette courte période,<br />

l'interdiction de toute publication de<br />

sondages "préélectoraux" ne peut être<br />

que bénéfique à la fois d'un point de<br />

vue scientifique (ils sont peu significatifs)<br />

et politique (ils encouragent trop dans<br />

les médias une vision “hippique” du<br />

débat politique). » [15] Mais ils servent<br />

qui les paie.<br />

[1] : (« Laurence Parisot, la nouvelle présidente du Medef,<br />

souhaite "réconcilier la France et l'entreprise" », Le Monde,<br />

29/08/<strong>2005</strong>, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-<br />

0,36-683344,0.html)<br />

[2] : (Jean-François Juillard, « Laurence Parisot. Patronne<br />

n’en faut », Le Canard enchaîné, 8/6/<strong>2005</strong>, p. 7)<br />

[3] : (Pierre Bourdieu, « Langage et pouvoir symbolique »,<br />

Seuil, 9/2001, Points n° 461, p. 239)<br />

[4] : (John Langshaw Austin « Quand dire, c'est faire »,<br />

1962, trad. fr. 1970, rééd. Seuil, Points essais, 1991)<br />

[5] : (Bernard Guibert, « Sondages et principe de précaution<br />

», Lettre d’information de Pénombre, 7/2002, n° 30<br />

(Pénombre, BP 87, F-75222 Paris cedex 05,<br />

http://www.penombre.org)<br />

[6] : (Robert K. Merton, « Social Theory and Social structure<br />

», 2d éd., 1957, « Eléments de théorie et de méthode<br />

sociologique », trad. et adapt. Henri Mendras, Plon, 1953,<br />

1965, réed. Armand Colin, (1997), 2001, pp. 136-160)<br />

[7] : (Jean-François Julliard, « Sondages. Même les sondeurs<br />

n’y croient plus beaucoup ! », Le Canard enchaîné,<br />

16/1/2002, p. 8)<br />

[8] : (Paris Match, 13/10/<strong>2005</strong>)<br />

[9] : (Le Point, 13/10/<strong>2005</strong>)<br />

[10] : (« Des sondages qui flanquent la migraine », Le<br />

Canard enchaîné, 19/10/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[11] : (« Jospin, meilleur client des sondages », Le Canard<br />

enchaîné, 24/7/2002, p. 2)<br />

[12] : (« Le triomphe de deux fils de pub », Le Canard<br />

enchaîné, 24/4/2002, p. 3)<br />

[13] : (Frédéric Haziza, « Chirac ou la victoire en pleurant<br />

», Ramsay, 5/2002, cité in « Jospin ou la défaite en<br />

chantant », Le Canard enchaîné, 7/5/2002, p. 3)<br />

[14] : (Eric Aeschimann, « La France crie son non au traité<br />

européen », chapô, Libération, 30/5/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.liberation.fr/<strong>page</strong>.php”Article=300061)<br />

[15] : (Patrick Champagne, « Pour en finir avec les faux<br />

débats sur les sondages. Réinventer l’isoloir. », Le Monde<br />

diplomatique, 7/1995, pp. 18-19, http://www.hommemoderne.org/societe/socio/champagn/pourenfi.html)<br />

311 Sécurisons un peu


Nous « pouvons toujours [en<br />

2002] adresser à Notre Président<br />

à Tous les joyeux noms d’oiseaux<br />

qui l’ont accompagné durant sa<br />

Glo<strong>rieuse</strong> Campagne, sans que justice<br />

s’émeuve : "escroc", "voleur", et "menteur"…<br />

» [1] Un président exemplaire [2]<br />

peut donc faire l’apologie de sa duplicité<br />

: « C'est un principe républicain […]<br />

l'exemplarité des dirigeants, bien sûr,<br />

c'est la morale publique. » [3]<br />

Avant l’UMP de Sarkozy [Voir « Le syndrome<br />

de Narkozy », p. 664], il y eut le<br />

RPR de Chirac, qui mimait le RPF de de<br />

Gaulle. « La démocratie au RPR sous<br />

Chirac ? "Le président du RPR était élu<br />

Sécurisons un peu 312<br />

par les mandataires des fédérations<br />

départementales. Or, la désignation des<br />

mandataires était assurée exclusivement<br />

par le secrétaire départemental, lequel<br />

était désigné par le secrétaire général,<br />

lequel était désigné… par le président."<br />

[4] » [5]<br />

Autre particularité du « mouvement<br />

gaulliste "bâti sur l’anticommunisme militant,<br />

viscéral [..., le] paramètre de la<br />

clandestinité est indissociable de cette<br />

lutte où les communistes ont remplacé<br />

les nazis dans le rôle des méchants. Ce<br />

combat a pour corollaire l’illégalité des<br />

moyens financiers et matériels mis en<br />

œuvre, puis le glissement progressif vers<br />

l’esprit mafieux." [6] » [7] [Voir « Franc du<br />

collier », p. 103]<br />

Raffarin en est admiratif : « "Vous savez<br />

pourquoi j’ai cru en Jacques Chirac ?<br />

Parce que j’ai vu sa capacité à résister à<br />

la cassette Méry." Rappel pour ceux qui<br />

auraient oublié l’épisode : feu Jean-<br />

Claude Méry, alias "Méry de Paris", avait<br />

[notamment] affirmé dans une cassette


vidéo qu’il avait remis 5 millions de<br />

francs en liquide à Chirac et à son directeur<br />

de cabinet de l’époque [Michel<br />

Roussin]. » [8] [Voir « Ça sent le<br />

Roussin », p. 132]<br />

« Dans son testament audiovisuel, l’ancien<br />

promoteur Jean-Claude Méry –<br />

membre du Comité central du RPR de<br />

1987 à 1990 – évoque les faits qui sont<br />

au cœur de l’enquête du juge Halphen<br />

sur les HLM de Paris et confirme l’existence<br />

d’un système de financement<br />

occulte du parti gaulliste [...] : chauffage<br />

des lycées, ascenseurs des HLM parisiennes…<br />

toutes les attributions de marché<br />

procédaient d’entente illégale ou<br />

fonctionnaient à coup de commissions.<br />

Un système essentiellement mis en place<br />

pour financer le RPR, mais dont le PS et<br />

le PC bénéficièrent aussi, selon Méry,<br />

sous forme de miettes. Sommes faramineuses<br />

détournées, comptes suisses et<br />

train de vie fastueux pour les uns,<br />

charges locatives exponentielles et facturations<br />

infondées pour les autres : la<br />

fracture sociale » [9] fait ainsi s’éloigner<br />

deux pôles : les représentants et les<br />

représentés.<br />

Des « magistrats ont trouvé qu’après<br />

tout la procédure du juge Halphen, qui<br />

instruisait cette affaire, comportait<br />

quelque défaut et devait être largement<br />

annulée. La fameuse cassette où Jean-<br />

Claude Méry a narré les turpitudes de la<br />

Chiraquie parisienne faisait partie du lot<br />

de pièces invalidées [10]. » [11]<br />

Les conséquences des « affaires », donc ?<br />

« La déclaration de Chirac [en 2001]<br />

selon laquelle l’affaire des voyages payés<br />

en liquide avait fait "pschitt" a réjoui la<br />

patron du soda du même nom qui<br />

raconte [...] : "Dans les trois semaines qui<br />

ont suivi, nos ventes ont été multipliées<br />

par cinq." » [12]<br />

« Il faut reconnaître une qualité à<br />

Jacques Chirac : le cynisme tranquille. La<br />

nomination [en juin 2002] de l’ex-socialiste<br />

Noëlle Lenoir comme ministre déléguée<br />

aux Affaires européenne est là<br />

pour en témoigner [...] : nommée en<br />

1992 au Conseil constitutionnel par<br />

Henri Emmanuelli, à la demande de<br />

Mitterrand et de Rocard, c’est elle qui fut<br />

le 22 janvier 1999, rapporteur de la<br />

décision instaurant l’impunité du chef de<br />

l’Etat. C’est elle qui, sous la présidence<br />

de Roland Dumas, argumenta pour éviter<br />

à Chirac toute poursuite judiciaire. Et<br />

c’est encore elle qui avec l’aide de<br />

Dumas [qui lui bénéficia de la clémence<br />

dans l’affaire Elf], rallia à sa position<br />

l’unanimité du Conseil. » [13]<br />

D’autres qualités ? Chirac est un homme<br />

sensible. Il a « prévu un système quasi<br />

automatique de condoléances, à utiliser<br />

rapido presto dès l’annonce d’une catastrophe<br />

se produisant en France et même<br />

dans le monde ». [14]<br />

Chirac est un homme inspiré. On sait<br />

que jadis, lors de l’inauguration d'une<br />

exposition sur l'art des Tainos à Paris, en<br />

1994, il s’extasiait devant les caciques<br />

Tainos qui « inhalaient une poudre hallucinogène<br />

», la cohoba, pour éclairer le<br />

village sur la route à suivre, ce qui fit<br />

alors bien rire à Franche Jachère (improprement<br />

appelée « France Culture »). De<br />

pseudo-sycophantes se manifestent :<br />

« Bayrou affirme [...] que certains de ses<br />

collègues en politique auraient tendance<br />

à utiliser des substances prohibées : "Il<br />

y a des gens qui se shootent un peu. J'ai<br />

même des noms à l'esprit, mais je ne<br />

vous les dirai pas". » [15]<br />

Chirac sait ce que valent « les promesses<br />

[qui] n’engagent que ceux qui y<br />

croient » [16] « Répondant [..., conséquemment,<br />

à] cette question posée par<br />

des journalistes [… d’une télévision allemande]<br />

: "Quel est le trait de caractère,<br />

313 Sécurisons un peu


chez un homme, que vous estimez le<br />

plus ?" [17], Chirac avait déclaré : "la<br />

fidélité à sa parole" [17] » [18]<br />

Chirac est donc un homme qui promet.<br />

Demain, on ra(tis)se gratis. « Lors de la<br />

campagne présidentielle [de 2002],<br />

Chirac s’était engagé à réduire les<br />

impôts dans les cinq ans : 15 milliards<br />

d’euros de baisse concernant l’impôt sur<br />

le revenu, 6 milliards en moins sur les<br />

charges sociales et 2 milliards sur la taxe<br />

d’habitation ». [19] Et pour compenser,<br />

on est immédiatement obligé de faire<br />

brader le patrimoine commun pour le<br />

vendre à des amis. C’est ma tournée.<br />

[1] : (Le Canard enchaîné, 7/5/2002, p. 1)<br />

[2] : (Lire l’excellent François-Xavier Verschave, « Noir<br />

Chirac », les Arènes, 3/2002)<br />

[3] : (Entretien du 12/12/1996 avec Guillaume Durand et<br />

Michel Field, reproduit in Le Canard enchaîné, 2/1/2002,<br />

p. 3)<br />

[4] : (Philippe Seguin, « Itinéraire de la France d’en bas,<br />

d’en haut et d’ailleurs », Seuil, 2003)<br />

[5] : (Nicolas Brimo, « Seguin flingue la France d’en haut »,<br />

Le Canard enchaîné, 9/4/2003, p. 2)<br />

[6] : (Philippe Madelin, « Les gaullistes et l’argent. Un<br />

demi-siècle de guerres intestines », L’Archipel, 2001,<br />

pp. 18, 20)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 120)<br />

[8] : (« Abracadabrantesque raffarinade », Le Canard<br />

enchaîné, 21/1/2004, p. 2)<br />

[9] : (Marie Cailletet, Télérama, 18/7/2001, à propos de<br />

l’émission Pièces à conviction de Hervé Brusini et Elise<br />

Lucet, « L’affaire Méry », rediff. France 3, 25/7/2001,<br />

diff. o. 10/2000)<br />

[10] : (Alain Guédé, « Chirac blanchi par un blanchisseur<br />

d’argent sale », Le Canard enchaîné, 24/10/2001)<br />

[11] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 170-171)<br />

[12] : (Le Canard enchaîné, 10/7/2002, p. 2)<br />

[13] : (« Chirac renvoie enfin l’ascenseur », Le Canard<br />

enchaîné, 19/6/2002, p. 2, d’après Libération,<br />

18/6/2002)<br />

[14] : (« Grands cœurs », Le Canard enchaîné, 11/8/2004,<br />

p. 2)<br />

[15] : (Le Canard enchaîné, 10/4/2002, p. 2, d’après VSD,<br />

4/4/2002)<br />

[16] : (Charles Pasqua, puis Jacques Chirac)<br />

[17] : (ZDF, 4/7/2003)<br />

[18] : (« Les promesses abracadabrantesques de Chirac »,<br />

Le Canard enchaîné, 12/1/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[19] : (Le Canard enchaîné, 9/4/2003, p. 2, d’après La<br />

Tribune, 2/4/2003)<br />

Sécurisons un peu 314<br />

Pour réussir « la présidentielle et son<br />

score de potentat africain,<br />

Chirac » [1] eu l’aide de « Jérôme<br />

Grand d'Esnon (suspecté par le juge<br />

Desmures d'avoir [jadis] occupé un<br />

emploi fictif à la mairie de Paris, laboratoire<br />

réputé du do<strong>page</strong> électoral) » [2]<br />

« Embauché en 1991, ce spécialiste du<br />

financement politique n'avait pas de<br />

bureau à la Mairie » [3]. « On le<br />

découvre peu à peu, la mairie de Paris<br />

abritait le laboratoire d'une fraude électorale<br />

sophistiquée. Avec une spécialité :<br />

les électeurs nomades, à domicile fictif.<br />

Sous la houlette de Jacques Chirac et<br />

son adjoint Tiberi, la fraude était usinée<br />

par des emplois fictifs : salariés de la<br />

Ville, [en fait] commis du parti (le RPR).<br />

Le savoir-faire a été transmis aux nombreux<br />

amis africains de [Chirac] ; on<br />

prêta les commis pour peaufiner les<br />

bidouillages. Ainsi Jérôme Grand<br />

d'Esnon, lors du scrutin présidentiel<br />

tchadien de 1996. Où justement il fut<br />

beaucoup question du vote des<br />

nomades... » [4] « Conseiller juridique<br />

auprès du Secrétaire général du RPR,<br />

Jérôme Grand d'Esnon (JGDE) animait<br />

[en effet] le commando d'"experts électoraux"<br />

français qui assista Idriss Déby, à<br />

N'Djaména, dans le gigantesque truquage<br />

électoral du 2 juin [1996] [5]. » [6]<br />

Cinq ans plus tard, « il importait de<br />

reconduire [Idriss Déby] le gardien des<br />

derricks au terme de son premier quinquennat,<br />

en mai 2001. [...] Il y aurait eu,<br />

à l’intérieur du pays, [...] 104 % de participation<br />

! A l’extérieur, [...] un taux de


participation de 278 % ! En 1996 [au<br />

moins], l’expert électoral chiraquien<br />

Jérôme Grand d’Esnon avait aidé à sauver<br />

les apparences. » [7] « Mais comme<br />

l’affirme Jacques Chirac [...] “Il faut bien<br />

que les dictateurs gagnent les élections,<br />

sinon ils n’en feront plus !” » [8]<br />

Grand d’Esnon fut donc une « pièce maîtresse<br />

de la campagne présidentielle de<br />

Chirac » [3], libre à lui d’utiliser Le Pen,<br />

Chevènement, etc. Puis, le succès obtenu,<br />

il fut récompensé. Ça fit même réagir<br />

le leader “socialiste” « Hollande [qui en a<br />

fait tout un fromage] : "Nommer directeur<br />

des affaires juridiques de Bercy<br />

Jérôme Grand d’Esnon, ancien chargé<br />

des affaires juridiques de Ville de Paris,<br />

c’est carrément osé !" » [9]<br />

Plus tard, JGDE fut « nommé chevalier<br />

[de la Légion d’honneur. En 2002, il]<br />

avait expliqué sans rire aux magistrats de<br />

Nanterre que le système des emplois fictifs<br />

du RPR était "parfaitement légal".<br />

[... Il] est également à l’origine du nouveau<br />

Code des marchés publics, promulgué<br />

en 2003, qui assouplit les contrôles<br />

sur les dépenses publiques. Encore<br />

toutes nos félicitations. » [10]<br />

[1] : (Nicolas Beau et Hervé Liffran, « Va-t-il en reprendre<br />

pour cinq ans de guérilla judiciaire ? », Le Canard enchaîné,<br />

16/10/2002, p. 3)<br />

[2] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les Arènes,<br />

3/2002, p. 225)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 09/09/1998, cité in « Salves :<br />

Coucou », Billets d'Afrique, n° 63, 10/1998, survie-france.org/IMG/doc/63.doc)<br />

[4] : (« Coopération », Billets d'Afrique, n° 75, 11/1999,<br />

http://www.reseauvoltaire.net/article4304.html)<br />

[5] : (Cf. « Salves : Un dispositif électoral made in France »,<br />

Billets d'Afrique, n° 36, 7/1996, surviefrance.org/IMG/doc/75.doc,<br />

et le Dossier noir n° 8)<br />

[6] : (« Salves : D'Esnon en Réunion », Billets d'Afrique, n° 39,<br />

10/1996, http://www.survie-france.org/IMG/doc/39-2.doc)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 234, 236)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 28/7/1999, cité par « Ils ont dit :<br />

Jacques Chirac », Billets d’Afrique, n° 73, 8/1999, surviefrance.org/IMG/doc/73.doc<br />

; et par InfoSuds n° 30,<br />

6/2001, p. 11 (c/o Radio Canal Sud, 40, rue Alfred<br />

Duméril, F-31400 Toulouse, http://www.infosuds.org, «<br />

10 balles »))<br />

[9] : (« Epuration », Le Canard enchaîné, 31/12/2002, p. 2)<br />

[10] : (« La tournée du patron », Le Canard enchaîné,<br />

20/7/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

Un an avant les élections présidentielles<br />

[de 2002], « Eric Halphen<br />

estime ne plus pouvoir continuer<br />

à instruire le dossier du président<br />

Jacques Chirac dans le dossier des HLM<br />

de Paris. Le juge d'instruction de Créteil<br />

fait état d'"indices graves et concordants"<br />

contre l'ancien maire de Paris<br />

mais se déclare incompétent en raison<br />

de l’immunité pénale du chef de<br />

l’Etat. » [1] Non réélu en 2002, Chirac<br />

perdait son immunité pénale.<br />

« En quatre candidatures, Chirac n’est<br />

jamais parvenu, contrairement à tous se<br />

prédécesseurs (de Gaulle, Pompidou,<br />

Giscard, Mitterrand), à franchir au premier<br />

tour la barre de 21 %. [...] Malgré<br />

ces scores aussi réguliers que médiocres,<br />

il sera pourtant parvenu à se faire élire<br />

deux fois à l’Elysée. Et même, en 2002,<br />

à devenir, avec 82 % des voix, le président<br />

le mieux élu de la Ve République. Il<br />

enfonce même le précédent record détenu<br />

par Louis Napoléon Bonaparte, alias<br />

Badinguet, depuis 1848 ! » [2] [Voir<br />

« Badingaulle », p. 118]<br />

Bernard Stasi, médiateur de la République<br />

dit qu’« il faut regretter que chiraquiens et<br />

centristes n’aient pas tous eu les réflexes<br />

républicains susceptibles d’empêcher Le<br />

Pen d’accéder au second tour de la présidentielle.<br />

Réplique du président de<br />

l’Assemblée [et ancien ministre de l’intérieur<br />

Jean-Louis Debré] : "Oui, mais en ce<br />

cas Chirac n’aurait pas été réélu prési-<br />

315 Sécurisons un peu


dent." » [3] Il avait bien fallu manœuvrer.<br />

Alors que la popularité de Lionel Jospin<br />

s'effrite, les candidatures se multiplient à<br />

gauche [Voir « Jouer le jeu vainement<br />

? », p. 229]. Il est par ailleurs classique<br />

que les chefs de gouvernement<br />

échouent quand ils se présentent aux<br />

électeurs à l'issue de leur mandat.<br />

A l’opposé, le 15 février 2002, « Philippe<br />

de Villiers annonce [...] qu’il ne sera pas<br />

candidat à l’élection présidentielle » [4].<br />

Le 3 avril 2002 (donc très tardivement),<br />

« Charles Pasqua prend acte, implicitement,<br />

du fait qu’il ne pourra pas être<br />

candidat à l’élection présidentielle, faute<br />

de disposer du nombre de signatures<br />

nécessaire. » [4] Et les voix qui allaient à<br />

Philippe de Villiers et à Charles Pasqua se<br />

sont en gros reportées soit sur Chirac,<br />

soit sur Le Pen.<br />

On peut aussi agir dans l’autre sens.<br />

« Un collaborateur de Jean-Pierre<br />

Soisson - le président du conseil régional<br />

de Bourgogne, élu grâce aux voix du<br />

Front national - affirme que l'Elysée a<br />

aidé Jean-Marie Le Pen à recueillir ses<br />

500 parrainages d'élus. Selon ce témoin,<br />

la décision a été prise lors d'une réunion<br />

qui rassemblait, quelques jours avant<br />

Pâques à Paris, des francs-maçons de<br />

plusieurs obédiences. Un membre du<br />

cabinet de Jacques Chirac aurait demandé<br />

à ses "frères" de "sauver le soldat Le<br />

Pen". Selon ce témoin, un haut fonctionnaire<br />

du ministère de l'intérieur, "chiraquien<br />

notoire", participait également à<br />

cette réunion. "On s'est réparti la tâche<br />

dans les régions, raconte-t-il. En dix jours<br />

nous avons fait remonter les 90 à 95<br />

signatures manquantes." » [5]<br />

L’extrême droite peut en effet être proche<br />

des gaullistes [Voir « De Gaulle, le<br />

général-président-putschiste », p. 109].<br />

Elle a pu jouir de l’Immunité et de la profonde<br />

bienveillance [Voir « Protégeons<br />

l’extrême droite », p. 48], lors même<br />

Sécurisons un peu 316<br />

qu’elle subissait l’opprobre apparente.<br />

On fraye ensemble. Ainsi, « le Club de<br />

l'Horloge [6] demeure un laboratoire<br />

idéologique où peuvent s'affiner les<br />

convergences de "valeurs" entre les néonazis<br />

du Front national et la droite traditionnelle<br />

» [7].<br />

Et puis, on sait s’arranger. Par exemple,<br />

quand avec « Valéry Giscard d'Estaing [à<br />

la présidence de la région Auvergne], la<br />

droite vote [en 1998] pour des candidats<br />

du FN [8] [... et leur] octroie [...] 37 délégations<br />

au sein des organismes extérieurs.<br />

» [9]<br />

Cependant, on peut ostensiblement<br />

faire la moue - pas la gueule ! - à l’extrême<br />

droite. Prenons « le porte-glaive<br />

» [10] « Charles Millon : [… Cet ancien<br />

militant] Algérie Française [..., et futur<br />

ministre de la défense, vote en 1986]<br />

pour une vice présidence Front national<br />

à l'Assemblée. [… Et en 1992, il se dit<br />

opposé] à toute alliance et à tout désistement<br />

avec le Front national. » [11]<br />

On mit donc finalement les moyens pour<br />

sauver ce bon soldat. « Interview du président<br />

du Front national qui accuse des<br />

maires d’avoir retiré leurs parrainages de<br />

sa candidature, gros titre sur le thème<br />

"L’absence du candidat du FN n’avantagerait<br />

pas forcément Chirac"... Le Figaro<br />

sonne le tocsin : il faut sauver le soldat<br />

Le Pen. "Son absence de la compétition<br />

serait lourde de conséquences : d’abord,<br />

pour la<br />

démocratie"<br />

[...]<br />

D’abord, au<br />

bénéfice<br />

de Mitterrand,<br />

[puis,<br />

en 2002],<br />

pour avantagerChirac,<br />

le FN<br />

joue les uti-


lités politiciennes. » [12]<br />

Et on a bien mis le paquet médiatique<br />

sur « l’insécurité »… Au total : « Bonne<br />

année pour Jean-Marie Le Pen, qui a<br />

participé [les 8 premiers mois de 2002] à<br />

74 émissions de radio et 67 de télévision,<br />

plus 515 interviews à la presse écrite<br />

nationale. Pour une victime du "système<br />

médiatique", ce n’est pas mal. » [13]<br />

[1] : (Marie-Bénédicte Allaire, « Affaire des HLM de Paris. Le<br />

juge Halphen renonce au cas Chirac », chapô, RTL,<br />

25/04/2001, http://www.rtl.fr/rtlinfo/article.asp?dicid=6506)<br />

[2] : (« Chirac, 20 ans de miracles », Le Canard enchaîné,<br />

7/5/2002, p. 2)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 2/4/2003, p. 2)<br />

[4] : (Claude Dargent et François Platone, avec la collaboration<br />

de Martine Jouneau, « L'éphéméride (2/2).<br />

Chronologie de l'élection présidentielle. », s.d.,<br />

http://www.elections2002.sciences-po.fr/Ephemer/ephea.html)<br />

[5] : (« L'Elysée aurait aidé M. Le Pen à recueillir des parrainages<br />

», Le Monde, 28-29/04/2002)<br />

[6] : (http://www.clubdelhorloge.fr)<br />

[7] : (Claude Guillon, « De la révolution », Alain Moreau,<br />

1988, p. 98)<br />

[8] : (« VGE ménage le FN en Auvergne », Le Monde,<br />

8/4/1998)<br />

[9] : (Réseau Voltaire, « Le Livre noir (1998-2001), "droite<br />

extrême droite, les amitiés particulières" - Auvergne »,<br />

28/2/2001 (Dossier 5/0005), http://www.voltairenet.org<br />

/article7459.html)<br />

[10] : (Collectif (Thierry Meyssan), « Charles Millon, le<br />

porte-glaive », Golias (Lyon), 1999)<br />

[11] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie Hebdo,<br />

3/2/1993)<br />

[12] : (Patrick Apel-Muller, « Humeur. Qui veut sauver le<br />

soldat Le Pen ? », L’Humanité, 8/3/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-03-<br />

08/2002-03-08-30105)<br />

[13] : (Le Canard enchaîné, 18/9/2002, p. 2, d’après<br />

L’Express, 12/9/2002)<br />

Bienveillance franc-maçonne pour<br />

accéder au premier tour des présidentielles<br />

de 2002 [Voir « Stratagème la<br />

démocratie », p. 315] ? Et pourquoi pas<br />

juive, tant qu’on y est ?<br />

Il y a pourtant alors dix ans, déjà, la<br />

« cour de Chambéry estime que Le Pen<br />

est antisémite et raciste [1]. Et les juges<br />

argumentent : Le Pen "ne cache pas son<br />

ressentiment envers les Juifs" et, "n'hésitant<br />

pas à parler du complot judéo<br />

maçonnique", il incite à l'antisémitisme.<br />

» [2] « [On sait d’ailleurs] [3] qu'à la<br />

suite d'un jugement du tribunal de Paris<br />

on pouvait représenter Le Pen en uniforme<br />

de fasciste italien ou de SS sans qu'il<br />

ait à se sentir vexé. » [2]<br />

« L’antisémitisme, en la matière, constitue<br />

un puissant ciment entre [des] mouvements<br />

[d’extrême droite]. Mais [...] ils<br />

partagent également la hantise du<br />

mélange culturel, et la vision d’un communautarisme<br />

confinant à l’apartheid.<br />

Cependant, des militants d’extrême droite<br />

ultrasionistes peuvent également, à<br />

l’occasion, leur prêter main-forte. Le ressort<br />

principal de la collaboration de militants<br />

qu’a priori tout sépare, est alors la<br />

vision commune qu’il faut aller vers des<br />

sociétés séparées, fermées sur ellesmêmes.<br />

Les intégristes ont, aux yeux de<br />

l’ultradroite, l’avantage d’incarner le<br />

meilleur rempart contre l’intégration,<br />

eux qui redoutent la disparition physique<br />

d’un peuple français mythifié. » [4]<br />

« Dans [le] contexte [du second tour], les<br />

Français de culture arabo-musulmane<br />

ont largement voté Chirac et l'on a pu<br />

observer quantité de drapeaux marocains<br />

et algériens à la fête qui suivie la<br />

victoire du candidat de droite. » [5] En<br />

effet, « ce qui devait être la glo<strong>rieuse</strong> rencontre<br />

du Président avec le peuple a<br />

tourné à la rave black-blanc-beur quand<br />

une foule de jeunes a envahi la place [de<br />

la République]. Claude Chirac [... avait<br />

fait] animer cette grande java par des<br />

orchestres de raï maghrébin. Lorsque<br />

[Chirac] et Madame arrivèrent, les caméras<br />

de télés montrèrent le visage crispé<br />

de Bernadette découvrant les drapeaux<br />

317 Sécurisons un peu


algériens et marocains qu’agitaient certains<br />

des participants. » [6]<br />

« Par réaction, tout autant que pour des<br />

raisons de politique internationale, des<br />

organisations juives ont appelé à voter<br />

pour l'extrême droite que jusqu'alors<br />

elles combattaient. » [5]<br />

On le sait : « Le Pen entend continuer le<br />

système néocolonial, pour lequel il s'est<br />

toujours battu, et le renforcer dans le<br />

cadre du "Choc des civilisations" [Voir<br />

« Bâtissons le Choc des civilisations »,<br />

p. 566]. C'est [...] ce qu'il a expliqué au<br />

quotidien Ha'aretz : "En dépit de leur<br />

citoyenneté française, [six millions] de<br />

musulmans ressentent un lien avec une<br />

autre entité [culturelle], ils deviennent<br />

naturellement suspects aux yeux de<br />

ceux qui seront un jour contraints de se<br />

confronter à eux" [7].<br />

Oubliant le courant antisémite du Front<br />

national, le journal israélien évoque avec<br />

complaisance les similitudes entre la<br />

répression coloniale, à laquelle Jean-<br />

Marie Le Pen participa volontairement<br />

en Algérie, et la guerre au terrorisme<br />

arabe, conduite par Ariel Sharon dans<br />

les Territoires occupés » [8] [Voir « Terror<br />

is Real », p. 603]. Alors, copains comme<br />

colons ?<br />

[1] : (Le Parisien, 27/11/1992)<br />

[2] : (Charb, Charlie Hebdo, 2/12/1992)<br />

[3] : (Le Monde, 7/11/1992)<br />

[4] : (L. V., « Extrême droite Quand les extrêmes se rejoignent<br />

», L’Humanité, 15/1/2004, http://www.humanite.fr/journal/2004-01-15/2004-01-15-386185,<br />

d’après<br />

René Monzat)<br />

[5] : (Jean Rousseau, « Jacques Chirac épure son camp »,<br />

Voltaire, 2/4/2004, p. 3, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le13167.html)<br />

[6] : (« La rave à Chichi », Le Canard enchaîné, 7/5/2002,<br />

p. 2)<br />

[7] : (Entretien avec Ha'aretz, 28/4/2002)<br />

[8] : (Réseau Voltaire, « Analyse des résultats du premier<br />

tour de l'élection présidentielle française. Le 21 avril 2002<br />

n'a pas été marqué par une poussée du FN, mais par un<br />

effondrement des partis de gouvernement », 4/5/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article7597.html)<br />

Sécurisons un peu 318<br />

Ce vieux putschiste [Voir<br />

« Barricades Academy », p. 120]<br />

était le plus riche des candidats<br />

aux élections présidentielles de 2002.<br />

« Patrimoine estimé, plus de 20 MF [3<br />

millions d’euros] » [1], avant Chirac,<br />

second : « Patrimoine estimé, plus de 15<br />

MF [2,2 millions d’euros] » [1]. Et en<br />

Italie, c’est le (bien) plus riche qui<br />

avait gagné [Voir « Berlue ! C’est une<br />

connerie ! », p. 79]…<br />

Car Le Pen a depuis longtemps de<br />

sérieux principes économiques. Par<br />

exemple, pour « obtenir l'investiture du<br />

F.N., le candidat à la candidature doit<br />

signer une reconnaissance de dettes au<br />

parti. C'est ce [qu’a révèlé] Germaine<br />

Buraz, conseillère régionale (Rhônes<br />

Alpes) du F.N., qui a refusé [en 1993] de<br />

verser 180 000 F [27 000 euros] à son<br />

parti. Elle en a été virée. » [2] On peut<br />

aussi faire de Le Pen (et non du FN,


attention !) son légataire, au risque de<br />

gésir ensuite « dans un quasi-anonymat<br />

proche de la fosse commune. » [3]<br />

Si on comprend ce qu’est l’extrême droite<br />

[Voir « Fachos devant ! », p. 174], on<br />

néglige pourtant souvent deux rôles de<br />

Le Pen. D’abord, un rôle de rabatteur du<br />

gibier votant effarouché vers l’Etat et les<br />

politiciens pourtant dûment dévalorisés.<br />

Sous couvert de républicanisme, l’électeur<br />

ira plébisciter l’Etat RPR. Et c’est<br />

effectivement ce qui occupera la scène<br />

entre les deux tours de l’élection de<br />

2002. Mais il joue aussi le rôle d'attracteur<br />

du gibier votant rebelle à l’ordre<br />

établi.<br />

Le bateleur se pose en spectaculaire<br />

héros d’une lutte contre le « système »,<br />

dont la nébuleuse qui l’entoure fournit<br />

pourtant moult nervis. Car il connaît le<br />

principe capital : « C’est un pompier<br />

pyromane. [...] Il crie au loup. Il est le<br />

loup. » [4] « Vieux truc de l’extrême droite<br />

: accuser l’adversaire de ses propres<br />

tares. » [5]<br />

Il relève donc aussi de la pseudo-négation,<br />

avec fausse pensée et fausse alternative.<br />

Car si Le Pen représente d’abord<br />

la colonne vertébrale de l’Etat répressif<br />

ET du capitalisme mafieux, il lui faut donc<br />

se déguiser en son contraire : la dénonciation<br />

spectaculaire de l’Etat, entrave<br />

corrompue, et de la maffia. Le fascisme<br />

joue ainsi le rôle spectaculaire du pôle<br />

négatif : opposé en apparence au système<br />

dont il fournit en fait l’armature.<br />

Le regretté François-Xavier Verschave<br />

pouvait alors être courroucé : « Dans ses<br />

premières communications télévisées en<br />

vue du second tour de l’élection présidentielle,<br />

Jean-Marie Le Pen a montré [6]<br />

[...] le titre et la couverture du livre “Noir<br />

Chirac”, que je viens de publier aux<br />

Arènes [7]. Je récuse totalement cette<br />

instrumentalisation. [... Je] dénonçais les<br />

racines de l’impunité de Jacques Chirac,<br />

pour ce qu’il a commis et permis en<br />

France et à l’étranger.<br />

Les résultats du vote émis le 21 avril<br />

2002 par les Français [... ne laissent] que<br />

deux candidats : l’ami des dictateurs<br />

néocoloniaux, associé au pillage de<br />

l’Afrique, et un fasciste xénophobe, dont<br />

je dénonce les complicités avec les pires<br />

aventures mercenaires [8]. Devant une<br />

alternative aussi atterrante, [... je] voterai<br />

donc Chirac au second tour, parce que<br />

la politique exige de choisir le moindre<br />

pire. » [9] A noter sur cette exceptionnelle<br />

utilisation d’un livre ignoré par<br />

presque tous les médias : « Cette manipulation<br />

[...] est caractéristique d’un projet<br />

culturel fasciste : des livres, nous n’aurons<br />

droit de regarder que la couverture<br />

; pas le contenu. » [10]<br />

[1] : (« Révélations. Le patrimoine des hommes politiques<br />

», Capital, 12/2001, pp. 112, 114)<br />

[2] : (Charb, Charlie Hebdo, 10/2/1993)<br />

[3] : (« Ni pleurs ni couronne », in Les Dossiers du Canard<br />

n° 45 « Le Pen le vrai », 10/1992, p. 47)<br />

[4] : (Pierre Jouve et Ali Magoudi, « Les dits et les non-dits<br />

de Jean-Marie Le Pen. Enquête et psychanalyse », La<br />

Découverte, 2/1988, p. 72)<br />

[5] : (« Totalitaire à terre », Le Canard enchaîné, 7/5/2002,<br />

p. 8)<br />

[6] : (J.T. de 13 heures, France 2, 22/4/2002)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002)<br />

[8] : (François-Xavier Verschave, 2002, op. cit., pp. 215-<br />

221)<br />

[9] : (François-Xavier Verschave, « L’utilisation manipulatrice<br />

de “Noir Chirac” par Jean-Marie Le Pen »,<br />

319 Sécurisons un peu


Survie Bas-Rhin,, 22/4/2002, http://survie67.free.fr/Electio<br />

ns/Communiq2204022.htm)<br />

[10] : (« Élections (suite) », Billets d’Afrique, n° 102,<br />

5/2002, http://www.survie-france.org/article.php3?id_art<br />

icle=149)<br />

L’homme parfois frappe fort en<br />

public. Et comme d’autres [Voir<br />

« Main haute, Front propre », p. 182],<br />

il eut affaire avec la Justice.<br />

« Le préfet de la région Provence-Alpes-<br />

Côtes-d'Azur a signé, [... le] 23 février<br />

[2000], l'arrêté qui prononce la<br />

déchéance de Jean-Marie Le Pen de son<br />

mandat de conseiller régional. [... Cela]<br />

suite à la confirmation par la Cour de<br />

cassation, le 23 novembre 1999, de la<br />

condamnation du président du FN à un<br />

an d'inéligibilité, trois mois de prison<br />

avec sursis et [750 euros] d'amende<br />

pour ”violences sur personne dépositaire<br />

de l'autorité publique”, [...] Annette<br />

Peulvast-Bergeal, maire (PS) de Mantesla-Ville,<br />

lors de la campagne législative<br />

en mai 1997, à Mantes-la-Jolie<br />

Sécurisons un peu 320<br />

(Yvelines). » [1]<br />

Les choses se sont envenimées. « Le premier<br />

ministre [Jospin] a signé [en avril<br />

2000] le décret retirant au président du<br />

Front national son mandat de député<br />

européen [..., à] quelques jours du<br />

congrès du FN » [2]. Et on a fait durer<br />

l’agonie. « Il aura fallu [encore] attendre<br />

près de trois ans pour que [..., en avril<br />

2003, il], cesse de siéger au Parlement<br />

de Strasbourg. » [3] En 2003, les élections<br />

présidentielles étaient passées…<br />

Tout passe !<br />

[1] : (« Jean-Marie Le Pen est déchu de son mandat de<br />

conseiller régional », Le Monde, 25/2/2000,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-<br />

0,37-68685,0.html)<br />

[2] : (Christiane Chombeau, « Jean-Marie Le Pen privé de<br />

mandats et en panne de relève », Le Monde, 25/4/2000)<br />

[3] : (Rafaële Rivais, « Le tribunal de Luxembourg valide la<br />

déchéance du mandat européen de M. Le Pen », Le<br />

Monde, 12/4/2003)<br />

« “J’espère [avait dit une fois Bayrou à<br />

Chirac] que les ordinateurs sur lesquels<br />

s’appuient ces prévisions ne<br />

sont pas les mêmes que ceux qui t’ont<br />

poussé à dissoudre en 1997” » [1].<br />

Pourtant, appelé à gouverner après la<br />

dissolution, Jospin n’a pas démérité au<br />

service de l’Etat et du capitalisme mondial<br />

[Voir « Jospin dans la gueule »,<br />

p. 224]. Il fallait bien qu’il soit choisi pour<br />

gouverner, lors que Juppé mettait deux<br />

millions de personnes dans la rue. Cette<br />

« dissolution “n'est [… pas] un épiphénomène<br />

de la vie politique” » [2]. Elle<br />

paraît au contraire bien calculée pour<br />

apaiser les débordements populaires et,


de plus, elle libérait un peu Chirac des<br />

otanistes de droite.<br />

On connaît d’ailleurs le « réalisme »<br />

socio-démocrate : Barre socialiste à tribord<br />

toute. « Moyennant une propagande<br />

médiatique intense, ils arrivent à<br />

accréditer chez les salariés l’illusion qu’ils<br />

sont les auteurs bienveillants d’une politique<br />

sociale humaniste (voir socialeouvriériste),<br />

généreuse, soucieuse de<br />

justice et de dignité, alors qu’en fait tout<br />

leur talent, acquis dans les écoles du<br />

pouvoir, est de gérer au mieux des intérêts<br />

dominants l’indispensable redistribution<br />

sans laquelle des millions de salariés<br />

frustrés et excédés risqueraient de se<br />

mobiliser contre le système. » [3]<br />

« Et Jospin [avant les élections] de mettre<br />

en garde les hiérarques socialistes :<br />

“Pendant cinq ans, nous avons réussi à<br />

ne pas nous laisser entraîner par l’extrême<br />

gauche. Continuez sur cette voie. Si<br />

le PS cède aux tentations gauchistes, ça<br />

lui coûtera cher !” » [4] Dont acte.<br />

A contrario, Arlette Laguiller, avant le<br />

premier tour, alors qu’on la crédite de<br />

votes accrus, estime que « les électeurs<br />

réagissent ainsi au refus de Jospin de<br />

dépénaliser l’usage du cannabis, à la<br />

situation des sans-papiers et à la trop<br />

grande place accordée, dans cette campagne<br />

au discours sur la sécurité. » [5]<br />

Alors, Jospin ratissait encore plus loin à<br />

droite en promouvant l’incarcération<br />

d’enfants délinquants [Voir « Jospin de<br />

sucre », p. 299].<br />

« Ainsi, en 2002, au moment de l’élection<br />

présidentielle française, l’accent mis<br />

sur le thème de l’insécurité a conduit à<br />

minorer la présentation d’autres actualités,<br />

économiques, sociales ou internationales.<br />

» [6] [Voir « Les français ont exigé<br />

plus de sécurité », p. 259]<br />

« Durant la campagne des présidentielles,<br />

[...] le R.P.R., bientôt rejoint par le<br />

P.S., s’est efforcé de récupérer le senti-<br />

ment diffus, mais prégnant, de vulnérabilité<br />

qu’a suscité [...] la généralisation<br />

de l’insécurité sociale générale par vingt<br />

ans de politique libérale : la précarisation<br />

de l’emploi et [...], dans l’entreprise, [...]<br />

l’accroissement de la flexibilité et l’intensification<br />

du travail, ont rendu vulnérables<br />

des couches salariales de plus en<br />

plus nombreuses – jusque dans la fonction<br />

publique [7].<br />

Parce qu’aucune politique nationalement<br />

visible n’a [...] su énoncer cette<br />

insécurité sociale et se mobiliser contre<br />

elle, et parce qu’une telle insécurité s’inscrit<br />

quasi physiquement dans les corps<br />

[...], sous forme de “tensions”, d’anticipations<br />

négatives, d’appréhension de<br />

vagues dangers, la perception de ces<br />

menaces s’est déplacée et a pris la forme<br />

d’un sentiment d’insécurité physique.<br />

Dans le même temps, l’extension de la<br />

vulnérabilité sociale a bien sûr favorisé la<br />

montée de la petite délinquance qui a<br />

“donné corps” à ce sentiment d’insécurité<br />

physique et l’a en quelque sorte<br />

“confirmé”. Alors, les partis qui s’étaient<br />

faits les promoteurs de l’insécurité sociale,<br />

vingt ans durant, ont entrepris de<br />

récupérer le sentiment d’insécurité physique<br />

ainsi suscité. » [8] Rien ne se perd.<br />

[1] : (Cité in « Soupe à la grimace », Le Canard enchaîné,<br />

14/2/2001, p. 2)<br />

[2] : (Martine Valo, « La Fédération anarchiste juge que la<br />

dissolution “n'est qu'un épiphénomène de la vie politique”<br />

», Le Monde, 21/5/1997)<br />

[3] : (Alain Accardo, « De notre servitude involontaire.<br />

Lettre à mes camarades de gauche », Agone, 2001, p. 36)<br />

[4] : (« Jospin s’angoisse », Le Canard enchaîné,<br />

16/10/2002, p. 2)<br />

[5] : (Arlette Laguiller, rapporté par Marianne, 18/3/2002,<br />

p. 22)<br />

[6] : (« Gilles Balbastre, « Un certain effet de brouillage... »,<br />

Le Monde diplomatique, 12/2004, p. 15,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/12/BAL-<br />

BASTRE/11720)<br />

[7] : (Voir Robert Castel, « les métamorphoses de la question<br />

sociale. Une chronique du salariat », Fayard, 1995)<br />

[8] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre au pauvre<br />

vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1, 10-<br />

11/2002, p. 19)<br />

321 Sécurisons un peu


On sait être technique, « à l’américaine<br />

». Claude, la fille de<br />

Jacques Chirac, lui a fait adopter<br />

« le fameux double prompteur de<br />

Jacques Chirac, piqué à [William]<br />

Clinton. Deux plaques de verre transparentes,<br />

situées de chaque côté de l’orateur,<br />

lui réfléchissent le texte de son discours<br />

en toute discrétion. Sur scène<br />

comme à la télé, l’illusion est totale. » [1]<br />

Contrôle technique.<br />

Le modèle étasunien des élections fait<br />

d’ailleurs toujours rêver les équipes de<br />

candidats aux présidentielles françaises.<br />

Une campagne à l’américaine, ça « rappelle<br />

un peu celles de feu Marcel<br />

Dassault, qui distribuait les billets de<br />

500 F [75 euros] aux électeurs de l’Oise.<br />

Sans même descendre de voiture… » [2]<br />

Et le marchand de canons se faisait élire.<br />

Le modèle bushien emballe sec. « La<br />

France vit sa première campagne à<br />

l’américaine [..., note alors un maire PS<br />

qui croyait pouvoir pronostiquer]. Elle se<br />

terminera avec une abstention à l’américaine,<br />

massive. On arrive au bout d’un<br />

système, celui de la V e République,<br />

hypercentralisée, cadenassée, qui atrophie<br />

le débat et tue le désir. Mais l’envie<br />

de politique reste forte en France, et la<br />

société, mise à la porte de la sphère politique<br />

y entrera par la fenêtre » [3]. Et aussi<br />

un peu par la porte, avec le « non » au<br />

référendum sur le Projet de « Constitution<br />

» européenne.<br />

[1] : (Denis Sieffert et Michel Soudais, « De l’UMP au PS : la<br />

tentation américaine », Politis, n° 829, 9/12/2004,<br />

http://www.politis.fr/article1177.html)<br />

Sécurisons un peu 322<br />

[2] : (Claude Roire, « La campagne à l’américaine d’un<br />

bâtisseur corse », Le Canard enchaîné, 5/6/2002, p. 4)<br />

[3] : (Thierry Mandon, entretien avec Marianne,<br />

18/3/2002, p. 23)<br />

Puis vinrent les résultats du premier<br />

tour, laissant Chirac face à Le Pen.<br />

« Si on la rapporte à l'ensemble de<br />

la classe d'âge (c'est-à-dire si l'on tient<br />

compte des cinq millions de Français et<br />

de résidents étrangers [adultes] exclus<br />

du suffrage presque universel) : les partis<br />

de gouvernement ne sont soutenus<br />

que par 38 % de la population ! » [1]<br />

Certes, mais avait-on déjà auparavant<br />

décompté ces « partis de gouvernements<br />

» ?<br />

Jospin déclara alors : « j’assume pleinement<br />

la responsabilité de cet échec et<br />

j’en tire les conséquences en me retirant<br />

de la vie politique » [2]. La récupération<br />

possible, ultérieurement, du mouvement<br />

d’humeur de l’orgueil blessé est<br />

connue : « A l'aube de la campagne<br />

pour la présidentielle de 2002, M. [Noël]<br />

Mamère avait d'abord affirmé de façon<br />

"irrévocable" qu'il ne serait pas candidat<br />

à la présidentielle, avant de se rétracter<br />

faute, selon lui, d'autre candidat. » [3]<br />

Mais on devra tout de même, pour espérer<br />

permettre le retour de Jospin, éviter<br />

au sein du P.S. l’émergence d’un sérieux<br />

challenger. Le falot Hollande y veillera<br />

royalement.<br />

« Face à la crise de régime, les deux<br />

grands partis ne proposent aucune solution,<br />

et le Front national encore moins<br />

qu'eux. [...] Face au désaveu des partis<br />

de gouvernement et à la crise de régi-


me, le système espère se maintenir par<br />

un consensus amer autour de Jacques<br />

Chirac ou, à défaut, par la force avec<br />

Jean-Marie Le Pen. » [1]<br />

« Au second tour de l'élection présidentielle<br />

de 2002, les partis de la gauche de<br />

gouvernement, affolés par leur perte de<br />

légitimité, ont appelé à voter pour le<br />

candidat de la droite. Ils ont mobilisé<br />

leur électorat en mettant en scène avec<br />

succès un prétendu péril [immédiat]<br />

d'extrême droite, alors qu'un simple calcul<br />

montrait qu'en cas de vote blanc ou<br />

d'abstention de la gauche, Jacques<br />

Chirac aurait été de toute manière largement<br />

élu. » [4]<br />

Cependant, on pouvait évidemment<br />

aussi, comme Verschave par exemple,<br />

voter pour Chirac afin de diminuer le<br />

crédit affiché en l’extrême droite, même<br />

en connaissant la non représentativité<br />

du vote. L’extrême droite aurait demain<br />

moins de puissance (« on l’avait bien vu<br />

monter… »).<br />

Les législatives qui ont fait suite ont,<br />

comme de bien entendu, donné au<br />

Président plébiscité « les moyens de sa<br />

politique ». Mais d’emblée accaparés en<br />

bonne partie par l’ennemi Intérieur :<br />

Sarkozy [Voir « Le syndrome de<br />

Narkozy », p. 664].<br />

[1] : (Réseau Voltaire, « Analyse des résultats du premier<br />

tour de l'élection présidentielle française. Le 21 avril 2002<br />

n'a pas été marqué par une poussée du FN, mais par un<br />

effondrement des partis de gouvernement », 4/5/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article7597.html)<br />

[2] : (Lionel Jospin, 21/4/2002, cité in « Présidentielles.<br />

Lionel Jospin : "Je me retire de la vie politique" »,<br />

L’Humanité, 22/4/2002, http://www.humanite.presse.fr/j<br />

ournal/2002-04-22/2002-04-22-32656)<br />

[3] : (« Noël Mamère ne sera pas candidat à la présidentielle<br />

de 2007 », Le Monde, 4/12/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-<br />

717339,0.html)<br />

[4] : (Jean Rousseau, « Jacques Chirac épure son camp »,<br />

Voltaire, 2/4/2004, p. 3, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le13167.html)<br />

Les résultats du premier tour de l'élection<br />

présidentielle de 2002 étaient<br />

cinglants. Et, par exemple, François<br />

Bayrou, chef de l’UDF, « de conclure<br />

[alors] que la situation politique est<br />

grave : "A terme, cela va finir très mal, ça<br />

va finir dans la rue." » [1] D’autres, à l’opposé,<br />

ne voient plus dans l’extrême droite<br />

les nervis des possédants ni même<br />

une solution temporaire de rechange<br />

pour capitalisme en crise, mais simplement<br />

une baudruche épouvantail.<br />

Hystérectomisé, « le ventre fécond de la<br />

bête immonde » [2] ? Un débat a agité<br />

des rangs contestataires : était-il bien ou<br />

mal de voter Chirac au second tour ? Et<br />

on y a trouvé motif à utile division<br />

(comme dans d’autres faux-débats lancés<br />

périodiquement : voile, caricatures<br />

de Mahomet en 2006, etc.). Mais pourquoi<br />

morigéner ceux qui votent contre<br />

Le Pen, tandis que l'extrême droite, elle,<br />

va voter, et fait donc de l'antiparlementariste<br />

via le vote en rangs disciplinés.<br />

« Elections, piège à cons ». Pourquoi<br />

alors s’investir dans un vote ? C’est le<br />

vieux débat entre réforme et révolution.<br />

De nombreux associations et individus<br />

combattent le « système », chacun avec<br />

ses manières [Voir « Dans l’ère revue »,<br />

p. 677]. « Si bigarrées soient-elles, ces<br />

figures et pratiques ont en commun la<br />

résistance médiatique. Car ces corsaires,<br />

ces militants, ces provocateurs ont en<br />

commun une même posture face aux<br />

médias : l’action. En marge de la loi ou<br />

en son nom, individuellement ou collectivement.<br />

Ils résistent en s’appro-<br />

323 Sécurisons un peu


priant, ils inventent en détournant, ils<br />

s’expriment en retournant les<br />

médias. » [3]<br />

Aussi ce n'est pas parce qu'on utilise<br />

(aussi) des moyens légaux pour se<br />

défendre qu'on a obligatoirement perdu<br />

la conscience de ce qui se passe. L'action<br />

via les urnes et la parole n’empêche pas<br />

que, peu loin, on utilise d’autres moyens<br />

d'action dits illégaux, même si les deux<br />

types de moyens sont réputés contradictoires.<br />

Et, même en guerre ouverte<br />

contre un « système », on peut tout de<br />

même juger importante l’amélioration<br />

du sort dans ses prisons ; par opposition<br />

à un Netchaïev qui jugerait utile pour la<br />

rébellion toute aggravation dans la vie commune<br />

[Voir « Ta boule à raser ! », p. 29]. Le<br />

« lest » lâché par la bourgeoisie n’anesthésie<br />

pas forcément les consciences. Et<br />

qui vient déjà aider à éviter le pire n’est<br />

pas forcément un « cogestionnaire » qui<br />

vient juste apporter sa caution.<br />

Mais on peut confondre le refus systématique<br />

avec l’indépendance. On nous<br />

dit par exemple que « dans le Nord-Pasde-Calais,<br />

peu après la fermeture de<br />

Metaleurop, arc-boutés à leur opposition<br />

systématique, les conseillers régionaux<br />

LO sont allés jusqu’à voter contre la création<br />

d’un “fonds d’anticipation sociale”<br />

([1,6] millions d’euros [4]) “pour aider les<br />

salariés licenciés en cas de désertion<br />

patronale, en attendant que la justice se<br />

prononce”. » [5]<br />

C’est un vieux problème. George Orwell<br />

écrivait en 1938 sur l'Espagne où il combattit<br />

les fascistes : « Les communistes<br />

soutiennent que l'on peut battre le fascisme<br />

en s'alliant avec des fractions de la<br />

classe capitaliste (cela s'appelle le Front<br />

populaire) ; leurs opposants soutiennent<br />

que cette manœuvre n'aboutit qu'à fournir<br />

au fascisme de nouveaux moyens où<br />

croître. La question avait à être posée ;<br />

Sécurisons un peu 324<br />

car prendre la mauvaise voie peut nous<br />

valoir des siècles de demi-esclavage.<br />

Mais tant qu'en guise d'arguments on<br />

ne saura que crier "Trotsky-fasciste", la<br />

discussion ne peut même pas commencer.<br />

» [6]<br />

D’où nous viennent – entre autres – les<br />

vacances ? « L’éclatement des forces de<br />

droite, provoqué par le départ des plus<br />

extrémistes qui penchent de plus en plus<br />

nettement pour l’usage de la force, et la<br />

mobilisation du vote anarchiste en<br />

faveur du Front populaire conduit à la<br />

victoire des forces de gauche le 16<br />

février 1936. » [7]. Mais pour acquérir les<br />

“impensables” vacances, il fallu encore la<br />

grève générale...<br />

[1] : (« Bayrou dans l'ornière », Le Canard enchaîné,<br />

24/4/2002, p. 2)<br />

[2] : (Bertold Brecht)<br />

[3] : (Patrick Farbiaz, « Comment manipuler les médias,<br />

101 recettes subversives », Denoël, 1999, p. 11)<br />

[4] : (Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, « Motion<br />

adoptée par la commission permanente concernant<br />

Metaleurop », 3/2/2003, http://www.nordpasdecalais.fr/i<br />

nstit/comm-2003/04.htm)<br />

[5] : (Le Canard enchaîné, 10/3/2004, p. 8, d’après Henri<br />

Weber, « Lettre recommandée au facteur », Seuil, 3/2004)<br />

[6] : (George Orwell, « Hommage à la Catalogne »,<br />

Appendice I, 1938, trad. Yvonne Davet, Champ libre,<br />

1981, p. 244)<br />

[7] : (Jean-François Berdah, « Républicains et militants de<br />

gauche durant la République espagnole (1931-1939) »,<br />

M.I.R.E.H.C., Bulletin n° 4, « Militantismes et militants »,<br />

2000, http://www.univ-tlse2.fr/histoire/mirehc/Bulletin20<br />

00/Berdah.htm)


Le Canard enchaîné annonçait à<br />

l’avance comme une mesure qui<br />

serait prise d'urgence après le<br />

second tour des élections présidentielles<br />

de 2002 un « volet sécurité [qui] ne fait<br />

pas dans le détail :<br />

Mise en place du super-ministre de la<br />

Sécurité promis par le Président-candidat,<br />

avec à ses côtés un ministre délégué<br />

à la Police, qui [devait] être Philippe<br />

Massoni, le préfet de police devenu<br />

conseiller de Chirac [Voir « Pour l’édification<br />

des masses honnies », p. 142].<br />

Rédaction et présentation en moins d'un<br />

mois d'une grande loi police-justice,<br />

mise en valeur dans le programme de<br />

sécurité utilisé aux législatives [Voir « La<br />

loi ne fait que répondre aux menaçes<br />

terroristes », p. 327].<br />

Sélection d'une dizaine de "quartiers<br />

sensibles" où des opérations spectaculaires",<br />

"destinées à briser les réseaux<br />

mafieux", seraient organisées. Evidemment<br />

sous l'œil des caméras de télévision.<br />

» [1] « Spectaculaires », on a dit.<br />

Dès le lundi matin qui suivait le second<br />

tour, on pu en effet voir, au métro<br />

Champ de Mars (15 e) entre tant<br />

d’exemples, de nombreux policiers faisant<br />

très visiblement face à l'insécurité.<br />

« A peine arrivé Place Beauvau, Sarkozy<br />

[Voir « Le syndrome de Narkozy »,<br />

p. 664] apprend qu'un juge d'instruction<br />

de Strasbourg, Jean-Baptiste Poli,<br />

prépare avec gendarmes et policiers une<br />

rafle. Cible : une bande de petits receleurs<br />

dans les HLM de Strasbourg. [... Or,<br />

Sarkozy est] chargé de mettre en place<br />

les fameux Groupements d'intervention<br />

régionaux (GIR) promis par Chirac.<br />

Rassemblant policiers, gendarmes et<br />

agents du fisc, ces futures unités sont<br />

supposées mettre hors d'état de nuire les<br />

"réseaux mafieux"<br />

[... Sont bienvenues] quelques images<br />

montrant des policiers en train de<br />

prendre d'assaut une cité HLM, présumée<br />

zone de non-droit, [...] à trois<br />

semaines des législatives. Surtout à<br />

Strasbourg, où les statistiques de la<br />

délinquance galopent malgré l'élection à<br />

la mairie, en mars 2001, de l'UDF<br />

Fabienne Keller [..., qui pourtant] avait<br />

axé toute sa campagne sur [...] l'insécurité.<br />

[...]<br />

Sarkozy a besoin de quelques jours de<br />

délai pour organiser la mise en scène.<br />

[...] Foin du secret de l'instruction : les<br />

télés [...] sont discrètement [...] invitées à<br />

accompagner les policiers le 22 mai [...<br />

2002.] TF1 va en faire des tonnes. » [2]<br />

En « ouverture de son journal, PPDA a<br />

[...] annoncé que les perquisitions de<br />

Strasbourg constituaient la "première<br />

opération des GIR" [... C’est] faux : les<br />

GIR n'existaient pas encore » [3]. « [A l'en<br />

croire,] "[...] seront [... saisies] des armes<br />

de guerre la plupart classées première<br />

catégorie [... et une] mitrailleuse lourde<br />

allemande, en parfait état de fonctionnement.<br />

Les cartouches de 7 millimètres<br />

complètent cet arsenal." [... En fait,] ces<br />

fameuses armes de guerre étaient en réalité<br />

"démilitarisées" et réduites à l'état de<br />

banales pièces de collection. En guise<br />

d'arsenal, les perquisitions n'ont permis<br />

de retrouver qu'un "revolver 357<br />

magnum et un pistolet à grenaille". » [2]<br />

« TF1 s'est aussi permis de passer sous<br />

silence les réserves du procureur de la<br />

République de Strasbourg [... ; et on ne<br />

vit qu’une] partie des propos du magis-<br />

325 Sécurisons un peu


trat, celle dans laquelle il se réjouissait du<br />

succès policier. » [3]<br />

« Après les élections, on nous a donc mis<br />

« en scène un “tournant sécuritaire”<br />

censé répondre [...] à ce qu’auraient<br />

“exprimé” une partie des abstentionnistes,<br />

par leur “silence”, et une majorité<br />

des électeurs qui ont porté leurs suffrages<br />

sur Jean-Marie Le Pen au premier<br />

tour des présidentielles. La boucle est<br />

bouclée. » [4]<br />

Elus pour rétablir l’ordre. « Dominique<br />

Perben [...] avait déjà mis en garde ses<br />

amis en septembre 2000, lors des journées<br />

parlementaires du RPR : “Si on fait<br />

(sic) l’amnistie, les Français sortent et<br />

dépavent les rues.” [...] Sortir du piège<br />

judiciaire constitue [pourtant] l’une des<br />

priorités de Chirac. Certes, il a été déclaré<br />

“intouchable” par le Conseil constitutionnel,<br />

mais ses amis [tels Juppé,<br />

Roussin, etc.] restent des justiciables<br />

comme les autres. » [5] [Voir « Ça sent le<br />

Roussin », p. 132]<br />

« Promise par le Président-candidat, la<br />

remise sous tutelle des procureurs par le<br />

ministère de la Justice [pouvait] au moins<br />

freiner les investigations des juges et, par<br />

exemple, gêner une éventuelle enquête<br />

sur les dépenses de cuisine des Chirac à<br />

la Mairie de Paris. [... L’Elysée trouva] que<br />

la modification de certaines règles de<br />

jurisprudence était urgente : obtenir que<br />

des magistrats compréhensifs appliquent<br />

au détournement de fonds publics le<br />

régime de prescription en vigueur pour<br />

les abus de biens sociaux. La Cour de cassation<br />

a, en effet, établi pour cette catégorie<br />

de délits des règles de prescription<br />

beaucoup plus favorables aux présumés<br />

délinquants. » [6]<br />

On fit revenir le calme. Les « journaux de<br />

TF1, France 2 et France 3 [...] ont traité<br />

158 fois d’insécurité en septembre 2001,<br />

contre 66 fois seulement en septembre<br />

2002. Comme si la délinquance avait<br />

Sécurisons un peu 326<br />

chuté de près de 60 % en un an. » [7]<br />

[Voir « L’insécurité avance, l’insécurité<br />

recule », p. 278]<br />

Et derrière les alternances apparentes,<br />

l’Etat demeure. En août 2002, par<br />

exemple, le « commandant Philippe<br />

Bottrie [a été] promu chef de cabinet<br />

adjoint de Raffarin. [... Auparavant],<br />

Bottrie était l’aide de camp de Jospin. Il<br />

était même devenu un familier de l’ex-<br />

Premier ministre. A l’époque, ce galonné<br />

expliquait que son cœur à gauche lui<br />

interdirait de rester à Matignon auprès<br />

d’un autre Premier ministre. » [8] Mais<br />

quand on donne des coups de main à<br />

l’Etat, l’Etat les rend.<br />

« Selon certaines sources, il [existera<br />

ensuite] un pacte, secret et inavouable,<br />

qui lierait Jacques Chirac et Lionel Jospin.<br />

[...] Pour [... Chirac], dans le collimateur<br />

de la justice, il s'agirait de se garantir l'immunité.<br />

Et, pour [... Jospin], ce serait l'occasion<br />

de se laver de l'humiliation subie<br />

en 2002 et accéder à la charge suprême.<br />

» [9] Va croire.<br />

[1] : (Le Canard enchaîné, 30/4/2002, p. 2)<br />

[2] : (Hervé Liffran, « Une mise en scène signée Sarkozy<br />

pour quelques babioles volées », Le Canard enchaîné,<br />

29/5/2002, p. 4)<br />

[3] : (« TF1 cajole le ministre », Le Canard enchaîné,<br />

29/5/2002, p. 4)<br />

[4] : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre au pauvre<br />

vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1,<br />

10-11/2002, p. 19)<br />

[5] : (Hervé Liffran, « A peine réélu, Chirac pense à son<br />

avenir judiciaire », Le Canard enchaîné, 7/5/2002, p. 3)<br />

[6] : (Hervé Liffran, « C’est du Toubon pour la méthode…<br />

», Le Canard enchaîné, 7/5/2002, p. 3)<br />

[7] : (Le Canard enchaîné, 9/10/2002, d’après Arrêt sur<br />

image, France 5, 7/10/2002, reprod. in http://www.acrimed.org/article782.html)<br />

[8] : (« Promotion à Matignon », Le Canard enchaîné,<br />

28/8/2002, p. 2)<br />

[9] : (Enrico Porsia, « Chirac-Jospin : le pacte inavouable.<br />

Un livre de Guy Benhamou », amnistia.net – Les enquêtes<br />

interdites, 25/4/<strong>2005</strong>, d’après Guy Benhamou, « Le<br />

Pacte », Privé, <strong>2005</strong>)


« Il n’y a pas de choix plus difficile à<br />

entreprendre et plus incertain à réussir,<br />

ni plus périlleux à conduire, que<br />

de prendre l’initiative pour introduire<br />

de nouvelles institutions. [... La] nature<br />

des peuples est changeante ; et il<br />

est facile de persuader d’une chose,<br />

mais difficile de les maintenir en cette<br />

persuasion. Aussi faut-il être organisé<br />

de façon telle que lorsqu’ils ne<br />

croient plus, on puisse les faire croire<br />

de force. » [1]<br />

On peut le faire. « La lutte antiterroriste<br />

est le point le plus avancé dans la mise<br />

en place d’un état d’exception généralisé,<br />

ou autrement dit, d’une dictature, au<br />

niveau mondial. [... La] lutte antiterroriste<br />

est le facteur qui donne sens au processus<br />

de transformation du droit pénal,<br />

engagé depuis plusieurs années. » [2]<br />

Déjà, le principe avait été popularisé,<br />

grâce aux bombes de 1969 en Italie<br />

[Voir « 69, l’année est toxique ! », p. 65],<br />

quand fut promu « le recours à des lois<br />

spéciales qui, sous couvert de combattre<br />

efficacement le terrorisme, ont en réalité<br />

faussé la bonne marche des institutions.<br />

Décrire l'arsenal des dispositions policières<br />

et législatives dont s'est doté l'Etat<br />

transalpin au début des années 70 suffit<br />

à souligner la dérive dangereuse subie<br />

par la démocratie et à révéler les intentions<br />

manipulatrices de ses auteurs. » [3]<br />

Les autres attentats terroristes en Europe<br />

après 1968 avaient justifié ailleurs aussi<br />

un accroissement généralisé de la<br />

répression. « Comme Rome, plusieurs<br />

capitales considèrent qu'un redoutable<br />

arsenal législatif constitue la meilleure<br />

arme pour venir à bout du terrorisme,<br />

d'où qu'il vienne. L'étude scrupuleuse<br />

des résultats de ces législations n'en<br />

apporte pourtant pas la preuve.<br />

Reste que la France, de son côté, a suivi<br />

largement l'exemple de l'Italie [...] "La loi<br />

est notre arme", disait l'ex-ministre de la<br />

justice, M. Jacques Toubon [4]. La campagne<br />

d'attentats de 1986 a conduit à<br />

l'adoption d'une loi et de dispositions<br />

successives [5], [avec] un régime procédural<br />

particulier, censé permettre une<br />

meilleure efficacité de la répression :<br />

poursuites centralisées à Paris ; durée<br />

maximale de la garde à vue portée à<br />

327 Sécurisons un peu


quatre jours ; possibilité de perquisitions<br />

au cours d'une enquête préliminaire,<br />

même sans l'accord des intéressés ; institution<br />

d'une cour d'assises composée de<br />

magistrats professionnels afin d'éviter<br />

l'intimidation des jurés. » [3]<br />

« La définition du terrorisme [...] largement<br />

subjective et de caractère directement<br />

politique [...,] permet de criminaliser<br />

tout mouvement social ou politique<br />

[Voir « Contestation = Crime », p. 355].<br />

Elle est aussi une attaque frontale contre<br />

les libertés privées. [...] S’affranchissant<br />

de la commission<br />

de toute<br />

infraction ou<br />

de l’intention<br />

d’en commettre,<br />

est punie<br />

la simple appartenance<br />

à<br />

une organisation<br />

désignée<br />

comme terroriste.<br />

[...] Le<br />

caractère du<br />

terrorisme ne<br />

tiendrait pas<br />

en des actes<br />

matériels [...],<br />

mais à l’intention<br />

[...] présumée<br />

[...]. Le<br />

caractère subjectif,déterminant<br />

le caractère<br />

terroriste<br />

de l’infraction, joue un rôle d’autant plus<br />

important qu’il ne porte pas nécessairement<br />

sur des actes déterminés, mais<br />

également sur la participation à des activités<br />

légales de l’organisation poursuivie<br />

ou sur la simple appartenance ou le soutien<br />

à celle-ci. Dans ce cas, la marge d’interprétation<br />

est à son maximum. » [2]<br />

« La lutte antiterroriste abolit la distinc-<br />

Sécurisons un peu 328<br />

tion entre ennemi et criminel. [...] La<br />

guerre se réduit à une simple opération<br />

de police contre des Etats voyous. De<br />

même, tout mouvement social, comme<br />

ennemi intérieur, peut être criminalisé<br />

au nom de l’action contre le terrorisme.<br />

» [2] On connaît le principe : « Nous<br />

aurons le temps d’être humains lorsque<br />

nous serons vainqueurs. » [6]<br />

Et « les raisons de la création d’une [incrimination<br />

pénale destinée à punir spécifiquement<br />

le terrorisme] se trouvent dans<br />

la justification de pratiques et de règles<br />

qui dérogent<br />

aux règles traditionnelles<br />

de<br />

procédure pénale.<br />

Ces dérogations<br />

ont<br />

lieu à chaque<br />

stade du processus<br />

pénal,<br />

de l’information<br />

au jugement.<br />

Il s’agit<br />

de techniques<br />

spéciales d’enquêtes,<br />

telle la<br />

mise sous<br />

écoute ou la<br />

surveillance<br />

rapprochée.<br />

L’incrimination<br />

terroriste justifie<br />

également<br />

des mesures<br />

exceptionnelles<br />

de détention préventive ou d’emprisonnement<br />

administratif, parfois de<br />

simples témoins. Elle impose des règles<br />

particulières en matière de communication<br />

de l’accusé avec l’avocat, ainsi que<br />

la mise en place de juridictions d’exception.<br />

» [2]<br />

« L’expression de la loi par la [simple]<br />

procédure est [...] l’expression de la


éduction du social et du politique aux<br />

techniques productivistes de l’entreprise.<br />

» [2] « La procédure d’exception se<br />

substitue à la Constitution et à la loi,<br />

comme formes d’organisation du politique.<br />

La lutte antiterroriste condense<br />

tous les éléments qui caractérisent un<br />

gouvernement d’exception. Tout en<br />

niant la séparation formelle des pouvoirs,<br />

elle opère une restructuration du<br />

pouvoir en renforçant la suprématie du<br />

pouvoir exécutif. » [2]<br />

« L’idée principale est qu’en temps de<br />

guerre [contre le terrorisme] on ne saurait<br />

s’encombrer des babillages d’un parlement<br />

et des ratiocinations des tribunaux.<br />

Le chef des armées doit prendre<br />

les décisions seul. La séparation des pouvoirs<br />

est alors déviée de son sens initial :<br />

il ne s’agit plus d’équilibrer des institutions<br />

pour qu’elles se contrôlent mutuellement,<br />

mais d’interdire aux parlementaires<br />

et aux juges de se mêler de ce qui<br />

ne les regarde plus. » [7]<br />

[1] : (Nicolo Machiavel, « Le Prince », V, 1532, trad.<br />

Christian Bec, Bordas, 1987, réed. Presses Pocket, 1990,<br />

p. 41)<br />

[2] : (Jean-Claude Paye, « Le coup de l’état d’exception<br />

permanent », Justice, n° 179, 5/2004, pp. 15-17, (7 euros<br />

62, Justice, Syndicat de la magistrature, BP 155, F-75523<br />

Paris cedex 11))<br />

[3] : (Anne Schimel, « La lutte antiterroriste. Justice "de<br />

plomb" en Italie », Le Monde diplomatique, 4/1998, p. 23)<br />

[4] : (Lors d'un colloque au Sénat, 18/10/1996)<br />

[5] : (Datées des 9/9/1986 et 30/12/1986. Loi renforcée<br />

par le Parlement français en juin 1996, « Code de procédure<br />

pénale », articles 706-16 et suivants)<br />

[6] : (Hérault de Séchelles, Circulaire du Comité de salut<br />

public. « A Carrier. », 29/9/1793)<br />

[7] : (« Pleins pouvoirs. La Federalist Society investit la Cour<br />

suprême des États-Unis », voltairenet.org, 2/2/2006,<br />

http://www.voltairenet.org/article134993.html)<br />

On le savait dès l’origine de la<br />

Constitution des Etats-Unis :<br />

« Peut être est ce une vérité<br />

universelle [...] que quand on restreint<br />

les libertés intérieures, c'est toujours<br />

sous le prétexte de faire face à l'imminence<br />

réelle ou supposée d'un danger<br />

extérieur ». [1]<br />

On avait déjà bien travaillé avant le 11<br />

septembre. « Dans le sillage du premier<br />

attentat contre le World Trade Center,<br />

en 1993, et de celui qui a détruit le<br />

bureau fédéral d’Oklahoma City en 1995<br />

[Voir « Un bon soldat », p. 580], le<br />

Congrès a passé l’Anti-Terrorism Act, “un<br />

des pires assauts à la Constitution depuis<br />

des décennies“ [2]. Cette loi a ressuscité<br />

le délit d’association et elle a créé une<br />

cour spéciale ayant accès à des informations<br />

classifiées (secret défense) pour<br />

déporter des étrangers suspectés de terrorisme.<br />

Et surtout elle a supprimé la loi<br />

– qui n’avait que quelques années de vie<br />

– interdisant au FBI d’enquêter sur les<br />

activités concernant le premier amendement<br />

(liberté d’expression, association<br />

politique, religieuse et de presse). » [3]<br />

Puis vint l’inattendu [Voir « Surprise<br />

Surprise ! », p. 624] On réagit alors avec<br />

célérité. « Une semaine après le 11 septembre<br />

[2001] [Voir « Neuf ! Hein ?<br />

Hein ? », p. 610], le ministre Ashcroft<br />

avait déjà élaboré une “loi antiterroriste”<br />

de 342 <strong>page</strong>s. Son intitulé complet » [4] :<br />

« Provide Appropriate Tools Required to<br />

Intercept and Obstruct Terrorism<br />

[« Procurer les outils appropriés pour<br />

329 Sécurisons un peu


déceler et contrer le terrorisme »] » [4]<br />

« L’acronyme de l’intitulé forme le sigle<br />

Patriot Act. » [4] [Voir « Coup d’Etatsunis<br />

» , p. 609]<br />

« Dès le 26 octobre 2001, le Congrès<br />

adoptait [cette] loi [... qui] accorde des<br />

pouvoirs exceptionnels à la<br />

police et aux services de renseignement,<br />

réduit le rôle de la<br />

défense et met en question<br />

l'habeas corpus, qui garantit les<br />

libertés individuelles. Cette loi<br />

autorise l'arrestation, la déportation<br />

et la mise à l'isolement<br />

de suspects - les autorités peuvent<br />

arrêter et retenir indéfiniment<br />

des étrangers. Elle supprime<br />

toute délégation judiciaire<br />

pour procéder à des perquisitions,<br />

à des écoutes téléphoniques<br />

ou au contrôle du courrier<br />

et des communications par<br />

Internet. » [5]<br />

« Les lois les plus connues de<br />

cet arsenal : l’USA Patriot Act et<br />

le Homeland Security Act (loi de<br />

sécurité intérieure) adoptées le<br />

26 octobre 2001. Elles sont<br />

accompagnées d’une pléthore<br />

d’autres mesures et décrets antiterroristes<br />

décidés par l’administration, qui,<br />

par ce biais, s’est attribué les pouvoirs<br />

que le Congrès lui avait refusés. » [3]<br />

« Tous les candidats démocrates ont<br />

remis en cause l’USA Patriot Act, demandant<br />

son annulation ou son amendement.<br />

» [3]<br />

Puis « George W. Bush signait, le 13<br />

novembre 2001, un décret instaurant<br />

des tribunaux militaires d'exception<br />

réservés aux étrangers. Le bagne de<br />

Guantanamo était créé. » [5] [Voir<br />

« Sensible privation », p. 516]<br />

« Aux Etats-Unis, l’”USA Patriot Act” [6]<br />

autorise le ministre de la Justice à faire<br />

Sécurisons un peu 330<br />

[…] placer en détention tout étranger<br />

suspecté de mettre en danger la sécurité<br />

nationale. Ces mesures furent étendues<br />

par le “Military Order” du 13 novembre<br />

2001 qui permet de soumettre les noncitoyens<br />

américains, suspects d’activités<br />

terroristes, à des juridictions<br />

spéciales et de les maintenir en<br />

détention illimitée. » [7] Deux<br />

ans après le « 11 septembre<br />

2001, [... plus] d’un millier [de<br />

musulmans avaient] été arrêtés,<br />

à cause de leur religion ou<br />

de leur origine ethnique [Voir<br />

« Bâtissons le choc des civilisations<br />

», p. 566]. Aucun d’entre<br />

eux, détenus pendant des<br />

semaines ou des mois, n’a été<br />

inculpé de crimes terroristes. » [3]<br />

[Voir « US Jail » , p. 510]<br />

Des étasuniens s’interrogent :<br />

« “[...] le gouvernement avait<br />

surtout sacrifié les libertés des<br />

étrangers. Mais [... ce qu’on<br />

fait] à des étrangers naturalisés<br />

ouvre peut-être la voie à ce<br />

que l’on fera à des citoyens<br />

américains demain.” [2] » [3]<br />

Demain ? Au « nom de la lutte<br />

contre le terrorisme, l’administration<br />

peut désormais conduire des opérations<br />

en secret, réprimer des délits d’opinion,<br />

placer sous surveillance des citoyens –<br />

même lorsqu’il n’y a pas d’éléments pour<br />

les soupçonner d’activités criminelles –<br />

recueillir, dans le but de mener des<br />

investigations, des informations sensibles<br />

sur la vie privée des citoyens et des<br />

étrangers résidant aux Etats-Unis. [...]<br />

Le vice-président Richard Cheney a [...<br />

déclaré] peu après le 11 septembre<br />

2001 : “Beaucoup de mesures que nous<br />

avons été obligés de prendre deviendront<br />

permanentes dans la vie américaine,<br />

elle feront partie d’une nouvelle ‘nor-


malité’.” [... Cette] “normalité” se traduit<br />

en réalité par “un éloignement de l’Etat<br />

de droit. Les Etats-Unis ne se considèrent<br />

plus liés aux principes qui ont longtemps<br />

constitué leurs fondements [(Bill of<br />

Rights)]” [8].<br />

[... Le] ministère de la justice [avait]<br />

d’autres lois de ce type dans le tiroir. Il<br />

[mettait] au point le Domestic Security<br />

Enhancement Act [devenu Patriot<br />

Act II [9]], qui, selon le professeur de<br />

droit à Yale Jack Balkin, donne à l’Etat “le<br />

droit de retirer la nationalité à une personne<br />

qui serait en rapport avec une<br />

organisation figurant dans la liste noire<br />

du ministère de la justice, même si cette<br />

personne n’est pas au courant de cela”.<br />

[...] “[Donnez] quelques dollars à une<br />

organisation de charité islamique<br />

qu’Ashcroft a classée comme terroriste,<br />

et vous pouvez vous trouver dans le premier<br />

avion quittant ce pays. Sans possibilité<br />

de recours” [10]. » [3] [Voir<br />

« Toujours patriote » , p. 500]<br />

[1] : (James Madison à Thomas Jefferson, 5/1798, cité in<br />

David Wise « L'Etat espion », Messidor – Temps Actuels,<br />

1/1982, p. 343)<br />

[2] : (David Cole, « Terrorism and Constitution », The New<br />

Press, New York, 2002)<br />

[3] : (Augusta Conchiglia, « Des lois “patriotiques”... », Le<br />

Monde diplomatique, 1/2004, p. 21, http://www.mondediplomatique.fr/2004/01/CONCHIGLIA/10995)<br />

[4] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 155)<br />

[5] : (Ignacio Ramonet, « Antiterrorisme », Le Monde diplomatique,<br />

3/2004, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/03/RAMONET/10722)<br />

[6] : (« Politechbot.com : Final text of USA anti-terrorism<br />

bill », http://www.politechbot.com/docs/usa.act.final.102<br />

401.html)<br />

[7] : (Jean-Claude Paye, « Le coup de l’état d’exception<br />

permanent », Justice, n° 179, 5/2004, pp. 15-17, (7 euros<br />

62, Justice, Syndicat de la magistrature, BP 155, F-75523<br />

Paris cedex 11))<br />

[8] : (Deborah Pearlstein, « Assessing the New Normal »,<br />

2003, in www.lhcr.org)<br />

[9] : (Maya Ghozali, « USA Patriot Act », e-Juristes,<br />

22/2/<strong>2005</strong>, http://www.e-juristes.org/article.php3?id_art<br />

icle=705)<br />

[10] : (Noam Chomsky, « Hegemony of Survival, America’s<br />

Quest for Global Dominance ». American Empire Project<br />

éd., 2003)<br />

Cet « arsenal de mesures dignes<br />

d'un Etat autoritaire a très vite<br />

servi de modèle à d'autres pays. A<br />

commencer par le Royaume-Uni, qui n'a<br />

pas hésité à déroger à l'article 5 de la<br />

Convention européenne des droits de<br />

l'homme [1] et a adopté, en 2001, une<br />

loi antiterroriste permettant de détenir<br />

de façon illimitée, sans inculpation ni<br />

jugement, tout étranger soupçonné de<br />

constituer une menace pour la sécurité<br />

du pays. Le ministre de l'intérieur, M.<br />

David Blunkett, [souhaitant] durcir cette<br />

loi - la plus draconienne d'Europe - et<br />

l'appliquer aussi aux citoyens britanniques.<br />

Les suspects pourraient être<br />

jugés de manière préventive lors de procès<br />

secrets sans jury. Les magistrats de<br />

ces sections spéciales, ainsi que les avocats<br />

seraient “sélectionnés” par les services<br />

secrets afin de faciliter la condamnation<br />

des suspects. M. Blunkett veut également<br />

que les passeports soient dotés de<br />

puces capables de stocker les empreintes<br />

digitales et rétiniennes... » [2] [Voir « Bienvenue<br />

au pays de la Liberté » , p. 375]<br />

« Dans ce contexte orwellien, le gouver-<br />

331 Sécurisons un peu


nement français a renforcé à son tour<br />

l'arsenal sécuritaire » [2], « déjà mis en<br />

place par les gouvernements successifs<br />

» [3], avec l'adoption d'abord, suite<br />

« aux attentats du 11 septembre, [de] la<br />

loi sur la sécurité quotidienne [LSQ] du<br />

15 novembre » [4], « de la loi Sarkozy<br />

(pour la sécurité intérieure, en février<br />

2003), puis » de la loi Perben du 27 novembre<br />

2003, censée adapter la justice<br />

à la lutte contre “la grande criminalité organisée”,<br />

et enfin « le 11 février [2004],<br />

de la loi Perben 2 [..., dénoncée] par l'ensemble<br />

des organisations d'avocats » [2].<br />

Sous le nom de loi Perben (du nom du<br />

ministre de la Justice, Dominique<br />

Perben), « l’Assemblée a d’abord voté<br />

[en catimini le 27 novembre 2003] une<br />

loi » [5], rédigée « dans un jargon technique<br />

déjà rodé pour semer la confusion<br />

» [3], « censée adapter la justice à la<br />

lutte contre “la grande criminalité organisée”.<br />

Sous cet intitulé général se cache<br />

un monstre législatif qui bouleverse le<br />

système judiciaire français. » [5]<br />

« Son but : gérer au plus vite la plus<br />

grande partie des affaires pénales en<br />

décuplant les moyens de l’accusation au<br />

détriment des droits de la défense. » [3]<br />

« Plus de 400 articles du Code de procédure<br />

pénale sont concernés. » [5]<br />

« La fameuse loi Peyrefitte “Sécurité et<br />

libertés”, qui avait provoqué tollé et<br />

manifs en 1979, et avait été abrogée par<br />

la gauche en 1981, n’en proposait pas le<br />

quart, et elle apparaît aujourd’hui<br />

comme une bluette. [...] La définition de<br />

la “criminalité organisée” étant particulièrement<br />

vague, la police et le parquet,<br />

grands gagnants de la réforme, pourront<br />

recourir, sans contrôle, à cette procédure<br />

d’exception » [5], « facilement<br />

mis en œuvre, d’autant plus que la procédure<br />

se poursuivra même si les infractions<br />

ne relèvent plus de ce délit » [3].<br />

Sécurisons un peu 332<br />

« La loi Perben II [..., elle,] porte sur les<br />

“adaptations de la justice aux évolutions<br />

de la criminalité”. Elle constitue la plus<br />

importante réforme du Code de procédure<br />

pénale français depuis 1958. Elle<br />

vise à “lutter contre les organisations qui<br />

peuvent mettre en péril notre société”,<br />

c'est-à-dire à la fois les organisations criminelles<br />

et les groupes terroristes, et à<br />

rendre le traitement de la délinquance<br />

“plus efficace et rapide”. Pour ce faire,<br />

elle créé de nouveaux outils » [6].<br />

« La loi “Perben II” [...] vise en réalité à<br />

modifier la procédure pénale française<br />

pour permettre au FBI de prolonger ses<br />

enquêtes en France dans le cadre d'une<br />

coopération judiciaire renforcée après<br />

les attentats du 11 septembre [Voir « Qui<br />

coopère gagne », p. 476]. Ces dispositions<br />

ont été directement négociées<br />

entre l'Attorney general John Ashcroft,<br />

d'une part, Nicolas Sarkozy et<br />

Dominique Perben, d'autre part. » [6]<br />

Perben et Sarkozy sont plus liés qu’on ne<br />

le dit. En « 1994-95, Dominique Perben<br />

milita au sein du RPR contre la candidature<br />

présidentielle de Jacques Chirac et<br />

pour celle d'Édouard Balladur. [... Avec]<br />

Nicolas Sarkozy [Voir « Le syndrome de<br />

Narkozy », p. 664] alors porte-parole du


gouvernement, [Perben] ouvrit la crise<br />

au sein du parti néo-gaulliste [...]. Dans<br />

ce déchirement familial, [...] l'ambassade<br />

des États-Unis ne cachait pas sa préférence<br />

pour Édouard Balladur. » [6] « Les<br />

deux ministres balladuriens ont conservé<br />

leurs amitiés [étasuniennes]. » [6]<br />

Perben et Sarkozy furent d’ailleurs élus<br />

en 2003 « aux Big Brother Awards,<br />

[Catégorie] "Etat, administrations, élus et<br />

personnalités", [...] pour le projet de [la]<br />

loi » [7]. « Il s'agit pour eux de modifier<br />

le droit français, ses incriminations mais<br />

surtout sa procédure, pour que les policiers<br />

français puissent prolonger sur leur<br />

territoire les opérations du FBI soumises<br />

au droit états-unien. » [6]<br />

Chacun « reconnaît l'origine états-unienne<br />

des notions de repenti, de plaider<br />

coupable, d'infiltration policière, de rôle<br />

d'enquête du procureur (bien qu'en<br />

France celui-ci soit un magistrat nommé<br />

et non un avocat comme aux États-<br />

Unis), etc. [...] mentionnées dans les<br />

documents du G8. [... Ces] innovations<br />

[...] sont en totale contradiction avec les<br />

principes du droit français qu'elles<br />

[déstructurent] profondément. Ainsi,<br />

elles servent les ambitions du FBI au<br />

détriment du justiciable français. » [6]<br />

Mais c'est le pris à payer pour le progrès<br />

du pays. « Non seulement la France sera<br />

le pays d’Europe à compter le plus de<br />

flics par habitant [...], mais, en plus,<br />

chaque flic y aura plus de pouvoir<br />

qu’ailleurs. » [8] Et si le judiciaire voulait<br />

tempérer l’exécutif, le ministère pourrait<br />

alors calmer les juges devenus un peu<br />

trop indépendants, par la mutation :<br />

Durant l’été 2002, par exemple, « 2 000<br />

magistrats, sur les 7 000 exerçant en<br />

France, ont été promus ou mutés [9].<br />

Avec Perben, on ne plaisante pas, on<br />

prépare sa valise… » [10]<br />

« Au lieu de conforter la confiance des<br />

citoyens dans la Justice, [...] le garde des<br />

Sceaux [..., en] renforçant [la] vague<br />

antijudiciaire, [...] concourt à transformer<br />

[les] institutions en une démocratie<br />

restreinte, en une république bonapartiste,<br />

sans contre-pouvoir puisque le<br />

Parlement est déjà une chambre d’enregistrement<br />

du programme politique de<br />

l’Exécutif. [Et il] conforte les fantasmes<br />

du Front national sur la théorie du complot<br />

[Voir « Théorie du complot », p. 24]<br />

et du “tous pourris, y compris les juges”,<br />

ce qui permettra le temps venu, d’installer<br />

un véritable Etat policier. » [11] On<br />

sait d’ailleurs ce qu’on en fait de la<br />

« Justice »… « Le juge d’Angoulême [...]<br />

a été surpris en train de se masturber en<br />

pleine audience correctionnelle ». [12]<br />

On a donc vu apparaître quelques<br />

outils : « garde à vue de quatre jours (y<br />

compris pour les mineurs de 16 à 18<br />

ans) assortie d'une intervention tardive<br />

de l'avocat, infiltration de policiers dans<br />

les réseaux, perquisitions de nuit,<br />

écoutes téléphoniques et interceptions<br />

électroniques élargies, réquisition de<br />

documents plus aisée. En outre l'enquête<br />

de flagrance est étendue à 15 jours et<br />

autorise la déposition de “repentis” [et<br />

de témoins anonymes], la composition<br />

pénale [mesure proposée comme alternative<br />

aux poursuites pénales, en général<br />

une amende] et le “plaider coupable”<br />

sont introduits, et un fichier national des<br />

auteurs d'infraction sexuelle est étendu.<br />

Enfin, la traditionnelle distinction entre<br />

les autorités de poursuite et de jugement<br />

est abandonnée et le rôle des procureurs<br />

renforcé. » [6]<br />

Il y a d'abord « l’allongement de la garde<br />

à vue, jusqu’à 96 heures » [5] « (la plus<br />

longue d’Europe) sans l’assistance d’avocats<br />

pendant les interrogatoires ni permanence<br />

de juge la nuit » [3]. C'est aussi<br />

« l’autorisation pour les policiers [...] de<br />

333 Sécurisons un peu


émunérer officiellement des indics, de<br />

placer des micros [et des caméras] dans<br />

des lieux privés, etc. » [3]<br />

« [Désormais], sous une “identité d’emprunt”,<br />

[...] les policiers pourront infiltrer<br />

les groupes de délinquants [Voir « Va te<br />

faire infiltrer », p. 57 et « Va te faire infiltrer<br />

2. Le retour », p. 196] et, précise le<br />

projet de loi, “participer en tant que<br />

complices et coauteurs à la commission<br />

des infractions”. Ils pourront “utiliser, ou<br />

mettre à la disposition des personnes se<br />

livrant à ces infractions des moyens de<br />

caractère administratif ou juridique ainsi<br />

que des moyens de transport,<br />

de dépôt, de stockage…”<br />

En clair, la police<br />

aura le droit d’aider les trafiquants<br />

pour monter une<br />

bonne provocation. Il va<br />

devenir de plus en plus difficile<br />

de distinguer un flic<br />

d’un truand. » [8]<br />

La « loi Perben 2 [...] se<br />

caractérise par l'instauration<br />

de l'enquête préliminaire.<br />

Une recherche organisée<br />

sans que la personne<br />

concernée en ait connaissance.<br />

Une procédure<br />

secrète, non contradictoire<br />

et d'une durée illimitée. [...] Ils pourront<br />

aussi, en l'absence des personnes suspectées,<br />

procéder à des perquisitions la<br />

nuit. » [2]<br />

« Autre innovation [...], la possibilité<br />

pour la police de constituer tous les<br />

fichiers, même privés, dans le cadre de la<br />

“recherche des personnes en fuite”.<br />

Comme il y a toujours des dizaines de<br />

personnes en fuite, les flics pourront farfouiller<br />

à tout moment dans n’importe<br />

quel fichier. Il faut savoir que, pour la loi,<br />

un simple carnet d’adresses, un vulgaire<br />

calepin, est un “fichier”. Une exception<br />

Sécurisons un peu 334<br />

est prévue pour les petits secrets des<br />

médecins et des avocats. Mais pas pour<br />

les journalistes » [8].<br />

« Ou [ils proposeront], contre réduction<br />

de peine, de jouer les repentis. On sait<br />

ce que cette technique a donné, en<br />

termes d’erreurs judiciaires, ces dernières<br />

années. » [5]<br />

« Suite aux attentats du 11 septembre, la<br />

loi sur la sécurité quotidienne [LSQ] du<br />

15 novembre 2001 avait introduit par<br />

dérogation la possibilité du témoignage<br />

anonyme, emprunté à l’arsenal américain,<br />

de “protection des témoins”, mais<br />

limitée alors aux crimes et<br />

délits graves passibles de<br />

cinq ans de prison. [Et] la<br />

loi Perben étend cette possibilité<br />

aux délits punis de<br />

trois ans d’emprisonnement<br />

– soit [13] [...] la très<br />

grande majorité des faits<br />

réprimés dans le code<br />

pénal. [... Et] le témoignage<br />

anonyme rend impossible<br />

la confrontation entre<br />

avocat et témoin. » [4]<br />

Les procureurs proposeront<br />

aussi « contre indulgence,<br />

de “plaider coupable”<br />

» [5], « (chantage<br />

institutionnel : réduction de peine<br />

contre aveux, le tout sans procès) qui<br />

intervient après plusieurs jours de [garde<br />

à vue], nier sa culpabilité c’est à présent<br />

prendre le risque concret de voir sa<br />

peine alourdie… » [3] La tentation est<br />

grande, d’autant que, parfois, les « détenus<br />

[ne peuvent] rencontrer un avocat<br />

que trente-six heures après leur placement<br />

en garde à vue. » [14]<br />

« La “composition pénale” ou la “reconnaissance<br />

préalable de culpabilité”, qui<br />

sont des marchandages avec le procureur,<br />

ensuite estampillés par un juge,


sont étendus à tous les délits passibles<br />

de moins de 5 ans de prison. Tout à fait<br />

convertie, la droite applaudit. Oublieuse,<br />

la gauche s’indigne à nouveau au cours<br />

des débats. [...]<br />

Un avocat pénaliste, Olivier Morice a<br />

[… expliqué] [15] les charmes du “plaider-coupable”<br />

à la sauce américaine.<br />

Deux de ses clients auteurs de simples<br />

plaisanteries douteuses sur la sécurité<br />

dans les avions se sont vu proposer une<br />

forte amende et la liberté en échange<br />

d’une reconnaissance de culpabilité. Ils<br />

étaient parfaitement innocents. Mais<br />

comment prendre le risque d’une<br />

condamnation pour 15 ans, juste pour<br />

affirmer la vérité ? Car en cas de refus ils<br />

étaient expédiés devant les jurés, avec<br />

le risque de se faire matraquer. [... De<br />

même, en France, des] innocents vont<br />

se déclarer coupables pour éviter les<br />

aléas d’un procès. » [16]<br />

On avance dans la bonne direction,<br />

avec le « plaider-coupable », même si le<br />

« Conseil d'Etat [..., la] plus haute juridiction<br />

administrative, [...] a ordonné,<br />

mercredi 11 mai [<strong>2005</strong>], la suspension<br />

des deux circulaires encadrant son utilisation<br />

par les tribunaux. » [17]<br />

Les élus en rigolent. « Encouragé par ses<br />

collègues, un député UMP n’a pas hésité<br />

[...] à raconter à Sarkozy cette bonne<br />

blague qui [... a réjouit] le microcosme<br />

politique : “Afin d’évaluer l’efficacité des<br />

services, un grand test est organisé où<br />

DST, GIGN et police nationale doivent<br />

chasser un lapin dans une forêt.<br />

L’équipe de la DST revient bredouille et<br />

affirme : ‘Il n’y a pas de lapin.’ Arrive le<br />

GIGN, qui a bien attrapé un lapin, mais<br />

méconnaissable tellement il est carbonisé.<br />

Retour, enfin, de la police nationale.<br />

Elle ramène triomphalement un sanglier<br />

visiblement passé à tabac et qui crie :<br />

‘Oui, oui, je suis un lapin !’” [Sarkozy] n’a<br />

pas ri du tout. » [18]<br />

[1] : (The Economist, Londres, 6/12/2003)<br />

[2] : (Ignacio Ramonet, « Antiterrorisme », Le Monde diplomatique,<br />

3/2004, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/03/RAMONET/10722)<br />

[3] : (Résistons ensemble contre les violences policières et<br />

sécuritaires, « Bauer, larbin d’Etat », Résistons ensemble<br />

c/o CICP, 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris,<br />

http://www.resistons.lautre.net)<br />

[4]0, : (Philippe Chailan, « La loi Perben. La guerre aux<br />

pauvres vue des beaux quartiers », Ecologie Sociale, n° 1,<br />

10-11/2002, p. 21)<br />

[5] : (Louis-Marie Horeau, « Le grand bazar de la loi<br />

Perben », Le Canard enchaîné, 3/12/2003, p. 3)<br />

[6] : (« Normalisation des procédures pénales. La loi<br />

Ashcroft-Perben II », Voltaire, 19/2/2004, pp. 1, 3-4,<br />

http://www.voltairenet.org/article12574.html)<br />

[7] : (« Big Brother Awards France 2003 : le palmarès »,<br />

http://www.bigbrotherawards.eu.org/2003/presse.html)<br />

[8] : (Louis-Marie Horeau, « A quoi rêve le ministre de<br />

l’Intérieur », Le Canard enchaîné, 2/10/2002, p. 3)<br />

[9] : (L’Express, 19/9/2002)<br />

[10] : (Le Canard enchaîné, 25/9/2002, p. 2)<br />

[11] : (« Une démocratie sans justice ? », Justice, n° 175,<br />

6/2003, p. 2 (7 euros 62, Justice, Syndicat de la magistrature,<br />

BP 155, F-75523 Paris cedex 11))<br />

[12] : (« Juger, c’est fou ! », Le Canard enchaîné,<br />

22/10/2003, p. 1)<br />

[13] : (D’après Le Monde, 7/8/2002)<br />

[14] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », http://web.amnesty.org/report<strong>2005</strong>/fra-summary-fra,<br />

d’après le Comité européen pour la prévention de<br />

la torture et des peines ou traitements inhumains ou<br />

dégradants (CPT), 3/2004)<br />

[15] : (« Plaider coupable : un chantage judiciaire. »,<br />

Libération, 11/2/2004, http://www.liberation.fr/<strong>page</strong>.ph<br />

p?Article=177893, article payant)<br />

[16] : (Jérôme Canard, « Quand le RPR conspuait le plaider-coupable<br />

», Le Canard enchaîné, 18/2/2004, p. 3)<br />

[17] : (Nathalie Guibert, « Le Conseil d'Etat suspend l'application<br />

de deux circulaires sur le plaider-coupable », Le<br />

Monde, 13/5/<strong>2005</strong>)<br />

[18] : (« Sarko se fait poser un lapin », Le Canard enchaîné,<br />

4/2/2004, p. 2)<br />

335 Sécurisons un peu


Balance adroitement<br />

dégauchie<br />

La gauche sait comment elle doit se<br />

comporter dans « l’opposition » :<br />

« afin de faciliter le vote de la loi<br />

d’orientation de la justice, la gauche, à<br />

ce moment-là majoritaire dans l’hémicycle<br />

[du Sénat, du fait d’un absentéisme<br />

plus important à droite], avait fait<br />

sortir plusieurs de ses élus afin que la<br />

droite puisse adopter le projet gouvernemental.<br />

» [1] De même, « Laurent<br />

Fabius, François Hollande et DSK ont<br />

brillé par leur absence le jour où<br />

Nicolas Sarkozy est venu présenter sa<br />

loi sur la sécurité intérieure » [2] à<br />

l’Assemblée nationale.<br />

« Pendant la campagne présidentielle<br />

[de 2002], Lionel Jospin [Voir « Jospin<br />

de sucre », p. 299] avait notamment<br />

proposé ces trois mesures sécuritaires :<br />

comparution immédiate des mineurs,<br />

création des centres fermés pour les<br />

délinquants mineurs [Voir « Au centre,<br />

l’enfant. », p. 301] et mise en place des<br />

juges de proximité. Trois mesures<br />

reprises par Perben et adoptées par le<br />

Parlement. Le 17 décembre [2002],<br />

défendant une motion d’irrecevabilité,<br />

le député socialiste de l’Isère André<br />

Vallini a jugé cette réforme “inutile,<br />

coûteuse, dangereuse et compliquée”.<br />

Or c’est ce même Vallini que Jospin<br />

avait dépêché, lors de sa campagne,<br />

pour défendre ses propositions sécuritaires.<br />

[... Il] l’a dit à ses collègues parlementaires<br />

: “J’ai été obligé de ramer<br />

comme un malade pour dénoncer les<br />

propositions [... de Perben, qui] a fait<br />

exactement ce que Jospin avait proposé.”<br />

» [3]<br />

[1] : (« Coups tordus au Sénat », Le Canard enchaîné,<br />

21/8/2002, p. 2)<br />

[2] : (Le Canard enchaîné, 22/1/2003, p. 2)<br />

[3] : (« Perben trouble le PS », Le Canard enchaîné,<br />

31/12/2002, p. 2)<br />

Sécurisons un peu 336<br />

On sait aussi être à l’écoute des<br />

magistrats, à la mode du tribunal<br />

de la cour d’appel de Caen, où le<br />

« Premier président, pouvait disposer,<br />

dans son bureau, d’un poste spécial<br />

[... avec une] touche permettant d’écouter<br />

les conversations [téléphoniques<br />

dans tout le palais de justice] à l’insu des<br />

interlocuteurs ! [... Dans leurs bureaux,<br />

les] chefs de cour (Premier président et<br />

procureur général) » [1] « pouvaient capter<br />

une conversation sur le dernier<br />

rebondissement d'un dossier judiciaire.<br />

Ou surprendre un échange permettant<br />

de décrypter les réseaux d'amitiés ou


d'inimitiés internes. Ou apprendre, au<br />

détour d'un appel privé, un détail croustillant<br />

de la vie sentimentale de celui-ci,<br />

une information importante sur l'état de<br />

santé de celui-là, etc. [...]<br />

La fonction qui permet l'espionnage<br />

[d’après l’expertise remise aux juges de<br />

l’affaire] “a été activée [… en juillet-août<br />

1999 et] était toujours active [... en]<br />

décembre 2004”. [... Réunis] en assemblée<br />

générale en mars 2004, les magistrats<br />

de la cour d'appel avaient exigé la<br />

désactivation immédiate de ce système<br />

d'écoutes et pensaient l'avoir obtenu.<br />

[...] Alain Bédouet, délégué régional de<br />

l'Union syndicale des magistrats (USM),<br />

[... note] : “En vingt ans de carrière, je<br />

n'ai jamais senti à ce point le poids de<br />

la hiérarchie. Si des chefs de cour<br />

osent faire ça, c'est qu'ils s'y sentent<br />

autorisés.” » [2]<br />

[1] : (Louis-Marie Horeau, « Les juges étaient bien écoutés…<br />

mais c’était à Caen », Le Canard enchaîné,<br />

10/3/2004, p. 3)<br />

[2] : (Jacqueline Coignard, « La hiérarchie de la cour d'appel<br />

espionnait ses fonctionnaires. » Libération, 30/3/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.liberation.fr/<strong>page</strong>.php?Article=285992)<br />

Un « débat doit d’abord préciser<br />

pourquoi il se focalise sur telle ou<br />

telle des manifestations de la<br />

délinquance – sur les cages d’escalier<br />

des cités plutôt que sur les couloirs des<br />

hôtels de ville, les vols de cartables et de<br />

portables plutôt que sur les malversations<br />

boursières et les infractions au<br />

code du travail ou des impôts, etc. (En<br />

1996, la fraude fiscale et douanière<br />

pesait 100 milliards de francs, celle aux<br />

cotisations sociales plus de 17 milliards,<br />

les contrefaçons environ 25 milliards de<br />

francs. Par ailleurs, la contre-valeur<br />

monétaire des atteintes volontaires à la<br />

vie était évaluée à 11 milliards de francs,<br />

à 4 milliards de francs pour les vols de<br />

véhicules, et à 250 millions de francs<br />

pour les vols en magasin. [1]). » [2]<br />

On s’interroge jusqu’à chez les magistrats<br />

: « Quel respect peut inspirer un système<br />

qui semble s’acharner sur des usagers<br />

de cannabis, des syndicalistes trop<br />

turbulents, des prostituées ou des mendiants,<br />

alors que prospèrent les paradis<br />

fiscaux et les filières de blanchiment, que<br />

des magistrats en charge d’affaires financières<br />

ont du mal à faire exécuter leurs<br />

commissions rogatoires faute d’officiers<br />

de police disponibles, et que nul ne<br />

songe plus [après les élections de 2002]<br />

à mettre en œuvre les propositions de la<br />

commission parlementaire qui, sous la<br />

précédente législature, avait produit un<br />

abondant travail sur le sujet [3] ?<br />

Voudrait-on discréditer durablement la<br />

police et la justice qu’on ne s’y prendrait<br />

pas autrement. » [4] s’indigne un magistrat.<br />

C’est dire « l’indignité collective<br />

d’une justice à deux vitesses dont<br />

l’exercice produit le pire pour la communauté<br />

: le discrédit du principe de<br />

droit et l’encouragement généralisé à<br />

le mépriser. » [5]<br />

« Assurément, la France n'est pas la<br />

Finlande [...] : une ministre a du y démissionner<br />

parce qu'elle avait réglé avec sa<br />

Carte bleue de fonction un paquet de<br />

couches et une tablette de chocolat.<br />

» [6] Parfois, cependant, on traite de<br />

la racaille préfectorale. « L'incendie dit<br />

de la Paillotte (1998) entraîna l'arrestation<br />

du préfet Bernard Bonnet (1 er préfet<br />

inculpé en France). » [7] « L’ancien pré-<br />

337 Sécurisons un peu


fet de Haute-Corse, Henri Dunand, [a<br />

été] mis en examen pour escroquerie<br />

dans l’affaire des détournements des<br />

aides publiques à l’agriculture insulaire<br />

» [8]. Un autre préfet, très honoré,<br />

Marchiani, fut mis en prison [Voir « Divin<br />

Marchiani », p. 152]. On ne peut cependant<br />

pas généraliser aux quelques centaines<br />

de préfets. Et puis, mettre un préfet<br />

en examen demande du temps.<br />

« “La création du pôle financier avait été<br />

arrachée à Guigou et Jospin pour calmer<br />

les juges qui hurlaient contre leur<br />

manque de moyens, commente l’un<br />

d’entre eux, parmi les plus pugnaces. A<br />

part nous, personne n’en voulait, pas<br />

plus les politiques que les avocats. Il ne<br />

faut pas s’étonner qu’aujourd’hui il s’effondre.”<br />

[... Pourtant] - en mai 1999 -,<br />

Guigou inaugurait en grande pompe,<br />

rue des Italiens, les locaux du nouveau<br />

pôle. [... Un des magistrats estime]<br />

“Nous n’avons jamais été un vrai pôle<br />

financier, pas de formation spécialisée<br />

des juges, pas de service policier sous<br />

notre contrôle, et aucune sélection des<br />

affaires. Nous sommes noyés sous les<br />

dossiers.” [... Et] sur les 30 [“assistants<br />

Sécurisons un peu 338<br />

spécialisés” initialement] annoncés par<br />

Guigou, on en compte péniblement<br />

quatre en poste. Et ils se [... plaignent]<br />

d’être sous-employés [...]<br />

[Les] avocats d’affaires [...] se montrent<br />

des virtuoses de la procédure pénale :<br />

“Plus un accusé est jugé tard, moins il<br />

écope.” [...] Fin du fin, [...] les possibilités<br />

de recours divers au moment de la clôture<br />

du dossier, souvent après cinq ans<br />

d’instruction ou plus. » [9]<br />

« La juge française Eva Joly [...] a annoncé<br />

qu'elle quitterait Paris pour Oslo en<br />

vue de lutter contre la corruption internationale<br />

et le blanchiment d'argent<br />

sous la tutelle des ministères norvégiens<br />

de la justice et des affaires étrangères.<br />

Elle a déclaré qu'elle déménageait après<br />

la conclusion de six ans et demi d'enquête<br />

[difficile] sur le système de pots-de<br />

vin d'Elf, [...] qu'elle a [... instruite sur]<br />

l'un des plus gros scandales de corruption<br />

du pays. [... De 1990 à] 1993, 400<br />

millions de $ US avaient été détournés<br />

de l'entreprise à des fins politiques ou<br />

d'enrichissement personnel. » [10]<br />

A son tour, « Eric Halphen quitte la<br />

magistrature et explique longuement<br />

pourquoi il n'a plus confiance dans la<br />

justice de son pays » [11]. Sans oublier<br />

« le départ d'un ancien magistrat de la<br />

galerie financière - Mme Anne-Josée<br />

Fulgeras - qui est devenu responsable<br />

d'un secteur d'Arthur Andersen. » [12]<br />

Une bonne entreprise.<br />

Rappel : « Tranquillisés par les bulletins<br />

de bonne santé financière émis par<br />

[cette] prestigieuse agence de certification,<br />

Andersen, d’autant plus indulgente<br />

pour Enron que le conglomérat texan<br />

l’avait recrutée comme cliente, les petits<br />

épargnants se précipitaient. [...] La chute<br />

se révélera [... dure] pour les salariés<br />

américains qui ont investi dans Enron<br />

une partie de leurs retraites (environ les


deux tiers des actifs boursiers de la firme<br />

étaient détenus par des fonds de pension<br />

ou des fonds de mutuelle). Si la<br />

liquéfaction des cours a ruiné la plupart<br />

des employés de l’entreprise, les<br />

dépouillant de leur emploi et de leurs<br />

économies (les règlements internes leur<br />

interdisaient en effet de vendre leurs<br />

actions), les cadres de haut niveau ont<br />

pu, eux, s’en débarrasser à temps. C’està-dire<br />

au plus haut. » [13]<br />

On a su accompagner les mouvements<br />

du pôle financier.<br />

« Si la<br />

Chancellerie<br />

avait voulu torpiller<br />

le parquet,<br />

elle ne<br />

s’y serait pas<br />

prise autrement.<br />

Après la<br />

nomination —<br />

très contestée<br />

— de David<br />

Peyron à la<br />

tête de la section<br />

financière,<br />

c’est la valse<br />

des substituts : sept sur neuf ont changé<br />

de poste en un an, et le plus ancien<br />

parmi eux [étant] là depuis moins de dixhuit<br />

mois. Et pas question, pour le petit<br />

nouveau qui arrive, de prendre connaissance<br />

à fond des 100 dossiers (en<br />

moyenne) dont il a la responsabilité.<br />

Une quarantaine de gros dossiers (plus<br />

de 30 000 <strong>page</strong>s chacun) attendent<br />

ainsi au parquet. Le nouveau procureur<br />

de la République Yves Bot [a annoncé] à<br />

cor et à cri [en 2002] une “reprise en<br />

main” qui [a] fait frémir plus d’un<br />

juge. » [14]<br />

Un an plus tard, le « principal foyer de<br />

contestation [… de l’autoritarisme du<br />

procureur de Paris, Yves Bot, est] le pôle<br />

financier [... En conséquence,] Bot a<br />

placé cette section sous surveillance, et<br />

exige de contrôler toutes ses réquisitions.<br />

» [15] Ça tombe bien, c’était l’endroit<br />

le plus important à quadriller ! Et il<br />

se trouve que « Nicolas Sarkozy [...] et le<br />

procureur [… Yves Bot ont] noué des<br />

“liens d’amitié” » [16].<br />

D’autres ficelles sont les cordons de la<br />

bourse. Le « ministère de la Justice [...]<br />

affirme dans la plaquette de présentation<br />

du budget 2006 que “la recherche<br />

de la vérité ne sera pas freinée pour des<br />

raisons budgétaires”.<br />

Mais<br />

[... les] frais de<br />

justice sont<br />

inscrits, pour<br />

370 millions<br />

d’euros dans<br />

le [… budget<br />

donné pour<br />

2006]. 370<br />

millions, c’est<br />

130 moins<br />

que la somme<br />

qui [aura été]<br />

dépensée [en<br />

<strong>2005</strong>]. Et 50<br />

millions de moins qu’en 2004. Pour un<br />

poste qui ne cesse de s’alourdir, il y a là<br />

un vrai coup [… d’arrêt]. D’autant<br />

qu’avec la fameuse Lolf (Loi organique<br />

relative aux lois de finances), cette ligne<br />

budgétaire devient “limitative” et non<br />

plus “estimative”. En clair, quand le crédit<br />

est épuisé, on ne paie plus. » [17]<br />

« Gouverner, c’est prévoir » [18]. Le<br />

garde des Sceaux « Pascal Clément<br />

[…, devant les] Premiers présidents et<br />

procureurs généraux réunis au ministère<br />

de la Justice le 14 septembre [... <strong>2005</strong>,<br />

exigea] des économies drastiques sur<br />

trois postes : les interceptions téléphoniques,<br />

les empreintes génétiques et les<br />

frais postaux. [... Le] ministère a eu l’idée<br />

de mettre en place un système informa-<br />

339 Sécurisons un peu


tique (baptisé “Fraijus”) qui permettra de<br />

connaître en temps réel les sommes<br />

encore disponibles dans les caisses de<br />

chaque juridiction et, surtout, les montants<br />

engagés par chaque magistrat. Un<br />

outil de flicage [...] ? Pas du tout, un<br />

outil de “responsabilisation”, répond le<br />

ministère. » [17]<br />

En attendant que les frais d’interrogatoires<br />

soient à la charge des accusés [19]<br />

tous les moyens sont bons pour faire<br />

appliquer la loi à moindre coût. « Tous<br />

les tribunaux emploient des “collaborateurs<br />

occasionnels”, [...] chargés de procéder<br />

à des expertises, ou [...] des missions<br />

comme la tutelle ou la curatelle.<br />

D’autres sont “délégués du procureur”,<br />

lequel les charge d’exécuter [...] la<br />

“médiation pénale” [... ou] le “rappel à la<br />

loi” [... ou encore des] enquêtes rapides<br />

[...]. Tout cela représente plus d’un millier<br />

de personnes [..., mais] personne,<br />

au ministère de la Justice, ne se risque à<br />

fournir un chiffre précis. [...] Le gros des<br />

troupes se recrute parmi les anciens policiers<br />

ou gendarmes. [... On y gagne un]<br />

chèque, mais sans fiche de paie, et pas<br />

un sou de cotisations sociales. » [20]<br />

Dans une « circulaire signée [...] au nom<br />

de Perben [21] [...,] le ministère [..., en<br />

effet,] fait un triple aveu. Primo, les<br />

sommes versées aux collaborateurs occasionnels<br />

[des procureurs] ne sont pas<br />

déclarées au fisc. C’est à eux de songer à<br />

“leurs obligations”. Si ça leur chante.<br />

Secundo, l’affiliation à la sécu “n’a toujours<br />

pu être mise en œuvre”. Tertio, si<br />

l’un de ces travailleurs au noir avait un<br />

accident pendant son travail, le ministère<br />

propose cette petite astuce : le faire<br />

passer pour un bénévole, afin de l’assurer.<br />

» [20] Comme de juste.<br />

« Pourtant, le 17 janvier 2000, Martine<br />

Aubry, alors ministre [...], avait signé un<br />

décret destiné à faire rentrer dans le lot<br />

Sécurisons un peu 340<br />

commun ces petits boulots qui, pour l’essentiel,<br />

avaient été créés l’année précédente.<br />

Le 21 juillet 2000 paraissait une<br />

“circulaire d’application” qui [... n’a]<br />

jamais été appliquée. Depuis cette date,<br />

les délégués des procureurs continuent<br />

à être payés au noir. [... L’extrême] difficulté<br />

de la rédaction d’une feuille de<br />

paie est tout de même résolue avec succès<br />

par bon nombre d’employeurs. Et<br />

ceux qui n’y arrivent pas sont parfois<br />

poursuivis… par la Justice, et sur réquisition<br />

du procureur. » [20]<br />

Malgré de telles carences, les magistrats<br />

devraient pouvoir aider les grands<br />

« capitaines d’industrie ». « Quant à la<br />

commission juridique du Medef, elle<br />

pousse le dévouement jusqu’à préparer,<br />

pour les parlementaires, des amendements<br />

“clés en main”, afin qu’ils les présentent,<br />

si possible, lors des débats à<br />

l’Assemblée ou au Sénat. [...] Le président<br />

de la Commission juridique du<br />

Medef, Bernard Field, est [...] un ancien<br />

magistrat. Voilà même quelques années,<br />

il était même résolument à gauche, et<br />

militait au Syndicat de la magistrature<br />

[22]. Puis il a eu l’occasion de “pantoufler”<br />

chez Saint-Gobain, où il a fait<br />

une belle carrière et accompli sa révolution<br />

culturelle. » [23] Et, de fait, la commission<br />

juridique du Medef est efficace.<br />

On peut par exemple prendre « la loi<br />

Borloo [de “cohésion sociale”] telle qu’elle<br />

a été adoptée définitivement par le<br />

Parlement [...] : sauf sur un point du projet<br />

– les licenciements pour compétitivité<br />

-, le Medef a effectivement pu faire<br />

adopter tous ses amendements, notamment<br />

grâce à ses amis sénateurs UMP. »<br />

[24] « Mission accomplie ! » [25]<br />

[1] : (Christophe Paille et Thierry Godefroy, « Coûts du<br />

crime. Une estimation monétaire des infractions en<br />

1996 », Cesdip, Guyancourt, 1999)<br />

[2] : (Loïc Wacquant, « Des politiques carcérales injustes et<br />

criminogènes. Fermons les prisons ! », Le Monde diploma-


tique, 9/2004, pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/WACQUANT/11454,<br />

d’après le dernier<br />

chapitre de « Punir les pauvres : le nouveau gouvernement<br />

de l’insécurité sociale », Agone, 2004)<br />

[3] : (Arnaud Montebourg, « Rapport d’information déposé<br />

en application de l’article 145 du Règlement par la mission<br />

d’information commune sur les obstacles au contrôle<br />

et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment<br />

des capitaux en Europe Tome I – Monographies<br />

(Cf. http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/blanchiment.asp)<br />

Tome II - La lutte contre le blanchiment des<br />

capitaux en France : un combat à poursuivre Volume 1 -<br />

Rapport et annexes, http://www.assembleenationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-info/i2311-611.pdf<br />

;<br />

Volume 2 – Auditions », 11/4/2002, http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i2311-621.asp)<br />

[4] : (Eric Alt, « Le marché de dupes du “tout sécuritaire” »,<br />

Justice, n° 173, 11/2002, p.8 (7 euros 62, Justice,<br />

Syndicat de la magistrature, BP 155, F-75523 Paris<br />

cedex 11))<br />

[5] : (« Mise à mort des prisonnier(e)s malades », s. d.,<br />

http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=4808)<br />

[6] : (Le Canard enchaîné, 10/4/2002, p. 8)<br />

[7] : (« Ajaccio », Quid.fr, http://www.quid.fr/communes.html?mode=detail&id=13393&req=Ajaccio&style=<br />

fiche)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 9/10/2002, p. 2, d’après Le<br />

Monde, 5/10/2002)<br />

[9] : (Hervé Martin, « Le pôle financier a perdu la boussole<br />

», Le Canard enchaîné, 4/12/2002, p. 4, reprod. in<br />

http://ericjlbretonsecurite2.monblogue.com/commentaires/ericjlbretonsecurite2/4087)<br />

[10] : (« Eva Joly quitte la France après la fin de l'enquête<br />

Elf », transparency.org (newsletter) , 3/2002, d’après<br />

International Herald Tribune, 5/2/2002 et 1/3/2002)<br />

[11] : (Anne Coudin, « L’affaire Halphen », Revue de presse<br />

européenne, France Culture, 14/1/2002,<br />

http://www.franceculture.com/chaines/franceculture2/emissions/revuepresse/fiche.php?diffusion_id=4<br />

584, d’après Entretien de Eric Halphen avec Laurent<br />

Valdiguié, Le Parisien libéré, 14/1/2002)<br />

[12] : (Jacky Darne, Audition de Mme Marylise Lebranchu,<br />

9/1/2002, in Rapport d'information n° 2311, par la mission<br />

d'information commune sur les obstacles au contrôle<br />

et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment<br />

des capitaux en Europe. (Président : Vincent<br />

Peillon, Rapporteur : Arnaud Montebourg), Tome II. La<br />

lutte contre le blanchiment des capitaux en France : un<br />

combat à poursuivre. Volume 2 - Auditions, 30/3/2000,<br />

http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i2311-<br />

625.asp)<br />

[13] : (Serge Halimi, « Enron, symbole d’un système », Le<br />

Monde diplomatique, 3/2002, http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/enron)<br />

[14] : (Hervé Martin, « Le pôle financier a perdu la boussole<br />

», Le Canard enchaîné, 4/12/2002, p. 4, reprod. in<br />

http://ericjlbretonsecurite2.monblogue.com/commentaires/ericjlbretonsecurite2/4087)<br />

[15] : (« Craquements au parquet de Paris », Le Canard<br />

enchaîné, 7/4/2004, p. 3)<br />

[16] : (Victor Noir, « Nicolas Sarkozy ou le destin de<br />

Brutus », Denoël impacts, 10/<strong>2005</strong>)<br />

[17] : (Louis-Marie Horeau, « Avis de grand frais sur les<br />

frais de justice », Le Canard enchaîné, 5/10/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[18] : (Adolphe Thiers)<br />

[19] : (Terry Gillian, « Brazil », 1985)<br />

[20] : (Louis-Marie Horeau, « Perben et ses procureurs<br />

emploient des travailleurs au noir », Le Canard enchaîné,<br />

23/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[21] : (Circulaire du 16/3/2004, signée par le directeur des<br />

Affaires criminelles)<br />

[22] : (http://www.syndicat-magistrature.org)<br />

[23] : (Louis-Marie Horeau, « Le Medef donne une leçon<br />

de droit à la Cour de cassation », Le Canard enchaîné,<br />

11/8/2004, p. 4)<br />

[24] : (« La loi Borloo et les aveux du patronat », Le Canard<br />

enchaîné, 2/2/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[25] : (Ernest-Antoine Seillière, 18/1/2003, saluant la loi<br />

Fillon du 17/1/2003 assouplissant les 35 heures, cité in<br />

« Les députés ont adopté la réforme des 35 heures », nouvelobs.com,<br />

9/2/<strong>2005</strong>, d’après AP ; et cité in WUMP,<br />

« mEDEF(jam) + wU-M-P - C'est WU (la source) »<br />

(WUMPMEDEFjam-lasourceWU.mp3), http://wu-m-p.org/<br />

wuki/wakka.php?wiki=Blog-<strong>2005</strong>1209000937-MP3)<br />

On connaît « l'empressement des<br />

ministères de l'intérieur et de la<br />

justice à alimenter massivement<br />

le fichier national des empreintes génétiques<br />

en procédant à des prélèvements<br />

systématiques dans les prisons. [... La] loi<br />

sur la sécurité intérieure, votée à l'initiative<br />

de N. Sarkozy, a étendu le champ<br />

d'application de ce fichage aux infractions<br />

les plus bénignes, par exemple aux<br />

violences ou aux vols simples. » [1] « Le<br />

fichier national automatisé des<br />

empreintes génétiques centralise les<br />

traces et empreintes génétiques concernant<br />

[diverses] infractions [..., dont les]<br />

crimes de vols, d'extorsions et de destructions,<br />

dégradations et détériorations<br />

dangereuses pour les personnes » [2].<br />

« Il est à noter que le vol simple [3] fait<br />

partie de la liste, comme la simple dégra-<br />

341 Sécurisons un peu


dation (casser une vitrine, faire un tag)<br />

ou la menace de dégradation. » [4]<br />

« Le fait, pour une personne définitivement<br />

condamnée pour une [de ces]<br />

infractions [...], de refuser de se soumettre<br />

à un prélèvement biologique destiné<br />

à permettre l'analyse d'identification<br />

de son empreinte génétique est puni de<br />

six mois d'emprisonnement et de 7 500<br />

[Euros] d'amende. Lorsque la personne<br />

a été condamnée pour crime, la peine<br />

est de deux ans d'emprisonnement et<br />

30 000 [Euros] d'amende. » [5]<br />

La loi « n'en a pas exclu les mineurs.<br />

[Début mai 2004], la pratique du prélèvement<br />

systématique dans les lieux d'enfermement<br />

a été étendue aux centres<br />

éducatifs fermés, destinés à l'accueil<br />

d'adolescents délinquants [Voir « Au<br />

centre, l'enfant », p. 301]. [...] Voici donc<br />

nos mineurs fichés génétiquement pour<br />

40 ans, comme le prévoit la loi qui a<br />

remis en cause le droit à l'oubli que justifiait<br />

particulièrement l'état de<br />

minorité. » [1] Bon départ dans la vie.<br />

Résultat : C’est votre salive qu’on a<br />

retrouvée sur les mégots trouvés sur les<br />

lieux de l’Attentat... Donc, La Science<br />

révèle votre responsabilité. Et vous allez<br />

avouer. Ça prendra le temps qu’il faudra...<br />

[Voir « Fnaeg, grand délit »,<br />

p. 393]<br />

[1] : (Syndicat de la magistrature - Fédération Syndicale<br />

Unitaire, « Communiqué de presse : Le fichage génétique<br />

des mineurs : nouveau projet éducatif. », 14/5/2004,<br />

http://www.syndicat-magistrature.org/Crew/Doc/243=04<br />

_05_14%20mineurs%20FNAEG.pdf)<br />

[2] : (Art. 706-55 du Code de Procédure pénale, cité par<br />

« Répertoire législatif. Empreintes génétiques »,<br />

LexInter.net, http://lexinter.net/Legislation/empreintes_gen<br />

etiques.htm)<br />

[3] : (article 311-1 du Code de Procédure pénale)<br />

[4] : (torpedo, e-torpedo, 25/6/<strong>2005</strong>, http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=360,<br />

d’après Résistons,<br />

http://resistons.lautre.net)<br />

[5] : (Art. 706-56 du Code de Procédure pénale, cité par<br />

« Répertoire législatif. Empreintes génétiques », op. cit.)<br />

Sécurisons un peu 342<br />

En 2002, on annonçait que près<br />

« de 32% [des ] peines d'emprisonnement<br />

ferme ne sont pas exécutées<br />

» [1] ; et on a fait grimper encore les<br />

chiffres. « Information-choc ! Plusieurs<br />

journaux, [...] radios et télévisions ont<br />

commenté les stupéfiantes révélations<br />

[...] : “La moitié des peines de prison<br />

inexécutées dix-huit mois après le jugement”<br />

[2] [...]. Le bulletin d’informations<br />

statistiques du ministère de la Justice [3]<br />

qui rend compte d’une solide enquête,<br />

réalisée auprès d’un échantillon de trente<br />

tribunaux, sur les condamnations<br />

prononcées en novembre 2001 ne dit<br />

rien de semblable. [... Effectivement,] la<br />

moitié (45,5 %) des condamnations à<br />

une peine de prison ferme n’ont pas été<br />

suivies d’une incarcération dix-huit mois<br />

plus tard. Mais ce ne sont pas des<br />

“peines inexécutées” [...].<br />

Par exemple, une condamnation frappée<br />

d’appel n’existe plus [...]. D’autres<br />

ont fait l’objet d’une grâce, ou encore<br />

d’une amnistie, votée par le Parlement.<br />

[...] D’autres condamnations ont été prononcées<br />

“par défaut”, c’est-à-dire en l’absence<br />

du prévenu [..., et] restent virtuelles<br />

tant qu’elles n’ont pas été signifiées<br />

au condamné, qui peut alors faire<br />

appel. [...] Au bout du compte [...], seulement<br />

6 % environ des condamnations<br />

prononcées par les tribunaux correctionnels<br />

ne sont pas exécutées sans autre<br />

motif que le mauvais fonctionnement de<br />

l’appareil judiciaire. [...]<br />

“L’exécution des peines est aujourd’hui


la grande faiblesse de notre système<br />

judiciaire” [4], déclare [... tout de même<br />

le député UMP Jean-Luc Warlsman]. Et<br />

de diagnostiquer “une insuffisance d’organisation<br />

et de moyens” [4], avant de<br />

réclamer “en masse des moyens supplémentaires”<br />

[4]. Warsmann suggère d’affecter<br />

1 000 à 1 500 personnes, rien<br />

que cela, pour lutter contre l’inexécution<br />

des peines, qui “développe chez les multirécidivistes<br />

une impression d’impunité”<br />

[4]. » [5]<br />

Aux « Etats-Unis, qui pourtant disposent<br />

d’un appareil policier et carcéral grotesquement<br />

surdimensionné [...], les quatre<br />

millions d’atteintes les plus sé<strong>rieuse</strong>s<br />

contre les personnes détectées en 1994<br />

[...] (homicides, coups et blessures<br />

aggravés, vols avec violence, viols) ont<br />

donné lieu à moins de deux millions de<br />

plaintes à la police, [... puis] 780 000<br />

arrestations, [... avec], en fin de course,<br />

qu’à 117 000 entrées en prison, soit ne<br />

sanctionnant [environ, avec ou sans<br />

erreurs judiciaires,] que 3 % des actes<br />

perpétrés.<br />

[... Même tendance] en France, où<br />

moins de 2 % des contentieux portés<br />

devant les parquets donnent lieu à une<br />

peine d’enfermement. C’est dire si la prison<br />

est inadaptée à lutter contre la petite<br />

et moyenne délinquance, et à plus<br />

forte raison contre les “incivilités”, dont<br />

la plupart ne relèvent même pas du<br />

code pénal (regards de travers, insultes,<br />

bousculades, rassemblements et chahuts<br />

dans les lieux publics, petites dégradations,<br />

etc.). » [6] Et pour les accusations,<br />

intempestives et diffamatoires, de laxisme.<br />

[1] : (http://www.justice.gouv.fr/publicat/Rapp090402g.<br />

htm, d’après O Timbart, S. Lumbroso, V. Braud, avec la<br />

collaboration de la DACG, « Le Taux d’exécution des<br />

peines d’emprisonnement ferme. Rapport final », Ministère<br />

de la Justice, 4/2002, http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport090402.pdf<br />

(732 Ko))<br />

[2] : (AFP)<br />

[3] : (http://www.justice.gouv.fr/publicat/esj.htm)<br />

[4] : (Entretien avec Les Echos, 27/7/05)<br />

[5] : (Louis-Marie Horeau, « Les statistiques de la Justice à<br />

la torture », Le Canard enchaîné, 3/8/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[6] : (Loïc Wacquant, « Des politiques carcérales injustes et<br />

criminogènes. Fermons les prisons ! », Le Monde diplomatique,<br />

9/2004, pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/WACQUANT/11454,<br />

d’après le dernier<br />

chapitre de « Punir les pauvres : le nouveau gouvernement<br />

de l’insécurité sociale », Agone, 2004)<br />

« Selon que vous serez puissant ou<br />

misérable, [les] jugements de cour<br />

vous rendront blanc ou noir. » [1]<br />

Mais quelques puissants furent tout de<br />

même jugés coupables... A « la Santé, la<br />

douche quotidienne, les toilettes protégées<br />

des regards et la présence d’un surveillant<br />

au moins pour dix détenus<br />

(contre une centaine partout ailleurs)<br />

représente un luxe, réservé aux seuls<br />

pensionnaires qualifiés de… VIP. » [2]<br />

Petit plus.<br />

Mais depuis « que des élus, des hauts<br />

fonctionnaires ou des chefs d’entreprise<br />

ont fréquenté l’univers carcéral, le pouvoir<br />

politique et aussi les médias s’intéressent<br />

enfin à ce monde aux secrets<br />

bien gardés. » [2] « La prison sort de<br />

l'ombre » [3] ?<br />

Cependant, les médias devront agir avec<br />

mesure. « A quelques semaines du coup<br />

d’envoi du tournage [4], M6 a renoncé à<br />

adapter le livre (à succès et à retentissement)<br />

“Véronique Vasseur, médecinchef<br />

à la prison de la Santé” [5] (rôle que<br />

devait tenir Emmanuelle Béart). “Une<br />

nouvelle apprise au dernier moment par<br />

téléphone”, ajoute Frédéric Bourboulon,<br />

343 Sécurisons un peu


de Little Bear (la société de production,<br />

qui est aussi celle de Bertrand Tavernier).<br />

La direction de M6 se limite à [...] “No<br />

comment”.<br />

Et de son côté, France 2 a déjà fait savoir<br />

qu’elle n’était pas intéressée. » [6]<br />

Notons que « le premier producteur de<br />

fiction pour France 2 est Tel’France, dirigé<br />

par Jean-François Boyer, chargé des<br />

questions audiovisuelles à l’UMP ». [7]<br />

Qu’est–ce qui mérite d’être « caviardé »,<br />

si on regarde avec les yeux de l’UMP ?<br />

[1] : (Jean de la Fontaine, « Les animaux malades de la<br />

peste », in « Fables », VII, 1, v. 63-64)<br />

[2] : (Jean-François Julliard, « Nouvelle tentative pour<br />

entrouvrir la porte de prisons très cachottières », Le<br />

Canard enchaîné, 16/10/2002, p. 4, d’après Collectif,<br />

« Tous coupables », Balland, 10/2002)<br />

[3] : (OIP, « Prisons : un état des lieux », L'esprit frappeur,<br />

2000, 320 p., 5 euros, http://www.oip.org/publications/etat_lieux.htm)<br />

[4] : (Broadcoast, 9/1/2002)<br />

[5] : (Véronique Vasseur, « Médecin-chef à la prison de la<br />

Santé », le Cherche midi, 1/2000, réed. Livre de poche,<br />

11/2001)<br />

[6] : (Le Canard enchaîné, 16/1/2002, p. 7)<br />

[7] : (« Canard Plus », Le Canard enchaîné, 29/9/2004,<br />

p. 7)<br />

« Le discours sécuritaire permet [...]<br />

d’oublier l’allongement incessant de<br />

la durée des peines d’emprisonnement<br />

prononcées » [1]. Il faut bien<br />

remplir les prisons.<br />

« Badinter a d’ailleurs donné l’exemple<br />

car ses réformes ne doivent pas dissimuler<br />

que, sous son ministère, entre 1982<br />

et 1986, l’effectif des prisons françaises<br />

est passé de 30.340 détenus à 42.617. Il<br />

avait brièvement reculé entre 1981 et<br />

1982, sous l’effet des grâces présiden-<br />

Sécurisons un peu 344<br />

tielles, qui firent hurler la droite, mais ce<br />

recul ne fut qu’un feu de paille. Sous la<br />

pression de la démagogie sécuritaire, les<br />

tribunaux sont devenus de plus en plus<br />

sévères » [2]. Et ça a continué depuis.<br />

La « surenchère sécuritaire [...] débouche<br />

sur “l’élargissement du recours à<br />

l’emprisonnement”, “l’aggravation des<br />

peines” et un “durcissement des dispositions<br />

sur la détention provisoire” [3]. » [4]<br />

« Plus de 70 000 personnes passent<br />

chaque année par la prison. » [5] « En<br />

tout, près de 500 000 personnes sont<br />

concernées par la prison. » [5] Et l’évolution<br />

« de la criminalité en France ne justifie<br />

en rien l’essor fulgurant de sa population<br />

carcérale après la décrue modérée<br />

de 1996-2001 » [6] [voir « L’insécurité<br />

avance, l’insécurité recule », p. 278].<br />

Longtemps, on ne cessa de pulvériser<br />

« les records d’occupation [... En 2002,]<br />

55 879 personnes s’y entassent pour<br />

seulement 47 473 places disponibles. A<br />

quatre dans une cellule de 10 m 2, avec<br />

deux matelas par terre » [7] « En juin<br />

2003, la population carcérale française a<br />

dépassé le cap des 60 000 détenus pour<br />

48 000 places, record absolu depuis la<br />

Libération. » [6] « Le taux d’occupation,<br />

de 125,4 % en moyenne, atteint ou<br />

dépasse les 200 % dans de nombreux<br />

établissements. » [4] On continue la<br />

croissance. « En 2003, plus de 80 000<br />

hommes et femmes ont été incarcérés.<br />

» [5] Soit « 3 800 prisonniers de plus<br />

entre janvier 2003 et janvier 2004 » [8].<br />

« En avril 2004, 63 449 personnes<br />

étaient détenues dans les prisons françaises.<br />

» [5]<br />

Et cette « augmentation “récente et alarmante”<br />

[9] de la population carcérale,<br />

[...] a entraîné un problème aigu de surpeuplement<br />

marqué par des conditions<br />

matérielles inhumaines et dégradantes<br />

et un nombre élevé de suicides. [... On


note] le manque d’hygiène et de sécurité,<br />

l’absence d’activités pour un grand<br />

nombre de prisonniers, le sentiment<br />

d’épuisement et de frustration du personnel<br />

pénitentiaire ainsi que l’absence<br />

de politique efficace de prévention des<br />

suicides. [... Ces] problèmes [ne sont]<br />

pas uniquement, voire pas essentiellement,<br />

dus au manque d’infrastructures,<br />

mais [... résultent] d’une politique pénale<br />

plus répressive et [ils ne pourront évidemment]<br />

pas être réglés par [...] de<br />

nouvelles prisons. » [10]<br />

C'est ce que note le « CPT [qui] est une<br />

émanation du Conseil de l’Europe chargée<br />

de faire respecter les règles en<br />

vigueur sur la prévention des traitements<br />

inhumains et dégradants. Et les<br />

rapports de visites de prisons servent de<br />

base à la Cour européenne des droits de<br />

l’homme, qui a déjà condamné la<br />

France pour des cas de détention provisoire<br />

trop longue ou de mise à l’isolement<br />

abusive [...].<br />

Dès juillet [2003], le Comité a formulé<br />

des “observations communiquées sur le<br />

champ” au gouvernement français,<br />

réclamant un désencombrement immédiat<br />

de deux maisons d’arrêt [Loos et<br />

Toulon], dont le taux avoisinait les<br />

240 %. » [11] « Le garde des Sceaux<br />

[d’alors], Dominique Perben connaît<br />

bien la question : à Lyon, la ville qu’il<br />

convoite pour 2007, le taux de remplissage<br />

du quartier hommes atteint 240 %<br />

et celui des femmes affiche complet à<br />

260 % » [8].<br />

« [... En novembre 2003], le CPT se<br />

plaint de voir ses observations peu suivies<br />

d’effet [...] La France, à la différence<br />

[... de] la Turquie [12], fait tout pour<br />

retarder la publication des rapports du<br />

CPT. Le gouvernement s’abstient systématiquement<br />

de divulguer les “observations”<br />

préliminaires, communiquées à<br />

chaud, puis le rapport lui-même, rendu<br />

six mois après. Il attend encore le délai<br />

officiel de trois mois pour donner ses<br />

réponses [...] et ne publie le rapport au<br />

mieux qu’un an après la visite du CPT, si<br />

possible au creux de l’été… » [11]<br />

On dut alors faire - discrètement - un<br />

effort pour améliorer les comptes.<br />

Conséquence : « Taux moyen de surpopulation<br />

dans les maisons d’arrêt françaises<br />

: 140 % [...]. Au 1 er décembre<br />

<strong>2005</strong>, il y avait plus de 59 241 détenus<br />

(dont 35 % de prévenus) dans les prisons<br />

françaises, pour 51 129 places ; la<br />

surpopulation carcérale atteint des<br />

niveaux alarmants, surtout dans les maisons<br />

d'arrêt (3-4 personnes vivent sur<br />

9 m 2). Certains de ces établissements<br />

affichent une densité supérieure à<br />

200 % (200 détenus pour 100<br />

places) [13]. On présente mieux un mois<br />

plus tard. « 58.344 personnes incarcérées<br />

en France au 1 er janvier 2006, soit<br />

une densité carcérale de 113,8 %, selon<br />

le ministère de la Justice » [14].<br />

Et, de nouveau, douche froide publique<br />

en février 2006, qui éclabousse maintenant<br />

tout le système répressif.<br />

« Sentiment d'impunité de la police, surcharge<br />

des tribunaux, surpopulation carcérale<br />

dans des conditions déplorables,<br />

conditions de rétention des étrangers<br />

clandestins... Le commissaire aux droits<br />

de l'Homme du Conseil de l'Europe<br />

[Alvaro Gil-Robles] dresse un réquisitoire<br />

sévère de la situation française [...]. Pour<br />

la police, [... il] dénonce un "esprit de<br />

corps" qui nuit à la recherche de la vérité<br />

concernant les cas de brutalités et violences<br />

policières, ainsi qu'un "sentiment<br />

d'impunité" et "l'état lamentable" des cellules<br />

de garde à vue des commissariats.<br />

[... Pour] la justice, "le manque de financement<br />

est visible à l’œil nu". M. Gil-<br />

Robles constate une prolifération législa-<br />

345 Sécurisons un peu


tive qui conduit les magistrats à "consacrer<br />

plus de temps à l'examen des questions<br />

de forme" qu'au "traitement de<br />

fond", à quoi s'ajoutent les "lenteurs de<br />

la justice" et la "surcharge des tribunaux".<br />

Il s'étonne de l'existence de "18<br />

régimes différents de garde à vue" et<br />

préconise la présence de l'avocat dès le<br />

début de la procédure, y compris en<br />

matière de terrorisme ou de stupéfiants.<br />

Pour ce qui est des prisons, le commissaire<br />

se déclare frappé par "la surpopulation<br />

et le manque de moyens" [...],<br />

ainsi que "la volonté de certains de faire<br />

à tout prix en sorte que les conditions de<br />

détention soient dures", ce qui s'apparente<br />

à "une volonté de se venger".<br />

Epinglés aussi le mélange entre prévenus<br />

et condamnés et l'insuffisance de la<br />

politique de réinsertion ou des soins<br />

médicaux et psychiatriques. [...]<br />

Il recommande "la fermeture immédiate<br />

du centre de rétention administrative<br />

situé sous le palais de justice de Paris",<br />

"catastrophique et indigne de la France",<br />

et critique "l'ambiguïté juridique" des<br />

zones d'attentes où sont détenus les<br />

clandestins interceptés aux frontières<br />

[Voir « Déten(d)us étrange(r)s », p. 292].<br />

[...] Dans le cas des mineurs, M. Gil-<br />

Robles [...] appelle à "un traitement<br />

digne" des mineurs sans papiers scolarisés.<br />

» [14] « Par ailleurs, écrit-il du souhait<br />

de M. Sarkozy de doubler les reconduites<br />

aux frontières, "le fait d'énoncer<br />

des quotas est une pratique choquante<br />

(qui favorise) nombre d'abus". » [14]<br />

Suite à cette condamnation, on prend<br />

combien ?<br />

[1] : (« Sécurité ou justice, l’Etat de droit en question », Justice,<br />

n° 170, 3/2002, p. 2 (7,60 euros, Diffusion populaire, 21<br />

ter, rue Voltaire, F-75011 Paris))<br />

[2] : (Gérard Delteil, « Au Fil de la peine », Réseau Voltaire,<br />

11/1/1995, http://www.voltairenet.org/article6786.html)<br />

[3] : (D’après Observatoire international des prisons (OIP), «<br />

Les conditions de détention en France. Rapport 2003 », OIP /<br />

La Découverte, 2003)<br />

Sécurisons un peu 346<br />

[4] : (Willy Daunizeau, « Nouveau rapport de l’observatoire<br />

international des prisons. Les patrons en rêvaient, les prisons<br />

l’ont fait », CQFD n° 6, 11/2003, (CQFD - Le RIRe, BP 70054,<br />

13 192 Marseille Cedex 20), 2 euros, http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=58)<br />

[5] : (OIP, « Le guide du prisonnier », La Découverte, 2004,<br />

567 p., 24 euros)<br />

[6] : (Loïc Wacquant, « Des politiques carcérales injustes et criminogènes.<br />

Fermons les prisons ! », Le Monde diplomatique,<br />

9/2004, pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/0<br />

9/WACQUANT/11454, d’après le dernier chapitre de « Punir<br />

les pauvres : le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale<br />

», Agone, 2004)<br />

[7] : (F. P., « Prison. On ouvre à coup de Bédier ? » Le Canard<br />

enchaîné, 21/8/2002, p. 1)<br />

[8] : (Jérôme Canard, « Un sous-ministre change, le trop plein<br />

carcéral reste », Le Canard enchaîné, 4/2/2004, p. 4)<br />

[9] : (Comité européen pour la prévention de la torture et des<br />

peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT),<br />

3/2004)<br />

[10] : (Amnesty International, « France. Janvier - décembre<br />

2004 », http://web.amnesty.org/report<strong>2005</strong>/fra-summary-fra,<br />

d’après Comité européen pour la prévention de la torture et<br />

des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT),<br />

3/2004)<br />

[11] : (David Fontaine, « Prisons : Perben méprise les rapports<br />

qui le défrisent », Le Canard enchaîné, 4/2/2004, p. 4)<br />

[12] : (Cf. Zapito, c/o Association de Mots, 4 rue de la<br />

République, F-76350 Oissel)<br />

[13] : (Site Prisons, 1/12/<strong>2005</strong>, http://prisons.free.fr)<br />

[14] : (« Police, justice, prisons: la France critiquée par un rapport<br />

du Conseil de l'Europe », nouvelobs.com, 11/2/2206,<br />

http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=societe/20060211.FAP6071.html,<br />

d’après AP, d’après Le Parisien,<br />

11/2/2006)<br />

« L’incarcération est devenue l’arme<br />

absolue pour lutter contre les<br />

désordres urbains et sociaux. Elle<br />

frappe en premier les couches les plus<br />

défavorisées. Non seulement elle ne<br />

règle aucun problème, mais elle<br />

devient un instrument de paupérisation<br />

et de marginalisation.<br />

[... Les] autorités [sont] soucieuses d’afficher<br />

leur volonté de combattre ce que le<br />

chef de l’Etat – qui s’y connaît [Voir<br />

« Chie ! Raque ! », p. 312] [...] – appelait


avec courroux l’“impunité”. Là où la<br />

gauche dite “plurielle” pratiquait une<br />

pénalisation de la misère honteuse et larvée,<br />

la droite républicaine assume son<br />

choix d’endiguer les désarrois et les<br />

désordres sociaux qui s’accumulent dans<br />

les quartiers de relégation minés par le<br />

chômage de masse et l’emploi flexible<br />

[Voir « L’insécurité avance, l’insécurité<br />

recule... », p. 278] en déployant l’appareil<br />

répressif avec vigueur et emphase.<br />

Faire de la lutte contre la délinquance de<br />

rue un spectacle moral permanent permet<br />

en effet de réaffirmer symboliquement<br />

l’autorité de l’Etat au moment<br />

même où<br />

celui-ci se<br />

rend impotent<br />

sur le<br />

front économique<br />

et<br />

social.<br />

[... Vouloir<br />

faire] disparaître<br />

de l’espace<br />

public<br />

les rebuts de<br />

la société de<br />

marché –<br />

petits délinquants<br />

d’occasion, chômeurs et indigents,<br />

sans-abri et sans-papiers, toxicomanes,<br />

handicapés et malades mentaux<br />

laissés pour compte par le relâchement<br />

du filet de protection sanitaire et sociale,<br />

jeunes d’origine populaire condamnés à<br />

une (sur)vie faite de débrouille et de<br />

rapine par la normalisation du salariat<br />

précaire - est une aberration<br />

[... Ce] qui a changé [..., c’est] le regard<br />

que politiques et journalistes, [...] portevoix<br />

des intérêts dominants, portent sur<br />

la délinquance de rue et sur les populations<br />

censées l’alimenter. [... Surtout] les<br />

jeunes de milieu populaire issus de l’immigration<br />

maghrébine, parqués dans les<br />

cités périphériques éviscérées par trois<br />

décennies de dérégulation économique<br />

et de retrait urbain de l’Etat [Voir « On<br />

trouvera bien un coupable arabe »,<br />

p. 275] [...].<br />

Comme [... les] autres pays postindustriels,<br />

les détenus français proviennent<br />

massivement des fractions instables du<br />

prolétariat urbain. Issus de familles nombreuses<br />

(les deux tiers ont au moins trois<br />

frères et sœurs) qu’ils ont quittées jeunes<br />

(un sur sept est parti de chez lui avant<br />

15 ans), ils sont majoritairement dépourvus<br />

de titres scolaires (les trois quarts<br />

sont sortis de l’école avant 18 ans,<br />

contre 48 %<br />

[...] des<br />

hommes<br />

adultes), ce<br />

qui les<br />

condamne à<br />

vie aux secteurspériphériques<br />

de la sphère<br />

d’emploi. La<br />

moitié sont<br />

fils d’ouvriers<br />

et<br />

d’employés,<br />

et la moitié sont ouvriers eux-mêmes ;<br />

quatre détenus sur dix ont un père né à<br />

l’étranger, et 24 % sont eux-mêmes nés<br />

hors de l’Hexagone [1]. » [2]<br />

La prison est un traitement social de la<br />

misère, mais fait misérablement.<br />

« Insalubrité, vétusté, promiscuité poussée<br />

au paroxysme, hygiène catastrophique,<br />

carence des activités de formation<br />

et de travail ravalant la mission de<br />

“réinsertion” au rang de slogan aussi<br />

creux que cruel, montée des incidents<br />

graves et des suicides [3] » [2] [Voir<br />

« Survivre pour mourir », p. 352]. Un<br />

cadre de vie. « Sans oublier “ces milliers<br />

de pelures d’orange pendues aux bar-<br />

347 Sécurisons un peu


eaux pour [tenter de] masquer les<br />

effluves des WC à l’intérieur des cellules.”<br />

[4] » [5] Mais, certes, en France,<br />

« “[nul] ne peut être soumis à la torture<br />

ni à des peines ou traitements inhumains<br />

ou dégradants” [6] » [7]...<br />

La « criminologie comparée établit qu’il<br />

n’existe [...] dans aucun pays et à aucune<br />

époque [...] de corrélation entre le<br />

taux d’emprisonnement et le niveau de<br />

la criminalité [8]. » [2] « L’histoire pénale<br />

montre [... aussi que] dans aucune société<br />

la prison n’a su accomplir la mission<br />

de redressement et de réintégration<br />

sociale [..., pour la] réduction de la récidive.<br />

Tout – de l’architecture à l’organisation<br />

du travail des gardiens en passant<br />

par l’indigence des ressources institutionnelles<br />

(travail, formation, scolarité,<br />

santé), le tarissement délibéré de la libération<br />

en conditionnelle et l’absence de<br />

mesures concrètes d’aide à la sortie –<br />

s’oppose à sa fonction supposée de<br />

“réforme” du repris de justice. » [2]<br />

L’incarcération « est un remède qui,<br />

dans bien des cas, ne fait qu’aggraver le<br />

mal qu’il est censé guérir. Institution<br />

basée sur la force et opérant en marge<br />

de la légalité, la prison est un creuset de<br />

violences et d’humiliations quotidiennes,<br />

un vecteur de désaffiliation familiale, de<br />

méfiance civique et d’aliénation individuelle.<br />

[... Et] l’enfermement [...] prolonge<br />

la logique de destruction sociale qu’ils<br />

ont connue à l’extérieur en la redoublant<br />

d’un broyage personnel [9]. » [2]<br />

« Et, pour bien [d’autres] détenus marginalement<br />

impliqués dans des activités illicites,<br />

c’est une école de formation, voire<br />

de “professionnalisation”, aux carrières<br />

criminelles. » [2] En effet, on « peut<br />

craindre que la prison ne soit, plus que<br />

jamais, l’école du crime. La philosophie<br />

ultrasécuritaire fonctionnerait alors<br />

comme une prophétie autoréalisatrice :<br />

Sécurisons un peu 348<br />

en contribuant paradoxalement à l’augmentation<br />

du nombre de délinquants,<br />

elle verrait sa justification renforcée…<br />

» [10]<br />

De plus, dès « lors qu’il s’applique à la<br />

délinquance d’opportunité, l’enfermement<br />

à tout-va revient à “recruter” de<br />

nouveaux délinquants par effet de substitution.<br />

Ainsi, un petit trafiquant de<br />

drogue placé en détention est immédiatement<br />

remplacé par un autre pour<br />

autant que subsiste une demande solvable<br />

pour sa marchandise et que les<br />

espérances de profit économique en<br />

valent la chandelle. Et si ce successeur<br />

est un novice sans réputation sur la<br />

place, il sera plus enclin à la violence<br />

pour s’établir et sécuriser son commerce,<br />

ce qui se traduira globalement par un<br />

surcroît d’”illégalismes”. » [2]<br />

Par ailleurs, « le gel des crédits pour la<br />

formation professionnelle, conjugué à<br />

une indigence grandissante, ne laisse<br />

guère de chance [de “réinsertion”] à la<br />

sortie, hormis celle de retourner aussi<br />

sec à la case placard. » [7] « Or l’incarcération<br />

ne fait qu’intensifier la pauvreté et<br />

l’isolement : 60 % des sortants de prison<br />

sont sans emploi, [... pour] 50 % parmi<br />

les entrants ; 30 % ne sont soutenus ni<br />

attendus par personne ; un gros quart<br />

ne dispose d’aucun argent (moins de 15<br />

euros) pour faire face aux frais occasion-


nés par la libération ; et un sur huit n’a<br />

pas de logement à sa sortie [11].<br />

De plus, l’impact délétère [...] s’exerce<br />

[...] sur leur famille : détérioration de la<br />

situation financière, délitement des relations<br />

amicales et de voisinage, étiolement<br />

des liens affectifs, troubles de la<br />

scolarité chez les enfants et perturbations<br />

psychologiques graves liées au sentiment<br />

de mise à l’écart » [2].<br />

Certains contestent les habitudes : Il<br />

« faut reconnecter le débat sur la délinquance<br />

avec [...] l’avènement du salariat<br />

désocialisé, vecteur d’insécurité sociale<br />

et de précarisation matérielle, familiale,<br />

scolaire, sanitaire, et même mentale [...,]<br />

quand le présent se [...] mue en une<br />

lutte sans répit pour la survie au jour le<br />

jour. [Voir « Insécurité sociale »,<br />

p. 489] [...]<br />

Mais surtout, une politique intelligente<br />

de l’insécurité criminelle doit reconnaître<br />

que les actes délinquants sont le produit<br />

non pas d’une volonté individuelle autonome<br />

et singulière, mais d’un réseau de<br />

causes et de raisons multiples qui s’enchevêtrent<br />

selon des logiques variées<br />

(prédation, parade, aliénation, transgression,<br />

affrontement à l’autorité, etc.),<br />

et donc qu’ils appellent des remèdes<br />

divers [..., avec] une pluralité de mécanismes<br />

de freinage et de diversion. Car,<br />

peu applicable, le traitement policier et<br />

pénal que d’aucuns présentent comme<br />

la panacée se révèle dans bien des circonstances<br />

pire que le mal pour peu<br />

qu’on comptabilise ses “effets collatéraux”.<br />

[... Il faut] nous arracher au pornographisme<br />

sécuritaire qui réduit la lutte<br />

contre la délinquance à un spectacle<br />

ritualisé ne servant qu’à abreuver les fantasmes<br />

d’ordre de l’électorat et à signifier<br />

l’autorité virile des décideurs d’Etat [Voir<br />

« “La France a peur !“ », p. 256].<br />

La prison [...est] un organisme de coercition<br />

à la fois criminophage et criminogène<br />

qui, lorsqu’il se développe à l’excès,<br />

comme aux Etats-Unis durant le dernier<br />

quart de siècle ou en Union soviétique<br />

à l’ère stalinienne, en vient à se<br />

muer en vecteur autonome de paupérisation<br />

et de marginalisation. » [2]<br />

Mais la fonction principale de la prison<br />

est assurée ! « La vraie réussite de la prison<br />

[...] est de binariser les classes<br />

pauvres, de créer une opposition entre<br />

braves gens et délinquants. Les pires<br />

ennemis des délinquants sont ceux qui<br />

se présentent comme ayant su rester<br />

honnêtes malgré toutes les difficultés, et<br />

s’indignent souvent de ce qu’on ne s’intéresse<br />

pas à eux, mais à ceux qui ont<br />

cédé à la tentation et aux facilités. » [12]<br />

[1] : (Cf. Francine Cassan et Laurent Toulemont,<br />

« L’histoire familiale des hommes détenus », Insee<br />

Première, n° 706, 4/2000)<br />

[2] : (Loïc Wacquant, « Des politiques carcérales injustes et<br />

criminogènes. Fermons les prisons ! », Le Monde diplomatique,<br />

9/2004, pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/WACQUANT/11454,<br />

d’après le dernier<br />

chapitre de Loïc Wacquant, « Punir les pauvres : le nouveau<br />

gouvernement de l’insécurité sociale », Agone,<br />

2004)<br />

[3] : (Cf. Observatoire international des prisons, « Les<br />

Conditions de détention en France. Rapport 2003 », La<br />

Découverte, 2003)<br />

[4] : (Véronique Vasseur, « Médecin-chef à la prison de la<br />

Santé », le Cherche midi, 1/2000, réed. Livre de poche,<br />

11/2001)<br />

[5] : (Jean-François Julliard, « Nouvelle tentative pour<br />

entrouvrir la porte de prisons très cachottières », Le<br />

Canard enchaîné, 16/10/2002, p. 4, d’après Collectif,<br />

« Tous coupables », Balland, 10/2002)<br />

[6] : (Article 3 de la Convention européenne des droits de<br />

l’homme)<br />

[7] : (Willy Daunizeau, « Nouveau rapport de l’observatoire<br />

international des prisons. Les patrons en rêvaient, les<br />

prisons l’ont fait », CQFD n°6, 11/2003, (CQFD - Le RIRe,<br />

BP 70054, 13 192 Marseille Cedex 20), 2 euros,<br />

http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=58)<br />

[8] : (Nils Christie, « L’Industrie de la punition. Prison et<br />

politique pénale en Occident », Autrement, 2003)<br />

[9] : (Jean-Marc Rouillan, « Chroniques carcé-rales », in<br />

« Lettre à Jules », Agone, 2004 ; Claude Lucas, « Suerte. La<br />

réclusion volontaire », Plon, 1995)<br />

[10] : (Eric Alt, « Le marché de dupes du “tout sécuritaire“ »,<br />

Justice, n° 173, 11/2002, p.8 (7 euros 62, Justice, Syndicat<br />

de la magistrature, BP 155, F-75523 Paris cedex 11))<br />

[11] : (Maud Guillonneau, Annie Kensey et Philippe<br />

349 Sécurisons un peu


Mazuet, « Les ressources des sortants de prison », Les<br />

Cahiers de démographie pénitentiaire, n° 5, 2/1998)<br />

[12] : (Isabelle Stenger, « Le droit d’apprendre », in Groupe<br />

de réflexion et d’action pour une politique écologique<br />

(Grappe), « Quel monde voulons nous pour demain ? »,<br />

11/2004, reprod. in « Penser et agir avec Ivan Illich, bases<br />

pour l’après-développement », Couleur livres (B-Charleroi)<br />

– Chroniques Sociales (F-Lyon), reprod. in Silence, n° 330,<br />

12/<strong>2005</strong> (4 euros, + 2 euros port, Silence, 9 rue<br />

Dumenge, F-69317 Lyon cedex 04), p. 31 et http://tomate.poivron.org/Le_droit_d'apprendre,<br />

d’après Michel<br />

Foucault, « Surveiller et punir : naissance de la prison »,<br />

réed. Gallimard, 1989)<br />

Et qui n’est pas encore jugé est sans<br />

doute plus coupable. « Pour les prisonniers<br />

en détention provisoire (un tiers<br />

des [...] habitants des prisons) deux<br />

humiliations répétées viennent s’ajouter<br />

à la détresse quotidienne. D’abord la<br />

fouille à corps, pratiquée à l’occasion de<br />

chaque déplacement [avec] parfois [...]<br />

toucher rectal [... et] l’imposition de<br />

menottes à tout bout de champ » [1]<br />

Aux présumés innocents, les mains<br />

vaines.<br />

[1] : (Jean-François Julliard, « Nouvelle tentative pour<br />

entrouvrir la porte de prisons très cachottières », Le<br />

Canard enchaîné, 16/10/2002, p. 4, d’après Collectif,<br />

« Tous coupables », Balland, 10/2002).<br />

On nous fait l’article : « En ce qui<br />

concerne les coûts, je vous<br />

garantie, pour plus de mille<br />

emplois, des charges patronales dimi-<br />

Sécurisons un peu 350<br />

nuées de cinquante pourcents Je vous<br />

garantie également une main d’œuvre<br />

qui sera uniquement payée au rendement.<br />

Et je vous garantie également un<br />

contrôle extrêmement spécifique des<br />

articles rendus. Pour la souplesse, nous<br />

pouvons nous adapter à des calendriers<br />

extrêmement contraignants. [...] Je vous<br />

garantie également qu’il n’y aura pas<br />

d’absentéisme. Je vous garantie que<br />

nous travaillerons douze mois sur douze<br />

et qu’il n’y aura pas de conflits sociaux à<br />

l’intérieur de l’entreprise. Au niveau des<br />

résultats, je vous propose un savoir-faire<br />

extrêmement large qui ira des tâches les<br />

plus répétitives jusqu’à, si vous le désirez,<br />

le développement de logiciels informatiques.<br />

Je pense vous avoir convaincu<br />

» [1], conclue Guy Solana, directeur<br />

régional Alsace-Lorraine de la Direction<br />

Régionale des Services Pénitentiaires.<br />

« Cette DRSP se présente comme l’héritière<br />

la plus légitime du travail en<br />

usine. » [2]<br />

« A l’avant-garde des techniques de<br />

répression, la prison sert aussi de laboratoire<br />

à la casse sociale. » [3] Et la « gestion<br />

carcérale réalise l’utopie caressée<br />

par le Medef : une société enfin débarrassée<br />

de ses protections sociales, où les<br />

plus pauvres s’entassent dans des camps<br />

de travail gardiennés par des surveillants<br />

cagoulés. [4] » [3]<br />

Certains s'en émeuvent parfois.<br />

« “Affolants !“ C’est ainsi qu’un substitut<br />

du procureur qualifie les résultats d’une<br />

première expertise, après un grave accident<br />

du travail survenu [en 2003] dans<br />

un atelier de la prison de Draguignan et<br />

révélé par l’Observatoire international<br />

des prisons [5]. [...] Fait rarissime, le parquet<br />

a ouvert, en septembre [2003], une<br />

information judiciaire sur les conditions<br />

de travail à la prison de Draguignan.<br />

Dans un rapport de 2002 [6], le Sénat


déplorait déjà le manque de contrôles<br />

de l’Inspection du travail, en détention.<br />

Selon ce rapport, “l’administration pénitentiaire<br />

reconnaissait volontiers que certains<br />

des équipements présents dans les<br />

ateliers n’étaient pas aux normes.” » [7]<br />

Mais il faut bien travailler [Voir « Le<br />

Travail libère », p. 496]. A « Clairvaux, [...<br />

on] peut se faire quelques piécettes [par<br />

exemple] en collant des échantillons de<br />

parfums dans le numéro “spécial maigrir”<br />

de Elle [... pour le] groupe<br />

Lagardère » [3] [Voir « Tambour battant<br />

», p. 638]. Un « ex-cadre de la<br />

Lyonnaise des eaux [...] se souvient que<br />

“la prison de Fresnes a mobilisé des ateliers<br />

pour enlever les étiquettes ‘made in<br />

Thailand’ cousues sur des tricots et les<br />

remplacer par des étiquettes ‘made in<br />

France’ !”. » [8] Dura lex sed lex.<br />

Et il faut encore libéraliser la prison ! «<br />

Gavées de discours apocalyptiques sur<br />

l’insécurité, l’Europe et la France se sont<br />

engagées dans le sillon américain de la<br />

privatisation des prisons et se sont lancées<br />

dans une escalade pénale. » [9]<br />

En 1986, lors de la première cohabitation,<br />

le garde des Sceaux est « Albin<br />

Chalandon, tristement connu pour ses<br />

"chalandonnettes", ces petites maisons<br />

préfabriquées vendues à crédit à des<br />

ménages modestes à grand renfort de<br />

publicité, et qui, bien souvent bâclées,<br />

prenaient l’eau de toute part. [... Le "bon<br />

renifleur"] Chalandon revient donc<br />

enthousiaste. Il voit grand : vingt-cinq<br />

mille nouvelles places de prison supplémentaires<br />

et la moitié du pénitentiaire<br />

confiée au privé. Gardiens et directeurs<br />

deviendraient eux aussi des salariés du<br />

privé. Seuls les juges d’application des<br />

peines dépendraient encore directement<br />

de l’Etat dans ces prisons privées. Le<br />

budget sera colossal. Les grands patrons<br />

du BTP (bâtiments et travaux publics), les<br />

sociétés d’études, les conseillers en tous<br />

genres se précipitent sur le créneau.<br />

Certains se voient déjà à la tête de<br />

gigantesques usines carcérales bénéficiant<br />

d’une main-d’œuvre peu coûteuse.<br />

Taïwan à domicile... » [10]<br />

Les années passent (et à l’ombre, elles<br />

passent dix fois plus lentement). « Sous<br />

prétexte de ménager les deniers publics,<br />

la gestion de certaines prisons est désormais<br />

confiée à des groupes privés, qui<br />

assurent la maintenance, la blanchisserie,<br />

la restauration et même la formation<br />

professionnelle d’une partie des détenus.<br />

» [11]<br />

« Les repas sont [donc] confiés à une<br />

entreprise privée, qui gère le plus souvent<br />

les cantines et le travail pour les prisonniers.<br />

En ne leur donnant pas assez à<br />

manger, on les oblige à travailler pour<br />

cette même entreprise pour des salaires<br />

de misère qui ne dépassent généralement<br />

pas 0,50 euro de l’heure, afin de<br />

pouvoir acheter à cette même entreprise<br />

des produits alimentaires vendus à des<br />

prix supérieurs du double à ceux pratiqués<br />

à l’extérieur [12]. [... Le] trou [...]<br />

ignore le code du travail, le RMI et les<br />

minima sociaux [13]. » [3]<br />

« A l’avenir, il est prévu que le privé<br />

finance les bâtiments, l’Etat payant un<br />

loyer. » [11] « Pour absorber le tropplein,<br />

[... on] a entamé la construction<br />

de 13 200 nouvelles cages semi-privées.<br />

[...] Dans la prison toute neuve de<br />

Seysses (Haute-Garonne), les cellules de<br />

10,5 m 2 sont pour la plupart individuelles,<br />

[au départ] dépourvues de<br />

cafards et de rats [...] et équipées d’une<br />

douche avec eau chaude. Mais [...] le<br />

moindre déplacement est vidéo-surveillé,<br />

chaque prisonnier porte une carte<br />

magnétique, le contrôle des empreintes<br />

digitales se fait par “détecteur de biométrie”.<br />

[... Moins d’un an après la] cré-<br />

351 Sécurisons un peu


maillère [...], la direction a déjà rajouté<br />

cent matelas. [... Un] nouveau règlement<br />

édicté en février [2003] par le<br />

garde des Sceaux autorise [les gardiens]<br />

à porter la cagoule lorsqu’ils “interviennent”<br />

sur un taulard [... comme] Laurent<br />

Jacqua, tabassé le 5 mai [2003] à Bois<br />

d’Arcy par neuf surveillants masqués<br />

[14]. » [3]<br />

Qu’aura à craindre de la future prison<br />

privée le riche incarcéré ? Ça dépend.<br />

« De sa prison dorée dont il avait supervisé<br />

la construction le chef du cartel de<br />

Medellin continuait à diriger le trafic de<br />

la drogue ». [15]<br />

[1] : (Publicité de la DRSP Alsace-Lorraine, citée in Guy<br />

Debord, « Guy Debord, son art, son temps », 1994, réalisé<br />

par : Brigitte Cornand, Canal +, 1995, réed. DVD,<br />

Gaumont Vidéo, <strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Guy Debord, op. cit.)<br />

[3] : (Willy Daunizeau, « Nouveau rapport de l’observatoire<br />

international des prisons. Les patrons en rêvaient, les<br />

prisons l’ont fait », CQFD n°6, 11/2003, (CQFD - Le RIRe,<br />

BP 70054, 13 192 Marseille Cedex 20), 2 euros,<br />

http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=58)<br />

[4] : (D’après Observatoire international des prisons (OIP),<br />

« Les conditions de détention en France. Rapport 2003 »,<br />

OIP / La Découverte, 2003)<br />

[5] : (http://www.oip.org)<br />

[6] : (Paul Loridant, « Prisons : le travail à la peine Contrôle<br />

budgétaire de la Régie Industrielle des Établissements<br />

Pénitentiaires (R.I.E.P.) », Rapport d’Information n° 330<br />

(2001-2002) - Commission des Finances du Sénat,<br />

http://www.senat.fr/rap/r01-330/r01-3301.pdf (474 Ko))<br />

[7] : (« Accidents du travail en prison », Le Canard enchaîné,<br />

21/7/2004, p. 4)<br />

[8] : (Jean-François Julliard, « Nouvelle tentative pour<br />

entrouvrir la porte de prisons très cachottières », Le<br />

Canard enchaîné, 16/10/2002, p. 4, d’après Collectif,<br />

« Tous coupables », Balland, 10/2002)<br />

[9] : (Loïc Wacquant, « Des politiques carcérales injustes et<br />

criminogènes. Fermons les prisons ! », Le Monde diplomatique,<br />

9/2004, pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/WACQUANT/11454,<br />

d’après le dernier<br />

chapitre de « Punir les pauvres : le nouveau gouvernement<br />

de l’insécurité sociale », Agone, 2004)<br />

[10] : (Gérard Delteil, « Au Fil de la peine », Réseau<br />

Voltaire, 11/1/1995, http://www.voltairenet.org/article6<br />

786.html)<br />

[11] : (Jérôme Canard, « Un sous-ministre change, le trop<br />

plein carcéral reste », Le Canard enchaîné, 4/2/2004, p. 4)<br />

[12] : (L’Envolée, fait par et pour des détenus, mais interdit<br />

en prison. Contact : envolee@internetdown)<br />

[13] : (Pétition « Les minima sociaux, même en prison »,<br />

23/1/2002, http://www.prison.eu.org/article.php3?id_ar<br />

ticle=21)<br />

[14] : (Laurent Jacqua, « La guillotine carcérale. Silence,<br />

Sécurisons un peu 352<br />

on meurt », Nautilus, 3/2003)<br />

[15] : (« La poudre d'Escobar », chapô, L'Humanité,<br />

24/7/1992, www.humanite.presse.fr/journal/1992-07-<br />

24/1992-07-24-657725)<br />

Il y a aussi « pour survivre : la prostitution,<br />

le racket et le deal, [...] parfois<br />

organisé par les porte-clés eux-mêmes.<br />

[... C’est le travail à la Santé et ailleurs. Et<br />

si ça rend malade,] attente interminable<br />

pour une consultation médicale, course<br />

d’obstacles pour obtenir un traitement<br />

adapté aux toxicos, grands malades ou<br />

handicapés. » [1]<br />

« Dans l’indifférence générale [...,] l’absence<br />

de diagnostics et de soins professionnels<br />

en prison [entretient] les conditions<br />

d’une peine de mort en plein<br />

essor. » [2] Le « CPT [...] demandait en<br />

mai 2000 à la France "que toute consultation<br />

médicale de même que tous les<br />

examens et soins médicaux effectués<br />

dans les établissements hospitaliers civils<br />

se déroulent hors de l’écoute et – sauf<br />

demande contraire du personnel médical<br />

soignant relative à un détenu particulier<br />

– hors de la vue des membres des<br />

forces de l’ordre" ». [3]<br />

La « privation des visites de proches,<br />

l’éloignement géographique ou la punition<br />

administrative est pratique courante.<br />

[... Par] conséquent, les suicides » [1]<br />

augmentent. Et si on « meurt beaucoup<br />

dans les prisons françaises, [c’est] surtout<br />

de suicide [...] : entre 100 et 120 cas par<br />

an. » [4]<br />

Deux à trois « fois plus nombreux qu’il y


a vingt ans, les suicides frappent à 60 %<br />

des détenus non encore jugés [tiers des<br />

emprisonnés], et donc présumés innocents.<br />

» [1] « Les techniques se radicalisent<br />

[..., tel cet] homme qui s’est enfoncé<br />

un stylo dans la narine pour se perforer<br />

le cerveau. [...]<br />

L’association des familles en lutte contre<br />

l’insécurité et les décès en détention<br />

(AFLIDD) [5] traite des dossiers de “suicidés”<br />

couverts d’hématomes dont la<br />

dépouille a été soustraite aux proches,<br />

peu convaincus, du coup, par la thèse<br />

officielle prémâchée par l’administration.<br />

» [1] Un classique : « le suicidé,<br />

incarcéré pour un trafic de cannabis et<br />

une bagarre, n’avait plus que quelques<br />

semaines à purger. Drôle de moment<br />

pour se tuer. » [6] On s’était aussi étonné<br />

de l’épidémie de suicides en prison<br />

dans l’affaire de la Tour BP.<br />

[1] : (Willy Daunizeau, « Nouveau rapport de l’observatoire<br />

international des prisons. Les patrons en rêvaient, les<br />

prisons l’ont fait », CQFD n°6, 11/2003, (CQFD - Le RIRe,<br />

BP 70054, F-13 192 Marseille Cedex 20), 2 euros,<br />

http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=58)<br />

[2] : (« Mise à mort des prisonnier(e)s malades »,<br />

http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=4808)<br />

[3] : (OIP, « Que cesse le scandale du traitement hospitalier<br />

des détenus ! », http://www.prison.eu.org/article.php<br />

3?id_article=6346)<br />

[4] : (Jean-François Julliard, « Nouvelle tentative pour<br />

entrouvrir la porte de prisons très cachottières », Le<br />

Canard enchaîné, 16/10/2002, p. 4, d’après Collectif,<br />

« Tous coupables », Balland, 10/2002)<br />

[5] : (Contact : aflidd@hotmail.com)<br />

[6] : (Louis-Marie Horeau, « Le suicidé en prison se disait<br />

menacé », Le Canard enchaîné, 27/11/2002, p. 4)<br />

« Une vaste arnaque montée au nom<br />

d'un prétendu [financement] de la<br />

lutte antiterroriste, [... montée par]<br />

des spécialistes des arcanes bancaires<br />

[...,] a été mise au jour à Paris [… en<br />

octobre <strong>2005</strong>]. L'un [des escrocs] se<br />

présentait aux établissements bancaires<br />

en région parisienne en qualité<br />

de "directeur de banque internationale".<br />

Surfant sur la lutte antiterroriste<br />

[...], il indiquait [...] qu'il "fallait<br />

faire le ménage" dans les "mouvements<br />

de fonds suspects" alimentant<br />

les réseaux.<br />

Il était parfaitement renseigné sur ces<br />

banques et leurs riches clients ou sociétés,<br />

possédant la trace de virements<br />

importants pratiqués par certains d'entre<br />

eux. Ce pseudo directeur disait ensuite<br />

que ces banques allaient recevoir la visite<br />

d'un honorable agent de la DGSE<br />

(Direction générale de la sécurité extérieure,<br />

contre-espionnage) qui leur<br />

demanderait de l'argent pour infiltrer les<br />

réseaux. En liquide et dans l'opacité,<br />

recommandant la confidentialité. Une<br />

vingtaine de tentatives ont ainsi eu<br />

lieu » [1]<br />

Une réussite. « Le 26 juillet [<strong>2005</strong>], la<br />

directrice d'une agence de La Poste<br />

reçoit un appel d'un homme qui se fait<br />

passer pour Jean-Paul Bailly, PDG de<br />

l'établissement public. Il lui ordonne de<br />

se mettre au service d'un agent de la<br />

DGSE qui doit l'appeler prochainement.<br />

Sa mission consiste à déjouer un attentat<br />

dans Paris. Une heure plus tard, [...]<br />

l'agent secret appelle. D'emblée, il lui dit<br />

d'acheter un téléphone portable - son<br />

poste de travail n'étant pas sécurisé -<br />

pour joindre un numéro à Londres.<br />

L'employée, paniquée, s'exécute. Au<br />

bout du fil, l'espion lui attribue un prénom<br />

de code avant d'ajouter : ”Attendez<br />

les instructions et ne coupez jamais le<br />

mobile !” [...]<br />

Pendant deux jours, la directrice est harcelée<br />

jour et nuit par une quarantaine<br />

353 Sécurisons un peu


d'appels. L'agent traitant exige qu'elle<br />

demeure en alerte absolue. “[... Il] a<br />

attendu que<br />

la directrice<br />

soit [...] à<br />

bout de<br />

nerfs, avant<br />

de lui<br />

demander<br />

les noms de<br />

ses six plus<br />

gros clients”,<br />

confie un<br />

enquêteur.<br />

L'escroc [...<br />

en] désigne<br />

[un] comme<br />

le financier<br />

des attentats<br />

en préparation.<br />

Il<br />

explique à<br />

sa victime<br />

que ce dernier<br />

serait<br />

sur le point<br />

de se rendre<br />

au guichet<br />

pour retirer<br />

500 000<br />

euros en<br />

espèces.<br />

Pour remonter<br />

la filière<br />

terroriste, la directrice se voit alors<br />

ordonner de vider ses caisses, soit 358<br />

000 euros, afin de piéger les liasses avec<br />

des puces électroniques. L'agent lui<br />

garantit que les billets lui seront retournés<br />

aussitôt la manipulation effectuée.<br />

Rendez-vous est pris dans une brasserie<br />

[...], où la banquière remet l'argent à<br />

une inconnue sous la porte des toilettes.<br />

» [2]<br />

« D'autres banques sont sollicitées en<br />

Sécurisons un peu 354<br />

région parisienne selon un procédé un<br />

peu différent, mais toujours sous couvert<br />

de la lutte<br />

antiterroriste<br />

et de la<br />

DGSE. Cette<br />

fois, les<br />

escrocs repèrent<br />

[...] de<br />

vrais virements,effectués<br />

par les<br />

banques, et<br />

réussissent à<br />

persuader<br />

leurs dirigeants<br />

que<br />

ces virements<br />

sont<br />

suspects et<br />

financent<br />

une filière<br />

terroriste.<br />

"Vite, il faut<br />

les virer à<br />

une autre<br />

banque",<br />

disent-ils,<br />

menaçant<br />

les banques<br />

des pires<br />

ennuis. » [1]<br />

« L'une<br />

d'entre elles<br />

avait notamment transféré 5,18 millions<br />

d'euros sur un compte en Estonie. La<br />

somme avait été immédiatement débitée.<br />

» [2]<br />

[1] : (« Une vaste arnaque au nom de la lutte antiterroriste<br />

mise au jour à Paris », AFP, 5/10/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Christophe Cornevin, « Le faux agent de la DGSE avait<br />

détroussé une agence de La Poste », Le Figaro, 6/10/<strong>2005</strong>)


Comparez<br />

la bonhomietranquille<br />

des<br />

gouvernants,<br />

sûrs de leur bon Droit, avec l’antipathique<br />

animosité des contestataires.<br />

Certes, « la Dominance étant établie, le<br />

dominant voit disparaître son agressivité,<br />

qu'il n'a plus besoin d'actualiser puisqu'elle<br />

est institutionnalisée. [... Mais] il<br />

va jeter l'anathème contre ceux qui oseraient<br />

se révolter contre le droit, droit<br />

établi grâce à cette agressivité compétitive<br />

oubliée. » [1] Le droit garanti par le<br />

Constitution devient un crime. Les grévistes<br />

sont des preneurs d’otages, les<br />

contestataires sont des terroristes. Et<br />

hop ! Il faut bien savoir écraser le feu de<br />

la contestation d’une manière ou d’une<br />

autre. Comme jadis, déjà, Catilina,<br />

furieux : « “Puisqu’on m’attaque de<br />

toutes parts, s’écria-t-il, et que mes<br />

adversaires veulent me jeter au gouffre,<br />

j’éteindrai sous des ruines l’incendie<br />

qu’on allume contre moi.” » [2]<br />

On le constatait déjà avant « le 11 sep-<br />

tembre » : Lors des « manifestations<br />

contre la mondialisation libérale […, des]<br />

conflits violents entre la police et les<br />

manifestants […], depuis quelques<br />

années, […] sont devenus une sorte de<br />

rituel, [...] selon un scénario que l'on<br />

dirait écrit à l'avance. Chaque fois, les<br />

forces de l'ordre […] transforment les<br />

lieux de passage et de travail des participants<br />

officiels en une zone de haute<br />

sécurité, sous le contrôle de milliers de<br />

policiers anti-émeutes, et, pratiquant<br />

une sorte de surenchère préventive,<br />

prennent des mesures draconiennes<br />

d'interdiction d'accès aux périmètres<br />

ainsi protégés, voire aux villes […].<br />

Or, chaque fois, [arrive] l'effet redouté -<br />

ne devrait-on plutôt dire attendu et<br />

voulu ? - […] : les affrontements ont eu<br />

lieu, et la répression a été de plus en<br />

plus dure, particulièrement à Prague, à<br />

Nice, à Québec, à Göteborg, à<br />

Barcelone, jusqu'à faire un mort et plus<br />

de six cents blessés à Gênes... [Voir « J'ai<br />

ouï : “Tue !” », p. 468] Les témoignages<br />

de brutalité, voire de sévices, sur des<br />

manifestants ayant recours à des formes<br />

non violentes de désobéissance civile -<br />

alors que la police laissait faire les groupuscules<br />

de casseurs professionnels -<br />

sont particulièrement accablants. Au<br />

point que de nombreux représentants<br />

d'ONG admettent avoir perdu leur "virginité<br />

démocratique", c'est-à-dire leur<br />

croyance dans la possibilité de lutter<br />

démocratiquement dans des pays démocratiques.<br />

» [3]<br />

Immédiatement après le 11 septembre<br />

2001, on sut donc quoi dire. Florilège<br />

du Figaro :<br />

« En France José Bové fait arracher les<br />

cultures censées être OGM par ses partisans,<br />

sous l'œil bienveillant des gendarmes,<br />

il "démonte" les Mc Do, sous<br />

prétexte de combattre la mondialisation.<br />

355 Sécurisons un peu


Ce n'est pas la même échelle que les<br />

attentats de New York, certes, mais cela<br />

procède du même esprit ». [4]<br />

« C'est le communautarisme sectaire,<br />

ethnique et identitaire, qui prend<br />

aujourd'hui le relais du marxisme-léninisme<br />

[...] C'est une synthèse du communisme<br />

et du fascisme [...] Depuis les<br />

poseurs de bombes antimondialistes qui<br />

tuèrent [en 2002] la jeune employée<br />

d'un McDonald's breton jusqu'aux organisateurs<br />

du nouvel Pearl Harbor se dessinent<br />

les contours d'une même internationale<br />

de la haine ». [5]<br />

« Ben Laden et, derrière lui, les antimondialistes<br />

et les intégristes de toutes obédiences,<br />

se sont attaqués aux symboles<br />

du monde matériel en espérant entraîner<br />

derrière eux tous ceux qui tiennent à<br />

la sauvegarde des biens spirituels.<br />

Comme les nazis dans les années 30, ils<br />

ont cherché à retourner la technique<br />

contre elle-même ». [6]<br />

Ça sonne donc le glas d’un « certain antiaméricanisme,<br />

celui qui conduisait à diaboliser<br />

les produits américains et à<br />

recourir à la violence, [et qui] paraît difficile<br />

à poursuivre. On pense évidemment<br />

aux OGM et aux fast-foods. Un Bové<br />

détruisant un McDonald's pouvait prêter<br />

à sourire ; dorénavant [... un tel appel]<br />

serait insoutenable ». [7]<br />

Mais, alors « que la situation dans les<br />

banlieues est de plus en plus violente, il<br />

est à craindre que les exemples de terrorisme<br />

syndical, ajouté au terrorisme<br />

corse, ne donnent de semblables idées<br />

radicales aux fauteurs de trouble, dont<br />

une partie [...] semble déjà solidaire du<br />

terrorisme islamique international. » [8]<br />

Il est vrai qu’en France, deux ans plus<br />

tard, il faut encore en rajouter quand il<br />

« ne se passe d’ailleurs pas de semaine<br />

sans que le Premier ministre se retrouve<br />

face à des manifestants lors de ses visites<br />

Sécurisons un peu 356<br />

dans la France d’en bas. » [9]<br />

Mais le phénomène est général. Un éditorialiste<br />

du Wall Street Europe prévenait<br />

également : « À présent que l'on s'est<br />

attaqué à la civilisation et que des milliers<br />

de gens ont perdu la vie, ceux qui<br />

défient les règles de la démocratie vont<br />

être traités avec moins de tolérance. »<br />

L'auteur ne va pas jusqu'à vouloir l'interdiction<br />

des manifestations, mais il faut<br />

« raviver notre foi en la démocratie ».<br />

Peu après, il s'en prend aux manifestants<br />

anti-mondialisation « qui ont saccagé les<br />

villes [… (sic) qui certes] ne peuvent être<br />

assimilés à des terroristes, car leur action<br />

revêtait un tout autre degré de gravité.<br />

Mais ils avaient un trait important en<br />

commun : la même intolérance envers<br />

les règles établies de la démocratie<br />

». [10]<br />

Encore une fois, les aimables média-


tiques avaient bien raison, et notre sauveur<br />

étasunien donnait le même son de<br />

cloche. « De fait, la menace proférée par<br />

George W. Bush aux nations du monde,<br />

"si vous n'êtes pas avec moi, vous êtes<br />

contre moi", s'applique désormais également<br />

aux citoyens "contestataires" [...].<br />

Jugée "antiaméricaine", toute critique de<br />

la "nouvelle guerre" du Pentagone par<br />

des intellectuels ([...] même étudiants)<br />

est considérée comme une trahison [...]<br />

passible de répression. Licenciements<br />

sauvages de journalistes et d'illustrateurs<br />

critiques, publications d'excuses dans les<br />

journaux qui [les] ont publié [...],<br />

menaces et marginalisation de certains<br />

universitaires, et délation contre les "dissidents"<br />

[...] pressentis sont monnaie<br />

courante.<br />

En d'autres termes, dans le miroir déformant<br />

de la nouvelle loi antiterroriste,<br />

USA Patriot, les pacifistes, et tous ceux<br />

qui s'élèvent contre les actions belliqueuses<br />

du Pentagone, sont considérés<br />

comme [...] des terroristes potentiels [...]<br />

d'al Qaeda. [...] "Je vois beaucoup de<br />

parallèles entre ce qui se passe maintenant<br />

et le maccarthysme. Le terme 'terrorisme'<br />

prend les mêmes couleurs que<br />

le terme 'communisme' dans les années<br />

cinquante. Cela paralyse les gens qui<br />

sont [...] trop vite prêts à abandonner<br />

leurs droits et à montrer du doigt<br />

d'autres personnes, à trouver des boucs<br />

émissaires, particulièrement les immigrés<br />

et ceux qui critiquent la guerre",<br />

explique la directrice de l'American Civil<br />

Liberty Union (ACLU) [11], Nadine<br />

Strossen. » [12]<br />

« Encouragés par l'exemple de ces gouvernements<br />

démocratiques, les régimes<br />

les plus répressifs se sont empressés de<br />

prendre en marche le train de l'antiterrorisme.<br />

En Colombie, en Indonésie, en<br />

Chine, en Birmanie, en Ouzbékistan, au<br />

Pakistan, en Turquie, en Egypte, en<br />

Jordanie, en République démocratique<br />

du Congo, les autorités qualifient désormais<br />

les contestataires de “sympathisants<br />

des terroristes” pour étouffer toute<br />

opposition [13]... » [14]<br />

En Europe aussi, la contestation était<br />

clairement assimilable au terrorisme.<br />

Voyez : ils posent des bombes ! Le 9<br />

décembre 2002 à 4 heures du matin, la<br />

« police de Gênes a été la cible d'un<br />

attentat à l'explosif […] qui a soufflé les<br />

vitres d'une partie des bureaux de la préfecture,<br />

[…] deux engins de faible puissance<br />

explosant […] dans un square<br />

situé à une trentaine de mètres des bâtiments<br />

de la police. Le samedi 14<br />

décembre, il était justement [prévu] une<br />

manifestation nationale [à Gênes] en<br />

solidarité avec les récents inculpés dans<br />

le cadre des suites judiciaires du G8, et<br />

pour exiger la vérité sur la mort de Carlo<br />

Giuliani (le carabinier Mario Pacanica,<br />

responsable de l'homicide, a été innocenté<br />

pour “légitime défense” […]).<br />

[… Les] pistes privilégiées […] : forcément<br />

les “anarcho-insurrectionnels” en<br />

tête, suivis des islamistes et de la mafia<br />

albanaise ensuite. […] Le soir, une lettre<br />

de revendication arrivait à la rédaction<br />

du Secolo XIX signée par la mysté<strong>rieuse</strong><br />

“Brigate 20 luglio” (le 20 juillet fait référence<br />

au jour de la mort de Carlo<br />

Giuliani), la même signature que pour<br />

l'explosion au ministère de l'Intérieur [à]<br />

Rome en février. Le mardi matin, la presse<br />

italienne unanime stigmatisait les<br />

“anarcho-insurrectionalistes”. [… Par<br />

ailleurs,] plusieurs bombes avaient également<br />

précédé l'ouverture du G8 à<br />

Gênes et servi comme prétexte supplémentaire<br />

à la mise en place de l'appareil<br />

répressif. » [15] Les folliculaires aux<br />

ordres, du Figaro et d’ailleurs, savaient<br />

trouver les bons coupables.<br />

357 Sécurisons un peu


Face à une opposition grandissante, la<br />

répression a bien besoin de ces amalgames.<br />

« A la veille d’un arrachage, le 25<br />

juillet [2004], d’une parcelle expérimentale<br />

de maïs génétiquement modifié par<br />

un petit millier de militants, [le garde<br />

des sceaux] Dominique Perben avait<br />

annoncé une “réponse juridique exemplaire”.<br />

[...]<br />

S’opposer de façon un peu spectaculaire<br />

devient une activité à haut risque. Le 19<br />

août [2004], un éducateur et un enseignant<br />

[ont été] jugés pour avoir aidé à<br />

Calais des immigrés clandestins. Alain<br />

Hebert, un syndicaliste, a déjà été<br />

condamné en appel à 6 mois avec sursis<br />

après des incidents survenus lors d’une<br />

manif. Pour sa part, Greenpeace vit sous<br />

la menace d’une [...] décision de justice,<br />

[faisant] saisir 100 000 euros pour [...] la<br />

Cogema. » [16]<br />

A noter, d’ailleurs, que l’« arrêté du 24<br />

juillet 2003 [17] classe [...] la quasi totalité<br />

de ce qui concerne le nucléaire sous<br />

le sceau du secret défense. Le non respect<br />

de ce texte fait encourir à celui qui<br />

le transgresse des peines allant jusqu’à<br />

cinq ans de prison et 75 000 euros<br />

d’amende ! » [18]<br />

« A Paris, en mars [2004], la RATP [Voir<br />

« Va, nigaud », p. 403] et Metrobus, sa<br />

régie publicitaire, ont [...] réclamé pour<br />

près de 1 million d’euros de dommages<br />

et intérêts aux 62 graffiteurs anti-pub<br />

accusés d’avoir gribouillé des affiches<br />

dans le métro. [...]<br />

Cette stratégie [...] n’épargne pas les<br />

syndicats. Ainsi, en janvier 2000, la<br />

société qui gère le tunnel sous la<br />

Manche a réclamé plus de 500 000<br />

euros de dommages et intérêts à FO, à<br />

la CFDT et à la CGT, qui avaient bloqué<br />

le trafic lors d’une grève. [...]<br />

Bien que les magistrats répugnent à<br />

suivre ce genre de plaignants jusqu’au<br />

Sécurisons un peu 358<br />

bout, [... chaque] année, 5 à 10 % des<br />

budgets de la Confédération paysanne<br />

et de Greenpeace sont engloutis dans<br />

ces chicaneries judiciaires. [...]<br />

Certaines entreprises n’hésitent plus à<br />

traîner leurs propres salariés devant les<br />

tribunaux [... pour] un simple tract [...].<br />

Ainsi Abdel Mabrouki, délégué CGT chez<br />

Pizza Hut, a été attaqué en diffamation<br />

pour avoir dénoncé l’insécurité des<br />

conditions de travail, après la mort accidentelle<br />

d’un salarié de la boîte. [... Il fut]<br />

finalement relaxé [...].<br />

Depuis les années 90, une nouvelle<br />

génération de militants [Voir « Dans<br />

l’ère revue », p. 677]– qu’ils soient antinucléaires,<br />

anti-OGM ou défenseurs des<br />

sans-papiers, sans-abri ou chômeurs –<br />

flirte avec la ligne jaune par rapport au<br />

Code pénal : occupations d’Assedic et de<br />

c


locaux inhabités, opposition aux expulsions,<br />

etc. Nombre de syndicalistes se<br />

trouvent à leur côté. Ainsi, à Marseille,<br />

Charles Hoareau, responsable de la CGT,<br />

compte une quinzaine de procès à son<br />

actif. Entre autres méfaits, ce dangereux<br />

récidiviste a fracturé la porte d’un logement<br />

vide pour y loger une famille. “Il y<br />

a une criminalisation de la pauvreté.<br />

Nous sommes obligés de mener des<br />

actions aux limites de la légalité”<br />

explique ce syndicaliste remuant. [...]<br />

“Nos camarades sont régulièrement arrêtés<br />

et poursuivis”, s’indigne Romain<br />

Binazon, porte-parole de la Coordination<br />

régionale des sans-papiers. Comme<br />

Alain Hébert, militant de la CGT, il a été<br />

jugé pour outrage ou violence à l’encontre<br />

des forces de l’ordre. Et les accusations<br />

pour “destruction de biens” ou<br />

“bris de porte” sont légion. C’est au<br />

Conseil constitutionnel, qui a, le 2 mars<br />

[2004], censuré [modérément] la loi<br />

Perben II, que les associations qui aident<br />

les sans-papiers doivent de ne pas être<br />

traités comme des criminels.<br />

En revanche, leurs militants risquent fort<br />

d’être intégrés dans le Fnaeg, le fichier<br />

national automatisé des empreintes<br />

génétiques [Voir « Fnaeg, grand délit »,<br />

p. 393]. Lequel, depuis la loi sur la sécurité<br />

intérieure du 18 mars 2003, a ouvert<br />

ses portes aux syndicalistes, aux côtés<br />

des délinquants sexuels. En avril [2004],<br />

Charles Hoareau, de la CGT, a été<br />

convoqué par la police pour effectuer un<br />

prélèvement salivaire. Motif : il avait été<br />

condamné en janvier 2000 pour “violence<br />

volontaire” contre des policiers. [... Et]<br />

faute de s’être rendu à l’aimable invitation,<br />

il est [devenu] passible de 15 000<br />

euros d’amende et de 1 an de prison.<br />

[... Par contre, en 1999], le tribunal a<br />

conclu que les prévenus n’étaient pas les<br />

auteurs de la dévastation des bureaux<br />

de Dominique Voynet, alors ministre de<br />

l’Ecologie. [... Il] s’agissait de militants de<br />

la FNSEA. Les saccages des locaux administratifs,<br />

le déversement de fumier dans<br />

les préfectures par des syndicalistes paysans,<br />

la destruction de locaux de la Sécu<br />

par un petit syndicat fascisant de commerçants<br />

ont, de même, été rarement<br />

poursuivis ? Et les responsables de l’incendie<br />

du parlement de Bretagne, à<br />

Rennes, courent toujours. » [16] Mais le<br />

359 Sécurisons un peu


FNSEA, lui, a toujours bien voté.<br />

Par contre, désormais, on aura à l’œil les<br />

mauvais éléments [Voir « Rétifs = futurs<br />

génicidaires », p. 468].<br />

[1] : (Henri Laborit, « La Colombe assassinée », Grasset,<br />

1983, p. 156)<br />

[2] : (Salluste, « Conjuration de Catilina », XXXI, réed. GF-<br />

Flammarion, 1968, p. 49, trad. François Richard)<br />

[3] : (Ricardo Petrella, « Violences à Gênes, Criminaliser la<br />

contestation », Le Monde diplomatique, 8/2001, p. 6,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/08/PETREL-<br />

LA/15513)<br />

[4] : (Max Clos, « Bloc-Notes », Le Figaro, 14/09/2001,<br />

p. 20, cité par Acrimed, « Le terrorisme vient de tout, le<br />

terrorisme est partout », 24/11/2001 modif. 2/1/2002,<br />

http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=637)<br />

[5] : (Alain-Gérard Slama, Le Figaro Magazine, 15/9/2001,<br />

p.7, cité par Acrimed, op. cit.)<br />

[6] : (Alain-Gérard Slama, « Le pari de la modernité », Le<br />

Figaro, 19/11/2001, p. 14, cité par Acrimed, op. cit.)<br />

[7] : (Guy Sorman, « Bloc-notes », Figaro entreprises (Cahier<br />

Enquêtes) 17/9/2001, p. 3, cité par Acrimed, op. cit.)<br />

[8] : (Ivan Roufiol, « La loi du plus faible », Le Figaro<br />

16/11/2001, p. 12, cité par Acrimed, op. cit.)<br />

[9] : (« Correction d’agenda », Le Canard enchaîné,<br />

29/10/2003, p. 2)<br />

[10] : (« Tremblez, opposants à la mondialisation »,<br />

Editorial du Wall Street Europe, trad. in Courrier international,<br />

cité par Régis Boussières, Groupe Kronstadt, FA<br />

Lyon, « Anti-mondialisation et islamistes même combat ? »,<br />

18/10/2001, http://federation-anarchiste.org/ml/article.p<br />

hp3?id_article=911)<br />

[11] : (http://www.aclu.org)<br />

[12] : (Natasha Saulnier, « Le nouveau maccarthysme »,<br />

L'Humanité, 4/1/2002, http://www.humanite.presse.fr/jo<br />

urnal/2002-01-04/2002-01-04-26657)<br />

[13] : (Cf. le Rapport de l'International Pen,<br />

« Antiterrorisme, écrivains et liberté d'expression »,<br />

Londres, 11/2003, http://internationalpen.org.uk/dev/U<br />

pload/informe-fra.pdf, 1,2 Mo)<br />

[14] : (Ignacio Ramonet, « Antiterrorisme », Le Monde<br />

diplomatique, 3/2004, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/03/RAMONET/10722)<br />

[15] : (Xavier Bekaert, « Un Air de déjà-vu », Le Monde<br />

libertaire, 16/1/2003, http://www.cybertaria.net/ml/articl<br />

e.php3?id_article=1358)<br />

[16] : (Jérôme Canard, « Perben invite la justice à manier<br />

le bâton contre les mécontents », Le Canard enchaîné,<br />

28/7/2004, p. 4, reprod. in http://listes.rezo.net/archives/<br />

cip-idf/2004-08/msg00000.html)<br />

[17] : (« Arrêté du 24 juillet 2003 relatif à la protection du<br />

secret de la défense nationale dans le domaine de la protection<br />

et du contrôle des matières nucléaires », Journal<br />

Officiel, n° 183, 9/8/2003, p. 13859, reprod. in<br />

http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=actu<br />

alites&<strong>page</strong>=secret2)<br />

[18] : (« Secret défense : le nouveau scandale du nucléaire<br />

: Arrêté “Secret défense” du 24/7/2003 », Sortir du<br />

Nucléaire, n° 23, 12/2003, p. 2, http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=trimestriel&soussousmenu=info23&<strong>page</strong>=index)<br />

Sécurisons un peu 360<br />

Le 20<br />

octobre<br />

1 9 8 5 ,<br />

Broussard<br />

passe à<br />

l'action. Vers trois heures du matin, avec<br />

quelques fidèles, il explore le Paris by<br />

night. But de la manœuvre : passer au<br />

petit trot et en se montrant bien, devant<br />

les possibles objectifs d'attentats : édifices<br />

publics, ambassades, etc. Histoire<br />

de voir si, de ces endroits en principe<br />

surveillés, l'alerte est rapidement donnée.<br />

[… Le] préfet de police Guy Fougier<br />

et le directeur de la PJ parisienne Pierre<br />

Touraine n'ont pas trouvé désopilante<br />

les facéties de Broussard. […] "Une bavure<br />

est si vite arrivée, ont ils dit. Un de nos<br />

hommes, énervé, aurait pu ne pas<br />

reconnaître Broussard et lui tirer dessus".<br />

» [1] Les chefs de la police savent<br />

en effet très bien, eux, quelles sont les<br />

conséquences pratiques pour les<br />

citoyens de la belle lutte contre le terrorisme<br />

; et les risques encourus par les<br />

simples passants.<br />

Quelques mois plus tard, en juillet 1986,<br />

il y eu relance « de la polémique sur la<br />

politique sécuritaire du gouvernement à<br />

la suite de deux "bavures" policières<br />

ayant entraîné la mort de Loïc Lefèvre<br />

(le 5) et de [William] Normand<br />

(le 31). » [2] En particulier, dans la « Nuit<br />

du 4 au 5 juillet 1986, [à] Paris, rue<br />

Mogador […, le] CRS Burgos abat Loïc<br />

Lefevre, dans le dos. Le 7 juillet il est<br />

remis en liberté. Le 8 et 9 mai, de nombreux<br />

témoins affirment que le CRS n'a<br />

pas tiré en état de légitime défense. La<br />

reconstitution des faits se passe cependant<br />

selon la version de Burgos (sans<br />

témoins à charge). Son avocat est Maître<br />

[Henri René] Garaud » [3]. « Vice prési-


dent de l'association Légitime défense<br />

[...,] connu en tant qu'avocat de<br />

Christine Villemin [...], M e Henri René<br />

Garaud […] s'est institué impresario de<br />

sa cliente, en négociant l'exclusivité des<br />

déclarations et des photos de Christine<br />

Villemin auprès d'une agence spécialisée<br />

dans le showbiz. […] Cet avocat qui<br />

avait soutenu le tout nouveau concept<br />

de "légitime défense subjective" dans<br />

l'affaire de la rue Mogador a vu sa thèse<br />

réduite à néant par un témoin appartenant<br />

à sa propre association, le sous<br />

officier de réserve Pierre Chabot, qui a<br />

vu, lui, que Burgos avait tiré sans être<br />

menacé » [4].<br />

Après cette “bavure” de la « rue<br />

Mogador […, il] fallait, du côté policier,<br />

amener [... une] partie de l'opinion,<br />

[celle] que n'avait pas abusée la mise en<br />

scène de l'irresponsabilité de la police, à<br />

partager l'avis général d'un service de<br />

l'Etat plus souvent et systématiquement<br />

victime que coupable. Ainsi, lorsque<br />

moins d'une semaine plus tard, le siège<br />

de la B.R.B. (brigade de répression du<br />

banditisme) était la cible d'un attentat à<br />

l'explosif, [...] aucun journaliste [... n'a]<br />

émis l'hypothèse que, vis à vis d'une opinion<br />

publique quelque peu secouée et<br />

sortie de son habituelle léthargie, il était<br />

éminemment préférable d'avoir à présenter<br />

une police martyre plutôt qu'une<br />

police assassine. » [5]<br />

Mais on bava encore… Et le 15<br />

décembre 1986, « M. Peyrefitte [l’inoubliable<br />

ministre de la Justice de Valéry<br />

Giscard d’Estaing qui instaura les<br />

Quartiers de Haute Sécurité (Q.H.S.)<br />

dans les prisons françaises] échappe à<br />

un attentat : à Provins, une bombe fait<br />

exploser sa voiture, tuant l'employé<br />

municipal qui la conduisait. » [6]<br />

Chance ! « Pour une fois M et Mme<br />

Peyrefitte n'ont pas utilisé la voiture<br />

[mise à leur disposition par la mairie de<br />

Provins]. "Mon mari ne s'en est pas servi,<br />

précise Mme Peyrefitte. Par extraordinaire,<br />

il a pris sa vieille 504 pour voir comment<br />

elle marchait". » [7] « Les enquêteurs<br />

soupçonnent Action Directe d'être<br />

responsable de l'attentat. » [6]. Un train<br />

peut en cacher un autre, mais l'explosion<br />

de « [cette] bombe n'a certainement<br />

pas effacé des mémoires l'assassinat de<br />

Malik Oussekine [la nuit du 5 au 6<br />

décembre 1986] : tout le monde a tout<br />

de suite pensé qu'elle avait explosé précisément<br />

dans ce but. (Même Libération<br />

a laissé ouvertement dire dans son courrier<br />

des lecteurs ce qu'il se contentait<br />

d'insinuer par ailleurs.) » [8] Quel mauvais<br />

esprit !<br />

[1] : (Georges Marion, Le Canard enchaîné, 13/11/1985)<br />

[2] : (Le Débat, « Histoire des Idées en France 1945 1988.<br />

Une chronologie », Gallimard, Folio histoire, 10/1989,<br />

p. 430)<br />

[3] : (Parloir Libre - REFLEXes, "L'Etat Assassine : meurtres<br />

racistes et sécuritaires", hors-série n°1, 1992 p. 10)<br />

[4] : (L'Evénement du Jeudi, 31/12/1986)<br />

[5] : (Mezioud Ouldamer et Remy Ricordeau, « Le<br />

361 Sécurisons un peu


Mensonge cru », Siham, 1988, p. 29)<br />

[6] : (Edouard Masurel, « L'année 1986 dans Le Monde »,<br />

Gallimard, Folio, 1987, p. 192)<br />

[7] : (Le Monde, 16/12/1986)<br />

[8] : (Encyclopédie des Nuisances, n° 10, 2/1987, p. 243)<br />

(80, rue de Ménilmontant, F-75020 Paris)<br />

Les<br />

camions<br />

de l’armée<br />

avaient<br />

déjà été<br />

appelés à<br />

la rescousse, lors de grèves dans les<br />

transports, pour transporter les voyageurs<br />

frigorifiés.<br />

On peut aussi sortir les tanks… ou faire<br />

poser une bombe. Ainsi, le 10 juillet<br />

1985, fut organisée la destruction par<br />

« un attentat du bateau de l'association<br />

écologiste<br />

Greenpeace<br />

dans le port<br />

d'Auckland<br />

(Nouvelle Zélande).<br />

Un photographe<br />

est<br />

tué. […On]<br />

dévoilera [1] la<br />

responsabilité<br />

des services<br />

secrets français.<br />

L'"Affaire" provoquera<br />

la<br />

démission du<br />

ministre de la<br />

Défense,<br />

[Charles] Hernu<br />

». [2]<br />

La violence<br />

guerrière est la réponse par excellence à<br />

la contestation. Et « l’opinion pu-blique,<br />

qui s’élève contre une augmentation du<br />

budget de la police, pourra souvent se<br />

laisser persuader qu’[on] doit voter des<br />

crédits pour le ministère de la Défense<br />

Sécurisons un peu 362<br />

nationale, lequel contrôle d’habitude les<br />

forces paramilitaires sur le plan administratif.<br />

» [3]<br />

« Le ministère du Budget a reconnu [...]<br />

que les dépenses militaires de la France<br />

avaient augmenté de 9,2 % entre juillet<br />

2002 et juillet 2003. » [4] Et on sait « que<br />

le ministère de la défense employait, au<br />

31 juillet [2004], 327 500 militaires et<br />

77 397 civils. » [5]<br />

L’armée est faite pour faire la guerre ;<br />

mais pourquoi un gouvernement doit-il<br />

donc faire la guerre ? La guerre était<br />

déjà connue comme la continuation de<br />

la politique par d’autres moyens. « Ce<br />

n’était là [...] qu’une diplomatie renforcée,<br />

une manière plus énergique de<br />

négocier où les batailles et les sièges<br />

remplaçaient les protocoles ». [6] Mais ce<br />

principe n’est pas vrai que pour les relationsextérieures.<br />

L’auteur Maurice<br />

Joly le fait<br />

dire par<br />

Machiavel à<br />

Montesquieu :<br />

« A toute agitation<br />

intérieure,<br />

[le prince] doit<br />

pouvoir répondre<br />

par<br />

une guerre<br />

extérieure ; à<br />

toute révolution<br />

imminente<br />

par une guerre<br />

générale ; mais<br />

comme, en<br />

politique, les<br />

paroles ne doivent ja-mais être d'accord<br />

avec les actes, il faut que, dans ces<br />

diverses conjonctures, le prince soit<br />

assez habile pour cacher ses véritables<br />

desseins sous des desseins contraires ; il<br />

doit toujours avoir l'air de céder à la


pression de l'opinion quand il exécute ce<br />

que sa main a secrètement préparé ». [7]<br />

Un dirigeant peut donc se sentir obligé<br />

de faire la guerre quand le peuple gronde.<br />

Car comme dit George Orwell dans<br />

« 1984 » : « LA GUERRE C'EST LA PAIX<br />

[…]. Mais dans un sens matériel, la guerre<br />

engage un très petit nombre de gens<br />

qui sont surtout des spécialistes très<br />

entraînés et comparativement, cause<br />

peu de morts […]. Dans les centres civilisés,<br />

la guerre signifie surtout une diminution<br />

continuelle des produits de<br />

consommation et la chute, parfois,<br />

d'une bombe fusée qui peut causer<br />

quelques vingtaines de morts. […] La<br />

guerre est [en fait] menée par chaque<br />

groupe dirigeant contre ses propres<br />

sujets et l'objet de la guerre n'est pas de<br />

faire ou d'empêcher des conquêtes de<br />

territoires, mais de maintenir intacte la<br />

structure de la société ». [8]<br />

C’est donc assez économique.<br />

Rappelons nous, quand un spectre de<br />

révolte hantait l’Europe au début du XX e<br />

siècle, on ménageait moins le petit<br />

peuple. « En 1917, à Craonne, le général<br />

Nivelle déclencha un carnage sans<br />

précédent. Il y gagna ce mot :<br />

“Attaquons comme la lune !” Pour grimper<br />

au plateau de Californie, par le chemin<br />

des Dames, sur mille hommes partis,<br />

cent parvenaient à la première terrasse.<br />

Dix à la deuxième. Zéro, pendant trois<br />

semaines, sur le plateau. Cent morts à la<br />

minute : autre record battu. » [9]<br />

Au nom du juste combat, on peut tout<br />

faire passer. George Orwell écrivait déjà,<br />

en 1938, à propos de l'Espagne où il<br />

avait combattu les fascistes : « On pouvait<br />

toujours mater les ouvriers par le<br />

moyen d'un argument qui se laissait<br />

assez deviner tant il va de soi : "Il faut<br />

que vous fassiez ceci, et cela, et le reste,<br />

ou sinon nous perdrons la guerre." Et<br />

chaque fois, inutile de le dire, il se trouva<br />

que ce qu'exigeaient les nécessités<br />

militaires, c'était l'abandon d'une parcel-<br />

363 Sécurisons un peu


le de ce que les ouvriers avaient conquis<br />

pour eux-mêmes en 1936. Mais l'argument<br />

portait toujours ». [10] Si c’était<br />

vrai dans l’Espagne de 36, on imagine<br />

ce qu’il en est ailleurs.<br />

[1] : (L'Express, 16/8/1985)<br />

[2] : (Le Débat, « Histoire des Idées en France : 1945<br />

1988. Une chronologie », Gallimard, Folio, 10/1989,<br />

p. 421)<br />

[3] : (Edward Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique<br />

», Robert Laffont, 2/1969, p. 137)<br />

[4] : (Le Canard enchaîné, 10/9/2003, p. 2)<br />

[5] : (« MAM se serre en secret le ceinturon », Le Canard<br />

enchaîné, 11/8/2004, p. 2)<br />

[6] : (Carl von Clausewitz, « Vom Kriege », 1832, trad.<br />

Lieutenant-colonel De Vatry, « De la Guerre », ed. révisée<br />

et complétée par Jean-Pierre Baudet, Gérard Lebovici,<br />

1989, p. 833)<br />

[7] : (Maurice Joly, « Dialogue aux enfers entre Machiavel<br />

et Montesquieu », VI, 1864, réed. Allia, 4/1987, p. 90)<br />

[8] : (Georges Orwell, « 1984 », trad. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, 1950, réed. Folio, pp. 264, 283)<br />

[9] : (Bernard Thomas, « Terrorisme d’état-major », Le<br />

Canard enchaîné, 5/11/2003, p. 7, à propos du documentaire<br />

d’Alain Moreau et Patrick Cabouat, « Fusillés<br />

pour l’exemple », France 5, 16/11/2003)<br />

[10] : (George Orwell, « Hommage à la Catalogne »,<br />

Appendice I, 1938, trad. fr. Yvonne Davet, Champ libre,<br />

1981, p. 244)<br />

« Dans un<br />

document<br />

de 70<br />

<strong>page</strong>s,<br />

intitulé<br />

”Armée et<br />

sécurité intérieure”, et édité par le<br />

Centre d'études en sciences sociales<br />

de la défense (que subventionne le<br />

ministère du même nom), [... des<br />

experts] envisagent l’action “des<br />

forces armées dans des opérations de<br />

maintien de l’ordre intérieur”. Et ils<br />

laissent entendre que la tentation<br />

existe aujourd’hui d’y avoir<br />

recours. » [1]<br />

« Le 14 mai [2002], lors d’un séminaire<br />

organisé dans les locaux de Sciences-Po,<br />

à Paris, le colonel Ballarin, membre de<br />

l’état-major de l’armée de terre, a mangé<br />

Sécurisons un peu 364<br />

le morceau [...]. » [2] « “L’armée doit être<br />

prête à tous les scénarios, même les plus<br />

ininmaginables.” Avant d’ajouter devant<br />

une trentaine d’officiers et de professeurs<br />

: “Si je ne parlais pas ainsi de la<br />

sécurité intérieure, vous m’en voudriez…”<br />

[... Il] mériterait, en cas de<br />

troubles, que Chirac lui confie un ou<br />

deux régiments. Avec pour mission de<br />

montrer son savoir-faire dans quelques<br />

banlieues. Ce nouvel “art de la guerre”<br />

ne peut en effet se réduire à un simple<br />

exposé d’intentions ». [1]<br />

« La sécurité intérieure et les banlieues,<br />

cela démange certains gradés, voire<br />

quelques généraux, fiers paraît-il d’une<br />

relative expérience du “contrôle des<br />

foules” acquise au Kosovo. » [2] Ainsi,<br />

« formées au “maintien de l’ordre en<br />

agglomération”, plusieurs unités de [la<br />

3 e brigade mécanisée de l’armée de<br />

terre sont parties] s’installer au Kossovo.<br />

[...] Ce genre de mission, les états-majors<br />

l’ont baptisée “projection extérieure”.<br />

Et, comme cela peut aller de soi dans<br />

une armée de professionnels qui ne<br />

compte plus dans ses rangs d’appelés du<br />

contingent, de braves généraux ont<br />

réfléchi au concept de “projection intérieure”<br />

[...] : toujours le contrôle des<br />

foules et le maintien de l’ordre, mais<br />

cette fois en France, aux côtés des policiers<br />

et des gendarmes, dans le cas où<br />

les fameux GIR (groupements d’intervention)<br />

chers à Sarkozy, seraient “débordés”<br />

par de véritables émeutiers. Bien<br />

sûr, il faudrait alors que le gouvernement<br />

ait la tentation et l’audace d’en<br />

décider ainsi.<br />

[... Telle est l’évolution] de la pensée militaire<br />

[...] sur de pareilles missions [...]<br />

face à un éventuel “ennemi intérieur”<br />

» [1]. Dans cet esprit, du « 5 au 11<br />

septembre [2002], 7 000 soldats [se sont<br />

entraînés] aux diverses techniques de<br />

“contrôle des foules” [...] et à la contre-


guérilla urbaine » [1] « En février [2002],<br />

déjà, un manuel d’emploi des forces en<br />

zone urbaine était en cours de préparation<br />

au Commandement de la doctrine<br />

et de l’enseignement militaire supérieur.<br />

Une mission dite “de projection intérieure”<br />

[... y était] évoquée. [... Et en mars<br />

2003], l’état-major de l’armée de terre<br />

évoquait même ses besoins [...] pour le<br />

contrôle des foules : balles [dites] en<br />

caoutchouc, canons à eau, herses<br />

contre les véhicules béliers, filets à jeter<br />

sur les manifestants pour les immobiliser,<br />

mousses qui les engluent au sol, lasers<br />

éblouissants, grenades assourdissantes,<br />

[...].<br />

Autre projet [qu’il leur a fallu faire avancer],<br />

la création au camp de Sissonne<br />

(Aisne) d’un centre d’entraînement en<br />

zone urbaine » [2], « un Cenzur en, langage<br />

état-major. » [1] « Sur une centaine<br />

d'hectares, [...] l'armée française va<br />

reconstituer une ville de 4 000 habitants<br />

» [3], « une “zone bâtie”, avec des<br />

bâtiments de tous types “permettant de<br />

s’entraîner sur différents scénarios” [...].<br />

Avec gare, entrepôts, HLM (avec<br />

meubles inclus parfois !), égouts,<br />

trappes » [2], « surfaces commerciales<br />

[...], dédale de rues, carrefours, […<br />

Cette] “zone bâtie” [...] serait à l’image<br />

de certains quartiers de banlieue. Mais<br />

cette pimpante zone de jeux ne sera<br />

prête à accueillir des manœuvres [qu’à<br />

partir de <strong>2005</strong> au plus tôt]. » [1]<br />

Cependant, certains mauvais esprits<br />

« militaires sont hostiles à cette implication<br />

de l’armée dans le maintien de<br />

l’ordre intérieur [... Ils ont] l’appui des<br />

patrons de la gendarmerie. » [2] En<br />

attendant de vaincre ces résistances, la<br />

gendarmerie est déjà la continuation de<br />

la police par d’autres moyens. « Le<br />

ministre de l'Intérieur Dominique de<br />

Villepin [...] s'est félicité de ce que depuis<br />

l'automne 2004, "chacun des deux services<br />

(police et gendarmerie) peut avoir<br />

accès aux informations de l'autre", tandis<br />

qu'auparavant les fichiers de délinquants<br />

de la police (STIC) et de la gen-<br />

365 Sécurisons un peu


darmerie (JUDEX) étaient distincts [Voir<br />

« Fume le STIC avant le baiser de<br />

JUDEX », p. 449]. Mais il veut aller plus<br />

loin : "en 2010, on peut prévoir la fusion<br />

des (deux) fichiers [... En attendant,] en<br />

2006, les échanges seront généralisés<br />

sur Internet sécurisé" » [4]<br />

Et bientôt, ces fichiers unifiés pourront<br />

servir au maintien de l’ordre social par<br />

l’armée. Il y a presque dix ans, « lors d'un<br />

dîner-débat organisé par Géopolitique et<br />

Défense (une association d'anciens de<br />

Sciences-Po) le 30 septembre 1996, le<br />

général Jean-Philippe Douin, chef d'étatmajor<br />

de l'armée de l'air aurait commenté<br />

le passage à l'armée de métier en ces<br />

termes : "Pour la sécurité intérieure,<br />

mieux vaut avoir 35 000 soldats professionnels<br />

que 70 000 appelés. Ils sont<br />

plus motivés et on peut leur faire<br />

confiance. On sait par exemple qu'ils<br />

n'hésiteront pas à tirer sur la foule." » [5]<br />

[1] : (Claude Angeli, « L’armée de terre candidate au maintien<br />

de l’ordre intérieur », Le Canard enchaîné,<br />

28/8/2002, p. 3)<br />

[2] : (Claude Angeli, « Les banlieues font rêver certains<br />

militaires », Le Canard enchaîné, 5/6/2002, p. 3)<br />

[3] : (Jacques Isnard, « Sissonne bâtit une ville-fantôme<br />

pour le combat de rue », Le Monde, 15/11/2003)<br />

[4] : (« Fusion des fichiers police-gendarmerie en 2010 »,<br />

nouvelobs.com, 14/1/<strong>2005</strong>, http://permanent.nouvelobs.com/societe/<strong>2005</strong>0114.OBS6233.html)<br />

[5] : (« Militarisation de la police », Notes d'information du<br />

Réseau Voltaire, 11/11/1996, d’après Le Canard enchaîné)<br />

Sécurisons un peu 366<br />

« Au lendemain<br />

des attentats<br />

du 11<br />

septembre<br />

2001,<br />

Donald<br />

Rumsfeld<br />

annonçait que la “guerre au terrorisme”<br />

impliquerait une militarisation de toute<br />

la société états-unienne.<br />

Il écrivait alors dans le New York Times :<br />

“Les costumes rayés des banquiers et les<br />

fringues râpées des programmateurs<br />

constitueront les uniformes de ce conflit<br />

aussi assurément que le seront les<br />

camouflages du désert”.<br />

Ce thème, caractéristique de l'installation<br />

des régimes totalitaires, surgit<br />

[ensuite] dans les débats publics ». [1]<br />

« Les partisans de la militarisation des<br />

États-Unis, réunis au sein de la très officielle<br />

Commission Gilmore, ont préconisé<br />

des mesures d'exceptions depuis<br />

1999, mais n'ont obtenu satisfaction<br />

qu'après les attentats du 11 septembre.<br />

Leur cinquième rapport [2] [..., fin<br />

2003,] préconise de hisser la lutte antiterroriste<br />

au dessus de toutes les autres<br />

activités gouvernementales, d'impliquer<br />

la société civile et d'étendre les compétences<br />

de l'armée en matière de renseignement,<br />

d'enquête et de répression. La<br />

Commission propose de dépasser l'antagonisme<br />

entre libertés et sécurité en dissolvant<br />

la distinction entre civil et militaire.<br />

[... Par discrétion,] Donald Rumsfeld n'y<br />

siège plus depuis qu'il est secrétaire à la<br />

Défense, ni L. Paul Bremer III depuis qu'il<br />

fait régner la liberté en Irak. [...] La<br />

Commission préconise de “Forger une<br />

nouvelle normalité états-unienne” [...<br />

qui] intégrerait la lutte contre le terrorisme<br />

à tous les échelons de la société dans<br />

toutes les activités humaines. Elle recon-


« 1 ere Compagnie. Basé sur le modèle Américain BootCamp, les téléspectateurs sont transportés<br />

au beau milieu d'un camp militaire. Au programme, corvées [...] sous l’ordre de<br />

chefs militaire. Le but étant de tester leur résistance à l’autorité et à la discipline. » [1]<br />

[1] : (Sadry, « La Première compagnie ! », 5/2/<strong>2005</strong>, http://www.realtv-fr.net repris alors par http://www.telerealite-web.com)<br />

naîtrait un rôle plus important encore<br />

aux militaires du NorthCom pour sécuriser<br />

le pays, autorisant ainsi leur intervention<br />

dans la vie civile. Elle mobiliserait<br />

aussi le patronat pour la protection<br />

du “mode de vie” comme pour la délation<br />

des suspects.<br />

Pleinement consciente des atteintes possibles<br />

aux libertés individuelles, la<br />

Commission Gilmore [...] ne propose [...]<br />

que la création d'un Comité d'éthique<br />

bipartisan qui donnerait des avis sur la<br />

proportionnalité des restrictions de libertés<br />

par rapport aux gains de sécurité.<br />

Cette disposition ne semble avoir pour<br />

objectif réel que de garantir un consensus<br />

social autour de l'instauration d'une<br />

société toujours plus militarisée. » [3]<br />

Certes, il existe une résistance à la militarisation<br />

des USA mais cette dernière<br />

progresse.<br />

[1] : (Réseau Voltaire, « Militarisation de la société civile étatsunienne<br />

», Tribunes libres internationales, 18/11/2003)<br />

[2] : (« Forging America's New Normalcy - Securing Our<br />

Homeland, Protecting Our Liberty ». « Forger la nouvelle normalité<br />

américaine. Ve Rapport annuel au Président et au<br />

Congrès du Comité consultatif d'évaluation des capacités de<br />

réponse intérieure au terrorisme impliquant des armes de destruction<br />

massive », 15/12/2003. http://www.rand.org/nsrd/t<br />

errpanel/volume_v/volume_v.pdf (Pdf : 7900 Ko))<br />

[3] : (« “Forger la nouvelle normalité américaine”. Recours à<br />

l'armée face à l'ennemi intérieur », Voltaire, 18/12/2003,<br />

pp. 2-4, http://www.voltairenet.org/article11639.html)<br />

367 Sécurisons un peu


368


Nous avons déjà abordé ailleurs<br />

le problème de la surveillance<br />

[Voir Liquidation Totale n° 0] :<br />

« Sommes-nous réellement, selon l'expression<br />

de Benjamin Franklin, prêts<br />

à échanger nos libertés fondamentales<br />

contre un peu plus de sécurité,<br />

fût cette dernière illusoire ? » [1]<br />

« La sécurité mondiale et la "guerre<br />

contre le terrorisme" dominent<br />

aujourd'hui le programme politique<br />

au niveau international. Sous la poussée<br />

des États-Unis, un nombre croissant<br />

de mesures "antiterroristes" et<br />

de "sécurité" sont adoptées par des<br />

pays du monde entier. Ce nouveau<br />

paradigme « sécuritaire » sert à restreindre<br />

les libertés et à accroître les<br />

pouvoirs policiers de façon à exercer<br />

un contrôle toujours plus grand sur<br />

les personnes et les populations.<br />

Dans ce contexte, les gouvernements<br />

ont lancé plusieurs initiatives visant à<br />

mettre en place une infrastructure<br />

mondiale de fichage et de surveillance.<br />

Cette infrastructure permettra de<br />

"ficher" des citoyens, partout dans le<br />

monde, de surveiller les déplacements<br />

à l'échelle de la planète, de<br />

Survie surveillée 370<br />

suivre et d'intercepter facilement les<br />

communications et les transactions<br />

électroniques, et de conserver les renseignements<br />

recueillis dans des bases<br />

de données publiques et privées sur<br />

des individus, de coupler ces renseignements,<br />

de les analyser et de les<br />

mettre à la disposition des agents des<br />

services de sécurité.<br />

L'objectif [.. est en fait] la surveillance<br />

globale de populations entières. La<br />

capacité technologique et la portée<br />

mondiale de cette infrastructure en<br />

font un projet de contrôle social sans<br />

précédent. [... Les] États-Unis et<br />

d'autres pays se servent déjà sans<br />

détours des renseignements ainsi<br />

recueillis et échangés entre eux pour<br />

réprimer l'opposition, fermer les frontières<br />

aux réfugiés et aux militants,<br />

ainsi que pour arrêter et détenir des<br />

gens sans motif valable.<br />

Tout cela se produit alors que les<br />

États-Unis et leurs alliés maintiennent<br />

un réseau de prisons secrètes et<br />

extra-territoriales partout dans le<br />

monde, dans lesquelles [on ne sait<br />

combien de] personnes [...] sont<br />

détenues arbitrairement [... pour des<br />

durées] indéfinies et soumises à la<br />

torture. » [2]<br />

« Mais pas de panique : vous n'avez<br />

rien à vous reprocher. » [3]<br />

[1] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org/2<br />

006/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[2] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, 1,5 Mo<br />

= « Développement d'un Vaste Système de Fichage et de<br />

Surveillance à Grande Échelle », http://www.icams.org/Surveillance_intro_Fr.html,<br />

d'après « The<br />

Emergence of a Global Infrastructure for Mass Registration<br />

and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf)<br />

[3] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)


Il n'y a encore que 13 « Etats membres<br />

participant à "l'espace Schengen" [...],<br />

le Royaume-Uni, l'Irlande et les 10<br />

nouveaux pays n'en faisant pas encore<br />

partie » [1], mais « [l'Irlande] et la<br />

Grande-Bretagne peuvent participer à<br />

tout ou partie de l'acquis Schengen. La<br />

Norvège et l'Islande, [extérieures à l'UE,]<br />

ont un statut d'associé qui leur donne<br />

tous les droits sauf celui de participer<br />

aux décisions » [2]. Et les « exigences [de<br />

l’accord de Schengen] font partie de l’acquis<br />

communautaire que les nouveaux<br />

membres de l’Union devront intégrer<br />

» [3] : cet « l’accord [..., signé] en<br />

1985 par la France, l’Allemagne, le<br />

Luxembourg, la Belgique et les Pays-<br />

Bas [4], [...] s’est étendu » [3] tranquillement.<br />

« La Convention de Schengen, adoptée<br />

en 1990, garantit la libre-circulation des<br />

personnes [... dans grosso modo]<br />

l'Union européenne. [... Un] système de<br />

protection de la frontière unique de cet<br />

espace a été créé, [... avec] un mode de<br />

transmission d'information entre les<br />

polices des États signataires. Les législateurs<br />

ont admis que des données nominatives<br />

personnelles puissent être transmises<br />

d'un État à l'autre, bien que cela<br />

porte atteinte aux droits des individus,<br />

[... pour compenser le fait qu’ils puissent]<br />

bénéficier de la libre-circulation.<br />

» [5]<br />

« Dans le quartier du Neuhof, à<br />

Strasbourg, un bâtiment sous haute<br />

garde, de classe "antiterroriste", abrite<br />

l’ordinateur central du Système d’information<br />

Schengen (SIS) [..., qui stocke]<br />

des millions d’informations sur les étrangers<br />

interdits de séjour en Europe, les<br />

criminels recherchés, les véhicules volés,<br />

les armes et les suspects à placer sous<br />

surveillance.<br />

A tout instant, depuis des milliers de terminaux<br />

installés un peu partout en<br />

Europe, les autorités peuvent vérifier si<br />

tel étranger est inscrit au registre du SIS.<br />

Les chiffres [... de fin 2001] indiquaient<br />

que la base de données Schengen<br />

contenait plus de dix millions d’enregistrements,<br />

dont environ 15 % concernaient<br />

des personnes. Une analyse complémentaire<br />

permet d’établir que 90 %<br />

de ces dernières appartiennent à la catégorie<br />

des "étrangers indésirables".<br />

Il est difficile d’évaluer l’efficacité du dispositif<br />

: officiellement, en 1999, le fichier<br />

371 Survie surveillée


a établi 54 000 recoupements [6] ;<br />

depuis cette date, les Etats membres [...]<br />

n’ont plus publié de rapports annuels<br />

sur le fonctionnement du SIS. On peut<br />

toutefois s’attendre à ce que ces chiffres<br />

décuplent [... très vite]. » [3]<br />

« Un document interne du groupe de<br />

Schengen le souligne : "L’idée d’utiliser<br />

les données du SIS pour d’autres objectifs<br />

que ceux prévus initialement, et spécialement<br />

pour des buts d’information<br />

policière au sens large, fait maintenant<br />

l’objet d’un consensus large qui rejoint<br />

les conclusions du Conseil [européen]<br />

après les événements du 11<br />

septembre" [7]. Le "consensus large"<br />

évoqué par les policiers européens ne<br />

procède pas d’un débat public : il émerge<br />

des réunions secrètes tenues dans les<br />

arrière-salles de l’Union européenne.<br />

» [3]<br />

Le « Système d'information Schengen<br />

(SIS) [... étant] devenu un outil de<br />

l'Union, le Conseil européen a souhaité<br />

l'utiliser pour développer la coopération<br />

policière et judiciaire. [... Le] système [a<br />

été] modernisé pour remplir de nouveaux<br />

objectifs, sans que l'on se soit préoccupé<br />

de faire évoluer ses fondements<br />

juridiques. En l'absence d'un contrôle<br />

adéquat de ce méga-fichier, il ne peut<br />

[évidemment] en résulter que de graves<br />

atteintes aux droits de l'homme.<br />

L'histoire du Système Schengen est [...]<br />

liée aux différents “clubs” réunissant les<br />

services secrets ouest-européens pendant<br />

la Guerre froide, sous la houlette<br />

des États-Unis [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38]. Mais on ignore avec précision<br />

dans quelles enceintes il a été conçu et<br />

qui l'a négocié. [...] Ainsi le rapporteur<br />

au Parlement européen, [...] Carlos<br />

Coelho, pourtant globalement favorable<br />

au projet, écrit que “cette approche est<br />

extrêmement opaque et difficile à com-<br />

Survie surveillée 372<br />

prendre, même pour des experts ; elle<br />

est véritablement incompréhensible<br />

pour un citoyen moyen. Elle n'est pas<br />

très démocratique, dans la mesure où les<br />

propositions législatives formelles ne<br />

voient le jour qu'après des années de<br />

débat dans divers groupes de travail du<br />

Conseil et uniquement après qu'un<br />

consensus a été trouvé entre les États<br />

membres” [8]. » [5]<br />

Après « le 11 septembre 2001 [Voir<br />

« Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 610] [...], le<br />

département d'État a souhaité [... une]<br />

modernisation [... du fichage mondial]<br />

compatible avec les fichiers [...] de l'USA<br />

Patriot Act [Voir « [Dernier acte patriotique<br />

», p. 329] [...] exploitables [notamment]<br />

par le programme Total<br />

Information Awareness [9] [Voir « T'y as<br />

tout », p. 456].<br />

Fin 2003, l’« Union européenne [...<br />

adopte] le “Système d'information<br />

Schengen II”. [... En 1990,] Schengen I<br />

visait [... d’abord] à contrôler les flux<br />

migratoires. Concocté par le département<br />

d'État [US], Schengen II est présenté<br />

en Europe par l'Espagne [d'Aznar] qui<br />

relaye [...] l'administration Bush » [5], « a<br />

proposé de faire du SIS un moyen de<br />

lutte contre l'infiltration de terroristes<br />

étrangers dans l'espace européen » [5]<br />

et « tente d'en faire un USA Patriot Act<br />

européen. Il permettra de contrôler certaines<br />

populations dans le cadre de la<br />

Guerre globale au terrorisme. Les fichiers<br />

de cet “Euro Patriot Act” ont [... évidemment]<br />

été conçus pour être exploités<br />

outre-Atlantique. » [5]<br />

On [10] « a immédiatement relevé l'usage<br />

[… possible] du SIS II pour “tracer” les<br />

opposants à la mondialisation [Voir<br />

« Contestation = Crime », p. 355] et les<br />

empêcher de manifester comme ils le<br />

firent à Göteborg et Florence. » [5] [Voir<br />

« J'ai ouï "Tue !" » 468]


« La "mise à niveau", présentée comme<br />

technique, du système d’information<br />

Schengen sert de paravent à un glissement<br />

de ses objectifs, de l’accompagnement<br />

de la liberté de circulation vers la<br />

constitution d’une base de données de<br />

surveillance et d’enquête. » [3]<br />

« Le Parlement européen [a validé] le<br />

projet de transformation du “Système<br />

d'information Schengen”. [Présenté]<br />

comme une simple modernisation informatique,<br />

ce projet marque en réalité<br />

une rupture complète avec ce qui [...<br />

préexistait] et vise à rendre compatibles<br />

les fichiers européens avec les fichiers<br />

mis en place aux États-Unis par l'administration<br />

Bush dans le contexte de sa<br />

“Guerre globale au terrorisme” [Voir<br />

« Harmonie technique », p. 473].<br />

[... La] proposition [...] est de fusionner<br />

le [... SIS I] avec les bases de données<br />

d'Europol et d'Eurojust et d'y ajouter des<br />

données biométriques [Voir « Label<br />

Bio », p. 388] (photographies de visage<br />

numérisées et empreintes digitales) » [5],<br />

et pourquoi pas « les empreintes ADN<br />

[Voir « A des haines », p. 388] [..., etc ?]<br />

En reliant aux fichiers des systèmes de<br />

reconnaissance faciale [Voir « Bon<br />

profil », p. 388] et de l’iris des yeux, le<br />

SIS-II permettrait une meilleure identification<br />

des personnes contrôlées. » [3]<br />

Le « SIS-II risque de crouler sous l’information<br />

non vérifiée. Un rapport de la<br />

Cour des comptes néerlandaise, datant<br />

de 1999, a établi que la partie néerlandaise<br />

du SIS était alors très "sale". Le<br />

bureau néerlandais du procureur, par<br />

exemple, ne notifiait pas [à] la police<br />

lorsqu’il abandonnait les charges pesant<br />

sur un suspect. Ceux-ci restaient donc<br />

enregistrés comme "suspects" dans le<br />

fichier Schengen » [3]. Et « il faudra peu<br />

de temps pour que, au-delà des faits,<br />

l’on y inclue aussi des suspicions ou des<br />

rumeurs » [3] ; « l'Autorité de contrôle,<br />

apte à corriger les erreurs de ce mégafichier,<br />

à empêcher les usages abusifs et<br />

à restreindre les accès, [... ne devant]<br />

pas voir le jour avant plusieurs<br />

années. » [5]<br />

« Les citoyens de l’Union européenne<br />

ont le droit de vérifier si leur "casier<br />

Schengen" est correctement renseigné.<br />

Mais les procédures sont différentes<br />

dans tous les Etats membres, et rares<br />

sont ceux qui connaissent leurs droits.<br />

Depuis 1998, le Joint Supervisory<br />

Authority of Schengen (JSA) [11], responsable<br />

de la conformité de l’accord de<br />

Schengen avec les droits de la personne,<br />

produit une brochure d’information. Aux<br />

Pays-Bas, celle-ci [n'a été] distribuée<br />

[qu’au début de 2003] ; la Belgique l’a<br />

déjà mise en circulation deux fois ; la<br />

France jamais. » [3]<br />

« En 2006, le [... SIS II devait permettre] de<br />

poursuivre toutes sortes d'infractions<br />

internes à l'espace Schengen et de transmettre<br />

des mandats d'arrêts européens [...,<br />

le FBI pouvant] y avoir accès. [... Le] SIS II<br />

répond à une problématique imposée par<br />

l'administration Bush et jamais débattue en<br />

Europe : nous devrions faire face à un ennemi<br />

extérieur, l'islamisme, qui tenterait de s'infiltrer<br />

dans nos sociétés pour les subvertir<br />

[Voir « Bâtissons le Conflit de<br />

Civilisations », p. 566]. Et [...] l'étape suivante<br />

[... sera d’affirmer] que l'ennemi est déjà<br />

[... là et] dispose d'une “5 e colonne” [...]. On<br />

proposera [...] d'utiliser le SIS II pour contrôler<br />

certaines populations européennes,<br />

comme les fichiers créés par le FBI en application<br />

de l'USA Patriot Act servent à le faire<br />

outre-Atlantique. Des fichiers [qui sont]<br />

déjà prévus pour être compatibles et exploités<br />

en ce sens. » [5]<br />

[1] : (« Vers une banque de données biométriques pour<br />

les visas », Libération, 7/1/<strong>2005</strong>, http://www.liberation.fr/<br />

<strong>page</strong>.php?Article=266616, reprod in « Afin de lutter<br />

373 Survie surveillée


contre l’immigration clandestine en Europe. Nouvelle<br />

banque de données biométriques sur les visas d’entrée de<br />

court séjour », Le Matin, Casablanca, 10/1/<strong>2005</strong>, http://w<br />

ww.sozoala.com/gibraltar-clandestins/lematin.htm,<br />

d'après Reuters, 7/1/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (« Qu'est-ce que l'Espace Schengen ? », viepublique.fr,http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/europe/europe_1_3_0_q6.htm)<br />

[3] : (Jelle Van Buuren, « Fichage policier encouragé. Les<br />

tentacules du système Schengen », Le Monde diplomatique,<br />

3/2003, p. 8, http://www.mondediplomatique.fr/2003/03/VAN_BUUREN/9970)<br />

[4] : (http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/1992/0<br />

512307/0512307.pdf#<strong>page</strong>=4)<br />

[5] : (« L'Europe adopte Schengen II. “L'Euro Patriot Act” »,<br />

Voltaire, 17/11/2003, http://www.voltairenet.org/article<br />

11121.html)<br />

[6] : (Justice (http://www.justice.org.uk), « The Schengen<br />

Information System - a human rights audit », Londres,<br />

2000)<br />

[7] : (European Council, « New functions of the SIS-II »,<br />

5968/02, Limite, Bruxelles, 5/2/2002, http://www.statewatch.org/news/2002/apr/sis05968.pdf)<br />

[8] : (http://www.carloscoelho.org)<br />

[9] : (Thierry Meyssan, « “Connaissance totale de l’information”.<br />

L’œil du Pentagone », Voltaire, 18/11/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8734.html)<br />

[10] : (http://www.statewatch.org)<br />

[11] : (Commission nationale pour la protection des données,<br />

« L'autorité commune de contrôle Schengen », s.d.,<br />

http://www.cnpd.lu/fr/commission/article17/jsa_schengen/index.html)<br />

On a mis en forme le mouvement<br />

pour les étrangers à l’Union<br />

Européenne... C'est VIS.<br />

La « Commission Européenne [...] a<br />

décidé d'appliquer les [mêmes]<br />

mesures que les Américains [...]<br />

imposent aux étrangers qui veulent<br />

se rendre dans l'un de ses Etats<br />

membres. Dorénavant les visas et les<br />

permis de séjour des étrangers seront<br />

munis d'une puce électronique contenant<br />

le scannage du visage et les<br />

empreintes digitales du titulaire. Les<br />

Survie surveillée 374<br />

compagnies aériennes atterrissant dans<br />

un aéroport européen devront communiquer<br />

les données personnelles [...<br />

qu'elles ont sur les] passagers à<br />

bord [1]. » [2] [Voir « Paix et Nerfs »,<br />

p. 421]<br />

« La Commission européenne a présenté<br />

[... début <strong>2005</strong>] ses propositions sur les<br />

modalités techniques du "Visa<br />

Information System" (VIS), une "commande"<br />

des gouvernements de l'Union<br />

[... pour] permettre aux Etats membres<br />

participant à "l'espace Schengen" [...] de<br />

pouvoir prendre connaissance sans délai<br />

de l'octroi d'un visa de court séjour de<br />

trois mois par les autorités nationales de<br />

l'un d'entre eux - ou du refus de le délivrer.<br />

» [3] « Les pays de l'Union européenne<br />

[UE] devraient disposer à partir<br />

de 2007 d'une banque de données biométriques<br />

sur les visas d'entrée de court<br />

séjour afin de lutter contre l'immigration<br />

illégale et le terrorisme. [...] Dès<br />

2007, » [3] « les renseignements sur<br />

chaque demande de visa présentée aux<br />

25 pays membres, y compris » [4] « les<br />

données biométriques (empreintes digitales<br />

et photo digitalisée) des demandeurs,<br />

ainsi que leurs antécédents judiciaires,<br />

seront introduites dans le VIS,<br />

imitant ce qui se passera pour les passeports<br />

européens dès [<strong>2005</strong>]. » [3] [Voir<br />

« Pas sport ? », p. 382] Les données de ce<br />

« registre des étrangers à l'échelle de<br />

l'UE » [4] « seront [stockées]<br />

dans une base de données<br />

centrale. Ces<br />

fichiers seront mis à<br />

la disposition des<br />

organismes chargés de<br />

l'application de la loi et<br />

de [la] sécurité dans<br />

toute l'UE. » [4]<br />

Et pour le « quart des<br />

demandes [qui] sont refusées<br />

[..., le] VIS contiendra


[...] toutes les données nécessaires, y<br />

compris la raison du refus [...]. La mise<br />

en place du VIS est estimée par la<br />

Commission à 153 millions d'euros [de<br />

<strong>2005</strong> à] 2013, soit un supplément de<br />

deux à trois euros de plus par visa. » [3]<br />

« Quant aux étrangers auxquels on refuse<br />

l’accès au territoire européen, ils se<br />

retrouvent piégés dans un labyrinthe<br />

juridique : de la sorte, si l’Italie leur refuse<br />

l’accès sur la base d’un enregistrement<br />

fait au SIS par la France, ils sont<br />

censés former un éventuel pourvoi<br />

devant les tribunaux [en France,] où il<br />

leur est interdit de se rendre. » [5] Ça<br />

pourrait pourtant ne pas suffire. Il faudra<br />

sans doute quelques tours de VIS supplémentaires.<br />

[1] : (Cf. Th. Fuller, « Europe Agrees to let US Get Passport<br />

Data », The New-York Times, 18/5/2004)<br />

[2] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[3] : (« Vers une banque de données biométriques pour<br />

les visas », Libération, 7/1/<strong>2005</strong>, reprod in « Afin de lutter<br />

contre l’immigration clandestine en Europe. Nouvelle<br />

banque de données biométriques sur les visas d’entrée de<br />

court séjour », Le Matin, Casablanca, 10/1/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.sozoala.com/gibraltarclandestins/lematin.htm,<br />

d'après Reuters, 7/1/<strong>2005</strong>)<br />

[4] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[5] : (Jelle Van Buuren, « Fichage policier encouragé. Les<br />

tentacules du système Schengen », Le Monde diplomatique,<br />

3/2003, p. 8, http://www.mondediplomatique.fr/2003/03/VAN_BUUREN/9970)<br />

« Peu après l'indépendance [des<br />

Etats-Unis], le Parti fédéraliste tenta<br />

de protéger le pays de l'influence de<br />

la Révolution française.<br />

Il fit adopter, en 1798, la loi sur les étrangers<br />

et la sédition (Alien and Sedition<br />

Act) donnant au président John Adams<br />

le pouvoir discrétionnaire de faire [...]<br />

incarcérer toute personne critiquant sa<br />

politique ou les institutions. Au pays de<br />

la libre expression, les fédéralistes en<br />

firent usage pour museler Thomas<br />

Jefferson et ses partisans.<br />

Le 29 juin 1940, le Congrès adopta la loi<br />

d'enregistrement des étrangers (Alien<br />

Registration Act, dit Smith Act [1]) pour<br />

protéger le pays de l'influence de la<br />

révolution russe. Non seulement l'entrée<br />

sur le territoire fut interdite aux communistes<br />

(et sous Eisenhower aux gays),<br />

mais en quatre mois, l'administration<br />

Roosevelt releva les empreintes digitales<br />

et ficha les opinions politiques de<br />

4 741 971 étrangers de plus de 14 ans.<br />

375 Survie surveillée


Ils furent contraints de se présenter<br />

annuellement à la police jusqu'en 1953.<br />

De cette loi, plusieurs fois modifiée,<br />

découle le formulaire d'entrée sur le territoire<br />

états-unien dont la naïveté<br />

enchante les voyageurs. Chacun doit<br />

garantir par écrit qu'il ne représente pas<br />

de danger pour l'ordre public. » [2] Des<br />

questions du genre « Avez-vous l’intention<br />

d'assassiner le président des Etats-<br />

Unis ? » interdisent l’entrée aux Etats-<br />

Unis aux plaisantins qui répondent<br />

« oui ». Mais maintenant, on est devenu<br />

sérieux.<br />

« Les États-Unis, dont la force vive a historiquement<br />

été constituée par l'immigration,<br />

mènent désormais une politique<br />

de méfiance à l'égard des immigrés,<br />

considérés comme une menace à la<br />

sécurité nationale. Peu après le 11 septembre,<br />

le Département de la Justice, a<br />

déployé d'énormes moyens pour la surveillance<br />

et la détention d'étrangers [...,<br />

venant notamment] de pays arabes,<br />

musulmans et d'Asie du sud. » [3]<br />

« Depuis le 11 septembre, [les étrangers,<br />

en effet,] sont tous devenus des "terroristes"<br />

potentiels. Les [...] dispositions<br />

législatives prévoient de ficher les données<br />

biométriques, les opinions politiques<br />

et les convictions religieuses, des<br />

23 millions de visiteurs annuels. [...]<br />

Renouant avec les périodes les plus<br />

noires de leur histoire, les États-uniens<br />

développent une hantise de l'étranger,<br />

perçu comme un terroriste potentiel, et<br />

adoptent des comportements xénophobes.<br />

» [2]<br />

« On a [aussi] découvert que 65 millions<br />

de Mexicains, 31 millions de Colombiens<br />

et 18 millions de Centre-Américains<br />

étaient fichés aux Etats-Unis à leur insu.<br />

Sur chaque fiche figurent la date et le<br />

lieu de naissance, le sexe, l’identité des<br />

parents, une description physique, la<br />

Survie surveillée 376<br />

situation matrimoniale, le numéro de<br />

passeport et la profession déclarée.<br />

Souvent, [...] les adresses personnelles,<br />

les numéros de téléphone, de compte<br />

bancaire et d’immatriculation des voitures,<br />

ainsi que les empreintes digitales.<br />

Peu à peu, tous les Latino-Américains<br />

seront ainsi étiquetés par<br />

Washington. [...]<br />

ChoicePoint [4] [est une] entreprise qui<br />

achète ces fichiers pour les revendre à<br />

l’administration des Etats-Unis [5]. Car la<br />

loi américaine interdit de stocker des<br />

informations personnelles. Mais pas de<br />

commander à une société privée de le<br />

faire pour le gouvernement. [... Déjà,<br />

lors] du scrutin présidentiel en Floride en<br />

2000, [la] filiale Database Technologies<br />

(DBT) [6] [de la même ChoicePoint] avait<br />

été engagée par l’Etat pour réorganiser<br />

ses listes électorales. Résultat : des milliers<br />

de personnes furent privées de leur<br />

droit de vote. Ce qui modifia l’issue du<br />

scrutin, remporté [officiellement] par M.<br />

Bush avec seulement 537 voix d’avance<br />

[... Ce qui] lui permit d’accéder à la présidence<br />

[7] » [8] [Voir « Coup d'Etats<br />

Unis », p. 609].<br />

Et maintenant, « l'administration Bush a<br />

décidé [...] d'organiser à une grande<br />

échelle la collecte et le fichage de données<br />

personnelles pour tout entrant aux<br />

États-Unis. » [2]<br />

« En vertu du NSEERS (National Security<br />

Entry-Exit Registration System), [depuis<br />

août 2002,] les hommes âgés de plus de<br />

16 ans originaires de pays désignés<br />

(principalement des pays musulmans), et<br />

n'ayant pas la citoyenneté [étasunienne],<br />

ont été obligés de se [présenter aux<br />

services du] gouvernement fédéral.<br />

Parmi les 80 000 individus qui [l'ont fait],<br />

plusieurs ont fait état de harcèlement,<br />

d'insultes et de mauvais traitements.<br />

Comme conséquence de la mise en


place du NSEERS, plus de 13 000 personnes<br />

ont dû comparaître à des<br />

audiences d'expulsion et plusieurs milliers<br />

d'autres ont décidé de fuir le pays<br />

par peur.<br />

[... Puis, le] NSEERS a [...] été remplacé<br />

par » [9] « US-Visit (United States Visitor<br />

Information and Immigrant Status<br />

Indication Technology) [10], [qui] a été<br />

présenté pour la première fois [... le] 20<br />

mai 2003, [par] le sous-secrétaire étatsunien<br />

à la Sécurité des frontières et du<br />

transport, Asa Hutchinson » [2].<br />

« Enfin, le 5 janvier 2004, entrait en<br />

vigueur [ce programme] US Visit qui<br />

contraint tous les étrangers » [11]<br />

« excepté quelques Mexicains et la plupart<br />

des Canadiens) » [9] « arrivant aux<br />

Etats-Unis munis d'un visa à poser leurs<br />

index droit et gauche sur un lecteur<br />

d'empreintes digitales et à se laisser photographier.<br />

» [11]<br />

« A la frontière, le voyageur soumet son<br />

visage à un lecteur électronique de<br />

reconnaissance faciale pour une authentification.<br />

» [12]<br />

Et « l’administration des Etats-Unis a [...]<br />

commandé à Anteon [13] 1 000 lecteurs<br />

pour le [... US Visit, avec] renforcement<br />

des formalités d’entrée dans cent quinze<br />

aéroports et dans quartorze ports maritimes,<br />

[... qui contrôlent] 13 millions<br />

d’étrangers, résidents permanents ou<br />

frontaliers. » [14]<br />

Ces « données biométriques du programme<br />

US-VISIT » [9], « reliées à plus de<br />

20 bases de données du gouvernement<br />

fédéral américain ainsi qu'à d'autres<br />

sources de renseignements [...,] formeront<br />

la base d'un nouveau et vaste système<br />

de constitution de dossiers sur les<br />

voyageurs internationaux. » [9] [Voir<br />

« Fichiers à la fin ! », p. 447]<br />

[1] : (reprod. in http://www.bc.edu/bc_org/avp/cas/com<br />

m/free_speech/smithactof1940.html)<br />

[2] : (Paul Labarique, « La citadelle états-unienne.<br />

“Alien” paranoïa », Voltaire, 3/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12322.html)<br />

[3] : (Sources ouvertes (n° 135) : « Les États-Unis se détournent<br />

de leur Constitution », Réseau Voltaire, 30/9/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10672.html, d’après le<br />

Rapport du Lawyer Committee For Human Rights,<br />

http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/Assessi<br />

ngtheNewNormal.pdf)<br />

[4] : (http://www.choicepoint.net)<br />

[5] : (James Lee, in La Jornada, Mexico, 22/4/2003)<br />

[6] : [http://www.idbt.com]<br />

[7] : (The Guardian, Londres, 5/5/2003, http://www.guar<br />

dian.co.uk/usa/story/0,12271,949606,00.html)<br />

[8] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[9] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[10] : (« Note du département états-unien de Sécurité de<br />

la patrie sur le dispositif US-VISIT », voltaire.net, 5/1/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article11912.html)<br />

[11] : (Ignacio Ramonet, « Antiterrorisme », Le Monde<br />

diplomatique, 3/2004, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/03/RAMONET/10722)<br />

[12] : (Patricia Tourancheau, « La nouvelle carte d'identité met<br />

la puce à l'oreille de la Cnil », Libération, 21/4/<strong>2005</strong>, reprod.<br />

in http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_article=661)<br />

[13] : (http://www.anteon.com)<br />

[14] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le<br />

Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.mondediplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

377 Survie surveillée


La « création d'un système international<br />

de cartes d'identité pour les<br />

citoyens [est] l'équivalent national du<br />

fichage des étrangers. Les cartes<br />

d'identité nationales et [...] les bases<br />

de données qui leur sont reliées,<br />

représentent non seulement un<br />

moyen [centralisé et uniformisé] de ficher<br />

les populations nationales [...<br />

mais aussi] de suivre les personnes<br />

dans leurs activités quotidiennes. » [1]<br />

« Pour s'assurer que vous êtes passés<br />

à Grand-Place hier soir, il faut<br />

[“pucer”] vos papiers d'identité. [...]<br />

Finis les contrôles d'identité humiliants,<br />

voici les contrôles d'identité<br />

sournois, à distance. [...] Les nostalgiques<br />

de Vichy peuvent regretter la<br />

lenteur du progrès technologique :<br />

avec mouchard électronique, les<br />

rafles auraient affiché de meilleurs<br />

rendements. » [2]<br />

« Dans plusieurs démocraties, l'idée<br />

même d'une carte d'identité nationale a<br />

provoqué une levée de boucliers, tellement<br />

elle est étroitement associée à un<br />

État policier. Certes, plusieurs démocraties<br />

ont une carte d'identité nationale,<br />

mais, dans la plupart des cas, les renseignements<br />

qu'elle contient sont restreints,<br />

et seules les autorités du pays y<br />

ont accès pour des fins précises.<br />

Depuis septembre 2001 [Voir « Neuf !<br />

Hein ? Hein ? », p. 610], bon nombre<br />

de pays ont lancé ou intensifié des initiatives<br />

pour mettre en place des bases<br />

de données nationales d'identification<br />

Survie surveillée 378<br />

des citoyens; dans les pays qui ont déjà<br />

des documents d'identité nationaux,<br />

les autorités examinent des façons<br />

d'élargir leur capacité et l'usage qui en<br />

est fait. » [1]<br />

Du « Royaume-Uni à l’Estonie, en passant<br />

par l’Italie et la Belgique, les pays<br />

européens se [... sont mobilisés] pour<br />

réfléchir aux contenus d’un nouveau<br />

support universel d’identification : l’état<br />

civil, mais aussi une photo d’identité,<br />

une empreinte digitale et la configuration<br />

de l’iris de l’œil numérisés. » [3]<br />

« Zélée, la France [... y va au bluff !] Un<br />

règlement européen du 13 décembre<br />

2004 [4] [... imposerait, y prétend-t-on,]<br />

"d’insérer dans une puce la photographie<br />

du titulaire et ses empreintes digitales"<br />

dans les passeports et les<br />

visas » [5]. Mais, en fait, son « article 1,<br />

alinéa 3, [pose] : "Le présent règlement<br />

s’applique aux passeports et aux documents<br />

de voyage délivrés par les Etats<br />

membres ; Il ne s’applique pas aux cartes<br />

d’identité délivrées par les Etats<br />

membres à leurs ressortissants ou aux<br />

passeports et aux documents de voyage<br />

temporaires, ayant une validité inférieure<br />

ou égale à 12 mois" [4]. [Cependant,<br />

si début <strong>2005</strong>,] la présentation d’INES<br />

n’indique pas expressément que ce<br />

règlement s’appliquerait à la carte nationale<br />

d’identité, [...] elle le laisse entendre<br />

en précisant que "le règlement européen<br />

du 13 décembre impose d’insérer<br />

dans une puce la photographie du titulaire<br />

d’ici à juin 2006", ce qui est manifestement<br />

inexact. » [6]<br />

Alors que les britanniques, qui « n'ont<br />

jamais [eu] de carte d'identité » [7], « ont<br />

bloqué les projets en la matière [proposés<br />

par leur] gouvernement » [8], « le 11<br />

avril <strong>2005</strong>, [...] Raffarin [... annonça] le<br />

lancement d'INES » [7] « (Identité nationale<br />

électronique sécurisée) » [9] « dans


l’indifférence [quasi] générale. Cette<br />

carte, a triomphé [...] Villepin, [alors<br />

ministre de l'Intérieur,] sera<br />

obligatoire » [8] « pour tout citoyen âgé<br />

de plus de 12 ans. » [5] Et « payante dès<br />

2008 ! Alors que pour le moment elle est<br />

facultative et gratuite. » [8]<br />

« INES [...] prévoit une puce électronique<br />

[RFID] [Voir « Erre, affidé ! », p. 398] avec<br />

des éléments biométriques [Voir « Label<br />

Bio », p. 388] [... Selon Sarkozy, complétant<br />

Villepin] : "Il y aura deux identifiants<br />

biométriques : [...] les empreintes digitales<br />

[... et] la photo numérisée [...]. Et<br />

on n'a pas exclu [...] la possibilité de<br />

rajouter un troisième identifiant [...], qui<br />

pourrait être l'iris de l'œil." » [9]<br />

« "Ce n’est plus un carton ou un code<br />

secret, mais un élément intime [du]<br />

corps qui devient un identifiant. Si on<br />

exige de la personne comme preuve<br />

définitive de montrer un œil, un doigt<br />

ou un visage, [on est] marqué à vie, c’est<br />

une révolution sociale." [10] » [5]<br />

Le système INES « ne se situe pas dans la<br />

banale lignée d’un "toujours plus d’identification"<br />

[..., mais,] sous les éternels<br />

prétextes de la fraude, du contrôle des<br />

étrangers et de la modernisation de<br />

l’Etat [..., il] rapproche quatre éléments<br />

ordinairement séparés : le corps présent<br />

des porteurs, la trace laissée par ce<br />

corps, la carte combinant traces et informations<br />

personnelles, et le fichier central<br />

exhaustif gérant l’émission et la référence<br />

des cartes authentiques.<br />

En liant données biométriques (nouveau<br />

nom de l’anthropométrie d’Alphonse<br />

Bertillon) et données sociales, le projet<br />

facilite la réalisation et l’interconnexion<br />

de grands fichiers centralisés » [3] [Voir<br />

« Fichiers à la fin », p. 447].<br />

Un « magistrat honoraire, [...] ancien de<br />

la Cnil ayant enquêté sur le fichier des<br />

juifs, a souligné "le danger de tels<br />

fichiers informatisés de populations avec<br />

les adresses qui, s’ils avaient existé entre<br />

1940 et 1945, n’auraient pas permis à<br />

379 Survie surveillée


des juifs d’échapper aux rafles" [11].<br />

[... Et on ne peut considèrer] "comme<br />

une garantie la prétendue séparation de<br />

ces différents fichiers aux mains de l’Etat.<br />

Il y a des risques évidents d’interconnexion"<br />

[12]. Alex Türk, président de la Cnil<br />

[Voir « La Cnil peut peu », p. 453], s’est<br />

déclaré [...] "préoccupé" par la "constitution<br />

de bases centrales, par la traçabilité<br />

possible par les empreintes de nos concitoyens<br />

et par les autres usages éventuels"<br />

de ces fichiers à des fins policières.<br />

[... Et à des fins de chantage ?]<br />

La Cnil émet des doutes quant à la "véritable<br />

finalité" de [l’INES], alors que "la<br />

carte d’identité actuelle, dite Pasqua<br />

[Voir « Hisse Pasqua », p. 147], est déjà<br />

[réputée] infalsifiable" [13] [...].<br />

Officiellement, le ministère de l’Intérieur<br />

invoque "la lutte contre la fraude à<br />

l’identité et à l’immigration clandestine".<br />

Mais, [...] "la fraude se situe surtout en<br />

amont par des vols de titres vierges et la<br />

délivrance indue de certificats d’état<br />

civil" [13] à ceux qui se font passer pour<br />

d’autres.<br />

Or, dès 1986, la Cnil a préconisé que<br />

"les mairies transmettent directement<br />

aux préfectures les actes de naissance",<br />

et non plus aux demandeurs euxmêmes,<br />

"cela n’a jamais été appliqué.<br />

Commençons donc par fiabiliser la source<br />

[...] Le projet [INES] consiste-t-il à<br />

authentifier les porteurs des documents<br />

ou bien à identifier des inconnus dans<br />

une finalité de police judiciaire<br />

?" [13] » [5]. Ou autre encore ?<br />

Protestations, donc. Mais « la CNIL [...]<br />

ne peut faire que des [recommandations]<br />

» [14] [Voir « La CNIL peut<br />

peu », p. 453]<br />

On assiste donc « à la "constitution de<br />

bases de données intimes et nominatives<br />

des Français comme dans les pays fascistes,<br />

[... pour] constituer un mégafi-<br />

Survie surveillée 380<br />

chier de la population [en considérant]<br />

tous les citoyens comme des suspects en<br />

puissance." [12] » [5] [Voir « Fichiers à la<br />

fin », p. 447]<br />

De plus, la « carte [Ines est] munie d'une<br />

puce [RFID] [Voir « Erre, affidé », p. 398]<br />

interrogeable à distance (à la navigo)<br />

» [14] [Voir « Va nigaud », p. 403] et<br />

« “[...] lisible à 20 mètres. On peut enregistrer<br />

vos déplacements à votre<br />

insu.” [15] » [16] C'est « l'automatisation<br />

du [... contrôle.] Vous passez, on enregistre<br />

[... Si] la puce ne répond pas ? On<br />

[contrôle] » [14].<br />

« Il ne faut [légalement] qu'un décret<br />

[...] de plus pour que le port de la carte<br />

d'identité sur [les vêtements] soit une<br />

obligation et que sa non présentation<br />

soit passible de peine d'emprisonnement<br />

et d'amende [... ;] comme une<br />

seconde peau, qui accompagne [... au]<br />

moindre déplacement, voilà qui ressemble<br />

étrangement à ces tatouages<br />

électroniques que l'on impose aux repris<br />

de justice. » [17]<br />

En « combinant la puce électronique<br />

embarquée et l’obligation - comme sous<br />

Vichy [18] - de porter la carte, [le projet<br />

de carte nationale d’identité électronique<br />

(CNIE)] appelle la puce sous-cutanée<br />

[Voir « Very Cheap », p. 415] [... La]<br />

CNIE fonctionnera "comme si" le corps<br />

était enfin atteint. Elle pourrait [...] permettre<br />

de suivre nos déplacements –<br />

beaucoup plus sûrement que le livret<br />

ouvrier ou le passeport intérieur ne permettaient<br />

aux régimes policiers napoléonien<br />

ou soviétique de pister le citoyen<br />

sur le territoire national. A fortiori, une<br />

telle carte "sans contact" [RFID] pourrait<br />

permettre aux autorités de pays tiers<br />

capables d’imposer leur loi (comme [...<br />

les] Etats-Unis de M. Bush) de connaître<br />

à chaque instant où se trouve un visiteur<br />

étranger [Voir « Smart ! », p. 425]. [...]


[Déjà, outre-Atlantique,] les agences<br />

gouvernementales [étasuniennes] ont<br />

fait fabriquer des millions de cartes<br />

d’identification de leurs personnels,<br />

capables de dresser un "historique" de<br />

leurs déplacements, de leur utilisation<br />

d’ordinateurs, et de conserver des données<br />

personnelles comme leur niveau de<br />

salaire, etc. » [3]<br />

En France, « le système se généralisera<br />

ensuite aux [... Cartes] d'identité (2007),<br />

Passeports (2006), Permis de conduire<br />

(2008) [et Cartes] de séjour des étrangers<br />

(2008). » [9] Les « seules garanties<br />

qui sont avancées sont d'ordre [réglementaire,<br />

législatif,] sur l'utilisation de<br />

l'information qui sera encadrée : en face<br />

d'un dispositif technique, on va mettre<br />

des barrières de... papier. » [14] « “[...]<br />

Sur 60 millions d'individus, on peut imaginer,<br />

chaque année, une centaine de<br />

victimes du système (usurpations d'identité,<br />

données erronées...) [... et] des<br />

consultations abusives. Si vous connaissez<br />

un policier, rien ne vous empêche de<br />

lui demander des informations sur une<br />

personne. [...]” [15].<br />

Le « ministère de l’Intérieur compte aussi<br />

centraliser et stocker ces données dans<br />

trois grands fichiers nationaux : l’un<br />

pour les empreintes digitales, l’autre<br />

pour les » [5] « “images faciales numérisées”<br />

» [8] [Voir « Bon profil », p. 388],<br />

« le dernier pour les titulaires de documents<br />

d’identité. Sans compter un fichier<br />

d’état civil exhaustif qui comporterait<br />

aussi les domiciles. » [5]<br />

Chaque « image faciale numérisée [...]<br />

sera compilée dans une banque de<br />

[données, pour la] vidéosurveillance<br />

[Voir « Je passe à la télé ! », p. 385]. Mais<br />

pas [pour] le contrôle a posteriori,<br />

comme on va le vendre (à fins [d'enquête]<br />

judiciaire...) mais a priori (maintien de<br />

l'ordre). [...]<br />

La puissance de calcul a explosé [... et]<br />

continuera [vraisemblablement] sa croissance<br />

[...] (en terme de performance<br />

brute et de rapport performance/coût),<br />

idem pour les solutions de stockage.<br />

[... de même,] les outils d'interrogations<br />

des bases de données [recoupées] sont<br />

de plus en plus fins et rapides. » [14] Le<br />

« prix du passeport augmentera et la<br />

carte d'identité deviendra payante.<br />

Mais selon [Sarkozy], "C'est le prix de la<br />

sécurité". » [9]<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça sert<br />

à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat d'Urgence,<br />

n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/articl<br />

e.php?sid=865)<br />

[3] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le Monde<br />

diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[4] : (« Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre<br />

2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et<br />

les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les<br />

documents de voyage délivrés par les États membres », Journal<br />

officiel, n° L 385, 29/12/2004 p. 0001 – 0006, http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32004R2252<br />

:FR:HTML)<br />

[5] : (Patricia Tourancheau, « La nouvelle carte d'identité met<br />

la puce à l'oreille de la Cnil », Libération, 21/4/<strong>2005</strong>, reprod.<br />

in http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_article=661)<br />

[6] : (« Audition de M. Michel TubianaUBIANA, Président de<br />

la Ligue des droits de l’homme », CNIL, 21/3/<strong>2005</strong>,<br />

www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI<br />

-biometrie/CRAUDITIONTUBIANA.pdf)<br />

[7] : (Souriez vous êtes filmés, « INES, refus et boycott de la<br />

carte d'identité biométrique », http://souriez.info/article.ph<br />

p3?id_article=238)<br />

[8] : (« Ça l’affiche mal ! », Le Canard enchaîné, 4/5/<strong>2005</strong>, p. 1)<br />

[9] : (Denis Rouvre, « Carte d'identité électronique :<br />

payante et obligatoire », Présence PC, 12/4/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.presence-pc.com/actualite/carte-d-identiteelectronique-payante-et-obligatoire-9384/,<br />

d'après Reuter)<br />

[10] : ( François Giquel, commissaire à la Cnil)<br />

[11] : (Louis Joinet)<br />

[12] : (Me Alain Weber, LDH)<br />

[13] : (François Giquel, vice-président de la Cnil)<br />

[14] : (« Nouvelle carte d'identité... », indymedia-paris,<br />

27/4/<strong>2005</strong>, http://paris.indymedia.org/article.php3?id_arti<br />

cle=36008)<br />

[15] : (Alex Türk)<br />

[16] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

381 Survie surveillée


6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLE<br />

URDESMONDES.htm)<br />

[17] : (Marc Olanié, « RFID et cartes d’identité électronique,<br />

welcome, Big Brother », Réseaux et Télécoms,<br />

14/4/<strong>2005</strong>, http://www.reseaux-telecoms.com/cso<br />

_btree/05_04_14_000240_710/Newscso_view, d'après<br />

EPIC, 4/4/<strong>2005</strong>, http://www.epic.org/privacy/rfid/rfid_passports-0405.pdf,<br />

partic. pp. 23sq : Ari Juels, David Molnar<br />

et David Wagner, « Security and Privacy Issues in E-passports<br />

», reprod. in http://www.cs.berkeley.edu/~dmolnar/papers/RFID-passports.pdf)<br />

[18] : (Cf. par ex. « Vichy et les Juifs », http://crdp.acreims.fr/memoire/bac/2gm/dossiers/02vichyetlesjuifs.htm)<br />

Un « nouvel outil d'identification<br />

[est] en voie d'être adopté partout<br />

dans le monde : le "passeport<br />

biométrique à interopérabilité mondiale",<br />

qui est fondé sur une norme internationale<br />

créée à la demande des États-<br />

Unis. » [1]<br />

En « exigeant que figurent sur ces passeports<br />

[ces] données [numériques], les<br />

États-Unis exigent de l'ensemble de la<br />

communauté internationale qu'elle<br />

aligne sur eux sa législation en matière<br />

de partage des données personnelles.<br />

Cette ligne peut se résumer à "plus<br />

nous en savons sur vous, plus vous êtes<br />

en sécurité" » [2] et induit « la mise en<br />

place du passeport biométrique universel<br />

et [...] la création de "normes de<br />

partage" » [3]<br />

« Les différents pays du monde en sont à<br />

différents stades dans l'adoption de passeports<br />

contenant des données biométriques<br />

[... et] des puces [...] RFID [Voir<br />

« Erre, affidé ! », p. 398] [...] capables de<br />

transmettre [à distance] des renseignements<br />

à quiconque dispose d'un lecteur<br />

Survie surveillée 382<br />

RFID. Les États-Unis ont annoncé à leurs<br />

alliés que s'ils n'adoptent pas ces passeports,<br />

leurs citoyens ne seront plus<br />

admis aux États-Unis sans visa. » [1]<br />

Mieux connue depuis le referendum sur<br />

la « Constitution » européenne, « la<br />

Commission Européenne a [... présenté<br />

en 2003] aux Quinze une proposition de<br />

règlement prévoyant l'obligation d'insérer<br />

dans les passeports européens les<br />

données biométriques du visage et des<br />

empreintes digitales [..., surtout] pour<br />

répondre à la pression américaine de<br />

créer des passeports sécurisés conformes<br />

à ses propres normes. » [4]<br />

Le « Conseil des [ministres] européens a<br />

décidé [...] que le "passeport européen<br />

devrait à plus ou moins long terme<br />

contenir l'empreinte digitale de son titulaire<br />

ainsi que celle de son iris. De plus,<br />

le 8 octobre 2003, la Commission européenne<br />

a proposé d'introduire dans les<br />

visas et les permis de séjour des éléments<br />

d'identification biométrique, en<br />

attendant de les insérer dans les grands<br />

systèmes informatiques et en particulier<br />

dans la seconde génération du Système<br />

intégré de Schengen (SIS)." [5] » [6] [Voir<br />

« Enchaîne Guns », p. 371]<br />

Au « Parlement européen, les auditions<br />

du commissaire désigné pour les politiques<br />

liées à l'ELSJ [Espace de Liberté,<br />

de Sécurité et de Justice] ont révélé que<br />

le passeport à lecture optique européen,<br />

appelé de ses vœux par<br />

Washington, pourra être lu à la douane<br />

états-unienne par des appareils situés à<br />

plusieurs mètres de son détenteur.<br />

C'est donc à son insu que les autorités<br />

pourront consulter [... les] données biométriques<br />

[...]<br />

[Mais la] carte d'identité électronique<br />

belge comporte, à titre d'exemple, la<br />

date de naissance [et] le nom des<br />

parents, la situation familiale, un histo-


ique des résidences ainsi que la situation<br />

militaire des détenteurs. Alors que<br />

George W. Bush ne demandait officiellement<br />

que l'inclusion de données d'identification,<br />

telles que les empreintes digitales<br />

ou le dessin de l'iris, certains pays<br />

vont donc déjà plus loin. Et l'Union européenne<br />

indique [...] qu'elle “définit les<br />

normes minimales et n'empêchera pas<br />

les Etats membres qui le souhaitent d'aller<br />

plus loin”. L'Euro-Patriot Act [Voir<br />

« Dernier acte patriotique », p. 329]<br />

[s'est] bien [mis] en marche. » [7]<br />

Les délais se sont précisés. « En 2004,<br />

[les États-Unis] ont annoncé qu'ils exigeraient<br />

en octobre <strong>2005</strong> un passeport<br />

avec une photographie numérisée et<br />

non plus collée. Nouvelle demande à<br />

partir d'octobre 2006 avec l'intégration<br />

d'une puce comportant des informations<br />

biométriques. » [8]<br />

Grâce au « département d'État [...,] les<br />

passeports [munis] de puces RFID [... ont<br />

été] distribués au grand public [aux<br />

Etats-Unis] dès le printemps <strong>2005</strong> » [9].<br />

Pour « les passeports biométriques américains,<br />

[...] le système de reconnaissance<br />

adoptée échouerait à identifier une<br />

personne sur dix et [...] "les fausses<br />

alertes pourraient devenir la norme" [10]<br />

[Voir « Bon profil », p. 388]. Faute d’être<br />

cryptées, les données des puces incluses<br />

dans les passeports pourraient être lues<br />

à distance et donc permettre le vol<br />

d’identité. » [11]<br />

Lors du « Def Con [...,] une conférence<br />

réunissant pratiquement exclusivement<br />

des hackers du monde entier, [...] Lukas<br />

Grunwald, consultant pour une société<br />

de sécurité allemande, a [... révélé avoir]<br />

trouvé une méthode pour dupliquer et<br />

garder les informations contenues dans<br />

un passeport électronique. [... Et] toutes<br />

les technologies prenant en charge des<br />

informations aussi personnelles que<br />

l’empreinte rétinienne présentent un<br />

risque de fuites [... de ce qui doit] nous<br />

identifier à coup sûr. [... Les] retombées<br />

d’une falsification de ces données [...]<br />

sont pratiquement sans fin. » [12]<br />

Mais, pourtant, « ce système fait des<br />

émules [... ;] la Grande Bretagne [...] a<br />

adopté un dispositif test de contrôle biométrique<br />

des identités à l'aéroport de<br />

London Heathrow. Ainsi elle a décidé<br />

d'installer un système de reconnaissance<br />

de l'iris et de la rétine, d'introduire des<br />

données biométriques dans les visas et<br />

de généraliser l'implantation de puces<br />

dans les passeports [13] » [4].<br />

« Ainsi, partout dans le monde, de plus<br />

en plus de personnes ont des documents<br />

d'identité informatisés, avec<br />

comme conséquence [que] les renseignements<br />

les concernant se retrouvent<br />

dans des bases de données d'identité, à<br />

la fois dans leur propre pays et à l'étranger.<br />

Ceci ouvre la voie à la surveillance<br />

routinière des déplacements des personnes<br />

à l'échelle du monde. » [1] [Voir<br />

« Smart !! », p. 425]<br />

Sur « les 27 [Etats] non soumis à visa qui<br />

devaient fournir un passeport sécurisé<br />

avant le 26 octobre <strong>2005</strong>, la France est<br />

le seul à n'avoir pas tenu les délais » [4].<br />

En « juillet [... <strong>2005</strong>,] Sarkozy [remplaçe<br />

de Villepin à] l'Intérieur [... alors que le]<br />

passeport biométrique doit avoir sa puce<br />

intégrée dès le 26 octobre <strong>2005</strong>. [...] Le<br />

ministère lance un appel d'offre en<br />

urgence [...]. L'imprimerie nationale est<br />

éliminée au premier tour. Oberthur, qui<br />

produit déjà les passeports biométriques<br />

belges, [remporte] le marché.<br />

L'imprimerie nationale voit rouge.<br />

Implantée à Douai, l'entreprise d'Etat<br />

sort d'un douloureux plan social - ses<br />

effectifs sont passés de 1200 à moins de<br />

500 personnes. Dans cette région sinistrée,<br />

[...] les syndicats saisissent le tribu-<br />

383 Survie surveillée


nal administratif [arguant] qu'une loi de<br />

1993 donne à l'Imprimerie nationale le<br />

monopole des passeports [... ;] les juges<br />

[...] suspendent l'offre. [...]<br />

Saisi par l'Intérieur, le Conseil d'État<br />

planche [..., tandis que] le ministère [de<br />

l’Intérieur] a recruté 60 personnes pour<br />

être prêt à fabriquer des passeports<br />

dès le mois de mai [2006]. » [4]<br />

« Finalement, c'est le duo Imprimerie<br />

Nationale - Axalto qui s'est imposé » [14]<br />

« Les [Etasuniens] ont sanctionné la<br />

France [retardataire] en lui imposant un<br />

visa pour tous les passeports édités après<br />

le 26 octobre <strong>2005</strong>. [...] "[... Un] million<br />

de Français [...] se rendent aux États-<br />

Unis chaque année." [note Donald E.<br />

Wells, consul général à Paris.]<br />

Le visa supprimé pour les Français en<br />

1992, s'est donc imposé pour plus de<br />

20 000 d'entre-eux – ceux qui devaient<br />

renouveler leur passeport après la date<br />

fatidique du 26 octobre [<strong>2005</strong>].<br />

Désormais [... Il faut dès alors] parfois<br />

plusieurs mois pour décrocher [ces] visas<br />

[...] – la moindre escale par les Etats-Unis<br />

nécessite également un visa. » [4]<br />

Pourtant, ce « passeport biométrique<br />

[...,] prévu pour répondre aux exigences<br />

[étasuniennes], comporte [déjà] beaucoup<br />

plus de données que Bush n’en<br />

réclamait [... immédiatement]… » [15] Si<br />

on n'est pas reconnu, c'est encore à<br />

cause de toutes ces contraintes administratives<br />

et légales qui entravent les organisateurs<br />

!<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Paul Labarique, « La citadelle états-unienne. “Alien”<br />

paranoïa », Voltaire, 3/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12322.html)<br />

[3] : (« Campagne internationale contre la surveillance glo-<br />

Survie surveillée 384<br />

bale. Déclaration », s.d., http://www.i-cams.org/Declarati<br />

on_Fr.html)<br />

[4] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[5] : (Gérald Sadde, « La "CNIL" grecque s'oppose à l'essai<br />

d'un procédé d'identification biométrique dans l'aéroport<br />

d'Athènes », Njuris.com, 28/11/2003, http://www.njuris.com/ShowBreve.aspx?IDBreve=569)<br />

[6] : (Paul Labarique, « La citadelle états-unienne. “Alien”<br />

paranoïa », Voltaire, 3/2/2004, http://www.voltairenet.or<br />

g/article12322.html)<br />

[7] : (« Les passeports européens sont conçus pour<br />

la douane états-unienne », Voltaire, 24/9/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article15019.html)<br />

[8] : (Marie-Christine Tabet, « Ratés en série pour le passeport<br />

biométrique », Le Figaro, 1/3/2006, http://www.lefigaro.fr/france/20060301.FIG000000008_rates_en_serie_<br />

pour_le_passeport_biometrique.html)<br />

[9] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et des<br />

pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/01/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/05<br />

0119_rfid.shtml)<br />

[10] : (The Economist)<br />

[11] : (Jean-Philippe Joseph & Jean-Pierre Joseph, « Ne laissez<br />

pas les machines jouer avec les enfants »,<br />

http://infos.samizdat.net/article373.html, reprod. in<br />

http://souriez.info/article.php3?id_article=289)<br />

[12] : (Vincent Hermann, « Un hacker brise la protection<br />

d'un passeport biométrique », The Guardian<br />

(http://www.guardian.co.uk/), 9/8/2006, trad.<br />

http://www.pcinpact.com/actu/print.php?id=30667)<br />

[13] : (Cf. le dossier de l'Electronic Privacy Information<br />

Center (EPIC) sur la surveillance des passagers :<br />

http://www.epic.org/privacy/intl/passenger_data.html)<br />

[14] : (Philippe Guerrier, « F.Trojani (Axalto): "Une carte à<br />

puce pour le passeport et le permis de conduire" », vnunet,<br />

26/4/2006, http://www.vnunet.fr/fr/vnunet/news/2<br />

006/04/26/ftrojani-axalto-carte-puce-passeport-permisconduire)<br />

[15] : (Jean-Luc Porquet, « Souriez, vous êtes fliqués », Le<br />

Canard enchaîné, 20/4/<strong>2005</strong>, p. 5)


« La vidéosurveillance<br />

a, elle aussi,<br />

explosé ces<br />

dernières<br />

années en<br />

France. On<br />

compte désormais<br />

[officiellement] un million de<br />

caméras disséminées sur le territoire.<br />

“Un chiffre bien loin de la réalité quand<br />

on pense aux dispositifs non déclarés”,<br />

confirme un inspecteur de la Cnil.<br />

400 000 en région parisienne, dont<br />

320 000 dans la capitale [... en <strong>2005</strong>].<br />

La RATP [Voir « Va, nigaud », p. 403]<br />

possède à elle seule un maillage de<br />

quelque 5 000 caméras (et bien davantage,<br />

selon certains experts). » [1]<br />

Certaines sont visibles, d'autres moins,<br />

« [jusqu’à cette] minicaméra qui, fichée<br />

dans un mur, passe pour une innocente<br />

tête de vis. » [1]<br />

« En France, de plus en plus de villes s'en<br />

équipent, les magasins, les copropriétés,<br />

certains lycées, aussi, qui manquent de<br />

personnel. » [2] [Voir « Enfants perdus<br />

sans coliiers », p. 491]<br />

« Un million de caméras “officielles”,<br />

[donc,] dont 150 000 partagées entre<br />

les 185 villes qui ont adopté la vidéosurveillance<br />

en 1997. [En <strong>2005</strong>, on compte<br />

déjà plus] de 100 caméras à Levallois-<br />

Perret [3], 80 à Puteaux [4], 22 à<br />

Montargis... Le quartier “sensible” des<br />

Coteaux, à Mulhouse, fourmille de 165<br />

caméras depuis le 11 Septembre. Un<br />

nombre qui devrait être porté à 300...<br />

Cannes en possède 87, sur un parc<br />

prévu de 170. Strasbourg en dispose de<br />

80. Résultat : le marché de la vidéosurveillance,<br />

en France, est estimé à 275<br />

millions d'euros par an [5] [...]. Et sa<br />

croissance est exponentielle. » [1] [Voir<br />

« Achète ! Sinon... », p. 480]<br />

« [Lois] anti-mendicité, interdiction d'accès<br />

aux SDF à certaines villes françaises<br />

pendant la saison touristique ou à certains<br />

quartiers de centre ville, règles de<br />

comportement adoptées sur les espaces<br />

publics par les TCM (Town Center<br />

Management), interdictions municipales<br />

de marcher et de s'allonger sur les<br />

pelouses d'un jardin public, de pratiquer<br />

le roller sur les places piétonnes, etc.,<br />

participent de cette recherche de normalisation<br />

[6] [de la] vie urbaine » [7].<br />

La normalisation commence au travail.<br />

« Le vol est toujours une bonne raison<br />

invoquées par certaines entreprises pour<br />

placer des caméras au dessus de la tête<br />

de leurs employés. Le hic, c’est que ces<br />

partons soupçonneux oublient trop souvent<br />

d’informer les salariés de leur initiative,<br />

alors que la loi les y contraint. Autre<br />

justification de la vidéosurveillance : la<br />

sécurité. [... Les] systèmes de vidéosurveillance<br />

[...] se banalisent désormais<br />

dans les entreprises. Et la réglementation<br />

en vigueur est impuissante pour en<br />

limiter les abus. » [8]<br />

« A Paris, la majeure partie des caméras<br />

sont ainsi installées dans des lieux privés<br />

- entreprises, magasins, banques -, les<br />

autres filmant dans la rue, à l'entrée des<br />

bâtiments officiels ou pour surveiller la<br />

circulation [..., etc.]. » [9]<br />

Ça se diffuse avec « les caméras qui captent<br />

nos déplacements dans les villes, les<br />

entreprises, les écoles, les salles de<br />

repos, les toilettes, les transports en commun<br />

» [2] et « le gouvernement<br />

[Villepin, qui] étudie [... en <strong>2005</strong>] la<br />

possibilité de placer des caméras dans<br />

tous les bus parisiens. » [9]<br />

« Des piscines sont même dotées du système<br />

Poséidon : une dizaine de caméras<br />

installées sous l'eau, à l'intérieur du bas-<br />

385 Survie surveillée


sin, permettent d'y signaler un problème<br />

qui pourrait échapper à la vigilance des<br />

maîtres nageurs. » [2]<br />

« La loi Pasqua de 1995 exige que l'installation<br />

de tout système de vidéosurveillance<br />

soit dûment autorisée par le<br />

préfet. Les caméras peuvent être installées<br />

"par les autorités publiques compétentes"<br />

pour "assurer la protection des<br />

bâtiments et installations publics et de<br />

leurs abords, la sauvegarde des installations<br />

utiles à la défense nationale, la<br />

régulation du trafic routier"<br />

ou "la constatation<br />

des infractions aux règles<br />

de la circulation".<br />

La vidéosurveillance est<br />

aussi autorisée dans les<br />

"lieux et établissements<br />

ouverts au public particulièrement<br />

exposés à des<br />

risques d'agression ou de<br />

vol". Sauf en cas de procédure<br />

judiciaire, les enregistrements<br />

sont obligatoirement détruits<br />

[affirme-t-on] dans un délai d'un<br />

mois maximum. » [9] Réserves surannées !<br />

« Le gouvernement [de Villepin a donc<br />

voulu] "élargir les capacités de vidéosurveillance,<br />

notamment dans les espaces<br />

publics" [... et] "créer une procédure<br />

d'urgence que nous n'avons pas aujourd'hui"<br />

[..., donc] "moderniser la loi<br />

[Pasqua] de 1995". » [9]<br />

« Dominique de Villepin souhaite donc<br />

[alors] rattraper le retard français en<br />

matière de "vidéosurveillance enregistrée,<br />

qui permet d'avoir des éléments<br />

tangibles de façon à pouvoir véritablement<br />

servir de preuve dans une procédure".<br />

» [9] « Car la France est "en retard"<br />

dans ce domaine "par rapport à d'autres<br />

pays et notamment par rapport à<br />

l'Angleterre" en nombre de caméras<br />

déployées sur le territoire. » [9]<br />

Survie surveillée 386<br />

« En Angleterre, pays pionnier en matière<br />

de vidéosurveillance » [2], il y a plus<br />

de caméras ! « Londres est un parfait<br />

exemple du phénomène de la vidéosurveillance.<br />

Le simple citoyen y est filmé<br />

300 fois par jour. Sur les 2,5 millions de<br />

caméras de surveillance britanniques,<br />

partagées entre police, établissements<br />

privés et sociétés, 150 000 sont implantées<br />

à Londres. [Deux fois moins, certes,]<br />

qu'à Paris, mais bien présentes : “Près de<br />

800 caméras peuvent contrôler 250 000<br />

voitures chaque jour, en<br />

lisant les plaques minéralogiques<br />

et en transmettant<br />

le numéro à un ordinateur<br />

central”, commente<br />

un expert. [...]<br />

A Londres, les systèmes de<br />

vidéosurveillance ont permis<br />

d'identifier [des] auteurs<br />

présumés des attentats<br />

du 7 juillet [<strong>2005</strong>].<br />

Mais pas de les empêcher<br />

[... Inefficace également] pour le meurtrier<br />

d'Amélie Delagrange, étudiante<br />

française, assassinée le 19 août 2004. Il<br />

court toujours. La police a pourtant<br />

reconstitué, seconde après seconde, le<br />

parcours d'Amélie vers la mort. Les<br />

images ne conduiront les enquêteurs sur<br />

aucune piste. Le tueur a sans doute frappé<br />

dans un endroit sans caméras. “Il<br />

connaissait parfaitement les angles de<br />

couverture”, affirmait, dépité, un enquêteur<br />

de Scotland Yard. » [1] « On compte<br />

une caméra pour 14 Britanniques [...,<br />

mais] les caméras londoniennes n’ont<br />

permis d’élucider que 3% des vols commis<br />

sur la voie publique. » [10]<br />

La fiabilité n'est pas celle que postulent<br />

les publicités. « De nombreuses caméras<br />

des villes ne fonctionnent déjà plus et il<br />

n'y a pas assez de personnel pour regarder<br />

avec une attention soutenue 25


écrans à la fois ! [... Ces] caméras s'avèrent<br />

peu fiables. Devant l'accumulation<br />

des erreurs, la ville de Boston a ainsi<br />

décidé d'arrêter ses expériences d'identification<br />

par caméra. » [2] Certains s'interrogent<br />

: « Pourquoi persister dans la<br />

vidéosurveillance lorsqu’une seule<br />

année de mise en place suffit à démontrer<br />

son inefficacité ? » [11] Parce que ça<br />

rappporte à mes amis, ça fait des<br />

« preuves » quand j'en ai besoin, en mettant<br />

une chouette bonne ambiance !<br />

Alors, on va lus loin. « En France, une<br />

filiale de TF1, Visiowave [12] », revendue<br />

ensuite « au conglomérat américain<br />

General Electric. » [13], « use [en <strong>2005</strong>]<br />

de ses compétences télévisuelles pour<br />

détecter les comportements suspects sur<br />

les lieux publics (grâce à des logiciels<br />

d’interprétation des gestes) et produire<br />

des publireportages sur les écrans de<br />

métro et de bus. Thales (ex-Thomson<br />

CSF) produit des panoplies de vidéosurveillance,<br />

[... vendues notamment] à des<br />

Etats autoritaires. » [14]<br />

« Xavier Heusghen, vice-président marketing<br />

de Visiowave [...] a trouvé un<br />

nouvel atout social pour les modules de<br />

traitement "intelligents" d’images que la<br />

société installe dans les métros des capitales<br />

- et demain, CQFD, un peu partout<br />

dans la cité : "On peut imaginer que dès<br />

lors que l’on arrive à modéliser le comportement<br />

d’une personne suicidaire -<br />

des hésitations, des allers retours vers le<br />

quai - alors il sera possible grâce à de<br />

l’analyse d’images, qui consiste finalement<br />

à comparer le comportement réel<br />

des gens avec ces modèles théoriques,<br />

de détecter une personne suicidaire."<br />

[15] » [13] Il faut bien faire face au<br />

désespoir !<br />

[1] : (« Souriez, vous êtes filmés », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[2] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

h<br />

,<br />

ttp://groups.google.com/group/guerrelec/browse_threa<br />

d/thread/f056aa2b92763448)<br />

[3] : (http://souriez.info/IMG/gif/Levallois.gif)<br />

[4]5: (http://www.monputeaux.com/2006/01/en_2006_<br />

puteaux.html)<br />

[5] : (D'après Milipol)<br />

[6] : (M. Parazelli, « L'espace dans la formation d'un potentiel<br />

de socialisation chez les jeunes de la rue », Cahier de<br />

géographie du Québéc, 1995, vol. 39, n° 107, pp. 287-308)<br />

[7] : (Arnaud Gasnier, « De nouveaux espaces publics<br />

urbains ? Entre privatisation des lieux publics et publicisation<br />

des lieux privés », 2/2006, http://halshs.ccsd.cnrs.fr/a<br />

ction/open_file.php?url=http://halshs.ccsd.cnrs.fr/docs/0<br />

0/07/85/84/PDF/Espacepublicurbanisme2.pdf&docid=78<br />

584&halsid=1626b576d40a514b3b1b2349bc3f53ac)<br />

[8] : (Christophe Nobili, « La caméra cachée, nouvelle<br />

optique sociale » Le Canard enchaîné, 2/3/<strong>2005</strong>, p. 4)<br />

[9] : (« Terrorisme : la France va adapter ses textes<br />

sur la vidéosurveillance ou la téléphonie aux nouvelles<br />

menaces », nouvelobs.com, 27/7/<strong>2005</strong>,<br />

http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=politique/<strong>2005</strong>0727.FAP1945.html&host=http://permanent.nouvelobs.com,<br />

d'après AP)<br />

[10] : (« Le fiasco de la surveillance vidéo en Grande<br />

Bretagn », France Info, 7/5/2008, http://www.franceinfo.com/spip.php?article132075)<br />

[11] : (Jean-Philippe Joseph & Jean-Pierre Joseph, « Ne laissez<br />

pas les machines jouer avec les enfants »,<br />

http://infos.samizdat.net/article373.html, reprod. in<br />

http://souriez.info/article.php3?id_article=289)<br />

[12] : (http://www.visiowave.com/)<br />

[13] : (Xavier Heusghen, vice-président de Visiowave », BBA-<br />

F, <strong>2005</strong>, http://www.bigbrotherawards.eu.org/article.php<br />

3?id_article=569)<br />

[14] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[15] : (Cf entretien vidéo de Xavier Heusghen,<br />

http://www.nouvo.ch/93-1)<br />

387 Survie surveillée


Les « techniquesbiométriques<br />

[...] avaient<br />

été créées<br />

pendant la guerre con-tre la drogue<br />

[Voir « Pour la drogue, donc contre »,<br />

p. 144] en 1986 pour authentifier<br />

l'identité des trafiquants de drogue et<br />

des clandestins qui traversaient la frontière<br />

avec le Mexique. » [1]<br />

C'est maintenant devenu la mode « des<br />

contrôles dits “biométriques”, qui combinent<br />

les empreintes digitales classiques<br />

et l’identification de divers traits (fond de<br />

l’œil, formes de la main). » [2] Certes,<br />

« l'écueil principal pour le respect de la<br />

vie privée réside dans “le développement<br />

des technologies d'identification<br />

par biométrie” [3] » [4]. Et des « dizaines<br />

de milliers [... d’erreurs ont été notées<br />

dans les] relevés biométriques aux frontières<br />

[..., par exemple les] femmes<br />

enceintes arrêtées par les détecteurs de<br />

chaleur du corps (supposée trahir le terroriste<br />

émotif) » [2].<br />

Et même « des systèmes éprouvés,<br />

comme les empreintes digitales [...] ne<br />

sont pas infaillibles. [... Notamment<br />

pour] les populations vieillissantes, certains<br />

groupes asiatiques ou encore les<br />

travailleurs manuels » [2]. Mais la biométrie<br />

séduit et on apprécie « son caractère<br />

discret, et le fait qu'elle soit compatible<br />

avec les bases de données photographiques<br />

existantes. » [5]<br />

[1] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

Survie surveillée 388<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[3] : (Alex Türk, président de la Cnil)<br />

[4] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[5] : (« Technologie . Un rapport relève des doutes sur l'efficacité<br />

de l'identification biométrique », Presse<br />

Canadienne (Canoë), 5/1/<strong>2005</strong>)<br />

Au Canada,<br />

« le Bureau<br />

des passeportscompte<br />

employer<br />

[..., lui aussi,]<br />

un programmeinformatique<br />

qui compare l'image d'un visage<br />

avec des milliers d'autres photos signalétiques<br />

et sélectionne les photos pouvant<br />

lui ressembler.<br />

[... Un rapport interne du gouvernement<br />

fédéral canadien, est remis en mars<br />

2004]. Le rapport traite des techniques<br />

de sécurité mesurant les caractéristiques<br />

personnelles ou physiques, comme l'empreinte<br />

d'un doigt, de la main, de l'iris,<br />

de la voix ou la signature. On y » [1]<br />

« indique que si un système numérique<br />

est capable de trier d'importantes quantités<br />

d'images et de sélectionner celles<br />

qui correspondent au visage à identifier,<br />

sa pertinence, dans un tel but, reste<br />

incertaine. [...]<br />

On y énumère un certain nombre de<br />

désavantages du système d'identification<br />

faciale, dont des doutes sur sa fiabilité,<br />

la possibilité que des déguisements<br />

puissent tromper l'ordinateur, et une<br />

performance fluctuant selon l'ethnie de<br />

la personne représentée. [... Ça peut évidemment]<br />

mener à l'identification erronée<br />

de gens perçus comme de présumés


terroristes [Voir « Risquologie », p. 461].<br />

[Ce] rapport mentionne [également]<br />

qu'en dépit des doutes sur son efficacité,<br />

le gouvernement [étasunien] consacre<br />

d'importants efforts pour implanter cette<br />

technologie à l'appui de ses activités de<br />

surveillance et d'identification. » [1]<br />

« Depuis 2001, de nombreux aéroports,<br />

municipalités, entreprises, rééditent avec<br />

persévérance l’expérience désastreuse<br />

de Tampa : les sociétés Graphco [2],<br />

Raytheon [3] et Viisage [4] [avaient gracieusement<br />

offert à cette ville l’étude<br />

comparée de 24 000 photos de criminels<br />

avec les visages des 100 000 spectateurs<br />

de son célèbre championnat de<br />

football américain. On obtint seulement<br />

la mise en examen de quelques pauvres<br />

hères... » [5]<br />

L’aéroport de Boston « (où avaient<br />

embarqué [dit-on] dix des dix-neuf terroristes<br />

du 11 septembre 2001) [Voir<br />

« Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 610] [a stoppé]<br />

net [début 2004] une expérience<br />

d’identification par caméra : une quarantaine<br />

de volontaires n’ont été reconnus<br />

que dans 60 % des cas. [...] Comme<br />

le dit un responsable d’une association<br />

américaine de droits civils : “Il se peut<br />

que [...] l’identification faciale ne soit<br />

que la version XXI e siècle du détecteur<br />

de mensonges, connu pour sa non-fiabilité,<br />

bien que certains [...] proclament<br />

depuis des décennies qu’il fonctionnera<br />

un jour.”<br />

De fait, les paramètres de distinction<br />

d’un visage (lignes supérieures des<br />

orbites, zones autour des pommettes,<br />

côtés de la bouche, emplacement du<br />

nez et des yeux) ne se ramènent pas à<br />

des critères fixes. L’ensemble des traits<br />

significatifs sont trop nombreux. Ils changent<br />

(avec l’âge, les expressions) et peuvent<br />

être modifiés. De multiples paramètres<br />

font obstacle à un “rendement”<br />

acceptable. Probablement de façon<br />

insurmontable, même dans le cas de<br />

cobayes consentants. [...]<br />

Selon un bureau d’expertise spécialisée :<br />

“Les technologies de scanning facial sont<br />

presque entièrement incapables d’identifier<br />

des sujets non coopérateurs.” » [6]<br />

Pour que la reconnaissance faciale [7]<br />

fonctionne, il ne faut donc pas faire<br />

sa mauvaise tête. L'important est de persévérer<br />

[Voir « Persevare humanum<br />

est », p. 483].<br />

« Le National Institute of Standards and<br />

Technology (NIST) [8] [... commence<br />

début 2006] une vaste campagne de<br />

tests des technologies commerciales de<br />

reconnaissance faciale. Baptisée Face<br />

Recognition Vendor Test [9] 2006, la<br />

série de tests sera coordonnée par<br />

Jonathon Phillips, acteur central des<br />

technologies américaines de reconnaissance<br />

faciale depuis le début des années<br />

90. Il a notamment géré le programme<br />

Face Recognition Technology (FERET) de<br />

développement de nouveaux algorithmes,<br />

financé par la Pentagone entre<br />

1993 et 1998.<br />

Les technologies mises en œuvre par<br />

les principaux acteurs du secteur<br />

389 Survie surveillée


(Viisage [4], Identix [10], Neven<br />

Vision [11] sont issues des développements<br />

de FERET. Dans le cadre de l'USA<br />

Patriot Act [Voir « Dernier acte patriotique<br />

», p. 329], le NIST est mandaté par<br />

le gouvernement américain pour définir<br />

des standards d'identification et évaluer<br />

les technologies existantes. [... Le] NIST<br />

coordonne [aussi] un programme de<br />

développement d'algorithmes, le Face<br />

Recognition Grand Challenge. Soutenu<br />

par le FBI et l'Intelligence Technology<br />

Innovation Center (dépendant de la<br />

CIA), il associe une quarantaine de participants<br />

dont SAIC [Voir « Le fond de<br />

Bauer effraie », p. 235], Mitre, Cognitec,<br />

Identix et treize universités.<br />

Depuis la session 2002 du Face<br />

Recognition Vendor Test [9], les participants<br />

aux tests sont majoritairement passés<br />

à la biométrie multimodale (associant<br />

reconnaissance faciale, empreintes digitales<br />

et iris) [Voir « Label Bio », p. 388]<br />

afin de renforcer la fiabilité de leurs systèmes<br />

d'identification. Comme le mentionnait<br />

un rapport du NIST, l'intérêt de<br />

la reconnaissance faciale réside dans le<br />

fait que la plupart des services de renseignement<br />

disposent principalement de<br />

photos dans leurs bases. » [12] On ne va<br />

pas laisser se perdre toutes ces images...<br />

[1] : (« Technologie . Un rapport relève des doutes sur l'efficacité<br />

de l'identification biométrique », Presse<br />

Canadienne (Canoë), 5/1/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (http://www.graphco.com)<br />

[3] : (http://www.raytheon.com)<br />

[4] : (auparavant : http://www.viisage.com)<br />

[5] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le Monde<br />

diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[6] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[7] : (Cf. « Demos. Face Detection-Expression Recognition »,<br />

http://mplab.ucsd.edu/demos/demos.html)<br />

[8] : (www.nist.gov)<br />

[9] : (www.frvt.org)<br />

[10] : (www.identix.com)<br />

Survie surveillée 390<br />

[11] : (www.nevenvision.com)<br />

[12] : (« Biometrie : Washington développe les technos de<br />

reconnaissance faciale », Intelligence Online, n° 515,<br />

13/1/2006, http://www.intelligenceonline.fr/networks/fil<br />

es/515/515.asp?rub=networks)<br />

« Le scandaled’Outreau<br />

a<br />

[...] permis<br />

de relativiser<br />

la parole<br />

des<br />

[... experts<br />

et de noter] l’aveuglement [... possible<br />

de] l’appareil policier et - surtout<br />

- judiciaire. [... Or,] nombreux sont<br />

[...] ceux qui voient dans l’ADN la<br />

“reine des preuves”. Au risque de<br />

pareilles erreurs judiciaires. » [1]<br />

« De même qu’avec le scandale d’Outreau,<br />

[...] le problème est d’autant plus<br />

important que l’opinion publique accorde<br />

généralement une confiance quasiaveugle<br />

en ce type de preuves [et] que<br />

de nombreux policiers et magistrats ont<br />

tendance à délaisser - voire interrompre<br />

- leurs investigations dans l’attente des<br />

résultats du laboratoire » [1].<br />

« Alec Jeffreys, l’inventeur de la preuve<br />

par l’ADN, [...] rappelait que “plus la<br />

base de données contient de profils<br />

génétiques, plus elle s’avère efficace”, [...<br />

mais aussi] plus le risque d’erreur est<br />

grand, [... avec] les problèmes de prélèvement,<br />

de manipulation, de stockage<br />

et donc de détérioration, d’interversion<br />

» [1], avec « le non-respect des procédures,<br />

pourtant strictes, ou encore<br />

une erreur d’interprétation, voire la<br />

contamination de l’empreinte par l’ADN<br />

d’un tiers » [2], « sans oublier le risque -<br />

infime, mais avéré - de “faux positif”. » [1]


« Albert Koeleman, président de<br />

l’European Network of Forensic Science<br />

Institutes (ENFSI) [3], qui regroupe 53<br />

laboratoires de médecine légale (forensic,<br />

en anglais) dans 31 pays, [... évoquait<br />

une affaire aux Pays-Bas en <strong>2005</strong>.<br />

Un [présumé] pédophile, condamné à<br />

18 ans de prison pour avoir violé deux<br />

enfants, et tué l’un d’entre-eux, a finalement<br />

été disculpé après qu’un autre individu<br />

ait reconnu être l’auteur des faits.<br />

Or, le premier avait été condamné sur la<br />

base de son ADN, dont on avait retrouvé<br />

quelques éléments concordants sur<br />

les victimes.<br />

La police scientifique [...] avait bien<br />

tenté, lors de<br />

son procès,<br />

d’expliquer<br />

aux magistrats<br />

que son analyse<br />

ADN, réalisée<br />

à partir<br />

d’une empreinteparcellaire<br />

collectée<br />

de manière<br />

inadéquate par<br />

des policiers<br />

mal formés, et<br />

analysée dans<br />

l’urgence au<br />

moyen d’une<br />

procédure encoreexpérimentale<br />

et non<br />

officiellement validée, n’était peut-être<br />

pas si fiable que cela. Passant outre l’avis<br />

des experts, les juges avaient préféré<br />

laisser la soi-disant preuve ADN “parler”,<br />

l’accusation ayant estimé que l’absence<br />

de preuve formelle ne permettait pas<br />

pour autant de démontrer qu’il ne s’agissait<br />

pas de son ADN [...], au mépris de la<br />

présomption d’innocence » [1].<br />

Début « 2000, [... un Britannique] de 49<br />

ans [a été] innocenté d’un cambriolage<br />

dont il était accusé depuis des mois.<br />

Atteint de la maladie de Parkinson, ne<br />

pouvant se déplacer seul et disposant<br />

d’un alibi, Raymond Easton clamait<br />

pourtant son innocence au moment de<br />

son arrestation. Mais la police était formelle<br />

: l’ADN trouvé sur le lieu du cambriolage,<br />

à plus de 300 kilomètres de<br />

son domicile, correspondait au sien.<br />

Selon la police, qui se basait sur l’analyse<br />

de six régions de son empreinte génétique,<br />

il n’y avait qu’une chance sur 37<br />

millions pour que son ADN et la trace<br />

génétique trouvée sur le lieu du cambriolage<br />

ne soient pas identiques. Une<br />

contre-expertise,<br />

effectuée à la<br />

demande de son<br />

avocat sur quatre<br />

autres régions de<br />

son ADN, a pourtant<br />

révélé qu’il<br />

s’agissait bel et<br />

bien de ce que<br />

l’on appelle un<br />

“faux positif”. [...]<br />

[En février <strong>2005</strong>,]<br />

un autre Britannique,<br />

Peter Hamkin,<br />

[était] accusé<br />

d’un meurtre commis<br />

en Italie [...] ;<br />

barman, plusieurs<br />

dizaines de clients<br />

pouvaient témoigner<br />

de sa présence, au moment du<br />

meurtre, derrière son comptoir. Mais,<br />

selon la police, son ADN avait lui aussi<br />

“parlé”. Quelques semaines plus tard,<br />

une contre-expertise révélait qu’il s’agissait,<br />

là encore, d’un “faux positif”. [...]<br />

L’américain Lazaro Sotolusson fut [de<br />

même] accusé, en 2001 et sur la foi de<br />

son ADN, de viols sur mineur. Après<br />

avoir passé un an en prison, son avocat<br />

391 Survie surveillée


éussi à démontrer qu’au moment d’effectuer<br />

le test génétique, un employé du<br />

laboratoire avait saisi dans l’ordinateur,<br />

par erreur, le nom de Sotolusson [... à la]<br />

place de celui du véritable violeur.<br />

Josiah Sutton, un noir américain de 16<br />

ans, avait quant à lui été condamné à 25<br />

ans de prison pour viol, en 1999, avant<br />

d’être relâché en janvier [<strong>2005</strong>].<br />

Condamné sur la foi de son ADN, c’est<br />

une contre-expertise génétique qui l’a<br />

innocenté. William Thompson, professeur<br />

de criminologie à l’université<br />

d’Irvine, en Californie, spécialiste de<br />

l’ADN en matière d’enquêtes criminelles,<br />

avait réussi à démontrer qu’une<br />

employée du laboratoire du FBI de<br />

Houston, au Texas, n’avait pas correctement<br />

effectué ou interprété les tests<br />

génétiques dont elle avait la charge. [...<br />

Le] laboratoire d’Houston, est celui qui,<br />

aux Etats-Unis, est à l’origine du plus<br />

grand nombre de condamnations à<br />

mort. » [2]<br />

Une « fois que l’ADN a “parlé”, c’est l’accusé,<br />

pourtant présumé innocent, qui<br />

doit prouver qu’il y a eu erreur dans le<br />

processus de recoupement ou d’identification.<br />

Et, faute de moyens - les contreexpertises<br />

génétiques coûtent cher - et<br />

d’un avocat compétent, prêt à contester<br />

les résultats “scientifiquement prouvés”,<br />

il est quasiment impossible de parvenir à<br />

démontrer son innocence » [2].<br />

« La Cour suprême allemande [..., elle,] a<br />

refusé de condamner en 1992 un<br />

homme, sur la seule base d’une analyse<br />

génétique déclarée fiable à 99,986 % » [4]<br />

Et, a contrario du mouvement général,<br />

«l’Innocence Project [5], une clinique de<br />

médecine légale à but non [commercial]<br />

créée à New York en 1992, [avait] ainsi<br />

[fin <strong>2005</strong>] permis de libérer pas moins de<br />

164 personnes emprisonnées à tort -<br />

dont une dizaine étaient condamnées à<br />

Survie surveillée 392<br />

mort -, en démontrant que leurs ADN ne<br />

correspondaient pas aux traces prélevées<br />

sur les victimes et scènes de<br />

crime. » [1]<br />

Par ailleurs, « lors du colloque de<br />

Bordeaux, intitulé "dix ans d’empreintes<br />

génétiques", [...] Jean-Hugues Mattely<br />

commandant de gendarmerie à<br />

Blois [cite cet exemple] : un couple fait<br />

l’amour dans une voiture. Un maniaque<br />

sexuel l’observe et une fois l’amant parti,<br />

viole la jeune femme prenant soin d'utiliser<br />

un préservatif puis la tue. Avec la<br />

preuve ADN, l'amant innocent encourt<br />

d'être convaincu du meurtre de son<br />

amie. » [6] De même, « "le sang recueilli<br />

sur la scène du crime appartient-il à ce<br />

suspect ?". Autrement dit, la pratique du<br />

test ne peut pas dispenser [... du] travail<br />

d’enquête. » [4] « Il ne faut pas négliger<br />

l'hypothèse d'un maquillage de la scène<br />

du crime. Il suffit en effet de déposer sur<br />

les lieux ou sur la victime des éléments<br />

complètement étrangers aux faits, aux<br />

fins d'orienter les enquêteurs sur une<br />

fausse piste. Par exemple, le cambrioleur<br />

aguerri abandonnera volontairement<br />

une cagoule non utilisée dans<br />

laquelle il aura introduit les cheveux<br />

d'un tiers. » [6]<br />

La « "preuve ADN" ouvre la voie à la "falsification<br />

de preuve ADN", voire au<br />

dépôt volontaire d'un cheveu, d'un


mégot... sur la scène d'un crime pour<br />

brouiller les pistes ou faire incriminer tel<br />

ou tel. La justice [... se] laissera-t-elle<br />

convaincre par la "Reine des Preuves"<br />

pour peu que le suspect soit indigent ou<br />

défendu par un avocat débutant de l'assistance<br />

juridictionnelle ? » [7]<br />

« Lors de la 1 st International DNA Users’<br />

Conference, organisée par Interpol en<br />

1999 [8], le rapporteur concluait [...]<br />

en évoquant les risques de "formation<br />

des délinquants" induits par la médiatisation<br />

croissante de la médecine légale<br />

[... Depuis], elles font [...] régulièrement<br />

la Une des médias [...] et constituent<br />

l’un des sujets de prédilection des<br />

séries et fictions TV contemporaines :<br />

"Crime Scene Investigation" - Les experts<br />

en VF -, a ainsi dépassé, aux USA, le<br />

non moins célèbre Urgences en terme<br />

d’audience. » [1]<br />

En France, la série est « diffusée sur TF1.<br />

Les délinquants y trouvent des modèles<br />

opératoires. [...] En effet, les réalisateurs<br />

s'entourent de [véritables] spécialistes et<br />

leurs [scénarii] s'inspirent de la réalité<br />

» [6] « (son site web officiel [9] fournit<br />

même une encyclopédie de la médecine<br />

légale). Mieux : on y voit régulièrement<br />

des suspects, aux profils de coupables<br />

tous désignés, être disculpés par le<br />

truchement des analyses médicolégales.<br />

» [1] Ça peut donner des idées.<br />

[1] : (Jean-Marc Manach, « La preuve par l’ADN à l’épreuve<br />

des experts », InternetActu.net, 16/12/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.internetactu.net/?p=6249)<br />

[2] : (Jean-Marc Manach, « Les limites des bases de données<br />

génétiques de la police », 16/12/<strong>2005</strong>, http://rewriting.net/<strong>2005</strong>/12/16/les-limites-des-bases-de-donneesgenetiques-de-la-police)<br />

[3] (www.enfsi.org)<br />

[4] : (Benjamin Barthes, « Élément à charge, oui. Preuve<br />

absolue, non. », L'Humanité, 20/4/2000, http://www.hu<br />

manite.fr/journal/2000-04-20/2000-04-20-223916)<br />

[5] : (www.innocenceproject.org)<br />

[6] : (François Christine, « Le fichier national des empreintes<br />

génétiques », Mémoire de DEA Droit et Justice, Lille II, 2001-<br />

2002, p. 54, http://edoctorale74.univ-lille2.fr/fileadmin/master_recherche/T_l_chargement/memoires/justice/francoisc02.pdf)<br />

[7] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org/20<br />

06/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[8] : (http://www.interpol.int/Public/Forensic/DNA/Confe<br />

rence/1999/agenda.asp)<br />

[9] : (http://www.cbs.com/primetime/csi)<br />

« Quand le<br />

fichier A.D.N.<br />

FNAEG [Fichiernationalautomatisé<br />

des empreintesgénétiques]<br />

fut<br />

initialement<br />

créé, il ne devait contenir que des<br />

prélèvements effectués sur des personnes<br />

condamnées pour des crimes<br />

sexuels envers les enfants [Voir<br />

« 1 modèle à surpasser », p. 156] [1].<br />

[...] Le fichier fut ensuite effectivement<br />

créé [2], et sa mise en place [...]<br />

ne fut effective qu'en 2001.<br />

Les possibilités d'enregistrement dans le<br />

FNAEG étaient à l'origine limitées :<br />

seules les empreintes génétiques des<br />

personnes condamnées pour une infraction<br />

à caractère sexuel ou pour certaines<br />

atteintes aux mineurs pouvaient être<br />

conservées. Elles ont été élargies à plusieurs<br />

reprises [3] [... par des] textes<br />

[qui] ont également facilité les modalités<br />

d'alimentation et de consultation du<br />

FNAEG [4]. » [5] [Voir « On emprunte<br />

vos empreintes », p. 341]<br />

« La liste des infractions justifiant un<br />

enregistrement au FNAEG a [subtilement]<br />

été allongée par les réformes successives,<br />

de sorte qu'elle inclut désormais<br />

la plupart des infractions punies<br />

393 Survie surveillée


d'une peine d'emprisonnement » [6].<br />

« "Au 1 er octobre 2003, le FNAEG, géré<br />

par la sous-direction de la police technique<br />

et scientifique à Ecully, près de<br />

Lyon, comprenait environ 8 000 profils<br />

génétiques de personnes condamnées<br />

et 3 200 de personnes mises en<br />

cause. [...]" [7] » [5] « Au 1 er juin <strong>2005</strong>,<br />

les empreintes génétiques de quelque<br />

80 000 personnes étaient enregistrées.<br />

» [6] Encore bien peu.<br />

En <strong>2005</strong>, « en France, "les frais de justice<br />

criminelle représentent 76 % du volume<br />

global des frais de justice et suivent<br />

une progression constante de plus<br />

de 20 % par an [Voir « Justice (de) classe<br />

», p. 337] [...] : la société a évolué<br />

vers une judiciarisation des conflits et<br />

l’exigence de résultat [...] est légitimée<br />

par les nouveaux moyens technologiques<br />

[..., tels les] tests ADN qui ont<br />

remplacé, et tant mieux, la reine des<br />

preuves qu’était jusqu’alors l’aveu [Voir<br />

« Modèle suivi ? Allah loupe ! », p. 331].<br />

Les justiciables ne comprendraient<br />

pas que l’on renonce à ces progrès<br />

que représentent toutes ces nouvelles<br />

technologies" [8]. » [9]<br />

Les « “[...] profils génétiques [...] peuvent<br />

être effacés sur instruction du procureur<br />

de la République agissant soit d'office,<br />

soit à la demande de l'intéressé, lorsque<br />

leur conservation n'apparaîtra plus<br />

nécessaire au regard de la finalité du<br />

fichier." [7] [...] On peut supposer que<br />

les procureurs de la République n'auront<br />

que ça à [... faire], de veiller à l'effacement<br />

des profils de personnes lorsque<br />

leur conservation n'apparaîtra plus<br />

nécessaire au regard de la finalité du<br />

fichier, surtout quand le fichier comportera<br />

des millions de profils [...], de juger<br />

[régulièrement] un par un de l'opportunité<br />

de leur effacement. Ce qui voudra<br />

donc dire, en pratique, conservation [...<br />

Survie surveillée 394<br />

au] moins pour la durée maximum fixée<br />

par la loi » [5], « quarante ans lorsque les<br />

données se rapportent à des condamnés<br />

et vingt-cinq ans dans les autres cas »<br />

[6], pour les présumés innocents.<br />

Et « désormais, [on peut] être inscrit au<br />

fichier A.D.N. à la suite d'une arrestation<br />

pour une rixe ou un ta<strong>page</strong> nocturne.<br />

[... Et] le refus de [se] soumettre à un<br />

prélèvement génétique constitue désormais<br />

un délit puni d'un an d'emprisonnement<br />

et 15.000 Euros d'amende [10].<br />

[...] Le refus de prélèvement de la part<br />

d'un condamné est quant à lui puni du<br />

double. » [5]<br />

« Le 25 août [2006, par exemple],<br />

devant le tribunal correctionnel d'Alès<br />

(Gard), le procureur a requis 500 euros<br />

d'amende à l'encontre [de Benjamin<br />

Deceuninck, faucheur volontaire], pour<br />

"refus, par personne condamnée pour<br />

délit, de se soumettre au prélèvement<br />

destiné à l'authentification de son<br />

empreinte génétique". » [11] « Dans son<br />

délibéré [..., de fait], le tribunal correctionnel<br />

d'Alès [l’a] condamné [...] à 500<br />

[euros] d'amende » [12]. « Refuser de<br />

donner son ADN est un "délit continu",<br />

explique Christian Pasta, procureur de la<br />

République à Alès. "Tant qu'il refusera le<br />

prélèvement, j'engagerai à nouveau des<br />

poursuites et il sera reconvoqué. On peut<br />

le mettre au trou pour récidive." » [11]<br />

Rendons grâce « à Dominique Perben,<br />

Nicolas Sarkozy et Daniel Vaillant pour<br />

"avoir fait du fichier d'empreintes génétiques<br />

Fnaeg un véritable fichier de<br />

population incluant [des] mis en examen,<br />

[des] acquittés, [des] relaxés, [des]<br />

suspects et [des] mineurs." [13] » [14]<br />

En « 2004, "le fichier automatisé des<br />

empreintes digitales (FAED) qui comprend<br />

[alors] un fond de 1.981.615<br />

empreintes (12,50 % de plus qu'en<br />

2003) » [15], et « 2,5 millions [... en]


<strong>2005</strong> » [16] (25 % de plus qu’en 2004),<br />

« a permis [en 2004] de procéder à<br />

192.812 identifications", indique [le<br />

ministère de l'Intérieur]. Le fichier national<br />

automatisé des empreintes génétiques<br />

(FNAEG), qui a géré en 2004<br />

31.894 profils (83,29 % de plus qu'en<br />

2003), a déjà [en 2004] permis "525<br />

rapprochements d'affaires" [... Alors], le<br />

ministre [... a voulu] porter en <strong>2005</strong> la<br />

capacité de ce fichier à 400.000<br />

empreintes. » [15] « A terme, [avait-on<br />

prévu,] il devrait pouvoir comporter [au<br />

moins] entre 600 000 et 700 000 profils.<br />

» [7] Ensuite...<br />

« Vous êtes porteur d'une maladie génétique,<br />

d'une maladie dégénérescente<br />

[...] ? L'employeur, le banquier, l'assureur<br />

sont intéressés. Comment veiller à<br />

ce qu'un policier ou un magistrat, cumulant<br />

par exemple sa retraite avec<br />

un emploi privé, ne communique<br />

pas de renseignements à son employeur<br />

? » [11] Heureusement, pour<br />

fabriquer le consentement, on nous<br />

donne de la publicité... [Voir « Filon : A<br />

l’Anglaise ! », ci-dessous]<br />

[1] : (Projet de loi initial d'Alain Marsaud, député RPR, en<br />

1/1997, relatif « à la constitution d'un fichier national des<br />

empreintes génétiques destiné à l'identification des<br />

auteurs de crimes et délits sexuels commis sur des enfants<br />

mineurs de [moins de] 15 ans »)<br />

[2] : (« Loi sur la prévention et la répression des infractions<br />

sexuelles » de 1998 (loi n° 98-468))<br />

[3] : (Par la loi n° 2001-1062 du 15/11/2001 relative à la<br />

sécurité quotidienne, par la loi n° 2003-239 du<br />

18/3/2003 pour la sécurité intérieure et par la loi n° 2004-<br />

204 du 9/3/2004 portant adaptation de la justice aux<br />

évolutions de la criminalité)<br />

[4] : (Sénat, « Étude de législation comparée n° 157 - janvier<br />

2006 - L'utilisation des empreintes génétiques dans la<br />

procédure pénale », 1/2006, http://www.senat.fr/lc/lc15<br />

7/lc1570.html)<br />

[5] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org/2<br />

006/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[6] : (Sénat, « Étude de législation comparée n° 157 - janvier<br />

2006 - L'utilisation des empreintes génétiques dans la<br />

procédure pénale », http://www.senat.fr/lc/lc157/lc1570<br />

.html)<br />

[7] : (Stéphane Foucart, « Le fichage des empreintes de<br />

tous les Français est envisagé », Le Monde, 19/12/2003,<br />

cité in « le FNAEG - Fichier National Automatisé des<br />

Empreintes Génétiques », http://perso.orange.fr/felina/do<br />

c/fich/fnaeg.htm)<br />

[8] : (André Vallini)<br />

[9] : (Jean-Marc Manach, « La preuve par l’ADN à l’épreuve<br />

des experts », InternetActu.net, 16/12/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.internetactu.net/?p=6249)<br />

[10] : (Loi "LSI" dite "sur la sécurité intérieure" n° 2003-239<br />

du 18 mars 2003, http://www.lexinter.net/lois/loi_du_18<br />

_mars_2003_pour_la_securite_interieure.htm)<br />

[11] : (Marion Van Renterghem, « La tentation du fichage<br />

génétique de masse », Le Monde, 26/9/2006,<br />

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-<br />

816576,0.html)<br />

[12] : (T. Dg. , « 500 euros d'amende pour le refus<br />

d'un prélèvement ADN », Midi libre, 30/9/2006,<br />

http://www.midilibre.com/actuv2/article.php?num=1159<br />

546405)<br />

[13]: (« Big Brother Awards France 2004. Les palmes<br />

de la surveillance - 5ème édition », 26/1/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.bigbrotherawards.eu.org/2004/)<br />

[14] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[15] : (« Fusion des fichiers police-gendarmerie en 2010 »,<br />

nouvelobs.com, 14/1/<strong>2005</strong>, http://permanent.nouvelobs.com/societe/<strong>2005</strong>0114.OBS6233.html)<br />

[16] (M. Gaudin, cité in « Avec “Ariane”, police et gendarmerie<br />

vont fusionner leurs fichiers », Le Monde,<br />

10/11/2006, d’après AFP)<br />

Deux « soirs<br />

successifs [...,]<br />

les journaux télévisés<br />

[... prêchent]<br />

: Il y a<br />

[...] vingt ans,<br />

une jeune fille<br />

a été violée et assassinée.<br />

Des échantillons de l'A.D.N. présumé du<br />

criminel furent récoltés sur la scène du<br />

crime. Le criminel ne fut pas retrouvé à<br />

l'époque, mais la famille de la victime<br />

[...] "relança" régulièrement l'instruction<br />

(pour éviter la prescription). Un homme<br />

[avait été] récemment arrêté et placé en<br />

garde à vue à la suite de faits banals [...]<br />

(une rixe), et un prélèvement d'A.D.N.<br />

lui fut policièrement imposé à cette occasion.<br />

» [1] « Le fichier informatisé FNAEG<br />

[...] mit en rapport le nouveau prélève-<br />

395 Survie surveillée


ment A.D.N. avec l'ancienne affaire.<br />

Le nom du criminel présumé sortit<br />

du chapeau informatique, et il fut arrêté.<br />

[Ce fut] une véritable campagne de<br />

publicité » [1]<br />

Le « fichier FNAEG permettra certainement<br />

l'arrestation d'un certain nombre<br />

de criminels [...,] qui n'auraient pas pu<br />

être confondus par [...] d'autres indices<br />

ou d'autres preuves [... Peu, sans doute.<br />

On] montera [ainsi] en épingle au journal<br />

télévisé [...] le cas d'école où l'empreinte<br />

génétique aura joué un rôle crucial.<br />

[...] L'arrestation d'un ou deux<br />

criminels de plus vaut [bien] le fichage<br />

A.D.N. de centaines de milliers d'habitants<br />

[... !]<br />

Le fichage au FNAEG d'une partie<br />

notable de la population constituera<br />

celle-ci en corps de suspects privilégiés<br />

permanents. Ces personnes [...] innocentes<br />

aux yeux de la justice dans leur<br />

immense majorité, verront cependant<br />

leur profil génétique automatiquement<br />

comparé (par ordinateur) avec les [prélèvements]<br />

A.D.N. opérés sur les scènes de<br />

tous crimes et délits, rendant ces personnes<br />

infiniment plus susceptibles que<br />

d'autres d'être victimes d'une éventuelle<br />

erreur du système [...]. La scission de<br />

notre société en deux groupes, celui des<br />

innocents-innocents et celui des innocents-suspects<br />

[serait donc] tolérable<br />

dans une démocratie [...] qui prétend<br />

être "[celle] des Droits de l'Homme'' [...]<br />

[Vive l’ADN ! La] présence d'une telle<br />

"Reine des Preuves" dans un dossier<br />

contribuera fortement à la fermeture de<br />

celui-ci, à l'arrêt des investigations "puisqu'on<br />

tient le coupable", avec l'aide de<br />

la tendance humaine naturelle à la facilité,<br />

et de la surcharge de travail des juges<br />

d'instruction [2]. [...] il suffira [donc]<br />

peut-être d'être passé deux heures avant<br />

un crime, par [...] hasard, sur le lieu où<br />

Survie surveillée 396<br />

se déroulera celui-ci, et d'y avoir laissé<br />

un mégot imprégné de notre salive,<br />

pour que celui-ci ne devienne "le mégot<br />

de l'assassin" » [3]. Et comme le rappelle<br />

un « magistrat pénaliste [...] : "L'infaillibilité<br />

scientifique de l'ADN impressionne<br />

fortement les jurés d'assises, et<br />

parfois à tort." [4] » [5]<br />

Et « le dirigeant du labo de police scientifique<br />

de la Gendarmerie Nationale [...,<br />

sans gêne,] affirmait [6] que les comparaisons<br />

A.D.N. offraient un taux de certitude<br />

de 99,9 % [les policiers s'en prévalant,<br />

les aveux ne tardent en général<br />

pas], et se réjouissait ensuite de voir<br />

croître sans cesse le nombre de prélèvements<br />

A.D.N. présents dans [le] fichier<br />

[...] FNAEG, citant en exemple l'équivalent<br />

britannique de ce fichier, dans<br />

lequel figureraient plus de 2 millions<br />

d'échantillons d'A.D.N. de citoyens britanniques,<br />

montrant cela comme [...]<br />

la voie à suivre [... Doit-on] considérer<br />

qu'un anglais sur 30 est un criminel<br />

potentiel ? [... Ou est-il simplement] souhaitable<br />

[de ficher] les empreintes génétiques<br />

d'innocents ? » [1]<br />

« 37 % des hommes noirs de Grande-<br />

Bretagne, qui représentent 2 % de la<br />

population, ont leurs empreintes ADN<br />

recensées dans le fichier national de la<br />

police. Seuls 9 % des hommes blancs et<br />

13 % des Asiatiques y figurent. [... Les<br />

policiers] blancs, largement majoritaires,<br />

ont tendance à considérer tout Noir<br />

comme un délinquant en puissance qui<br />

doit être fiché en prélevant un échantillon<br />

génétique, généralement de la salive.<br />

Dans son rapport, le policier, qui justifie<br />

par écrit le motif d'un test ADN,<br />

détermine l'origine ethnique de la personne<br />

"selon son apparence" [... et] les<br />

métis sont systématiquement rangés<br />

dans la catégorie "Blacks". [...]<br />

Au départ, la loi ne prévoyait de conser-


ver que les échantillons de [salive] des<br />

personnes<br />

condamnées<br />

ou<br />

poursuivies.<br />

Mais,<br />

depuis mai<br />

2001, le<br />

fichier accueilleaussi<br />

les profils<br />

de personnes<br />

qui<br />

ont été acquittées<br />

ou<br />

qui n'ont<br />

pas fait l'objet de poursuites judiciaires.<br />

» [7] La « banque nationale des<br />

profils ADN, la plus grande d'Europe,<br />

créée en 1995 [...,] concerne [en 2006]<br />

2,7 millions de personnes, soit 5,24 %<br />

de la population, contre 0,5 % aux Etats-<br />

Unis, 0,41 % en Allemagne et 0,11 % en<br />

France [...]. Les profils recensés<br />

devraient atteindre 4,2 millions de personnes<br />

en 2007. » [7]<br />

« Ainsi, les policiers britanniques sont<br />

habilités à prélever l’ADN de simples suspects<br />

(et à le conserver même s’ils sont<br />

par la suite innocentés) : le fait de griller<br />

un feu rouge, ou de consommer du cannabis,<br />

suffit à autoriser un prélèvement<br />

génétique. [...] En mars [<strong>2005</strong>], aux<br />

Etats Unis, l’Attorney général John<br />

Ashcroft a accordé un milliard de dollars<br />

de crédit, sur cinq ans, afin de parvenir<br />

à stocker 50 millions de prélèvements<br />

génétiques - contre 1,3 million [en<br />

<strong>2005</strong>] -, en étendant le fichage ADN<br />

aux simples suspects, ainsi qu’aux<br />

mineurs. » [3]<br />

« Fichage que l'on généralisera ensuite à<br />

l'ensemble de la société, dès la maternité,<br />

cela sera plus simple. » [1] On sait où<br />

aller chercher. « Les fiches de dépistage<br />

des maladies métaboliques constituent<br />

une banque de sang assez unique<br />

correspondant<br />

à plus<br />

de 95 %<br />

des enfants<br />

nouveauxnés.<br />

[...<br />

Et] le sang<br />

récolté sur<br />

un papier<br />

buvard permet<br />

une<br />

conservationprolongée<br />

et<br />

[...] une<br />

plus grande stabilité de certaines molécules,<br />

telles que [...] l’ADN. » [8]<br />

Bienvenue dans un monde plus sûr.<br />

[1] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org/20<br />

06/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[2] : (Cf. Maître Eolas, « Où l'on reparle, sans doute pour<br />

la dernière fois, de l'affaire d'Outreau », 16/6/2006,<br />

http://maitre.eolas.free.fr/journal/index.php?2006/06/16<br />

/369-ou-l-on-reparle-sans-doute-pour-la-derniere-fois-de-laffaire-d-outreau)<br />

[3] : (Jean-Marc Manach, « Les limites des bases de données<br />

génétiques de la police », 16/12/<strong>2005</strong>, http://rewriting.net/<strong>2005</strong>/12/16/les-limites-des-bases-de-donneesgenetiques-de-la-police/)<br />

[4] : (Jean-Paul Jean)<br />

[5] : (Marion Van Renterghem, « La tentation du fichage<br />

génétique de masse », Le Monde, 26/9/2006,<br />

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-<br />

816576,0.html)<br />

[6] : (Soir 3, France 3, 21/6/2006)<br />

[7] : (Marc Roche, « 37 % des hommes noirs de Grande-<br />

Bretagne sont inscrits dans le fichier ADN de la police », Le<br />

Monde, 6/1/2006, reprod. in http://www.minorites.org/<br />

article.php?IDA=14187, d’après The Guardian, 5/1/2006)<br />

[8] : (Comité Consultatif de Bioéthique, « Avis n° 25 du 17<br />

novembre 2003 relatif à la durée de conservation des<br />

fiches de sang et la confidentialité des données concernant<br />

le dépistage des anomalies congénitales métaboliques<br />

»)<br />

397 Survie surveillée


« Tom<br />

Ridge, PremierSecrétaire<br />

du<br />

DHS américain [Voir « Homeland,<br />

Sweet Homeland », p. 475] [le clame]<br />

: "les RFID vont protéger les américains<br />

contre le terrorisme" [1]. » [2]<br />

La « RFID (Radio Frequency Identification)<br />

» [3] « ou système d'identification<br />

par [étiquetage] magnétique<br />

en mode lecture/écriture - est [...] une<br />

petite révolution informatique. » [4]<br />

Ces « puces électroniques [...] permettent<br />

une IDentification par Fréquence<br />

Radio. » [5], et « se [présentent] le plus<br />

souvent [sous] la forme d'étiquettes<br />

adhésives, les tags, intégrant puce et<br />

antenne. » [6] « On dit aussi étiquettes<br />

"intelligentes", "smart tags", puces à<br />

radiofréquences, transpondeurs [RFID]. » [7]<br />

« La traduction sur quelques millimètres<br />

carrés d'un désir totalitaire de tout<br />

suivre, pister, détecter, contrôler, surveiller<br />

électroniquement. Même des<br />

arbres, oui. » [7]<br />

Partie constituante d'« un système de<br />

minuscules balises d'identification par<br />

ondes radio » [3], la RFID est une « miniétiquette<br />

» [7]. « Une puce RFID » [3],<br />

d'« à peine 1 millimètre [carré] » [8],<br />

« pourrait tenir dans le point d'un i de<br />

cet article. Elle contient un microprocesseur<br />

» [5] « communicant, d'une [surprenante]<br />

puissance » [3], avec « une grande<br />

capacité de mémoire » [7], ainsi<br />

qu’« une antenne permettant de transmettre<br />

les données par fréquences radio<br />

[et, pour certaines,] un mécanisme de<br />

production d'énergie » [5], les autres<br />

Survie surveillée 398<br />

« ne [nécessitant] aucune alimentation<br />

et [durant très longtemps] » [8].<br />

« L'ensemble peut être incorporé dans<br />

pratiquement tous les objets : automobiles,<br />

appareils électroniques, vêtements,<br />

livres, ameublement, jouets, emballages<br />

alimentaires... Même dans le papier à<br />

lettre. Un tag RFID n'a pas grand-chose<br />

de commun avec le code-barres [qu'il]<br />

remplace officiellement. » [3]<br />

« Un appareil de lecture à distance » [5],<br />

pouvant être « à 5 mètres » [8] de la<br />

puce, « suffit à la "réveiller". » [5] Ainsi, la<br />

« puce RFID permet également le traçage<br />

à distance » [8] car elle « possède son<br />

propre identifiant, qui la distingue de<br />

toutes les autres. » [7] « Chaque étiquette<br />

est unique, donc distingue l'objet<br />

ou la personne qui la porte parmi tous<br />

les autres, et est lisible à distance, à travers<br />

l'épaisseur de la peau, d'un emballage,<br />

de l'écorce, d'une couche de neige<br />

épaisse, etc. » [7]<br />

Et « la petite taille des RFID permet de les<br />

dissimuler dans [...] le corps même des<br />

objets. Début février 2006 Hitachi a présenté<br />

la plus petite puce RFID du monde<br />

[du moment] : 0,15 mm de côté et 7,5<br />

µm d'épaisseur. Invisible, indétectable,<br />

sauf par la machine et ceux qui [la] pilotent<br />

» [7]. « Le lecteur peut être manuel<br />

(comme les lecteurs de codes-barre) ;<br />

s'intégrer à un portique (comme aux<br />

péages d'autoroute) ou être dissimulé<br />

dans l'environnement (mobilier urbain,<br />

[montants de] portes, etc.).<br />

Les RFID utilisent quatre bandes de fréquence<br />

: moins de 135 kHz (basses fréquences),<br />

13,56 [MHz] (hautes fréquences),<br />

868-950 [MHz] (ultra hautes<br />

fréquences), 2,45 GHz (micro-ondes).<br />

Plus les fréquences sont hautes, plus on<br />

peut lire la puce de loin (de quelques<br />

centimètres à plusieurs dizaines de<br />

mètres). » [7]


« Les tags RFID se répartissent en deux<br />

grandes familles : les passifs et les actifs.<br />

[Les] deux [sortes de tag] émettent et<br />

reçoivent de l'information, et leur mémoire<br />

est modifiable à distance. Les tags<br />

passifs, privés de source d'énergie<br />

propre, sont activés par le champ électromagnétique<br />

généré par les appareils<br />

de lecture. Ainsi, leur distance de communication<br />

reste limitée de quelques<br />

centimètres à quelques mètres. Les tags<br />

actifs, eux, disposent d'une batterie intégrée<br />

qui augmente leur portée jusqu'à<br />

quelques dizaines, voire quelques centaines<br />

de mètres. » [6]<br />

Ça fonctionne bien. « Sauf [... si la puce]<br />

est collée sur une cannette en aluminium<br />

ou sur un surgelé humide » [9], car<br />

« [l'aluminium,] très courant dans l'emballage<br />

alimentaire, peut brouiller le<br />

signal radio, et l'eau [sous forme liquide]<br />

réduit la portée de la puce [10] » [9].<br />

Ce problème a été contourné, en particulier<br />

par « la société sud-africaine Ipico<br />

Holdings [11] [qui a mis] au point une<br />

puce RFID à double fréquence [basse<br />

fréquence plus haute fréquence, qui ont<br />

des propriétés différentes] - et non pas à<br />

fréquence unique comme les RFID classiques.<br />

» [9] On peut enfin travailler.<br />

« "Les technologies les plus profondément<br />

enracinées sont les technologies<br />

invisibles. Elles s'intègrent dans la trame<br />

de la vie quotidienne pour ne plus pouvoir<br />

en être distinguées." [12] » [7] Le<br />

principe n'est pas nouveau. De même, la<br />

« domination de la marchandise s'est<br />

d'abord exercée d'une manière occulte<br />

sur l'économie, qui elle-même, en tant<br />

que base matérielle de la vie sociale, restait<br />

inaperçue et incomprise, comme<br />

le familier qui n'est pas pour autant<br />

connu. » [13]<br />

Les « puces RFID [... peuvent bien] détecter<br />

les habitudes de consommation, sur-<br />

veiller les allées et venues de chacun...<br />

[Des mécréants peuvent] craindre l'usage<br />

qu'en feraient des Etats comme la<br />

Chine ou la Tunisie, qui savent déjà traquer<br />

leurs opposants sur le Net. Si [...]<br />

les Etats-Unis conservent la haute main<br />

sur les centres nerveux de ces nouveaux<br />

réseaux, il pourrait faire meilleur être<br />

demain du mauvais côté de la fracture<br />

numérique, là où l'homme, privé<br />

de réseau, restera encore maître des<br />

choses.. » [14]<br />

Ces nouveautés heurtent encore les<br />

mentalités. « Tout comme l'établissement<br />

d'un profil précis de l'internaute pouvait<br />

choquer [vers 2000]. Tout comme [...]<br />

l'idée même qu'une entreprise commerciale<br />

puisse un jour injecter un programme<br />

d'espionnage dans les ordinateurs<br />

des particuliers afin de les "guider<br />

intelligemment au fil de leurs décisions<br />

d'achat" (en d'autres termes, des<br />

spywares et adwares) [Voir « La<br />

Nasse », p. 445]. Il se pourrait bien qu'à<br />

force de dérive sémantique, de "tolérances<br />

exceptionnelles", de "clauses<br />

légales particulières" et autres "malencontreux<br />

débordements devenus depuis<br />

des faits accomplis", le flicage par RFID<br />

passe un jour dans les mœurs, sans que<br />

personne ne s'en rende compte. Une<br />

sorte de cookie matériel, [...] contrôlé<br />

par l'éthique de ceux qui disséminent<br />

ces "agents". » [15]<br />

« Conscients de leur énormité liberticide,<br />

chercheurs et industriels travaillent à l'acceptabilité<br />

des RFID. En juillet 2003, le<br />

centre Auto-ID [16] du MIT [Voir « Marchandises<br />

: la nasse », p. 412] laisse malencontreusement<br />

en ligne des documents<br />

confidentiels. L'association anti-<br />

RFID américaine CASPIAN [17] révèle<br />

alors que les fabricants de mouchards se<br />

font conseiller par l'agence de com'<br />

Fleishman-Hillard pour mieux fourguer<br />

399 Survie surveillée


leurs espions : abandonner le nom<br />

"Smart tags" pour "Green tags", supposé<br />

plus rassurant ; "positionner la technologie<br />

comme étant simplement un codebarre<br />

amélioré", etc. Finalement, les<br />

chercheurs avouent espérer que les<br />

consommateurs seront "apathiques" et<br />

"se résigneront d'eux-mêmes à l'inévitabilité<br />

de la chose" [18] [...]. Si l'on mesure<br />

la menace au soin que mettent les<br />

chercheurs à la dissimuler, assurément<br />

les RFID méritent notre » [7] prévention.<br />

[1] : (Mark Baard, « Ridge Says RFID Boosts Security »,<br />

Wired News, 12/4/<strong>2005</strong>, http://www.wired.com/news/p<br />

rivacy/0,1848,67192,00.html)<br />

[2] : (Marc Olanié, « RFID et cartes d’identité électronique,<br />

welcome, Big Brother », Réseaux et Télécoms, 14/4/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.reseaux-telecoms.com/cso_btree/05_04_14_<br />

000240_710/Newscso_view)<br />

[3] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[4] : (Michel Rousseau, « RFID : le syndrome français », silicon.fr,<br />

2/6/<strong>2005</strong>, http://www.silicon.fr/getarticle.asp?ID=<br />

10104)<br />

[5] : (François Bocquier, INRA de Montpellier, « Des puces<br />

électroniques pour détecter les femelles en chaleurs »,<br />

Agrisalon.com, 20/4/2006, http://www.agrisalon.com/0<br />

6-actu/article-16788.php)<br />

[6] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[7] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[8] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[9] : (Christophe Guillemin , « Des puces RFID basses fréquences<br />

pour moins de parasites », ZDNet France,<br />

8/9/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39170631,00.htm)<br />

[10] : (Cf. Christophe Guillemin , « Les puces RFID ne sont<br />

pas encore prêtes pour investir les supermarchés », ZDNet<br />

France, 9/6/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39156308,00.htm)<br />

[11] : (autrefois : www.ipico.co.za)<br />

[12] : (Mark Weiser ; Cf. http://www.itu.int)<br />

[13] : (Guy Debord, « La Société du Spectacle », th. 41,<br />

Buchet-Chastel, 1967, réed. Champ Libre, p. 28, réed.<br />

Gallimard et folio, http://sami.is.free.fr/Oeuvres/debord_s<br />

ociete_spectacle_1.html)<br />

[14] : (Isabelle Repiton, « L'Homme pris dans la Toile ou<br />

l'Internet des objets », La Tribune, 18/11/<strong>2005</strong>)<br />

[15] : (Marc Olanié , « RFID Super flic : c’est sur les rails »,<br />

Réseaux et Télécoms, 27/07/<strong>2005</strong>, http://www.reseaux-<br />

Survie surveillée 400<br />

telecoms.com/cso_btree/05_07_27_192558_275/Newsc<br />

so_view)<br />

[16] : (autrefois : http://www.autoidcenter.com)<br />

[17] : (Cf. www.spychips.com)<br />

[18] : (Thierry Dupont, « Des documents internes sur les<br />

"étiquettes intelligentes" circulent sur le web », transfert.net,<br />

8/7/2003, http://www.transfert.net/a9099)<br />

De « nombreuxprojets<br />

RFID<br />

se sont<br />

lancés en<br />

2004. Les<br />

cas emblématiques<br />

restent les grands acteurs de la grande<br />

distribution » [1]. Les « RFID - sont<br />

[...] un progrès [... pour la] gestion des<br />

stocks [2] et [...] des flux de marchandise<br />

[..., mais aussi] un "outil à cartographier<br />

et tracer le consommateur". » [3]<br />

La « RFID [était] déjà utilisé pour la traçabilité<br />

des palettes de marchandises qui<br />

transitent autour du monde. » [4]<br />

« Dans la grande distribution, les étiquettes<br />

"intelligentes" permettent de<br />

suivre les produits de l'usine à la<br />

déchetterie, en passant par le transport,<br />

le stockage, l'achat, et de lutter<br />

contre les vols - pardon, les "démarques<br />

inconnues". » [5]<br />

La grande distribution est aux mains<br />

d'un oligopole [Voir Liquidation Totale<br />

n° 1 et n° 2] qui donne le tempo, et qui<br />

utilise les RFID « comme le transport de<br />

marchandises [qui] les [a] déjà adoptées<br />

[...] : inventaire quasi immédiat, maîtrise<br />

parfaite du contenu d'une livraison. Ces<br />

puces peuvent [...] contenir [...] origine,<br />

date de fabrication et de péremption,


nombre, température, couleur [...].<br />

Le groupe américain Wal-Mart, numéro un<br />

mondial de la grande distribution, a » [6]<br />

« "incité" 130 de ses 61 000 fournisseurs<br />

[étasuniens] » [7], les « plus gros [...],<br />

comme Gillette, Nestlé, Unilever » [6], « à<br />

équiper leurs produits d'étiquettes RFID<br />

en janvier <strong>2005</strong>. [Début 2006], 200<br />

nouveaux fournisseurs ont dû [... le<br />

faire] et 300 [... autres] en janvier 2007.<br />

[Ainsi, dit] le distributeur [...,] les<br />

consommateurs bénéficieront d'une<br />

meilleure disponibilité des produits [...].<br />

S'engageant à protéger leur vie privée<br />

en ne recueillant aucune information sur<br />

eux, il ajoute : "Cependant, le choix de<br />

conserver le tag ou de le jeter après<br />

votre achat vous revient entièrement."<br />

[8] Le consommateur utilisera-t-il<br />

cette possibilité ? Lui sera-t-elle clairement<br />

expliquée ? » [7]<br />

Car « tous les industriels des puces RFID<br />

[... répondent à] la question de la protection<br />

de la vie privée. [... par] la possibilité<br />

[d'inactivation] des tags [...].<br />

L'utilisateur préserve alors son intimité<br />

mais perd tous les profits associés aux<br />

tags RFID : authentification, garantie,<br />

service après-vente, maintenance... » [7]<br />

Vous en avez besoin de ces tags !<br />

« Déjà, [..., autre exemple,] la chaïne britannique<br />

Tesco (2 000 magasins dans le<br />

monde), [...] expérimente un suivi radiofréquentiel<br />

de ses emballages » [9], avec<br />

« RFID sur les linéaires Gillette et DVD<br />

dans deux magasins [et un projet] en<br />

cours pour équiper une partie de la chaïne<br />

d'approvisionnement dans plus de la<br />

moitié des points de vente britanniques.<br />

» [1]<br />

« En 2003, [...,] le projet de Gillette<br />

[était] expérimenté à Cambridge par [...]<br />

Tesco pour lutter contre le vol des lames<br />

de rasoir Mach3. » [7] En effet, « Gillette<br />

l'a incorporé à ses rasoirs pour suivre<br />

l'état des stocks ou, peut-être, espionner<br />

les habitudes de ses clients. » [10] Un<br />

« tag RFID déclenchait la prise d'une<br />

photo du client lorsqu'il saisissait un<br />

paquet de lames sur le présentoir. A la<br />

caisse, une seconde prise de vue permettait,<br />

en la comparant avec la première,<br />

de vérifier l'identité de [l'acquéreur]<br />

[11]. Gillette aurait commandé, à<br />

l'époque, 500 millions de tags à l'entreprise<br />

Alien Technology. Après l'appel au<br />

boycottage du fabricant de rasoirs par<br />

Caspian [12], Gillette [disait renoncer],<br />

pour au moins dix ans, aux tags RFID<br />

dans les produits eux-mêmes, les réservant<br />

aux palettes et cartons. » [7]<br />

« Marks and Spencer (Angleterre) [a, lui,<br />

des projets] RFID sur les flux alimentaires<br />

[avec des] bacs alimentaires équipés de<br />

tags RFID. » [1] De même, en Allemagne,<br />

« Metro [..., pour le déploiement]<br />

de la technologie RFID dans les<br />

chaînes d'approvisionnement [a fait<br />

s’impliquer] 100 fournisseurs, 269 magasins<br />

et 8 centres de distribution [... fin]<br />

<strong>2005</strong>. » [1]<br />

« Metro [...] expérimente [aussi] depuis<br />

401 Survie surveillée


2003 le "magasin du futur" [13]. Votre<br />

caddie, équipé d'un écran informatique<br />

et d'un lecteur, enregistre chaque produit<br />

et [de plus] vous assiste dans vos<br />

courses, idiot [que] vous êtes [!] (localisation<br />

des produits dans les rayons,<br />

conseils, promos, etc). L'objectif est d'éliminer<br />

les humains aux caisses, le chariot<br />

débitera votre compte. À la sortie vous<br />

pouvez désactiver les RFID. Si vous avez<br />

le temps de les passer une par une<br />

devant une nouvelle machine, et si vous<br />

y pensez. Sinon, elles signaleront [leur]<br />

présence dès que vous passerez devant<br />

un lecteur.<br />

Et en France ? Carrefour a signé en<br />

février 2006 un contrat avec le fabricant<br />

Checkpoint Systems [14] pour installer<br />

des lecteurs RFID dans 179 hypermarchés.<br />

» [5] Ces « puces [vont] évidemment<br />

[...] sauter sur tout autre bien de<br />

consommation courante. [...] Et nous<br />

voilà couverts de puces. » [6]<br />

[1] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et des<br />

pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[2] : (http://www.axel-systemes.com)<br />

[3] : (Marc Olanié, « RFID et cartes d’identité électronique,<br />

welcome, Big Brother », Réseaux et Télécoms, 14/4/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.reseaux-telecoms.com/cso_btree/05_04_14_<br />

000240_710/Newscso_view)<br />

[4] : (UNI, « Les syndicats réclament des mesures contre<br />

l'espionnage high-tech5», http://www.union-network.org<br />

/uniindep.nsf/d34dbcc804498029c1256de400420f86/9<br />

a7d9e46a84c52c1c1257199002f7bd5?OpenDocument,<br />

26/6/2006, d'après le rapport complet, http://www.uniglobalunion.org/surveillance)<br />

[5] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anar-<br />

Survie surveillée 402<br />

khia.org/article.php?sid=865)<br />

[6] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[7] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[8] : (www.walmart.com/)<br />

[9] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[10] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[11] : (D'après The Guardian)<br />

[12] : (www.nocards.org)<br />

[13] : (T&T, magazine de la traçabilité, n° 1, 10/<strong>2005</strong>)<br />

[14] : (http://www.checkpointsystems.com)<br />

Au<br />

« Portugal,<br />

[..., une] loi<br />

[a prévu]<br />

que tous<br />

les chiens<br />

[devraient]<br />

être "tagués"<br />

RFID [pour] 2007 » [1] [Voir<br />

« Animalcule », p. 416]. Bientôt, de cette<br />

obligation, « tous étaient frappés » [2] ...<br />

Et on se bouscule pour nous y aider. Par<br />

exemple, « la société française IER [3],<br />

[est un] fournisseur de "solutions complètes<br />

pour l'identification électronique<br />

des animaux". » [4]<br />

L'enjeu est d'importance. « La détection<br />

précise des périodes de chaleur des<br />

vaches, brebis et autres mammifères est<br />

une étape cruciale en élevage. Les scientifiques<br />

de l’INRA [...,] pour connaître de<br />

manière facile et fiable les femelles en<br />

chaleur dans un troupeau [..., utilisent]<br />

les puces [RFID] dont seront bientôt


équipés tous les animaux d’élevage en<br />

Europe. [...] Il s’agit [... d’une puce<br />

RFID], contenant des données d’identification<br />

et capable de transmettre un<br />

signal radio lorsqu’[elle] est [stimulée]<br />

par un lecteur. » [5]<br />

Le « mâle est pourvu d’un lecteur [...] qui<br />

détecte, à chaque chevauchement, la<br />

puce électronique [RFID] de la femelle et<br />

enregistre son numéro d’identification<br />

[... et] l’heure du chevauchement [...],<br />

puis les données sont transférées par liaison<br />

sans fil pour être analysées. » [5]<br />

« Ce [... qui] devrait permettre d’optimiser<br />

la réussite de l’insémination [...]. Le<br />

dispositif a été validé, chez les ovins, par<br />

confrontation à des enregistrements<br />

vidéo. [...]<br />

Le support qui semble le mieux adapté<br />

est le bolus ruminal [...,] un cylindre de<br />

céramique contenant le transpondeur,<br />

qui est introduit par la bouche et reste<br />

séquestré dans les pré-estomacs. Compte<br />

tenu de la localisation de ces bolus,<br />

il est envisageable de parvenir à lire leur<br />

contenu grâce à une antenne adaptée<br />

qui sera placée entre, ou sur, les pattes<br />

avant du mâle.<br />

Les informations collectées sont analysées<br />

pour prévoir le plus précocement<br />

possible l’apparition des chaleurs et le<br />

moment optimum de l’insémination [artificielle]<br />

ou de la saillie. » [5] Si c'est pour<br />

faire plaisir...<br />

Et, d'ailleurs, pourquoi se limiter aux animaux<br />

? « Certaines communes, dont<br />

Paris, pucent leurs arbres pour mieux les<br />

gérer. » [4] C'est l'irrésitible progrès :<br />

« puçage des animaux. Et [... du] cheptel<br />

humain » [4].<br />

[1] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et des<br />

pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[2] : (Jean de La Fontaine, Fables, VII, 1, « Les Animaux<br />

malades de la Peste »)<br />

[3] : (http://www.ier.fr/html/rfid/drfidp<strong>page</strong>.html)<br />

[4] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[5] : (François Bocquier, « Des puces électroniques pour<br />

détecter les femelles en chaleurs », Agrisalon.com,<br />

20/4/2006, http://www.agrisalon.com/06-actu/article-<br />

16788.php)<br />

La « technologie<br />

RFID<br />

[aura suivi] le<br />

même parcours<br />

que<br />

celle des codes<br />

barres.<br />

"Ce sont les grands distributeurs qui ont<br />

contribué au développement des codes<br />

barres en s'y intéressant tout d'abord, en<br />

jouant un rôle moteur et en mettant en<br />

place un standard universel. <strong>2005</strong> [aura<br />

été] une année de tests et de projets<br />

pilotes pour la RFID au niveau de<br />

l'Europe chez les grands distributeurs ou<br />

les sociétés industrielles. [...] La technologie<br />

[était] vouée à se développer sur<br />

tout ce qui est logistique et flux de mar-<br />

403 Survie surveillée


chandises" [1]. » [2]<br />

C'est de plus en plus dans l'air pour la<br />

gestion des flux. Le « British Airport<br />

Authority (Angleterre) [a déjà un système]<br />

de gestion des taxis pour l'aéroport<br />

d'Heathrow, capable d'identifier à la fois<br />

les taxis et les conducteurs. [... Pour]<br />

Airbus (France) [..., l'étiquetage] des<br />

pièces d'avion [se fait] avec des puces<br />

RFID. [Le] Sernam (France) [a un projet]<br />

de suivi de colis sans contact entre les<br />

fabricants et les clients finaux. [...] Delta<br />

Airlines (USA) [a des tests] en cours pour<br />

la gestion des bagages » [2], etc.<br />

« On [...] retrouve [... aussi la RFID] au<br />

travers des cartes de transport comme<br />

Navigo » [3], « votre passe de métro parisien,<br />

ou Avan'Tag, pour le tram grenoblois,<br />

que vous ne sortez plus de votre<br />

sac pour valider. » [4] Ou la « carte à<br />

puce sans contact "Técély" [qui] sert<br />

depuis le 1 er juillet [2002] de sésame<br />

électronique au réseau de transport<br />

public de Lyon » [5].<br />

« Ou le passe sans contact des autoroutes,<br />

qui débite votre compte. Ou<br />

encore le forfait de ski de Chamrousse,<br />

validé lui aussi à distance dans la queue<br />

du télésiège. Trop pratique. À condition<br />

d'admettre que chacun de vos déplacements<br />

soit enregistré » [4].<br />

« La polémique au sujet du "pass<br />

Navigo" de la RATP a soudainement<br />

rebondi [6] [... fin 2004. Car] la RATP,<br />

sous l'impulsion du Syndicat des transports<br />

d'Île de France (Stif), [devait généraliser]<br />

à partir de l'été <strong>2005</strong> ses cartes<br />

Navigo, ces titres de transports munis de<br />

puces électroniques radio (RFID) et<br />

capables de stocker des données personnelles.<br />

Déjà utilisées en titres<br />

annuels, elles [devaient] progressivement<br />

remplacer les [...] "Cartes Orange"<br />

(mensuelles ou hebdomadaires) [alors]<br />

en service. » [7]<br />

Survie surveillée 404<br />

« Pour bénéficier d'un pass Navigo, les<br />

clients [doivent] toutefois remplir une<br />

fiche signalétique, avec nom, prénom,<br />

adresse et téléphone. Et donc figurer<br />

dans le fichier commercial de la RATP<br />

ou de la SNCF [... C'était] déjà le cas<br />

[en 2004] pour les 1,2 millions d'utilisateurs<br />

de forfaits Imagine'R et Integrale,<br />

pour lesquels Navigo a déjà été introduit<br />

depuis [2001] » [7]. Montée en<br />

puissance.<br />

« Etape marquante, le 22 mai [2006], la<br />

généralisation [... de] Navigo [...] a<br />

consacré l'entrée des puces radio dans la<br />

poche des Franciliens. Chacun de leurs<br />

voyages sera, désormais, répertorié et<br />

identifié. Les entreprises ASK et Axalta,<br />

qui fabriquent les Navigo, [tablaient] sur<br />

la production de 4,5 millions d'unités<br />

[pour] 2007.<br />

Au cœur du passe sans contact, une<br />

puce [... RFID]. Mais le système Navigo<br />

intègre également des ordinateurs et<br />

des bases de données. Pour lutter contre<br />

la fraude, les informations sur chaque<br />

voyageur seront conservées un certain<br />

temps. Anodin et pratique, Navigo<br />

marque en fait l'entrée dans un nouvel<br />

univers constellé de puces communicantes.<br />

En perspective, la surveillance<br />

permanente de chacun des gestes des<br />

citoyens grâce aux objets transformés en<br />

mouchards. » [8]<br />

Dès fin 2004, la « Cnil [... s'indigna] [Voir<br />

« La Cnil peut peu », p. 453] "Chaque<br />

fois que l'on met en place un système de<br />

carte à puce qui permet de tracer des<br />

déplacements, il faut proposer aux gens<br />

une alternative, qui est l'alternative de<br />

l'anonymat. Cette alternative doit être<br />

gratuite" [9] [...].<br />

La controverse a pris tellement d'ampleur<br />

que le Stif a dû sortir un communiqué<br />

[...]. "Il est faux de laisser penser<br />

qu'il sera possible de connaître les dépla-


cements des voyageurs" [...] "Les informations<br />

sur les passages aux valideurs<br />

sont uniquement utilisées par un système<br />

automatisé de détection de la fraude,<br />

et [elles] sont automatiquement<br />

détruites au bout de 24 heures". » [7]<br />

« Le Stif garantit [encore] que ces informations<br />

"ne sont pas inscrites sur la puce<br />

mais sur le fichier de gestion", et qu'elles<br />

"sont traitées de façon complètement<br />

indépendante des données de validation".<br />

» [7] Alors, rassurés ?<br />

Pour « bénéficier d'un pass Navigo anonyme,<br />

avec lequel aucune trace des<br />

voyages ne sera mise en mémoire, le<br />

client RATP [ou SNCF] devra débourser<br />

cinq euros [6] » [7]. « Une alternative<br />

[qui a finalement été] proposée à ceux<br />

qui ne souhaitent pas figurer dans les<br />

fichiers commerciaux. Mais uniquement<br />

[depuis] 2006. [... Une] carte pour les<br />

voyageurs occasionnels, [dite] "carte<br />

Navigo non personnalisée" [... coûtant]<br />

cinq euros, correspondant à son coût de<br />

fabrication selon le Stif. Le Syndicat justifie<br />

cette démarche par "un souci de lutter<br />

contre le gaspillage". Il ne veut pas<br />

qu'un "voyageur occasionnel puisse<br />

chaque fois qu'il en a besoin demander<br />

une nouvelle carte sans en supporter le<br />

coût". » [7] Pollueur payeur. La vie privée<br />

a un prix à la hausse. Achetez en !<br />

[1] : (Eric Delaneau)<br />

[2] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et des<br />

pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[3] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[4] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[5] : (Big Brother Awards France, « [Prix Orwell 2002]<br />

Nom du nominé : Carte TECELY (SYTRAL, Lyon) »,<br />

http://www.bigbrotherawards.eu.org/2002/candidats/in<br />

dex.php?de=1&&id=54)<br />

[6] : (Le Parisien, 17/12/2004)<br />

[7] : (Estelle Dumout, « Cartes Navigo : cinq euros pour<br />

ne pas figurer dans un fichier commercial », ZDNet<br />

France, 28/12/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/telecoms/0,39040748,39195591,00.htm)<br />

[8] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[9] : (Christophe Pallez, secrétaire général de la Cnil, entretien<br />

avec France-Info, 17/12/2004)<br />

« Des projetsémergentégalement<br />

dans<br />

les secteurs<br />

de la santé, des transports ou de la<br />

sécurité » [1]. Les utilisations sont<br />

légions. Ainsi, la « Bibliothèque du<br />

Vatican [...,] qui regroupe plus de 2<br />

millions d’ouvrages a adopté les étiquettes<br />

RFID pour identifier et gérer sa<br />

collection » [1].<br />

« Dans les bibliothèques françaises<br />

[aussi], on équipe les livres : l'enregistrement<br />

de vos emprunts se fait au passage<br />

du portique de sortie. [...] Mais [on<br />

revendique] encore : suivi des bagages<br />

dans les aéroports ; identification des<br />

véhicules, des produits de luxe et des<br />

médicaments (contre la contrefaçon) ;<br />

ouverture contrôlée des portes électroniques<br />

; remplacement des badges, passeports,<br />

visas et cartes d'identité électroniques<br />

; gestion des livraisons pour l'armée<br />

; traçabilité alimentaire » [2] [Voir<br />

« Ça y est : Saillie ! », p. 402].<br />

La puce RFID, incorporée dans divers<br />

papiers d'identité [Voir « L'INES paierait<br />

? », p. 378], saute de carte en carte.<br />

« Mobil, McDonald’s, Mastercard (USA)<br />

[... utilisent des] cartes de paiement à<br />

puce RFID (SpeedPass dans les pompes à<br />

essence Mobil, OneSMART PayPass pour<br />

Mastercard). [La] Nagoya Bank (Japon)<br />

405 Survie surveillée


[... intégra] dès <strong>2005</strong> un système de gestion<br />

de documents faisant appel à la<br />

RFID pour répertorier et suivre des dossiers<br />

et renforcer la sécurité et la protection<br />

des informations sensibles. » [1]<br />

« Ainsi l'Agile Bank reconnaît instantanément<br />

le client grâce à la puce incorporée<br />

à sa carte bancaire. "Les employés de la<br />

banque connaissent aussitôt l'état du<br />

compte du client ou la date de sa dernière<br />

réclamation" [3] » [4].<br />

Et c'est aussi bon pour la santé. Les RFID<br />

éviteraient argue-t-on, « toute erreur<br />

d'administration des médicaments tout<br />

en gérant le stock chez le pharmacien et<br />

même l'alimentation de ce dernier par le<br />

laboratoire... Le laboratoire pharmaceutique<br />

américain Pfizer, de son côté, lutte<br />

déjà contre la contrefaçon en intégrant<br />

une puce RFID dans la tête de chaque<br />

flacon de Viagra. "L'ouverture casse le<br />

tag pour éviter toute réutilisation" [5] [...<br />

explique la] société française qui fournit<br />

à Pfizer les tags pour Viagra) » [4].<br />

« Des fermiers texans les utilisent pour<br />

compter leurs bêtes, des propriétaires<br />

pour retrouver leur chien » [6]. Ce bijou<br />

est également porté par des humains.<br />

Dans « les marathons, les coureurs en<br />

portent pour faciliter leur classement ; et<br />

aussi les délégués au dernier congrès du<br />

parti communiste chinois. » [6]<br />

« Dans des collèges américains, on<br />

contrôle la présence et le comportement<br />

des élèves par leur carte électronique<br />

[7]. » [2]. A « [Osaka (Japon)<br />

[..., des] élèves d'une école primaire testent<br />

la technologie [RFID] sur leur trajet<br />

domicile / école. » [1] Ils « en portent<br />

une à l'oreille, qui permet de noter leur<br />

retard ou leur absence. » [6] Comme au<br />

travail [Voir « Ecran de veille », p. 411].<br />

« Le dispositif "Person Tracking Unit"<br />

d'IBM [Voir « Harmonie technique »,<br />

p. 473] [permet plus largement] de scan-<br />

Survie surveillée 406<br />

ner les étiquettes sur les éléments d'une<br />

foule pour suivre les mouvements dans<br />

les lieux publics. Les billets de la Coupe<br />

du Monde 2006 [devaient avoir un]<br />

mouchard pour faciliter le suivi des supporters.<br />

» [2] [Voir « Smart !! », p. 425]<br />

Ambitieux, le « responsable des ventes<br />

de solutions RFID en Europe du Sud-<br />

Ouest chez IBM France » [4] explique :<br />

« "Elles peuvent collecter des informations<br />

provenant de différents capteurs<br />

[...]. Cela peut améliorer, par exemple, la<br />

traçabilité alimentaire grâce à la création<br />

d'un historique des températures de<br />

chaque produit et l'émission d'une alerte<br />

en cas de dépassement de certains<br />

seuils." [8] Il envisage même des "pluies<br />

de microcapteurs" largués sur des zones<br />

géographiques sensibles. "Les puces<br />

communiqueront entre elles et avec des<br />

bornes d'interconnexion, qui analyseront,<br />

par exemple, les informations de<br />

température et d'humidité recueillies" [8]<br />

[..., si on ne les a pas malencontreusement<br />

inhalées ou ingérées].<br />

Des alertes aux incendies comme aux<br />

inondations pourraient ainsi provenir du


terrain lui-même, en économisant les<br />

observations aériennes. Lors d'un récent<br />

congrès, [on évoqua le] marché aux<br />

fleurs d'Amsterdam [..., où] des dizaines<br />

de milliers de bacs à fleurs doivent être<br />

localisés et surveillés en permanence afin<br />

de garantir la qualité des produits. » [4]<br />

Avec la poussière numérique, aidons la<br />

Nature à rester <strong>rieuse</strong> !<br />

Des malveillants s'interrogent : est-ce<br />

que « ces accumulations d'ondes hertziennes<br />

(portable, Wifi, RFID, [...]) menacent<br />

[la] santé ? [Ces] milliards de puces<br />

électroniques disséminées [notamment]<br />

dans les décharges ne [vont-elles] pas<br />

polluer plus encore les sols et les nappes<br />

phréatiques ? » [2] Et les organismes ?<br />

Mais « l'intérêt principal des RFID [est]<br />

pour leurs utilisateurs : recueillir et stocker<br />

des millions de données - une richesse<br />

dans la société de l'information ; une<br />

source de pouvoir dans la société de la<br />

domination. » [2] Si c'est pour une<br />

bonne cause...<br />

[1] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et<br />

des pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[2] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[3] : (Peter Richards, chef des solutions pour le marketing<br />

et l'industrie financière chez British Telecom's)<br />

[4] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[5] : (Guiseppe Zaccaria, chez Tagsys)<br />

[6] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[7] : (Cf. www.incomcorporation.com)<br />

[8] : (Marc de Fréminville)<br />

« Dès 1944,<br />

les avions<br />

étaient identifiés<br />

par radiofréquences. » [1]<br />

« Le premier brevet lié aux RFID date<br />

de 1969 » [2] « Jusque dans les années<br />

1980, la technologie reste militaire ou<br />

dédiée à la sécurité des sites "sensibles",<br />

nucléaires entre autres. Ensuite<br />

le secteur privé la commercialise pour<br />

l'identification du bétail [Voir « Ça y<br />

est : Saillie ! », p. 402], avant d'étendre<br />

son usage et de standardiser les équipements<br />

[3]. » [2]<br />

Son usage progresse. « Les fournisseurs<br />

de l'armée US doivent utiliser la RFID sur<br />

les marchandises et les palettes [...,<br />

depuis] janvier <strong>2005</strong> » [4]. Pourtant, l'armée<br />

française restreint son utilisation !<br />

« Alors que les États-Unis exploitent<br />

désormais des dispositifs RFID 4 watts et<br />

que l'Europe s'y met, la France invoque<br />

la défense nationale pour jouer les [...<br />

exceptions. En <strong>2005</strong>,] il n'est [...] pas<br />

question de dépasser la limite de puissance<br />

du 0,5 watt, ce qui pour l'utilisation<br />

sur le terrain est très restreignant [...<br />

Mi <strong>2005</strong>,] l'armée n'avait toujours pas<br />

testé la technologie 2 watts et [...] le 0,5<br />

watt était encore [... d'une] utilisation<br />

problématique. Car [...] une partie de [ la<br />

bande UHF] est employée par les militaires<br />

pour le guidage de certains missiles<br />

[..., comme le] missile Cora qui<br />

exploite la fréquence 0,5 watt des étiquettes<br />

radio de première génération<br />

[Voir « Une - Deux », p. 409].<br />

Or, [...] il est primordial de pouvoir tester<br />

à coup sûr un système de guidage de<br />

missiles [...,] plutôt que de [... permettre<br />

une surveillance intime] grâce à l'utilisation<br />

de la RFID. La solution médiane proposée<br />

par l'armée [... serait] de détermi-<br />

407 Survie surveillée


ner les zones sur lesquelles on pourrait<br />

en toute quiétude [...] mettre des étiquettes<br />

radio [RFID, mais pas] dans les<br />

supérettes du plateau du Larzac ou à<br />

proximité de Taverny ou de la rade de<br />

Toulon. [... On ne pourrait] utiliser les<br />

étiquettes radio [RFID que] dans certains<br />

cas ou certains lieux [...] sous certaines<br />

conditions [...] susceptibles de<br />

changement, selon les besoins de la<br />

défense... » [5]<br />

Le « réglement en usage concernant les<br />

puces RFID [6] a donc [dû] être<br />

assoupli » [7], « par la voix de Michèle<br />

Alliot-Marie, ministre de la Défense et de<br />

François Loos, ministre délégué à<br />

l'Industrie, [... pour] permettre son développement<br />

et son utilisation sur l'ensemble<br />

du territoire, y compris les DOM-<br />

TOM.<br />

Les ministres [ont] donc [mis] à contribution<br />

le Bureau Militaire National des<br />

Fréquences (BMNF) et la Direction Générale<br />

des Entreprises qui a lancé en janvier<br />

[2006] une étude [8] [... La] décision<br />

d'assouplissement de la réglementation<br />

Survie surveillée 408<br />

[devait] être entérinée [... par] la<br />

Commission de Planification des<br />

Fréquences de l'Agence Nationale des<br />

Fréquences (ANFR) » [7].<br />

« Au final, c'est l'ARCEP [9] (autorité de<br />

régulation des communications) qui [...<br />

validait] l'étude [le 25 juillet] 2006 [...],<br />

cette décision d'assouplissement de la<br />

réglementation [devant] être entérinée<br />

[... par l’ANFR] » [10]. En septembre<br />

2006, le « gouvernement ouvre la bande<br />

865-868 MHz aux RFID » [11] pour permettre<br />

leur montée en puissance.<br />

« Selon des modalités [qui avaient été]<br />

fixées par la Commission Européenne<br />

des Postes et Télécommunications<br />

(CEPT), les interrogateurs pourront<br />

[donc émettre] jusqu'à une puissance de<br />

2 watts. Une restriction aux alentours<br />

des sites militaires sensibles [restant] toutefois<br />

envisagée. » [10] Mais la belle<br />

Europe avance.<br />

[1] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[2] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[3] : (Cf. « RFID. Le code à barres ultime ! », Science & Vie,<br />

n° 1039, 4/2004, pp. 48-51 et http://www.poletracabilite.com)<br />

[4] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et<br />

des pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[5] : (Michel Rousseau, « RFID : le syndrome français », silicon.fr,<br />

2/6/<strong>2005</strong>, http://www.silicon.fr/getarticle.asp?ID=<br />

10104)<br />

[6] : (http://www.generation-nt.com/actualites/11574/rfididtechex-puces)<br />

[7] : (Yannick A., « La réglementation RFID va évoluer en<br />

France », generation-nt.com, 15/2/2006, http://www.generation-nt.com/actualites/12098/rfid-etudearcep)<br />

[8] : (« Les technologies de radio-identification (RFID) :<br />

Enjeux industriels et questions sociétales. Rapport de<br />

mission du Conseil Général des Technologies de<br />

l'Information », 1/<strong>2005</strong>, www.csti.pm.gouv.fr/elements/R<br />

apport_RFID_janv05.pdf)<br />

[9] : (www.arcep.fr)<br />

[10] : (« L'utilisation de la bande 865-868 MHz pour les<br />

étiquettes électroniques à radiofréquence (RFID) sera<br />

bientôt ouverte sur tout le territoire national »,<br />

10/2/2006, http://www.edubourse.com/finance/actualites.php?idActus=26361)


[11] : (Marc Rees, « Le gouvernement ouvre la bande<br />

865-868 MHz aux RFID », PC inpact.com, 15/9/2006,<br />

http://www.pcinpact.com/actu/news/31386-Le-gouvernement-ouvre-la-bande-865868-MHz-au.htm)<br />

« Onéreux à<br />

mettre en<br />

place, intégrant<br />

des<br />

normes de<br />

communication hétérogènes, soumis<br />

aux normes législatives, le matériel<br />

RFID [avait] encore du mal à séduire.<br />

EPC Generation 2 a pour but de mettre<br />

un terme à ces problèmes. Son système<br />

de communication sans fil a été validé<br />

par les autorités de régulation des Etats-<br />

Unis, de l'Europe et du Japon. » [1]<br />

La « création, [fin 2004, de ce] nouveau<br />

standard de communication RFID, EPC<br />

Generation 2 » [2] « (pour Electronic<br />

Product Code Generation 2) [..., donnant]<br />

naissance à une nouvelle génération<br />

de produits » [1] en « unifiant les différentes<br />

technologies existantes [1] [...,<br />

devait] favoriser la production de gros<br />

volumes de marqueurs RFID à partir [de<br />

début] <strong>2005</strong>. » [2]<br />

« Il a été décidé [...] de ne pas imposer<br />

de royalties sur cette nouvelle norme qui<br />

fait pourtant l'objet de développements<br />

de la part de la société Intermec<br />

Technologies [3], et ce afin d'en faciliter<br />

l'appropriation par les industriels. [...]<br />

"[...] Nous croyons que les entreprises<br />

qui offrent des produits RFID à haute fréquence<br />

auront toujours besoin d'une<br />

licence pour exploiter notre technologie.<br />

En plus des droits de propriété intellectuelle<br />

relatifs à l'EPC Generation 2,<br />

Intermec détient plus de 125 brevets en<br />

RFID haute fréquence.", déclarait la<br />

société » [1].<br />

« "La ratification de la norme [a permis]<br />

aux fabricants de sortir des produits et<br />

de lancer des phases de tests pour évaluer<br />

l'interopérabilité entre les différents<br />

constructeurs. Le standard [a permis]<br />

une harmonisation des produits pour<br />

l'environnement logistique" [4], explique<br />

[... le] responsable marketing et communication<br />

chez Intermec » [2]. Il a pemis<br />

ainsi de « favoriser l'adoption de l'outil<br />

par les éditeurs de progiciels. D'autant<br />

plus que les nouvelles puces [...] stockent<br />

également tous les contenus du système<br />

d'information ce qui rend possible<br />

l'utilisation de données en provenance<br />

des lecteurs, puis un mélange de ces<br />

données avec d'autres éléments du<br />

[système d'information]…", affirmait [...]<br />

l'EPCglobal [..., une organisation à but<br />

non lucratif chargée de promouvoir<br />

l'usage de la technologie RFID]. [...]<br />

[Avec les] premières puces EPC<br />

Generation 2 [...], le processus de lecture<br />

est désormais capable d'atteindre des<br />

vitesses de 1 500 puces lues par seconde,<br />

contre 100 pour les premiers systèmes<br />

RFID.<br />

Mais en Europe la vitesse [plafonne] à<br />

600 puces par seconde, les autorités de<br />

régulation interdisant [encore en 2004]<br />

l'usage de certaines fréquences<br />

[Voir « RFID, désarmée ? », p. 407].<br />

Plusieurs industriels se sont déjà lancés<br />

dans la production de matériels compatibles<br />

avec la deuxième génération de la<br />

RFID [...,] notamment Texas Instrument,<br />

Philips Semiconductors, Intermec,<br />

Applied Wireless Identification et Impinj.<br />

La production de produits en masse<br />

[était] annoncée pour [... fin] <strong>2005</strong>. » [1]<br />

Ensuite...<br />

[1] : (Yves Drothier, « La RFID passe à la vitesse supérieure<br />

», JDN Solutions, 21/12/2004, http://solutions.journaldunet.com/0412/041221_rfid_epc_standard.shtml)<br />

[2] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et<br />

des pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[3] : (www.intermec.com)<br />

[4] : (Eric Delaneau)<br />

409 Survie surveillée


« Promise à<br />

des taux de<br />

croissance fulgurants,<br />

la technologie RFID ne [devait]<br />

passer en phase industrielle qu'en<br />

2006, prioritairement dans les secteurs<br />

de la logistique et des flux de marchandises.<br />

» [1]<br />

Le « cabinet In-Stat [2] confirme [début<br />

<strong>2005</strong>] que "ces prochaines années, le<br />

plus gros segment RFID sera celui des<br />

emballages et de la chaîne d'approvisionnement.<br />

Il utilisera le plus grand<br />

nombre d’étiquettes d'ici à 2009". Une<br />

enquête réalisée par Intermec [3] en<br />

octobre [2004] auprès de 600 responsables<br />

logistiques, dans six pays<br />

d'Europe, [... indiquait alors] que 35 %<br />

d'entre eux [avaient] déjà testé la technologie<br />

RFID ou [envisageaient] de le<br />

faire. Ce sont les fabricants industriels<br />

qui se [montraient] les plus intéressés,<br />

19 % d'entre eux ayant déjà testé<br />

la RFID et 12 % envisageant de le<br />

faire. » [1]<br />

« En France, à la différence d'autres pays<br />

en Europe ou dans le monde, on ne distingue<br />

pas de société leader sur la technologie.<br />

[... Un] rapport publié par SAP<br />

("Etude Sûreté et Traçabilité du transport<br />

de marchandises") dans le cadre du<br />

programme interministériel PREDIT<br />

(Programme national de recherche et<br />

d'innovation dans les transports) [...] distingue<br />

les "pionniers dominateurs",<br />

comme Wal-Mart [Voir « Distribution de<br />

RFID », p. 400] ou le Département américain<br />

de la Défense, [...] qui communiquent<br />

et lancent des projets de grande<br />

ampleur, tirant le marché derrière eux<br />

[... ;] "les pragmatiques" [qui] observent,<br />

engagent des prototypes de faible<br />

Survie surveillée 410<br />

ampleur et communiquent peu. Enfin,<br />

[...] "les conservateurs", qui "prennent le<br />

risque de se voir dominés par leurs<br />

concurrents".<br />

En France, l'étude précise que les<br />

acteurs appartiennent essentiellement à<br />

la seconde catégorie et déplorent le<br />

manque d'entreprises de type dominateur<br />

sur le marché national. Un point<br />

confirmé par Intermec [3]. "Nous travaillons<br />

sur les gros projets, Wal-Mart ou<br />

Metro. En France, nous avons des clients<br />

qui s'y intéressent mais souhaitent que<br />

cela reste confidentiel [...]." [4] » [1]<br />

Sobriété.<br />

« IDTechEX [5] a estimé, en décembre<br />

<strong>2005</strong>, à 2,4 milliards le nombre de puces<br />

RFID mises en service depuis leur invention<br />

» [6]. En seraient restées « 1,3 milliards<br />

en <strong>2005</strong> [7] » [8].<br />

« D'après les études [de <strong>2005</strong>] des cabinets<br />

spécialisés, le marché RFID [devait<br />

donc] exploser à partir de 2006, [grâce à<br />

EPC Generation 2 [Voir « Une - Deux »,<br />

<strong>page</strong> précédente], avec des prévisions<br />

atteignant 10 à 20 milliards d'objets<br />

pucés en 2008 [9], et 33 milliards en<br />

2010 [7] » [8] soit, « sauf révolte, [...]<br />

cinq par être humain » [8].<br />

« Le modèle le plus courant est [...] la<br />

puce utilisant la fréquence 13,56 MHz<br />

(haute fréquence ou HF) [..., qui] offre<br />

théoriquement 56 cm de portée maximum.<br />

» [10] « Le prix de gros des<br />

modèles à 13,56 MHz est [encore]<br />

de 0,50 euro l'unité [en 2004]. Un tarif<br />

déjà prohibitif pour certains industriels<br />

[11] » [10].<br />

« "En <strong>2005</strong>, les étiquettes passives coûtaient<br />

entre 17 et 20 cents de dollar [soit<br />

environ 15 centimes d'euro. En 2006,<br />

elles coûtent] moins de 10 cents, soit<br />

environ 8 centimes d'euro." [12] Les projections<br />

des cabinets d'analyse intègrent<br />

les effets de cette baisse rapide des


prix. » [6].<br />

On voit déjà les « "premières étiquettes<br />

RFID entièrement en plastique" [13] chez<br />

Philips » [8], mais ce sont les « nano[technologies<br />

qui] sont l'avenir des RFID, [...,<br />

abaissant] le coût unitaire des étiquettes,<br />

vers ce fameux plancher de 0,05 [euro] -<br />

que vise le marché. Essentiellement<br />

grâce aux techniques d'impression des<br />

antennes par jet d'encre conductrice [...]<br />

"[...] incluant des nanoparticules, permettant<br />

d'imprimer les antennes sur le<br />

papier moins cher et plus vite" [14] » [8].<br />

« [IDTechEX] [5] estime [fin <strong>2005</strong>] que les<br />

ventes mondiales passeront de 600 millions<br />

d'unités en <strong>2005</strong> à 1,3 milliard en<br />

2006 et 485 milliards en 2016... Au<br />

cours [de ces dix] années, quelque<br />

1 400 milliards de puces RFID devraient<br />

ainsi être commercialisées. » [6]<br />

« Les enjeux économiques du RFID sont<br />

considérables » [15]. « Sony [..., entre<br />

autres,] pense diffuser [sa RFID] dans le<br />

monde entier » [16]. « Selon les [...]<br />

chiffres annoncés [début <strong>2005</strong>] par la<br />

société d'études In-Stat [2], le marché de<br />

la RFID représentera 2,8 milliards de dollars<br />

en 2009, contre 300 millions de dollars<br />

en 2004. » [1] C'est l'avenir.<br />

[1] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et<br />

des pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions,<br />

15/1/<strong>2005</strong>, http://solutions.journaldunet.com/0501/050<br />

119_rfid.shtml)<br />

[2] : (www.instat.com)<br />

[3] : (www.intermec.com)<br />

[4] : (Eric Delaneau)<br />

[5] : (http://rfid.idtechex.com/rfid/en)<br />

[6] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[7] : (The Times, 19/1/2006)<br />

[8] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[9] : (Cf. « Les technologies de radio-identification (RFID) :<br />

Enjeux industriels et questions sociétales. Rapport de<br />

mission du Conseil Général des Technologies de<br />

l'Information », 1/<strong>2005</strong>, www.csti.pm.gouv.fr/elements/R<br />

apport_RFID_janv05.pdf)<br />

[10] : (Christophe Guillemin , « Des puces RFID basses fréquences<br />

pour moins de parasites », ZDNet France,<br />

8/9/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39170631,00.htm)<br />

[11] : (Cf. Christophe Guillemin, « RFID : la chaïne logistique<br />

premier chantier technologique », ZDNet France,<br />

28/1/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39139364,00.htm)<br />

[12] : (Marc de Fréminville)<br />

[13] : (Elisabeth Feder, « Philips démontre la faisabilité<br />

d'étiquettes RFID 13,56 MHz sur substrat plastique »,<br />

Electronique International, 7/2/2006, http://www.electronique.biz/article/304017.html)<br />

[14] : (Van Fleet, R &V Group, New York, trad. de De<br />

Charles Q. Choi, « Nano World : Nano Will Boost RFID<br />

Tags », Science Daily, 6/6/<strong>2005</strong>)<br />

[15] : (Yannick A., « La réglementation RFID va évoluer en<br />

France », generation-nt.com, 15/2/2006, http://www.ge<br />

neration-nt.com/actualites/12098/rfid-etudearcep)<br />

[16] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

« En raison<br />

de la chute<br />

du prix des<br />

micropuces<br />

électroniques, ce marqueur [va] bien<br />

se retrouver sur les produits [... et]<br />

sur les travailleurs. » [1]<br />

« Les étiquettes [...] (RFID) cousues sur<br />

les uniformes ou implantées sous la<br />

peau [Voir « Very cheap », p. 415] des<br />

travailleurs, les téléphones mobiles [Voir<br />

« Devine d'où j't'appelle ! », p. 439]<br />

connectés aux satellites GPS et la surveillance<br />

continue des appels téléphoniques,<br />

de la frappe clavier et des courriers<br />

électroniques [Voir « La nasse »,<br />

p. 445] sont autant de menaces qui<br />

pèsent sur la main-d'œuvre du 21 e<br />

siècle.<br />

Les mini-ordinateurs fixés au poignet et<br />

la possibilité de surveiller les travailleurs<br />

aux toilettes et dans les zones de repos<br />

[..., c'est] "l'invasion rampante de la collecte<br />

de données" [2] [..., jusqu'à] l'im-<br />

411 Survie surveillée


plantation de puces électroniques souscutanées<br />

[... Verichip et] la surveillance<br />

des salariés en dehors des heures de<br />

travail. [...]<br />

[Certes, le] contrôle et la surveillance<br />

peuvent être [officiellement] contraires<br />

au droit fondamental à la vie privée [3]<br />

[... Et] "les [salariés] n'abandonnent pas<br />

leur droit à la vie privée et à la protection<br />

des [données,] chaque matin [en franchissant]<br />

le seuil de leur lieu de travail"<br />

[4].<br />

[... Mais on le sait :] "En reliant à l'ordinateur<br />

les caméras de vidéosurveillance,<br />

les systèmes de positionnement GPS et<br />

les pratiques d'espionnage du téléphone<br />

et du courrier électronique, on aboutit<br />

[... à] un lieu de travail dominée par le<br />

stress et un personnel déshumanisé.<br />

L'économie de la connaissance exige<br />

[pourtant] de la créativité et l'épanouissement<br />

du potentiel humain – et non<br />

pas la création d'un climat de peur qui<br />

étouffe la pensée et l'action" [5] [Voir «<br />

Le Travail libère », p. 496].<br />

[... Il y a] une progression considérable<br />

du contrôle et de la surveillance électroniques<br />

au travail – notamment à l'aide<br />

de nouveaux outils numériques hautement<br />

sophistiqués [... ;] "[...] certains<br />

employeurs exploitent [évidemment les<br />

technologies] pour rendre leurs salariés<br />

passifs et dociles de façon à les dissuader<br />

d'exercer leur droit à la syndicalisation et<br />

à la représentation collective [...]" [4] » [1]<br />

ou même à la sollicitation individuelle :<br />

« Pas ce soir ! ».<br />

[1] : (UNI, « Les syndicats réclament des mesures contre<br />

l'espionnage high-tech », http://www.union-network.org<br />

/uniindep.nsf/d34dbcc804498029c1256de400420f86/9<br />

a7d9e46a84c52c1c1257199002f7bd5?OpenDocument,<br />

26/6/2006, d'après le rapport complet, http://www.uniglobalunion.org/surveillance)<br />

[2] : (UNI)<br />

[3] : (« Déclaration universelle des droits de l'homme » de<br />

l'ONU et « Convention sur les droits de l'homme » de l'UE)<br />

[4] : (Groupe de Travail "Article 29" sur la protection des<br />

Survie surveillée 412<br />

données, « Document de travail concernant la surveillance<br />

des communications électroniques sur le lieu de travail<br />

», 29/5/2002, http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/p<br />

rivacy/docs/wpdocs/2002/wp55_fr.pdf, p. 4)<br />

[5] : (Philip Jennings, Secrétaire général de l'UNI)<br />

« Internet<br />

compte [fin<br />

<strong>2005</strong>] 875<br />

millions d'utilisateurs(humains)<br />

dans<br />

le monde. Ils seront des dizaines de<br />

milliards, vivants et inanimés, dans<br />

les prochaines décennies. Hommes,<br />

objets, appareils électroniques, bases de<br />

données communiqueront entre eux via<br />

un Internet de nouvelle génération » [1]<br />

On va fermement vers « "[...] un 'Internet<br />

des objets' fondé sur un réseau<br />

de connexions omniprésentes. Nous<br />

entrons dans une nouvelle ère dans<br />

laquelle les 'utilisateurs' d'Internet se<br />

compteront en milliards, mais où les<br />

hommes seront peut-être une minorité"<br />

[2] » [1]. Déjà, « France Télécom estime<br />

que, [en 2006], "13 milliards de<br />

machines en Europe ont la possibilité de<br />

communiquer entre elles". » [3]<br />

Le « labo Auto-ID [4] du Massachusetts<br />

Institute of Technology (MIT) [5] : "[...]<br />

conçoit, construit, teste et déploie une<br />

infrastructure globale qui permettra aux<br />

ordinateurs d'identifier tout objet instan-


tanément n'importe où dans le<br />

monde." [6] [...] Dans les laboratoires<br />

Auto-ID, créés par le MIT et une centaine<br />

de grands groupes (Procter & Gamble,<br />

Gillette, Carrefour, Coca [Voir « Caca<br />

collé », p. 543], Nestlé, le Département<br />

de la Défense américaine [Voir<br />

« Légitime dépense », p. 652]), les chercheurs<br />

étudient la création d'un<br />

"Internet des objets" pour centraliser les<br />

données transmises par les millions de<br />

RFID en circulation.<br />

Une toile qui localisera chaque objet et<br />

racontera sa vie - il est passé par là,<br />

repassé par ici - et qui permettra aux<br />

choses de communiquer entre elles, éliminant<br />

enfin l'intervention humaine<br />

» [7] : « Le réfrigérateur passera luimême<br />

commande au supermarché du<br />

coin » [1] ; la « machine à laver [choisira]<br />

le programme selon les vêtements » [7].<br />

La « porte de la maison<br />

s'ouvrira toute seule<br />

au passage du propriétaire,<br />

[... mais pas des]<br />

inconnus. "Elle pourrait<br />

laisser sortir le<br />

chien mais ne le laisserait<br />

pas en ramener<br />

cinq autres à la maison"<br />

[8] » [1] ; « l'ordinateur<br />

enregistrera le<br />

texte écrit par le<br />

stylo... [9] » [1] ; « la<br />

puce sous-cutanée<br />

[Voir « Very cheap », p. 415] enverra ses<br />

données à un appareil médical [...]<br />

[Un] spécialiste américain en informatique<br />

[...] annonce que les téléphones<br />

décrocheront tout seuls, sauront filtrer<br />

les appels, "répondre comme un majordome<br />

anglais ou une secrétaire de direction<br />

et, le cas échéant, alerter la 'chose'<br />

la plus proche de vous pour vous prévenir<br />

discrètement". » [1]<br />

Un « portable [ Voir « Devine d'où j't'appelle<br />

! », p. 439] de Nokia avec lecteur<br />

RFID [sert déjà] pour inventorier les<br />

objets "taggés" autour de nous et transmettre<br />

ces données à distance [10] » [7]<br />

« Il ne suffisait pas que nous fussions<br />

connectés et joignables en permanence<br />

par téléphone portable, mails, SMS ou<br />

Will ; avec les RFID nous devenons nousmêmes<br />

des objets communicants. Des<br />

objets. Que nos maîtres suivent à la<br />

trace, dont ils analysent les comportements,<br />

contrôlent les mouvements pour<br />

mieux les "gérer". » [7]<br />

« "Nous sommes en train de créer une<br />

intelligence qui permet à ces choses<br />

de discuter derrière notre dos" [11],<br />

résume [un] chercheur chez Sun<br />

Microsystems. » [1] Tout un réseau très<br />

finement maillé, « capable de détecter,<br />

en surveillant les RFID disséminés dans la<br />

nature, tous les comportementsatypiques<br />

des clients porteurs<br />

de ces "étiquettes<br />

radio". Ceux<br />

- les comportements -<br />

qui caractérisent un<br />

acte probablement<br />

criminel, ou "pas<br />

comme on pourrait<br />

s'y attendre" [...] !<br />

Mais [...] il faudrait<br />

que tous les RFID<br />

[restent] actifs au sortir<br />

des magasins, et que l'on puisse<br />

concentrer leur géolocalisation en une<br />

formidable base de données analytique<br />

le "trajet" de chaque RFID. Ce [...] projet<br />

nommé The Snorting Door Project [12]<br />

[..., conçu par] une ancienne barbouze<br />

de la CIA embauchée par SAP [13]. A<br />

l'exception de SAP [14], les principaux<br />

usagers potentiels de ce formidable outil<br />

de flicage refusent de commenter ou<br />

413 Survie surveillée


d'afficher leur éventuel soutien au projet<br />

Snorting Door. Simple question d'image<br />

de marque. » [15]<br />

« "Le maillage des milliers d'objets dont<br />

une personne s'entoure, qui pourra être<br />

analysé de façon permanente, permettra<br />

de renforcer encore le profilage des individus<br />

[Voir « Bon Profil », p. 388] [...]" [16],<br />

assure [... un] commissaire à la Cnil [Voir<br />

« La Cnil peut peu », p. 453] [..., qui]<br />

s'est donc opposée à [leur] utilisation<br />

[...]. "La seule solution, préconise-t-elle,<br />

c'est de les doter d'un système interne<br />

les désactivant dès la sortie du magasin."<br />

» [17] Bien sûr, on va sûrement<br />

faire ça... [Voir « Distribution de<br />

RFID », p. 400]<br />

[1] : (Isabelle Repiton, « L'Homme pris dans la Toile ou<br />

l'Internet des objets », La Tribune, 18/11/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://www.mail-archive.com/guerrelec@googlegroups.com/msg00124.html)<br />

[2] : (Union Internationale des Télécommunications (UIT),<br />

« L'Internet des objets », 17/11/<strong>2005</strong>, Sommet mondial<br />

sur la société de l'information (SMSI) à Tunis)<br />

[3] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[4] : (http://www.autoidlabs.org)<br />

[5] : (http://web.mit.edu)<br />

[6] : (Cf. http://www.autoidlabs.org)<br />

[7] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[8] : (Nicholas Negroponte)<br />

[9] : (Cf. ŒdipSystem, http://www.formsmanagementsystems.com/oedipsystem)<br />

[10] : (Cf. « Nokia Unveils RFID Phone Reader », RFID<br />

Journal, 17/3/2004, http://www.rfidjournal.com/article/<br />

articleview/834/1/13/).<br />

[11] : (John Gage)<br />

[12] : (http://www.sortingdoor.com)<br />

[13] : (Mark Baard, « Watching us through the Sorting<br />

Door », Register, 12/7/<strong>2005</strong>, http://www.theregister.co.<br />

uk/<strong>2005</strong>/07/12/sorting_door_project)<br />

[14] : (http://www.sap.com)<br />

[15] : (Marc Olanié , « RFID Super flic : c’est sur les rails »,<br />

Réseaux et Télécoms, 27/07/<strong>2005</strong>, http://www.reseauxtelecoms.com/cso_btree/05_07_27_192558_275/Newsc<br />

so_view)<br />

[16]: (Philippe Lemoine)<br />

[17] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

Survie surveillée 414<br />

Un peu d'adresse<br />

« Comme les ordinateurs, nous<br />

aurons bientôt chacun une adresse<br />

électronique permettant notre localisation<br />

permanente. Le projet est à<br />

l'étude, breveté sous l'appellation<br />

UIAD (Identification Unique des<br />

Adresses [...]). "Le monde est entré<br />

depuis quelques années dans la frénésie<br />

de donner une adresse, de préférence<br />

permanente, non seulement<br />

aux objets physiques, aux individus,<br />

aux véhicules sur la route, aux animaux,<br />

sous prétexte de traçabilité,<br />

mais aussi à tous les objets virtuels,<br />

que ce soit les messages de type<br />

courriel ou SMS, les documents administratifs,<br />

les morceaux de musique<br />

numérisés ou les microesclaves logiciels<br />

[...] qui parcourent inlassablement<br />

les réseaux en y troquant des<br />

microinformations pour mieux nous<br />

servir, voire souvent pour mieux<br />

nous espionner." [1] » [2].<br />

[1] : (Cf. « Les technologies de radio-identification<br />

(RFID) : enjeux industriels et questions sociétales »,<br />

Rapport du Conseil général des technologies de l'information,<br />

1/<strong>2005</strong>, p. 11, www.csti.pm.gouv.fr/elements/Rapport_RFID_janv05.pdf)<br />

[2] : (Pièces et main d'oeuvre (Grenoble), « Les<br />

nanos, ça sert à faire la guerre. RFID : la police<br />

totale », Etat d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-<br />

10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)


On « agite<br />

le spectre<br />

du terrorisme<br />

pour imposer<br />

la généralisation<br />

d'étiquettes destinées<br />

aux supermarchés [Voir « Distribution<br />

de RFID », p. 400] [...]. "C'est une nouvelle<br />

mesure de sécurité 'embedded'<br />

['intégré', 'implanté'] dans l'économie<br />

américaine". [...] Combien faudra-t-il de<br />

temps avant que la "puce" RFID passe de<br />

l'implantation économique à l'implantation<br />

cutanée ? » [1]<br />

Car la carte nationale d’identité électronique<br />

(CNIE) obligatoire avec puce RFID<br />

[Voir « L'Ines paierait ? », p. 378] « appelle<br />

la puce sous-cutanée, véritable équivalent<br />

civil du marquage des criminels<br />

récidivistes au fer rouge jusqu’en 1832<br />

en France, ou à l’encre indélébile en<br />

Grande-Bretagne au XIX e siècle. [...]<br />

Certes, nous n’en sommes pas [encore] à<br />

l’implant obligatoire » [2]. Hâtons nous !<br />

« Verichip [3] [...] est le spécialiste mondial<br />

des puces par radiofréquences et de<br />

la traçabilité. Le roi du tag [...] sous la<br />

peau, n'est jamais très loin lorsqu'il s'agit<br />

de pucer à tout va. » [4] C'est la « petite<br />

entreprise américaine Applied Digital [5],<br />

[... qui] a créé la puce Verichip – injectable<br />

sous la peau ! –, qui permet de pis-<br />

ter les personnes... » [2] « En juillet<br />

[2004], Applied Digital indiquait avoir<br />

[déjà] vendu environ 7.000 de ses<br />

Verichips [..., dont] 1.000 [avaient] été<br />

injectées dans des corps humains [...].<br />

"On va d'abord mettre une puce aux<br />

personnes qui sont régies par les institutions,<br />

car elles sont prisonnières et on a<br />

un pouvoir sur eux. Mais viendra ensuite<br />

le tour des grands-mères atteintes de<br />

sénilité." [6] » [7]<br />

« Verichip [... a déjà de multiples applications<br />

:] suivi des enfants dont les<br />

parents craignent l'enlèvement, patients<br />

de dizaines d'hôpitaux américains portant<br />

en eux leur dossier médical numérisé,<br />

clients branchés de boîtes de nuit<br />

espagnoles et hollandaises pour payer<br />

leur conso sans sortir de monnaie,<br />

employés de banque australiens obligés<br />

de se faire scanner le bras pour accéder<br />

à leur poste, etc. Sans oublier les morts<br />

du cyclone Katrina ; les techno-fans qui<br />

se font pucer pour sécuriser l'ouverture<br />

de leur maison ou de leur voiture; et les<br />

projets multiples de puçage des malades<br />

psychiatriques, des SDF, des enfants dès<br />

la naissance [8]. » [9]<br />

« Le cabinet d'études américain<br />

Datamonitor estime ce marché à 6 milliards<br />

de dollars en 2010. » [10] Etant<br />

« donné le nombre croissant de scanners<br />

RFID qui vont se développer un peu partout<br />

dans notre vie quotidienne, les<br />

risques de déra<strong>page</strong> sont très important<br />

[11]. Sans compter qu'une fois en<br />

place, difficile de retirer une puce. [...]<br />

Enfin [...,] la loi américaine Patriot Act<br />

[Voir « Dernier acte patriotique », p. 329]<br />

[...] demeure floue concernant les types<br />

d'informations qui sont protégés, ou<br />

d'ores et déjà en circulation... [11] » [7]<br />

[1] : (Marc Olanié, « RFID et cartes d’identité électronique,<br />

welcome, Big Brother », Réseaux et Télécoms, 14/4/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.reseaux-telecoms.com/cso_btree/05_04_14_<br />

415 Survie surveillée


000240_710/Newscso_view)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le Monde<br />

diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[3] : (http://www.verichipcorp.com)<br />

[4] : (Marc Rees, « VeriChip : des puces RFID dans le bras<br />

des immigrés ? Le saut de puce de trop ? », 2/6/2006,<br />

http://www.pcinpact.com/actu/news/29179-VeriChipdes-puces-RFID-dans-le-bras-des-imm.htm,<br />

d'après Bill<br />

Christensen, « Proposal to Implant Tracking Chips in<br />

Immigrants », LiveScience, 31/5/2006, http://www.livescience.com/scienceoffiction/060531_rfid_chips.html)<br />

[5] : (http://www.appdig.com)<br />

[6] : (Roger Clarke, « Roger Clarke’s Dataveillance and<br />

Information Privacy Home Page », http://www.anu.edu.au/pe<br />

ople/Roger.Clarke/DV)<br />

[7] : (Alorie Gilbert , « États-Unis : l’implantation de puces<br />

sous-cutanée autorisée sur des individus », CNET<br />

News.com, 15/10/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/telecoms/0,39040748,39177951,00.htm)<br />

[8] : (Cf. http://www.stoppuce.be)<br />

[9] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça<br />

sert à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat<br />

d'Urgence, n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article.php?sid=865)<br />

[10] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[11] : (David Vaile, Cyberspace Law and Policy Centre,<br />

Université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie),<br />

www.bakercyberlawcentre.org)<br />

« Si nos<br />

légumes du<br />

marché sont<br />

abîmés, nous<br />

en discutons<br />

avec le<br />

producteur.<br />

Si vous achetez à Carrefour un chili<br />

con carne en boîte, dont la viande est<br />

née en Allemagne, a grandi en<br />

Hollande nourrie par des rations<br />

importées d'Amérique Latine, et dont<br />

les haricots ont poussé en Italie pour<br />

être préparés en Espagne, le tout<br />

assaisonné de conservateurs en<br />

Belgique, comment retrouver l'origine<br />

du germe infectieux ? Grâce à la<br />

puce. Ainsi mangeons-nous de la<br />

daube authentifiée » [1].<br />

« Supposée empêcher les attaques terroristes,<br />

la traçabilité doit aussi nous proté-<br />

Survie surveillée 416<br />

ger des risques sanitaires. [...] L'implant<br />

électronique est le corollaire de la fabrication<br />

industrielle de steacks. Viande sur<br />

pattes élevée en usine, alimentée par<br />

rations synthétiques, maintenue en survie<br />

par antibiotiques, gérée par monitoring<br />

zootechnique, transportée sur des milliers<br />

de kilomètres, débitée en morceaux calibrés,<br />

fourguée en hypermarchés. [...]<br />

Bien entendu, la traçabilité ne signale<br />

rien d'autre que le progrès fulgurant de<br />

l'insécurité alimentaire créée par l'industrialisation<br />

de l'agriculture. Car des animaux<br />

élevés en batterie sont des animaux<br />

malades, et des végétaux sous<br />

perfusion d'engrais, d'hormones, d'insecticides,<br />

[etc.], sont des végétaux<br />

malades. Comment éviter les épidémies<br />

chez les porcs, malades de l'élevage<br />

industriel ? En les puçant, répond le<br />

ministère espagnol de l'Agriculture [2].<br />

Vous ne voulez pas d'OGM dans vos<br />

assiettes [3] ? Vous mangerez des OGM<br />

traçabilisés. Nous voilà rassurés. Dans le<br />

monde de la techno-agriculture, la traçabilité<br />

remplace les prés pour les trou-


peaux, les sols vivants pour les plantes, la<br />

maîtrise de leur travail pour les paysans, la<br />

relation consommateur-producteur. » [1]<br />

« La vache folle [Voir Liquidation Totale<br />

n° 1] a servi d'alibi au puçage des animaux.<br />

Étiquettées, codebarisées, fichées,<br />

les bêtes sont désormais implantées<br />

[...] On puce d'abord les animaux<br />

d'élevage (sécurité alimentaire), les animaux<br />

sauvages (lutte contre les trafics),<br />

[et] les animaux domestiques » [1] puisqu'on<br />

nous prouve que c'est mieux :<br />

« "[...] La puce est très pratique par rapport<br />

au tatouage [...] ; la lecture peut se<br />

faire à distance, ce qui est avantageux à<br />

l'égard des animaux apeurés ou nerveux<br />

; elle est invisible, infalsifiable et<br />

permanente [...]. Le fichier sera mondial,<br />

l'animal pourra être facilement identifié<br />

aux frontières et à l'étranger. [... Or,] il<br />

est obligatoire que tous les chiens et<br />

chats de plus de quatre mois soient identifiés.<br />

N'hésitez donc pas à le faire, c'est<br />

rapide et sans douleur." [4] [...] Ainsi le<br />

territoire est-il peu à peu maillé, les lecteurs<br />

de RFID étant implantés partout<br />

[...] : pompiers, gendarmes, douaniers,<br />

[...] refuges, fourrières, [...] cabinets et cliniques<br />

vétérinaires français. [...] Vous ne<br />

feriez pas à votre chien ce que vous refuseriez<br />

qu'on vous fasse, n'est-ce pas ? » [1]<br />

« Scott Silverman, Chairman de la société<br />

VeriChip Corporation [5] a [...] proposé<br />

[...] que ces puces [soient] utilisées<br />

pour contrôler les flux migratoires : une<br />

Verichip [... serait implantée] dans le<br />

corps des travailleurs immigrés, avant<br />

qu'ils ne viennent aux Etats-Unis [...]. Il<br />

suffirait par exemple d'exiger la présence<br />

de cette puce pour donner le feu vert à<br />

la frontière "[...] il s'agit d'une technologie<br />

appropriée qui peut être employée<br />

entre autres, pour s'assurer que des travailleurs<br />

immigrés entrant et sortant des<br />

Etats-Unis, sont correctement enregis-<br />

trés" [6] [...]. Une mesure idéale donc<br />

[...] et qui trouverait aussi "une place au<br />

niveau de l'employeur" [6]. [...]<br />

Verichip a reconnu, à demi-mot, faire du<br />

lobbying à Washington [... mi-2006,]<br />

alors que le Sénat américain discute [...]<br />

une nouvelle loi en la matière. [... Même<br />

si, par ailleurs,] Jim Doyle, gouverneur<br />

du Wisconsin, a signé une loi qui [...]<br />

interdit pénalement le fait d'exiger d'une<br />

individu l'implantation d'une micropuce<br />

sous la peau. L'amende [...] a été fixée à<br />

un plafond de 10 000 dollars » [7]. Les<br />

prix vont baisser.<br />

Car c'est aussi un must : « au Mexique, le<br />

ministre de la Justice et 200 de ses collaborateurs<br />

se sont fait injecter une puce<br />

pour contrôler l'accès aux zones sensibles<br />

où des documents confidentiels<br />

sont conservés. » [8]<br />

Un must en haut comme en bas. « La<br />

discothèque Baja Beach Club à<br />

Barcelone » [9] dont « le directeur [...],<br />

Conrad Chase, propose à sa clientèle de<br />

se faire implanter sur-le-champ une puce<br />

électronique dans le bras [ou l'épaule] -<br />

un moyen sûr d'être identifié et de payer<br />

ses consommations. » [10] « Ils sont identifiés<br />

dès leur arrivée dans le club, leurs<br />

consommations déduites du crédit dont<br />

ils disposent. » [9]<br />

« Verichip a encore des alliances avec<br />

417 Survie surveillée


ORBCOMM [11], afin de réfléchir à une<br />

association puce-GPS-satellite » [7] [Voir<br />

« Ça t'irrite », p. 419].<br />

L'avenir, par ailleurs ? Un « grand trust<br />

pharmaceutique (Eli Lilly) [...] développe<br />

des recherches sur le contrôle à distance<br />

des détenus à domicile, et met au point,<br />

par exemple, un bracelet-senseur repérant<br />

la consommation d’alcool et de cannabis,<br />

pourvu d’un déclencheur de substances<br />

inhibitrices ou de chocs électriques. » [12]<br />

[1] : (Pièces et main d'œuvre (Grenoble), « Les nanos, ça sert<br />

à faire la guerre. RFID : la police totale », Etat d'Urgence,<br />

n° 1, 30/5/2006. pp. 8-10, http://www.anarkhia.org/article<br />

.php?sid=865)<br />

[2] : (Cf http://www.agrisalon.com)<br />

[3] : (Cf. par ex. « Guide OGM Greenpeace 2006 »,<br />

3/10/2006, http://www.greenpeace.org/raw/content/fr<br />

ance/press/reports/guide-ogm-greenpeace-2006-2.pdf,<br />

126 kb)<br />

[4] : (Le Dauphiné Libéré, 10/02/06)<br />

[5] : (http://www.verichipcorp.com)<br />

[6] : (Scott Silverman, entretien in « Hear and Know », Fox<br />

News Channel, 16/5/2006, reprod. par SpyChips,<br />

http://www.pcinpact.com/link.php?url=http%3A%2F%2Fww<br />

w.spychips.com%2Fpress-releases%2Fsilverman-foxnews.html)<br />

[7] : (Marc Rees, « VeriChip : des puces RFID dans le bras<br />

des immigrés ? Le saut de puce de trop ? », 2/6/2006,<br />

http://www.pcinpact.com/actu/news/29179-VeriChipdes-puces-RFID-dans-le-bras-des-imm.htm,<br />

d'après Bill<br />

Christensen, « Proposal to Implant Tracking Chips in<br />

Immigrants », LiveScience, 31/5/2006, http://www.livescience.com/scienceoffiction/060531_rfid_chips.html)<br />

[8] : (Alorie Gilbert, « États-Unis : l’implantation de puces<br />

sous-cutanée autorisée sur des individus », CNET<br />

News.com, 15/10/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/telecoms/0,39040748,39177951,00.htm)<br />

[9] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm),<br />

[10] : (« Souriez, vous êtes filmés », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[11] : (http://www.orbcomm.com)<br />

[12] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous cont<br />

rôle. Ces industries florissantes de la peur permanente », Le<br />

Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.mondediplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

Survie surveillée 418<br />

Déjà,<br />

l'« agence<br />

de sécurité<br />

sanitaire<br />

américaine<br />

(Food and<br />

Drug Administration,<br />

FDA [1]) » [2] lutte « contre la contrefaçon<br />

des médicaments avec la mise<br />

en place d'étiquettes RFID sur les<br />

emballages » [3].<br />

Et l'« US Navy (USA) [utilise] la RFID pour<br />

suivre les patients de son Fleet Hospital<br />

Three en Irak grâce à un bracelet adapté.<br />

La solution permet de remplacer la<br />

saisie manuelle sur papier de données<br />

concernant l'identité du patient, son traitement,<br />

les diagnostics, etc. » [3]<br />

Déjà, en « 2002, par exemple, trois<br />

membres d'une même famille de Floride<br />

se faisaient implanter dans le bras une<br />

VeriChip afin de collecter et d'analyser<br />

les données nécessaires à leur suivi<br />

médical. » [4] Une lettre à la poste.<br />

La FDA, « Food and Drug Administration<br />

[... autorise donc] l'usage de puces<br />

[...] RFID dans le corps humain » [2],<br />

« contenant des informations vitales,<br />

groupes sanguins, maladies pérennes,<br />

allergies... » [5]<br />

« Les hôpitaux américains ont le feu vert<br />

pour injecter à leurs patients une puce<br />

qui les aidera à consulter rapidement<br />

leur dossier médical. [...] D’autres États<br />

testent cette technologie. » [2]<br />

« Ces implants sont [... donc] utilisés à<br />

tour de bras dans les hôpitaux afin d'accompagner<br />

le patient avec son dossier<br />

médical "sous le bras" (le système<br />

Verimed [6] [a été] adopté [début 2006]<br />

par 13 nouveaux centres hospitaliers<br />

américains). » [4]<br />

« De la taille d'un grain de riz, les puces


à signal radio sont injectées à l'aide<br />

d'une seringue dans le bras des patients.<br />

[... Le] personnel médical utilise un scanner<br />

[RFID et] lit les données dans la base<br />

[de données] grâce au numéro de série<br />

unique dont chaque puce dispose.<br />

Avec [...] Verichip, la société Applied<br />

Digital [7] indique cibler, par exemple,<br />

les personnes atteintes de la malades<br />

d'Alzheimer, de diabète, de troubles cardiovasculaires<br />

ou autres nécessitant des<br />

traitements lourds. [...]<br />

Pour [...] inciter [les hôpitaux américains]<br />

à les adopter, [Applied Digital] compte<br />

tout bonnement faire don de scanners<br />

[RFID], coûtant 650 dollars l'unité, à 200<br />

centres de traumatologie. [...]<br />

Au Mexique, plus de 1.000 patients se<br />

sont fait implanter une puce Verichip. Et le<br />

ministère italien de la Santé les teste [dès<br />

2004] dans plusieurs hôpitaux. » [2]<br />

« D'ici à 2010, l'usage de ces puces devrait<br />

être généralisé. [... Un] gigantesque marché<br />

de plusieurs milliards de dollars » [5]<br />

[1] : (www.fda.gov)<br />

[2] : (Alorie Gilbert, « États-Unis : l’implantation de puces<br />

sous-cutanée autorisée sur des individus », CNET<br />

News.com, 15/10/2004, http://www.zdnet.fr/actualites/telecoms/0,39040748,39177951,00.htm)<br />

[3] : (Laëtitia Bardoul, « <strong>2005</strong> sera l'année des tests et des<br />

pilotes pour la RFID en Europe », JDN Solutions, 15/1/<strong>2005</strong>,<br />

http://solutions.journaldunet.com/0501/050119_rfid.shtml)<br />

[4] : (Marc Rees, « VeriChip : des puces RFID dans le bras<br />

des immigrés ? Le saut de puce de trop ? », 2/6/2006,<br />

http://www.pcinpact.com/actu/news/29179-VeriChipdes-puces-RFID-dans-le-bras-des-imm.htm,<br />

d'après Bill<br />

Christensen, « Proposal to Implant Tracking Chips in<br />

Immigrants », LiveScience, 31/5/2006, http://www.livescience.com/scienceoffiction/060531_rfid_chips.html)<br />

[5] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[6] : (www.verimedinfo.com)<br />

[7] : (http://www.appdig.com)<br />

« La collecte<br />

en continud'informationssensibles<br />

est<br />

[...] une<br />

des composantesstratégiques<br />

des systèmes spatiaux [...]<br />

(stratégie américaine de monitoring<br />

de la planète).<br />

Les [...] satellites d'observation de la<br />

Terre ne s'intéressent pas seulement au<br />

temps qu'il fait ou à la biodiversité. » [1]<br />

En « 1990 [...,] le président américain<br />

George Bush montre à François Mitterrand<br />

des photos satellites pour le<br />

convaincre de la nécessité d’intervenir<br />

dans la guerre du Golfe [Voir « Gulf’s<br />

War One », p. 602]. L’année suivante,<br />

les militaires français, ne disposant d’aucun<br />

satellite [militaire] d’observation, doivent<br />

se contenter des documents fournis<br />

par les États-Unis. » [2]<br />

En « Europe, la télédétection militaire<br />

était jusqu'à une date récente très<br />

dépendante de l'armée américaine. Ce<br />

sont ces derniers qui fournissaient à<br />

leurs principaux alliés en Europe les<br />

images satellites à haute résolution mais<br />

que d'une façon sélective. Le premier<br />

programme militaire [européen]<br />

dénommé Hélios [3] n'a été mis en<br />

œuvre qu'en 1995 [...]. Des pays émer-<br />

419 Survie surveillée


geants comme l'Inde, le Pakistan, le<br />

Brésil, la Corée du Sud et du Nord,<br />

l'Iran… travaillent [eux aussi] depuis<br />

quelques années sur différents programmes<br />

expérimentaux. » [4]<br />

« Le responsable du NRO (National<br />

Reconnaissance Office) [5] organisme<br />

américain chargé de l'exploitation des<br />

données et de l'analyse des images<br />

transmises par les satellites militaires a<br />

déclaré [en 2003] que "les satellitesespions<br />

américains peuvent identifier un<br />

homme dans son jardin, [et même] lire<br />

le journal qu'il tient dans ses mains et<br />

prendre son visage en photo".<br />

Or, depuis les attentats du 11 septembre<br />

2001, les Américains sont à la recherche<br />

d'Oussama ben Laden [...] ! Combien de<br />

missiles à guidage laser et par satellite<br />

ont été largués sur les refuges supposés<br />

de Saddam Hussein et n'ont jamais réussi<br />

à l'atteindre. Et Abou Mousaab Al-<br />

Zarkaoui, chef d'Al-Qaeda en Iraq,<br />

[demeurait longuement] introuvable [...]<br />

malgré sa présence dans un espace bien<br />

précis et sous le contrôle [...] de l'armée<br />

américaine. [...]<br />

Actuellement, les meilleures résolutions<br />

officieusement évoquées par les spécialistes<br />

ne descendent [en fait] pas au-delà<br />

de 10 cm, ce qui ne permet [donc] pas<br />

d'identifier un visage ou [...] de lire les<br />

titres des journaux. » [4] A moins, peutêtre,<br />

de prendre plusieurs images à très<br />

peu d'écart et de faire ensuite calculer<br />

les détails par un ordinateur ; un peu<br />

comme on obtient la notion du relief<br />

avec un stéréoscope.<br />

Mais même sans « les perturbations<br />

météorologiques et atmosphériques, le<br />

meilleur des satellites militaires ne peut<br />

observer à travers les murs ou les toitures<br />

[...]. Même s'il est vrai que des capteurs<br />

radars (Lacrosse, Discovery II…) de plus<br />

en plus sophistiqués permettent de remé-<br />

Survie surveillée 420<br />

dier partiellement à ces limitations, leur<br />

résolution est nettement moins bonne<br />

que celle des capteurs optiques. [...]<br />

[Les] satellites à haute résolution ne permettent<br />

pas [par ailleurs] une observation<br />

sans interruption. En effet, un satellite<br />

militaire de télédétection est en orbite<br />

basse, dite héliosynchrone (inférieure<br />

à 1500 km d'altitude), défile constamment<br />

autour de la Terre, ce qui ne permet<br />

pas de surveiller en permanence<br />

une cible donnée. Et plus la résolution<br />

est élevée, plus la zone d'observation<br />

sera réduite [...].<br />

Le dernier [type de] satellite [...] KH-12<br />

[...] Improved Crystal, a été [envoyé]<br />

dans l'espace [...] équipé de capteurs à<br />

vision nocturne opérant dans différentes<br />

longueurs d'onde du visible et de l'infrarouge<br />

avec une résolution de 10 cm (?).<br />

Et utilisant une technologie radar à<br />

ouverture synthétique d'une résolution<br />

de 30 cm. Grâce à la technologie radar,<br />

ce satellite est capable d'observer la<br />

Terre de jour comme de nuit et dans des<br />

conditions géographiques et météorologiques<br />

extrêmes (nuages, brouillard,<br />

végétation…). Aujourd'hui, une quinzaine<br />

graviterait en orbite héliosynchrone à<br />

des altitudes variant entre 200 et<br />

1200 km. [...]<br />

[Et] certainement de nouveaux satellites<br />

[...] pourront [bientôt] détecter des<br />

objets plus petits que 10 cm. En tout<br />

cas, NRO s'est engagé à mettre au point<br />

des capteurs [... pour] observer en profondeur<br />

sous la Terre. [...]<br />

Depuis quelques années, [... des] entreprises<br />

privées américaines et russes ont<br />

le droit de commercialiser des images<br />

d'une résolution d'un mètre [...], mais<br />

interdites à la vente pour certains pays<br />

sous embargo technologique (Cuba,<br />

Corée du Nord, Iran…). [...]<br />

En septembre 1999, Space Imaging a


ainsi lancé le satellite Ikonos, d'une résolution<br />

de 80 cm. [...] l'US Air Force a<br />

conçu un réseau de stations mobiles<br />

désignées "Eagle Vision", permettant de<br />

recevoir des images de différents satellites<br />

civiles (SPOT, Landsat, IRS-1, ERS-1,<br />

Radasat…). [...]<br />

Le géant américain d'Internet Google<br />

[propose] un vaste choix d'images satellites.<br />

Google Earth [...] déjà [dans] la<br />

première version, mise en ligne [l’été<br />

<strong>2005</strong>], permet d'observer avec une<br />

grande précision de nombreux sites stratégiques<br />

dans le monde. Un clic de souris<br />

sur un planisphère et vous voilà au<br />

dessus de votre quartier, village, ou la<br />

ville que vous voulez visiter. De nombreux<br />

pays se sont plaints de la diffusion<br />

de leur territoire par Google mais les lois<br />

américaines ne l'interdisent pas. Sauf<br />

pour un seul pays au monde : Israel<br />

[Voir « Terror is Real », p. 603]. Les<br />

images au-dessous d'une résolution de 2<br />

mètres concernant ce pays sont interdites<br />

à la diffusion. » [4]<br />

La péremption d'autres systèmes s'accélère.<br />

« Le ministère de la Défense [française]<br />

a annoncé la suspension des vols<br />

du Sarigue, l'unique avion d'écoute et<br />

de renseignement stratégique, jugeant<br />

qu'"il ne représentait plus le meilleur rapport<br />

qualité-prix". Ce DC-8 bourré de<br />

matériel électronique sera remplacé par<br />

deux Transall Gabriel, l'économie se<br />

montera à 18 millions d'euros par an. [...<br />

Le] Sarigue, "retiré du service après seulement<br />

trois ans de vie opérationnelle"<br />

[6], a coûté 400 millions d'euros. » [7]<br />

Ce genre d’engin est utile. « Les “altermondialistes”<br />

anti-G8 ne l’ont pas su,<br />

mais tous leurs mouvements, pendant le<br />

sommet d’Evian [en 2003] ont été suivis<br />

par trois petits avions espions sans pilote,<br />

ce qu’on appelle des drones. [... Ils]<br />

ont volé jour et nuit [... et] malgré les<br />

ruses des intéressés, aucun déplacement<br />

des manifestants ne leur a échappé. » [8]<br />

« Des dizaines de drones sont déjà pourtant<br />

en service en France. Mais pas dans<br />

la police. Pour le contrôle du trafic routier<br />

ou encore le relais de transmissions.<br />

En Belgique, aux Etats-Unis et en<br />

Grande-Bretagne, la police a mis en service<br />

ses premiers drones. Scotland Yard<br />

réfléchit d'ailleurs d'ores et déjà à un système<br />

d'armement embarqué. Ce type de<br />

surveillance automatisée pourrait donc<br />

devenir rapidement la norme en matière<br />

de police urbaine. A l'heure actuelle,<br />

plus de 250 entreprises fabriquent des<br />

drones dans une cinquantaine de<br />

pays." » [9] « Le satellite, l'avion, ou le<br />

drone ne sont [néanmoins] que des<br />

moyens parmi d'autres. » [4]<br />

[1] : (Jean-Claude Empereur, « L'emballement des systèmes<br />

d'espionnage électronique américains », La<br />

Gazette, n° 137, 28/2/2006, http://www.admiroutes.ass<br />

o.fr/lagazette/06-13702/index.htm, repris par j...@rewriting.net,<br />

15/3/2006, http://groups.google.com/group/g<br />

uerrelec/browse_thread/thread/1fb2a00602887d62 ; Cf.<br />

aussi http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i3219.asp)<br />

[2] : (Pierre Poix, « Satellites espions pour vous servir », Ciel<br />

et Espace, n° 365, 10/2000, p. 27, http://www.cieletespace.fr/sinformer/ciel_espace/visu_article.aspx?Num=1889)<br />

[3] (Cf. par ex. Commission Européenne, Direction générale<br />

de l'Energie et des Transports, « GALILEO. Système<br />

européen de navigation par satellite », 22/12/2004,<br />

http://ec.europa.eu/dgs/energy_transport/galileo/documents/technical_fr.htm)<br />

[4] : (Mohamed Sihaddou, « Ces yeux qui nous matent de<br />

l'espace. Les satellites militaires de télédétection », emarrakech.info,<br />

23/5/2006, http://www.emarrakech.info/Ce<br />

s-yeux-qui-nous-matent-de-l-espace_a8228.html)<br />

[5] : (http://www.nro.gov/)<br />

[6] : (Air et Cosmos, n° 1949, 10/9/2004, p. 8)<br />

[7] : (Lionel Venturini, « Le carnet politique », L'Humanité,<br />

18/9/2004, http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-<br />

09-18/2004-09-18-400731<br />

[8] : (« Aéro-espionnage », Le Canard enchaïné,<br />

11/6/2003, p. 2)<br />

[8] : (« France: Des drones de surveillance contre nos<br />

quartiers », Mondialisation.ca, 11/10/2007, d’après<br />

Indymedia (Paris), http://www.mondialisation.ca/index.p<br />

hp?context=va&aid=7049)<br />

421 Survie surveillée


On arrive<br />

à « la<br />

création<br />

d'une infrastructuremondiale<br />

de<br />

surveillance des déplacements. Non<br />

seulement les autorités de plusieurs<br />

pays sont [... très vite] bien engagées<br />

dans la mise en place de points de<br />

contrôle et de bases de données pour<br />

suivre les déplacements des individus à<br />

l'aide de leurs documents d'identité<br />

nationaux et/ou leurs passeports à données<br />

biométriques, mais elles [sont parvenues]<br />

également à avoir un accès<br />

direct aux dossiers des passagers ("passager<br />

name records" ou PNR) des compagnies<br />

aériennes. » [1]<br />

Suite à « un arrangement, signé le 19<br />

février [2003], obligeant les compagnies<br />

aériennes à fournir aux autorités américaines<br />

les données dont elles disposent<br />

sur les passagers de leurs vols transatlantiques<br />

[2] » [3], la pratique s'est généralisée.<br />

« La police des frontières étatsunienne<br />

demande désormais aux compagnies<br />

aériennes acheminant des passagers<br />

vers les États-Unis de » [4] « fournir<br />

aux douanes et aux services d'immigration<br />

américains une liste de données<br />

relatives aux passagers et aux membres<br />

de l'équi<strong>page</strong> avant tout départ. Ces<br />

données [..., 39 en général,] sont stockées<br />

dans les bases de données des systèmes<br />

de réservation des compagnies<br />

d'aviation [... Les listes,] dénommés<br />

"PNR" (Passenger Name Record) » [5],<br />

sont « traditionnellement [établies et<br />

conservées] par les compagnies<br />

aériennes et les agences de voyages, sur<br />

la base d'informations fournies par les<br />

passagers dans le cadre des services de<br />

réservations.<br />

Survie surveillée 422<br />

Elles comprennent » [4] parfois « plus de<br />

60 champs d'informations, dont » [1] :<br />

« nom, prénom, âge, adresse, numéros<br />

de passeport et de carte de crédit » [6],<br />

« e-mail » [7], « l'agence de voyage [...<br />

pour] la réservation [...,] l'itinéraire du<br />

déplacement [..., les] vols concernés<br />

(numéro des vols successifs, date,<br />

heures, classe économique, business,<br />

» [4] « numéro du siège, » [1]<br />

« etc.), [...] le groupe de personnes pour<br />

lesquelles une même réservation est<br />

faite, le contact à terre du passager<br />

(numéro de téléphone au domicile, professionnel,<br />

etc.), - les tarifs [..., le] paiement<br />

[...], les réservations d'hôtels ou de<br />

voitures à l'arrivée, [...] les services<br />

demandés à bord tels que le numéro de<br />

place affecté à l'avance, les repas (végétarien,<br />

asiatique, cascher, etc.) et les services<br />

liés à la santé (diabétique, aveugle,<br />

sourd, assistance médicale etc.). [8] » [4],<br />

et enfin « des informations sur le comportement<br />

et des données sur les voyageurs<br />

assidus. » [1]<br />

« On peut penser qu'elles seront exploitées<br />

davantage dans un but d'espionnage<br />

économique que de lutte contre le<br />

terrorisme. » [9]<br />

La CNIL [..., en France, considéra] "que<br />

la transmission de ces données personnelles<br />

est illégale au regard tant de la loi<br />

relative à l' informatique, aux fichiers et<br />

aux libertés du 6 janvier 1978 que de la<br />

législation européenne en matière de<br />

protection des données personnelles."<br />

[8] » [4]<br />

« Le gouvernement des États-Unis,<br />

notamment, a demandé l'accès à ces<br />

renseignements [...,] même si cela est<br />

susceptible de contrevenir aux lois sur la<br />

protection de la vie privée protégeant les<br />

passagers de l'Union européenne et<br />

d'autres pays. À l'issue de longues négociations,<br />

les États-Unis ont réussi à<br />

convaincre les représentants de l'UE de


violer leurs propres principes en matière<br />

de respect de la vie privée et de conclure<br />

un accord leur donnant accès aux<br />

PNR européens. » [1] « Dans le cadre de<br />

la lutte contre le terrorisme international,<br />

le Conseil des ministres et la Commission<br />

[mais non l'Assemblée] de l’Union européenne<br />

[ont accepté], dans la plus grande<br />

discrétion » [7], « la transmission<br />

automatique de 34 des 39 éléments<br />

demandés » [10]<br />

« Compte tenu du fait que les codes qui<br />

protègent les [Cartes Bleues] ou les<br />

adresses électroniques sont très faciles à<br />

contourner, le gouvernement des États-<br />

Unis disposera ainsi de quantité d’informations<br />

sur notre vie privée : à travers<br />

nos dépenses, notre courrier. [... Avec] la<br />

carte de crédit, ils connaîtront [... nos]<br />

déplacements [...], les magasins [...] fréquentés,<br />

le prix de [nos] achats [... ;]<br />

l’idéologie du tout-sécuritaire, renforcée<br />

par la peur du terrorisme et de la criminalité<br />

ordinaire, nous met à la merci des<br />

services policiers en tout genre, [publics<br />

ou privés]. » [7]<br />

« ([... D'où] la contestation [initiale] des<br />

autorités européennes qui [... n'ont<br />

quand même pas pu] la refuser en raison<br />

de la menace américaine de sanctions<br />

et d'interdiction de vol du territoire<br />

des Etats-Unis. [... Le] 13 mars [2003], le<br />

Parlement Européen a adopté une résolution<br />

soulignant que les exigences américaines<br />

constituaient une violation des<br />

règles européennes en matière de protection<br />

des données personnelles. [...]<br />

Les mesures imposées sont entrées en<br />

vigueur pendant que les négociations<br />

menées par la Commission Européenne<br />

étaient encore en cours. Ainsi les compagnies<br />

aériennes européennes communiquent<br />

depuis le 5 mars 2003 aux services<br />

[...] américains des informations<br />

personnelles relatives à leurs passagers à<br />

destination des Etats-Unis.<br />

Finalement, le 17 mai 2004 la Commission<br />

Européenne a donné son accord<br />

définitif sur l'échange de 34 données.<br />

Selon cet accord les données ne peuvent<br />

être [officiellement] conservées plus de<br />

trois ans et demi et les citoyens européens<br />

peuvent [toujours] faire appel<br />

auprès des tribunaux américains s'ils estiment<br />

que les données qui les concernent<br />

sont mal utilisées ou fausses [11] » [5]<br />

Nous voilà rassurés !<br />

Le « Parlement européen [déposa ensuite]<br />

un recours contre l’accord Etats-Unis<br />

- Union européenne sur les données des<br />

passagers aériens » [12]. Et, « saisie par<br />

le président du Parlement européen, la<br />

Cour de justice des communautés européennes<br />

à Luxembourg a condamné cet<br />

accord le 30 mai 2006 [13], en s’appuyant<br />

sur le fait que la décision prise<br />

par la Commission ne relève pas du<br />

champ d’application de la directive sur<br />

laquelle elle a été fondée [14]. » [15]<br />

« Le 30 septembre [2006] expirait le<br />

délai fixé dans l’arrêt de la Cour de<br />

Justice des Communautés européennes<br />

pour la conclusion d’un nouvel accord<br />

entre les Etats-Unis et l’Union européenne<br />

[...]. Mais le 1 er octobre, la Commission<br />

se voyait bien obligée de reconnaître<br />

que les négociations avec les<br />

Etats-Unis devaient se poursuivre afin<br />

de parvenir à un accord [..., compte<br />

tenu notamment des] nouvelles exigences<br />

présentées par les Etats-Unis qui<br />

ne se satisfaisaient plus des termes du<br />

précédent accord pourtant déjà très<br />

contesté [...].<br />

Au final, le compromis trouvé maintient<br />

inchangées les données accessibles [16]<br />

[..., et] le bureau des douanes américaines<br />

pourra confier les données à l’ensemble<br />

des agences chargées de la lutte<br />

contre le terrorisme, concession faite par<br />

423 Survie surveillée


l’Union européenne. [... Le] Parlement<br />

européen [...] se trouve mis devant le fait<br />

accompli, sans avoir eu son mot à dire<br />

sur un accord non seulement reconduit<br />

mais donnant plus de droits à l’administration<br />

américaine. Or [...,] "dans le cas<br />

des États-Unis, [...] il n'existe toujours<br />

pas de protection juridique des données<br />

dans le domaine du transport aérien ;<br />

par conséquent, il est possible d'avoir<br />

accès [aux] données PNR [...] et les données<br />

peuvent être conservées pendant<br />

plusieurs années après que le contrôle<br />

de sécurité a été effectué ; en outre,<br />

il n'existe pas de protection judiciaire<br />

pour les non ressortissants des Etats-<br />

Unis" [17]. » [18]<br />

« L'Organisation de l'aviation civile internationale<br />

(OACI) [19], une institution<br />

des Nations Unies, examine la possibilité<br />

de créer un format harmonisé pour les<br />

PNR. L'OACI encourage les États à établir<br />

leurs propres systèmes PNR et à échanger<br />

les données à l'échelle mondiale.<br />

Ainsi, les renseignements sur la destination<br />

des voyageurs, la fréquence de<br />

leurs déplacements (ainsi que d'autres<br />

renseignements de nature personnelle,<br />

comme l'origine ethnique et l'hôtel où se<br />

rendra un voyageur), feront l'objet<br />

d'une analyse et seront conservés et<br />

échangés entre différents pays, dans le<br />

but de réguler et de contrôler les déplacements<br />

transfrontaliers. » [1] [Voir « T’es<br />

pas CAPPS ! », p. 467]<br />

On n'a donc qu'à faire pareil. « De son<br />

côté, l'Union européenne a décidé de<br />

mettre en place son propre système de<br />

PNR pour suivre les déplacements de<br />

quiconque pénètre sur son territoire ou<br />

en ressort. » [1]<br />

On peut aussi manquer de tact en<br />

répondant au « “diktat américain” exigeant<br />

la remise de 39 données personnelles<br />

des passagers de compagnies<br />

Survie surveillée 424<br />

aériennes et la “biométrisation” des passeports<br />

étrangers. En contraignant les<br />

citoyens nord-américains aux mêmes<br />

contrôles, le Brésil a mis en évidence<br />

l’ambiguïté de ces exigences<br />

agressives. » [10] Au pays de la Liberté,<br />

de telles mauvaises manières peinèrent.<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Cf. The International Herald Tribune, Paris,<br />

20/2/2003)<br />

[3] : (Jelle Van Buuren, « Fichage policier encouragé.<br />

Les tentacules du système Schengen », Le Monde diplomatique,<br />

3/2003, p. 8, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/03/VAN_BUUREN/9970)<br />

[4] : (Paul Labarique, « La citadelle états-unienne. “Alien”<br />

paranoïa », Voltaire, 3/2/2004, http://www.voltairenet.org<br />

/article12322.html)<br />

[5] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[6] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[7] : (Christelle Chabaud, « Ils ont osé le faire. 1984, vingt<br />

ans après », L’Humanité, 22/5/2004, http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-05-22/2004-05-22-394111)<br />

[8] : (CNIL, « Le transfert des données passagers vers les<br />

Etats-Unis par les compagnies aériennes (dossier PNR) »,<br />

http://www.cnil.fr)<br />

[9] : (« Bataille autour de la défense des libertés individuelles<br />

face aux menaces terroristes », La Gazette, n° 100,<br />

30/6/2004, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/04-<br />

10006/index.htm)<br />

[10] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage<br />

et de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[11] : (Cf. Th. Fuller, « Europe Agrees to let US Get Passport<br />

Data », The New-York Times, 18/5/2004 et CNIL, « Les exigences<br />

américaines en matière de passeports<br />

pour les citoyens français », 28/7/<strong>2005</strong>, http://www.cnil.fr/<br />

index.php?id=1851&news[uid]=274&cHash=61d4d89f35)<br />

[12] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le<br />

Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://www.mondediplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[13] : (« Opinion 5/2006 on the ruling by the European<br />

Court of Justice of 30 May 2006 in Joined cases C-317/04<br />

and C-318/04 on the transmission of Passenger Name<br />

Records to the United States », http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/privacy/docs/wpdocs/2006/wp122_en.pdf)<br />

[14] : (Rafaële Rivais, « Le transfert de données passagers<br />

aux Etats-Unis jugé illégal », Le Monde, 31/5/2006)<br />

[15] : (« Prenez l’avion : Big Brother veille sur vous »,<br />

LDH Toulon, 13/6/2006, http://www.ldh-toulon.net/artic


le.php3?id_article=1351)<br />

[16] : (Union Européenne, « Agreement with the United<br />

States on the continues use of passenger name record<br />

(PNR) data », 6/10/2006, http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/en/er/91183.pdf)<br />

[17] : (Parlement européen, « Recommandation du<br />

Parlement européen à l'intention du Conseil sur les négociations<br />

en vue de la conclusion d'un accord avec les<br />

États-Unis d'Amérique sur l'utilisation de données des dossiers<br />

des passagers aériens (PNR) afin de prévenir et de<br />

combattre le terrorisme et la criminalité transnationale, y<br />

compris la criminalité organisée (2006/2193(INI)) »,<br />

8/9/2006, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.<br />

do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2006-0354+0+DOC+X<br />

ML+V0//FR&language=FR)<br />

[18] : (Domaguil, « Concessions de l’Union européenne<br />

sur le transfert des données PNR (fichiers des passagers<br />

aériens) aux Etats-Unis », Quoi de neuf en Europe,<br />

6/10/2006, http://quoideneufeneurope.hautetfort.com/a<br />

rchive/2006/10/06/concessions-de-l%E2%80%99unioneuropeenne-sur-le-transfert-des-donne.html)<br />

[19] : (http://www.icao.int/fr/index.html)<br />

« La collecte<br />

de<br />

l’informationpréalable<br />

sur<br />

les passagers,<br />

le<br />

marquage<br />

d’indicateurs personnels par les<br />

douanes, le fichage d’empreintes<br />

digitales numérisées – tels le système<br />

automatisé d’identification dactyloscopique<br />

(SAID) de la gendarmerie royale<br />

du Canada ou celui qui est prévu pour<br />

les non-résidents des pays de l’espace<br />

Schengen (SIS) [Voir « Enchaîne<br />

Guns », p. 371] – représentent un très<br />

juteux marché » [1] [Voir « Achète !<br />

Sinon... », p. 480].<br />

« Le programme smart borders [...] met<br />

en place un dispositif électromagnétique<br />

et informatisé [...] en amont, dès le<br />

Mexique ou le Canada, [...] se poursuivant<br />

[... aux] Etats-Unis [..., avec, prévue,]<br />

l'installation sur les véhicules de<br />

puces électroniques [... RFID] [Voir<br />

« Erre, affidé ! », p. 398] [capables] d'être<br />

[lues] à distance [... La] puce passive [...]<br />

lue par des lecteurs électromagnétiques<br />

[... à] la frontière et [...] sur les panneaux<br />

de signalisation des autoroutes [...<br />

allant] du nord au sud [... devant être<br />

rapidement remplacée] par des puces<br />

intelligentes [RFID actives] où seront<br />

stockées des informations basiques sur<br />

l'identité du transporteur ainsi que le<br />

contenu des marchandises (smart cards).<br />

[... Ce] dispositif permet [...] d'identifier<br />

les véhicules, de suivre en temps réel les<br />

déplacements, de garder en mémoire<br />

leurs itinéraires minutés et de servir de<br />

système de localisation. » [2]<br />

« Le fabricant anglais de plaques minéralogiques<br />

Hills Numberplates [3], qui [a<br />

logé les RFID actives] dans ses e-Plates, a<br />

montré que l'identification des automobiles<br />

fonctionne alors jusqu'à 320 km/h<br />

à une distance de 100 mètres. Et plusieurs<br />

voitures peuvent être reconnues<br />

simultanément... » [4] Et déjà, en France,<br />

mais avec une autre méthode, sur les<br />

autoroutes, on peut voir sur des panneaux<br />

des messages personnalisés aux<br />

conducteurs : la voiture avec telle immatriculation<br />

doit garder sa distance de<br />

sécurité avec celle qui la précède...<br />

Le « programme [smart borders] prévoit<br />

[également] le déploiement des [...]<br />

techniques biométriques (l'identification<br />

instantanée de l'empreinte digitale, les<br />

systèmes de reconnaissance de l'iris, de<br />

la rétine, de la main, du visage, de la<br />

voix, etc.) [Voir « Label Bio », p. 388]<br />

reliées à des banques de données, les<br />

cartes à puces [...] (smart card) contenant<br />

des données personnelles ainsi que<br />

des technologies de surveillance (les senseurs,<br />

les capteurs, les caméras de surveillance,<br />

etc.) [passant] comme [les]<br />

moyens les plus sûrs permettant d'identifier<br />

[... et] de détecter les personnes<br />

425 Survie surveillée


indésirables (terroristes et migrants illégaux),<br />

avant même leur arrivée aux frontières<br />

des Etats-Unis, dans leur pays d'origine<br />

en instaurant un système de<br />

contrôle en amont dans les consulats,<br />

les aéroports et auprès des compagnies<br />

d'aviation [Voir « Paix et nerfs », p. 421].<br />

Il s'agit essentiellement de la mise en<br />

place d'un dispositif proactif de contrôle<br />

et de surveillance par la consultation de<br />

banques de données et par l'adoption<br />

des technologies d'identification hautement<br />

sophistiquées.<br />

[... Le] programme smart borders prévoit<br />

[donc] l'insertion des données biométriques<br />

dans les passeports ainsi que la<br />

création à terme d'une carte (smart card)<br />

contenant toutes les informations<br />

requises par les autorités américaines. [...]<br />

La mise en place des smart borders<br />

mobilise [... le] HSD [Voir « Homeland,<br />

sweet homeland », p. 475], les douanes,<br />

l'INS, la Border Patrol, le ministère des<br />

Transports, les autorités locales, les<br />

chambres de commerce, les représentants<br />

de [l'ALENA,] jusqu'aux instituts de<br />

recherche, les universités et les entre-<br />

Survie surveillée 426<br />

prises de technologies de pointe.<br />

[... Les] technologies [surtout étasuniennes]<br />

adoptées pour établir les itinéraires,<br />

détecter les anomalies, éviter les<br />

retards et sécuriser les documents<br />

d'identification des camions sont [...]<br />

pratiquement imposées par les Etats-<br />

Unis à leurs partenaires. Ainsi, les villes<br />

comme San Diego au sud et Seattle au<br />

nord des Etats-Unis ont été choisies<br />

comme des villes pilotes pour le développement<br />

de ces technologies et [l’établissement<br />

d’une] coopération avec<br />

[leurs voisins] pour créer un corridor<br />

sécurisé de transport de poids lourds<br />

tout le long de l'autoroute I-15 qui traverse<br />

les Etats-Unis du nord au sud.<br />

Une initiative parallèle [étant] prévue<br />

entre le Maine et la Floride (I-95 corridor<br />

coalition project). [... Ce] projet reçoit<br />

un grand soutien de la part des entreprises<br />

de technologies de sécurité qui<br />

travaillent depuis les années 1980 avec<br />

le Pentagone [5] » [2] [Voir « Achète !<br />

Sinon... », p. 480].<br />

Le « programme smart borders introduit<br />

une conception fonctionnelle de la fron-


tière qui transforme la ligne traditionnelle<br />

de démarcation en une zone de<br />

contrôle [6] [...,] conçue comme un<br />

espace informatisé et intégré où toutes<br />

les informations relatives aux personnes<br />

qui veulent la traverser sont collectées,<br />

analysées et distribuées dans de larges<br />

banques de données comme le<br />

CAPPS II. » [2] [Voir « T'es pas CAPPS », p. 467]<br />

Cohérent, « un juge fédéral a décidé<br />

que la pose d’un traceur GPS sur la voiture<br />

d’un suspect "n’est pas une atteinte<br />

à la vie privée" [7]. » [1]<br />

On peut aller plus loin dans le contrôle<br />

des déplacements. « Ainsi, ce cadre chez<br />

un grand constructeur automobile<br />

constate avec inquiétude que l’on travaille<br />

à fabriquer des trains de roues<br />

capables de tourner dans une direction<br />

différente de ce que commande le<br />

volant. L’ordinateur embarqué pourra<br />

contredire une fausse manœuvre, dans<br />

la logique affichée par les projets de<br />

“STI”. On pourra peut-être s’en servir<br />

aussi... pour récupérer plus facilement<br />

une voiture volée ! » [8] Ou avec, à son<br />

bord, quelqu'un qu'on veut intercepter<br />

ou accidenter ?<br />

[1] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous contrôle.<br />

Ces industries florissantes de la peur permanente », Le<br />

Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, p. 16-17, http://www.mondediplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[2] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[3] : (http://www.hillsnumberplates.com)<br />

[4] : (Michel Alberganti, « Mille milliards de mouchards »,<br />

Le Monde, 2/6/2006, http://www.lemonde.fr/web/articl<br />

e/0,1-0@2-3230,36-778575,0.html)<br />

[5] : (Cf. Ayse Ceyhan, « Etats-Unis : frontière sécurisée,<br />

identité(s) contrôlée(s) », Cultures & Conflits, n° 26/27,<br />

1997, pp. 235-254)<br />

[6] : (Th. Biersteker, « The Rebordering of North America ?<br />

Implications for Conceptualizing Borders After September<br />

11 », in P. Andreas & Th. Biersteker, « Rebordering of<br />

North America », op. cit., pp. 153-167)<br />

[7] : (Juge David Hurd, New York, 8/1/<strong>2005</strong>)<br />

[8] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

Il fallait<br />

bien « la<br />

création<br />

d'une infra-structurevisant<br />

[à] la surveillance à l'échelle<br />

mondiale des communications électroniques<br />

et des transactions financières.<br />

[...]<br />

Par des mesures, comme la promulgation<br />

du "Patriot Act" [Voir « Dernier Acte<br />

patriotique », p. 329], les États-Unis et<br />

d'autres pays ont réagi au 11 septembre<br />

en accordant au gouvernement de<br />

plus larges pouvoirs d'interception des<br />

courriels, des conversations et des<br />

autres communications électroniques,<br />

tout en limitant le contrôle judiciaire sur<br />

ces pouvoirs. [...]<br />

Les gouvernements imposent également<br />

de nouvelles exigences aux entreprises<br />

et autres entités du secteur privé afin de<br />

faciliter l'aspect technique de la surveillance.<br />

Les gouvernements affirment<br />

qu'ils doivent introduire ces obligations<br />

pour se conformer à la Convention sur la<br />

[cybercriminalité, un traité] adopté à l'insistance<br />

des États-Unis après le 11 septembre,<br />

qui accorde aux autorités une<br />

gamme de nouveaux pouvoirs pour<br />

enquêter sur les délits cybernétiques audelà<br />

des frontières nationales. [...]<br />

Les gouvernements, plus particulièrement<br />

ceux des pays européens, font<br />

également pression pour créer "l'obligation<br />

de conservation des données". En<br />

vertu de cette obligation, les fournisseurs<br />

de services de communication<br />

seraient tenus de conserver et de stocker<br />

des données relatives à leurs clients,<br />

données qu'ils [devaient jusqu'alors]<br />

supprimer pour se conformer aux lois<br />

427 Survie surveillée


sur la protection des renseignements<br />

personnels. » [1]<br />

« La position du Parlement évolue [...]<br />

notablement en moins d’un an. Soumis<br />

à l’intense pression du Conseil européen<br />

(le Conseil réunissant les Etats membres),<br />

les députés adoptent, le 30 mai 2002 et<br />

contre l’avis de Marco Cappato, rapporteur<br />

du projet initial de révision, la nouvelle<br />

Directive. L’article 15.1 du nouveau<br />

texte impose en effet aux gouvernements<br />

européens qui ne se sont pas<br />

encore dotés d’arsenal législatif en la<br />

matière, de légiférer (dans les quinze<br />

mois à venir) pour obliger les fournisseurs<br />

d’accès à Internet et les opérateurs<br />

de télécommunications (téléphonie) à<br />

conserver toutes les données de communications<br />

: e-mails, Internet, télécopie,<br />

téléphone. Et à en garantir le libre<br />

accès aux services de police, de justice et<br />

à certaines administrations » [2].<br />

L'Union Européenne a encore débattu<br />

en <strong>2005</strong> « un projet de loi [ayant] pour<br />

effet d'obliger les fournisseurs à conserver<br />

pendant trois ans les données<br />

concernant le trafic des conversations<br />

téléphoniques, des courriels, des télécopies<br />

et d'Internet. [... On arrivera bien à<br />

une généralisation du principe !]<br />

En raison des nouvelles exigences adoptées<br />

dans plusieurs pays en matière de<br />

collecte et de conservation des données,<br />

Échelon pourra disposer d'une quantité<br />

de renseignements beaucoup plus<br />

vaste [...].<br />

De nouvelles lois adoptées dans plusieurs<br />

pays ont pour objet d'enrôler les<br />

institutions financières et les entreprises<br />

ordinaires dans une infrastructure de<br />

surveillance financière, sous prétexte de<br />

mettre fin au blanchiment d'argent et au<br />

financement du terrorisme. Voici quelques<br />

exemples :<br />

Une résolution du Conseil de sécurité de<br />

Survie surveillée 428<br />

l'ONU, adoptée après le 11 septembre<br />

2001, oblige tous les États à interdire à<br />

leurs citoyens de mettre à la disposition<br />

des terroristes des fonds ou de leur fournir<br />

des services, un mandat qui revient à<br />

exiger la surveillance de l'activité économique<br />

à l'échelle mondiale.<br />

Aux États-Unis, le Patriot Act a mis en<br />

place un vaste dispositif juridico-bureaucratique<br />

visant la collecte et l'analyse systématiques<br />

des transactions financières.<br />

Le FATF ("Financial Action Task Force"),<br />

Groupe de travail sur les transactions<br />

financières, un organe multilatéral responsable<br />

de l'élaboration des politiques<br />

qui est composé de 31 pays membres, a<br />

élargi son mandat pour s'attaquer aussi<br />

au financement des activités terroristes<br />

(en plus du blanchiment d'argent) [Voir<br />

« Où ça mène ? A l’argent », p. 530].<br />

L'Organisation de coopération et de<br />

développement économiques (OCDE)<br />

en a fait de même.<br />

Grâce à ces initiatives, les agents de l'État<br />

partout dans le monde vont rapidement<br />

obtenir l'accès direct et gratuit à<br />

tous les courriels, tous les appels téléphoniques,<br />

tous les sites Web visités<br />

[Voir « Ordis mateurs », p. 445] et à<br />

toutes les transactions financières réalisées.<br />

Les organismes de charité et les<br />

ONG qui [œuvrent] en zone de conflit,<br />

ou qui travaillent auprès de collectivités<br />

arabes ou musulmanes, subissent déjà<br />

les contrecoups de cette nouvelle infrastructure.<br />

» [1] Mais tout le monde va en<br />

profiter.<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Reporters sans frontières, « Internet en liberté surveillée<br />

», s.d., http://www.rsf.org/article.php3?id_article=<br />

3692)


La « NSA<br />

[National security<br />

agency] [1]<br />

(l’agence fédérale<br />

de renseignement<br />

la plus<br />

secrète et la plus riche des Etats-<br />

Unis » [2], « dont ni les effectifs réels, ni<br />

les budgets ne sont connus) est considérée<br />

comme l’un des organismes les plus<br />

en pointe [... pour] l’extraction de données.<br />

Elle est capable de collecter des<br />

masses considérables d’informations<br />

mais aussi et surtout d’extraire de cette<br />

masse l’information pertinente. » [3]<br />

« Créée au temps de la Guerre froide<br />

pour espionner l’Union soviétique et ses<br />

alliés, cette agence de renseignement,<br />

dont l’existence même a longtemps été<br />

niée par les autorités américaines, s’est<br />

fait une spécialité des écoutes téléphoniques<br />

et [... du décodage] des messages<br />

codés » [3].<br />

L'Agence connaît bien l'Europe.<br />

« Desmond Perkins, le responsable du<br />

chiffrement de Bruxelles, a confié sereinement<br />

devant le Parlement Européen<br />

que la vérification des systèmes de cryptage<br />

de Bruxelles, utilisés pour les communications<br />

extérieures, avait été<br />

confiée à la National Security Agency<br />

(NSA). » [4]<br />

[1] : (http://www.nsa.gov)<br />

[2] : (Philippe Couve, « Les grandes oreilles de George<br />

Bush », RFI, 24/12/<strong>2005</strong>, http://www.rfi.fr/actufr/articles/<br />

072/article_40644.asp, d’après le New York Times, 17 et<br />

18/12/<strong>2005</strong>)<br />

[3] : (Philippe Couve, « Des dizaines de millions<br />

d’Américains sous surveillance », RFI, 12/5/2006,<br />

http://www.rfi.fr/actufr/articles/077/article_43664.asp,<br />

d’après USA Today, 11/5/2006)<br />

[4] : (« Bruxelles ou comment confier ses clés au<br />

voleur... », infoguerre, 2/3/2001, http://www.infoguerre.com/article.php?op=Print&sid=255,<br />

d'après Libération,<br />

1/3/2001)<br />

« Echelon est<br />

le produit du<br />

pacte Ukusa,<br />

signé au tout<br />

début de la guerre froide par les Etats-<br />

Unis et le Royaume-Uni - qui furent rapidement<br />

rejoints [en 1948] par le<br />

Canada, l'Australie et la Nouvelle-<br />

Zélande. » [1] Le « réseau Echelon [est]<br />

animé par la National Security Agency<br />

(NSA) en collaboration avec les services<br />

anglo-saxons » [2] (« le GCHQ britannique,<br />

le DSD australien, le GSB néozélandais<br />

et le CSE canadien » [3]). « Ce<br />

partenariat [...] permet à chacun de ces<br />

pays d'éviter le contrôle judiciaire en<br />

demandant aux pays partenaires d'épier<br />

leurs propres citoyens. » [4]<br />

Echelon dispose de « bases d’écoutes<br />

[...] installées dans divers points du<br />

globe » [3], « de 30.000 ingénieurs, 120<br />

satellites, 2 sous marins [et] "peut [déjà<br />

courant 2000] filtrer jusqu'à 2 millions<br />

de conversations, fax ou e-mail à la<br />

minute soit près de 3 milliards par jour"<br />

soit plus que le contenu de la plus grande<br />

librairie du monde, celle du Congrès<br />

US. [...]<br />

L'an 2000 a vu la mise à jour de<br />

"Carnivore" [5] [... ; ce] pendant civil<br />

[d'Echelon] opéré par le FBI [dispose,<br />

lui,] d'une capacité de traitement de<br />

1 million de communications par [seconde]<br />

[6] » [2], soit 30 fois plus qu'Echelon.<br />

« L'écoute et l'analyse routinières des<br />

conversations téléphoniques, fax et<br />

courriers électroniques permettent de<br />

rapporter vers la National Security<br />

Agency (NSA) américaine quantité d'informations,<br />

secrètes ou non, concernant<br />

l'ensemble des domaines d'intérêt stratégique<br />

: données économiques, straté-<br />

429 Survie surveillée


gies des décideurs, milieux concernés<br />

par tel ou tel enjeu, etc. » [1]<br />

« En temps normal, [...] Échelon [...]<br />

intercepte, trie et interprète tout ce qui<br />

peut l’être. Sur commande spéciale, le<br />

système peut être orienté vers des cibles<br />

particulières. » [3] C'est « une formidable<br />

machine de contrôle, secrète et d'une<br />

envergure fascinante » [1] : « de nombreux<br />

mythes circulent à son sujet, et<br />

notamment, sur Internet, une "liste des<br />

mots-clés interceptés par Echelon" [7]. » [1]<br />

On a donc cru pouvoir saturer cette<br />

machine. La réalité est plus élaborée.<br />

[1] : (Philippe Rivière, « Le renseignement américain en<br />

accusation. Petits débats sur Echelon », 18/4/2000, sur<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers)<br />

[2] : (Rapport de Jean-Michel Yolin, « Internet et Entreprise<br />

mirages et opportunités ? Pour un plan d'action -<br />

Contribution à l'analyse de l'économie de l'Internet (mise<br />

à jour 1er novembre <strong>2005</strong>) », p. 348, http://lesrapports.la<br />

documentationfrancaise.fr/BRP/054000760/0002.pdf)<br />

[3] : (Thom Saint-Pierre, « Des moyens de surveillance militaire<br />

dirigés contre des pays alliés, membres de l’OTAN.<br />

Washington et Londres placent l’ONU sur écoutes », voltairenet.org,<br />

4/3/2003, http://www.voltairenet.org/articl<br />

e9236.html)<br />

[4] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[5] : (Voir http://www.epic.org/privacy/carnivore/foia_do<br />

cuments.html)<br />

[6] : (Thomas Krasnopolski, « Le gouvernement américain<br />

veut mettre Internet sur "écoute" », Les Echos, 26/7/2000,<br />

d'après The Wall Street Journal, 11/7/2000)<br />

[7] : (Voir« NSA - Echelon », Hoaxbuster, 15/3/2000,<br />

http://www.hoaxbuster.com/hoaxliste/hoax.php?idArticl<br />

e=1417)<br />

Le<br />

Parlement européen<br />

a dû le<br />

constater avant<br />

même le 11 septembre<br />

2001 :<br />

Echelon « est<br />

utilisé pour intercepter des communications<br />

privées et économiques » [1]<br />

« S'exprimant à Bruxelles alors que son<br />

Survie surveillée 430<br />

gouvernement préside l'Union européenne,<br />

le ministre portugais de l'intérieur,<br />

M. Fernando Gomes, affirme qu'il<br />

n'a "pas de doute sur l'existence d'un<br />

système d'interception des télécommunications".<br />

Difficile en effet de continuer à<br />

se voiler la face quand l'ex-directeur de<br />

la CIA James Woolsey lui-même confirme<br />

l'"honnêteté intellectuelle" [2] du rapport<br />

sur le système Echelon présenté au<br />

Parlement européen par le journaliste<br />

britannique Duncan Campbell [3]. [...]<br />

Au Parlement européen se posait une<br />

question centrale : les échanges de données<br />

pratiqués par les services de renseignements<br />

d'un pays membre de l'Union<br />

(les services britanniques principalement)<br />

peuvent-ils conduire à l'espionnage<br />

des citoyens et des entreprises européennes<br />

pour le compte de services<br />

américains ? » [4]<br />

« Les [...] révélations [début 2000] sur les<br />

agissements des services européens [au<br />

service d'Echelon] [Voir « Qui coopère<br />

gagne », p. 476] sont à rapprocher de<br />

l'arrogance avec laquelle l'ancien directeur<br />

de la CIA pointe [alors], comme justification<br />

d'Echelon, la corruption pratiquée<br />

par les entreprises européennes<br />

pour conquérir les marchés extérieurs<br />

[... ; l''Europe], qui pourrait à bon droit<br />

considérer Echelon comme une agression<br />

d'une gravité exceptionnelle, [hésitant]<br />

à poursuivre ses investigations. Car<br />

elle pourrait alors se trouver confrontée<br />

à des questions identiques à celles qu'elle<br />

souhaite poser à la NSA. Conjuguées<br />

aux pressions britanniques, ces craintes<br />

ont eu raison du projet de création<br />

d'une commission d'enquête, repoussée<br />

le 13 avril 2000 par la conférence des<br />

présidents du Parlement européen. » [4]<br />

[1] : (Gerhard Schmid - Commission temporaire sur le système<br />

d'interception Echelon, « Rapport sur l'existence<br />

d'un système d'interception mondial des communications<br />

privées et économiques (système d'interception ECHE-


LON) », Parlement Européen, 12/7/2001, http://www.eur<br />

oparl.europa.eu/omk/sipade3?PUBREF=-//EP//TEXT+REPOR<br />

T+A5-2001-0264+0+DOC+XML+V0//FR)<br />

[2] : (R. James Woolsey, « Why We Spy on Our Allies », The<br />

Wall Street Journal, 17/3/2000)<br />

[3] : (trad fr. : Duncan Campbell, « Surveillance électronique<br />

planétaire », Paris, Allia, 2001 ; Voiraussi<br />

http://membres.lycos.fr/corruptn/08-18.htm et Arthur<br />

Paecht, « Rapport d'information parlementaire sur les systèmes<br />

de surveillance et d'interception électroniques pouvant<br />

mettre en cause la sécurité nationale (système<br />

Echelon) », 11/10/2000, http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i2623.asp)<br />

[4] : (Philippe Rivière, « Le renseignement américain en<br />

accusation. Petits débats sur Echelon », 18/4/2000, était<br />

sur http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/echelon)<br />

« La France<br />

[était] en mesure,<br />

[..., - seule]<br />

de l'UE à posséder<br />

des territoires<br />

outre mer<br />

- de mettre sur<br />

pied à elle seule un système d'écoute<br />

mondial. » [1]<br />

« Sous l'égide de la DGSE, [la France a<br />

donc] également mis en place un système<br />

d'interception très important, qui<br />

vise lui aussi les satellites de communication<br />

civils [...]. Secrètement associés aux<br />

Allemands, les Français interceptent<br />

notamment les [émissions des] engins<br />

en orbite au-dessus du territoire américain.<br />

La production de ces interceptions,<br />

qui ne sont régies par aucune loi internationale,<br />

est transmise confidentiellement<br />

aux PDG de quelques dizaines<br />

d'entreprises en compétition sur les marchés<br />

internationaux. [...]<br />

Il est bien évident que les attitudes<br />

agressives et parfaitement illégales des<br />

services de renseignement américains<br />

ont provoqué des ripostes et que les<br />

Français n'ont donc rien à envier à personne<br />

dans ce jeu, auquel la DGSE se<br />

livre depuis ses stations d'écoute spatiale<br />

implantées en France métropolitaine, en<br />

particulier sa station de Domme<br />

(Dordogne), mitoyenne de l'aérodrome<br />

de Sarlat, mais également dans des<br />

départements et territoires français<br />

d'outre-mer, notamment, depuis une<br />

date récente, en Nouvelle-Calédonie.<br />

Une station d'interception satellitaire a<br />

également été construite sur le territoire<br />

des Emirats arabes unis, en vertu d'un<br />

accord bilatéral avec la fédération. La<br />

fonction de ces deux dernières stations<br />

consiste à intercepter les satellites de<br />

communication placés en orbite géostationnaire<br />

au-dessus de l'équateur et couvrant<br />

respectivement l'Asie et le Moyen-<br />

Orient.<br />

Les données numérisées y sont<br />

recueillies par de petites équipes d'une<br />

demi-douzaine de fonctionnaires et<br />

retransmises en bloc à Paris pour y être<br />

analysées. L'un des intérêts pour la<br />

France de disposer de DOM et de TOM<br />

harmonieusement répartis sur la planète<br />

consiste à pouvoir y disposer de telles<br />

stations d'interception. » [2]<br />

« Cependant, si certains articles de la loi<br />

Informatique et Libertés octroient certaines<br />

dérogations sur la collecte et les<br />

droits d'accès du citoyen, à propos des<br />

[traitements] "intéressant la sûreté de<br />

l'Etat", l'article 15 indique que TOUS les<br />

traitements effectués par l'Etat doivent<br />

être autorisés soit par une loi, soit par un<br />

acte réglementaire pris après avis motivé<br />

de la CNIL. Encore, une fois, l'Etat est<br />

dans la plus totale irrégularité... » [3]<br />

[1] : (Gerhard Schmid - Commission temporaire sur le système<br />

d'interception Echelon, « Rapport sur l'existence<br />

d'un système d'interception mondial des communications<br />

privées et économiques (système d'interception ECHE-<br />

LON) », Parlement Européen, 12/7/2001, http://www.eur<br />

oparl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REP<br />

ORT+A5-2001-0264+0+DOC+XML+V0//FR)<br />

[2] : (Jean Guisnel, « Les Français aussi écoutent leurs<br />

alliés », Le Point, n° 1342, 6/6/1998, reprod. in<br />

http://www.maurizioturco.it/echelon/banca_dati/le%20p<br />

oint/LES%20FRANCAIS%20AUSSI%20ECOUTENT%20LEU<br />

RS%20ALLIES.htm)<br />

[3] : (Clifti, « ECHELON et Frenchelon France - USA :<br />

mêmes méthodes ? », http://www.clifti.org/dangers/eche<br />

lon.htm)<br />

431 Survie surveillée


« Au<br />

prétexte de la<br />

lutte contre le<br />

terrorisme, le<br />

président américain<br />

a autorisé [après le 11 septembre<br />

2001] le développement [par<br />

la NSA] de vastes écoutes téléphoniques<br />

et de surveillance des courriers<br />

électroniques hors de tout<br />

contrôle de l’autorité judiciaire. » [1]<br />

« A Washington, [déjà, en 2000, à propos<br />

d'Echelon,] le Congrès [s'était interrogé]<br />

sur la surveillance par la NSA de<br />

citoyens américains - une pratique qui<br />

serait contraire à la Constitution. » [2]<br />

« Les citoyens [étasuniens, bien sûr,]<br />

n’échappent [pourtant] pas à l’actuelle<br />

paranoïa.<br />

[... Avec] Patriot Act [Voir « Dernier acte<br />

patriotique », p. 329], [... l’autorisation]<br />

de mise sur écoute téléphonique n’est<br />

plus requise. Les enquêteurs peuvent<br />

[aussi] accéder aux informations personnelles<br />

des citoyens sans mandat de perquisition.<br />

Ainsi, le FBI demande aux<br />

bibliothèques de lui fournir les listes des<br />

livres et des sites Internet consultés par<br />

leurs abonnés [3] pour tracer un “profil<br />

intellectuel” de chaque lecteur... » [4]<br />

Ainsi, « l’administration Bush a fait développer<br />

dans le cadre de la "guerre contre le<br />

terrorisme" la plus grande base de données<br />

jamais constituée dans le monde. » [5]<br />

[Voir « Fichiers à la fin », p. 447]<br />

« Le New York Times [... a révélé en<br />

décembre <strong>2005</strong>] [6] que le Président<br />

Bush a signé [en 2002] un ordre secret<br />

autorisant la NSA à intercepter les<br />

conversations téléphonies et les e-mails<br />

émis des Etats-Unis vers des personnes<br />

hors du territoire américain. [... Cela]<br />

bien évidemment en dehors de toute<br />

démarche légale et d'un suivi juridique.<br />

Survie surveillée 432<br />

La NSA avait pourtant averti qu'elle serait<br />

très scrupuleuse sur la légalité de ses<br />

activités. » [7]<br />

Lors de « la révélation de l’existence de<br />

ce programme [..., George W. Bush]<br />

s’est empressé d’intervenir à la télévision<br />

pour assurer que la NSA ne procédait à<br />

aucune "écoute et que la vie privée des<br />

Américains était "farouchement" protégée.<br />

[... Bush venait] quelques jours<br />

auparavant de nommer à la tête de la<br />

CIA [Voir « Sied à ravir », p. 571], l’homme<br />

qui est à l’origine de ce programme<br />

[..., le] général Hayden » [5]. « George<br />

[W] Bush et ses conseillers ont [aussi]<br />

déclaré que l'ordre d'écoutes sans mandat<br />

était limité aux communications<br />

internationales par téléphone ou internet<br />

de personnes soupçonnées de liens<br />

avec al Qaïda. » [8]<br />

« Le volume des informations récoltées<br />

dans le cadre des écoutes sans mandat<br />

judiciaire de [... la NSA] est [évidemment]<br />

bien plus important que ne l'a<br />

reconnu la Maison blanche [6]. » [8] « De<br />

hauts responsables américains, dont<br />

l'Attorney General (ministre de la Justice)<br />

Alberto Gonzalez, ont affirmé que le<br />

Congrès avait implicitement autorisé ces<br />

écoutes après le 11 septembre 2001 en<br />

conférant au gouvernement les pouvoirs<br />

de faire la "guerre contre le terrorisme"<br />

» [8] et « donné autorité au Président<br />

pour conduire une surveillance<br />

domestique sans mandat, même si cela<br />

est interdit par la loi fédérale. » [7]<br />

« Une loi de 1978 - le Foreign Intelligence<br />

Surveillance Act [9] - exige [en effet] que<br />

le gouvernement sollicite un mandat de<br />

la justice pour procéder à ce genre<br />

d'écoutes de ressortissants américains<br />

sur le sol américain. » [8] « Plusieurs<br />

sénateurs, y compris deux sénateurs<br />

républicains de la commission du renseignement,<br />

demandent l'organisation


d'auditions parlementaires sur ces<br />

écoutes. » [10]<br />

Et « le Sénat américain, malgré la pression<br />

des leaders républicains (pro Bush),<br />

s'est empressé [le 16 décembre <strong>2005</strong>] de<br />

ne pas signer le renouvellement du<br />

“Patriot Act'” [Voir « Dernier Acte<br />

Patriotique », p. 329], qui couvre les<br />

actions de l'administration en matière de<br />

sécurité intérieure et de lutte contre la<br />

menace du terrorisme. Puis les sénateurs<br />

de se précipiter en vacances…<br />

Au moment où l'opinion américaine<br />

[commençait] à sé<strong>rieuse</strong>ment douter de<br />

la [...] lutte contre le terrorisme et en<br />

Iraq, le retour d'Echelon [...] sur le<br />

devant de l'actualité [tombait] bien mal<br />

[pour le clan Bush]. D'autant que des<br />

sénateurs [... ont rappelé] que la torture<br />

n'est pas une méthode pour lutter<br />

contre la “war of terror” [...,] quelques<br />

jours à peine après que le Président et sa<br />

secrétaire d'Etat Condoleezza Rice<br />

[aient] affirmé que les Etats-Unis n'ont<br />

torturé personne et condamné cette<br />

[pratique] chez leurs alliés ! » [7] [Voir<br />

« Outplacement », p. 513]<br />

« L'affaire [...] nourrit les polémiques. Le<br />

juge fédéral James Robertson a démissionné<br />

[le 19 décembre <strong>2005</strong>] de son<br />

siège au tribunal de surveillance du renseignement<br />

étranger [...]. Créé en 1978<br />

dans le cadre du Foreign Intelligence<br />

Surveillance Act (FISA, loi de surveillance<br />

du renseignement étranger), ce tribunal,<br />

composé de onze magistrats, est chargé<br />

d'examiner, dans la plus grande confidentialité,<br />

les demandes d'écoutes de<br />

suspects étrangers et d'accorder des<br />

mandats aux enquêteurs.<br />

C'est [...] cette procédure que le gouvernement<br />

a choisi de ne pas suivre, dans le<br />

cadre des écoutes mises en place par<br />

l'Agence de sécurité nationale (NSA), sur<br />

les communications internationales de<br />

citoyens américains, la jugeant trop<br />

contraignante. [...] Depuis qu'il a été<br />

créé, ce tribunal [avait] examiné plus de<br />

18 000 requêtes et n'en a rejeté que 5.<br />

Pour les cas d'urgence, les agents peuvent<br />

demander leur mandat soixantedouze<br />

heures après avoir mis en place<br />

les écoutes. » [10] Encore trop coercitif !<br />

« Le Président Bush, en tout cas, n'en<br />

démord pas : il maintiendra sa politique<br />

"tant que la nation fera face à la menace<br />

continue d'un ennemi qui veut tuer des<br />

citoyens américains", a-t-il déclaré. Il<br />

continuera donc d'espionner ses concitoyens,<br />

et sans état d'âme, puisque c'est<br />

pour leur bien ! » [7]<br />

Le « directeur de la communication [de<br />

la Maison Blanche l'explique début<br />

2006] "[... Le programme d'écoutes]<br />

relève des prérogatives du président prévues<br />

par la Constitution. C'est pour cela<br />

qu'il doit continuer" [11]. Ce programme<br />

des écoutes sans mandat judiciaire<br />

ordonnées sur le territoire américain par<br />

le président George W. Bush en 2002,<br />

est "vital" et le Congrès a été "consulté"<br />

sur le sujet, a-t-il dit. » [12]<br />

« Il fut un temps où [la révélation de]<br />

micros cachés faisaient tomber un président<br />

[Le Watergate]. Qu'en sera-t-il de<br />

cette affaire ? » [7] « Le sénat américain<br />

a accepté [le 21 décembre <strong>2005</strong>] de prolonger<br />

pour une durée de six mois » [13]<br />

pour commencer.<br />

« Le président a justifié les écoutes au<br />

nom des pouvoirs qui lui sont accordés<br />

433 Survie surveillée


en période de guerre. Dick Cheney a<br />

enfoncé le clou [... également] :<br />

"Beaucoup d'événements autour du<br />

Watergate et du Vietnam, dans les<br />

années 1970, ont contribué à éroder le<br />

pouvoir présidentiel [...] Je pense que<br />

nous avons restauré l'autorité légitime<br />

de la présidence." » [14] Alors, on continue.<br />

[1] : (Philippe Couve, « Les grandes oreilles de George<br />

Bush », RFI, 24/12/<strong>2005</strong>, http://www.rfi.fr/actufr/articles/<br />

072/article_40644.asp, d’après le New York Times, 17 et<br />

18/12/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Philippe Rivière, « Le renseignement américain en<br />

accusation. Petits débats sur Echelon », 18/4/2000, était<br />

sur http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/echelon)<br />

[3] : (The Washington Post National Weekly Edition, 21-<br />

27/4/2003)<br />

[4] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[5] : (Philippe Couve, « Des dizaines de millions<br />

d’Américains sous surveillance », RFI, 12/5/2006,<br />

http://www.rfi.fr/actufr/articles/077/article_43664.asp,<br />

d’après USA Today, 11/5/2006)<br />

[6] : (New York Times, 17 et 18/12/<strong>2005</strong>)<br />

[7] : (Yves Grandmontagne, « USA : Echelon espionne ses<br />

propres citoyens », silicon.fr, 19/12/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.silicon.fr/fr/silicon/news/<strong>2005</strong>/12/19/usaechelon-espionne-propres-citoyens)<br />

[8] : (« Les écoutes seraient plus étendues que ne l'admet<br />

Washington », L'Express, 24/12/<strong>2005</strong>, d'après Reuters,<br />

reprod. in http://www.mail-archive.com/guerrelec@googlegroups.com/msg00204.html)<br />

[9] : (http://www.fas.org/irp/agency/doj/fisa)<br />

[10] : (Alain Salles, « Ecoutes secrètes de la NSA : un juge<br />

fédéral américain démissionne », Le Monde, 22/12/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://www.spyworld-actu.com/article.php3?i<br />

d_article=1265)<br />

[11] : (Dan Bartlett, Entretien avec ABC, 23/1/2006)<br />

[12] : (« Les écoutes téléphoniques vont se poursuivre »,<br />

nouvelobs.com, 23/1/2006, http://archquo.nouvelobs.co<br />

m/cgi/articles?ad=etranger/20060123.OBS3291.html)<br />

[13] : (« Le Patriot Act prolongé six mois », Le Figaro,<br />

22/12/<strong>2005</strong>, d’après AFP, reprod. in Spyworld,<br />

http://www.spyworld-actu.com/spip.php?article1262)<br />

[14] : (Alain Salles, « Le Sénat prolonge de six mois la loi<br />

antiterroriste Patriot Act », Le Monde, 23/12/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://www.spyworld-actu.com/article.php3?i<br />

d_article=1265)<br />

Survie surveillée 434<br />

« Il existe<br />

[bien des] programmes<br />

de la<br />

NSA qui visent<br />

bien à écouter<br />

les conversations<br />

de certaines personnes,<br />

[mais,] à une bien [plus] grande<br />

échelle » [1] que l’on ne l’imaginerait ;<br />

et « bien d’autres communications [que<br />

l’on ne pensait] sont surveillées [...] : le<br />

nom de l’appelant, le nom de l’appelé,<br />

l’heure de l’appel, la durée de la conversation,<br />

[etc.,] sont collectées de manière<br />

très large [..., pour] dessiner de gigantesques<br />

réseaux de relations entre les<br />

individus à travers le monde. Une toile<br />

d’araignée colossale » [2].<br />

La NSA « vise à traquer chaque coup de<br />

fil passé sur le territoire américain. [Ceux<br />

de] "dizaines de millions de citoyens" [3]<br />

[...,] quotidiennement [..., pour] savoir<br />

qui appelle qui, avec quelle fréquence<br />

[... et] mettre en lumière les réseaux de<br />

relations [... En effet,] l’établissement du<br />

réseau de relations d’un suspect est une<br />

technique employée par toutes les<br />

polices » [1]. « C’est le mode de fonctionnement<br />

des réseaux terroristes qui<br />

rend utile [... cette] approche, estiment<br />

de nombreux experts [..., car ils<br />

auraient] des hiérarchies floues et mouvantes<br />

[... Avec ces techniques], il est<br />

assez facile de déterminer toutes les relations<br />

d’une personne identifiée comme<br />

un terroriste présumé.<br />

Lancé dans la foulée [...] du 11-Septembre,<br />

le programme [...] a été rendu<br />

possible [... grâce aux] incroyables capacités<br />

technologiques et [au] savoir-faire<br />

acquis au fil des ans par la NSA. » [1].<br />

« Pour parvenir à collecter les informations<br />

sur les communications de<br />

"dizaines de millions d’Américains", la<br />

NSA a dû faire appel aux principaux opé-


ateurs téléphoniques du pays : AT&T,<br />

Verizon et BellSouth. Un quatrième, la<br />

société Qwest, a refusé [...,] estimant<br />

que les garanties juridiques étaient insuffisantes.<br />

» [1] La NSA « dispose [donc]<br />

d’un accès aux centraux téléphoniques<br />

des [principaux] opérateurs américains<br />

du secteur des télécommunications.<br />

Cette porte dérobée (back door) dans les<br />

centres nerveux du réseau de télécommunication<br />

a été mise en place sans<br />

aucune autorisation judiciaire. » [2]<br />

On comprend « les incitations répétées<br />

du gouvernement américain auprès des<br />

opérateurs téléphoniques pour qu’ils fassent<br />

transiter le maximum de trafic par<br />

les Etats-Unis. » [2] Car « même lorsque<br />

l’on téléphone de Paris à Marseille, il<br />

[... se peut] que l’appel transite [...] par<br />

les Etats-Unis [...] via internet. Or les principaux<br />

nœuds de transfert de données<br />

via internet sont localisés sur le territoire<br />

américain. » [2] Et « un ancien expert de<br />

la NSA raconte que des responsables du<br />

gouvernement ont encouragé ces dernières<br />

années l'industrie de télécommunications<br />

à écouter davantage de communications<br />

internationales. » [4]<br />

Cependant, Internet est encore mieux<br />

quadrillé [Voir « La Nasse », p. 445].<br />

[1] : (Philippe Couve, « Des dizaines de millions<br />

d’Américains sous surveillance », RFI, 12/5/2006,<br />

http://www.rfi.fr/actufr/articles/077/article_43664.asp,<br />

d’après USA Today, 11/5/2006)<br />

[2] : (Philippe Couve, « Les grandes oreilles de George<br />

Bush », RFI, 24/12/<strong>2005</strong>, http://www.rfi.fr/actufr/articles/<br />

072/article_40644.asp, d’après le New York Times, 17 et<br />

18/12/<strong>2005</strong>)<br />

[3] : (USA Today, 11/5/2006)<br />

[4] : (« Les écoutes seraient plus étendues que ne<br />

l'admet Washington », L'Express, 24/12/<strong>2005</strong>, d'après<br />

Reuters, http://www.mail-archive.com/guerrelec@googlegroups.com/msg00204.html)<br />

Il faut bien<br />

pouvoir cautionner<br />

ce<br />

qu'on prétend<br />

sur les armes<br />

de destruction<br />

massive... Les<br />

« services US écoutaient [les] conversations<br />

téléphoniques » [1] de<br />

« Mohamed El-Baradei, le patron de<br />

l’Agence internationale de l’énergie atomique<br />

(AIEA) [...] afin de découvrir un<br />

moyen de le contraindre à démissionner<br />

[2]. C’est une manie. [...]<br />

[En 2003, on prouvait [3] aussi] que la<br />

National Security Agency [NSA], [...,<br />

outre la vie privée] de Kofi Annan,<br />

espionnait aussi [... celle] des représentants<br />

étrangers [faisant partie des délégations<br />

du Conseil] de sécurité [de<br />

l’ONU], à New York » [1] et avait « placé<br />

sur écoutes [leurs] domiciles, [leurs]<br />

bureaux et [leurs] connexions informatiques<br />

[...]<br />

[En atteste] un courrier électronique<br />

interne de la NSA [3]. [... Plusieurs] spécialistes,<br />

dont James Bamford, auteur de<br />

référence sur la NSA [4], ont également<br />

indiqué qu’il leur paraissait authentique.<br />

Des diplomates ressortissants de délégations<br />

différentes au Conseil de sécurité<br />

ont confirmé [...] qu’ils se savaient écoutés<br />

avec des techniques particulièrement<br />

sophistiquées. Les autorités étatsuniennes<br />

se sont refusées à tout commentaire.<br />

[...]<br />

[La] décision aurait été prise [...] par le<br />

Conseil de sécurité nationale, [... présidé<br />

par] Condoleezza Rice. L’opération<br />

aurait été mise en place dès le 31 janvier<br />

[<strong>2005</strong>], soit quatre jours après le premier<br />

rapport des inspecteurs en désarmement,<br />

et devait être intensifiée après l’intervention<br />

de Colin Powell devant le<br />

Conseil de sécurité. Elle aurait eu pour<br />

but de violer le secret des démarches<br />

435 Survie surveillée


entreprises par la France, l’Allemagne et<br />

la Russie auprès des membres non-permanents<br />

du Conseil et de déterminer les<br />

possibilités de pression sur eux. La note<br />

précise que des efforts particuliers<br />

[devaient] être déployés à l’encontre des<br />

délégations qui [paraissaient] encore<br />

indécises (Angola, Cameroun, Chili,<br />

Bulgarie, Guinée et Pakistan) [3]. » [5]<br />

« Mais l’application de cette décision, qui<br />

nécessite [...] Échelon, [requiert] l’approbation<br />

des gouvernements [..., au] minimum<br />

[celle des ministres] de la<br />

Défense » [5] des pays qui en sont<br />

« membres [...] (États-Unis, Royaume-<br />

Uni, Australie, Canada, Nouvelle-<br />

Zélande) [... ;] l’activité des deux premiers<br />

paraît établie, mais celle des trois<br />

autres est [...] quasi-automatique. [...]<br />

Les interceptions de communications<br />

diplomatiques sont toujours interprétées<br />

comme des actes hostiles. Elles violent<br />

les conventions internationales et le statut<br />

diplomatique. Il est néanmoins admis<br />

que ces pratiques discourtoises ne sont<br />

pas exceptionnelles, sauf vis-à-vis d’États<br />

alliés à l’encontre desquels elles sont formellement<br />

prohibées. » [5] Or, l’ordre<br />

« de surveiller les délégations française<br />

et allemande est dirigé contre des pays<br />

membres de l’OTAN. » [5]<br />

« Pendant la Guerre froide, les États-Unis<br />

avaient installé dans la tour n° 7 du<br />

World Trade Center un centre d’écoutes<br />

téléphonique, disposant de technologies<br />

classiques, pour écouter les délégations<br />

du bloc soviétique et non-alignés à<br />

l’ONU. Ce centre dépendait de la CIA. Il<br />

a été détruit, selon des modalités inconnues,<br />

le 11 septembre 2001 [Voir « Neuf !<br />

Hein ? Hein ? », p. 610]. En outre, les<br />

Nations Unies ont parfois été espionnées<br />

par la NSA en utilisant des techniques<br />

sophistiquées d’interception par satellite<br />

[Voir « Ça t'irrite ? », p. 419]. » [5] De<br />

Survie surveillée 436<br />

même, « des moyens satellitaires considérables<br />

furent mobilisés pour espionner<br />

les délégations présentes aux négociations<br />

de Marrakech sur le commerce<br />

mondial. Cependant, ce ciblage est très<br />

onéreux et ne peut être mis en œuvre<br />

qu’à titre exceptionnel. C’est de ce type<br />

d’opération dont il s’agit [... dans la]<br />

décision d’interception des communications<br />

des délégations française et allemandes<br />

[...,] pays alliés, membres de<br />

l’OTAN. » [5]<br />

« L’objectif est de disposer de renseignements<br />

permettant de manipuler les États<br />

membres du Conseil de sécurité de<br />

l’ONU, juges suprêmes du droit international<br />

[Voir « La Charte et les<br />

Territoires », p. 506]. En effet, pour le<br />

clan Bush, le droit international [... est<br />

issu] d’un rapport de forces et [...] les<br />

États-Unis sont les plus forts.<br />

[... Déjà,] en 1991, lorsque l’ambassadeur<br />

du Yémen (alors membre non-permanent<br />

du Conseil) avait voté contre la<br />

Première guerre du Golfe, l’ambassadeur<br />

des États-Unis s’était levé pour venir<br />

lui dire à haute voix : "Vous venez de<br />

prononcer le 'Non' le plus coûteux de<br />

l’histoire de votre pays." Immédiatement<br />

Washington annulait les 70 millions d’aide<br />

à ce pays pauvre.<br />

Maniant à la fois la carotte et le bâton,<br />

les États-Unis ont, [début 2003], proposé<br />

à chaque membre non-permanent<br />

des aides économiques et proféré des<br />

menaces de rétorsion. Ainsi, le Pakistan<br />

s’est-il vu [proposer] l’annulation d’une<br />

dette d’un milliard de dollars et le Chili<br />

s’est-il vu menacé de surtaxes à l’importation.<br />

Le porte-parole de la Maison-<br />

Blanche, Ari Fleischer, ne fait pas mystère<br />

de ces pratiques et a tourné en dérision<br />

ceux qui s’en effarouchent. Dans un<br />

point de presse, le 25 février [2003], il<br />

[...] a provoqué l’hilarité générale en per-


siflant [un] journaliste qui l’interrogeait à<br />

ce sujet : "Pensez aux implications de ce<br />

que vous dites. Vous dites que les dirigeants<br />

d’autres nations sont achetables.<br />

Et ce n’est pas une proposition acceptable".<br />

Plus franc, l’ancien ambassadeur<br />

des USA à l’ONU [...] revendiquait cette<br />

méthode [6] [...]. Il rappelait que les<br />

États-Unis la [pratiquent] depuis une<br />

vingtaine d’années [Voir « Amerikkka<br />

über alles », p. 503], après que le Conseil<br />

de sécurité [eût] condamné leur invasion<br />

de la Grenade et le renversement du<br />

gouvernement Bishop en 1983.<br />

Pour obtenir l’aval du Conseil de sécurité<br />

à leurs guerres contre l’Irak, Washington<br />

et Londres n’ont ménagé aucun effort<br />

[Voir « Beni Hill », p. 552] [...]. En 1998,<br />

ils avaient acquis à leur cause le chef des<br />

inspecteurs, Richard Butler, qu’ils avaient<br />

chargé d’espionner l’Irak et de créer des<br />

incidents. La gravité de l’affaire avait<br />

contraint les Nations Unies à dissoudre<br />

l’organe d’inspection, puis à en créer un<br />

nouveau.<br />

Le 8 décembre 2002, les États-Unis ont<br />

intercepté le rapport de l’Irak au Conseil<br />

de sécurité et n’en ont donné des copies<br />

aux autres membres permanents<br />

qu’après expurgation des pièces relatives<br />

aux livraisons d’armes qu’ils avaient<br />

effectuées à l’Irak durant la guerre<br />

contre l’Iran. [... Le] 4 février 2003, la<br />

délégation britannique distribuait au<br />

Conseil un rapport imputant à l’Irak<br />

d’avoir institué un système de dissimulation<br />

de son armement, avant d’admettre<br />

que ce document se fondait sur des<br />

informations obsolètes.<br />

Enfin, le 5 février 2003, le général-secrétaire<br />

d’État, Colin Powell, tentait d’intoxiquer<br />

le Conseil de sécurité au cours d’un<br />

long exposé. Il s’appuyait sur des déclarations<br />

tronquées d’Hussein Kamel,<br />

recueillies en 1995, et sur des photogra-<br />

phies satellitaires abusivement interprétées.<br />

Ces accusations avaient été démenties<br />

par le résultat d’inspections immédiatement<br />

effectuées. » [5] Alors, il faut<br />

bien avoir des moyens de pression plus<br />

officieux...<br />

[1] : (« Téléphones barbouzés », Le Canard enchaîné,<br />

15/12/2004, p. 3)<br />

[2] : (Dafna Linzer, « IAEA Leader's Phone Tapped. U.S.<br />

Pores Over Transcripts to Try to Oust Nuclear Chief », The<br />

Wahington Post, 12/12/2004)<br />

[3] : (Martin Bright, Ed Vulliamy in New York and Peter<br />

Beaumont, « Revealed : US dirty tricks to win vote on Iraq<br />

war », http://observer.guardian.co.uk/iraq/story/0,,9059<br />

36,00.html, et « US plan to bug Security Council : the<br />

text », http://observer.guardian.co.uk/iraq/story/0,,9059<br />

54,00.html, The Observer, 2/3/2003)<br />

[4] : (James Bamford, « The Puzzle Palace : A Report on<br />

NSA, America's Most Secret Agency », Houghton Mifflin,<br />

Boston, 1982)<br />

[5] : (Thom Saint-Pierre, « Des moyens de surveillance militaire<br />

dirigés contre des pays alliés, membres de l’OTAN.<br />

Washington et Londres placent l’ONU sur écoutes », voltairenet.org,<br />

4/3/2003, http://www.voltairenet.org/articl<br />

e9236.html)<br />

[6] : (Allan Gerson, « How to Win Friends, Influence<br />

Diplomats. Ideals are nice, but money talks in every language<br />

», Los Angeles Times, 28/2/2003, p. B.17)<br />

SUIVIS AU TELEPHONE...<br />

Le standard<br />

du ministère<br />

pour joindre<br />

le ministre ?<br />

« “[...] - C’est<br />

pas très discret,<br />

répond le journaliste.<br />

Je préférerais vous appeler sur<br />

votre portable. - Oh ! Les portables,<br />

question discrétion, c’est encore pire !”<br />

On n’écoute jamais assez les<br />

ministres. » [1] « Et Pasqua d’expliquer<br />

que Chirac se croit écouté par Sarko : “Il<br />

ne faut quand même pas exagérer, ajoute-t-il.<br />

[...]” Il ne faut quand même pas<br />

exagérer ! » [2]<br />

Le Président Chirac connaît pourtant la<br />

musique. « Une équipe de spécialiste a<br />

été conviée [début 2001] à l’Hôtel de<br />

437 Survie surveillée


Ville pour “dépolluer” l’immense bureau<br />

du maire de Paris (180 m 2) et quelques<br />

autres locaux sensibles. Comme la chronique<br />

de la Mairie de Paris regorge d’histoires<br />

de micros cachés ou d’écoutes<br />

téléphoniques installées par les sbires de<br />

Chirac et de Tiberi, les socialistes ont<br />

bien raison de se monter méfiants. » [3]<br />

On a depuis bien démocratisé la chose.<br />

[1] : (« Les grandes oreilles », Le Canard enchaîné,<br />

1/10/2003, p. 2)<br />

[2] : (« Chirac se méfie des écoutes », Le Canard enchaîné,<br />

4/2/2004, p. 2)<br />

[3] : (Hervé Liffran, « Delanoë lance la chasse aux micros<br />

cachés », Le Canard enchaîné, 28/3/2001, p. 3)<br />

« La palme<br />

de l'élément le<br />

plus intrusif<br />

dans la vie privée<br />

revient sans conteste au téléphone<br />

portable, [...] la “laisse électronique”.<br />

Pour pouvoir vous joindre à tout<br />

moment, les opérateurs localisent en<br />

permanence la position de votre mobile<br />

parmi les antennes-relais de leur réseau.<br />

Vous devenez ainsi repérable avec une<br />

précision de 100 mètres » [1]. Avec<br />

« l'évolution des technologies, certains<br />

de nos portables nous rendent repérables<br />

à 20 mètres près. » [2]<br />

Et ce, « même quand votre appareil est<br />

en veille (et vingt minutes après l'avoir<br />

éteint, le temps que les condensateurs<br />

se déchargent). » [1] Autre avantage<br />

pour les “services”, votre portable éteint<br />

peut servir de micro. Eteint [3]. Mais pas<br />

la batterie enlevée.<br />

« L'exemple le plus spectaculaire est<br />

peut-être la mort du président tchétchène<br />

Djokhar Doudaïev en avril 1996,<br />

localisé dans son refuge par son télé-<br />

Survie surveillée 438<br />

phone cellulaire et touché par un missile<br />

russe [Voir « Ex-Est », p. 560]. En France,<br />

[... on] propose un service de géolocalisation<br />

des enfants [4] En répondant à un<br />

simple texto, le portable utilisé devient<br />

pistable en temps réel. On imagine les<br />

débordements possibles entre un mari<br />

jaloux et une femme trompée. Un individu<br />

malintentionné peut également fixer<br />

un appareil sous une voiture pour connaître<br />

tous ses déplacements. » [1]<br />

« Les affaires criminelles [...] ont démontré<br />

l'importance de l'exploitation de la<br />

téléphonie mobile par les enquêteurs.<br />

Dans le dossier de l'assassinat du préfet<br />

Erignac en Corse, le commando a ainsi<br />

pu être en partie identifié grâce à une<br />

étude minutieuse des 3 682 communications<br />

téléphoniques passées à Ajaccio<br />

le soir du meurtre. [...] Visiblement, le<br />

système [était] encore perfectible. » [5]<br />

« En 2002, la Commission nationale de<br />

contrôle des interceptions de sécurité<br />

(CNCIS) [...] estime [déjà] "entre 8 000 à<br />

25 000 par mois" [6] le nombre des<br />

réquisitions formulées par les services<br />

judiciaires auprès des opérateurs de téléphonie<br />

mobile (demandes de listing, de<br />

communication d'identité, de localisation<br />

des abonnés, de mise en place<br />

d'écoutes administratives ou judiciaires).<br />

Un chiffre qui va "toujours croissant" [6]<br />

et qui, cumulé, [devait, en <strong>2005</strong>,<br />

atteindre] bientôt 1 million, selon la<br />

chancellerie. Car les opérateurs, en plus<br />

de savoir qui est appelé, par qui et à<br />

quelle heure, peuvent en permanence<br />

et à l'insu de leur client savoir d'où il téléphone.<br />

Libre, disiez-vous ? » [7] Occupé.<br />

« Le gouvernement a préparé [début<br />

<strong>2005</strong>] un décret imposant aux opérateurs<br />

[des téléphones portables] de<br />

conserver, pendant un an, les listes d'appels<br />

de leurs 45 millions d'abonnés,<br />

pour répondre aux réquisitions judi-


ciaires. D'accord, ont répondu les sociétés<br />

de téléphonie mobile, mais comme<br />

cela implique de renforcer [les] équipes,<br />

[... il s’ensuit] une compensation [... de]<br />

plusieurs millions d'euros, [...] à la charge<br />

du ministère de la Justice. » [7]<br />

[1] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[2] : (David Philippot, « 38 millions de portables, autant de<br />

mouchards ? », rtl.fr, 27/4/<strong>2005</strong>, http://www.rtl.fr/imprimer.asp?dicid=280639&origine=/info/article.asp,<br />

d'après<br />

Jean-Michel Décugis, Christophe Labbé et Olivia Recasens<br />

(avec Jean Guisnel), « Portables. Comment on vous écoute<br />

», Le Point, 28/4/<strong>2005</strong>, n° 1702, p. 64)<br />

[3] : (Jean Guisnel, France Info, 28/2/2004, Cf. aussi<br />

Jérôme Canard, « Sur portables d’écoutes », Le Canard<br />

enchaîné,, 5/12/2007, reprod. in http://khepra.free.fr/lou<br />

p_voyou/index.php/sur-portables-decoutes/2007/12/13/)<br />

[4] : (www.ootay.com).<br />

[5] : (Christophe Dubois, « Les opérateurs de téléphone<br />

accusés de bloquer les enquêtes », Le Parisien,<br />

27/5/2002)<br />

[6] : (« Commission nationale de contrôle des interceptions<br />

de sécurité - 11ème rapport d'activité : 2002 », La<br />

Documentation française, 2003, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000384/0000.pdf,<br />

p. 28)<br />

[7] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

« En fait, il y a<br />

deux types<br />

d'écoutes [légales]<br />

: [les<br />

écoutes administratives,]<br />

diligentées par le cabinet du Premier<br />

ministre [...,] strictement encadrées<br />

depuis l'affaire des écoutes de<br />

l'Elysée [...,] et les écoutes judiciaires<br />

[..., dont] la demande est faite par un<br />

officier de police au juge d'instruction.<br />

» [1]<br />

« [Les] écoutes [...] administratives [...]<br />

ne peuvent plus être autorisées [officiellement]<br />

que dans le cadre d'un contrôle<br />

strict et pour des cas très précis, [... surtout<br />

pour] la sécurité nationale.<br />

[... Les] écoutes judiciaires [..., elles, font]<br />

l'objet d'un engouement important de la<br />

part des juges, mais aussi des policiers<br />

[..., car] c'est un moyen d'obtenir des<br />

informations de manière cachée [... ;<br />

mais elles sont légales] puisque menées<br />

sous la tutelle d'un juge d'instruction qui<br />

[en] prend la décision [...]. La loi<br />

Perben II [Voir « Modèle suivi ? Allah<br />

loupe ! », p. 331] [... les a encore plus<br />

encouragées], puisqu'elle permet au<br />

procureur de la République d'y recourir<br />

pendant deux fois quinze jours, sans<br />

passer par un juge d'instruction et en<br />

obtenant uniquement l'autorisation du<br />

juge des libertés. » [2]<br />

Mais si « les magistrats sont [...] ordonnateurs<br />

d'écoutes judiciaires [...] en<br />

extension mal contrôlée [...], eux-mêmes<br />

n'échappent pas à l'espionnite croissante.<br />

» [3] [Voir « A l'écoute des magistrats<br />

», p. 336]<br />

« Légal donc. Mais [..., après 2001,] leur<br />

nombre a explosé : + 460 % en quatre<br />

ans. » [1] Les « écoutes judiciaires [...]<br />

sont passées de 5.845 en 2001 à 27.300<br />

en 2004 et ont coûté "84 millions d'euros<br />

au contribuable français". » [4]<br />

Début <strong>2005</strong>, « 33.000 téléphones sont<br />

officiellement sur écoutes, dont 27.000<br />

sur écoutes judiciaires. "Des 'interceptions'<br />

qui ramènent elles-mêmes dans leurs<br />

filets des centaines de milliers de Français<br />

[... qui ont] téléphoné ou [...] été appelé<br />

par une personne écoutée" [5] » [4].<br />

439 Survie surveillée


Au total, « 700.000 Français seraient<br />

écoutés. » [1] Ensuite...<br />

Du coup, « certaines écoutes sont effectuées<br />

par des sociétés privées [..., en particulier]<br />

sept en France, auxquelles le<br />

ministère de la Justice délègue, sous-traite<br />

ce travail sensible » [1], et qui sont<br />

« aujourd'hui capables de réaliser facilement<br />

des écoutes sauvages. » [4] Car<br />

« espionner un portable est un jeu d’enfant.<br />

[... Ces] sociétés ne sont pas contrôlées.<br />

Leurs employés ne sont pas assermentés,<br />

et donc pas tenus au secret. » [1]<br />

Et vu « l'absence de "contrôle" des<br />

écoutes judiciaires, y compris par les<br />

juges qui les ordonnent, et "d'agrément"<br />

des entreprises chargées de les réaliser,<br />

[...] "tout un tas d'officines profitent de la<br />

jungle des écoutes judiciaires pour réaliser<br />

en douce leurs interceptions sauvages<br />

sur portable" [5]. » [4]<br />

« Un responsable d'une entreprise privée<br />

de sécurité explique ainsi qu'il suffit<br />

d'"avoir un policier dans la poche" pour<br />

pouvoir mettre un portable sur écoutes.<br />

Or, ces entreprises "sont souvent truffées<br />

d'anciens policiers ou gendarmes". [...<br />

Avec ces] tarifs : "150 euros pour une<br />

fadette [listing des appels émis et reçus],<br />

Survie surveillée 440<br />

500 euros la géolocalisation sur un mois<br />

[suivi de localisation du portable en<br />

fonction du relais activé] et jusqu'à<br />

1.000 euros l'écoute" [5].<br />

[... Il y a aussi les] "valises d'interception"<br />

qui ne [nécessitent] "aucune autorisation",<br />

tiennent dans un coffre de voiture<br />

et peuvent enregistrer toutes les conversations<br />

passées dans les "alentours" par<br />

portable mais aussi les numéros d'appel<br />

des portables allumés et leur numéros<br />

de série. » [4]<br />

C'est encore trop peu. « Le Premier<br />

ministre [Villepin] entend [... en <strong>2005</strong>]<br />

"adapter nos capacités de surveillance<br />

teléphonique aux nouvelles technologies"<br />

: qu'il s'agisse des sms, d'internet,<br />

de la nouvelle génération de téléphonie<br />

mobile ou des opérateurs alternatifs".<br />

Pour cela, la loi de 1991 [6], qui encadre<br />

les écoutes, devra être "adaptée". » [7]<br />

Ensuite...<br />

[1] : (David Philippot, « 38 millions de portables, autant de<br />

mouchards ? », rtl.fr, 27/4/<strong>2005</strong>, http://www.rtl.fr/imprimer.asp?dicid=280639&origine=/info/article.asp,<br />

d'après [5])<br />

[2] : (Côme Jacqmin , entretien avec Clément Moulet, « Un<br />

abus de pouvoir du juge d'instruction », nouvelobs.com,<br />

16/12/2004, http://permanent.nouvelobs.com/culture/20041216.OBS4031.html)<br />

[3] : (« Votre patron sait tout, voit tout, entend tout », Le<br />

Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.<br />

fr/MEILLEURDESMONDES.htm)<br />

[4] : (« "Des centaines de milliers de Français" sur écoute<br />

», nouvelobs.com, 28/4/<strong>2005</strong>, http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=societe/<strong>2005</strong>0428.OBS5258.ht<br />

ml, d'après [5])<br />

[5] : (Jean-Michel Décugis, Christophe Labbé et Olivia<br />

Recasens (avec Jean Guisnel), « Portables. Comment on<br />

vous écoute », Le Point, 28/4/<strong>2005</strong>, n° 1702, p. 64)<br />

[6] : (« Loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances<br />

émises par la voie des télécommunications,<br />

modifiée par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications<br />

électroniques et par la loi du 23 janvier 2006<br />

relative à la lutte contre le terrorisme », Journal<br />

Officiel n° 162, 13/7/1991, reprod. in http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSX910<br />

0068L)<br />

[7] : (« Terrorisme: la France va adapter ses textes<br />

sur la vidéosurveillance ou la téléphonie aux nouvelles<br />

menaces », nouvelobs.com, 27/7/<strong>2005</strong>,<br />

http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=politique/<strong>2005</strong>0727.FAP1945.html&host=http://permanent.nouvelobs.com,<br />

d'après AP)


« La justice<br />

reproche à<br />

des journalistes<br />

[...] d'avoir publié<br />

des procès-verbaux » [1] qu'on a<br />

fait fuir jusqu'à eux.<br />

« Le 13 janvier [<strong>2005</strong>], le juge d'instruction<br />

Katherine Cornier procède donc à<br />

une perquisition au siège des rédactions<br />

du Point et de L'Equipe, ainsi qu'au<br />

domicile des différents journalistes. Leurs<br />

téléphones portables sont placés sur<br />

écoute. Outre l'état des communications,<br />

ce procédé permet de savoir quels<br />

sont les numéros de portable à proximité<br />

dudit téléphone mis sur écoute. Donc<br />

de connaître avec exactitude l'identité<br />

des personnes [munies d'un portable]<br />

rencontrées par les journalistes pendant<br />

plusieurs semaines. » [2]<br />

« [La juge Cornier] utilise des pouvoir<br />

d'investigation pour rechercher des<br />

sources qui sont [pourtant] complètement<br />

protégées par la loi. La juge<br />

[Cornier] essaye d'obtenir, par voie<br />

détournée, des informations sur les<br />

sources de certains journalistes, en<br />

contrevenant complètement à l'article<br />

109 du code de procédure pénale,<br />

notamment par le biais d'écoutes téléphoniques<br />

et par requête de numéros<br />

de téléphone. C'est une tentative de<br />

contournement de la loi et cela<br />

témoigne des pouvoirs de plus en plus<br />

importants que l'on confère aux juges<br />

d'instruction et aux policiers. [...]<br />

La lettre de l'article 109 de procédure<br />

pénale permet aux journalistes de témoigner,<br />

mais s'ils sont interrogés, ils peuvent<br />

[...] refuser. Le code de procédure<br />

pénale est très clair sur ce point, et [...] il<br />

n'existe pas de [...] restriction au droit de<br />

la protection des sources, même pour<br />

[...] la sécurité nationale. » [3]<br />

En Allemagne également, on aime<br />

connaître les sources : « [Un] rapport [de<br />

179 <strong>page</strong>s] de la commission de contrôle<br />

[4] [... affirme que] le BND, le service<br />

de renseignement fédéral allemand<br />

[Voir « Gai Gehlen », p. 93], aurait mis<br />

sur écoute certains journalistes, ce qui<br />

est interdit par la loi [...,] pour identifier<br />

d’éventuels informateurs. Parmi les journalistes<br />

surveillés : le directeur [de] l’hebdomadaire<br />

Der Spiegel. Et d’autre part,<br />

les services secrets auraient chargé certains<br />

hommes de presse d’espionner<br />

leurs collègues. » [5]<br />

« On [... a aussi, en France,] demandé<br />

[l'écoute d'une association de défense<br />

des droits des étrangers], au cours de<br />

l'instruction d'une affaire concernant<br />

une personne ayant eu recours à leurs<br />

services, [et demandé] de communiquer<br />

la liste de leurs adhérents sur les cinq<br />

dernières années, alors que cela n'avait<br />

manifestement pas de relation avec l'affaire.<br />

[... C'est pourtant] un abus. C'est la<br />

finalité du pouvoir conféré au juge d'instruction<br />

qui est détournée. » [3] Au service<br />

de l'Exécutif ?<br />

[1] : (Olivier Costemalle , « Cinq mises en examen pour<br />

exercice du journalisme. La justice reproche à des journalistes<br />

du "Point" et de "l'Equipe" d'avoir publié des procèsverbaux<br />

de l'affaire Cofidis. », Libération , 14/10/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (« Affaire Cofidis : cinq journalistes mis en examen »,<br />

Le Figaro, 14/10/<strong>2005</strong>, reprod. in http://www.virtualife.fr<br />

/forum/cinq-journalistes-mis-en-examen-t2550.html)<br />

[3] : (Côme Jacqmin , entretien avec Clément Moulet, « Un<br />

abus de pouvoir du juge d'instruction », Nouvelobs.com,<br />

16/12/2004, http://permanent.nouvelobs.com/culture/20041216.OBS4031.html)<br />

[4] : (« Bericht des Sachverständigen Prof. Schäfer zu<br />

Aktivitäten des BND gegenüber Journalisten in gekürzter<br />

Fassung », Bundestag, 26/5/2006, http://www2.bundestag.de/bnd_bericht.pdf<br />

(8,7 Mb))<br />

[5] : (Sandrine Blanchard, « Publication du rapport sur les<br />

écoutes du BND », (et chapô), Deutsche Welle, 26/5/2006,<br />

http://www2.dw-world.de/french/thema/1.183590.1.html)<br />

441 Survie surveillée


« La<br />

France, la Grande-Bretagne,<br />

l'Irlande et la<br />

Suède ont proposé<br />

en avril 2004, au lendemain des<br />

attentats meurtriers de Madrid, d'obliger<br />

les opérateurs de télécommunications<br />

à stocker les fichiers de leurs<br />

clients, en enregistrant [...] les noms<br />

de l'expéditeur et du destinataire [...,]<br />

l'heure, la durée et le lieu d'origine de<br />

l'échange.<br />

L'objectif était d'assurer une certaine<br />

harmonisation entre les législations des<br />

Etats qui appliquent déjà cette règle et<br />

de contraindre les autres, comme<br />

l'Allemagne, l'un des pays les plus réticents<br />

[...], à s'y associer. La procédure<br />

retenue était celle de la décision cadre,<br />

qui ne donne au Parlement européen<br />

qu'un rôle consultatif. Devant les protestations<br />

des eurodéputés, [... cependant],<br />

la présidence britannique a recommandé<br />

le recours à une directive qui reconnaît<br />

au Parlement européen un droit de<br />

codécision. » [1]<br />

« Le ministre britannique de l'Intérieur<br />

Charles Clarke [a proposé, l'an suivant,<br />

en juillet <strong>2005</strong>] à ses homologues de<br />

l'UE un plan pour améliorer la coopération<br />

dans la lutte anti-terroriste [..., avec]<br />

l'archivage, pendant six à douze mois,<br />

de toutes les conversations téléphoniques<br />

et des courriers électroniques de<br />

tous les citoyens européens, afin de faciliter<br />

d'éventuelles enquêtes. M. Clarke<br />

[a] également [suggéré] un accès accru<br />

pour les forces de l'ordre de l'UE aux différentes<br />

bases de données contenant<br />

des informations confidentielles, afin de<br />

faciliter les recoupements » [2].<br />

« Les Etats se sont [...] rangés à l'opinion<br />

de M. Clarke selon laquelle il était sou-<br />

Survie surveillée 442<br />

haitable d'impliquer les différentes institutions<br />

européennes - Conseil, Commission,<br />

Parlement - afin de donner l'image<br />

d'une détermination commune. [...] En<br />

l'absence des deux ministres français de<br />

l'intérieur et de la justice, Nicolas Sarkozy<br />

et Pascal Clément, leurs homologues<br />

européens ont donc cherché les voies<br />

d'un compromis [...]. Selon ce compromis,<br />

[... les Etats] seront tenus de conserver<br />

pendant [...] six mois à deux ans,<br />

voire plus [...], les données des communications<br />

par téléphone ou par Internet<br />

[... ;] l'utilisation de ces données ne se<br />

[justifiant encore] que pour les crimes<br />

graves [..., bien entendu non définis].<br />

[Les Etats, en particulier l'Allemagne,]<br />

pourront déroger [...] à l'obligation de<br />

stocker les "appels non aboutis", c'est-àdire<br />

avec connexion mais sans réponse,<br />

comme celui qui a servi de point de<br />

départ à l'enquête sur les attentats de<br />

Madrid. [...] Enfin, les Etats fixeront les<br />

conditions dans lesquelles les services de<br />

renseignement et de police auront accès<br />

aux données. » [1]<br />

« Sous l'impulsion [... de] Charles Clarke,<br />

les Vingt-Cinq sont parvenus, [le] 2 décembre<br />

[<strong>2005</strong>], à un accord sur un projet<br />

de directive européenne rendant<br />

obligatoire la conservation de certaines<br />

données relatives aux communications<br />

téléphoniques ou électroniques [..., projet]<br />

jugé prioritaire par le gouvernement<br />

britannique » [1].<br />

« Sous couvert de lutte contre le terrorisme,<br />

387 députés [européens] ont voté<br />

pour ce texte [le 13 décembre <strong>2005</strong>],<br />

contre 204 (et 29 abstentions) [...]. En<br />

juillet <strong>2005</strong>, [quelques mois auparavant,]<br />

le Parlement rejetait pourtant<br />

toute idée de directive sur la conservation<br />

des données. » [3] Qui parle ment ?<br />

[1] : (Thomas Ferenczi, « L'Europe prête à imposer la<br />

conservation des données téléphoniques », Le Monde,


4/12/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (« Un ministre britannique propose d'écouter tous les<br />

Européens », AFP, 9/7/<strong>2005</strong>, http://193.189.147.16/cmit<br />

lse/article.php3?id_article=2519, d'après The Sunday<br />

Express)<br />

[3] : (Marc Rees « Le Parlement Européen vote la conservation<br />

de données », www.pcinpact.com, 14/12/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.pcinpact.com/actu/print.php?id=25410&c=1,<br />

d'après Reuters)<br />

Il est établi<br />

qu'en Grèce,<br />

« les téléphones<br />

portables de<br />

100 personnalités<br />

ont été mis sur écoute durant les<br />

Jeux Olympiques de 2004 et les mois<br />

qui ont suivi.<br />

Ces écoutes visaient notamment le premier<br />

ministre, Costas Caramanlis (Nouvelle<br />

Démocratie, droite), les ministres<br />

des affaires étrangères [Petros<br />

Molyviatis], de la Défense, de l’Ordre<br />

public [Georges Voulgarakis], de la<br />

Justice [Anastassis Papaligouras] » [1],<br />

« de la Marine marchande » [2], d'autres<br />

« membres du gouvernement, la maire<br />

d’Athènes Dora Bakoyannis, des cadres<br />

des ministères de la Défense et de<br />

l'Ordre public, de l'état-major de la<br />

Marine et du ministère de la Marine marchande,<br />

de cadres du PASOK ([l’opposition]<br />

social-démocrate) » [1], dont « les<br />

membres [... chargés] des questions de<br />

sécurité dans le précédent gouvernement<br />

» [2] ; mais également « des<br />

hommes d'affaires, des journalistes, des<br />

militants pacifistes et une dizaine de ressortissants<br />

étrangers, notamment pakistanais<br />

et irakiens, dont un journaliste<br />

d'Al-Jezira » [3], « et des hommes d'affaire<br />

arabes... » [2]<br />

« Les écoutes ont eu lieu entre juin 2004<br />

et mars <strong>2005</strong>. Elles ont pris fin quand<br />

Vodafone Greece, filiale du groupe britannique,<br />

a découvert le pot aux roses et<br />

l'a signalé aux autorités. Mais, en cou-<br />

pant court aux écoutes, Vodafone a<br />

rendu impossible toute identification des<br />

coupables » [3] de ces écoutes illégales.<br />

« Toutes les conversations passées à partir<br />

des téléphones pouvaient ainsi être<br />

écoutées par "14 ou 16" téléphones portables<br />

espions et également "enregistrées",<br />

a expliqué Théodore Roussopoulos, porte<br />

parole du gouvernement. » [2]<br />

« La "cellule" qui activait [...] 14 postes<br />

d’écoutes, tous des téléphones mobiles<br />

à carte, était située en plein centre<br />

d’Athènes [...]. Dans ce périmètre, on<br />

trouve l’ambassade américaine, une véritable<br />

forteresse [... et celle du] du<br />

Royaume-Uni » [1].<br />

« Alors que les photos de l'ambassade<br />

des Etats-Unis illustrent tous les articles<br />

sur ce scandale de sécurité nationale, le<br />

gouvernement dément avoir voulu faire<br />

porter les soupçons sur Washington. » [3]<br />

On « s’étonne que malgré une enquête<br />

de 11 mois, le gouvernement n’ait<br />

pas été en mesure d’identifier les<br />

auteurs de ces écoutes sophistiquées.<br />

Quels Etats disposent d’une technologie<br />

si avancée ? [4]<br />

[... Probablement, ce] "n'est qu'une<br />

branche du grand arbre touffu de la filature<br />

généralisée de partis, de gouvernements,<br />

de mouvements, qui sert les intérêts<br />

d'Etats, de gouvernements et de services<br />

secrets" [5]. [... On peut penser<br />

que] la surveillance exercée a deux buts,<br />

l'un étant de créer les conditions pour<br />

frapper le mouvement radical, et l'autre<br />

étant de recueillir des données pour la<br />

guerre existant entre Etats, gouvernements<br />

et milieux d'affaires [5]<br />

[... On se] rappelle [6] que le gouvernement<br />

a autorisé l'OTAN, la CIA et le<br />

Mossad à s’immiscer dans la sécurité du<br />

pays sous le prétexte d’assurer "la sécurité<br />

des jeux olympiques" et de prévenir<br />

tout acte de terrorisme. » [1]<br />

« [Les] Jeux olympiques d'août 2004<br />

443 Survie surveillée


[devinrent] les plus surveillés de l'histoire<br />

des olympiades, avec 1,2 milliard d'euros<br />

alloués à la sécurité. » [3]<br />

[1] : (Cécile Chams, « Des ministres grecs sur écoutes téléphoniques<br />

», Ligue Anti Impérialiste, 6/2/2006,<br />

http://www.anti-imperialism.net/lai/texte.phtml?section=BNBB&object_id=24315)<br />

[2] : (« Watergrec ? Les téléphones portables du Premier<br />

ministre grec, des membres de son gouvernement et de<br />

l’opposition ont été écoutés illégalement. Une enquête<br />

judiciaire a été ouverte. », Le Figaro, 3/2/2006, d'après<br />

AFP, reprod. in http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thread/thread/44f0b078b8b449b1)<br />

[3] : (Philippe Cergel, « Scandale d'écoutes en Grèce :<br />

l'Amérique pointée du doigt. Les portables de 46 personnalités<br />

ont été espionnés lors des JO de 2004. »,<br />

Libération, 4/2/2006, reprod. in http://groups.google.co<br />

m/group/guerrelec/browse_thread/thread/44f0b078b8b<br />

449b1)<br />

[4] : (Rizospastis, 3/2/2006)<br />

[5] : (Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE, cité in<br />

Rizospastis, 3/2/2006)<br />

[6] : (Coalition démocratique pour les libertés et la solidarité<br />

populaire, citée in Rizospastis, 4/2/<strong>2005</strong>)<br />

En France, un<br />

« radio-amateur<br />

[... capte]<br />

les conversations<br />

d'une<br />

entreprise des<br />

environs [... Un] site de développement<br />

de technologies de pointe [...,<br />

qui] est sous contrat avec un groupe<br />

international de défense aéronautique.<br />

[... La] DST [... découvre] dans la salle de<br />

conférence quatre rallonges électriques<br />

multiprises, [... contenant] des microphones<br />

à longue portée [... ;] [insoupçonnables]<br />

pour un profane. “La technique<br />

a déjà dix ans, s'amuse [... le]<br />

patron d'une entreprise [... de] sécurité<br />

et [de] contre-espionnage. Dans la multiprise,<br />

le micro est alimenté par le courant.”<br />

» [1]<br />

Classique. « En voulant réparer une prise<br />

électrique, les militants de Batasuna ont<br />

[de même] découvert un système<br />

d’écoutes installé dans la salle de confé-<br />

Survie surveillée 444<br />

rences de leur local bayonnais. Le dispositif<br />

était constitué de deux micros, deux<br />

émetteurs, deux antennes et un transformateur<br />

[... ;] constatation [...] faite par<br />

un huissier de justice. » [2]<br />

Et on « sait déjà faire bien mieux. Il existe<br />

en fait une multitude de micros très<br />

facilement dissimulables dans les objets<br />

les plus inattendus, ou de stéthoscopes<br />

capables d'écouter à travers d'épais<br />

murs de béton. Le tout est en vente libre<br />

sur internet, même si, officiellement, ce<br />

matériel est réservé à l'armée, à la police<br />

ou encore aux professionnels de la sécurité.<br />

“Mais les clients peuvent aussi être<br />

des entreprises privées, des médias [...<br />

ou] des particuliers”, révèle le patron<br />

d'une entreprise spécialisée [...]. Une<br />

épidémie d'”écouteurisme” qui n'a<br />

d'égale que celle du voyeurisme. » [1]<br />

[Voir « Je passe à la télé », p. 385]<br />

Pourquoi se gêner ? « La Loi Perben II<br />

autorise [aux forces de l’ordre] "l’interception,<br />

l’enregistrement et la transcription<br />

de correspondances émises par la<br />

voie des télécommunications" ainsi que<br />

[... par] "tout dispositif technique ayant<br />

pour objet, sans le consentement des<br />

[intéressés], la captation, la fixation, la<br />

transmission et l’enregistrement de paroles<br />

prononcées par une ou plusieurs personnes<br />

à titre privé ou confidentiel, dans<br />

des lieux ou véhicules privés ou publics,<br />

ou de l’image d’une ou plusieurs personnes<br />

se trouvant dans un lieu privé." » [2]<br />

[1] : (« Souriez, vous êtes filmés », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[2] : (« Des micros chez Batasuna », ekaitza, s.d.,<br />

http://ekaitza.free.fr/978/microbatasuna.html)


ORDIS MATEURS<br />

Comment<br />

suivre les<br />

activités informatiques<br />

des citoyens<br />

? [1] « [La<br />

NSA] s'appuie sur l'International<br />

Law Enforcement Telecommunications<br />

Seminar dont l'objectif<br />

est de veiller à l'existence de "portes<br />

de services" dans les matériels et<br />

logiciels comme Lotus Notes par<br />

exemple [2] » [3] « Il y a aussi le Cyber<br />

Security Enhancement Act (CSEA) [...,<br />

qui] facilite aussi la “collaboration” entre<br />

les fournisseurs Internet et le pouvoir<br />

policier [étasunien]. Les cyberpirates<br />

(vaguement définis) pourront être passibles<br />

de prison à vie. » [4]<br />

« Lors du boum d'internet en France, de<br />

nombreux fournisseurs d'accès offraient<br />

gratuitement leurs services à la condition<br />

de renvoyer un questionnaire composé<br />

de questions banales (profil, coordonnées,<br />

centres d'intérêt...). Ces<br />

réponses alimentaient des fichiers qui<br />

venaient s'ajouter à d'autres : abonnés<br />

au téléphone, adhérents à un club,<br />

achats par correspondance [..., pour] la<br />

publicité ciblée. Le but étant d'éviter<br />

» [5] ; « les spams (appelés "pourriels"<br />

sont ces mails publicitaires [Voir<br />

Liquidation Totale n° 2] qui envahissent les<br />

boîtes aux lettres électroniques) [6] » [7]<br />

On « reste traqué sans relâche, puis<br />

fiché à son insu au cours de grandes<br />

battues commerciales. » [5]<br />

« Les spywares (logiciels espions) sont de<br />

petits programmes [très fréquents] qui se<br />

chargent en mémoire discrètement [...],<br />

par exemple [...] en cliquant simplement<br />

sur une <strong>page</strong> web [...,] amassent des<br />

informations personnelles sur l'utilisateur<br />

[...] et les transmettent [...] parfois pour<br />

le compte d'organisations mafieuses ou<br />

de sociétés publicitaires. [8] [...]<br />

Plus dangereux, les keyloggers [sniffeurs<br />

de clavier] enregistrent les frappes au<br />

clavier pour découvrir mots de passe et<br />

codes de cartes bancaires. Dans le<br />

même esprit, le phishing détourne les<br />

utilisateurs sur une fausse <strong>page</strong> web aux<br />

couleurs d'une banque afin de les inciter<br />

à révéler leurs coordonnées. Les chevaux<br />

de Troie ont pour mission d'ouvrir<br />

une porte dérobée dans l'ordinateur afin<br />

de permettre à un pirate de prendre son<br />

contrôle à distance. [... Le] programme<br />

Rbot-GR [...] espionne depuis la webcam<br />

d'un PC distant.<br />

Enfin, les cookies, petits fichiers enregistrés<br />

sur le disque dur par le serveur web<br />

d'un site, permettent de reconnaître l'internaute<br />

à chaque visite et de collecter<br />

ses habitudes de surf.<br />

Le moteur de recherche Google, avec<br />

ses puissants algorithmes, peut révéler<br />

445 Survie surveillée


de nombreuses informations privées présentes<br />

sur un site. De même, son [...] service<br />

de courrier électronique, Gmail, en<br />

conservant les fichiers des utilisateurs sur<br />

les serveurs et en proposant des outils<br />

de recherche pointus, inquiète quant à<br />

la confidentialité des données. » [9] Car<br />

« les fournisseurs d'accès internet ont les<br />

moyens de tracer leurs activités en associant<br />

leurs adresses IP, uniques pour<br />

chaque connexion internet, à leurs coordonnées.<br />

» [9]<br />

Par ailleurs, « Microsoft [avec] sa fameuse<br />

puce Palladium, [est] capable de<br />

contrôler, de l’extérieur, la gestion des<br />

fichiers des PC » [10]. Devant la gène<br />

causée par cette nouvelle, on changea<br />

son nom [11]. Les ordinateurs personnels<br />

regorgent de telles « ouvertures sur<br />

le monde »... « Ajoutez à cela les [...]<br />

agendas électroniques » [12]...<br />

[1] : (Cf Computerbytesman, http://www.computerbytesman.com/index.htm)<br />

[2] : (« Des clés bien fragiles », Le Monde, 23/2/2000,<br />

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37<br />

-68279,0.html)<br />

[3] : (Rapport de Jean-Michel Yolin, « Internet et Entreprise<br />

mirages et opportunités ? Pour un plan d'action -<br />

Contribution à l'analyse de l'économie de l'Internet (mise<br />

à jour 1er novembre <strong>2005</strong>) », p. 348,<br />

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/0540<br />

00760/0002.pdf)<br />

[4] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[5] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[6] : (http://www.media-mail.com)<br />

[7] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[8] : (Webroot, « State of Spyware », 5/2006,<br />

http://www.webroot.com/land/sosreport-2006-q1.php)<br />

[9] : (« Sortez les mouchards », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[10] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[11] : (Extern ZDNet, « Ne m'appelez plus jamais<br />

Survie surveillée 446<br />

Palladium : Microsoft change de nom mais garde le<br />

fond », CNET News.com, 27/1/2003, http://www.zdnet.f<br />

r/actualites/informatique/0,39040745,2129392,00.htm)<br />

[12] : (David Philippot, « 38 millions de portables, autant<br />

de mouchards ? », rtl.fr, 27/4/<strong>2005</strong>, http://www.rtl.fr/imp<br />

rimer.asp?dicid=280639&origine=/info/article.asp,<br />

d'après Jean-Michel Décugis, Christophe Labbé et Olivia<br />

Recasens (avec Jean Guisnel), « Portables. Comment on<br />

vous écoute », Le Point, 28/4/<strong>2005</strong>, n° 1702, p. 64)<br />

« Pendant la<br />

campagne des<br />

Régionales [de 2004],<br />

sur le site officiel [du Conseil régional<br />

de Guadeloupe], le monde entier,<br />

grâce à l'Internet, avait pu "voir" l'exprésidente<br />

de Région [Michaux-<br />

Chevry] dans des postures pour le<br />

moins inhabituelles. Et puis on avait au<br />

mois de juin [2004], découvert que<br />

certains ex-fonctionnaires de la Région<br />

possédaient des lignes téléphoniques<br />

régionales, mais qui aboutissent à leur<br />

domicile. » [1]<br />

En août 2004, nouveau rebondissement<br />

dans les locaux du conseil régional de<br />

Guadeloupe, sur fond de guerre de tranchées<br />

entre les « partisans de l'ancienne<br />

équipe de Michaux-Chevry, encore nombreux<br />

dans l'administration, et ceux du<br />

nouveau président de Région, le socialiste<br />

Victorin Lurel. [...]. Ayant observé<br />

d'étranges intrusions dans les ordinateurs<br />

du conseil régional de Guadeloupe,<br />

un technicien a découvert un<br />

"routeur Wifi" dissimulé » [2] « dans le<br />

faux plafond [... du Conseil régional].<br />

Cette technologie sans fil permet, à<br />

toute personne qui possède un ordinateur<br />

portatif de se connecter sur<br />

l'Internet de la Région. [... Mais] cela suppose<br />

que le "pirate" est informé du code<br />

d'accès » [1] (qui était peut-être “admin”,<br />

comme c’est si souvent le cas).


« En clair, une personne se trouvant<br />

dans un rayon d'une centaine de mètres<br />

a pu lire, copier, voire modifier tous les<br />

documents, lettres ou rapports enregistrés<br />

dans les 80 machines du conseil<br />

régional. [... Bof !] C'est loin, la<br />

Guadeloupe... » [2]<br />

[1] : (« Un James Bond à deux euros à la Région. »,<br />

MAXImini.com, 26/8/2004, http://www.maximini.com/G<br />

uadeloupe/info/info.asp?num=4836)<br />

[2] : (« Guadeloupe-gate », Le Canard enchaîné,<br />

15/9/2004, p. 4)<br />

« Impôts, Sécurité<br />

sociale, abonnements,<br />

achats par correspondance,<br />

cartes<br />

de club, codes-barres...<br />

De nombreuses techniques de fichage<br />

existaient déjà. Mais le nombre et<br />

la taille des bases de données ont<br />

explosé avec l'avènement de l'informatique.<br />

Sous couvert de sécurité,<br />

d'optimisation des stocks ou d'études<br />

de consommateurs, elles traquent l'individu<br />

dans les moindres recoins. » [1]<br />

« Sur le front intérieur, la "guerre au terrorisme"<br />

conduit à une accumulation<br />

sans limites de "données" de tous types<br />

sur les personnes, leurs occupations,<br />

leurs amitiés, leurs achats, leurs lectures.<br />

» [2] « Aux Etats-Unis, le Foreign<br />

Intelligence Surveillance Act (FISA) permet<br />

[même] au gouvernement de surveiller<br />

les lectures en bibliothèque. » [2]<br />

C'est « l'ère numérique [avec] la conservation<br />

des données informatiques et le<br />

croisement possible (quoique interdit [en<br />

France]) des fichiers. “Nous sommes tous<br />

répertoriés dans des centaines de<br />

fichiers" [3] » [1]. Nombreuses sont les<br />

contributions : le « petit patron soucieux<br />

de protéger sa caisse, la grande entreprise<br />

suivant attentivement les faits et<br />

gestes de ses salariés ou l'homme de<br />

marketing nourrissant d'immenses bases<br />

de données. Sans oublier l'espionnage<br />

entre voisins, conjoints ou employés qui<br />

donne lieu à des procès en cascade. » [4]<br />

Pour faire « un super système de surveillance<br />

informatique ayant la capacité<br />

d'analyser, en temps réel, l'ensemble<br />

des bases de données autour de la planète,<br />

[pour, n'est-ce pas,] débusquer<br />

les terroristes et les mettre "préventivement"<br />

hors d'état de nuire » [5], « les<br />

gouvernements ont lancé plusieurs initiatives<br />

visant à mettre en place une<br />

infrastructure planétaire [... qui] permettra<br />

de "ficher" des citoyens [... et] de surveiller<br />

les déplacements à l'échelle de la<br />

planète, de suivre et d'intercepter facilement<br />

les communications et les transactions<br />

électroniques, et de conserver les<br />

renseignements recueillis dans des<br />

bases de données publiques et privées<br />

[...], de [croiser] ces renseignements, de<br />

les analyser et de les mettre à [...] disposition<br />

[...].<br />

Cette infrastructure [...] vise la surveillance<br />

globale de populations entières. Sa<br />

capacité technologique et sa portée globale<br />

en font un projet de contrôle social<br />

sans précédent. » [6] Pour ce contrôle,<br />

Etats, maffias et transnationales font<br />

front commun.<br />

« [L'intégration] de diverses bases de<br />

données gouvernementales et du secteur<br />

privé, tant au niveau national qu'international<br />

[...,] en une base de données<br />

unique et centralisée (ou [en] des<br />

bases de données multiples mais accessibles<br />

de façon centralisée) transforme<br />

la collecte de données en une opération<br />

de surveillance totale qui fournit des<br />

registres toujours plus complets des activités<br />

des particuliers à travers le temps.<br />

Il en résulte un réseau mondial de bases<br />

de données dont se serviront les États-<br />

447 Survie surveillée


Unis et d'autres pays ([... comme] les<br />

systèmes de surveillance des déplacements<br />

dans le monde et des transactions<br />

électroniques et financières) pour<br />

créer des dossiers détaillés sur tous les<br />

particuliers. » [7]<br />

Bah ! On peut toujours mieux faire. « La<br />

princesse Massako, épouse de l’héritier<br />

du trône du Japon, est [...en 2004]<br />

espionnée jour et nuit par 1 100 fonctionnaires<br />

de l’agence impériale ! » [8]<br />

[1] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[3] : (Alex Türk)<br />

[4] : (« Alerte, on vous espionne ! », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[5] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[6] : (« Campagne internationale contre la surveillance globale.<br />

Déclaration », s.d., http://www.i-cams.org/Declarati<br />

on_Fr.html)<br />

Survie surveillée 448<br />

[7] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 11/8/2004, p. 5, d’après Le<br />

Parisien dimanche, 8/8/2004)<br />

« Toutes les informations<br />

sont bonnes<br />

à prendre pour<br />

venir grossir des bases de données<br />

comportementales de plusieurs millions<br />

d'adresses. En procédant à des<br />

recoupements, on bénéficie alors de renseignements<br />

précis selon de multiples<br />

critères : socio-démographie, style de<br />

vie, comportement d'achat... Essentiel<br />

pour [...] les études et les campagnes de<br />

marketing des entreprises du monde<br />

entier qui se les arrachent à prix d'or.<br />

Deux géants détenaient la majeure partie<br />

du marché français : Consodata [1] et<br />

Claritas [2]. Ils ont été rachetés par<br />

Axciom [3], qui affiche [déjà en <strong>2005</strong>]<br />

une MBDD (mégabase de données) de 6<br />

millions de foyers, soit 18 millions d'individus<br />

dans l'Hexagone. Avec des tarifs<br />

variant entre 0,1 euro et 0,8 euro hors<br />

taxes l'adresse, on perçoit l'ampleur du<br />

marché. Le secteur a connu un développement<br />

considérable avec internet où la<br />

collecte sauvage abondait en toute illégalité.<br />

» [4]<br />

En France, déjà, « chaque moment de la<br />

vie donne lieu, à notre insu, à écoute et<br />

surveillance ! » [5] « La loi Perben 2 [Voir<br />

« Suivi, Allah loupe », p. 331] a légalisé<br />

des pratiques jusqu'alors officieuses<br />

comme le piratage d'un ordinateur, la<br />

mise à disposition d'e-mails ou l'installation<br />

de systèmes d'écoute [..., notamment<br />

pour] pister un passionné d'islam,


de la langue arabe ou un curieux de<br />

l'histoire du terrorisme, sur la simple<br />

observation de ses habitudes de<br />

consommation. » [4] On complète un<br />

dispositif.<br />

Pour tout appel « avec un téléphone<br />

mobile, le numéro appelé, la durée de la<br />

conversation et la position géographique<br />

de l'appelant sont stockés par<br />

l'opérateur téléphonique. Lors d'un<br />

transport en métro, [...] la carte Navigo<br />

[Voir « Va nigaud », p. 403] [...] consigne<br />

les horaires et lieux de passage.<br />

Dans une grande surface, les caméras<br />

de surveillance filment d'abord le<br />

client, puis les puces RFID [Voir « Erre,<br />

affidé ! », p. 398] présentes sur les<br />

articles tracent son chemin jusqu'à la<br />

caisse, où son identité sera révélée par<br />

sa carte bancaire et croisée avec ses<br />

habitudes de consommation » [4],<br />

notamment s'il « collectionne les cartes<br />

de fidélité » [6] ou grâce au « paiement<br />

[...] avec la carte Moneo (actuellement<br />

en phase de test) » [6]. Et même s'il<br />

« retire de l'argent aux distributeurs<br />

» [6] (en attendant, peut-être, que<br />

« demain la carte Moneo [s'avère] le<br />

seul moyen de paiement » [4]).<br />

La « consultation du courrier électronique<br />

est enregistrée par le FAI (fournisseur<br />

d'accès internet). Lors de la réalisation<br />

d'opérations bancaires en ligne, la<br />

banque recueille ces démarches dans un<br />

fichier informatisé. » [4] On pistera aussi<br />

celui qui pétitionne ou « renouvelle ses<br />

cotisations associatives, politiques ou<br />

syndicales » [6].<br />

On peut le suivre de même s’il « mange<br />

à la cantine de son entreprise » [6] et va<br />

à « la consultation d'un médecin avec sa<br />

carte Vitale » [4] qu'ensuite, il « présente<br />

[...] à la pharmacie » [6]. « Ajoutons à<br />

cela le départ en voiture depuis un parking<br />

souterrain avec vidéosurveillance,<br />

le flashage au radar pour excès de vitesse<br />

» [4] ou simplement le fait qu'il « prend<br />

l'autoroute » [6] [Voir « Smart !! », p. 425].<br />

Ces « gestes anodins laissent des traces<br />

partout. [...] on peut savoir ce qu'il aime,<br />

ce qu'il mange, ce qu'il écoute, combien<br />

il dépense, de quoi il souffre, où il se<br />

trouve et à quelle heure, qui il rencontre,<br />

pour qui il vote et qui il<br />

aime. » [6].<br />

« Toutes ses activités sont consignées<br />

dans des fichiers informatisés dont la<br />

destination et les multiples duplications<br />

demeurent incertaines. » [4] En<br />

« moyenne un Français est [déjà] fiché<br />

vingt fois » [5] « par jour. Les données<br />

recueillies laisseront des traces vingtcinq<br />

ans après sa mort. » [4] Voir plus si<br />

affinités ?<br />

[1] : (www.consodata.com)<br />

[2] : (www.claritas.fr)<br />

[3] : ( www.claritas.fr)<br />

[4] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[5] : (« Alerte, on vous espionne ! », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[6] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

De mauvaises<br />

langues rappellent<br />

que dans « la France<br />

de l'occupation [...], les arrestations,<br />

les rafles, les convois ont été organisés<br />

avec le concours de l'administration<br />

française. [Et] des camps d'internement<br />

et de transit, Pithiviers, Beaunela-Rolande,<br />

Drancy, Compiègne et tant<br />

d'autres, ont été sous la responsabilité<br />

de celle-ci, de même que les recensements<br />

et la constitution des fichiers. » [1]<br />

Mais qui a si mauvaise langue a forcément<br />

mauvaise haleine.<br />

449 Survie surveillée


« Le fichage est [désormais] massif. Au<br />

31 décembre 2004, [déjà] 24,4 millions<br />

de personnes étaient répertoriées : 4,1<br />

millions pour avoir été mises en cause au<br />

cours d'une procédure pénale, 20,3 millions<br />

comme victimes. » [2] « Géré par la<br />

police nationale, le Stic [Système de traitement<br />

des infractions constatées] recense<br />

les victimes et les mis en cause dès<br />

qu'une procédure est ouverte. Le Judex<br />

[Système judiciaire de documentation<br />

et d'exploitation] est son pendant<br />

pour la gendarmerie nationale » [3]<br />

mais le Judex n’est « fondé sur aucun<br />

texte de droit » [4] et « ses ordinateurs<br />

ne sont déclarés que<br />

depuis [novembre<br />

2006] » [5].<br />

Jusqu'à il y a peu,<br />

« seuls les policiers<br />

[avaient] accès au<br />

STIC [...] regroupant<br />

les personnes mises<br />

en cause [ou victimes]<br />

dans des crimes et<br />

délits constatés par<br />

leurs services, tandis<br />

que seuls les gendarmes<br />

[pouvaient]<br />

consulter Judex (système judiciaire de<br />

documentation et d'exploitation) qui<br />

comporte les mêmes [types de] données<br />

recensées par leurs différentes unités. » [6]<br />

On « nous fiche [... si] mal que la<br />

Commission nationale de l'informatique<br />

et des libertés (Cnil) s'en offusque discrètement.<br />

[7] » [2] Et d'autres moins [8].<br />

Ces « fichiers sont truffés d'erreurs.<br />

Même le ministère de l'Intérieur a dû en<br />

convenir : une vaste opération de<br />

contrôle des informations [...] dans lesdits<br />

fichiers l'a conduit en 2004 » [2] « à<br />

la suppression du Stic de [quelques]<br />

1.241.742 personnes mises en cause sur<br />

la base d'informations fausses ou obsolètes.<br />

"Il y a encore des gens de ce pays<br />

Survie surveillée 450<br />

qui sont dans ce fichier alors qu'ils n'ont<br />

pas à y être" [9], selon le président de la<br />

Cnil » [3].<br />

En <strong>2005</strong>, le « président [de la Cnil], le<br />

sénateur UMP » [2] « Alex Türk [...] a<br />

dénoncé "les dérives" de l’utilisation en<br />

2004 de fichiers de police, tel le Stic [...]<br />

qui, à cause "d’informations erronées ou<br />

trop vieilles", ont bloqué l’embauche de<br />

candidats à des postes de sécurité. Ainsi,<br />

la Cnil [avec ses petits moyens] a vérifié<br />

pour 254 requérants les renseignements<br />

inscrits dans le Stic et a constaté des<br />

"erreurs" pour 67 d’entre eux, soit "dans<br />

26 % des cas". » [10]<br />

La « Cnil clame son<br />

impuissance [Voir « La<br />

Cnil peut peu »,<br />

p. 453], le nombre de<br />

saisines excédant "largement"<br />

ses capacités<br />

de traitement. Ses<br />

[rares] investigations<br />

[... font, début 2006,]<br />

craindre le pire : sur<br />

467 personnes contrôlées<br />

par la commission,<br />

qui avaient été<br />

fichées au Stic au titre<br />

des mises en cause, 207 l'étaient indûment<br />

[... (44 % des cas) car] soit le délai<br />

de conservation des signalements avait<br />

expiré, soit les informations étaient erronées<br />

ou non justifiées. » [2]<br />

« A en croire la Cnil, les bugs sont encore<br />

légion. [... En 2006,] il n'existe aucune<br />

liaison informatique sécurisée entre<br />

les parquets et le ministère de l'Intérieur.<br />

Les infractions peuvent ne pas être correctement<br />

qualifiées lors du fichage au<br />

Stic. [... Une] simple contravention de<br />

classe 2 [peut entraîner] - indûment - le<br />

fichage. Surtout, la mise à jour des fiches<br />

en cas de relaxe, d'acquittement, de<br />

non-lieu ou de classement sans suite<br />

pour insuffisance de charge n'est pas


automatique. » [2]<br />

Il faudrait se corriger ? « Néanmoins, un<br />

vote du Sénat, le 15 juillet [2004], a permis<br />

l’assouplissement des lois de contrôle<br />

des fichiers d’Etat ! » [11] Bien joué !<br />

Il n’empêche qu’Alex Türk « a passé sous<br />

silence une réalité que la Cnil qualifie<br />

pourtant de "préoccupation majeure" :<br />

l'explosion [entre 2004 et 2006] du<br />

nombre de plaintes de personnes ayant<br />

essuyé un refus d'embauche, un licenciement<br />

ou un refus de renouvellement<br />

d'autorisation de port d'arme (notamment<br />

pour les agents de sécurité<br />

employés par la RATP ou la police ferroviaire),<br />

du seul fait que leur nom apparaît<br />

dans [ces] fichiers [...] (Stic et<br />

Judex). » [2]<br />

On consulte ces « fichiers [...], dans le<br />

cadre des enquêtes administratives » [3],<br />

« qu'ont autorisées les lois sur la sécurité<br />

quotidienne (en 2001) et sur la sécurité<br />

intérieure (en 2003)" [Voir « Modèle<br />

suivi ? Allah loupe ! » p. 331] pour [...<br />

l’embauche] dans le domaine de la sécurité<br />

» [3] « ou [pour] l'assermentation à<br />

certaines fonctions » [3]. Or, « "le signalement<br />

tombe comme un couperet" [12]<br />

et ne donne pas lieu à vérification » [3].<br />

« Y figurer peut suffire à écoper d'un avis<br />

administratif défavorable. » [2]<br />

Les exemples abondent. « La Cnil cite un<br />

agent d'exploitation aux aéroports de<br />

Paris fiché comme "auteur de violences<br />

avec arme par destination" alors que l'incident<br />

était intervenu dans le cadre de<br />

ses fonctions [ouf !] ou encore un agent<br />

de sécurité RATP qui se voit refuser le<br />

port d'arme pour avoir été interpellé en<br />

possession de cadres de fenêtres qu'il<br />

avait trouvés dans la rue.<br />

De même, un homme a été refusé au<br />

concours de gardien de la paix pour une<br />

affaire de recel datant de 1994 dont les<br />

services judicaires n'ont pas retrouvé<br />

trace. Jusqu'à ce qu'il saisisse la Cnil et<br />

découvre qu'il apparaissait au Stic sur la<br />

foi de renseignements erronés, [de<br />

même, pour un autre homme, Rmiste,<br />

qui] ne comprenait pas pourquoi il était<br />

systématiquement refusé à des postes<br />

d'agent de sécurité. » [3]<br />

Et « le Stic permet aussi le fichage politique,<br />

au nom de la lutte "contre le terrorisme"<br />

[... Se] faire embarquer dans<br />

une manifestation, comme c'est arrivé a<br />

des milliers de jeunes pendant le mouvement<br />

anti Cpe et anti Cne, dans une<br />

occupation de lieu public, culturel, ou<br />

scolaire, dans une grève avec occupation,<br />

au cours d'actions politiques ou<br />

syndicales, peut faire que vous vous<br />

retrouviez fiché-es au Stic, ce fichier [...]<br />

qu'une instance patronale, une chambre<br />

de commerce, une employeur peuvent<br />

demander à le consulter avant un entretien<br />

d'embauche, [qui peut même] si<br />

vous êtes étudiant-es vous priver [de]<br />

l'accès à certains stages » [13].<br />

« Cela pose également le problème du<br />

droit à l'oubli. » [14] Car nous « sommes<br />

d'étranges, de misérables créatures et,<br />

pour peu que nous revenions sur nos<br />

vies, les occasions ne manquent pas de<br />

nous étonner et de nous scandaliser<br />

nous-mêmes. Essayez. » [15] Vous verrez...<br />

« Plus d'erreur permise. On peut se<br />

voir refuser un emploi à 30 ans pour un<br />

tag malheureux à 18 ans. “C'est la disparition<br />

de l'espace public anonyme,<br />

ajoute [..., le président de la Cnil,] Big<br />

Brother [...] Vous êtes en plein<br />

dedans !”[9] » [14]<br />

Le « Code de procédure pénale, dans le<br />

souci de préserver le droit à l'oubli et de<br />

faciliter la réinsertion sociale des personnes<br />

condamnées, prévoit expressément<br />

l'exclusion de la mention de certaines<br />

condamnations sur les extraits de<br />

casier judiciaire transmis aux administra-<br />

451 Survie surveillée


tions en particulier dans le cadre d'enquêtes<br />

préalables à des recrutements,<br />

[mais] la seule connaissance, par l'autorité<br />

administrative, de l'existence d'un<br />

signalement dans le STIC sans rien<br />

connaître des suites judiciaires peut<br />

conduire sans autre forme d'examen, à<br />

l'exclusion d'un emploi ou d'une fonction.<br />

» [7] « A raison de plus de 50 000<br />

interrogations par jour sur ces bases de<br />

données, difficile de repérer les<br />

abus. » [5]<br />

« Cette situation risque de s'aggraver<br />

d'une part avec l'élargissement considérable<br />

de la liste des enquêtes donnant<br />

lieu à consultation des fichiers de police<br />

judiciaire, que consacre le décret du 6<br />

septembre <strong>2005</strong>, et d'autre part, avec<br />

l'extension prévisible du champ d'application<br />

du fichier STIC à l'ensemble des<br />

contraventions de cinquième classe<br />

contre les biens, contre les personnes et<br />

contre la nation, l'État ou la paix<br />

publique » [7]. Et « l'abandon d'épaves,<br />

de déchets de matériaux et autres objets<br />

transportés dans un véhicule, l'altération<br />

ou la contrefaçon de timbre-poste [...],<br />

etc., vaudront fichage au Stic. » [2] Et<br />

comme « mis en cause », s'il vous plaît. Et<br />

même s'il ne vous plaît pas.<br />

Fin 2006, le « STIC "contient un peu plus<br />

de 5 millions de personnes mises en<br />

cause et Judex environ 3 millions" [16]<br />

[..., avec] "une 'clientèle' commune" [16]<br />

estimée à environ un million de personnes.<br />

» [6] Ensuite...<br />

Le « "projet Ariane" [(Application de rapprochements,<br />

d'identification et d'analyses<br />

pour les enquêteurs) fut signé en<br />

novembre 2006 pour] permettre [à la<br />

police et à la gendarmerie] de réunir<br />

leurs fichiers respectifs. [...] Le fichier<br />

global "va se mettre en place courant<br />

2007, pour être opérationnel dès<br />

2008" [17]. » [6] Pas trop tôt.<br />

Survie surveillée 452<br />

[1] : (Jacques Chirac, 5/12/1997, http://www.elysee.fr/el<br />

ysee/francais/interventions/discours_et_declarations/1997/decembre/allocution_prononcee_par_m_jacq<br />

ues_chirac_president_de_la_republique_pour_le_depot_a<br />

ux_archives_nationales_dans_l_enceinte_du_memorial_d<br />

u_martyr_du_juif_inconnu_des_fichiers_de_police_des_jui<br />

fs_constitues_sous_l_occupation-paris.3732.html)<br />

[2] : (Nathalie Raulin, « Ne souriez pas, vous êtes fichés »,<br />

Libération, 7/4/2006, reprod in http://lists.indymedia.org<br />

/pipermail/imc-france-paris/2006-May/0508-pc.html)<br />

[3] : (« La Cnil dénonce les dérives de l'usage des fichiers<br />

de police », yahoo.com, 20/4/<strong>2005</strong>, http://groups.google<br />

.com/group/guerrelec/tree/browse_frm/month/<strong>2005</strong>-<br />

04/b6a211cb972eeba9?rnum=41&_done=%2Fgroup%2<br />

Fguerrelec%2Fbrowse_frm%2Fmonth%2F<strong>2005</strong>-04%3F,<br />

d'après AFP)<br />

[4] : (Christian Estrosi, « Rapport [...] pour la sécurité<br />

intérieure », Assemblée nationale, 18/12/2002,<br />

http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r0508.as<br />

p#P812_218187, cité par renseignementsgeneraux.net,<br />

http://www.renseignementsgeneraux.net/judex.php)<br />

[5] : (Brigitte Rossigneux et Dominique Simonnot, « Des<br />

fichiers de police sans foi ni loi », Le Canard enchaîné,<br />

20/12/2006, p. 4)<br />

[6] : (« Avec "Ariane", police et gendarmerie vont fusionner<br />

leurs fichiers », Le Monde, 10/11/2006, d'après AFP)<br />

[7] : (CNIL, « 26ème rapport d'activité <strong>2005</strong> de la<br />

Commission nationale de l'informatique et des libertés »,<br />

La Documentation française, 2006)<br />

[8] : (http://www.abri.org, http://resistons.lautre.net, etc.)<br />

[9] : (Alex Türk)<br />

[10] : (Patricia Tourancheau, « La nouvelle carte d'identité<br />

met la puce à l'oreille de la Cnil », Libération, 21/4/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_arti<br />

cle=661)<br />

[11] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[12] : (Cnil)<br />

[13] : (résistons ensemble, « 24 millions de personnes<br />

fichées au pays des droits de l'homme », 17/4/2006,<br />

reprod. in http://discutaction.forumactif.com/ftopic7422.24-millions-de-personnes-fichees-au-pays-desdroits-de.htm)<br />

[14] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[15] : (Albert Camus, « La Chute », 1956)<br />

[16] : (lieutenant-colonel Jacques Plays et commissaire<br />

Sylvain Maubé, les deux directeurs du projet)<br />

[17] : (Michel Gaudin et le général Guy Parayre, directeurs<br />

généraux de la police et de la gendarmerie nationale)


FICHES FACHES<br />

« On en finirait bien par croire que seuls<br />

les paranoïaques survivent... » [1] « Il faudrait<br />

uniquement payer en liquide, n'utiliser<br />

que les cabines téléphoniques, ne<br />

jamais remplir de questionnaire, ne pas<br />

laisser son portable allumé, ni profiter<br />

des remises dans les grands magasins. Si<br />

vous devez utiliser Internet, cryptez votre<br />

e-mail, donnez un faux nom. Au travail,<br />

partez du principe que vos appels peuvent<br />

être facilement placés sous surveillance,<br />

ainsi que votre messagerie,<br />

votre ordinateur et vos déplacements.<br />

[...] Mais votre comportement paraîtra<br />

alors si bizarre que vous aurez toutes les<br />

chances de vous faire repérer... et enregistrer<br />

dans le fichier des marginaux. » [2]<br />

Que vous soyez conforme ou insoumis, il<br />

« est nécessaire que nous sachions<br />

tout. » [3]<br />

[1] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org<br />

/2006/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[2] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_th<br />

read/thread/f056aa2b92763448)<br />

[3] : (George Orwell, « 1984 », trad. fr. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, réed. folio, p. 246, http://www.ebooksgratuits.com/html/orwell_1984.html)<br />

« Plus de 1 million<br />

de fichiers ont<br />

été officiellement<br />

dé-clarés à la Commission<br />

nationale de<br />

l'informatique et des<br />

libertés (Cnil) depuis sa création, en<br />

1978. "En réalité, il en existe beaucoup<br />

plus : 4, 5, 10 millions ? Nul ne le<br />

sait" [1], [... selon] le secrétaire général<br />

de [... la Cnil] "[Le] nom de chacun apparaît<br />

dans 200 fichiers au minimum, mais<br />

plus vraisemblablement dans 500" [1].<br />

Fichiers publics (Sécu, carte d'identité,<br />

Insee, services fiscaux), fichiers de police<br />

(suspects, victimes, témoins), fichiers des<br />

employeurs (Urssaf, CAF), fichiers bancaires,<br />

commerciaux, publicitaires... Le<br />

volume d'informations que les progrès<br />

numériques permettent d'enregistrer, de<br />

stocker et d'analyser augmente de façon<br />

vertigineuse. Tout est consigné, des<br />

demandes de crédit aux péages d'autoroute.<br />

Et les milliards de communications<br />

téléphoniques. » [2]<br />

Toutes ces « informations dormantes<br />

sur notre vie pourraient se retourner<br />

contre nous [..., alors qu'on est censé]<br />

être "laissé en paix, à l'abri du regard<br />

d'autrui"[3] » [2].<br />

La Cnil, « qui a pour mission de protéger<br />

les citoyens contre toute intrusion abusive<br />

et illégale dans leur vie privée [...,]<br />

reçoit 5 200 plaintes ou demandes de<br />

conseils par an, 9 000 appels téléphoniques<br />

par mois, et déclare 300 nouveaux<br />

"systèmes d'informations nominatives"<br />

par jour. » [2] Son « avis [est] uniquement<br />

consultatif et ses moyens dérisoires<br />

» [2] : « 7 millions d’euros, soit cinq<br />

fois moins que le CSA. Et 82 salariés, soit<br />

cinq fois moins que son homologue britannique<br />

» [4] et même « moins que son<br />

homologue roumaine [...]<br />

[Elle] peine à régler l'ensemble du<br />

contentieux [... :] connexions illégales de<br />

453 Survie surveillée


fichiers, absence d'étanchéité entre les<br />

données commerciales et policières,<br />

invasion de spams envoyés sur Internet<br />

[...], violations permanentes des données<br />

privées, fichage dans les entreprises,<br />

installation anarchique des caméras<br />

de vidéosurveillance [Voir « Je passe<br />

à la télé ! », p. 385]. [... Et aussi] l'utilisation<br />

des codes génétiques [Voir « Fnaeg,<br />

grand délit », p. 393], le développement<br />

de la biométrie (empreintes digitales, du<br />

contour de la main, de l'iris) [Voir<br />

« Label Bio », p. 388] ou la création de<br />

visas électroniques [Voir « VIS de<br />

forme », p. 374] » [2].<br />

Et, « en ces temps de disette budgétaire,<br />

les inspections surprises de la CNIL se<br />

font rares. La commission, qui ne dispose<br />

que de trois contrôleurs pour toute la<br />

France, le reconnaît : “En 2004, sur 46<br />

contrôles, nous n’en avons pas fait un<br />

seul sur la vidéosurveillance au travail.”<br />

» [5] Pourquoi ? Il y aurait motif ?<br />

[Voir « Le Travail libère », p. 496]<br />

[1] : (Christophe Pallez)<br />

[2] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[3] : (« Déclaration universelle des droits de l'homme »,<br />

www.un.org/french/aboutun/dudh.htm)<br />

[4] : (« Ça l’affiche mal ! », Le Canard enchaîné, 4/5/<strong>2005</strong>, p. 1)<br />

[5] : (Christophe Nobili, « La caméra cachée, nouvelle<br />

optique sociale » Le Canard enchaîné, 2/3/<strong>2005</strong>, p. 4)<br />

Les « contrôles<br />

[des individus]<br />

s'effectuent à distance,<br />

dans le<br />

pays de départ<br />

des voyageurs ou<br />

dans le pays par<br />

où ils transitent,<br />

mais s'opèrent<br />

également à travers une myriade de<br />

banques de données informatisées<br />

qui fournissent des informations sur<br />

Survie surveillée 454<br />

la vie, les mouvements et les projets<br />

des personnes.<br />

[... L'objectif] du système est moins le<br />

contrôle du territoire national que le<br />

contrôle des personnes dans leur mouvement,<br />

leurs réseaux et leur vie privée.<br />

[... A] l'instar de [ceux de] la zone Schengen<br />

[Voir « Enchaîne Guns », p. 371]<br />

[...], les contrôles se deterritorialisent et<br />

[... sont maintenant aussi effectués] par<br />

un réseau transnational constitué<br />

d'agents privés, de transporteurs [...],<br />

des services d'immigration et de<br />

douanes, et des services de renseignement<br />

[2]. [... Avec] la déterritorialisation<br />

des identités [...], et la commercialisation<br />

des données de la vie privée, la<br />

surveillance [... s'étend et] s'exerce à<br />

distance [au] travers des banques de<br />

données et d'un réseau de contrôleurs<br />

mobiles dont l'existence, la place et la<br />

location ne sont pas connues des individus<br />

[3]. » [4]<br />

La « surveillance [est] fondée sur l'assemblage<br />

des informations à caractère profondément<br />

privé [...] qui en principe ne<br />

doivent pas être divulguées sans l'autorisation<br />

de l'individu [5]. Mais [...] selon la<br />

conception américaine, celles-ci, loin<br />

d'être un des attributs liés à la personne,<br />

ont une valeur marchande [...] régie par<br />

[... le] marché. [... Et] si la loi américaine<br />

interdit le stockage des données à caractère<br />

personnel par l'administration fédérale,<br />

rien n'interdit à une société privée<br />

de le faire pour le compte de<br />

Washington.<br />

[... Les] informations sur la vie privée [...<br />

sont] la propriété intrinsèque [...] des<br />

institutions qui les collectent et les centralisent.<br />

[... Et] dès lors [...,] elles peuvent<br />

être altérées, échangées ou vendues<br />

sans problème. [... Il] n'existe pas<br />

aux Etats-Unis [...] d'autorité de contrôle<br />

fédérale à l'exemple de la [...] CNIL<br />

[Voir « La Cnil peut peu », p. 453] [...


Les étasuniens] préfèrent une législation<br />

sectorielle à la place d'une loi fédérale.<br />

Ils choisissent en général [de<br />

simples] recommandations [... ou] laissent<br />

les entreprises et les institutions<br />

s'autoréguler [6] [...].<br />

Cette différence constitue une préoccupation<br />

majeure pour l'Union Européenne<br />

qui a mis en place un dispositif<br />

de protection des données à caractère<br />

personnel par [... une] directive [7] [...],<br />

dont la principale caractéristique est sa<br />

force exécutoire, [... et qui renforce] les<br />

protections des données relatives à la<br />

religion, la race, la santé, etc. Ainsi elle<br />

autorise les individus à être informés du<br />

fait que leurs données seront stockées<br />

par des entreprises commerciales en<br />

leur donnant le droit de modifier les<br />

données inexactes et d'intervenir en cas<br />

d'utilisation illégale - comme leur vente<br />

à des pays qui ne possèdent pas les<br />

mêmes types de garanties. » [4] Voilà !<br />

Ça va mieux maintenant ?<br />

[1] (Jan Valtin, « Sans patrie ni frontières », Wapler, 1941,<br />

réed. Babel, 1997)<br />

[2] : (Voir « La mise à l'écart des étrangers », Cultures<br />

& Conflits, n° 49 et 50, L'Harmattan, 2003,<br />

http://www.conflits.org/sommaire32.html)<br />

[3] : (Cf. Ayse Ceyhan, « Identification and Surveillance in<br />

an Era of Uncertainty », in D. Bigo, E. Guild (dir..),<br />

« Controlling Borders », Ashgate, Londres, <strong>2005</strong>)<br />

[4] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[5] : (Haggerty et Ericsson, cités par David Lyon,<br />

« Surveillance After September 11 », Oxford, Polity, 2003,<br />

pp. 82-87)<br />

[6] : (Cf. D. Flagherty, « Protecting Privacy in Surveillance<br />

Societies », University of North Carolina Press, 1989)<br />

[7] : (« Directive 95/46/CE du Parlement européen et du<br />

Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des<br />

personnes physiques à l'égard du traitement des données<br />

à caractère personnel et à la libre circulation de ces données<br />

», Journal Officiel des Communautés européennes,<br />

23/11/1995, n° L. 281, p. 31, http://europa.eu.int/ISPO/l<br />

egal/fr/dataprot/directiv/direct.html)<br />

« Sorti major<br />

de l’Académie<br />

navale, en 1958,<br />

John Poindexter<br />

est un brillant officier.<br />

Il a été élevé<br />

par le président<br />

Ronald Reagan<br />

au grade de viceamiral,<br />

puis choisi comme conseiller<br />

de sécurité nationale » [1] (« National<br />

Security Adviser » [2]) « ([pour]<br />

1983-86).<br />

C’est lui qui introduisit les nouvelles technologies<br />

à la Maison-Blanche, notamment<br />

les vidéoconférences sécurisées, et<br />

qui étendit les pouvoirs du Pentagone<br />

en matière de surveillance électronique<br />

[3]. Il se montra exceptionnellement<br />

déloyal à son pays. Il fut en effet,<br />

le principal artisan de l’Irangate, un vaste<br />

trafic d’armes international en violation<br />

des décisions du Congrès et prétendument<br />

sans l’aval du président. Pour obtenir<br />

la libération de sept otages détenus<br />

par le Hezbollah, l’amiral Poindexter et<br />

son adjoint, le lieutenant-colonel Oliver<br />

North, vendirent des armes à l’Iran via<br />

Israël. Pour financer l’opération, ils organisèrent<br />

un autre trafic d’armes, à destination<br />

cette fois de l’extrême droite nicaraguayenne,<br />

les Contras. Une grande<br />

partie était payée en cocaïne [Voir « Pour<br />

la drogue, donc contre », p. 144].<br />

Le 11 juin 1990, après plusieurs années<br />

d’enquête, Poindexter fut reconnu coupable<br />

de "complot, obstruction à la justice,<br />

destruction de preuves" et condamné<br />

à dix-huit mois de prison ferme » [1] «<br />

pour avoir été l’instigateur de l’affaire<br />

Iran-Contra. » [4]<br />

« La sentence fut cassée par une juridiction<br />

supérieure pour un vice de forme<br />

dans les dépositions de témoins, mais la<br />

Cour suprême s’opposa à la révision du<br />

455 Survie surveillée


procès. Indépendamment de ses procès<br />

aux États-Unis, en 1989, il fut accusé par<br />

le gouvernement du Costa Rica d’être le<br />

principal dirigeant du trafic de cocaïne<br />

dans le pays. Il [n'y] fut cependant<br />

jamais jugé » [1].<br />

« Poindexter est un “obsédé du secret”.<br />

[...] Poindexter et North interdisaient formellement<br />

à tous leurs collaborateurs de<br />

“l'Entreprise” de transmettre par écrit ou<br />

de noter toute information, instruction<br />

ou communication. » [5]<br />

Avant sa nomination, « Poindexter rejoignit<br />

comme vice-président la société<br />

Syntek Technologies [6], située à proximité<br />

du Pentagone. Il y dirigea la<br />

construction du logiciel Genoa, capable<br />

d’explorer clandestinement les plus<br />

importantes bases de données<br />

informatisées. » [1] « Il ne s'arrête<br />

pas aux [nombreuses]<br />

résistances [... que ce<br />

genre de projets peuvent<br />

rencontrer]. Le nombre<br />

des bases de données<br />

d'organismes fédéraux<br />

qu'il faudra connecter, ou<br />

celui des communications<br />

qu'il faudra intercepter et analyser,<br />

ne l'arrêtent pas davantage. » [2]<br />

Vaillant soldat.<br />

[1] : (Thierry Meyssan, « L'oeil du Pentagone », Réseau<br />

Voltaire, 18/11/2002, http://www.voltairenet.org/article<br />

8734.html)<br />

[2] : (« Le bon amiral John M. Poindexter », La Gazette,<br />

n° 73, 20/12/2002, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/02-7312/index.htm)<br />

[3] : (National Security Decision Directive 145)<br />

[4] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[5] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[6] : (www.syntek.org)<br />

Survie surveillée 456<br />

« "Aujourd'hui,<br />

nous vivons dans<br />

un monde où<br />

l'idée folle de<br />

savoir tout sur<br />

tout le monde se<br />

banalise.<br />

Le contrôle systématique<br />

des individus<br />

se met réellement en place, du<br />

moins au niveau de l'intention" [1] » [2].<br />

Internet [Voir « La Nasse », p. 445] « a<br />

été initialement développé par une<br />

agence du Pentagone, l’ARPA [..., devenue]<br />

l’Agence des projets de recherche<br />

avancée de la défense (Defense<br />

Advanced Research Projects Agency –<br />

DARPA) [3] » [4], « le département<br />

recherche et développement du<br />

Pentagone » [5]. « On comprend<br />

aujourd'hui que les<br />

planificateurs de la RAND [6]<br />

pensaient “société du renseignement”<br />

en disant<br />

“société de l'information”,<br />

et mise en commun de l'ensemble<br />

des informations personnelles<br />

disponibles sur chaque<br />

citoyen, en parlant de “l'autoroute de<br />

l'information”. » [5]<br />

« Au lendemain des attentats du 11 septembre<br />

» [5], en « février 2002, Donald<br />

Rumsfeld [a doté la DARPA] de 200 millions<br />

de dollars de rallonge budgétaire<br />

pour développer deux nouveaux<br />

bureaux : celui de l’exploitation de l’information<br />

(Information Exploitation<br />

Office – IEO) [7] et celui de la Connaissance<br />

de l’information (Information<br />

Awareness Office – IAO).<br />

L’IEO est chargé de déterminer les cibles<br />

des forces armées et de programmer des<br />

lanceurs et des munitions intelligentes<br />

pour les détruire. C’est cet organisme


qui programme [en 2002] toutes sortes<br />

d’armes pour frapper 15 000 objectifs<br />

en deux semaines en Irak. » [4] « Les<br />

bombardiers furtifs et les drones tueurs à<br />

distance sont [en effet] des produits<br />

développés par le DARPA. » [5]<br />

« L’IAO, quant à lui, est un organisme de<br />

recherche. Il doit mettre au point des<br />

logiciels permettant d’observer les comportements<br />

individuels dans le monde<br />

entier, de repérer les attitudes suspectes,<br />

de les analyser et de déterminer les terroristes<br />

potentiels. Mais l’élaboration de<br />

ces logiciels ne peut être distinguée de<br />

leur usage expérimental, de sorte que ce<br />

bureau est appelé à devenir à terme une<br />

agence de renseignements, probablement<br />

la plus puissante au monde.<br />

Comme l’IAO ne dispose que d’un statut<br />

de sous-agence, la nomination de son<br />

directeur n’est pas soumise au contrôle<br />

du Congrès. Donald Rumsfeld a ainsi pu<br />

nommer l’amiral John Poindexter à sa<br />

tête. » [4] [Voir « Admirable Amiral »,<br />

p. 455]<br />

« L'IAO travaille à [...] un nouveau système<br />

[...] Total Information Awereness (TIA<br />

système de conscience totale de l'information)<br />

qui devrait fournir [...] les<br />

moyens techniques de réduire le temps<br />

entre le moment où un terroriste est<br />

identifié et le moment où il peut être<br />

"préventivement" mis hors d'état de<br />

nuire. » [5]<br />

« Il s'agissait censément de connecter<br />

[d'abord] les fichiers personnels de 300<br />

millions de citoyens [étasuniens] afin de<br />

détecter les évènements suspects, le tout<br />

à grand renfort de logiciels de collecte et<br />

de gestion des connaissances. » [8]<br />

Une fois « le système [mis] en place aux<br />

Etats-Unis, il n'arrêtera pas de croître [...,<br />

suivi et justifié par] les compétences<br />

technologiques des terroristes et criminels<br />

qui voudront y échapper. » [9]<br />

« Soutenu par le Pentagone, doté de<br />

245 millions de dollars sur trois ans, le<br />

projet Total Information Awareness<br />

visait, grâce à l'interconnexion des<br />

fichiers » [2], « à collecter une moyenne<br />

de 40 <strong>page</strong>s d’informations sur chacun<br />

des 6 milliards d’habitants de la planète<br />

et à confier leur traitement à un hyperordinateur.<br />

En traitant toutes les données<br />

personnelles disponibles - paiements<br />

par carte, abonnements aux<br />

médias, mouvements bancaires, appels<br />

téléphoniques, consultations de sites<br />

web, courriers électroniques, fichiers<br />

policiers, dossiers des assureurs, informations<br />

médicales et de la sécurité<br />

sociale - » [10].<br />

« Collecte panoramique de toutes les<br />

informations disponibles, traitements<br />

informatisés et manuels : le projet [...] de<br />

l’amiral Poindexter prévoit le développement<br />

de "technologies révolutionnaires<br />

pour [exploiter] des répertoires ultralarges<br />

de données".» [11] « Paiements<br />

par cartes de crédit, abonnement à un<br />

journal ou un à magazine, liste des livres<br />

achetés ou empruntés à la bibliothèque,<br />

dépôts et retraits d'argent, dossiers<br />

médicaux, achat de médicaments, de<br />

billets d'avions, participation à une manifestation,<br />

à une assemblée “subversive”,<br />

[à une pétition,] adresser une lettre<br />

ouverte aux médias, tout ça pourra être<br />

stocké, puis recoupé avec l'ensemble des<br />

banques de données publiques et privées,<br />

des communications électroniques<br />

et téléphoniques, pour être analysé en<br />

temps réel. » [5]<br />

« Toutes les informations bancaires,<br />

médicales ou concernant les communications<br />

et les transports [Voir « Smart !! »,<br />

p. 425] seront intégrées dans ce système,<br />

où elles seront croisées avec les renseignements<br />

des services secrets. Un<br />

accord de coopération judiciaire a d’ores<br />

457 Survie surveillée


et déjà été signé entre les Etats-Unis et<br />

l’Union européenne, sans examen parlementaire.<br />

» [11] [Voir « Qui coopère<br />

gagne », p. 476]<br />

Aux « Etats-Unis, on ne se privera pas<br />

des possibilités d'espionnage ainsi<br />

ouvertes pour se renseigner, non seulement<br />

sur les activités des autres gouvernements<br />

souverains du monde, mais sur<br />

celles des entreprises économiques<br />

concurrentes de celles des Etats-Unis.<br />

Airbus et [Arianespace] peuvent en effet<br />

cacher [... des] terroristes. » [9] [Voir « Le<br />

Travail libère », p. 496]<br />

Le TIA « comprendra donc plusieurs<br />

volets. » [5] Et l'« IAO, dont la devise est<br />

"Sciencia est Potentia" (Savoir, c’est pouvoir)<br />

[...] est organisé en huit unités principales<br />

:<br />

- Genysis, chargée de rendre compatibles<br />

entre elles [...] toutes les bases de<br />

données publiques du monde, [quels]<br />

qu’en soient les logiciels [Voir « Fichiers à<br />

la fin », p. 447]. [...]<br />

- Genoa II, chargée de continuer le développement<br />

du logiciel Genoa I d’exploration<br />

clandestine des bases de données<br />

informatisées.<br />

- TIDES ("les marées"), chargée de traduire<br />

automatiquement en anglais toutes<br />

les langues du monde. [...]<br />

- Extraction de preuves et découverte de<br />

liens (Evidence Extractation and Links<br />

Discovery - EELD), chargée d’interpréter<br />

les informations collectées selon des<br />

méthodes améliorées de data-mining.<br />

[Voir « Risquologie », p. 461] [...]<br />

- EARS ("les oreilles"), chargée de [...<br />

retranscrire] les communications orales<br />

interceptées. [Voir « Acroche-toi à<br />

l'Echelon », p. 429] [...]<br />

- Bio-surveillance, chargée de collecter<br />

les informations susceptibles d’indiquer<br />

la dispersion d’agents biologiques. [...]<br />

- Identification humaine à distance<br />

Survie surveillée 458<br />

(Human Identification at Distance - HID),<br />

chargée de développer les procédés biométriques<br />

[Voir « Label Bio », p. 388],<br />

notamment les identifications nominatives<br />

de suspects dans une foule par des<br />

caméras intelligentes. [...]<br />

- Simulation des environnements asymétriques<br />

(War Gaming the Asymetric<br />

Environment - WAE). [...]<br />

Ces huit unités concourent à la création<br />

du plus gigantesque système de contrôle<br />

social jamais imaginé : la Connaissance<br />

totale de l’information (Total<br />

Information Awareness - TIA) : le<br />

Pentagone entend collecter, légalement<br />

ou clandestinement, toutes les bases<br />

de données informatisées possibles,<br />

publiques ou privées, états-uniennes ou<br />

étrangères. Il souhaite intégrer toutes les<br />

informations recueillies par les systèmes<br />

d’interception, principalement ECHE-<br />

LON. Il veut les traiter selon des<br />

méthodes dérivées du marketing commercial<br />

pour détecter les comportements<br />

individuels suspects, identifier les<br />

terroristes potentiels, et les frapper préventivement.<br />

L’amiral Poindexter [estimait en 2002]<br />

que le programme [serait] opérationnel<br />

[vers <strong>2005</strong>-2007], mais de nombreux<br />

experts [doutaient] que l’on puisse<br />

résoudre tous les problèmes techniques<br />

[... si vite]. Pour accélérer les recherches,<br />

l’IAO [... avait] récupéré les ingénieurs<br />

de Syntek [12] [Voir « Admirable amiral »,<br />

p. 455] et signé des contrats de sous-traitance<br />

avec la SAIC [13] [Voir « Le fond de<br />

Bauer effraie », p. 235] et Raytheon<br />

[14]. » [4] La lutte contre le chômage<br />

avance.<br />

[1] : (Denis Duclos)<br />

[2] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[3] : (www.darpa.mil)


[4] : (Thierry Meyssan, « L'œil du Pentagone », Réseau<br />

Voltaire, 18/11/2002, http://www.voltairenet.org/article<br />

8734.html)<br />

[5] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[6] : (http://www.rand.org)<br />

[7] : (www.darpa.mil/ixo)<br />

[8] : (« Bataille autour de la défense des libertés individuelles<br />

face aux menaces terroristes », La Gazette, n° 100,<br />

30/6/2004, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/04-<br />

10006/index.htm)<br />

[9] : (« Le bon amiral John M. Poindexter », La Gazette,<br />

n° 73, 20/12/2002, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/02-7312/index.htm,<br />

d'après « Total Information<br />

Awareness (TIA) System », http://www.computerbytesman.com/tia/index.htm)<br />

[10] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252).<br />

[11] : (Jelle Van Buuren, « Fichage policier encouragé. Les<br />

tentacules du système Schengen », Le Monde diplomatique,<br />

3/2003, p. 8, http://www.monde-diplomatique.fr/<br />

2003/03/VAN_BUUREN/9970)<br />

[12] : (www.syntek.org)<br />

[13] : (www.saic.com)<br />

[14] : (www.raytheon.com)<br />

Le « programme<br />

[... TIA nécessitait]<br />

de nouvelles<br />

lois pour être<br />

implanté. » [1]<br />

« Pour déployer<br />

ce projet du Total<br />

Information Awareness,<br />

il [s'avéra]<br />

nécessaire d'amender<br />

le Privacy Act de 1974 [2]. [... Ce<br />

qui devait aller de soi], 11 septembre<br />

obligeant.<br />

[... En effet, certains protestèrent] que<br />

les terroristes [...] trouveront bien<br />

moyen d'échapper aux grandes oreilles<br />

qui les guetteront - ou alors le système<br />

qui les traquera devra faire preuve<br />

d'une intelligence et d'une autonomie<br />

encore hors de portée des technologies<br />

actuelles. » [3]<br />

La « légalisation [était] soumise au<br />

Congrès, lors du vote de la proposition<br />

de loi sur la Sécurité de la [Patrie]<br />

(Homeland Security Act) [Voir<br />

« Homeland, sweet homeland », p. 475].<br />

Pour la première fois les parlementaires<br />

[devaient] se prononcer sur un système<br />

de renseignement global, c’est-à-dire<br />

planétaire, surveillant de manière indifférenciée<br />

le territoire US et le reste du<br />

monde, les citoyens états-uniens et les<br />

étrangers. Mais aussi et surtout, un système<br />

face auquel la notion de "vie privée"<br />

n’a plus de sens. » [4]<br />

« Un article du New York Times [5] [... l'a]<br />

décrit en détail » [3] début novembre<br />

2002. Ce « projet [... a alors], devant les<br />

protestations [...], été mis en sommeil<br />

par le Sénat. Mais les entreprises et<br />

consultants (tel Zeichner Risk Analytics<br />

[6]) faisant commerce de telles<br />

solutions ne se résignent pas et mènent<br />

campagne pour que des systèmes analogues,<br />

sinon plus [performants,] le progrès<br />

technique aidant, soient de nouveaux<br />

mis en place. Ils arguent évidemment<br />

de la croissance continue des<br />

risques d'attentats majeurs [7]. » [8]<br />

Le « programme Total Information<br />

Awareness [...] amorçait [... visiblement]<br />

un prosélytisme sécuritaire de portée<br />

planétaire visant à se démarquer des<br />

principes démocratiques et libéraux sur<br />

lesquels nos sociétés s’appuient » [9] officiellement.<br />

« Devant les protestations [...], le nom a<br />

été transformé en Terrorism Information<br />

Awareness (TIA). [10] » [11]. Mais quel<br />

que devienne son nom, le « système de<br />

surveillance conçu par Poindexter sera<br />

une menace permanente pour l'ensemble<br />

des citoyens du monde libre<br />

opposés à la mondialisation de la guerre<br />

et du capitalisme sauvage. Une fois identifiés,<br />

les “terroristes” pourront être attaqués<br />

par surprise n'importe où dans le<br />

monde. La notion de pays souverain<br />

n'aura plus aucun sens. » [1]<br />

459 Survie surveillée


« Remanié puis officiellement abandonné<br />

en 2003, [le TIA a été] remplacé<br />

[début <strong>2005</strong>] par une version allégée,<br />

surnommée Matrix" [12] « (pour<br />

Multistate Anti-<br />

TeRrorism Information<br />

eXchange,<br />

“échange inter-<br />

États d'informationsanti-terroristes”)<br />

» [13].<br />

« C'est avec les<br />

fonds et sous la<br />

supervision du<br />

Département de la<br />

Sécurité intérieure<br />

(DHS) [14] de Tom<br />

Ridge que Seisint [15], une entreprise<br />

spécialisée dans l'extraction de données<br />

installée en Floride, a développé [cette]<br />

base évolutive qui stocke des informations<br />

sur l'ensemble de la population.<br />

Elle attribue un “quotient terroriste” à<br />

chaque individu en fonction de critères<br />

tels que l'origine ethnique ou la détention<br />

de brevets de pilote. [...]<br />

Ayant lancé le projet [Matrix] de sa<br />

propre initiative peu après le 11 septembre<br />

2001, Seisint en a confié le<br />

contrôle au DHS pour 8 millions de dollars<br />

en juillet 2003, après que Jeb Bush,<br />

gouverneur de l'État de Floride et frère<br />

de George W., l'eut personnellement<br />

recommandé au vice-président Dick<br />

Cheney. » [13]<br />

Et, début <strong>2005</strong>, « alors que le FBI ignore<br />

encore l’identité d’une partie des auteurs<br />

de l’attaque des Twin Towers, les analystes<br />

des fichiers Matrix lui [avaient déjà]<br />

adressé 120 000 noms de banals<br />

citoyens américains étiquetés "à haut<br />

quotient de terrorisme". » [9]<br />

« Ce programme, pourtant bien plus<br />

modeste que le [TIA], semble suffisamment<br />

performant pour qu'un des poli-<br />

Survie surveillée 460<br />

ciers qui en ont la charge déclare [...] :<br />

"C'est effrayant [...], je peux tout savoir<br />

de vous et de vos voisins." [16] Et le président<br />

de l'Arlington Institute [17], qui<br />

travaille avec l'US<br />

Navy et l'US Air<br />

Force, de prophétiser<br />

: "Il y aura<br />

moins de vie privée<br />

mais plus de<br />

sécurité. Nous<br />

pourrons anticiper<br />

le futur grâce à<br />

l'interconnexion<br />

de toutes les informations<br />

vous<br />

concernant. Demain,<br />

nous saurons tout sur vous." » [12]<br />

Prétentieux !<br />

[1] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[2] : (http://www.usdoj.gov/foia/privstat.htm)<br />

[3] : (« Le bon amiral John M. Poindexter », La Gazette,<br />

n° 73, 20/12/2002, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/02-7312/index.htm,<br />

d'après « Total Information<br />

Awareness (TIA) System », http://www.computerbytesman.com/tia/index.htm)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, « L'œil du Pentagone », Réseau<br />

Voltaire, 18/11/2002, http://www.voltairenet.org/article<br />

8734.html)<br />

[5] : (John Markoff, « Pentagon Plans a Computer System<br />

That Would Peek at Personal Data of Americans », New<br />

York Times, 9/11/2002, http://query.nytimes.com/gst/full<br />

<strong>page</strong>.html?res=9F05EFD61431F93AA35752C1A9649C8<br />

B63)<br />

[6] : (www.zra.com)<br />

[7] : (Cf. Heather Mac Donald, « What We Don’t Know<br />

Can Hurt Us », City, Spring 2004, http://www.city-journal.org/html/14_2_what_we_dont_know.html)<br />

[8] : (« Bataille autour de la défense des libertés individuelles<br />

face aux menaces terroristes », La Gazette, n° 100,<br />

30/6/2004, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/04-<br />

10006/index.htm)<br />

[9] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[10] : (Cf. Armand Mattelart, « Histoire de la société de l’information<br />

», La Découverte, nv. éd., 10/2003)<br />

[11] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[12] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in


http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[13] : (« L’œil du Pentagone "Reloaded" »,<br />

voltaire.net, 24/5/2004, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le13986.html)<br />

[14] : (http://www.dhs.gov)<br />

[15] : (avant d’être racheté par LexisNexis :<br />

http://www.seisint.com)<br />

[16] : (Washington Post)<br />

[17] : (www.arlingtoninstitute.org)<br />

Et « l'initiative<br />

repart de plus belle,<br />

avec des moyens<br />

accrus » [1] En<br />

effet, les « Etats-<br />

Unis se sont<br />

engagés dans des<br />

projets encore<br />

plus [...] suspects<br />

[...], tels l'Electronic Frontier<br />

Foundation [2] ou le Data Privacy<br />

Laboratory de la Carnegie Mellon<br />

University [3]. Il s'agit d'un énorme programme<br />

baptisé Analysis, Dissemination,<br />

Visualization, Insight, and Semantic<br />

Enhancement (ADVISE) [...,] conduit au<br />

sein du Department of Homeland<br />

Security (DHS) [Voir « Homeland, sweet<br />

homeland », p. 475], [et] qui fait partie<br />

des responsabilités de celui-ci en matière<br />

de lutte contre les menaces ("Threat and<br />

Vulnerability, Testing and Assessment" ).<br />

Il a reçu 50 millions de crédits [début<br />

2006] [4].<br />

ADVISE [est conçu comme] un système<br />

reposant sur le principe du Data Mining<br />

intelligent (fouille de données) [Voir<br />

« Risquologie », ci-contre]. Des programmes<br />

d'intelligence artificielle évoluée<br />

fouilleront des [...] milliards [...] d'informations<br />

capturées dans les messages,<br />

sites Internet, blogs et autres échanges<br />

entre particuliers et entreprises, afin d'y<br />

identifier des "patterns" [cas de figure]<br />

qui pourraient apparaître comme révélant<br />

un projet suspect au regard de la<br />

lutte anti-terrorisme. Ainsi si je procède à<br />

un achat d'essence au bidon dans un<br />

garage et à l'acquisition d'un paquet de<br />

coton hydrophile chez un pharmacien,<br />

je pourrai être soupçonné de préparer<br />

des cocktails Molotov. [...]<br />

[... Elle progresse rapidement,] la banalisation<br />

de l'espionnage "automatique" en<br />

particulier via les satellites [Voir « Ça t'irrite<br />

? », p. 419], les systèmes d'écoute ou<br />

de surveillance Internet, les "back doors"<br />

négociées avec le gouvernement fédéral<br />

par certains concepteurs de logiciels<br />

[...]" [5]. » [1] [Voir « Ordis<br />

mateurs », p. 445] On n'arrête pas "le"<br />

progrès.<br />

[1] : (Jean-Claude Empereur, « L'emballement des systèmes<br />

d'espionnage électronique américains », La<br />

Gazette, n° 137, 28/2/2006, http://www.admiroutes.ass<br />

o.fr/lagazette/06-13702/index.htm, repris par j...@rewriting.net,<br />

15/3/2006, http://groups.google.com/group/g<br />

uerrelec/browse_thread/thread/1fb2a00602887d62)<br />

[2] : (www.eff.org)<br />

[3] : (http://privacy.cs.cmu.edu)<br />

[4] : (Cf. Mark Clayton, « US plans massive data sweep »,<br />

Christian Science Monitor, 9/2/2006, http://www.csmonitor.com/2006/0209/p01s02-uspo.html)<br />

[5] : (Jean-Claude Empereur)<br />

C'est « la généralisation du paradigme<br />

"d'évaluation des risques" qui<br />

est à l'origine de la collecte, du<br />

stockage et du croisement de cette<br />

masse de renseignements. Selon cette<br />

approche de la sécurité, d'énormes<br />

quantités de renseignements personnels<br />

sont recueillis afin de pouvoir évaluer si<br />

des personnes sont "dignes de confian-<br />

461 Survie surveillée


ce" ou si elles posent une menace pour<br />

la sécurité. Plutôt que d'avoir recours à<br />

des techniques éprouvées, [...] s'en tenir<br />

aux faits connus et [...] s'intéresser<br />

[d'abord] aux personnes soupçonnées<br />

d'être des malfaiteurs, la démarche de<br />

l'évaluation des risques cherche à soumettre<br />

tout le monde à l'examen dans<br />

l'espoir d'identifier les personnes fautives<br />

parmi la masse. » [1] [Voir « Contestation<br />

= crime », p. 355]<br />

La « surveillance [... ne porte plus sur] les<br />

activités des [...] espions ou [... des] dissidents<br />

comme [...] pendant la guerre<br />

froide, mais porte sur tout individu [...,]<br />

objet focal de ce dispositif, [... avec une]<br />

attention systématique portée aux<br />

détails qui constituent la particularité des<br />

personnes (leur identité, leur corps, leur<br />

capital génétique, leur histoire, leurs<br />

projets, etc.) dans le but [...] de gouverner<br />

leur vie [... Les] méthodes [...] rappellent<br />

fortement [...] la surveillance<br />

commerciale [...] à travers la collecte des<br />

informations sur le goût, les préférences,<br />

les achats [...] des consommateurs. [...<br />

Le] nouveau système [... semble] une<br />

généralisation de la surveillance commerciale<br />

qui supplanterait les pouvoirs<br />

de l'Etat. [... Mais c'est] l'Etat qui, à travers<br />

un réseau [...] de banques de données<br />

et d'agents nationaux et transnationaux,<br />

tisse un assemblage de surveillance<br />

en utilisant les méthodes de<br />

surveillance commerciale. [...]<br />

[La] surveillance après le 11 septembre<br />

[... 2001 doit procéder par] un flux de<br />

données [...] re-assemblées [... en] catégories<br />

créées pour distinguer les individus<br />

en fonction de leur profil [Voir « Bon<br />

profil », p. 388] et de leur degré de dangerosité<br />

[2]. » [3]<br />

« L'approche “high-tech" [dont la faillite<br />

était pourtant la cause invoquée pour<br />

expliquer les attentats du 11 septembre]<br />

Survie surveillée 462<br />

consiste à effectuer un triage dans la<br />

mer de renseignements recueillis par la<br />

surveillance à grande échelle dans l'espoir<br />

de détecter le "risque", en utilisant<br />

des programmes "d'exploration des données"<br />

(data mining) [4] qui cherchent<br />

des profils d'activités suspects. » [1]<br />

« Aux Etats-Unis, où il n'y a pas [encore]<br />

de carte d'identité nationale, c'est le<br />

numéro de sécurité sociale qui est [... la]<br />

preuve de l'existence légale d'un individu<br />

[6]. » [3] La notion d’identité s’est parfaite.<br />

En « empruntant aux entreprises<br />

de marketing leurs méthodes de triage<br />

[...] des données, la surveillance électronique<br />

s'opère [... en codant] les activités,<br />

les transactions, les communications, [...<br />

et classe] les individus en fonction du<br />

risque potentiel qui leur est attribué.<br />

[Elle établit] ainsi des profils types, [...]<br />

pour empêcher l'accès des individus à<br />

risques au territoire, aux services comme<br />

le welfare [soins médicaux] ou les transports.<br />

[... L'information] et les codes<br />

génèrent un système de discrimination<br />

et d'exclusion sociale [5] en créant des<br />

socio-types auxquels il faut correspondre<br />

afin de pouvoir bénéficier des services,<br />

du travail, des loisirs, etc. [... Et] conçues<br />

dans un esprit de disciplinarisation [...,<br />

ces manières de faire] normalisent les<br />

comportements et affectent ainsi les<br />

choix [...] des individus.<br />

[... Plus généralement, les] smart borders<br />

[Voir « Smart !! », p. 425] [... étendent<br />

cette méthode] à toutes les informations<br />

concernant la vie privée des individus à<br />

savoir ses goûts, ses comportements, ses<br />

itinéraires, ses mouvements, ses réseaux,<br />

ses projets et même ses rêves. L'objectif<br />

est ainsi de capter les différents<br />

moments de la vie d'une personne en<br />

mouvement et de les inscrire dans des<br />

catégories qui assignent une identité en<br />

fonction de critères comme la propen-


sion à voyager [...], le goût [...], l'appar- D'où le recours à la technologie qui<br />

tenance à des réseaux (ethnique, profes- devient la pierre angulaire des politiques<br />

sionnel, religieux), etc. [... Cela] réduit de sécurité et de défense [..., qui]<br />

l'identité [...] à de simples catégories faci- optent, à l'instar du Pentagone, pour<br />

lement reconnaissables et classables des techniques proactives comme le<br />

dans des banques de données. [... Mais Total Information Awareness [Voir « T'y<br />

ce n’est pas si<br />

as tout », p. 456] [...].<br />

simple. L'identité,]<br />

C'est comme si la<br />

composée de nom-<br />

technologie et la<br />

breux éléments [...]<br />

biopolitique deve-<br />

parfois contradicnaient<br />

l'ultime<br />

toires [...,] est mul-<br />

moyen de sécuriser<br />

tiple et se<br />

[...] et de gouverner<br />

(re)construit [...] en<br />

le futur dans un<br />

fonction des repré-<br />

monde de risques,<br />

sentations, des<br />

d'incertitude et de<br />

normes sociales, des<br />

peurs. » [3] « Dans<br />

positions sociales,<br />

cette logique, les<br />

des interactions et de<br />

technologies de sur-<br />

l'auto-représentation<br />

veillance et d'identifi-<br />

des individus. » [3]<br />

cation sont considé-<br />

Les « évolutions de<br />

rées comme permet-<br />

la société du risque,<br />

tant d'identifier et de<br />

les phénomènes de<br />

localiser avec certitu-<br />

globalisation, l'émerde<br />

les figures du<br />

gence de nouveaux<br />

danger et les<br />

acteurs (privés et<br />

menaces. Leur sens<br />

transnationaux) sur<br />

de la précision<br />

la scène mondiale,<br />

[sinon de l'exactitu-<br />

la disparition de l'ende]<br />

apparaît comme<br />

nemi localisable et la<br />

un moyen efficace<br />

dissémination de la<br />

de surveillance et de<br />

violence ont boule-<br />

contrôle politique.<br />

versé les repères<br />

[... Ces] technologies<br />

classiques et les cer-<br />

[sont-elles] une<br />

titudes des agences<br />

simple réponse aux<br />

de sécurité en matiè-<br />

transformations des<br />

re de sécurité. [...<br />

concepts de danger<br />

Celle-ci] exige [plus de] certitude en et de risque ? [... Ou est-ce la] technolo-<br />

matière de repères et de connaissance gie elle-même [qui] provoque l'intérêt<br />

sur le présent et l'avenir [7]. [... Avec] la des agences de sécurité par l'intermé-<br />

globalisation et les attentats du 11 sepdiaire des centres de recherche et des<br />

tembre [...,] le concept d'ennemi qui entreprises qui les produisent [... ?<br />

n'est plus identifiable [...] ou le concept Presque] quotidiennement des entre-<br />

flou de terrorisme [8] [... générent] un prises de haute technologie [Voir<br />

besoin de certitude et de précision. « Achète ! Sinon.... » p. 480] [proposent]<br />

463 Survie surveillée


leurs dernières découvertes comme l'ultime<br />

moyen de précaution et de prévention<br />

des menaces. Cartes d'identité infalsifiables<br />

[Voir « L'Ines pairait ? », p. 378],<br />

puces équipées du GPS, puces [RFID]<br />

implantées dans le corps [Voir « Very<br />

cheap », p. 415] [...], promettent de<br />

devenir un outil de sécurité illimitée à<br />

multiples usages dans les domaines de la<br />

santé, du travail et de la sécurité.<br />

[... Les] technologies de surveillance et<br />

d'identification portent non seulement<br />

sur les données à caractère personnel<br />

qui sont archivées dans les puces et les<br />

fichiers mais aussi sur [... l’iris], la voix, la<br />

main etc. et [la] structure génétique [...<br />

La] surveillance devient de plus en plus<br />

intrusive et [...] "autorise l'inscription et<br />

le fichage de l'élément le plus privé et le<br />

plus incommunicable de la subjectivité :<br />

la vie biopolitique" [9]. » [3]<br />

Cette conception de « l'identité s'inscrit<br />

dans une logique sécuritaire d'identification<br />

[...] cherchant à déterminer [...] surtout<br />

"qui projette de faire quoi".. » [3] Ce<br />

qui définit le méchant ? « Il avait perpétré<br />

– et aurait perpétré, même s’il n’avait<br />

jamais posé la plume sur le papier – le<br />

crime fondamental qui contenait tous les<br />

autres. Crime par la pensée, disait-on. Le<br />

crime par la pensée n’était pas de ceux<br />

que l’on peut éternellement dissimuler.<br />

On pouvait ruser avec succès pendant<br />

un certain temps, même pendant des<br />

années, mais tôt ou tard, c’était forcé, ils<br />

vous avaient. » [10]<br />

« Comme toujours, les critiques [...] faisant<br />

valoir le risque d'égarer les enquêteurs<br />

sur de fausses pistes, en multipliant<br />

les accusations erronées, [... se heurtent]<br />

à l'affirmation jamais prouvée mais difficile<br />

à démentir, que ces systèmes ont<br />

déjà permis de démanteler de dangereux<br />

complots. En attendant, les investissements<br />

technologiques consentis<br />

Survie surveillée 464<br />

avec des crédits publics renforceront les<br />

compétences des géants du logiciel et<br />

du data mining américains » [11].<br />

« Il n'est guère surprenant que ces programmes<br />

engendrent un taux d'erreurs<br />

alarmant ; non seulement parce qu'ils<br />

signalent des personnes innocentes<br />

comme étant "dangereuses" ["faux positifs"],<br />

mais aussi parce qu'ils laissent filer<br />

des personnes dangereuses ["faux<br />

négatifs"].<br />

[A l’opposé, avec] l'approche "low-tech",<br />

ce sont des êtres humains qui évaluent<br />

sur-le-champ si un individu pose une<br />

"menace" pour la société. Mais comme<br />

les agents pêchent par un excès de [suspicion],<br />

sans trop se soucier du bien-être<br />

des individus signalés, on ne compte<br />

plus le nombre de cas de citoyens qui<br />

ont été considérés à tort comme une<br />

menace.<br />

L'évaluation des risques entraîne des<br />

conséquences véritablement kafkaïennes<br />

car les critères employés pour<br />

évaluer le risque sont vagues ou tenus<br />

secrets, et les renseignements utilisés<br />

sont souvent imprécis et incomplets. Les<br />

innocents qui sont identifiés comme<br />

posant un risque à la sécurité, selon le<br />

modèle d'évaluation des risques, ne<br />

savent généralement pas pourquoi on<br />

leur a apposé cette étiquette, et encore<br />

moins comment s'en débarrasser. » [1]<br />

On a par exemple vu l'effet d'un « "Omar<br />

m'a tuer"... Du vent... Mais revêtu du<br />

poids de la certitude scientifique. [...]<br />

L'arrivée massive de la surveillance technologique,<br />

de la preuve technologique,<br />

c'est aussi l'arrivée à prévoir de quantité<br />

d'erreurs judiciaires imputables [...] à<br />

l'excès de confiance en cette technologie,<br />

ou à sa mauvaise utilisation. Votre<br />

téléphone GSM aura cafté [Voir « Devine<br />

d'où j't'appelle ! », p. 439] que vous étiez<br />

près du mauvais endroit, au mauvais


moment ? Une caméra de surveillance<br />

[Voir « Je passe à la télé », p. 385], votre<br />

badge informatisé de transports en commun<br />

[Voir « Va nigaud », p. 403], ou l'un<br />

de vos cheveux [Voir « A des haines »,<br />

p. 390] aura dit la même chose ? Pas de<br />

chance » [12] !<br />

La fiabilité est limitée. « Dans un même<br />

réseau, poursuivant apparemment une<br />

même fin, ceux qui ne constituent<br />

qu’une partie du réseau sont obligés<br />

[par le secret régnant] d’ignorer toutes<br />

les hypothèses et conclusions des autres<br />

parties, et surtout [celles] de leur noyau<br />

dirigeant. Le fait assez notoire que tous<br />

les renseignements sur n’importe quel<br />

sujet observé peuvent aussi bien être<br />

complètement imaginaires, ou gravement<br />

faussés, ou interprétés très inadéquatement,<br />

complique et rend peu sûrs,<br />

dans une vaste mesure, les calculs des<br />

inquisiteurs ; car ce qui est suffisant pour<br />

faire condamner quelqu’un n’est pas<br />

aussi sûr quand il s’agit de le connaître<br />

ou de l’utiliser. [D’autant que, puisque]<br />

les sources d’information sont rivales, les<br />

falsifications le sont aussi.<br />

C’est à partir de telles conditions de son<br />

exercice que l’on peut parler d’une tendance<br />

à la rentabilité décroissante du<br />

contrôle, à mesure qu’il s’approche de la<br />

totalité de l’espace social, et qu’il augmente<br />

conséquemment son personnel<br />

et ses moyens. Car ici chaque moyen<br />

aspire, et travaille, à devenir une fin. La<br />

surveillance se surveille elle-même et<br />

complote contre elle-même. » [13]<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (D'après K.D. et R.V. Erickson, « The surveillant assemblage<br />

», British Journal of Sociology, vol. 51, n° 4,<br />

12/2000, pp. 605-622, repris par David Lyon,<br />

« Surveillance After September 11 », Oxford, Polity, 2003,<br />

p. 31)<br />

[3] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[4] : (Cf. Entretien avec Michele Sebag, Automates<br />

Intelligents, 26/9/2002 http://www.automatesintelligents.com/interviews/2002/oct/sebag.html)<br />

[5] : (Cf. David Lyon, op. cit., pp. 31-38 et 149-158)<br />

[6] : (Cf. G. Noiriel, « La tyrannie du national », Belin,<br />

2001, pp. 318-321)<br />

[7] : (R.D. Lipschutz, « After Authority. War, Peace and<br />

Global Politics in the 21st Century », Albany, SUNY Press,<br />

2000, chap. 3)<br />

[8] : (Cf. Jürgen Habermas et Jacques Derrida in G.<br />

Borradori, « Le "concept" du 11 septembre. Dialogues à<br />

New-York avec Jacques Derrida et Jürgen Habermas »,<br />

Galilée, 2003, pp. 135-141)<br />

[9] : (Giorgio Agamben, « Non au tatouage biopolitique »,<br />

Le Monde, 11-12/1/2004, reprod. in http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=37928)<br />

[10] : (George Orwell, « 1984 », trad. fr. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, réed. folio, p. 33, http://www.ebooksgratuits.com/html/orwell_1984.html)<br />

[11] : (Jean-Claude Empereur, « L'emballement des systèmes<br />

d'espionnage électronique américains », La<br />

Gazette, n° 137, 28/2/2006, http://www.admiroutes.ass<br />

o.fr/lagazette/06-13702/index.htm, repris par j...@rewriting.net,<br />

15/3/2006, http://groups.google.com/group/g<br />

uerrelec/browse_thread/thread/1fb2a00602887d62)<br />

[12] : (Petaramesh, « Vous reprendrez bien un petit prélèvement<br />

A.D.N. ? », 22/6/2006, http://petaramesh.org/20<br />

06/06/22/309-vous-reprendrez-bien-un-petit-prelevement-adn?cos=1)<br />

[13] : (Guy Debord, « Commentaires sur la Société du Spectacle »,<br />

XXX, 1988, Gérard Lebovici, p. 92, réed. Gallimard, pp. 85-<br />

86 et folio, http://1libertaire.free.fr/DebordCommentaires.html)<br />

Début<br />

2006, « déjà<br />

325.000 terroristesprésumés<br />

[avaient] été recensés et fichés<br />

dans la base de données du National<br />

Counterterrorism Center [1], créé en<br />

août 2004 par un décret exécutif du<br />

465 Survie surveillée


Président [2]. Le NCC [3] dépend [...]<br />

de la CIA [4] comme du National<br />

Security Council [5]. Sa base regroupe<br />

parfois plus de 40 informations par suspect,<br />

obtenues de diverses sources et<br />

ainsi centralisées. » [6] Il faut bien commencer.<br />

[1] : (Eric Leser, « 325 000 terroristes présumés », Le<br />

Monde, 18/2/2006, p. 3, reprod. in http://article.gmane.<br />

org/gmane.politics.activism.vie-privee.actu/59, d'après le<br />

Washington Post, 15/2/2006)<br />

[2] : (Cf. http://www.whitehouse.gov/news/releases/200<br />

4/08/20040827-5.html)<br />

[3] : (www.nctc.gov)<br />

[4] : (Cf. http://www.cia.gov/terrorism/ctc.html)<br />

[5] : (www.whitehouse.gov/nsc)<br />

[6] : (Jean-Claude Empereur, « L'emballement des systèmes<br />

d'espionnage électronique américains », La<br />

Gazette, n° 137, 28/2/2006, http://www.admiroutes.ass<br />

o.fr/lagazette/06-13702/index.htm, repris par j...@rewriting.net,<br />

15/3/2006, http://groups.google.com/group/g<br />

uerrelec/browse_thread/thread/1fb2a00602887d62)<br />

On<br />

assiste à<br />

la montée<br />

en<br />

puissance<br />

de « ce<br />

nouveau système de surveillance<br />

totale mondiale, alors que l'opposition<br />

à la guerre et au capitalisme sauvage<br />

progresse et s'organise » [1].<br />

« Tous ceux qui s'opposent au nouvel<br />

ordre mondial, à la destruction des services<br />

sociaux, au capitalisme sauvage<br />

(mondialisation), aux politiques belliqueuses<br />

de leur gouvernement et réclament<br />

moins de police et plus de justice<br />

sociale seront suspects. » [1] [Voir<br />

« Contestation = crime », p. 355] Les faucons<br />

n'aiment pas les colombes.<br />

La Défense nationale a ses impératifs. Le<br />

11 septembre 2001 marqua le début<br />

d'« une époque où le simple fait de<br />

Survie surveillée 466<br />

"mettre en cause le gouvernement peut<br />

passer pour un manquement au patriotisme"<br />

[2] » [3].<br />

On [4] a révélé « l'existence d'enquêtes<br />

du FBI, dans le cadre de la lutte contre le<br />

terrorisme, contre des associations de<br />

défense des animaux, une communauté<br />

végétarienne ou [un] groupe [de] travailleurs<br />

catholiques, [ce] qui rappelle les<br />

pratiques de l'agence à l'époque d'Edgar<br />

Hoover. » [5]<br />

« En 2003, dans le cadre de la lutte antiterroriste,<br />

l'Attorney general avait autorisé<br />

des actions de renseignement et d'infiltration<br />

[Voir « Va te faire infiltrer<br />

», p. 57] dans les mosquées (avec<br />

fichage nominatif de tous les ressortissants<br />

états-uniens pratiquant la religion<br />

musulmane), dans les associations antimondialisation<br />

et dans les groupes politiques<br />

opposés à la guerre contre l'Irak<br />

[...]. Il peut [à partir de 2004] poursuivre<br />

ces missions en France. » [6]<br />

« "La surveillance par le Pentagone de<br />

militants pacifistes constitue un nouvel<br />

exemple d'agence gouvernementale<br />

usant de ses pouvoirs pour espionner<br />

des américains respectueux des lois" [7]<br />

[... se plaint-on]. » [8]<br />

« Donald Rumsfeld a reconnu [le 2<br />

février 2006] que le Pentagone mène<br />

des actions de "contre-surveillance" de<br />

civils aux Etats-Unis [...]. Ce programme<br />

"n'est pas une grosse affaire", a-t-il dit,<br />

[...] la création d'un réseau d'espionnage<br />

intérieur chargé de surveiller les militants<br />

pacifistes par une cellule de contreespionnage<br />

installée au sein du<br />

Pentagone [... étant] "parfaitement compréhensible"<br />

[... pour assurer] la protection<br />

des forces et des bases aux Etats-<br />

Unis [et] "[... établir] la contre-surveillance<br />

pour voir qui prend des photos d'installations<br />

militaires ou sensibles" [...]<br />

[Le] Pentagone [... a donc] créé une


ase secrète de données répertoriant<br />

environ 1.500 incidents suspects, liés à<br />

plusieurs douzaines de manifestations<br />

organisées par des groupes antiguerre<br />

[9]. [... Un] document estampillé<br />

"secret" [relevait] une augmentation des<br />

communications internet entre des<br />

groupes pacifistes [9]. [... La] base de<br />

données du Pentagone [contient] des<br />

informations sur les individus surveillés<br />

[..., et notamment] les véhicules qu'ils<br />

utilisent [9]. » [8] [Voir « Smart !! »,<br />

p. 425].<br />

Ce n'est qu'un début. Un « consortium<br />

d'universités développe un logiciel qui<br />

permettra de surveiller toutes les opérations<br />

négatives émises à l'encontre des<br />

Etats-Unis ou de ses dirigeants à travers<br />

le monde [dans] la presse internationale<br />

[..., une] "analyse d'opinion" entièrement<br />

automatisée, dont l'objectif affiché<br />

est de détecter d'éventuelles menaces<br />

contre la nation américaine » [10]. Qui<br />

aujourd'hui proteste, demain, peut-être,<br />

posera des bombes.<br />

[1] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[2] : (Communiqué d’Amnesty International USA,<br />

2/6/2003)<br />

[3] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international<br />

», coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis<br />

.pdf, d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à<br />

la force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

[4] : (ACLU, Union américaine pour les libertés civiles,<br />

www.aclu.org/)<br />

[5] : (Alain Salles, « Ecoutes secrètes de la NSA : un juge<br />

fédéral américain démissionne », Le Monde, 22/12/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://www.spyworld-actu.com/article.php3?i<br />

d_article=1265)<br />

[6] : (« La France autorise l'action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, n° 72, 9/3/2004, p. 3,<br />

http://www.voltairenet.org/article12786.html)<br />

[7] : (Ben Wizner, ACLU)<br />

[8] : (« Rumsfeld reconnaît que des civils sont surveillés aux<br />

Etats-Unis », 3/2/2006, d'après AFP, 2/2/2006, reprod. in<br />

http://www.cyberpresse.ca/article/20060202/CPMON-<br />

DE/60202119/1014/CPMONDE)<br />

[9] : (NBC, 12/<strong>2005</strong>)<br />

[10] : (N. B., Centre d'analyse stratégique, « Etats-Unis :<br />

Un système de surveillance de toutes les opinions négatives<br />

», La note externe de veille, 16/10/2006, p. 7,<br />

http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/noteveille30.pdf,<br />

d'après news.fr, l'actualité du changement, 5/10/2006 et<br />

http://www.thememoryhole.org/policestate/iaologo.htm)<br />

On a<br />

donc en<br />

main les<br />

PNR [Voir<br />

« Paix et<br />

nerfs », p. 421] avant l'arrivée des<br />

personnes venant aux Etats-Unis.<br />

« Ces renseignements » [1] sur « les<br />

étrangers désireux de se rendre aux<br />

Etats-Unis » [2] « seront livrés à un dispositif<br />

de [pré-filtrage] baptisé CAPPS<br />

(Computer Assisted Passenger Pre-<br />

Screening ou Système assisté par ordinateur<br />

de contrôle préventif) pour détecter<br />

d’éventuels suspects. » [1]<br />

On a décidé de « compléter un système<br />

[déjà existant] de transfert des listes de<br />

passagers avec des données comme<br />

l'adresse et le numéro de téléphone<br />

(parfois le numéro de carte de crédit)<br />

intitulé CAPPS I qui avait été mis en place<br />

après les attentats de Lockerbie contre la<br />

Pan Am en 1988 » [2] [Voir « Allan<br />

Francovich », p. 49] ou un peu plus<br />

tard [3].<br />

Le « 11 septembre [2001] [Voir « Neuf !<br />

Hein ? Hein ?, p. 610] a généralisé et<br />

renforcé ce système en lui fournissant<br />

plus de moyens technologiques et en<br />

l'insérant dans [...] CAPPS II qui devient<br />

un énorme outil informatique de filtrage<br />

systématique des populations. » [2]<br />

« (CAPPS II) réalisé grâce à une coopération<br />

étroite entre le département d'Etat<br />

(les services consulaires), le HSD, le FBI<br />

et la CIA [...,] porte sur l'échange des<br />

fichiers, la collecte et l'exploitation à distance<br />

des données à caractère personnel<br />

et la création des profils types de per-<br />

467 Survie surveillée


sonnes à risques. » [2] [Voir « Bon profil<br />

», p. 388]<br />

« En [... les] croisant avec les informations<br />

des services policiers, du département<br />

d’Etat, du ministère de la justice et<br />

des banques, CAPPS évaluera » [1], pour<br />

« les autorités d'immigration ainsi que les<br />

agences privées de contrôle » [2], « le<br />

degré de dangerosité du passager et lui<br />

attribuera un code couleur : vert pour<br />

les inoffensifs, jaune pour les cas douteux,<br />

et rouge pour ceux qui seront<br />

empêchés d’accéder à l’avion. Si le visiteur<br />

est musulman ou originaire du<br />

Proche-Orient, le code jaune [...] lui sera<br />

attribué d’office. Et le Programme de<br />

sécurité aux frontières autorise les<br />

agents des douanes à le photographier<br />

et à relever ses empreintes digitales. » [1]<br />

« A la suite de plaintes aux Etats-Unis<br />

pour violations des libertés, le programme<br />

[CAPPS II], qui avait déjà coûté un<br />

peu plus de 100 millions de dollars, a été<br />

[officiellement] abandonné en juillet<br />

2004. [...] Un nouveau programme, le<br />

"Secure Flight" (vol sécurisé), a remplacé<br />

[CAPPS II] en août 2004. » [3] Les<br />

Terroristes le savent bien : c'est plus sûr<br />

de changer de nom.<br />

[1] : (Ignacio Ramonet, « Surveillance totale », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252)<br />

[2] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 (partie 2) »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1005.html)<br />

[3] : (« Prenez l’avion : Big Brother veille sur vous », LDH<br />

Toulon, 13/6/2006, http://www.ldh-toulon.net/article.ph<br />

p3?id_article=1351)<br />

Survie surveillée 468<br />

On<br />

s’était<br />

très bien<br />

conduit<br />

« lors du sommet du G8 en 2001 » [1] :<br />

« Les violences pendant le sommet<br />

des dirigeants du G8 (les sept pays<br />

les plus industrialisés » [1] « Etats-<br />

Unis, Canada, Japon, France, Italie,<br />

Grande-Bretagne, Allemagne, plus la<br />

Russie) » [2], « organisé dans la ville<br />

portuaire italienne de Gênes avaient culminé<br />

avec la mort d'un manifestant de<br />

23 ans, [Carlo Giuliani,] tué le 20 juillet<br />

2001 d'une balle dans la tête par un<br />

carabinier auxiliaire de 21 ans, à l'issue<br />

d'affrontements [...] entre manifestants<br />

et policiers [qui] avaient fait plusieurs<br />

centaines de blessés et des millions d'euros<br />

de dégâts. » [1] [Voir « Contestation<br />

= crime », p. 355]<br />

Quatre ans plus tard, la « justice italienne<br />

a décidé, [le] 17 mai [<strong>2005</strong>], de poursuivre<br />

45 policiers, carabiniers et<br />

membres de l'administration pénitentiai-


e pour des sévices infligés à des manifestants<br />

durant [ce] sommet du G8 » [1].<br />

« Quinze dirigeants et agents de police<br />

[...], dont le vice-préfet de police de<br />

Gênes de l'époque Alessandro Perugini<br />

et la commissaire principale Anna Poggi<br />

[..., seize] membres de l'administration<br />

pénitentiaire [...], dont [trois] généraux<br />

[...] et trois ex-capitaines [..., onze] carabiniers<br />

et cinq médecins, dont trois<br />

femmes, sont [...] poursuivis.<br />

Tous sont accusés d'abus de violence privée,<br />

faux, violation de la législation pénitentiaire<br />

et de la convention sur la défense<br />

des droits de l'Homme. Ils ont échappé<br />

à l'accusation de torture uniquement<br />

parce que les juges ont pris en considération<br />

le passage relativement bref des<br />

manifestants - moins de deux jours -<br />

entre les mains de leurs geôliers. 150<br />

personnes se sont constituées partie<br />

civile. » [2]<br />

« Le juge [...] De Matteis a fixé la date du<br />

début du procès au 12 octobre […<br />

<strong>2005</strong>. Il] se fonde sur un [rapport] de<br />

près de 500 <strong>page</strong>s publié en mars<br />

[<strong>2005</strong>] sur les sévices et les humiliations<br />

infligées dans la caserne de Bolzaneto<br />

où avaient été conduits » [1] « 255 manifestants<br />

[...] interpellés en marge des<br />

manifestations, en particulier une centaine<br />

de personnes raflées dans la nuit du<br />

21 au 22 juillet dans une école abritant<br />

des militants anti-G8. » [2] « "Coups,<br />

injures, humiliations" ont été leur lot à<br />

tous, ont souligné les deux juges,<br />

Patrizia Petruzziello et Vittorio Ranieri,<br />

auteurs du rapport.<br />

[... Dans] une véritable "zone de nondroit",<br />

l'infirmerie de la caserne [..., de]<br />

nombreuses femmes ont par exemple<br />

été obligées de se déshabiller et de rester<br />

nues en présence d'agents masculins.<br />

» [1] Le rapport « cite notamment<br />

des cas de menaces de viol, de manifes-<br />

tants frappés, contraints à rester nus, à<br />

prendre des postures humiliantes ou<br />

auxquels on a coupé les cheveux. Les<br />

sévices ont été commis dans une caserne<br />

proche de Gênes où étaient réunis les<br />

chefs d'Etats » [2].<br />

« "Des <strong>page</strong>s sombres dans les relations<br />

entre les forces de l'ordre et des citoyens<br />

italiens et étrangers ont été écrites<br />

durant ces journées à Bolzaneto, entachées<br />

de comportements graves qui,<br />

même s'ils devaient être prescrits, pourront<br />

de toutes façons difficilement être<br />

oubliés", ont conclu les auteurs du rapport.<br />

» [1] De mauvais scribes. Mais certains<br />

en gardent une mémoire vive...<br />

Heureusement que l'affaire traîne en<br />

longueur ; et que veille « le défenseur de<br />

onze sous-officiers des carabiniers, l'avocat<br />

et parlementaire Alfredo Bondi, viceprésident<br />

de la Chambre des députés.<br />

» [1] Commis d'office ?<br />

[1] : ( « G8 de Gênes : 45 policiers poursuivis pour<br />

sévices », Le nouvel Observateur, 16/5/<strong>2005</strong>, http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=europe/<strong>2005</strong>0516.O<br />

BS6859.html)<br />

[2] : (« Le parquet de Gênes a remis un rapport sur les violences<br />

durant le G8 de 2001 », Le Monde, 13/3/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-<br />

401442,0.html, d’après AFP)<br />

« Au<br />

sommet<br />

du G8 à<br />

Gênes<br />

[en 2001], Indymedia a permis de<br />

mettre à jour les circonstances de la<br />

mort de Carlo Giuliani, un manifestant<br />

tué par un policier [Voir<br />

« Contestation = crime », p. 355] » [1].<br />

« Lors [de ce] sommet du G8 [...], la police<br />

italienne avait fait irruption dans les<br />

locaux » [2] « du site altermondialiste et<br />

469 Survie surveillée


contestataire » [3] « Indymedia [4] et<br />

détruit ses serveurs.<br />

Plus [... tard, une] enquête diligentée<br />

par le gouvernement chypriote contre le<br />

fondateur d’Indymedia Chypre, Petro<br />

Evdokas, avait été demandée par la<br />

CIA [5]. » [2] On ne s'arrêta pas là. « [Le<br />

8 octobre 2004], la société Rackspace,<br />

qui héberge les serveurs Internet de plus<br />

de 20 agences Indymedia pour le compte<br />

d’Indymedia Royaume-Uni, a remis<br />

des serveurs au FBI [...], mettant horsservice<br />

les sites de plusieurs antennes de<br />

l’agence de presse.<br />

Les sites Indymedia affectés par cette saisie<br />

sont : Andorre, Belgique, Brésil,<br />

Espagne, France (Nice, Nantes, Lille,<br />

Marseille), Italie, Massachusetts,<br />

Pologne, Portugal, Tchéquie, Uruguay,<br />

Yougoslavie, ainsi que le site mondial<br />

pour la radio d’Indymedia. » [2] « La<br />

Fédération internationale des journalistes<br />

(FIJ) a demandé [...] une enquête<br />

sur l'opération [...], estimant que la<br />

méthode employée ressemblait à une<br />

tentative "d'intimidation" » [6].<br />

« Rackspace a [... dit] qu'ils ont dû céder<br />

les serveurs conformément au Traité<br />

Mutuel d'Aide Légale (MLAT). Le MLAT<br />

établit des procédures afin que les pays<br />

coopèrent dans les investigations telles<br />

que le terrorisme, le kidnapping, et les<br />

blanchiments internationaux d'argent.<br />

» [7] « Joe Parris, porte parole du<br />

FBI, [dit que] l’opération » [8], « réalisée<br />

par des responsables du ministère américain<br />

de la Justice » [6], « a été demandée<br />

par les autorités suisses et italiennes.<br />

» [8]<br />

En effet, l’extrême-droite italienne avait<br />

protesté. « En novembre 2003, quelques<br />

jours après l'attentat au camion piégé<br />

contre le contingent militaire national en<br />

Irak qui a fait 19 morts italiens, Mario<br />

Landolfi, porte-parole d'AN » [6],<br />

Survie surveillée 470<br />

« Alliance Nationale [...], le second parti<br />

de la coalition de Silvio Berlusconi » [6]<br />

[Voir « Berlue ! C'est une connerie »,<br />

p. 79], « avait demandé des mesures<br />

d'urgence contre Indymedia, le site des<br />

altermondialistes, les accusant d'"agression<br />

infâme et vulgaire" contre l'armée<br />

italienne [9].<br />

[Il en citait un texte :] "[... Les] carabiniers<br />

en service à Nassiriyah [en Irak] sont<br />

ceux qui se sont 'distingués’ par les brutalités<br />

et les tortures lors du G8 de<br />

Gênes, allant jusqu'à tuer [...] Carlo<br />

Giuliani [...]. Ce sont des militaires d'une<br />

armée qui a commis des bravades dans<br />

la moitié du monde, des viols et des tortures<br />

en Somalie aux actes de pédophilie<br />

au Mozambique et pire en ex-Yougoslavie<br />

et en Afghanistan" [...].<br />

[Alors,] le parquet de Bologne [...] avait<br />

ouvert une enquête contre X pour<br />

"outrage à la République, aux institutions<br />

constitutionnelles et aux Forces<br />

armées" [..., et] le gouvernement examinait<br />

l'idée de demander une commission<br />

rogatoire internationale, étant donné<br />

que le serveur du site se trouvait à<br />

l'étranger. » [6] La mondialisation...<br />

En Suisse aussi, on était mécontent. « La<br />

police genevoise avait [... simplement]<br />

diffusé sur son propre site internet la<br />

photo de certains "casseurs présumés", à<br />

la suite des manifestations en marge du<br />

G8. [… En réponse, le] site français<br />

Indymedia-Nantes a publié à la mi-septembre<br />

[2004] les photos à visages<br />

découverts [de] deux inspecteurs » [3]<br />

genevois et, assurait-on, « le nom de l'un<br />

d'entre eux, leurs adresses [...] accompagnés<br />

d'appels à la violence. » [3]<br />

Indymedia rétorqua que « les déclarations<br />

des deux policiers [... étaient]<br />

fausses. En effet, leurs visages ont été<br />

cachés (suite aux premières pressions du<br />

FBI auprès du collectif Indymedia


Nantes) et aucune donnée personnelle<br />

(noms, adresses) n'a été divulguée. » [7]<br />

« Les deux inspecteurs [...] appartenaient<br />

à la cellule G8, chargée des enquêtes sur<br />

les émeutes qui se sont déroulées à<br />

Genève en marge du sommet du G8 à<br />

Evian (France) en 2003. » [3] « Le procureur<br />

général de Genève a [... donc]<br />

ouvert une enquête, à la suite d'une<br />

plainte [...] contre X pour injures et<br />

menaces » [3] ; les « deux policiers [...<br />

s'étant] constitués partie civile [10].<br />

[... La] direction de la police genevoise<br />

serait intervenue auprès du FBI [...],<br />

pour faire retirer les photos sur<br />

Indymedia-Nantes [11]. [... Le] site a retiré<br />

le 22 septembre [2004] les photos [...,<br />

puis elles] ont réapparu [deux jours plus<br />

tard] mais les visages de policiers ont été<br />

remplacés par ceux d'acteurs de séries<br />

policières ». [3]<br />

« La vacuité de ces prétextes ne doit pas<br />

en dissimuler le sens : c’est l’ensemble<br />

des médias indépendants et contestataire<br />

qu’il s’agit d’entraver et d’intimider.<br />

L’ampleur de la répression ne doit pas<br />

être mésestimée : elle met en évidence<br />

que la globalisation financière et la globalisation<br />

policière marchent du même<br />

pas. » [12]<br />

[1] : (« Indymedia privé d’antenne sur injonction du FBI »,<br />

Les Barons Marqués, n° 0, 9/2004, p. 3, http://fr.transnationale.org)<br />

[2] : (« Mondialisation de la lutte contre la liberté d’expression<br />

», Voltaire, 8/10/2004, http://www.voltairenet.org/article15193.html)<br />

[3] : (« Ouverture en Suisse d'une enquête sur le site altermondialiste<br />

Indymedia », AFP, 9/10/2004)<br />

[4] : (http://www.indymedia.org)<br />

[5] : (Cf. « La CIA demande à Chypre de réprimer ses altermondialistes<br />

», Voltaire, 16/8/2004, http://www.voltairenet.org/article14572.html)<br />

[6] : (« Un parti de la coalition Berlusconi a demandé la fermeture<br />

du site Indymedia », AFP, 9/10/2004l)<br />

[7] : (Collectif Indymedia de Lille, « Communiqué à l'intention<br />

des utilisatrices et utilisateurs d'Indymedia Lille », indymedia,<br />

12/10/2004, http://lists.indymedia.org/pipermail/imc-france/2004-October/1012-of.html)<br />

[8] : (IMC – Italy, « A propos de la saisie des serveurs<br />

Indymedia », samizdat.net, 10/10/2004)<br />

[9] : (Ansa, 9/10/2004)<br />

[10] : (La Tribune de Genève, d’après Radio suisse romande)<br />

[11] : (D’après La Tribune de Genève)<br />

[12] : (« L’internationale policière contre Indymedia »,<br />

Acrimed, 12/10/2004, http://www.acrimed.org/article17<br />

86.html)<br />

Les<br />

mœurs<br />

s'améliorent,<br />

« l'intégration<br />

poussée<br />

de la police, du renseignement et<br />

du militaire coïncidant avec la<br />

renonciation des pouvoirs publics à<br />

exercer leur souveraineté et un<br />

contrôle national. En [... témoigne le]<br />

nombre croissant "d'ententes d'assistance<br />

mutuelle" assurant la coopération<br />

entre les services de maintien de<br />

l'ordre et les organismes de renseignements<br />

de différents pays. [Voir<br />

« Indygeste », p. 469] [...]<br />

Des équipes d'enquête mixtes sont [...]<br />

mises sur pied par les États-Unis et le<br />

Canada, et par les États-Unis et 25 États<br />

membres de l'UE. Ces équipes échangeront<br />

des renseignements sans qu'il leur<br />

faille présenter des demandes officielles<br />

d'État à État au titre d'ententes d'assistance<br />

mutuelle, et elles pourraient ne<br />

pas avoir à répondre de leurs actions en<br />

territoire étranger. Ces équipes peuvent<br />

comprendre des agents des douanes, de<br />

la police et des services d'immigration,<br />

ainsi que des agents des services de<br />

sécurité et de renseignements. » [1]<br />

Le « Canada a la mauvaise habitude<br />

“d'harmoniser” ses lois avec celles de<br />

[son] puissant voisin même si, à première<br />

vue, les politiciens se montrent par<br />

principe peu enthousiastes, pour faire<br />

croire qu'ils ne sont pas les marionnettes<br />

471 Survie surveillée


de Washington. [... De plus], les ordinateurs<br />

étatsuniens vont espionner en permanence<br />

les citoyens canadiens dans<br />

leur propre pays, sans que [leur] gouvernement<br />

ne lève le petit doigt pour s'y<br />

opposer. » [2]<br />

« En Europe, un accord conclu entre<br />

Europol [Voir « Harmonie technique »,<br />

p. 473] et les États-Unis, sans aucun<br />

contrôle des institutions démocratiques,<br />

donnera accès aux renseignements<br />

d'Europol à un nombre incalculable d'organes<br />

américains, y compris des renseignements<br />

de nature délicate sur l'origine<br />

ethnique, l'opinion politique, les<br />

croyances religieuses, la santé et la vie<br />

sexuelle des particuliers. L'entente a été<br />

signée même si elle est contraire à la<br />

Convention Europol et à la Directive sur<br />

Survie surveillée 472<br />

la protection des données de l'Union<br />

européenne. » [1]<br />

Et ça continue. Après « la rentrée de septembre<br />

[<strong>2005</strong>], les gouvernements français<br />

et britanniques ont mis en place de<br />

nouveaux dispositifs de lutte contre le<br />

terrorisme. Motivés en Grande Bretagne<br />

par les attentats de Londres [...]. En<br />

France, mis en scène par Nicolas Sarkozy<br />

[Voir « Le syndrome de Narkozy »,<br />

p. 664]. Le Conseil de l’Union<br />

Européenne, présidé par la Grande<br />

Bretagne, a coordonné ces dispositifs<br />

pour en faire un cadre s’imposant à<br />

tous les pays de l’Union, "Stratégie de<br />

l’Union Européenne visant à lutter<br />

contre le terrorisme" [3], qui permettra<br />

dans l’avenir d’élaborer de nouvelles<br />

mesures liberticides. [... Ce] rapproche-


ment [... n’a jamais été] analysé dans la<br />

presse française. » [4]<br />

Dans cette grande unification de<br />

l'Exécutif mondial, il « est de plus en plus<br />

fréquent que les gouvernements n'arrivent<br />

même pas à assurer la protection<br />

de leurs citoyens quand ils sont pris par<br />

erreur dans les mailles du filet mondial<br />

de sécurité. C'est ce que l'on a pu constater<br />

lorsque le gouvernement canadien a<br />

tenté d'obtenir la libération de Maher<br />

Arar, que les autorités américaines<br />

avaient refoulé en Syrie. Un autre<br />

exemple est celui du gouvernement suédois<br />

qui a dû négocier avec les États-Unis<br />

lorsqu'il a demandé que les noms de certains<br />

de ses citoyens soient enlevés de la<br />

liste de terroristes établie par les Nations<br />

Unies. » [1] Ça prouve quand même<br />

qu'on peut encore contester un peu.<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[3] : (Conseil de l’Union Européenne, 1/12/<strong>2005</strong>, http://<br />

www.europa-eu-un.org/articles/en/article_5385_en.htm)<br />

[4] : (Marie Jo Cloiseau, « Mondialisation de la répression :<br />

de l’état de guerre à l’Etat policier », 6/1/2006, Info<br />

Impartiale et Pluraliste, http://www.info-impartiale.net/art<br />

icle.php3?id_article=203)<br />

En 1933,<br />

conscient<br />

qu'une<br />

partie de<br />

plus en<br />

plus impo-rtante de la population allemande<br />

remettait en question la légitimité<br />

de son gouvernement, particulièrement<br />

les gens instruits, les<br />

artistes et les intellectuels, Hitler décida<br />

qu'il avait besoin d’une police<br />

pour espionner ces citoyens et prévenir<br />

la formation d'une opposition<br />

organisée. [... Ce fut la GEheime<br />

STAatsPOlizei, Police Secrète d'État].<br />

"La Gestapo a la tâche de rechercher<br />

toutes les intentions qui mettent l'État en<br />

danger, de rassembler et d'exploiter les<br />

résultats des enquêtes, d'informer le<br />

gouvernement et [...] les autorités<br />

[...]." [1] La Gestapo peut arrêter, interroger<br />

et détenir des suspects sans l'accord<br />

des tribunaux. Elle écoute les<br />

conversations téléphoniques, dispose<br />

d'une prison spéciale à Berlin où les<br />

opposants sont torturés. Ceux-ci n'ont<br />

pas droit à un avocat et sont envoyés<br />

dans les camps de concentration sans<br />

procès. Aucune opposition politique n'a<br />

réussi à survivre après 1939, même clandestinement.<br />

» [2]<br />

Et c'est les ouvriers et ingénieurs d'IBM<br />

qui, déjà, avaient produit les<br />

machines [3] qui ont « servi au recensement<br />

racial de 1933. [Elles étaient<br />

louées] aux client, et restaient la propriété<br />

d'IBM. [...] Peu après, le logo IBM [y a<br />

été] supprimé afin de rendre la<br />

Dehomag "plus allemande". » [4]<br />

« IBM équipait et gérait les ordinateurs<br />

des camps de concentration nazis avec<br />

des fiches pour chaque prisonnier et suivant<br />

les traitements qui leur étaient infli-<br />

473 Survie surveillée


gés mais [...] alors le contrôle informatisé<br />

de la population est aussi passé par<br />

des questionnaires anodins [où] l'on<br />

notait des informations sur les personnes.<br />

[5] [... Et] la police française oeuvra<br />

[... en collaboration] avec la gestapo,<br />

il n'y a pas si longtemps [...], en fichant<br />

ceux qui [ètaient] gênants et en<br />

envoyant à une mort certaine des<br />

enfants et des adultes. » [6]<br />

« Doit-on laisser faire comme quelque<br />

chose de normal, justifié par des besoins<br />

techniques, la collaboration de nos<br />

polices avec des régimes non démocratiques<br />

? [... C’est] sur ce principe "technique"<br />

[que] les démocraties avaient<br />

continué à collaborer aveuglément à<br />

Interpol, alors même que cette structure<br />

était dirigée, de 1938 à 1945, par les<br />

nazis Heydrich et Kaltenbrunner [7]. » [8]<br />

Mais, heureusement, c'est du passé :<br />

depuis des décennies, la « démocratie »<br />

règne et ce sont les élus « représentatifs<br />

» qui décident.<br />

La preuve. « Le Conseil européen qui<br />

s'était tenu à Cannes les 27 et 28 juin<br />

1995 devait être l'occasion pour les<br />

chefs d'États et de gouvernements de<br />

l'Union européenne, d'approuver de<br />

manière définitive la Convention<br />

Europol. En réalité rien ne fut signé à<br />

Cannes. [... Et] le 26 juillet 1995, ce sont<br />

les fonctionnaires du Comité des<br />

Représentants Permanents (COREPER),<br />

composante du Conseil Justice et<br />

Affaires intérieures, qui ont, en catimini,<br />

signé la convention, au mépris des procédures<br />

habituelles dans le domaine de<br />

la conclusion de traités internationaux<br />

[9]. » [8] Et c'était pourtant six ans<br />

avant 2001.<br />

« La sécurité mondiale et la "guerre<br />

contre le terrorisme" dominent [désormais]<br />

le programme politique au niveau<br />

international. Sous la poussée des États-<br />

Survie surveillée 474<br />

Unis, un nombre croissant de mesures<br />

"antiterroristes" et de "sécurité" sont<br />

adoptées par des pays du monde entier.<br />

Ce nouveau paradigme "sécuritaire" sert<br />

à restreindre les libertés et à accroître les<br />

pouvoirs policiers de façon à exercer un<br />

contrôle toujours plus grand sur les personnes<br />

et les populations. [...] Déjà, les<br />

États-Unis et les gouvernements de l'UE<br />

et de d'autres pays utilisent les renseignements<br />

réunis et partagés à travers<br />

cette infrastructure pour réprimer l'opposition,<br />

fermer les frontières aux<br />

migrants, réfugiés et activistes, et arrêter<br />

et détenir des personnes en l'absence de<br />

motif valable. » [10] C'est qu'on compte<br />

bien établir durablement l'Etat totalitaire<br />

mondial.<br />

Mais on nous rassure : « La menace terroriste<br />

a profondément changé de nature.<br />

Comme la plupart de ses partenaires,<br />

la France a adapté ses moyens d'action<br />

à ce nouveau contexte. La loi du 23 janvier<br />

2006 relative à la lutte contre le terrorisme<br />

[11] a ainsi permis de renforcer<br />

notre prévention face aux évolutions des<br />

moyens de transport et de communication.<br />

En définissant une stratégie de<br />

long terme, le Livre blanc [12] s'inscrit<br />

dans cet effort pour améliorer le dispositif<br />

de lutte contre le terrorisme. Il est le<br />

fruit d'une réflexion associant des professionnels<br />

du renseignement, des<br />

magistrats, des hauts fonctionnaires, des<br />

journalistes et des universitaires. » [13]<br />

Ayez confiance.<br />

[1] : (article 1, loi fondamentale de la Gestapo)<br />

[2] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[3] : (http://www.obsolete-tears.com/hist/IBM/t<strong>rieuse</strong>.jpg)<br />

[4] : (« IBM », http://www.obsolete-tears.com/index.php?<br />

p=dossier&id=14, Obsolate Tears, s. d., d'après Ewin<br />

Black, « IBM et l'holocauste », Robert Laffont, 2/2001)<br />

[5] : (Cf. Ewin Black, op. cit. et le film de Jennifer Abbott<br />

et Mark Achbar, « The Corporation », 2003)<br />

[6] : (Souriez vous êtes filmés, « INES, refus et boycott de<br />

la carte d'identité biométrique », http://souriez.info/article<br />

.php3?id_article=238)


[7] : (Cf. Laurent Greilsammer, « Interpol », Fayard, 1997)<br />

[8] : (Raphaël Meyssan, « Fonction policière et Institutions<br />

européennes », (RV 97/0368), 28/7/1997,<br />

http://www.voltairenet.org/article1728.html)<br />

[9] : (Lettre de la Fédération internationale des ligues des<br />

droits de l'Homme, n° 603-604, 7-14/9/1995)<br />

[10] : (« Campagne internationale contre la surveillance<br />

globale. Déclaration », s.d., http://www.icams.org/Declaration_Fr.html)<br />

[11] : (« Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la<br />

lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses<br />

relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers »,<br />

http://www.lexinter.net/lois4/loi_du_23_janvier_2006_re<br />

lative_a_la_lutte_contre_le_terrorisme.htm)<br />

[12] : (Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN),<br />

« Prevailing Against Terrorism. White Paper on Domestic<br />

Security Against Terrorism », La Documentation française,<br />

2006)<br />

[13] : (Présentation du « Livre blanc » ([12]),<br />

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110061614/index.shtml)<br />

« Le 14 novembre [2002 …] George W.<br />

Bush devant le Congrès [… procède] à<br />

la création du Department of<br />

Homeland Security (DHS). Décrit par<br />

Bush comme “la plus grande réorganisation<br />

du gouvernement fédéral américain<br />

depuis les années 1940” , ce superministère<br />

mobilisera les ressources […]<br />

de 22 agences fédérales, regroupant<br />

170 000 employés, disposant d'un budget<br />

de 38 milliards $ US [...] pour<br />

espionner le monde entier. » [1]<br />

« Le concept de homeland security [...]<br />

approfondit une [...] conception de<br />

[... 1790,] l'ennemi infiltré à l'intérieur<br />

[2] [..., créée] pour faire face à la<br />

diffusion des idées de la Révolution<br />

Française ainsi que pour filtrer les candidats<br />

indésirables [à la citoyenneté étasunienne]<br />

et empêcher leur naturalisation<br />

[... Depuis] le XVIII ème siècle l'idée de l'en-<br />

nemi de l'intérieur a fait son chemin<br />

dans la démonologie américaine [... a<br />

été déployée] différemment en fonction<br />

des contextes [..., sous] des figures différentes<br />

telles que le communiste sous le<br />

Maccarthysme ou le trafiquant de<br />

drogue et l'immigré depuis les années<br />

1980 [3]. » [4] « Le 11 septembre [2001]<br />

a renforcé [le] processus [... de sécurisation]<br />

en fabriquant [aussi] une nouvelle<br />

catégorie de personnes à risques [Voir<br />

« Bon profil », p. 388] (les ressortissants<br />

des pays du Moyen-Orient et d'Asie<br />

Centrale) » [4].<br />

« Le homeland security est ainsi construit<br />

autour de l'idée du repérage, de l'identification,<br />

de la surveillance, de l'expulsion<br />

et/ou de la suppression de l'ennemi infiltré.<br />

Pour cela il prévoit la mise en place<br />

d'un dispositif [... de] surveillance de la<br />

vie publique et privée des individus, de<br />

leur mouvements [Voir « Smart !! »,<br />

p. 425] et réseaux [Voir « Va te faire réticuler<br />

! », p. 434] [..., qui a été déterritorialisé]<br />

notamment par l'extension des<br />

frontières au-delà de leur tracé traditionnel<br />

et par la mise en place d'un assemblage<br />

de surveillance électronique combinant<br />

des banques de données<br />

publiques, privées et transnationales<br />

dont l'objectif est de capter toutes les<br />

informations sur les individus, leur vie<br />

privée et leur mouvement [Voir « Fichiers<br />

à la fin », p. 447].<br />

Par-là, l'objectif est de détecter l'ennemi<br />

sur plusieurs fronts : à l'intérieur du territoire,<br />

à la frontière avant même qu'il ne<br />

s'infiltre dans le territoire national et à<br />

l'étranger par la mise en place d'un système<br />

de contrôle informatisé à distance.<br />

La coordination de cette mission est<br />

confiée au Department of Homeland<br />

Security (DHS) [ou HDS] » [4].<br />

« Le homeland security a mobilisé toutes<br />

les agences de sécurité y compris les mili-<br />

475 Survie surveillée


taires qui en quelque sorte participent à<br />

la sécurité intérieure malgré la loi Posse<br />

Commitatus » [4] « Act (PCA), [adoptée<br />

en 1878] à l’issue de la guerre de sécession<br />

[5] [..., qui] interdit aux forces<br />

armées (mais pas à la Garde nationale)<br />

de participer au maintien de l’ordre, sauf<br />

dérogation expresse du Congrès. » [6]<br />

« Depuis le 11 septembre, [la] participation<br />

[des militaires] aux missions de sécurité<br />

intérieure se fait par le déploiement<br />

des soldats de la Garde Nationale pour<br />

la protection du Capitole, des aéroports,<br />

des ponts et des contrôles des frontières<br />

ainsi que par la création en avril 2002<br />

d'un nouveau commandement appelé<br />

Northern Command (NORTHCOM). » [4]<br />

« Le sort en est jeté » [7] et le Rubicon<br />

franchi.<br />

Il fallait (n'est-ce pas ?) réagir rapidement<br />

aux attentats du 11 septembre 2001. Le<br />

projet a été bienheureusement vite fin<br />

prêt. « Les législateurs ont reçu le projet<br />

de loi de 484 <strong>page</strong>s [sur le DHS] le matin<br />

du vote. Le représentant démocrate de<br />

Californie au Congrès, Henry Waxman,<br />

“doute que plus de 10 membres de la<br />

Chambre des représentants connaissent<br />

le contenu de la loi” [8]. » [1] Etait-ce<br />

vraiment utile ?<br />

[1] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[2] : (« Alien and Sedition Acts » de 1798, Cf.<br />

http://www.loc.gov/rr/program/bib/ourdocs/Alien.html)<br />

[3] : (Cf. Michael Rogin , « Les démons de l'Amérique »,<br />

Seuil, 1998)<br />

[4] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance aux<br />

Etats-Unis après le 11 septembre 2001 », Cultures<br />

& Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1001.html)<br />

[5] : (Incorporée au Titre 18, Section 1385 de l’US Code)<br />

[6] : (Thierry Meyssan, « Donald Rumsfeld développe ses<br />

forces spéciales. Les milices de l’Empire », n. 2, Voltaire,<br />

9/1/2003, http://www.voltairenet.org/article8884.html#nh2)<br />

[7] : (Jules César, s'apprétant à franchir le Rubicon)<br />

[8] : (CNET News.com)<br />

Survie surveillée 476<br />

« Les<br />

accords<br />

de coopérationjudiciaire<br />

et policière, signés entre l’Union<br />

européenne et les USA, sont de bons<br />

exemples du rôle exercé par le droit<br />

pénal dans la mise en place d’une<br />

structure politique mondiale dirigée<br />

par les Etats-Unis [1]. » [2] Au nom de<br />

la légitime défense contre le terrorisme.<br />

« Echelon [Voir « Accroche toi à<br />

l'Echelon », p. 429] [...] est construit sur<br />

les "échanges" d'informations entre services<br />

de renseignements de différents<br />

pays [...,] largement dépendants de la<br />

NSA [Voir « Haine et ça », p. 429] (qui<br />

décide ce qu'elle prend dans les données<br />

collectées chez ses partenaires et<br />

choisit ce qu'elle leur répercute).<br />

Echanges systématiques [... qui] peuvent<br />

se dérouler à l'insu des gouvernements<br />

concernés - comme a pu en<br />

témoigner [un] ancien premier<br />

ministre néo-zélandais [3].<br />

[... Faut-il considérer] que la collaboration<br />

du Bundesnachrichtendiest (BND)<br />

allemand [Voir « Gai Gehlen », p. 93]<br />

avec le Service fédéral de sécurité (FSB,<br />

ex-KGB) russe pour l'échange d'informations<br />

concernant les "terroristes tchétchènes"<br />

relève d'un très normal échange<br />

de bons procédés [4] ? Accepter sans<br />

débat le fait que la Direction générale de<br />

la sécurité extérieure (DGSE) française<br />

entretienne des contacts étroits avec la<br />

NSA depuis... les années 70, [collaboration]<br />

portant notamment sur des<br />

échanges de technologie [5] ? » [6] Oui,<br />

il le faut. Et même si parfois, devant un<br />

petit tollé, on doit mettre en scène une<br />

petite reculade ; on collabore.


En « octobre 2001, [...] George W. Bush<br />

[avait] saisi par courrier le Conseil européen<br />

pour lui soumettre des propositions<br />

en matière de coopération judiciaire.<br />

[... Et] le Conseil a décidé [d’y] donner<br />

suite positivement [...]. À l'issue d'un<br />

long processus de consultation des<br />

organes européens et des Parlements<br />

nationaux, l'Union européenne a signé<br />

un Accord d'entraide judiciaire, le 25<br />

juin 2003 [7].<br />

Pour l’occasion, de nombreux commissaires<br />

et ministres européens avaient fait<br />

le voyage à Washington avec Romano<br />

Prodi [..., qui passe pour avoir lui-même<br />

appartenu au réseau stay-behind [Voir<br />

« Un réseau secret », p. 38], et] où ils furent<br />

reçus par le président Bush entouré<br />

[... de] John Ashcroft [...], Dick Cheney,<br />

Condoleezza Rice, etc.<br />

[... Cet accord] a été conclu sur la base<br />

de l'article 24 du Traité sur l'Union européenne<br />

[8], [mais pas au nom] de ses<br />

États membres. Pourtant, l'Union n'a pas<br />

de personnalité juridique propre [...]<br />

pour conclure des accords internationaux<br />

[... Et] cet accord n'a pas été présenté<br />

aux Parlements nationaux pour<br />

ratification. Il s'agit du premier cas d'action<br />

supra-nationale externe de l'Union<br />

européenne. Il est illégal et n'a jamais<br />

été débattu.<br />

L'originalité de cet accord est que son<br />

interprétation est évolutive en fonction<br />

des modifications de la définition du terrorisme<br />

et des procédures pénales par<br />

les parties contractantes. Il prévoit donc<br />

un système de consultation pour ces<br />

adaptations [9]. Ce procédé est d'autant<br />

plus douteux que cet accord modifie la<br />

signification de la Convention interne de<br />

l'Union européenne du 29 mai 2000<br />

portant également sur l'entraide judiciaire<br />

[10] » [11].<br />

« Cependant, lors de la signature, treize<br />

États membres (mais pas la France) ont<br />

fait une déclaration d'après laquelle ils<br />

ne seront liés par ces accords que lorsqu'ils<br />

auront satisfait à leur règles constitutionnelles<br />

respectives. » [12] « L'Assemblée<br />

nationale [..., quant à elle, a pu<br />

émettre le souhait] que le gouvernement<br />

français saisisse le Conseil d'Etat<br />

d'une demande d'avis concernant la<br />

régularité juridique de la procédure<br />

de conclusion envisagée, tant au<br />

regard du droit international et européen<br />

applicable que de la Constitution<br />

française » [13].<br />

De « son côté, l'Attorney general [John<br />

Ashcroft] [Voir « L'aura Aschroft »,<br />

p. 588] [a innové] en créant le concept<br />

de “renseignement de Justice” et<br />

en » [11] annonçant « le 25 février 2004,<br />

la création d’un Conseil de coordination<br />

du renseignement de Justice<br />

(JICC) » [14], « pour superviser toutes les<br />

actions secrètes de ce type et les articuler<br />

à celles des autres services de renseignement.<br />

» [15] Il « vise à exploiter l’ensemble<br />

du renseignement collecté par<br />

les personnels de son ministère et des<br />

agences sous tutelle (armes et alcools,<br />

FBI, anti-drogue, pénitentiaire, etc.) et<br />

de le mettre en relation avec celui collecté<br />

à l’étranger par le biais des nouveaux<br />

accords de coopération judiciaire.<br />

Elle sera la clé de voûte du système judiciaire<br />

global pour lequel John Ashcroft a<br />

convaincu de nombreux pays d’aligner<br />

leur procédure pénale sur celle des États-<br />

Unis (en France : loi Perben II [16] et loi<br />

sur l’économie numérique LEN [17] ; au<br />

niveau de l’Union européenne : mandat<br />

d’arrêt européen, Europol et Eurojust).<br />

Ce conseil travaillera en étroite coopération<br />

avec le département de Sécurité de<br />

la patrie, la CIA et le Conseil de sécurité<br />

nationale. » [14]<br />

« John [... Ashcroft envisagea ensuite] de<br />

477 Survie surveillée


former une structure de réquisition des<br />

polices alliées par le FBI. Le directeur<br />

général du [FBI], Robert Mueller, a été<br />

chargé de négocier sa création au sein<br />

de l'OTAN au titre de l'anti-terrorisme.<br />

Les troupes de l'Alliance atlantique ont<br />

déjà été investies de missions de police,<br />

pour "sécuriser" les Jeux olympiques<br />

d'Athènes [Voir « Grésillement de<br />

Grèce », p. 443] et le Mondial de football<br />

au Portugal. Selon Robert Mueller, les<br />

attentats de Madrid justifient de ce développement<br />

de l'OTAN. » [15]<br />

Les « interventions du FBI, y compris les<br />

missions d'infiltration assorties de l'irresponsabilité<br />

pénale de ses agents [Voir<br />

« Va te faire infiltrer », p. 57], [ont été]<br />

légalisées, État par État, comme en<br />

France avec la loi Perben II » [15].<br />

La « loi Perben II [16] [Voir « Modèle<br />

suivi ? Allah loupe ! », p. 331] introduit<br />

[en effet] en droit français des dispositions<br />

de procédure pénale états-unienne<br />

(comme le plaider-coupable ou l'infiltration),<br />

transcrit les dispositions de la<br />

Convention européenne d'entraide judiciaire<br />

[18] et légalise, en une phrase<br />

sibylline [19], l'accord européo-étatsunien.<br />

Ce dernier point a été adopté en première<br />

lecture par l'Assemblée nationale<br />

sans que les députés en aient conscience.<br />

Le rapport de Jean-Luc Warsmann<br />

indique, à tort, qu'il s'agit d'une entraide<br />

avec la Norvège, l'Islande et la<br />

Suisse [20]. Le pot aux roses est découvert<br />

par le sénateur François Zocchetto,<br />

lors du vote en première lecture au<br />

Sénat. Mais, il n'en comprend pas toutes<br />

les conséquences [21]. L'article ayant<br />

été adopté dans les mêmes termes par<br />

les deux assemblées, il ne sera jamais<br />

discuté.<br />

Cette [...] manipulation [... légalise] l'intervention<br />

du FBI, y compris pour des<br />

Survie surveillée 478<br />

missions d'infiltration, sur le territoire<br />

français dans toute affaire de lutte<br />

contre le terrorisme, contre la criminalité<br />

organisée et contre le trafic de drogues.<br />

L'Attorney general des États-Unis est simplement<br />

tenu d'informer [...] le Garde<br />

des sceaux français. [...]<br />

[Le] Conseil de coordination du renseignement<br />

de Justice [...] permettra à la<br />

CIA et autres services secrets [...] de s'engouffrer<br />

dans la brèche. Ainsi, d'irrégularités<br />

juridiques en manipulations parlementaires,<br />

la France a légalisé les activités<br />

d'infiltration des services secrets<br />

états-uniens sur son territoire, incluant<br />

l'irresponsabilité pénale des agents, l'autorisation<br />

de transport de produits illicites,<br />

la sanction des journalistes qui<br />

révéleraient l'identité des agents infiltrés,<br />

etc. » [11] C'est quand même plus sûr.<br />

[1] : (Cf. Jean-Claude Paye, « La coopération policière et<br />

judiciaire entre les Etats-Unis et l’Europe », Les Temps<br />

modernes, n° 626, 2/2004)<br />

[2] : (Jean-Claude Paye, « Le coup de l’état d’exception<br />

permanent », Justice, n° 179, 5/2004, pp. 15-17, (7 euros<br />

62, Justice, Syndicat de la magistrature, BP 155, F-75523<br />

Paris cedex 11))<br />

[3] : (David Lange, Préface à Nicky Hager, « Secret Power,<br />

New Zealand's Role in The International Spy Network »,<br />

Craig Potton Publishing, Nelson, Nouvelle-Zélande, 1996)<br />

[4] : (François Didier, « Tchétchénie : collaboration germano-russe<br />

», Libération, 14/4/2000)<br />

[5] : (« Le secret embarras des Français au sujet<br />

d'Echelon », Le Monde du renseignement, 16/3/2000)<br />

[6] : (Philippe Rivière, « Le renseignement américain<br />

en accusation. Petits débats sur Echelon »,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr, 18/4/2000)<br />

[7] : (« Annonce du sommet Union Européenne / États-<br />

Unis à Washington », Réseau Voltaire, 23/6/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10150.html, d’après le<br />

service de presse de la Commission européenne)<br />

[8] : (« Traité sur l'Union européenne (version<br />

consolidée) », Journal officiel, n° C 325, 24/12/2002,<br />

europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=O<br />

J:C:2002:325:0005:0032:FR:PDF)<br />

[9] : (art. 11)<br />

[10] : (http://www.admi.net/jo/20060107/MAEJ053010<br />

4D.html)<br />

[11] : (« La France autorise l'action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, n° 72, 9/3/2004, p. 3,<br />

http://www.voltairenet.org/article12786.html)<br />

[12] : (Pierre Fauchon, « Entraide judiciaire en matière<br />

pénale. Proposition de résolution », Sénat, Session<br />

Ordinaire de 2004-<strong>2005</strong>, Annexe au procès-verbal de la


séance du 10/3/<strong>2005</strong>, http://www.senat.fr/leg/ppr03-<br />

070.html, cité in « Tentative avortée de proposition de<br />

résolution au Sénat », http://www.prison.eu.org/article.p<br />

hp3?id_article=7641)<br />

[13] : (Rapport d'information [...] sur la coopération judiciaire<br />

entre l'Union européenne et les Etats Unis<br />

d'Amérique, présenté par Didier Quentin, Assemblée<br />

nationale, 19/3/2003, http://www.assembleenationale.fr<br />

/12/europe/rap-info/i0716.asp)<br />

[14] : (« Création du Conseil de coordination du renseignement<br />

de Justice », Voltaire, 26/2/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12682.html)<br />

[15] : (« Ashcroft veut intégrer les polices anti-terroristes<br />

dans l'OTAN », Voltaire, 19/3/2004, http://www.voltairenet.org/article12958.html)<br />

[16] : (Journal officiel, 9/3/2004 ; « La loi Ashcroft-<br />

Perben II », Voltaire, n° 59, 19/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12574.html)<br />

[17] : (Cf. par ex. http://www.droit-ntic.com/dos/aff.php?<br />

id_dos=4)<br />

[18] : (« Convention européenne d'entraide judiciaire »,<br />

20/4/1959, reprod. in http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_3<br />

51_1/index.html)<br />

[19] : (art. 6)<br />

[20] : (Cf. Rapport n° 856, Assemblée nationale,<br />

14/5/2003, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r0856-t1.asp)<br />

[21] : (Cf. Rapport n° 441, Sénat, 24/9/2003,<br />

http://www.senat.fr/rap/l02-441/l02-441.html)<br />

« Officiellement,<br />

la France et<br />

l'Allemagne<br />

désapprouvent<br />

la torture pratiquée par la CIA à<br />

Guantanamo [Voir « Sensible privation<br />

», p. 516] et dans les "Black Sites"<br />

[Voir « Outplacement », p. 513].<br />

En réalité, la [... France collabore et les]<br />

services des renseignements généraux<br />

et de la sécurité allemands envoient<br />

régulièrement leurs représentants aux<br />

réunions dans [une] caserne située près<br />

de Paris. » [1] « Depuis février 2003, [en<br />

effet,] l'Allemagne, les USA, la France, la<br />

Grande-Bretagne, le Canada et<br />

l'Australie ont créé une agence de renseignements<br />

en Europe [...,] "Camolin"<br />

[..., pour] l'identification [... et] l'arrestation<br />

de personnes susceptibles d'appar-<br />

tenir au réseau Al-Qaïda. [...]<br />

Grâce à [...] cette agence de renseignements,<br />

la CIA [... peut] agir sur le continent<br />

européen, en toute "légalité" [... ;]<br />

le gouvernement américain, [se disant]<br />

convaincu que l'Europe est l'épicentre<br />

du Djihad : "Dans la société européenne<br />

vivent dix millions de musulmans non<br />

intégrés." [Voir « On trouvera bien un<br />

coupable arabe », p. 275]<br />

En pratique : les membres de "Camolin"<br />

livrent la biographie de terroristes présumés.<br />

Au moindre soupçon, les États sont<br />

tenus de transmettre les informations à<br />

la base de données de la caserne parisienne,<br />

reliée aux services secrets des<br />

pays-membres. On y centralise notamment<br />

les écoutes téléphoniques, les messages<br />

interceptés… » [1] Encore un<br />

centre...<br />

[1] : (Georg Mascolo & Holger Stark, « In Paris arbeiten<br />

europäische Nachrichtendienste mit der CIA in einem<br />

Anti-Terror-Zentrum zusammen - das Projekt ist ebenso<br />

heikel wie geheim. », Der Spiegel, 13/11/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.spiegel.de/spiegel/0,1518,384626,00.html,<br />

trad. fr. : « À Paris, des services de renseignements<br />

européens collaborent avec la CIA dans un centre antiterroriste<br />

- entreprise aussi sensible que secrète. »,<br />

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=46439)<br />

479 Survie surveillée


« Au niveau sécuritaire, les exigences<br />

ont explosé après les événements du<br />

11 septembre 2001. » [1] [Voir « Neuf !<br />

Hein ? Hein ? », p. 610] Dans le monde<br />

entier, ces « attaques spectaculaires<br />

[...] donnèrent lieu d’emblée à une surenchère<br />

de dispositifs visant à accumuler<br />

un savoir précis sur des millions de<br />

personnes, afin d’en extraire des renseignements<br />

sur la potentielle malfaisance<br />

de quelques individus. » [2]<br />

« A tout instant de la vie quotidienne,<br />

des technologies tracent et analysent<br />

[ainsi] insidieusement les activités et les<br />

opinions de chaque Français. Entre exigences<br />

de sécurité et battues commerciales,<br />

personne n'est à l'abri » [1]. « On<br />

radiographie les voyageurs et le contenu<br />

de leurs bagages, on stocke les données<br />

biométriques, on surveille les portables,<br />

on archive des myriades de numéros de<br />

téléphone, on numérise les empreintes<br />

digitales, on croise les fichiers géants<br />

d’administrations ou d’entreprises. » [2]<br />

On a assisté à « la création d'un nouveau<br />

"complexe industriel-sécuritaire". À l'ère<br />

de l'informatique, une part toujours plus<br />

importante de nos activités est suivie et<br />

enregistrée par des entreprises privées<br />

[Voir « Fichiers à la fin », p. 447], et ces<br />

renseignements sont de plus en plus<br />

souvent mis à la disposition des gouvernements.<br />

[... Les] entreprises d'informatique<br />

et de technologie, [... mais aussi<br />

les] services de renseignements et de<br />

Survie surveillée 480<br />

sécurité, qui devaient justifier leur existence<br />

après la fin de la guerre froide, ont<br />

trouvé dans la "guerre contre le terrorisme"<br />

une occasion sans précédent d'augmenter<br />

leurs pouvoirs [...]. Ce nouveau<br />

complexe industriel-sécuritaire est devenu<br />

un puissant moteur du projet de surveillance<br />

globale. » [3]<br />

Et dans certains cas « où l’efficacité se<br />

révèle très grande (comme les méthodes<br />

de saisie et de recoupement informatisé<br />

d’indices utilisées par la police britannique<br />

pour arrêter les nationalistes irlandais,<br />

et, par extension, pour découvrir<br />

les membres d’un groupe terroriste<br />

grec), il semble qu’elle soit due à une<br />

combinaison de méthodes où l’inhumain<br />

prend une part grandissante. » [4]<br />

« Des multinationales [...] vont engranger<br />

d'énormes bénéfices grâce à la vente<br />

de bases de données, de lecteurs de<br />

données biométriques, de programmes<br />

d'exploration des données et d'autres<br />

technologies nouvelles en matière de<br />

surveillance et de contrôle. » [3]<br />

« La plupart des grands groupes industriels<br />

[...] proposent [...] "de [la] sécurité"<br />

[... Il y a une] croissance [... générale<br />

des moyens de contrôle :] de l’AFIS<br />

(Automatic Finger Imaging System –<br />

comparaison d’une empreinte avec<br />

celles que contiennent les banques de<br />

données informatisées) ou de la classique<br />

CCTV (Closed Circuit Television –<br />

surveillance vidéo) [Voir « Je passe à la<br />

télé ! », p. 385], de l’EM (Electronic<br />

Monitoring – contrôle des individus à<br />

distance) ou de l’EMHA (Electronic<br />

Monitored House Arrest – bracelets-mouchards<br />

électroniques), de l’universel GPS<br />

(Global Positioning System, adapté au<br />

suivi des personnes), de la RFID [Voir<br />

« Erre, affidé ! », p. 398] [...], ou de<br />

toutes sortes de "X-Ray Systems" adaptés<br />

à la radiographie des passagers, sans


parler des nombreux logiciels pour traiter<br />

le renseignement. Partout, les offres<br />

technologiques prolifèrent. » [2]<br />

Elles envahiront même bientôt les supérettes.<br />

« Longtemps réservés aux services<br />

secrets, les caméras miniatures, les<br />

micros cachés et les stéthoscopes<br />

capables d'écouter à travers des murs de<br />

béton armé sont aujourd'hui interdits<br />

d'utilisation, mais en vente libre dans le<br />

commerce. Sans compter un arsenal de<br />

produits grand public, de l'appareil<br />

photo numérique miniaturisé au smartphone<br />

dernier cri, tous faciles à détourner<br />

de leur usage premier. » [5]<br />

Les hommes comme le matériel sont disponibles<br />

pour tout. « Désormais, la plupart<br />

des groupes spécialisés en sécurité<br />

[Voir « Il est canon », p. 650] distribuent<br />

presque indifféremment leurs personnels<br />

entre la surveillance de locaux, le<br />

gardiennage de prison [Voir « Critique<br />

de la zonzon pure », p. 346], le métier<br />

de garde du corps et celui d’"officier<br />

de sécurité", [... voire pour les] armées<br />

officielles.<br />

En témoigne l’alliance des multinationales<br />

Wackenhut, Serco, Group 4-Falk (à<br />

bases américano-britannico-canado-suédoises),<br />

qui pèse annuellement 5 milliards<br />

de dollars, emploie 360 000 personnes<br />

et couvre 100 pays. Leurs services<br />

vont de la gestion de prisons privées<br />

(63 prisons et 67 000 détenus aux<br />

Etats-Unis), aux polices privées diverses,<br />

jusqu’à l’entraînement de compagnies<br />

entières de sécurité militaire... en passant<br />

par la recherche-développement<br />

sur le contrôle à distance des condamnés<br />

et sur la mise au point de systèmes<br />

d’identification et de traque. [...]<br />

Wackenhut a pu être mis en cause dans<br />

le traitement de détenus américains<br />

[...] CACI International ou la Titan<br />

Corporation, très engagés dans la<br />

"Homeland Security" [nouvelle sécurité<br />

intérieure] [Voir « Homeland, Sweet<br />

homeland », p. 475], ont été cités lors<br />

des scandales des tortures infligées par<br />

des contractants civils encadrés par la<br />

CIA dans les centres pénitentiaires gérés<br />

par l’armée américaine en Irak (Abou<br />

Ghraib) [Voir « Outplacement », p. 513]<br />

ou dans la baie de Guantanamo [6].<br />

[Voir « Sensible privation », p. 516] [...]<br />

Titan effectue aussi des recherches sur<br />

les empreintes biométriques [...]. Sur le<br />

plan technologique, les applications<br />

scientifiques, militaires et policières se<br />

mêlent tout aussi inextricablement.<br />

Ainsi, en France, la Sagem produit des<br />

hélicoptères, des drones, des viseurs,<br />

des simulations, des terminaux sécurisés<br />

de jeu ou de cartes de crédit. Mais elle<br />

est aussi devenue le numéro un mondial<br />

des mesures d’empreintes digitales, et<br />

propose enfin des "solutions gouvernementales"<br />

sur [...] la gestion de crise. [...]<br />

Les laboratoires Sandia – partenaire classique<br />

du système militaro-industriel américain<br />

– mettent [notamment] au point la<br />

traque des prisonniers à l’aide des systèmes<br />

de localisation par satellites<br />

(GPS) » [2] [Voir « Ça t'irrite ? », p. 419].<br />

« L'Union européenne a lancé un nouveau<br />

programme de "recherche en<br />

matière de sécurité", dans le but de<br />

concurrencer les États-Unis dans le<br />

domaine des technologies liées à la<br />

sécurité. L'un des objectifs de ce programme<br />

est de lever le cloisonnement<br />

entre la recherche civile et la recherche<br />

militaire, afin que toutes deux servent à<br />

des fins militaires, économiques et de<br />

politique étrangère. Le Canada a lui<br />

aussi injecté des milliards de dollars dans<br />

les technologies de la sécurité et de la<br />

surveillance.<br />

Les grands projets de surveillance entrepris<br />

par les États-Unis, tels que US VISIT<br />

481 Survie surveillée


[Voir « Bienvenue au Pays de la<br />

Liberté ! », p. 375], MATRIX [Voir « Ma<br />

Trique », p. 459], CAPPS II [Voir « T'es pas<br />

CAPPS », p. 467] et les programmes de<br />

Terrorism Information Awareness [Voir<br />

« T'y as tout », p. 456], sont une véritable<br />

mine d'or pour les entreprises de technologies.<br />

Ces<br />

sociétés ont rapidementcherché<br />

à créer des<br />

liens avec les<br />

appareils de<br />

sécurité de [plusieurs]<br />

pays<br />

dans l'espoir de<br />

vendre des<br />

technologies de<br />

contrôle de<br />

plus en plus envahissantes.<br />

» [3]<br />

« Enfin, une fois<br />

assurée la connexion<br />

aux<br />

autres systèmes<br />

informatisés<br />

(cartes sanitaires<br />

ou cartes de crédit avec ou "sans<br />

contact", signatures électroniques sur<br />

Internet, etc.), la fusion radio-informatique<br />

des informations, des traces et du<br />

corps crée une nouvelle socialité où Etat<br />

et entreprises se confondent dans un<br />

effet de toute-puissance sur la personne.<br />

[L’enchaînement] des innovations de<br />

sécurité nous révèle ainsi, en pointillés<br />

de plus en plus rapprochés, un projet de<br />

société géré par la collaboration sans<br />

frein des puissances privées et des institutions<br />

publiques.<br />

Après ce déploiement technologique<br />

préparant la "société de contrôle", [... on<br />

note] la fusion progressive entre la peur<br />

de l’ennemi et la défiance envers le<br />

citoyen, entre le militaire et le policier...<br />

Le phénomène atteint la plupart des<br />

Survie surveillée 482<br />

pays occidentaux, qui réorientent en<br />

partie leur course aux armements vers<br />

l’escalade de sécurité civile [..., tandis<br />

que les] revues militaires banalisent<br />

l’idée de "fantassin en contrôle de<br />

foule". » [2] [Voir « Est-ce sot, Sissone ? »,<br />

p. 364]<br />

« L’Etat est [...]<br />

indispensable<br />

pour défricher<br />

les bases d’une<br />

nouvelle organisationsociotechnique<br />

de la<br />

société. [... Par<br />

exemple, pour<br />

instituer] un<br />

nouveau support<br />

universel<br />

d’identification<br />

[Voir « L’IN-<br />

ES paierait »,<br />

p. 378]. » [2]<br />

« Les commandes<br />

de l’"Etat<br />

sécuritaire"<br />

sont aussi massives<br />

que celles de l’ancien Etat-providence.<br />

Les budgets publics soutiennent<br />

[notamment] le marché de la biométrie,<br />

estimé à plusieurs dizaines de milliards<br />

de dollars en 2007. » [2] [Voir « Label Bio<br />

», p. 388] La domination mondiale soumet<br />

les habitants grâce aux pouvoirs<br />

régaliens des Etats locaux.<br />

On nous avait prévenus : « la sécurité<br />

est la plus grande ennemie des<br />

mortels. » [7]<br />

[1] : (« Quand la technologie nous trahit », Le Figaro,<br />

6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILL<br />

EURDESMONDES.htm)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17, http://w<br />

ww.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[3] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi


nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[4] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[5] : (« Alerte, on vous espionne ! », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[6] : (Cf. Ignacio Ramonet, « Irak. Histoire d’un désastre »,<br />

Galilée, <strong>2005</strong>)<br />

[7] : (William Shakespeare, « Macbeth », II, 5, trad. fr.<br />

Maurice Maeterlinck, Gallimard, La Pleïade, 1959, cité par<br />

Paul Watzlawick, « Comment réussir à échouer. Trouver<br />

l'ultrasolution », 1986, trad. fr. Seuil, 5/1988, p. 10)<br />

« Pourquoi, malgré son inefficacité<br />

avérée [Voir « Bon profil », p. 388] et<br />

sa disproportion par rapport à l’objectif,<br />

se [maintient-il] une fringale<br />

[...] d’informatisation de données personnelles<br />

et de traces corporelles, de<br />

suivi tactile, visuel, thermique, olfactif<br />

et radiofréquentiel des êtres<br />

humains, partout ? Pourquoi photographier<br />

les Londoniens 300 fois par<br />

jour, et les filmer continuellement avec<br />

2,5 millions de caméras disséminées<br />

[Voir « Je passe à la télé ! », p. 385], puisqu’on<br />

sait que cela n’a pas empêché les<br />

terroristes de déclencher leurs bombes le<br />

7 juillet [2004] ? Pourquoi vouloir retourner<br />

aux cartes d’identité obligatoires<br />

[Voir « L'Ines paierait ? », p. 378] et abandonner<br />

les principes de la privacy [1],<br />

[...] "sphère interdite à l’Etat", [et du]<br />

droit positif à l’anonymat [...] de chacun<br />

face aux puissances publiques et privées ?<br />

[... Sans doute parce que] les institutions<br />

et les entreprises [trouvent] dans la ges-<br />

tion de la peur un gisement durable de<br />

pouvoir, de contrôle et de profit. Depuis<br />

le 11-Septembre, la politique de<br />

M. George W. Bush propose [... de]<br />

remobiliser la planète entière autour de<br />

l’objectif sécuritaire [...], le gisement<br />

d’angoisse [...] n’est pas près de<br />

tarir. » [2] « Dans un jeu de surenchère<br />

[...], l’échec de chaque technologie justifie<br />

le déploiement d’un arsenal toujours<br />

plus complexe… et toujours aussi peu<br />

"efficace" au regard de ses objectifs<br />

avoués.<br />

Mais l’essor du marché de la peur a<br />

d’autres ressorts, plus clandestins […]. La<br />

provocation, saisissant les peuples dans<br />

l’effroi indigné, se révèle possible à tout<br />

moment. L’urgence légitimant l’action<br />

sans garantie démocratique, les entreprises<br />

et les institutions qui vendent de la<br />

"sécurisation" peuvent s’engager à fond<br />

dans le [...] "business de la peur" [3] [...],<br />

sûres d’être soutenues par les Etats, bien<br />

qu’un climat d’inquiétude nuise ordinairement<br />

aux affaires.<br />

Ainsi se construit, sous prétexte d’un<br />

danger protéiforme, une armada mondiale<br />

de la sécurité, dont les convergences<br />

rapides et fonctionnelles donnent<br />

à penser qu’il s’agit du noyau d’un<br />

nouveau capitalisme en gestation : un<br />

capitalisme de la peur. […] La politique<br />

de la peur l’emportera- t-elle ? Alors, les<br />

légendaires terroristes auront atteint leur<br />

but : [depuis le 11 septembre 2001], ils<br />

auront transformé les grandes démocraties<br />

en forteresses paranoïaques étouffant<br />

leurs propres citoyens. » [2] A croire<br />

que les attentats sont faits pour.<br />

« Quatre mouvements intriqués structurent<br />

cette mutation :<br />

– une accélération des connexions entre<br />

innovations dans différents segments du<br />

marché de la peur : identification, surveillance,<br />

protection, arrestation, détention ;<br />

483 Survie surveillée


– une fusion entre [d’une part] reconversion<br />

des industries de guerre [Voir « Il est<br />

canon », p. 650] et des organisations<br />

militaires dans la formation et l’équipement<br />

de forces répressives [et d’autre<br />

part] militarisation concomitante des<br />

forces de sécurité civile ;<br />

– une articulation grandissante entre<br />

puissances publiques et puissances privées,<br />

tant en matière de contrôle des<br />

identités que de capacité à contraindre<br />

et interdire ;<br />

– une poussée idéologique, conjointement<br />

menée dans les domaines juridique,<br />

politique, administratif, économique<br />

et médiatique, visant à pérenniser<br />

l’angoisse "sécurisable" et à faire accepter<br />

le contrôle préventif généralisé<br />

comme nouvelle normalité de l’existence<br />

humaine. » [2] [Voir « "La France a<br />

peur" », p. 256] « Mais [...] penser que le<br />

salut viendra de ce tout-technologique<br />

relève du fantasme. "D'abord parce que<br />

la délinquance, celle qui justifie ces<br />

moyens, s'est depuis longtemps adaptée<br />

aux nouvelles technologies. Ensuite<br />

parce qu'une machine seule est aveugle.<br />

Elle n'est rien sans la main et le regard<br />

de l'homme." [4] [...] Par ailleurs, la<br />

conservation de données numériques,<br />

stockables à l'infini en théorie, s'avère<br />

compliquée et onéreuse. » [5]<br />

« L’efficacité semble résider dans la peur<br />

que la menace de "détection" crée dans<br />

le public [..., dans l’effet d’intimidation].<br />

[...] Dans le seul but d’impressionner, les<br />

pouvoirs policiers – publics et privés –<br />

ont toujours utilisé les techniques<br />

d’avant-garde... même lorsqu’elles fonctionnent<br />

mal. Il n’est donc pas étonnant<br />

qu’ils s’entêtent devant l’échec. » [6]<br />

C'est « [encore] plus évident [... avec les<br />

prétentions du] neurologue américain<br />

Larry Farwell (coqueluche du FBI et de la<br />

CIA), selon [lequel] on pourrait désor-<br />

Survie surveillée 484<br />

mais reconnaître l’intention d’une personne<br />

en lisant les images issues d’un<br />

scanning de son activité cérébrale (brain<br />

fingerprinting). » [6] Arnaque. On ne<br />

peut que repérer la préparation à un<br />

mouvement lors d’un bref instant avant<br />

l’action. Rien de plus.<br />

[1] : (Didier Bigo, Audition par la Cnil, 11/3/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[3] : (André Weinfeld)<br />

[4] : ( Laurent Mucchielli)<br />

[5] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[6] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

C’est général, mon général<br />

On réalisa dès début 2002 « "le top 15 des<br />

pays au sein desquels les dérives sécuritaires<br />

et les entorses [à la liberté] ont été les<br />

plus nombreuses et les plus graves." » [1]<br />

On y put lire le « détail des législations<br />

adoptées [dans le monde] après le 11 septembre<br />

[2] » [3], qui facilitent les atteintes,<br />

arbitraires ou légalisées, à la liberté de la<br />

presse et de l'information sur Internet, qui<br />

se multiplient.<br />

« Verdict : cinq États habituellement<br />

labellisés comme défenseurs des libertés<br />

individuelles sont rangés [aux] cinq premières<br />

places. Les États-Unis arrivent largement<br />

en tête "grâce" à l'arsenal mis en<br />

place par l'administration Bush pour traquer<br />

les terroristes. » [1] La France n'est<br />

que quatrième !<br />

[1] : (Estelle Dumout, « La France classée 4e du top 15<br />

des pays liberticides », ZDNet France, 18/1/2002,<br />

http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,-<br />

2102790,00.htm)<br />

[2] : (Cf. Collectif Libertés Immuables, « Le Top 15 des<br />

États les plus liberticides », reprod. in http://www.lsijolie.net/breve.php3?id_breve=172)<br />

[3] : (« Terrorisme d’État. 1980 : carnage à Bologne, 85<br />

morts », n. 8, Voltaire, 12/3/2004, http://www.voltairenet.org/article12840.html#nb8)


« Si la lutte contre le terrorisme est<br />

évoquée pour "justifier" la surveillance<br />

des citoyen-ne-s, ses promoteurs<br />

recourent eux-mêmes à des manœuvres<br />

de déstabilisation qui en<br />

font les complices, directs ou indirects,<br />

de pratiques terroristes. » [1]<br />

[Voir les premières parties de cet<br />

ouvrage]<br />

« Les attentats meurtriers de juillet [<strong>2005</strong><br />

à Londres] s’inscrivent dans une suite<br />

d’actes visant surtout les nations impliquées<br />

dans l’occupation militaire au<br />

Proche-Orient. Ils sont les produits d’une<br />

guerre asymétrique [2] qui laisse peu de<br />

choix à ceux qui – religieux ou non –<br />

pensent combattre une "croisade"<br />

menée pour contrôler des ressources<br />

plus que pour exporter la démocratie.<br />

Cela dit, résistance ou terrorisme<br />

aveugle [plus ou moins instrumentalisés],<br />

les pays frappés doivent protéger<br />

leurs citoyens. Et comme l’ont enfin<br />

admis les dirigeants du G8, la solution<br />

profonde à la violence est l’éradication<br />

de l’oppression et de la pauvreté [3]. A<br />

plus court terme, les Espagnols ont choisi<br />

une défense efficace après l’horrible<br />

attentat qui fit 186 morts le 11 mars<br />

2004 à Madrid [avec] le retrait de leurs<br />

troupes d’occupation d’Irak, couplé à<br />

une diligente enquête policière.<br />

Ce n’est pas la voie empruntée par les<br />

autres grands pays concernés : priorité a<br />

été plutôt donnée à une réponse "tech-<br />

nocentrée", visant [... les étrangers et]<br />

l’ensemble des populations. » [4]<br />

« [En juillet <strong>2005</strong>,] de Villepin a [... prévenu]<br />

qu'un projet de loi était en préparation<br />

pour adapter les textes existant<br />

sur la vidéosurveillance [Voir « Je passe à<br />

la télé ! », p. 385] et la téléphonie [Voir<br />

« L'Oreille est hardie », p. 441] aux<br />

menaces terroristes. [...] Car "les kamikazes<br />

sont "une nouvelle forme d'attaques<br />

[...], qui n'était pas prévisible il y<br />

a quelques années" [...].<br />

Le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme<br />

[... que préparait] Sarkozy pour<br />

la rentrée [<strong>2005</strong>] portera sur "la vidéosurveillance<br />

enregistrée, la définition de<br />

listes de passagers à risque, la surveillance<br />

du réseau Internet et la conservation<br />

des données téléphoniques", a [alors]<br />

précisé Dominique de Villepin. » [5]<br />

« Après les attentats de Londres, "nous<br />

devons mettre en oeuvre toutes les<br />

mesures de sécurité et de vigilance qui<br />

s'imposent", a souligné [... Villepin. Mais]<br />

"[il] n'est pas question pour nous de rentrer<br />

dans des logiques d'exception". [...<br />

Car, rassure le Premier ministre,] "le projet<br />

de loi fera l'objet de la concertation<br />

indispensable [... ;] notre ambition, c'est<br />

le plus grand consensus possible", car "le<br />

meilleur atout d'une démocratie face au<br />

terrorisme, c'est la démocratie" et "le respect<br />

de la règle de droit". » [5]<br />

[1] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain.<br />

2ème partie. La restauration reaganienne (1980-1988),<br />

Ecologie Sociale la revue, n°4, 5/2003, p. 21, (3,5 euros)<br />

(BP 642, F-85016 La Roche-sur-Yon Cedex))<br />

[2] : (Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, « Les<br />

Guerres asymétriques », PUF, 2002)<br />

[3] : (Sommet du G8, Gleneagles, Royaume-Uni, 7/<strong>2005</strong>)<br />

[4] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[5] : (« Terrorisme : la France va adapter ses textes sur la<br />

vidéosurveillance ou la téléphonie aux nouvelles<br />

menaces », nouvelobs.com, 27/7/<strong>2005</strong>, http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=politique/<strong>2005</strong>0727.-<br />

FAP1945.html, d'après AP)<br />

485 Survie surveillée


Vue « l’érosion de l’"ancien" modèle<br />

des libertés civile [...], des résistances<br />

se manifestent : du sommet de Madrid<br />

contre le terrorisme [1] [...], où les participants<br />

ont réaffirmé l’"absurdité" de<br />

combattre la terreur par la limitation des<br />

libertés » [2] et « que "la lutte contre le<br />

terrorisme doit se faire dans le respect<br />

des droits de l’homme, des libertés fondamentales<br />

et de l’Etat de droit" [..., jusqu'au]<br />

Parlement européen déposant un<br />

recours contre l’accord Etats-Unis -<br />

Union européenne sur les données des<br />

passagers aériens [Voir « Paix et nerfs »,<br />

p. 421], ou aux populations espagnole<br />

et britannique opposant un superbe<br />

sang-froid civique à la provocation. » [2]<br />

Constat : « Alors que cette nouvelle<br />

norme de la politique états-unienne est<br />

loin de garantir une amélioration de la<br />

sécurité [..., elle a] un coût disproportionné<br />

en terme de libertés individuelles<br />

et collectives et éloigne progressivement<br />

le pays d'un État de droit. » [3]<br />

On a assisté à « la trahison consternante<br />

des valeurs démocratiques par le gouvernement<br />

des États-Unis et de certaines<br />

autres démocraties, dans leur volonté de<br />

mettre en œuvre le projet de surveillance<br />

globale. Pour parvenir à leurs fins, les<br />

gouvernements n'ont pas hésité à :<br />

- suspendre le contrôle exercé par les tribunaux<br />

sur les activités des agents de<br />

l'application de la loi et [sur celles] des<br />

fonctionnaires<br />

Survie surveillée 486<br />

- concentrer des pouvoirs sans précédent<br />

entre les mains de l'exécutif<br />

- contourner le contrôle démocratique et<br />

le débat par la branche législative du<br />

gouvernement, en imposant des politiques<br />

par le truchement d'organes<br />

transnationaux non-élus qui ne rendent<br />

de comptes à personne<br />

- passer outre à des mesures fermement<br />

établies de protection de la vie privée<br />

des citoyens<br />

- ignorer les garanties constitutionnelles<br />

et faire reculer les principes de droit<br />

pénal [... et] de justice fondamentale<br />

dans l'application de la loi, [principes]<br />

qui protègent les droits des citoyens face<br />

aux pouvoirs de l'État ([tels] que la présomption<br />

d'innocence, l'habeas corpus,<br />

le secret professionnel de l'avocat, le<br />

droit à un procès public, le droit de<br />

connaître la preuve et de la réfuter, les<br />

motifs raisonnables de perquisition ou<br />

de saisie, le droit de garder le silence)<br />

- saper la liberté d'expression et la liberté


[d'association.]<br />

Lorsque des régimes répressifs ont adopté<br />

des mesures de surveillance et de<br />

fichage de la population, ils ont maintenu<br />

ou aggravé le statu quo. » [4]<br />

« Ce climat encourage les attaques toujours<br />

moins scrupuleuses des principes<br />

de confidentialité établis par la<br />

Commission des droits de l’homme de<br />

l’ONU » [2], au lieu de « placer la protection<br />

véritable et le développement<br />

des citoyens – dans son sens le plus complet,<br />

y compris la protection de nos<br />

droits – au [cœur] de toute politique de<br />

sécurité » [5].<br />

« Ainsi, la Fédération française des assureurs<br />

prétend désormais accéder aux<br />

données personnelles des feuilles de<br />

soins électroniques, envisageant tranquillement<br />

la fin du secret médical. Le<br />

Parlement australien a adopté des lois<br />

permettant à la police d’espionner les<br />

courriels. L’Etat suisse écoute les téléphones<br />

portables, les hommes politiques<br />

allemands sont de plus en plus sensibles<br />

au slogan "Datenschutz ist täterschutz"<br />

("protéger les données, c’est protéger les<br />

criminels"). » [2]<br />

« L'exemple donné par les pays occidentaux<br />

permet aux gouvernements des<br />

pays moins démocratiques d'affermir<br />

leur emprise sur le pouvoir; il agit<br />

comme un feu vert pour toutes les<br />

atteintes aux droits de la personne et<br />

d'autres formes de violations. » [4] C'est<br />

le progrès.<br />

[1] : (« Démocratie, terrorisme et sécurité », 17-18/5/2002.<br />

Sommet UE - Amérique latine et Caraïbes)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[3] : (Sources ouvertes (n° 135) : « Les États-Unis se détournent<br />

de leur Constitution », Réseau Voltaire, 30/9/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10672.html, d’après le<br />

Rapport du Lawyer Committee For Human Rights,<br />

http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/Assessi<br />

ngtheNewNormal.pdf)<br />

[4] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[5] : (« Campagne internationale contre la surveillance globale.<br />

Déclaration », s.d., http://www.i-cams.org/Declarati<br />

on_Fr.html)<br />

Bien sûr, « "[...] l'industrie de l'armement<br />

[Voir « Il est canon », p. 650]<br />

investit dans le matériel d'identification<br />

et d'information [..., d’autant<br />

que lutter] contre le terrorisme est<br />

une logique de police, la guerre<br />

contre l'immigration est une affaire<br />

de police. Il y a des milliards en jeu.<br />

[... Comment] les industries de la peur<br />

vont-elles [...] influencer les gens,<br />

convaincre les politiques ? Et quelle va<br />

être la capacité de la société civile à résister<br />

à ce business ?<br />

[... L'acceptation] et le volontariat sont<br />

des conditions quasi indispensables au<br />

développement de ces nouvelles techniques.<br />

[... Est donc utilisé] le goût spontané<br />

pour le contrôle, le plaisir d'épier<br />

son voisin. Plus on accorde de crédit à ce<br />

système, plus on l'entretient, ouvrant<br />

ainsi la porte aux sociétés totalitaires. On<br />

sait que celles-ci font beaucoup souffrir,<br />

mais qu'elles ne survivent pas. [...]" [1] » [2].<br />

Déjà, le « fascisme a été une défense<br />

extrémiste de l'économie bourgeoise<br />

menacée par la crise et la subversion<br />

prolétarienne, [l’établissement d’un] état<br />

487 Survie surveillée


de siège dans la société capitaliste, par<br />

lequel cette société [se] sauve, et se<br />

donne une première rationalisation d'urgence<br />

en faisant intervenir massivement<br />

l'Etat dans sa gestion. Mais une telle<br />

rationalisation est elle-même grevée de<br />

l'immense irrationalité de son moyen.<br />

Si le fascisme se porte à la défense des<br />

principaux points de l'idéologie bourgeoise<br />

devenue conservatrice (la famille,<br />

la propriété, l'ordre moral, la nation) en<br />

réunissant la petite-bourgeoisie et les<br />

chômeurs affolés par la crise ou déçus<br />

par l'impuissance de la révolution socialiste,<br />

il n'est pas lui-même foncièrement<br />

idéologique. Il se donne pour ce qu'il<br />

est : une résurrection violente du mythe,<br />

qui exige la participation à une communauté<br />

définie par des pseudo-valeurs<br />

archaïques : la race, le sang, le chef. Le<br />

fascisme est l'archaïsme techniquement<br />

équipé. Son ersatz décomposé du mythe<br />

est repris dans le contexte spectaculaire<br />

des moyens de conditionnement et<br />

d'illusion les plus modernes.<br />

Ainsi, il est un des facteurs dans la formation<br />

[de la société] moderne, de<br />

même que sa part dans la destruction de<br />

l'ancien mouvement ouvrier fait de lui<br />

une des puissances fondatrices de la<br />

société présente ; mais comme le fascisme<br />

se trouve être la forme la plus coûteuse<br />

du maintien de l'ordre capitaliste,<br />

il devait normalement quitter le devant<br />

de la scène [qu’ont occupé ensuite] les<br />

grands rôles des Etats capitalistes, éliminé<br />

par des formes plus rationnelles et<br />

plus fortes de cet ordre. » [3] Mais une<br />

nouvelle crise de la représentation<br />

(politique, médiatique, scientifique,<br />

philosophique, dramaturgique, ...) le<br />

fait revenir.<br />

« Dans le passé, chaque tyrannie finissait,<br />

un jour ou l'autre, par être renversée,<br />

ou au moins combattue, parce<br />

Survie surveillée 488<br />

qu'ainsi le voulait la nature humaine,<br />

éprise comme il se doit de liberté. [...] Il<br />

se pourrait [... cependant] que l'on parvienne<br />

à créer [... des] hommes n'aspirant<br />

pas à la liberté, comme on pourrait<br />

[créer, si elle n’existait déjà,] une race de<br />

vaches sans cornes » [4].<br />

C'est un travail de longue haleine, mais<br />

« le partage du travail idéologique entre<br />

lobbies industriels, administrations policières<br />

et filon médiatique de la peur permanente<br />

se systématise. Sans lui, la réorganisation<br />

[des] sociétés autour du<br />

"contrôle sur tous" serait impossible.<br />

[... En général,] et notamment en<br />

France, chaque événement tragique est<br />

prétexte à réclamer plus de biométrie et<br />

de répression affichée. » [5] [Voir « Les<br />

français ont exigé plus de sécurité »,<br />

p. 259]<br />

« Entérinant [... cette même évolution<br />

aux Etats-Unis], les agents du FBI promeuvent<br />

partout la surveillance en<br />

valeur centrale d’un monde incertain. Et<br />

Hollywood de leur emboîter le pas » [5].<br />

« Ainsi, la sécurité était devenue ce que<br />

les élites de la sécurité nationale comme<br />

les services de renseignement, les militaires,<br />

les stratèges, les experts et les<br />

élites politico-diplomatiques énonçaient<br />

comme telle. » [6]<br />

« Le contrôle social comme religion<br />

d’une société-machine bien huilée progresse<br />

depuis l’adoption, par des particuliers,<br />

de systèmes réservés auparavant<br />

aux autorités. Ou, inversement, par la<br />

récupération institutionnelle de produits<br />

commerciaux indifférenciant la fonction<br />

de police et celle de citoyen ou d’usager.<br />

Ainsi de la webcam (caméra branchée à<br />

Internet), qui a commencé comme produit<br />

d’appel "convivial" (voir son interlocuteur),<br />

s’est développée ensuite comme<br />

moyen de surveillance privé (voir l’entrée<br />

de sa résidence secondaire), puis


s’est branchée sur des dispositifs d’alerte<br />

de la police. [...]<br />

De plus en plus de métiers vivent de la<br />

promotion du contrôle technique en<br />

contrôle social, ce qui contribue à en<br />

normaliser l’image auprès des consommateurs<br />

et à inciter les institutions à des<br />

commandes plus massives. Le policier,<br />

par exemple, est sensible à l’argument<br />

selon lequel les techniques de répression<br />

se sont tellement adoucies qu’elles permettent<br />

à son métier de devenir un<br />

simple élément "neutre". » [7]<br />

« Parce qu’elles se présentent sous la<br />

forme de "mesures indolores", les<br />

citoyens ont tendance à accepter les<br />

techniques de "flicage" comme des formalités<br />

inévitables. » [8] Comme le sont<br />

la TVA, impôt indolore.. ou la présence<br />

banalisée des militaires dans le métro<br />

[Voir « "Il leur faudrait une bonne guerre<br />

!" », p. 362].<br />

« Le contrôle comme idéologie se diffuse<br />

rapidement, comme par imitation, par<br />

un recodage "techno-militaire" de la vie<br />

en commun. Par exemple, dans une<br />

grande gare où se croisent patrouilles et<br />

messages appelant à la solidarité vigilante<br />

contre le terrorisme, on peut entrer<br />

dans une officine où cinq pharmaciens<br />

derrière des comptoirs type guichets de<br />

banque attendent un client vidéosurveillé<br />

et enveloppé d’annonces sonores :<br />

"Surveillez votre tension artérielle", "surveillez<br />

votre poids" [... On se demande]<br />

si c’est la police militarisée qui tend –<br />

chantage terroriste aidant – à investir la<br />

vie quotidienne, ou si c’est [...] un modèle<br />

de gestion du "bien-être social" qui est<br />

en train de gagner l’ensemble des liens<br />

humains. [...]<br />

Le "contrôle scientifique" des populations<br />

ne sera donc jamais une sorte<br />

d’adaptation moderne de la démocratie,<br />

comme trop de gens – révoltés [...]<br />

contre l’insécurité contemporaine –<br />

seraient prêts à le croire. Il contient en<br />

lui-même des ferments d’autocratisme<br />

inacceptables [...,] qu’il se présente<br />

comme directive pour le bien-être sanitaire,<br />

comme recherche pour diminuer<br />

les accidents de la route ou comme<br />

moyen pour identifier les terroristes » [7].<br />

Dévoile-toi et rapporte-moi de l'argent,<br />

je te protégerai.<br />

[1] : (Denis Duclos)<br />

[2] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[3] : (Guy Debord, « La Société du Spectacle », thèse 109,<br />

Buchet-Chastel, 1967, réed. Champ libre, réed. Gérard<br />

Lebovici, pp. 85-86, réed. Gallimard (folio),<br />

http://sami.is.free.fr/Oeuvres/debord_societe_spectacle_1.html)<br />

[4] : (George Orwell, cité in Jean-Claude Michéa, « Orwell<br />

éducateur », Climats, cité in Véronique Brocard, op. cit.)<br />

[5] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[6] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance<br />

aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001 », Cultures<br />

& Conflits, n° 53, 1/2004, pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1001.html)<br />

[7] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[8] : (« Biometrie: Washington développe les technos de<br />

reconnaissance faciale », Intelligence Online, n° 515,<br />

13/1/2006, http://www.intelligenceonline.fr/networks/fil<br />

es/515/515.asp?rub=networks)<br />

Le « projet néolibéral fait système et<br />

constitue une véritable entreprise de<br />

démolition sociale » [1], qui produit<br />

l'insécurité sociale [2], si bien recyclée<br />

par l'Ordre sécuritaire.<br />

489 Survie surveillée


L'OCDE avait bien conseillé (certes, officiellement,<br />

pour les seuls pays du sud) :<br />

« Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement,<br />

il faut veiller à ne pas diminuer<br />

la quantité de service quitte à ce<br />

que la qualité baisse. On peut réduire,<br />

par exemple, les crédits de fonctionnement,<br />

dans les écoles ou l'université,<br />

mais il serait dangereux de restreindre le<br />

nombre d'élèves, ou d'étudiants. Les<br />

familles réagiront violemment à un refus<br />

d'inscrire leurs enfants, mais non à une<br />

baisse graduelle<br />

de la<br />

qualité de l'enseignement,<br />

et l'école<br />

peut progressivement<br />

et<br />

ponctuellement,obtenir<br />

une contribution<br />

des familles, ou supprimer une<br />

activité. Cela se fait au coup par coup,<br />

dans une école, mais non dans l'établissement<br />

voisin, de telle sorte que l'on<br />

évite un mécontentement général de la<br />

population. » [3]<br />

On « peut ne pas remplacer une partie<br />

des salariés, qui partent en retraites ; ou<br />

bien supprimer les primes, dans certaines<br />

administrations, en suivant une<br />

politique discriminatoire, pour éviter un<br />

front commun de tous les fonctionnaires.<br />

[Evidemment], il est déconseillé<br />

de supprimer les primes versées aux<br />

forces de l'ordre : dans une conjoncture<br />

politique difficile où l'on peut en<br />

avoir besoin. » [3]<br />

Pour régner, il a fallu renverser bien des<br />

logiques. « Le maire de Vitry-le-François<br />

et le président du conseil général de la<br />

Marne ont [... ainsi été remarqués, en<br />

<strong>2005</strong>,] [4] pour avoir eu l'idée de "ficher<br />

les précaires avec la collaboration forcée<br />

des services sociaux" » [5].<br />

Survie surveillée 490<br />

« En France, ce sont les travailleurs<br />

sociaux ou les éducateurs qui se sont<br />

révoltés contre l’inscription légale de la<br />

délation [dans leur fonction], qui remet<br />

en cause toute politique de prévention<br />

de la délinquance. » [6]<br />

Détruire le social est utile. « "Dans notre<br />

société, où nous ne connaissons plus<br />

nos voisins, où il n'y a plus de solidarité<br />

ni de proximité, où l'interconnexion<br />

entre les habitants s'est dissoute dans<br />

l'anonymat de la foule, la demande de<br />

sécurité est<br />

réelle" [7] » [5].<br />

« Pour comprendrepourquoi<br />

et comment<br />

le surgissementsécuritaire<br />

qui<br />

frappe la plupart<br />

des pays<br />

postindustriels depuis la fin du siècle dernier<br />

constitue une réponse, détournée<br />

et déniée, à la généralisation de l'insécurité<br />

sociale et mentale produite par la diffusion<br />

du salariat désocialisé, il faut et il<br />

suffit, rompant avec les exclusives<br />

d'écoles, d'allier les vertus d'une analyse<br />

matérialiste, inspirée de Karl Marx et<br />

Friedrich Engels, sensible aux rapports<br />

changeants qui se nouent à chaque<br />

époque (et notamment durant les<br />

phases de turbulence sociohistorique)<br />

entre le système pénal et le système de<br />

production, et une approche symboliste,<br />

initiée par Durkheim et amplifiée par<br />

Pierre Bourdieu, attentive à la capacité<br />

que détient l'Etat de tracer les démarcations<br />

sociales saillantes et de produire<br />

de la réalité par son travail d'inculcation<br />

de catégories et de classifications<br />

efficientes » [8].<br />

Le cynisme s'affiche : « "Certains attendent<br />

un nouveau novembre 95, comme<br />

on prévoyait régulièrement autrefois un


nouveau Mai-68 qui n’est jamais venu",<br />

ironise le conseiller d’un ministre. » [9]<br />

« "[...] Avec la défection de la plupart des<br />

intellectuels gagnés à d’autres causes<br />

[Voir « Preuves à l'appui », p. 574], les<br />

ouvriers se sont laissé imposer une vision<br />

d’eux-mêmes qui a grandement contribué<br />

à leur démoralisation." [10] [...]<br />

Le découragement est fils de la défaite ;<br />

la défaite est favorisée par la désyndicalisation<br />

[Voir « Syndicats cassés », p. 576]<br />

[..., elle-même] accélérée par les techniques<br />

d’individualisation du travail, de<br />

mise en concurrence des ouvriers, de<br />

répression des militants. Et cette répression,<br />

justement, passe toujours mieux<br />

quand le découragement rôde, quand<br />

la casse de l’identité ouvre la voie à la<br />

construction ou au durcissement d’autres<br />

clivages, aisément manipulables par<br />

les gouvernants et par les médias (générations,<br />

nationalités, religions, salariés<br />

du privé contre fonctionnaires). Pour<br />

que le libéralisme passe, il fallait d’abord<br />

saccager le foyer d’où partaient les<br />

grandes résistances. » [11]<br />

« Pour renverser l’irréversible, ils ont<br />

détruit les foyers de résistance, imposé<br />

l’idée que leur victoire serait inéluctable,<br />

converti les décideurs à leur cause, pris<br />

le contrôle idéologique des principaux<br />

partis, créé les conditions de l’impuissance<br />

publique, enclenché l’effet de cliquet<br />

libéral, assimilé "mondialisation" et<br />

ouverture sur l’universel, réduit les<br />

impôts afin d’accroître les déficits, utilisé<br />

les déficits pour ronger l’Etat social, déniché,<br />

enfin, dans chacun de leurs échecs<br />

l’irréfragable preuve que les "réformes"<br />

n’avaient pas été poussées assez<br />

loin. » [12]<br />

[1] : (Michel Husson, « Les casseurs de l’Etat social. Des<br />

retraites à la Sécu : la grande démolition », la découverte,<br />

10/2003, p. 11)<br />

[2] : (Voir http://www.bip40.org)<br />

[3] : (« Faisabilité politique de l'ajustement », Cahier de<br />

politique économique n° 13, p. 30, Centre de développement<br />

de l'OCDE, http://www.institut.fsu.fr/ocde/faisabilite_ajustement.pdf)<br />

[4] : (http://nomines.bigbrotherawards.eu.org/index.php<br />

?de=1&&id=24)<br />

[5] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec/browse_thre<br />

ad/thread/f056aa2b92763448)<br />

[6] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[7] : (Laurent Mucchielli)<br />

[8] : (Loïc Wacquant, « Punir les pauvres, Le nouveau gouvernement<br />

de l'insécurité sociale, Agone », 2004, p.16,<br />

d'après notamment Karl Marx et Friedrich Engels, « Marx<br />

[&] Engels on Crime and Punishment », in David<br />

Greenberg (dir.), « Crime and Capitalism : Reading in<br />

Marxist Criminology », Mayfield, Palo Alto, 1991, pp. 45-<br />

56 ; Emile Durkheim, « De la division du travail social », I,<br />

1893, réed. PUF, 1930 ; et Pierre Bourdieu, « Esprits<br />

d'Etat : genèse et structure du champ bureaucratique », in<br />

« Raisons pratiques, Sur la théorie de l'action », Seuil,<br />

1994, pp. 99-133)<br />

[9] : (« C’est fort de cafouillou », Le Canard enchaîné,<br />

13/11/2002, p. 2)<br />

[10] : (Stéphane Beaud et Michel Pialoux, « Violences<br />

urbaine, violence sociale : genèse des nouvelles classes<br />

dangereuses », Fayard, 2003)<br />

[11] : (Serge Halimi, « Le grand bond en arrière. Comment<br />

l’ordre libéral s’est imposé au monde », Fayard, 4/2004,<br />

p. 538)<br />

[12] : (Serge Halimi, op. cit., p. 537)<br />

« Les technologies de surveillance<br />

entrent souvent par la petite porte.<br />

On nous les vend maintenant comme<br />

étant utiles pour veiller sur les<br />

enfants, ou pour aider les personnes<br />

agées. » [1]<br />

L’OCDE conseillait [Voir « Insécurité<br />

sociale », p. 489] : « On peut réduire [...]<br />

491 Survie surveillée


les crédits de fonctionnement, dans les<br />

écoles ou l'université, mais il serait dangereux<br />

de restreindre le nombre<br />

d'élèves, ou d'étudiants. » [2] Pour « préserver<br />

une présence humaine [..., on<br />

recrute des] personnels sans formation,<br />

à des postes de vigiles pour un temps<br />

limité et de faibles salaires [..., en attendant]<br />

la privatisation prochaine de ces<br />

fonctions » [3], puis de l’ensemble de<br />

l'Education.<br />

« Alors, face au manque de personnel<br />

compétent et présent, la réponse qui<br />

s’impose aux administrations est policière.<br />

Les interventions policières dans les<br />

établissements, les patrouilles ou les<br />

arrestations se multiplient donc. » [3]<br />

Comme dans le reste de la société, on<br />

note « la progression des logiques<br />

policières à l’école. A cette époque<br />

où c’est le ministre de l’Intérieur qui<br />

demande une évaluation des<br />

ZEP [;] l’avènement de la vidéosurveillance<br />

et de la biométrie au détriment<br />

de l’encadrement humain réduisent<br />

les possibilités d’intervenir en<br />

amont ou pendant les conflits et cantonnent<br />

toute réponse à l’a-posterori.<br />

[Ce qui est bien pratique.]<br />

Alors qu’un surveillant pouvait<br />

intervenir pour tempérer les<br />

prémisses d’une bagarre,<br />

ou pour séparer, la vidéo<br />

ne fait qu’enregistrer un<br />

affrontement qui fatalement<br />

s’envenime [...] et<br />

ne servir que de preuve, lors de l’investigation<br />

future. » [3]<br />

Déjà, il y a « certaines écoles (en France,<br />

en Allemagne), dont les responsables,<br />

souvent en accord avec les parents, font<br />

installer des lecteurs de la géométrie de<br />

la main pour recenser les élèves qui se<br />

rendent à la cantine [..., en souscrivant,<br />

pour éviter un procès eventuel,] à l’idéal<br />

Survie surveillée 492<br />

d’une bonne gestion des flux [4]. » [5]<br />

« A Angers, dans une école primaire et<br />

un collège, c’est l’empreinte digitale qui<br />

donne accès à la cantine [6] [ ; ] à Gif sur<br />

Yvette, à Sainte Maxime, Marseille ou<br />

Carqueiranne les élèves introduisent leur<br />

main dans une machine qui en reconnaît<br />

le contour. [... Il est forcément amical<br />

de] prendre la main d’un enfant » [3].<br />

La Cnil [Voir « La Cnil peut peu », p. 453]<br />

a finalement autorisé l'utilisation biométrique<br />

du contour de la main au restaurant<br />

scolaire [7]. « "Il est apparu [cependant]<br />

que certains élèves associaient<br />

la biométrie à des représentations<br />

infantiles d’angoisse.<br />

Certains petits ont même évoqué<br />

la présence d’un monstre à l’intérieur<br />

de la machine. Les plus grands<br />

rationalisent leur peur, mais ils l’expriment<br />

dans des termes assez<br />

proches : on a peur de se faire<br />

électrocuter en mettant la<br />

main dans la machine, par<br />

exemple." [8]<br />

Au lycée Jean Baptiste Dumas à<br />

Alès c’est 90 caméras de vidéosurveillance<br />

[Voir « Je passe à la<br />

télé ! », p. 385], 104 au lycée<br />

J Rostand de Mantes la Jolie<br />

associées à un dispositif de<br />

gestion des absences par<br />

codes barres et stylos<br />

optiques.... » [3] Pour<br />

« empêcher les lycéens de<br />

sécher les cours [..., un]<br />

lycée de Marseille [... fait de même] : les<br />

enseignants font l’appel à l’aide d’un<br />

stylo optique qui lit un code-barre relié à<br />

un ordinateur qui contrôle les présences<br />

heure par heure. » [9]<br />

Ces « technologies sécuritaires modèlent<br />

les espaces dans lesquels toute une<br />

génération se construit. [... Originaires]<br />

du milieu carcéral [..., elles] se propa-


gent en milieu éducatif, sans débat,<br />

comme si vingt ans de discours alarmistes<br />

rendaient inéluctable la transformation<br />

des écoles en prisons [Voir « Au<br />

centre, l’enfant », p. 301].<br />

Car la logique est bien carcérale. [...]<br />

Pudiquement, les enseignants regretteront<br />

que leur rôle soit de plus en plus<br />

limité à de la "garderie". Mais la garderie<br />

[...] ne se limite pas à contraindre un<br />

enfant à la présence dans un lieu clos.<br />

[... La] biométrie à la cantine ne répond<br />

à aucune menace. Elle ne vise pas à<br />

empêcher une intrusion mais, officiellement,<br />

à contrôler la présence que<br />

ceux qui devraient être là. [... Ne vautil<br />

pas mieux dépenser de grandes]<br />

sommes pour contrôler que des<br />

enfants mangent, [même si] l’accès à<br />

la cantine est un problème financier<br />

pour certains ? » [3]<br />

« "Le principal du collège Joliot-Curie (de<br />

Carqueiranne) dit chercher à obtenir<br />

une 'transparence absolue' : [...] savoir<br />

en permanence, et en temps réel, où<br />

sont et ce que font les élèves, notamment<br />

s’ils mangent ou [... non. On<br />

pense] au panopticon de Bentham." [8]<br />

Schizophrénie de ces établissements où<br />

le développement des visions panoptiques<br />

à grands renforts de vidéo, de<br />

biométrie et d’alertes par SMS place l’administration<br />

au centre quand les textes<br />

officiels [10] proclament depuis 15 ans<br />

que c’est l’enfant (ou l’élève) qui doit<br />

être "au centre" des institutions éducatives<br />

et sociales.<br />

Avec la logique carcérale c’est le renforcement<br />

de la notion de frontière qui se<br />

développe par ces technologies.<br />

L’entrée des lycées est surveillée, l’extérieur<br />

est diabolisé. Les agressions, les<br />

vols, les trafics sont liés, dans les discours<br />

médiatiques et institutionnels aux intrusions<br />

[..., dont la] biométrie et la vidéo<br />

sont supposées protéger des élèves et<br />

un personnel vertueux [...]. Ce "rêve<br />

politique de la peste" de Foucault, on le<br />

retrouve dans la diabolisation de l’extérieur,<br />

des non-scolarisés ou de ceux qui<br />

493 Survie surveillée


ont été exclus de l’école ou qui viennent<br />

de tel établissement suspect.<br />

Ainsi, cette "technologisation de la frontière"<br />

[11] de l’école se développe sur un<br />

discours xénophobe et éduque ces<br />

enfants à la suspicion de l’Autre. Le renforcement<br />

narcissique de ces insiders<br />

leur rappelle, contrôle après contrôle,<br />

leur appartenance à une communauté,<br />

par opposition au magma dangereux<br />

des outsiders. Pire, elle fait planer<br />

comme une menace d’exclusion le<br />

risque un jour<br />

de ne plus<br />

être contrôlé,<br />

générant de<br />

fait une demande<br />

de<br />

contrôle de la<br />

part des enfants<br />

eux<br />

mêmes. [... Ce<br />

qui contribue<br />

à] la faculté<br />

des établissementsscolaires<br />

à fabriquer<br />

de futurs<br />

clients pour ces<br />

secteurs. » [3]<br />

Il faut dire<br />

qu’on travaille<br />

à l’« "Acceptation<br />

par la<br />

population" : "La sécurité est très souvent<br />

vécue dans nos sociétés démocratiques<br />

comme une atteinte aux libertés<br />

individuelles. Il faut donc faire accepter<br />

par la population les technologies utilisées<br />

et parmi celles-ci la biométrie, la<br />

vidéosurveillance et les contrôles. » [3]<br />

Par exemple, « les jeux vidéo proposés<br />

par la plupart des grands producteurs<br />

américains, asiatiques ou européens<br />

font accepter aux adolescents un univers<br />

de passages ne s’ouvrant que sur pré-<br />

Survie surveillée 494<br />

sentation de sésames adéquats, tandis<br />

que se multiplient les initiatives qui,<br />

comme "Carte à pouce" à l’Aquarium de<br />

Lyon, banalisent auprès des enfants<br />

l’idée que l’empreinte digitale est un<br />

moyen normal d’identification. » [12]<br />

« Plusieurs méthodes devront être développées<br />

par les pouvoirs publics et les<br />

industriels pour faire accepter la biométrie.<br />

» [3]<br />

« Face au danger [insécuritaire postulé],<br />

le consortium électronique Gixel » [12]<br />

« (Groupement<br />

des<br />

industries de<br />

l’interconnexion<br />

des<br />

composants<br />

et des sousensemblesélectroniques)<br />

» [3]<br />

« suggère [13]<br />

[... à l’Etat] de<br />

généraliser le<br />

pistage électronique<br />

dès<br />

la maternelle<br />

pour éduquer<br />

les jeunes<br />

esprits<br />

aux bienfaits<br />

de la biométrie<br />

» [12] et<br />

« "de conditionner la population, surtout<br />

les enfants, aux technologies d'identification<br />

et de contrôle social". » [14]<br />

Les méthodes utilisées « devront être<br />

accompagnées d’un effort de convivialité<br />

par une reconnaissance de la personne<br />

et par l’apport de fonctionnalités<br />

attrayantes : 'Éducation dès l’école<br />

maternelle, les enfants [utiliseront] cette<br />

technologie pour rentrer dans l’école, en<br />

sortir, déjeuner à la cantine, et les<br />

parents ou leurs représentants s’identi-


fieront pour aller chercher les enfants.<br />

Introduction dans des biens de consommation,<br />

de confort ou des jeux : téléphone<br />

portable [Voir « Devine d’où<br />

j’t’appelle ! », p. 439], ordinateur [Voir<br />

« La Nasse », p. 445], voiture, domotique,<br />

jeux vidéo." [6] [... Mêmes] stratégies<br />

de communication [que celles] des<br />

firmes de l’agroalimentaire pour faire<br />

accepter les OGM.<br />

La pression exercée sur les établissements<br />

pour une course à l’équipement<br />

(budgets spécifiques, limites dans le<br />

temps, débats bâclés...) les pousse à<br />

accepter des équipements sans mesurer<br />

les impacts de leur utilisation banale et<br />

encore moins ceux de leurs dysfonctionnements.<br />

[...]<br />

La CNIL rappelle fréquemment dans ses<br />

pathétiques tentatives de contrôle [Voir<br />

« La Cnil peut peu », p. 453] que l’usage<br />

de ces technologies doit être contraint<br />

par la "proportionnalité" entre l’exigence<br />

de contrôle et le processus utilisé et que<br />

chacun a "droit à l’oubli" ; les enregistrements<br />

sur "listes noires" et autres fichiers<br />

doivent pouvoir être effacés. Ce droit à<br />

l’oubli, fondement du droit est aussi un<br />

fondement de l’éducation. La relation<br />

avec l’enseignant est pour l’enfant un<br />

temps à l’abri, un temps de confiance ou<br />

la compréhension peut suivre l’erreur et<br />

permettre qu’on "oublie tout", qu’on<br />

"ferme les yeux pour cette fois", renvoyant<br />

l’enfant, lavé, à la possibilité de<br />

se racheter, de progresser.<br />

[... Mais, comme on croit savoir que] "qui<br />

brise une vitre ouvrira le feu au fusil<br />

automatique ou dealera la cocaïne au<br />

kilo" [..., alors,] sur les actes banals de<br />

l’enfance qui étaient source d’apprentissage<br />

bienveillant de la [norme,] s’abattra<br />

une répression automatisée [et] implacable<br />

[...]. Le rapport parlementaire<br />

[Bénisti], sur la "prévention de la délin-<br />

quance" [Voir « Briser dans l’œuf », p. 298]<br />

qui préconise la création d’un "système<br />

de repérage et de suivi des difficultés et<br />

des troubles du comportement de l’enfant"<br />

mis en place non seulement dans<br />

les établissements scolaires (de la maternelle<br />

au lycée), mais aussi dans les<br />

crèches [...].<br />

[On] proclame : "L’éducation doit viser<br />

au plein épanouissement de la personnalité<br />

humaine et au renforcement du<br />

respect des droits de l’homme et des<br />

libertés fondamentales." [15] [... Et si] on<br />

les familiarise dès l’enfance aux [...<br />

chaînes, elles seront] numériques et<br />

modernes » [3]. Branchouille.<br />

Au nom de la sécurité, creusons les déficits<br />

pour faire tomber l’école publique<br />

dans l'abîme. Voici un bel exemple à<br />

suivre : Une nuit, « un groupe scolaire<br />

s’est donc effondré dans le XIII e arrondissement<br />

de Paris : à la place, un trou<br />

énorme de 400 m 2 sur 15 m de profondeur.<br />

La raison de cet affaissement, qui<br />

aurait pu devenir une catastrophe si les<br />

900 enfants accueillis normalement par<br />

la maternelle [avaient été là,] est le<br />

chantier de la ligne 14 du métro Météor.<br />

[...] Si l’on comprend bien la RATP [Voir «<br />

Va nigaud », p. 403], il n’y a aucun<br />

risque d’effondrement, mais l’effondrement<br />

de la maternelle était imprévisible.<br />

» [16] C'est bien à l'école qu'on apprend<br />

la rhétorique.<br />

[1] : (Xavier Heusghen, vice-président de Visiowave »,<br />

BBA-F, <strong>2005</strong>, http://www.bigbrotherawards.eu.org/article.ph<br />

p3?id_article=569)<br />

[2] : (« Faisabilité politique de l'ajustement », Cahier de<br />

politique économique n° 13, p. 30, Centre de développement<br />

de l'OCDE, http://www.institut.fsu.fr/ocde/faisabilite_ajustement.pdf)<br />

(3] : (Jean-Philippe Joseph & Jean-Pierre Joseph, « Ne laissez<br />

pas les machines jouer avec les enfants »,<br />

13/12/<strong>2005</strong>, http://infos.samizdat.net/article373.html,<br />

reprod. in http://souriez.info/article.php3?id_article=289)<br />

[4] : (Cf. les travaux de Xavier Guchet et de Gérard Dubey,<br />

du Centre d’étude des techniques, des connaissances et<br />

des pratiques (Cetcopra), http://cetcopra.univ-paris1.fr)<br />

495 Survie surveillée


[5] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[6] : (Big Brother Awards France, « Ecoles I. Conception &<br />

J. d'arc (Angers) (Gagnant prix Orwell 2003) »,<br />

http://nomines.bigbrotherawards.eu.org/index.php?de=<br />

1&&id=42)<br />

[7]: (Délibération CNIL n° 2006-103 du 27/4/2006 portant<br />

autorisation unique de mise en œuvre de traitements<br />

automatisés de données à caractère personnel reposant<br />

sur l'utilisation d'un dispositif de reconnaissance du<br />

contour de la main et ayant pour finalité l'accès au restaurant<br />

scolaire (décision d'autorisation unique n° AU-<br />

009), http://www.admi.net/jo/20060616/CNIA0600011<br />

X.html)<br />

[8] : (Xavier Guichet, « Manger sous surveillance. L’usage<br />

d’une technique biométrique pour le contrôle d’accès à la<br />

cantine scolaire », 21/11/<strong>2005</strong>, http://www.creis.sgdg.or<br />

g/colloques%20creis/2004/Guchet.htm)<br />

[9] : (« Ferry écrase les prix », Le Canard enchaîné,<br />

11/12/2002, p. 5)<br />

[10] : (Loi du 10/7/1989 d’orientation sur l’éducation, loi<br />

du 2/1/2002 rénovant l’action sociale et médicosociale)<br />

[11] : (Philippe Bonditti, « Technologisation de la frontière<br />

: vers un état de peste généralisé ? », Chantiers<br />

Politiques, ENS, Paris, n° 2, 10/2004)<br />

[12] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/12433)<br />

[13] : (Gixel, « Livre bleu, grands programmes structurants,<br />

proposition des industries électroniques et numériques<br />

», 7/2004, mis en ligne le 13/12/<strong>2005</strong>, www.gixel.<br />

fr/Portal_Upload/Files/ASSISES%202004/LB300604.pdf)<br />

[14] : (Véronique Brocard, « Ces puces qui nous espionnent<br />

», Télérama, n° 2883, 14/4/<strong>2005</strong>, reprod. in http://g<br />

roups.google.com/group/guerrelec/browse_thread/threa<br />

d/f056aa2b92763448)<br />

[15] : (« Déclaration universelle des droits de l’Homme »,<br />

article 26, http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm<br />

#26)<br />

[16] : (« Chute de Météor », Le Canard enchaîné,<br />

29/2/2003, p. 8)<br />

« L'affaire de<br />

la petite<br />

Chinoise Li<br />

Li Whuang,<br />

stagiaire<br />

chez Valeo,<br />

soupçonnée d'espionnage industriel<br />

par la justice française, [... n'est qu'un<br />

exemple].<br />

Le Centre européen pour le renseigne-<br />

Survie surveillée 496<br />

ment stratégique et la sécurité (ESISC) [1]<br />

[...] a révélé qu'un véritable réseau d'espionnage<br />

économique chinois [...] essaimerait<br />

dans toute l'Europe du Nord.<br />

"La Chine est considérée comme l'un des<br />

pays les plus agressifs en matière d'intelligence<br />

économique" [2]. Mais bien souvent<br />

les affaires sont étouffées. Une<br />

entreprise n'a que rarement intérêt à<br />

montrer qu'elle ne sait pas se défendre<br />

[... et la] France ne veut pas se brouiller<br />

avec la Chine [... Pourtant,] "suivant la<br />

qualité des informations recueillies [par<br />

l’entreprise qui espionne], entre cinq et<br />

dix ans de recherche peuvent être économisés.<br />

Dans certains cas, des marchés<br />

entiers sont gagnés ou perdus", confie un<br />

expert en protection de secret industriel.<br />

[... Technique] connue de l'espionnage<br />

industriel : prendre le contrôle financier<br />

d'une société pour piller le résultat de<br />

ses recherches. [... Un autre classique :]<br />

Une entreprise voulant obtenir des informations<br />

sur un concurrent diffuse des<br />

petites annonces laissant miroiter des<br />

rémunérations importantes. Ces annonces<br />

ciblent des profils d'ingénieurs<br />

ou de chercheurs très spécifiques. Une<br />

fois attirés, ces derniers sont soigneusement<br />

manipulés grâce à une série d'entretiens<br />

[...]. Ils cherchent bien évidemment<br />

à briller auprès de leur futur<br />

employeur et lâchent sans même s'en<br />

rendre compte les informations stratégiques<br />

recherchées. Le candidat [...<br />

apprend peu après] qu'il n'a pas décroché<br />

le poste.<br />

[... On peut aussi passer par un tiers : la]<br />

multinationale Procter & Gamble, par le<br />

biais du cabinet privé Phœnix Consulting<br />

Group, a été impliquée dans une<br />

affaire d'espionnage industriel alors que<br />

certains des agents de Phœnix Consulting<br />

fouillaient les poubelles d'une filiale<br />

de son concurrent Unilever.


L'espionnage touche quasiment tous les<br />

secteurs. L'armement [Voir « Il est<br />

canon », p. 650] et la sécurité [Voir<br />

« Achète ! Sinon... », p. 480] sont parmi<br />

les plus sensibles. Un officier de l'armée<br />

grecque [a ainsi été] arrêté pour avoir<br />

divulgué à des sociétés privées des informations<br />

confidentielles concernant<br />

l'achat de F-16 et d'avions de combat<br />

Eurofighter du consortium européen<br />

EADS. Mais tous les secteurs extrêmement<br />

concurrentiels, que ce soit l'agroalimentaire,<br />

les cosmétiques, les secteurs<br />

pharmaceutiques... sont concernés. » [3]<br />

Dans cette « civilisation du risque » [4],<br />

l'entrepreneur doit donc se protéger<br />

avec les mêmes armes [que celui qui<br />

espionne] : « Enregistreurs, caméras,<br />

contrôle des disques durs mais aussi » [5]<br />

« dans les bureaux, piratage d'ordinateurs,<br />

installation sauvage de vidéosurveillance,<br />

faux entretiens de recrutement,<br />

filature de personnels gênants,<br />

bases de données marketing non déclarées,<br />

utilisation de "loggers" décryptant<br />

les journées de travail [Voir plus loin],<br />

fouilles illicites des disques durs, etc.<br />

[... ;] aucune donnée confidentielle<br />

informatisée n'est inviolable, cartes de<br />

crédit et cartes Vitale comprises. » [6]<br />

C'est « un véritable bras de fer qui se<br />

joue entre directions et employés sur le<br />

thème de la surveillance - notamment<br />

technologique - des salariés [Voir « Ecran<br />

de veille », p. 411]. Les magistrats, eux,<br />

tentent d'arbitrer en émettant des jugements<br />

en rafales.<br />

[... Un] employeur découvre des photos<br />

érotiques sur le bureau d'un salarié. [...<br />

La] direction décide de contrôler - discrètement<br />

- le disque dur de l'ordinateur<br />

de son employé. Trouvant sous l'intitulé<br />

"Perso" d'autres dossiers tout aussi étrangers<br />

à la fonction de l'intéressé, l'employeur<br />

convoque l'homme aussi sec. Et<br />

licencie le licencieux pour faute grave.<br />

497 Survie surveillée


Sanction confirmée par la cour d'appel.<br />

Le 19 mai [<strong>2005</strong>,] pourtant [...,] la Cour<br />

de cassation casse la décision. Au motif<br />

que, hors événement ou risque particulier,<br />

l'employeur n'a pas le droit d'ouvrir<br />

les fichiers personnels sur un disque dur<br />

informatique sans que l'intéressé soit<br />

présent, ou du moins prévenu.<br />

Face à cette jurisprudence, quelques millions<br />

de salariés heureux possesseurs de<br />

dossiers persos - à forte flatulence - sur<br />

leurs disques durs sont<br />

tentés de pousser un ouf<br />

de soulagement. A tort.<br />

"Cette décision [...], rappelle<br />

[...] un des avocats<br />

réputés de l'Hexagone<br />

en droit social, conseil de<br />

nombreux syndicats [...,]<br />

confirme simplement<br />

que ces fouilles ne peuvent<br />

se faire à l'insu des intéressés." [7]<br />

"[... Le] combat est rude, [...] commente<br />

[le] directeur de Siva, une société en<br />

pointe dans le conseil en surveillance<br />

informatique. Les entreprises voient<br />

leurs données stratégiques exposées aux<br />

courants d'air du monde numérique, et<br />

les salariés se sentent menacés dans<br />

leurs libertés individuelles." [8] L'affaire<br />

de la jeune stagiaire chinoise, supposée<br />

espionne de Valeo, est [jugée] révélatrice<br />

de la vulnérabilité des employeurs,<br />

notamment vis-à-vis des personnels non<br />

permanents [et précaires] : stagiaires,<br />

CDD, intérimaires, indépendants. [...]<br />

Les caméras de vidéosurveillance<br />

externes, toujours plus nombreuses<br />

depuis le 11 Septembre, [Voir « Je passe<br />

à la télé ! », p. 385] captent les déplacements<br />

des salariés - arrivées et départs<br />

notamment - et parfois par inadvertance<br />

quelques recoins des locaux internes.<br />

Contestables devant les tribunaux, ces<br />

enregistrements créent une tension, parfois<br />

une psychose, qui peut devenir<br />

Survie surveillée 498<br />

explosive. [... Mais les] juges de la Cour<br />

de cassation ont estimé en mai [<strong>2005</strong>]<br />

qu'il n'était pas besoin de prévenir les<br />

salariés d'une vidéosurveillance dans des<br />

locaux où le personnel n'a pas l'autorisation<br />

d'entrer. » [5]<br />

La « tentation de l'accumulation des systèmes<br />

de surveillance est d'autant plus<br />

forte que le marché fourmille de mouchards<br />

technologiques toujours plus performants.<br />

"Les key loggers [Voir « La<br />

Nasse », p. 445], par<br />

exemple, en enregistrant<br />

les frappes sur le<br />

PC, avec la date et l'heure,<br />

sont capables de<br />

reconstituer l'intégralité<br />

d'une journée de travail<br />

d'un salarié ; les log trackers<br />

sont des mouchards<br />

internet capables de tracer<br />

toute l'activité d'une personne sur la<br />

toile", détaille un spécialiste internet.<br />

Seule limite à ces outils : ils ne doivent<br />

être utilisés que dans un objectif de statistique<br />

globale et ne peuvent viser un<br />

salarié particulier. [...] "Hors activités sensibles,<br />

l'autorisation d'une vidéosurveillance<br />

dans les bureaux, devant la<br />

machine à café... sera toujours refusée<br />

[...]. Dès lors, face aux contraintes<br />

légales, la meilleure solution consiste à<br />

ceinturer les données elles-mêmes plutôt<br />

que les hommes. Via des clés d'accès,<br />

cryptages, tunnels, connexions sécurisées<br />

sans oublier les filtres internet pour<br />

dissuader le personnel de surfer sur certains<br />

sites..." [8] [Ces filtres ne marchent<br />

plus si on se connecte par le "port 80".]<br />

Deux règles viennent renforcer la protection<br />

des salariés. "Celle de la transparence,<br />

qui oblige l'entreprise à faire<br />

connaître les systèmes de contrôle qu'elle<br />

installe, et celle de la proportionnalité<br />

des moyens mis en place par rapport<br />

aux risques encourus" [7] [...]. Pour le


viol de cette seconde disposition, [... on<br />

a fait] condamner une filiale de la SNCF<br />

ayant mis en place un système de pointage<br />

du personnel par empreinte biométrique<br />

du pouce. Un dispositif disproportionné<br />

par rapport aux risques encourus<br />

parce que "irrespectueux des droits de la<br />

personne humaine", dit le jugement.<br />

Une première en France. » [5] Mais la<br />

Cnil [Voir « La Cnil peut peu », p. 453] a<br />

finalement autorisé l'utilisation biométrique<br />

du contour de la<br />

main et de l'empreinte<br />

digitale au travail [9].<br />

Par ailleurs, si « tous les<br />

systèmes d'espionnage<br />

sauvages [...] sont totalement<br />

interdits, [...] la<br />

sanction pénale reste<br />

faible. Et leur efficacité<br />

souvent payante. » [5] Et<br />

« l'entreprise se nourrit<br />

aussi de renseignements<br />

humains sur le terrain :<br />

évaluations annuelles,<br />

visites médicales, dialogues<br />

informels, suivi de<br />

carrière, etc. » [5] On soignera le travail.<br />

Un médecin pourra aussi, pour l'entreprise,<br />

vérifier l'état de santé d'un salarié<br />

absent [10]. Malgré l'inflation technique,<br />

on sait donc rester humain.<br />

Les clients des détectives privés français<br />

« aujourd'hui sont souvent des chefs<br />

d'entreprise en quête de révélations sur<br />

l'évaporation de secrets industriels, des<br />

détournement de marchandises ou... de<br />

l'info sur les habitudes d'un collaborateur<br />

gênant. [...] "[... On] peut toujours<br />

invoquer des prétextes bidons pour faire<br />

suivre une personne dont on veut la<br />

peau", remarque [un] détective [... ; et<br />

pas seulement à Canal + [11]]. » [5]<br />

Cela fait le bonheur des « cabinets spécialisés<br />

en "outplacement". Ceux-ci vendent<br />

à prix d’or leurs conseils aux entre-<br />

prises afin de bien mettre en musique<br />

leurs suppressions d’emplois [...], sans<br />

plan social [...] par paquets de neuf » [12]<br />

au maximum par mois, selon la loi.<br />

« Environ 80 % des licenciements économiques<br />

s’opèrent » [12] ainsi, car « il<br />

faut éviter à tout prix que les répercussions<br />

médiatiques d’une opération mal<br />

conduite ne donnent des frayeurs aux<br />

actionnaires et des haut-le-cœur aux<br />

clients. [...] D’autres [chefs d’entreprise]<br />

pratiquent le "chèque à la<br />

valise", qui consiste à<br />

acheter cher le départ<br />

d’un salarié. Une dose de<br />

harcèlement moral pour<br />

conditionner le futur remercié,<br />

une somme rondelette<br />

pour convaincre ses réticences<br />

et, finalement, le<br />

coût sera moins élevé [...<br />

Pourquoi] faudrait-il faire<br />

du social quand on peut<br />

faire du patronal ? » [12]<br />

[Voir « L’avenir du travail<br />

», p. 350]<br />

[1] : (http://www.esisc.org)<br />

[2] : (Jacques Baud, « Encyclopédie du renseignement et<br />

des services secrets », Lavauzelle, 2002)<br />

[3] : (« Espionnage industriel : tous les coups sont permis<br />

», Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDESMONDES.htm)<br />

[4] : (Patrick Lagadec, « La civilisation du risque.<br />

Catastrophes technologiques et responsabilité sociale »,<br />

Seuil, 1981)<br />

[5] : (« Votre patron sait tout, voit tout, entend tout », Le<br />

Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>, reprod. in http://ecolesdifferentes.free.<br />

fr/MEILLEURDESMONDES.htm)<br />

[6] : (« Alerte, on vous espionne ! », Le Figaro, 6/8/<strong>2005</strong>,<br />

reprod. in http://ecolesdifferentes.free.fr/MEILLEURDES-<br />

MONDES.htm)<br />

[7] : ( Me Michel Henry)<br />

[8] : (Luc Mensah)<br />

[9] : (Délibération CNIL n° 2006-101 du 27/4/2006 portant<br />

autorisation unique de mise en œuvre de dispositifs<br />

biométriques reposant sur la reconnaissance du contour<br />

de la main et ayant pour finalités le contrôle d'accès ainsi<br />

que la gestion des horaires et de la restauration sur les<br />

lieux de travail (décision d'autorisation unique n° AU-007),<br />

http://www.admi.net/jo/20060616/CNIA0600009X.html ;<br />

Délibération CNIL n° 2006-102 du 27/4/2006 portant<br />

autorisation unique de mise en œuvre de dispositifs biométriques<br />

reposant sur la reconnaissance de l'empreinte<br />

digitale exclusivement enregistrée sur un support indivi-<br />

499 Survie surveillée


duel détenu par la personne concernée et ayant pour<br />

finalité le contrôle de l'accès aux locaux sur les lieux de travail<br />

(décision d'autorisation unique n° AU-008),<br />

http://www.admi.net/jo/20060616/CNIA0600010X.html)<br />

[10] : (Voir par ex. : www.medicat-partner.fr)<br />

[11] : (Cf. par ex. « Canal + chasse les micros-espions », Le<br />

Point, 27/5/<strong>2005</strong>, reprod. in http://www.spyworldactu.com/spip.php?article445,<br />

d'après Pierre Martinet,<br />

« DGSE : service action, un agent sort de l'ombre », Privé,<br />

4/<strong>2005</strong>)<br />

[12] : (Alain Guédé, « Fillon n’a plus le droit de veto contre<br />

la marée des plans sociaux », Le Canard enchaîné,<br />

12/3/2003, p. 3)<br />

« Le Patriot Act, la loi antiterroriste<br />

américaine mise en place après les<br />

attentats du 11 septembre 2001 [Voir<br />

« Dernier acte patriotique », p. 329],<br />

est surtout connu par le fait qu'il<br />

autorise l'incarcération, sans procès<br />

ni inculpation, pour une durée indéterminée,<br />

d'étrangers simplement<br />

soupçonnés de terrorisme. Cependant,<br />

il permet aussi une surveillance<br />

généralisée de la population. » [1]<br />

L'« USA Patriot Act [...] autorise le FBI à<br />

accéder secrètement et sans motif précis<br />

aux données personnelles des citoyens<br />

états-uniens [...]. L'USA Patriot Act qualifie<br />

de "crime" le fait de révéler que le FBI<br />

à recherché ce type d'information, ce<br />

qui rend impossible l'estimation quantitative<br />

de ces enquêtes secrètes.<br />

L'opacité croissante de l'action gouvernementale<br />

est [... d'ailleurs vite notable,<br />

avec] la hausse de 14 % du nombre de<br />

classifications de documents officiels en<br />

2002 [par rapport à 2001,] alors que les<br />

déclassifications sont à leur niveau le<br />

Survie surveillée 500<br />

plus bas depuis sept ans. » [2]<br />

Mais la situation d'exception devait progressivement<br />

se péréniser. « Certaines<br />

de ces mesures sont permanentes,<br />

d'autres furent votées pour une période<br />

de quatre ans [... et] venaient à expiration<br />

fin <strong>2005</strong>. » [1] « Le sénat [étatsunien]<br />

a accepté, [... le] 21 décembre<br />

[<strong>2005</strong>], de prolonger de six mois le<br />

Patriot Act [...], qui expirait à la fin de<br />

l'année, [...] George Bush soulignant<br />

que "le terrorisme n'expirait pas à la fin<br />

de l'année" » [3]<br />

« Si le Patriot Act fut voté très rapidement,<br />

ce ne fut pas le cas de son renouvellement.<br />

Le président G. Bush ne put<br />

signer "The Patriot Act Improvement and<br />

Reauthorization Act" [4] que le 9 mars<br />

2006. C'est au niveau du Sénat que la<br />

résistance s'est organisée, des sénateurs<br />

ayant même pratiqué la procédure du<br />

"flibustier", qui consiste à prendre et garder<br />

la parole pour empêcher tout vote.<br />

Pourtant, si ce processus interminable a<br />

permis, pour la première fois, une discussion<br />

parlementaire sur le contenu et<br />

les enjeux de la loi, le projet gouvernemental<br />

[a fini par] être adopté.<br />

Les dispositions contenues dans le<br />

Patriot ont pour effet d'augmenter considérablement<br />

les pouvoirs de l'exécutif et<br />

principalement ceux du FBI. [Malgré]<br />

quelques aménagements [...,] le gouvernement<br />

est parvenu à éviter que les dispositions<br />

permanentes soient réinstallées<br />

avec des contrôles judiciaires contraignants<br />

et a fait transformer 14 des<br />

mesures temporaires, adoptées en 2001<br />

comme procédures d'urgence, en dispositions<br />

permanentes.<br />

Est prolongé, l'article 213, une procédure<br />

permanente qui installe des techniques<br />

d'enquêtes très intrusives,<br />

dénommées "sneak and peek". Il autorise<br />

le FBI à pénétrer dans un domicile ou


un bureau en l'absence de l'occupant.<br />

Durant cette enquête secrète, les agents<br />

fédéraux sont autorisés à prendre des<br />

photos, à examiner le disque dur d'un<br />

ordinateur et à y insérer un dispositif<br />

digital d'espionnage, [... la] "lanterne<br />

magique" [..., qui] enregistre toute activité<br />

informatique, sans que celle-ci soit<br />

transmise sur le Net. [...]<br />

Une autre procédure permanente est<br />

prorogée, celle installée par la clause<br />

505, qui élargit les possibilités, accordées<br />

au FBI et à des administrations,<br />

d'obtenir des "lettres de sécurité nationale",<br />

une forme de citation administrative<br />

donnant accès à des données personnelles,<br />

médicales, financières, aux<br />

données des agences de voyage, de<br />

location de voitures et des casinos, ainsi<br />

qu'aux fichiers de bibliothèques. Avant<br />

le Patriot Act, les "lettres de sécurité<br />

nationales" étaient limitées aux cas de<br />

personnes "en liaison avec un pouvoir<br />

étranger". [...] Lors des débats parlementaires,<br />

il est apparu que le gouvernement<br />

utilise 30 000 "lettres de sécurité<br />

nationale", chaque année depuis les<br />

attentats du 11 septembre [5]. [...]<br />

L'article 212 autorise les compagnies<br />

de téléphone et les fournisseurs d'accès<br />

Internet [Voir « La Nasse », p. 445]<br />

à divulguer, au gouvernement, le<br />

contenu et l'enregistrement des communications,<br />

si ces compagnies estiment<br />

[...] qu'elles constituent une "injure<br />

grave". Il n'y a pas de contrôle judiciaire<br />

a posteriori [...].<br />

La section 214 facilite l'obtention par le<br />

FBI [des données de connexions<br />

entrantes et sortantes], dans le cadre du<br />

"Foreign Intelligence and Security Act"<br />

(FISA) [..., de 1978, qui] donne en matière<br />

d'espionnage des pouvoirs exceptionnels<br />

à l'administration, en soustrayant<br />

ses actes à un véritable contrôle judiciai-<br />

re, autre que l'autorisation, préalable et<br />

sans suivi, de tribunaux d'exception,<br />

souvent secrets. [...] Cette saisie ne<br />

nécessite pas de mandat judiciaire.<br />

Avant le Patriot Act, le gouvernement<br />

devait trouver que la personne surveillée<br />

était un agent d'une puissance étrangère.<br />

Maintenant, il doit simplement signifier<br />

que l'information saisie est en "relation"<br />

avec une enquête relative au terrorisme<br />

[..., ce qui] permet de justifier n'importe<br />

quelle recherche.<br />

L'article 209 est également devenu permanent.<br />

Il élargit la capacité de se saisir<br />

légalement de messages vocaux. [...,<br />

traités] comme de simples messages<br />

électroniques. [...] Si la saisie est effectuée<br />

sur des messages envoyés, et non<br />

sur un répondeur placé dans un domicile,<br />

elle peut être effectuée sans notification<br />

à la personne concernée [Voir<br />

« Accroche-toi à l'Echelon », p. 429].<br />

L'article 218, devenu également permanent,<br />

autorise des recherches secrètes,<br />

sans notification, dans un domicile ou<br />

un bureau, si il y a une présomption "raisonnable"<br />

de penser que le domicile ou<br />

le bureau contienne des informations<br />

relatives à l'activité d'un agent d'une<br />

puissance étrangère, sans qu'il y ait<br />

nécessairement la preuve ou l'indice<br />

d'un délit [6]. [...]<br />

L'article 207 porte de 30 jours à 6 mois<br />

[... renouvelables] le temps pendant<br />

lequel des connections [...] peuvent être<br />

utilisées, avant qu'une autorisation doive<br />

être demandée à un tribunal. Cette disposition<br />

[...] devenue permanente [...]<br />

permet, à un [...] magistrat [...], de délivrer<br />

un mandat permettant d'enregistrer<br />

les données, entrantes et sortantes,<br />

d'une connection électronique, mandat<br />

qui ne précise pas le n° IP concerné et<br />

qui peut être délivré partout sur le territoire<br />

américain.<br />

501 Survie surveillée


[... Pour obtenir ce] chèque en blanc<br />

[...], l'agent [fédéral] doit simplement<br />

certifier que l'information recherchée est<br />

"pertinente dans la recherche d'un crime<br />

en exécution". Le juge doit délivrer l'autorisation,<br />

dès réception de l'attestation,<br />

même s'il n'est pas d'accord avec la procédure<br />

engagée.<br />

[... A aussi été prolongée] pour quatre<br />

ans la section 6001 de l'Intelligence<br />

Reform and Terrorism Prevention Act of<br />

2004, qui autorise une surveillance de<br />

personnes isolées, soupçonnées d'être<br />

des terroristes. [... Pour pouvoir] être<br />

considéré comme un agent d'une puissance<br />

étrangère, il [... suffit d'être<br />

étranger].<br />

La section 215 permet, moyennant<br />

une autorisation secrète d'un tribunal,<br />

au FBI d'avoir accès aux données<br />

médicales, aux comptes bancaires, aux<br />

données d'emprunt des bibliothèques<br />

ou de "toute chose tangible", sans<br />

qu'il soit nécessaire, pour les enquêteurs,<br />

de montrer que cette recherche<br />

porte sur des faits en connexion avec<br />

le terrorisme ou avec une puissance<br />

extérieure [7]. [...]<br />

Quant à l'article 206, il autorise l'utilisation<br />

de connexions "nomades". Les<br />

agents du FBI n'ont pas besoin [...]<br />

d'identifier le suspect pour obtenir l'autorisation<br />

d'installer leur dispositif de surveillance<br />

[... de] l'ensemble des téléphones<br />

installés dans le voisinage de la<br />

personne ciblée ou à ceux de ses relations,<br />

sans qu'il soit nécessaire de montrer<br />

que l'individu surveillé utilise ces<br />

appareils. [... N'ayant pas à] nommer la<br />

personne devant être surveillée, le gouvernement<br />

peut légalement surveiller le<br />

téléphone de n'importe [... qui].<br />

Le Patriot Act, notamment à travers les<br />

articles 206 et 215, généralise, à l'ensemble<br />

des matières criminelles, des dis-<br />

Survie surveillée 502<br />

positions établies, en matière d'espionnage,<br />

par le "Foreing Intelligence<br />

Surveillance Act". Le Patriot Act estompe<br />

la différence entre enquête criminelle et<br />

travail de renseignement en permettant<br />

au FBI de conduire des recherches sous<br />

Titre III (matière criminelle) et d'obtenir<br />

les autorisations nécessaires sous les procédures<br />

et avec les garanties réduites du<br />

FISA.<br />

Il aussi créé des autorisations permanentes<br />

pour l'échange d'informations<br />

entre agences de renseignement et services<br />

de police, permettant de dépasser<br />

les barrières administratives empêchant<br />

de telles connexions. [...]<br />

En devenant permanentes, les mesures<br />

de surveillance intrusives deviennent la<br />

base d'un nouvel ordre politique qui<br />

donne à l'administration les prérogatives<br />

revenant au pouvoir judiciaire. Cependant,<br />

contrairement à la première version,<br />

votée par la Chambre en juin<br />

<strong>2005</strong>, la forme juridique adoptée reste<br />

celle de l'état d'exception permanent et<br />

non directement celle de la dictature. La<br />

résistance du Sénat a permis de garder<br />

et d'introduire quelques possibilités formelles<br />

de contrôle et de recours judiciaires,<br />

sans que celles-ci entament réellement<br />

les prérogatives du FBI et du<br />

gouvernement. » [1] Il faut ce qu'il faut.<br />

[1] : (Jean-Claude Paye, « L'Etat d'urgence, base du nouvel<br />

ordre politique américain », Justice, 7-8/<strong>2005</strong> , pp. 27-<br />

29 (Syndicat de la magistrature, 12-14, rue Charles-<br />

Fourier, F-75013 Paris))<br />

[2] : (Sources ouvertes n° 135 : « Les États-Unis se détournent<br />

de leur Constitution », Réseau Voltaire, 30/9/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10672.html, d’après<br />

Lawyers Committee For Human Rights, « Assessing the<br />

New Normal. Liberty and Security for the Post-Septembre<br />

11 United States », 2003, http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/AssessingtheNewNormal.pdf)<br />

[3] : (« Ecoutes secrètes de la NSA : un juge fédéral américain<br />

démissionne », Le Monde, 23/12/<strong>2005</strong>, d'après<br />

AFP, reprod. in http://www.mail-archive.com/guerrelec@googlegroups.com/msg00206.html)<br />

[4] : (H.R. 3199, version finale, http://thomas.loc.gov/cgibin/query/D?c109:9:./temp/~c109KEksQ0::)


[5] : (ACLU, « National Security Letters Gag Patriot Act<br />

Debate », http://www.aclu.org/safefree/nationalsecurityletters/index.html)<br />

[6] : (Timothy H. Edgar, « Memo to interested Persons<br />

Outlining What Congress Should Do About the Patriot Act<br />

Sunsets », ACLU, 28/3/<strong>2005</strong>, http://www.aclu.org/safefree/general/17555leg<strong>2005</strong>0328.html)<br />

[7] : (« Conyers calls Patriot Act reauthorizarion "dangerous"<br />

»,Raw Story, 28/2/2006, http://www.rawstory.com<br />

/news/2006/Conyers_calls_Patriot_Act_reauthorization_d<br />

angerous_0228.html)<br />

« [Nombre] d’experts [étasuniens] du<br />

droit international accusent les Etats-<br />

Unis de prendre de plus en plus de<br />

libertés vis-à-vis de leurs obligations<br />

internationales, de bafouer le droit<br />

[...] ou de le manipuler en fonction<br />

de leurs intérêts du jour. Tout en l’invoquant<br />

lorsqu’il les sert.<br />

[... Après que] la Cour Internationale de<br />

Justice (CIJ) [...] eut, en 1984, condamné<br />

les Etats-Unis pour atteinte à la souveraineté<br />

du Nicaragua - par des actions<br />

de minage de ports et autres opérations<br />

militaires - l’administration Reagan avait<br />

mis fin à la juridiction obligatoire initialement<br />

consentie [... ; puisque la CIJ n'est<br />

compétente que lorsque les parties se<br />

soumettent à sa juridiction].<br />

[Parmi les] libertés prises par les Etats-<br />

Unis avec leurs engagements [..., nombreux<br />

sont les] recours à la force [...].<br />

Outre le Nicaragua [... et] l’invasion de la<br />

Grenade en 1983, le raid d’avril 1986<br />

contre la Libye - en représailles contre un<br />

attentat dans une discothèque berlinoi-<br />

se, fréquentée par des soldats américains<br />

- l’opération de capture du général<br />

Noriega à Panama [tandis que l'opinion<br />

publique était occupée à mirer les fauxcharniers<br />

de Timisoara], l’envoi d’une<br />

salve de missiles Tomahawk, en juin<br />

1993, contre le siège des services spéciaux<br />

irakiens [...] après une tentative<br />

d’assassinat de l’ex-Président Bush [...].<br />

En août 1998, [suite aux] attentats<br />

contre les ambassades américaines à<br />

Nairobi et Dar-es-Salam » [2], c'est « en<br />

invoquant [le] principe [de légitime<br />

défense] que le gouvernement des Etats-<br />

Unis [sous William Clinton] a justifié l'attaque<br />

» [3] « de missiles de croisière » [2]<br />

« contre des "camps d'entraînement terroristes"<br />

en Afghanistan et contre une<br />

usine pharmaceutique au Soudan » [3],<br />

« soupçonnée - [... prétendait-on] - de<br />

servir à la confection d’armes chimiques<br />

» [2] et où l’on produisait en fait<br />

sans licence des génériques de trithérapie<br />

pour traiter le Sida en Afrique [Voir<br />

« Charbonnier est maître chez lui »,<br />

p. 589]. Pour avoir « une couverture juridique<br />

aux bombardements du 20 août<br />

1998, qui violaient la souveraineté de<br />

plusieurs Etats [..., le département<br />

d'Etat] a donc invoqué l'article 51 de la<br />

Charte des Nations unies [4] [Voir « La<br />

Charte et les Territoires », p. 506].<br />

Pourtant, ce texte ne prévoit l'usage de<br />

la légitime défense qu'en cas d' "agression<br />

armée" et "jusqu'à ce que le Conseil<br />

de sécurité ait pris les mesures nécessaires<br />

pour maintenir la paix et la sécurité<br />

internationale". » [3]<br />

« Et c’est à partir de décembre 1998,<br />

après le retrait des inspecteurs de l’ONU,<br />

qu’Américains et Britanniques, s’autorisant<br />

de la résolution 688 du Conseil de<br />

Sécurité, entreprennent [en Irak] une<br />

campagne de frappes aériennes [...].<br />

[Puis] la guerre du Kosovo, lancée par<br />

503 Survie surveillée


l’Otan, en mars 1999, [... en invoquant]<br />

la nécessité absolue, pour des raisons<br />

humanitaires, de l’intervention, mais [les<br />

USA] se sont gardés de solliciter l’autorisation<br />

formelle du Conseil de Sécurité,<br />

[menacée] d’un veto russe. [... On] avait<br />

tiré argument des violations, par les<br />

Serbes, de résolutions prises par le<br />

Conseil au titre du Chapitre VII pour justifier<br />

la menace d’emploi de la force visà-vis<br />

de Belgrade. Le fait que le Conseil<br />

ait pris acte avec satisfaction des progrès<br />

obtenus grâce à cette menace [5] fondait<br />

la mise à exécution de celle-ci et une<br />

nouvelle résolution [6] [...] venait apporter<br />

une caution [...] à une crise gérée en<br />

grande partie en dehors du droit international<br />

[7], au grand dam de nombreux<br />

Etats tiers [... protestant] énergiquement<br />

[...].<br />

[Outre le recours à la force, il y a aussi]<br />

les actes législatifs contraires au droit<br />

international [ ..., comme les] lois à portée<br />

extra-territoriale, qui enfreignent les<br />

règles de la compétence territoriale et<br />

personnelle de l’Etat. [... Mais également]<br />

la non-application d’accords internationaux<br />

[...] : outre [les cas comme<br />

celui] de l’enlèvement au Mexique d’un<br />

ressortissant mexicain alors qu’existe un<br />

accord d’extradition entre les deux pays,<br />

les cas sont fréquents de refus d’assistance<br />

consulaire aux étrangers incarcérés,<br />

les Etats [... Unis], négligeant de prévenir<br />

qui que ce soit. [... Pourtant,] la<br />

règle fondamentale du droit international<br />

[...] veut que tout traité lie les parties<br />

[... dont aucune ne peut] invoquer les<br />

dispositions du droit interne pour se dispenser<br />

de l’exécution. [...]<br />

La réticence à s’engager dans des<br />

régimes multilatéraux - voire bilatéraux -<br />

contraignants [... n’a] cessé de se renforcer<br />

[... depuis 20 ans] pour s’accélérer<br />

au milieu des années 90. [...]<br />

Survie surveillée 504<br />

Considérant "comme illégitime toute<br />

tentative de soumettre des citoyens américains<br />

à la juridiction" de la CPI, les Etats-<br />

Unis [... ont donc fait adopter] par le<br />

Congrès, en novembre 2001, des résolutions<br />

interdisant au gouvernement<br />

toute coopération avec la CPI, autorisant<br />

le Président à user de tout moyen approprié<br />

pour faire libérer un ressortissant<br />

américain qui viendrait à être détenu par<br />

la Cour et tendant à subordonner la participation<br />

à une opération de maintien<br />

de la paix à l’obtention préalable d’une<br />

immunité contre toutes poursuites de la<br />

CPI. [... Par ailleurs], l’administration<br />

américaine [...] visant à conclure avec<br />

nombre d’Etats [...] des accords garantissant<br />

que des citoyens américains ne<br />

seront pas remis à la Cour. Des<br />

démarches assorties de menaces [...]. Fin


juin 2003, 49 accords de ce type avaient<br />

[déjà] été signés. » [2]<br />

En 2002, on vota la loi « "American<br />

Servicemembers’ Protection Act" [... prévoyant<br />

également] une opposition systématique<br />

à toute participation américaine<br />

aux opérations de paix mandatées par<br />

l’ONU, voire un veto [...,] à toute résolution<br />

ne comportant pas d’exemption<br />

permanente pour le personnel [étasunien]<br />

impliqué [... Le] Conseil de Sécurité<br />

fut même poussé [8] à ordonner une<br />

exemption générale d’un an renouvelable<br />

[et renouvelée] à l’égard des<br />

membres [étasuniens] d’opérations de<br />

paix déjà déployées. La loi américaine<br />

allait même jusqu’à permettre [...] toutes<br />

les mesures nécessaire pour empêcher la<br />

remise ou mettre un terme à l’emprisonnement<br />

d’un citoyen américain aux Pays-<br />

Bas, ce qui lui valut le surnom (à peine)<br />

facétieux de "Hague Invasion Act". » [9]<br />

A l'inverse, le droit étasunien est tellement<br />

universel qu'il s'applique même<br />

pour les présidents étrangers. On put<br />

donc « enlever le général Manuel<br />

Noriega [... ancien complice de Bush<br />

père,] pour le faire juger aux Etats-Unis<br />

sous inculpation de trafic de drogue<br />

[Voir « Pour la drogue, donc contre »,<br />

p. 144]. L’opération [...] allait durer deux<br />

semaines et faire des milliers de morts et<br />

de blessés. » [10]<br />

On peut facilement s'extraire des<br />

contraintes des traités grâce à « la règle<br />

de l’égale autorité des traités et des lois,<br />

la postériorité définissant la prévalence.<br />

[... Les] Etats-Unis "s’arrogent le droit<br />

absolu de juger souverainement du bien<br />

et du mal, notamment en ce qui concerne<br />

l’emploi de la force, et de s’exempter<br />

avec une bonne conscience totale des<br />

règles qu’ils proclament et appliquent<br />

pour les autres" [11]. [... Souvent, dans]<br />

la production de droit international [...]<br />

de ces dernières décennies [...,] les Etats-<br />

Unis [...] influent, à raison de leur poids,<br />

sur [les] résultats [de la négociation]<br />

pour ensuite faire défaut, au stade de la<br />

ratification, voire de la signature, en<br />

invoquant des impératifs de sécurité, de<br />

souveraineté ou d’intérêt national. [...]<br />

Ce paradigme de l’"exceptionnalisme"<br />

américain s’est confirmé avec force après<br />

les attentats du 11 septembre 2001 [Voir<br />

« Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 610], perçus<br />

comme une déclaration de guerre. [Les<br />

USA] et le monde ont été [...] renvoyés<br />

aux chapitres jus ad bellum - le droit du<br />

recours à la force - et jus in bello - le droit<br />

applicable à la conduite des hostilités -<br />

des manuels de droit international.<br />

L’élan de sympathie à l’égard de la<br />

nation frappée, la résolution 1368 du<br />

Conseil de Sécurité [12], les déclarations<br />

de l’OTAN (12 septembre) [13] et de<br />

l’OEA [Organisation des Etats<br />

Américains] (21 septembre) [14] ne laissaient<br />

guère de place au doute quant à<br />

la validité [...] de la notion de légitime<br />

défense.<br />

[... Après] les vains ultimatums au régime<br />

taliban, [...] la légalité [d’une guerre en<br />

Afghanistan] n’a fait l’objet d’aucune<br />

contestation significative de la part de la<br />

communauté des Etats [... On utilisa]<br />

Guantanamo [Voir « Sensible privation »,<br />

p. 516], dont le statut d’exterritorialité<br />

permet, en vertu d’une jurisprudence<br />

contestée, de faire échapper les détenus<br />

au droit commun américain, mais aussi<br />

aux obligations découlant des accords<br />

consulaires entre les Etats-Unis et les<br />

pays d’origine des intéressés [...]<br />

[La] Maison Blanche [... a] annoncé le 7<br />

février 2002 que la III ème Convention de<br />

Genève de 1949 [15] sur le traitement<br />

des prisonniers de guerre [...] était applicable<br />

aux seuls taliban, mais pas aux<br />

combattants d’Al Qaida, qui n’étaient<br />

505 Survie surveillée


pas sous l’autorité d’un Etat signataire<br />

de la Convention [15]. [... Et, aussitôt, le]<br />

Président, toujours en vertu de ses pouvoirs<br />

de guerre, [décida] de ne pas [non<br />

plus] reconnaître aux taliban la qualité<br />

de combattants réguliers au motif qu’ils<br />

ne remplissaient pas deux [...] conditions<br />

fixées [...] pour bénéficier des privilèges<br />

[...] des prisonniers de guerre : le port<br />

d’un "signe distinctif fixe et reconnaissable<br />

à distance" [16], le respect des "lois<br />

et coutumes de la guerre" [16] [... La]<br />

décision de ne pas appliquer la III ème<br />

Convention de Genève [15] aux combattants<br />

d’Al Qaida [...] n’a guère été<br />

contestée » [2]. Ensuite...<br />

« Comme puissances occupantes [de<br />

l'Irak], les Etats-Unis et [... leurs alliés] ont<br />

violé, souvent systématiquement, et/ou<br />

sont complices de violations de [très]<br />

nombreux principes et obligations selon<br />

le droit international humanitaire et des<br />

droits de l’homme, et le droit international<br />

coutumier » [17], dont la liste est très<br />

longue [17].<br />

[1] : (Roger Martin, « Amerikkka. Voyage dans l'internationale<br />

néo-fasciste », Calmann-Levy, 5/1995)<br />

[2] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international<br />

», coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis<br />

.pdf, d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à<br />

la force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

[3] : (Alain Gresh, « Guerres saintes », Le Monde diplomatique,<br />

9/1998, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/<br />

1998/09/GRESH/10954)<br />

[4] : (« Charte des Nations unies », chap. 7,<br />

http://www.un.org/french/aboutun/charte/chap7.htm)<br />

[5] : (Résolution 1203, 14/10/1998, http://www.un.org/f<br />

rench/docs/sc/1998/98s1203.htm)<br />

[6] : (Résolution 1244, du 10/6/1999, http://www.un.org<br />

/french/docs/sc/1999/99s1244.htm)<br />

[7] : (Cf. notamment Bruno Simma, « NATO, the UN and<br />

the Use of Force : Legal Aspects », in European Journal of<br />

International Law, Vol. 10, n° 1, 1999)<br />

[8] : (Résolution 1422 de 2002 puis Résolution 1487 de<br />

2003...]<br />

[9] : (Jean-François Gareau, « Cour pénale internationale<br />

(CPI) », http://www.operationspaix.net/-Cour-penaleinternationale-CPI-)<br />

[10] : (« Bush contesté à Panama », L'Humanité,<br />

11/6/1992, http://www.humanite.presse.fr/journal/1992<br />

-06-11/1992-06-11-655247)<br />

Survie surveillée 506<br />

[11] : (Pierre Hassner, « Etats-Unis : l’empire de la force ou<br />

la force de l’empire ? », Cahiers de Chaillot, n° 54, Institut<br />

d’Etudes de Sécurité de l’Union Européenne, Paris,<br />

9/2002, pp. 46-47)<br />

[12] : (« Résolution 1368 du Conseil de Sécurité »,<br />

12/9/2001, http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res<br />

1368f.pdf)<br />

[13] : (« L'OTAN réaffirme les engagements pris au titre du<br />

Traité dans la réaction aux attaques terroristes contre les<br />

Etats-Unis », 12/9/2001, http://www.nato.int/docu/upda<br />

te/2001/0910/f0912a.htm)<br />

[14] : (« Résolution sur le renforcement de la coopération<br />

continentale pour empêcher, combattre et éliminer le terrorisme<br />

» (rc 23/Res.1/01), 21/9/2001, http://www.oas.o<br />

rg/OAS<strong>page</strong>/crisis/Ren_fr.htm)<br />

[15] : (« IIIème Convention de Genève de 1949 »,<br />

http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/375?OpenDocument)<br />

[16] : ([13], art. 4, § 2)<br />

[17] : (« Liste des conventions violées par les Etats-Unis »,<br />

http://www.brusselstribunal.org/Statement120306.htm,<br />

cité par http://www.michelcollon.info/articles.php?datea<br />

ccess=2006-03-17%2016:35:38&log=invites)<br />

Les « Etats-Unis n’ont [...] jamais eu,<br />

vis-à-vis du recours à la force, les<br />

mêmes inhibitions que la plupart<br />

des autres Etats, davantage attachés<br />

à la Charte des Nations Unies [1]<br />

[Voir « Emporter ONU », p. 434] [...] :<br />

de l’opération de la Baie des Cochons en<br />

1961 à l’invasion de la République<br />

Dominicaine en 1965 ou de la Grenade<br />

en 1983, du raid sur Tripoli en 1986 et<br />

de la capture de Noriega à Panama en<br />

1989 aux raids en Irak, au Soudan et en<br />

Afghanistan pendant les années 90, et<br />

sans même parler des opérations clandestines<br />

[...]. Même si chacune de ces<br />

[opérations] faisait l’objet d’un effort<br />

d’habillage juridique, aucune d’entre<br />

elle n’entrait dans un cas de figure prévu


par la Charte des Nations Unies [1].<br />

[... Dimension nouvelle] post-11 septembre,<br />

[... avec l'élaboration<br />

d'une] doctrine de<br />

l’usage préemptif de<br />

la force [..., la]<br />

National Security<br />

Strategy [2] [... :<br />

Puisque] le terrorisme<br />

de masse<br />

[... cherche] à se<br />

doter d’armes de<br />

destruction massive<br />

[... et] n’opère<br />

pas [...] à partir<br />

d’un territoire bien<br />

identifié, [il] n’est justiciable<br />

ni de la démarche<br />

classique de containment ni, dès lors<br />

qu’il intègre dans ses méthodes l’attentat-suicide,<br />

celle de la dissuasion. [...<br />

Cela justifie] une révision du concept de<br />

légitime défense [... et du critère de l'imminence]<br />

: il n’est pas acceptable d’attendre,<br />

pour réagir, que la menace soit<br />

réalisée.<br />

[... Ce] terrorisme est [réputé] apparenté<br />

à un petit nombre d’Etats [... "voyous"]<br />

en quête d’armes de destruction massive<br />

[... ;] l’action préemptive est donc légitime<br />

et les Etats-Unis y recourront [...] en<br />

se réservant le droit d’agir seuls, affirme<br />

encore la National Security Strategy,<br />

dans laquelle on chercherait en vain une<br />

référence à la Charte des Nations Unies<br />

[...]. "Dans la pratique, le cadre de la<br />

Charte des Nations Unies est mort" [3],<br />

tranche [... le] directeur de l’Institut de<br />

Droit International et de Politique de<br />

l’université de Georgetown, [...] "la doctrine<br />

Bush de préemption n’enfreint pas<br />

le droit international puisque le cadre<br />

fixé par la Charte ne se reflète plus dans<br />

la pratique des Etats" [3] [... ] "[La<br />

Présidence des] Etats-Unis [... annonce<br />

donc dans ce document] qu’ils n’étaient<br />

plus tenus par les règles de la Charte<br />

relatives à l’usage de la force. Ces<br />

règles se sont désintégrées.<br />

‘Légal’ et ‘illégal’ sont des<br />

termes vides de sens<br />

lorsqu’ils sont appliqués<br />

à l’emploi de<br />

la force" [4] » [5].<br />

On garde pourtant<br />

ces gros<br />

mots, car ils font<br />

très jolis dans les<br />

discours.<br />

[1] : (« Charte des Nations<br />

Unies », http://www.un.org/french/aboutun/charte/txt.html)<br />

[2] : (« The National Security Strategy of the<br />

United States of America », 17/9/2002, www.whitehouse.gov/nsc/nss.pdf)<br />

[3] : (Anthony Clark Arend, « International Law and the<br />

Preemptive Use of Military Force », The Washington<br />

Quarterly, printemps 2003, p. 101)<br />

[4] : (Michael J. Glennon, « Why the Security Council<br />

Failed », Foreign Affairs, 5-6/2003)<br />

[5] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international »,<br />

coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis.pdf,<br />

d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à la<br />

force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

Le vide juridiqueprogresse.<br />

On le<br />

voit « dans<br />

des pays comme<br />

les États-<br />

Unis qui se présentent<br />

comme des défenseurs des<br />

droits humains, mais qui ont adopté<br />

des pratiques de contrôle social inhumaines<br />

[...,] pratiquent la torture, [...]<br />

infligent des traitements inhumains,<br />

507 Survie surveillée


[...] détiennent dans leurs propres prisons<br />

des personnes pendant des<br />

périodes indéfinies et [...] renvoient des<br />

suspects vers des pays tiers pour y être<br />

soumis à des traitements semblables ou<br />

pires. » [1]<br />

« Depuis le 9-11 le<br />

gouvernement des<br />

États-Unis a [en effet]<br />

multiplié les "outils"<br />

traditionnellement<br />

réservés aux États<br />

totalitaires : arrestation<br />

et détention arbitraires<br />

indéfinie de<br />

milliers de suspects<br />

"islamistes" sans<br />

qu'aucune accusation<br />

ne soit portée<br />

contre eux ; introduction<br />

d'un nouveau<br />

statut de "combattant<br />

ennemi", permettant<br />

d'emprisonner "préventivement" sans distinction<br />

un citoyen étranger ou étatsunien<br />

pour une période indéfinie, sans procès et<br />

sans accès à un avocat » [2].<br />

Avec « la mise en place d'institutions<br />

extra-judiciaires tels que le camp de<br />

détention et les commissions militaires<br />

de la base militaire de Guantanamo [Voir<br />

« Sensible privation », p. 516] [...] la<br />

détention et le jugement des prisonniers<br />

échappent à toute possibilité de contrôle<br />

civil, [...] les charges suffisantes pour y<br />

transférer une personne sont floues : le<br />

Département de la Justice doit fournir<br />

“des preuves” que cette personne est un<br />

“combattant ennemi” [... non défini]. De<br />

plus, sans explications, certaines personnes<br />

suspectées de terrorisme sont<br />

traitées comme “combattants ennemis”,<br />

donc pris en charge par des commissions<br />

militaires, alors que d'autres sont<br />

poursuivies devant des tribunaux civils.<br />

Cela contrevient à la règle constitution-<br />

Survie surveillée 508<br />

nelle qui veut que la loi soit appliquée de<br />

la même façon à tous. » [3]<br />

« L'administration Bush a affirmé que ni<br />

le droit criminel [étasunien,] ni les<br />

Conventions de [Genève, ni] et les<br />

autres traités internationaux<br />

ne s'appliquent<br />

aux personnes<br />

qui ont été<br />

jetées dans ce système<br />

de camps. En<br />

d'autres termes, les<br />

États-Unis disent que<br />

ces détenus se trouvent<br />

dans un vide<br />

juridique, une sorte<br />

de "no man's land"<br />

où les États-Unis et<br />

leurs alliés peuvent<br />

se soustraire à la loi,<br />

ou choisir les parties<br />

de la loi qu'ils appliquent<br />

[Voir « Amerikkka<br />

über alles ! », p. 503].<br />

Ceci, alors même que le droit international<br />

et les lois de la plupart des nations (y<br />

compris [alors] les États-Unis) interdisent<br />

formellement l'usage de la torture contre<br />

quelque personne que ce soit, [... et]<br />

que bien des personnes prises dans les<br />

mailles du filet n'ont [en fait] pas de liens<br />

avec le terrorisme. Ce parcours [...] fait<br />

de tortures, de refoulements extrajudiciaires<br />

et même d'exécutions extrajudiciaires<br />

est une négation des valeurs<br />

démocratiques et de la civilisation en<br />

soi. » [1] Et c'est bien ce que les esclavagistes<br />

veulent [Voir « Soutenons les<br />

esclavagistes ! », p. 658].<br />

« Ces détentions arbitraires, arrestations<br />

illégales, transferts secrets, détentions au<br />

secret et restitutions extraordinaires violent<br />

[certes] les droits les plus fondamentaux<br />

des détenus : [...] de ne pas être<br />

arrêté arbitrairement ; [...] de consulter<br />

un avocat, de voir sa famille et d’être


examiné par un médecin ; [...] de faire<br />

informer ses proches de son arrestation<br />

ou de son lieu de détention ; [...] de<br />

comparaître rapidement devant un juge<br />

ou une autre autorité judiciaire ; [...] de<br />

contester la légalité de sa détention et<br />

[...] de ne pas être soumis à des tortures<br />

ou traitements cruels, inhumains ou<br />

dégradants.<br />

[Mais quand] les États-Unis font l’objet de<br />

plus en plus de pressions demandant une<br />

réforme d’Abou Ghraib, le transfert du<br />

contrôle des centres de détention en<br />

Afghanistan aux mains du gouvernement<br />

afghan et la fermeture de Guantánamo,<br />

[... on voit alors] le gouvernement des<br />

États-Unis multiplier les recours à des<br />

mesures secrètes pour poursuivre sa<br />

"guerre contre le terrorisme » [4].<br />

Evidemment, on court toujours officiellement<br />

derrière « l'efficacité voulue pour<br />

identifier les terroristes ou faire échec à<br />

leurs plans. [Les mesures prises] détournent<br />

des ressources essentielles qui<br />

pourraient être investies dans des services<br />

de renseignement humain [classiques,]<br />

nécessaires pour nous donner<br />

des renseignements fiables sur des<br />

menaces précises, au lieu de produire<br />

des données inutiles sur la vaste majorité<br />

de la population qui ne constitue<br />

pourtant aucune [autre] menace [que<br />

de pouvoir devenir trop consciente, trop<br />

libre, trop directement démocratique].<br />

Ces méthodes ne font que susciter la<br />

méfiance des collectivités qui pourraient<br />

aider les services de renseignement à<br />

obtenir de l'information fiable. Elles n'aident<br />

en rien à régler les causes fondamentales<br />

du terrorisme. Au lieu d'accroître<br />

la sécurité, [elles] affaiblissent les<br />

institutions démocratiques et les garanties<br />

individuelles dont dépend la sécurité<br />

des citoyens [... et] elles exacerbent l'insécurité<br />

mondiale.<br />

Le ciblage injuste des Musulmans et le<br />

traitement brutal et hors du cadre de la<br />

loi qui est de rigueur dans le réseau<br />

mondial de camps de détention décrit ici<br />

engendrent la haine envers les pays<br />

occidentaux et leurs alliés, favorisant<br />

davantage de fanatisme et de terrorisme.<br />

» [1] Mais n'est-ce pas finalement ce<br />

qu'on souhaite quand on en tire son<br />

pouvoir ?<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[3] : (Sources ouvertes n° 135 : « Les États-Unis se détournent<br />

de leur Constitution », Réseau Voltaire, 30/9/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10672.html, d’après le<br />

Rapport du Lawyer Committee For Human Rights,<br />

http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/Assessi<br />

ngtheNewNormal.pdf)<br />

[4] : (« États-Unis : un système de détention mondial »,<br />

Amnesty International, 12/1/2006, http://www.amnestyinternational.be/doc/article6740.html)<br />

509 Survie surveillée


Le monde<br />

entier est pressé<br />

de suivre le<br />

modèle dominant<br />

mad(e) in<br />

USA. Pourtant, la<br />

« politique policière<br />

de "tolérance zéro" [Voir « Et que se<br />

perd en route... », p. 234] et le qua-<br />

druplement en un quart de siècle des<br />

effectifs incarcérés outre-Atlantique<br />

n’ont joué qu’un rôle décoratif dans<br />

une baisse des contentieux due à la<br />

conjonction de facteurs économiques,<br />

démographiques et culturels » [1].<br />

Avec « deux millions de prisonniers [soit<br />

environ une personne sur 150] et plus<br />

de 40 milliards de dollars dépensés<br />

chaque année [soit plus de 50 $ par personne<br />

incarcérée et par jour] par l’Etat<br />

fédéral, la politique carcérale est devenue<br />

un véritable enjeu aux Etats-Unis [Voir<br />

« Laxisme hâtif », p. 342]. [...]<br />

Des entreprises très puissantes, comme<br />

la CCA (Corrections Corporation of<br />

Survie surveillée 510<br />

America) [2] construisent des geôles<br />

ultramodernes, puis passent contrat<br />

avec l’Etat. Ce système bien rôdé leur<br />

permet de se faire des marges sur le taux<br />

d’occupation des prisons, tout en créant<br />

des emplois – mal payés – à destination<br />

des populations locales. Quant aux prisonniers,<br />

ils travaillent gratuitement<br />

[Voir « L'avenir du travail », p. 350]<br />

[... C’est] la logique d’un système ultralibéral<br />

qui préfère "parquer les pauvres<br />

des villes sous la surveillance des pauvres<br />

des campagnes" plutôt que de se donner<br />

les moyens d’une politique sociale<br />

adéquate. » [3] « "Dans certains Etats, le<br />

budget des prisons est supérieur à celui<br />

des écoles. [...] Après les attentats du 11<br />

septembre, plus personne n’avait son<br />

mot à dire. [...]" » [3].<br />

[1] : (Loïc Wacquant, Le Monde diplomatique, 9/2004,<br />

pp. 6-7, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/W<br />

ACQUANT/11454, d’après le dernier chapitre de « Punir<br />

les pauvres : le nouveau gouvernement de l’insécurité<br />

sociale », Agone, 2004)<br />

[2] : (http://www.correctionscorp.com)<br />

[3] : (Hélène Marzolf, Télérama, 15/1/2003, d’après le<br />

documentaire de Christiane Badgley, « A qui profite le<br />

crime ? », 2001, diffusé sur Arte, le 21/1/2003)<br />

Géant !<br />

Et en France ? On sait grâce à « de<br />

jeunes manifestants au Forum<br />

social européen, que [des] salles<br />

géantes existent déjà en région<br />

parisienne, prêtes à recevoir des<br />

populations entières de "délinquants",<br />

arrêtés ensemble, par<br />

exemple, lors de manifestations<br />

interdites ou réputées violentes.<br />

» [1] [Voir « StadeS de<br />

France », p. 151]<br />

[1] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage<br />

et de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le<br />

Monde diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.mondediplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)


Les « pratiques<br />

de l’Administration<br />

sur le<br />

propre territoire<br />

des Etats-<br />

Unis et en relation<br />

avec la lutte<br />

contre le terrorisme [... se font remarquer]<br />

: quelque 1 200 étrangers<br />

séjournant plus ou moins régulièrement<br />

aux Etats-Unis ont été arrêtés<br />

dans les 6 semaines suivant les attentats<br />

pour différents motifs, maintenus<br />

en détention et soumis à "un traitement<br />

abominable", selon Amnesty<br />

International. » [1]<br />

« Sur [ces] 1200 personnes [...,] détenues<br />

dans<br />

le cadre de<br />

l'enquête sur<br />

le 11 septembre,<br />

762<br />

le furent sur<br />

la base de<br />

violations<br />

[des] lois<br />

sur l'immigration.<br />

»[2]<br />

« Les fonctionnaires<br />

chargés des<br />

nombreuses<br />

mesures de<br />

contrôle se<br />

trouvent investis<br />

de<br />

pouvoirs considérables.<br />

Dans ce climat xénophobe, ils préfèrent<br />

toujours incarcérer des innocents que<br />

laisser passer d'éventuels ennemis. Les<br />

bavures se multiplient. [...] Ce climat et le<br />

renforcement de l'arsenal légal de<br />

contrôle de l'immigration favorisent la<br />

multiplication des détentions<br />

abusives. [...]<br />

En juin 2003, [Myriam Benkhamsa,]<br />

Française vivant au Canada part avec un<br />

visa touristique [... pour] trois mois chez<br />

son fiancé, Wilfried, dans le Massachusetts.<br />

Au moment où elle s'apprête à<br />

regagner le Canada, elle est hospitalisée<br />

[... et doit] différer son départ. Elle se<br />

présente finalement à la douane canadienne<br />

[... avec] son ami le 9 octobre,<br />

soit 22 jours après la date d'expiration<br />

de son visa. Les autorités canadiennes<br />

refusent à ce dernier l'entrée sur leur territoire<br />

au motif qu'il y a été condamné<br />

24 ans plus tôt pour conduite en état<br />

d'ivresse. Myriam et Wilfried rebroussent<br />

chemin et sont alors contrôlés par la<br />

douane états-unienne. Sans l'interroger<br />

sur les raisons<br />

du<br />

dépassement<br />

de<br />

date de son<br />

visa, les<br />

policiers la<br />

menottent<br />

et la transfèrent<br />

au<br />

poste de<br />

police de<br />

Newport<br />

dans le<br />

Vermont.<br />

[... Après<br />

qu'elle ait]<br />

décliné son<br />

identité, et<br />

mentionné<br />

le nom et la nationalité de son père,<br />

l'officier [...] hésite : [...] la Tunisie ? [...]<br />

Est-ce un pays musulman ? - Oui. [...] -<br />

Votre père est-il musulman ? Myriam [...]<br />

demande le rapport entre la religion de<br />

son père et son arrestation et refuse de<br />

511 Survie surveillée


épondre à la question [...].<br />

Au cours de ses 29 jours de détention,<br />

[dont 10 jours d'isolement,] Myriam<br />

Benkhamsa n'a jamais été présentée à<br />

un juge. Contrairement à la procédure<br />

applicable en matière d'immigration, elle<br />

n'a pas été détenue dans une prison<br />

fédérale. C'est l'officier de police qui l'a<br />

arrêtée à la frontière canadienne qui a<br />

effectué l'interrogatoire, décidé de sa<br />

mise sous écrou et établi son interdiction<br />

du territoire pour une période de 10<br />

ans. Sur la base des suspicions de ce<br />

fonctionnaire, Myriam Benkhamsa a été<br />

projetée, pendant un mois, au milieu<br />

d'un trou noir légal, ne bénéficiant pas<br />

de la possibilité de se défendre, ni de<br />

contacter sa famille.<br />

L'histoire de Myriam n'est pas une exception.<br />

Déjà, en juin 1999, [...] Slim Hamrouni<br />

[avait eu son lot. Cet étudiant,] citoyen<br />

français, au passeport "parfaitement en<br />

règle", décide, [à l'été 1999], de s'offrir<br />

une semaine de vacances à Los Angeles.<br />

À son arrivée à l'aéroport international,<br />

un officier de l'immigration [...] demande<br />

[...] son passeport. [...] Selon [l'officier],<br />

le passeport du Français est une<br />

"copie faite selon la technique en vogue<br />

à Bangkok". Slim Hamrouni [... l'a pourtant<br />

fait faire] à la mairie du XIII e arrondissement<br />

de Paris [..., mais] il ne peut<br />

pas être français, vu son nom, [lui diton,]<br />

avant de lui offrir une alternative :<br />

reconnaître que son passeport est un<br />

faux, auquel cas il sera renvoyé en<br />

France et interdit de séjour aux États-<br />

Unis, ou bien être conduit au pénitencier<br />

de Terminal Island. Il opte naturellement<br />

pour la première solution [...] "J'ai<br />

demandé si je pouvais passer un coup<br />

de fil. On m'a répondu que ce droit ne<br />

s'appliquait qu'aux citoyens américains,<br />

pas aux clandestins". Après une nuit passée<br />

sous haute surveillance dans une<br />

Survie surveillée 512<br />

chambre d'hôtel de l'aéroport, il est finalement<br />

rapatrié par un vol Air France. De<br />

retour à Paris, le jeune étudiant fait<br />

immédiatement vérifier son dossier par<br />

les douanes françaises, qui confirment<br />

bien sa validité [3].<br />

Mais la paranoïa sécuritaire [...], qui permet<br />

de considérer chaque étranger (ou<br />

"alien") comme un ennemi de la nation<br />

[..., s’aggrave depuis] le 11 septembre<br />

2001. Plusieurs cas en témoignent :<br />

Michaël Philippe, steward français, [...] le<br />

27 mars 2003, [...] avait signalé au commandant<br />

de l'avion [...] des graffitis [...]<br />

dans les toilettes [... évoquant] une<br />

bombe, Al Qaida, et Ben Laden. L'avion<br />

[a alors] été détourné, puis fouillé, sans<br />

qu'aucune bombe ne soit trouvée. [... Le<br />

steward est incarcéré par le FBI, pour<br />

"utilisation d'une arme de destruction<br />

massive contre les États-Unis",] pendant<br />

un mois et, lorsque sa famille parvient à<br />

réunir les 500.000 dollars de caution,<br />

assigné à résidence dans une famille<br />

d'accueil pendant sept mois sous contrôle<br />

d'un bracelet électronique. Finalement,<br />

après l'intervention du [...] président<br />

[Chirac] auprès de [...] George W.<br />

Bush, Michaël Philippe regagne la<br />

France, le 21 décembre 2003. Là encore,<br />

la justice [... pour ne] pas perdre la<br />

face a obtenu qu'il plaide coupable et<br />

soit condamné à une peine avec sursis.<br />

En effet, selon Michaël Philippe, le procureur<br />

l'avait menacé d'ajouter de nouvelles<br />

charges contre lui incluant des<br />

faux témoignages, s'il refusait de plaider<br />

coupable. Il aurait alors risqué une lourde<br />

peine de prison ferme. [...]<br />

Franck Moulet, un Français de 27 [ans,]<br />

a été arrêté à sa descente d'avion, le 10<br />

janvier 2004. À une hôtesse qui lui<br />

demandait pourquoi il s'attardait aux toilettes,<br />

il avait répondu en plaisantant :<br />

"Vous ne croyez quand même pas que


j'ai posé une bombe ?". Il encourait 4<br />

ans de prison pour "fausse alerte à la<br />

bombe". Il a été relâché le 26 janvier, à<br />

l'issue de 16 jours de détention, après<br />

avoir plaidé coupable de "mauvaise<br />

conduite". [...]<br />

Des cas similaires sont rapportés dans le<br />

monde entier » [4], évoquant les « manifestations<br />

d'intolérance [...,] comme l'internement<br />

des citoyens d'origine [japonaise,]<br />

durant la Seconde Guerre mondiale<br />

» [4]. Au pays du « melting pot » ?<br />

Allons donc !<br />

[1] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international<br />

», coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis<br />

.pdf, d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à<br />

la force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

[2] : (Sources ouvertes n° 135 : « Les États-Unis se détournent<br />

de leur Constitution », Réseau Voltaire, 30/9/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article10672.html, d’après le<br />

Rapport du Lawyer Committee For Human Rights,<br />

http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/Assessi<br />

ngtheNewNormal.pdf)<br />

[3] : (Michel Holtz, « L'Histoire. Trop basané pour un passeport<br />

français », Libération, 18/6/1999)<br />

[4] : (Paul Labarique, « La citadelle états-unienne. "Alien"<br />

paranoïa », Voltaire, 3/2/2004, http://www.voltairenet.or<br />

g/article12322.html)<br />

Certes,<br />

« il est manifeste<br />

que la<br />

voie qui mène à<br />

un système mondial<br />

de fichage et de<br />

surveillance est dangereuse, tant<br />

pour la sécurité des particuliers que<br />

pour la sécurité collective. » [1]<br />

« Les citoyens ont beaucoup plus à<br />

craindre dans le cadre de la mise en<br />

place d'un système de surveillance à<br />

l'échelle mondiale que la simple perte de<br />

leur vie privée, des libertés civiles ou de<br />

la liberté de mouvement. » [1]<br />

On s'envole. « Treize membres de la CIA<br />

[Voir « Sied à ravir », p. 571] [...] poursuivis<br />

par la justice d'un État étranger,<br />

l'Italie, en l'occurrence : c'est une première.<br />

Le 24 juin [<strong>2005</strong>], la juge Chiara<br />

Nobili a lancé un mandat d'arrêt contre<br />

le groupe d'agents qui, le 17 février<br />

2003, a enlevé en plein centre de Milan<br />

l'imam égyptien Hassan Moustapha<br />

Oussama Nasr » [2].<br />

De manière générale, les « États-Unis<br />

ont enlevé des suspects sur le territoire<br />

d’autres pays ou pris en charge des<br />

détenus venant de l’étranger. Ces transferts<br />

se sont déroulés en dehors de tout<br />

cadre légal et les droits humains n’ont<br />

pas été respectés. Certaines des victimes<br />

se sont par la suite retrouvées à<br />

Guantánamo, [... et d’autres] ont tout<br />

simplement "disparu". » [3]<br />

Où vont les personnes arrêtées ? « Une<br />

fois les données enregistrées, c'est la CIA<br />

qui s'occupe de leur exploitation jusqu'à<br />

l'arrestation et [la] disparition des suspects,<br />

puis : secret défense. » [4] « Sur le<br />

sort réservé ensuite aux [supposés] extrémistes<br />

arrêtés, aucun traité de coopération<br />

transatlantique n'a été conclu. [...]<br />

Les gouvernements européens ne semblent<br />

pas s'inquiéter de violer ainsi le<br />

droit international et la souveraineté de<br />

leurs États respectifs. » [4]<br />

« Depuis qu’ils ont lancé leur "guerre<br />

contre le terrorisme", les États-Unis et<br />

leurs alliés ont arrêté des milliers<br />

d’hommes, de femmes et d’enfants [...<br />

en] Irak et en Afghanistan. Au moins<br />

13 000 personnes se trouvent [déjà,<br />

début 2006,] dans des centres de détention<br />

gérés par l’armée américaine en<br />

Afghanistan, à Guantánamo et en Irak.<br />

513 Survie surveillée


Certains [... venant d'aussi loin] que<br />

l’Albanie, la Malaisie ou la Zambie. » [3]<br />

Par ailleurs, une certaine « presse américaine<br />

évoque un "réseau de détention<br />

secret" » [5], dès <strong>2005</strong>, destiné à au<br />

moins « 70 000 personnes [...] détenues<br />

en dehors des Etats-Unis » [5], « pendant<br />

des périodes de temps indéfinies et<br />

[pouvant être] soumises à la torture.<br />

» [6], « dans le cadre de la guerre<br />

contre le terrorisme. » [5]<br />

« Les États-Unis dirigent [en effet] un système<br />

de camps de prisonniers et de<br />

centres de détention partout dans le<br />

monde, largement à l'insu du<br />

public. » [1] « De très nombreuses informations<br />

ont [de plus] indiqué que les<br />

États-Unis détenaient [au moins] 20 à 30<br />

prisonniers "de grande valeur" dans des<br />

établissements secrets gérés par la<br />

[... CIA] en dehors du territoire national.<br />

Les autorités admettent détenir ces<br />

hommes, mais refusent de révéler<br />

[... où].<br />

Or, les cas de [trois Yéménites,]<br />

Muhammad al Assad [...,] Salah Nasser<br />

Salim Ali et Faraj Ahmed Bashmilah [...,]<br />

donnent à penser qu’il existe un vaste<br />

réseau, bien organisé, de centres d’interrogatoire<br />

secrets qui ne sont pas<br />

réservés aux seuls prisonniers de grande<br />

valeur.<br />

Ces trois hommes ont été détenus au<br />

secret durant de nombreux mois dans<br />

au moins quatre établissements secrets,<br />

probablement dans différents pays à en<br />

juger par la durée de leurs transferts en<br />

avion. [... Le] dernier centre [... où ils<br />

furent semble] conçu pour un [...] régime<br />

de détention [...] manifestement destiné<br />

à provoquer une désorientation,<br />

une dépendance et une angoisse maximales<br />

chez les détenus.<br />

[... Un des trois hommes,] Muhammad al<br />

Assad, un Yéménite résidant en<br />

Survie surveillée 514<br />

Tanzanie, a été arrêté chez lui à Dar es<br />

Salaam le 26 décembre 2003. Menotté<br />

et cagoulé, il a été mis dans un avion [...<br />

Suivirent] seize mois, au cours desquels il<br />

a été emprisonné [..., sans savoir] où il se<br />

trouvait et privé de tout contact [...] extérieur.<br />

[... Parfois] cagoulé, menotté et<br />

emmené en avion vers une nouvelle [...]<br />

cellule et interrogé [...] par des personnes<br />

qui [...] parlaient anglais.<br />

Pendant une année, [... il] a été maintenu<br />

dans un lieu de détention clandestin<br />

et soumis à des privations sensorielles<br />

extrêmes. Ses gardiens étaient masqués,<br />

ils ne lui ont jamais adressé la parole et<br />

ils lui communiquaient leurs instructions<br />

par des gestes. Il entendait en permanence<br />

un bruit blanc, faible et diffus. La<br />

lumière restait [toujours] allumée [...]<br />

[Voir « Sensible privation », p. 516]. Sa<br />

famille n’a eu aucune nouvelle directe<br />

de lui jusqu’en mai <strong>2005</strong>, quand il est<br />

arrivé [...] au Yémen où il est toujours<br />

détenu [l'année suivante], sans inculpation<br />

ni jugement. » [3]<br />

« Le récit des trois hommes concorde<br />

avec un reportage réalisé par le


Washington Post au sujet du réseau de<br />

prisons clandestines gérées par la CIA,<br />

dans lequel les établissements de détention<br />

secrète situés dans [au moins] huit<br />

pays sont appelés "sites noirs" ["black<br />

sites"]. » [3]<br />

« Si la prison d’Abou Ghraib, en Irak,<br />

la base aérienne de Bagram, en<br />

Afghanistan, et la base navale de<br />

Guantánamo, à Cuba, sont [... célèbres]<br />

à cause des sévices physiques<br />

et psychologiques infligés aux détenus,<br />

ils ne constituent [...] qu’une<br />

partie d’un réseau mondial d’établissements<br />

de détention - comprenant<br />

des prisons secrètes - que les États-<br />

Unis utilisent » [3].<br />

« Certains sont administrés directement<br />

par les États-Unis, par exemple<br />

Guantanamo Bay, à Cuba, et d'autres<br />

centres de détention en Afghanistan, en<br />

Irak, au Qatar, au Pakistan, en Thaïlande<br />

et ailleurs. D'autres prisons sont administrées<br />

par des organismes collaborateurs<br />

en Jordanie, au Maroc, en Arabie<br />

Saoudite et au Pakistan [... ;] pays où le<br />

recours à la torture lors d'interrogatoires<br />

a été documenté.<br />

Les centres de détention de Damas<br />

(Syrie), où le citoyen canadien Maher<br />

Arar a été détenu, et du Caire, sont<br />

parmi les pires. » [1] Nombreux sont ces<br />

otages de geôles, aux quatre coins d'un<br />

monde bien quadrillé.<br />

« Les [prétendus] pires éléments de la<br />

nébuleuse Al-Qaïda ne sont [donc] pas à<br />

Guantánamo. Ils sont capturés, puis ils<br />

disparaissent [... Dès] janvier 2002 [...],<br />

débutent les "charters" [secrets] de la torture<br />

» [5]. « D’après les estimations, la<br />

CIA a renvoyé [au moins] des centaines<br />

d’hommes » [3] « vers l'Egypte, la Syrie,<br />

la Jordanie, l'Ouzbékistan, l'Arabie saoudite<br />

» [5], « au Maroc, au Pakistan » [3],<br />

et vers « l'Afghanistan ou l'Irak, pays pra-<br />

tiquant la torture dans leurs prisons. "On<br />

ne leur fait pas cracher leurs tripes mais<br />

on les envoie dans d'autres pays qui s'en<br />

chargeront", selon un responsable [7] » [5].<br />

« Ces renvois, que le gouvernement des<br />

États-Unis appelle "restitutions extraordinaires",<br />

sont considérés [...] comme une<br />

"externalisation de la torture". » [3]<br />

On reste humain, tout de même. « Bien<br />

plus que le costume trois-pièces ou la<br />

pince à vélo, c’est la pratique de la torture<br />

qui permet de distinguer à coup sûr<br />

l’homme de la bête. [...] Mais il a fallu<br />

attendre l’ère du christianisme pour que<br />

la pratique de la torture atteigne un<br />

degré de raffinement enfin digne de<br />

notre civilisation. » [8] « Comme outil<br />

d’interrogatoires, la torture est [certes]<br />

un échec complet. Mais quand il s’agit<br />

de contrôle social, rien ne marche aussi<br />

bien que la torture. » [9]<br />

Alors, allons-y ! Une « loi [fut donc]<br />

adoptée par la Chambre des représentants<br />

[...] et par le Sénat [...], légalisant<br />

la politique de torture et de détention<br />

illimitée sans procès [...]. Pour la première<br />

fois de l’histoire américaine, le<br />

Congrès et la Maison-Blanche se sont<br />

entendus pour passer outre les [préventions]<br />

de la constitution américaine et<br />

de la Charte des droits et pour officiellement<br />

adopter les méthodes associées<br />

aux Etats policiers [...].<br />

Le New York [Times] [...] dans son éditorial<br />

[déplorait] à l'avance l'adoption [...]<br />

"d'une loi tyrannique qui sera classée<br />

parmi les moments sombres de la démocratie<br />

américaine, la version de notre<br />

génération de la Loi sur les étrangers et<br />

les actes séditieux". Mais le journal ne<br />

tente pas de donner une explication<br />

sé<strong>rieuse</strong> pour ce tournant vers la tyrannie,<br />

ou de suggérer une base pour s'y<br />

opposer.<br />

Il ne pouvait pas le faire, puisque le<br />

515 Survie surveillée


Times, avec le reste de l'establishment<br />

médiatique et les deux partis politiques<br />

[... principaux, soutient] la soi-disant<br />

"guerre à la terreur", qui est une feuille<br />

de vigne politique pour l'utilisation du<br />

militarisme [dans] la poursuite des objectifs<br />

de l'impérialisme américain. Une politique<br />

d'agression militaire et de conquête<br />

à l'étranger [qui] est ultimement<br />

incompatible avec la démocratie nationale.<br />

» [10] Mais c'est « pour la<br />

protéger »...<br />

[1] : (International Campaign Against Mass Surveillance,<br />

« Mondialisation de la surveillance : Big Brother est parmi<br />

nous », http://infos.samizdat.net/article370.html, d'après<br />

« The Emergence of a Global Infrastructure for Mass<br />

Registration and Surveillance », 4/<strong>2005</strong>, http://www.icams.org/ICAMS1.pdf,<br />

1,5 Mo)<br />

[2] : (Silvia Benedetti, « Quand la CIA se croit tout permis »,<br />

Jeune afrique n° 2321, 3/7/<strong>2005</strong>).<br />

[3] : (« États-Unis : un système de détention mondial »,<br />

Amnesty International, 12/1/2006, http://www.amnestyinternational.be/doc/article6740.html)<br />

[4] : (Georg Mascolo & Holger Stark, « In Paris arbeiten<br />

europäische Nachrichtendienste mit der CIA in einem<br />

Anti-Terror-Zentrum zusammen - das Projekt ist ebenso<br />

heikel wie geheim. », Der Spiegel, 13/11/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.spiegel.de/spiegel/0,1518,384626,00.html,<br />

trad. fr. : « À Paris, des services de renseignements<br />

européens collaborent avec la CIA dans un centre antiterroriste<br />

- entreprise aussi sensible que secrète. »,<br />

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=46439)<br />

[5] : (Kyra Dupont Troubetzkoy, « "L’archipel du goulag"<br />

made in USA », 24heures.ch, 13/7/<strong>2005</strong>)<br />

[6] : (« Campagne internationale contre la surveillance globale.<br />

Déclaration », s.d., http://www.i-cams.org/Declarati<br />

on_Fr.html)<br />

[7] : (D’après le Washington Post)<br />

[8] : (Pierre Desproges, « Torture », in « Dictionnaire superflu<br />

à l’usage de l’élite et des bien nantis », Seuil, 2/1985,<br />

pp. 48-49)<br />

[9] : (Naomi Klein, « L’infâme secret de la torture : Ça<br />

marche », paxhumana.info / The Nation, 12/5/<strong>2005</strong>,<br />

http://paxhumana.info/article.php3?id_article=537)<br />

[10] : (Comité éditorial, « Le Congrès américain légalise la<br />

torture et la détention illimitée », World Socialist Web Site,<br />

29/9/2006, http://www.wsws.org/francais/News/2006/s<br />

ept06/300906_torture.shtml)<br />

Survie surveillée 516<br />

« On pourrait<br />

croire qu'un<br />

bon moyen<br />

de supprimer<br />

toute<br />

tension désagréable<br />

[…]<br />

est de supprimer<br />

toute espèce<br />

de stimulation sensorielle. Il n'en est<br />

rien, une expérience […] le montre<br />

[…]. Les sujets sont confortablement<br />

allongés dans une chambre climatisée et<br />

insonorisée, et n'ont strictement rien à<br />

faire. Ils n'aperçoivent qu'une lumière<br />

diffuse à travers des lunettes translucides,<br />

n'entendent que le léger ronflement<br />

du climatiseur, n'ont guère de sensations<br />

tactiles […]. Ils ne se déplacent<br />

que pour prendre leurs repas ou aller<br />

aux toilettes. Malgré le salaire élevé qui<br />

leur est offert, la plupart d'entre eux ne<br />

peuvent pas supporter la situation plus<br />

de deux ou trois jours. En effet, après<br />

une douzaine d'heures, des troubles très<br />

désagréables apparaissent : hallucinations,<br />

baisse des capacités intellectuelles<br />

et motrices, perturbations émotionnelles.<br />

» [1] Et ce ne sont que les premières<br />

heures…<br />

De quoi intéresser les spécialistes de la<br />

torture, qui savent définir la qualité :<br />

« L'essentiel, c'est de ne laisser aucune<br />

marque… C'est efficace et ça nous<br />

donne du plaisir. » [2] Alors, bienvenue<br />

à cette « façon presque irrésistible d’obtenir<br />

des aveux "sans violence" [qu’est] la<br />

privation sensorielle (chambre sourde).<br />

Non recensée parmi les formes de torture,<br />

elle en est pourtant une (exploitée<br />

contre les "prisonniers" à Guantanamo<br />

par l’armée américaine), et des plus<br />

affreuses. » [3] Il fallait donc expérimenter<br />

en grand.<br />

« C’est le 13 novembre 2001, le jour où


l’Alliance du Nord a pris le contrôle de<br />

Kaboul, qu’a été publié l’ordre présidentiel<br />

à l’origine de la création du<br />

centre de détention de Guantanamo. Il<br />

fallait trouver une astuce pour recevoir<br />

ceux que le président américain allait<br />

qualifier d’"ennemis combattants",<br />

inaugurant un nouveau concept, étranger<br />

au droit américain et au droit international<br />

[4]. » [5]<br />

« Le secrétaire d'Etat à la Défense,<br />

Donald Rumsfeld a déclaré à la presse<br />

que ces prisonniers sont des "combattants<br />

illégaux" à qui ne s'appliquent<br />

"aucun des droits de la convention de<br />

Genève". Ils "ne seront pas considérés<br />

comme des prisonniers de guerre, puisqu'ils<br />

ne le sont pas" » [6]. Et cela, « "[...]<br />

tout en leur niant le droit d’être déférés<br />

devant un tribunal compétent pour<br />

déterminer leur statut, comme l’exige<br />

pourtant la troisième Convention de<br />

Genève, ratifiée par les Etats-Unis [...].<br />

Les commissions militaires, qui ne pré-<br />

voient pas d’appel auprès d’une cour<br />

indépendante, ne leur garantiront pas<br />

un procès équitable." [7] L’administration<br />

soutient pour sa part que le choix<br />

des commissions militaires a pour but<br />

d’empêcher que des informations sensibles<br />

soient divulguées. » [5]<br />

Et ce, « au mépris de toutes les lois internationales.<br />

Seuls des décrets du président<br />

des Etats-Unis, au nom de l’"état de<br />

guerre contre le terrorisme", sont censés<br />

justifier cette détention [... sans] aucune<br />

inculpation [...] officiellement formulée<br />

contre les détenus, et [sans même que]<br />

les commissions militaires ad hoc annoncées<br />

en 2001 [n’aient] été mises en<br />

place. » [5]<br />

Le « vice-ministre de la défense Paul<br />

Wolfowitz [...] choisira les juges et le procureur,<br />

et fixera les chefs d’accusation<br />

[...] nommera les trois personnes appartenant<br />

au panel auprès duquel les<br />

condamnés pourront faire appel [...]<br />

examinera leurs recommandations et<br />

517 Survie surveillée


tranchera. » [5] C’est « le trou noir juridique<br />

de Guantanamo » [8].<br />

« Depuis le 13 novembre 2001, des prisonniers<br />

afghans, jugés par des commissions<br />

militaires, se voient [donc nier] le<br />

statut de prisonniers de guerre. [Fin<br />

2003,] 660 prisonniers » [9] « de 42<br />

nationalités différentes » [5], « dont des<br />

enfants [...] et des vieillards, sont enfermés<br />

à Guantanamo dans des cellules<br />

d'1,8 mètres sur<br />

2,4, 24 heures<br />

sur 24. » [3]<br />

« Les prisonniers,<br />

dont les<br />

cellules restent<br />

éclairées toute<br />

la nuit, sont<br />

soumis à la surveillancepermanente<br />

[...<br />

On] a enregistré<br />

32 tentatives de<br />

suicide » [5]<br />

avant 2004.<br />

Le « monde<br />

entier a pu voir<br />

les [...] déportés<br />

à genoux, avec<br />

leur accoutrement<br />

orange,<br />

sous la menace<br />

des armes de<br />

leurs geôliers, entravés,<br />

et main-<br />

tenus dans un isolement total, sous<br />

des cagoules et avec des casques<br />

auditifs. » [5]<br />

Selon « le Wall Street Journal [...], les<br />

"ennemis combattants" "doivent être<br />

maintenus en détention jusqu’à la fin de<br />

la guerre contre le terrorisme" [10] » [5].<br />

Certains constatent, comme « M.<br />

William Rogers, [... ancien secrétaire<br />

d’Etat adjoint] sous le président Gerald<br />

Ford [...] : "C’est une des périodes les<br />

plus noires de notre histoire après le<br />

maccarthysme. Aujourd’hui, on a<br />

recours aux mêmes méthodes arbitraires<br />

et répressives." » [5]<br />

Enfin, le « 10 novembre 2003, [la Cour<br />

suprême] la plus haute juridiction des<br />

Etats-Unis a accepté de déterminer si la<br />

justice américaine était compétente<br />

"pour arbitrer la légalité de la détention<br />

d’étrangers [... à]<br />

Guantanamo".<br />

[...] Or, les deux<br />

cours de degré<br />

inférieur avaient<br />

jusque-là conforté<br />

la position<br />

du gouvernement.<br />

» [5]<br />

Du calme !<br />

« Fin novembre<br />

[2003], le Pentagone<br />

a annoncé<br />

la pro-<br />

Rats sur toi !<br />

chaine libération<br />

de 100 à 140<br />

détenus – qu’on<br />

[pouvait toujours<br />

attendre] » [5].<br />

Mais « le 18 décembre<br />

[2003],<br />

une cour d’appel<br />

de San Francisco<br />

a estimé que<br />

les détenus de<br />

Guantanamo avaient droit à des avocats<br />

et devaient relever de la justice américaine.<br />

[... Le] silence dans lequel s’étaient<br />

enfermés les principaux dirigeants<br />

démocrates » [5], longtemps assourdissant,<br />

put alors s’estomper un peu.<br />

Dans « son argumentaire pour la Cour,<br />

[...] le gouvernement avait plaidé [...]<br />

pour que celle-ci rejette simplement<br />

l’examen des recours, car, "en temps de<br />

Avez-vous des phobies ? « S’il y a une chose<br />

dont j’ai horreur, c’est bien qu’un rat me trotte<br />

dessus dans l’obscurité. » [1] Conclusion :<br />

« Dans votre cas, dit O’Brien, il se trouve que le<br />

pire du monde, ce sont les rats. » [2] Alors,<br />

allons-y !<br />

[1] : (George Orwell, « Hommage à la catalogne », 4/1938,<br />

trad. Yvonne Davet, Champ Libre, 1982, p. 80)<br />

[2] : (George Orwell, « 1984 », trad. Amélie Audiberti,<br />

Gallimard, 1950, réed. folio, p. 398)<br />

Survie surveillée 518


guerre, la justice a pour habitude de ne<br />

pas interférer dans les décisions de<br />

l’exécutif…". Sans préjuger de la "sentence"<br />

finale, qui [allait être] rendue en<br />

juin 2004, la Cour a voulu affirmer<br />

qu’elle seule peut "dire la loi", et non<br />

l’administration. » [5]<br />

A la mi-2004, alors, qu’environ « 600<br />

détenus d’une quarantaine de nationalités<br />

sont toujours détenus sans inculpation<br />

ni procès à [...] Guantánamo [..., la]<br />

Cour suprême a [...] décidé que les détenus<br />

de Guantánamo ont le droit de<br />

remettre en cause la légalité de leur<br />

détention devant les tribunaux des États-<br />

Unis. [... Le] 7 juillet [2004], le Pentagone<br />

a annoncé la création de tribunaux<br />

d’examen du statut du combattant,<br />

devant lesquels les détenus de<br />

Guantánamo pourront remettre en<br />

cause leur soi-disant statut de "combattant<br />

ennemi". "Les détenus ne disposeront<br />

pas d’un avocat dans cette procédure,<br />

qui dans son intégralité, se déroulera<br />

dans le cadre militaire", a remarqué<br />

Amnesty International. "Tous les éléments<br />

à charge pourront être retenus, y<br />

compris des témoignages anonymes ou<br />

ayant pu être obtenus par la contrainte."<br />

» [11] Donc par la torture. Hé ! Hé !<br />

Et puis, on en sort quand même de ces<br />

prisons ! « Trois enfants, arrêtés lorsqu'ils<br />

étaient âgés de 11 à 13 ans, [ont été<br />

libérés] du camp de Guantanamo [fin<br />

janvier 2004]. Ils étaient incarcérés, pour<br />

deux d'entre eux, depuis [... deux] ans.<br />

Le Pentagone [...] précise que ces<br />

enfants ne seront ni poursuivis ni jugés.<br />

D'après les militaires, ils ne constituent<br />

plus une menace pour les États-Unis et<br />

leur interrogatoire ne présente plus<br />

d'intérêt. » [12]<br />

Pendant le temps passé à s’interroger sur<br />

l’éventuel bien-fondé juridique de l’absence<br />

de cadre juridique pour les prisonniers<br />

torturés à Guantanamo, on a<br />

pu faire avancer les expériences. Une<br />

étude qui a pu être approfondie peu à<br />

peu, puisque déjà sept ans plus tôt, c’est<br />

dans l’indifférence que bien « peu ont<br />

fait état du cri d'alarme lancé, [...] par<br />

Amnesty International, contre l'association<br />

de médecins à la pratique généralisée<br />

de la torture des prisonniers palestiniens<br />

dans les geôles israéliennes [13].<br />

Et pourtant ces révélations intervenaient<br />

alors même que la Cour suprême d'Israël<br />

venait de confirmer la "légalité" du<br />

recours aux "pressions physiques modérées"<br />

que le Parlement lui-même [hésitait],<br />

depuis deux ans, à autoriser formellement.<br />

» [14] On a tranquillement<br />

pu expérimenter.<br />

Et puis maintenant, les James Bond ont<br />

de bien beaux gadgets ! « Disposant<br />

d'un budget effectif d'environ 30 millions<br />

de dollars par an, une Direction des<br />

armes non-létales a été créée au département<br />

de la Défense. [...] Elle a pris la<br />

suite d'une Cellule de coordination de la<br />

non-létalité [...] discrètement formée au<br />

Pentagone par Paul Wolfowitz à la fin de<br />

la présidence de George H. Bush (le<br />

père), en 1992 [...] pour poursuivre en<br />

secret des recherches sur de nouvelles<br />

armes chimiques au moment où les<br />

États-Unis approuvaient officiellement la<br />

Convention les interdisant. Des documents<br />

de l'époque, rendus publics<br />

[...] [15] attestent de l'existence d'un<br />

programme illégal de recherche sur des<br />

gaz [tranquillisants] conduit avec le laboratoire<br />

Glaxo (aujourd'hui GlaxoSmith-<br />

Kline [16]). Ces efforts n'ont pas été<br />

concluants comme on l'a vu avec les gaz<br />

[tranquillisants] fournis à la Russie pendant<br />

la prise d'otage du théâtre de<br />

Moscou : un dosage difficile à apprécier<br />

coûta la vie à 129 civils. [...] Certaines<br />

inventions sont en cours d'expérimentation<br />

par les Marines sur les cobayes<br />

humains, notamment au camp d'inter-<br />

519 Survie surveillée


nement de Guantanamo Bay, sur la base<br />

de Kaneohe Bay (Hawaï) et sur celle de<br />

Courtney (Okonawa) qui hébergeraient<br />

également des prisonniers. On teste l'efficacité<br />

de divers gaz, flashs lumineux, et<br />

injections de drogues pour maîtriser des<br />

individus agités. À Bagdad, le V e corps<br />

de l'Army a fait un usage extensif de<br />

matraques électriques et de flashballs<br />

[17]. Des Humvee (blindés légers)<br />

ont été équipés de canons à ondes [18]<br />

dont les vibrations ne toucheraient le<br />

corps qu'en surface, chauffant les molécules<br />

d'eau de la peau, provoquant une<br />

douleur intolérable, mais pas de<br />

séquelles à long terme. C'est [...] ce que<br />

prétendent les prospectus » [19]. Crois<br />

toujours.<br />

Pourquoi s’arrêter là ? « Les États-Unis<br />

recourent désormais couramment à la<br />

torture dans leur guerre au terrorisme.<br />

[…] Le glissement a commencé hypocritement<br />

par la sous-traitance des interrogatoires<br />

de “terroristes présumés” par<br />

des dictatures amies. Ce système de<br />

sous-traitance s'est conclu, en Afghanistan,<br />

par la mort de plusieurs centaines<br />

de prisonniers. Puis l'armée US a ellemême<br />

eu recours à la torture […]. À<br />

Bagram, les Forces spéciales l'ont systématiquement<br />

pratiquée. [... Le]<br />

Washington Post a décrit les centres d'interrogatoire<br />

de la CIA dans lesquels des<br />

"prisonniers d'Al Qaïda" sont torturés. Le<br />

statut juridique particulier de la base de<br />

Guantanamo a ensuite [servi] de laboratoire<br />

pour un usage revendiqué de cette<br />

pratique. […] Si l'utilisation non dissimulée<br />

de la torture a commencé hors du<br />

territoire des États-Unis, elle y revient à<br />

grand pas. Plusieurs milliers de personnes<br />

ont été arrêtées depuis le 11 septembre<br />

2001 et sont gardées au secret,<br />

hors de tout cadre légal. Le département<br />

de la Justice, qui procède [...] au fichage<br />

Survie surveillée 520<br />

nominatif de tous les musulmans pratiquants<br />

aux États-Unis, a entrepris la<br />

construction de 600 camps d'internement<br />

pour un usage indéterminé. » [20]<br />

Mais il reste du chemin à faire, aux Etats-<br />

Unis même, pour rejoindre les « sévices<br />

infligés aux Irakiens, contraints de se<br />

masturber, de se laisser sodomiser, de<br />

pratiquer des fellations à d’autres détenus,<br />

et parfois en présence de femmes<br />

soldats américaines. » [21] Cette dernière<br />

affaire pu rester longtemps secrète,<br />

malgré l’annonce très brève, environ<br />

un an plus tôt, de la découverte, en<br />

Grande-Bretagne, par un ouvrier chargé<br />

du développement photo, de clichés de<br />

tortures rapportés d’Irak par un militaire<br />

britannique. On avait su très rapidement<br />

redevenir discret sur l’évènement. Et les<br />

affaires irakiennes purent continuer.<br />

[1] : (Maurice Reuchlin, « Psychologie », 6 e édition, PUF,<br />

8/1986, p. 410, d'après W Heron, « The pathology of the<br />

boredom », Scientific American, 1957, (196), n° 1, pp. 52-56)<br />

[2] : (Un policier brésilien, entretien, Jornal do Brasil,<br />

2001, cité par Amnesty International, « Il faut mettre fin<br />

aux activités des marchands de douleur »,<br />

http://web.amnesty.org/<strong>page</strong>s/stoptorture-021203action-fra)<br />

[3] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[4] : (Lire Olivier Audeoud, « Prisonniers sans droits », Le<br />

Monde diplomatique, 4/2002, p. 16, http://www.mondediplomatique.fr/2002/04/AUDEOUD/16304<br />

; et l’étude<br />

de l’Association américaine des avocats du barreau sur le<br />

traitement des « ennemis combattants », http://www.abanet.org/home.cfm)


[5] : (Augusta Conchiglia, « Les droits humains bafoués.<br />

Dans le trou noir de Guantanamo, Le Monde diplomatique,<br />

1/2004, pp. 1, 20, 23, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/01/CONCHIGLIA/10996)<br />

[6] : (« Images officielles du pays de la liberté », Réseau<br />

Voltaire, 22/1/2002, http://www.voltairenet.org/article7<br />

634.html)<br />

[7] : (Wendy Patten, de Human Rights Watch,<br />

http://www.hrw.org)<br />

[8] : (Johan Steyn, « Guantanamo : a Monstrous Failure of<br />

Justice », International Herald Tribune, 26/11/2003, cité<br />

par Augusta Conchiglia, op. cit.)<br />

[9] : (« Guantanamo, un monstrueux échec de la justice »,<br />

Tribunes libres internationales, 27/11/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article11323.html, résumé<br />

par Réseau Voltaire de Lord Steyn, « Guantánamo : A<br />

monstrous failure of justice », International Herald<br />

Tribune, 27/11/2003)<br />

[10] : (« Guantanamo on trial », Wall Street Journal, New<br />

York, 19/11/2003)<br />

[11] : (Amnesty International, « Etats-Unis. L’administration<br />

des États-Unis continue d’ignorer les droits des détenus<br />

de Guantánamo », (AMR 51/113/2004), 8/7/2004,<br />

http://web.amnesty.org/library/index/fraamr511132004)<br />

[12] : (« Trois enfants libérés de Guantanamo », Voltaire,<br />

n° 45, 30/1/2004, http://www.voltairenet.org/article122<br />

95.html)<br />

[13] : (Amnesty International, « Under Constant Medical<br />

Supervision : Torture, Ill-Treatment and Health<br />

Professionals in Israel and the Occupied Territories. » (Sous<br />

contrôle médical constant. Les professionnels de la santé<br />

face à la torture et aux mauvais traitements en Israël et<br />

dans les territoires occupés), Londres, 14/8/1996)<br />

[14] : (« Un rapport "oublié" d’Amnesty International.<br />

Torture sous contrôle médical en Israël », Le Monde diplomatique,<br />

1/1997, p. 8)<br />

[15] : (The Sunshine Project, http://www.sunshine-project.org)<br />

[16] : (http://www.gsk.com)<br />

[17] : (Kim Burger, « Exotic Non-Lethal Weapons to Quell<br />

Mob Rule », Jane's Defense Weekly, 13/5/2003)<br />

[18] : (Cf. « The Pentagon's People Zapper », Government<br />

Executive Magazine, 1/5/2001, http://www.govexec.co<br />

m/features/0501/0501s4s2.htm)<br />

[19] : (Thom Saint-Pierre, « Cobayes humains. Le<br />

Pentagone expérimente des armes non-létales à<br />

Guantanamo et en Irak », Voltaire, 12/1/2004, pp. 2-4,<br />

http://www.voltairenet.org/article11844.html)<br />

[20] : (« Les États-Unis d'Amérique rétablissent la torture »,<br />

Réseau Voltaire, 28/3/2004, reprod. in<br />

http://stopusa.be/scripts/texte.php?section=BF&langue=<br />

1&id=22470)<br />

[21] : (Claude Angeli, « George W. Bush veut faire croire<br />

qu’il a découvert la torture sur "photos" », Le Canard<br />

enchaîné, 5/5/2004, p. 3)<br />

521 Survie surveillée


522


On le sait<br />

en France :<br />

« De Démocratie<br />

libérale au<br />

Parti communiste,<br />

tous les<br />

partis de<br />

gouvernement,<br />

à l’exception des Verts, ont<br />

accepté les valises des grands corrupteurs,<br />

à commencer par Vivendi (ex-<br />

Générale des Eaux), Suez-Lyonnaise<br />

et Bouygues. » [1] Ce phénomène est<br />

mondial.<br />

« L'explosion des marchés ouverts a favorisé<br />

des pratiques de prélèvements, de<br />

commissions et de rétro-commissions,<br />

qui se sont développées […] au point<br />

d'envahir des secteurs entiers de l'économie.<br />

Les activités les plus sensibles<br />

A l’Ouest rien... 524<br />

sont l'énergie, les grands travaux, l'armement,<br />

l'aéronautique et l'exploitation<br />

des ressources minières. Sur ces marchés<br />

d'intérêt national, quelques grandes<br />

sociétés ont intégré la corruption<br />

comme un moyen d'action privilégiée.<br />

Ainsi, plusieurs milliers de décisionnaires<br />

à travers le monde échappent à tout<br />

contrôle. La grande corruption bénéficie<br />

de la complicité de banques occidentales.<br />

Elle utilise le circuit des sociétés off<br />

[shore]. Elle profite de la soixantaine de<br />

territoires ou d'Etats qui lui servent<br />

d'abri. » [2] En retour de la corruption<br />

des décisionnaires, l’Europe paye son<br />

écot pour que le système progresse. Il y<br />

a dix ans, on le clamait déjà à droite : «<br />

Dès maintenant, 10 % du budget européen<br />

tombe dans l'escarcelle de la<br />

Mafia » [3].<br />

« La manne de l'argent noir […] entretient<br />

une fausse euphorie spéculative. La<br />

mondialisation des marchés de l'argent<br />

a créé un système incontrôlable, y compris<br />

pour ses promoteurs. La plupart des<br />

établissements bancaires avouent être<br />

dépassés par les conséquences de la<br />

dérégulation. » [4] Et « la criminalité<br />

est devenue un rouage indispensable<br />

des sociétés modernes. Indispensable<br />

d'abord au système financier, en quête<br />

permanente de ces capitaux nomades,<br />

de ces liquidités dont se nourrissent les<br />

marchés spéculatifs. [...] Une organisation<br />

criminelle peut contrôler une multitude<br />

de sociétés écrans, des banques et<br />

toutes sortes d’entreprises sans jamais<br />

apparaître elle-même. L’imbrication de<br />

l’économie et de la finance légales avec<br />

l’économie criminelle est devenue totale.<br />

» [5] Vive le « libéralisme » !<br />

A propos de l’« argent noir » provenant<br />

de la vente des drogues interdites, on<br />

peut bien faire « une hypothèse [à partir<br />

du constat suivant] : la dérégulation des


marchés financiers internationaux a été<br />

organisée dans les années 80, au nom<br />

du libéralisme de messieurs Reagan et<br />

Chirac, à l'heure même où cette source<br />

quasiment illimitée d'argent clandestin<br />

apparaissait. » [6]<br />

[1] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 168)<br />

[2] : (Eva Joly, « Déclaration de Paris » )<br />

[3] : (Le député François d'Aubert, Libération, 11/7/1992,<br />

cité par Le Canard enchaîné, 15/7/1992)<br />

[4] : (Eva Joly, « Notre affaire à tous », Les Arènes, 2000,<br />

p. 206)<br />

[5] : (Jean de Maillard, « Un monde sans loi », Stock, 1998,<br />

p. 74, p. 115)<br />

[6] : (Michel Sitbon, « La drôle de guerre de la coca »,<br />

Maintenant, n° 7, 18/10/1995, pp. 2-5, http://www.voltairenet.org/article6807.html)<br />

« Selon<br />

la revue<br />

Forbes, Khaled<br />

Ben<br />

Mahfouz<br />

détient<br />

[en 2001]<br />

la 251 ème<br />

fortune<br />

mondiale,<br />

évaluée à<br />

1,9 milliards de dollars. [...] Sa sœur a<br />

épousé Oussama Ben Laden [1].<br />

Jusqu'en 1996, les Ben Mahfouz,<br />

comme les Ben Laden, recouraient [pour<br />

les montages de leurs filiales] aux<br />

conseils du banquier nazi François<br />

Genoud [… Cet exécuteur testamentaire<br />

du Dr. Goebbels, dit "le banquier du IV e<br />

Reich", travaillait en lien avec de nombreux<br />

groupes anti-juifs dans le monde<br />

et finança notamment des actions de<br />

"Carlos" [2]]. Khaled Ben Mahfouz dispose<br />

d'une résidence à Houston (Texas) et,<br />

avec le soutien de la famille Bush, a<br />

acheté une partie de l'aéroport de la ville<br />

pour sa convenance personnelle. [...]<br />

Bien que [partenaire régulier] d'Oussama<br />

Ben Laden, Khaled Ben Mahfouz<br />

est un homme d'affaires respecté sur les<br />

places financières internationales. La<br />

chose est d'autant plus troublante, qu'il<br />

fut au cœur du principal scandale bancaire<br />

du début des années 90, le crack<br />

de la BCCI [3].<br />

La Bank of Credit and Commerce<br />

International (BCCI) était un établissement<br />

anglo-pakistanais [… avec 400 succursales<br />

réparties] dans soixante-treize<br />

pays. Elle était conjointement détenue<br />

par trois grandes familles [... dont] les<br />

Ben Mahfouz (Arabie saoudite) et [...] fut<br />

utilisée par Ronald Reagan pour corrompre<br />

le gouvernement iranien pour<br />

qu'il retarde la libération des otages<br />

américains de l'ambassade de Téhéran<br />

et saboter ainsi la fin de la présidence de<br />

Jimmy Carter (opération dite "October<br />

Surprise"). Puis, sous l'impulsion de l'exdirecteur<br />

de la CIA et vice-président<br />

George Bush (père), l'administration<br />

Reagan utilisa encore la BCCI pour faire<br />

transiter les dons saoudiens aux Contras<br />

du Nicaragua, et pour faire transiter l'argent<br />

de la CIA vers les Mujahidines en<br />

Afghanistan. La BCCI est également<br />

impliquée dans les trafics d'armes du trader<br />

syrien Sarkis Sarkenalian, dans le<br />

scandale Keatinga aux USA, dans les<br />

affaires du trader Marc Rich, dans le<br />

525 A l’Ouest rien...


financement du groupe Abu Nidal, etc.<br />

En définitive, la banque sombra lorsqu'il<br />

fut établi qu'elle blanchissait aussi l'argent<br />

du Cartel de Medellin. Elle grugea<br />

un million de petits déposants lorsqu'elle<br />

ferma ses portes. » [4]<br />

« Il est exceptionnel qu’un circuit important<br />

de blanchiment soit<br />

découvert. La BBCI [...]<br />

n’est même pas une<br />

exception. Elle a été fermée<br />

en juillet 1991 non<br />

en raison de ses activités<br />

criminelles, dont le blanchiment<br />

était sans doute<br />

la plus importante, mais<br />

pour avoir tout bonnement<br />

fait faillite [les gros<br />

actionnaires ayant retiré<br />

leurs avoirs quand les scandales sont<br />

devenus trop importants]. Ses pertes ont<br />

été évaluées à environ 10 milliards de<br />

dollars. Les exactions commises par cette<br />

banque – alors l’une des plus importantes<br />

du monde – s’étendait pourtant à<br />

la corruption, à l’escroquerie, au blanchiment<br />

– le tout au niveau mondial. Ses<br />

activités criminelles étaient connues des<br />

autorités américaines depuis 1985 […<br />

De toutes manières, pour l’ensemble du<br />

blanchiment mondial, ce ne sont que]<br />

3 milliards de dollars qui ont été saisis<br />

en vingt ans. Soit l’équivalent de trois<br />

journées de blanchiment de l’argent<br />

sale. » [5]<br />

Rien d’étonnant à ce que « la BCCI [ait]<br />

pu être manipulée, sinon créée, par la<br />

CIA [...]. Il existe une longue tradition<br />

bancaire dans les services secrets américains<br />

depuis la fondation de l'OSS<br />

[ancêtre de la CIA] par des juristes d'affaires<br />

et des courtiers de Wall Street.<br />

Deux anciens directeurs de la CIA,<br />

Richard Helms et William Casey, ont travaillé<br />

à la BCCI, ainsi que deux prestigieux<br />

agents d'influence de la CIA,<br />

A l’Ouest rien... 526<br />

Adnan Khashoggi et Manucher<br />

[Ghorbanifar] (les principaux traders de<br />

l'Irangate). Sans parler » [4] des chefs des<br />

services secrets saoudiens. Il est donc<br />

normal que dans « les années 80, la<br />

famille Ben Laden [soit] l’un des intermédiaires<br />

du président Reagan lorsque<br />

celui-ci fait transiter illégalement<br />

34 millions de dollars<br />

aux contras du Nicaragua,<br />

pour combattre<br />

le régime progressiste des<br />

sandinistes. » [6]<br />

« Un an avant sa banqueroute,<br />

la BCCI servit à<br />

monter une vaste opération<br />

d'enrichissement illicite<br />

de George Bush Jr,<br />

alors directeur d'une petite<br />

société pétrolière, Harken Energy<br />

Corporation. Harken emporta les concessions<br />

pétrolières du Bahrein, comme<br />

rétrocommission des contrats américano-koweïtiens<br />

négociés par le président<br />

George Bush père [7]. Khaled Ben<br />

Mahfouz était actionnaire d'Harken à<br />

hauteur de 11,5 %. [... Et] l'un des frères<br />

d'Oussama Ben Laden, Salem, était [également]<br />

représenté au conseil d'administration<br />

d'Harken [...]. Tenu pour solidairement<br />

responsable de la faillite de la<br />

BCCI, Khaled Ben Mahfouz fut inculpé<br />

aux États-Unis, en 1992. Il parvint à faire<br />

lever les charges à son encontre, en<br />

1995, à l'issue d'une transaction avec les<br />

créanciers de la banque d'un montant<br />

de 245 millions de dollars.<br />

[Par ailleurs,] Saleh Idris [...] est le directeur<br />

de la Saudi Sudanese Bank, filiale<br />

soudanaise de la National Commercial<br />

Bank de Khaled Ben Mahfouz. Il était l'associé<br />

d'Oussama Ben Laden dans l'usine<br />

pharmaceutique d'Al-Shifa [Voir « Charbonnier<br />

est maître chez lui », p. 590]. Au<br />

Royaume-Uni, [Saleh] Idris est actionnaire<br />

majoritaire d'IES Digital Systems, une


importante société produisant des matériels<br />

de surveillance high-tech. La baronne<br />

Cox s'est étonnée [...] à la Chambre<br />

des Lords qu'IES Digital Systems, assure<br />

actuellement la sécurité des sites gouvernementaux<br />

et militaires britanniques<br />

les plus sensibles [8]. » [4] « Saleh Idris [...<br />

est également propriétaire] de Protec, la<br />

société de sécurité qui protège les installations<br />

nucléaires civiles du Royaume-<br />

Uni. » [9]<br />

« Les principaux responsables et clients<br />

de la BCCI se retrouvent<br />

aujourd'hui dans le<br />

Carlyle Group [10], un<br />

fonds de placement créé<br />

en 1987, soit quatre ans<br />

avant la déconfiture de la<br />

banque. Carlyle gère [en<br />

2001] un portefeuille de<br />

12 milliards de dollars. Il<br />

détient des participations<br />

majoritaires dans Seven<br />

Up (qui assure la mise en<br />

bouteille pour Cadbury<br />

Schwep-pes), Federal<br />

Data Corporation (qui a<br />

par exemple équipé la<br />

Federal Aviation Administration<br />

de son système<br />

de surveillance du trafic<br />

aérien civil) et United Defence Industries<br />

Inc. (le principal équipementier des<br />

armées américaines, turques et saoudiennes).<br />

À travers les sociétés qu'il<br />

contrôle, le Carlyle Group arrive au<br />

11 ème rang des compagnies d'armement<br />

américaines. » [4] « Carlyle possède des<br />

participations dans plus de 160 sociétés<br />

à travers le monde (essentiellement des<br />

sociétés dites stratégiques) et emploie<br />

plus de 70 000 personnes et génère plus<br />

de 16 milliards de revenus annuels. » [11]<br />

Il est de longue date « qualifié par la presse<br />

américaine de "banque de la CIA" tant<br />

il paraît lié au complexe militaro-industriel<br />

washingtonien. » [12]<br />

« En France, le Carlyle Group a acheté la<br />

principale entreprise de Vitrolles [Voir<br />

« Vie drôle à Vitrolles », p. 238], le<br />

Groupe Genoyer qui fabrique des pièces<br />

détachées pour l'équipementier pétrolier<br />

Halliburton. [...] De 1999 à 2002,<br />

[Carlyle] a détenu 30 % du Figaro, [...]<br />

Dominique Baudis [a alors été imposé] à<br />

la présidence du Comité éditorial » [10]<br />

qui fut un « soutien [...] à la montée en<br />

puissance de Charles Pasqua [..., apparent]<br />

choix de Carlyle » [13].<br />

« (Les parts ont été revendues<br />

depuis au groupe<br />

Dassault et M. Baudis est<br />

devenu président du<br />

CSA).<br />

[Carlyle] détient [en<br />

2004] 28 % d'Aprovia (le<br />

pôle professionnel et<br />

santé de l'ex groupe<br />

Vivendi Universal Publishing),<br />

avec des titres<br />

comme Test, Le Moniteur<br />

ou L'Usine nouvelle. Et<br />

des participations dans<br />

Médimédia, qui édite par<br />

exemple Le Quotidien du<br />

Médecin et contrôle les<br />

Éditions Masson. Par ce<br />

biais, il bénéficie d'une expertise et<br />

d'une veille permanente sur la recherche<br />

et le développement industriels français.<br />

De plus, Carlyle s'est porté acquéreur de<br />

Vivendi Universal Entertainement.<br />

En outre, Carlyle a investi dans l'immobilier<br />

de bureaux à Boulogne, Ivry, La<br />

Défense, Malakoff, Montrouge et Paris,<br />

avec une nette préférence pour les<br />

[immeubles] hébergeant des sociétés<br />

liées à l'armement. » [10] « “Les cibles de<br />

Carlyle Group – dans l’industrie de<br />

défense, dans la presse et les technologies<br />

de pointe des opérations financières<br />

(acquisitions, prises de participation ou<br />

527 A l’Ouest rien...


investissement) – amènent à s’interroger<br />

[...]”, souligne un expert. [...] Sans l’intervention<br />

du groupe Dassault [autre<br />

vendeur de canons], en 1999, Carlyle<br />

aurait pu devenir peu à peu propriétaire<br />

de la Socpresse, qui édite [Le<br />

Figaro] ». [14] [Voir « Tambour battant<br />

», p. 638]<br />

« Premier gestionnaire mondial de portefeuilles,<br />

le Carlyle Group rassemble le<br />

gratin de la politique mondiale. Piloté<br />

par l'ancien secrétaire à la Défense [de<br />

Reagan et ancien vice-directeur de la<br />

CIA] Frank Carlucci, il comprend aussi<br />

bien George Bush père que les Ben<br />

Laden, George Soros, [l’oligarque]<br />

Mikhail Khodorkovsky ou<br />

John Major. Il s'est spécialisé<br />

dans la prise de<br />

contrôle de sociétés d'armement<br />

et de médias.<br />

Profitant de la présidence<br />

d'un de ses anciens<br />

cadres, Bush fils, il influe<br />

selon ses intérêts sur la<br />

politique étrangère des<br />

États-Unis. Usant et abusant<br />

de ses relations, le groupe réalise<br />

30% de retour sur investissement<br />

au risque de se voir régulièrement mis<br />

en cause dans des affaires d'initiés et de<br />

corruption. » [10]<br />

« The Carlyle Group gère l'essentiel des<br />

placements financiers du Saudi Binladen<br />

Group [SBG] » [4], qui représente la<br />

famille Ben Laden. « Cette holding [...<br />

est] la plus importante d'Arabie saoudite,<br />

[...] ses avoirs financiers sont gérés par le<br />

Carlyle Group. Jusqu'en 1996, les montages<br />

des filiales du SBG étaient préparés<br />

à Lausanne par son conseiller, le banquier<br />

nazi François Genoud [...]. Le SBG<br />

est indissociable du régime wahhabite<br />

[... et] a remporté la majorité des marchés<br />

BTP de construction des bases militaires<br />

US en Arabie Saoudite et de<br />

A l’Ouest rien... 528<br />

reconstruction du Koweït après la guerre<br />

du Golfe. [...] Bien que le SBG déclare<br />

avoir rompu tout lien avec Oussama Ben<br />

Laden depuis 1994, de nombreux<br />

auteurs, distinguant le droit positif du<br />

droit coutumier, prétendent que le leader<br />

intégriste continue à exercer une<br />

autorité morale sur lui et à percevoir des<br />

dividendes. » [4]<br />

Etrangement, Frank Carlucci donnait<br />

une réception du Carlyle Group le<br />

11 septembre 2001 à Washington<br />

« avec Bush père et les Ben Laden pour<br />

fêter leurs investissements communs<br />

dans l'industrie d'armement et les<br />

médias. » [15] On peut tardivement trouver<br />

ça « inouï » [16] : « Ce<br />

jour là, le Carlyle Group<br />

tient sa conférence internationale<br />

annuelle pour<br />

les investisseurs à l'hôtel<br />

Ritz Carlton de Washington<br />

DC. Frank Carlucci,<br />

James Baker III, [... et les<br />

autres organisateurs] ont<br />

convié une galerie d'anciens<br />

dirigeants venus<br />

des quatre coins de la planète, d'anciens<br />

experts en question militaires, de riches<br />

Arabes venus du Proche-Orient et plusieurs<br />

investisseurs internationaux<br />

majeurs, qui peuvent ainsi assister aux<br />

attaques terroristes sur écran géant.<br />

Parmi les personnalités, on trouve<br />

notamment Shafiq Ben Laden, officiellement<br />

“brouillé” avec son frère Oussama,<br />

et George Bush père. Ce dernier<br />

aurait, d'après le porte-parole de<br />

Carlyle, quitté la convention peu avant<br />

les attentats [...].<br />

La première conséquence de ces<br />

attaques est un cadeau du ciel pour le<br />

Carlyle Group : le Congrès approuve<br />

immédiatement le déblocage de 40 milliards<br />

de dollars pour la Défense tandis<br />

que, dans l'ombre, les membres de l'ad-


ministration Bush commencent à plancher<br />

sur le budget 2002 du Pentagone<br />

qui prévoit une hausse de 33 milliards<br />

de dollars. Des décisions qui ont pour<br />

conséquence de rendre les partenaires<br />

de Carlyle extrêmement riches. Le projet<br />

jusque là vivement controversé du<br />

Crusader, la super-arme états-unienne,<br />

est adopté sans opposition. Un projet<br />

vivement défendu par Carlyle, puisque<br />

réalisé par United Defense, une société<br />

détenue par le fonds états-unien. Ses<br />

dirigeants profitent d'ailleurs de ces décisions<br />

pour nationaliser United Defense,<br />

en décembre 2001, empochant au passage<br />

237 millions de dollars. » [10]<br />

Le « Wall Street Journal […] avait justement<br />

dénoncé par un article d'une<br />

<strong>page</strong>, paru le 27 septembre 2001, la<br />

participation financière de la famille Ben<br />

Laden dans le groupe Carlyle dont le<br />

père de George W. Bush est un des personnages<br />

les plus importants. L'ensemble<br />

de ses activités liées à l'armement<br />

ou à la Défense fait de Carlyle Group un<br />

des plus importants fournisseurs du<br />

Pentagone. (Le 26 octobre 2001, une<br />

dépêche laconique de l'agence Associated<br />

Press annonçait que la famille Ben<br />

Laden retirait ses 2,02 millions de dollars<br />

d'investissements de la société Carlyle<br />

Group.) » [17] « Une annonce qui laissa<br />

extrêmement sceptique de nombreux<br />

experts. » [18]<br />

La « famille Ben Laden quitte le groupe<br />

Carlyle mais occupe toujours un siège,<br />

qui lui a coûté 10 millions de dollars, au<br />

sein du groupe Fremont, puissante société<br />

d’investissement. Le directeur de<br />

Fremont est l’ancien ministre des Affaires<br />

étrangères, George Schutz. » [19] On<br />

change les étiquettes et on continue<br />

pour encore plus de guerre et de profit…<br />

[1] : (Cf. Audition de James Woolsey, directeur de la CIA,<br />

devant le Sénat US, 3/9/1998)<br />

[2] : (Cf. Pierre Péan, « L’Extrémiste. François Genoud, de<br />

Hitler à Carlos », Fayard, 1/1996)<br />

[3] : (Cf. « The BCCI Affair », report by Sen. Joseph Kerry<br />

(D-Mass.) and Sen. Hank Brown (R-Colo.) to the Senate<br />

Committee on Foreign Relations, Subcommittee on<br />

Terrorism, Narcotics and International Operations,<br />

30/9/1992, http://fas.org/irp/congress/1992_rpt/bcci/)<br />

[4] : (« À qui profite le crime ? Les liens financiers occultes<br />

des Bush et des Ben Laden », Réseau Voltaire,<br />

16/10/2001, http://www.voltairenet.org/article7613.html)<br />

[5] : (Jean de Maillard, « Un monde sans loi », Stock, 1998,<br />

pp. 132-133)<br />

[6] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 57)<br />

[7] : (Cf. « Fuel for Fantasy », Forbes, 3/9/1990 et « Ex-<br />

Bush Aide Turns to Stumping for Kuwait… While Jr. Reaps<br />

Oil Windfall », The Guardian, 12/12/1990)<br />

[8] : (« Terror link TVs guard UK », The Observer,<br />

14/10/2001)<br />

[9] : (Thierry Meyssan, « Macabre mise en scène », Réseau<br />

Voltaire, 5/11/2001, http://www.voltairenet.org/article7<br />

614.html, d’après The Observer, 4/11/2001)<br />

[10] : (« Complexe militaro-industriel états-unien. Le<br />

Carlyle Group, une affaire d'initiés », Réseau<br />

Voltaire, 9/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12<br />

418.html, d’après Dan Briody, « The Iron Triangle - Inside<br />

the secret world of the Carlyle Group », Wiley, 2003)<br />

[11] : (« Le gouvernement mondial. Etats post-nationaux,<br />

réseaux d’influence, biocratie », d7, éd. Homnisphères,<br />

2004, diffusion Co-errances (5 euros), Cf. www.universitetangente.fr.st)<br />

[12] : (« Le nouveau visage du Figaro », Note d'information<br />

du Réseau Voltaire, (99/0422), 1/12/1999, cité par<br />

François-Xavier Verschave, « Noir silence », Les Arènes,<br />

pp. 440-441, par Billets d’Afrique, n° 77, 1/2000, surviefrance.org/IMG/doc/77.doc,<br />

et par Enrico Porsia,<br />

« Enquête : Le nouveau défi américain : la conquête de<br />

l'Europe. Document 3 », Les Enquêtes interdites - amnistia.net<br />

6/2/2001, http://www.amnistia.net/siteabon/new<br />

s/articles/defiamer/doc0-2.htm)<br />

[13] : (François-Xavier Verschave, op. cit., cité par Enrico<br />

Porsia, « Enquête : Le nouveau défi américain : la conquête<br />

de l'Europe », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

6/2/2001)<br />

[14] : (Brigitte Rossigneux, « L’appétit féroce de l’américain<br />

529 A l’Ouest rien...


Carlyle », Le Canard enchaîné, 21/5/2003, p. 4)<br />

[15] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/librairie/product_info.php?pr<br />

oducts_id=38&language=fr)<br />

[16] : (Le Canard enchaîné, 31/3/04)<br />

[17] : (Do, « Un "incendie du Reichstag" français ? »,<br />

Oulala.net, 10/5/2002, http://www.oulala.net/Portail/art<br />

icle.php3?id_article=234)<br />

[18] : [Eric Laurent, « La Guerre des Bush. Les secrets<br />

inavouables d’un conflit », Plon, 1/2003, p. 87)<br />

[19] : (Peter Franssen, op. cit., p. 56)<br />

« Oussama<br />

Ben<br />

Laden n'est<br />

pas seulement<br />

un<br />

sous-traitant<br />

de la<br />

CIA, employé<br />

pour<br />

combattre le nationalisme arabe, puis<br />

l'URSS, au nom de l'islam radical. Il a<br />

été - et sa famille [est restée] - l'un des<br />

principaux partenaires financiers de<br />

la famille Bush. S'il est exact, comme le<br />

prétendent de nombreux officiels américains,<br />

que la famille Ben Laden continue<br />

à entretenir des relations avec Oussama<br />

et à financer ses activités politiques [Voir<br />

« L’ami Ben Laden », p. 563], alors le<br />

Carlyle Group, qui gère les placements<br />

financiers du Saudi Binladen Group,<br />

serait nécessairement impliqué dans les<br />

délits d'initiés. Georges Bush père serait<br />

alors l'un des heureux bénéficiaires des<br />

manœuvres boursières du 11 septembre<br />

2001. » [1]<br />

En effet, au « lendemain des attentats,<br />

des manœuvres caractéristiques du<br />

"délit d'initié" ont été constatées dans les<br />

six jours précédents l'attaque [2].<br />

L'action United Airlines (compagnie propriétaire<br />

des avions qui se sont écrasés<br />

A l’Ouest rien... 530<br />

sur la tour sud du WTC et à Pittsburg) a<br />

artificiellement chuté de 42 %. Celle<br />

d'American Airlines (compagnie propriétaire<br />

de<br />

l'appareil<br />

qui s'est<br />

écrasé sur<br />

la tour<br />

nord du<br />

WTC, et<br />

de celui<br />

qui se seraitécrasé<br />

sur le<br />

Pentagone)<br />

a<br />

chuté de<br />

39 %.<br />

[...] Des agissements identiques ont été<br />

constatés sur les options de vente des<br />

titres de Morgan Stanley Dean Witter &<br />

Co qui ont été multipliées par douze<br />

dans la semaine précédant les attentats.<br />

Or, cette société occupait vingt-deux<br />

étages du WTC. De même pour les<br />

options de vente sur les actions du premier<br />

courtier en Bourse du monde,<br />

Merrill Lynch & Co, dont le siège social<br />

se trouve dans un immeuble voisin<br />

menacé d'écroulement [menace sans<br />

doute prévisible, mais surtout la<br />

“banque d'affaires américaine aura 114<br />

millions de dollars de charges exceptionnelles<br />

liées aux remboursements<br />

d'assurances des attentats du 11 septembre<br />

2001” [3]], qui ont été multipliées<br />

par vingt-cinq. Et surtout pour les<br />

options de vente sur les actions des assureurs<br />

impliqués : Munich Re, Swiss Re et<br />

Axa.<br />

La Commission de contrôle des opérations<br />

boursières de Chicago a [...]<br />

constaté qu'à la Bourse de Chicago, les<br />

initiés avaient réalisé 5 millions de dollars<br />

de plus-values sur United Airlines, 4 millions<br />

de dollars sur American Airlines, 1,2


millions de dollars sur Morgan Stanley<br />

Dean Witter & Co et 5,5 millions de dollars<br />

sur Merrill Lynch & Co. [...] Il apparaît<br />

que les plus-values illicites porteraient<br />

sur des centaines de millions de dollars,<br />

constituant le "plus important délit d'initié<br />

jamais commis".<br />

Il a été possible d'établir que la majeure<br />

partie des transactions avait été "portée"<br />

par la Deutsche Bank<br />

et sa filiale américaine<br />

d'investissements,<br />

Alex. Brown [4].<br />

Cette société était<br />

dirigée, jusqu'en<br />

1998, par [...] A. B.<br />

Krongard [...] banquier<br />

[...] devenu<br />

conseiller du directeur<br />

de la CIA et,<br />

depuis le 26 mars<br />

[2001], numéro trois<br />

de l'Agence de renseignementaméricaine.<br />

Compte tenu de<br />

l'importance de l'investigation<br />

et de l'influence<br />

d'A. B. Krongard,<br />

on aurait pu<br />

penser qu'Alex. Brown<br />

aurait coopéré sans difficulté avec les<br />

autorités pour faciliter l'identification des<br />

initiés. Il n'en a rien été. » [1]<br />

Denis Robert, l'initiateur de l'Appel de<br />

Genève (1/10/1996) [5], qui a précédé<br />

de quelques années la plus récente<br />

Déclaration de Paris, explique :<br />

« Georges W. Bush déclarait, sans rire,<br />

qu'il allait "épuiser les ressources des terroristes,<br />

traquer les banques et les états<br />

complices". (...) Durant le mois qui a<br />

suivi le 11 septembre, Ernest [Backes, coauteur<br />

avec Denis Robert de<br />

« Révélation$ » [6]] et moi avons du<br />

répondre à une centaine d'interviews.<br />

Nous expliquions simplement la métho-<br />

de : pour les terroristes et leurs financiers,<br />

une banque d'entrée dans un système<br />

de clearing ["banque des<br />

banques", chambre de compensation]<br />

international suffit. (...) En accédant aux<br />

archives des sociétés de clearing international<br />

[Clearstream et Euroclear] et à<br />

celle de Swift [système de routage financier],<br />

on peut cependant, avec de<br />

la volonté et des informaticiens<br />

compétents,<br />

remonter des filières<br />

et retracer les mouvements<br />

de fonds et de<br />

valeurs mobilières.<br />

Nous insistons sur un<br />

point sensible : les<br />

archives des chambres<br />

de compensation,<br />

en aidant à<br />

"débusquer" les mouvements<br />

de capitaux<br />

douteux, peuvent<br />

permettre de remonter<br />

jusqu'à leurs propriétaires.<br />

» [7]<br />

« Les paradis financiers<br />

sont intacts, l’argent<br />

des terroristes<br />

aussi. » [8] « On pourrait<br />

admettre, [au] regard de l’importance<br />

des enjeux, [qu’il] eut été possible de<br />

forcer le secret bancaire et de déterminer<br />

les heureux bénéficiaires des attentats<br />

du 11 septembre. Il n’en a rien<br />

été. » [9]<br />

[1] : (« À qui profite le crime ? Les liens financiers occultes<br />

des Bush et des Ben Laden », Réseau<br />

Voltaire, 16/10/2001, http://www.voltairenet.org/article<br />

7613.html)<br />

[2] : (Cf. Don Radlauer, « Black Tuesday : The World's largest<br />

Insider Trading Scam ? », International Policy Institute<br />

for Counterterrorism, Israël, 9/9/2001. http://www.ict.or<br />

g.il/articles/articledet.cfm?articleid=386)<br />

[3] : (« Merrill Lynch enregistre une forte hausse de bénéfices<br />

», lesinfos.com, 17/10/2002)<br />

[4] : (Cf. Christian Berthelsen, et Scott Winokur,<br />

531 A l’Ouest rien...


« Suspicious Profits Sit Uncollected Airlines Investors Seem<br />

to Be Lying Low », San Francisco Chronicle, 29/9/2001]<br />

[5] : (Bernard Bertossa, Edmundo Bruti Liberati, Gherardo<br />

Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar Garzon, Real<br />

Carlos, Jimenez Villarejo, Renaud Van Ruymbeke, « Appel<br />

de Genève », http://www.arenes.fr/livres/<strong>page</strong>-livre1.php<br />

?numero_livre=1&num_<strong>page</strong>=2)<br />

[6] : (Denis Robert & Ernest Backes, « Révélation$ », Les<br />

Arènes, 2001)<br />

[7] : (Denis Robert, « La Boîte noire », Les Arènes, 2002,<br />

pp. 230, 232)<br />

[8] : (La Tribune, 11/9/2002, cité par Le Canard enchaîné,<br />

18/9/2002, p. 2)<br />

[9] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001 L'effroyable<br />

imposture », Ed. Carnot, 3/2002, pp. 62-63)<br />

A l’Ouest rien... 532<br />

LA CORRUPTION FAIT VIVRE LE<br />

SYSTÈME TOTALITAIRE<br />

Même un « penseur du Parti socialiste »<br />

français l’affirme : « Les Etats les plus totalitaires<br />

[…] se sauvent de [l']auto destuction,<br />

d'une part en affermissant cette rigidité<br />

par l'extrême brutalité et rigueur<br />

dans la répression de tout germe contestataire,<br />

d'autre part en entretenant de<br />

fait des hiérarchies concurrentielles et<br />

une anarchie de base. [… Etant] donné<br />

que le contrôle absolu conduit à la paralysie<br />

absolue, une formidable réalité<br />

anarchique souterraine, clandestine,<br />

inavouée, informulée, grouille à la base<br />

de la société totalitaire : combines,<br />

débrouillardises, bricolages, tricheries,<br />

bakchichs, larcins, complicités font vivre<br />

le système dont ils sont la négation […].<br />

Cette anarchie en est à la fois la négation,<br />

la réfutation et la confirmation […],<br />

avec l'aide, bien entendu, de l'intimidation/répression<br />

généralisée » [1]. Cette<br />

"anarchie"-là est évidemment bien loin<br />

de l’autogestion généralisée !<br />

Ou pour, comme une plume du Canard,<br />

le dire en termes théologiques à propos<br />

des provocations policières : « Tout l’art<br />

de gouverner revient pour le chef d’Etat<br />

à donner à entendre qu’il est un Yahvé<br />

tâchant à organiser une cité harmonieuse<br />

alors qu’il utilise son serviteur-policier<br />

pour maintenir la dysharmonie qui l’a<br />

porté au pouvoir, - cependant que ce<br />

serviteur-policier lui-même le pousse vers<br />

l’établissement d’un ordre mystiquement<br />

pur, lequel a pour nom tyrannie, dictature,<br />

fascisme, et participe davantage de<br />

Satan que de Yahvé. » [2] Y avait qu’à<br />

rechercher la duplicité !<br />

[1] : (Edgar Morin, « La Méthode 2. La vie de la vie »,<br />

Seuil, 1980, p. 327 n. 1)<br />

[2] : (Bernard Thomas, « Les Provocations policières »,<br />

Fayard, 1972, p. 498)


l'attaque se produire afin de créer le<br />

choc psychologique nécessaire pour<br />

retourner une opinion publique isolationniste<br />

et permettre l'entrée en guerre<br />

contre les puissances de l'Axe. » [2]<br />

« Daté du 7 octobre 1940, le [mémo] de<br />

McCollum [3] tend [en effet] à démontrer<br />

que l'équipe de Roosevelt était non<br />

seulement [avertie] de l'attaque de Pearl<br />

Harbor par les Japonais, mais l'aurait en<br />

fait [provoquée] pour pouvoir entrer en<br />

guerre. » [4]<br />

« Cette thèse iconoclaste ( […] ces dirigeants<br />

acceptaient les dégâts prévisibles<br />

d'une opération qui s'est soldée par près<br />

de 2500 morts) fut émise vers la fin des<br />

années cinquante […] par l'amiral commandant<br />

la flottille des destroyers américains<br />

du Pacifique en 1941. [… Les bâtiments<br />

laissés en pâture à la manœuvre<br />

« Alors qu'il était administrateur de la<br />

aérienne nippone [5] étaient d'un type]<br />

Rand Corporation et juste avant qu'il<br />

dépassé : les porte-avions et les croiseurs<br />

ne devienne secrétaire à la Défense,<br />

modernes étaient en mer, au loin, le 7<br />

Donald Rumsfeld a théorisé l'Arme<br />

spatiale. Son ambition est de créer un<br />

décembre […]. En 1932, un exercice des<br />

nouveau type d'armée dont le coûteux<br />

forces navales US avait simulé une telle<br />

bouclier anti-missiles n'est qu'un élément<br />

manœuvre [aérienne], obtenu par avan-<br />

parmi d'autres. Pour réaliser ce rêve qui<br />

ce les mêmes résultats et servi de base<br />

consacrera "la puissance militaire illimi- au plan [d'attaque de l'amiral] Yamatée<br />

des États-Unis", M. Rumsfeld s'est moto [6]. Là aussi, il est difficile de croire<br />

demandé "si, comme cela a déjà été le que suite à cela, aucune parade n'ait été<br />

cas par le passé, le seul événement envisagée. D'autant que la "manœuvre"<br />

capable de galvaniser les énergies de la [aérienne] a été réalisée en grandeur<br />

Nation et de forcer le gouvernement des nature par les Anglais à Tarente le 11<br />

États Unis à agir [doit] être une attaque novembre 1940, aux dépens de la flotte<br />

destructrice contre le pays et sa popula- italienne [7].<br />

tion, un Pearl Harbor spatial". » [1] La même marine américaine, si vulné-<br />

Soixante ans plus tôt, à la « fin 1941, les rable la veille, a fait [ensuite] preuve<br />

USA poussaient les Japonais à la guerre d'une incomparable maestria […] pen-<br />

par leur intransigeance dans les négodant la campagne du Pacifique, dont les<br />

ciations en cours. Pour compenser leur expériences sur le terrain à Hiroshima et<br />

infériorité […], ceux-ci ont donc effectué Nagasaki n'ont été que la spectaculaire<br />

une attaque-surprise dont il est […] fort apothéose. » [2] Apothéose profitable,<br />

probable que les sommets de l'Etat et de car « lorsque Truman voulut intimider<br />

l'Etat-major américains aient été infor- Staline et lui faire comprendre qu'il ne<br />

més ; mais ceux-là auraient alors laissé pourrait pas exploiter à son profit l'ef-<br />

533 A l’Ouest rien...


fondrement du nazisme, il décida de<br />

procéder à une démonstration de force<br />

au Japon. Il accepta donc la capitulation<br />

du Reich, le 8 mai 1945, mais refusa<br />

celle du Japon, pourtant exsangue. Il<br />

réunit le "Comité des cibles", refusa de<br />

lancer la bombe atomique sur la baie de<br />

Tokyo, qui n'était pas assez peuplée, et<br />

ordonna les démonstrations d'Hiroshima<br />

et Nagasaki. Ce n'est qu'après qu'il<br />

accepta la reddition nippone. » [8]<br />

A quoi assisterons-nous finalement cette<br />

fois-ci ?<br />

[1] : (« Un Pearl Harbor spatial. Une "divine surprise" pour<br />

Donald Rumsfeld », Réseau Voltaire, 14/12/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article7624.html, citant<br />

« Report of the Commission to Assess U.S. National<br />

Security Space Management and Organization »,<br />

http://www.defenselink.mil/pubs/space20010111.html)<br />

[2] : (A. Hanrry, « Apocalypse now ou Eucalypse ? »,<br />

A Contre Courant, n° 128, 10/2001, fut reprod. in<br />

http://www.acontrecourant.org)<br />

[3] : (« The McCollum Memo : The Smoking Gun of Pearl<br />

Harbor », http://www.whatreallyhappened.com/McCollum/ind<br />

ex.html, « Sacrifice at Pearl Harbor The Government<br />

Knew ! », http://sf.indymedia.org/news/2002/09/144578.php)<br />

[4] : (Pierre Vaudan, « 11 septembre, une tragédie suspecte<br />

», entrefilets.com, http://www.entrefilets.com/Que<br />

stions_911.htm)<br />

[5] : ( Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Pearl_Harbor<br />

_1941.svg)<br />

[6] : (François Kersaudy, « Les chemins détournés de Pearl<br />

Harbor » Le Monde, 16/9/2001)<br />

[7] : (Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_de_Taranto)<br />

[8] : (Thierry Meyssan, « Rumsfeld "n'exclut pas" l'expérimentation<br />

de mini-bombes nucléaires sur les cobayes irakiens<br />

», Réseau Voltaire, 17/2/2003, http://www.voltairenet.org/article9050.html)<br />

A l’Ouest rien... 534<br />

« En 1958 à Cuba, des insurgés<br />

conduits par les colonels Fidel et Raul<br />

Castro, Che Guevara et Camilo<br />

Cienfuegos renversent le régime fantoche<br />

de Fulgencio Batista.<br />

Le nouveau gouvernement, qui n'est<br />

pas encore communiste, met fin à l'exploitation<br />

en coupe réglée de l'île à<br />

laquelle se livrent un groupe de multinationales<br />

états-uniennes (Standard Oil,<br />

General Motors, ITT, General Electric,<br />

Sheraton, Hilton, United Fruit, Est Indian<br />

Co) et la famille Bacardi depuis six ans.<br />

En retour, ces entreprises convainquent<br />

le président Eisenhower de renverser les<br />

castristes. Le 17 mars 1960, le président<br />

Eisenhower approuve un "Programme<br />

d'actions clandestines contre le régime<br />

castriste" [... pour] "remplacer le régime<br />

de Castro par un autre, [...] plus acceptable<br />

pour les États-Unis, par des moyens<br />

évitant toute visibilité de l'intervention<br />

US" [1]. » [2]<br />

Cependant, peu après, un avertissement<br />

du général-président fut étonnant et<br />

prophétique. « Le 17 janvier 1961, à l'issue<br />

de son second et dernier mandat, le<br />

président Eisenhower prononce un discours<br />

d'adieu radiodiffusé. Après avoir<br />

fait le bilan convenu de son action, il surprend<br />

ses concitoyens en les alertant sur<br />

le risque que la guerre froide fait courir<br />

à la démocratie. » [3] « Dans son message<br />

[... d’adieu], il a consacré plus d’un<br />

cinquième à la dénonciation, prémonitoire,<br />

des tendances factieuses du lobby<br />

militaro-industriel américain. » [4]


« "La conjonction d'un immense establishment<br />

militaire et d'une vaste industrie<br />

d'armement est une nouveauté dans<br />

l'histoire américaine, dit-il. Son influence<br />

totale - économique, politique et même<br />

spirituelle - est perceptible dans chaque<br />

ville, chaque État, chaque administration<br />

fédérale. Nous reconnaissons le besoin<br />

impératif de ce<br />

développement.<br />

Mais nous ne devons<br />

pas manquer<br />

d'en comprendre<br />

les graves implications.<br />

Notre travail,<br />

nos ressources,<br />

notre vie sont concernés.<br />

C'est-à-dire<br />

la structure même<br />

de notre société.<br />

Dans les conseils<br />

du gouvernement,<br />

nous devons prendre<br />

garde à l'acquisition<br />

d'une influence<br />

illégitime [...]<br />

recherchée ou non<br />

par le complexe<br />

militaro-industriel<br />

[Voir « Il est canon<br />

», p. 650]. Le risque<br />

d'un développement<br />

désastreux d'un pouvoir usurpé<br />

existe et persistera. Nous ne devrons<br />

jamais laisser le poids de cette conjonction<br />

menacer nos libertés ou les processus<br />

démocratiques. Nous ne devons rien<br />

considérer comme acquis. Seules une<br />

vigilance et une conscience citoyennes<br />

peuvent garantir l'équilibre entre l'influence<br />

de la gigantesque machinerie<br />

industrielle et militaire de défense et nos<br />

méthodes et nos buts pacifiques, de<br />

sorte que la sécurité et la liberté puissent<br />

[croître] de pair" [3] [Voir « Coup d'Etats<br />

Unis », p. 609].<br />

Dwight D. Eisenhower laisse le bureau<br />

ovale à John Fitzgerald Kennedy. Le<br />

jeune président est inexpérimenté face à<br />

la CIA. Dès son arrivée à la Maison-<br />

Blanche » [5], malgré « l’opposition du<br />

Pentagone, [il] ordonne à la CIA de lancer<br />

l’invasion. » [6] « Le 17 avril 1961,<br />

une brigade d'exilés cubains et de mercenaires,<br />

plus ou<br />

moins discrètement<br />

encadrée par<br />

la CIA, tente un<br />

débarquement à la<br />

Baie des Cochons.<br />

L'opération tourne<br />

au fiasco. Le président<br />

John F.<br />

Kennedy [...] refuse<br />

d'envoyer l'US<br />

Air Force appuyer<br />

les mercenai-res. » [2]<br />

« Presque tous les<br />

effectifs – 1.400<br />

hommes – sont<br />

tués ou capturés<br />

[...]. C’est la défaite<br />

totale des Américains.<br />

La Maison Blanche<br />

ordonne alors à la<br />

CIA de déstabiliser<br />

Cuba par tous les<br />

moyens. Les services secrets regroupent<br />

400 Américains et 200 Cubains [...].<br />

L’escadron reçoit un budget de 50 millions<br />

de dollars. Il pose des bombes dans<br />

des hôtels et des usines, coule des<br />

bateaux de pêche, empoisonne des<br />

entrepôts alimentaires et des récoltes de<br />

canne à sucre [7]. Le résultat est décevant<br />

: pas le moindre embryon de soulèvement<br />

populaire. Au contraire, la population<br />

se resserre encore plus étroitement<br />

autour de Fidel Castro. » [6]<br />

« Kennedy [...] révoque le directeur de la<br />

CIA (Allen Dulles) [Voir « Sied à ravir »,<br />

535 A l’Ouest rien...


p. 571] [...] et le directeur du staybehind<br />

(Richard Bissell). [...] Kennedy<br />

s'interroge sur l'attitude de l'état-major<br />

interarmes, qui avait validé l'opération<br />

alors qu'il la savait vouée à l'échec [8].<br />

Tout semble s'être passé comme si les<br />

généraux avaient tenté d'impliquer les<br />

États-Unis dans une guerre ouverte<br />

contre Cuba. » [2]<br />

« En avril 1961, l'armée des États-Unis<br />

est traversée par une [autre] crise grave :<br />

le major général Edwin A. Walker [Voir<br />

« Un bon soldat », p. 581], qui avait suscité<br />

les affrontements racistes de Little<br />

Rock avant de prendre le commandement<br />

de l'infanterie stationnée en<br />

Allemagne, est révoqué par le président<br />

Kennedy [9]. Il est<br />

accusé de développer<br />

un prosélytisme d'extrême<br />

droite dans les<br />

armées [... et il] appartiendrait<br />

à la John<br />

Birch Society et aux<br />

Authentiques Chevaliers<br />

du Klu Klux Klan.<br />

La commission des<br />

Affaires étrangères du<br />

Sénat diligente une<br />

enquête sur l'extrême<br />

droite militaire. Les<br />

auditions sont conduites<br />

par le sénateur<br />

Albert Gore (D-Tennessee),<br />

père du futur<br />

vice-président américain.<br />

Les sénateurs suspectent le chef<br />

d'état-major interarmes, le général<br />

Lyman L. Lemnitzer, de participer au<br />

complot Walker. Gore sait que Lemnitzer<br />

est un spécialiste de l'action secrète : en<br />

1943, il avait personnellement dirigé les<br />

négociations visant à retourner l'Italie<br />

contre le Reich, puis, en 1944, il conduisit<br />

avec Allen Dulles les négociations<br />

secrètes avec les nazis à Ascona (Suisse)<br />

A l’Ouest rien... 536<br />

préparant la capitulation (opération<br />

Sunrise) [10]. Il participa à la création du<br />

réseau stay-behind de l'Alliance [Voir<br />

« Un réseau secret », p 38], retournant<br />

des agents nazis pour lutter contre<br />

l'URSS, et à l'exfiltration de criminels<br />

contre l'humanité vers l'Amérique latine<br />

[Voir « Barbie Papy », p. 548]. Mais Gore<br />

ne parvint pas à mettre en évidence sa<br />

responsabilité dans les événements<br />

contemporains.<br />

Une correspondance secrète du général<br />

Lemnitzer, récemment publiée, montre<br />

qu'il complotait avec [...] d'autres officiers<br />

de très haut rang pour saboter la<br />

politique de John F. Kennedy. » [2]<br />

« Le 16 novembre 1961, le président<br />

Kennedy et son<br />

frère Robert, le ministre<br />

de la Justice,<br />

décident de retirer à<br />

la CIA la responsabilité<br />

de la lutte contre<br />

Cuba et de la<br />

confier au Pentagone.<br />

» [6] « Kennedy<br />

[...] met [alors] en<br />

place un "Groupe<br />

spécial élargi" chargé<br />

de concevoir et<br />

de conduire la lutte<br />

anti-castriste. Ce<br />

groupe est composé<br />

[notamment] de son<br />

frère, Robert Kennedy<br />

[...], du secrétaire<br />

à la Défense (Robert McNamara),<br />

[...] du nouveau directeur de la CIA [...]<br />

et du chef d'état-major interarmes (le<br />

général Lyman L. Lemnitzer). Ce Groupe<br />

spécial élargi imagine un ensemble d'actions<br />

secrètes rassemblées sous le titre<br />

générique d'opération "Mangoose"<br />

(Mangouste). Pour les réaliser, la coordination<br />

opérationnelle entre le département<br />

d'État, le département de la


Défense et la CIA est confiée au général<br />

Edward Lansdale (assistant du secrétaire<br />

à la Défense, en charge des opérations<br />

spéciales, et à ce titre directeur de la<br />

NSA). » [2]<br />

De leur côté, les « militaires extrémistes<br />

dénoncent le refus de Kennedy d'intervenir<br />

militairement à Cuba. Ils considèrent<br />

les civils de la CIA comme responsables<br />

de la mauvaise planification du<br />

débarquement de la Baie des Cochons,<br />

et le président Kennedy comme un lâche<br />

pour avoir refusé l'appui de l'US Air<br />

Force. Pour débloquer la situation, ils<br />

imaginent de fournir un prétexte politique<br />

à Kennedy pour intervenir militairement.<br />

Ce plan, dit opération<br />

"Northwoods" (Bois du nord), donne<br />

lieu à des études poussées qui sont formalisées<br />

par le brigadier général William<br />

H. Craig. » [2]<br />

« Lemnitzer se rappelle une phrase du<br />

général Eisenhower [... en sa présence,<br />

juste avant la passation de pouvoir à<br />

Kennedy, disant] qu’il partirait bien en<br />

guerre contre les Cubains si Castro lui<br />

offrait un bon prétexte pour le faire.<br />

Hélas, avait dit Eisenhower, Castro ne<br />

fait rien de tel et peut-être “les Etats-Unis<br />

devraient-ils envisager de fabriquer euxmêmes<br />

un tel prétexte sous la forme<br />

d’un attentat à la bombe, d’une attaque<br />

ou de l’une ou l’autre action de sabotage.”<br />

[11] [...] Il convient donc de créer<br />

des incidents susceptibles de rallier l’opinion<br />

publique américaine et mondiale à<br />

l’idée d’une guerre contre Cuba.<br />

Lemnitzer et ses généraux [...] veulent<br />

déclencher une campagne sanglante<br />

contre le peuple américain. Tous les<br />

membres de l’état-major général<br />

approuvent » [6] l’opération.<br />

Ainsi, « 20 ans [après Pearl Harbor] [Voir<br />

« Pearl Harbor, mi amor », p. 533], en<br />

1962, juste après le désastre de la baie<br />

des Cochons, la National Security<br />

Agency (NSA) avait projeté des attentats<br />

antiaméricains, qui auraient été attribués<br />

à Castro, pour fournir à l'Amérique le<br />

prétexte d'envahir Cuba. Cette Northwood<br />

Operation [12] » [13], « [conçue]<br />

et approuvée en 1962 par l'ensemble<br />

des chefs d'État-major du Pentagone<br />

» [14], « prévoyait une série d'attentats<br />

tuant des civils et des militaires américains<br />

pour mobiliser l'opinion publique<br />

contre Fidel Castro.<br />

Les amis du major général Edwin A.<br />

Walker avaient notamment planifié un<br />

attentat contre un bâtiment de guerre<br />

» [2], « des détournements d’avions et<br />

des attentats à la bombe à Miami et à<br />

Washington » [15], « de sorte que "la publication<br />

de la liste des victimes dans les journaux<br />

américains provoque une vague d'indignation<br />

instrumentalisable" » [13].<br />

« Les documents préparatoires précisaient<br />

qu’il fallait “donner au monde [et<br />

notamment au Conseil des Nations<br />

Unies] l’image d’un gouvernement<br />

cubain représentant [...] une menace<br />

grave et imprévisible pour la paix dans<br />

l’hémisphère occidental” [16] » [15].<br />

« Malgré la campagne de désinformation<br />

pour faire croire au “monde libre”<br />

que les États-Unis désiraient “libérer le<br />

peuple cubain de la dictature communiste”,<br />

les stratèges militaires étaient<br />

conscients que la population cubaine<br />

appuyait majoritairement Castro.<br />

Lemnitzer avait prévu l'instauration d'un<br />

État policier. “Il faut prévoir une prise de<br />

contrôle militaire rapide de Cuba. Une<br />

action policière continuelle sera ensuite<br />

requise.” » [14]<br />

« Voici quelques-unes des provocations<br />

projetées :<br />

- Attaquer la base américaine de<br />

Guantanamo [... avec] des mercenaires<br />

cubains sous uniforme des forces de<br />

537 A l’Ouest rien...


Fidel Castro, [... réalisant] divers sabotages<br />

et l'explosion du dépôt de munitions,<br />

laquelle aurait nécessairement<br />

provoqué des dégâts matériels et<br />

humains considérables » [2] « Qui donc<br />

pourrait croire le dirigeant cubain quand<br />

il affirmerait que les Américains ont organisé,<br />

eux-mêmes, la destruction de leur<br />

propre base militaire ? Le plan décrit en<br />

détail comment les civils doivent être<br />

abattus dans les rues et comment couler<br />

des bateaux transportant des réfugiés<br />

cubains. » [6]<br />

- Faire sauter un<br />

navire américain<br />

dans les eaux territoriales<br />

cubaines<br />

de manière à raviver<br />

la mémoire de<br />

la destruction du<br />

Maine, en 1898<br />

[...] [Voir « Le<br />

Maine nage »,<br />

p. 541]. Le bâtiment<br />

aurait été en<br />

réalité vide et télécommandé.L'explosion<br />

aurait été<br />

visible de La<br />

Havane ou de<br />

Santiago pour que<br />

l'on dispose de<br />

témoins. Des opérations<br />

de secours<br />

auraient été conduites<br />

pour crédibiliser<br />

des pertes.<br />

La liste des victimes aurait été publiée<br />

dans la presse et de fausses obsèques<br />

auraient été organisées pour susciter l'indignation.<br />

L'opération aurait été déclenchée<br />

lorsque des navires et avions<br />

cubains se seraient trouvés dans la zone<br />

pour pouvoir leur imputer une attaque.<br />

- Terroriser les exilés cubains en organi-<br />

A l’Ouest rien... 538<br />

sant quelques plasticages contre eux à<br />

Miami, en Floride, et même à Washington.<br />

De faux agents cubains auraient été<br />

arrêtés pour disposer d'aveux. De faux<br />

documents compromettants, établis à<br />

l'avance, auraient été saisis et distribués<br />

à la presse.<br />

- Mobiliser les États voisins de Cuba en<br />

leur faisant accroire une menace d'invasion.<br />

Un faux avion cubain aurait bombardé<br />

de nuit [... un] État de la région<br />

[... avec des bombes] évidemment de<br />

fabrication soviétique.<br />

- Mobiliser l'opinion<br />

publique internationale<br />

en<br />

détruisant un vol<br />

spatial habité.<br />

Pour frapper les<br />

esprits, la victime<br />

aurait été John<br />

Glenn, premier<br />

Américain à avoir<br />

parcouru une orbite<br />

complète de la<br />

terre » [2]. On<br />

aurait pu produire<br />

« ensuite une série<br />

de preuves trafiquées<br />

prouvant<br />

“scientifiquement”<br />

que les Cubains<br />

avaient provoqué<br />

l'explosion en émettant<br />

des signaux<br />

d'interférence électronique,<br />

grâce à la technologie militaire<br />

russe. On sait qu'ils sont forts là-dessus<br />

les [Étasuniens, pour] prétendre que<br />

leurs nombreux ennemis sont surarmés<br />

et ultra avancés technologiquement, [et<br />

donc] pour stimuler la “recherche scientifique”<br />

et l'industrie militaire. » [14]<br />

Possibilité « plus particulièrement étu-


diée : "[...] créer un incident qui démontrera<br />

de manière convaincante qu'un<br />

avion cubain a attaqué et descendu un<br />

vol charter civil en route des États-Unis<br />

vers la Jamaïque, le Guatemala, Panama<br />

ou le Venezuela". Un groupe de passagers<br />

complices » [2], « tous inscrits sous<br />

des noms d'emprunt » [14], « aurait pris<br />

un vol charter d'une compagnie détenue<br />

en sous-main par la CIA. Au large de<br />

la Floride, leur avion aurait croisé une<br />

réplique, en fait un avion apparemment<br />

identique, mais vide et transformé en<br />

drone » [2] « (sic : un avion téléguidé, les<br />

militaires de 1962 utilisaient déjà ce<br />

nom) [maquillé] aux couleurs d'un avion<br />

de ligne. » [14]<br />

« Les passagers complices [...] seraient<br />

retournés sur une base de la CIA, tandis<br />

que le drone aurait continué en apparence<br />

leur trajet. L'appareil aurait émis<br />

des messages de détresse indiquant qu'il<br />

était attaqué » [2] « par des MIGs cubains,<br />

avant d'exploser par commande<br />

[à] distance. Ce sont les opérateurs de<br />

l'OACI (Organisation de l'Aviation Civile<br />

Internationale) qui auraient capté le<br />

message en primeur, et auraient eu la<br />

pénible tâche “d'informer” le gouvernement<br />

des États-Unis et le monde entier<br />

de la terrible nouvelle. La publication<br />

d'une fausse liste de victimes dans les<br />

médias et des funérailles nationales<br />

bidon étaient aussi planifiées. » [14]<br />

Voici donc les plans que révèle l’« étude<br />

sur des documents récemment déclassifiés<br />

et concernant les opérations clandestines<br />

sous la présidence de Kennedy,<br />

des documents qui ont été "fortement<br />

expurgés" et qui ne révèlent "que la<br />

pointe de l'iceberg" » [17].<br />

« La réalisation de ces opérations<br />

implique nécessairement la mort de<br />

nombreux citoyens américains, civils et<br />

militaires. Mais c'est précisément leur<br />

coût humain qui en fait d'efficaces<br />

actions de manipulation. » [2]<br />

Ce plan « est présenté au Groupe spécial<br />

élargi par le général Lemnitzer lui-même,<br />

le 13 mars 1962 [Voir photo <strong>page</strong> précédente].<br />

La réunion se tient au<br />

Pentagone, dans le bureau du secrétaire<br />

de la Défense, de 14 h 30 à 17 h 30. Elle<br />

se termine très mal : [Le secrétaire à la<br />

Défense] Robert McNamara rejette le<br />

plan en bloc, tandis que le général<br />

Lemnitzer se fait menaçant. S'ensuivent<br />

six mois de permanente hostilité entre<br />

l'administration Kennedy et l'état-major<br />

interarmes, puis l'éloignement de<br />

Lemnitzer et sa nomination comme chef<br />

des forces US en Europe. Avant de partir,<br />

le général donne l'ordre de détruire<br />

toutes les traces du projet Northwoods,<br />

mais Robert McNamara conserve la<br />

copie du mémo qui lui avait été<br />

remis. » [2]<br />

« Pour John F. Kennedy, Lemnitzer est<br />

un [anti-communiste] hystérique soutenu<br />

par des multinationales sans scrupules.<br />

Le nouveau président comprend<br />

le sens de la mise en garde de son prédécesseur,<br />

le président Eisenhower, un<br />

an plus tôt, lors de son discours de fin de<br />

mandat [...]. En définitive, John F.<br />

Kennedy, résiste aux généraux Walker,<br />

Lemnitzer et à leurs amis, et refuse d'engager<br />

plus avant l'Amérique dans une<br />

guerre à outrance contre le communisme,<br />

à Cuba, au Laos, au Vietnam ou<br />

ailleurs. Il est assassiné, [un peu plus<br />

tard,] le 22 novembre 1963 [18]. » [2]<br />

« Parmi les conjurés se trouvaient d'actuels<br />

responsables de l'armée des Etats-<br />

Unis. La réalisation de ce plan dément<br />

fut empêchée in extremis par le président<br />

John F. Kennedy » [2]. « Mais [...,<br />

pourtant, en] mai 1963, à la demande<br />

de Kennedy, le sous-secrétaire d’Etat à la<br />

Défense Paul Nitze propose un plan pré-<br />

539 A l’Ouest rien...


conisant “l’organisation d’attaque contre<br />

des cibles américaines, tant civiles que<br />

militaires, de façon à rendre acceptable<br />

une guerre contre Cuba”. L’idée d’atteindre<br />

un objectif politique en semant<br />

la terreur contre son propre peuple est<br />

donc loin d’être enterrée pour le<br />

Pentagone » [6].<br />

Et en 1964, « un “incident” similaire dans<br />

le golfe du Tonkin déclenchait la guerre<br />

du Vietnam. » [19]<br />

Car la « lumière n'a jamais été faite non<br />

plus sur les attentats de 1964, à l'origine<br />

du déclenchement de la guerre du<br />

Vietnam. Deux destroyers étatsuniens<br />

auraient été attaqués par des vedettes<br />

rapides vietnamiennes dans le Golfe du<br />

Tonkin. “Faire exploser des bateaux US,<br />

il s'agit simplement de changer les mots<br />

Baie de Guantanamo par Golfe du<br />

Tonkin, et Cuba par Nord Vietnam et<br />

voilà l'opération Northwoods ressuscitée”,<br />

conclut Bamford. Cette guerre a<br />

tué 50 000 Étatsuniens et 2 millions de<br />

Vietnamiens. » [14] Record à battre.<br />

« Le général Lemnitzer prend sa retraite<br />

en 1969. Mais, en 1975, alors que le<br />

Sénat commence des investigations sur<br />

le rôle exact de la CIA sous l'administration<br />

Nixon, Gerald Ford, qui assure l'intérim<br />

de la présidence depuis le scandale<br />

du Watergate, [demande à Lemnitzer]<br />

de participer à cette enquête. Après qu'il<br />

eut aidé à enterrer la polémique, Ford le<br />

sollicite à nouveau pour animer un groupe<br />

de pression, le Committe on the<br />

Present Danger (CPD - Comité sur le danger<br />

actuel) [...] création de la CIA, alors<br />

dirigée par George Bush père [..., qui]<br />

mène campagne contre le danger soviétique.<br />

Parmi ses administrateurs, on trouve<br />

divers responsables de la CIA et Paul<br />

D. Wolfowitz [...] [Voir « Les faucons, de<br />

vrais salauds ? », p. 585]. Parallèlement,<br />

Gerald Ford promeut le brigadier géné-<br />

A l’Ouest rien... 540<br />

ral William H. Craig, qui avait dirigé les<br />

études préliminaires de l'opération<br />

Northwoods, directeur de la National<br />

Security Agency (NSA). » [2] Les bonnes<br />

idées pourront toujours resservir.<br />

Trente ans plus tard, en « 1992, l'opinion<br />

publique américaine s'interroge sur<br />

l'assassinat du président Kennedy après<br />

la diffusion d'un film d'Oliver Stone montrant<br />

les incohérences de la version officielle.<br />

Le président Clinton ordonne la<br />

déclassification de très nombreuses<br />

archives de la période Kennedy. Dans les<br />

papiers [... de] Robert McNamara, on<br />

retrouve l'unique copie conservée du<br />

projet Northwoods. » [2] « Les documents<br />

de l'opération Northwoods ont<br />

initialement été publiés en Australie [20]<br />

[...] sans provoquer de réactions aux<br />

États-Unis. Ils ont été à nouveau exploités<br />

par le journaliste d'ABC News, James<br />

Bamford dans son histoire de la NSA [21]<br />

suscitant alors un vif émoi chez les historiens.<br />

» [2] Allons ! Allons ! Tout ça, c’est<br />

du passé !<br />

[1] : (« A Program of Covert Operations Against the Castro<br />

Regime », document déclassifié de la CIA daté du<br />

16/4/1961)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « Opération Northwoods. Quand<br />

l'état-major américain planifiait des attentats terroristes<br />

contre sa population », Notes d’information du Réseau<br />

Voltaire, 5/11/2001, http://www.voltairenet.org/article7<br />

615.html, ou http://www.asile.org/citoyens/numero13/northwoods)<br />

[3] : (« Farewell Adress », discours de fin de mandat du<br />

président Eisenhower, 17/1/1961, cité également, au<br />

moins partiellement, in Pierre Marion, « Le pouvoir sans<br />

visage. Le complexe militaro-industriel », Calmann-Lévy,<br />

1990 ; in Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

5/11/2001, pp. 8-9 ; et in François-Xavier Verschave,<br />

« Noir Chirac », les Arènes, 3/2002, p. 47)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 46)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « Le putsch des généraux du 21<br />

avril 1961. Quand le stay-behind voulait remplacer De<br />

Gaulle », Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

10/9/2001, http://www.voltairenet.org/article8701.html)<br />

[6] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, pp. 102-107)<br />

[7] : (Noam Chomsky, « International terrorism : image<br />

and reality », cité in Alexander George (ed.), « Western<br />

state terrorism », Polity Press, New York, 1991, pp. 22-23)<br />

[8] : (Willard J. Webb et Ronald H. Cole, « The Chairmen


of the Joint Chiefs of Staff », DoD, 1989. Maxwell D.<br />

Taylor, « Swords and Plowshares », 1972)<br />

[9] : (Voir « Les Forces spéciales clandestines. Une dissidence<br />

terroriste au cœur de l'appareil militaire atlantiste »,<br />

Notes d'information du Réseau Voltaire, n° 235,<br />

27/9/2001, http://www.voltairenet.org/article7611.html ;<br />

Chris Cravens, « Edwin A. Walker and the Right Wing in<br />

Dallas », South Texas State University, 1993)<br />

[10] : (Allen Dulles, « Les Secrets d'une reddition »,<br />

Calmann-Lévy, 1967)<br />

[11] : (James Bamford, « Body of Secrets. Anatomy of the<br />

ultra-secret National Security Agency from the Cold War<br />

through the dawn of a new century », Doubleday, New<br />

York, 2001, pp. 82-83)<br />

[12] : (Document déclassifié, en format pdf, 777 ko ;<br />

reprod. in James Bamford, op. cit., pp. 64-92 ;<br />

www.humanunderground.com/archive/pdf/mongoose.pdf<br />

Le Maine nage<br />

« La conquête de l'Ouest étant plus<br />

ou moins terminée, les États-Unis<br />

veulent devenir une puissance coloniale<br />

et convoitent l'empire espagnol<br />

à leur porte. À Cuba, depuis 10 ans,<br />

ils soutiennent une guérilla contre le<br />

pouvoir royal espagnol. [...] Le 15<br />

février 1898, le cuirassé USS Maine<br />

saute dans le port de La Havane,<br />

tuant [266] marins. Le premier rapport<br />

indique qu'il s'agit probablement<br />

d'un accident. Mais Washington<br />

exploite l'émotion populaire et<br />

accuse l'Espagne d'avoir torpillé le<br />

vaisseau “dans un lâche et ignoble<br />

acte de terrorisme”. La presse et les<br />

politiques entretiennent l'hystérie<br />

nationaliste qui aboutit à la guerre<br />

américano-espagnole. Vainqueurs,<br />

les États-Unis mettent la main sur<br />

Cuba, une partie des Caraïbes, les<br />

Philippines, Guam et des bases militaires<br />

dans le Pacifique. En Espagne,<br />

les historiens affirment que les États-<br />

Unis ont eux-mêmes coulé leur navire<br />

pour entrer en guerre en évoquant<br />

la légitime défense. » [1]<br />

[1] : (« Repère : 15 février 1898. Les États-Unis ripostent<br />

à un attentat terroriste », Voltaire, 16/2/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12496.html)<br />

ou http://www.entrefilets.com/Northwood.pdf ou<br />

http://emperors-clothes.com/images/north-int.htm)<br />

[13] : (Pierre Vaudan, « 11 septembre, une tragédie suspecte<br />

» entrefilets.com, http://www.entrefilets.com/Quest<br />

ions_911.htm)<br />

[14] : (Jacques Bouchard, « Opération Northwoods », Le<br />

Couac, 3/2002)<br />

[15] : (Nicky Hager, « La NSA, de l’anticommunisme à l’antiterrorisme.<br />

Au cœur du renseignement américain », Le<br />

Monde diplomatique, 11/2001, p. 13, http://www.mond<br />

e-diplomatique.fr/2001/11/HAGER/15859)<br />

[16] : (James Bamford, op. cit., p. 82)<br />

[17] : (Piero Gleijeses, cité in « Cuba en ligne de mire -<br />

Noam Chomsky. Extraits de son livre "Hegemony or<br />

En 1917 aussi,<br />

la guerre US<br />

était légitime…<br />

« Alors que la Première Guerre mondiale<br />

s'embourbe [...], la presse publie le texte<br />

d'un télégramme, intercepté par<br />

Washington, envoyé au président mexicain<br />

par le ministre des Affaires étrangères<br />

de l'empire allemand, Arthur<br />

Zimmermann. Il incite le Mexique à attaquer<br />

les États-Unis sur leur frontière sud.<br />

En cas de victoire de l'Allemagne, il l'autorise<br />

à s'emparer du Texas, de l'Arizona<br />

et du Nouveau Mexique. Il lui demande<br />

également d'intervenir auprès du Japon<br />

afin qu'il rejoigne l'alliance et attaque la<br />

côte Pacifique des États-Unis. Bien que le<br />

document ait été falsifié et [...] n'ait pas<br />

exactement ce sens, Zimmermann reconnaît<br />

l'authenticité de sa démarche. Outre<br />

des pogroms anti-mexicains (plus de<br />

1000 morts), cette publication permet au<br />

président Wilson de prétendre à la légitime<br />

défense. Le 6 avril 1917, la guerre est<br />

déclarée à l'Allemagne et les premiers<br />

contingents états-uniens débarquent en<br />

France. » [1]<br />

[1] : (« 1 er mars 1917 Le "vrai faux" télégramme qui précipite<br />

l'entrée en guerre des Etats-Unis », Réseau<br />

Voltaire, 1/3/2004, http://www.voltairenet.org/article12<br />

532.html)<br />

541 A l’Ouest rien...


Survival, America's Quest for Global Dominance" »,<br />

11/2003, trad. Cuba Solidarity Project, http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=1595,<br />

d’après http://w<br />

ww.nationinstitute.org/tomdispatch/index.mhtml?pid=1027)<br />

[18] : (William Reymond, « JFK, Autopsie d'un crime d'État<br />

», Flammarion, 1998)<br />

[19] : (Nicky Hager, op. cit., cité par Pierre Vaudan, op.<br />

cit.)<br />

[20] : (Jon Elliston, « Psy War on Cuba, The Declassified<br />

History of US Anti-Castro Propaganda », Ocean Press éd.,<br />

1999)<br />

[21] : (James Bamford, op. cit.)<br />

« Au Vietnam, la CIA organise, à partir<br />

de la seconde moitié des années 60,<br />

l’opération Phœnix » [1], « un programme<br />

de contre-insurrection » [2].<br />

« L’objectif est de liquider la résistance et<br />

de terroriser les populations, afin qu’elles<br />

ne tentent plus aucune action. Des<br />

agents de la CIA recrutent, organisent et<br />

paient des équipes terroristes de<br />

"contras", chargés de commettre des<br />

actes d’intimidation, des enlèvements et<br />

des assassinats contre le Vietcong, la<br />

résistance communiste » [1], « sur la base<br />

d'informations fournies par des officiers<br />

de l'armée du Sud Vietnam » [2].<br />

« Entre 1968 et 1972, 26.369 personnes<br />

sont tuées et 33.350 autres sont emprisonnées<br />

dans des centres d’interrogatoire<br />

construits par les Américains, où la<br />

plupart sont torturées. Ces chiffres sont<br />

fournis par William Colby, le directeur de<br />

la CIA qui dirigeait l’opération [3]. Le<br />

gouvernement sud-vietnamien affirme<br />

A l’Ouest rien... 542<br />

pour sa part qu’il y a eu 40.000<br />

morts. [4]. » [1] « Un emballement effroyable<br />

publiquement reconnu par le<br />

directeur du programme de l'époque,<br />

William E. Colby, devant le Congrès.<br />

William E. Colby devint par la suite directeur<br />

de la CIA. » [2] On sait reconnaître<br />

les méritants.<br />

Et si, trente ans plus tard, « le chaos en<br />

Irak a surpris les dirigeants civils des<br />

États-Unis, il était attendu par une faction<br />

militaire. Les anciens commandants<br />

des opérations Phœnix et Condor se préparaient<br />

depuis trois ans à expérimenter<br />

en Irak de nouvelles méthodes de<br />

contre-insurrection. » [5] « Les néoconservateurs<br />

["neo-cons"] de Washington,<br />

en planifiant l'offensive contre l'Irak,<br />

prévoyaient [... déjà l'utilisation de la torture].<br />

La filiation avec le programme<br />

Phœnix, au Vietnam, est même pleinement<br />

assumée par Max Boot, journaliste<br />

"néo-cons" et membre du Council on<br />

Foreign Relations [6] [... qui] appelle<br />

l'état-major états-unien à "développer<br />

une politique similaire à ce que fut<br />

l'opération Phœnix au Vietnam, politique<br />

qui connut certes quelques excès<br />

mais beaucoup de succès." [7] » [2]<br />

« En réalité, le plan de "remodelage du<br />

Proche-Orient", tel qu'il a été énoncé dès<br />

1941 par Bernard Lewis, conseiller du<br />

Pentagone et universitaire, prévoit<br />

- entre autres - de démanteler l'Irak en<br />

passant par une phase de chaos. Et il<br />

existe une faction militaire au Pentagone<br />

qui planifie depuis [2000] l'application<br />

des méthodes de contre-insurrection en<br />

Irak. Ce groupe comprend des officiers<br />

qui ont participé, avec une branche<br />

autonome de la CIA, à la guerre<br />

d'Algérie, puis aux opérations Phœnix<br />

au Vietnam et Condor en Amérique latine.<br />

Ils ont acquis un savoir-faire dans les<br />

assassinats ciblés, le terrorisme, le dépla-


cement forcé et le contrôle des populations.<br />

Ils ont intégré dans leurs rangs des<br />

officiers recrutés dans les armées britanniques,<br />

jordaniennes et israéliennes. Et<br />

même des officiers français comme le<br />

général Paul Ausaresses [Voir « Aussaresses<br />

aux arrêts ? », p. 138]. [...] Les<br />

opérations de contre-insurrection ont<br />

[donc] commencé. En premier lieu, une<br />

partie des assassinats ciblés [de fin 2003]<br />

n'est pas le fait de la résistance, mais de<br />

la Coalition. Ainsi, comme l'a révélé<br />

l'hebdomadaire égyptien Al-Osbao, le<br />

Central Command a découvert que l'exécution,<br />

le 7 août [2003], de l'ayatollah<br />

Baker al-Hakim, chef de l'Assemblée<br />

suprême pour une révolution islamique,<br />

à la sortie de la mosquée d'Ali, à Nadjaf,<br />

à l'issue de la prière du vendredi, a été<br />

perpétrée par un commando israélien<br />

appuyé par des agents de la Coalition.<br />

Placé devant le fait accompli, le Central<br />

Command a été contraint d'exfiltrer les<br />

assassins qu'il voulait arrêter. [...] Pour<br />

une partie de l'état-major US, l'Irak doit<br />

devenir le laboratoire des méthodes de<br />

contre-insurrection modernes avant de<br />

passer aux étapes suivantes du remodelage<br />

du Proche-Orient. [...] George W.<br />

Bush a [donc] annoncé [...] que l'Irak<br />

était le front actuel de la Guerre au terrorisme.<br />

» [5]<br />

[1] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 112)<br />

[2] : (Paul Labarique, « L'armée s'en prend à la population<br />

civile irakienne. Opération "Marteau de fer" », p. 7 n. 8,<br />

Voltaire, 12/12/2003, http://www.voltairenet.org/article<br />

11560.html)<br />

[3] : (Jenny Pearce, « De achtertuin, VS-interventies in<br />

Midden-amerika en het Caribische gebied », Kritak,<br />

Leuven, 1985, p. 102)<br />

[4] : (Michael Parenti, « Zwarthemden & Roden, Rationeel<br />

fascisme en de omverwerping van het communisme »,<br />

EPO, Berchem, 2001, p. 44)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « L'Irak, laboratoire des nouvelles<br />

méthodes de contre-insurrection », Chronique de<br />

l'Empire, 13/11/2003, http://www.voltairenet.org/article<br />

11046.html)<br />

[6] : (http://www.cfr.org)<br />

[7] : (« Les leçons d'un bourbier », Tribunes Libres<br />

Internationales, 17/11/2003, Réseau Voltaire, d’après<br />

Max Boot, « The Lessons of a Quagmire », New York<br />

Times, 16/11/2003)<br />

Ceux<br />

qui boivent<br />

du<br />

« Coca »<br />

ne savent<br />

pas réellement<br />

à quelle<br />

propagande<br />

ils obéissent (« j’aime bien, c’est tout »)<br />

[Voir Liquidation Totale n° 2]. Un dirigeant<br />

de télévision l’explique : « "Le<br />

métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola<br />

[...] à vendre son produit [...], il faut que<br />

le cerveau du téléspectateur soit disponible.<br />

Nos émissions ont pour vocation<br />

de le rendre disponible [...]. Ce que nous<br />

vendons à Coca-Cola, c'est du temps de<br />

cerveau humain disponible". » [1] Ceux<br />

qui boivent ne savent pas non plus qui<br />

ils cautionnent par leur servitude inconsciente.<br />

[2]<br />

« Pepsi et Coca symbolisent à merveille<br />

l’amoralité de milieux d’affaires […]. Elles<br />

vendent la même boisson à base de<br />

caféine et de colorants qui ont pu être<br />

présentés comme toxiques. En 1956, les<br />

résultats du travail d’une commission<br />

d’enquête du Sénat américain furent<br />

immédiatement classés sans suite : ils<br />

concluaient à la nocivité du produit. » [3]<br />

Mais le législatif n’a qu’à se soumettre à<br />

la liberté d’entreprendre de l’entreprise.<br />

D’ailleurs, « la loi internationale est faite,<br />

543 A l’Ouest rien...


sur mesure, pour le consortium américain.<br />

Coca-Cola importe des dizaines de<br />

tonnes de feuilles de coca annuellement,<br />

en toute légalité. Que font-ils de la<br />

cocaïne qu'ils se donnent la peine d'extraire<br />

? Mystère !... » [4]<br />

Le soda (dont la valeur calorique n’est<br />

pas prise en compte par la régulation<br />

cérébrale de la faim, induisant l’obésité)<br />

mène une guerre sans merci à l’eau, et<br />

ce de diverses manières. « Coca-Cola<br />

avait été un sponsor remarqué du sommet<br />

mondial pour le développement<br />

durable qui s'était tenu du 26 août au 4<br />

septembre [2002] en Afrique du Sud. […<br />

Pourtant, par exemple,] son centre d'embouteillage<br />

situé dans l'Etat du Kerala,<br />

au sud de l'Inde […] pour nettoyer les<br />

bouteilles et produire la célèbre boisson<br />

[…] consomme, depuis l'ouverture de<br />

l'usine [en 2000] entre un million et un<br />

million et demi de litres d'eau par jour !<br />

Une quantité colossale qu'elle puise sans<br />

retenue dans la nappe phréatique d'une<br />

région autrefois verdoyante et aujourd'hui<br />

en voie de désertification, faute<br />

d'eau suffisante pour l'irrigation des<br />

champs. […] Autrefois potable, l'eau<br />

tirée des puits creusés près de l'usine<br />

Coca-Cola est déclarée insalubre par le<br />

département de la Santé de l'Etat du<br />

Kerala. » [5]<br />

Car les affaires priment toujours. Et déjà,<br />

soixante ans auparavant, « l'activité de la<br />

filiale allemande […] n'a pas cessé au<br />

moment de l'entrée en guerre des Etats-<br />

Unis -- comme Coca-Cola l'a toujours<br />

affirmé -- et s'est même développée avec<br />

l'aide du Reich jusqu'à la fin des hostilités.<br />

La marque Fanta est ainsi née du<br />

blocus américain imposé au sirop de<br />

Coke à partir de 1941 […] Fanta -- 3 millions<br />

de caisses distribuées en 2 ans […]<br />

sera exempté de rationnement sur le<br />

sucre. Et permettra à la filiale de Coca-<br />

A l’Ouest rien... 544<br />

Cola de poursuivre son activité. Comme<br />

l'a fait aussi la firme Ford, Coca-<br />

Allemagne va participer à l'effort de<br />

guerre nazi […], en employant […] des<br />

prisonniers de guerre en travail obligatoire.<br />

[…] Max Keith, le patron de la filiale<br />

allemande depuis 1936 […] a réussi à<br />

faire survivre l'activité de Coke grâce à<br />

une collaboration fructueuse avec les<br />

nazis. A Atlanta, [capitale de la marque,]<br />

[Voir « Atlantisme », p. 583] Keith est<br />

considéré comme un héros. Après une<br />

légère mise à l'écart, il reprendra les<br />

rênes de la filiale allemande à partir de<br />

1949. » [6] A cette époque, de ce côté<br />

du Rhin, Grossouvre [Voir « Gros<br />

Œuvre », p. 191] était devenu concessionnaire<br />

de cette sympathique firme.<br />

Être « le concessionnaire de Coca-Cola<br />

[... est] une couverture souvent utilisée<br />

par les agents du stay-behind [par<br />

exemple Vincente Fox au Mexique ou<br />

plus récemment Gustavo Cisneros au<br />

Vénézuéla]. » [7] Light !<br />

[1] : (Patrick Le Lay, cité in « Le Lay : le métier de TF1 "c'est<br />

d'aider Coca-Cola à vendre son produit" », AFP, d’après<br />

« Les dirigeants face au changement », Editions du<br />

Huitième jour, cité in http://www.observatoiremedias.info/article228.html)<br />

[2] : (Voir sur le site de Transnationale.org, http://fr.transnationale.org/entreprises/coca_cola.php)<br />

[3] : (Eric Laurent, « La Corde pour les pendre, Relations<br />

entre milieux d’affaires occidentaux et régimes communistes<br />

de 1917 à nos jours », Fayard, 4/1985, p. 177)<br />

[4] : (Michel Sitbon, « La drôle de guerre de la coca »,<br />

Maintenant, n° 7, 19/4/1995 (et non « 18/10/1995 »),<br />

p. 3, http://www.voltairenet.org/article6807.html)<br />

[5] : (« Le développement durable selon Coca-Cola », Les<br />

Enquêtes interdites - amnistia.net, n°39, 5/8/2003)<br />

[6] : (« For Coke's Sake -- Pour l'amour de Coke »,<br />

http://www.freenix.fr/netizen/special/coke/cocaww2.ht<br />

ml, d’après Mark Pendergrast « For God, Country and<br />

Coca-Cola », Scribner's Sons / Macmillan, New York, 1993)<br />

[7] : (« Stay-behind Opération manquée au Venezuela »,<br />

Notes d’Information du Réseau Voltaire, 18/5/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8686.html)


Exemple<br />

typique<br />

d’”inversionspectaculaire”,<br />

Kissinger<br />

est un Prix<br />

Nobel de<br />

la Paix.<br />

Pourtant, l’« affirmation que Henry<br />

Kissinger est un criminel de guerre n’est<br />

ni un exercice de rhétorique ni une<br />

métaphore, c’est juste une définition de<br />

poste » [2] .« L'homme joue sans cesse le<br />

double jeu, ne sait agir que clandestinement,<br />

ne songe qu'à espionner, se<br />

croyant lui-même, dans sa paranoïa,<br />

sans cesse espionné. Le Watergate, ce<br />

n'est pas lui, mais il est à l'origine de ces<br />

pratiques : il met en place un réseau de<br />

"plombiers" pour chercher l'origine de<br />

fuites [...] qui permettent d'apprendre<br />

que le Cambodge est bombardé par les<br />

B-52. Or ces raids, outre qu'ils échouent<br />

piteusement, sont illégaux, le Congrès<br />

n'est pas informé. Quant au droit international<br />

[...].<br />

Il fait reposer sa stratégie sur trois principes<br />

: le "réalisme" dans lequel la force<br />

militaire joue un rôle-clé ; la "crédibilité"<br />

(perdre en puissance ici signifie en<br />

perdre là demain) ; l' "absence d'intérêt<br />

pour le soutien aux forces démocratiques<br />

et aux mouvements pour les<br />

droits de l'homme dans les pays à régime<br />

autoritaire". » [3] La « diplomatie de<br />

Kissinger [...], depuis son arrivée aux<br />

affaires en 1968, fait reposer toute sa<br />

stratégie sur une rhétorique de paix et<br />

nullement de liberté. » [4]<br />

« M. Henry Kissinger et le président Ford,<br />

lorsqu'ils séjournent en Indonésie, sont<br />

tout à fait au courant des projets de<br />

Djakarta : le lendemain de leur escale, et<br />

usant d'armes américaines, les troupes<br />

du général Suharto envahissent Timor-<br />

Oriental (il y aura "plus de cent mille<br />

morts civils", écrit Walter Isaacson).<br />

Qu'importe […] M. Henry Kissinger<br />

gagne des fortunes en conseillant de<br />

grandes firmes investissant en<br />

Indonésie." [3] Bien « que Prix Nobel de<br />

la paix (1973), Henry Kissinger est responsable<br />

de nombreuses violations des<br />

droits de l'homme, de crimes de guerre,<br />

et de crimes contre l'humanité. Il décida<br />

d'intenses bombardements de populations<br />

civiles au Laos et au Cambodge ; il<br />

supervisa des coups d'État en Amérique<br />

latine, notamment le renversement du<br />

président Allende au Chili [Voir « On<br />

scanda : “Le fascisme ne passera pas” ?<br />

Mais l’opération Condor passa ! »,<br />

p. 550] ; il soutint des tentatives d'assassinat<br />

politiques, comme celle de<br />

M gr Makarios à Chypre ; il encouragea<br />

au génocide au Timor-Oriental, etc. [5]<br />

Le docteur Kissinger refuse de se rendre<br />

en Espagne et en France ou les juges<br />

Baltazar Garzon et Roger Le Loire sou-<br />

545 A l’Ouest rien...


haitent l'interroger sur ses responsabilités<br />

dans le “Plan Condor”. Et la Maison-<br />

Blanche a [...] confirmé que les États-<br />

Unis refusaient de ratifier la Convention<br />

de Rome instituant la Cour pénale internationale<br />

notamment pour empêcher<br />

que le docteur Kissinger ne soit traduit<br />

devant elle. » [6]<br />

« Le vieil Henry Kissinger [5], ancien<br />

secrétaire d’Etat et superviseur de toutes<br />

les actions clandestines des<br />

services secrets américains<br />

de 1969 à 1976, est la<br />

figure tutélaire, l’inspirateur<br />

des “faucons”. » [7] pose<br />

Thierry Meyssan qui ajoute<br />

ailleurs qu’on « ne peut évacuer<br />

d'un revers de main<br />

l'hypothèse qu'Henry Kissinger<br />

soit personnellement impliqué<br />

dans l'organisation des<br />

attentats du 11 septembre 2001<br />

aux côtés des faucons du<br />

Pentagone. [...] C'est précisément<br />

parce que j'avais envisagé cette<br />

hypothèse que [Serge Halimi<br />

dans] Le Monde diplomatique a<br />

cru pouvoir récuser mon enquête<br />

au motif que » [6] c’« est mal<br />

connaître l’histoire américaine. Loin<br />

d’être le Pygmalion<br />

de la droite républicaine,<br />

M. Kissinger en<br />

est haï depuis qu’il a<br />

activé la dynamique de “détente”<br />

avec le bloc communiste. A quoi<br />

bon continuer [alors de lire<br />

Meyssan] ? » [8]<br />

Il faut, pour sentir cette opposition, avoir<br />

« rattaché la chute de Nixon aux agissements<br />

de la faction agressive de la C.I.A.<br />

pour freiner la ruée, à corps perdu, de la<br />

détente, que personnifiait la clique<br />

Kissinger-Rockfeller, dont Nixon n’était<br />

que la façade. » [9] Mais la réaction des<br />

plus agressifs contre la « détente » ne les<br />

A l’Ouest rien... 546<br />

empêche pas pourtant d’y prospérer.<br />

« Le monde communiste et l’Occident<br />

cherchaient en fait à optimiser leurs positions<br />

économiques à la faveur d’une<br />

détente “pleinement et totalement<br />

armée”. Paradoxalement, celle-ci allait<br />

plutôt renforcer le commerce des armes<br />

et accroître d’autant les risques de guerre<br />

locale. » [10] C’est pourquoi on peut<br />

répondre que si « l'opposition historique<br />

entre Kissinger et les faucons sur la<br />

détente est établie, il est contestable<br />

d'en conclure une haine définitive. » [6]<br />

« On opposait en effet jusqu'ici la realpolitik<br />

prônée par Henry Kissinger à<br />

l'idéalisme des néo-conservateurs.<br />

Condoleezza Rice est l'incarnation de<br />

la symbiose de ces deux courants<br />

contradictoires [Voir « Tante Condie,<br />

elle ne colle jamais ? »,<br />

p. 587], tout comme George W.<br />

Bush, dont elle a assuré la formationaccélérée<br />

en<br />

matière internationale<br />

avant sa prise<br />

de fonction. » [11]<br />

« Annonçant la<br />

désignation du<br />

docteur Kissinger<br />

à la présidence de<br />

la commission nationale<br />

d'enquête, la presse états-unienne<br />

révèle aujourd'hui les liens<br />

anciens et permanents que le vieil<br />

homme entretient en secret depuis toujours<br />

avec ses affidés Donald Rumsfeld<br />

et Dick Cheney. [... Le] 11 septembre<br />

2001, Henry Kissinger fut la première<br />

personnalité à préconiser l'instrumentalisation<br />

des attentats, sur une longue<br />

durée, pour étendre la domination des<br />

États-Unis. Il conseilla d'attaquer<br />

l'Afghanistan, que les Taliban soient ou<br />

non impliqués dans les attentats, puis


après leur chute, il conseilla d'attaquer<br />

l'Irak, sous quelque prétexte que ce soit.<br />

Alors que les ruines du World Trade<br />

Center étaient encore fumantes, et<br />

quelques minutes à peine après que<br />

George W. Bush eut prononcé son allocution<br />

radiotélévisée depuis la Maison-<br />

Blanche, le Washington Post publiait sur<br />

son site internet une tribune libre de<br />

[... Kissinger qui] y écrivait : “Le gouvernement<br />

devrait se voir confier la mission<br />

d'apporter une réponse systématique<br />

qui aboutira, on l'espère, au même résultat<br />

que celle qui suivit l'attaque de Pearl<br />

Harbor [...] tout gouvernement qui abrite<br />

des groupes capables de commettre<br />

ce genre d'attaques, même si ces<br />

groupes n'ont pas participé aux attaques<br />

d'aujourd'hui, devra payer un prix exorbitant<br />

pour cela. [...]” C'est le même<br />

Henry Kissinger qui analysa la chute des<br />

Taliban et préconisa alors de passer à<br />

l'attaque de l'Irak [12]. » [6]<br />

Finalement, « George W. Bush a ratifié la<br />

création d'une commission d'enquête<br />

nationale sur les attentats du 11 septembre.<br />

Cette décision vise à rassurer les<br />

familles des victimes, de plus en plus<br />

sceptiques sur la version officielle.<br />

Contre leur avis, George W. Bush a désigné<br />

Henry Kissinger pour présider ces<br />

investigations. La responsabilité personnelle<br />

de l'ancien secrétaire d'État dans la<br />

planification des attentats avait pourtant<br />

été évoquée [par le Réseau Voltaire] dès<br />

le 19 septembre 2001, puis par de nombreux<br />

médias dans le monde. [... Sa]<br />

nomination discrédite définitivement<br />

cette commission : Contrairement aux<br />

usages en vigueur dans les États anglosaxons,<br />

Henry Kissinger cumulera ses<br />

fonctions de président de la Commission<br />

nationale d'enquête avec celles de Pdg<br />

du cabinet Kissinger Associates, qui<br />

547 A l’Ouest rien...


conseille une trentaine de multinationales,<br />

tout en étant administrateur de<br />

plusieurs d'entre elles. Ces cumuls peuvent<br />

être source de nombreux conflits<br />

d'intérêts, particulièrement lorsque<br />

sont évoquées des sociétés d'armement<br />

ou d'exploitation de matières<br />

premières. » [6]<br />

« Robert Scheer interprète cette nomination<br />

comme un aveu. Si Bush a choisi<br />

Kissinger, l'expert ès dissimulations, c'est<br />

parce qu'il a quelque chose à cacher,<br />

affirme-t-il dans le Los Angeles<br />

Times. » [13] La commission peut travailler.<br />

Sa « conclusion principale a déjà<br />

été révélée par George W. Bush alors<br />

que ses membres ne sont pas tous encore<br />

nommés : les coupables sont les<br />

hommes d'Al Qaïda que les États-Unis<br />

sont en train d'abattre un à un, a-t-il<br />

déclaré avant de signer le décret de<br />

constitution de la Commission. » [6] Tout<br />

cela n’était décidément guère crédible :<br />

« Après le retrait [...] du vice président,<br />

George Mitchell, c'est au tour<br />

d'Henry Kissinger de démissionner de<br />

la commission d'enquête malgré le<br />

soutien de George W. Bush. Dans sa<br />

lettre de démission, Kissinger reconnaît<br />

de possibles conflits d'intérêt<br />

entre sa charge de président et ses<br />

responsabilités à la tête de la société<br />

Kissinger Associates. » [14]<br />

Cette pseudo-indépendance de la<br />

Commission d’enquête et cette pseudodivergence<br />

entre faucons affichés ou<br />

non auront tout de même permis d’amuser<br />

un peu la galerie. Merci, « Dear<br />

Henry » !<br />

[1] (Antoine Perraud, « Kissinger, manipulateur planétaire.<br />

Le faucon masqué », Télérama, 2/4/2003, p. 88, à propos<br />

de « Le Cas Kissinger », documentaire d’Alex Gibney et<br />

Eugène Jarecki, 2002, diffusé sur Arte le 9/4/2003)<br />

[2] : (Christophe Hitchens, cité par Antoine Perraud,<br />

Télérama, 2/4/2003, à propos de « Le Cas Kissinger »)<br />

A l’Ouest rien... 548<br />

[3] : (Jacques Decornoy, « "Kissinger", de Walter Isaacson,<br />

Un héros de notre temps », in Le Monde diplomatique,<br />

12/1992, d'après Walter Isaacson, « Kissinger, a<br />

Biography », Faber and Faber, Londres, Boston, 1992,<br />

893 <strong>page</strong>s)<br />

[4] : (Charles Levinson, « Vodka Cola », Stock, 1977,<br />

p. 289)<br />

[5] : (Lire Christopher Hitchens, « The Trial of Henry<br />

Kissinger », Verso ed, 2001. Version française sous le titre<br />

Les crimes de Monsieur Kissinger, préface de Laurent<br />

Joffrin, éditions Saint-Simon, 2001)<br />

[6] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre : Le retour d'Henry<br />

Kissinger », Réseau Voltaire, 28/11/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8780.html)<br />

[7] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001 L'effroyable<br />

imposture », Ed. Carnot, 3/2002, p. 69)<br />

[8] : (Serge Halimi, « Complotite », Le Monde diplomatique,<br />

5/2002, p. 2, http://www.monde-diplomatique.fr/<br />

2002/05/HALIMI/16522)<br />

[9] : (Charles Levinson, op. cit., p. 31)<br />

[10] : (Eric Laurent, « La Corde pour les pendre, Relations<br />

entre milieux d’affaires occidentaux et régimes communistes<br />

de 1917 à nos jours », Fayard, 4/1985, p. 186)<br />

[11] : (« Raison d'État. Les contradictions de Condoleezza<br />

Rice », Voltaire, 14/4/2004, p. 3)<br />

[12] : (Washington Post, 13/2/2002)<br />

[13] : (Réseau Voltaire, Tribunes libres internationales,<br />

n° 44, « Kissinger, le dissimulateur, est-il chargé d'étouffer<br />

la vérité sur le 11 septembre ? », 3/12/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8789.html, d’après<br />

Robert Scheer, « Want a Cover-Up Expert ? Kissinger's Your<br />

Man », Los Angeles Times, 3/12/2002)<br />

[14] : (Réseau Voltaire, « Commission d'enquête étatsunienne<br />

sur le 11 septembre : Kissinger démissionne »,<br />

14/12/2002)<br />

En 1950,<br />

quand les<br />

Britanniques<br />

se mettent<br />

à rechercher<br />

Klaus<br />

Barbie, on<br />

« a fourni à<br />

Barbie des sauf-conduits établis par le<br />

Conseil de contrôle allié, avant de<br />

l’évacuer par la Ratline du Vatican<br />

[…"Ligne des Rats" de M gr Montini –<br />

futur Paul VI - exfiltrant nazis et fascistes<br />

en fuite] De fait, c’était le Bureau de<br />

coordination politique du Département<br />

d’Etat (OPC) qui organisait, par l’intermédiaire<br />

de son représentant à Rome,


l’évasion de la plupart des passagers<br />

empruntant les Ratlines américaines.<br />

» [1] [Voir « Aux paies, c’est<br />

l’O.P.C. », p. 45]<br />

Mais une fois amené sur le continent<br />

américain, il fallait oublier le passé de<br />

Barbie. Un ancien officier du contreespionnage<br />

américain rapporte avoir<br />

« reçu [au CIC, Counter Intelligence<br />

Corps, spécialisé dans la chasse aux<br />

nazis] une directive du Haut quartier<br />

Général signalant qu'à partir de juin<br />

1948 nous devions cesser<br />

de nous préoccuper des<br />

anciens nazis pour porter<br />

toute notre attention sur<br />

les éventuels communistes.<br />

[…] "Puisque Klaus<br />

Barbie était capable, efficient,<br />

loyal, digne de<br />

confiance […,] l'employer<br />

allait dans le sens des<br />

meilleurs intérêts des<br />

Etats Unis à cette<br />

époque..." [2] [… Je soupçonne]<br />

que tous ces rapports<br />

sur ses crimes de<br />

guerre ont été volontairement détruits<br />

[…] C'était le CIC qui lui avait permis de<br />

fuir en Bolivie, pour échapper aux<br />

Français et refaire sa vie de façon fort<br />

agréable ». [3]<br />

Il était efficient et loyal, en effet ! « En<br />

Bolivie, Klaus Barbie dirigeait un véritable<br />

gang qui s'appelait les Fiancés de<br />

la mort. Il avait regroupé autour de lui<br />

plusieurs anciens rescapés de la SS ainsi<br />

que des néofascistes italiens tels le<br />

fameux Steffano Delle Chiaie, responsable<br />

de l'attentat de la gare de Bologne<br />

(85 morts, 200 blessés) [Voir<br />

« Campagne d’Italie », p. 64], ou encore<br />

Maurice Leclerc, l'ancien tueur de<br />

l'OAS. [...]<br />

Le 17 juillet 1980 éclatait en Bolivie le<br />

189eme coup d'Etat. Le groupe les<br />

Fiancés de la mort y participa activement<br />

[...]. A cette époque, l'ancien SS fréquentait<br />

assidûment le quartier général<br />

de la police à La Paz, où il enseignait la<br />

meilleure façon de torturer les prisonniers<br />

politiques et les dirigeants syndicaux.<br />

[...] Avant lui, on ne connaissait<br />

pas en Bolivie la vieille technique SS<br />

qui consiste à achever quelqu'un d'une<br />

balle dans la nuque. » [4] Mais les<br />

« articles […] gomment systématiquement<br />

l’information principale, à savoir<br />

que ce coup d’Etat a été<br />

entièrement téléguidé par<br />

l’Agence [la CIA].<br />

Autrement dit, la narcodictature<br />

bolivienne s’est<br />

hissée au pouvoir grâce<br />

au contribuable américain.<br />

» [5]<br />

« Le 12 février 1980, le<br />

colonel Arcé Gomez [avait<br />

nommé] Barbie lieutenant<br />

colonel de l'armée bolivienne.<br />

Les deux hommes<br />

étaient très liés. Or Gomez<br />

était lui même le cousin<br />

de Roberto Suarez, le célèbre "roi de<br />

la cocaïne". Selon [la] DEA, l'agence<br />

gouvernementale américaine qui combat<br />

le trafic de drogue, Gomez recevait<br />

une grosse commission pour tout chargement<br />

de feuilles ou de pâte de coca<br />

exporté illégalement, mais il voulait avoir<br />

le monopole complet de la cocaïne sur<br />

le pays, pour se le partager avec le président.<br />

Pour cela, il avait besoin des<br />

hommes de Barbie dont la tâche consistait<br />

à mettre fin aux activités des<br />

quelques cent quarante petits trafiquants<br />

boliviens. » [4]<br />

Pourquoi un tel lien entre CIA, nazis et<br />

cette drogue ? Peut-être parce que « la<br />

cocaïne et les amphétamines provoquent<br />

des états psychotiques remarquablement<br />

semblables [...]. La psychose<br />

549 A l’Ouest rien...


aux amphétamines ressemble beaucoup<br />

à un sous-type précis de schizophrénie,<br />

la schizophrénie paranoïde. Avant<br />

même d’atteindre un état psychotique<br />

indubitable, les drogués à la cocaïne et<br />

aux amphétamines deviennent vaguement<br />

méfiants. Ce phénomène s’aggrave<br />

progressivement jusqu’à ce qu’ils<br />

aient le sentiment que tout ce qui se<br />

passe dans leur environnement les<br />

concerne tout particulièrement [...] ; le<br />

sujet se persuade qu’il est entouré d’ennemis<br />

qui complotent contre lui. La<br />

seule défense possible étant la contreattaque,<br />

les utilisateurs de stimulants se<br />

procurent souvent des armes à feu : le<br />

délire des drogués atteints de psychose<br />

à la cocaïne ou aux amphétamines est<br />

responsable de nombreux accidents<br />

mortels. [... Les] psychoses aux amphétamines<br />

et à la cocaïne sont invariablement<br />

paranoïdes » [6].<br />

Les incendiaires de ces services sont<br />

peut-être bien des pyromanes qui ne<br />

contrôlent plus leur appétence pour la<br />

violence. Dans le cadre qu’expose ce<br />

numéro de Liquidation Totale, on verra<br />

ici, encore une fois, le fonctionnement<br />

du mécanisme de l’inversion ("spectaculaire")<br />

qui cache le pyromane derrière le<br />

pompier, et qui fait donc qu’« une ambulance<br />

[...] était un des véhicules d’action<br />

favoris des Fiancés de la mort. » [7]<br />

[1] : (Mark Aarons et John Loftus, « Des Nazis au Vatican »,<br />

1991, trad. Daniela von Scheidt, Olivier Orban, 2/1992,<br />

pp. 299-300)<br />

[2] : (Rapport Ryan, publié le 17/8/1983, sous les auspices<br />

du ministère de la Justice)<br />

[3] : (Erhard Dabringhaus, « L'agent américain Klaus<br />

Barbie, Les révélations de l’officier du contre-espionnage<br />

américain chargé de contrôler les activités du criminel<br />

nazi », 1984, Pygmalion, 1/1986)<br />

[4] : (Entretien avec Gustavo Sanchez (ancien ministre de<br />

l'intérieur de la Bolivie, auteur de « Comment j'ai piégé<br />

Klaus Barbie », éd. Messidor), L'Evénement du Jeudi,<br />

14/5/1987)<br />

[5] : (Michael Levine, « Qu’est-ce qui te dit qu’ils publieront<br />

ton histoire ? – L’arnaque de la guerre contre la drogue »,<br />

in Kristina Borjesson, « Black List. Quinze journalistes américains<br />

brisent la loi du silence », 2002, les Arènes, 4/2003,<br />

p. 391)<br />

A l’Ouest rien... 550<br />

[6] : (Solomon Snyder, « Les Drogues et le cerveau. Utilité<br />

et méfaits des médicaments du cerveau », Pour la Science<br />

éd., 1987, trad. Philippe Brenier, pp. 148-149)<br />

[7] : (Michel Sitbon, « La drôle de guerre de la coca »,<br />

Maintenant, n° 7, 19/4/1995 (et non « 18/10/1995 »),<br />

p. 2)<br />

On scanda : « Le fascisme<br />

ne passera pas » ? Mais<br />

l’opération Condor passa !<br />

Sur le modèle des "fiancés de la<br />

mort", « les activités du stay-behind<br />

furent renforcées en Amérique latine.<br />

Une coordination des services argentins,<br />

boliviens, chiliens, etc. est mise<br />

sur place pour terroriser et éliminer<br />

les leaders des oppositions. » [1]<br />

En fait, « on s’inspire [...] de cette expérience<br />

qui a si bien réussi en Europe :<br />

celle des réseaux GLADIO [...] ;<br />

Essaiment dans toute l’Amérique latine<br />

les “escadrons de la mort”. » [2] « C’est<br />

l’opération Condor, dont la direction<br />

opérationnelle est confiée à Klaus<br />

Barbie. Les responsables militaires latinoaméricains<br />

du stay-behind furent formés<br />

à l’US School of Americas de Fort<br />

Brenning (Géorgie) [3] […] par des professeurs<br />

venant de Fort Bragg » [1] [Voir<br />

« Aux paies, c’est l’O.P.C. », p. 45], par<br />

« des cours de torture qui y étaient prodigués.<br />

» [1]


« Cette coordination peut compter sur le<br />

soutien des stay-behind espagnols, français,<br />

portugais, etc. pour espionner et<br />

assassiner ceux qui s'enfuient en<br />

Europe. » [1] Ce « réseau en Europe [...]<br />

s'articule autour de terroristes d'extrême<br />

droite italiens. [... Le] général Pinochet<br />

rencontre le chef des commandos italiens,<br />

[...] Stefano Delle Chiaie [Voir<br />

« Campagne d’Italie », p. 64], qui accepte<br />

de rester à la disposition des Chiliens.<br />

[...] De nombreuses réunions<br />

Condor ont lieu en 1976<br />

[...] Une année terrible<br />

pour les<br />

opposants, réfugiés<br />

où ils le<br />

peuvent. Sous<br />

le prétexte de<br />

s'attaquer à<br />

des "terroristes", partisans<br />

de l'opposition<br />

armée, on s'en prend à n'importe qui.<br />

Assassinats, disparitions, les exécuteurs<br />

latino-américains n'ont plus de frontières.<br />

[...] Henry Kissinger [Voir<br />

« Kissinger le faucon masqué », p. 545]<br />

déclare au général Pinochet, lors d'une<br />

conversation cordiale tenue le 8 juin<br />

[1976] à Santiago : "Aux Etats-Unis,<br />

comme vous le savez, nous sommes de<br />

tout cœur avec vous [...]. Je vous souhaite<br />

de réussir." » [4]<br />

De même, par exemple, le « 6 octobre<br />

1976 […], à New York, Henry Kissinger<br />

rencontre l'amiral Guzzetti. [… qui]<br />

représente la junte militaire qui vient de<br />

prendre le pouvoir à Buenos Aires [en<br />

Argentine]. Le général Videla, qui a installé<br />

sa dictature en [mars,] a besoin<br />

d'être épaulé par son partenaire américain.<br />

Le secrétaire d'Etat américain Henri<br />

Kissinger vient, de son côté, de recevoir<br />

le prix Nobel [de la paix en 1973], et il<br />

ne se lasse pas de conseiller ses amis putschistes.<br />

Il leur recommande des instituts<br />

bancaires disponibles pour leur consentir<br />

des prêts […]. Kissinger rassure son<br />

interlocuteur : "[…] nous espérons dans<br />

votre réussite. […] Si vous arrivez à terminer<br />

avant que le nouveau Congrès<br />

[U.S.] soit nommé, ça sera mieux..." […]<br />

Entre l'automne 1976 et le printemps<br />

1977 la junte argentine [aura] assassiné<br />

plus de 30.000 personnes. En suivant, à<br />

la lettre, les conseils de l'ami<br />

Kissinger. » [5]<br />

Le tableau de chasse du Condor<br />

ne s’arrête pas aux seuls<br />

Chiliens et Argentins. « Joao<br />

Goulart, ancien président du<br />

Brésil chassé par un coup<br />

d'État en 1964, est "mort<br />

d'une crise cardiaque" à<br />

Buenos Aires, en décembre<br />

1976. Carlos<br />

Prats, ancien<br />

chef d'étatmajor<br />

du président chilien Allende, fut<br />

tué, avec son épouse, Sofia Cuthbert,<br />

dans une voiture piégée, à Buenos Aires,<br />

en septembre 1974. Juan José Torres,<br />

ancien président bolivien mourut assassiné<br />

à Buenos Aires, en juin 1976.<br />

Juscelino Kubitscheck, ancien président<br />

brésilien, disparaissait, victime d'un accident<br />

de la route dans son pays, en août<br />

1976. [... Etc.] Tous ces cas portent la<br />

marque du "condor". Les poursuites,<br />

engagées à Londres, puis à Santiago,<br />

contre Augusto Pinochet, ont relancé<br />

enquêteurs et juges sur la piste des tortionnaires<br />

des dictatures qui, dans les<br />

années soixante-dix-quatre-vingt, ont<br />

dominé le continent latino américain :<br />

Paraguay (1959-1989), Bolivie (1964-<br />

1982), Brésil (1964-1985), Uruguay<br />

(1972-1984), Chili (1973-1989), Argentine<br />

(1976-1983). » [6] Mais on sait que<br />

Pinochet fut longtemps sauvé des affres<br />

judiciaires par une irrémédiable démence<br />

…passagère. Il ne sera jamais jugé.<br />

551 A l’Ouest rien...


Après la "chute-du-mur-de-Berlin", on a<br />

dû tout de même changer les costumes<br />

pour continuer de jouer la même pièce.<br />

« Le 8 mars 2000, un rapport de la<br />

Commission sur la sécurité continentale<br />

de l'Organisation des Etats américains<br />

(OEA) a fait l'historique de dix ans de<br />

coopération entre les différents Etats latino-<br />

et centre-américains. L'ennemi s'appelle<br />

désormais "trafiquant de drogue"<br />

plutôt que "communiste", mais globalement<br />

le discours, même émaillé de références<br />

aux droits humains, reste identique.<br />

[...] La place des armées se voit<br />

réaffirmée dans l'organisation du contrôle<br />

social. » [4] On se sent toujours en<br />

sécurité.<br />

[1] : (Thierry Meyssan, « Stay-behind : les réseaux d'ingérence<br />

américains », Réseau Voltaire, 20/8/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article8691.html, cité par<br />

François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les Arènes,<br />

3/2002, p. 40)<br />

[2] : (Roger Faligot et Rémi Kauffer, « Les Maîtres-espions.<br />

Histoire du renseignement. Tome 2. De la guerre froide à<br />

nos jours. » (Préface d’Alexandre de Marenches), Robert<br />

Laffont, 4/1994, p. 237)<br />

[3] : (Voir « École des Amériques (School of the<br />

Americas) »,Réseau Voltaire, http://www.voltairenet.org/<br />

rubrique366.html)<br />

[4] : (Pierre Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de<br />

l'Amérique latine », Le Monde diplomatique, 5/2001, pp. 24-<br />

25, http://www.monde-diplomatique.fr/2001/05/ABRAMO-<br />

VICI/15179, citant un document déclassifié, cité in El País,<br />

28/2/1999)<br />

[5] : (« Document : Quand les USA conseillaient les bourreaux<br />

argentins », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

8/12/2003)<br />

[6] : (Christian Kazandjian, « Les charognards de l'opération<br />

Condor », L’Humanité, 4/8/2000, http://new.humanite.fr/journal/2000-08-4/2000-08-4-229453)<br />

A l’Ouest rien... 552<br />

Revenons à<br />

la « première<br />

guerre<br />

du Golfe »<br />

[Voir « Gulf’s<br />

War One »,<br />

p. 602] et à<br />

« la gigantesqueopération<br />

de relations publiques mise en<br />

place quelques mois auparavant pour<br />

convaincre l’opinion américaine, alors<br />

indifférente, de la nécessité de la guerre.<br />

Au centre de la manipulation, [...] une<br />

sombre rumeur, savamment amplifiée<br />

par l’une des plus grosse firmes [...] de<br />

communication outre-Atlantique. » [1]<br />

« En 1990, alors que le secrétaire d'État<br />

James Baker III peinait à convaincre l'opinion<br />

publique de la nécessité de livrer<br />

une guerre à l'Irak » [2], « l’éphémère<br />

[association] Citoyens pour un Koweït<br />

libre a [finalement] réussi à convaincre<br />

une Amérique réticente de déclencher la<br />

guerre du Golfe.<br />

Discrètement financé par l’émir du<br />

Koweït, et soutenu par George Bush<br />

père, ce groupe a par exemple fait croire<br />

au Congrès et à la presse mondiale<br />

[...] (une opération cynique d’intoxication<br />

brillamment menée grâce au savoirfaire<br />

d’un concurrent de Rendon Group,<br />

Hill and Knowlton [...]) » [3] « que des<br />

soldats irakiens avaient volé des cou-


veuses dans des maternités au Koweït,<br />

laissant mourir plus de trois cents nouveau-nés<br />

prématurés. La rumeur fut<br />

confirmée par un rapport d'Amnesty<br />

International. » [2]<br />

Un « rapport diffusé en août 90 par<br />

Amnesty International cite un médecin<br />

anonyme du Croissant-Rouge koweïtien<br />

qui déclare que trois cent douze bébés<br />

prématurés sont décédés au Complexe<br />

médical al-Sabah après qu’on les eut retirés<br />

de leurs couveuses. Lui-même en a<br />

enterré soixante-douze au cimetière al-<br />

Rigga. Amnesty cite également une<br />

jeune infirmière koweïtienne de quinze<br />

ans, affirmant avoir vu des soldats irakiens<br />

armés entrer dans une chambre où<br />

quinze bébés reposaient dans des couveuses<br />

: “Ils ont retiré les bébés des couveuses<br />

et les ont laissé mourir sur le sol.<br />

C’était horrible.” Ce témoignage [...] a<br />

été abondamment repris dans la presse<br />

occidentale. » [4]<br />

« Des auditions publiques furent organisées<br />

au Congrès des États-Unis, retrans-<br />

mises en direct par CNN, et relayées<br />

dans le monde entier. [La] jeune infirmière,<br />

conservant l'anonymat, témoigna<br />

en pleurant de ces crimes. » [2] « En un<br />

seul mois, six déclarations de Bush [père]<br />

se réfèreront aux bébés arrachés des<br />

couveuses. Le président américain ne<br />

craindra pas de parler de “génocide” et<br />

d’atrocités “pratiquement sans précédent<br />

dans l’histoire”. Il y fera allusion<br />

dans son discours du 17 janvier [1991]<br />

au début des bombardements. Aux USA,<br />

cette affaire sera abondamment utilisée<br />

pour clouer le bec des pacifistes. Sept<br />

Congressistes reconnaîtront avoir voté<br />

pour la guerre sur la base de ce témoignage.<br />

[...]<br />

Trois mois plus tard, Amnesty devra<br />

reconnaître que l’affaire des couveuses<br />

avait été inventée de toutes<br />

pièces… » [4] Et pour ce « témoignage<br />

qui fut décisif pour rallier l’opinion américaine<br />

à la mobilisation contre [l’Irak,<br />

quelques] mois plus tard, on apprit<br />

que le “témoin” en question était la<br />

fille de l’ambassadeur du Koweït à<br />

Washington... » [5]<br />

Ailleurs, la réalité s’approcha pourtant de<br />

la fiction qui avait servi à la justifier : « Le<br />

directeur d’un service d’obstétrique de<br />

Bagdad déclara à un journaliste du New<br />

York Times que, pendant la première<br />

nuit des bombardements sur Bagdad<br />

[en janvier 1991], l’électricité avait été<br />

coupée : “Les mères sortaient leurs<br />

enfants des incubateurs, leur enlevaient<br />

leurs intraveineuses. D’autres ont été<br />

sortis des tentes à oxygène et les<br />

femmes allaient dans la cave, où il faisait<br />

moins chaud. Cette nuit-là, au<br />

cours des douze premières heures de<br />

bombardement, j’ai perdu quarante<br />

prématurés.” » [6]<br />

« Après la guerre, [c’est] un journaliste<br />

d'Harper's Magazine [qui] montra que<br />

553 A l’Ouest rien...


cette accusation était mensongère et<br />

que la jeune infirmière était en réalité la<br />

fille [du] diplomate koweïtien. La supercherie<br />

avait été mise en scène par une<br />

des directrices d'Hill & Knowlton,<br />

Victoria Clarke. Dans cette affaire, l'administration<br />

Bush Senior n'a pas seulement<br />

cherché à intoxiquer le Parlement,<br />

mais aussi l'opinion publique internationale<br />

[...] en laissant jouer “l'effet CNN”.<br />

Dans l'instant, aucun journaliste n'a procédé<br />

aux recoupements qu'il n'aurait<br />

pas manqué de faire habituellement<br />

pour vérifier les faits rapportés [... par]<br />

un témoignage pourtant anonyme [...].<br />

Plus alarmant, aucune règle n'a été établie<br />

pour prévenir la reproduction d'une<br />

telle manipulation. » [2]<br />

Pourtant, rappellent des guerriers, « Hill<br />

and knowlton c'est [aussi la gestion du<br />

traitement médiatique du] Koreagate, A<br />

la fin des années 70, une société sudcoréenne<br />

"Tonsun Park" a reconnu avoir<br />

obtenu le soutien de 31 membres du<br />

Congrès Américain en distribuant pour<br />

850 000 [dollars US] de cadeaux ou de<br />

cash entre 1967 et 1977. Ce scandale<br />

fut nommé Koreangate. [… De même,<br />

en] 1988, la BCCI [Voir « La BCCI est<br />

morte ? Vive le Carlyle Group ! », p. 525],<br />

3 jours après avoir été accusée par un<br />

grand jury fédéral de conspirer avec le<br />

Cartel de Medellin pour blanchir 32 millions<br />

de dollars d'argent sale, a engagé<br />

Hill & Knowlton. ([… Un] directeur H&K<br />

a été membre du Comité Directeur […<br />

d’une filiale de] la BCCI.) » [7].<br />

Mais peu importe, et « personne n'a protesté<br />

quand Victoria Clarke est devenue<br />

[en 2003] porte-parole du département<br />

A l’Ouest rien... 554<br />

de la Défense. » [2] Rien que de très<br />

naturel. Le Pentagone a besoin lui aussi<br />

d’être bien défendu.<br />

[1] : (Irène Berelowitch, Télérama, 2/6/1993, chroniquant<br />

le reportage canadien de Neil Docherty, « Vendre la guerre<br />

», 1992, Arte, 9/6/1993)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « La désinformation-spectacle.<br />

L'effet CNN », Réseau Voltaire, 19/5/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article9631.html)<br />

[3] : (Vincent Jauvert, « Etats-Unis. Les pros de la propagande<br />

», Le nouvel Observateur, n° 1997, 13/2/2003,<br />

http://www.nouvelobs.com/articles/p1997/a120395.html)<br />

[4] : (Michel Collon, « Attention Médias. Les médiamensonges<br />

du Golfe. Manuel anti-manipulation », EPO, 3 ème<br />

ed., 1994, pp. 174)<br />

[5] : (Alain Gresh, « Une guerre si propre », Le Monde<br />

diplomatique, 2/2001, p.23, http://www.monde-diplomatique.fr/2001/02/GRESH/14780)<br />

[6] : (Howard Zinn, « Une histoire populaire des Etats-<br />

Unis. De 1492 à nos jours », trad. Frédéric Cotton, Agone,<br />

2003, p. 673)<br />

[7] : (« Le conseil underground », Infoguerre¸ 25/10/2001,<br />

http://www.infoguerre.com/article.php?sid=322)<br />

Tout<br />

Tartuffe s’en<br />

est fait une<br />

religion :<br />

« Le scandale<br />

du monde<br />

est ce<br />

qui fait l’offense.<br />

Et ce<br />

n’est pas pécher que pécher en silence.<br />

» [1] Il faut savoir nier.<br />

« Elle ne pèche pas celle qui peut nier<br />

avoir péché ; seul l’aveu d’une faute<br />

la perd de réputation. » [2] Donc,<br />

« n’avouez jamais. » [3] Malgré l’évidence,<br />

obstinez vous à nier.<br />

« “La stratégie est l’art du mensonge”<br />

énonce le premier chapitre de l’Art de la<br />

guerre de Sunzi. Mais le mensonge ulti-


me consiste ici à faire alterner les places<br />

du mensonge et de la vérité. [...] “Rien<br />

n’importe plus que de savoir tromper<br />

l’ennemi, de le tromper avec méthode,<br />

de le tromper par ses méthodes, de le<br />

tromper parce qu’il est sincère, de le<br />

tromper parce qu’il est avide, de le tromper<br />

en se servant de sa bêtise, de le<br />

tromper en se servant de sa subtilité. [...]<br />

On peut lancer une fausse attaque, puis<br />

frapper réellement, laisser l’ennemi<br />

prendre conscience de son erreur et,<br />

grâce à cela, le tromper encore.” [4] [...]<br />

Ainsi, avant d’être tout à fait éventé, le<br />

leurre peut-il servir une dernière fois, à<br />

condition de le reprendre à l’envers. » [5]<br />

« Tromper vraiment consiste d’abord à<br />

tromper puis, ensuite, à cesser de tromper.<br />

[...] Un coup faux, un coup faux, un<br />

coup vrai... “[...] Quand le faux devient<br />

vrai, le vrai lui-même n’est plus qu’un<br />

mirage. [...] Quand le néant devient réalité,<br />

la réalité à son tour bascule dans le<br />

néant.[“ [6]] » [5]<br />

L'illusion, « cette maîtresse d'erreur et de<br />

fausseté est d'autant plus fourbe qu'elle<br />

ne l'est pas toujours, car elle serait règle<br />

infaillible de vérité, si elle l'était infaillible<br />

du mensonge. Mais, étant le plus souvent<br />

fausse, elle ne donne aucune<br />

marque de sa qualité marquant du<br />

même caractère le vrai et le faux. » [7]<br />

« Dans le monde réellement renversé, le<br />

vrai est un moment du faux. » [8] « Les<br />

années passées [...] ont montré les progrès<br />

de ce principe dans chaque domaine<br />

particulier, sans exception. » [9]<br />

On habitue au mensonge. On peut<br />

notablement accumuler les mensonges<br />

à court terme. Un exemple entre mille :<br />

« “Saddam Hussein affirme qu’il ne<br />

détruira pas ses missiles.” C’est à en croire<br />

CBS et les services du Pentagone, ce<br />

que Saddam [Hussein] venait de déclarer<br />

[...]. Quarante-huit heures plus tard,<br />

une fois l’interview diffusée en totalité<br />

par CBS, virement de bord. Le ton change<br />

car les propos de Saddam [Hussein]<br />

ont été grossièrement déformés et,<br />

d’ailleurs, il finira par accepter de les<br />

détruire, ces missiles qui portent 30 km<br />

plus loin que la limite fixée par<br />

l’ONU. » [10]<br />

Et on l'annonce même : « "Le Pentagone<br />

veut lancer des nouvelles vraies ou<br />

fausses dans les médias étrangers", titre<br />

le Herald Tribune [début 2002]. Un<br />

Bureau d'Influence stratégique (Office of<br />

Strategique Influence) [a été] mis en<br />

place avec [...] un budget de plusieurs<br />

millions de dollars tirés du supplément<br />

de 10 milliards [voté peu avant] par le<br />

Congrès pour le budget de la défense. Il<br />

est dirigé par un général de l'armée de<br />

l'air, Simon Worden, qui vient du Conseil<br />

national de sécurité. A ses côtés, un de<br />

ses collègues en retraite, Wayne<br />

Downing, qui était à la tête des opérations<br />

spéciales [Voir « Downing au top »,<br />

555 A l’Ouest rien...


p. 557], et un colonel [...], ancien des<br />

missions psychologiques.<br />

Ils utiliseront, écrit le New York<br />

Times [11], qui a révélé l'existence de<br />

l'OSI (confirmée avec une insolence tranquille<br />

par les intéressés), tous les moyens<br />

de désinformation possibles, et même<br />

des actions secrètes, qui couvriront aussi<br />

bien les activités civiles, les nouvelles<br />

"blanches" que les activités "les plus<br />

noires des noires", selon les termes d'un<br />

officier chargé de cette besogne. L'OSI a<br />

fait appel aux services du groupe<br />

Rendon, de Washington, qui a travaillé<br />

pour le président Carter et la CIA, la<br />

famille royale du Koweït et le petit groupe<br />

du Congrès national irakien, opposé<br />

à Saddam Hussein. Une firme qui a déjà<br />

trempé dans des campagnes de propagande<br />

lors de l'invasion du Koweït [Voir<br />

« Beni Hill », p. 552]. [...] La loi interdit<br />

aux agences fédérales de diffuser de<br />

fausses informations à l'intérieur des<br />

Etats-Unis. [...] Ce n'est sans doute pas la<br />

première fois qu'une agence américaine<br />

a recours à l'intox, aux mensonges pour<br />

imposer les vues de Washington, et<br />

déstabiliser l'opinion de ceux qui refusent<br />

de s'incliner devant les oukases de<br />

l'empire, mais que la proclamation en<br />

soit désormais officialisée en dit long sur<br />

le mépris des dirigeants américains pour<br />

leur opinion et celles des autres<br />

peuples. » [12]<br />

On peut s'en étonner : « Quel procédé<br />

baroque que d’avertir les gens qu’on va<br />

se moquer d’eux ! » [13]<br />

« L'Office of Strategic Influence [… utilise<br />

entre autres] les opérations secrètes de<br />

désinformation : diffusion de fausses<br />

nouvelles, envois d'e-mail camouflés,<br />

attaques informatiques pour détruire<br />

une source hostile. Mais le nouvel Office,<br />

dont le Département de la défense assure<br />

qu'il n'a pas encore été officiellement<br />

A l’Ouest rien... 556<br />

approuvé alors qu'il existe depuis plusieurs<br />

mois, a rencontré ses premiers<br />

ennemis à l'intérieur même du Pentagone.<br />

Ce sont les services chargés de l'information<br />

militaire “normale” qui ont<br />

organisé la fuite vers le New York Times,<br />

dans le combat qu'ils mènent pour ne<br />

pas être engloutis ou manipulés par ce<br />

bureau secret obéissant au sous-secrétaire<br />

Douglas Feith, l'un des faucons du<br />

Pentagone. La perspective de voir un<br />

département de l'administration, autre<br />

que la CIA, utiliser des techniques de<br />

désinformation, a déclenché immédiatement<br />

un concert de protestations, y<br />

compris de Norman Schwarzkopf, le<br />

général de la guerre du Golfe. [14]<br />

Réaction « du même Rumny [...] :<br />

“L’Office d’influence stratégique ?<br />

Nous changeons son nom, mais ce<br />

n’est pas cela qui nous empêchera de<br />

mentir.” [15] » [16]<br />

Ambiance générale : « Plus rien ne<br />

marche, et plus rien n’est cru. » [17]<br />

[1] : (Molière, « Tartuffe », IV, 5)<br />

[2] : (Ovide, « Les amours », III, 14, 5)<br />

[3] : (Avinain, boucher assassin, marchant à la guillotine le<br />

28/11/1867, cité par Le Droit, 29/11/1867)<br />

[4] : (Yin Bingshang, « Binglei », trad. fr « Le Sac à stratégie<br />

» (époque Ming))<br />

[5] : (François Kircher, « Les 36 stratagèmes, traité secret<br />

de stratégie chinoise », Stratagème n° 7, J.C. Lattès, 1991)<br />

[6] (Cao Xueqin , « Le Rêve dans le pavillon rouge »,<br />

chap. 1, XVIIIe , trad. fr., la Pleïade)<br />

[7] : (Blaise Pascal, « Pensées », fragment Sel. 78<br />

(Liasse Vanité), http://odalix.univ-bpclermont.fr/Cibp/Pen<br />

sees/Sel78-3.htm)<br />

[8] : (Guy Debord, « La Société du Spectacle », th. 9,<br />

Buchet Chastel, 1967, réed. Champ Libre, 1972, p. 12,<br />

reéd. Gérard Lebovici, réed. Gallimard, réed.<br />

folio, http://library.nothingness.org/articles/all/fr/display/65,<br />

renversant « le faux est un moment de vérité »,<br />

(Georges-Guillaume-Frédéric) Hegel, « Phénoménologie<br />

de l'Esprit » (ed. 1807), XVLVII, trad. fr. Jean-Pierre<br />

Lefebvre, Aubier, 1991, p. 53, cité par Georg Lukacs,<br />

« Histoire et Conscience de Classe », 1923, trad. Kostas<br />

Axelos et Jacqueline Bois, Minuit, augm. 1960, p. 15)<br />

[9] : (Guy Debord, « Commentaires à la Société du<br />

Spectacle », XVII, Gérard Lebovici, 1988, p. 58, réed.<br />

Gallimard, réed. folio, http://209.85.135.104/search?q=ca<br />

che:wnaEPyTKuKwJ:barataria.dyndns.org/pdf/CSLSDS.pdf)


[10] : (Claude Angeli, « Les deniers coups tordus de<br />

l’avant-guerre », Le Canard enchaîné, 5/3/2003, p. 3)<br />

[11] : (James Dao & Eric Schmitt, « A Nation challenged :<br />

Hearts and Minds ; Pentagon readies efforts to sway sentiment<br />

abroad », The New York Times, 19/2/2002)<br />

[12] : (Jacques Coubard, « Un bureau des fausses nouvelles<br />

ouvert au Pentagone », L'Humanité, 22/2/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-02-<br />

22/2002-02-22-29333)<br />

[13] : (Joseph Mouton, « Commentaires sur les commentaires<br />

de Guy Debord », Art press, 12/1988, cité par Guy<br />

Debord, « “Cette mauvaise réputation…” », Gallimard,<br />

11/1993, p. 40)<br />

[14] : (« La “propagande noire” du Pentagone inquiète<br />

l'Amérique », www.confidentiel.net, 23/2/2002)<br />

[15]: (Entendu in Stéphane Haumant, Guillaume<br />

Barthélémy, William Reymond, Delphine Jaudeau et Marie<br />

Drouet, « Guerre contre l'Irak : dans les coulisses de la propagande<br />

américaine », 90 Minutes, Canal Plus, 3/2/2003)<br />

[16] : (Jérôme Canard, Le Canard enchaîné, 5/2/2003, p.<br />

8, d’après Le Journal du dimanche, 2/2/2003)<br />

[17] : (Guy Debord, « “Cette mauvaise réputation… [et<br />

l'ignorance de l'opinion]”[18] », op. cit., p. 107)<br />

[18] : (Giorgias de Léontium, B XI, « Eloge d'Hélène », 21,<br />

~IVe s., trad. Jean-Paul Dumont, in « Les Présocratiques »,<br />

Gallimard, La Pleïade, 1988, p. 1035)<br />

Downing au top<br />

« La SAIC [Voir « Le fond de Bauer<br />

effraie », p. 235] [..., en 2000,] compte<br />

[... encore parmi ses] administrateurs le<br />

général Wayne A. Downing (ancien<br />

commandant en chef des forces spéciales)<br />

» [1]. « Ancien général démobilisé<br />

par [William] Clinton et ancien<br />

conseiller pour l'antiterrorisme de<br />

George Bush père, Wayne Downing<br />

avait dirigé les opérations spéciales<br />

états-uniennes et avait été chargé de<br />

l'entraînement de l'Iraqi National<br />

Congress. Il a été nommé vice<br />

conseiller de sécurité [nationale] après<br />

le 11 septembre mais a depuis démissionné.<br />

Il est [ensuite] président du<br />

nouveau Combating Terrorism Center<br />

de [l'académie] militaire de West<br />

Point [2]. » [3] Il s'y connaît.<br />

[1] : (« Alain Bauer, de la SAIC au GOdF », Notes d'information<br />

du Réseau Voltaire, (RV 0/0328), 1/10/2000,<br />

http://www.voltairenet.org/article413.html)<br />

[2] : (http://www.usma.edu)<br />

[3] : (« Wayne Downing », voltairenet.org, s.d.,<br />

http://www.voltairenet.org/auteur4967.html?lang=fr)<br />

Lénine<br />

affirmait<br />

des capitalistes<br />

: « Ils<br />

nous vendront<br />

la corde pour les pendre. »<br />

Car l’arme se vend bien [Voir « Il est<br />

canon », p. 650]. Ainsi, ils peuvent armer<br />

la population ennemie puis l’écraser<br />

dans le sang. « Commercer avec des<br />

régimes qui leur sont totalement hostiles<br />

et contribuer à leur renforcement militaire<br />

ont toujours été deux des caractéristiques<br />

essentielles du monde des affaires<br />

capitaliste, et parfois de ses dirigeants<br />

politiques. » [1] Zbigniew Brzezinski, qui<br />

fut notamment « conseiller de sécurité<br />

nationale du président Carter » [2] rédigeant<br />

« son étude [3], pouvait conclure<br />

ironiquement : “Effectuer des investissements<br />

dans des pays destinés à devenir<br />

par la suite des ennemis politiques a toujours<br />

été une des caractéristiques de<br />

l’ère capitaliste.” » [4]<br />

Car le riche investisseur a bien besoin de<br />

ces dirigeants du camp adverse, qu’il<br />

arme discrètement à bas prix, mais avec<br />

557 A l’Ouest rien...


qui, cependant, il défendra à tout autre<br />

de commercer. De même, les chefs<br />

ennemis sont indispensables l'un à<br />

l'autre pour justifier, en raison des circonstances<br />

exceptionnelles qu’ils perpétuent<br />

conjointement, leur arrogance<br />

dans l’assujettissement de leurs propres<br />

populations (populations qu’ils prétendent<br />

représenter). Concorde des chefs<br />

ennemis. « Le plus solide et le plus<br />

durable trait d’union entre les êtres, c’est<br />

la barrière. » [5]<br />

[1] : (Eric Laurent, « La Guerre des Bush, les secrets<br />

inavouables d’un conflit », Plon, 1/2003, p. 13)<br />

[2] : (« Zbigniew Brzezinski », Réseau Voltaire, http://www.voltairenet.org/auteur5141.html?lang=fr)<br />

[3] : (Zbigniew Brzezinski « Between Two Ages », 1970)<br />

[4] : (Charles Levinson, « Vodka Cola », Stock, 1977, p. 362)<br />

[5] : (Pierre Reverdy, « Le livre de mon bord », 1948)<br />

SERRE M’EN CINQ !<br />

Rumsfeld remplit une « mission [...] d’envoyé<br />

spécial au Moyen Orient que lui<br />

confie Reagan en novembre 1983. Mission<br />

efficace : c’est à sa faveur [...] que Saddam<br />

[Hussein], temporairement rayé de la liste<br />

des grands voyous du globe, dut de pouvoir<br />

importer des Etats-Unis armes et hélicos,<br />

mais aussi divers produits chimiques<br />

assez détergents [1]. Bush junior a [...] traficoté<br />

avec la famille Ben Laden. Rumsfeld<br />

a aidé Saddam à se réarmer. Tout cela est<br />

d’une logique, et d’une prévoyance ! » [1]<br />

[1] : (Newsweek, 20/1/2003)<br />

[1] : (Patrice Lestrohan, « Pentagone. Les tonton Sam flingueurs<br />

», Le Canard enchaîné, 29/1/2003, p. 7, d’après<br />

Bob Woodward, « Bush at war », trad. fr. « Bush s'en va-ten<br />

guerre », Denoël, 3/2003, réed. Gallimard, folio, 2004)<br />

A l’Ouest rien... 558<br />

Lénine<br />

annonçait<br />

donc :<br />

« Les capitalistes<br />

nous<br />

vendront eux-mêmes la corde avec<br />

laquelle nous les pendrons. » Mais les<br />

dictateurs staliniens ont, eux, su<br />

vendre aux capitalistes la force de travail<br />

du prolétariat, telle qu’organisée<br />

par leurs bons soins “communistes”…<br />

« L’autorité n’y était pas discutée, la hiérarchie<br />

pouvait “manipuler une masse<br />

docile, prendre des décisions difficiles,<br />

réagir vite, et le tout en respectant les<br />

délais prescrits [... De plus, les ‘communistes’<br />

ont] contribué à restaurer l’ordre<br />

dans les universités italiennes, françaises,<br />

et même allemandes” [1]. » [2]<br />

« Les dirigeants [des] multinationales et<br />

banques d’affaires découvraient que les<br />

pays d’Europe de l’est [...] possédaient<br />

[...] des quantités massives de main<br />

d’œuvre qualifiée, extrêmement disciplinée,<br />

très bon marché. » [3]<br />

”A l’Ouest”, c’est « dans les cercles les<br />

plus rétrogrades au point de vue politique,<br />

les plus antisocialistes, les plus<br />

antiouvriers et antisyndicalistes, que<br />

s’exercent les manœuvres et les pressions<br />

prosoviétiques les plus inconditionnelles.<br />

Les représentants des grandes<br />

banques interviennent constamment<br />

pour que l’Union soviétique se voie<br />

accorder la clause de la nation la plus<br />

favorisée, pour que le Congrès des Etats-<br />

Unis ne soit plus consulté quand un crédit<br />

destiné à l’U.R.S.S. dépasse 300 millions<br />

de dollars, pour que l’Exim Bank<br />

puisse augmenter l’importance de ses<br />

prêts, pour assouplir les quotas d’exportation<br />

et pour éliminer de la liste de l’embargo<br />

du CONCOM les produits stratégiques<br />

les plus sujets à caution. En


Allemagne de l’Ouest, en Grande-<br />

Bretagne, en France, en Italie, en Suède,<br />

en Autriche et partout ailleurs, la coalition<br />

« banques-Brejnev » a réussi à soumettre<br />

les plus forts opposants<br />

politiques à l’opération<br />

Vodka-Cola. » [4]<br />

Charles Levinson nommait<br />

ainsi la synergie réelle<br />

cachée derrière la guerre<br />

froide, qui faisait taire<br />

les peuples mais n’empêchait<br />

pas les affaires, bien<br />

au contraire. « L’usine<br />

Gorki, implantée par<br />

Henry Ford dans la banlieue<br />

de Moscou, sera prolongée,<br />

quarante-trois ans<br />

plus tard, par le complexe<br />

géant de Kama River,<br />

construit par son propre<br />

petit-fils. La plus grande<br />

usine de camions existant<br />

au monde, dont les véhicules tous terrain<br />

sont envoyés [en 1985] … en<br />

Afghanistan. [… A l’inverse,] le Département<br />

d’Etat reconnut, le 25 février<br />

1976, que les Etats-Unis, depuis 1972,<br />

fabriquaient en Union soviétique les roulements<br />

à bille miniatures indispensables<br />

à la mise au point des systèmes de guidage<br />

équipant les missiles balistiques<br />

MIRV à têtes multiples. » [5]<br />

Le double jeu étant dialectique, il est<br />

révolutionnaire ! « En 1921, dans un<br />

essai sur l’Or, Lénine recommandait à<br />

ses camarades de se conduire comme<br />

"les plus impitoyables des capitalistes,<br />

jusqu’au triomphe mondial du socialisme<br />

[…]. Quand vous vivez dans un<br />

monde de loups, vous devez hurler<br />

comme eux", écrivait-il [même si c’est là<br />

un comportement de mouton]. En l’espace<br />

de soixante ans, cette consigne a<br />

permis à l’Union soviétique de devenir<br />

une formidable machine à spéculer,<br />

appliquant les techniques les plus<br />

sophistiquées de manipulation des cours<br />

des marchés. » [5]<br />

« Dans cette remarquable aisance des<br />

["]communistes["] à se<br />

plier aux règles du marché<br />

capitaliste, les paradis<br />

fiscaux jouent en effet un<br />

rôle clé. » [7] Ce rôle clé<br />

d’aveuglement n’a cessé<br />

de prendre de l’importance<br />

depuis.<br />

La synergie fonctionne<br />

d’abord dans l’antagonisme<br />

apparent. Et voici<br />

encore une douceur de la<br />

fission atomique [8]. Dans<br />

les années 50, il devient<br />

patent que le « paramètre<br />

nucléaire transforme la<br />

rivalité guerrière en<br />

coexistence pacifique. [...]<br />

Si la paix est impossible, la<br />

guerre n’est pas moins improbable.<br />

L’affronte-ment direct entre Américains<br />

et Soviétiques est exclu et une véritable<br />

discipline de bloc s’impose, afin qu’aucune<br />

confrontation au sommet ne puisse<br />

survenir du déra<strong>page</strong> de la base vassalisée.<br />

[...] Pourtant, Gladio n’est pas une<br />

fiction et les gladiateurs ne sont pas des<br />

figurants [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38]. Pendant près de cinquante ans,<br />

les Spartacus américains ont agi dans<br />

l’ombre des démocraties occidentales<br />

tandis que l’Etoile rouge défilait dans les<br />

rues des démocratie populaires au nom<br />

d’une destinée commune : la consolidation<br />

des empires [...] le condominium<br />

américano-soviétique s’affirme pleinement.<br />

» [9]<br />

« La guerre est engagée par chaque<br />

groupe dirigeant contre ses propres<br />

sujets et l’objet de la guerre n’est pas de<br />

faire ou d’empêcher des conquêtes de<br />

territoires, mais de maintenir intacte la<br />

559 A l’Ouest rien...


structure de la société. [...] La guerre,<br />

c’est la Paix. » [10]<br />

[1] : (Michel Crozier, « Western Europe », in Michel Crozier,<br />

Samuel Huntington et Joji Watanuki, « The Crisis of democracy<br />

: report on the Governability of Democracies to the<br />

Trilateral Commission », New York University Press, New<br />

York, 1975)<br />

[2] : (Serge Halimi, « Le grand bond en arrière.<br />

Comment l’ordre libéral s’est imposé au monde »,<br />

Fayard, 4/2004, p. 560 et n. 4)<br />

[3] : (Eric Laurent, « La Guerre des Bush. Les<br />

Secrets inavouables d’un conflit », Plon,<br />

1/2003, p. 24)<br />

[4] : (Charles Levinson, « Vodka Cola »,<br />

Stock, 1977, p. 45)<br />

[5] : (Eric Laurent, « la Corde pour les<br />

pendre, Relations entre milieux d’affaires<br />

occidentaux et régimes communistes<br />

de 1917 à nos jours », Fayard,<br />

4/1985, pp. 89, 186)<br />

[6] : (Eric Laurent, 1985, op. cit., p. 295)<br />

[7] : (Eric Laurent, 1985, op. cit., p. 171)<br />

[8] : (Cf. par exemple, La Gazette du<br />

Nucléaire, http://resosol.org/Gazette)<br />

[9] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire<br />

Gladio, les réseaux secrets américains au<br />

cœur du terrorisme en Europe », Albin Michel,<br />

3/1994, pp. 210-211)<br />

[10] : (George Orwell, « 1984 », trad. fr. Gallimard,<br />

1950, réed. folio, 11/1972, p. 283)<br />

C’est la<br />

modernisation<br />

de<br />

la société<br />

« qui a<br />

conduit en<br />

1989 la bureaucratie russe à se<br />

convertir soudain, comme un seul<br />

homme, à la présente idéologie de la<br />

démocratie : c’est-à-dire la liberté dictatoriale<br />

du Marché, tempérée par la<br />

reconnaissance des Droits de l’homme<br />

spectateur. [...]<br />

En 1991, les premiers effets de la modernisation<br />

[sont apparus] avec la dissolution<br />

complète de la Russie. Là s’exprime,<br />

plus franchement qu’en Occident, le<br />

résultat désastreux de l’évolution générale<br />

de l’économie. Le désordre n’en est<br />

A l’Ouest rien... 560<br />

que la conséquence. Partout se posera<br />

la même question, celle qui hante le<br />

monde depuis deux siècles : comment<br />

faire travailler les pauvres, là où l’illusion<br />

a déçu, et où la force s’est défaite ? » [1]<br />

Il va falloir les intimider...<br />

La Nomenkatura a fait peau neuve.<br />

Exemple parmi tant d’autres,<br />

« l’itinéraire du rugueux dirigeant<br />

[polonais] Leszek<br />

Miller [...] est d’une banalité<br />

sans nom dans l’Europe de<br />

l’Est post-soviétique. Teigneux<br />

apparatchik du PC<br />

[...], il s’est reconverti sans<br />

trop de délais ni de tourments,<br />

en attentiste néo-libéral<br />

quasiment convaincant. Un<br />

retournement à peu près exemplaire.<br />

» [2]<br />

Et les financiers se régalent alors :<br />

« Ce sont de véritables noces diplomatiques<br />

et économiques qui sont célébrées<br />

entre USA et ex-URSS [...,] un an à<br />

peine après la première prise de contact<br />

officielle entre George Bush et Vladimir<br />

Poutine. [... Le] Président Russe avait été<br />

le premier à déclarer son soutien à toute<br />

initiative anti-terroriste américaine au<br />

lendemain des attentats du 11 septembre<br />

2001 [...].<br />

George Bush et ses conseillers (dont une<br />

bonne partie est issue des ”majors”<br />

pétroliers américains, l’autre de la CIA ou<br />

de la NSA) auraient donc effectué un<br />

arbitrage géo-politique et pétro-stratégique<br />

décisif en faveur de la Russie de<br />

Vladimir Poutine, [… dont l’équipe avait<br />

un] profil sensiblement identique à celui<br />

de l’équipe au pouvoir aux USA (liens<br />

étroits entre le Kremlin et Gasprom,<br />

Sibneft ou Loukoïl). » [3]<br />

Mais d'où vient Poutine ? « La première<br />

fois que les Russes ont vu Vladimir<br />

Vladimirovitch Poutine à la télévision,


c’était en juillet 1998 sous les traits du<br />

tout nouveau chef du FSB (l’ex-KGB). Il y<br />

venait assurer que sur une cassette<br />

vidéo tout juste diffusée, l’individu nu<br />

sur un lit et encadré de deux prostituées<br />

était bien le procureur Skouratov, l’homme<br />

des enquêtes sur la première guerre<br />

en Tchétchénie. Eltsine n’avait plus qu’à<br />

suspendre le magistrat trop zélé... » [4]<br />

Providentielle, donc, fut « la mysté<strong>rieuse</strong><br />

découverte [de ce] film porno qui dévoile<br />

la nudité [d’une personne ressemblant<br />

au] magistrat en compagnie de certaines<br />

prostituées [présentées comme étant]<br />

gracieusement offertes par des businessmen<br />

mis en accusation par les services<br />

du procureur... » [5] « Yurij Skouratov<br />

[...] procureur général de Russie, chargé<br />

des enquêtes sensibles concernant "l'argent<br />

de la famille", [... fut alors] mis en<br />

examen à son tour, pour corruption. [...<br />

Et] depuis le départ de Skouratov, [...] les<br />

enquêteurs russes [ne se sont pas] pressés<br />

pour faire avancer les investigations<br />

sur le Russiagate [... C'est] Eltsine en personne<br />

qui avait choisi le staff de magistrats<br />

aptes à remplacer le procureur<br />

Skouratov. » [5]<br />

La « nomination [de Poutine] au poste<br />

de Premier ministre, récompense de sa<br />

fidélité à l'équipe présidentielle, devait<br />

assurer un calme relatif sur le front des<br />

affaires. [... Ensuite] Poutine [...] voyait<br />

sa cote de popularité grimper en<br />

flèche, grâce à des déclarations tonitruantes.<br />

Il affirme notamment qu'il<br />

"[butera] les terroristes jusque dans les<br />

chiottes" [6]. » [7]<br />

« En septembre 1999, quelques jours<br />

après que Vladimir Poutine eût été<br />

nommé Premier ministre, une série d'explosions<br />

fait plus de 300 morts à<br />

Moscou. La police accuse immédiatement<br />

les terroristes tchétchènes et l'émotion<br />

populaire pousse le nouveau gou-<br />

vernement à relancer la répression militaire<br />

en Tchétchénie [que l'armée russe<br />

avait dû quitter en 1996]. Quelques<br />

semaines plus tard Poutine, devenu le<br />

chantre de l'anti-terrorisme, [sera] élu<br />

président.<br />

Mais le 13 septembre, la concierge<br />

d'une cité de Moscou est alertée par la<br />

présence d'inconnus. Les habitants<br />

encerclent des hommes qui sont en<br />

train de poser des bombes dans les<br />

caves. La police les arrête, puis les<br />

relâche quand il s'avère que ce sont des<br />

agents du FSB. Pour l'association<br />

Mémorial, les bombes de septembre<br />

1999 sont la manipulation d'une faction<br />

des services secrets - à l'aide de leur<br />

homme de main, le tchétchène Chamil<br />

Bassaev, terroriste providentiel et ancien<br />

agent de la CIA en Afghanistan. » [8]<br />

« Depuis, des responsables du FSB ont<br />

admis [que les attentats de Moscou]<br />

étaient en réalité l'œuvre d'officiers de<br />

leur service qui entendaient contraindre<br />

le gouvernement à relancer la guerre et<br />

y parvinrent. » [9]<br />

Le président tchétchène Maskhadov<br />

pouvait bien, en 2000, se répandre dans<br />

la presse, affirmant que les bombes à<br />

Moscou avaient été posées par des services<br />

russes. « Le gouvernement [russe]<br />

fit exploser ses propres immeubles. [...]<br />

Aucun Tchétchène, à ce jour, n'a été<br />

inculpé. Mais à Riazan, [ville du centre<br />

de la Russie,] on a pris sur le fait deux<br />

hommes en train de poser des explosifs<br />

dans les caves d'un immeuble. C'était<br />

des hommes du FSB. » [10] « Et si la<br />

guerre cesse, la vérité risque d'éclater<br />

sur les attentats de Moscou et les autres<br />

grandioses manipulations qui l'ont provoquée.<br />

Poutine est comme otage de<br />

ses généraux. » [11] Qui l'a cru ?<br />

« Boris Eltsine annonça sa démission, le<br />

31 décembre [1999], la date des élec-<br />

561 A l’Ouest rien...


tions présidentielles étant fixée au 26<br />

mars 2000. La voie était libre pour<br />

Poutine, qui signa ce jour-là un curieux<br />

décret, en tant que président par intérim<br />

: ce texte fixait la pension de son prédécesseur,<br />

ainsi que divers avantages<br />

protocolaires. Surtout, il lui accordait<br />

l'immunité pour tous les actes commis<br />

pendant ses mandats. [...]<br />

Arrivé au pouvoir grâce à un soutien<br />

massif des oligarques russes, Vladimir<br />

Poutine allait rapidement se retourner<br />

contre eux et s'affirmer comme un<br />

adversaire résolu de leur captation de<br />

l'économie nationale. » [7]<br />

« L’assassinat le 8 mars [<strong>2005</strong>], par un<br />

commando russe, du leader indépendantiste<br />

et modéré tchétchène Aslan<br />

Maskhadov n’a visiblement pas bouleversé<br />

les capitales occidentales, qui n’ont<br />

pas élevé la moindre protestation. [...]<br />

Une chaleur qui rappelle celle qui<br />

accueillit les nombreux appels à l’aide de<br />

Maskhadov. Et les prières des familles<br />

tchétchènes réclamant l’asile en Europe.<br />

Allié à l’Allemagne et à la Russie, toutes<br />

deux opposées à la politique américaine<br />

en Irak, Chirac n’a pas voulu gâcher<br />

cette amitié pour une simple broutille. A<br />

savoir la liquidation du seul interlocuteur<br />

avec lequel Poutine aurait pu discuter s’il<br />

l’avait voulu. Qu’importe si le mort avait,<br />

à plusieurs reprises, décrété un cessez-lefeu<br />

unilatéral, appelé au dialogue,<br />

condamné le voile, l’intégrisme et les<br />

attentats terroristes. [...]<br />

Chamil Bassaïev, islamiste radical, lui, qui<br />

avait revendiqué la prise d’otages dans<br />

l’école de Beslan (350 morts), en septembre<br />

[2004], a également fêté la nouvelle.<br />

[... La guerre avait alors] déjà<br />

causé, depuis 1994, la mort de milliers<br />

de soldats russes et de 100 000 à<br />

200 000 Tchétchènes, soit 10 à 20 % de<br />

la population.<br />

A l’Ouest rien... 562<br />

[... Le] nouveau satan tchétchène,<br />

Bassaïev, a plusieurs fois promis qu’il<br />

exporterait son terrorisme en Europe.<br />

[...] Il est vrai que cela [donnait] à<br />

Chirac et à quelques autres une<br />

meilleure raison de soutenir Poutine.<br />

Dans le rôle du dernier rempart contre<br />

la barbarie… » [12]<br />

« Poutine, si son élection a été un rien<br />

moins triomphale que celle de son ami<br />

Chirac, avec seulement 71,21 % de voix<br />

(mais une pointe de 93 % en<br />

Tchétchénie, ce qui prouve à quel<br />

point on l’y adore), Poutine, donc, dispose<br />

[alors] de plus de pouvoir que<br />

Chirac. [...] L’ex-lieutenant-colonel du<br />

KGB, qui concentre autant de pouvoir<br />

qu’autrefois Brejnev, peut s’offrir le<br />

luxe d’affirmer qu’il va "garantir les<br />

acquis de la démocratie". » [13]<br />

[1] : (Guy Debord, « Avertissement pour la troisième édition<br />

française » de « La Société du Spectacle », 30/6/1992,<br />

Gallimard, 1992, p. XII, cité in « Commentaires à la Société<br />

du Spectacle », réed. Gallimard, IV de couv.)<br />

[2] : (Patrice Lestrohan, « Prises de Bec : Leszek Miller.<br />

Varsovie de chien », Le Canard enchaîné, 24/12/2003, p. 7)<br />

[3] : (Ph. Béchade., « USA-Russie : "qui se ressemble s’assemble?<br />

», CercleFinance.com, 24/5/2002)<br />

[4] : (L.V., « Vladimir Poutine », L’Humanité, 28/3/2000,<br />

http://www.humanite.fr/popup_print.php3?id_article=22<br />

2587)<br />

[5] : (« Poutine, un nouveau tzar pour le même régime »,<br />

amnistia.net – les enquêtes interdites, 5/1/2000,<br />

http://www.amnistia.net/news/articles/russdoss/poutpre<br />

2/poutpre2.htm)<br />

[6] : (Paul Klebnikov, « Parrain du Kremlin - Boris<br />

Berezovski et le pillage de la Russie », Robert Laffont,<br />

2000)<br />

[7] : (Paul Labarique, « D'une guerre de Tchétchénie à<br />

l'autre. Business et terrorisme à Moscou », Voltaire,<br />

n° 116, 10/5/2004, http://www.voltairenet.org/article13<br />

787.html)<br />

[8] : (« 13 septembre 1999. Quand le FSB pose des<br />

bombes à Moscou », Voltaire, n° 178, 13/9/2004, p. 1,<br />

http://www.voltairenet.org/article14865.html)<br />

[9] : (« Terrorisme d'État. 1980 : carnage à Bologne,<br />

85 morts », 12/3/2004, Voltaire, 15/3/2004, p. 6,<br />

http://www.voltairenet.org/article12840.html)<br />

[10] : (Aslan Maskhadov, « Maskhadov parle », Le Monde,<br />

29-30/10/2000)<br />

[11] : (Sophie Shihab, « Dans les montagnes tchétchènes,<br />

la tranquille assurance du président Maskhadov », Le<br />

Monde, 4/5/2000, p. 3)<br />

[12] : (Jean-François Julliard, « Pas de requiem pour le


Tchétchène qu’on abat », Le Canard enchaîné,<br />

16/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[13] : (« Sire Vladimir », Le Canard enchaîné, 17/3/2004, p. 1)<br />

« Oussama<br />

ben<br />

Laden :<br />

Alibi. Agent<br />

de la CIA<br />

chargé de combattre les Soviétiques<br />

en Afghanistan, puis de semer la zizanie<br />

entre nationalistes arabes et islamistes.<br />

Enfin de provoquer le clash<br />

entre le monde "arabo-musulman" et<br />

le monde "judéochrétien".<br />

» [1] [Voir<br />

« Bâtissons le “Choc<br />

des Civilisations” ! »,<br />

p. 566]<br />

« Ben Laden a été<br />

formé et armé par les<br />

Américains, lesquels<br />

reconnaissent ouvertement<br />

qu’ils ont utilisé<br />

l’Afghanistan pour<br />

déstabiliser l’URSS,<br />

avant même l’intervention<br />

de celle-ci. » [2]<br />

« L'ancien directeur de<br />

la CIA Robert Gates l'affirme [3] [...] : les<br />

services secrets américains ont commencé<br />

à aider les moudjahidine afghans six<br />

mois avant l'intervention soviétique. » [4]<br />

« Selon la version officielle de l'histoire,<br />

l'aide de la CIA aux moudjahidine a<br />

débuté courant 1980, c'est-à-dire après<br />

que l'armée soviétique eut envahi<br />

l'Afghanistan, le 24 décembre 1979.<br />

Mais la réalité, gardée secrète jusqu'à<br />

[1998], est tout autre : c'est en effet le<br />

3 juillet 1979 que le président Carter a<br />

signé la première directive sur l'assistan-<br />

ce clandestine aux opposants du régime<br />

prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là,<br />

[Zbigniew Brzezinski, qui a dirigé la politique<br />

étrangère des USA sous Carter, a]<br />

écrit une note au président dans laquelle<br />

[... il expliquait que] cette aide allait<br />

entraîner une intervention militaire des<br />

Soviétiques. [... Et le] jour où les<br />

Soviétiques ont officiellement franchi la<br />

frontière, [il a] écrit au président Carter<br />

[...] : “Nous avons maintenant l'occasion<br />

de donner à l'URSS sa guerre du<br />

Vietnam.” » [5]<br />

« Surtout, l’appareil clandestin double les<br />

trafics d’armes à destination du jihad<br />

afghans et des contras nicaraguayens de<br />

trafics de drogue [Voir « Pour la drogue,<br />

donc contre », p. 144], d’un côté avec la<br />

collaboration des services<br />

secrets pakistanais<br />

(l’I.S.I.) et des<br />

chefs islamistes<br />

afghans Gul-buddine<br />

Hekmatyar [Voir<br />

« Fumeux ? C’est de<br />

l’afghan ! », p. 598],<br />

Sayad Ahmed Gaylani<br />

et sans doute<br />

Oussama Ben Laden,<br />

de l’autre avec la collaboration<br />

des narco-trafiquants<br />

du Honduras<br />

et du Nicaragua, ainsi<br />

que du général panaméen Manuel<br />

Noriega [Voir « "Que sont mes amis<br />

devenus ?" », p. 574]. Destinés à payer<br />

les achats d’armes, ces trafics visent<br />

aussi, dans la configuration afghane, à<br />

intoxiquer les soldats soviétiques pour<br />

les "démoraliser" [6]. La drogue afghane<br />

et pakistanaise est [surtout] acheminée<br />

en Europe. » [7]<br />

On a ensuite prolongé les « connivences<br />

[...] d’une partie [des] services secrets<br />

[étasuniens] avec Al Qada d’Ousama<br />

Ben Laden – [cet] homologue islamique<br />

563 A l’Ouest rien...


du stay behind. » [8] [Voir « Un réseau<br />

secret », p. 38] « Depuis l'ère de la<br />

Guerre froide, Washington a [sciemment]<br />

soutenu Oussama ben Laden,<br />

tout en le plaçant sur la liste des personnes<br />

les plus recherchées par le<br />

FBI". » [9]<br />

« En 1996, un attentat au camion piégé<br />

se produit à [Dhahran (Arabie saoudite)]<br />

et tue 19 militaires américains. L’enquête<br />

révèlera que les commanditaires de l’attentat<br />

sont des sympathisants du réseau<br />

Al Quaeda, parfaitement identifiés<br />

depuis longtemps [...].<br />

Peu après l’attentat, le groupe Bin Laden<br />

se verra confier la construction des pistes<br />

d’aéroport et des baraquements destinés<br />

aux forces américaines, transplantées en<br />

plein désert par mesure de sécurité…<br />

Les Bin Laden, en partie à travers Carlyle,<br />

sont étroitement liés aux plus grands<br />

noms du parti républicain, James Baker,<br />

bien sûr, mais surtout George Bush. [...]<br />

En réalité, les relations entre les deux<br />

familles durent depuis près de vingt<br />

ans. » [10] [Voir « La BCCI est morte ?<br />

Vive le Carlyle Group ! », p. 525]<br />

Le « Bin Laden Group pèse plus de 5 milliards<br />

de dollars de revenus annuels,<br />

emploie 40 000 personnes [...], entretenant<br />

notamment des liens étroits avec<br />

quelques uns des plus grands noms de<br />

l’industrie américaine. [... Leurs] liens<br />

avec les Etats-Unis se sont resserrés après<br />

la [première] guerre du Golfe quand le<br />

groupe a construit un aéroport et toute<br />

l’infrastructure permettant l’installation<br />

durable des troupes américaines sur le<br />

sol saoudien. Or, c’est justement cette<br />

mesure, prise par le roi Fahd et ses<br />

proches, et mise en application par sa<br />

famille, qui [aurait] provoqué la colère<br />

d’Oussama et sa rupture avec le régime<br />

saoudien, accusé de souiller le sol sacré<br />

en accueillant les impies. » [11]<br />

A l’Ouest rien... 564<br />

« M. Oussama Ben Laden est donc devenu<br />

l'ennemi public numéro un des Etats-<br />

Unis. L'ancien "combattant de la liberté"<br />

pouvait-il rêver meilleur rôle ? Des milliers<br />

de jeunes musulmans y trouveront<br />

une raison de rejoindre sa "guerre sainte",<br />

tandis que les autres seront réduits<br />

au silence, par peur d'être accusés de<br />

complicité avec une puissance qui aide<br />

[en synergie réelle avec la direction des<br />

USA] à perpétuer un ordre international<br />

injuste. » [12]<br />

« Or, si l'on ne veut pas changer les passions<br />

[des jeunes rebelles,] il faut trouver<br />

un moyen d'utiliser [... ce] prétendu<br />

vice, dont [l'on] fera, dans [des] Petites<br />

Hordes, l'emploi le plus précieux en<br />

équilibre social. » [13]<br />

« En mars 2001, [...] le ministère des<br />

Affaires étrangères ordonne au FBI de<br />

mettre un terme à l’enquête sur Ben<br />

Laden. [14] [...] John O’Neill remet sa<br />

démission au FBI pour protester contre<br />

cette décision. O’Neill était un des spécialistes<br />

du FBI en ce qui concerne<br />

Oussama Ben Laden. Il est alors nommé<br />

chef de la sécurité dans le complexe du<br />

World Trade Center. Il y trouvera la mort<br />

le 11 septembre 2001. » [15]<br />

Le « prétendu ennemi public n° 1 a été<br />

soigné à l'hôpital américain de Dubaï du<br />

4 au 14 juillet 2001. Il y a fait salon, recevant<br />

des personnalités émirates et saoudiennes,<br />

et même le chef de poste de la<br />

CIA [16]. » [17]<br />

Pour comparaison : « La venue en février<br />

1992 du leader palestinien [Habache]<br />

dans un hôpital parisien provoque un<br />

scandale médiatique. Le 4 février, le président<br />

de la République, François<br />

Mitterrand, admoneste la presse [...] :<br />

"Depuis six jours vous ne parlez que de<br />

cela [...]. Tout [le reste] est tombé dans<br />

la trappe pour tout centrer sur ce que<br />

l’on appelle l’affaire Habache." » [18]


Rien de tel pour Ben laden, mais<br />

Dubaï, c'est loin.<br />

« Le président Bush [..., en avril 2004,] a<br />

redéfini l'ennemi mondial des États-<br />

Unis : une idéologie politique de fanatiques<br />

musulmans [...]. "[...] Nous avons<br />

vu cette même idéologie de l'assassinat<br />

à l'œuvre dans le massacre de 241<br />

marines à Beyrouth [en 1983], dans le<br />

premier attentat contre le World Trade<br />

Center [en 1993], dans la destruction de<br />

deux ambassades en Afrique [en 1998],<br />

dans l'attaque du destroyer Cole [en<br />

2000] et dans l'horreur [... du] 11 septembre<br />

2001. [...]" [...].<br />

Même si certains réécrivent rapidement<br />

l'histoire et imputent [alors] l'attentat du<br />

WTC de 1993 à Al Qaïda, il [n'était]<br />

encore venu à l'idée de personne d'établir<br />

un lien entre Oussama Ben Laden et<br />

l'attentat de Beyrouth, en 1983. À cette<br />

époque, Ben Laden était le trésorier de<br />

l'opération conjointe de la CIA et des services<br />

saoudiens pour combattre les<br />

Soviétiques en Afghanistan. La théorie<br />

bushienne du complot a donc franchi<br />

un pas supplémentaire. Elle englobe<br />

désormais toutes les violences commises<br />

par des musulmans contre des<br />

intérêts "occidentaux", quels qu'en<br />

soient les modalités, les motifs et le<br />

contexte. » [19]<br />

« Car le terrorisme s'alimente des crises<br />

et des frustrations qui s'accumulent dans<br />

le monde musulman, de l'Irak au<br />

Cachemire, de la Palestine au Soudan.<br />

[...] Embargo meurtrier contre la population<br />

irakienne, sanctions contre la Libye<br />

et le Soudan, calvaire des Palestiniens,<br />

poursuite de l'occupation de Jérusalem-<br />

Est et du Golan [Voir « Terror is Real »,<br />

p. 603], etc. : il n'est nul besoin d'être un<br />

"fanatique musulman" pour s'interroger<br />

sur le rôle de Washington dans chacun<br />

de ces drames, ni pour constater que les<br />

déclarations de l'Occident sur la démocratie<br />

s'accommodent des dictatures saoudienne<br />

ou indonésienne, des autoritarismes<br />

égyptien ou pakistanais... » [20]<br />

Par ailleurs, « Ali Mohammed, incarcéré<br />

aux États-Unis et soupçonné d'être le<br />

superviseur des attentats attribués à Ben<br />

Laden, en 1998, contre les ambassades<br />

US au Kenya et en Tanzanie, est un officier<br />

de renseignement américain [21].<br />

De 1987 à son arrestation, en 1998, il<br />

donnait des cours en alternance au<br />

centre de formation des stay-behind à<br />

Fort Bragg [Voir « Aux paies, c’est<br />

l’O.P.C. », p. 45] et dans les camps de<br />

Ben Laden au Soudan et en<br />

Afghanistan ! » [17]<br />

Cet ancien sergent US fut ensuite inculpé<br />

à New York de participation à un<br />

complot terroriste avec Ben Laden [22].<br />

« Si vous ou l'un de vos agents<br />

venait à être capturé, nous nierions<br />

avoir eu connaissances de vos agissements.<br />

» [23]<br />

[1] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

s.d., http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/CartesRegimeB<br />

ush.pdf, 770k)<br />

[2] : (Jean Bricmont, « La fin de la "fin de l’Histoire" »,<br />

Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, pp. 4-5, 65,<br />

rue du Midi – B-1000 Bruxelles)<br />

[3] : (Robert Gates, « From the Shadows : The Ultimate<br />

Insider's Story of Five Presidents and How They Won the<br />

Cold War », Simon & Schuster, 1997)<br />

[4] : (Vincent Jauvert, in [5])<br />

[5] : (Zbigniew Brzezinski, « Pourquoi et comment j'ai<br />

financé Ben Laden en Afghanistan », entretien avec<br />

Vincent Jauvert, Le nouvel Observateur, 20/1/1998,<br />

reprod. in http://www.confidentiel.net/breve.php3?id_br<br />

eve=1862)<br />

[6] : (Cf. John K Cooley, « CIA et Jihad 1950-2001. Contre<br />

l’U.R.S.S., une désastreuse alliance », Editions Autrement,<br />

2002, chap. VII)<br />

[7] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain.<br />

2ème partie. La restauration reaganienne (1980-1988),<br />

Ecologie Sociale la revue, n° 4, 5/2003, p. 21, (3,5 euros)<br />

(BP 642, F-85016 La Roche-sur-Yon Cedex))<br />

[8] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 46)<br />

[9] : (Michel Chossudovsky, « Qui est Oussama ben<br />

Laden ? », L'aut'journal, Montréal, 10/2001,<br />

http://www.globalresearch.ca/articles/CHO109E.html,<br />

565 A l’Ouest rien...


cité par Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001.<br />

L’effroyable imposture », Carnot, 3/2002, p. 122)<br />

[10] : (Eric Laurent, « La guerre des Bush. Les secrets<br />

inavouables d’un conflit », Plon, 1/2003, pp. 85-86)<br />

[11] : ((Eric Laurent, op. cit., p. 84)<br />

[12] : (Alain Gresh, « Guerres saintes », Le Monde diplomatique,<br />

9/1998, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/1998/09/GRESH/10954)<br />

[13] : (Charles Fourier, « L'Unité universelle », 1822, in t. 5,<br />

pp. 153-163, cité in « L'Attraction passionnée »,,<br />

J.J. Pauvert, Libertés, 1967, p. 185)<br />

[14] : (Le correspondant Gregg Palast, BBC Newsnight,<br />

7/11/2001 ; Le Monde diplomatique, 1/2002)<br />

[15] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 75)<br />

[16] : (Le Figaro, 31/10/2001)<br />

[17] : (Thierry Meyssan, « Macabre mise en scène »,<br />

Réseau Voltaire, 5/11/2001, http://www.voltairenet.org/<br />

article7614.html)<br />

[18] : (Serge Halimi, « Les cabris de Maastricht », Acrimed,<br />

30/9/2004, note d’Acrimed, http://www.acrimed.org/arti<br />

cle1770.html#nb1)<br />

[19] : (« Conférence de presse à la Maison-Blanche.<br />

George W. Bush sur la défensive », 16/4/2004, Voltaire,<br />

19/4/2004, pp. 2, 4, http://www.voltairenet.org/article1<br />

3433.html)<br />

[20] : (Alain Gresh, « Guerres saintes », Le Monde diplomatique,<br />

9/1998, p. 1, http://www.monde-diplomatique.fr/1998/09/GRESH/10954)<br />

[21] : (Canal +)<br />

[22] : (Reuter, 21/5/1999)<br />

[23] : (Rengaine de la série TV US Mission Impossible)<br />

L’affaire<br />

est bien<br />

connue.<br />

« Dépendanteéconomiquement,<br />

[l’Amérique U.S.] a besoin d’un<br />

niveau de désordre qui justifie sa présence<br />

politico-militaire dans l’Ancien<br />

Monde. [...]<br />

L’expansionnisme militaire soviétique<br />

constituait le problème essentiel pour les<br />

démocraties et justifiait à lui seul le rôle<br />

des Etats-Unis, protecteurs du monde<br />

libre. » [1] [Voir « Vodka Cola », p. 558]<br />

« La théorie du complot islamique mondial<br />

et du clash des civilisations a été pro-<br />

A l’Ouest rien... 566<br />

gressivement élaborée, depuis 1990,<br />

pour fournir une idéologie de remplacement<br />

au complexe militaro-industriel<br />

états-unien après l'effondrement de<br />

l'URSS [2] [Voir « Gladio contre les immigrés<br />

», p. 269]. [... Elle progresse grâce<br />

à l'ignorance.]<br />

Très rares sont les États-uniens qui<br />

savent que l'Indonésie est le premier État<br />

musulman au monde. Peut-on raisonnablement<br />

dire qu'Abou Dhabi et Dubaï<br />

sont moins modernes que le Kansas ?<br />

Peut-on sincèrement affirmer que le<br />

Bahreïn est moins démocratique que la<br />

Floride ? L'un des ressorts de ce discours<br />

est d'assimiler l'islam à l'Arabie du VIII e<br />

siècle, mais [vient-il] à l'esprit de quiconque<br />

d'assimiler le christianisme à<br />

l'Antiquité proche-orientale ? » [3]<br />

« Les attentats du 11 septembre 2001<br />

[Voir « Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 610],<br />

imputés par l'administration Bush à un<br />

"complot islamiste", ont été interprétés<br />

aux États-Unis et en Europe comme la<br />

première manifestation d'un "clash des<br />

civilisations" [...], comme Pearl [Harbor]<br />

[fut] la première bataille de la Seconde<br />

Guerre mondiale vue des États-Unis » [3]<br />

[Voir « Pearl Harbor, mi amor », p. 533].<br />

« Le monde arabo-musulman serait entré<br />

en guerre contre le monde judéo-chrétien.<br />

[...] Au cours de [cette] Quatrième<br />

Guerre mondiale [...], les batailles militaires<br />

classiques disparaissent au profit<br />

des guerres asymétriques : une unique<br />

puissance, leader de tous les États, combat<br />

un terrorisme non-étatique [réputé]<br />

omniprésent [... Cette lutte est présentée<br />

comme] une insurrection des démocraties<br />

contre la tyrannie islamiste qui opprime<br />

le monde arabo-musulman et tente<br />

d'imposer le Califat mondial. » [3]<br />

« Le choc des civilisations n’est pas une<br />

réalité mais il se pourrait bien le devenir<br />

si de telles idées se généralisaient. » [4]


« L'expression "clash des civilisations" est<br />

apparue pour la première fois dans un<br />

article de l'orientaliste Bernard Lewis, en<br />

1990 aimablement intitulé Les racines<br />

de la rage musulmane [5].<br />

Le propos est lancé : l'islam ne donne<br />

rien de bon et les musulmans en conçoivent<br />

une amertume qui se transforme en<br />

fureur contre l'Occident. Mais la victoire<br />

des États-Unis est certaine, ainsi que la<br />

libanisation du Proche-Orient et le renforcement<br />

d'Israël. [...] En France,<br />

Bernard Lewis a été membre de la très<br />

atlantiste Fondation Saint-Simon [6] [Voir<br />

« Preuves à l'appui », p. 574]<br />

[... Grâce au au professeur Samuel<br />

Huntington,] la notion de clash des civilisations<br />

[...] est passée d'un discours<br />

néo-colonial sur la suprématie de l'homme<br />

blanc à la description d'un affrontement<br />

mondial dont l'issue est incertaine<br />

[7]. [...] Il ne s'agit plus seulement<br />

de se battre contre les musulmans, mais<br />

d'abord contre eux, puis contre le<br />

monde chinois.<br />

567 A l’Ouest rien...


[... Huntington est un stratège apprécié.]<br />

En 1969-70, Henry Kissinger [Voir<br />

« Kissinger, le faucon masqué », p. 545],<br />

qui apprécie son goût pour les actions<br />

secrètes, le fait nommer à la Commission<br />

présidentielle pour le développement<br />

international [Presidential Task Force on<br />

International Development]. Il préconise<br />

un jeu dialectique entre le département<br />

d'État et les multinationales : le premier<br />

devra exercer des pressions sur les pays<br />

en voie de développement pour qu'ils<br />

adoptent des législations libérales et<br />

renoncent aux nationalisations, tandis<br />

que les secondes devront faire profiter le<br />

département d'État de la<br />

connaissance qu'elles ont<br />

des pays où elles sont<br />

implantées [8]. [...]<br />

En 1974, Henry Kissinger<br />

[9] le fait nommer à la<br />

Commission des relations<br />

USA-Amérique latine. Il<br />

participe activement à la<br />

mise en place des régimes<br />

des généraux<br />

Augusto Pinochet au Chili<br />

et Jorge Rafael Videla en<br />

Argentine. Il teste pour la<br />

première fois son modèle<br />

social et prouve qu'une<br />

économie dérégulée est<br />

compatible avec une dictature militaire<br />

[Voir « On scanda : "Le fascisme ne passera<br />

pas" ? Mais l’opération Condor<br />

passa ! », p. 550]. [... Il rédige] La Crise<br />

de la démocratie [10] dans lequel il se<br />

prononce pour une société plus élitiste,<br />

où l'accès aux universités serait raréfié et<br />

la liberté de la presse contrôlée. » [3]<br />

[Voir « Tambour battant », p. 638]<br />

On saura donc promouvoir la diffuson<br />

de ses théories justificatives, notamment<br />

celle du clash des civilisations.<br />

Et en France aussi, on va de l'avant. « En<br />

1989, le lancement dans un établisse-<br />

A l’Ouest rien... 568<br />

ment scolaire de Creil, de "l’affaire des<br />

foulards islamiques" [avec son utilisation<br />

par Nicolas Sarkozy [11] [Voir « Le syndrome<br />

de Narkozy », p. 664], et en<br />

1991, la guerre du Golfe (avec l’inquiétude<br />

sur l’"attitude" de la "communauté<br />

musulmane en France"), ont été le prétexte<br />

au développement d’une rhétorique,<br />

désormais réactivée à chaque<br />

occasion, du "choc des civilisations" [...].<br />

Le retour de la droite au pouvoir en<br />

1993 (jusqu’en 1997) et la série d’attentats<br />

islamistes algériens en 1995, dans<br />

lesquels des jeunes descendants d’immigrés<br />

algériens étaient impliqués [Voir<br />

« Algérie aux éclats »,<br />

p. 248], vont encore renforcer<br />

ce passage à la<br />

rhétorique de la menace,<br />

à la fois dans le débat<br />

public et dans leurs traductions<br />

journalistiques.<br />

D’autant que la principale<br />

source d’information<br />

des journalistes [...] est la<br />

police » [12].<br />

La diffusion mondiale de<br />

cette « théorie sousentend<br />

en premier lieu<br />

que l'islam [confondu ici<br />

avec l’islamisme] n'est<br />

pas modernisable [...,]<br />

indissociable de la société arabe au VIII e<br />

siècle dont [il] perpétue les structures,<br />

notamment le statut inférieur des<br />

femmes. Elle ne conçoit son expansion<br />

que par la violence sur le modèle des<br />

guerres du Prophète. [...]<br />

Corrélativement, cette théorie [du "Choc<br />

des Civilisations"] repose sur la croyance<br />

dans "les valeurs de l'Amérique" [... ;] un<br />

pays dont la Constitution ne reconnaît<br />

pas la souveraineté populaire [13], dont<br />

le président n'est pas élu mais nommé,<br />

où la corruption des parlementaires n'est<br />

pas interdite mais réglementée [14], où


des justiciables peuvent être tenus au<br />

secret, qui entretient un camp de<br />

concentration à Guantanamo [15] [Voir<br />

« Sensible Privation », p. 516], qui pratique<br />

la peine de mort et la torture [Voir<br />

« Outplacement », p. 513], où les<br />

patrons des grands journaux reçoivent<br />

hebdomadairement leurs ordres de la<br />

maison-Blanche [16], qui bombarde des<br />

populations civiles en Afghanistan [Voir<br />

« Fumeux ? C'est de l'afghan ! », p. 598],<br />

qui kidnappe un président démocratiquement<br />

élu à Haïti [17], qui finance des<br />

mercenaires pour renverser des régimes<br />

démocratiques au Venezuela [18] et à<br />

Cuba [19], [etc.] » [3]<br />

« Cette lutte du Bien et du Mal trouve<br />

son point de cristallisation à Jérusalem.<br />

C'est en effet là que, à l'issue de<br />

l'Armageddon, doit avoir lieu le retour<br />

du Christ qui marquera le triomphe de la<br />

"destinée manifeste" [20] des États-Unis,<br />

"seule nation libre sur terre" [20], chargée<br />

par la Divine Providence d'apporter<br />

"la lumière du progrès au reste du<br />

monde" [20]. Dès lors le soutien inconditionnel<br />

à Israël face au terrorisme islamiste<br />

est un devoir patriotique et religieux<br />

pour tout citoyen états-unien,<br />

même si les juifs ne peuvent espérer le<br />

salut qu'à travers la conversion au christianisme.<br />

» [3] [Voir « Terror is<br />

Real », p. 603]<br />

« Cette exaltation de la dimension religieuse<br />

et morale (choc des cultures, plutôt<br />

que choc des idées) est une idée<br />

ancienne. Elle est fausse, mais elle tire sa<br />

force de sa simplicité. Ce non-sens intellectuel<br />

devient une réalité historique. Le<br />

faux devient le vrai. » [21]<br />

On sait bien qu’on fait tout pour : « "La<br />

politique des Etats-Unis au Moyen-Orient<br />

alimente le ressentiment islamique", a<br />

déclaré [à huis clos, en <strong>2005</strong>,] l’amiral<br />

Lowell Jacoby, devant la commission du<br />

Renseignement du Sénat américain. [...<br />

Et ce patron] des 7 000 officiers et analystes<br />

du service de renseignement militaire<br />

(la DIA, qui dépend du<br />

Pentagone) » [22] « d’ajouter : "Une<br />

écrasante majorité, au Maroc, en<br />

Jordanie et en Arabie Saoudite, estime<br />

que les Etats-Unis ont une politique<br />

néfaste vis-à-vis du monde arabe."<br />

[... Et c'est efficace ! Le] centre national<br />

de contre-terrorisme créé par Bush<br />

(NCTC) a recensé 651 attentats "importants",<br />

de par le monde en 2004.<br />

Soit trois fois plus que l’année précédente.<br />

» [22]<br />

« "Les Américains jouent un jeu dangereux",<br />

affirme [dès 2002] un diplomate<br />

français. Lequel estime qu’une guerre ne<br />

déplairait pas aux partisans de Ben<br />

Laden. Selon eux, elle provoquerait le<br />

sursaut du monde musulman qu’ils<br />

appellent de leurs vœux. » [23]<br />

L'ancien ministre des Affaires étrangères<br />

« Hubert Védrine [... constate déjà, fin<br />

2002, sur le] Proche-Orient : "[...]<br />

L’alliance de la droite et de l’extrême<br />

droite, tant aux Etats-Unis qu’en Israël,<br />

est presque parvenue à détruire le processus<br />

de paix. [...]" » [24].<br />

« Car chaque avancée du chaos sert les<br />

extrémistes. Ceux-ci ont désormais beau<br />

jeu d’alimenter leur propagande, non<br />

seulement anti-américaine, mais antidémocratique.<br />

L’Irak leur sert aujourd’hui<br />

de contre-exemple idéal. La liberté ?<br />

C’est la pagaille. La démocratie ? Une<br />

imposture, le masque derrière lequel se<br />

dissimulent les appétits des mécréants<br />

occidentaux, l’instrument d’une nouvelle<br />

conquête coloniale. A bas la démocratie<br />

! » [25]<br />

George W. Bush, de son côté, l'affirme<br />

humblement : « L'Amérique doit diriger,<br />

même si cela déplaît à certains. Ceux-là<br />

mêmes qui apprécieront davantage un<br />

569 A l’Ouest rien...


monde en paix, grâce à la volonté des<br />

Etats-Unis de lutter contre Al Qaida et<br />

d'œuvrer pour des sociétés libres en Irak<br />

et dans les territoires palestiniens. » [26]<br />

Il faut s'en donner les moyens.<br />

« L'idéologie de la "Guerre globale au<br />

terrorisme" [...] implique un déploiement<br />

des services secrets états-uniens dans les<br />

États alliés comparable à celui qui avait<br />

été mis en place en son temps pour combattre<br />

le communisme. » [27] [Voir « Un<br />

réseau secret », p. 38]<br />

« L'Occident [... ne s'oppose plus à] l'Est,<br />

mais [à] l'Orient. [... Or], l'Australie et le<br />

Japon sont politiquement occidentaux,<br />

comme d'ailleurs deux États européens à<br />

population musulmane, la Turquie et la<br />

Bosnie-Herzégovine. [... Dans] de nombreux<br />

États, et particulièrement alentour<br />

de la Méditerranée, il est impossible de<br />

distinguer actuellement civilisation<br />

judéo-chrétienne et civilisation arabomusulmane.<br />

La guerre des civilisations<br />

suppose donc que l'on suscite des<br />

guerres civiles pour séparer les populations.<br />

De ce point de vue, une expérience<br />

réussie a été réalisée en<br />

Yougoslavie. [...]<br />

Le contrôle judéo-chrétien de Jérusalem<br />

est un talisman nécessaire à la victoire<br />

globale. Si l'Occident perdait la ville sainte,<br />

il perdrait la force pour accomplir sa<br />

destinée manifeste, sa mission divine.<br />

Réciproquement, si les musulmans perdaient<br />

le contrôle de La Mecque, leur<br />

religion se déliterait. Bien [sûr], tout ça<br />

n'est pas très rationnel, mais ces superstitions<br />

sont omniprésentes dans les<br />

médias populaires états-uniens. Elles<br />

s'inscrivent aussi dans un discours politique<br />

structuré.<br />

Le 10 juillet 2002, Donald Rumsfeld et<br />

Paul Wolfowitz ont convoqué la réunion<br />

trimestrielle du Comité consultatif de la<br />

politique de Défense. Seule une douzai-<br />

A l’Ouest rien... 570<br />

ne de membres est présente. On y écoute<br />

un exposé d'un expert français de la<br />

Rand Corporation, Laurent Murawiec :<br />

Mettre les Séoud hors d'Arabie [..., qui]<br />

propose une stratégie : les Saoud détiennent<br />

à la fois le pétrole [...], les pétrodollars<br />

et la garde des lieux saints. Ils sont le<br />

pilier central et unique autour duquel<br />

s'organise le monde arabo-musulman.<br />

En se débarrassant d'eux, les Etats-<br />

Unis peuvent récupérer le pétrole dont<br />

ils ont besoin pour leur économie, l'argent<br />

provenant du pétrole qu'ils ont<br />

eu tort de payer par le passé, et surtout<br />

les lieux saints, donc le contrôle<br />

de la religion musulmane. Et lorsque<br />

l'islam se sera effondré, Israël pourra<br />

annexer l'Égypte. [...]<br />

Cette réunion a fait grand bruit.<br />

L'ambassadeur d'Arabie saoudite a<br />

demandé des explications et M. Perle,<br />

organisateur de cette réunion, a été prié<br />

de se faire plus discret quelques temps et<br />

M. Murawiec a été invité à quitter la<br />

Rand Corporation. Quoi qu'il en soit<br />

cette réunion avait été convoquée par<br />

Rumsfeld et Wolfowitz en pleine<br />

connaissance de cause. Il s'agissait seulement<br />

de tester jusqu'où le Pentagone<br />

peut aller. » [3] Mais patientons...<br />

[1] : (Emmanuel Todd, « Après l’empire », Gallimard,<br />

9/2002, pp. 72-73)<br />

[2] : (« "Choc des civilisations", racisme », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/mot615.html?lang=fr ;<br />

amnesty international, « Les dérives identaitaires », Papiers<br />

libres, <strong>2005</strong>, pp. 9-10, http://www.amnestyinternational.be/doc/IMG/pdf/PL05_1ere_partie.pdf)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Un plan pour étendre l'hégémonie<br />

US. La Guerre des civilisations », Voltaire, 4/6/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article14101.html)<br />

[4] : (Maurice Zavaro, « Un choc de civilisations ? », Justice<br />

n° 169, 11/2001, p. 4 (Syndicat de la magistrature, 12-14,<br />

rue Charles-Fourier, F-75013 Paris ))<br />

[5] : (Bernard Lewis, « The Roots of Muslim Rage » (« Les<br />

racines de la rage musulmane »), Atlantic Monthly,<br />

9/1990 ; Bernard Lewis, « The Middle East and The West »<br />

(« Le Moyen-Orient et l'Occident »), Weidenfeld &<br />

Nicholson, 1963 (an Encounter Book))


[6] : (Denis Boneau, « Cercles d’influence atlantistes en<br />

France. La face cachée de la Fondation Saint-Simon »,<br />

Voltaire, 10/2/2004, http://www.voltairenet.org/article1<br />

2431.html)<br />

[7] : (Pf Samuel Huntington, « The Clash of Civilizations ? »<br />

(« Le clash des civilisations ? »), Foreign Affairs, 1993 ;<br />

« The West Unique, Not Universal » (« L'Occident est<br />

unique, pas universel »), Foreign Affairs, 1996 ; « The<br />

Clash of Civilizations and the Remaking of World Order »<br />

(« Le clash des civilisations et le remodelage de l'Ordre du<br />

monde »), 1996)<br />

[8] : (Pf Samuel Huntington, « The United States in<br />

Changing World Economy », US Governement Printing<br />

Office, 1971)<br />

[9] : (Voir Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001. Le<br />

retour d’Henry Kissinger », Voltaire, 28/11/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8780.html)<br />

[10] : (Crozier, Huntington et Watanuki, « The Crisis of<br />

Democracy », New York Press University, 1975)<br />

[11] : ( Voir « Le relais français du “clash des civilisations”.<br />

Nicolas Sarkozy agite le voile islamique », Voltaire,<br />

20/1/2004, http://www.voltairenet.org/article11977.html)<br />

[12] : (Eric Macé, « Le traitement médiatique de la sécurité »,<br />

in Laurent Mucchielli et Philippe Robert (dir.), « Crime et<br />

sécurité. L’état des savoirs », La Découverte, 2002, p. 37)<br />

[13] : (Voir « Machines à voter. Le système électoral US en<br />

question », Voltaire, 23/1/2004, http://www.voltairenet.org/article12215.html)<br />

[14] : (Voir Arthur Lepic, « Démocratie de marché. Ces<br />

intérêts privés qui gouvernent les États-Unis », Voltaire,<br />

28/4/2004, http://www.voltairenet.org/article13592.html)<br />

[15] : ( Voir « Torture des prisonniers afghans. Images officielles<br />

du pays de la liberté », Voltaire, 22/1/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article7634.html)<br />

[16] : (Veille Documentaire n° 108, « Négocier la censure<br />

», Voltaire, 13/1/2003, http://www.voltairenet.org/arti<br />

cle8893.html)<br />

[17] : (Voir Thierry Meyssan, « Washington et Paris renversent<br />

Aristide. Coup d’État en Haïti », Voltaire, 1/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12713.html)<br />

[18] : (Voir Aram Aharonian, « Les paramilitaires colombiens<br />

au Venezuela. De la guerre médiatique à la lutte armée »,<br />

Voltaire, 27/5/2004, http://www.voltairenet.org/article1<br />

4030.html)<br />

[19] : (Voir Philip Agee, « Terrorisme et manipulation de la<br />

société civile. Les États-Unis en guerre de basse intensité<br />

contre Cuba », Voltaire, 10/9/2003, http://www.voltairenet.org/article10389.html)<br />

[20] : (John O’Sullivan, 31/5/1845, cité in « "Manifest<br />

Destiny" : feuille de route impériale », Voltaire,<br />

31/5/2004, http://www.voltairenet.org/article14019.html)<br />

[21] : (Le Dessous des Cartes, « 21e siècle : La politique<br />

étrangère depuis le 11 septembre », réal. Alain Jomier,<br />

Arte, 1/2003, reprod. in « Etats-Unis, une géographie<br />

impériale », arte video, in fine)<br />

[22] : (Claude Angeli, « La gênante franchise des généraux<br />

de Bush », Le Canard enchaîné, 20/7/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[23] : (« La musique va passer par Londres », Le Canard<br />

enchaîné, 18/9/2002, p. 3)<br />

[24] : (« Védrine le désenchanté », Le Canard enchaîné,<br />

4/9/2002, p. 2)<br />

[25] : (Jean-Luc Porquet, « Le chaos vainqueur par KO »,<br />

Le Canard enchaîné, 24/9/2003, p. 5, d’après Daniel<br />

Brumberg, « Moyen-Orient, l’enjeu démocratique »,<br />

Michalon, 2003)<br />

[26] : (Propos recueillis par Trude B. Feldman/IPS, Charles-<br />

Henri D'Andigné et Jean-Christophe Buisson, in « Le président<br />

américain se veut l'héritier des valeurs pour lesquelles<br />

les Etats-Unis ont toujours combattu. », Le Figaro<br />

Magazine, 17/7/2004)<br />

[27] : (« La France autorise l'action des services US sur son<br />

territoire », Voltaire, 9/3/2004, p. 2, http://www.voltairenet.org/article12786.html)<br />

tonton sam<br />

« La crainte américaine que la subversion<br />

interne chez les alliés ne viennent<br />

saper l’hégémonie politique et économique<br />

des Etats-Unis, fut l’une des raisons<br />

qui amena Washington à mettre<br />

sur pied un service secret, la Central<br />

Intelligence Agency (CIA). » [1]<br />

On fit appel à de célèbres avocats d'affaires<br />

anticommunistes et qui n'avaient<br />

pas froid aux yeux. « De fait, les frères<br />

Dulles ont représenté avant l’éclatement<br />

de la Seconde Guerre mondiale la plupart<br />

des banques liées au régime<br />

nazi. » [2] « Nommé secrétaire d'État<br />

[ministre des Affaires étrangères] du président<br />

Eisenhower en 1953, après avoir<br />

attaqué violemment l'inefficacité des<br />

démocrates dans la lutte contre le communisme<br />

(les élections sont marquées<br />

par la défaite en Corée), John [Foster]<br />

Dulles partage les convictions violemment<br />

anticommunistes du sénateur<br />

Joseph McCarthy (dont [la "chasse aux<br />

571 A l’Ouest rien...


sorcières"] sera interrompue en 1954), et<br />

fait de ce combat l'axe principal de la<br />

politique américaine. » [3]<br />

La toute jeune CIA sait vite répondre<br />

aux problèmes qui se posent : « Le<br />

Guatemala est le premier producteur de<br />

bananes et de fruits tropicaux des<br />

Caraïbes, son unique ressource, mais<br />

toutes ses terres, toute son économie,<br />

sont aux main de la United Fruit<br />

Company [...]. En juin 1954, [... le président<br />

guatémaltèque] Jacobo Arbenz<br />

Guzmán instaure une taxe sur les exportations<br />

et décide<br />

une réforme<br />

agraire<br />

(le Décret<br />

900) qui<br />

oblige [...]<br />

la United<br />

Fruit Company<br />

à<br />

céder une<br />

partie importante<br />

de ses<br />

terres en<br />

friche [...].<br />

En réponse, un véritable coup d'état est<br />

[...] mis sur pied lors d’une réunion entre<br />

le Président Einsenhower et les frères<br />

Dulles, qui occupent au gouvernement<br />

américain les deux postes les plus importants<br />

: Allen Dulles [Voir « Gai Gehlen »,<br />

p. 93] est le numéro un de la CIA et<br />

siège au conseil d'administration de<br />

United Fruit ; son frère John Foster<br />

Dulles dirige le Département d'Etat. Par<br />

ailleurs, les frères Dulles possèdent le<br />

plus important cabinet juridique de Wall<br />

Street et ont pour client United Fruit.<br />

Ainsi, la CIA renverse Arbenz Guzman et<br />

installe à sa place une junte militaire dirigée<br />

par le Général Carlos Castillo<br />

Armas. » [4]<br />

A l’Ouest rien... 572<br />

John « Foster Dulles, ministre des<br />

Affaires étrangères, et son frère Allen à la<br />

C.I.A., ensemble jusqu’à la mort du premier<br />

en 1959, - et Allen seul pendant<br />

trois ans encore -, ont inspiré et dirigé la<br />

politique étrangère et la guerre froide<br />

américaine plus que la Maison-Blanche,<br />

le Pentagone et les cadres du<br />

Département d’Etat réunis. Sous leur<br />

règne, c’est vraiment la C.I.A. qui [...]<br />

devient un Etat dans l’Etat, un "gouvernement<br />

secret des Etats-Unis" [5] exerçant<br />

une police, prétendant à des<br />

immunités<br />

judiciaires,<br />

noyautant<br />

des universités,<br />

des<br />

organisationsciviques,possédant<br />

des<br />

stations de<br />

télévision<br />

et de radio,<br />

des maisonsd’édition…<br />

et<br />

des auteurs<br />

à sa solde. » [6] [Voir « Preuves à<br />

l'appui », p. 576]<br />

Et si « on parle si volontiers des échecs<br />

de la CIA, […tel le] débarquement manqué<br />

de la baie des Cochons à Cuba, […<br />

on oublie facilement ses] victoires [...].<br />

En 1953, en Iran, avec l'aide du MI.6 britannique,<br />

rétablissement du shah d'Iran<br />

sur son trône. La même année, aux<br />

Philippines, installation au pouvoir du<br />

président Magsaysay auquel, en 1957,<br />

succédera pour près de trente ans le dictateur<br />

Marcos. En 1954, au Guatemala,<br />

remplacement du démocrate Jacobo<br />

Arbenz par le général Castillo Armas -<br />

des décennies de répression sanglante<br />

en découleront. En 1956, installation


dans toute l'Europe de l'Ouest des<br />

réseaux secrets [Gladio] sous couverture<br />

de l'OTAN [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38] [...]. En 1964, au Brésil, renversement<br />

du chef de l'Etat démocratiquement<br />

élu, Joao Goulart, pour le remplacer<br />

par le militaire Castillo Branco - les<br />

"escadrons de la mort" suivront [Voir<br />

« On scanda : "Le fascisme ne passera<br />

pas" ? Mais l’opération Condor passa<br />

! », p. 550].<br />

En 1965, en Indonésie, après avoir vainement<br />

tenté de l'assassiner et avoir<br />

essayé de le discréditer en produisant un<br />

film pornographique à son propos,<br />

l'Agence parvient à renverser le leader<br />

Sukarno [... Avant] de rester plus de trente<br />

ans en place, [son successeur] le<br />

général Suharto mène une répression<br />

qui fera, selon les estimations, entre<br />

300 000 et un million de morts. En<br />

1967, c'est à Athènes que Georghios<br />

Papadopoulos, agent de la CIA, instaure<br />

pour près de sept ans le "régime des<br />

colonels" [Voir « Est bien, mon colon ! »,<br />

p. 97]. [... L'année] où tombe Papadopoulos,<br />

c'est Pinochet qui s'installe au<br />

Chili. » [7] Ce dernier dirigera le premier<br />

pays soumis au néolibéralisme, avant<br />

que Tatcher et Reagan n’en fassent<br />

autant chez eux.<br />

Il y eut aussi « plusieurs opérations mysté<strong>rieuse</strong>s,<br />

dont la plus retentissante fut<br />

révélée en 1985 par le New York Times,<br />

puis confirmée par une enquête menée<br />

par le Sénat. Cette année-là, la [...] CIA<br />

fut compromise dans un attentat à la voiture<br />

piégée dirigé contre le cheikh<br />

Mohamed Hussein Fadlallah, dans la<br />

banlieue sud de Beyrouth. Un attentat<br />

qui coûta la vie à 68 personnes, en blessa<br />

près de 250, qui fut imputé à Israël<br />

dans le silence des revendications… et<br />

qui manqua sa cible ! » [8] Allons ! Avec<br />

une telle maladresse, on ne saurait être<br />

bien redoutable...<br />

Au total, les « gouvernements américains<br />

successifs se sont [ainsi] lancés dans [de<br />

nombreuses] campagnes d’interventions<br />

militaires et de déstabilisations politiques<br />

[et] il faut beaucoup de bonne volonté<br />

pour n’y voir qu’une volonté d’endiguer<br />

le communisme (qu’est-ce que des<br />

gouvernements comme ceux de Goulart<br />

au Brésil, de Mossadegh en Iran ou<br />

d’Arbenz au Guatémala avaient à voir<br />

avec le communisme ?). » [9]<br />

On doit aussi pouvoir se financer. Une<br />

bonne association pour faciliter les<br />

choses. Ainsi, la CIA « avait [aussi] pour<br />

alliés les seigneurs de la drogue, qu’elle<br />

recruta pour ses opérations contre la<br />

Chine communiste, au nord de la<br />

Birmanie en 1950, puis de 1965 à 1975,<br />

c’est-à-dire pendant la guerre du<br />

Vietnam, au Nord Laos. Forts de la protection<br />

de la CIA, les seigneurs de la<br />

drogue se muèrent de producteurs<br />

locaux d’opium en principaux fournisseurs<br />

des Etats-Unis. Ni la police locale ni<br />

la Drug Enforcement Agency (DEA) ne<br />

perturbaient en effet leur trafic. » [10]<br />

[Voir « Pour la drogue, donc contre »,<br />

p. 144]<br />

Par ailleurs, « Reagan, Bush [père] et<br />

l’appareil clandestin, reconnecté à la présidence<br />

depuis l’arrivée au pouvoir du<br />

tandem républicain [après une parenthèse<br />

"démocrate"] – organisent la vente<br />

secrète d’armes à l’Iran, contrepartie promise<br />

en échange du report de la libération<br />

des otages de Téhéran [libérés après<br />

l’élection de Reagan]. C’est [donc,] dans<br />

la lignée d’October surprise [Voir « La<br />

BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

Group ! », p. 525], [cette] affaire de<br />

l’Irangate, laquelle met en relation deux<br />

aires géopolitiques "ciblées" par l’appareil<br />

: l’Amérique centrale (Nicaragua et<br />

Honduras) et le Moyen-Orient (Iran,<br />

573 A l’Ouest rien...


Afghanistan et Pakistan). En effet, les<br />

contras qui, au Nicaragua, luttent contre<br />

le gouvernement sandiniste avec l’aide<br />

de la C.I.A., sont financés par l’argent<br />

des ventes d’armes à l’Iran, ainsi que par<br />

les dons de riches Saoudiens. Cette<br />

connexion passe notamment par la<br />

B.C.C.I., la fameuse banque arabo-pakistanaise,<br />

qui a noué de multiples contacts<br />

avec l’establishment américain depuis la<br />

fin des années 1970. » [11]<br />

Des « avions venus des Etats-Unis apportaient<br />

des armes, des vivres et des équipements<br />

aux Contras du front du sud<br />

basés au Costa Rica, puis repartaient en<br />

Colombie. A leur retour [dans ce pays],<br />

ils transportaient des chargements de<br />

cocaïne fournis par le cartel de Medellin<br />

; ceux-ci étaient livrés dans des ranchs<br />

du nord du pays, qui appartenaient à un<br />

citoyen des Etats-Unis, John Hull. Celui-ci<br />

soutenait les rebelles du Nicaragua, en<br />

étroite liaison avec la CIA et le Conseil<br />

national de Sécurité (NSC), comme on le<br />

découvrit lorsqu’un avion de transport<br />

du gouvernement américain s’écrasa<br />

près du ranch et que ses sept occupants<br />

furent tués. » [12]<br />

Enfin, comme à l'Est, les « services »<br />

peuvent faire les rois. « Bush [...] père<br />

[..., avant d’être] président des Etats-<br />

Unis [...,] avait été DCI, donc chef de la<br />

CIA (1976-1977). Seul hôte de la<br />

Maison-Blanche à avoir précédemment<br />

régné sur Langley. » [7] Ça facilite le<br />

népotisme.<br />

[1] : (Stef Janssens & Jan Willems, « La matraque de<br />

l'OTAN », in Jan Willems dir., « Dossier Gladio », E.P.O. -<br />

Reflex, Bruxelles, 1991, p. 145)<br />

[2] : (Mark Aarons et John Loftus, « Des Nazis au Vatican »,<br />

Olivier Orban, 1991, p. 325)<br />

[3] : (Thierry Meyssan, « Le coup d’État du 13 mai 1958.<br />

Quand le stay-behind portait De Gaulle au pouvoir »,<br />

Notes d'information du Réseau Voltaire, n° 231-232,<br />

27/08/2001, p. 18 n. 2, http://www.voltairenet.org/articl<br />

e8694.html)<br />

[4] (http://fr.wikipedia.org/wiki/Guatemala)<br />

[5] : (David Wise et Thomas B. Ross, « The Invisible<br />

A l’Ouest rien... 574<br />

Government », Ed . Random House, New York, 1964,<br />

trad. fr. « Le gouvernement secret des USA », Fayard,<br />

1966)<br />

[6] : (Pierre Nord, « L’Intoxication », Rencontre, 1971,<br />

réed. le livre de poche, 1976, p. 452)<br />

[7] : (Alain Guérin, « Terrorisme. La carence constatée des<br />

services américains fournit le prétexte à un retour en<br />

grâce des coups fourrés et autres liquidations expéditives.<br />

», L'Humanité, 6/10/2001, http://www.humanite.fr<br />

/journal/2001-10-6/2001-10-6-251386)<br />

[8] : (Jean-François Brozzu-Gentile, « L'Affaire Gladio, les<br />

réseaux secrets américains au cœur du terrorisme en<br />

Europe », Albin Michel, 3/1994, pp. 149-150)<br />

[9] : (Jean Bricmont, « La fin de la "fin de l’Histoire" »,<br />

Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, p. 4 (65, rue<br />

du Midi, B-1000 Bruxelles))<br />

[10] : (Fabrizio Calvi et Frédéric Laurent, « France Etats-<br />

Unis 50 ans de coups tordus », Albin Michel, 3/2004,<br />

p. 256)<br />

[11] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain.<br />

2ème partie. La restauration reaganienne (1980-1988),<br />

Ecologie Sociale la revue, n°4, 5/2003, p. 20, (3,5 euros)<br />

(BP 642, F-85016 La Roche-sur-Yon Cedex))<br />

[12] : (Alain Labrousse, « La drogue, l’argent et les<br />

armes », Fayard, 5/1991, p. 460)<br />

Après qu'on eût promu des dirigeants<br />

amis, amis ... avaient-ils tous su le<br />

rester ?<br />

Non. Pas « Rafaël Léonidas Trujillo [... ni]<br />

Ngo Dinh [Diem,] qui régnèrent respectivement<br />

trente et un ans sur Saint-<br />

Domingue (1930-1961) et neuf ans sur<br />

le sud du Vietnam (1954-1963) [... Deux<br />

cas similaires] car, dans les deux cas,<br />

après avoir soutenu le premier et mis en<br />

place le second, l'Agence dut les éliminer<br />

- deux "termination with extreme<br />

prejudice" » [2].<br />

Il en fut presque de même pour le général<br />

Noriega, président panaméen et<br />

ancien ami de Bush père, qui avait « été<br />

utilisé par les Etats-Unis - en particulier


par le directeur de la CIA William Casey<br />

et par le lieutenant-colonel Oliver North<br />

- comme un précieux<br />

relais dans<br />

l’approvisionnement<br />

en armes de<br />

la Contra nicaraguayenne.<br />

Ce faisant, les services<br />

américains -<br />

DEA en tête -<br />

avaient complaisamment<br />

fermé les<br />

yeux sur les activités<br />

illégales de<br />

Noriega, devenu<br />

l’un des plus puissants<br />

barons de la<br />

cocaïne sur le<br />

continent américain. Dans le même<br />

temps, la Contra elle-même percevait<br />

une partie des bénéfices engrangés sur<br />

le marché nord-américain de la cocaïne.<br />

L’explosion du crack dans les ghettos de<br />

Los Angeles sera l’une des retombées<br />

indirectes du "Contragate" [3] » [4] Mais<br />

on saura bien recycler le sentiment d'insécurité<br />

qui en découlera...<br />

« Au faîte de sa collaboration avec la<br />

Central Intelligence Agency, Noriega est<br />

grassement rémunéré (on parle de<br />

100 000 à 200 000 dollars par an) [... ;]<br />

à ses contacts avec les barons des cartels<br />

colombiens vient s’ajouter le trafic<br />

d’armes. En outre, il fait de son pays une<br />

gigantesque machine à laver l’argent<br />

sale de toutes provenances. En 1982,<br />

Manuel Noriega devient client de la filiale<br />

de la BCCI à Panama. [... En février<br />

1988, les juges de Miami et Tampa<br />

(Floride)] inculpent [...] - fait extraordinaire<br />

- le chef de l’Etat panaméen de<br />

blanchiment de l’argent de la drogue.<br />

Alors que le cyclone judiciaire BCCI se<br />

rapproche des Etats-Unis [Voir « La BCCI<br />

est morte ? Vive le Carlyle Group ! »,<br />

p 525], Manuel Noriega devient l’homme<br />

à abattre.<br />

En décembre<br />

1989, George<br />

Bush père, alors à<br />

la Maison-Blanche,<br />

déclenche » [4]<br />

« la spectaculaire<br />

et sanglante opération<br />

"Juste cause"<br />

» [5], pendant<br />

qu’on regardait à<br />

la télévision les<br />

vrais-faux charniers<br />

de Timisoara.<br />

« Plus de 25 000<br />

marines sont<br />

dépêchés à Panama<br />

pour y capturer<br />

le Président-dealer » [4], « le plus fort<br />

contingent, à l'époque depuis la guerre<br />

du Vietnam [... Plus] de 500 panaméens,<br />

dont au moins 200 civils. » [5] et « 23<br />

militaires américains [...] sont abattus, et<br />

Noriega parvient à trouver refuge à la<br />

nonciature apostolique (l’ambassade du<br />

Vatican à Panama) [6] [... avant de] se<br />

rendre, le 3 janvier 1990.<br />

Jugé, [... il] a été condamné aux Etats-<br />

Unis à 40 années de prison » [4]. « Le trafic<br />

de drogue n'a pas diminué pour<br />

autant. Il a même doublé [... les deux<br />

années suivantes] bien que les saisies de<br />

cocaïne effectuées au Panama aient<br />

quintuplé [en 1991] par rapport à<br />

1989. » [5] [Voir « Fumeux ? C'est de<br />

l'Afghan ! », p. 598]<br />

« Engagé dans un destin comparable,<br />

Oussama Ben Laden connaîtra-t-il le<br />

même sort ? » [2] [Voir « L’ami Ben<br />

Laden », p. 563]<br />

[1] : (Rutebeuf, « La complainte Rutebeuf », v. 109, XIII e s.)<br />

[2] : (Alain Guérin, « Terrorisme. La carence constatée des<br />

services américains fournit le prétexte à un retour en<br />

grâce des coups fourrés et autres liquidations expéditives.<br />

», L'Humanité, 6/10/2001, http://www.humanite.fr<br />

/journal/2001-10-6/2001-10-6-251386)<br />

575 A l’Ouest rien...


[3] : (Gary Webb, « Dark Alliance : The Story behind the<br />

Crack Explosion », San Jose Mercury News, 8/1996, puis<br />

« Dark Alliance. The CIA, the Contras and the Crack<br />

Cocaine Explosion », Ed. Paperback, 7/1999)<br />

[4] : (« "Bank of Colombian Cocaine Industry" : l’affaire<br />

BCCI » , Le Matin, 15/8/2002, reprod. in confidentiel.net,<br />

http://www.confidentiel.net/article.php3?id_article=236,<br />

d'après Denis Robert et Ernest Backes, « Révélation$ », Les<br />

Arènes, 2/2001)<br />

[5] : (Le Monde, 12 13/7/1992, p. 6)<br />

[6] : (« Noriega protégé par le Vatican : Jean-Paul II est son<br />

prête-nonce ! », Le Canard enchaîné, n° 3609,<br />

27/12/1989)<br />

Même si on divague parfois en imaginant<br />

« comment la CIA a utilisé la culture<br />

comme arme » [1], interessons<br />

nous comme Bourdieu au « rôle de la<br />

revue Preuves qui, financée par la<br />

CIA, a été patronnée par de grands<br />

intellectuels français, et qui, pendant<br />

20 à 25 ans – pour que quelque<br />

chose de faux devienne évident, cela<br />

prend du temps -, a produit inlassablement,<br />

à contre-courant au début,<br />

des idées qui sont peu à peu devenues<br />

évidentes. » [2]<br />

« Pour contrer l'influence soviétique en<br />

Europe, les États-Unis ont constitué, à la<br />

[... Libération], un réseau d'élites proaméricaines.<br />

La CIA a ainsi financé le<br />

[“]Congrès pour la liberté de la culture[“],<br />

par lequel sont passés de nombreux<br />

intellectuels européens, au premier rang<br />

desquels Raymond Aron et Michel<br />

Crozier. [...] Des intellectuels, écrivains,<br />

journalistes, artistes se réunissent afin de<br />

réaliser un programme diplomatique<br />

A l’Ouest rien... 576<br />

dont l'objectif est la défaite idéologique<br />

du marxisme. Des revues, des séminaires<br />

médiatisés, des programmes de<br />

recherche, la création de bourses universitaires,<br />

le développement de réseaux<br />

de relations [informels,] permettent à<br />

l'organisation d'avoir un impact réel<br />

dans les milieux universitaires, politiques,<br />

artistiques [...].<br />

Avec cette [méthode], qui n'est pas sans<br />

rappeler le mouvement technocratique<br />

des "synarques" dans les années 1930<br />

[Voir « Jouer le jeu vainement ? »,<br />

p. 229], [ce Congrès] se fait le porteparole<br />

d'une vision alternative de l'avenir,<br />

"ni de gauche, ni de droite" selon<br />

l'expression de Raymond » [3] « [Aron,]<br />

érigé au rang de modèle des élégances<br />

politiques » [4]. « "Qu'on soit de gauche<br />

ou de droite, on est hémiplégique" disait<br />

Raymond Aron. Qui était de droite. » [5]<br />

« Les intellectuels français du Congrès<br />

s'expriment [donc] à travers la revue » [3]<br />

« Preuves, publication quasi-officielle du<br />

Congrès pour la liberté de la culture<br />

» [3]. Mais, en « 1967, éclate [...] le<br />

scandale du financement occulte [de<br />

cette institution], rendu public, en pleine<br />

guerre du Vietnam [...]. Au même titre<br />

que le Plan Marshall, [...] et le volet militaire<br />

du stay-behind, [ce Congrès] a<br />

contribué à installer durablement en<br />

Europe, dans le contexte de la Guerre<br />

froide, des agents dépendants des crédits<br />

états-uniens chargés de concrétiser<br />

la diplomatie d'ingérence imaginée à<br />

Washington.<br />

Une collaboration qui se poursuit<br />

aujourd'hui en France par l'intermédiaire<br />

de l'aide apportée par les fondations<br />

états-uniennes [... à certains groupes<br />

d'intellectuels] après l'effondrement de<br />

l'Union soviétique » [3], car « ces réseaux<br />

ont été réactivés par l'administration<br />

Bush. » [3]


« Issue des milieux anti-communistes de<br />

la Guerre froide, la Fondation Saint-<br />

Simon [Voir « Simoniaques clercs qui trahissent<br />

» in Liquidation Totale n° 0] [...]<br />

a permis la construction d'un réseau<br />

durable de relations et de soutien<br />

mutuel entre des élites culturelles, politiques<br />

et économiques » [3] et « a discrètement<br />

rassemblé en France, [..., de<br />

1982 à 1999], des personnalités politiques,<br />

économiques, culturelles et<br />

médiatiques. Entre autres [...] : Pierre<br />

Rosanval-lon, Alain Minc, Francis Mer,<br />

Serge July, Laurent Joffrin, Luc Ferry,<br />

Alain Finkielkraut,<br />

[...] Jean Drucker,<br />

Président de M6,<br />

Jean-Pierre Elkabbach<br />

d'Europe 1,<br />

Bernard Spitz de<br />

la direction de<br />

Canal +, Anne<br />

Sinclair » [3] « ou<br />

encore Christine<br />

Ockrent. » [3]<br />

Dès « sa création<br />

et probablement<br />

à l'insu de la plupart<br />

de ses membres, la Fondation Saint-<br />

Simon est organiquement articulée aux<br />

réseaux atlantistes. Elle adhère en effet à<br />

un réseau de fondations animé par la<br />

CIA, puis indirectement par la National<br />

Endowment for Democracy [7] : le Club<br />

de La Haye » [3], « un réseau international<br />

de think-tanks animé par la CIA [...<br />

Cette] Fondation Saint-Simon a éclipsé<br />

les intellectuels de la gauche non-atlantiste<br />

et imposé une forme de pensée<br />

unique en France. » [3] Ainsi, elle « exerça<br />

un véritable magistère sur la vie intellectuelle<br />

et médiatique française. [...]<br />

[... Dans] la rhétorique saint-simonienne<br />

[..., par exemple,] la société multiculturelle<br />

se substitue à la laïcité et [...] l'équité<br />

remplace l'égalité [...]. L'accès aux<br />

médias, presse écrite et audiovisuelle<br />

[Voir « Tambour battant », p. 638],<br />

constitue une autre facette du pouvoir<br />

des saint-simoniens. » [3] Cette « Fondation<br />

[...] dépasserait ainsi les oppositions<br />

droite-gauche en pratiquant un<br />

œcuménisme de bon aloi (qui exclut<br />

toutefois les communistes, l’extrême<br />

gauche et [apparemment] l’extrême<br />

droite). » [6]<br />

« Après l'échec de la candidature d'Édouard<br />

Balladur [soutenue par Charles<br />

Pasqua] à la présidence de la<br />

République, [..., le] projet Juppé de<br />

réforme du système<br />

des retraites<br />

provoque une<br />

vague de manifestations<br />

» [3].<br />

Les « grèves de<br />

1995 posent [...]<br />

un véritable défi<br />

pour la Fondation<br />

Saint-Simon qui<br />

devient l'instrument<br />

de communication<br />

de la<br />

CFDT. [En effet,]<br />

Nicole Notat, la secrétaire générale du<br />

syndicat, décide d'appuyer [largement]<br />

le projet [...].<br />

Le plan de manipulation médiatique [...]<br />

aboutit à un double échec qui va justifier<br />

la dissolution du groupe des saint-simoniens<br />

: d'une part, les réformes prônées<br />

par Juppé et Notat sont bloquées [...], et<br />

d'autre part [la] Fondation, en mobilisant<br />

ses troupes sur le champ médiatique,<br />

a perdu son anonymat. » [3] Et<br />

maintenant, les élites médiatiques parleraient<br />

librement, en dehors de toute<br />

influence similaire... ?<br />

[1] : (Jacqueline Kay , « Comment la CIA a utilisé la culture<br />

comme arme contre la gauche au sortir de la<br />

deuxième guerre mondiale », 14/7/2003, reprod. in<br />

http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=2416,<br />

577 A l’Ouest rien...


compte-rendu du livre de Frances Stonor Saunders, « Who<br />

paid the Piper ? », 2002, trad. fr. « Qui mène la danse ?<br />

Culture, guerre froide et CIA », Denoel Impacts, 2003)<br />

[2] : (Pierre Bourdieu, « Le mythe de la "mondialisation"<br />

et l’Etat social européen », reprod. in « Contre-feux », Liber<br />

Raisons d’agir, 3/1998, p. 35)<br />

[3] : (Denis Boneau, « Enquête sur les réseaux d'influence<br />

états-uniens. Quand la CIA finançait les intellectuels européens<br />

», Voltaire, n° 10, 27/11/2003, http://www.voltairenet.org/article11249.html)<br />

[4] : (Michel Surya, « Portrait de l’intellectuel en animal de<br />

compagnie. De la domination, 3 », Farrago, 4/2000,<br />

p. 24)<br />

[5] : (Pierre Desproges, « Vous-même », reprod. in<br />

http://www.dialogus2.org/DES/vousmeme.html)<br />

[6] : (Vincent Laurent, « Les architectes du social-libéralisme<br />

», Le Monde diplomatique, 9/1998, pp. 1, 26-27,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/1998/09/LAU-<br />

RENT/10967)<br />

[7] : (Cf. Thierry Meyssan, « La Fondation états-unienne<br />

pour la démocratie. La NED, nébuleuse de l’ingérence<br />

"démocratique" », voltaire.net, 22/1/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12196.html)<br />

L'influence culturelle atlantiste sur les<br />

syndicats français n'a pas attendu la<br />

CFDT de 1995.<br />

« Dès le début de la Guerre froide, les<br />

États-Unis se sont appliqués à neutraliser<br />

l'influence soviétique dans le mouvement<br />

syndical européen. S'appuyant sur<br />

l'AFL-CIO, une organisation qui tient plus<br />

de la corporation de branche que du<br />

syndicat de classe, la CIA a fait exploser<br />

la CGT française et a financé la dissidence<br />

de Force ouvrière. Puis, l'Agence a<br />

regroupé les centrales atlantistes européennes<br />

au sein d'une Confédération<br />

A l’Ouest rien... 578<br />

des syndicats libres. Le système a été<br />

ultérieurement étendu à l'Afrique et à<br />

l'Asie. L'opération a été dirigée par Irving<br />

Brown [Voir « Foccart t’a joué », p. 129],<br />

responsable du réseau stay-behind<br />

en Europe [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38]. [...]<br />

Irving Brown devient un membre important<br />

de l'AFL [...]. Son premier fait<br />

d'armes concerne la France [..., alors<br />

qu'elle] connaît d'importantes turbulences<br />

sociales une fois l'état de grâce de<br />

la Libération disparu. Les grèves de<br />

Renault d'avril-mai 1947 font éclater l'accord<br />

de gouvernement entre le Parti<br />

communiste français, la SFIO et le MRP.<br />

Paul Ramadier révoque les ministres<br />

communistes, et plonge la vie politique<br />

dans une instabilité menaçante. [...]<br />

Washington profite de l'occasion : la<br />

CIA aborde le secrétaire général de la<br />

CGT, Léon Jouhaux, à l'occasion de son<br />

voyage à l'ONU. Jouhaux accepte de<br />

provoquer la scission qui donnera naissance<br />

à Force ouvrière, en 1948, et<br />

affaiblira durablement le syndicalisme<br />

français. » [1]<br />

« En même temps que la [CIA] paye les<br />

équipes de truands pour casser les<br />

grèves et décharger ses navires pleins de<br />

surplus américains que le plan Marshall<br />

destine à l'Europe, ses agents aident [en<br />

effet] à la scission entre communistes et<br />

socialistes au sein de la [CGT]. » [2]<br />

« Un groupe de militants anti-soviétiques<br />

joue un rôle central dans la scission : il<br />

s'agit de [certains] trotskistes récupérés<br />

par le stay-behind [Voir « Jospin dans la<br />

gueule », p. 224]. Pendant la Seconde<br />

Guerre mondiale, après la rupture du<br />

Pacte germano-soviétique, ils avaient fait<br />

le choix, autour d'Henri Molinier, de<br />

lutte contre Staline en adhérant à l'ultracollaborationniste<br />

Mouvement social révolutionnaire<br />

(MASR) d'Eugène Delon-


cle et Eugène Schueller » [1] [Voir<br />

« Cagoule. L'Art », p. 32].<br />

« Sous l'impulsion d'Irwing Brown, ils<br />

constituent en 1953 un nouveau parti,<br />

le MPPT, autour de Pierre Boussel-<br />

Lambert. Ces militants obtiennent bientôt<br />

des emplois dans des Caisses d'assurance-maladie<br />

et se consacrent à l'encadrement<br />

de FO.<br />

À la même époque, "la SFIO marseillaise<br />

a elle aussi profité des dollars de la CIA<br />

qui, par exemple, renflouent le journal<br />

Le Populaire, le quotidien socialiste à<br />

l'échelle nationale" [3]. Les activités<br />

d'Irving Brown sont en effet particulièrement<br />

visibles dans la région marseillaise,<br />

alors au cœur de la French connection<br />

qui gère à l'époque l'essentiel du trafic<br />

mondial d'héroïne [Voir « Delouette, je<br />

te plumerai », p. 153]. Ses financements<br />

viennent en général directement de la<br />

CIA » [1].<br />

Des liens se sont noués durablement. Et<br />

on peut maintenant traiter autrement les<br />

espoirs syndicalistes. A la mi-avril 2002<br />

[Voir « Entre deux », p. 322], « Marc<br />

Blondel [...] refusait de donner toute<br />

consigne de vote, "conformément à la<br />

tradition de FO". Avant d’indiquer que<br />

son syndicat ne participerait pas à la<br />

manifestation unitaire du 1 er Mai. [...<br />

Pourtant,] en 1969, [... par exemple,] FO<br />

avait appelé à voter "non" au référendum<br />

dont le résultat avait conduit de<br />

Gaulle à abandonner la politique. [...]<br />

André Bergeron, [prédécesseur de<br />

Blondel, avait durablement siégé] au<br />

conseil d’administration de l'Institut<br />

d’histoire sociale, une officine crée par<br />

d’anciens collabos ou d’anciens socialistes<br />

passés à Vichy. [... En 2002, on a<br />

aussi] découvert parmi les journalistes de<br />

l’organe maison "FO Hebdo", un collaborateur<br />

qui a eu Le Pen pour témoin de<br />

mariage et un autre, Nicolas Tandler,<br />

candidat aux législatives dans les<br />

Yvelines sous la banière du Front national.<br />

Sans parler de la création d’une section<br />

syndicale FO à l’hebdo d’extrême<br />

droite "Minute". » [4]<br />

Par ailleurs, la tricherie des dirigeants<br />

des syndicats centralisés pouvait encore<br />

étonner en 1999 : Georges Séguy, « exsecrétaire<br />

de la CGT [...,] reçoit de la<br />

CRIP [Caisse de retraite interprofessionnelle,<br />

sans y avoir cotisé,] une pension<br />

trimestrielle complémentaire de plus de<br />

18 000 F [2 700 euros], contre 2 500 F<br />

[375 euros] en moyenne pour les autres<br />

retraités de cette caisse. » [5]<br />

Reste que le spectre de la grève générale<br />

hante les craintes. « Le "service minimum"<br />

dans les transports [... refait souvent]<br />

surface en période pré-électorale<br />

pour réchauffer le cœur de cette "France<br />

qui bosse dur", [...] brisée par "une poignée<br />

de professionnels de la grève" [6]<br />

[... L’ex-PDG] d’Air France Christian<br />

Blanc, [...] député UDF, [a déposé en<br />

2004 un projet de] loi visant à garantir<br />

un flux tendu à cette ardeur [...] :<br />

"Instaurer un service minimum dans les<br />

services publics est une [...] réforme [...]<br />

évidemment populaire." [7] [...] Gilles de<br />

Robien, le ministre des Transports, s’est<br />

[... auparavant, fin 2003,] offert un tour<br />

d’Europe, accompagné par des syndicalistes<br />

serviables, [... pour voir comment]<br />

démonter le droit de grève.<br />

Le "modèle italien" a [... alors] enthousiasmé<br />

[...] la quasi-totalité des journaux<br />

télévisés : six heures de service normal<br />

les jours de grève grâce aux réquisitions,<br />

cent quarante jours par an interdits de<br />

grève, des préavis déposés au minimum<br />

vingt jours à l’avance, des grèves limitées<br />

dans le temps et la durée... Le tout<br />

chapeauté par une commission de<br />

"garantie" (sic) du droit de grève [dotée]<br />

du pouvoir d’interdire un grève au der-<br />

579 A l’Ouest rien...


nier moment, et qui [... a sanctionné<br />

pour l'exemple] les cheminots du syndicat<br />

COMU, condamnés en 1999 à<br />

300 000 euros d’amende.<br />

Depuis cette date, [cette] commission<br />

peut également poursuivre les délégués<br />

syndicaux en tant que personnes physiques.<br />

[... Or,] pour enterrer le droit de<br />

grève, le gouvernement italien a bénéficié<br />

du solide appui des confédérations<br />

syndicales, [... afin] de bâillonner les syndicats<br />

autonomes.<br />

[... Moins commode] en France. C’est<br />

pourquoi le gouvernement, aidé par les<br />

médias, préfère travailler au corps une<br />

opinion déjà chauffée à blanc lors du<br />

dernier conflit sur les retraites [..., présentant]<br />

74 % "d’opinions favorables au<br />

service minimum" [8] [... On va donc]<br />

revendiquer la nécessaire "continuité<br />

des services publics" [... et] tailler en<br />

pièce ces mêmes services. La casse du<br />

droit de grève pourrait aussi permettre<br />

d’accélérer la privatisation des chemins<br />

de fer, en poussant vers l’illégalité une<br />

contestation sociale qui, dans ce secteur,<br />

[n’a] pas encore disparu. [...] Ça donne<br />

envie. » [9]<br />

Mais tout ça reste de la précarisation à<br />

visage humain. Un pays satellite des<br />

Etats-Unis donne pourtant l'exemple : «<br />

En Colombie, les "terroristes" assassinés<br />

par les paramilitaires d'extrême-droite<br />

qui font le sale travail des multinationales<br />

pendant que l'armée officielle<br />

ferme les yeux sont des syndicalistes :<br />

[au moins] 120 [en 2002], 3 800 [entre]<br />

1986 [et 2002]. "Les syndicalistes opposés<br />

à la ZLEA risquent la mort" [10].<br />

» [11] Et ça continue depuis. Ailleurs,<br />

pour l’instant, on fait moins bien [12].<br />

[1] : (Paul Labarique, « Ingérence syndicale. AFL-CIO ou<br />

AFL-CIA ? », Voltaire, n° 131, 3/6/2004, http://www.voltairenet.org/article14074.html)<br />

[2] : (Alain Jaubert, « Dossier D… comme Drogue », Alain<br />

A l’Ouest rien... 580<br />

Moreau, 1973, pp. 50-51)<br />

[3] : (Alain Jaubert, op. cit., p. 51)<br />

[4] : (« Blondel s’est fait remonter les bretelles », Le Canard<br />

enchaîné, 7/5/2002, p. 2)<br />

[5] : (Alain Guédé, Le Canard enchaîné, 20/10/1999, p. 4)<br />

[6] (http://stoplagreve.com)<br />

[7] : (Le Figaro, 4/12/2003)<br />

[8] : (JDD/Ifop, 7/12/2003)<br />

[9] : (Fred Michel, « Le droit de grève pris en otage »,<br />

CQFD n° 7, 12/2003, http://www.cequilfautdetruire.org/<br />

article.php3?id_article=38)<br />

[10] : (La Presse, 30/10/2002)<br />

[11] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo »,<br />

Terre d’escale, 9/2/2003)<br />

[12] : (Le Canard enchaîné, 16/8/2006, p. 4)<br />

Pascal Bruckner dénonce, après le<br />

second tour des élections présidentielles<br />

[de 2002], « "la connivence<br />

entre l'extrême droite et l'extrême<br />

gauche liées par la même haine de<br />

l'Amérique, des marchés et de la<br />

démocratie parlementaire" et [fait] cet<br />

amer bilan de la gauche au pouvoir :<br />

"Malgré nos débauches récentes de<br />

bonne volonté envers les humbles et les<br />

sans-grade, la catastrophe a eu lieu." [1]<br />

Un seul mot d'ordre, donc : halte à la<br />

débauche ! » [2]<br />

Bruckner a aussi « défendu la guerre en<br />

Irak en assimilant Le Monde diplomatique<br />

à un fan-club nazi : "Si le débarquement<br />

de juin 1944 avait lieu de nos<br />

jours, gageons que l’oncle Adolf jouirait<br />

de la sympathie d’innombrables humanistes<br />

et radicaux de la gauche extrême<br />

au motif que l’Oncle Sam tenterait de<br />

l’écraser." [3] Enfin Pascal Bruckner a<br />

signé, toujours dans Le Monde, un texte


de soutien à Donald Rumsfeld. Cette<br />

fois, il l’a fait avec les deux autres ruines<br />

intellectuelles qui traînaient dans les<br />

parages, Goupil et Glucksmann [4]. » [5]<br />

Le cinéaste Romain Goupil « ancien<br />

contestataire trotskiste qui rêve de dîner<br />

avec Laura Bush à la Maison-Blanche<br />

[…] braille partout à la télé son amour<br />

de la guerre et de l'Amérique. […]<br />

Goupil peut surtout compter sur Edwy<br />

Plenel. Le Roi du téléachat, qui […] lui<br />

ouvre les colonnes du Monde dès qu'il a<br />

une bêtise à écrire, en général avec<br />

Bruckner et Glucksmann. […] Romain en<br />

est certain, les Irakiens adorent les obus<br />

américains à uranium enrichi : "Ne parlez<br />

pas à la place de ceux qui s'expriment<br />

aujourd'hui à Bagdad et qui<br />

disent : "Nous attendons les bombardements<br />

pour enfin parler"" [6] » [7]<br />

Ce ventriloque avait raison : On a pu<br />

enfin entendre « US Go home ! »<br />

[1] : (Pascal Bruckner, « Pédagogie de la peur », Le Monde<br />

8/5/2002)<br />

[2] : (« Les éclaireurs du peuple (3) Pascal Bruckner »,<br />

Acrimed, 8/5/2002, http://www.acrimed.org/article377.<br />

html)<br />

[3] : (Pascal Bruckner, « Paradoxal pacifisme », Le Monde,<br />

4/2/2003)<br />

[4] : (Pascal Bruckner, André Glucksmann et Romain<br />

Goupil, « Saddam doit partir, de gré ou de force ! », Le<br />

Monde, 4/3/2003)<br />

[5] :(« Pascal Bruckner définit le courage », PLPL, n° 14,<br />

p. 9, 4/2003, http://www.homme-moderne.org/plpl/n14<br />

/p9.html)<br />

[6] : (France Inter, 20/3/2003)<br />

[7] : (« La laisse d’or », PLPL, n° 14, p. 1, 4/2003,<br />

http://www.homme-moderne.org/plpl/n14/p1-1.html)<br />

C’était six ans avant l'attaque du<br />

Pentagone. « Le 19 avril 1995 […le]<br />

siège du FBI à Oklahoma City, était<br />

soufflé par une violente explosion,<br />

tuant cent soixante-huit personnes. »<br />

[1] L’attentat « ne date que de quelques<br />

heures. La chaîne de télévision américaine<br />

CBS News a pourtant déjà identifié<br />

les suspects. "On peut parier qu'il s'agit<br />

là d'une action terroriste qui a son origine<br />

au Proche-Orient […]. L'attaque d'aujourd'hui<br />

est semblable à celle qui a frappé<br />

le World Trade Center en 1993 et à<br />

celle dont les forces américaines à<br />

Beyrouth ont été victimes dans les<br />

années 80. C'est pourquoi les enquêteurs<br />

cherchent, ici dans le Midwest, les<br />

liens qui pourraient exister avec le terrorisme<br />

du Proche-Orient." Ces liens,<br />

[…on] les expose aussitôt, images d'archives<br />

à l'appui ». [2] « Le gouvernement<br />

américain, à dessein ou non, semble<br />

encourager la presse dans cette voie<br />

[…]. C'est donc dans cette direction<br />

qu'experts et journalistes revenaient […]<br />

en soulignant à quel point les attentats<br />

du World Trade Center et d'Oklahoma<br />

City se ressemblent. » [3]<br />

Mais bientôt, pourtant, « il n'y a plus,<br />

apparemment, de "piste islamique" ou<br />

"proche-orientale". […] Pour l'Amérique,<br />

cette découverte n'est pas facile à accepter<br />

et le traumatisme sera peut-être plus<br />

grand encore : il aurait été tellement<br />

581 A l’Ouest rien...


plus commode de pouvoir accuser le<br />

"terrorisme international", par définition<br />

étranger, et souvent anonyme, de l'attentat<br />

le plus meurtrier jamais commis<br />

sur le territoire des Etats-Unis. […<br />

Exeunt] donc, relâchés, ces hommes aux<br />

noms et à l'"apparence" "proche-orientale"<br />

[… L’auteur du massacre] Timothy<br />

McVeigh avait été arrêté une heure et<br />

demie après l'explosion […] pour excès<br />

de vitesse et défaut de plaque minéralogique.<br />

» [4]<br />

Ce fut donc inopinément « Timothy<br />

McVeigh qui fut reconnu comme principal<br />

responsable (il aurait eu un seul complice<br />

[Terry Nichols]...) de cet attentat<br />

[et] condamné à mort a été exécuté le<br />

11 juin [2001] » [5]. « Mais on découvre<br />

que le FBI, qui avait infiltré le groupe de<br />

McVeigh, avait évacué ses bureaux<br />

avant l'explosion sans informer les autres<br />

occupants de l'immeuble. De plus, la<br />

presse filme dans les décombres deux<br />

bombes « sophistiquées », alors que la<br />

A l’Ouest rien... 582<br />

thèse officielle se borne à un camion<br />

piégé au nitrate [d'ammonium]. » [6]<br />

« Malgré les indices laissant penser que<br />

les deux hommes n'avaient pu agir seuls<br />

et avaient disposé de l'appui d'une organisation,<br />

les enquêteurs arrêtèrent leurs<br />

recherches. Au cours du procès, Timothy<br />

McVeigh s'appliqua à endosser toute la<br />

responsabilité […]. Son avocat demanda<br />

la révision de son procès, après qu'il se<br />

soit rétracté et ait décidé de révéler les<br />

complicités dont il avait bénéficié. Mais<br />

les 4000 <strong>page</strong>s de documents sur ce<br />

sujet furent soustraites par le FBI. La sentence<br />

fut néanmoins confirmée et<br />

McVeigh exécuté.<br />

McVeigh était un brillant soldat. Pendant<br />

la guerre du Golfe, il […] assura la sécurité<br />

rapprochée du général Norman<br />

Schwarzkopf. […] Revenu aux États-<br />

Unis, […] il fut sélectionné par le staybehind<br />

au vu de son mental exceptionnel.<br />

Il suivit une formation à Fort Bragg<br />

[Voir « Aux paies, c’est l’O.P.C. », p. 45],<br />

puis à Fort Benning, où il se lia d'amitié<br />

avec Terry Nichols. Les deux hommes<br />

furent enrôlés dans une organisation<br />

secrète interne au stay-behind : les<br />

Forces spéciales clandestines (Special<br />

Forces Underground). […]<br />

Dans un éditorial publié fin 1999, The<br />

Resister, publication de la Major General<br />

Edwin A. Walker Society [vitrine légale<br />

des Special Forces Underground], développait<br />

une violente critique de la politique<br />

étrangère et de défense du président<br />

Clinton. En conclusion, l'auteur<br />

anonyme assignait comme prochain<br />

objectif aux Special Forces Underground<br />

de détruire le Pentagone. […] La revue<br />

cimente le "mouvement patriote" et de<br />

nombreuses milices d'extrême droite.<br />

L'opinion publique américaine en apprit<br />

l'existence après qu'on eut arrêté un lecteur<br />

assidu : Timothy McVeigh » [1].


[1] : (« Les Forces spéciales clandestines. Une dissidence<br />

terroriste au cœur de l'appareil militaire atlantiste »,<br />

Notes d’Information du Réseau Voltaire, n° 235-236,<br />

27/9/2001, http://www.voltairenet.org/article7611.html)<br />

[2] : (Serge Halimi, « Experts en terrorisme », Le Monde<br />

diplomatique 7/1995, p. 11)<br />

[3] : (Laurent Zecchini, « Deux suspects sont recherchés<br />

dans le cadre de l'enquête d'Oklahoma City », Le Monde<br />

22/4/1995, p. 2)<br />

[4] : (Laurent Zecchini, « Un membre d'une milice extrémiste<br />

inculpé pour l'attentat d'Oklahoma City », Le Monde<br />

23-24/4/1995, p. 2)<br />

[5] : (« Les forces spéciales terroristes du réseau "Stay<br />

Behind" », Les Enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

28/9/2001, d’après [1])<br />

[6] : (« Questions sans réponses à Oklahoma City »,<br />

22/4/2004, Voltaire, 23/4/2004, p. 1, http://www.voltairenet.org/article13446.html)<br />

Atlantisme<br />

« L’engin, placé dans un sac, a explosé pendant un concert en plein air [...] : Le<br />

premier bilan dressé par le FBI faisait état de deux morts et d’une centaine de blessés.<br />

Le vice-président du Comité international olympique a annoncé que les Jeux<br />

allaient continuer. [...] La déflagration s’est produite en direct devant les caméras<br />

de télévision. Plusieurs milliers de jeunes se pressaient au concert. » [1]<br />

« Au lendemain du crime [...], le président [William] Clinton a [...] appelé [...] les<br />

alliés européens des Etats-Unis à prendre des sanctions contre des Etats que<br />

Washington accuse de soutenir ou de pratiquer le terrorisme. [... Et alors] que le<br />

président bénéficie d’un réflexe d’union nationale derrière sa personne, il entend<br />

[...] soumettre [...] au Congrès [...] une loi facilitant les écoutes téléphoniques [...<br />

Pourtant, le] FBI ne paraît guère avoir de doute sur la filière à remonter. Il s’agirait,<br />

une fois de plus, de celle des "milices", ces groupuscules armés [de l’extrême]<br />

droite américaine » [2]. Une fois de plus.<br />

[1] : (« Attentats à la bombe dans le centre d’Atlanta », Le Monde, 28-29/7/1996, p. 1)<br />

[2] : (« Les Etats-Unis appellent l’Europe à sanctionner les pays soupçonnés de soutenir le terrorisme. A Atlanta, le FBI<br />

suspecte les "milices" de l’extrême droite américaine », Le Monde, 30/7/1996, p. 1)<br />

583 A l’Ouest rien...


On connaît Bush père et fils. Le<br />

« grand-père, Prescott, a conquis<br />

ses premiers gros dollars<br />

comme associé de Thyssen, le<br />

banquier privé d’Hitler.<br />

Sa spécialité : faire tourner les<br />

mines de zinc de Pologne et<br />

d’Allemagne exploitées par des prisonniers<br />

de guerre, et racheter<br />

des entreprises nazies. » [1]<br />

« Prescott Bush, [...], directeur<br />

exécutif chez Brown<br />

Brothers Harriman (dirigé<br />

par Averell Harriman, marié<br />

à la mère de Winston<br />

Churchill [2]), conduisit les<br />

opérations bancaires du gouvernementnational-socialiste<br />

à Wall Street. L’Union<br />

Banking Corporation, filiale<br />

d’Harriman dirigée par<br />

Prescott Bush, était l’antenne<br />

new-yorkaise du Thyssen-<br />

Flick German Steel Trust, une firme<br />

esclavagiste notoire [3]. » [4]<br />

« Le 20 octobre 1942, peu après l’entrée<br />

en guerre des Etats-Unis, l’Union Banking<br />

Corporation fit l’objet d’une saisie<br />

du gouvernement fédéral pour "commerce<br />

avec l’ennemi". [... Les] principaux<br />

associés [de Prescott Bush] et actionnaires,<br />

outre Roland Harriman, étaient<br />

trois cadres nazis, dont deux travaillaient<br />

pour Thyssen. » [5]<br />

A l’Ouest rien... 584<br />

« A l’époque, les avocats de Prescott<br />

Bush à Wall Street n’étaient autres que<br />

Allen Dulles (travaillant pour la banque<br />

Schroder, futur directeur de l’OSS, créateur<br />

de la CIA et futur président de la<br />

Rockfeller Foundation) et John Foster<br />

Dulles, son frère. » [4] [Voir « Sied à<br />

ravir », p. 571]<br />

« George, le papa, se serait, lui, associé<br />

avec un certain Alid Ben Maflous,<br />

patron d’une banque, la BCCI [Voir « La<br />

BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

Group ! », p. 525], par où transitait les<br />

bénéfices de la mafia, du cartel de<br />

Medellin, du trafic d’opium. Plus celui<br />

destinés aux terroristes saoudiens.<br />

Ces gens-là auraient largement<br />

dépanné George Double Iou<br />

chaque fois qu’il a eu des revers,<br />

c’est-à-dire souvent. La famille Ben<br />

Laden est là, omniprésente. » [1]<br />

Détail plus anodin, concernant<br />

le fils Bush : il « avait été arrêté<br />

pour détention de cocaïne,<br />

en 1972. Or, selon les lois<br />

locales, ce délit aurait dû lui<br />

valoir une privation de droits<br />

civiques, il n'aurait donc pas<br />

dû avoir le droit de se présenter<br />

au gouvernorat du<br />

Texas et à la présidence des<br />

États-Unis. » [6] Allons ! Ne<br />

soyons pas intransigents !<br />

[1] : (Bernard Thomas, « La guerre ? Servez<br />

show ! », Le Canard enchaîné, 29/1/2003, p. 7,<br />

d’après Eric Laurent, « La guerre des Bush. Les<br />

secrets inavouables d’un conflit », Plon, 1/2003)<br />

[2] : (Andrew Pierce & Tom Rhodes, « The Times<br />

Newspaper », 19/2/1997, www.churchill-society-london.org.uk/wscminor.html)<br />

[3] : (Webster G. Tarpley & Anton Chaitkin, « George<br />

Bush : The Unauthorized Biography », Progressive Press,<br />

10/2004 (1992), http://www.padrak.com/alt/BUSH-<br />

BOOK.html)<br />

[4] : (« Esquisse synoptique du gouvernement mondial »,<br />

in « Le gouvernement mondial. Etats post-nationaux,<br />

réseaux d’influence, biocratie », pp. 4-5, éd. Homnisphères,<br />

http://utangente.free.fr/index2.html)<br />

[5] : (Eric Laurent, op. cit., p. 19)


[6] : ( James Hatfield, « Le Cartel Bush ou l'itinéraire d'un<br />

fils privilégié », trad. fr. Timéli, 2002, résumé,<br />

http://www.voltairenet.org/librairie/product_info.php?pr<br />

oducts_id=35&language=fr)<br />

« "L’internationale des faucons existe<br />

et elle devrait foutre la trouille à tout<br />

un chacun", affirme [en 2003] un<br />

ambassadeur français. "Bush, Sharon,<br />

Blair et quelques autres veulent un<br />

affrontement entre l’Occident et l’Islam<br />

[Voir « Bâtissons le "Choc des<br />

Civilisations" », p. 566]. Tous irresponsables<br />

ou fous : choisissez !" » [1]<br />

« Perle et Wolfowitz [... se côtoyaient<br />

depuis] 1976 au sein du "Team B", une<br />

équipe constituée autour du directeur<br />

de la CIA de l’époque, George Bush,<br />

pour évaluer l’ampleur de la menace<br />

soviétique et rédiger un rapport. Bush<br />

avait rassemblé au sein de ce groupe de<br />

partisans d’une ligne dure envers<br />

Moscou [... et ennemis de la politique de<br />

"détente". Leur rapport dépeignait] une<br />

Union soviétique [...] développant des<br />

programmes d’armes nouvelles dont en<br />

réalité elle ne se dota jamais.<br />

Par contre, l’analyse passait totalement<br />

sous silence les difficultés et les échecs<br />

croissants de l’économie soviétique.<br />

Les conclusions [...] : Moscou pouvait<br />

déclencher et gagner une guerre<br />

nucléaire. Les auteurs de ce texte le<br />

concevaient d’abord comme une arme<br />

politique pour contrer les partisans, à<br />

Washington, d’un contrôle des armements<br />

et d’une baisse des dépenses<br />

militaires. Paul Wolfowitz [... dit que] ce<br />

rapport était conçu comme "une<br />

attaque de guérilla contre la pensée<br />

conventionnelle [...]". » [2]<br />

Les faucons « annoncent ou prennent<br />

des décisions qui anticipent celles du<br />

Président [Bush] (Paul Wolfowitz, une<br />

semaine après le 11 septembre, déclarait<br />

que les Etats-Unis devaient en finir<br />

avec les Etats qui soutiennent le terrorisme).<br />

» [3]<br />

Les faucons « ont même réactivés l’inepte<br />

théorie "des dominos", en usage dans<br />

les années 60. Selon cette doctrine, le<br />

soutien américain au Sud-Vietnam devait<br />

empêcher les pays voisins de sombrer,<br />

un à un, dans le communisme. Bien vu :<br />

c’est exactement le contraire qui s’est<br />

produit. » [4]<br />

Aucun « des trois [principaux] faucons<br />

américains ne s’est jamais risqué personnellement<br />

sur un théâtre d’opérations.<br />

Comme Clinton, Bush junior a échappé<br />

tranquillos au Vietnam. Pilote dans l’aéronavale,<br />

le ministre de la Défense,<br />

Donald Rumsfeld n’est intervenu dans<br />

aucun conflit. Itou de son adjoint, l’ultrabelliciste<br />

Paul Wolfowitz, spécialiste<br />

de la guerre en<br />

chambre. En<br />

revanche, le seul<br />

ministre qui essaie<br />

de freiner – un<br />

tant soit peu – ce<br />

trio est aussi le<br />

seul qui ait connu<br />

le feu. [... C’est] le<br />

secrétaire d’Etat et ex-chef d’état-major<br />

Colin Powell. » [5] Il devra partir.<br />

1] : (Le Canard enchaîné, 12/3/2003, p. 3)<br />

[2] : (Eric Laurent, « La guerre des Bush », Plon, 2003,<br />

pp. 128-129)<br />

[3] : (Eric Laurent, op. cit., p. 129)<br />

[4] : (Patrice Lestrohan, « Pentagone. Les tonton Sam flingueurs<br />

», Le Canard enchaîné, 29/1/2003, p. 7, d’après<br />

585 A l’Ouest rien...


Bob Woodward, « Bush at war », trad. Corinne Julve,<br />

« Bush s'en va en guerre », réed. folio documents,<br />

2/2004)<br />

[5] : (Le Canard enchaîné, 5/2/2003, p. 8)<br />

Rumsfeld-Maréchal<br />

« Habile manœuvrier, Donald<br />

Rumsfeld s’est opposé au sein du<br />

Parti républicain au réalisme d’Henry<br />

Kissinger [Voir « Kissinger, le faucon<br />

masqué », p. 545]. Loin d’être belliciste<br />

par idéologie, ce disciple de<br />

Machiavel s’est fait faucon pour faire<br />

rêver les États-uniens de grandeur<br />

après l’humiliation du Vietnam.<br />

Mêlant politique et affaires avec son<br />

ami Franck Carlucci, il a accumulé<br />

influence et fortune. » [1] Notamment<br />

en êtant dirigeant d'industrie pharmaceutique<br />

[Voir « Charbonnier est<br />

maître chez lui », p. 590].<br />

« Écarté de la course à la Maison-<br />

Blanche au profit de George Bush<br />

père, il a poursuivi son chemin jusqu’à<br />

atteindre le pouvoir suprême<br />

dans l’ombre de sa marionnette,<br />

George Bush fils. » [1]<br />

« Secrétaire à la Défense, il prédit les<br />

attaques du 11 septembre deux<br />

minutes avant qu’elles ne surviennent<br />

[Voir « Surprise Surprise ! », p. 624].<br />

Puis il les instrumentalise pour augmenter<br />

les budgets militaires et ébaucher<br />

une armée spatiale capable de “dominer<br />

définitivement” la Terre. » [2] « C’est<br />

le premier vol de l’Aigle. » [3]<br />

[1] : (Paul Labarique, « Donald Rumsfeld, un Florentin<br />

au pouvoir », voltaire.net, 12/10/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article15031.html)<br />

[2] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/CartesRegimeBus<br />

h.pdf)<br />

[3] : (Dupin aîné, parlant du décret pris par le prince<br />

Louis Napoléon Bonaparte, portant confiscation des<br />

biens de la maison d’Orléans, le 22/1/1852)<br />

A l’Ouest rien... 586<br />

My Dick<br />

« En 1991, pendant la première guerre<br />

du Golfe, alors qu’il était ministre de la<br />

Défense, [Dick] Cheney a conseillé à<br />

papa Bush de ne pas pousser l’avantage<br />

jusqu’à Bagdad pour laisser Saddam<br />

Hussein en place. [... C’est] le plus puissant<br />

vice-président de l’histoire des Etats-<br />

Unis. [...]<br />

"Quand vous parlez à Cheney, c’est à<br />

moi que vous parlez. Quand Cheney<br />

parle, c’est moi qui parle", aime à répéter<br />

Bush. [...] Comme son patron,<br />

Cheney a su, dans les années 60, actionner<br />

toutes les ficelles du sursis pour ne<br />

pas partir au Vietnam. Comme le père<br />

Bush, c’est un magnat du pétrole.<br />

Longtemps patron d’Halliburton » [1], le<br />

« trust qu’il a présidé jusqu’en 2000 et<br />

qui a décroché de si mirobolants<br />

contrats en Irak » [2], il « a fait prospérer<br />

cette compagnie de services pétroliers<br />

grâce à l’Irak. Et en toute saison : en<br />

temps de paix avec Saddam [Hussein],<br />

en temps de guerre sans Saddam<br />

[Hussein]. C’est une manie chez Cheney<br />

de se servir en premier. [...]<br />

Aujourd’hui, l’intendance de l’armée<br />

américaine dépend en grande partie de<br />

Halliburton et de sa filiale Kellog, Brown<br />

& Root (KBR), par ailleurs impliquée au<br />

Nigéria dans une histoire d’usine à gaz<br />

et de pots-de-vin où trempent quelques<br />

sociétés françaises. Enquêtant sur ces<br />

broutilles, le juge Van Ruymbeke est<br />

tombé sur des commissions occultes estimées<br />

à 180 millions de dollars. Où sontelles<br />

passées ? Cheney était PDG<br />

d’Halliburton à l’époque, KBR est connue<br />

pour cotiser largement au Parti républicain,<br />

mais cela n’a rien à voir. » [1]<br />

[1] : (référence égarée : hapax)<br />

[2] : (Patrice Lestrohan, « John Edwards - Dick Cheney.<br />

Tours de vice », Le Canard enchaîné, 13/10/2004, p. 7)


Enfilé par Perle<br />

On connaît Richard Perle :<br />

« Trafiquant d'influence. Conseiller de<br />

Benjamin Nétanyahu [Voir « Terror is<br />

Real », p. 603], puis de Donald<br />

Rumsfeld, directeur du Jerusalem<br />

Post et homme d'affaires. Milite [en<br />

2002] pour la déportation des<br />

Palestiniens en Irak et la punition de<br />

la France. » [1]<br />

A noter que Perle est un proche de<br />

l’auteur du livre très documenté et<br />

instructif : « Le coup d’Etat. Manuel<br />

pratique » [Voir « Coup d'Etats-Unis »,<br />

p. 609], Edward Luttwak, qui y écrit<br />

des « Remerciements [... à ses] chers<br />

amis [..., dont] R. Perle » [2]. Une amitié<br />

de plus de trente ans, comme en<br />

témoignent les lamentations du premier<br />

des diplomates français [en<br />

2003] : « "Les faucons de l’administration<br />

américaine sont totalement<br />

pris en main par Sharon", a déploré<br />

Villepin. Une allusion à l’influence [...]<br />

de six vedettes des "think-tanks", les<br />

réservoirs à pensée de Bush (Paul<br />

Wolfowitz, Douglas Feith, Richard<br />

Perle, Bill Kristol, Elliot Abrams et<br />

Edward Luttwak) » [3]. Il vaut mieux<br />

être bien entouré.<br />

[1] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau<br />

Voltaire, http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/Carte<br />

sRegimeBush.pdf)<br />

[2] : (Edward Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique<br />

», Robert Laffont, 2/1969, p. 283)<br />

[3] : (« La main de Sharon », Le Canard enchaîné,<br />

5/3/2003, p. 2)<br />

Wolf attitude<br />

« Depuis trente ans, Paul Wolfowitz participe<br />

à presque tous les cabinets civils<br />

du Pentagone. Intellectuel brillant, disciple<br />

de Léo Strauss, il justifie de la guerre<br />

par l’extension de la démocratie de<br />

marché. » [1] « Ambassadeur en Indonésie,<br />

[Paul Wolfowitz] couvrit les mas-<br />

sacres au Timor Oriental. Secrétaire<br />

adjoint à la Défense, théoricien de la<br />

suprématie militaire US définitive, il s'oppose<br />

par tous les moyens à l'émergence<br />

d'une puissance rivale, notamment<br />

l'Union européenne. » [2]<br />

« Il s’est fait une spécialité d’inventer des<br />

menaces imaginaires pour justifier de<br />

nouveaux crédits et de nouvelles aventures.<br />

Il a théorisé les interventions préventives<br />

et l’intimidation des ◊compétiteurs<br />

émergeants◊. N’hésitant pas à s’ingérer<br />

dans la tactique militaire, il a imposé<br />

ses conceptions aux officiers de terrain.<br />

» [1] Il a de la poigne.<br />

[1] : (Paul Labarique, « Théoricien de la violence. Paul<br />

Wolfowitz, l’âme du Pentagone », Voltaire, 4/10/2004,<br />

chapô, http://www.voltairenet.org/article15033.html)<br />

[2] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/CartesRegimeBush.<br />

pdf)<br />

Tante Condie, elle ne<br />

colle jamais ?<br />

Condoleeza Rice ? La « secrétaire<br />

d’État des États-Unis. Elle est la première<br />

femme noire à accéder à cette<br />

fonction. » [1]<br />

« Née en 1954 dans une famille de<br />

profs d’un Alabama alors encore au<br />

régime de la ségrégation raciale<br />

et des bombes du Ku Klux Klan,<br />

[Condoleezza Rice] n’a jamais milité<br />

dans le moindre mouvement de<br />

défense des Noirs. » [2] « Sœur adoptive<br />

de Madeleine Albright, elle a toujours<br />

rassuré les milieux WASP [White<br />

Anglo-Saxon Protestant] en s’opposant<br />

farouchement aux revendications<br />

des minorités. » [1]<br />

« Personnalité cultivée et brillante,<br />

elle a mené carrière à l’université,<br />

dans le secteur pétrolier et en politique.<br />

[...] Soviétologue, elle s’est spécialisée<br />

dans le containment de la<br />

Russie, même après l’effondrement<br />

587 A l’Ouest rien...


de l’URSS. » [1] Son profil séduit :<br />

« Spécialiste des appareils d'État soviétique<br />

et américain. Administratrice de<br />

la Rand Corporation et de Chevron-<br />

Texaco. » [3]<br />

« Elle a mené sa carrière au cœur du<br />

complexe militaro-pétrolier étatsunien<br />

avant de former George W.<br />

Bush aux affaires internationales et<br />

de devenir sa conseillère nationale de<br />

sécurité » [4], poste d'où « elle supervise<br />

l'ouverture des marchés pétroliers<br />

par les armes. » [3] Elle « passe<br />

même le plus clair de ses week-ends<br />

et l’essentiel de ses vacances d’été<br />

avec le couple présidentiel. » [2]<br />

« Témoignant devant la Commission<br />

d’enquête sur le 11 septembre, elle a<br />

longuement affirmé qu’elle avait<br />

tout fait pour empêcher les attentats,<br />

en multipliant les approximations<br />

et les mensonges. Dans une<br />

lettre ouverte qu’elle lui adresse, une<br />

ancienne responsable de l’administration<br />

Bush père l’accuse de complicité<br />

criminelle. » [4]<br />

[1]: (Arthur Lepic et Paul Labarique, « La Russie en<br />

tête. La fulgurante intégration de Condoleezza<br />

Rice », Voltaire, 8/2/<strong>2005</strong>, chapô, http://www.voltairenet.org/article16142.html)<br />

[2] : (Patrice Lestrohan, « Condoleezza Rice. Bouche<br />

à Bush », Le Canard enchaîné, 24/11/2004, p. 7)<br />

[3] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau<br />

Voltaire,http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/Carte<br />

sRegimeBush.pdf)<br />

[4] : (« Raison d’État. Les contradictions de<br />

Condoleezza Rice », Voltaire, 13/4/2004, chapô,<br />

http://www.voltairenet.org/article13345.html)<br />

L'aura Aschroft<br />

« John Ashcorft est l’un des éléments<br />

centraux du régime Bush. Leader reconnu<br />

des fondamentalistes chrétiens, il [...<br />

a été chargé] de l’ensemble de l’appareil<br />

répressif à l’intérieur des États-Unis.<br />

Partisan du port d’armes, de l’interdic-<br />

A l’Ouest rien... 588<br />

tion de l’avortement, de la pénalisation<br />

de l’homosexualité, il a introduit le<br />

concept de "justice préventive". Il a longuement<br />

préparé l’USA Patriot Act, véritable<br />

Code de l’antiterrorisme [Voir<br />

« Dernier acte patriotique », p . 329],<br />

qu’il a présenté tout ficelé au Congrès<br />

au lendemain du 11 septembre. Il<br />

supervise le fichage des musulmans<br />

pratiquants et la construction de camps<br />

d’internement. » [1]<br />

[1] : (« Le patron de la répression intérieure. John<br />

Ashcroft, dans le secret des dieux », Voltaire, n° 47,<br />

3/2/2004, chapô, http://www.voltairenet.org/article123<br />

18.html)<br />

Traces d’Anthrax<br />

« L'anthrax (en anglais) est [appelé],<br />

en français, la maladie du charbon,<br />

une maladie infectieuse causée par<br />

une bactérie, le bacille du charbon.<br />

[...] En français, l'anthrax est un gros<br />

furoncle. » [1] Mais pour « des raisons de<br />

commodité nous emploierons le terme<br />

[étatsunien] d'"anthrax" [...]. Les contaminations<br />

humaines concernent essentiellement<br />

la peau (anthrax cutané) ou<br />

les poumons (anthrax respiratoire). Dans<br />

la nature, ce sont souvent des animaux<br />

tels que les moutons et les chèvres qui<br />

sont touchés par cette maladie. Les<br />

populations humaines concernées sont<br />

dont les agriculteurs, les vétérinaires, les<br />

tanneurs et les travailleurs de la laine.<br />

Pour l'anthrax cutané, il faut que la bac


térie ait été en contact avec une coupure<br />

ou irritation de la peau, lui permettant<br />

de se développer. Lorsque les individus<br />

contaminés reçoivent le traitement<br />

approprié, les décès sont extrêmement<br />

rares. De la même manière, si l'anthrax<br />

inhalé est détecté assez<br />

rapidement, un traitement<br />

antibiotique peut empêcher<br />

son développement,<br />

qui peut prendre quelques<br />

jours, voire 60. » [1] Par<br />

contre, si « le [traitement<br />

antibiotique, classiquement<br />

de la pénicilline<br />

intraveineuse] est tardif<br />

(généralement par défaut<br />

de diagnostic), le décès est probable » [2],<br />

même lorsque le nombre de bacilles est<br />

assez limité. Mais ici ce diagnostic rare<br />

est devenu obsédant.<br />

[1] : (Paul Labarique, « Épidémie ou propagande ?<br />

Intoxication à l'anthrax », Voltaire, n° 74, 11/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12815.html)<br />

[2] : (« Manuel Merck », 3e éd. fr. (trad. de 17e éd.),<br />

Editions du Centenaire, 1999, p. 1139)<br />

Pour la vie !<br />

« En 1999, un<br />

groupe de fondamentalistes<br />

chrétiens, l'Armée<br />

de Dieu, avait envoyé quatrevingt<br />

fausses lettres à l'anthrax<br />

à des médecins pratiquant<br />

des avortements. L'on pouvait craindre<br />

que les extrémistes chrétiens aient fini<br />

par trouver l'arme qu'ils souhaitaient utiliser.<br />

» [1] « Plusieurs meurtres de praticiens<br />

ont [quand même] été perpétrés<br />

par des personnes se réclamant de<br />

la cause pro-life (anti-avortement) aux<br />

États-Unis. [… Un romancier] imagine [2]<br />

qu'un "anti" jette son avion bourré de<br />

TNT sur un meeting de militants proavortement.<br />

» [3]<br />

Face à une telle sainte mobilisation, on<br />

« ne s'étonnera donc pas que, le 23 janvier<br />

[2001], le second décret de<br />

[George] W. Bush ait été de supprimer<br />

les subventions fédérales aux organismes<br />

étrangers favorables à l'avortement<br />

» [4].<br />

En France, par contre, on<br />

se retient. « Alors que chacun<br />

pensait la cause entendue,<br />

le lobby "pro-life"<br />

reprend depuis [2001] du<br />

poil de la bête. Sans<br />

atteindre la violence constatée<br />

à Villeurbanne, où<br />

les locaux du Planning,<br />

[en 2002], ont été méthodiquement<br />

saccagés, les<br />

harcèlements ne cessent plus contre les<br />

associations ou les services médicaux qui<br />

osent pratiquer des IVG. » [5] C’est encore<br />

très peu de chose.<br />

Aux Etats-Unis, l’« ancien secrétaire au<br />

Logement, Mel Martinez […] élu de justesse<br />

[sénateur républicain] en Floride<br />

[... fin 2004,] incarne l'extrême droite la<br />

plus outrancière [...]. Médecin, il milite<br />

pour l'extension de la peine de mort aux<br />

personnes pratiquant l'avortement [7]. » [6]<br />

De beaux jours se préparent.<br />

[1] : (Paul Labarique, « Épidémie ou propagande ?<br />

Intoxication à l'anthrax », Voltaire, n° 74, 11/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article7628.html)<br />

[2] : (Stephen King, « Insomnie », Albin Michel, 1995)<br />

[3] : (Denis Duclos, « Quand la culture de la haine s'approprie<br />

les technologies de mort », Le Monde diplomatique,<br />

8/1995, pp. 22-23, n. 6)<br />

[4] : (« Pour Georges W. Bush, la foi tient lieu de politique<br />

», Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

26/3/2001, http://www.voltairenet.org/article7829.html,<br />

d’après http://www.whitehouse.gov/news/releases/200<br />

10123-5.html)<br />

[5] : (Brigitte Rossigneux, « Avortement : les agités du crucifix<br />

sont toujours en embuscade », Le Canard enchaîné,<br />

3/12/2003, p. 3)<br />

[6] : (« Sénateurs, représentants et gouverneurs. Victoire<br />

électorale locale de l'extrême droite aux Etats-Unis »,<br />

Voltaire, n° 219, 8/11/2004, http://www.voltairenet.org/<br />

article15442.html)<br />

[7] : (Congressionnal Quaterly, 4/11/2004)<br />

589 A l’Ouest rien...


Le 11<br />

septembre<br />

2001, « Fort<br />

Detrick (Maryland)<br />

est<br />

évacué et<br />

une protectionaérienne<br />

particulière y est déployée. [...] Ce<br />

sera la seule base militaire évacuée en ce<br />

11 septembre. » [1] « Sous couvert du<br />

service médical des armées, il abrite un<br />

laboratoire secret de recherches en<br />

armes biologiques » [1], créées éventuellement<br />

en manipulant génétiquement<br />

des germes pathogènes pour en créer<br />

de nouvelles variétés. « Ce laboratoire,<br />

avec son jumeau Dugway Proving<br />

Grounds dans l'Etat [de l’Utah], est<br />

censé conduire des études exclusivement<br />

"défensives" sur les bactéries mortelles,<br />

après la signature par le président<br />

Nixon en 1973 du traité international<br />

qui interdisait les armes biologiques.<br />

» [2]<br />

Ce 11 septembre, « CNN<br />

annonce que le CDC<br />

(Center for Control<br />

Disease) mobilise ses<br />

équipes pour faire face à<br />

une possible attaque chimique<br />

ou biologique. » [1]<br />

Une « attaque du pays à<br />

l'anthrax par Oussama Ben<br />

Laden est imminente. Certes,<br />

cette alerte est [...] grotesque et ne<br />

se concrétisera [...] pas, mais le<br />

conditionnement des esprits [a] commencé.<br />

» [3] On savait « le 11 septembre<br />

2001, que [Donald Rumsfeld]<br />

était doté du don de prescience [Voir<br />

« Surprise Surprise ! », p. 624]. [... De<br />

même], le 16 septembre, cinq jours seulement<br />

après les attentats, le secrétaire à<br />

la Défense annonce qu'"une [nouvelle]<br />

A l’Ouest rien... 590<br />

attaque de terroristes peut arriver à tout<br />

moment. [...] Ils peuvent nous menacer<br />

de guerre chimique, biologique, de<br />

missiles". » [3]<br />

« L'affaire éclate finalement le 8 octobre<br />

2001 : le FBI ouvre une enquête après<br />

deux cas consécutifs d'anthrax respiratoire<br />

en Floride, au sein de la rédaction<br />

du Sun. [...] La piste privilégiée par les<br />

inspecteurs à ce moment est celle de<br />

l'épandage d'anthrax dans l'air par des<br />

fondamentalistes musulmans [4].<br />

La panique s'empare de la population<br />

[...]. Le 12 octobre [2001], c'est un cas<br />

d'anthrax cutané qui est recensé à New<br />

York : [...] une employée de la chaîne<br />

NBC [...]. Un [autre] cas d'anthrax respiratoire<br />

est également recensé au sein de<br />

l'American Media Inc., société qui publie<br />

The National Enquire, le Globe, le Sun et<br />

des tabloïds de supermarché. [...] À CBS,<br />

l'assistant [du présentateur vedette] Dan<br />

Rather développe la maladie. » [3]<br />

« La menace [...] infecte prioritairement<br />

les journalistes spécialisés ou<br />

les stars de la télé dont la<br />

panique est transmissible par<br />

simple voie orale. [...]<br />

Une lettre piégée est<br />

envoyée au sénateur Tom<br />

Daschle. La salle du courrier<br />

du Congrès et [... des]<br />

fonctionnaires ont été<br />

exposés à l'anthrax. Les travaux<br />

parlementaires sont suspendus<br />

et les bâtiments sont<br />

évacués pour décontamination.<br />

La psychose se nourrit elle-même.<br />

On trouve des traces du bacille au<br />

département d'État et jusqu'au siège de<br />

la CIA. Le 23 octobre [2001], le président<br />

Bush déclare nerveusement "Je n'ai pas<br />

l'anthrax !", ce qui laisse supposer que la<br />

Maison-Blanche a peut-être, elle aussi,<br />

été attaquée. [...] L'hystérie est à son<br />

comble. » [3]


Vu le mode de contamination usuel<br />

[Voir « Traces d’Anthrax », p. 588], les<br />

modalités d’apparition « de la maladie,<br />

en octobre 2001, [... ont] immédiatement<br />

orienté les recherches sur la piste<br />

d'une contamination délibérée [... Ce<br />

n’était pas une idée nouvelle]. Déjà,<br />

sous [William] Clinton, William Cohen,<br />

qui a précédé Rumsfeld à la Défense,<br />

évoquait "une hypothétique dispersion<br />

de germes d'anthrax dans le métro de la<br />

capitale [...], qui ferait des dizaines de<br />

milliers de morts" [5]. » [3]<br />

Les « lettres envoyées au Sénat ou aux<br />

chaînes de télé étaient toutes scellées et<br />

conseillaient de prendre des antibiotiques<br />

en cas de contamination […, laissant]<br />

supposer que l'auteur voulait surtout<br />

montrer que les Etats-Unis n'étaient<br />

pas prêts à faire face à de telles<br />

attaques » [6]. (Ce genre de motif est<br />

d’ailleurs typiquement celui avancé par<br />

les activistes d’extrême droite, par<br />

exemple ceux de Gladio, pour se justifier.<br />

Des commandos nationalistes attaquent<br />

ainsi leur propre pays, ou l’Otan,<br />

pour montrer qu’il n’est pas assez vigoureusement<br />

défendu.)<br />

« D'après la version<br />

officielle, les responsables<br />

états-uniens<br />

seraient particulièrement<br />

attentifs au problème<br />

de l'anthrax<br />

depuis la découverte<br />

de stocks de cette<br />

arme pendant la guerre<br />

du Golfe, en<br />

1991. » [3]<br />

Le « FBI convoquait des conférences de<br />

presse quotidiennes […] évoquant un<br />

bacille d'origine étrangère, peut-être irakienne.<br />

Puis, au début 2002, c'est le<br />

silence quasi total. » [6] C’est qu’en effet<br />

l’Irak a acquis de l’anthrax. En « octobre<br />

1992 [...] une enquête menée par le<br />

sénat américain [... dévoila qu’entre]<br />

février 1985 et [...] 1989, au moins 61<br />

livraisons de cultures biologiques<br />

avaient été expédiées vers l’Irak [...<br />

dont] notamment 19 containers de bactéries<br />

de l’anthrax fournis par [...] une<br />

société installée à proximité du laboratoire<br />

de Fort Detrick, contrôlée par l’armée<br />

américaine. » [7] [Voir « Made in<br />

USA », p. 595]<br />

Il est difficile de lutter contre les armes<br />

microbiologiques. « Compte tenu de la<br />

multiplicité des germes utilisables à des<br />

fins militaires et de l'ampleur des moyens<br />

nécessaires pour prévenir leur dangerosité,<br />

il est en fait impossible de se prémunir<br />

contre l'usage [général] de telles<br />

armes. [... Cependant,] si l'on se focalise,<br />

de manière illusoire, sur une menace<br />

précise [... - mais pourquoi sur ce germe<br />

en particulier ? -, il est] envisageable de<br />

lutter contre [... par exemple] l'anthrax.<br />

Ce marché [... de la lutte contre l’anthrax<br />

est, au moins en apparence,] dominé<br />

par un double monopole. » [3]<br />

Alors que, cédant « à la psychose, le<br />

pays suspendit une<br />

partie de ses activités<br />

[...,] ce désastre économique<br />

fut une aubaine<br />

pour quelques<br />

groupes pharmaceutiques<br />

liés au régime,<br />

qui détenaient [ce]<br />

monopole des vaccins<br />

et des médicaments.<br />

[... Comme pour l’entreprise<br />

chargée de la<br />

décontamination.]<br />

Il n'existe qu'une seule société capable<br />

de fabriquer des vaccins [...] contre le<br />

bacille du charbon : BioPort, basée, dans<br />

le Michigan. Quant aux antibiotiques,<br />

[... pour le] traitement en cas de conta-<br />

591 A l’Ouest rien...


mination, [s’il en existe plusieurs possibles,<br />

on ne parle que d’un seul - le<br />

Cipro® - et] c'est le groupe pharmaceutique<br />

allemand Bayer qui en détient l'exclusivité.<br />

Ces deux firmes se trouvaient<br />

justement dans une situation particulièrement<br />

délicate avant les attentats du 11<br />

septembre. » [3]<br />

En « 1998, le Pentagone a décidé de<br />

vacciner l'ensemble de ses [personnels],<br />

et en premier lieu les soldats envoyés<br />

dans la région du Golfe. [...]<br />

Depuis les années 1970, le laboratoire<br />

du MBPI [...] est le seul fournisseur de<br />

vaccins contre l'anthrax à l'armée étatsunienne<br />

[…, qui est son seul client. En]<br />

1996 et 1997, il fait l'objet d'une enquête<br />

approfondie de la Food and Drug<br />

Administration, qui [... le] menace d'une<br />

révocation de la licence du laboratoire<br />

[8] [...]. Le Pentagone [... avait annoncé]<br />

qu'il allait lancer une campagne de<br />

vaccination de l'ensemble de ses troupes<br />

[... mais] l'avertissement de la FDA<br />

contraint la société à cesser son activité<br />

pour rénover ses installations [...].<br />

Devenue un poids mort, elle est vendue<br />

par l'État du Michigan à une firme [crée<br />

pour l’occasion], BioPort Corporation,<br />

qui l'achète 25 millions de dollars, en<br />

septembre 1998, non sans s'être préalablement<br />

[assurée] d'une subvention du<br />

Pentagone d'un montant de 15 millions<br />

de dollars pour la rénovation des installations.<br />

[... Cela] suppose que BioPort bénéficie<br />

de contacts privilégiés avec l'administration<br />

militaire. [... Ce que confirme] la<br />

signature, un mois après le rachat de<br />

MBPI, d'un contrat de 29 millions de dollars<br />

avec le département de la Défense<br />

pour "produire, tester, embouteiller et<br />

stocker le vaccin contre l'anthrax". Le<br />

Pentagone ne désespère pas de faire<br />

vacciner les 2,4 millions de soldats,<br />

marines et pilotes de chasse qui servent<br />

A l’Ouest rien... 592<br />

sous les drapeaux et relance officiellement<br />

son projet en mai [1998] [9].<br />

[... Il est probable que le Pentagone] ait<br />

influé sur la composition [du] capital et<br />

de [... l’organigramme de BioPort.] » [3]<br />

« On retrouve également Carlyle [Voir<br />

« La BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

Group ! », p. 525] dans le sillage de<br />

Bioport » [10]. « Comme [... le groupe<br />

Carlyle], BioPort a besoin des faveurs du<br />

département de la Défense pour passer<br />

ses contrats et recrute donc des responsables<br />

militaires en son sein. » [3]<br />

Le « président [de BioPort], l'amiral<br />

William J. Crowe J r [...] chef d'état-major<br />

interarmes sous Ronald Reagan et<br />

George H.W. Bush, [... est, comme<br />

beaucoup de faucons,] membre du<br />

Council on Foreign Relations dont il a<br />

présidé un groupe de travail, en février<br />

2001, sur les moyens de prémunir les<br />

États-Unis contre la menace terroriste.<br />

Un homme de réseaux à la tête d'un<br />

consortium sensible, [et] qui révélait,<br />

[dès] novembre 2001, que l'Irak figurerait<br />

naturellement dans la liste des<br />

prochaines cibles de la guerre au terrorisme<br />

[11].<br />

[... Pourtant, en] septembre 2001, à la<br />

veille des attentats, la situation de<br />

BioPort est<br />

critique :<br />

accusée de<br />

malfaçon et<br />

de fraude<br />

par la FDA<br />

depuis 1997,<br />

elle a absolumentbesoin<br />

d'un agrément<br />

pour<br />

reprendre sa production. [...] Les allégations<br />

des vétérans de la guerre du Golfe<br />

liant les vaccinations à l'anthrax qu'ils<br />

ont subies au fameux "syndrome de le la<br />

guerre du Golfe" dont ils souffrent ne


plaident pas en faveur de la société [12]. Santé [...] se révélant un ardent défen-<br />

[La FDA doit débattre au sujet de cet seur de Bayer [14]. » [3]<br />

agrément début octobre 2001].<br />

Et pour la décontamination ? En<br />

D'un autre côté, le détenteur unique du « octobre 2001, le Carlyle Group [Voir<br />

brevet [du seul antibiotique dont on « La BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

parle] permettant de traiter l'Anthrax, le Group ! », p. 525] est à nouveau là pour<br />

[Cipro®], est le groupe pharmaceutique [...] vendre [...] la solution : il détient en<br />

allemand Bayer [13], qui en détient l'ex- effet 25 % d'une société appelée IT<br />

clusivité jusqu'en janvier 2003. Le grou- Group, spécialisée dans le nettoyage de<br />

pe se trouve également en grande diffi- déchets environnementaux et toxiques.<br />

culté financière à l'automne 2001. [...] En situation délicate avant l'épisode de<br />

L'abandon de son secteur pharmaceu- l'anthrax, IT Group signe, au cours de la<br />

tique, et le licenciement de plus de mille période, plusieurs contrats de désinfec-<br />

employés, est même publiquement évotion dans des bâtiments "contaminés"<br />

qué. Pour le groupe, comme pour tels que le Hart Senate Office Building et<br />

BioPort, la dernière chance réside dans le centre de tri postal de Trenton. (Pour<br />

un "Pearl Harbor biologique" qui une raison inconnue, IT avait également<br />

convaincrait les pouvoirs publics de la été chargé de vitrifier les décombres du<br />

nécessité de se prémunir contre le bio- Pentagone au lendemain du 11 septemterrorisme.<br />

Ce [...] sera<br />

bre.) Des chantiers qui<br />

la psychose de l'an-<br />

[...] permettent d'envithrax.<br />

»[3]<br />

sager un sauvetage<br />

La « population [...] se<br />

miraculeux de l'entre-<br />

rue sur les antibiotiques<br />

prise. [... La] compa-<br />

de Bayer. [... La] hausse<br />

gnie déposera tout de<br />

des achats de Cipro<br />

même le bilan, non<br />

[prétendument le seul<br />

sans avoir au préalable<br />

antibiotique efficace,<br />

considérablement ré-<br />

précède] les premiers<br />

duit ses dettes. » [10]<br />

décès, sous l'effet du<br />

En ce qui concerne les<br />

discours alarmiste propagé par les auto- produits pharmaceutiques comme les<br />

rités [... Pourtant, l'achat] de ces antibio- traitements anti-sida, on peut noter<br />

tiques est unanimement déconseillé par qu’ils sont bien protégés par des brevets<br />

les spécialistes en bioterrorisme : [...] (qui n’existent d’ailleurs en pharmacie<br />

l'anthrax utilisé est certainement militai- que depuis la Libération). « Le prix élevé<br />

re, et [...] conçu pour résister aux traite- de ces traitements ne permettant pas<br />

ments disponibles dans le commerce. leur diffusion dans le tiers-monde, plu-<br />

[... Cela n’empêche pas que] Bayer signe sieurs États ont tenté d'en fabriquer<br />

un accord avec le gouvernement pour la hors licence. Ils ont été condamnés par<br />

fourniture de 100 millions de tablettes l'OMC. En 1998, des antiviraux iden-<br />

Cipro au prix réduit de 95 cents l'unité. tiques ont été fabriqués hors licence par<br />

Trois grandes sociétés pharmaceutiques une usine pirate à Al-Shifa (Soudan). À la<br />

proposent immédiatement de fournir demande de Rumsfeld [..., William]<br />

gratuitement un générique du [Cipro®], Clinton accusa le centre d'Al-Shifa d'être<br />

en échange de l'agrément de la FDA. une couverture pour la fabrication<br />

L'offre sera rejetée, le secrétaire à la d'armes de destruction massive par Al<br />

593 A l’Ouest rien...


Qaïda et le fit bombarder. Diverses<br />

enquêtes internationales montrèrent<br />

ultérieurement que ces accusations<br />

étaient sans fondements. » [15]<br />

Si les « Etats-Unis [...] ont fait capoter l’accord<br />

signé à Doha qui aurait permis aux<br />

pays pauvres de produire à bas prix des<br />

médicaments (les 30 millions de sidéens<br />

d’Afrique peuvent donc agoniser tranquilles)<br />

[..., ils ont, par contre,] dérogé<br />

au respect du droit des brevets pour<br />

protéger leur population » [16] et « menacé<br />

d'exproprier Bayer de son brevet si<br />

la société ne réduisait pas ses prix [17].<br />

[… Les] prix fixés par la compagnie allemande<br />

lui garantissent tout de même<br />

une confortable marge [...].<br />

Dans la foulée, la FDA accorde l'autorisation<br />

à BioPort afin que la société<br />

reprenne la production - en masse - de<br />

vaccins contre l'anthrax [... pour] l'ensemble<br />

des troupes [… US.]<br />

[Pourquoi toutes ces faveurs à Bayer,<br />

Bioport et Carlyle ? Les] firmes pharmaceutiques<br />

[…, avec celles du pétrole et<br />

de l’armement, furent les] principaux<br />

financiers de la campagne présidentielle<br />

[... de Bush] en 2000. Le secteur [... pharmaceutique<br />

est notamment] représenté<br />

[... longuement dans l'administration<br />

par] Donald Rumsfeld, qui a dirigé Searle<br />

(devenu Pharmacia), de 1977 à 1985,<br />

puis Amylin Pharmaceuticals et Gilead<br />

Science, jusqu'à sa nomination au poste<br />

de secrétaire à la Défense. » [3]<br />

Au total, « les attaques à l’anthrax contre<br />

des médias et les sénateurs Leahy et<br />

Daschle, [...] ont causé le décès de 5 personnes<br />

et en ont rendu 13 autres<br />

malades [à l’automne 2001] » [18]. Elles<br />

ont surtout « suscité un vent de panique<br />

sans précédent dans la population américaine<br />

» [2], « justifiant l'invasion de<br />

l'Afghanistan et aboutissant au vote de<br />

l'USA Patriot Act. » [19] [Voir « Dernier<br />

A l’Ouest rien... 594<br />

acte patriotique », p. 329]<br />

Seules « cinq lettres étaient réellement<br />

piégées à l'anthrax et [seulement] cinq<br />

personnes en sont décédées ce qui, au<br />

regard de la criminalité aux États-Unis,<br />

est un fait divers insignifiant. On ignore<br />

toujours l'origine de ces envois et plus<br />

personne n'ose les présenter comme des<br />

actes de djihad biologique. On sait seulement<br />

que cette hystérie collective aura<br />

permis à des industriels liés au régime<br />

Bush d'éviter la faillite et de réaliser de<br />

juteuses affaires. » [3]<br />

[1] : (« Récit détaillé. 11 septembre 2001 l'Amérique est<br />

attaquée ! », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

1/3/2002, http://www.voltairenet.org/article7628.html)<br />

[2] : (Robert Realley, « Anthrax : l'étrange affaire du Dr<br />

Hatfill et de Mister Mueller », Les Enquêtes interdites –<br />

amnistia.net, n° 22, 20/8/2002)<br />

[3] : (Paul Labarique, « Épidémie ou propagande ?<br />

Intoxication à l'anthrax », Voltaire, n° 74, 11/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12815.html)<br />

[4] : (Fabrice Rousselot, « Les Américains inquiets dans leur<br />

forteresse », Libération, 9/10/2001)<br />

[5] : (« Bioterrorisme : l'Amérique craint le pire, une<br />

attaque à l'anthrax », AFP, 16/9/2001)<br />

[6] : (Fabrice Rousselot, « Etats-Unis : black-out sur le charbon<br />

», Libération, 11/7/2002)<br />

[7] : (Eric Laurent, « La Guerre des Bush. Les secrets<br />

inavouables d’un conflit », Plon, 1/2003, pp. 65-66)<br />

[8] : (« FDA Warns Michigan Biologic Products Institute of<br />

Intention to Revoke Licenses », 3/11/1997,<br />

http://www.fda.gov/cber/infosheets/mich-inf.htm)<br />

[9] : (Cf. le Mémorandum du Secrétaire à la Défense,<br />

William Cohen, « Implementation of the Anthrax<br />

Vaccination Program for the Total Force », 18/5/1998,<br />

cf. leda.law.harvard.edu/leda/data/365/Corrigan.pdf)<br />

[10] : (« Complexe militaro-industriel états-unien. Le<br />

Carlyle Group, une affaire d'initiés », Réseau Voltaire,<br />

9/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12418.html,<br />

d’après Dan Briody, « The Iron Triangle - Inside the secret<br />

world of the Carlyle Group », Wiley, 2003)<br />

[11] : (« Admiral says Iraq could be next in terrorism war », AP,<br />

10/11/2001, http://www.news-star.com/stories/111001/spe<br />

_20.shtml)<br />

[12] : (Catherine Petitnicolas, « Un syndrome multiforme<br />

et controversé », Le Figaro, 29/5/2000)<br />

[13] : (Lire ◊Jacques Philiponneau, « Relation de l'empoisonnement<br />

perpétré en Espagne et camouflé sous le<br />

nom de syndrome de l'huile toxique », éditions de<br />

l’Encyclopédie des Nuisances, 1/1994)<br />

[14] : (Keith Bradsher, « Bayer Halves Price for Cipro, but<br />

Rivals Offer Drugs <strong>Free</strong> », New York Times, 26/10/2001,<br />

http://www.nytimes.com/2001/10/26/business/26CIPR.ht<br />

ml?ex=1098331200&en=bbf60cb3aad91456&ei=5070)<br />

[15] : (« Le malheur des uns fait le bonheur des autres. La<br />

guerre, comme stratégie industrielle », Réseau Voltaire,


19/3/2003, http://www.voltairenet.org/article9340.html)<br />

[16] : (Jean-Luc Porquet, « Petit creux d’après réveillon »,<br />

Le Canard enchaîné, 8/1/2003, p. 5)<br />

[17] : (« Un risque tout générique », La Tribune Desfossés,<br />

28/11/2001)<br />

[18] : (Natasha Saulnier, « Un an après les attentats<br />

Anthrax : le FBI sous pression », L’Humanité, 10/9/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-09-<br />

10/2002-09-10-39748)<br />

[19] : (« Les [joujoux] bactériologiques de l'extrême droite<br />

états-unienne », Voltaire, n° 62, 24/2/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12531.html)<br />

« La<br />

poudre envoyée<br />

dans<br />

les différentes<br />

lettres<br />

proviendrait<br />

de la souche<br />

Ames,<br />

développée<br />

principalement<br />

dans le cadre [...] de Fort<br />

Detrick [… Un] "officiel" confie au New<br />

York Times que le bacille dissimulé dans<br />

les lettres a "moins de deux ans". » [1]<br />

« C'est du laboratoire militaire de Fort<br />

Detrick [apprit-on] que sont sorties,<br />

selon les expertises scientifiques, les<br />

spores d'anthrax » [2]. A moins que ce<br />

ne soit de son jumeau dans l’Utah,<br />

Dugway. Car « le gouvernement américain<br />

avait été forcé d’admettre que son<br />

centre militaire d’essais de Dugway avait<br />

produit de la poudre d’anthrax militarisé<br />

quasiment identique au charbon utilisé<br />

dans les attaques postales contre des<br />

médias et les sénateurs (la poudre<br />

blanche utilisée [...] était tellement<br />

concentrée que deux grammes correctement<br />

diffusés peuvent infecter des millions<br />

de personnes). Cette production<br />

viole le traité d’interdiction des armes<br />

biologiques de 1972 et encourage de<br />

fait la prolifération des armes biologiques<br />

dans d’autres pays. » [3] C’était<br />

encore une « arme<br />

de destruction<br />

massive "made<br />

in USA". » [2]<br />

[Voir « Serre m’en<br />

cinq ! », p. 329]<br />

Mais il y a depuis<br />

des années un<br />

marché, une demande populaire, pour ce<br />

genre de produits. « Le 24 février 1998, le<br />

tribunal de Las Vegas [relâche] le lieutenant<br />

colonel Larry Wayne Harris ainsi que<br />

William Leavitt, tous deux membres de<br />

l'organisation paramilitaire néo-nazie<br />

Aryan Nations. Les deux militants d'extrême<br />

droite avaient été [arrêtés] trois jours<br />

auparavant en possession de fioles contenant<br />

de la poudre d'anthrax. » [4] Ça ira<br />

pour cette fois.<br />

[1] : (Fabrice Rousselot, « Etats-Unis : black-out sur le charbon<br />

», Libération 11/7/2002)<br />

[2] : (Robert Realley, « Anthrax : l'étrange affaire du Dr<br />

Hatfill et de Mister Mueller », Les Enquêtes interdites –<br />

amnistia.net, n° 22, 20/8/2002)<br />

[3] : (Natasha Saulnier, « Un an après les attentats<br />

Anthrax : le FBI sous pression », L’Humanité, 10/9/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-09-<br />

10/2002-09-10-39748)<br />

[4] : (« Les [joujoux] bactériologiques de l'extrême droite<br />

états-unienne », Voltaire, n° 62, 24/2/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12531.html)<br />

La<br />

« Fédération<br />

des scientifiquesaméricains,<br />

un<br />

groupe de<br />

recherche sur<br />

le bioterrorisme<br />

» [1]<br />

« croit pouvoir identifier le chercheur<br />

qui aurait volé les souches du<br />

bacille dans un laboratoire officiel.<br />

Mais [...] l'opinion publique est absorbée<br />

par la guerre en Afghanistan. » [2]<br />

Penchons nous sur le cas de ce docteur<br />

Steven Hatfill.<br />

« De 1975 à 1978, [...] Hatfill était au<br />

595 A l’Ouest rien...


service de [...] l'armée US pour l'assistance<br />

militaire, situé à Fort Bragg, [...] quartier<br />

général des forces spéciales US [Voir<br />

« Aux paies, c’est l’O.P.C. », p. 45]. [...<br />

Ça] lui permettra, en 1978, de s'installer<br />

en Afrique pendant 17 ans. D'abord en<br />

Rhodésie (l'actuel Zimbabwe) [... dans<br />

les] forces spéciales de l'armée rhodésienne<br />

[... opérant] contre la guérilla<br />

anti-apartheid. C'est justement entre<br />

1978 et 1980 qu'une épidémie de charbon<br />

s'est déclenchée soudainement en<br />

Rhodésie, provoquant presque deux<br />

cents morts et plusieurs milliers de<br />

malades dans la population noire... » [3]<br />

« A l’époque, l'armée blanche de<br />

Rhodésie avait été soupçonnée d'avoir<br />

dispersé la bactérie. "Imaginez qu'Hatfill<br />

évoque une complicité des<br />

Américains avec les Rhodésiens<br />

dans cette affaire,<br />

[suppose] Robert Jereski, le<br />

directeur de la New York<br />

Coalition for Public Safety,<br />

[...] ce serait une bonne<br />

raison pour le laisser tranquille."<br />

» [1]<br />

Puis Hatfill, qui en sait donc<br />

trop pour être réellement<br />

ennuyé, devint « médecin militaire de<br />

l'armée d'Afrique du Sud, autre Etat qui<br />

appliquait la ségrégation raciale et qui<br />

développait des armes chimiques et bactériologiques<br />

contre les opposants au<br />

régime. Des [...] "missions" pour le<br />

compte du gouvernement US ? [s’interroge-t-on]<br />

[4]. [...] Car [Hatfill] se vantait<br />

d'être un agent double, au service du<br />

gouvernement sud-africain et de son<br />

homologue américain... » [3]<br />

Il regagna « les Etats-Unis en 1995 [...].<br />

Et c'est en 1997 qu'il rentrera "officiellement"<br />

dans le giron de la recherche bactériologique<br />

militaire US, à l'Institut de<br />

recherche médicale de l'Armée pour les<br />

maladies infectieuses (USA-MRIID), à Fort<br />

A l’Ouest rien... 596<br />

Detrick [...] Steven Hatfill [y] conduit des<br />

recherches sur le virus Ebola et sur les<br />

systèmes de défense contre les attaques<br />

biologiques. [... Lors] de plusieurs interviews<br />

aux médias US, il n'avait cessé de<br />

mettre en garde le gouvernement US<br />

sur sa faible préparation face à une<br />

offensive biologique sur le territoire<br />

national. » [3]<br />

On en est encore tout impressionné :<br />

« Le docteur Steven Hatfill, chercheur à<br />

l'Institut national américain de la santé, a<br />

démontré [en 1998] qu'il était possible<br />

de fabriquer dans sa propre cuisine une<br />

grande quantité de bacilles de la peste<br />

après en avoir récupéré quelques<br />

souches dans la nature. » [5]<br />

« Soudainement, en janvier 1999, Hatfill<br />

quittait Fort Detrick pour la<br />

SAIC (Science Application<br />

International Corporation),<br />

une [des principales entreprises]<br />

sous contrat avec le<br />

Pentagone [Voir « Le fond<br />

de Bauer effraie », p. 235],<br />

comme spécialiste dans le<br />

domaine de la défense<br />

biologique. [... Il y] commandera<br />

[...] un rapport<br />

sur les conséquences d'une hypothétique<br />

attaque à l'anthrax perpétrée par<br />

courrier... » [3]<br />

Début « 2002, Hatfill perdait son accréditation<br />

spéciale lui permettant l'accès<br />

aux plus importants laboratoires militaires<br />

US de recherche biologique et chimique.<br />

Son nom commençait à circuler<br />

avec trop d'insistance dans le cadre de<br />

l'enquête [... Puis], il perdait aussi son<br />

travail chez SAIC. » [3]<br />

Mis donc sur sa piste, le « FBI [...] insiste<br />

sur le fait qu’il n’est pas "suspect", mais<br />

[...], selon certains, ferait [... tout] pour<br />

incriminer le scientifique au regard du<br />

public » [6]<br />

Après « l'avoir interrogé à quatre reprises


et l'avoir » [3], avec son accord mais « à<br />

grand renfort de publicité médiatique<br />

» [6], « soumis en février [2002] au<br />

test [du “détecteur de mensonges”] qui<br />

s'était révélé négatif » [3] (ce n’est pas<br />

une épreuve trop difficile pour un menteur<br />

entraîné), on en rajoute encore. A<br />

« la mi-juin [2002], le FBI [... fouille] sa<br />

maison » [1], toujours « avec [son]<br />

accord » [3], « avant de déclarer n'avoir<br />

rien découvert de suspect.<br />

[…On] accuse le FBI de ne pas avoir<br />

sé<strong>rieuse</strong>ment suivi la piste dudit docteur,<br />

parce que "c'est un Américain<br />

qui a des liens avec le département de<br />

la Défense, la CIA et le programme de<br />

biodéfense américain" [7] […] "Bien<br />

sûr que le FBI traîne des pieds", assure<br />

Barbara Rosenberg, la présidente<br />

de la Fédération des scientifiques<br />

américains » [1].<br />

Mais « le Congrès, en la personne des<br />

sénateurs Leahy et Daschle, exerce [...]<br />

une pression importante sur l’agence<br />

fédérale afin que celle-ci éclaircisse cette<br />

affaire. » [6] De nouveau, en « août<br />

2002, [...] les agents du FBI fouillaient<br />

l'habitation [... de Hatfill.] Ils emportaient<br />

des cartons pleins de documents » [3].<br />

« Son roman non publié - retrouvé sur<br />

son ordinateur et dépeignant une<br />

attaque de la peste brune sur le Congrès<br />

- a été jeté en pâture aux médias.<br />

Pourtant, [... le] FBI n’a [pas] officiellement<br />

reconnu qu’il faisait l’objet d’une<br />

enquête ou mentionné la moindre preuve<br />

à son encontre. » [6]<br />

« Hatfill [...] a protesté [...] contre ce qu'il<br />

a appelé un "assassinat moral" [... et]<br />

s'est affirmé totalement étranger à [...<br />

l’affaire]. Il a fait valoir qu'il avait accepté<br />

d'être soumis au détecteur de mensonge.<br />

Le FBI [...] n'a pas répondu à ses protestations,<br />

ni aux accusations de son<br />

avocat [...] selon lequel la police fédéra-<br />

le s'acharne sur ce scientifique pour donner<br />

l'impression que l'enquête avance.<br />

M. Hatfill a [affirmé] qu'il n'avait jamais<br />

travaillé lui-même sur ce bacille au cours<br />

de ses recherches [... à] Fort Detrick. » [8]<br />

« L'armée US a-t-elle décidé de lâcher ce<br />

brillant mais trop voyant chercheur qui,<br />

à l'étranger comme aux Etats-Unis, a fait<br />

toute sa carrière à l'intérieur des programmes<br />

biologiques secrets américains<br />

? Ou bien ne s'agit-il que d'une<br />

manœuvre de diversion destinée à<br />

brouiller les pistes et à protéger les vrais<br />

coupables... » [3] Toujours est-il qu’on ne<br />

lésine pas.<br />

En juin 2003, « le FBI a commencé [...<br />

pour] un coût prévu de 250.000 dollars,<br />

[à faire] vider un des étangs de la forêt<br />

[...] de la ville de Frederick, dans l'Etat du<br />

Maryland […,] ville qu'habitait [Hatfill]<br />

au moment du déclenchement des<br />

attaques [..., et où] est installé le laboratoire<br />

militaire de Fort Detrick » [3], pour<br />

y « trouver [...] une partie de l'équipement<br />

et des vêtements susceptibles<br />

d'avoir étés utilisés par l'expéditeur des<br />

enveloppes [...].<br />

[... Aucune] trace d'anthrax n'a pu être<br />

trouvée sur l'équipement [...]. Mais cette<br />

théorie a tout de même l'avantage de<br />

faire monter la pression sur [...] Hatfill<br />

[...,] le seul suspect sur lequel le FBI ait<br />

su mettre la main, au cours d'une investigation<br />

[... dite] Amerithrax, [après]<br />

deux ans [... Des] limiers du FBI [...] faisaient<br />

remarquer [9] qu'aucune preuve<br />

matérielle n'a pu être recueillie contre<br />

Hatfill qui, d'ailleurs, n'a même pas été<br />

mis en examen. Et cela en dépit des 80<br />

agents qui surveillent ostensiblement<br />

Hatfill nuit et jour, espionnant et prenant<br />

en photo ses moindres déplacements<br />

ou rencontres. Une tactique [...]<br />

destinée à [le] faire "craquer" » [3].<br />

Et puis ? Il « "[…] est très étonnant de<br />

597 A l’Ouest rien...


voir le FBI enquêter si longtemps sans<br />

aboutir à quoi que ce soit", résume […]<br />

un expert en bioterrorisme » [1]. Après<br />

« avoir soupçonné [...] Stephen Hatfill,<br />

l'enquête piétine... à moins qu'elle ne<br />

soit entravée. » [10]<br />

En effet « "[...], plusieurs informations<br />

font état du fait que la CIA a poursuivi les<br />

programmes de recherches sur les armes<br />

biologiques, bien après la signature, en<br />

1970, de la Convention internationale<br />

contre le développement de telles<br />

armes. [… Et] l'agence n'a certainement<br />

pas envie que l'on vienne s'y intéresser.<br />

» [11] La CIA viendrait-elle encore<br />

une fois entraver les enquêtes du FBI ?<br />

Et puis d’autres enquêtes devaient<br />

suivre, tout aussi éclairantes. Pour l’une<br />

d’elle, début 2004, le « FBI [...] privilégie<br />

la piste intérieure. Grâce à des analyses<br />

ADN, [... il] espère [cette fois] obtenir des<br />

informations sur l'origine de la poudre<br />

de ricine trouvée, le 2 février [2004],<br />

dans un bâtiment du Sénat, à Washington,<br />

et, en octobre et en novembre<br />

2003, dans les centres postaux du ministère<br />

des transports et de la Maison<br />

Blanche. » [12] En route vers de nouvelles<br />

« psychoses » !<br />

Et puis c’est à la ricine d’être à la mode…<br />

On croyait aussi en trouver « dans une<br />

consigne de la gare de Lyon à Paris, le<br />

lendemain de l'attaque de l'Irak par les<br />

Etats-Unis » [13].<br />

[1] : (Fabrice Rousselot, « Etats-Unis : black-out sur le charbon<br />

», Libération, 11/7/2002)<br />

[2] : (Paul Labarique, « Épidémie ou propagande ?<br />

Intoxication à l'anthrax », Voltaire, n° 74, 11/3/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article12815.html)<br />

[3] : (Robert Realley, « Anthrax : l'étrange affaire du Dr<br />

Hatfill et de Mister Mueller », Les Enquêtes interdites –<br />

amnistia.net, n° 22, 20/8/2002)<br />

[4] : (le webzine The American Prospect, 27/6/2002)<br />

[5] : (Marc Thibodeau, « Bioterrorisme : sommes-nous<br />

prêts ? », Québec Science, 11/1998, reprod. in http://luigiwarren.blogspot.com/<strong>2005</strong>_08_01_archive.html)<br />

[6] : (Natasha Saulnier, « Un an après les attentats<br />

Anthrax : le FBI sous pression », L’Humanité, 10/9/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-09-<br />

10/2002-09-10-39748)<br />

A l’Ouest rien... 598<br />

[7] : (Editorial du New York Times, 2/7/2002)<br />

[8] : (« Etats-Unis – Anthrax : Steven Hatfill a protesté<br />

contre ce qu'il a appelé un “assassinat moral” », Le Monde,<br />

13/8/2002, http://www.lemonde.fr/web/recherche_brev<br />

e/1,13-0,37-768714,0.html)<br />

[9] : (USA Today, 28/5/2003)<br />

[10] : (Pascal Riché et Fabrice Rousselot, « Depuis deux<br />

ans, le FBI cherche l'auteur des lettres mortelles. Anthrax,<br />

traque au point mort », Libération, 7/10/2003)<br />

[11] : (Jonathan Tucker, cité par [1])<br />

[12] : (« L'enquête sur la ricine trouvée au Sénat expose les<br />

lacunes des services de sécurité américains », Le Monde,<br />

11/2/2004)<br />

[13] : (« Mise en contexte subjective. Simple “bavure<br />

médiatico-policière” ? », Voltaire, 25/3/2003, http://www.<br />

voltairenet.org/article9560.html, d’après « Des traces de<br />

ricine découvertes dans une consigne de la gare de Lyon<br />

à Paris », Le Monde, 22/3/2003, et « Les flacons de la gare<br />

de Lyon ne contenaient pas de ricine », Le Monde,<br />

13/4/2003)<br />

Trop Proche<br />

Orient<br />

Pour « le monde libre », il y eut durablement<br />

« l’ennemi communiste » [Voir<br />

« Vodka Cola », p. 558]. L’apogée du<br />

long combat devait avoir lieu en Afghanistan,<br />

avec l’aide d’un homme-clé.<br />

« Diplômé en management et en économie<br />

[...], Oussama Ben Laden est un<br />

homme d'affaires avisé [Voir « L’ami Ben<br />

Laden », p. 563]. Dès 1979, il fut sollicité<br />

par son tuteur, le prince Turki al-<br />

Fayçal al-Saud (directeur des services<br />

secrets saoudiens de 1977 à août 2001),<br />

pour gérer financièrement les opérations<br />

secrètes de la CIA en Afghanistan. En<br />

quelques années, la CIA investit 2 milliards<br />

de dollars en Afghanistan pour<br />

faire échec à l'URSS, faisant de ces<br />

opérations les plus coûteuses jamais


engagées par l'Agence. » [1]<br />

Oussama Ben Laden, a alors « choisi le<br />

camp de Gulbuddin Hekmatyar, un des<br />

principaux pions américains en<br />

Afghanistan et "un combattant de la<br />

liberté sans pareil", selon le président<br />

Ronald Reagan. Hekmatyar est le chef<br />

du Parti Islamiste. Ses adeptes font leur<br />

réputation en jetant de l’acide au visage<br />

des femmes qui se risquent à ne pas porter<br />

le voile dans la rue. Les fonctionnaires<br />

et les officiers de la CIA qui le<br />

connaissent [le] décrivent<br />

[...] comme un<br />

être “violent”, “terrifiant”,<br />

“un fasciste”,<br />

“un véritable dictateur”<br />

[2]. La tactique<br />

favorite de ce combattant<br />

de la liberté<br />

consiste à “torturer les<br />

prisonniers en leur<br />

coupant le nez, les<br />

oreilles, les organes<br />

génitaux et en écorchant<br />

sa victime jusqu’à<br />

ce qu’elle meure,<br />

lentement et dans les<br />

plus horribles souffrances”<br />

[3]. Les troupes<br />

d’Hekmatyar ont aussi l’habitude<br />

d’incendier des écoles, des hôpitaux et<br />

des fermes et d’exécuter les femmes qui<br />

travaillaient comme institutrice, professeur<br />

ou infirmière. Le ministre américain<br />

des Affaires étrangères lui-même le<br />

reconnaît [4]. Entre 1978 et 1980, les<br />

Américains ont pourtant le choix. Il existe<br />

à l’époque un grand nombre d’opposants<br />

afghans, séculiers ou nationalistes.<br />

Malgré cela Washington opte pour les<br />

groupes les plus extrémistes. » [5] On ne<br />

déroge pas à ses bonnes habitudes.<br />

En « juillet 1995, l’Arabie saoudite<br />

devient le premier bailleur de fonds des<br />

[Taliban]. Mais sans l’aide des Etats-Unis,<br />

les [Taliban] n’auraient probablement<br />

pas poursuivi leur avancée. En effet,<br />

c’est à l’armée pakistanaise et à l’ISI [services<br />

secrets militaires pakistanais] qu’ils<br />

doivent près de la moitié de leur équipement<br />

militaire et de leurs troupes. Et ces<br />

derniers font appel à leur tour aux Etats-<br />

Unis pour ce qui concerne l’organisation,<br />

le soutien et l’encadrement [6]. [...]<br />

Les services secrets occidentaux non<br />

américains affirment que “les [Taliban]<br />

sont fort bien encadrés sur le plan militaire<br />

par des officiers<br />

pakistanais [... et] par<br />

des conseillers militaires<br />

américains,<br />

opérant sous le couvert<br />

de l’aide humanitaire”<br />

» [7]. Une couverture<br />

devenue classique.<br />

Le 11 septembre<br />

1996 (pour l’anniversaire<br />

du coup de<br />

force de Pinochet),<br />

les « [Taliban] (étudiants<br />

en religion)<br />

s’emparent de Jalalabad,<br />

chef-lieu de la<br />

province de Nanagahar,<br />

dans l’est du pays, proche de la<br />

frontière pakistanaise. Le 13, progressant<br />

vers la capitale, Kaboul, ils enlèvent<br />

la province orientale de Laghman et<br />

contrôlent ainsi environ les deux tiers du<br />

pays. » [8]<br />

« Lors d’une audition de la commission<br />

“Global Terrorism” de la Chambre des<br />

Représentants, le républicain Dana<br />

Rohrabacher déclare le 18 février 1998 :<br />

“Les Etats-Unis ont toujours pleinement<br />

secondé les [Taliban] dans la région<br />

depuis 1994 et le font encore aujourd’hui.<br />

Lorsque certaines puissances tentent<br />

de soutenir d’autres groupes en<br />

Afghanistan, notre ministre des Affaires<br />

599 A l’Ouest rien...


étrangères y met son veto. Les Etats-Unis<br />

et le Pakistan veillent à ce que toutes les<br />

forces anti-[Taliban] soient éliminées en<br />

Afghanistan.” [9] » [10].<br />

Mais, le temps passant, « Washington<br />

doute de plus en plus de la capacité des<br />

[Taliban] de mettre un terme à la guerre.<br />

[En 1998], il est clair qu’ils ne contrôlent<br />

pas l’ensemble de la zone qu’ils ont<br />

conquise. [... Au] moment où les<br />

[Etasuniens] mettent la pression sur les<br />

[Taliban] afin qu’ils acceptent un gouvernement<br />

de<br />

coalition avec<br />

l’Alliance du<br />

Nord et d’autres<br />

chefs de guerre<br />

» [11], le 8<br />

août 1998, Ben<br />

Laden « supervise<br />

les [attentats]<br />

aux véhicules<br />

piégés qui touchent<br />

les ambassades<br />

de Nairobi<br />

au Kenya et de Dar Es-Salaam en<br />

Tanzanie. Le 20 août, les Etats-Unis<br />

réagissent en lançant des missiles sur<br />

quatre de ses camps d’entraînement en<br />

Afghanistan. Parmi les victimes, cinq<br />

sont des officiers des services secrets militaires<br />

pakistanais ISI [12] [...].<br />

Les attentats d’août 1998 constituent un<br />

avertissement » [11]. Pour « les [Taliban]<br />

et Oussama Ben Laden, accepter un<br />

gouvernement de coalition revient à<br />

abandonner l’idée d’un Etat afghan<br />

purement religieux, et d’un port d’attache<br />

pour la conquête militaires et idéologiques<br />

des autres zones islamiques<br />

dans le monde. Jusqu’ici, les Américains,<br />

les [Taliban] et Oussama Ben Laden se<br />

sont alliés dans une même lutte, visant à<br />

pro<strong>page</strong>r le fondamentalisme musulman.<br />

Les [Taliban] et Ben Laden pour<br />

des motifs religieux, les Américains parce<br />

A l’Ouest rien... 600<br />

que le fondamentalisme apporte un<br />

affaiblissement, et même l’effondrement<br />

d’Etats qui s’opposent à leur hégémonie<br />

absolue. » [13]<br />

On discute donc entre vieux associés.<br />

« Entre le 17 et le 21 juillet 2001, les<br />

négociations se poursuivent. [...] Le<br />

négociateur Tom Simmons déclare aux<br />

représentants de [Taliban] que, s’ils ne<br />

cèdent pas, ils doivent s’attendre à une<br />

confrontation militaire : “Les Etats-Unis<br />

vous attaqueront à partir du mois d’octobre<br />

depuis<br />

l’Ouzbékistan et<br />

le Tadjikistan.<br />

Vous avez le<br />

choix entre un<br />

tapis d’or et un<br />

tapis de bombes.”<br />

» [14] Le<br />

timing est bien<br />

calculé. Et vient<br />

donc le 11 septembre<br />

2001…<br />

Pas de doute.<br />

Ça vient bien de ce Ben Laden caché en<br />

Afghanistan. « Le 20 septembre 2001, le<br />

gouvernement taliban demande aux<br />

Etats-Unis de fournir la preuve de l’implication<br />

d’Oussama Ben Laden dans les<br />

attentats. Le gouvernement américain<br />

n’accède pas à cette demande. La règle<br />

internationale exige pourtant qu’en cas<br />

de procédure d’extradition, les autorités<br />

du pays demandeur exhibent des<br />

preuves. » [15]<br />

Et pour « la première fois de l’histoire de<br />

l’OTAN, les signataires du Traité ont fait<br />

jouer son article 5 qui prévoit l’engagement<br />

de tous auprès de l’un d’entre eux,<br />

victime d’une agression… Il est surprenant<br />

que ce dispositif, conçu pour faire<br />

face à la menace soviétique, soit mis en<br />

œuvre pour combattre l’Afghanistan,<br />

pays déchiré conduit par un régime<br />

archaïque et isolé. » [16]


« Les Nations Unies ont autorisé les USA<br />

à pénétrer en Afghanistan pour arrêter<br />

Oussama Ben Laden et le traduire en justice.<br />

Ils pouvaient pour cela livrer bataille<br />

contre les [Taliban], sans leur déclarer la<br />

guerre pour autant. Au lieu de quoi, les<br />

USA ont bombardé l'Afghanistan et<br />

imposé un nouveau régime. [...<br />

Pourtant], ils ne sont en aucun cas légitimes<br />

à [renverser le pouvoir local] et à<br />

lui substituer un gouvernement de leur<br />

composition. » [17] Mais c’était ce qui<br />

était prévu depuis avant septembre…<br />

« Et le grand reporter français, Michel<br />

Peyrard - qui fut prisonnier des [Taliban]<br />

- a raconté comment Oussama Ben<br />

Laden vivait ouvertement à Jalalabad,<br />

en novembre [2001], tandis que les USA<br />

bombardaient d'autres régions du pays.<br />

Au demeurant, peut-on croire que la<br />

plus grande armée du monde venue l'arrêter<br />

en Afghanistan n'y soit pas parvenue,<br />

tandis que le mollah Omar aurait<br />

échappé à l'armada américaine en s'enfuyant<br />

à mobylette ? » [18] Faut-il avaler<br />

l’histoire du mollah Omar à la sauce<br />

américaine ?<br />

La « CIA lance, à la mi-mai 2002, un missile<br />

Hellfire sur le chef de guerre afghan<br />

Gulbuddin Hekmatyar. Dans les années<br />

80, ce dernier était le principal pion<br />

américain dans la lutte contre l’Union<br />

soviétique en Afghanistan. [... La] CIA<br />

tire pour le liquider [... puis] annonce<br />

elle-même que le missile n’a pas hélas<br />

touché son but. [... Un] de ses directeurs<br />

ajoute : “Aujourd’hui, il n’y a plus qu’une<br />

règle, et cette règle, c’est qu’il n’y a plus<br />

de règles.” [19] » [20] Il suffit de le savoir.<br />

Résultat ? La « “naissance d'une<br />

narco–nation” [21] [... puisque] “le boom<br />

de la production d'opium en 2004” fait<br />

de l'Afghanistan, “fournisseur quasi<br />

exclusif de l'héroïne en Europe” une<br />

“narco-économie”. [... Depuis] la chute<br />

des [Taliban] la production d'opium n'a<br />

cessé d'augmenter [... et] l'Afghanistan<br />

tire 60 % de son PIB de l'exportation de<br />

stupéfiants contre 7 % pour la Colombie<br />

[... Les Taliban] avaient interdit cette production<br />

en 2000 [... Grâce à leur guerre,]<br />

les américains parlent désormais de<br />

“narco terrorisme” et envisagent de<br />

ponctionner 70 milliards de dollars sur<br />

l'aide à l'Afghanistan pour “financer<br />

une stratégie antinarcotique plus<br />

agressive” » [22].<br />

C’est partout pareil, comme dit « le sénateur<br />

radical-chiraquien du Gers, Aymeri<br />

de Montesquiou. Rentrant d’Afghanistan,<br />

il nous dit [...] : “A Kaboul [...] il y a<br />

un soldat tous les 50 mètres, de nombreux<br />

‘check-points’ et toujours le<br />

couvre-feu. J’y vois une certaine analogie<br />

avec le plan Vigipirate chez nous<br />

[Voir « Vigies & Pirates », p. 195] : il n’y<br />

a somme toute guère plus d’insécurité à<br />

Kaboul que dans certaines banlieues<br />

parisiennes”. » [23] Allons ! Les soldats<br />

français sont moins dangereux ! Non ?<br />

[1] : (« À qui profite le crime ? Les liens financiers occultes<br />

des Bush et des Ben Laden », Réseau Voltaire,<br />

16/10/2001, http://www.voltairenet.org/article7613.html)<br />

[2] : (Cité dans William Blum, « Killing hope, US military<br />

end CIA intervention since World War II », Common<br />

Courage Press, Monroe, 1995, p. 338)<br />

[3] : (« US intelligence officers confirmed that islamic rebels<br />

killed Soviet male and female civilians and mutilated their<br />

bodies », The New York Times, 13/4/1979 ; Gregory Elich,<br />

« War criminals, real and imagined », Covert-Action, hiver<br />

2001, p. 23)<br />

[4] : (« Afghanistan country report on human rights practicies<br />

for 1979 », Bureau of Democracy, Human Rights<br />

and Labor, US Department of State, Washington,<br />

30/1/1998)<br />

[5] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 59)<br />

[6] : (Christian Science Monitor, 3/9/1998)<br />

[7] : (Richard Labévière, « Les dollars de la terreur »,<br />

Grasset, 1999, pp. 106-109)<br />

[8] : (Le Monde, « L’année 1996 dans Le Monde »,<br />

Gallimard, folio actuel, 1/1997, p. 227, d’après Le Monde,<br />

12/9/1996 et suivants)<br />

[9] : (La version dactylographiée de l’audition fut sur :<br />

www.commdocs.house.gov)<br />

[10] : (Peter Franssen, op. cit., pp. 66-67)<br />

601 A l’Ouest rien...


[11] : (Peter Franssen, op. cit., pp. 72-73)<br />

[12] : (Seymour Hersh, « The CIA and the failure of<br />

American intelligence », The New Yorker, 8/10/2001)<br />

[13] : (Peter Franssen, op. cit., p. 73)<br />

[14] : (Peter Franssen, op. cit., p. 76)<br />

[15] : (Peter Franssen, op. cit., p. 160, d’après Rahul<br />

Mahajan, « The new crusade », Monthly Review Press<br />

New York, 2002, p. 29)<br />

[16] : (Maurice Zavaro, « Le déséquilibre de la terreur »,<br />

Justice, n° 169, 11/2001)<br />

[17] : (« Les fondements juridiques de la guerre en<br />

Afghanistan », Réseau Voltaire, 14/12/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article7625.html)<br />

[18] : (Thierry Meyssan, « Conférence sous les auspices de<br />

la Ligue arabe. Qui a commandité les attentats du 11 septembre<br />

? », Voltaire, 8/4/2002, http://www.voltairenet.or<br />

g/article7607.html)<br />

[19] : (A.B. Krongard, cité par Bob Drogin, « The CIA<br />

rebuilds on war footing », The Los Angeles Times,<br />

20/5/2002)<br />

[20] : (Peter Franssen, op. cit., pp. 14-15)<br />

[21] : (Libération, 20/11/2004, p. 1)<br />

[22] : (M.I.L.D.T., « Revue de presse du 23 novembre<br />

2004 », http://www.drogues.gouv.fr/fr/index_affiche_sy<br />

nthese.asp?id=1320, d’après « L'Afghanistan accro au<br />

pavot », Libération, 20/11/2004)<br />

[23] : (« Le mur du çon », Le Canard enchaîné, 18/9/2002,<br />

p. 1, d’après Le Parisien, 17/9/2002)<br />

La première guerre du Golfe ? « "J’ai<br />

reçu l’ordre d’appliquer une politique<br />

qui satisfait à la définition du génocide<br />

: une politique délibérée, qui a<br />

déjà tué bien au-delà d’un million<br />

d’individus [...]" [... a reconnu plus<br />

tard] Denis Halliday, ancien coordonnateur<br />

du programme humanitaire<br />

de l’ONU en Irak, qui a démissionné<br />

en 1998 en signe de protestation [1].<br />

[... Le] 12 mai 1996, Madeleine<br />

Allbright, alors ambassadrice des États-<br />

Unis à l’ONU, interrogée à [la télévision<br />

lors de] l’émission "60 Minutes" [pour<br />

savoir si, à son avis,] la vie d’un demi mil-<br />

A l’Ouest rien... 602<br />

lion d’enfants "en valait le prix" ([le prix]<br />

pour se débarrasser du président irakien),<br />

répondit que cela "était un choix<br />

difficile, mais le prix ...nous pensons que<br />

le prix en vaut le coup". » [2] « Ce prix, qui<br />

est loin d'avoir affaibli Saddam Hussein, a<br />

plutôt consolidé son pouvoir. » [3] Mais<br />

peu importe, puisque ça a permis de faire<br />

un remake dix ans plus tard.<br />

Certes, « l’article 54 du protocole I ajouté<br />

aux conventions de Genève [4] affirme<br />

qu’il est interdit d’affamer des civils<br />

comme moyen de mener la guerre et<br />

l’article 33 de la quatrième convention<br />

de Genève [5] affirme qu’aucune personne<br />

protégée ne peut être punie pour<br />

un crime qu’elle n’a pas commis et interdit<br />

les châtiments collectifs » [2] ; mais on<br />

ne va quand même pas se formaliser<br />

pour des broutilles. On combat le mal.<br />

« Tout cela parce que [l’Irak a] cherché à<br />

récupérer des puits de pétrole qui [lui<br />

avaient] été de facto confisqués par les<br />

Britanniques. Comparons avec le traitement<br />

réservé à Israël qui occupe de<br />

façon parfaitement illégale les territoires<br />

conquis en 1967. » [6] [Voir « Terror is<br />

Real », p. 603]<br />

Mais tout s'est bien passé [Voir « Béni<br />

Hill », p. 552] : la « première guerre du<br />

Golfe n’a, au final, pas coûté un dollar<br />

aux Etats-Unis. [... Car] l’Arabie<br />

Saoudite, le Koweït, les Emirats arabes<br />

unis, l’Allemagne, etc. [...] “ont fourni<br />

en totalité les 61 milliards de dollars correspondant<br />

aux dépenses américaines.”<br />

[7]. » [8]<br />

Puis, durant une décennie, entre les<br />

deux guerres du Golfe, « la population<br />

[fut] étranglée par un embargo qui a fait<br />

des centaines de [milliers] de morts qui<br />

sont aussi [...], même si elles ne [sont pas<br />

passées] à la télévision, des victimes<br />

civiles. » [6] On pu ensuite repasser une<br />

seconde couche.


[1] : (John Pilger, « Squeezed to death », The<br />

Guardian, 4/3/2000, http://www.guardian.co.uk/weekend/story/0,,232986,00.html)<br />

[2] : (« Dix ans après la "Guerre du Golfe". Le saccage et le<br />

pillage de l’Irak se poursuivent impunément. »,<br />

18/7/2002, www.lagauche.com, http://www.lagauche.c<br />

om/lagauche/spip.php?article13)<br />

[3] : (« La "Guerre du Golfe". Dix ans et un million et<br />

demi de morts plus tard », Le Devoir, 16/1/2001,<br />

cf. http://www.canesi.org/Fran/declarationrqlsci-fr.html)<br />

[4]: (http://193.194.138.190/tbs/doc.nsf/c86f97e697f62<br />

9acc1256bdd0026680f/2119b50aca5c4f32c1256d6600<br />

342137/$FILE/G0244471.doc)<br />

[5] : (http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/380?OpenDocu<br />

ment)<br />

[6] : (Jean Bricmont, « La fin de la “fin de l’Histoire” »,<br />

Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, p. 4, (100 FB),<br />

65, rue du Midi – B-1000 Bruxelles)<br />

[7] : (Le Figaro, 15/2/2003)<br />

[8] : (Le Canard enchaîné, 5/3/2003, p. 8)<br />

« Pour<br />

fondamentalementantisémites<br />

qu’ils<br />

soient, certainsfascistes<br />

n’en<br />

sont pas<br />

moins fascinés<br />

par<br />

le militarisme de l’état sioniste, par le<br />

caractère “musclé” d’opérations type<br />

“raid sur Entebbe”. Et ils n’hésitent<br />

pas à parler d’Israël comme du bastion<br />

de l’Occident en terre barbare.<br />

De plus, être sioniste, n’est-ce pas<br />

aussi prôner le départ au Proche-<br />

Orient des Juifs d’Europe ?<br />

C’est ainsi [que le groupe fasciste] Ordre<br />

Nouveau entretenait les meilleures relations<br />

avec le groupe sioniste d’extrême<br />

droite B.E.T.A.R. (relations poursuivies<br />

[en 1978] par le P.F.N. [ancêtre du FN]).<br />

Pour d’autres, cependant, la tradition de<br />

l’antisémitisme est si forte qu’elle les<br />

conduit à soutenir “même” les Arabes<br />

contre les Juifs, comme en France certains<br />

groupes “nationaux-révolutionnaires”<br />

». [1]<br />

On aime à retrouver ses amis. « Ainsi<br />

donc, les faucons de Washington<br />

(comme Richard Perle) [Voir « Les faucons,<br />

de vrais salauds ? », p. 585], les<br />

intégristes chrétiens US (Gary Bauer), et<br />

l'extrême droite israélienne (Netanyahu,<br />

Belon, etc.) étaient [en 2003] réunis<br />

pendant trois jours dans un grand hôtel<br />

aux frais de la mafia russe. » [2]<br />

Des intégrismes « opposés » peuvent<br />

aussi bien être complémentaires.<br />

« Depuis quelques années, le fondamentalisme<br />

religieux a radicalisé le conflit au<br />

Moyen-Orient. [...] Aux États-Unis [aussi,<br />

où] les églises protestantes qui appartiennent<br />

au mouvement évangélique<br />

comptent plus de 50 millions de fidèles.<br />

L'interprétation de la Bible qui a cours<br />

dans un grand nombre de ces églises<br />

conduit leurs adeptes à vénérer le<br />

peuple juif et l'État d'Israël, et à refuser<br />

toute concession territoriale aux<br />

Palestiniens. [...]<br />

Le pacifiste Uri Avnery [...] s’inquiète [... en<br />

2004] : “En ce moment, sous l’administration<br />

Bush, [les intégristes chrétiens]<br />

sont plus puissants encore que le lobby<br />

juif. Ensemble, ils ont un pouvoir<br />

immense. M. Sharon contrôle le<br />

Congrès, bien plus que M. Bush. [...] M.<br />

Sharon et le lobby juif, appuyé par le<br />

lobby des fondamentalistes chrétiens,<br />

peuvent empêcher la réelection de n’importe<br />

quel sénateur ou congressman<br />

aux Etats-Unis. » [3]<br />

« En 1948, les fondamentalistes évangéliques<br />

du monde entier ont été galvanisé<br />

: la création de l'État d'Israël semblait<br />

réaliser une prophétie [d'Ézéchiel], qui<br />

avait annoncé dans l'Ancien<br />

Testament [4] le retour des Juifs après un<br />

exode de 2000 ans. [...]<br />

Mais plusieurs autres événements doivent<br />

encore se réaliser. Un des endroits<br />

les plus mythiques lié aux prophéties de<br />

603 A l’Ouest rien...


la fin du monde, c'est la vallée<br />

d'Armageddon, à environ 200 km au<br />

nord de Jérusalem. C'est là [que devrait<br />

avoir] lieu la bataille finale entre les<br />

forces du Bien et celles de l'Antéchrist. Et<br />

la victoire du bien permettra enfin le<br />

retour du Christ sur Terre. » [3] Vite !<br />

Vite ! Hâtons le doux évènement ! [Voir<br />

« Bâtissons le choc<br />

des civilisations »,<br />

p. 566]<br />

L'élan divin permet,<br />

comme d'habitude,<br />

de ne pas avoir<br />

à reconnaître les<br />

conséquences (pour les<br />

autres peuples) du<br />

mythe colonialiste de<br />

la « frontière » [frontier],<br />

base de l'imaginaire et du mode<br />

d'être étasuniens, « marquant la zone<br />

limite de l'implantation des populations<br />

d'origine européennes dans le contexte<br />

de la conquête de l'Ouest » [5].<br />

Rappelons-nous la « conférence de<br />

Durban. L’Occident refuse toute idée de<br />

réparations pour l’esclavage et le colonialisme.<br />

Mais comment ne pas voir que<br />

l’Etat d’Israël fonctionne comme réparation<br />

pour les persécutions antisémites,<br />

sauf que, là, le prix est payé par les<br />

Arabes pour des crimes commis par des<br />

européens ? Et comment ne pas comprendre<br />

que ce transfert de responsabilité<br />

soit perçu par les victimes du colonialisme<br />

comme une manifestation de racisme<br />

? » [6] Pour empêcher de comprendre,<br />

il faut d'abord « inverser les<br />

causes et les conséquences de leur radicalisation<br />

(il [y a des] d’attentats en Israël<br />

[non] parce qu’il y a une occupation,<br />

mais il y a une occupation parce qu’il y a<br />

des attentats) » [7].<br />

Mais quelle histoire enseigne-t-on ?<br />

« L'enjeu de l'empoignade entre historiens<br />

anciens et nouveaux réside dans la<br />

A l’Ouest rien... 604<br />

lecture, le décryptage et la transcription<br />

de la guerre civile israélo-palestinienne,<br />

puis israélo-arabe entre 1947 et 1949.<br />

Pour Benny Morris, Avi Shlaïm ou Ilan<br />

Pappé, il s'agit d'extraire dans la mouvance<br />

de l'aîné précurseur, Simha<br />

Flapan, la vérité sur<br />

l'exode palestinien<br />

durablement occultée<br />

sous la gangue<br />

des thèses officielles.<br />

[...] Sans plan global<br />

ni politique d'expulsion<br />

prémédités, mais<br />

avec une volonté délibérée<br />

d'expulsion et de destruction<br />

de villages arabes,<br />

Israël aurait encouragé et<br />

stimulé l'exode massif,<br />

selon Benny Morris. Son collègue, Ilan<br />

Pappé, valide [...] l'approche d'une stratégie<br />

globale d'expulsion, voire d'une<br />

idéologie de transfert, chez David Ben<br />

Gourion. » [8]<br />

Et l'idéologie dominatrice meut aussi des<br />

activistes singuliers. « Yitzhak Rabin est<br />

assassiné le 4 novembre 1995 [...]. Son<br />

assassin [réputé isolé, mais ayant facilement<br />

déjoué les systèmes de sécurité,]<br />

est Ygal Amir, un Juif israélien étudiant<br />

en droit et opposé aux Accords d'Oslo,<br />

conclus l'année précédente avec les<br />

Palestiniens. [...] Le processus de paix<br />

israélo-palestinien a été grandement freiné<br />

à la suite de l'assassinat de Rabin. Ce<br />

meurtre eut également pour conséquence<br />

un élargissement de la fracture dans<br />

la société israélienne entre les religieux<br />

et les laïcs. » [9]<br />

« Elu en mai 1996, de justesse, par une<br />

population que traumatisaient d'odieux<br />

attentats islamistes, M. Nétanyahou a<br />

ruiné le projet de paix et multiplié les<br />

provocations. » [10]<br />

En moins d'un an, en 1996, M.<br />

Benyamin Nétanyahou a ensuite réussi à


compromettre les relations établies par<br />

Itzhak Rabin et M. Shimon Pérès avec les<br />

Palestiniens et nombre de pays arabes. Il<br />

faut dire que « M. Benyamin Nétanyahou<br />

a de qui tenir. » [11] Son « père,<br />

Ben-Zion, [... fut], dans les années 30, le<br />

secrétaire particulier de Vladimir (Zeev)<br />

Jabotinsky, le fondateur du courant sioniste<br />

le plus réactionnaire, dit révisionniste.<br />

[...]<br />

Intégré en 1921 dans l'Exécutif sioniste,<br />

[Vladimir Jabotinsky] en dénonce les<br />

compromissions avec la puissance mandataire<br />

britannique et le quitte pour fonder,<br />

en 1923, le [... B.E.T.A.R.]. Entretemps,<br />

par antibolchevisme, il s'est compromis<br />

avec les hommes de l'ataman<br />

Simon Petlioura, pourtant responsables,<br />

dans son Ukraine natale, d'épouvantables<br />

pogroms où périssent quelque<br />

40 000 juifs [12] [...].<br />

Les révisionnistes extrémistes, dits birionim<br />

(brigands), préconisent même<br />

ouvertement la dictature. [...] "Le but du<br />

sionisme, explique [Jabotinsky] en 1924,<br />

est de créer un Etat juif. Son territoire :<br />

les deux rives du Jourdain. Le système :<br />

la colonisation de masse. [...] D'où le<br />

mot d'ordre de [...] la militarisation de la<br />

jeunesse juive d'Eretz Israël et de la diaspora."<br />

[13] [...]<br />

[... Dans] le sionisme révisionniste [...,]<br />

les militants du mouvement portent<br />

volontiers la chemise brune, célèbrent le<br />

culte du chef et se comportent en armée<br />

disciplinée. Chez eux, la violence est une<br />

seconde nature : contre les grévistes ou<br />

les meetings juifs de gauche, ils font le<br />

coup de poing ; contre les militants<br />

nationalistes arabes, ils tirent des coups<br />

de fusil. Et lorsque les Palestiniens<br />

déclenchent leur grande révolte, en<br />

1936, les révisionnistes, avec leur milice,<br />

la Haganah-B, aident les troupes britanniques<br />

à la réprimer dans le sang. [...]<br />

David Ben Gourion surnommera<br />

Jabotinsky "Vladimir Hitler" [...]. Le futur<br />

premier ministre d'Israël commentera<br />

même publiquement un article du<br />

Führer en affirmant : "Je pensais lire<br />

Jabotinsky - les mêmes mots, le même<br />

style, le même esprit." [14] [...]<br />

"Pour que le sionisme réussisse, il vous<br />

faut un Etat juif, avec un drapeau juif et<br />

une langue juive. La personne qui comprend<br />

vraiment cela, c'est votre fasciste,<br />

Jabotinsky", confiera [Mussolini] en 1935<br />

[... au] futur grand rabbin de Rome [15]. [...]<br />

A la mort de Jabotinsky, en 1940, ses<br />

héritiers se divisent pour un temps. [...<br />

Parmi eux, le groupe] Lehi [... proposait]<br />

une alliance au Troisième Reich ([...]<br />

Itzhak Shamir [... commentait] ainsi ces<br />

démarches : "Elles n'étaient pas de mon<br />

goût et pourtant, du point de vue moral<br />

et national, j'estimais qu'elles n'étaient<br />

pas interdites." [16]) » [11]<br />

Les contradictions n'existent pas pour<br />

tout le monde. « Alors que Raoul<br />

Walenberg s’emploie héroïquement à<br />

sauver les juifs de Hongrie, Jacob, son<br />

parent, est tout bonnement le plus<br />

important banquier traitant avec les<br />

nazis. » [17]<br />

On se souvient aussi de « l'organisation,<br />

sous l'égide du gouvernement de Vichy<br />

avec son Commissariat Général aux<br />

Questions juives, et bien entendu les<br />

occupants allemands, d'un service de<br />

"bienfaisance", destiné à rassembler<br />

toutes les organisations juives dissoutes<br />

d'autorité. Ce service, l'Union Générale<br />

des Juifs de France (U.G.I.F.), Judenrat à<br />

la française, se chargea en zone nord<br />

surtout, mais également en zone sud, de<br />

[recenser] les Juifs, de les taxer lourdement,<br />

de rassembler des enfants à<br />

découvert (donc promis à la déportation),<br />

[prodiguant] aussi des paroles<br />

anesthésiantes et rassurantes à l'époque<br />

605 A l’Ouest rien...


où les pires événements se préparent<br />

([et] que l'U.G.I.F., par ses fonctions, ne<br />

pouvait ignorer.<br />

[... Et] certains notables [français Juifs],<br />

au début avec une totale inconscience<br />

probablement, ensuite en croyant sauver<br />

leurs proches et eux-mêmes, se sont<br />

engagés sur la pente de la collaboration<br />

qui, pour être en grande partie bureaucratique,<br />

[n'en] a pas moins facilité la<br />

tâche des nazis préparant le repérage et<br />

le rabattage des Juifs en vue de leur<br />

déportation, sans pour autant mettre à<br />

l'abri les bureaucrates<br />

autoritaires et<br />

paternalistes de<br />

l'U.G.I.F. » [18]<br />

C’est peu connu :<br />

« Partout où il y<br />

avait des Juifs, il y<br />

avait des responsables<br />

juifs, reconnus<br />

comme tels, et<br />

ces responsables, à<br />

de très rares exceptions<br />

près, collaborèrent,<br />

d'une façon ou d'une autre, pour<br />

une raison ou une autre, avec les nazis.<br />

Toute la vérité, c'est que, si le peuple juif<br />

avait vraiment été désorganisé et sans<br />

chefs, le chaos aurait régné, et beaucoup<br />

de misère aussi, mais le nombre<br />

des victimes n'aurait pas atteint quatre et<br />

demi à six millions. [... Probablement, la<br />

moitié] des Juifs auraient pu se sauver<br />

s'ils n'avaient pas suivi les instructions<br />

des Conseils juifs. » [19]<br />

« Tous [les héritiers de Jabotinski] se<br />

retrouveront [... vers la fin de la seconde<br />

guerre mondiale] pour recourir au terrorisme<br />

dans leur "lutte de libération" : de<br />

l'attentat de l'Hôtel King David, qui fit<br />

200 morts et blessés le 22 juillet 1946,<br />

au massacre du village palestinien de<br />

Deir Yassine (9 avril 1945), où tombèrent<br />

250 civils, les <strong>page</strong>s les plus noires<br />

A l’Ouest rien... 606<br />

de la naissance de l'Etat d'Israël et de<br />

l'expulsion de 800 000 Palestiniens sont<br />

signées par les hommes de Menahem<br />

Begin et de M. Itzhak Shamir, dont on<br />

sait le rôle qu'ils joueront, trente ans plus<br />

tard, à la tête du Likoud et de l'Etat<br />

juif. » [11] Mais on glisse aisément sur le<br />

passé des huiles du Likoud.<br />

Comme, par exemple, celui de Sharon.<br />

« Des bombardements intensifs que cet<br />

ancien ministre de la défense organise<br />

sur Beyrouth en 1982 lors de l’opération<br />

joliment intitulée “Paix en Galilée” (sic) à<br />

la petite promenade<br />

de santé que le<br />

même effectue en<br />

septembre [2000]<br />

sur l’esplanade des<br />

Mosquées de<br />

Jérusalem pour torpiller<br />

le processus<br />

de paix [...,] une<br />

seule et même ligne<br />

de conduite : la<br />

politique du pire.<br />

[...]<br />

Après l’assassinat de deux enfants palestiniens<br />

en 1953, le commando qu’il dirige,<br />

“l’unit 101”, fait sauter trente-neuf<br />

maisons et une école en territoire jordanien.<br />

Dans les ruines, on retrouve<br />

soixante-neuf cadavres, dont ceux, nombreux,<br />

de femmes et d’enfants. [...] A<br />

Beyrouth, vingt-neuf ans plus tard, un<br />

millier de Palestiniens des camps de réfugiés<br />

de Sabra et Chatila – des femmes et<br />

des enfants là encore – sont massacrés<br />

par des milices chrétiennes avec sa bénédiction.<br />

La commission d’enquête israélienne<br />

[...] juge alors la responsabilité de<br />

Sharon “engagée indirectement” ; mais<br />

lui ne reconnaîtra son “erreur” que trois<br />

ans plus tard. [...]<br />

Entre deux guerres, Sharon attise les<br />

braises et devient le thuriféraire des colonies<br />

israéliennes dans les territoires occu-


pés. Non sans avoir enfermés les<br />

400 000 Palestiniens de Gaza avec des<br />

barbelés. » [20]<br />

« Et le 6 octobre [2004], Dov Weissglass,<br />

le principal conseiller de Sharon, mange<br />

le morceau dans la presse israélienne.<br />

L’évacuation de Gaza, dit-il permettra “le<br />

gel du processus de paix [afin] d’empêcher<br />

la création d’un Etat palestinien”. » [21]<br />

Des « conseillers de l’Elysée [... résumaient<br />

en 2004] l’opinion de Chirac sur<br />

Sharon [...] “[... Il] veut rendre la situation<br />

à ce point intenable qu’aucun Etat palestinien<br />

ne pourra jamais voir le jour. Sharon<br />

veut que l’anarchie règne dans les territoires<br />

contrôlés par l’Auto-rité palestinienne et<br />

[veut aussi] se débarrasser<br />

d’Arafat.” » [22]<br />

« Plus extrémistes<br />

que Sharon, des<br />

Israéliens sont [en<br />

juillet 2004] soupçonnés<br />

par ministre<br />

de la Sécurité intérieure<br />

de vouloir<br />

commettre un attentat<br />

contre la<br />

mosquée Al-Aqsa à<br />

Jérusalem. Histoire, sans doute, de provoquer<br />

des réactions violentes de la part<br />

des Palestiniens. Et une répression encore<br />

plus violente de l’armée israélienne. » [23]<br />

Les attentats du 11 septembre 2001 ont<br />

eux-mêmes été bien utiles. « Après le 11<br />

septembre, [... l’armée] israélienne<br />

pénètre dans des dizaines de villes et de<br />

villages palestiniens et les occupe. Un<br />

officier supérieur israélien avait déclaré,<br />

auparavant, que son armée avait tout<br />

intérêt à étudier les méthodes utilisées<br />

par l’armée allemande lors de la prise du<br />

ghetto juif de Varsovie. » [24]<br />

Jacques Huntzinger, ambassadeur de<br />

France en Israël, fut qualifié par certains<br />

députés de la Knesset (jouant sur l'ho-<br />

mophonie avec le nom du ministre de<br />

la Guerre de Pétain) de « Pétain de l'an<br />

2001 » et d'« antisémite raciste qui<br />

devrait être renvoyé à Paris », parce<br />

qu'il [avait] refusé d'assimiler Arafat à<br />

Ben Laden et de comparer les attentats<br />

en Israël à ceux du 11 septembre aux<br />

USA [25].<br />

Les « critiques d’Israël sont intimidés et<br />

réduits au silence. C’est le chevènementiste<br />

Pierre-André Taguieff [Voir<br />

« Ensemble sur la photo », p. 218] [qui,<br />

en France,] s’est chargé de cette<br />

besogne d’intimidation en expliquant<br />

sur Europe 1 : “Un certain nombre de<br />

militants qu’on trouve dans ATTAC, un<br />

certain nombre de<br />

rédacteurs du<br />

Monde diplomatique<br />

procèdent à<br />

une diabolisation<br />

permanente d’Israël<br />

et suggèrent [...]<br />

que tout irait bien<br />

dans le monde si<br />

Israël n’existait pas<br />

et, plus généralement<br />

d’ailleurs pour<br />

certains, si les juifs n’existaient pas.” Puis,<br />

il expliqua que “des militants de l’antimondialisation<br />

tel José Bové ont contribué<br />

à rendre acceptables puis respectables<br />

les clichés et les slogans judéophobes<br />

en cours” [26]. » [27] [Voir<br />

« Contestation = crime », p. 355] Qui critique<br />

l’Etat d’Israël ne peut le faire que<br />

par désir d'extermination.<br />

[1] : (Frédéric Laurent, « L'Orchestre noir », Stock, 4/1978,<br />

p. 113)<br />

[2] : (Thierry Meyssan, « Chronique de l'Empire n° 5,<br />

Préparation de l'apocalypse en Israël », Réseau Voltaire,<br />

20/10/2003, ttp://www.voltairenet.org/article10859.html)<br />

[3] : (Luc Chartrand, réal. Robert G. Hynes, « Les chrétiens<br />

sionistes », Zone libre, Radio Canada, 23/1/2004,<br />

http://www.radio-canada.ca/actualite/zonelibre/04-<br />

01/chretiens.asp)<br />

[4] : (Ézéchiel, 37/21)<br />

607 A l’Ouest rien...


[5] : (« Mythe de la Frontière », http://fr.wikipedia.org/wiki/<br />

Mythe_de_la_Fronti%C3%A8re)<br />

[6] : (Jean Bricmont, « La fin de la “fin de l’Histoire” »,<br />

Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, p. 4 (65, rue<br />

du Midi – B-1000 Bruxelles))<br />

[7] : (Mona Chollet, « L'obscurantisme beauf. Le tête-àqueue<br />

idéologique de Charlie Hebdo », Périphéries,<br />

4/3/2006, http://www.peripheries.net/crnt69.html#charlie)<br />

[8] : (Yehuda Lancry, « "Le Péché originel d’Israël", de<br />

Dominique Vidal. Le grand refoulé de 1948 », Le Monde<br />

diplomatique, 5/1998, http://www.monde-diplomatique.fr/1998/05/LANCRY/10486,<br />

d’après Dominique<br />

Vidal (avec Joseph Algazy), « Le Péché originel d'Israël.<br />

L'Expulsion des Palestiniens revisitée par les "nouveaux<br />

historiens" israéliens », Editions de l'Atelier, 1998)<br />

[9] : (« Yitzhak Rabin », wikipedia, http://fr.wikipedia.org/<br />

wiki/Yitzhak_Rabin)<br />

[10] : (Ignacio ramonet, « Où va Israël ? », Le Monde diplomatique,<br />

8/1998, p. 1)<br />

[11] : (Dominique Vidal, « Aux origines de la pensée de M.<br />

Nétanyahou », Le Monde diplomatique, 11/1996, p. 4,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/1996/11/VIDAL/7384)<br />

[12] : (Marius Schattner, « Histoire de la droite israélienne<br />

», Complexe, Bruxelles, 1991)<br />

[13] : (Cité par Walter Laqueur, « Histoire du sionisme »,<br />

Calmann-Lévy, 1973, p. 386)<br />

[14] : (Cité par Michel Bar-Zohar, « Ben Gourion », Fayard,<br />

1986, pp. 112-115)<br />

[15] : (Cité par Lenni Brenner, « Zionism in the Age of the<br />

Dictators », Croom Helm, Londres et Canberra, 1983,<br />

p. 117)<br />

[16] : (Voir Charles Enderlin, « Shamir », Olivier Orban,<br />

1991, pp. 80-82)<br />

[17] : (Mark Aarons et John Loftus, « Des Nazis au<br />

Vatican », 1991, trad. Daniela von Scheidt, Olivier Orban,<br />

2/1992, d’après Higham, « Trading with the Enemy »,<br />

p. 117)<br />

[18] : (Jacques Gutwirth, Archives des sciences sociales<br />

des religions, 1981, Vol. 52, n° 2, p. 279,<br />

http://www.persee.fr/showPage.do?urn=assr_0335-<br />

5985_1981_num_52_2_2238_t1_0279_0000_2, chroniquant<br />

Maurice Rajfus, « Des Juifs dans la collaboration.<br />

L'U.G.I.F (1941-1944) », EDI, 1980, préf. Pierre Vidal-<br />

Naquet)<br />

[19] : (Hannah Arendt, « Eichmann à Jérusalem, rapport<br />

sur la banalité du mal », 1963, Gallimard, 1966, folio<br />

Histoire, 1991)<br />

[20] : (Nicolas Beau, « Ariel Sharon. La politique de la tête<br />

brûlée », Le Canard enchaîné, 1/11/2000, p. 7)<br />

[21] : (Claude Angeli, « Les sous-entendus de la mission<br />

Barnier auprès de Sharon », Le Canard enchaîné,<br />

20/10/2004, p. 3)<br />

[22] : (Claude Angeli, « Les amours Sharon-Poutine », Le<br />

Canard enchaîné, 15/9/2004, p. 3)<br />

[23] : (Le Canard enchaîné, 28/7/2004, p. 3)<br />

[24] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, pp. 166-167, d’après Haaretz,<br />

25/1/2002 et 1/2/2002)<br />

[25] : (Alexandra Schwartzbrod, « “Absurde” polémique en<br />

Israël », Libération, 15-16/9/2001)<br />

[26] : (Pierre-André Taguieff, « La Nouvelle Judéophobie »,<br />

Mille et Une Nuits, 1/2002, pp. 188-189)<br />

[27] : (PLPL n° 8, 2/2002, « Les Sharoniards »,<br />

http://www.homme-moderne.org/plpl/n8/p9.html)<br />

A l’Ouest rien... 608<br />

Être al Hamas<br />

On doit parlementer avec l'ennemi.<br />

« Selon les Américains, le Hamas est un<br />

mouvement sunnite capable de mobiliser<br />

de nombreux jeunes Arabes, pas seulement<br />

palestiniens, et aussi [de] représenter<br />

un contrepoids à la méchante<br />

organisation dite Al-Qaïda. Voilà qui relève<br />

d’une étonnante stratégie. » [1]<br />

« Pour la même raison, Israël soutient<br />

financièrement dès 1987 – date du<br />

déclenchement de la révolte palestinienne<br />

avec la première intifada – les<br />

fondamentalistes du Hamas, alors<br />

même que ce mouvement entame une<br />

campagne qui coûte la vie à des<br />

citoyens israéliens. [Les analystes israéliens]<br />

Schiff et Ya’ari [le notent] : “Des<br />

officiers de l’Etat-major israélien espéraient<br />

que l’intégrisme se pro<strong>page</strong> dans<br />

les zones palestiniennes pour y miner<br />

l’OLP de Yasser Arafat.” [2] Dans la<br />

bande de Gaza, Israël finance depuis<br />

les années 70 les intégristes des Frères<br />

Musulmans. Le général israélien Segev, à<br />

l’époque gouverneur militaire de Gaza,<br />

déclare : “Nous avons apporté une aide<br />

financière à certains groupes islamistes.<br />

Nous avons porté assistance aux mosquées<br />

et aux écoles, afin de développer<br />

un contre-pouvoir face aux forces de<br />

gauche qui appuyaient l’OLP.” [3] » [4]<br />

Et, de même que certains fâcheux<br />

jouent les sémites juifs contre les<br />

sémites arabes et réciproquement, certains,<br />

en Palestine, jouent le Hamas<br />

contre le Fatah et réciproquement [5].<br />

[1] : (« Le Hamas a reçu un émissaire américain », Le<br />

Canard enchaîné, 18/2/2004, p. 3)<br />

[2] : (Rezeq Faraj, « Israel and Hamas », CovertAction,<br />

hiver 2001, p. 26)<br />

[3] : (Cité par Lucas Catherine, « L’Islam à l’usage des<br />

incroyants », EPO, Berchem, 1997, pp. 235-237)<br />

[4] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 60)<br />

[5] : (http://tokborni.blogspot.com/2007/06/la-cia-lhonneur-de-vous-faire-savoir.html)


« Lorsqu’en<br />

novembre 2000<br />

les Républicains<br />

remportent l’électionprésidentielle,<br />

l’ensemble<br />

des leviers<br />

politiques du<br />

pays tombe<br />

entre leurs<br />

mains » [2].<br />

Mais ça n'était<br />

pas encore<br />

assez. George<br />

W. Bush le reconnaissait candidement<br />

: « Si nous vivions dans une dictature<br />

ce serait diablement plus facile...<br />

À condition que je sois le dictateur.<br />

» [3]<br />

« George W. Bush n'avait obtenu le suffrage<br />

que du quart des citoyens en 2000<br />

et avait été désigné président sans que<br />

soit connu le résultat des urnes. » [4]<br />

Ralph « Nader avait [..., après les élections,]<br />

été accusé d'avoir fait échouer [le<br />

"démocrate"] Al Gore, alors même que<br />

celui-ci avait gagné l'élection en suffrages<br />

et en grands électeurs et ne<br />

devait sa défaite qu'à une décision de la<br />

Cour suprême. » [5]<br />

« Le candidat démocrate Al Gore qui<br />

devance son concurrent de 337 576<br />

voix, demande un recompte des résultats<br />

en Floride, Etat [dont le gouverneur<br />

est Jeb, le frère de G.W. Bush] déterminant<br />

du fait de son poids dans le collège<br />

électoral et où la marge en faveur de<br />

George W. Bush est inférieure à 0,5 %<br />

[... La confirmation le 12 décembre<br />

2000] de l'élection de George W. Bush à<br />

la présidence des Etats-Unis par un arrêt<br />

de la Cour suprême fédérale [mit] fin aux<br />

recomptes demandés par Al Gore. Celuici<br />

reconnaît officiellement sa défaite le<br />

13 [décembre]. » [6]<br />

Bush fut donc mal élu, suite à coup<br />

d'Etat législatif, son challenger renonçant<br />

à se plaindre. Le pantin vint à la<br />

maison blanche avec son équipe de<br />

marionnettistes attitrée [Voir « Les faucons,<br />

de vrais salauds ? », p. 585].<br />

Ce « recordman de l'application de la<br />

peine de mort [...], dans tous les domaines<br />

[...,] se caractérise par un intégrisme<br />

d'extrême-droite à toute épreuve.<br />

C'est ainsi que George Walker Bush a<br />

[rapidement] introduit des clauses pour<br />

limiter l'avortement [Voir « Pour la vie ! »,<br />

p. 589], [comme pour] juguler l'action<br />

des syndicats, et qu'il a fait savoir haut et<br />

fort que les portes de la Maison-Blanche<br />

étaient désormais grandes ouvertes aux<br />

organisations religieuses chrétiennes et<br />

ultra-intégristes [Voir « Terror is Real »,<br />

p. 603]. [...] En politique étrangère, son<br />

premier acte a été de rouvrir la saison<br />

des bombardements sur Bagdad. » [7]<br />

On progresse : le pouvoir se concentre<br />

et la misère s'étend. « [En 2004], aux<br />

Etats-Unis, la majorité des revenus créés<br />

(50,1 %) a profité aux 20 % de familles<br />

les plus favorisées. Et, parmi elles, seules<br />

les 5 % les plus riches ont connu une<br />

augmentation de leur niveau de<br />

609 A l’Ouest rien...


vie. » [8] Indice du rapport de force :<br />

« Les Américains doivent négocier la<br />

durée de leurs congés payés avec leur<br />

employeur. Ils en prennent en moyenne<br />

treize jours par an, mais le minimum<br />

légal est de zéro ([il est encore de] vingtcinq<br />

jours par an en France). » [9]<br />

Si ça va mal, c'est bien entendu la faute<br />

aux « conflits de classe. De plus en plus,<br />

ces derniers furent présentés comme la<br />

source principale de l'insécurité [Voir<br />

« Contestation = Crime », p. 355] - ce<br />

que l'allocution de Franklin D. Roosevelt<br />

en 1938 met [déjà] en évidence lorsqu'il<br />

identifie les mouvements préconisant<br />

une prise de conscience de classe<br />

comme l'”une des grandes faiblesses<br />

de la nation américaine” [10]. » [11]<br />

Heureusement, on sait ce qu'il faut pour<br />

mettre au pas un peuple potentiellement<br />

récalcitrant : « Une opération de<br />

police un peu rude. » [12]<br />

[1] : (Patrick Font, « Le candidat des cons », CD1, téléchargeable<br />

sur http://auteursreunis.free.fr/catalogueDif.htm)<br />

[2] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international<br />

», coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis<br />

.pdf, d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à<br />

la force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

[3] : (CNN, 8/12/2000, cité par Jacques Bouchard, « Le<br />

retour de la Gestapo », Terre d’escale, 9/2/2003)<br />

[4] : (« Machines à voter. Le système électoral US en question<br />

», Voltaire, 26/1/2004, p. 2, http://www.voltairenet.org/article12215.html)<br />

[5] : (« Tribunes libres internationales. Kerry poursuivra la<br />

politique de Bush en Irak », Voltaire, 14/4/2004, p. 12,<br />

http://www.voltairenet.org/article13323.html)<br />

[6] : (« Les Etats-Unis sous la présidence Bush : chronologie<br />

2000-<strong>2005</strong> », la documentation française, s.d.,<br />

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/presidentielle-americaine-2004/chronologie.shtml)<br />

[7] : (« Business et droite extrême : les deux piliers de Bush<br />

junior », Les enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

29/3/2001, http://www.amnistia.net/news/articles/defiamer/bushdrte.htm)<br />

[8] : (Serge Halimi, « Pour démanteler l’Etat-providence.<br />

L’éternelle quête du modèle étranger », Le Monde diplomatique,<br />

10/<strong>2005</strong>, p. 9, http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/10/HALIMI/12813)<br />

[9] : (Serge Halimi, op. cit., p. 9, et n. 17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/10/HALI-<br />

MI/12813#nb17)<br />

[10] : (E.R. May, « National Security in American History »,<br />

in G. Allison, G.F. Treverton, « Rethinking America's<br />

A l’Ouest rien... 610<br />

Security », New-York, London, W.W. Norton Company,<br />

1992, p. 98)<br />

[11] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance<br />

aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001 »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004 pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1001.html)<br />

[12] : (Duc de Morny, ministre de l’Intérieur, qualifiant le<br />

coup d’Etat du 2 décembre 1851)<br />

« La guerre<br />

du Golfe de<br />

1991 avait<br />

déjà été qualifiée<br />

de "CNN<br />

war" en son<br />

temps, mais<br />

les attentats<br />

du 11 septembre<br />

ont marqué incontestablement<br />

un pic historique dans la mondialisation<br />

médiatique. […] La sur-dramatisation<br />

des attentats du 11 septembre était<br />

aussi, et surtout, le produit de l’action délibérée<br />

des médias de la société du "spectacle<br />

mondial" [1], ce corollaire du marché<br />

mondial qu’avait annoncé Guy Debord. » [2]<br />

Ce jour marqua un changement d'ère.<br />

« Ce jour-là aussi, 35.615 enfants sont<br />

morts de faim » [3].<br />

Délire obsidional ? « Pour l’historien et<br />

psychanalyste [étasunien] Charles<br />

Strozier, une “longue tradition de pensée<br />

paranoïaque [...] marque l’histoire<br />

politique américaine depuis le XVIII e<br />

siècle au moins. Nous nous sentons<br />

assiégés par notre propre gouvernement<br />

et nous avons nourri depuis longtemps<br />

un mouvement d’extrême droite<br />

puissant” [4]. Sa représentation non<br />

négligeable dans l’armée et les services<br />

US a été et reste la source possible de<br />

très graves déra<strong>page</strong>s. D’autant que<br />

l’exécutif peine à s’en dissocier clairement,<br />

à dire simplement ce qu’est ce<br />

mouvement : l’ennemi de la démocratie.<br />

» [5] Mais si une partie de ce mouvement<br />

prend les rênes de l'exécutif... ?


Alors, dans ce cas, les vrais démocrates<br />

ne font pas partie de l’Etat...<br />

Parmi les ouvriers d'un coup d'Etat, on<br />

comptera des mercenaires et ces « gens<br />

qui, à toutes les époques, sont les complices<br />

des coups de force, de ces gens<br />

dont on peut répéter ce que Cicéron a<br />

dit de la tourbe qui entourait Catilina :<br />

un tas d’hommes perdus de dettes et de<br />

crimes ! » [6]<br />

« Dans [leur<br />

logique, c’est-àdire<br />

celle de]<br />

tous les coups<br />

d’Etat, la tactique<br />

des catilinaires<br />

[ceux qui<br />

tentent un coup<br />

d’Etat, à l’instar<br />

de Catilina] est<br />

de brusquer les<br />

choses, celles des<br />

défenseurs de<br />

l’Etat de gagner<br />

du temps. » [7]<br />

Quitte, pour les<br />

putschistes, à<br />

accumuler des<br />

mensonges que<br />

le vent emporte<br />

[Voir « Toujours<br />

plus à l'Ouest »,<br />

p. 554].<br />

Mais un pouvoir assis sur la force de ses<br />

baïonnettes n’est pas stable. « On peut<br />

tout faire avec des baïonnettes, excepté<br />

s’asseoir dessus ! » [8] On est donc<br />

condamné à fuir en avant, comme<br />

Macbeth, qui s'en plaignait : « Je baigne<br />

à tel point dans le sang que, si je n'y<br />

pataugeais plus avant, le retour serait<br />

aussi périlleux que la traversée. » [9]<br />

Gît donc ici la solution pour ceux qui ont<br />

fait le coup de force et qui veulent perdurer<br />

: « Cet inexplicable vertige qu’on a<br />

nommé le règne de la Terreur. » [10] ...<br />

Et en « deux ans, [entre 2002 et 2004,]<br />

le niveau d’alerte est passé six fois du<br />

jaune (important) à l’orange (haut) dans<br />

l’ensemble des Etats-Unis. » [11] Le suspense<br />

devient permanent avec Fox<br />

News [12].<br />

Le « vice-président Dick Cheney [déclarait]<br />

peu après les attentats, “de nombreuses<br />

mesures que nous avons été<br />

obligé de<br />

prendre vont<br />

devenir permanentes<br />

dans la<br />

vie américaine”<br />

et vont constituer<br />

une “nouvelle<br />

normalité”<br />

reflétant “une<br />

compréhension<br />

du monde tel<br />

qu'il est”. De<br />

fait, [...] il n'est<br />

plus possible<br />

de voir ces<br />

changements<br />

comme de simples<br />

mesures<br />

d'exception s'inscrivant<br />

dans<br />

une stratégie<br />

d'urgence à<br />

court terme. Le<br />

gouvernement<br />

s'est fondamentalement éloigné des<br />

principes garantissant la liberté dans la<br />

société états-unienne, formalisés par la<br />

Constitution. » [13]<br />

« Le 11 septembre a renforcé [un] processus<br />

[... de sécurisation, dont la] grande<br />

particularité est d'avoir donné lieu à<br />

une gouvernementalité par la peur [14],<br />

la suspicion et l'urgence, systématisé<br />

l'usage des technologies de sécurisation<br />

et transformé les règles d'exception,<br />

comme la violation des libertés publiques,<br />

en normes générales. » [15] [Voir<br />

611 A l’Ouest rien...


« Homeland, sweet homeland », p. 475]<br />

Les petites gens en comprendront bien<br />

la nécessité : « Des sacrifices sont [depuis<br />

lors] réclamés au peuple américain tout<br />

entier. Dans les forces armées, de jeunes<br />

hommes et femmes sont amenés à risquer<br />

leur vie [...,] mais le premier décret<br />

présidentiel signé par [le] Président leur<br />

refusait une prime majorée d'heures supplémentaires<br />

en période d'opérations.<br />

[Le] peuple américain [... supporte aussi]<br />

des coupes sombres dans les budgets<br />

sociaux [...], dans le domaine des soins<br />

de santé, de la Sécurité Sociale et des<br />

libertés individuelles, et ceci pour faire<br />

face à la réévaluation des besoins militaires<br />

et de sécurité après les événements<br />

du 11 septembre. » [16]<br />

« Besoins » qui n'ont fait que croître<br />

ensuite. Ça empire, Américains !<br />

Une parlementaire états-unienne ose<br />

cependant s'interroger, début 2002 :<br />

« Dans quelle mesure notre dépendance<br />

à l'égard des importations de pétrole<br />

pèse-t-elle sur les politiques militaires<br />

soutenues par l'administration Bush ? La<br />

grande proximité entre l'administration<br />

Bush et les industries du pétrole et de la<br />

défense joue-t-elle, ou non, un rôle dans<br />

la poursuite des politiques de cette administration<br />

? [...] Pourquoi [...] l'administration<br />

reste-t-elle inébranlable dans son<br />

opposition à la conduite d'une [réelle]<br />

enquête sur la plus meurtrière attaque<br />

terroriste jamais menée contre notre<br />

pays ? » [16]<br />

Pourtant, des « conflits d'intérêt majeurs<br />

impliquant le président, l'attorney général,<br />

le vice-président et d'autres encore<br />

dans l'administration ont été révélés et<br />

continuent de l'être. » [16] Des « entreprises<br />

proches du gouvernement [parmi<br />

lesquelles Carlyle Group, DynCorp et<br />

Halliburton] ont bénéficié directement<br />

de l'accroissement des dépenses mili-<br />

A l’Ouest rien... 612<br />

taires engagées à la suite du 11 septembre.<br />

[...] Donald Rumsfeld a soutenu<br />

au cours d'une audition devant le<br />

Congrès que [les Etats-Unis pouvaient]<br />

faire face à ces dépenses nouvelles,<br />

même si elles correspondent au plus fort<br />

accroissement depuis vingt ans. » [16]<br />

Et il « est notoire qu'au moment des<br />

attaques, le père du Président Bush<br />

détenait, par le biais du Carlyle Group,<br />

des liens d'affaires avec l'entreprise de<br />

construction de la famille bin Laden et<br />

de [nombreuses] sociétés de participation<br />

liées aux industries de la défense,<br />

dont les actions ont progressé substantiellement<br />

depuis le 11 septembre [Voir<br />

« Où ça mène ? A l’argent ! », p. 530]. » [16]<br />

« L'étude détaillée du fonctionnement<br />

du Carlyle Group surprend et inquiète<br />

[Voir « La BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

Group », p. 525]. Jamais l'influence<br />

d'une société privée n'a menacé à ce<br />

point d'engloutir une démocratie aussi<br />

ancienne que celle des États-Unis. Ce<br />

subtil dosage de collusion, de corruption<br />

et de népotisme, à un tel niveau de responsabilités,<br />

fait résonner d'une manière<br />

particulière les mots prononcés par le<br />

président Dwight Eisenhower lorsqu'il<br />

quitta les commandes du pays, en janvier<br />

1961 [Voir « La mangouste du bois<br />

du nord », p. 534] :<br />

“Au sein des différents conseils du gouvernement,<br />

nous devons nous protéger<br />

contre l'apport d'une influence injustifiée,<br />

qu'elle soit recherchée ou non, de la part<br />

du complexe militaro-industriel [Voir « Il<br />

est canon », p. 650]. Le potentiel pour<br />

une montée désastreuse d'un pouvoir<br />

hors de propos existe et persistera. Nous<br />

ne devons jamais laisser cette agrégation<br />

mettre en danger nos libertés et nos processus<br />

démocratiques.” [17] » [18]<br />

Un tel « complexe » qui aura fait main<br />

basse sur l’Etat devra donc parfois, de


son côté, calmer les oppositions [Voir<br />

« Bibliophilie », p. 627]. « Paul Wellstone,<br />

sénateur démocrate du Minnesota, des<br />

membres de sa famille et plusieurs de ses<br />

collaborateurs, sont morts vendredi 25<br />

octobre 2002. Figure emblématique de<br />

l'aile gauche du parti démocrate et de la<br />

communauté juive, Paul Wellstone<br />

s'était vigoureusement opposé au projet<br />

de guerre préventive contre l'Irak. Son<br />

décès décapite [alors] l'opposition parlementaire<br />

au conflit des civilisations [Voir<br />

« Bâtissons le “Choc des Civilisations” »,<br />

p. 566]. Selon le département des<br />

Transports, le crash de l'avion du sénateur<br />

serait accidentel. » [19]<br />

Machiavel dit qu’« un prince puissant [...]<br />

surmontera toujours ces difficultés, tantôt<br />

en donnant à ses sujets l’espoir que<br />

leurs malheurs ne seront pas longs, tantôt<br />

en leur faisant<br />

craindre la cruauté de<br />

l’ennemi, tantôt en s’assurant<br />

avec adresse de<br />

ceux qui lui sembleraient<br />

trop hardis. [... Il<br />

doit] avoir d’autant<br />

moins de crainte que,<br />

au bout de quelques<br />

jours, quand les esprits<br />

sont refroidis, les dommages<br />

sont déjà faits, les<br />

malheurs sont arrivés et il<br />

n’y a pas de remède.<br />

Alors, ils en viennent<br />

d’autant plus à s’unir à leur prince qu’il<br />

leur semble qu’il a pour sa part des obligations<br />

envers eux, du fait que leurs maisons<br />

ont été brûlées, leurs propriétés<br />

dévastées, pour assurer sa défense. » [20]<br />

Maintenant que c'est la guerre permanente,<br />

soyons tous unis derrière le chef !<br />

« La justice, les commissions d’enquête<br />

du Congrès et la presse, c’est-à-dire tous<br />

les contre-pouvoirs, ayant été neutralisés,<br />

l’exécutif s’est doté de nouvelles<br />

structures lui permettant d’étendre à la<br />

politique intérieure les méthodes déjà<br />

éprouvées par la CIA et les Forces<br />

armées à l’extérieur. » [21] [Voir « Sied à<br />

ravir », p. 571]<br />

On saît distinguer les bons éléments.<br />

« George W. Bush [..., bienveillant,] ne<br />

considère pas comme "terroriste" l'action<br />

des escadrons de la mort [Voir « On<br />

scandait “le fascisme ne passera pas !”<br />

Mais l’opération Condor passa », p. 550]<br />

au Nicaragua, au point de nommer leur<br />

ancien protecteur, John Négroponte,<br />

ambassadeur à l'ONU. » [22] On admirera<br />

comment « un anti-communiste<br />

obsédé, lié à la FNCA [Fondation nationale<br />

cubano-américaine] terroriste, stratège<br />

machiavélique de la guerre du<br />

Vietnam [Voir « Revoilà Phœnix »,<br />

p. 542], parrain du plus sinistre escadron<br />

de la mort du Honduras,<br />

conspirateur du scandale<br />

Iran-Contra [Voir<br />

« Pour la drogue, donc<br />

contre », p. 144], est arrivé<br />

à entrer à l’ONU<br />

comme ambassadeur des<br />

Etats-Unis grâce à la<br />

vague anti-terroriste<br />

déchaînée par l’attentat<br />

le plus spectaculaire de<br />

l’histoire » [23].<br />

Les bons sont récompensés.<br />

« Le 25 avril<br />

2002, un nouveau commandement<br />

régional a été créé : le<br />

Commandement du Nord [24], capable<br />

de superviser toutes les forces de maintien<br />

de l'ordre et de sécurité en cas de<br />

situation “extraordinaire”. [... Il] a été<br />

confié au général Ralph E. Eberhard, qui<br />

commande déjà toutes les forces concernées<br />

par le programme de “guerre des<br />

étoiles”. Ces pouvoirs sans ampleur équivalente<br />

dans le système militaire US<br />

récompensent son action le 11 sep-<br />

613 A l’Ouest rien...


tembre. Ce jour-là, il était en charge de<br />

la sécurité aérienne. Il n'a pas respecté la<br />

procédure de crise et a pris des initiatives<br />

[...] inefficaces [...]. Ayant sa part de responsabilité<br />

dans le traumatisme du 11<br />

septembre, il n'a pas été sanctionné,<br />

mais au contraire a bénéficié personnellement<br />

des mesures d'exception qu'il a<br />

justifiées. » [25]<br />

On connaît la recette depuis longtemps :<br />

« Certain prince du temps présent [...] ne<br />

prêche jamais rien d’autre que la paix et<br />

la bonne foi et il est le<br />

plus grand ennemi<br />

de l’une et de l’autre ;<br />

l’une et l’autre, s’il les<br />

avaient observées, lui<br />

auraient plusieurs<br />

fois ôté son crédit ou<br />

son pouvoir. » [26] La<br />

soumission à l’Empire,<br />

ce sera donc la<br />

concorde et la paix,<br />

la pax americana.<br />

« L’Empire, c’est la<br />

paix. » [27]<br />

Avec l'état de guerre<br />

permanent, la réélection<br />

sera aisée. Car<br />

« l’équipe Bush encaissait<br />

10 dollars de<br />

financement destinés<br />

à la réélection de son héros quand ses<br />

pauvres adversaires démocrates<br />

recueillaient à peine un tout petit dollar.<br />

» [28] On peut aussi se réjouir de la<br />

prouesse technique : « La privatisation<br />

du dépouillement du scrutin et le<br />

recours au vote électronique rendent<br />

impossible le contrôle populaire des<br />

résultats. Une fraude massive [est devenue]<br />

possible » [29]<br />

De toutes façons, en 2004, John « Kerry<br />

ne représente pas d'alternative réelle à la<br />

politique de Bush » [30] ; « Kerry promet<br />

[alors] tout comme Bush d’augmenter le<br />

A l’Ouest rien... 614<br />

budget de la Défense, en engageant<br />

40 000 militaires de plus ! Et de mettre<br />

100 000 cops (flics) dans les rues… » [31]<br />

« D'un monde “relativement” démocratique<br />

dans les pays riches, ce qu'on<br />

appelait les pays occidentaux, nous<br />

avons basculé dans un monde où les<br />

Etats sont devenus des Etats-policiers.<br />

» [32] Dans ces pays, il avait été<br />

« donc nécessaire de troubler cette organisation<br />

[encore un peu démocratique] et<br />

de mettre le désordre dans les Etats de<br />

ces gens, pour pouvoir<br />

s’emparer sûrement<br />

d’une partie<br />

d’entre eux. Chose qui<br />

[...] fut facile. » [33]<br />

« Même si on ne peut<br />

parler avec certitude<br />

de complot entre<br />

Etats ou particuliers<br />

hyper-riches, on peut<br />

parler, en version<br />

optimiste, au minimum<br />

d'une collusion<br />

d'intérêts ou, en version<br />

inquiétante,<br />

d'une allégeance servile<br />

des politiciens<br />

occidentaux aux diktats<br />

de l'équipe Bush<br />

et des grands groupes<br />

multinationaux. » [32] [Voir « Le gouvernement<br />

mondial », p. 17]<br />

« Les conditions étaient prêtes en<br />

France, pour l'arrivée d'un Nicolas<br />

Sarkozy [Voir « Le syndrome de Narkozy<br />

», p. 664] aux portes du pouvoir<br />

absolu. [... La] même chose [est arrivée]<br />

dans plusieurs autres pays européens :<br />

Blair, en [Grande-Bretagne] ; Berlusconi<br />

en Italie ; Aznar, en Espagne, remplacé<br />

par un social-libéral ; Merkel, en Allemagne<br />

[plus récemment]... Tous ces personnages<br />

[... ont] un point commun :<br />

leur allégeance au néo conservatisme


[étasunien] et leur admiration pour le<br />

falot Président Bush. » [32]<br />

« L'Amérique a bien ceci d'exceptionnel<br />

qu'elle est, à l'orée du XXI e siècle, la première<br />

société de l'histoire dotée des<br />

moyens matériels et symboliques d'imposer<br />

son impensé politique et social<br />

comme cadre de pensée universel et, ce<br />

faisant, de transmuer ses particularités<br />

en normes, voire en idéal trans-historique.<br />

Et de les faire ensuite advenir en<br />

transformant partout la réalité à son<br />

image. » [34] On fait comme on a dit.<br />

Plus tard, l’ex-président italien Cossiga<br />

[Voir « Découverte de Gladio », p. 77]<br />

confiera « au plus grand journal italien<br />

que les attaques du 11 septembre ont<br />

été menées par la CIA et le Mossad et<br />

que cette information est largement<br />

répandue parmi les agences mondiales<br />

de renseignements. » [35]<br />

[1] : (Guy Debord, « La Société du Spectacle », § 145,<br />

Buchet Chastel, 1967, réed. Champ Libre, réed.<br />

Gallimard, 1992, p. 144, http://sami.is.free.fr/Oeuvres/de<br />

bord_societe_spectacle_1.html)<br />

[2] : (Gilbert Achcar, « La société du spectacle mondial »,<br />

acrimed, 1/2002, http://www.acrimed.org/article608.html)<br />

[3] : (Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, p. 1 (65,<br />

rue du Midi – B-1000 Bruxelles))<br />

[4] : (Cité par Corinne Lesnes, « "Une longue tradition de<br />

pensée paranoïaque" », Le Monde, 26/11/2001)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 46)<br />

[6] : (Léon Gambetta, plaidant le 14/11/1868, citant Cicéron<br />

« Deuxième Catilinaire », http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/catilina/ciceron/catilinaire2.html)<br />

[7] : (Curzio Malaparte, « Technique du coup d'Etat »,<br />

1931, trad. Juliette Bertrand, réed. Grasset, 1966, réed.<br />

Les cahiers rouges 1998, p. 142)<br />

[8] : (Prince Napoléon, contestant la confiance du ministre<br />

de l’Intérieur, 9/1869)<br />

[9] : (William Shakespeare, « Macbeth », III, 4, trad. fr.<br />

Maurice Maeterlinck, Gallimard, La Pleïade, 1959, cité par<br />

Paul Watzlawick, « Comment réussir à échouer. Trouver<br />

l'ultrasolution », 1986, trad. fr. Seuil, 5/1988, p. 9)<br />

[10] : (Benjamin Constant)<br />

[11] : (« Les tigres de papier », PLPL, n° 21, 10/2004,<br />

p. 11, BP 70072, F-13192 Marseille Cedex 20)<br />

[12] : (Cf. Robert Greenwald, « Outfoxed. Rupert<br />

Murdoch's War on Journalism », 2004, MK2 Editions 2004)<br />

[13] : (Sources ouvertes (n° 135) : « Les États-Unis se<br />

détournent de leur Constitution », Réseau Voltaire,<br />

30/9/2003, http://www.voltairenet.org/article10672.html,<br />

d’après le Rapport du Lawyer Committee For Human<br />

Rights, http://www.lchr.org/pubs/descriptions/Assessing/<br />

AssessingtheNewNormal.pdf)<br />

[14] : (Cf. D. Bigo, « Sécurité et immigration : vers une<br />

gouvernementalité par l'inquiétude », Cultures & Conflits,<br />

n° 31/32, 1998, pp. 13-38)<br />

[15] : (Ayse Ceyhan, « Sécurité, frontières et surveillance<br />

aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001 »,<br />

Cultures & Conflits, n° 53, 1/2004 pp. 113-145,<br />

http://www.conflits.org/document1001.html)<br />

[16] : (« Tribune de Cynthia Mc Kinney, députée des Etats-<br />

Unis. "Il importe que M. Bush réponde aux questions suscitées<br />

par les événements du 11 septembre" », Réseau Voltaire,<br />

12/4/2002, http://www.voltairenet.org/article7629.html)<br />

[17] : (« Farewell Adress », discours de fin de mandat du<br />

président Eisenhower, 17/1/1961, cité également, au<br />

moins partiellement in Pierre Marion, « Le pouvoir sans<br />

visage. Le complexe militaro-industriel », Calmann-Lévy,<br />

1990 ; in Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

5/11/2001, pp. 8-9 ; et in François-Xavier Verschave,<br />

« Noir Chirac », les Arènes, 3/2002, p. 47)<br />

[18] : (« Complexe militaro-industriel états-unien. Le<br />

Carlyle Group, une affaire d'initiés », Réseau Voltaire,<br />

9/2/2004, http://www.voltairenet.org/article12418.html,<br />

d’après Dan Briody, « The Iron Triangle - Inside the secret<br />

world of the Carlyle Group », Wiley, 2003)<br />

[19] : (« Vers la guerre en Irak. Mort d'un leader de l'opposition<br />

sénatoriale », Réseau Voltaire, 28/10/2002,<br />

http://www.voltairenet.org/article8678.html)<br />

[20] : (Nicolo Machiavel, « Le Prince », X, 1532, trad. Christian<br />

Bec, Bordas, 1987, réed. Presses Pocket, 1990, pp. 61-62)<br />

[21] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001 L'effroyable<br />

imposture », Carnot, 3/2002, p. 103)<br />

[22] : (Thierry Meyssan, op. cit., p. 149, d'après [23])<br />

[23] : (Guy Allard, « Negroponte entre à l'ONU sur un vote<br />

unanime du Sénat, Gramma International, 10/2001,<br />

http://www.granma.cu/frances/septiem4/39negro-f.html)<br />

[24] : (http://www.northcom.mil)<br />

[25] : (« L'armée établit une cartographie politique des<br />

Etats-Unis », Voltaire, 24/11/2003, http://www.voltairenet.org/article11263.html)<br />

[26] : (Nicolo Machiavel, op. cit., XVIII, p. 90)<br />

[27] : (Louis Napoléon Bonaparte, Discours de Bordeaux, 9/10/1852)<br />

[28] : (Claude Angeli, « Chirac veut ménager le soldat<br />

Bush », d’après David Levitte, ambassadeur français aux<br />

USA, Le Canard enchaîné, 10/9/2003, p. 4)<br />

[29] : (« Machines à voter. Le système électoral US en<br />

question », Voltaire, 26/1/2004, p. 2, http://www.voltairenet.org/article12215.html)<br />

[30] : (« Tribunes libres internationales. Kerry poursuivra la<br />

politique de Bush en Irak », Voltaire, 14/4/2004, p. 12,<br />

http://www.voltairenet.org/article13323.html)<br />

[31] : (D. F., « La voix aux chapitres », Le Canard enchaîné,<br />

27/10/2004, p. 6, d’après Steven Ekovitch, « Qui est<br />

John Kerry ? », Pepper, 2004)<br />

[32] : (Jean Dornac, « Genèse d'une dictature en gestation<br />

», altermonde le village, 29/10/<strong>2005</strong>)<br />

[33] : (Nicolo Machiavel, op. cit., VII, p. 45)<br />

[34] : (Loic Wacquant, « Sur l’Amérique comme prophétie<br />

auto-réalisante », Actes de la recherche en sciences<br />

sociales n° 139 (9/2001) : « L’Exception américaine (2) »,<br />

pp. 86-87, http://www.persee.fr/showPage.do?urn=arss_<br />

0335-5322_2001_num_139_1_3355)<br />

[35] : (dial, « Révélations de Francesco Cossiga dans le<br />

"Corriere della Sera" », Numéro Zéro, 10/12/2007,<br />

http://lenumerozero.lautre.net/spip.php?article1357,<br />

615 A l’Ouest rien...


d’après « Osama-Berlusconi ? "Trappola giornalistica"<br />

», Corriere della Sera, 30/11/2007, http://www.corriere.it/politica/07_novembre_30/osama_berlusconi_cossiga_27f4ccee-9f55-11dc-8807-0003ba99c53b.shtml)<br />

« 10h05 :<br />

les assaillantsjoignent<br />

par<br />

téléphone<br />

le Secret<br />

Service (chargé<br />

de la<br />

protection<br />

du président)<br />

et lui<br />

délivrent<br />

un message dont la teneur n’est pas<br />

connue. Pour créditer leur appel, ils<br />

donnent les codes de transmission et<br />

d’authentification d’Air Force One et<br />

de la Maison-Blanche.<br />

Considérant que la sécurité de l’avion<br />

présidentiel et de la Maison-Blanche<br />

n’est plus assurée, le Secret Service fait<br />

évacuer l’immeuble présidentiel et déploie<br />

des tireurs d’élite aux alentours et<br />

des roquettes sol-air. Il entend ainsi prévenir<br />

un éventuel assaut par des<br />

commandos aéroportés. » [1]<br />

« L'information relative à la communication<br />

téléphonique entre le<br />

Secret Service et les auteurs des<br />

attentats avait été successivement<br />

publiée par le Washington Post et<br />

le New York Times. Elle a été confirmée<br />

par Ary Fleischer, porte-parole<br />

de la Maison-Blanche, et longuement<br />

développée par Karl Rove<br />

(Senior Counsellor de la Maison-<br />

Blanche) [2] et par James Woolsey<br />

(ancien directeur de la CIA).<br />

Selon ce dernier, les auteurs des attentats<br />

disposaient non seulement des<br />

codes présidentiels d'Air Force One<br />

[l'avion présidentiel] et de la Maison-<br />

Blanche, mais aussi des codes de la Drug<br />

A l’Ouest rien... 616<br />

Enforcement Administration, du<br />

National Reconnaissance Office, de l'Air<br />

Force Intelligence, de l'Army Intelligence,<br />

du Naval Intelligence, du Marine<br />

Corps Intelligence, et des bureaux de<br />

renseignement du Département d'État<br />

et du Département de l'Énergie [ce qui<br />

donne un blanc-seing général].<br />

[... Au] New Yorker, Karl Rove a révélé<br />

que lorsque Air Force One avait changé<br />

de cap, le président décidant de se<br />

rendre personnellement au Strategic<br />

Command, plutôt que de rentrer à<br />

Washington, [sa présence physique<br />

sécurisant le commandement,] il avait<br />

été informé qu'un missile se dirigeait<br />

vers l'avion présidentiel. Air Force One<br />

avait alors été contraint de changer d'altitude<br />

et d'évoluer en zig-zag. Cette procédure<br />

brûlant trop de carburant, il avait<br />

été décidé d'une escale en Louisiane<br />

pour faire le plein.<br />

L'ensemble de ces informations provoquant<br />

des remous dans les chancelleries,<br />

une source officielle anonyme a délivré<br />

un démenti en bloc [3] [...]. Puis Ary<br />

Fleischer, revenant sur ses propres asser-<br />

tions, l'a démenti à son tour, assurant<br />

que tout cela avait été dit par erreur sous<br />

le coup de l'émotion. [...] M. Fleischer est<br />

incapable d'expliquer le périple du président<br />

le 11 septembre [...].


[On a donc corrigé le tir]. Condoleezza<br />

Rice, conseillère nationale de sécurité, a<br />

convoqué les dirigeants des principaux<br />

médias américains pour les rappeler à<br />

l'ordre, tandis que le président Bush a<br />

décidé de limiter l'accès des parlementaires<br />

eux-mêmes à l'information ! » [4]<br />

« Le 5 octobre [2001], le président Bush,<br />

en violation de la Constitution, ordonne<br />

[en effet] à plusieurs membres de son<br />

cabinet de ne plus transmettre d’information<br />

aux parlementaires. » [5] On n'a<br />

plus rien à leur dire. Tout va bien.<br />

[1] : (« Chronologie. Les événements du 11 septembre<br />

2001 », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

27/9/2001, http://www.voltairenet.org/article7609.html)<br />

[2] : (New York Times, 13/9/2001)<br />

[3] : (CBS, 25/9/2001 ; Mike Allen, « White House Drops<br />

Claim of Threat to Bush », Washington Post, 27/9/2001,<br />

http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn?<strong>page</strong>name=article&node=&contentId=A32319-2001Sep26)<br />

[4] : (Thierry Meyssan, « Définition de l'ennemi. Contradictions<br />

officielles », Réseau Voltaire, 16/10/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article7612.html)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001 L'effroyable<br />

imposture », Carnot, 3/2002, p. 94, d'après Georges<br />

Bush, « Mémorandum [...] Objet : Information du<br />

Congrès », 5/10/2001, reprod. in Thierry Meyssan, op.<br />

cit., 2002, pp. 206-207)<br />

« Dix neuf terroristes arabes [Voir<br />

« On trouvera bien un coupable<br />

arabe », p. 275], dont certains<br />

connus, entrent aux Etats-Unis (pays<br />

dont les contrôles aux frontières sont<br />

draconiens), y vivent et s'y instruisent,<br />

embarquent sous leur "vrai<br />

nom" […], révisent leur cours de pilotage<br />

dans un manuel en arabe avant<br />

le décollage […], tout cela sans se<br />

faire repérer ? Mais la NSA n'existe<br />

presque pas, mais la CIA manque<br />

d'espions et de traducteurs […] et le<br />

FBI n'est plus ce qu'il était !<br />

Ce dernier, enfin réveillé, obtient néanmoins<br />

des résultats spectaculaires en<br />

moins de 48 heures grâce aux listes de<br />

passagers (y-a-t-il un Arabe dans<br />

l'avion ?) ; certains de leurs supposés<br />

complices sont localisés, attendant sans<br />

doute tranquillement chez eux l'arrivée<br />

de la police. » [1]<br />

« D’après le FBI, l’escale de Boston aurait<br />

été si courte que la valise d’Atta n’aurait<br />

même pas été embarquée à bord du vol<br />

11 et serait restée à l’aéroport. “Nous<br />

avons trouvé cette valise et y avons<br />

découvert un grand nombre de<br />

preuves”, déclare le FBI. On peut commencer<br />

par se demander pourquoi un<br />

BBBB RRRR AAAA ZZZZ IIII LLLL !!!! 617 A l’Ouest rien...


homme décidé à commettre une action<br />

kamikaze a besoin d’une valise [...]. Elle<br />

renferme en effet des uniformes de<br />

pilotes, un document comprenant des<br />

instructions pour les autres pirates de<br />

l’air et un testament d’Atta. [2] » [3]<br />

« Comment imaginer que ces hommes,<br />

qui n'ont pas voulu revendiquer [l’opération],<br />

donnent eux-mêmes le moyen<br />

de les identifier si facilement, tout en risquant<br />

de se faire intercepter » [1] ?<br />

« Mais la trouvaille la plus étonnante est<br />

certainement celle du passeport de<br />

Mohamed [Atta]. Il a été retrouvé dans<br />

les ruines du World Trade Center, malgré<br />

l’énorme brasier qui a réduit en<br />

cendres les dépouilles. [...] Le Boeing<br />

qui, avant le décollage, avait fait le plein<br />

[...] et dont les réservoirs contenaient<br />

encore 31.000 [litres de kérosène] au<br />

moment de l’impact a explosé. La température<br />

s’est élevée à 1200°C. Et dans<br />

cet enfer, le passeport de Mohammed<br />

Attia voltige tranquillement avant d’être<br />

retrouvé intact ! [4] » [3] C'est « grâce à<br />

l'effet du souffle de l'explosion ? » [1]<br />

« Dès le 12 septembre, le FBI publie une<br />

liste de 19 suspects, dont il apparaîtra<br />

toutefois ultérieurement que certains ne<br />

sont même pas enregistrés dans la liste<br />

des passagers ! [5] Quelle performance<br />

remarquable dans l’hypothèse où personne<br />

ne savait rien avant le 11 septembre.<br />

Le général Wesley Clark, ancien<br />

commandant des forces de l’Otan, affirme<br />

le 11 septembre, face au Pentagone<br />

encore fumant : “C’est l’œuvre<br />

d’Oussama Ben Laden.” [6] » [7] [Voir<br />

« L'ami Ben Laden », p. 563]<br />

Vint ensuite « l'affirmation selon laquelle<br />

15 des 19 pirates de l'air du 11 septembre<br />

étaient eux-mêmes Saoudiens<br />

[...,] imputation [... infondée, ce] que le<br />

département de la Justice [a] reconnu<br />

implicitement en refusant d'établir les<br />

A l’Ouest rien... 618<br />

actes de décès de ces prétendus pirates de<br />

l'air. » [8]<br />

Le « gouvernement saoudien a retrouvé<br />

vivants cinq des suspects prétendus<br />

morts dans ces supposés attentats suicides<br />

(Abdulaziz Alomari, Mohand<br />

Alshehri, Salem Alhazmi [et] Saeed<br />

Alghamdi vivent en Arabie saoudite, tandis<br />

que Waleed M. Alsheri est pilote à<br />

Royal Air Maroc). » [9] Mais, « certes, ils<br />

n'ont pas porté plainte pour vol de<br />

papiers ou usurpation d'identité ! » [1]<br />

« Quoi qu'il en soit et contre toute évidence,<br />

le FBI maintient ses accusations<br />

fantaisistes, lesquelles sont reprises sans<br />

discussion par les politiciens états-uniens<br />

et la presse occidentale. » [9]<br />

[1] : (A. Hanrry, « Apocalypse now ou Eucalypse ? »,<br />

A Contre Courant, n° 128, 10/2001, fut reprod. in<br />

http://www.acontrecourant.org)<br />

[2] : (Steven Erlanger, « An unobstructive man’s odissey »,<br />

The New York Times, 15/9/2001)<br />

[3] : (Peter Franssen, avec la participation de Pol de Vos,<br />

« 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de<br />

l’air », EPO, 2002, p. 22)<br />

[4] : (BBC, 5/10/2001)<br />

[5] : (« Die Krieger aus Pearl harburg », Der Spiegel,<br />

26/11/2001)<br />

[6] : (Cité dans Stefan Aust et Cordt Schnibben, « 11 september,<br />

de aanval, de mensen, hun verhaal », Het<br />

Spectrum, Utrecht, 2002, p. 186)<br />

[7] : (Peter Franssen, op. cit., p. 20)<br />

[8] : (« Tribunes libres internationales. Kerry poursuivra la<br />

politique de Bush en Irak », Voltaire, 14/4/2004, p. 13)<br />

[9] : (« Les États-Unis planifient le renversement des<br />

Saoud. Aucune amitié ne résiste au pétrole », Voltaire,<br />

21/11/2003, http://www.voltairenet.org/article11235.html)


Pour éclairer notre lanterne, faisons,<br />

nous aussi, appel aux lumières d'un<br />

faucon du Pentagone [Voir « Les faucons,<br />

de vrais salauds ? », p. 585],<br />

vieux conseiller en coups d'Etat, et<br />

notamment pour le compte de compagnies<br />

pétrolières.<br />

« Concepteur d’une théorie originale des<br />

relations internationales qui affirme la<br />

prééminence de la géoéconomie sur la<br />

géopolitique, Edward N. Luttwak [1] est<br />

membre du National Security Study<br />

Group du département de la Défense<br />

des États-Unis. Il est également membre<br />

du Center for Strategic and International<br />

Studies [2]. » [3]. Il est l'auteur d'un<br />

remarquable ouvrage : « Le coup d’Etat.<br />

Manuel pratique » [4], qui devait préluder<br />

à une longue série d'ouvrages sur la<br />

stratégie internationale [5].<br />

« Pour que le pays visé soit un terrain<br />

favorable à la réussite d’un coup d’Etat,<br />

trois conditions doivent être remplies. La<br />

[première, c’est, comme ici, donc,] que<br />

la situation économique et sociale du<br />

pays visé doit être telle que seule une<br />

petite fraction de la population soit [réellement]<br />

capable de participer à la vie<br />

politique nationale. [...] La seconde<br />

condition est que le pays visé doit être<br />

politiquement indépendant [...]. La troisième<br />

condition est que le pays visé doit<br />

comporter un “centre politique” » [6].<br />

Car « l’ensemble des services de l’Etat<br />

constitue dans une certaine mesure une<br />

véritable machine, qui normalement se<br />

comportera selon des règles quasi automatiques<br />

et par conséquent faciles à prévoir.<br />

Un coup d’Etat s’effectuera donc en<br />

profitant de ce comportement presque<br />

mécanique, et cela dans ses deux<br />

phases : pendant l’opération, parce qu’il<br />

utilise des rouages de l’administration de<br />

l’Etat pour s’emparer des principaux<br />

leviers de commande, et après l’opération,<br />

parce que la valeur de ces leviers<br />

tient précisément au fait que l’Etat est en<br />

réalité une machine. [... Un] coup d’Etat<br />

consiste en l’infiltration d’un rouage,<br />

petit mais essentiel, de la machine administrative<br />

de l’Etat, rouage qui est ensuite<br />

utilisé pour empêcher le gouvernement<br />

d’exercer le contrôle de l’ensemble. [...<br />

Cependant, seules] des circonstances<br />

exceptionnelles [...] permettront un coup<br />

d’Etat dans un pays développé. » [7] Et les<br />

évènements du 11 septembre 2001<br />

seront, de fait, exceptionnels [Voir<br />

« Neuf ! Hein ? Hein ? », p. 610].<br />

« En général, plus une organisation militaire<br />

est perfectionnée, plus elle est efficace,<br />

mais aussi plus sa vulnérabilité est<br />

grande. [... Donc], si nous voulons neutraliser<br />

une formation des forces armées,<br />

nous devrons nous assurer de la coopération<br />

de techniciens, bien plus que celle<br />

de chefs ; ils sont, en effet, plus efficaces<br />

individuellement et plus faciles à recruter<br />

(ils sont aussi plus sûrs). C’est là une première<br />

règle.<br />

La seconde est que [...] nous devrons<br />

[choisir,] pour les [neutraliser,] les unités<br />

ayant l’organisation la plus complexe,<br />

tandis que nous incorporerons dans nos<br />

619 A l’Ouest rien...


propres forces les unités les plus simples.<br />

Nous en tirerons un double avantage :<br />

d’une part, cela réduira notre vulnérabilité<br />

en cas de défection soudaine de certains<br />

éléments ; d’autre part, cela minimisera<br />

les effectifs que nous aurons à<br />

recruter pour réussir le coup d’Etat. » [8]<br />

On prépara savemment l'action. « En<br />

mai 2001 la responsabilité directe pour<br />

superviser l'”intégration complète” de<br />

tous les exercices d'entraînement du<br />

gouvernement fédéral et des agences<br />

militaires a été confiée à Dick Cheney<br />

[Voir « My Dick », p. 586] par mandat<br />

présidentiel. La matinée du 11 septembre<br />

2001 a commencé par plusieurs<br />

exercices de simulation de situation de<br />

guerre que Dick Cheney, selon son mandat<br />

présidentiel, avait la responsabilité<br />

de superviser.<br />

Les simulations de guerre et exercices<br />

d'alertes terroristes incluaient des exercices<br />

en conditions réelles avec des<br />

avions militaires jouant le rôle d'avions<br />

civils détournés au-dessus des États-Unis,<br />

ainsi que des exercices de simulation qui<br />

consistaient à placer des “faux blips”<br />

(signaux radar indiquant des avions qui<br />

sont en réalité virtuels) sur les écrans de<br />

contrôle aérien de la FAA [Federal<br />

A l’Ouest rien... 620<br />

Aviation Administration]. L'un des exercices,<br />

appelé Northern Vigilance, a<br />

mobilisé des chasseurs de l'Air Force au<br />

Nord jusqu'au Canada lors d'une simulation<br />

d'attaque aérienne russe, de sorte<br />

que très peu de chasseurs demeuraient<br />

sur la côte Est pour réagir. Tout cela a<br />

paralysé la réaction de l'Air Force, de<br />

manière à ce que les pilotes de chasseurs<br />

ne puissent pas arrêter les événements<br />

du 11 septembre. [...]<br />

La personne qui coordonnait les exercices<br />

de l'Air Force était sous la supervision<br />

et la direction de Dick Cheney, qui<br />

était également responsable d'une simulation<br />

d'attaque terroriste organisée sur<br />

la rive ouest de Manhattan le 11 septembre<br />

et appelée Tripod 2. Cette simulation<br />

impliquait la mise en place, le 11<br />

septembre, d'un centre de contrôle et<br />

de commandement configuré exactement<br />

comme celui détruit ce matin-là<br />

avec le bâtiment 7 du World Trade<br />

Center [Voir « Bibliophilie », p. 627].<br />

Pratique, n'est-ce pas ?<br />

Dick Cheney était l'un des principaux<br />

responsables gouvernementaux ayant<br />

décidé que des simulations d'une telle<br />

envergure auraient lieu le 11 septembre.<br />

Ceci alors que les services de renseignement<br />

états-uniens<br />

avaient reçu<br />

des douzainesd'avertissements<br />

en provenance<br />

de gouvernements<br />

et d'agences<br />

de renseignement<br />

indiquant<br />

que des terroristesprojetaient<br />

de<br />

détourner


des avions civils et de les faire s'écraser<br />

sur des cibles états-uniennes au sol<br />

durant la semaine du 9 septembre<br />

2001. » [9]<br />

Cette utilisation des simulations est devenue<br />

un classique. De même, le « matin<br />

du 7 juillet <strong>2005</strong>, au moment des attentats<br />

de Londres, la société spécialisée en<br />

gestion de crise Visor Consultants [10]<br />

organisait un important exercice de simulation<br />

d’attentats terroristes, au même<br />

moment<br />

et [aux] mêmes<br />

endroits<br />

que les véritablesattentats<br />

[... Comme<br />

l'explique<br />

le] manager<br />

en chef de<br />

Visor Consultants<br />

[...] :<br />

["]A 9h30 ce<br />

matin nous<br />

étions en fait<br />

en plein exercice,<br />

pour<br />

une société<br />

qui compte<br />

plus de mille personnes à Lon-dres, exercice<br />

basé sur des bombes synchronisées<br />

et explosant précisément dans les stations<br />

de métro où cela s’est produit ce<br />

matin, alors j’ai toujours la chair de poule<br />

actuellement. [...]["] [11] » [12]<br />

On laisse les choses propres derrière soi.<br />

« Des enregistrements de contrôleurs<br />

aériens relatant leur journée du 11 septembre<br />

2001 ont été méthodiquement<br />

détruits par un responsable non identifié<br />

de la Federal Aviation Administration<br />

[13] entre décembre 2001 et février<br />

2002, malgré les instructions officielles<br />

de ne rien détruire de ce qui pouvait<br />

être utile à l'enquête. Ces contrôleurs<br />

avaient suivi deux des vols impliqués<br />

dans les attaques, par radar ou communication<br />

directe avec l'équi<strong>page</strong>, selon le<br />

rapport commandé par la Commission<br />

d'enquête sur le 11 septembre. Celle-ci<br />

n'a pas pour autant conclu à une tentative<br />

de dissimulation d'éléments de preuve.<br />

Le responsable de la FAA a écrasé les<br />

cassettes, découpé les bandes en petits<br />

morceaux qu'il a disséminés dans plusieurs<br />

poubelles, car il estimait ces enregistrements<br />

non conformes à la procédure<br />

de la<br />

FAA exigeant<br />

des<br />

témoignages<br />

écrits<br />

des contrôleurs<br />

aériens<br />

en cas d'accident.<br />

» [14]<br />

Par ailleurs,<br />

une « des mesuresclassiques<br />

qui sont<br />

prises aussitôt<br />

après la<br />

réussite d’un<br />

coup d’Etat<br />

consiste à<br />

fermer les aéroports et à annuler tous les<br />

vols. Cela fait partie de la tactique générale<br />

qui vise à “geler” la situation politique,<br />

en empêchant toute circulation<br />

incontrôlée et la diffusion d’informations<br />

qui en résulterait. » [15] A « 9h45 : la<br />

FAA ferme l’espace aérien US et ordonne<br />

aux 4 873 aéronefs civils en vol d’atterrir<br />

immédiatement. » [16]<br />

A noter, cependant, « l'évacuation de<br />

140 Saoudiens au lendemain des attentats.<br />

Un avion a sillonné les États-Unis<br />

pour récupérer ces personnalités et les<br />

transporter en Arabie saoudite alors que<br />

tous les vols aériens étaient interdits [17]<br />

[...]. Cette affaire [fut] niée par les autorités,<br />

mais [un journaliste] a réussi à se<br />

621 A l’Ouest rien...


procurer les documents de vol et la liste<br />

des passagers. » [18]<br />

Il faut dire que le « 11 septembre 2001 à<br />

Washington » [19], « Frank Carlucci [ancien]<br />

secrétaire à la Défense [...] donnait<br />

une réception du Carlyle Group avec<br />

Bush père et les Ben Laden pour fêter<br />

leurs investissements communs dans l'industrie<br />

d'armement et les médias. » [19]<br />

Pour bien « geler » la situation, on ferma<br />

aussi Wall Street quelques jours, « par<br />

compassion » [Voir « Où ça mène ? A l'argent<br />

! », p. 530].<br />

« Sans crainte de multiplier les incohérences<br />

[Voir « Vite torché », p. 617], le<br />

gouvernement américain s'évertue à<br />

masquer les responsabilités intérieures<br />

dans les attentats et continue à stigmatiser<br />

un ennemi exclusivement extérieur.<br />

» [20] Le « discours présidentiel<br />

attribuant les attentats à des terroristes<br />

étrangers aurait été décidé vers 18 h 30<br />

[...]. À 18 h 42, le secrétaire à la<br />

Défense, Donald Rumsfeld a donné une<br />

conférence de presse où il a présenté<br />

cette thèse.<br />

M. Rumsfeld était accompagné de plusieurs<br />

hauts responsables civils et militaires<br />

et s'est employé à manifester l'unité<br />

de l'Amérique. Pourtant, au beau<br />

milieu de cette conférence de presse, M.<br />

Rumsfeld a apostrophé le sénateur<br />

[démocrate du Michigan] Carl Levin [...]<br />

venu lui apporter son soutien. Il a mis en<br />

cause le refus des Démocrates de financer<br />

le bouclier anti-missiles. » [20]<br />

« "[...] Vous craignez d’avoir à puiser<br />

dans les fonds de la Sécurité sociale pour<br />

financer cet effort. Est-ce que le genre<br />

d’événements qui vient de se produire<br />

suffit à vous convaincre qu’il est urgent<br />

pour ce pays d’augmenter les dépenses<br />

consacrées à sa défense et que, s’il le<br />

faut, il faudra puiser dans les fonds de la<br />

Sécurité sociale pour payer les dépenses<br />

A l’Ouest rien... 622<br />

militaires ? - l’augmentation des dépenses<br />

militaires ?" » [21] « Stupéfait le sénateur<br />

a refusé de répondre et d'étaler<br />

publiquement les divisions de la classe<br />

dirigeante US. » [20]<br />

« Le jour même des attentats du 11 septembre<br />

2001, le secrétaire d'état à la<br />

défense des Etats-Unis, Donald Rumsfeld<br />

déclare “maintenant on peut enfin attaquer<br />

l’Irak.” » [22]<br />

Bien sûr, même sans l’avoir prévu ou<br />

préparé, les responsables savent tirer<br />

profit de l’événement : « Jo Moore,<br />

Conseillère en communication du<br />

ministre des Transports britannique<br />

Stephen Myers [...] avait suggéré, moins<br />

d'une heure après les attentats de New<br />

York, de profiter de l'attention détournée<br />

des médias » [23] , dans le courrier<br />

électronique suivant à ses supérieurs :<br />

« Sujet : relation avec les médias. C'est<br />

un très bon jour pour ressortir tout ce<br />

qu'on veut faire passer en douce. » [24]<br />

« Jo Moore [..., découverte,] a dû présenter<br />

ses excuses. » [23]<br />

C’est un principe général. On attend le<br />

début d’août pour faire passer un certain<br />

nombre de mesures désagréables<br />

(hausses des tarifs, baisse des aides) ; de<br />

même, profitant « de la performance (3 e)<br />

de son équipe au Mondial de foot [Voir<br />

Liquidation Totale n° 0], “le gouvernement<br />

turc n’a pas perdu de temps : il a<br />

augmenté le prix de l’essence, du gaz<br />

naturel et du tabac”. » [25]<br />

Mais fera plus de profits celui qui aura<br />

vraiment pu anticiper... [Voir « Où ça<br />

mène ? A l'argent ! », p. 530]<br />

[1] : (http://www.csis.org/html/4luttwak.htm)<br />

[2] : (http://www.csis.org)<br />

[3] : (Tribunes et décryptages, 24/2/2003, « La coalition<br />

empêchera la tenue d’élections démocratiques en Irak »,<br />

voltaire.net, http://www.voltairenet.org/article9208.html)<br />

[4] : (Edward Luttwak, « Coup d'État : A Practical<br />

Handbook » Cambridge, MA : Harvard University Press,<br />

1968, trad. fr. « Le coup d’Etat. Manuel pratique », Robert


Laffont, 2/1969)<br />

[5] : (http://en.wikipedia.org/wiki/Edward_Luttwak)<br />

[6] : (S.E. Finer, « Avant-propos », 19/6/1968, in Edward<br />

Luttwak, op. cit., pp. 18-19)<br />

[7] : (Edward Luttwak, op. cit., pp. 27, 35, 53)<br />

[8] : (Edward Luttwak, op. cit., p. 103)<br />

[9] : (« 11 septembre 2001 : Michael C. Ruppert désigne<br />

Dick Cheney comme suspect n°1 », Voltaire, n° 253,<br />

21/1/<strong>2005</strong>, pp. 13-15, http://www.voltairenet.org/article<br />

15977.html, d’après Michael C. Ruppert, « Crossing the<br />

Rubicon : The Decline of the American Empire at the End<br />

of the Age of Oil », New Society Publishers, 2004)<br />

[10] : (http://www.visorconsultants.com)<br />

[11] : (Peter Power, ITV, 7/7/<strong>2005</strong>, http://www.voltairenet.org/IMG/wmv/fr-london_terror_games.wmv,<br />

2,3 Mo)<br />

[12] : (« Attentats de Londres : le même scénario se déroulait<br />

simultanément sous forme d’exercice ! », Voltaire,<br />

13/7/<strong>2005</strong>, reprod. in http://crodoff.canalblog.com/archi<br />

ves/le_cri_du_mouton/index.html, d'après l'entretien avec<br />

Peter Power, op. cit.)<br />

[13] : (http://www.faa.gov)<br />

[14] : (« 11 septembre 2001 : destruction de témoignages<br />

clés », Voltaire, n° 116, 10/5/2004, http://www.voltairenet.org/article13791.html)<br />

[15] : (Edward Luttwak, op. cit., p. 180)<br />

[16] : (« Chronologie. Les événements du 11 septembre<br />

2001 », Notes d'information du Réseau Voltaire,<br />

27/9/2001, http://www.voltairenet.org/article7609.html)<br />

[17] : (Craig Unger, « After 9/11 : the Saudis Who Slipped<br />

Away », Los Angeles Times, 11/4/2004)<br />

[18] : (« Tribunes libres internationales. Kerry poursuivra la<br />

politique de Bush en Irak », Voltaire, 14/4/2004, p. 13,<br />

http://www.voltairenet.org/article13323.html)<br />

[19] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/CartesRegimeBush.<br />

pdf)<br />

[20] : (Thierry Meyssan, « Définition de l'ennemi.<br />

Contradictions officielles », Réseau Voltaire, 16/10/2001,<br />

http://www.voltairenet.org/article7612.html)<br />

[21] : (« Récit détaillé. 11 septembre 2001 l’Amérique est<br />

attaquée ! », Réseau Voltaire, 1/3/2002, http://www.voltairenet.org/article7628.html)<br />

[22] : (Charles Saint-Prot, « La politique des Etats-Unis au<br />

Proche-Orient », Observatoire d'études géopolitiques,<br />

http://www.etudes-geopolitiques.com/article5.asp, in<br />

Collectif, « Géopolitique des Etats-Unis », Ellipses-Revue<br />

française de géopolitique, 2003, d'après le film de William<br />

Karel, « Le monde selon Bush », 2004)<br />

[23] : (Le nouvel Observateur, 18/10/2001, n° 1928)<br />

[24] : (D’après Christophe Boltanski, « Révélations<br />

gênantes pour Tony Blair », Libération, 10/10/2001)<br />

[25] : (Le Canard enchaîné, 3/7/2002, p. 2, d’après<br />

Libération, 1/7/2002)<br />

Paru dans<br />

La Libre Belgique<br />

Buffet froid<br />

Heureusement, certains ont du flair<br />

dans le monde des affaires. « Warren<br />

Buffet. Spéculateur et actionnaire de<br />

Coca-Cola [Voir « Coca Collé », p. 543].<br />

Le 11 septembre, il recevait les principaux<br />

PDG du World Trade Center sur la<br />

base militaire d'Offutt, où George W.<br />

Bush les rejoignit dans l'aprèsmidi.<br />

» [1] « Cette réunion de "bienfaisance"<br />

non annoncée au préalable<br />

commençait à 8 heures du matin,<br />

heure locale (9 h 00 heure de New<br />

York) » [2] « [Il est devenu] depuis la<br />

2 ème fortune des USA. » [1]<br />

Mais on est très propre. « Warren Buffet<br />

[possèdait en 2006] une fortune personnelle<br />

estimée à 44 milliards de dollars.<br />

Sur l’ensemble de cette fortune, il<br />

a signé [fin juin 2006] un don d’une<br />

somme impressionnante de [...] 37,1<br />

milliards de dollars, ce qui représente<br />

85 % de la fortune [personnelle] de<br />

Buffet. La fondation Bill & Melinda<br />

Gates pèse désormais plus de 60 milliards<br />

de dollars et va donc pouvoir<br />

continuer de plus belle son [prestigieux]<br />

combat pour l’éducation, la<br />

santé et contre les maladies telles que<br />

le cancer, le SIDA ou encore la malaria.<br />

» [3] Les plus riches ont la « bienfaisance<br />

» chevillée au corps. C'est<br />

beau. Ça rassure.<br />

[1] : (« Le régime Bush. Jeu de cartes », Réseau Voltaire,<br />

http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/CartesRegimeBush<br />

.pdf)<br />

[2] : (« Un complot préparé de longue date. Tentative de<br />

synthèse », http://membres.lycos.fr/wotraceafg/synthese.htm,<br />

d'après Allan Wood et Paul Thompson, « An<br />

interresting day : President Bush's Movements and<br />

Actions on 9/11 », Center for Cooperative Research,<br />

9/5/2003, http://www.cooperativeresearch.org/essay.j<br />

sp?article=essayaninterestingday)<br />

[3] : (« Warren Buffet fait un don historique à la fondation<br />

Gates. 37.1 milliards dans le Buffet », pcinpact.com,<br />

27/6/2006, http://www.pcinpact.com/actu/news/297<br />

06-Warren-Buffet-et-la-fondation-Bill-et-Melind.htm)<br />

623 A l’Ouest rien...


« Garantissez<br />

moi de mes<br />

amis » [1], diton.<br />

Car, malencontreusement,<br />

« les services<br />

de renseignementétatsuniens<br />

avaient<br />

reçu des douzainesd'avertissements<br />

en provenance<br />

de gouvernements et<br />

d'agences de renseignement indiquant<br />

que des terroristes projetaient<br />

de détourner des avions civils et de<br />

les faire s'écraser sur des cibles étatsuniennes<br />

au sol durant la semaine du<br />

9 septembre 2001. » [2]<br />

« Des reportages publiés tant dans le<br />

Spiegel qu'à Londres dans l'Observer, et<br />

aussi bien dans le Los Angeles Times que<br />

sur MSNBC et sur CNN, il ressort que des<br />

avertissements nombreux avaient été<br />

reçus par cette administration. » [3]<br />

Même la Commission « d'enquête » sur<br />

le 11 septembre « a mis en évidence que<br />

de nombreuses alertes étaient parvenues<br />

à temps à l'exécutif qui n'avait pas<br />

réagi. Du coup, [elle] ne peut dissiper le<br />

soupçon de complicité de l'administration<br />

qu'en l'accusant d'incompétence » [4].<br />

Les « services de renseignements allemand,<br />

égyptien, français, israëlien et<br />

russe avaient alerté en vain leurs homologues<br />

[étasuniens] de ce qui se préparait,<br />

mais la CIA [très décidée à ne rien<br />

savoir] avait minimisé la menace.<br />

Aussi [les chancelleries du monde entier]<br />

s'interrogent-elles [particulièrement,<br />

ensuite,] sur la fiabilité des rapports –<br />

soudain si bavards – de la CIA et des progrès<br />

– trop rapides – de l'enquête du<br />

A l’Ouest rien... 624<br />

FBI. » [5] [Voir « Vite torché », p. 617]<br />

« On a même raconté que le gouvernement<br />

des Etats-Unis avait percé le secret<br />

des communications d'Osama bin Laden<br />

avant le 11 septembre. » [3]<br />

Il y a aussi « cette note secrète de la CIA<br />

titrée : “Ben Laden déterminé à frapper<br />

les Etats-Unis” et remise à Bush [..., et<br />

que, début avril 2004], la Maison-<br />

Blanche s’est vue contrainte de la rendre<br />

publique. [... Daté] du 6 août 2001, ce<br />

document alarmant a été remis au<br />

Président après une autre initiative du<br />

même service de renseignement. A<br />

savoir la discussion, en juillet 2001, à<br />

l’hôpital américain de Dubaï, entre un<br />

représentant de la CIA, Larry Mitchell, et<br />

Ben Laden [voir « L’ami Ben Laden »,<br />

p. 563]. Une rencontre dont la réalité est<br />

aujourd’hui admise “officieusement” par<br />

certains responsables du FBI. [... En]<br />

juillet 2001, on discute avec Ben Laden ;<br />

le 6 août, on alerte la Maison-Blanche ;<br />

et le 11 septembre suivant les tours du<br />

World Trade Center s’écroulent. » [6]<br />

« Le gouvernement américain [... fait<br />

déjà en 2002] l'objet d'actions judiciaires<br />

lancées par les survivants des attentats<br />

contre les ambassades US en Afrique :<br />

d'après les comptes-rendus d'audience,<br />

il apparaît clairement que les Etats-Unis<br />

avaient reçu des avertissements, mais<br />

avaient pris des mesures insuffisantes<br />

pour mettre en sécurité et [...] protéger<br />

le personnel de [leurs] ambassades. » [3]<br />

Mais il ne fallait pas que cette leçon portât.<br />

« George Tenet, le directeur de la<br />

CIA, a déclaré [en 2003] que l'agence<br />

n'aurait pas pu prévoir les attentats du<br />

[onze] septembre parce que le complot<br />

“tenait dans la tête de trois ou quatre<br />

personnes” [7]. Robert Muëller, le directeur<br />

du FBI, a précisé que les pirates de<br />

l'air n'avaient pas laissé la moindre trace.<br />

Les enquêteurs “n'ont pas trouvé le


moindre petit bout de papier” ni aux<br />

États-Unis, ni en Afghanistan, ni ailleurs<br />

dans le monde qui puisse être relié aux<br />

attentats. » [8]<br />

Pour autant, dans « une conférence<br />

publiée par l’US Air Force Academy [...]<br />

six mois avant les attentats [...], Bruce<br />

Hoffman [...] avait envisagé précisément<br />

“l’inimaginable” scénario du 11 septembre.<br />

S’adressant à un auditoire d’officiers<br />

supérieurs de l’US Air Force, il indiquait<br />

que “nous essayons de préparer<br />

nos armes contre Al-Queda [... et] Ben<br />

Laden [...] Pensez un moment à ce que<br />

fut l’attentat à la bombe contre le World<br />

Trade Center, en 1993. Maintenant, rendez-vous<br />

compte qu’il est possible de<br />

faire tomber la tour Nord sur la tour Sud<br />

et de tuer 60 000 personnes [...]. Ils trouveront<br />

d’autres armes, d’autres tactiques<br />

et d’autres moyens pour atteindre leurs<br />

cibles. Ils ont un choix évident d’armes,<br />

dont les drones [c’est-à-dire des avions<br />

télécommandés]” [9] » [10].<br />

Drone ou balise ? « Un virage serré<br />

[comme on l'a vu faire au second avion<br />

juste avant sa collision avec la Tour Sud]<br />

avec le contrôle de la perte d'altitude<br />

engendrée, exigeait [sans cela] l'expérience<br />

d'un grand professionnel. […]<br />

Jocelyn Swykowski, président du<br />

Syndicat national des pilotes de ligne,<br />

commandant de bord et ancien pilote<br />

militaire, qui néanmoins ne remet pas en<br />

cause la version officielle : "[…] Atteindre<br />

les cibles choisies n'était pas évident : ni<br />

les deux tours, ni le Pentagone ne figurent<br />

dans les bases de données dans les<br />

systèmes de navigation. Vous ne pouvez<br />

donc pas programmer l'avion pour les<br />

atteindre automatiquement. [… A moins<br />

que...]" » [11]<br />

« Le département de la Défense a équipé,<br />

depuis 1997, de nombreux avions<br />

de ligne de la marque Boeing (à l'excep-<br />

tion de ceux de la Lufthansa qui s'y est<br />

formellement opposée) d'un système<br />

de pilotage à distance Global Hawk. Il<br />

est [suffisamment sophistiqué] pour<br />

permettre de télécommander les appareils,<br />

y compris pour la phase [d'atterrissage].<br />

» [12]<br />

On avait bienheureusement eu le loisir<br />

de prévoir l'imrévisible. « Après les deux<br />

longs mandats démocrates de Bill<br />

Clinton, Rumsfeld [Voir « Rumsfeld-<br />

Marechal », p. 586] enfin arrivé au pouvoir<br />

doit combattre sa propre administration,<br />

hostile » [13] au « gigantesque<br />

plan de réorganisation des armées [...]<br />

qu'il veut imposer. [...]<br />

Le rapport conclusif qu'il [présenta], le<br />

11 janvier 2001, avec son ami le général<br />

Jay Garner, était déjà prémonitoire :<br />

"L'histoire est pleine de situations dans<br />

lesquelles on a ignoré les avertissements<br />

et résisté au changement jusqu'à ce<br />

qu'un événement extérieur, jugé jusquelà<br />

"improbable", vienne forcer la main<br />

des bureaucraties réticentes. La question<br />

qui se pose est de savoir si les États-Unis<br />

auront la sagesse d'agir de manière responsable<br />

et de réduire au plus vite leur<br />

vulnérabilité spatiale. Ou bien si, comme<br />

cela a déjà été le cas par le passé, le seul<br />

événement capable de galvaniser les<br />

énergies de la Nation et de forcer le gouvernement<br />

des États-Unis à agir doive<br />

être une attaque destructrice contre le<br />

pays et sa population, un 'Pearl Harbor<br />

[Voir « Pearl Harbor, mi amor », p. 533]<br />

spatial'. [...]" [14]<br />

La veille des attentats, le 10 septembre<br />

2001, il prononce un discours menaçant<br />

devant les fonctionnaires du département<br />

de la Défense : "L'adversaire est ici.<br />

C'est la bureaucratie du Pentagone. [...]<br />

Pas les fonctionnaires, mais le système.<br />

[… Pourquoi] le secrétaire à la Défense<br />

attaque-t-il le Pentagone devant ses<br />

625 A l’Ouest rien...


employés ? Je [...] veux le libérer. Nous<br />

devons le sauver de lui-même. Les<br />

hommes et les femmes de ce département,<br />

civils et militaires, sont nos alliés,<br />

pas nos ennemis." [15] » [16]<br />

« Visionnaire hors pair, Donald Rumsfeld<br />

annonce aussi un [...] attentat qui va<br />

succéder à ceux du World Trade Centre.<br />

Il précise même la cible : le Pentagone.<br />

Le [...] "[...] secrétaire à la Défense, [était]<br />

dans son bureau qui se trouve dans la<br />

partie Est [de ce] bâtiment, en entretien<br />

avec Christopher Cox, le président de<br />

la commission de la Défense de la<br />

Chambre des représentants [... Celui-ci]<br />

se rappelle [que Rumsfeld] regardait les<br />

événements de New York à la télévision<br />

et dit : 'Croyez-moi, ce n'est pas<br />

encore fini. Il va y avoir une autre<br />

attaque et elle sera pour nous'." [17]<br />

[... Il avait bien raison.]<br />

Puis Rumsfeld se rend sur le lieu de l'attentat.<br />

"[... Il] a été le premier à nous<br />

dire qu'il était pratiquement sûr qu'il<br />

s'agissait d'un avion. Il fondait son opinion<br />

sur le morceau d'épave et sur des<br />

milliers et des milliers de pièces de<br />

métal. [...]" [18] » [13] Alors si il le dit le<br />

premier, les témoignages pourront<br />

suivre.<br />

[1] : (Gourville, cité par Gabriel Sénac de Meilhan,<br />

« Considérations sur l'esprit et les mœurs », « De l'amitié »)<br />

[2] : (« 11 septembre 2001 : Michael C. Ruppert désigne<br />

Dick Cheney comme suspect n° 1 », Voltaire, n° 253,<br />

21/1/<strong>2005</strong>, pp. 13-15, http://www.voltairenet.org/article<br />

15977.html, d’après Michael C. Ruppert, « Crossing the<br />

Rubicon : The Decline of the American Empire at the End<br />

of the Age of Oil », New Society Publishers, 2004)<br />

[3] : (« Tribune de Cynthia Mc Kinney, députée des Etats-<br />

A l’Ouest rien... 626<br />

Unis. "Il importe que M. Bush réponde aux questions suscitées<br />

par les événements du 11 septembre" », Réseau<br />

Voltaire, 12/4/2002, http://www.voltairenet.org/article7<br />

629.html)<br />

[4] : (« Conférence de presse à la Maison-Blanche. George<br />

W. Bush sur la défensive », 16/4/2004, Voltaire,<br />

19/4/2004, p. 5, http://www.voltairenet.org/article1343<br />

3.html)<br />

[5] : (Thierry Meyssan, « 11 septembre 2001. L'Effroyable<br />

Imposture », Carnot, 3/2002, p. 72)<br />

[6] : (Claude Angeli, « Bush et la CIA en état de somnolence<br />

», Le Canard enchaîné, 14/4/2004, p. 3)<br />

[7] : (USA Today, 7/2/2003)<br />

[8] : (Jacques Bouchard, « Le retour de la Gestapo », Terre<br />

d’escale, 9/2/2003)<br />

[9] : (Bruce Hoffman, « Twenty-First Century Terrorism »,<br />

in « The Terrorism Threat and US Government response :<br />

Operational and Organizational Factors », US Air Force<br />

Academy, Institute for National Security Studies, 3/2001)<br />

[10] : (« L’attaque contre le World Trade Center avait été<br />

anticipée. Les prévisions “inimaginables” de la Rand<br />

Corporation », Notes d'Information du Réseau Voltaire,<br />

14/12/2001, http://www.voltairenet.org/article7623.html)<br />

[11] : (A. Hanrry, « Apocalypse now ou Eucalypse ? »,<br />

A Contre Courant, n° 128, 10/2001, fut reprod. in<br />

http://www.acontrecourant.org)<br />

[12] : (Thom Saint-Pierre, « Cobayes humains. Le<br />

Pentagone expérimente des armes non-létales à<br />

Guantanamo et en Irak », Voltaire, 12/1/2004, p. 5 n. 1,<br />

http://www.voltairenet.org/article11844.html)<br />

[13] : (« L'acte fondateur du régime Bush. Rumsfeld<br />

connaissait à l'avance les plans du 11 septembre »,<br />

Voltaire, 16/4/2003, http://www.voltairenet.org/article9<br />

523.html)<br />

[14] : (« Report of the Commission to Assess United States<br />

National Security Space Management and Organization »,<br />

11/1/001, http://www.fas.org/spp/military/commission/r<br />

eport.htm)<br />

[15] : (« Remarks as Delivered by Secretary of Defense<br />

Donald H. Rumsfeld », 10/9/2001, http://www.defenselink.mil/speeches/2001/s20010910-secdef.html)<br />

[16] : (« L'acte fondateur du régime Bush. Rumsfeld<br />

connaissait à l'avance les plans du 11 septembre »,<br />

Voltaire, 16/4/2003, http://www.voltairenet.org/article9<br />

523.html)<br />

[17] : (William Langleyere's, « Revealed : what really went<br />

on during Bush's “missing hours” », The Daily Telegraph,<br />

16/12/2001, http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml<br />

?xml=%2Fnews%2F2001%2F12%2F16%2Fwbush16.xml)<br />

[18] : (Retranscription officielle de l'entretien avec<br />

Victoria Clarke, WBZ Boston Saturday, 15/9/2001,<br />

http://www.defenselink.mil/transcripts/transcript.aspx?tr<br />

anscriptid=1883)


ORDURES & DÉCOMBRES<br />

Ça a été reconnu par le journaliste<br />

du Monde « Hervé Kempf : "C'est très<br />

intéressant que M. Meyssan cite<br />

cette photo et ce qu'il en dit est<br />

exact. C'est-à-dire que je suis d'accord<br />

avec lui et [...], avec d'autres<br />

journalistes, j'étais opposé à la publication<br />

de cette photo qui était présentée<br />

comme un élément de preuve.<br />

Vous avez tout à fait raison de<br />

signaler que ce n'est pas un élément<br />

de preuve et que c'est présenté de<br />

façon à faire croire : 'Ah ! Vous voyez<br />

bien que M. Meyssan a tort puisque<br />

voilà un débris avec un morceau<br />

d'avion !' [...]" [1] » [2].<br />

[1] : (Hervé Kempf, + Clair, Canal +, 23/3/2002)<br />

[2] : (Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate », Carnot,<br />

6/2002, p. 21, http://www.pentagate.info/IMG/pdf/<br />

LePentagate.pdf, 2,6 Mo)<br />

« Les grands<br />

médias [Voir<br />

« Tambour battant<br />

», p. 638]<br />

n'ayant guère<br />

laissé place à<br />

de telles remises en cause, il s'est<br />

développé un engouement citoyen<br />

pour une investigation critique,<br />

notamment aux États-Unis et en<br />

Allemagne. Une centaine de milliers<br />

de sites lnternet [1] y sont consacrés.<br />

» [2] Et de nombreux livres [3].<br />

Au « vu des faits, l'hypothèse d'un complot<br />

islamiste ne serait pas moins fantaisiste<br />

que celle d'une implication de<br />

l'Administration Bush [4]. » [2]<br />

« Ancien procureur général adjoint de<br />

Pennsylvanie, Philip Berg représente un<br />

groupe de familles des victimes des<br />

attaques du 11 septembre 2001 aux<br />

Etats-Unis [5], des familles qui “n’ont pas<br />

accepté les versements prévus pour<br />

acheter leur silence” et ont déposé une<br />

plainte contre l’État-major interarmes et<br />

la Maison-Blanche pour leur responsabilité<br />

dans les actions terroristes. À l’inverse,<br />

nombre d’autres familles se sont<br />

pliées à la procédure tout à fait légale<br />

qui fut utilisée à d’autres reprises,<br />

comme pour les attentats d’Oklahoma<br />

city du 19 avril 1995 contre un bâtiment<br />

de la police fédérale [Voir « Un bon soldat<br />

», p. 580], qui leur interdit d’engager<br />

toute poursuite dès lors qu’elles ont<br />

accepté le versement d’une somme substantielle.<br />

» [6]<br />

Dans les « actions en justice que mènent<br />

des membres [de ces] familles de victimes<br />

contre le gouvernement améri-<br />

627 A l’Ouest rien...


cain [7] [..., comme dans les publications,<br />

on pointe] la destruction de<br />

preuves, la rétention d'informations et le<br />

rejet de pistes d'investigation par les<br />

autorités [8] » [2].<br />

« Michael Meacher, ministre de l'environnement<br />

dans le gouvernement<br />

d'Anthony Blair de 1997 à 2003, suggère<br />

[..., lui,] que les attentats ont été facilités<br />

pour atteindre des objectifs pétroliers<br />

en Asie [9] » [2].<br />

« Outre-Rhin, [...] Andreas von Bülow,<br />

docteur en droit [... puis] avocat, [qui]<br />

fut, de 1969 à 1994, député, ministre de<br />

la recherche et de la technologie et<br />

secrétaire d'État à la défense chargé des<br />

services secrets [..., mena une] enquête<br />

minutieuse [10] [..., notamment sur] le<br />

mystère du bâtiment 7 du World Trade<br />

Center qui hébergeait des services de la<br />

CIA et qui s'effondra ["tout seul"] plus de<br />

sept heures après les tours jumelles. » [2]<br />

On se pose beaucoup de questions physico-chimiques,<br />

notamment sur des problèmes<br />

de résistance des matériaux.<br />

« Différents experts [11] ont en effet estimé<br />

que les chocs, provoqués par les<br />

avions, et les incendies n'auraient pas<br />

[pu] faire tomber [les deux tours]. Les<br />

pompiers, reporters et passants ayant<br />

fait état d'explosions dans les tours, [on]<br />

analyse […] après les deux impacts [12]<br />

[…] l'apparition d'une longue bande<br />

horizontale de fumée blanche, révélatrice<br />

d'un type d'explosions qui ne peut<br />

s'expliquer par la combustion du kérosène<br />

[13]. » [2]<br />

Tout cela pose évidemment le problème<br />

du complot [14].<br />

« En France, le journaliste Thierry<br />

Meyssan est parmi les rares auteurs à<br />

avoir développé ce doute [15]. Mais [son<br />

premier ouvrage était pour le moins maladroit<br />

(un musulman ne peut se suicider,<br />

Bush ne peut pas mentir, etc.) et]<br />

A l’Ouest rien... 628<br />

ses pratiques journalistiques contestées<br />

ont jeté de l'ombre sur son propos [16].<br />

Or, peut-on abandonner l'élucidation<br />

d'une action criminelle aussi retentissante<br />

au motif qu'un enquêteur [serait] discrédité<br />

? » [2]<br />

Les médias « [le] présentent comme une<br />

sorte d'illuminé qui cherche à tout prix à<br />

attirer l'attention sur lui [...]. Ils glissent<br />

régulièrement des remarques sarcastiques<br />

à [son sujet, par] exemple, s'ils<br />

parlent d'une histoire qui paraît invraisemblable<br />

[... Ils] veulent [le] faire passer<br />

pour quelqu'un qu'il ne faut surtout pas<br />

croire. [...] Ils veulent [... qu'on le] considère<br />

comme un personnage ridicule et<br />

stupide qui raconte des contes à dormir<br />

debout pour entretenir sa célébrité. [...<br />

Et] bien entendu, ils n'ont pas dit un mot<br />

des [... réels problèmes abordés]. Ils<br />

n'ont même pas signalé » [17] l'incohérence<br />

de la version officielle. Par<br />

exemple, Daniel Leconte invite sur Arte<br />

le pitre Philippe Val pour déblatérer à<br />

cette fin [18].<br />

Pourrait s'appliquer ici ce qui était dicible<br />

pour l’Italie, à propos de l’assassinat<br />

d'Aldo Moro [Voir « 1978 : Moro mort »,<br />

p. 76] : « La version des autorités italiennes,<br />

aggravée plutôt qu'améliorée<br />

par cent retouches successives, et que<br />

tous les commentateurs se sont fait un<br />

devoir d'admettre en public, n'a pas été<br />

un seul instant croyable. Son intention<br />

n'était pas d'être crue, mais d'être la seule<br />

en vitrine ; et après d'être oubliée, exactement<br />

comme un mauvais livre. » [19]<br />

Il faut combattre ce qui n’est pas la version<br />

officielle. On essaie de démonter la<br />

présentation que Meyssan fait de l'histoire<br />

[20]. On tranche en faveur du canular<br />

[21] ou on ne tranche pas réellement<br />

[22]. On parle de « rumeur » [23].<br />

Précédant l'Introduction du premier livre<br />

de Meyssan sur le sujet, figure pourtant


un « Avertissement. Les documents officiels<br />

cités dans ce livre sont disponibles<br />

aux adresses internet indiquées en<br />

notes. Au cas où ils seraient retirés des<br />

sites américains, ils sont également<br />

regroupés et archivés sur le serveur<br />

http://www.effroyable-imposture.net où<br />

le lecteur pourra aisément les<br />

consulter. » [24]<br />

Le Canard enchaîné y réagit extrêmement<br />

cu<strong>rieuse</strong>ment : « Car voici l'argument<br />

qui tue [...] : on peut tout vérifier<br />

sur Internet ! En effet, à chaque <strong>page</strong><br />

Meyssan cite des sites, des sites, et encore<br />

des sites : voilà donc le premier bouquin<br />

d'enquête sans enquête, mais<br />

entièrement compilé sur Internet. Et<br />

[hop gros syllogisme confondant nécessaire<br />

et suffisant] comme chacun le sait,<br />

Internet, c'est rien que du sérieux ! La<br />

preuve, on peut y apprendre que :<br />

Plusieurs races d'extra-terrestres (et surtout<br />

les "Petits-Gris") collaborent secrètement<br />

avec le gouvernement américain.<br />

[...] Quant au 11 septembre, Internet<br />

dégorge de révélations plus étonnantes<br />

les unes que les autres : aucun des<br />

4 000 Juifs travaillant au WTC n'est allé<br />

au travail ce jour-là ; aucun des chauffeurs<br />

musulmans de New York n'était<br />

dans le quartier ce jour-là ; on a vu des<br />

ovnis dans le secteur au moment des<br />

attentats ; et une immense image de<br />

Lucifer dans les nuées de l'incendie.<br />

C'est donc un coup des Juifs, des musulmans,<br />

des extraterrestres et de Lucifer !<br />

Futurs auteurs de best-sellers, voici donc<br />

la recette imparable : identifiez un événement<br />

qui a frappé les imaginations<br />

des foules, décortiquez les mensonges<br />

officiels (car il y a toujours, évidemment,<br />

dans les vérités officielles, des lacunes,<br />

des arrangements, des paradoxes, des<br />

dissimulations), et remplacez-les par un<br />

gros bobard que vous aurez trouvé sur<br />

Internet. » [25]<br />

Pour qui connaît le Canard argumentant<br />

réellement, on gît ici dans l’amalgame et<br />

la grosse corde rhétorique. D’autant que<br />

ce propre hebdomadaire peut lui-même<br />

prendre, ailleurs, la présence d'une<br />

information sur un site (notamment officiel)<br />

comme preuve magistrale… [26] Et<br />

la manière de ne répondre que sur la<br />

forme est évidemment tout à fait propre<br />

à amplifier la rumeur qu'on dénonce...<br />

On parle aussi de pratiques dignes du<br />

négationnisme [27]. Les attaques en justice<br />

se succèdent [28]. Plus techniquement,<br />

on s’interroge sur la possibilité<br />

que ce qui a perforé le Pentagone soit<br />

en fait un missile [29]. On évoque aussi<br />

les témoins présents devant le<br />

Pentagone [30].<br />

Le premier « livre de 2002 [de Meyssan],<br />

l'Effroyable imposture [31] a été un bestseller<br />

mondial, traduit en vingt-sept<br />

langues, bientôt suivi par un second, le<br />

Pentagate [32]. Meyssan y défend la<br />

thèse selon laquelle les attentats du 11<br />

septembre seraient un acte de terrorisme<br />

intérieur et non le fruit d'un complot<br />

extérieur. Sur cette base, il a mené campagne<br />

pour que l'Assemblée générale<br />

de l'ONU ouvre une enquête internationale<br />

sur les attentats du 11 septembre<br />

2001, mais n'y est pas parvenu malgré le<br />

soutien de la Ligue arabe et du Conseil<br />

de coopération du Golfe. » [33]<br />

Le premier « livre, chroniqué dans la<br />

presse étrangère et épuisé en France dès<br />

sa première semaine de publication, a<br />

[…] touché une […] large audience, à<br />

partir de l'invitation de Thierry Meyssan à<br />

une émission de Thierry Ardisson [34]. » [33]<br />

Meyssan avait choisi un curieux éditeur<br />

[35], qu’on pouvait juger assez<br />

proche de certains groupes d’extrême<br />

droite, mais à qui il doit l’efficacité du<br />

passage de 20 minutes qu’il lui a obtenu<br />

629 A l’Ouest rien...


dans l’émission télévisée de Thierry<br />

Ardisson. L’« inventeur de l'interview<br />

flico-crado-snobinarde […,] royaliste »<br />

[36] et ancien polytoxicomane papiste<br />

[37] précisera son apparence ultérieure<br />

dans un entretien : « Le livre le plus subversif<br />

que vous ayez lu ? [T. A. : ] La<br />

société du spectacle, de Guy Debord [...]<br />

Le livre que vous regrettez d'avoir défendu<br />

à la télé ? [T. A. : ] L'effroyable imposture,<br />

de Thierry Meyssan. » [38]<br />

« En juin 2002, Thierry Meyssan a été<br />

déclaré persona non grata sur le territoire<br />

des États-Unis par le Département de<br />

la Défense américain. Selon une statistique<br />

du Département de la Sécurité<br />

intérieure, datée de juin <strong>2005</strong>, plus de<br />

3 000 ouvrages ont été publiés dans le<br />

monde pour ou contre Thierry Meyssan.<br />

En juillet <strong>2005</strong>, le Département d'État<br />

des États-Unis d'Amérique a publié un<br />

opuscule présentant Thierry Meyssan et<br />

le Réseau Voltaire [39] comme les principales<br />

sources de désinformation antiaméricaine<br />

dans le monde.<br />

Quatre chefs d'État en exercice ont apporté<br />

publiquement leur soutien à la thèse de<br />

Thierry Meyssan : le président Mahmoud<br />

Ahmadinejad (Iran), le président Bachar<br />

el-Assad (Syrie), le président Hugo Chávez<br />

(Venezuela) et le cheikh Zayed (Émirats<br />

arabes unis). Une douzaine d'autres ont<br />

reçu Thierry Meyssan à titre privé [...].<br />

Parmi les anciens chefs d'État et de gouvernement,<br />

citons Mário Soares (Portugal),<br />

Francesco Cossiga (Italie) et Mahatir bin<br />

Mohammed (Malaisie). » [33]<br />

Le second livre, « Le Pentagate », plus<br />

documenté que le premier, fut quasiment<br />

passé sous silence en France [40]. Il est<br />

téléchargeable gratuitement alors qu’on<br />

avait dit du premier qu’il n’était là que<br />

pour dégager du profit économique.<br />

Y contribue, pour sa partie la plus<br />

remarquable (sur l’attribution des<br />

A l’Ouest rien... 630<br />

dégâts à un missile) Pierre-Henri<br />

Bunel [41]. Il est présenté ainsi : « Pierre-<br />

Henri Bunel est Saint-Cyrien, ancien officier<br />

d'artillerie, dont l'expertise est<br />

reconnue dans les domaines suivants :<br />

effets des explosifs sur les hommes et les<br />

bâtiments, effets des armes d'artillerie<br />

sur le personnel et les bâtiments, lutte<br />

anti-incendie sur les feux spécifiques,<br />

épaves et restes d'avions détruits. Il a<br />

notamment participé à la Guerre du<br />

Golfe, aux côtés des généraux<br />

Schwarzkopf et Roquejeoffre. » [42]<br />

Cet agent avait déjà, en 1998, officieusement<br />

servi l’Etat français contre<br />

l’Otan ; on s’en souvient : « Au moment<br />

où Paris revendique le commandement<br />

de la Force de réaction rapide chargée<br />

de protéger les vérificateurs de l'OSCE<br />

au Kosovo, un officier français en poste<br />

à l'OTAN [est] écroué pour "intelligence<br />

avec une puissance étrangère". Le commandant<br />

de l'armée de terre Pierre<br />

Bunel, chef de cabinet du général commandant<br />

la représentation militaire française,<br />

aurait transmis à la Serbie les plans<br />

d'attaque de [l’Otan] » [43]. Il fut vite<br />

libéré. « Avant 1981 il aurait été passible<br />

de la peine de mort. » [44]<br />

Mais rien n’est simple : Bunel apparaît<br />

aussi proche d’Unité radicale [45] [Voir<br />

« La peste brune rit ! », p. 271]. Par ailleurs,<br />

sur le site web de Carnot, Meyssan fut dit<br />

avoir jadis écrit dans Le Frondeur, revue<br />

très suspecte [Voir « “Bien creusé, vieille<br />

taupe !” », p. 199]. Discrètement puis<br />

ostensiblement, Meyssan et ce que devint<br />

le Réseau Voltaire se rapprochèrent de dirigeants<br />

islamistes intégristes et de négationnistes<br />

et connurent une véritable transformation<br />

[46]… Ce sont eux (à qui cette<br />

présente revue doit beaucoup) qui avait<br />

notamment prévenu que l’abbé Pierre<br />

cautionnait le négationnisme de Garaudy !<br />

« Il apparaît évident, avec ce qu'on sait


maintenant, que la publication des<br />

thèses de Thierry Meyssan aura été, dès<br />

le départ, instrumentalisée par la diplomatie<br />

française pour déployer une<br />

“ligne” diplomatique de type “gauchiste”<br />

aussi bien dans le monde arabe qu'en<br />

Amérique latine. » [47]<br />

On connaît le double langage.<br />

L’inversion est utile dans un langage<br />

diplomatique : « On dit les choses de<br />

façon à ce qu’elles soient comprises par<br />

leur destinataire, mais inutilisables par<br />

un tiers. On évoque des rumeurs pour<br />

parler de faits établis, ou l’on affirme<br />

qu’une chose n’existe pas pour confirmer<br />

son existence. » [48]<br />

SOURCES A LA LOUPE<br />

[1] : (http://www.911citizenswatch.org ;<br />

http://www.911truth.org ; http://reopen911.online.fr/<br />

; http://www.voltairenet.org/mot37.html?lang=fr<br />

; « Attentats du<br />

11 Septembre : la recherche de la vérité »,<br />

http://www.oulala.net/Portail/article.php3?i<br />

d_article=1418 ; etc.)<br />

[2] : (Christopher Pollmann, « Attentats du 11<br />

septembre. Trois ouvrages qui remettent en<br />

cause la version officielle », A contre courant,<br />

n° 156, 7/2004, p. 14 (1,5 euros, ACC, BP<br />

2123, F-68060 Mulhouse cedex), Voir aussi :<br />

http://www.nonalaguerre.com/articles/articl<br />

e232.htm)<br />

[3] : (Thierry Meyssan « L'effroyable imposture,<br />

11 septembre 2001 », Carnot, 2002 ;<br />

Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate »,<br />

Carnot, 2002, http://www.pentagate.info/I<br />

MG/pdf/LePentagate.pdf, 2,6 Mo) ;<br />

« Attentats aux USA : Crimes, mensonges et<br />

stratégie », Ed. de l'Opéra, Nantes, 2002 ;<br />

Peter Franssen & Pol de Vos, « Le 11 septembre<br />

: Pourquoi ils ont laissé faire les<br />

pirates de l'air », EPO, Berchem-Anvers,<br />

2002 ; Sacha Sher, « 11 septembre : Le<br />

Grand Bluff ? », http://reopen911.online.fr/L<br />

e_Grand_Bluff.pdf ; Webster G. Tarpley,<br />

« 9/11 Synthetic Terror, Made in USA »<br />

Progressive Press, 3/<strong>2005</strong>, trad. Benoît<br />

Kremer et Tatiana Pruzan, « La Terreur fabri-<br />

quée, Made in USA », Demi Lune ; David R.<br />

Griffin (Préface : Richard Falk), « The New<br />

Pearl Harbor, Disturbing Questions about the<br />

Bush Administration and 9/11 », Olive<br />

Branch Press (Interlink Publishing Group),<br />

3/2004, trad. Pierre Henri Bunel, « Le<br />

Nouveau Pearl Harbor », Demi Lune ; David<br />

Ray Griffin, « The 9/11 Commission Report :<br />

Omissions and Distortions », Olive Branch<br />

Press (Interlink Publishing Group), 12/2004,<br />

trad. Pierre Henri Bunel, « Omissions et manipulations<br />

de la Commission d’enquête »,<br />

Demi Lune ; Victor Thorn (Postface : David<br />

Ray Griffin), « 9/11 on Trial, the World Trade<br />

Center Collapse », Sisyphus Press, 2/<strong>2005</strong>,<br />

trad. Nathalie Quintin, « Le Procès du 11<br />

Septembre », Demi Lune ; Nafeez Mosaddeq<br />

Ahmed, « The War on Truth 9/11,<br />

Disinformation and the Anatomy of<br />

Terrorism », Olive Branch Press (Interlink),<br />

6/<strong>2005</strong>, trad. Monique Arav et Kiersten<br />

Weeks, « La Guerre contre la vérité », Demi<br />

Lune ; Webster G. Tarpley, « Synthetic<br />

Terror », Progressive Press, 3/<strong>2005</strong> , réed.<br />

631 A l’Ouest rien...


Demi Lune ; etc.)<br />

[4] : (Mathias Bröckers, « Verschwörungen,<br />

Verschwörungstheorien und die Geheimnisse<br />

des 11.9 », Zweitausendeins, Frankfurt, 2002)<br />

[5] : (http://www.911forthetruth.com)<br />

[6] : (« Philip Berg : “Une mafia occupe<br />

la Maison-Blanche” », Voltairenet.org,<br />

18/11/<strong>2005</strong>, http://www.voltairenet.org/art<br />

icle131198.html)<br />

[7] : (Voir par exemple, www.septembereleventh.org)<br />

[8] : (Mathias Bröckers et Andreas Hauss,<br />

« Fakten, Fälschungen und die unterdrückten<br />

Beweise des 11.9 », Zweitausendeins,<br />

Frankfurt, 2003 (avec un DVD))<br />

[9] : (Michael Meacher, « This war on terrorism<br />

is bogus », The Guardian, 6/9/2003,<br />

http://politics.guardian.co.uk/iraq/comment/0,12956,1036687,00.html)<br />

[10] : (Andreas von Bülow, « Die CIA und der<br />

11. September. lntemaGonaler Terror und<br />

die Rolle der Geheimdiensfe », Piper, Munich,<br />

2003. Voir aussi : « 11 septembre : la BBC a<br />

annoncé l’effondrement du bâtiment 7 avant<br />

qu’il ne se produise... », agoravox, 7/3/2007,<br />

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_arti<br />

cle=20192)<br />

[11] : (Eric Salter, « The WTC Impacts : 767s<br />

or "Whatzits" ? », http://www.questionsquestions.net/WTC/767orwhatzit.html<br />

; Steven E.<br />

Jones, « Pourquoi se sont certainement effondrés<br />

les bâtiments du WTC ? Pourquoi se sont<br />

A l’Ouest rien... 632<br />

certainement effondrés les bâtiments du<br />

WTC ? », 21/9/2006, www.alterinfo.net/Pou<br />

rquoi-se-sont-certainement-effondres-les-batiments-du-WTC-_a3523.html<br />

; etc.)<br />

[12] : (NBC)<br />

[13] : (Gerhard Wisnewski, « Operation 9/11.<br />

Angriff auf den Globus », Knaur, 8/2003)<br />

[14] : (« Un complot préparé de longue date.<br />

Tentative de synthèse », http://membres.lyco<br />

s.fr/wotraceafg/synthese.htm)<br />

[15] : (Thierry Meyssan « L'effroyable imposture,<br />

11 septembre 2001 », op. cit. ; « Le<br />

Pentagate », op. cit. ; Cf. aussi Romain Guer,<br />

op. cit. ; Peter Franssen & Pol de Vos, op. cit.)<br />

[16] : (Lire : Michel Sitbon, Gilles Alfonsi et<br />

Jean-Luc Guilhem, « La fin du Réseau<br />

Voltaire », Les enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

30/3/<strong>2005</strong>, http://www.amnistia.net<br />

/news/articles/voltaire/voltaire_552.htm,<br />

article payant ; Perline, « Aux adhérents du<br />

Réseau Voltaire », 31/1/2003, reprod. in<br />

http://www.amnistia.net/news/articles/voltaire/perline.pdf<br />

; « Réseau Voltaire : Karnoouh<br />

démissionne, mais la ligne est maintenue<br />

», Les enquêtes interdites - amnistia.net,<br />

4/4/<strong>2005</strong>, http://www.amnistia.net<br />

/news/articles/voltaire/voltaire2_553.htm ;<br />

« Réseau Voltaire : Claude Karnoouh était<br />

bien aux manettes », Les enquêtes interdites<br />

-amnistia.net, 13/4/<strong>2005</strong>, http://www.amnis<br />

tia.net/news/articles/voltaire/voltaire3_554.htm<br />

; Fabrice Nicolino, « Meyssan<br />

l’imposteur », Politis, 11/4/2002, p. 20,<br />

http://www.politis.fr/article136.html ; Guillaume<br />

Dasquié et Jean Guisnel, « L’effroyable<br />

Mensonge », La Découverte, 2002 ;<br />

Fiammetta Venner, « L'Effroyable Imposteur :<br />

quelques vérités sur Thierry Meyssan »,<br />

Grasset, 2004, etc.)<br />

[17] : (J.K. Rowling, « Harry Potter et l'ordre<br />

du Phénix », Gallimard, 12/2003, pp. 89-90)<br />

[18] : (Soirée Théma « De quoi j’me mêle :<br />

Tous manipulés ? », Arte, 13/4/2004, émission<br />

de et présentée par Daniel Leconte<br />

(réal. : Laurent Lichtenstein) ; Arnaud Rindel<br />

et Alain Thorens, « Arte et la théorie du complot<br />

: une émission de propagande de Daniel<br />

Leconte », Acrimed, 27/4/2004, http://www<br />

.acrimed.org/article.php3?id_article=1583 et<br />

http://www.acrimed.org/article.php3?id_art


icle=1584 ; Mona Chollet, « "De quoi j'me<br />

mêle !", ou quand Arte dérape », Le Courrier<br />

(Genève), 10/5/2004, http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=N<br />

ewsPaper&file=article&sid=37705 ; « Manipulation<br />

», Réseau Voltaire, 14/4/2004,<br />

http://www.voltairenet.org/article13383.ht<br />

ml ; Mathias Reymond, « Tentative de suicide<br />

: Philippe Val dans l’arène de Thierry<br />

Ardisson », acrimed, 28/10/2004,<br />

http://www.acrimed.org/article1798.html ; etc.)<br />

[19] : (Guy Debord, Préface à la quatrième<br />

édition italienne de la Société du Spectacle,<br />

Champ Libre, 1979 ; réed. Gallimard,<br />

10/1992, p. 102, folio, 1996, http://inventin.la<br />

utre.net/PrefaceSocieteduspectacleDebord.pdf)<br />

[20] : (Hervé Kempf, « Un avion a bel et bien<br />

frappé le Pentagone », Le Monde,<br />

21/3/2002, pp. 23 sq. ; Garance, « Le<br />

décryptage d'"Arrêt sur images" : Garance<br />

prend l'effroyable imposture par les liens... »,<br />

LeMonde.fr, 26/3/2002 (Sites visités entre le<br />

18 et le 20/3/2002) ; « Thierry Meyssan et ses<br />

deux livres », http://perso.orange.fr/jpdesm/pentagon/<strong>page</strong>s-fr/pap-thmeys.html<br />

et suivantes ; etc.)<br />

[21] : (« Hoax. Attentat contre le Pentagone<br />

», secuser.com, http://www.secuser.co<br />

m/hoax/2002/pentagone.htm et http://www<br />

.secuser.com/hoax/attentat_pentagone.htm)<br />

[22] : (« Rumeur - Attentat du Pentagone -<br />

L'effet d'une bombe ! », hoaxbuster.com, 12-<br />

17/3/2002, http://www.hoaxbuster.com/ho<br />

axliste/hoax.php?idArticle=2338 ; « Attentat<br />

contre le Pentagone, enfin du scientifique ! »,<br />

hoaxbuster.com, 26/3/2002, http://www.h<br />

oaxbuster.com/dossiers/detail.php?idDossier<br />

=3193 ; Entretien avec Serge Roche, hoaxbuster.com,<br />

5/4/2002, http://www.hoaxbuster.com/interviews/detail.php?idIntervie<br />

w=3188 ; Entretien avec Claude Moniquet,<br />

hoaxbuster.com, 5/4/2002, http://www.ho<br />

axbuster.com/interviews/detail.php?idIntervi<br />

ew=3189 ; Entretien avec Renaud Marhic,<br />

hoaxbuster.com, 5/4/2002, http://www.ho<br />

axbuster.com/interviews/detail.php?idIntervi<br />

ew=3190 ; Paul Boutin and Patrick Di Justo,<br />

« "Hunt the Boeing" Answers », réed.<br />

19/2/2006, http://paulboutin.weblogger.co<br />

m/2002/03/14)<br />

[23] : (« Internet véhicule une rumeur extra-<br />

vagante sur le 11 septembre », Le Monde<br />

interactif, 20/3/2002, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3236,36-<br />

267439,0.html ; « Le Net et la rumeur », Le<br />

Monde, 21/3/2002 ; etc.)<br />

[24] : (Thierry Meyssan « L'effroyable imposture,<br />

11 septembre 2001 », op. cit., p. 6)<br />

[25] : (« Comment faire son beurre avec les<br />

rumeurs », Le Canard enchaîné, 3/4/2002, p. 5)<br />

[26] : (Voir par exemple C.R., « Magistrats et<br />

cagoulés jouent à cache-cache en Corse », Le<br />

Canard enchaîné, 28/3/2001, p. 3 (site d'amnistia.net)<br />

; Le Canard enchaîné, 5/6/2002,<br />

p. 2 ; « Le site Internet du gouvernement<br />

ouvert à tout vent », Le Canard enchaîné,<br />

28/8/2002, p. 2 ; Hervé Liffran, « La télé avait<br />

un peu oublié l’insécurité », Le Canard<br />

enchaîné, 9/10/2002, p. 3 ; Le Canard<br />

enchaîné, 29/10/2002, p. 3 ; Le Canard<br />

enchaîné, 5/3/2003, p. 3 ; L.-M. H.,<br />

« L’ordinateur de l’armée US visité par “Le<br />

Canard” est toujours ouvert… », Le Canard<br />

enchaîné, 6/8/2003, p. 3 ; « Godfrain, un élu<br />

à l’écoute du monde entier », Le Canard<br />

enchaîné, 21/1/2004, p. 2 ; Le Canard<br />

enchaîné, 3/3/2004, p. 3 ; Le Canard enchaîné,<br />

2/6/2004, p. 2 ; Le Canard enchaîné,<br />

25/8/2004, p. 4 ; Le Canard enchaîné,<br />

20/10/2004, p. 4 ; Le Canard enchaîné,<br />

24/11/2004, p. 2 ; Le Canard enchaîné,<br />

19/1/<strong>2005</strong>, p. 3 ; Le Canard enchaîné,<br />

9/2/<strong>2005</strong>, p. 2 ; etc. ; Voir aussi Louis<br />

Fournier, « Cité des sites : Le Canard ne veut<br />

pas s'enchaîner à Internet », silicon.fr,<br />

29/12/2004, http://www.silicon.fr/fr/silicon/special-report/2004/12/29/cite-sites-<br />

633 A l’Ouest rien...


canard-veut-senchainer-internet)<br />

[27] : (Le Canard enchaîné, 13/11/2002,<br />

p. 6 ; et correctif à plat ventre in Le Canard<br />

enchaîné, 13/11/2002 ; etc.)<br />

[28] : (Réseau Voltaire, « Thierry Meyssan<br />

assigne huit journaux en diffamation »,<br />

24/6/2002 ; « Justice : Thierry Meyssan a été<br />

débouté de sa plainte en diffamation contre<br />

le journal "Le Monde" », Le Monde,<br />

8/2/2004, http://www.lemonde.fr/web/rec<br />

herche_breve/1,13-0,37-839040,0.html ;<br />

« Manipulation », Réseau Voltaire,<br />

14/4/2004, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le13383.html ; etc.)<br />

[29] (Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate »,<br />

op. cit. ; « The New Pearl Harbor by David<br />

Ray Griffin », Vancouver Independent Media<br />

Centre, http://<strong>page</strong>sperso-orange.fr/jpdesm/pe<br />

ntagon/<strong>page</strong>s-en/npp-griffin.html et suivantes)<br />

[30] (Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate »,<br />

op. cit. ; Barbara Vobejda, « "Extensive<br />

Casualties" in Wake of Pentagon Attack »,<br />

Washington Post, 11/9/2001, http://www.<br />

washingtonpost.com/wp-srv/metro/daily/se<br />

p01/attack.html)<br />

[31] : (Thierry Meyssan « L'effroyable imposture,<br />

11 septembre 2001 », op. cit.)<br />

[32] : (Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate »,<br />

op. cit)<br />

[33] : (« Thierry Meyssan », wikipedia, consulté<br />

en mai 2008, http://fr.wikipedia.org/wiki/<br />

Thierry_Meyssan)<br />

[34] : (« Tout le monde en parle » France 2,<br />

16/3/2002)<br />

[35] : (auparavant : www.carnot.org)<br />

[36] : (Xavier Pasquini, « Carnet », Charlie<br />

hebdo, 6/1/1993, p. 10)<br />

[37] : (P. L., « Killer est-il ? », Le Canard<br />

enchaîné, 28/9/<strong>2005</strong>, p. 6, d’après Thierry<br />

Ardisson avec Philippe Kieffer, « Confessions<br />

d’un baby-boomer », Flammarion, 9/<strong>2005</strong>)<br />

[38] : (François Busnel, « Les interviewers<br />

interviewés », Lire, 10/<strong>2005</strong>, http://www.lire<br />

.fr/entretien.asp/idC=49176/idR=201/idG=8)<br />

[39] : (http://www.voltairenet.org/fr)<br />

[40] : (http://www.pentagate.info/revue-fr.html)<br />

[41] : (Voir Francis Dubois et Paul Stuart,<br />

« France : l'ancien officier de renseignement<br />

Bunel condamné à la prison », World Socialist<br />

A l’Ouest rien... 634<br />

Web Site, 21/12/2001, http://www.wsws.or<br />

g/francais/News/2002/janvier02/21dec01_<br />

bunel.shtml, Pierre-Henri Bunel, « Mes services<br />

secrets : souvenirs d’un agent de<br />

l’ombre », Flammarion, 2001 ; etc.)<br />

[42] : (Thierry Meyssan dir., « Le Pentagate »,<br />

op. cit., p. 63)<br />

[43] : (« Otan : un espion venu de France »,<br />

Les enquêtes interdites-amnistia.net,<br />

3/11/1998).<br />

[44] : (Francis Dubois et Paul Stuart, op. cit.)<br />

[45] : (Didier Daeninckx, « Rouges-Bruns: une<br />

nouvelle passerelle, via Bagdad... », amnistia.net,<br />

30/6/2003, http://www.amnistia.net<br />

/news/articles/fascdoss/azizpeti/azizpeti.htm)<br />

[46] : (Voir Michel Sitbon, Gilles Alfonsi et<br />

Jean-Luc Guilhem, op. cit., http://www.amnis<br />

tia.net/news/articles/voltaire/voltaire_552.ht<br />

m, article payant ; Perline, op. cit. ; « Réseau<br />

Voltaire : Karnoouh démissionne, mais la<br />

ligne est maintenue », op. cit. ; « Réseau<br />

Voltaire : Claude Karnoouh était bien aux<br />

manettes », op. cit. ; Voir aussi Meyssan et de<br />

Benoist juxtaposant leurs analyses in<br />

Réflechir & Agir, n° 28, 2/2008,<br />

http://www.reflechiretagir.com)<br />

[47] : (Michel Sitbon, Gilles Alfonsi et Jean-<br />

Luc Guilhem, « La fin du Réseau Voltaire »,<br />

op. cit.)<br />

[48] : (Dominique Lorentz, « Une Guerre »,<br />

les Arènes, 1996, p. 193)


« ''Le général Boyken, chef des services secrets du Pentagone,<br />

prêchait en uniforme, comme un chrétien illuminé, pour une<br />

croisade contre l'Islam. Le général Boyken et le Président partagent<br />

les mêmes idées.'' [1] ''Ce n'est pas Oussama Ben Laden, le<br />

Mal est invisible. Notre ennemi est au royaume des cieux.'' [2]<br />

''Boyken montrait au public des photos prises à Modagiscio,<br />

lorsque le faucon noir s'est écrasé, en disant : 'C'est le diable.<br />

C'est Satan volant dans les cieux.' [2]'' [3] ''Cette photo n'est pas<br />

truquée. Vous devez comprendre qu'on y voit le Démon.'' [2]<br />

''En fait, sur la photo, c'était un avion-espion américain ! Il racontait<br />

ça partout. Et c'est le chef des services secrets du<br />

Pentagone !'' [3] » [4]<br />

[1] : (Arnaud de Borchgrave, du Washington Times)<br />

[2] : (Général Boyken)<br />

[3] : (Joseph Trento, historien)<br />

[4] : (« Le monde selon Bush », film de William Karel en collaboration avec Eric Laurent, éditions Montparnasse,<br />

www.lemondeselonbush.com)<br />

635 A l’Ouest rien...


636


« On ne peut faire deux choses<br />

à la fois : tenir un fusil d'une main et<br />

un bulletin de vote de l'autre » [1], prétendait<br />

injustement un général.<br />

L’industrie de l’armement militaire et<br />

civil va pourtant de pair avec celle de<br />

l’armement moral. Et là c’est affaire de<br />

propagande. « Ce système produit une<br />

idéologie qui le justifie. » [2] On vend<br />

les armes et les motifs de s’en servir.<br />

Il nous faut bien appréhender le fonctionnement<br />

de la société, fonctionnement<br />

qui « aujourd’hui, a “transformé<br />

économiquement le monde”, en même<br />

temps qu’il a “transformé policièrement<br />

la perception”. (La police dans la circonstance<br />

est elle-même tout à fait<br />

nouvelle.) » [3]<br />

On a du corriger des erreurs. « En 1968,<br />

la presse rend compte de l'offensive du<br />

Tet au Vietnam : [...] Ces informations<br />

[nourrissent] en Occident le mouvement<br />

contre la guerre. Pour y remédier, les<br />

experts du Pentagone préconisent à la<br />

fois l'embedding [l'embarquement, la<br />

“mise dans son lit”] de la presse dans les<br />

unités combattantes et le contrôle des<br />

médias par les industries d'armement.<br />

Une situation que l'on retrouve [notamment]<br />

dans le traitement de la guerre en<br />

Irak. » [4]<br />

On sait alors sur qui compter pour soutenir<br />

les guerres. Un exemple français<br />

parmi tant d’autres éditorialistes multi-<br />

Lutte finale 638<br />

cartes, Laurent Joffrin né Mouchard [5]<br />

qui, en 1999, lors de la guerre du<br />

Kossovo, proclame : « “[...] Écartons la<br />

mécanique dénonciation des prêcheurs<br />

de la passivité, qui ne voient la France<br />

grande que dans l’absolution des dictateurs,<br />

de ces donneurs de leçons du<br />

patriotisme qui ne cessent de dénigrer<br />

leurs soldats dès qu’ils sont engagés<br />

quelque part.” [6] [...] : Joffrin a pompé<br />

le style pompier des écrivaillons patriotards<br />

de la première guerre mondiale<br />

qui, [...] entre deux dîners mondains<br />

[...], la conscience tranquille, envoyaient<br />

les “poilus” à la boucherie. […] “Le travail<br />

des médias audiovisuels dans ce conflit a<br />

jusqu’à présent été exemplaire. Les<br />

leçons de la guerre du Golfe ont été<br />

tirées : beaucoup de prudence, de<br />

doute, de distance à l’égard des sources<br />

et de volonté d’équilibre dans l’interprétation.”<br />

[6] » [7] La retenue dans l'autocritique<br />

est elle-même exemplaire.<br />

« On fait de la critique quand on ne peut<br />

pas faire de l’art, de même qu’on se met<br />

mouchard quand on ne peut pas être<br />

soldat. » [8] Ça marche, et au pas cadencé.<br />

« Les bellicistes atteignent leur but. Ils<br />

savent qu'il faut semer la haine pour<br />

récolter la guerre. Ils savent qu'il faut<br />

dresser les populations les unes contre<br />

les autres pour leur imposer la loi des<br />

mercenaires. » [9] Ce qui est capital,<br />

dans cette réflexion stratégique, c'est le<br />

pouvoir de concentration.<br />

En France, notamment. « Entre le printemps<br />

2004 et l'été <strong>2005</strong>, les trois principaux<br />

quotidiens français ont bouleversé<br />

leur actionnariat dans une relative<br />

indifférence : Le Figaro racheté par<br />

Dassault, Libération recapitalisé par<br />

Rothschild, Le Monde renfloué par<br />

Lagardère. » [10]<br />

Car où se décide qui pourra bien « communiquer<br />

» à travers la grande diversité


de la presse française ? « Qui détient la<br />

liberté de la presse ? Les propriétaires de<br />

journaux et personne d'autre. La liberté<br />

de la presse est une propriété. » [11] La<br />

règle est impérative : Les « journalistes<br />

ne doivent “en aucun cas porter atteinte<br />

aux intérêts de l’entreprise de presse<br />

dans laquelle ils travaillent.” [12] » [13]<br />

La « presse française présente la singularité<br />

d'être de plus en plus dominée par<br />

des géants industriels, notamment de<br />

l'armement ; et, par surcroît, ces mêmes<br />

industriels entretiennent souvent des<br />

relations quasi endogamiques avec les<br />

plus hautes autorités<br />

de l'Etat. » [14]<br />

« Dassault partage<br />

avec Lagardère la<br />

particularité d’être à<br />

la fois un grand<br />

groupe de presse et<br />

un grand groupe<br />

d’armement. » [15]<br />

Ces « deux groupes<br />

français d’armement<br />

qui vivent des commandes<br />

de l’Etat » [16]<br />

« possèdent plus<br />

des trois quarts de<br />

la presse française.<br />

» [15]<br />

Moins fort que<br />

Poutine [Voir « Ex-<br />

Est », p. 560], « Chirac [régnant], lui, ne<br />

détient [ainsi] que 75 % des médias français,<br />

par marchands de canons interposés<br />

» [17]. « Chirac restera [toujours] très<br />

lié au lobby militaro-industriel, dont les<br />

cocoricos cachent mal l’affiliation à<br />

Washing-ton. » [18] Mais les liens du<br />

sang versé peuvent parfois se relâcher.<br />

« Certes, la famille Dassault a beaucoup<br />

fait pour Chirac, les finances et les<br />

caisses du RPR » [19] ; et « entretient des<br />

liens serrés et anciens avec la famille<br />

Chirac » [14].<br />

On apprécie d'abord le style familial.<br />

Déjà, le père de Serge Dassault,<br />

« Marcel, mettait les pieds au Palais-<br />

Bourbon uniquement le jour de la rentrée<br />

solennelle et en profitait pour distribuer<br />

les billets de 500 F aux huissiers qui<br />

se plaçaient opportunément sur son passage.<br />

» [20] « Marcel Dassault [était] si<br />

célèbre pour sa pratique systématique<br />

de la corruption qu'on le surnommait<br />

“Monsieur 10 %” [21]. Il recevait régulièrement<br />

[...] “des politiciens de toutes tendances,<br />

à qui il versait des sommes<br />

considérables. En<br />

espèces.” [22] » [23]<br />

A un tel homme, on<br />

voulait complaire.<br />

« “Dassault pistonne<br />

'[son] petit<br />

Jacques' [... qui,<br />

devenu ministre,<br />

fera réduire l'impôt<br />

sur sa société.]<br />

Chirac dégrève<br />

Dassault et Dassault<br />

finance Chirac.”<br />

[24] » [25]<br />

« Mais depuis qu’en<br />

1995 Serge Dassault<br />

a pris presque<br />

ouvertement position<br />

pour Balladur,<br />

les rapports ne sont plus ce qu’ils<br />

étaient. Cette trahison, Jacques ne l’a<br />

jamais pardonnée à Serge. [...] Olivier,<br />

fils de Serge, pédégé de Dassault<br />

Communication, nouvel administrateur<br />

de Socpresse et député UMP, ne cache<br />

d’ailleurs jamais dans les couloirs de<br />

l’Assemblée son peu de sympathie pour<br />

Chirac et son attachement à [Sarkozy].<br />

» [19] [Voir « Le Syndrome de<br />

Narkozy », p. 664]<br />

On apprend [cependant] fin juillet 2004<br />

639 Lutte finale


que « l'Etat va acheter au groupe<br />

Dassault 59 [avions de combat Rafale],<br />

pour un montant record de plus de<br />

3 milliards d'euros [26]. [... Ce contrat],<br />

après avoir été bloqué durant de longs<br />

mois, [est] subitement en passe d'aboutir<br />

[...] un mois après le rachat par Serge<br />

Dassault de la Socpresse [...] "C'est une<br />

sucette pour neutraliser la presse<br />

Dassault et pour qu'elle ne tombe pas<br />

dans le 'sarkozysme'", assure [alors] un<br />

grand patron qui connaît le dossier. [...]<br />

Elevé à la dignité de grand officier de la<br />

Légion d'honneur dans la promotion du<br />

14 juillet [2004], Serge Dassault [... a<br />

obtenu le mois suivant] l'investiture de<br />

l'UMP dans l'Essonne pour conduire la<br />

liste des élections sénatoriales en septembre<br />

[2004]. » [14]<br />

En <strong>2005</strong>, on notait que le « renforcement<br />

de la coopération americano-singapourienne<br />

prouve que la Maison-<br />

Blanche est prête à mettre le paquet<br />

pour vendre [cent] F15 qui sont depuis<br />

des mois en concurrence avec le Rafale<br />

de Dassault. [...] Le marché, en effet stratégique<br />

pour le Rafale, qui n’a encore<br />

obtenu aucun marché à l’étranger,<br />

paraît donc mal parti. L’armée française<br />

risque de rester la seule à faire<br />

voler des Rafale. Au prix fort, faut-il le<br />

préciser. » [27]<br />

« Dassault est devenu le propriétaire de<br />

l’ex-groupe Hersant [28] et du groupe<br />

Express. [...] Comme le confie un proche<br />

[… de Yves de Chaisemartin, pédégé du<br />

groupe] : “[...] Sans l’accord de Chirac et<br />

de Raffarin, jamais cette opération n’aurait<br />

pu réussir.” » [29] On comprit vite la<br />

nouvelle donne. « Après le rachat par le<br />

Groupe Dassault de la Socpresse (70<br />

titres), 270 journalistes de ces journaux<br />

([...] soit un dixième) ont décidé de quitter<br />

leur emploi » [30].<br />

La « Socpresse et son principal actionnai-<br />

Lutte finale 640<br />

re, la maison Dassault, contrôlaient » [16]<br />

donc ces « 70 titres dont » [14] « Le<br />

Figaro, le Fig-Mag, Madame Figaro, TV<br />

Magazine, Paris Turf, Presse Océan, Le<br />

Maine libre, Le Courrier de l’Ouest, Le<br />

Progrès de Lyon, Le Dauphiné libéré,<br />

Nord-Eclair, une jolie part du capital de<br />

La Voix du Nord et 40 % du capital du<br />

groupe Rossel, premier éditeur francophone<br />

en Belgique.<br />

Il faut désormais y ajouter : L’Express,<br />

L’Expansion, La Lettre de l’Expansion, La<br />

Vie financière, L’Entreprise, L’Etudiant,<br />

Lire, Maison française, Maison Magazine<br />

et Classica. A titre personnel, les Dassault<br />

possèdent aussi : Valeurs actuelles, Le<br />

Journal des Finances et le mensuel<br />

Spectacle du Monde. » [16] « A cette liste<br />

[...], il convient d’ajouter une bonne<br />

trentaine de journaux aussi divers que<br />

[Version Femina (50 %), Week-End, Le<br />

Bien public,] Mieux vivre votre argent,<br />

[...] La Gazette du Val-d’Oise. » [31]<br />

« En mettant la main sur les anciennes<br />

publications de la maison Vivendi, la<br />

Socpresse [... acquiert ainsi] une position<br />

de quasi-monopole sur le marché<br />

des annonces immobilières haut de<br />

gamme, sur celui des annonces d’emplois<br />

des cadres. Sans parler des<br />

annonces financières. » [32]<br />

Mais le magnat représente le peuple,<br />

même celui des cités. « Serge<br />

Dassault [33], troisième fortune de<br />

France (10 milliards d’euros en 2003) et<br />

élu de Corbeil-Essonnes en 1995 avec<br />

les voix du Front national » [34], soigne<br />

son électorat. Cas particulier, donc, dans<br />

son empire : « Le Républicain de<br />

l’Essonne. Les <strong>page</strong>s de Corbeil y sont<br />

imprimées en couleur. [... Il faut au<br />

moins sauver les apparences, même si<br />

en] 2002, le grand libéral Dassault s’est<br />

vu contraint d’augmenter – et de 18 % -<br />

les impôts de sa ville. » [35]


« Dassault, [par] ailleurs, fait pilonner<br />

sept mille exemplaires du numéro du [23<br />

mai 2002] du Républicain [...] parce que<br />

le titre de l’article – “Nicolas Sarkozy renforce<br />

la police” - ne soulignait pas assez<br />

ses [propres] mérites. Pour le nouveau<br />

tirage, c’est devenu : “Un commissariat à<br />

Corbeil, après les évènements des<br />

Tarterêts, Nicolas Sarkozy répond aux<br />

sollicitations de Serge Dassault.” » [36]<br />

« Face à la Socpresse et aux Dassault, [...<br />

se tient le groupe de Lagardère]. En dix<br />

ans, le propriétaire de Matra-Hachette a<br />

pris le contrôle des quotidiens suivants :<br />

Corse-matin, Nice-Matin, La Provence et<br />

Var Matin. Il est associé avec Le Monde<br />

dans le capital du Midi libre et a un pied<br />

dans le capital de La Dépêche du Midi.<br />

[...] Dans la presse magazine [...] : Paris<br />

Match, Elle, Télé 7 Jours, France<br />

Dimanche, Femina, Entrevue, Zurban,<br />

Pariscope [...,] Le<br />

Journal du Dimanche<br />

» [16], « Ici<br />

Paris, [...] 25 % du<br />

groupe Le Parisien-<br />

L’Equipe, 35 % du<br />

groupe Marie-Claire, etc. » [31] « Pour en<br />

rester aux principaux titres » [16].<br />

Le « groupe Lagardère est aussi le premier<br />

éditeur de livres en France et son<br />

premier distributeur. » [31] « A quoi il<br />

convient d’ajouter Europe 1 et 2 et près<br />

d’un tiers du capital de Canal<br />

Thématiques » [16] ainsi qu’une « kyrielle<br />

de radios privées ». [16] « Si tu ne<br />

viens pas à Lagardère... » [37]<br />

Comme le disait justement Jean-Luc<br />

Lagardère : « Un groupe de presse, vous<br />

verrez, c’est capital pour décrocher des<br />

commandes. » [38] Il reste d'autres<br />

médias, mais presque « toutes les maisons<br />

d’édition françaises qui n’appartiennent<br />

pas au fabriquant de missiles<br />

Lagardère dépendent du holding<br />

d’Ernest-Antoine Seillière » [34].<br />

En effet, comme par exemple dans les<br />

secteurs du pétrole, des parfums ou des<br />

opérateurs telephoniques (tous célèbres<br />

pour leurs « ententes anticoncurentielles<br />

»), on maintient quand même une<br />

certaine diversité [Voir « Le Gouvernement<br />

mondial », p. 17]. « Wendel<br />

Investissement, la holding pilotée par<br />

Ernest-Antoine Seillière, s’est entendue<br />

avec Lagardère pour le rachat des 60 %<br />

d’Editis, [imposé,] par Bruxelles. [...]<br />

Lagardère [... s’êtait vu refuser le droit ,]<br />

par l’Antitrust [européen,] de contrôler la<br />

totalité d’Editis, l’ex-pôle livres de Vivendi<br />

Universal (VUP). » [39]<br />

Le « Conseil des industries de défense<br />

françaises, qui regroupe plus de 80 %<br />

des marchands d’armes (privés et nationaux)<br />

se réjouit [... et les] patrons de l’armement,<br />

Lagar-dère et Dassault en tête,<br />

se félicitent du<br />

projet de loi de<br />

programmation militaire<br />

2003-2008.<br />

Ils réclamaient que<br />

l’Etat s’engage à<br />

consacrer chaque année 15 milliards<br />

d’euros à l’achat d’équipements militaires<br />

; ils auront en moyenne 14,64 milliards<br />

d’euros par an. » [40] Environ 250<br />

euros par habitant de France et par an.<br />

On regrette [cependant] de ne pas pouvoir<br />

dépenser plus pour l’armée. Ainsi, le<br />

ministre des finances Francis Mer<br />

[avouait début 2002] : « "[...] Aujourd'hui,<br />

je suis bien obligé de convenir<br />

qu'il n'est pas possible d'augmenter les<br />

dépenses militaires, alors que j'ai moimême<br />

dit le contraire quinze jours avant<br />

de devenir ministre !" » [41]<br />

Certains comprennent tardivement la<br />

situation. Tel « Bayrou [..., qui a appartenu]<br />

à la majorité qui [a installé] les<br />

groupes industriels vivant des com-<br />

641 Lutte finale


mandes de l'État à la tête des plus<br />

grands médias (loi Léotard de 1986,<br />

vente de TF1 à Bouygues en 1987,<br />

etc.) [et qui,] en 1994, [...] siège au<br />

gouvernement Balladur, [lequel] relève<br />

les seuils de concentration dans l'audiovisuel<br />

(loi Carignon). Il tutoie les<br />

dirigeants de la Une et ne trouve pas<br />

anormal que Jean-Pierre Elkabbach<br />

demande conseil à Sarkozy pour l'embauche<br />

d'un journaliste à Europe 1. » [42]<br />

Mais finalement, il crache dans la<br />

soupe : « Le 2 septembre [2006], pour<br />

la première fois depuis la privatisation<br />

de TF1, un responsable politique français<br />

convié au journal de 20 heures de<br />

la Une profite de cette tribune pour<br />

remettre en cause l'influence idéologique<br />

des propriétaires de médias [43].<br />

Au passage, il démontre la vacuité de<br />

l'excuse souvent avancée par les<br />

contestataires pour s'affranchir de<br />

toute critique des médias : “Si nous les<br />

attaquons, ils ne nous inviteront<br />

plus ! » [42]<br />

« Des colonnes de L'Express aux studios<br />

de France Inter, Bayrou dénonce "l'orchestration<br />

médiatique" par Bouygues,<br />

Lagardère et Dassault d'une campagne<br />

circonscrite à l'affrontement entre<br />

Lutte finale 642<br />

Sarkozy et Sarcosette. » [42] Ce sont eux<br />

qui ont fabriqué la réputation de l'égérie<br />

« socialiste », Marie-Ségolène Royal, baudruche<br />

choisie, au casting, pour se<br />

dégonfler aisément face à la pourtant<br />

« résistible ascension » [44] de Nicolas<br />

Sarközy de Nagy-Bocsa [Voir « Le syndrome<br />

de Narkozy », p. 664].<br />

Et lors de l’« “affaire Airbus”, [les retards<br />

devenant échec, d’où la chute de l’action<br />

anticipée par certains,] les principaux<br />

médias se sont ainsi fait les portevoix<br />

du groupe Lagardère [...]. Même<br />

L’Humanité s’est gardée d’attaquer<br />

Lagardère dans ses titres ou à sa “une”.<br />

Malgré des profits cent fois inférieurs,<br />

M. Noël Forgeard et son parachute doré<br />

de plus de 8 millions d’euros ont eu droit<br />

à moins de clémence : [...] l’”argent fou”,<br />

“une provocation”, une “prime à l’incompétence”.<br />

» [45] Ensuite....<br />

[1] : (Général Trochu)<br />

[2] : (« L'envers du modèle économique US. Les marchands<br />

de guerre », Voltaire, 21/4/2004, http://www.voltairenet.org/article13480.html)<br />

[3] : (Guy Debord, « Avertissement pour la troisième édition<br />

française » de « La Société du Spectacle », 30/6/1992,<br />

Gallimard, 1992, p. X, détournant la thèse 105)<br />

[4] : (Grégoire Seither, « 28 janvier 1968. Le journaliste<br />

“embedded” : une leçon retenue du Vietnam », Voltaire,<br />

7/2/2004, http://www.voltairenet.org/article15939.html)<br />

[5] : (« Who's who »)


[6] : (« Kosovo. La guerre en procès. Et pourtant, il fallait<br />

intervenir... », Le nouvel Observateur, n° 1795,<br />

1-7/4/1999)<br />

[7] : (« Le Nouvel Obs et le Kosovo », PLPL, n° 0, 6/2000,<br />

http://www.homme-moderne.org/plpl/n0/p7.html)<br />

[8] : (Gustave Flaubert, Correspondance, A Mme X (Louise<br />

Colet), 22/10/1846)<br />

[9] : (Philippe Doray, « Caricatures », Zapito, n° 44,<br />

4/2006, p. 2 (2 euros) (Association de mots, 4 rue de la<br />

République, F-76350 Oissel))<br />

[10] : (Pierre Rimbert, « Libération, de Sartre à Rothschild »,<br />

Raisons d'agir, 11/<strong>2005</strong>, p. 12)<br />

[11] : (Lowell Mellett, 1938, cité par Jacques Kayser, « Mort<br />

d'une liberté. Techniques et politique de l'information »,<br />

Plon, 1955, p. 25, cité par Pierre Rimbert, op. cit., p. 132)<br />

[12] : (Convention collective de la presse, article 3b)<br />

[13] : (« Le Yalta des médias », PLPL n° 22, 12/2004, p. 4)<br />

[14] : (Laurent Mauduit, « Quatre jours ordinaires dans la<br />

vie des affaires », Le Monde, 17/8/2004)<br />

[15] : (Les Echos, 12/3/2004, cité in « Les papivores marchands<br />

de canon », Le Canard enchaîné, 17/3/2004, p. 3)<br />

[16] : (« Sous le feu croisé des marchands de canon », Le<br />

Canard enchaîné, 4/9/2002, p. 2)<br />

[17] : (« Sire Vladimir », Le Canard enchaîné, 17/3/2004, p. 1)<br />

[18] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 31)<br />

[19] : (« Le divorce du bétonneur et de l’avionneur », Le<br />

Canard enchaîné, 21/7/2004, p. 2)<br />

[20] : (« Un sénateur exemplaire : Serge Dassault », Le<br />

Canard enchaîné, 10/11/2004, p. 2)<br />

[21] : (« La famille Chirac », Les Dossiers du Canard,<br />

10/1993, p. 91)<br />

[22] : (Alexandra Schwartzbrod, « Dassault. Le dernier<br />

round », Olivier Orban, 1992, p. 61)<br />

[23] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 103)<br />

[24] : (Henri Deligny, « Chirac ou la fringale du pouvoir »,<br />

Alain Moreau, 1977, p. 203)<br />

[25] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 105)<br />

[26] : (Pascal Galinier et Philippe Le Cœur, « L'Etat s'apprête<br />

à acheter 59 avions de combat Rafale à Dassault »,<br />

Le Monde, 29/7/2004)<br />

[27] : (« Rafale en vrille », Le Canard enchaîné, 3/8/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[28] : (Voir Dominique Pons, « Dossier H... comme<br />

Hersant », Alain Moreau, 1977)<br />

[29] : (Jérôme Canard, « Le coup de presse de Dassault vient<br />

de loin et haut », Le Canard enchaîné, 17/3/2004, p. 3)<br />

[30] : (« Dassault à la Socpresse : 270 journalistes partent<br />

», 16/12/2004, http://www.acrimed.org/article1857.html)<br />

[31] : (« Les papivores marchands de canon », op. cit.)<br />

[32] : (« “L’Express” de Dassault n’était pas un mirage », Le<br />

Canard enchaîné, 4/9/2002, p. 2)<br />

[33] : (Cf. ses propos sur RTL, 11/11/2004,<br />

http://www.leplanb.org/upload/sons/RTL_Dassault_200<br />

41129.ogg ; http://www.jamendo.com/fr/album/250/)<br />

[34] : (« La presse à euros, PLPL, n° 22, 12/2004, p. 3)<br />

[35] : (Patrice Lestrohan, « Serge Dassault. Du mirage au<br />

tirage », Le Canard enchaîné, 24/3/2004, p. 7)<br />

[36] : (« Une campagne qui vole haut », Le Canard enchaîné,<br />

19/6/2002, p. 2)<br />

[37] : (Paul Feval, « Le Bossu », 1ère partie, VIII (Bataille))<br />

[38] : (Le Canard enchaîné, 6/11/1996, cité par Serge<br />

Halimi, « Les nouveaux chiens de garde », Liber-Raisons<br />

d'agir, 11/1997, p. 35)<br />

[39] : (« Seillière met la main sur Editis », 18heures.com,<br />

n° 1296, 28/5/2004, http://www.lexpansion.com/art/24<br />

54.76154.0.html)<br />

[40] : (« Ça, c’est de la croissance », Le Canard enchaîné,<br />

16/10/2002, p. 2)<br />

[41] : (Le Canard enchaîné, 29/5/2002, p. 2)<br />

[42] : (Le Plan B, n° 4, 10-11/2006, http://www.leplanb.o<br />

rg/<strong>page</strong>.php?article=34)<br />

[43] : (Cf. Le Plan B, n° 4, 10-11/2006, p. 10-11)<br />

[44] : (Bertolt Brecht, « Der aufhaltsame Aufstieg des<br />

Arturo Ui », trad. « La Résistible Ascension d'Arturo Ui »,<br />

1941)<br />

[45] : (François Ruffin, « Silence Radio », Le Monde diplomatique,<br />

5/2007, p. 5)<br />

L’hypothèse « d'une frappe<br />

bactériologique ou chimique d'origine<br />

terroriste, faisant un grand<br />

nombre de victimes, permet de conférer<br />

une certaine crédibilité aux discours<br />

particulièrement alarmistes [...]<br />

peu en phase avec la réalité : depuis<br />

la prise d'otage de Téhéran [en<br />

novembre 1979], on estime à<br />

quelques centaines par an le nombre<br />

de victimes [mortes] du terrorisme<br />

[hors Irak], quelques milliers pour<br />

l'année 2001.<br />

[... Par contre,] "le nombre de décès<br />

annuels dans le monde causés par les<br />

armes légères au cours de guérillas ou<br />

de conflits locaux, est de l'ordre de<br />

500 000 par an [...]" [1] » [2], « soit une<br />

personne toutes les minutes » [3], « "[...]<br />

et celui des blessés encore plusieurs fois<br />

supérieurs" [1]. [... Sans compter] les<br />

643 Lutte finale


23 000 victimes annuelles des homicides<br />

à main armée aux États-Unis » [2], dont<br />

environ la moitié, soit « 11.000 personnes<br />

meurent par balles (en comparaison<br />

avec l’Allemagne : 381 morts par<br />

balles, la France : 255 , [le] Canada : 165,<br />

[le] Japon : 39) » [4] Encore une fois, les<br />

Etats-Unis nous devancent. Les mœurs y<br />

sont plus gourmandes de viande.<br />

On est au courant depuis 1993 : « Selon<br />

un sondage Louis [Harris] réalisé auprès<br />

de 2 508 collégiens de 10 à 19 ans, les<br />

teen-agers [étasuniens] sont familiers<br />

des armes à feu. 40 % reconnaissent<br />

avoir introduit une arme à l'école et 9 %<br />

avouent avoir déjà tiré sur quelqu'un.<br />

62 % affirment pouvoir se procurer<br />

une arme en moins de 24 heures. Ces<br />

chiffres sont sensiblement les mêmes<br />

dans les villes, les banlieues plus aisées<br />

et les zones rurales. » [5] [Voir « Jouer<br />

aux petits soldats », p. 306]<br />

« L'absence de contrôle du commerce<br />

des armes alimente les conflits, la pauvreté<br />

et les atteintes aux droits humains.<br />

Tous les gouvernements sont responsables<br />

: 80 à 90 % des armes légères en<br />

circulation proviennent à l'origine du<br />

commerce légal. » [3] Mais les coupables<br />

sont évidemment les consommateurs. A<br />

l’instar du commerce d’autres marchandises,<br />

celui des armes est encouragé,<br />

mais l'utilisation de ces armes est normalement<br />

interdite.<br />

Et il n'y a pas besoin de faire beaucoup<br />

de publicité. Dans « une situation stressante,<br />

les gens se fâchent rapidement et<br />

ont de la difficulté à se calmer. Dans la<br />

nature, ce processus permet de réagir<br />

spontanément en situation d’urgence,<br />

pour le combat par exemple, et de garder<br />

cette attitude suffisamment longtemps<br />

pour vaincre l’adversaire menaçant.<br />

Mais dans la vie en société » [6], si<br />

les gens enervés passent à l’acte, ça peut<br />

Lutte finale 644<br />

aussi permettre de vendre des armes.<br />

La cible commerciale par excellence ?<br />

Le lumpenproletariat, le « prolétariat en<br />

haillons ». Car « le crime est essentiellement<br />

le fait des classes sociales les plus<br />

défavorisées, [... celles dont l'environnement<br />

ne] permet pas d'apprendre à parler<br />

facilement. [... Le] geste criminel est<br />

lui-même une parole de la misère le plus<br />

souvent. » [7] [Voir « L’insécurité avance,<br />

l’insécurité recule… », p. 278] Un poète<br />

affirmait donc : « Il n'est pas de méchants,<br />

il n'est que des souffrants » [8].<br />

« Fais souffrir toi-même », incite l'animale<br />

« loi du talion » [9] qui déclare : « Œil<br />

pour œil, dent pour dent ». Aux souffrances,<br />

on avait cependant voulu<br />

rendre justice par l'égalité d'une autre<br />

manière. On « raconte ainsi le différend<br />

qui opposa deux prostituées ayant chacune<br />

mis au monde un enfant, mais<br />

dont l'un était mort étouffé. Elles se disputèrent<br />

alors l'enfant survivant. Pour<br />

régler le litige, Salomon réclama une<br />

épée et ordonna : "Partagez l'enfant<br />

vivant en deux et donnez la moitié à<br />

l'une et la moitié à l'autre". L'une des<br />

femmes accepta, l'autre déclara qu'elle<br />

[préférait] renoncer à l'enfant plutôt que<br />

de le voir sacrifié. En elle, Salomon<br />

reconnut la vraie mère, et il lui fit<br />

remettre le nourrisson. [10] » [11]<br />

L’équivalence affichée (A chacune un<br />

œil, la moitié des dents et du reste) sert<br />

à débusquer la solution.<br />

Mais ce n'est justement pas l'interprétation<br />

dominante. « Le préjugé de la<br />

Vendetta empêchera longtemps le<br />

règne des lois » [12]. Et il peut même y<br />

avoir, pour éviter la punition et le<br />

“déshonneur”, comme pour se venger,<br />

apprentissage puis renforcement de la<br />

cruauté ; comme on le fait avec professionnalisme<br />

dans les « écoles de torture<br />

qui éditent des manuels » [13] [Voir « On


scanda “Le fascisme ne passera pas” ?<br />

Mais l’opération Condor passa ! », p. 550].<br />

[1] : (Pierre Chavance et Pierre Bouvier, « Ces armes qui<br />

mènent le monde », Lieu restauré, 6/2003)<br />

[2] : (« L'envers du modèle économique US. Les marchands<br />

de guerre », Voltaire, 21/4/2004, http://www.voltairenet.org/article13480.html)<br />

[3] : (« Armes : un commerce qui tue ! », Agir ici, reprod.<br />

in http://www.acat.asso.fr/actualit04.html)<br />

[4] : (« Bowling for Columbine. Michaël Moore », Libertés !,<br />

n° 391, 2/2003, http://www.amnestyinternational.be/do<br />

c/article1981.html, chroniquant le film de Michaël Moore,<br />

« Bowling for Columbine »)<br />

[5] : (Libération, 21/7/1993)<br />

[6] : (« La spirale de la violence », Agence Science-Presse,<br />

15/11/2004, http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2<br />

004/cap1511044.htm, d'après Menno R. Kruk, Wout<br />

Meelis, Jozsef Halasz et Jozsef Haller, « Fast positive feedback<br />

between the adrenocortical stress response and a<br />

brain mechanism involved in aggressive behavior »,<br />

Behavioral neuroscience, 2004, vol. 118, n° 5, pp. 1062-<br />

1070)<br />

[7] : (Henri Laborit, « L'Inhibition de l'Action. Biologie comportementale<br />

et physio-pathologie », 2de éd. augm.,<br />

Masson - Les presses de l'université de Montréal, 1986,<br />

p. 202, d'après Jean-Michel Bessette, « Sociologie du<br />

Crime », PUF, le sociologue, 1982)<br />

[8] : (Fernand Gregh, cité par Henri Laborit, « La Colombe<br />

assassinée », Grasset, 1983, p. 133)<br />

[9] : (« Exode », 21,23-25, « Lévitique », 24,17-22,<br />

« Deutéronome », 19,21)<br />

[10] : (« Livre des Rois », I, 3, 16-28)<br />

[11] : (« Salomon (Bible) », http://fr.wikipedia.org/wiki/Sal<br />

omon_(Bible)#Le_jugement_de_Salomon)<br />

[12] : (Honoré de Balzac, « La vendetta », 1830, in « La<br />

Comédie humaine », La Pleïade, p. 1039)<br />

[13] : (« La torture », ACAT, 23/9/2003, http://www.acat.c<br />

h/fr/torture.html)<br />

« En 1993, réinstallé au ministère de<br />

l'Intérieur, auprès de Charles Pasqua,<br />

Marchiani [Voir « Divin Marchiani »,<br />

p. 152] devient [...] "l'un des hommes les<br />

plus puissants de France" [1]. Missionné<br />

par Pasqua, il [...] intervient, comme ses<br />

amis Falcone et Gaydamak dans un<br />

montage armes-pétrole avec le régime<br />

angolais. Celui-ci se prépare à une relance<br />

de la guerre civile et à une politique<br />

d'intervention dans [...] les deux Congo<br />

[...]. C'est au nom de la France [...]<br />

que les trois compères ont contribué à<br />

surarmer une pétrodictature agressive<br />

[2] » [3], dans laquelle « un quart de<br />

siècle de guerre civile a [maintenant] fait<br />

plus de cinq cents mille morts » [4].<br />

« Falcone [... a fondé] avec son fils, en<br />

1985, [la] société Brenco qui va faire [...<br />

surtout] des ventes d'armes [dans] des<br />

pays peu [...] recommandables [...]. Les<br />

"commerciaux" sont souvent des agents<br />

secrets chevronnés » [5]. Le « 10 décembre<br />

1996, [...] au mépris absolu des<br />

lois de la République, Jean-Charles<br />

Marchiani, alors Préfet du Var, prévient<br />

les dirigeants [de cette] société de vente<br />

d’armes qui le rémunère, d’une opération<br />

de perquisition, dont effectivement<br />

Brenco fera l’objet le lendemain » [6].<br />

« En tout état de cause, [un] flux financier<br />

scelle ce qui s’apparente à un pacte<br />

de corruption entre Pierre Falcone et<br />

Charles Pasqua [Voir « Hisse Pasqua »,<br />

p. 147], via [son fils] Pierre-Philippe<br />

Pasqua [qui, découvert, devra s'enfuir et<br />

ne reviendra que lorsque Sarkozy sera<br />

élu. Il s’agit] de la rétribution de l’aide<br />

apportée par le Ministère de l’Intérieur<br />

français dans le négoce des armes [à]<br />

destination de l’Angola. » [6]<br />

« Le fils aîné de [...] Mitterrand [dût luimême<br />

passer] Noël [2000] en prison<br />

[...]. Détenu à la prison parisienne de la<br />

Santé [...] pour “complicité de trafic<br />

d'armes, trafic d'influence par une personne<br />

investie d'une mission de service<br />

public, recel d'abus de biens sociaux,<br />

recel d'abus de confiance et trafic d'influence<br />

aggravé”, il aurait perçu 1,8 mil-<br />

645 Lutte finale


lions de dollars du marchand d'armes<br />

Pierre Falcone, dirigeant de la société<br />

Brenco. » [7]<br />

« Récapitulons [quelques éléments<br />

connus] : un Gaydamak branché sur le<br />

FSB, le Mossad et la DST [s’associe] à un<br />

Falcone branché sur la famille Bush et<br />

donc la CIA. Leurs audacieux montages<br />

“secret Défense” passent par les paradis<br />

fiscaux, mêlent diamants, dette et<br />

nucléaire, dans une ambiance fraternelle<br />

de franc-maçonnerie otanienne. [...]<br />

Le FMI a injecté 10 milliards de dollars<br />

dans le système, s’est aperçu qu’ils<br />

s’étaient volatilisés, mais n’a pas protesté<br />

quand le FBI a bloqué l’enquête. » [8]<br />

Et bien heureusement, l'atlantiste Pierre<br />

Lelong, président de la CCSDN (Commission<br />

consultative du secret de la<br />

défense nationale) et président de<br />

chambre à la Cour des Comptes, s'oppose<br />

[durablement] à ce que soient communiqués<br />

à la Justice des documents sur<br />

l'Angolagate [9]. Ensuite...<br />

[1] : (« Algérie : le jeu secret de la France », L'Express,<br />

11/8/1994, cité par Eric Lemasson, « Marchiani. L'agent<br />

politique », Seuil, 3/2000, p. 165)<br />

[2] : (Cf. François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, chap. 15)<br />

[3]: (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 145)<br />

[4] : (François-Xavier Verschave, « Nappes de pétrole et<br />

d’argent sale : de la Françafrique à la Mafiafrique. »,<br />

Mouvements, 5-6/2002, http://www.survie-france.org/ar<br />

ticle.php3?id_article=110)<br />

[5] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 4/2002, p. 158)<br />

[6] : (Rapport de la brigade financière, 8/7/2004, cité par<br />

Nicolas Beau, « Le courtier en armes alimentait les<br />

comptes suisses du clan Pasqua », Le Canard enchaîné,<br />

4/8/2004, p. 3)<br />

[7] : (Elio Comarin, « Noël en prison pour Jean-Christophe<br />

Mitterrand », RFI, 12/2000, http://www.rfi.fr/actufr/articl<br />

es/012/article_5186.asp)<br />

[8] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 4/2002, p. 162)<br />

[9] : (Fabrice Lhomme, « Affaire Falcone : la commission<br />

sur le secret-défense s'oppose à la déclassification de trois<br />

documents », Le Monde, 6-7/5/2001)<br />

Lutte finale 646<br />

Peu avant<br />

son assassinat,<br />

Jaurès<br />

pensait que<br />

« faire de la<br />

mobilisation<br />

de l'armée la<br />

mobilisation<br />

de la nation<br />

elle-même, c'est rendre plus difficile<br />

aux gouvernements les pensées<br />

d'aventure. Et quand la France aura<br />

fait cela, [...] l'Allemagne [...] finira<br />

[... par, elle-même,] faire appel aux<br />

couches profondes de la nation. Pour<br />

elle aussi, il y aura là, avec un accroissement<br />

de la sécurité nationale,<br />

un obstacle au militarisme belliqueux.<br />

» [2] Les citoyens appelés sous<br />

les drapeaux devaient empêcher les<br />

militaires professionnels de fomenter<br />

la guerre.<br />

Les temps ont changé. Peu importe<br />

qu’on se prétende « socialiste », on<br />

reste d'abord « réaliste ». « La France<br />

["de gauche"] reste bien le troisième<br />

vendeur d'armes, derrière les Etats-<br />

Unis et la Russie. Preuve que le gouvernement<br />

Jospin [Voir « Jospin dans la<br />

gueule », p. 224] peut, en ce domaine,<br />

faire aussi bien qu'un gouvernement<br />

de droite. » [3]<br />

Comment fait-on, par exemple, de l'argent<br />

avec les fournitures de l’armée ?<br />

C’est de notoriété publique. « L’ancien<br />

ministre socialiste Alain Richard a fustigé<br />

d’un ton martial, le 1 er juin [2004]<br />

devant le tribunal de Marseille, les “errements”,<br />

les “surfacturations massives, la<br />

corruption” qui régnaient à la Direction<br />

des constructions navales (DCN) et, singulièrement,<br />

à l’arsenal de Toulon. Son


numéro, très au point [4] [...] n’a pas<br />

vraiment convaincu. Et surtout pas les<br />

enquêteurs [...] Alain Richard, pas plus<br />

que ses prédécesseurs, n’a entrepris de<br />

faire le ménage dans les arsenaux de<br />

Toulon. Chaque année, de 1996 à<br />

1999, de nouveaux marchés illégaux<br />

ont été passés. [... Et] l’impitoyable<br />

Richard a même été déféré devant le tribunal<br />

administratif qui a relevé quelques<br />

entraves à la justice dans cet épineux<br />

dossier de la DCN. [...] Les sanctions<br />

administratives n’ont été prises que<br />

lorsque l’agent était vraiment grillé par<br />

l’enquête des gendarmes, jamais<br />

avant. » [5]<br />

On a aussi des amis compétents. « Pascal<br />

Lamy [..., célèbre pour l'accord “socialiste”<br />

à l'AGCS [6]] a collaboré avec la Rand<br />

Corporation, le think tank du lobby militaro-industriel<br />

[étasunien], et avec l'East-<br />

West Institute, dont le président d'honneur<br />

est George Bush père. » [7] L'ami<br />

de Manuel Valls [Voir « Valls a mis le<br />

temps », p. 227], Alain Bauer [Voir « Le<br />

fond de Bauer effraie », p. 235], fut longtemps<br />

le conseiller en sécurité des<br />

« socialistes » comme Jospin, tout en travaillant<br />

pour la SAIC, autre fleuron du<br />

lobby militaro-industriel étasunien.<br />

Le « réalisme » « socialiste » va loin : « “La<br />

France ['socialiste'] vend des armes à la<br />

fois à l’Inde et au Pakistan.” [8] Et, pendant<br />

ce temps-là, Hubert Védrine et le<br />

quai d’Orsay plaident pour la paix. » [9]<br />

Il se trouve que « Hubert Védrine est le<br />

fils de Jean Védrine. Ce dernier participa<br />

à la Cagoule et fut, à ce titre, arrêté pour<br />

complot contre l’État [Voir « Cagoule.<br />

L'art », p. 32] [...]. Jean Védrine devint<br />

chef du secrétariat particulier du Chef de<br />

l’État français, Philippe Pétain, de qui il<br />

reçut la Francisque 2 172. C’est pourtant<br />

lui qui, à la Libération, établit l’histoire de<br />

la Résistance et assura le blanchiment de<br />

François Mitterrand. Pourtant celui-ci<br />

avait également servi l’ex-Maréchal et<br />

avait reçu de lui la Francisque<br />

2 202 » [10] « Cette vieille amitié dans un<br />

milieu qui fut le vivier des stay behind<br />

français a beaucoup compté dans l'intronisation<br />

du fils Védrine à l'Elysée. » [11]<br />

Et plus tard, « "[...] Hubert Védrine [...,<br />

Anne Lauvergeon, future PDG de la<br />

Cogema, et] Michel Charasse [Voir<br />

« Charasse devant les bœufs », p. 147]<br />

[ont] exercé pendant de longs mois le<br />

plus clair du pouvoir élyséen : à la fin de<br />

son deuxième mandat, le chef d'Etat<br />

malade n'allait guère au-delà des tâches<br />

de représentation." [12] » [13]<br />

Mais – rassurons-nous – Mitterrand avait<br />

eu le temps de jouer un peu avant de<br />

souffrir : « En 1994, [... depuis] la cellule<br />

Afrique de l'Elysée, [...] se multipliaient<br />

les soutiens français à ceux qui commettaient<br />

un génocide au Rwanda [..., tandis<br />

que Mitterrand déclarait] "dans ces<br />

pays là, un génocide c'est pas trop<br />

important" [14]. » [15]<br />

[1] : (De 1871 à 1914, hebdomadaire ancêtre du Canard<br />

enchaîné)<br />

[2] : (Jean Jaurès, « L'Armée nouvelle », Rouff, 1910, réed.<br />

L'Humanité, 1915, p. 548)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 2/1/2002, p. 2, citant La<br />

Tribune, 27/12/2001)<br />

[4] : (Luc Leroux, « Alain Richard, ancien ministre de la<br />

défense, condamne sans détour les “errements” de la<br />

DCN », Le Monde, 3/6/2004)<br />

[5] : (Brigitte Rossigneux, « L’ex-ministre Alain Richard<br />

découvre la corruption dans les arsenaux », Le Canard<br />

enchaîné, 9/6/2004, p. 3)<br />

[6] : (Voir par ex. Serge Halimi, « Les promesses du “non”.<br />

Quand la gauche renonçait au nom de l’Europe », Le<br />

Monde diplomatique, 6/<strong>2005</strong>, http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/06/HALIMI/12484)<br />

[7] : (« Pressions politiques à huis-clos. L'AGCS, arme économique<br />

de l'Empire », Voltaire, 11/3/2003,<br />

http://www.voltairenet.org/article9298.html)<br />

[8] : (France Soir, 11/1/2002)<br />

[9] : (Le Canard enchaîné, 16/1/2002, p. 2)<br />

[10] : (Notes d'Information du Réseau Voltaire, (97/0339),<br />

10/6/1997, cité partiellement in [11])<br />

[11] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les<br />

Arènes, 3/2002, p. 262, n. i)<br />

[12] : (François-Xavier Verschave, « Noir Silence. Qui arrêtera<br />

la Françafrique ? », Les arènes, 2000, p. 459)<br />

647 Lutte finale


[13] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 4/2002,<br />

pp. 262-263)<br />

[14] : (Cité in Patrick de Saint-Exupéry, « France-Rwanda :<br />

un génocide sans importance... », Le Figaro, 12/1/1998)<br />

[15] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 4/2002, p. 263)<br />

En<br />

« 1959, le<br />

Service d'action<br />

civique<br />

(SAC) [Voir<br />

« Mis à SAC,<br />

mis dans le<br />

MIL », p. 140],<br />

[est] fondé<br />

par Jacques<br />

Foccart [Voir<br />

« Foccart t’a<br />

joué », p. 129] avec le concours<br />

d’Etienne Leandri [..., un] stay behind<br />

typique [Voir « Un réseau secret »,<br />

p. 38], venu de la collaboration et de<br />

la mafia [et] gracié à la demande de<br />

la CIA [...]<br />

[De] la grande époque de la French<br />

connection [1] [Voir « Delouette, je te<br />

plumerai », p. 153] [..., date son amitié<br />

avec Charles Pasqua [Voir « Hisse<br />

Pasqua », p. 147]. Et c'est] Etienne<br />

Leandri qui fait se rencontrer Pierre<br />

Falcone et Arcadi Gaydamak [2]. » [3]<br />

[Voir « Fort Angola », p. 645]<br />

« Etienne Léandri [...] toujours branché<br />

sur la mafia italienne, s'est tôt construit<br />

un triangle pétrole-armes-BTP [qu’il a]<br />

relié, comme les mafieux italiens, au<br />

Luxembourg des marchands d’armes<br />

Henry Leir, Adnan Kashoggi, Akram<br />

Ojjeh ou Nadmi Auchi […].<br />

Trop d'argent est sorti d'Elf et Thomson<br />

au début des années [90], pour s'expliquer<br />

seulement par des commissions,<br />

si faramineuses soient-elles. Etienne<br />

Leandri, Nadhmi Auchi et Alfred Sirven<br />

Lutte finale 648<br />

sont aux manettes. » [3] L'argent noir de<br />

l'or noir africain coule à flots, comme<br />

coule encore le sang des indigènes.<br />

Relativisons d'emblée « le leitmotiv nationaliste<br />

réduisant la stratégie d'Elf à<br />

une guerre contre les majors anglosaxonnes.<br />

Un tel discours a pénétré bien<br />

des acteurs intermédiaires ou subalternes,<br />

mais il s'agissait souvent d'un<br />

rideau de fumée. Les vrais tireurs de<br />

ficelles [...] étaient en lien avec la CIA, ou<br />

tout à fait conscients que le pré carré de<br />

la compagnie française n'est jamais<br />

qu'un sous-ensemble du camp occidental,<br />

sous hégémonie américaine [4] [...].<br />

“Très proche de Jacques Chirac” [5],<br />

dont il est le camarade de promotion à<br />

l'ENA, André Tarallo a été pendant plusieurs<br />

décennies le “Monsieur Afrique”<br />

d'Elf, le “Foccart du pétrole”. C'est lui qui<br />

supervisait le système de distribution et<br />

de rétributions financières : commissions<br />

et rétrocommissions, "bonus" officiels et<br />

parallèles, "abonnements" (prélèvements<br />

fixes sur les ventes) et autres faux frais.<br />

[...] “Ces versements [... se font] dans le<br />

cadre des relations [de confiance sur] le<br />

long terme [...] avec les dirigeants [...<br />

des Etats concernés].” [6] » [7]<br />

Il a des contacts privilégiés avec certains<br />

de ses amis. Quand « Marchiani [Voir<br />

« Divin Marchiani », p. 152] [se] fait rattraper<br />

par ses comptes à [Genève,] "des<br />

liens financiers apparaissent entre<br />

Marchiani et Etienne Leandri" [8] » [9]. Ils<br />

font la paire. « Dans le coffre-fort d'Elf,<br />

les juges Joly et Vichnievsky ont trouvé<br />

la preuve d'un coup d'Etat préparé [au<br />

Congo-Brazzaville, en faveur de Denis<br />

Sassou Nguesso,] par le chiraquien<br />

Maurice Robert avec le duo pasquaïen<br />

Jean-Charles Marchiani et Daniel Leandri<br />

[et] quelques mercenaires corses » [10].<br />

La stratégie du coup d'Etat n'est pas si<br />

rare quand on trafique les armes en


zones pétrolières. On avait déjà aidé au<br />

déchirement de ce pays. « Les juges français<br />

et suisse ont découvert qu’en 1997,<br />

en pleine guerre civile congolaise entre<br />

Lissouba et Sassou, le groupe Elf avait<br />

aidé les deux groupes en présence. » [11]<br />

Facile : « Jack Sigolet, le bras droit de<br />

Tarallo […,] est aussi un familier des<br />

trafiquants d'armes. Il peut les connecter<br />

avec l'un ou l'autre camp d'une<br />

guerre civile africaine, ou les deux – au<br />

gré des intérêts de la compagnie. Ou<br />

de ses propres intérêts [… Protégé] par<br />

la DST, il était lié aussi au Mossad et<br />

au réseau stay behind de l'Otan... Il<br />

a fourni, entre autres, le Congo-<br />

Mercenaires : De la guerre !<br />

Brazzaville, l'Angola, la Côte d'Ivoire. Il<br />

a également livré des armes et de<br />

l'uranium à l'Iran [12]. » [13] [Voir<br />

« Besse de régime », p. 211] Une des<br />

forces vives de la nation.<br />

[1] : (Voir François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », Les<br />

Arènes, 3/2002, pp. 432-434)<br />

[2] : (Togo-Presse, 18/3/1999)<br />

[3] : (François-Xavier Verschave, op. cit., pp. 142, 157)<br />

[4] : (Une grosse exception : la guerre du Biafra :<br />

Voir François-Xavier Verschave, « La Françafrique », Stock,<br />

1998, pp. 137-153)<br />

[5] : (Philippe Madelin, « Les gaullistes et l'argent. Un<br />

demi-siècle de guerres intestines », L'Archipel, 2001,<br />

p. 359)<br />

[6] : (Entretien avec André Tarallo, Le Monde,<br />

« La marchandisation s'étend désormais au domaine de la "violence légitime", un<br />

secteur en plein essor qui représenterait déjà [en 2006] un bénéfice annuel de plus<br />

de 100 milliards de dollars [Voir « Achète ! Sinon... », p. 480]. Les mercenaires de<br />

jadis sont aujourd'hui employés par des "sociétés militaires privées" [... légales, qui<br />

tentent de populariser] la fiction d'un marché dispensateur de paix et de démocratie.<br />

Elles proposent [... pourtant] à leurs clients (États, firmes multinationales, mouvements<br />

armés divers) les habituelles prestations [...] : opérations de déstabilisation,<br />

combat, conseil en stratégie, logistique, etc.<br />

C’est ainsi [...] qu’une [firme,] dont la mission officielle de formation à la "transition<br />

démocratique" conduit au bombardement de [civils,] recevra la bénédiction aussi<br />

bien de son client que des instances de contrôle. [... Une de ces firmes] a recruté<br />

successivement l’ancien secrétaire à la Défense de Ronald Reagan, l’ancien secrétaire<br />

d’État James Baker et l’ancien président des États-Unis George Bush père » [1].<br />

« Aussi bien au service des Etats que des firmes multinationales. » [2], qui exploitent<br />

les pays du Sud dotés en ressources minières, ces sociétés » [1] mercenaires<br />

« influent de plus en plus sur les politiques de défense » [2] et « agissent comme les<br />

gardiens d’un ordre économique qui maintient dans la plus grande dépendance<br />

des pays en principe libérés depuis plusieurs décennies du joug colonial [Voir<br />

« Foccart t'a joué », p. 129]. Les sociétés militaires privées [sont] l’instrument privilégié<br />

du retour de l’impérialisme » [1].<br />

[1] : (http://atheles.org/agone/dossiersnoirs/laprivatisationdelaviolence, d’après Xavier Renou, « Dossier noir n° 21. La<br />

privatisation de la violence. Mercenaires & sociétés militaires privées au service du marché », Agone, 1/2006)<br />

[2] : (« La privatisation de la violence », http://www.oxfamfrance.org/php/boutique_fiche_article.php?id_article=75),<br />

d’après Xavier Renou, op. cit.)<br />

649 Lutte finale


25/10/1999)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 3/2002, p. 130)<br />

[8] : (Nicolas Beau, « Des dizaines de millions ont transité<br />

par les cagnottes suisses du préfet Marchiani », Le Canard<br />

enchaîné, 2/5/2001)<br />

[9] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 3/2002, p. 150)<br />

[10] : (François-Xavier Verschave, op. cit., 3/2002, p. 207)<br />

[11] : (Nicolas Beau, « Elf : les aveux qui font mal au successeur<br />

de Le Floch », Le Canard enchaîné, 9/4/2003, p. 4)<br />

[12] : (Voir Alain Lallemand, « Trafic d’armes. L’implication<br />

de la banque d’Elf a été continue », Le Soir, 30/3/2001 ;<br />

« L’affaire Jacques Monsieur », in Notes d’Information du<br />

Réseau Voltaire, 26/3/2001, http://www.voltairenet.org/<br />

article7828.html)<br />

[13] : (« François-Xavier Verschave, op. cit., 3/2002,<br />

pp. 136, 138)<br />

Armes et mercenaires jouent<br />

un rôle important dans des problèmes<br />

comme celui de la faim dans<br />

le monde, car de nombreux pays sont<br />

plongés dans des guerres interminables<br />

par les lobbies impérialistes.<br />

Ce gâchis coûte de nombreuses vies<br />

humaines et détruit des ressources<br />

énormes, il crée de grandes zones de<br />

misère. « 20 % de la dette des pays<br />

du Sud [1] correspond à des achats<br />

d’armes, vendues à 90 % par les cinq<br />

membres du conseil de sécurité de<br />

l’ONU. [... Ces] dépenses se substituent<br />

à celles qui permettraient de<br />

satisfaire les besoins fondamentaux<br />

des populations (eau, nourriture,<br />

éducation, santé). [...]<br />

“Les dépenses militaires mondiales ont<br />

augmenté de 8 % [en un an] pour<br />

dépasser les 1.000 milliards de dollars en<br />

2004, dont près de la moitié pour les<br />

Lutte finale 650<br />

Etats-Unis [... La tendance continue<br />

depuis.] La taille des principaux fabricants<br />

d'armes dans le monde a ‘énormément’<br />

augmenté [...] et ces entreprises<br />

sont aujourd'hui comparables à certaines<br />

des plus grandes multinationales.<br />

Le chiffre d'affaires total des cent<br />

principales sociétés d'armement est<br />

équivalent au PIB des 61 pays les plus<br />

pauvres au monde” [2] » [3] [Voir<br />

« Achète ! Sinon... », p. 480].<br />

Il « y a, à l’échelle de la planète, une<br />

arme à feu pour dix habitants » [4].<br />

Mais il faut progresser. La barbarie doit,<br />

elle, pouvoir bénéficier d'une ingéniositée<br />

cultivée. Comme le notait un des<br />

maîtres à penser de Paul Wolfowitz,<br />

[ancien numéro 2 du Pentagone passé<br />

ensuite à la direction de la Banque<br />

Mondiale] [Voir « Les faucons, de vrais<br />

salauds ? », p. 585], les « conservateurs<br />

[... doivent] reconnaître qu'il [est] nécessaire<br />

d'encourager l'invention dans le<br />

domaine des arts de la guerre. » [4] C'est<br />

pourquoi, même dans le pire des mondes,<br />

la « recherche de nouvelles armes [...] est<br />

l’une des rares activités restantes dans lesquelles<br />

[tout] esprit inventif ou spéculatif<br />

peut trouver un exutoire. » [6]<br />

On sait vendre ces belles inventions ; et le<br />

« graissage » oint la machinerie bu-reaucratique.<br />

Les « commissions » sont « [les]<br />

nerfs des batailles » [7] économiques ;<br />

elles rendent impérieux les achats<br />

d'armes. « Tous les industriels occidentaux<br />

de l’armement sont soumis à cette loi des<br />

affaires [..., notamment en France].<br />

L’avantage du recours à des professionnels<br />

de la commission [..., les “intermédiaires”,<br />

est qu’ils retournent] une partie<br />

des commissions vers un parti politique de<br />

l’Hexagone, via quelque compte numéroté.<br />

C’est une pratique notoire » [8].<br />

« Dans les opérations d'armement les<br />

commissions sont de 25 % contre 2,5 %


dans le monde du pétrole. C'est-à-dire demie de réparations.<br />

dix fois plus. » [9] Et « “l’affaire Elf” a « Le pédégé de Thales (ex-Thomson),<br />

surgi cu<strong>rieuse</strong>ment [d'abord] comme Denis Ranque, a fait savoir qu’au pre-<br />

une vente d’armements – des frégates à mier semestre 2002, son chiffre d’af-<br />

Taiwan. Cette seule opération a donné faires a augmenté de 15 % et que son<br />

lieu à 600 millions d’euros de rétro-com- résultat d’exploitation devrait progresser<br />

missions » [10], « ce qui n'a rien à voir de 10 à 15 %. Les bruits de bottes au<br />

avec la somme [bien plus faible] de tous Proche-Orient et ailleurs, ça paie. » [14]<br />

les chiffres brassés » [9] dans le procès Elf. Quand la destruction va, tout va ! « La<br />

Cependant, on travaille dans la sécurité. guerre, c’est la paix. » [15]<br />

« Le juge Renaud van Ruymbeke qui ins- Le ministre de Finances « Francis Mer<br />

truit le dossier [des frégates de Taïwan], [avait, par son impudeur,] jeté un froid<br />

a dû interrompre en catastrophe, [en au Conseil des ministres [en novembre<br />

février <strong>2005</strong>], de fructueuses écoutes 2002] en relatant son entretien avec le<br />

téléphoniques<br />

directeur de la<br />

[Voir « Devine<br />

Deutsche Bank<br />

d'où j't'appel-<br />

[...] : “Il affirme<br />

le ! », p. 439] sur la ligne d’un collabora- que la seule solution pour relancer l’écoteur<br />

important de Thales (ex-Thomson- nomie, c’est la guerre. Je pense exacte-<br />

CSF) [... Ce dernier avait été averti] que ment comme lui.” » [16] L'industrie de la<br />

la Justice s’intéressait à lui [... par] destruction relie les Etats-majors. En 14-<br />

Laurent Mayer, ancien numéro deux du 18, déjà, des filiales de la même entre-<br />

parquet du pôle financier, embauché fin prise Schneider vendaient des armes aux<br />

1999 par Thales comme “conseiller du Français comme aux Allemands [17].<br />

président”. » [11]<br />

On peut mettre les moyens. « On sait<br />

que le kilogramme d’armements est le<br />

produit le plus cher du monde. [Et,<br />

chaque] année, rien que pour le secteur<br />

de l’armement, entre 3 et 7 affaires Elf<br />

disparaissent dans le triangle des Bermudes<br />

des paradis fiscaux. La grande<br />

corruption s’est déplacée dans les<br />

centres névralgiques du pouvoir ». [12]<br />

« Dès le début des années soixante, la<br />

France a fourni “à l’armée sud-africaine<br />

[du régime d'Apartheid] l’essentiel de<br />

son matériel militaire” [18] » [19]. « Sous<br />

de Gaulle […], la France reste [aussi,<br />

pour le compte des USA,] ”le principal<br />

vendeur d’armes et d’équipements<br />

nucléaires à Israël.” [20] […]<br />

“Les Etats-Unis […] ne pouvaient se permettre<br />

de vendre eux-mêmes des armes<br />

Le citoyen-consommateur « cotise » aux à Pretoria” [21], en raison des revendica-<br />

dépenses militaires, certes, mais il faut tions de la communauté noire. “Ils<br />

bien se protéger. En France, on sait que avaient donc [en 1961] proposé à de<br />

certains frais sont impératifs... pour cer- Gaulle [Voir « De Gaulle, le général-prétaines<br />

époques. « Aveu de l’état-major sident-putschiste », p. 109] de s’en occu-<br />

français [à la mi-<strong>2005</strong>] : dès janvier 2006 per à leur place. Le général […] s’était<br />

et pour dix-huit mois, [l'unique] porte- empressé d’accéder à leur demande. […<br />

avions [français, le] “Charles-de-Gaulle” Les] Français et les Israéliens, en fournis-<br />

sera indisponible pour entretien et répasant à la République Sud-Africaine une<br />

ration » [13]. Mais on a posé les dates. Il bombe atomique, des avions de com-<br />

ne sera indispensable à la Sécurité du bat, des missiles et des sous-marins,<br />

Monde qu'avant et après son année et armaient un régime dont les dirigeants,<br />

651 Lutte finale


dans l’opposition pendant la seconde<br />

guerre, avaient activement milité en<br />

faveur de l’Allemagne nazie. Certains étant<br />

ouvertement antisémites.” [22] » [23] [Voir<br />

« Terror is Real », p. 603] On n'en est pas<br />

à une « contradiction » près [Voir « Les<br />

capitalistes et leurs ennemis », p. 557].<br />

Plus récemment, advint un « virage dans<br />

les mutations du lobby militaro-industriel,<br />

[virage] sous-jacent au grand déballage<br />

de scandales des années quatrevingt-dix<br />

: fracturé par la dialectique<br />

complexe des alliances américano-israélienne<br />

et américano-saoudienne [Voir<br />

« L'ami Ben Laden », p. 563] , ce lobby a<br />

alimenté les médias du fiel de ses contradictions.<br />

» [24] [Voir « Tambour battant<br />

», p. 638] Tuez-vous « tous, Dieu<br />

reconnaîtra les siens » [25] !<br />

[1] : (Voir les travaux du CADTM, www.cadtm.org)<br />

[2] : (SIPRI, « SIPRI Yearbook 2004. Armaments,<br />

Disarmament and International Secutity », Oxford<br />

University Press, 6/2004)<br />

[3] : (« Dette ou développement », Billets d’Afrique,<br />

7-8/<strong>2005</strong>, p. 7, http://www.survie-france.org/article.php<br />

3?id_article=490, d’après Le Soir, 7/6/<strong>2005</strong>)<br />

[4] : (« Contrôle des Armes : A portée de main »,<br />

Altermondes, n° 13, 3-5/2008, p. 13, d’après Plateforme<br />

Contrôlez les armes, www.controlarms.org)<br />

[5] : (Léo Strauss, « Pensées sur Machiavel », 1958, trad.<br />

Michel-Pierre Edmond et Thomas Stern, Payot, 1982,<br />

p. 322)<br />

[6] : (George Orwell, « 1984 », trad. fr. Gallimard, 1950,<br />

réed. folio, 11/1972, p. 274)<br />

[7] : (François Rabelais, « Gargantua », 46 (1542))<br />

[8] : (Eric Lemasson, « Marchiani, l’agent politique », Seuil,<br />

3/2000, p. 18)<br />

[9] : (Nicolas Lambert, « Elf, la pompe Afrique », préface de<br />

François-Xavier Verschave, Tribord, Bruxelles, 1/2006,<br />

p. 83, d’après François-Xavier Verschave, « Noir Chirac »,<br />

les Arènes, 3/2002, p. 102)<br />

[10] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 134)<br />

[11] : (Hervé Martin, « Un magistrat torpille les frégates de<br />

Taïwan », Le Canard enchaîné, 16/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[12] : (Eva Joly, « Est-ce dans ce monde que nous voulons<br />

vivre ? », les Arènes, 2003, réed. folio, 2004, cité par<br />

Philippe Doray, « Edito », Zapito, n° 33 spécial ed.<br />

Annuelle 2004, p. 3 (10 euros, c/o Association de Mots,<br />

4 rue de la République, F-76350 Oissel))<br />

[13] : (Le Canard enchaîné, 6/7/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après Le<br />

Monde, 1/7/<strong>2005</strong>)<br />

[14] : (Le Canard enchaîné, 18/9/2002, p. 2, reprenant Le<br />

Canard enchaîné, 21/8/2002, p. 2, d’après La Tribune,<br />

16/8/2002)<br />

[15] : (George Orwell, op. cit., pp. 15, 30, 43, 149 et 283)<br />

[16] : (Le Canard enchaîné, 20/11/2002, p. 2, d’après Le<br />

Figaro, 15/11/2002)<br />

Lutte finale 652<br />

[17] : (Polemix et la Voix Off, http://polemixetlavoixoff.com,<br />

« La bande à Dédé. 30 minutes sur l'histoire », 2/11/2006)<br />

[18] : (Claude Wauthier, « Quatre présidents et l’Afrique »,<br />

Seuil, 1995, cité par Dominique Lorentz, « Affaires atomiques<br />

», les Arènes, 2/2001, p. 196).<br />

[19] : (François-Xavier Verschave, op.cit., p. 26)<br />

[20] : (Pierre Péan, « Les deux bombes », Fayard, 1991,<br />

cité par Dominique Lorentz, « Affaires atomiques », les<br />

Arènes, 2001, p. 136)<br />

[21] : (Dominique Lorentz, op.cit., pp. 194-195)<br />

[22] : (Dominique Lorentz, op. cit., pp. 194-195, 198)<br />

[23] : (François-Xavier Verschave, op.cit., pp. 25-26)<br />

[24] : (François-Xavier Verschave, op.cit., p. 221)<br />

[25] : (Attribué à Arnaud Amalric, abbé de Citeaux, légat<br />

du Pape, lors de la prise de Béziers au cours de la croisade<br />

contre les Albigeois, 22/7/1209)<br />

Le « faucon » Edward Luttwak le précisait<br />

il y a un tiers de siècle : « Le personnage<br />

qui contrôle les baïonnettes<br />

peut être considéré dans le pays<br />

comme inacceptable en tant qu’homme<br />

d’Etat par l’opinion publique ;<br />

cela ne l’empêchera pas de gouverner<br />

indirectement et de faire obéir à ses<br />

ordres les dirigeants officiels, qu’il<br />

domine par la force qu’il détient. » [1]<br />

Cependant, il ne devra pas déserrer<br />

l'étau. « On peut tout faire avec les<br />

baïonnettes, excepté s'asseoir<br />

dessus ! » [2] Alors, l'état de guerre<br />

devrait être permanent. C'est la<br />

colonne vertébrale de la société<br />

moderne.<br />

Les « systèmes économiques des États<br />

développés, et principalement des États-<br />

Unis, se sont construits en fonction de<br />

leurs budgets militaires, particulièrement<br />

[disproportionnés] dans les dernières<br />

années de » [3] la Guerre froide, « plus


de quarante ans [...] au cours desquels<br />

l'humanité avait cru plusieurs fois frôler<br />

la vitrification nucléaire [...].<br />

Le montant record des dépenses militaires<br />

planétaires a en effet été atteint en<br />

1985 avec 1200 milliards de dollars [...<br />

Puis] ces dépenses ont progressivement<br />

diminué, alors que Mikhaïl Gorbatchev<br />

tentait [... une] réforme de l'Union soviétique<br />

[4] [...]. La décrue se poursuit après<br />

la chute de l'URSS [en 1991], jusqu'à<br />

atteindre le minimum absolu, en 1998,<br />

avec 785 milliards de dollars.<br />

Cette année-là, [...] dans le contexte de<br />

divers scandales, [William] Clinton a<br />

perdu le soutien d'une partie des parlementaires<br />

démocrates et s'est trouvé<br />

minoritaire au Congrès. Les républicains<br />

lui ont alors imposé le réarmement, puis<br />

la guerre au Kosovo » [3]. Et « "depuis<br />

cette période, la dépense mondiale n'a<br />

cessé de croître à nouveau, [... poussée]<br />

par celle du budget américain [..., et<br />

atteignant au total] environ 900 milliards<br />

de dollars en 2003" [4]. [... Puis 1000<br />

milliards en 2004.]<br />

En Europe, tous les États ont [cependant<br />

d'abord] poursuivi la réduction de leur<br />

budget militaire, à l'exception du<br />

Royaume-Uni [... ;] Blair a engagé de<br />

nombreuses fois les troupes britanniques<br />

dans des guerres étrangères, et notamment<br />

[après le 11 septembre en Afghanistan<br />

et] en Irak [...].<br />

En 2004, les dépenses militaires [étasuniennes]<br />

officielles [devaient] atteindre<br />

[à elles- seules] 410 milliards de dollars.<br />

» [5] Mais, « dans le contexte de la<br />

militarisation du régime, le budget du<br />

Pentagone ne représente que les deux<br />

tiers des dépenses militaires. De nombreux<br />

autres ministères sont ponctionnés<br />

pour participer à la “guerre globale<br />

contre le terrorisme”. » [5]<br />

C'est qu'on a des frais. Le « prix de 2 200<br />

missiles US Tomahawk [..., par exemple,<br />

est] de 1,8 milliards » de dollars [6]. « Le<br />

retournement des chefs de guerre<br />

afghans [Voir « Fumeux ? C'est de<br />

l'Afghan ! », p. 598] et la trahison des<br />

généraux de Saddam [Hussein, par<br />

exemple,] ont été payés par le département<br />

d'État. Dans le budget 2002, les<br />

actions de corruption ont représenté [au<br />

moins] 17 milliards de dollars. [...]<br />

[Les] budgets étant en dépassement<br />

reconductible, le gouvernement fédéral<br />

doit payer des intérêts de sa dette militaire<br />

: 138 milliards de dollars en<br />

2002. » [5] En « additionnant les programmes<br />

militaires gérés hors du<br />

Pentagone, le budget réel de la "Défense"<br />

US est en réalité [à l’époque] de<br />

757 milliards de dollars. » [3] Ensuite...<br />

« Pour atteindre cet objectif, l'administration<br />

Bush [a coupé] systématiquement<br />

toutes les autres dépenses compressibles.<br />

Plus personne ne semble être<br />

en mesure d'arrêter un phénomène qui,<br />

pourtant, ne saurait continuer longtemps.<br />

Le Pentagone est au bord de la<br />

faillite. » [5] Mais nécessité fait loi !<br />

« Derrière, [traîne] la Russie, avec 56 milliards<br />

de dollars en 2002, a un budget 6<br />

fois inférieur. Le reste de l'Europe agglomérée<br />

n'atteint que péniblement les 100<br />

milliards de dollars, si l'on exclut les 34,5<br />

milliards de dollars dépensés par le<br />

Royaume-Uni. [...]<br />

Si l'on [agrège] les budgets militaires des<br />

sept États dits "voyous" selon [...]<br />

Washington, on atteint la somme de 13<br />

milliards de dollars, soit 25 fois moins que<br />

le budget militaire [... étasunien] : "il<br />

n'existe [actuellement] aucune situation<br />

stratégique imaginable dans laquelle les<br />

forces [étasuniennes] pourraient se trouver<br />

menacées ou en situation d'infériorité,<br />

sur quelque terrain que ce soit" [4]. » [3]<br />

« Dans la folie générale, le Pentagone a<br />

653 Lutte finale


perdu tout sens des proportions au<br />

regard des coûts financiers et de l'intérêt<br />

militaire qu'ils représentent. [... Par<br />

exemple,] le bombardier furtif (B-2<br />

Spirit), qui devait coûter 280 millions de<br />

dollars, a atteint un coût unitaire démentiel<br />

d'environ 5 milliards (si l'on inclut les<br />

frais de recherche-développement) et<br />

n'a pu être fabriqué qu'en une dizaine<br />

d'exemplaires. Il devait transporter des<br />

munitions high-tech, dont le coût a luimême<br />

explosé. De sorte qu'en pratique,<br />

il ne transporte plus que des bombes<br />

moins sophistiquées lesquelles pouvaient<br />

être larguées par des aéronefs<br />

déjà existants et autrement plus économiques.<br />

» [5]<br />

De même, il « n'est<br />

qu'à considérer les<br />

budgets pharaoniques<br />

du projet de bouclier<br />

anti-missiles [Voir<br />

« Rumsfeld-Maréchal »,<br />

p. 586] pour se<br />

convaincre du gouffre<br />

financier que ne<br />

manque pas de provoquer<br />

cette confusion<br />

des genres, où le vendeur<br />

se fait conseiller et le [conseiller,]<br />

vendeur [... Il y a une énorme] influence<br />

du complexe militaro-industriel [... sur] la<br />

scène politique [étasunienne] où "le<br />

gouvernement républicain, féru d'armes<br />

et de guerre, laisse le Pentagone dominer<br />

la scène politique nationale, voire<br />

mondiale [...,] dès lors que l'État se veut<br />

engagé dans une politique internationale<br />

qui réduit les relations aux rapports de<br />

force". » [3]<br />

Seuls de mauvais esprits s'interrogent :<br />

« Est-il vraiment de toute première<br />

urgence de dilapider les ressources rares<br />

de la planète, entre autres d’intelligence,<br />

pour construire un bouclier anti-missile<br />

qui ne [protègera] pas les Etats-Unis<br />

Lutte finale 654<br />

contre des attaques terroristes et, à long<br />

terme, même pas contre des attaques<br />

nucléaires ? » [7]<br />

Arrivé début <strong>2005</strong>, le « nouveau numéro<br />

2 du Pentagone [8], Gordon R.<br />

England, n’est pas un idéologue comme<br />

son prédécesseur Paul Wolfowitz, mais<br />

un homme d’affaires. Il a restructuré et<br />

redressé General Dynamics [9], victime<br />

du désarmement du début des années<br />

90, et en a fait le 4 e fournisseur des<br />

armées [étasuniennes]. Il [devait logiquement]<br />

pousser les intérêts de la firme,<br />

à l’occasion de la [suite de l’état de]<br />

guerre, au détriment de Raytheon [10]<br />

et de Northrop Grumman [11]. Plus que<br />

jamais, le complexe militaro-industriel<br />

impose sa<br />

politique à Washington.<br />

» [12]<br />

Mais maintenant, pour<br />

vendre, les Etats-Unis ont<br />

« besoin de terroristes :<br />

sans eux, il n'y a aucune<br />

raison d'avoir le plus<br />

grand complexe militaroindustriel<br />

du monde. » [13]<br />

Le mensonge est alors<br />

utile. « De même que le<br />

trafic d'uranium vers l'Irak via le Soudan,<br />

dénoncé par les États-Unis, s'est révélé<br />

n'être qu'une intoxication de plus [... ;<br />

la] prolifération d'armes de destruction<br />

massive n'est qu'un leurre [Voir<br />

« Toujours plus à l'Ouest », p. 554].<br />

[... Pourquoi] alors [...,] de nombreux<br />

pays, et notamment les États-Unis, se<br />

réarment ? » [3] L'« idée d'un commerce<br />

d'armes [qui existerait] sans aucun<br />

contrôle ne vise-t-elle pas à convaincre<br />

[... d’un danger mondial et] de la nécessité<br />

de se prémunir contre cette menace<br />

en relançant la course aux armements ?<br />

[... Le] marché des armes [... est pourtant]<br />

extrêmement surveillé, [... pour éviter]<br />

que des armes se retrouvent entre


les mains de futurs adversaires [...]. Le<br />

pouvoir politique intervient à plusieurs<br />

stades [... Dont] l'étape administrative<br />

[de la vente d'armes], qui "consiste à<br />

obtenir de l'État auquel appartient le<br />

fournisseur une autorisation de vente<br />

d'armes à un pays acheteur donné" [4].<br />

Sans cet agrément, qui nécessite l'accord<br />

des autorités militaires, des Affaires<br />

étrangères et des Finances, au minimum,<br />

aucune vente [même "illégale"]<br />

n'est possible. La procédure en est complexe<br />

et rigide. [... Et] "pour les commandes<br />

importantes, ce processus d'autorisation<br />

peut s'étaler couramment sur<br />

un ou deux ans" [4]. [...]<br />

Contrairement aux théories [... de] la<br />

libre concurrence. [...] "il n'existe pratiquement,<br />

dans chaque pays qu'un seul<br />

acheteur, la Défense nationale [et] une<br />

fois le matériel choisi par elle, l'heureux<br />

élu en devient le fournisseur unique,<br />

sous la forme en général de marchés de<br />

gré à gré, d'où se dégagent pas à pas<br />

des positions monopolistiques" [4]. [...<br />

D'où,] "[...] des formes nouvelles d'organisation<br />

et de coopération Défense-<br />

Industrie" [4] [..., notamment] aux États-<br />

Unis, [... avec] "un système opérationnel<br />

de coordination entre l'État fédéral et les<br />

entreprises d'armement", au sein de ce<br />

que l'on appelle le "complexe militaroindustriel".<br />

[...]<br />

La collaboration entre le pouvoir civilomilitaire<br />

[étasunien] et l'industrie de l'armement<br />

se renforce tout au long de la<br />

Guerre froide, le paroxysme étant atteint<br />

sous la présidence du Général Eisenhower<br />

de 1953 à 1961. Celui-ci réorganise<br />

le Conseil national de sécurité, afin<br />

"de faire exécuter la politique militaire, la<br />

politique internationale et la sécurité<br />

intérieure". Parallèlement, les industriels<br />

créent un Conseil de sécurité américain<br />

(American Security Council – ASC) [14],<br />

qui organise des conférences annuelles<br />

avec le Pentagone sans que l'on ne soit<br />

plus en mesure de distinguer ce qui est<br />

de l'ordre de l'initiative privée et de la<br />

politique publique. [...] le département<br />

recherche et développement (Resarch<br />

ANd Development - RAND) du Pentagone<br />

est progressivement privatisé, sous le<br />

nom de Rand Corporation [15], pour<br />

fournir les expertises techniques lors de<br />

ces conférences. » [3]<br />

« En 1961, le [général] président Eisenhower<br />

déclarait, dans son discours de<br />

fin de mandat, que "dans les conseils du<br />

gouvernement, nous devons prendre<br />

garde à l'acquisition d'une influence illégitime,<br />

qu'elle soit recherchée ou non par<br />

le complexe militaro-industriel" [16]. » [3]<br />

[Voir « La mangouste du bois du nord »,<br />

p. 534] Cet avertissement informé n'a visiblement<br />

pas suffi.<br />

On note aussi aux USA « une application<br />

relâchée des accords de maîtrise des<br />

armements [Voir « Amerikkka über<br />

alles », p. 503] [...]. Ainsi, en rejetant en<br />

octobre 1999 la ratification du Traité<br />

d’Interdiction Complète des Essais<br />

Nucléaires (CTBT), le Sénat a fait revenir<br />

les Etats-Unis sur un des engagements<br />

pris [...], qui avait été une des conditions<br />

décisives de l’acceptation de [la] reconduction<br />

[du Traité de Non Prolifération]<br />

par un certain nombre d’Etats [dont<br />

l’Iran]. Au nombre des engagements pris<br />

à ce titre par les puissances nucléaires<br />

figurait également le principe de l’irréversibilité<br />

des réductions d’armements<br />

nucléaires : cette clause est ignorée par<br />

la Nuclear Posture Review [17] de 2002,<br />

qui prévoit le maintien en réserve, et<br />

non la destruction, des têtes nucléaires<br />

retirées du service opérationnel. [...]<br />

S’il [semble] impossible de prouver les<br />

soupçons de violation par les Etats-Unis [...]<br />

de la Convention d’Interdiction des Armes<br />

655 Lutte finale


Biologiques de 1972 [Voir « Charbonnier<br />

est maître chez lui », p. 590], les restrictions<br />

dont le Sénat a assorti la ratification,<br />

en 1997, de la Convention<br />

d’Interdiction des Armes Chimiques et<br />

qui portent sur le régime de vérification<br />

et de transparence n’étaient nullement<br />

autorisées par celle-ci et en altèrent la<br />

portée ». [18]<br />

« L'industrie de l'armement [...], par ses<br />

expertises et ses rapports, indique au<br />

gouvernement les menaces stratégiques<br />

qui pèsent sur le pays et conseille les<br />

programmes d'armement à mettre en<br />

place pour y remédier. C'est elle qui<br />

induit, sinon détermine, la politique<br />

étrangère. À l'inverse du théorème de<br />

Clausewitz, la guerre n'est plus la continuation<br />

de la politique par d'autres<br />

moyens [19], mais la diplomatie et la<br />

guerre sont devenues la continuation<br />

des programmes d'armement. » [3] Ça<br />

tombe bien ; ce sont justement les<br />

mêmes entreprises qui décident ce<br />

que nous devons (en) penser [Voir<br />

« Tambour battant », p. 638].<br />

[1] : (Edward Luttwak, « Le coup d’Etat. Manuel pratique<br />

», Robert Laffont, 2/1969, p. 163)<br />

[2] : (Prince Napoléon, 9/1869)<br />

[3] : (« L'envers du modèle économique US. Les marchands<br />

de guerre », Voltaire, 21/4/2004, http://www.voltairenet.org/article13480.html)<br />

[4] : (Pierre Chavance et Pierre Bouvier, « Ces armes qui<br />

mènent le monde », Lieu restauré, 6/2003)<br />

[5] : (« Les 337 millards cachés. Le vrai budget de la défense<br />

US », Voltaire, 29/1/2004, pp. 3-4, http://www.voltairenet.org/article12253.html)<br />

[6] : (Le Canard enchaîné, 29/9/2004, p. 2, corrigeant Le<br />

Canard enchaîné, 22/9/2004)<br />

[7] : (Jean Bricmont, « La fin de la “fin de l’Histoire” »,<br />

Alternative libertaire, n° 7 (243), 10/2001, p. 5 (65, rue<br />

du Midi – B-1000 Bruxelles))<br />

[8] : (http://www.defenselink.mil/pubs/pentagon)<br />

[9] : (www.generaldynamics.com)<br />

[10] : (www.raytheon.com)<br />

[11] : (www.northropgrumman.com)<br />

[12] : (« L’administration Bush II. Gordon England, un marchand<br />

de canons au Pentagone », Voltaire, n° 303,<br />

8/4/<strong>2005</strong>, pp. 2, 4, www.voltairenet.org/article16807.html)<br />

[13] : (Terry Gilliam, entretien avec Alain Lorfèvre, « Les<br />

nouveaux Graals de Terry Gilliam », La Libre Belgique,<br />

7/7/<strong>2005</strong>, http://www.lalibre.be/article.phtml?id=5&subi<br />

Lutte finale 656<br />

d=105&art_id=229132)<br />

[14] : (www.ascusa.org)<br />

[15] : (www.rand.org)<br />

[16] : (« Farewell Adress », discours de fin de mandat du<br />

président Eisenhower, 17/1/1961, cité également, au<br />

moins partiellement, in Pierre Marion, « Le pouvoir sans<br />

visage. Le complexe militaro-industriel », Calmann-Lévy,<br />

1990 ; in Notes d’information du Réseau Voltaire,<br />

5/11/2001, pp. 8-9 ; et in François-Xavier Verschave,<br />

« Noir Chirac », les Arènes, 3/2002, p. 47)<br />

[17] : (www.globalsecurity.org/wmd/library/policy/dod/npr.htm)<br />

[18] : (Pierre Buhler, « Les Etats-Unis et le droit international<br />

», coursenligne.sciences-po.fr/pierre_buhler/etats_unis<br />

.pdf, d’après Pierre Buhler, « L’alibi américain du recours à<br />

la force », Commentaire n° 103, Automne 2003, avec un<br />

digest in Libération, 3/10/2003)<br />

[19] : (Carl von Clausewitz, « De la Guerre », trad. Denise<br />

Naville, Minuit, 1955, 1ère partie, I, 24)<br />

La recherche progresse.<br />

« L’éclectique firme américaine Foster-<br />

Miller construit des machines à conditionner<br />

les caramels ou le Pepsi... et réalise<br />

aussi un filet pour capturer un ennemi<br />

qu’on ne veut pas tuer. Elle participe<br />

[aussi] à la fabrication du robot Talon,<br />

capable de manœuvrer des armes d’assaut<br />

en guérilla urbaine. Ainsi la notion<br />

nouvelle d’"arme non létale" [1] aide-telle<br />

à combiner des métiers industriels<br />

très différents.<br />

Parmi les inventions dans ce domaine<br />

intermédiaire entre la capture et la mise<br />

à mort : le générateur d’ondes de 7<br />

hertz, construit en France dès 1972 et<br />

qui rendait les gens malades pendant


des heures. Depuis, bien des progrès<br />

ont été effectués : par exemple, le "son<br />

de déférence", la voix dans le crâne<br />

(voice to skull, ou v2K), utilisée pour<br />

chasser les oiseaux des aéroports, mais<br />

qui peut être réorientée... vers des<br />

crânes humains. Le choc thermique par<br />

radiofréquences interfère aussi avec l’activité<br />

des synapses, immobilise à distance<br />

et donne de la fièvre, avant de littéralement<br />

cuire ou griller l’adversaire persistant.<br />

Le laser à ultraviolets affecte les tissus<br />

osseux, et, au choix, induit une crise<br />

cardiaque ou rend aveugle... » [2]<br />

Il y a également « un gros producteur<br />

de connectique électronique qui propose<br />

un Sticky Shocker – une arme électrique<br />

de "pacification" (Le Sticky<br />

Shocker est un projectile à [...] dix<br />

mètres [...] pour infliger des impulsions<br />

de 50 kilowatts faisant perdre tout<br />

contrôle musculaire [...]). » [2]<br />

Mais on aime surtout le « Taser X26, qui<br />

se propose de ramener le rebelle à la raison<br />

“sans lui faire le moindre mal”.<br />

Adopté dans 41 pays, cette grosse arme<br />

de poing constitue, nous dit-on, l’arme<br />

du XXI e siècle : elle propulse à 6 mètres,<br />

à 50 m/s, deux sondes qui, se plantant<br />

dans le corps (où même dans les vêtements),<br />

y font passer un courant de 1,5<br />

milliampère. Celui-ci désorganise le système<br />

nerveux central en neutralisant la<br />

communication entre le cerveau et les<br />

muscles. [... Toutes] les données [du<br />

tir] sont transmissibles à un micro-ordinateur<br />

» [3].<br />

« En juillet [... 2004, déjà], le chiffre de<br />

cinquante morts avait été atteint » [4],<br />

« sur plus de 30.000 coups tirés (mais les<br />

victimes, selon la police, seraient mortes<br />

d'autre chose, probablement de mauvaise<br />

volonté). » [5]<br />

Les « effets engendrés par le pistolet<br />

[n'a] jamais fait l'objet d'études indépen-<br />

dantes (mais payées par Taser, ou par les<br />

forces de l'ordre). Pis : la société s'était<br />

contentée de le tester sur un cochon et<br />

quatre chiens avant de le commercialiser<br />

[6]. Ce que Taser n'a pas contesté,<br />

préférant citer plus de cinq cents témoignages<br />

de policiers selon lesquels Taser<br />

leur a permis de sauver des vies, ou<br />

encore le fait que, Taser ou pas, les<br />

arrestations entraînent toujours leur lot<br />

de morts.<br />

En septembre [... 2004, on] publiait [7]<br />

une liste de 73 personnes décédées peu<br />

après avoir été touchées par un Taser.<br />

Huit d'entre elles seraient mortes en partie<br />

à cause des décharges. Le même<br />

jour, Taser [8] lançait la version "grand<br />

public" de son pistolet électrique.<br />

[... En 2004,] le ministère de l'intérieur<br />

britannique [a autorisé] ses bobbies<br />

[jadis désarmés] à s'équiper en pistolets<br />

Taser, et [... ils sont utilisés] par la police<br />

française [...] Richard Trinquier, maire<br />

(UMP) de Wissous (Essonne), [venant]<br />

d'équiper sa police municipale de pistolets<br />

Taser, en parle [...] comme d'"une<br />

arme idéale dans la mesure où les<br />

agents ne sont plus inhibés par la crainte<br />

de tuer quelqu'un" [9]. [... Même si le<br />

décès peut parfois advenir [10].]<br />

Un rapport de l'armée américaine révélait<br />

[...] que des centaines de Taser [...,]<br />

confiés aux militaires américains envoyés<br />

en Irak [... en 2002, furent] d'autant plus<br />

efficaces lors des interrogatoires [...]<br />

qu'ils rappelaient [...] l'utilisation de<br />

la torture électrique sous Saddam<br />

Hussein. » [4]<br />

« Le NewScientist [11] [...] signale [des]<br />

risques découlant des nouvelles armes<br />

dites incapacitantes destinées à permettre<br />

aux forces de l'ordre de contenir<br />

les manifestants un peu trop agressifs.<br />

[... Mais déjà les] polices des Etats-Unis et<br />

de divers pays européens [... s'intéres-<br />

657 Lutte finale


sent aux nombreux] successeurs [du]<br />

célèbre Taser, [...] jugé peu efficace, car<br />

il électrocute les gens en leur envoyant<br />

des fils conducteurs propulsés par des<br />

fléchettes, qui se plantent où elles peuvent<br />

et ne dépassent pas la portée de 7<br />

mètres. » [5]<br />

Par exemple, « la société XADS (Xtreme<br />

Alternative Defence System) [12] développe<br />

pour l'armée américaine un pistolet<br />

projetant des gaz ionisés (ou plasma)<br />

à même d'électrocuter plusieurs personnes<br />

d'affilée, à la manière d'une<br />

mitraillette. [...] XADS planche également<br />

sur un bazooka permettant de projeter<br />

à plus de 100 mètres un laser » [4],<br />

« qui ioniserait l'air et servirait ainsi de<br />

conducteur aux chocs électriques, soit<br />

10 millions de mégawatts, intensité il est<br />

vrai limitée dans le temps à 0,4 picosecondes<br />

» [5], « permettant d'électrocuter<br />

des foules entières. » [4]<br />

On a fait « valoir les nombreuses victimes,<br />

y compris parmi des non-manifestants,<br />

que de telles armes non [létales]<br />

employées dans la foule pourraient<br />

provoquer. Mais quelle idée aussi de<br />

manifester ou se de mêler à des manifestants.<br />

» [5]<br />

[1] : (Bernard Lavarini, « Vaincre sans tuer : du silex aux<br />

armes non létales », Stock, 1997)<br />

[2] : (Denis Duclos, « Terroristes ou citoyens, tous sous<br />

contrôle. Ces industries florissantes de la peur permanente<br />

», Le Monde diplomatique, 8/<strong>2005</strong>, pp. 16-17,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/<strong>2005</strong>/08/DUCLOS/1<br />

2433)<br />

[3] : (Denis Duclos, « Nouvelles techniques de fichage et<br />

de contrôle. Qui a peur de Big Brother ? », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2004, p. 4, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/DUCLOS/11493)<br />

[4] : (Jean-Marc Manach, « Peur électrique », Le Monde.fr,<br />

19/10/2004)<br />

[5] : (Jean-Paul Baquiast, « Des chocs électriques guidés<br />

par laser pour incapaciter les manifestants », 26/6/2004,<br />

in La Gazette n° 100, 30/6/2004, http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/04-10006/index.htm<br />

; Voir aussi<br />

http://amnestyinternational.be/doc/aticle10316.html)<br />

[6] : (Alex Berenson, « As Police Use of Tasers Soars,<br />

Questions Over Safety Emerge », The New York Times,<br />

18/7/2004, p. 1)<br />

Lutte finale 658<br />

[7] : (Robert Anglen, « Taser gun is linked to death<br />

in Nevada », Arizona Republic, 16/9/2004,<br />

http://www.azcentral.com/specials/special43/articles/09<br />

16taserautopsy.html)<br />

[8] : (http://www.taser.com)<br />

[9] : (Grégory Plouviez, « Les policiers municipaux peuvent<br />

vous électrocuter », Le Parisien, 7/10/2004)<br />

[10] : (Voir « Taser X26 : Conclusions et recommandations<br />

du Comité contre la tortures », Raidh,<br />

http://www.raidh.org/Taser-X26-Conclusions-et.html,<br />

d’après Conclusions et recommandations du Comité<br />

contre la torture, www2.ohchr.org/english/bodies/cat/do<br />

cs/AdvanceVersions/CAT.C.PRT.CO.4.doc)<br />

[11] : (David Hambling, « Stun weapons to target<br />

crowds », NewScientist, n° 2452, 19/6/2004, p. 24)<br />

[12] : (http://xtremeads.com)<br />

On retrouve cette question « à la<br />

racine de l'énigme [étasunienne] : comment<br />

ce peuple si durement traité at<br />

home [en Angleterre] (par la législation<br />

féroce sur les pauvres, par la persécution<br />

religieuse) qui forma les communautés<br />

fondatrices des 13 provinces américaines<br />

[...], cet incroyable mélange de<br />

liberté constitutive [des bourgeois et<br />

commerçants de la Nouvelle Angleterre]<br />

et de plantations spéculatives [... des<br />

planteurs du Sud,] instaura-t-il en un<br />

siècle le système esclavagiste le plus dur<br />

du continent, le premier État juridiquement<br />

raciste ? » [1]<br />

Mais des femmes et des hommes ont<br />

résisté ! [2] « Cela naît de ce que le<br />

peuple désire n’être ni commandé ni<br />

opprimé par les grands, et que les<br />

grands désirent commander et opprimer<br />

le peuple. » [3]


A côté de l’esclavage et sans parler de<br />

Hitler ni du III ème Reich, des formes d’exclusion<br />

plus ou moins accompagnées de<br />

maltraitance, la xénophobie et l’apartheid,<br />

sont ou ont été plus ou moins<br />

répandues dans les différents Etats.<br />

En 2003, « l’Union démocratique du<br />

centre [sic], qui défend des thèses xénophobes,<br />

a conquis la place de premier<br />

parti de Suisse aux élections du 19<br />

octobre [... 2003]. Dans la société [suisse],<br />

le discours de M. Blocher s’est banalisé.<br />

A l’écoute de l’opinion, les décideurs,<br />

toutes tendances politiques<br />

confondues, se sont mis à lui reconnaître<br />

ouvertement de soulever des questions<br />

“fondées”. Le qualificatif d’”extrême”<br />

n’est que rarement apposé à cette nouvelle<br />

droite, longtemps alliée traditionnelle<br />

des formations conservatrices » [4].<br />

Aux Pays-Bas comme ailleurs, on attend<br />

que ce refrain soit repris par le concert<br />

des Nations. Le cancer des nazillons<br />

ronge le monde avec une allure banale.<br />

D’autre part, la volonté de transformer<br />

l'autre en objet (la « réification ») est là,<br />

omniprésente dans le quotidien (notamment<br />

à travers son exploitation publicitaire),<br />

notamment derrière la thématique<br />

« Marie, couche-toi là ».<br />

On peut commencer très tôt le conditionnement.<br />

: « [Avant] même d'entrer<br />

en contact avec la grande société, l'enfant<br />

succombera à la triade névrotique :<br />

angoisse, agressivité, culpabilité. [...<br />

Freud] avait montré [5] [...] que la<br />

répression sexuelle augmentait la<br />

cohésion sociale et renforçait les liens<br />

collectifs. » [6]<br />

Deux pôles paraissant opposés seront<br />

encore une fois synergiques : Les « prêcheurs<br />

de morale et d'abstinence d'un<br />

côté, la sordide littérature sexuelle de<br />

l'autre, contaminent très dangereusement<br />

la jeunesse. » [7] Car il faut appré-<br />

cier à leur valeur « tous les auteurs qui, à<br />

l’instar de Gérard de Villiers (le père de<br />

SAS) [...] véhiculent des thématiques servant<br />

objectivement l’extrême droite » [8],<br />

la diffusion de manières esclavagistes<br />

dans les cerveaux mâles et « l’écrasant<br />

rapport de forces, de dominant à dominé,<br />

entre hommes et femmes » [9].<br />

On a certes pointé, « parmi les obstacles<br />

rencontrés pour faire avancer la cause<br />

des victimes, "cette crainte chevillée à<br />

notre culture française : ne perdons pas<br />

notre pseudo-galanterie et notre gauloiserie<br />

dont nous sommes si fiers" [10]. [...<br />

On sait même répliquer qu'il] n’y a pas<br />

lieu de faire du harcèlement sexuel un<br />

délit en tant que tel ; [... car] cela "crée<br />

autour du sexe un climat d’insécurité et<br />

de soupçon, même si aujourd’hui on<br />

n’appelle plus ça le 'vice'. [...] On veut<br />

purifier le lieu de travail de toute question<br />

libidinale" [11] [... nous assure-t-on.<br />

659 Lutte finale


Voici une argumentation qui] en impose<br />

tout de même plus que le [...] traditionnel<br />

: "Si on peut même plus déconner<br />

!..." » [12]<br />

Et on nous en rajoute : « l’antiféminisme<br />

et la misogynie les plus primaires<br />

[sont] désormais bombardés "nouvelle<br />

avant-garde du féminisme", tout cela<br />

au prix d'un petit badigeonnage de vernis<br />

soi-disant "iconoclaste" (ou "politiquement<br />

incorrect", ou "impertinent",<br />

ou "dérangeant"…)<br />

[... On croyait bêtement que quand] un<br />

homme dont le désir n’est pas réciproque<br />

utilise comme moyen de chantage<br />

(explicite ou non) son rang hiérarchique<br />

et le pouvoir économique qu’il<br />

détient sur [une femme] pour obtenir<br />

un rapport sexuel, sans se soucier de<br />

ses dispositions à elle, elle se retrouve<br />

niée et [...] réduite au seul statut d’objet<br />

sexuel [...] dans une situation de<br />

domination.<br />

[... On pensait de même qu'un] salarié<br />

qui étale des images pornographiques<br />

signifie assez clairement que, pour lui,<br />

les femmes se réduisent à un assemblage<br />

de trous, une sorte d’Emmental [... ;]<br />

ses collègues [étant] en droit d’y voir l’indice<br />

d’une beaufitude agressive, plutôt<br />

qu’une célébration décomplexée des<br />

plaisirs de la<br />

chair.<br />

"En réalité, [nous<br />

rassure-t-on], ces<br />

affaires d’images<br />

pornos et de<br />

blagues salaces<br />

au bureau sont<br />

un prétexte : on<br />

n’est tout simplement<br />

pas à l’aise,<br />

aujourd’hui comme<br />

il y a très<br />

longtemps, avec<br />

Lutte finale 660<br />

la chose sexuelle." [11] Ce qui [...]<br />

revient [...] à dire aux femmes harcelées<br />

que, si elles souffrent du traitement<br />

qu’elles subissent, c’est qu’elles sont<br />

coincées. [On aurait plutôt dû avoir]<br />

l’idée de répondre à des jeunes filles de<br />

banlieue qui se plaignent des apostrophes<br />

graveleuses des machos de leur<br />

quartier que, si elles les prennent mal,<br />

c’est parce qu’elles ne sont "pas à l’aise<br />

avec la chose sexuelle" ? Cela aboutit à<br />

une autre forme de chantage qui, en<br />

poussant les victimes à vouloir démentir<br />

cette accusation, les piège » [12].<br />

« Vente et achat de jeunes femmes, tortures,<br />

séquestration, prostitution de<br />

mineures [... font-ils] partie de l’”insécurité”<br />

[... ?] Pour toute la France, l’Office<br />

central de répression de la traite d’êtres<br />

humains dispose de 18 fonctionnaires.<br />

[...] On constate, relève [un] magistrat,<br />

une “chute des procédures” judiciaires<br />

qui s’explique “non par la baisse de la<br />

délinquance, mais par l’affaiblissement<br />

des moyens de lutte”. En 2001, en effet,<br />

15 nouvelles poursuites ont été engagées<br />

par le parquet de Paris, alors que<br />

31 autres entamées avant 2001 suivaient<br />

leur cours. Un bilan inférieur de<br />

moitié (34 nouvelles procédures, 61 en<br />

cours) à celui de l’an 2000. [... Cette]<br />

“insécurité”-là, beaucoup plus meurtrière<br />

mais nettement moins médiatique que<br />

celle des banlieues et des vols de portables,<br />

mobilisera-t-elle un jour les élus ?<br />

Et les crédits ? » [13]<br />

Il faut réprimer ! C'est donc pourquoi on<br />

applaudit « la décision [... de] Sarkozy,<br />

de ressusciter le délit de racolage passif,<br />

disparu du code pénal en 1993 [...,<br />

désormais passible d’une amende de<br />

3 750 euros et de deux mois de prison,<br />

avec] ses conséquences néfastes pour<br />

les prostituées (accroissement de leur<br />

clandestinité, de leur précarité, de leur


insécurité, de leur exposition au VIH et<br />

de leur dépendance à l’égard des proxénètes)<br />

[...].<br />

Les liens entre prostitution et précarité<br />

[...] sont carrément déniés. [... Or,] l’engagement<br />

dans la sexualité vénale [...]<br />

résulte toujours d’une contrainte ou, au<br />

mieux, d’une adaptation résignée à une<br />

situation marquée par la détresse, le<br />

manque ou la violence. [... Surtout dans<br />

les] couches les plus précaires et les plus<br />

dominées : jeunes en errance à qui le<br />

RMI est interdit tant qu’ils n’ont pas 25<br />

ans, toxicomanes [...] dans l’urgence du<br />

manque [...] du produit dont ils et elles<br />

dépendent, mères de famille isolées ou<br />

étrangères en situation irrégulière pour<br />

lesquelles les prestations d’aide sociale<br />

sont insuffisantes ou inaccessibles [...].<br />

Non seulement le proxénétisme, comme<br />

l’ensemble des activités relevant du banditisme,<br />

fournit une occasion d’enrichissement<br />

rapide pour hommes des classes<br />

populaires dépourvus d’avenir dans<br />

l’économie légale, mais la prostitution<br />

remplit un rôle similaire pour [certaines<br />

des] femmes qui leur sont soumises.<br />

» [14] C'est « économique », puisqu'il<br />

y a une « demande » : on est bien<br />

obligé...<br />

« Du 9 juin au 9 juillet 2006, 12 villes<br />

allemandes [devaient accueillir] la coupe<br />

du monde de Football. 3 millions de<br />

spectateurs [... étaint] attendus ; et l’on<br />

[estimait] à 40 000 le nombre de<br />

femmes "importées" d’Europe Centrale<br />

et d’Europe de l’Est vers l’Allemagne<br />

pour les "servir sexuellement". [...] En<br />

prévision de cet afflux, l’industrie du<br />

sexe Allemande [avait] érigé un gigantesque<br />

complexe prostitutionnel [...] de<br />

3000 m 2, pouvant accueillir 650 clients<br />

masculins, construit à côté du principal<br />

stade de la Coupe du Monde à Berlin.<br />

Sur des zones clôturées de la taille d’un<br />

terrain de football, on a construit des<br />

"cabanes du sexe" ressemblant à des toilettes<br />

[...]. Capotes, douches et parking<br />

[étaient] à la disposition des acheteurs<br />

661 Lutte finale


avec un souci particulier de protéger<br />

leur "anonymat" » [15]. Pour une fois<br />

qu'il reste de la vie privée, on ne va pas<br />

se plaindre.<br />

On estime, qu’en « 2004, plus de 5 millions<br />

de personnes vivent encore en<br />

situation d'esclavage... dont près de<br />

30.000 “petites bonnes” en France.<br />

» [16] Mais on peut compter plus<br />

large : « Travail, guerre, prostitution, tel<br />

est le triptyque sur lequel s´appuie à<br />

l´heure actuelle l´asservissement [dans le<br />

monde] de plus de 300 millions<br />

d´enfants de 5 à 14 ans » [17] [Voir<br />

« Laissez les gamins tranquilles ? »,<br />

p. 307]. Des familles peuvent même<br />

payer ainsi quelque dette urgente,<br />

quand le capital humain est le « capital<br />

le plus précieux. » [18]<br />

[1] : (Yann Moulier Boutang, « La couleur et l'histoire »,<br />

Multitudes, n° 1, 3/2000, http://multitudes.samizdat.net/<br />

article.php3?id_article=218)<br />

[2] : (Comité contre l’esclavage moderne,<br />

http://www.esclavagemoderne.org)<br />

[3] : (Nicolo Machiavel, « Le Prince », IX, 1532, trad.<br />

Christian Bec, Bordas, 1987, réed. Presses Pocket, 1990,<br />

p. 56)<br />

[4] : (Joëlle Isler, « La composition du gouvernement en<br />

question. Une droite dure aux portes du pouvoir suisse »<br />

et chapô, Le Monde diplomatique, 12/2003, p. 13,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/12/ISLER/10855)<br />

[5] : (« Psychologie collective et analyse du Moi », 1921, in<br />

« Essais de psychanalyse », Petite Bibliothèque Payot,<br />

www.madchat.org/esprit/textes/ebooks/Freud%20Sigmu<br />

nd/freud_psychologie_collective_et_analyse_du_moi.pdf)<br />

[6] : (Jean-Marie Brohm, 1966, « Introduction », à Wilhelm<br />

Reich, « La lutte sexuelle des jeunes », petite collection<br />

Maspero, n° 100, 1972, p. 21)<br />

[7] : (Wilhelm Reich, op. cit., p. 31)<br />

[8] : (« Les pets & la plume. », REFLEXes, n° 4, 2001<br />

(Propagandes et médias), http://reflexes.samizdat.net/arti<br />

cle.php3?id_article=201)<br />

[9] : (Gisèle Halimi, « Le "complot" féministe », Le Monde<br />

diplomatique, 8/2003, p. 28, http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/HALIMI/10360)<br />

[10] : (Catherine Le Magueresse, présidente de<br />

l’Association contre les violences faites aux femmes<br />

(http://www.avft.org), in Libération, 3/10/<strong>2005</strong>, cahier<br />

"Emploi")<br />

[11] : (Patrice Maniglier, in Libération, 3/10/<strong>2005</strong>, cahier<br />

"Emploi")<br />

[12] : (Mona Cholet, « La femme est une personne », peripheries.net,<br />

18/10/<strong>2005</strong>, http://www.peripheries.net/cr<br />

nt66.htm)<br />

[13] : (J.-F. J., « La lutte anti-proxos manque de “souteneurs”<br />

au ministère », Le Canard enchaîné, 9/1/2002, p. 4)<br />

Lutte finale 662<br />

[14] : (Lilian Mathieu, « On ne se prostitue pas par plaisir<br />

», Le Monde diplomatique, 2/2003, p. 6,<br />

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/02/MATHIEU/<br />

9954)<br />

[15] : (« No To Germany’s Prostitution of Women During<br />

the World Cup Games in 2006 », trad. fr. : « Acheter du<br />

sexe n'est pas un sport », http://catwepetition.ouvaton.or<br />

g/telechar/WorldCupStatement-fr.pdf, 100 Ko, Voir aussi<br />

http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&na<br />

me=NewsPaper&file=article&sid=41503&newlang=fra&to<br />

pic=23)<br />

[16] : (« 27 avril 1848. Victor Schoelcher abolit l'esclavage<br />

», Voltaire, 27/4/2004, http://www.voltairenet.org/art<br />

icle13457.html, d’après http://www.esclavagemoderne.org)<br />

[17] : (Martin Monestier « Les Enfants esclaves. L'Enfer<br />

quotidien de 300 millions d'enfants », Le cherche midi,<br />

1998, IV de couv., http://www.bouclier.org/livre/7/2862<br />

745693)<br />

[18] : (Joseph Staline, « L’Homme, capital le plus<br />

précieux », Ed. Sociales)<br />

« Le 28 février 1986, vers minuit, le<br />

Premier ministre suédois, Olof Palme,<br />

et son épouse sortent d'un cinéma, en<br />

plein centre de Stockholm. Ils n'ont<br />

pas de garde du corps dans ce pays<br />

qui se targue de ne pas connaître de<br />

violence politique. Un homme surgit<br />

et tire deux coups de [revolver] avant<br />

de prendre la fuite. La première balle<br />

tue le Premier ministre, la seconde<br />

manque sa femme. Le meurtre ne sera<br />

jamais élucidé, malgré de nombreuses<br />

arrestations. » [1]<br />

« Dirk Coetzee, l'ancien chef de "l'escadron<br />

de la mort" de l'apartheid, le<br />

Vlaakplaas, a indiqué [...] que le Premier<br />

ministre suédois avait été tué par un certain<br />

Anthony White [… parce qu'Olof]<br />

Palme "était une épine dans le pied du<br />

régime d'apartheid. Il était ouvertement


opposé à l'apartheid et apportait un<br />

important soutien au Congrès national<br />

africain (ANC) […, alors illégal.<br />

Anthony White était l'un] des éléments<br />

les plus "efficaces" de l'unité "Rhodesian<br />

Selous Scouts" qui menait la lutte dans<br />

les années 70 contre les militants noirs<br />

en lutte contre la minorité blanche [2].<br />

[... Le] colonel De Kock, [... qui a succédé<br />

à Coetzee à la tête du Vlakplaas,] jugé<br />

par la Cour suprême, a révélé l'existence<br />

d'une opération secrète - "Opération<br />

Longreach" - au cours de laquelle les<br />

agents de l'apartheid auraient aidé à<br />

assassiner Olof Palme. » [3]<br />

Mais « Olof Palme n'était pas seulement<br />

un partisan de la social-démocratie,<br />

c'était aussi un leader international. » [1]<br />

Dans un « contexte de nouvelle guerre<br />

froide, le premier ministre suédois Olof<br />

Palme poursuit [en effet] une politique<br />

de “détente” avec l’U.R.S.S. : désireux de<br />

négocier avec les dirigeants de l’Est une<br />

démilitarisation du Nord de l’Europe, il<br />

est perçu comme un “ennemi” par<br />

l’O.T.A.N. et ses services secrets. Ami de<br />

l'Inde, il [soutiendrait] secrètement son<br />

programme nucléaire militaire : en cela,<br />

il peut être perçu comme un ennemi<br />

par l’Inter Service Intelligence (I.S.I.)<br />

pakistanais [Voir « Fumeux ? C’est de l’afghan<br />

! », p. 598] et ses alliés de l’appareil<br />

clandestin américain. » [4]<br />

En fait, il « s'était particulièrement investi<br />

dans la lutte contre l'apartheid en<br />

Afrique du Sud, le soutien aux mouvements<br />

populaires d'Amérique centrale, la<br />

défense de l'OLP de Yasser Arafat et de<br />

la révolution cubaine de Fidel Castro. Il<br />

était devenu l'adversaire personnel du<br />

vice-président des États-Unis, George H.<br />

Bush (le père), et l'homme à abattre<br />

pour l'OTAN. » [1] Il « est considéré<br />

comme un ennemi par les dirigeants de<br />

Pretoria et les mouvements d’extrême-<br />

droite qui les soutiennent, ainsi que par<br />

leurs alliés secrets de l’”appareil” américain,<br />

complices des trafics de l’Etat sudafricain.<br />

Aussi l’”appareil” sous-traite-t-il son élimination<br />

à l’Allied Coordination Committee<br />

(A.C.C.) de l’O.T.A.N. [Voir « CCUO-CPC-<br />

ACC : Assez ! Cessez ! », p. 47] et à son<br />

service secret le Special Operations<br />

Planning Staff (S.O.P.S.), lesquels soustraitent<br />

eux-mêmes le projet au groupe<br />

suédois Yggdrasil. C’est l’opération Tree,<br />

qui se solde par l’assassinat du dirigeant<br />

social-démocrate » [4].<br />

« Au stade où il se trouvait de son enquête<br />

[lorsqu'il fut assassiné, Allan]<br />

Francovich [Voir « Allan Francovich »,<br />

p. 49] avait établi que l'élimination du<br />

Premier ministre suédois avait été décidée<br />

fin 1995 par le SOPS, [... une] cellule<br />

de l'OTAN.<br />

Il s'agissait [notamment] d'empêcher Olof<br />

Palme de continuer ses tractations avec<br />

l'URSS alors que se poursuivait la démilitarisation<br />

de la Finlande, de manière à ne<br />

pas dégarnir le flanc Nord de l'OTAN. En<br />

outre, il fallait empêcher la Suède de favoriser<br />

la nucléarisation de l'Inde. Les documents<br />

que Francovich s'était procurés<br />

montrent que "la gestion du projet est<br />

locale, les techniciens sont importés". [...<br />

Donc] des services suédois auraient organisé<br />

eux-mêmes l'assassinat mais en faisant<br />

appel à un tueur extérieur, un ancien<br />

membre de la Savak iranienne [...].<br />

Ces documents révèlent également l'implication<br />

personnelle dans ce complot<br />

de Licio Gelli, le Grand-maître de la Loge<br />

P2. » [5] [Voir « Calibre P2 », p. 68] « Un<br />

télégramme envoyé par Licio Gelli [...] à<br />

son ami Philip Guarino – agent des services<br />

américains et haut dignitaire républicain,<br />

suggère que le vice-président<br />

George Bush [père] lui-même est au courant<br />

du complot contre Palme… » [4]<br />

663 Lutte finale


[1] : (« Olof Palme est assassiné », Voltaire, 28/2/<strong>2005</strong>,<br />

p. 1, http://www.voltairenet.org/article16373.html)<br />

[2] : (The Sunday Independant, (Johannesburg),<br />

29/9/1996)<br />

[3] : (Libération, 30/9/1996, p. 9, d'après AFP et The<br />

Sunday Independant, (Johannesburg), 29/9/1996)<br />

[4] : (Philippe Chailan, « L’appareil clandestin américain.<br />

2ème partie. La restauration reaganienne (1980-1988),<br />

Ecologie Sociale la revue, n°4, 5/2003, p. 21, (3,5 euros)<br />

(BP 642, F-85016 La Roche-sur-Yon Cedex), d’après<br />

« Guerre froide : pourquoi “l’arbre suédois” est tombé »,<br />

Intelligence Online, 30/4/1997, http://www.intelligenceonline.fr)<br />

[5] : (« Allan Francovich aurait découvert l'organisation du<br />

complot ayant éliminé Olof Palme, "l'arbre suédois" »,<br />

Réseau Voltaire, 7/7/1997, (RV 97/0354),<br />

http://www.voltairenet.org/article1714.html)<br />

Nicolas<br />

« Sarközy<br />

de Nagy-<br />

Bocsa [...<br />

est fils<br />

d’un] Publicitaire,<br />

et [... d’une] Avocate. » [1] C'est dire<br />

s'il a appris tôt à savoir convaincre.<br />

On sait de longue date ce qu’il est [2].<br />

« Carriériste. [A 18 ans, mineur donc, en<br />

1973, il] adhère à l’Union des jeunes<br />

pour le progrès (jeunes gaullistes). [Dès<br />

1977, il est au] Comité central du RPR<br />

[et] conseiller municipal de Neuilly. [De<br />

1978 à 1979, il est délégué] R.P.R. à la<br />

jeunesse. [En 1981, il est président] du<br />

comité national des jeunes pour la candidature<br />

de Jacques Chirac.<br />

[En 1983, il est élu] maire de Neuilly. [De<br />

1983 à 1988, il est conseiller général, et<br />

de 1985 à 1988, il est vice-président] du<br />

conseil général des Hauts-de-Seine.<br />

[Juste après Tchernobyl, de 1987 à<br />

1988, il est, au ministère de l’Intérieur,<br />

chargé] de mission par Pasqua pour [lutter<br />

contre] les risques chimiques et radiologiques<br />

[3]. [C’est dire s’il saura vendre<br />

Lutte finale 664<br />

des centrales. En 1988, il est secrétaire]<br />

général du comité national des jeunes<br />

pour la candidature de Chirac [puis]<br />

député [des Hauts-de-Seine.<br />

A 35 ans, en 1990, il est secrétaire]<br />

national du R.P.R. à l’animation, la formation<br />

et la jeunesse [puis en 1992, il<br />

devient secrétaire] général adjoint du<br />

RPR chargé des fédérations.<br />

[En 1993, tout étant ministre du Budget<br />

et porte-parole du gouvernement, il est<br />

directeur] de la cellule présidentielle de<br />

Chirac [... Mais, incroyable traîtrise,<br />

comme Pasqua, début 1994], les sondages<br />

[et TF1] aidant, [il] soutient désormais<br />

[...] Balladur. » [4] Il faut bien inspirer<br />

la confiance pour pouvoir trahir !<br />

Las ! « Sa Courtoise Suffisance » [5] fut<br />

finalement battue par Chirac. Cependant,<br />

les réseaux Pasqua restèrent indispensables<br />

à Chirac élu. Et ils savent ce<br />

qu'il faut faire : « Montrer les dents,<br />

comme le disait le poète Dominique de<br />

Villepin, qui disait [aussi] en visant les<br />

balladuriens défaits lors de la présidentielle<br />

de 1995 : “On les a baisés avec du<br />

gravier.” » [6]<br />

Mais l'homme d'Etat sait changer son<br />

fusil-mitrailleur d'épaule. Derrière les<br />

apparences, se tient un homme de<br />

conviction, sachant pratiquer le « “Coïtus<br />

interruptus”. [En] 1988. D’abord partisan<br />

du “oui” au référendum sur la<br />

Nouvelle-Calédonie, il s’abstient au<br />

moment du vote. [Il fera de même en]<br />

1992. D’abord favorable à la ratification<br />

du traité de Maastricht, il s’abstient au<br />

moment du vote. » [4] Il s’est repris de<br />

justesse.<br />

L'important, c'est le pouvoir. « Je ne<br />

m’embarrasse pas d’opinions inutiles, ni<br />

de sentiments personnels. » [7] « Je ne<br />

demande pas, je prend. » [7]<br />

Après les élections présidentielles de<br />

2002 [Voir « Stratagème la démocratie »,


p. 315], Sarkozy tient la vedette.<br />

« Depuis que l’insécurité a subitement<br />

disparu des médias en mai 2002 [Voir<br />

« “La France a peur !” », p. 256], elle a<br />

été remplacée, dans la communication<br />

du très médiatique ministre de<br />

l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, par un<br />

autre sujet porteur : la lutte contre le<br />

terrorisme. » [8]<br />

Tout va bien pour « ce ministre de<br />

l’Intérieur qui, en moins de six mois en<br />

fonction, [avait] déjà eu droit à une tentative<br />

déjouée d’assassinat du président<br />

de la République et une autre, plus sévère<br />

celle-ci, visant le maire de Paris. On<br />

nous le dit, on nous le répète, il s’agit<br />

d’”actes isolés”, de cas “difficiles à éviter”,<br />

ce sont les mots mêmes de ceux qui, [...]<br />

moins de six mois [auparavant], faisaient<br />

du carnage de Nanterre et de quelques<br />

autres faits divers la preuve du laisseraller<br />

du gouvernement en matière de<br />

sécurité [Voir « Les français ont exigé<br />

plus de sécurité », p. 259]. Une fois aux<br />

affaires, ils en font l’argument<br />

contraire en<br />

se servant de cette criminalité<br />

pour justifier<br />

leur projet hypersécuritaire.<br />

» [9]<br />

On applaudit les<br />

talents du bateleur.<br />

« Pendant […] plus de<br />

deux heures, [fin<br />

2002,] le ministre de<br />

l'Intérieur a réalisé le<br />

tour de force de parler<br />

de l'insécurité,<br />

sans jamais évoquer<br />

les causes de celle-ci.<br />

"Il nous faut d'abord<br />

éteindre l'incendie", répète-t-il dès qu'il<br />

entend le mot "prévention". [… En fait,<br />

la] politique du gouvernement […] fait<br />

du ministre de l'intérieur un "pompier<br />

pyromane" [… qui], loin de combattre<br />

l'insécurité, crée de nouveaux foyers<br />

"d'incendie".<br />

[… Donc, pas] un mot sur la suppression<br />

de plusieurs milliers de poste de surveillants<br />

dans l'Éducation nationale […<br />

et] des emplois-jeunes qui interviennent<br />

au quotidien dans les quartiers, ou dans<br />

les écoles […,] sur la baisse sensible du<br />

budget de la Culture, sur […] l'abandon<br />

des petites structures associatives sportives.<br />

Autant de décisions du gouvernement<br />

qui semblent remettre en cause<br />

des pans entiers de "la sécurité" à laquelle<br />

le ministre de l'Intérieur affirme pourtant<br />

attacher tant d'importance. » [10]<br />

Mais il a la conscience tranquille. A preuve,<br />

début mars 2003, « Nicolas Sarkozy,<br />

pendant l’intervention à l’Assemblée de<br />

Louis Mermaz sur les 54 Africains<br />

expulsés par charter, s’est offert un<br />

petit roupillon » [11].<br />

« Sarkozy s’emploie à récupérer la capacité<br />

de nuire de son prédécesseur [corse]<br />

au ministère de l’Intérieur et à la présidence<br />

du Conseil<br />

général le plus riche<br />

de France. » [12] On<br />

salue bien bas « Sarkozy,<br />

nouveau patron<br />

des Hauts-de-Seine<br />

» [13]. Comme son<br />

devancier corse, il<br />

n'est pas cossard,<br />

Sarkozy !<br />

On notera, pami les<br />

petites bombes que<br />

Bayrou teste, que ce<br />

dernier « estime [alors]<br />

que les mœurs politiques<br />

du département<br />

des Hauts-de-<br />

Seine, dont [Sarkozy] est président du<br />

conseil général, sont "mafieuses" [14],<br />

"avec des gens que l'on tient, des systèmes<br />

que l'on verrouille" [14]. Et dire<br />

qu'en 1995, Bayrou a fait campagne<br />

665 Lutte finale


pour Balladur et Sarkozy. » [15]<br />

Diriger l'exécutif laisse le loisir de se<br />

mêler aussi du pouvoir judiciaire.<br />

Sarkozy jongle avec les apparences. La<br />

« fameuse “peine automatique” pour<br />

récidivistes n’est [ainsi] qu’une fumisterie.<br />

Un simple chiffon rouge que<br />

[Sarkozy] a l’intention d’agiter tout au<br />

long de la campagne électorale, et sans<br />

doute au-delà, sachant que, pour des<br />

raisons juridiques incontournables, ce<br />

projet ne pourra jamais aboutir. » [16]<br />

Mais le ministre influe alors aussi réellement<br />

sur les chancelleries. Un magistrat<br />

du tribunal de Pontoise, « Didier Peyrat<br />

[..., a été] sanctionné d'un avertissement<br />

pour avoir publié deux tribunes libres sur<br />

les émeutes de banlieue [Voir « Clichy<br />

dans les bottes », p. 671] où il critiquait<br />

le ministre de l'Intérieur. » [17]<br />

Par contre, le « ministre de l’Intérieur<br />

demande aux collaborateurs du garde<br />

des Sceaux un petit coup de piston. Il<br />

souhaite que soit examiné avec la plus<br />

grande bienveillance le sort de Laurence<br />

Vischnievsky, ci-devant juge d’instruction<br />

au pôle financier parisien, [devenue]<br />

présidente du tribunal de Chartres.<br />

L’ancienne vedette de l’affaire Elf et exdoublure<br />

d’Eva Joly [...] sollicite [... un<br />

poste] “hors hiérarchie”, c’est-à-dire le<br />

grade le plus élevé dans la magistrature<br />

[..., mais] n’a pas l’ancienneté requise<br />

» [18]. Attention ministérielle pour services<br />

rendus ?<br />

Le maire de Neuilly d’alors connaît bien<br />

les Affaires. Il est proche de l'argent. Et si<br />

« Guillaume de Sarkozy, frère de Nicolas,<br />

[semblait un temps] décidé à succéder à<br />

Ernest-Antoine Seillière à la tête du<br />

Medef » [19], la riposte [à une éventuelle<br />

remarque] était toute prête : « “Après<br />

tout, Jacques Lang a bien un frère qui a<br />

été condamné pour assassinat, ça<br />

ne l’empêche pas d’être candidat à<br />

Lutte finale 666<br />

l’Elysée.” » [20]<br />

Début 2004, Chirac « a donc nommé<br />

Nicolas Sarkozy au prestigieux ministère<br />

de l'Économie avec l'idée de le discréditer<br />

en lui imputant les catastrophes économiques<br />

et sociales à venir. [...]<br />

Jacques Chirac s'était ainsi débarrassé<br />

d'Alain Madelin en quelques mois, en lui<br />

confiant le même ministère. » [21]<br />

La tâche est pourtant noble. Il faut y<br />

achever l'anéantissement des services<br />

publics, déjà mortellement blessés par<br />

« la gauche plurielle, [qui, par exemple,]<br />

entre 1997 et 2002, a démembré France<br />

Télécom, La Poste ou la SNCF » [22].<br />

Saccage d'ailleurs si notable que « Daniel<br />

Vaillant, Ségolène Royal et Elisabeth<br />

Guigou, lors de la manifestation de<br />

défense des services publics (à Paris, le<br />

[26 novembre 2002]), se sont fait virer<br />

par les manifestants. » [23]<br />

Dans la continuïté, après que Sarkozy ait<br />

promis le maintien de Gaz de France<br />

dans le giron de l'Etat, le « gouvernement,<br />

dans lequel [... il travaille (mais au<br />

moins] a-t-il protesté ?) va donc privatiser<br />

GDF, entreprise publique performante.<br />

Un bijou de famille de plus sorti de la<br />

cassette appartenant à tous. Pour le plus<br />

grand plaisir de qui ? » [24] De quelques<br />

amis...<br />

Mais on soigne tout de même la présentation<br />

: « Dans le projet de loi sur EDF,<br />

[...] Bercy a tout fait pour que le mot “privatisation”<br />

n’apparaisse nulle part dans<br />

le texte. Même lorsqu’il s’agit de se référer<br />

au libellé des lois antérieures. Ainsi,<br />

contre l’usage en vigueur, le titre complet<br />

de la loi de Balladur de 1986, “relative<br />

aux modalités de privatisation” n’est<br />

pas donné la première fois qu’il y est fait<br />

référence. Ce nom gênant est pudiquement<br />

gommé, et il devient “la loi n° 86-<br />

912 du 6 août 1986 sus-mentionnée”,<br />

comme s’il s’agissait d’une deuxième ou


troisième occurrence. » [25]<br />

« Que reste-t-il [alors] du fan-club de<br />

[Sarkozy], pace Beauvau ? Il a fortement<br />

diminué depuis que les flics ont découvert<br />

le projet de budget <strong>2005</strong> de leur<br />

ancien patron, passé avec armes et<br />

bagout à Bercy. » [26] Le dépit laissera<br />

des séquelles. « Le syndicat UNSA-police,<br />

réputé proche du PS, est arrivé en tête<br />

[fin 2006] chez les gradés et gardiens de<br />

la paix lors des élections professionnelles<br />

dans la [police,] devançant Alliance » [27].<br />

Douze ans plus tôt, on avait déjà noté<br />

un phénomène similaire. « Le 28 mars<br />

1993, [Sarkozy] déclare qu’”il faut que la<br />

justice dispose de 1 milliard de plus”.<br />

Nommé [peu après] au Budget, il envoie<br />

une “lettre de cadrage budgétaire” à<br />

Méhaignerie, lui demandant de faire des<br />

économies… » [4]<br />

Il est vrai que l'homme est notoirement<br />

capable de délicates contorsions mentales.<br />

En témoigne, un « feuilleton publié<br />

à l’été 1995 par “Les Echos”, sous le titre<br />

“Les lettres de mon château” et présenté<br />

par un certain Mazarin. Il se compose de<br />

missives imaginaires » [28], où il flingue<br />

« ses amis en cachette [...] Neuf ans plus<br />

tard [...], l’auteur de cette correspondance<br />

fictive [s’est démasqué] : c’était<br />

Sarkozy [29]. [...]<br />

Sarkozy sait pratiquer l’autocritique !<br />

Tout à son souci d’égarer les soupçons,<br />

[... il s’y] administre en effet de vigoureuses<br />

châtaignes, au point de risquer<br />

la diffamation. Exemple : l’”ignoble<br />

Sarkozy”, presque aussi “traitre professionnel”<br />

que Bayrou et élu par ces “crétins<br />

de Neuilly”, a laissé derrière lui une<br />

“situation financière calamiteuse” en<br />

quittant le ministère du Budget. [... On y<br />

lit] aussi dans un [... de ses billets d’alors,<br />

prétendument de] Chirac à Balladur [... :<br />

“…] L’état des finances publiques est<br />

sinistré […] et la Sécurité sociale, au bord<br />

de la cessation de paiements.” Tant de<br />

lucidité confine à l’héroïsme. » [28]<br />

Le grand écart n'effraie pas notre maître<br />

en contredanses. Sarkozy, ministre d'Etat<br />

d'un Chirac opposé à la seconde guerre<br />

du Golfe, est, lui, bien plus proche de<br />

Bush et de l'Otan. « Le débat qui agite la<br />

France depuis [avril 2003] “à propos” du<br />

voile islamique a en réalité été volontairement<br />

provoqué par le ministre de<br />

l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Se plaçant sur<br />

la même ligne que l'administration Bush<br />

en matière de politique internationale, il<br />

entend mettre le président de la<br />

République en difficulté en montrant<br />

que le soutien français aux États musulmans<br />

ne serait pas payé de retour sur le<br />

plan intérieur. Ce faisant, il importe le<br />

“clash des civilisations” [Voir « Bâtissons<br />

667 Lutte finale


le “choc des civilisations” ! », p. 566] et<br />

remet en cause le pacte laïque tout en se<br />

réclamant de lui. » [30]<br />

Et c'est efficace ! Le clash des civilisations<br />

prend ici à merveille. Le 30 août 2004,<br />

« Al-Jazeera diffuse une vidéo dans<br />

laquelle les deux journalistes français<br />

[otages Georges Malbrunot et Christian<br />

Chesnot] appellent leurs compatriotes à<br />

manifester contre la loi d’interdiction du<br />

voile à l’école publique, en soulignant<br />

que leur vie est en danger » [31]<br />

Puis, après le « non » français à la<br />

« Constitution » européenne, notre<br />

héros rechange de fauteuil. « Plusieurs<br />

amis de Nicolas<br />

Sarkozy sont montés<br />

au créneau,<br />

discrètement, pour<br />

lui faire passer […<br />

le message :] qu’il<br />

cesse de justifier<br />

son retour au<br />

ministère de l’Intérieur<br />

par le souci<br />

de se protéger des<br />

“affaires” qu’”on” a<br />

montées ou pourrait<br />

monter contre<br />

lui. [... Il a donc]<br />

tenu à faire des<br />

mises au point :<br />

non, il n’a pas<br />

accepté le ministère<br />

de l’Intérieur<br />

“uniquement (sic)<br />

pour se protéger” :<br />

“J’y compte beaucoup<br />

d’amis et je n’ai pas besoin d’y être<br />

pour savoir ce qui s’y passe.” Bigre ! » [6]<br />

Il est partout. « Non seulement le<br />

ministre de l’Intérieur est en même<br />

temps président de l’UMP, mais il [a fait]<br />

savoir qu’il resterait, en plus, président<br />

du conseil général des Hauts-de-Seine.<br />

Ainsi il ne respecte aucune des règles<br />

Lutte finale 668<br />

anti-cumul édictées par [Chirac] pour ses<br />

[ministres] en 2002. » [32]<br />

C'est la guerre, donc on flingue :<br />

« “Gaymard n’est jamais que le neuvième<br />

sur la liste de ceux qui devaient me<br />

contrer et qui explosent en vol”, constatait<br />

Sarkozy le 2 mars [... <strong>2005</strong>. Et il énumérait<br />

alors] Delevoye (candidat de<br />

l’Elysée à la présidence du RPR en 1999),<br />

Raffarin (que Chirac a préféré comme<br />

Premier ministre), Juppé, Fillon, on en<br />

passe, et pour finir Gaymard. » [33]<br />

Pourtant, ce dernier avait été prudent,<br />

notait-on : « Hervé Gaymard, le ministre<br />

des finances, a visiblement confiance en<br />

son prédécesseur<br />

Sarkozy [...]. Il a<br />

demandé à une<br />

équipe de la DST<br />

de vérifier qu’il n’y<br />

avait pas de micros<br />

cachés à son<br />

étage. » [34]<br />

De son côté,<br />

« Sarkozy n’ignore<br />

pas qu’il est<br />

chaque jour sous<br />

surveillance rapprochée<br />

et que ses<br />

conversations sont<br />

[...] écoutées. » [35]<br />

[Voir « Ecoutons<br />

l'autorité », p. 437]<br />

Vu le rappport de<br />

forces, il peut faire<br />

fléchir le Président<br />

encore en place.<br />

Explication « d’un<br />

proche [de Sarkozy], à l’usage des béotiens<br />

: “Sarko va expliquer à Chirac que<br />

son intérêt est de voir un président de<br />

droite lui succéder. Sans quoi plus rien ne<br />

pourra arrêter les juges.” » [35] [Voir « Chie !<br />

Raque ! », p. 312]<br />

Autre position de force : « Comme<br />

ministre il a la responsabilité de l’organi-


sation des élections auxquelles il est candidat.<br />

» [37] Et pour attirer les voix, tout<br />

est permis. « De nombreux internautes<br />

[ont ainsi reçu] dans leur [boîte] de<br />

réception un message électronique [...<br />

de] Nicolas Sarkozy [38]. » [39]<br />

« Sarkozy [...] "cherche [aussi] à séduire<br />

les électeurs du FN" [40]. "Oui, je<br />

cherche à les séduire. [...] Qui pourrait<br />

m'en vouloir de récupérer ces gens [...]<br />

J'irai même les chercher un par un, ça ne<br />

me gêne pas. Si le FN a progressé, c'est<br />

que nous n'avons pas fait à droite notre<br />

boulot [...]. En refusant de parler d'un<br />

certain nombre de sujets dont Le Pen<br />

s'est emparé, nous avons désespéré une<br />

partie de notre électorat", accuse Nicolas<br />

Sarkozy, selon lequel "cela ne veut pas<br />

dire, bien sûr, que je partage les thèses<br />

lepénistes". [Non, bien sûr ! Hein ?] Et<br />

d'ajouter : "Je l'ai affronté, moi, Le<br />

Pen" » [41]. A la pétanque ?<br />

« Manuel Aeschlimann, le “Monsieur<br />

Sondages” de l’UMP – et proche du<br />

ministre de l’Intérieur – expliquait [...] à<br />

propos de l’électorat du FN : “L’idée est<br />

d’essayer de gagner les électeurs qui ne<br />

sont pas naturellement enclins à voter<br />

Nicolas Sarkozy, mais qui le feront s’il<br />

répond à leurs attentes [...]. Nous pensons<br />

que 50 % d’entre eux pourraient<br />

être persuadés de voter pour Nicolas<br />

Sarkozy si nous faisons de la loi et de<br />

l’ordre une priorité [...]” [42] » [43].<br />

Peu après, il se félicite déjà. « Je ne vise<br />

pas l’électorat du FN, je l’ai déjà. » [44]<br />

[Voir « Faits de Le Pen », p. 318] Ou<br />

encore : « “pourquoi chercherais-je l’électorat<br />

du Front national ? Je l’ai<br />

déjà !” » [45]<br />

On a en effet fait de la loi et de l'ordre<br />

une priorité. « De nombreux textes ont<br />

été votés depuis [décembre 1995] en<br />

matière de procédure pénale, de peines,<br />

d’ordre public, citons la loi sur la sécuri-<br />

té quotidienne, la loi sur la sécurité intérieure,<br />

les lois Perben I & II, la loi sur la<br />

récidive, la loi sur l’égalité des chances...<br />

Ces textes [Voir « Modèle suivi ? Allah<br />

loupe ! », p. 331] [...] instauraient un état<br />

sécuritaire.<br />

[Mi-2006, le] nouveau projet Sarkozy<br />

intitulé prévention de la délinquance<br />

[46] est d’une autre nature, il jette<br />

les bases symboliques et réelles d’un<br />

Etat totalitaire... Et les termes sont<br />

[mesurés]... » [47]<br />

« Désormais, tous les [ingrédients] nécessaires<br />

sont en place [en France aussi]<br />

pour passer d'une dictature molle et<br />

cachée à une dictature musclée qui ose<br />

s'affirmer :<br />

- Les outils législatifs ont été créés et installés<br />

;<br />

- Les outils policiers ont été créés et installés<br />

(la Bac par exemple) ;<br />

- Les outils de contrôle [poussé] des<br />

populations sont créés et installés (caméras<br />

de surveillance qui se multiplient<br />

[Voir « Je passe à la télé ! », p. 385], carte<br />

d'identité numérique [Voir « L'INES paierait<br />

? », p. 378] [...], généralisation des<br />

puces [Voir « Erre, affidé ! », p. 398],<br />

[etc.]) ;<br />

- Les médias sont [presque] tous contrôlés<br />

et délivrent un message unique [Voir<br />

« Tambour battant », p. 638] ;<br />

- La volonté populaire, au travers du<br />

vote négatif au dernier référendum, est<br />

niée et trahie et donc bafouée. [...]<br />

Voulant imprimer sa marque dans<br />

tous les domaines [Voir « Tiens nous,<br />

Show », p. 673], [Sarkozy] sème sa haine<br />

partout. Si, par malheur, nous réagissions<br />

par la violence, il en bénéficierait<br />

encore. Que [pouvait-il] espérer de<br />

mieux pour s'emparer définitivement du<br />

pouvoir, que ce soit par [un] vote qui ne<br />

veut plus rien dire ou par la force, que<br />

669 Lutte finale


de pouvoir se présenter comme un<br />

recours, comme le recours ? Tous les<br />

[dictateurs] ont profité de ce genre de<br />

situation et quelquefois, ils l'ont provoqué.<br />

» [48] Provoqué ?! Allons !...<br />

[1] : (« Who’s who in France 2003-2004 », Jacques Lafitte,<br />

2003, p. 1698)<br />

[2] : (Voir Jean-Luc Porquet, « Le petit démagogue.<br />

Nicolas Sarkozy et les neuf règles de base de la démagogie<br />

efficace », La Découverte, 2007 ; http://sarkostique.over-blog.com<br />

; Les oreilles loin du front,<br />

« Sarkomix », http://loldf.free.fr/sons/sarkomix.mp3, 1,8<br />

Mo ; Les renseignements généreux, « Connaissez-vous<br />

Nicolas sarkozy ? », http://www.les-renseignements-genereux.org/brochures/?id=3509<br />

; « Quand Sarkozy est la<br />

risée de la presse internationale », 24/1/2008,<br />

http://www.betapolitique.fr/Quand-Sarkozy-est-la-riseede-la-02568.html<br />

; etc.)<br />

[3] : (Voir « Nicolas Sarkozy », http://www.lexpress.fr/info/<br />

france/dossier/sarkozy/dossier.asp?ida=433332)<br />

[4] : (Xavier Pasquini, « Carnet. Nicolas Sarkozy de Nagy<br />

Bocsa », Charlie hebdo, 26/1/1994, p. 5, d’après le<br />

« Who’s who in France »)<br />

[5] : (Le Canard enchaîné)<br />

[6] : (« Du Prozac pour Sarko ? », Le Canard enchaîné,<br />

15/6/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[7] : (Le Figaro, 25/5/1993, cité par Xavier Pasquini, op. cit.)<br />

[8] : (Pierre Laniray, « La brigade anti-terroriste du<br />

“Parisien” », in Olivier Cyran et Mahdi Ba, dir., « Almanach<br />

critique des médias », Les Arènes, 9/<strong>2005</strong>, p. 179)<br />

[9] : (Erik Emptaz, « Effets divers », Le Canard enchaîné,<br />

9/10/2002, p. 1)<br />

[10] : (Stéphane Sahuc, « Sarkozy : un show bien huilé »,<br />

L’Humanité, 11/12/2002, à propos de l'émission<br />

100 minutes pour convaincre, France 2, 9/12/2002,<br />

http://www.humanite.presse.fr/journal/2002-12-11/2002-<br />

12-11-215470)<br />

[11] : (Photographie dans France Soir, 7/3/2003, décrite<br />

par Le Canard enchaîné, 12/3/2003, p. 3)<br />

[12] : (Pierre Caminade, « Ils ont dit… Françafrique »,<br />

Billets d’Afrique, 9/2004, p. 9, http://www.survie-france.org/IMG/pdf/Num128.pdf)<br />

[13] : (« C’est l’île Seguin, ou l’île Chirac ? », Le Canard<br />

enchaîné, 4/8/2004, p. 2)<br />

[14] : (Le Parisien, 26/1/2007)<br />

[15] : (Le Canard enchaîné, 31/1/2007, p. 2)<br />

[16] : (Louis-Marie Horeau, « Sarko amuse la galerie avec<br />

ses “peines automatiques” », Le Canard enchaîné,<br />

10/3/2004, p. 3)<br />

[17] : (« Un magistrat sanctionné pour avoir critiqué<br />

Sarkozy », Le nouvel Observateur, 6/2/2006, reprod in<br />

http://quartiersc.canalblog.com/archives/politique/p30-<br />

0.html, d'après AP)<br />

[18] : (« Sarko gère même la carrière des juges », Le<br />

Canard enchaîné, 5/11/2003, p. 2)<br />

[19] : (Le Canard enchaîné, 9/2/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après Le<br />

nouvel Observateur, 3/2/<strong>2005</strong>)<br />

[20] : (« Nicolas assassine Guillaume », Le Canard enchaîné,<br />

23/3/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[21] : (Jean Rousseau, « Jacques Chirac épure son camp »,<br />

Voltaire, 2/4/2004, p. 3, http://www.voltairenet.org/artic<br />

le13167.html)<br />

Lutte finale 670<br />

[22] : (« Sortie du Plan B n° 6 », Acrimed, 9/2/2007,<br />

http://www.acrimed.org/article2555.html, d'après « Comment<br />

le PS a “réformé” les services publics », Le Plan B, n°<br />

6, pp. 4-5 (service abonnements, BP n°1, F-59361<br />

Avesnes-sur-Helpe Cedex, 20 euros pour 10 numéros))<br />

[23] : (Le Canard enchaîné, 4/12/2002, p. 2)<br />

[24] : (« Sarkozy a dit, Sarkozy a menti (6) », sarkostique,<br />

3/3/2006, http://sarkostique.over-blog.com/article-20358<br />

38-6.html)<br />

[25] : (« Mot tabou », Le Canard enchaîné, 23/6/2004, p. 2)<br />

[26] : (« Livraison de poulets en baisse », Le Canard enchaîné,<br />

22/9/2004, p. 2)<br />

[27] : (« Le syndicat UNSA-police, proche du PS, remporte<br />

les élections professionnelles », Le Monde.fr, 24/11/2006,<br />

d'après Reuters et AFP)<br />

[28] : (Jean-François Julliard, « Quand Sarko flinguait ses<br />

amis en cachette », Le Canard enchaîné, 30/6/2004, p. 4)<br />

[29] : (Sophie Fay, « En 1995, Mazarin, alias Sarkozy,<br />

raillait Chirac, Villepin et Douste-Blazy dans “Les Echos”. »,<br />

Le Monde, 7/6/2004)<br />

[30] : (« Le relais français du “clash des civilisations”.<br />

Nicolas Sarkozy agite le voile islamique », Voltaire,<br />

20/1/2004, http://www.voltairenet.org/article11977.html)<br />

[31] : (« Les faits, les réactions. Chronologie de la prise en<br />

otage de Christian Chesnot et Georges Malbrunot »,<br />

Voltaire, 2/9/2004, http://www.voltairenet.org/article14<br />

765.html, d'après « Les otages appellent à l’annulation de<br />

la loi, nouveau délai », AFP, 31/8/2004)<br />

[32] : (« Sarko président des Hauts-de-Seine », Le Canard<br />

enchaîné, 19/10/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[33] : (Le Canard enchaîné, 9/3/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[34] : (Le Canard enchaîné, 2/2/<strong>2005</strong>, p. 2, d’après Paris<br />

Match, 27/1/<strong>2005</strong>)<br />

[35] : (Claude Angeli, « Sarkozy mis sur écoutes… », Le<br />

Canard enchaîné, 23/3/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[36] : (« Duel au sommet », Le Canard enchaîné,<br />

23/6/2004, p. 2)<br />

[37] : (Jean Pierre Rosenczveig, « Magistrat-citoyen perplexe<br />

et inquiet (163) », 2/12/2006, http://jprosen.blog.le<br />

monde.fr/2006/12/02/magistrat-citoyen-perplexe-etinquiet-163/)<br />

[38] : (http://www.u-m-p.org/newsletter/lettre_information_050905v2.htm)<br />

[39] : (Cathie-Rosalie Joly, « Quid de la légalité de l’e-mailing<br />

politique lancé par l’UMP ? », NJuris.com, 5/10/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.njuris.com/ShowBreve.aspx?IDBreve=703)<br />

[40] : (Entretien avec Le Parisien, 29/3/<strong>2005</strong>)<br />

[41] : (« Nicolas Sarkozy dit chercher à séduire les électeurs<br />

du FN », yahoo.com, 29/3/<strong>2005</strong>, d'après Reuters, d'après<br />

Le Parisien, 29/3/<strong>2005</strong>)<br />

[42] : (Katrin Bennhold, « Far right is courted by Sarkozy<br />

», International Herald Tribune, 24/6/<strong>2005</strong>,<br />

http://www.iht.com/articles/<strong>2005</strong>/06/23/news/france.php)<br />

[43] : (« Leçon de démagogie », Le Canard enchaîné,<br />

29/6/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[44] : (Libération, 1/7/<strong>2005</strong>, cité par Le Canard enchaîné,<br />

6/7/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[45] : (Jean-Baptiste de Montvalon et Philippe Ridet,<br />

« Nicolas Sarkozy, omniprésent dans tous les médias, assume<br />

ses “excès” et ses déboires conjugaux », Le Monde,<br />

1/7/<strong>2005</strong>, p. 8)<br />

[46] : (Voir « Le plan national de prévention de la délinquance<br />

», reprod. in Info Impartiale, 2/6/2006,<br />

http://www.info-impartiale.net/article.php3?id_article=393)<br />

[47] : (Gilles Sainati, « Le projet de loi de prévention de la


délinquance : Passage à l’Etat Totalitaire », Info impartiale,<br />

2/6/2006, http://www.info-impartiale.net/article.php3?id<br />

_article=392)<br />

[48] : (Jean Dornac, « Genèse d'une dictature en gestation<br />

», altermonde le village, 29/10/<strong>2005</strong>)<br />

Sarkozy,<br />

« sur le<br />

meurtre du<br />

petit Sidi<br />

Ahmed [en<br />

juin <strong>2005</strong>]<br />

à la cité<br />

des 4000<br />

[...,] affirme<br />

sans l’ombre<br />

d’un<br />

conditionnel<br />

: “Sur<br />

les trois criminels présumés de La<br />

Courneuve, les deux frères âgés<br />

d’une vingtaine d’années étaient déjà<br />

connus pour viol sur mineur et trafic<br />

d’armes et de drogue.” [1] Et de<br />

conclure d’un ton indigné : “Mais que<br />

faisaient-ils dehors ?” [1]<br />

Les coupables présumés (qui sont en<br />

réalité [...] quatre) [...] ont déjà eu maille<br />

à partir avec la justice. L’un pour “vol<br />

aggravé”, un autre pour “conduite sans<br />

permis, excès de vitesse et recel” [...]<br />

Mais les juges sont formels : il n’existe<br />

pas l’ombre d’un soupçon de “viol sur<br />

mineur”, ni d’un quelconque “trafic<br />

d’armes”. [...] Mais qu’importent les faits,<br />

du moment que [Sarkozy] veut gagner<br />

des voix. » [2]<br />

On peut aller plus loin : « Les émeutes<br />

ont commencé le 27 octobre [<strong>2005</strong>] à<br />

Clichy-sous-Bois, près de Paris, quand<br />

trois jeunes, pour échapper à un contrôle<br />

de police, escaladent dans l’affolement<br />

les hauts murs d’un transformateur<br />

à haute tension pour y chercher refuge :<br />

deux d’entre eux périront électrocutés,<br />

le troisième est gravement brûlé et hospitalisé.<br />

Tout de suite, comme toujours<br />

en pareil cas, une mécanique de calomnie-désinformation<br />

est mise en marche<br />

par les autorités et relayée par les<br />

médias : selon la version officielle, la<br />

patrouille de police avait été appelée<br />

parce qu’on leur lui avait signalé que ces<br />

jeunes se livraient à un cambriolage sur<br />

un chantier de construction. Cette version<br />

sera démentie ensuite par le procureur<br />

et par le jeune survivant, mais le<br />

mensonge subsistera. [...]<br />

Dès le début, la thèse du complot a été<br />

avancée par [...] Sarkozy : selon ce point<br />

de vue, un petit nombre de caïds et trafiquants<br />

de drogue, dans le but de protéger<br />

leurs territoires face à l’intrusion<br />

des forces de police, auraient de longue<br />

date fomenté les émeutes en mobilisant<br />

une population jeune et désœuvrée. [...<br />

La] thèse du complot [...] a été démentie<br />

le 23 novembre [<strong>2005</strong>] par les propres<br />

services de Renseignements généraux<br />

(RG) [...].<br />

Par contre, la police était manifestement<br />

préparée, puisque dès la première nuit<br />

d’émeutes elle s’est servie de flashballs,<br />

jusque là utilisées seulement par les brigades<br />

anti-criminalité [BAC]. [... D’après]<br />

les sondages de popularité effectués à la<br />

fin de novembre [<strong>2005</strong>, Sarkozy] semble<br />

avoir tiré un certain avantage des événements.<br />

En outre, il a manifestement<br />

contribué à les provoquer par des propos<br />

qui ont été, à juste titre, reçus<br />

comme des offenses non seulement par<br />

les jeunes mais par l’ensemble de leur<br />

communauté.<br />

Le 20 juin <strong>2005</strong>, à la suite d’un meurtre<br />

[... en] région parisienne, il avait [en<br />

effet] déclaré : “Je vais nettoyer la cité au<br />

[Kärcher].” Le 25 octobre, soit deux jours<br />

avant les émeutes, répondant à une<br />

671 Lutte finale


mère de famille, il avait déclaré devant<br />

les caméras de TV : “Vous en avez assez<br />

de cette racaille ? Eh ben je vais vous en<br />

débarrasser.” Le mot “racaille”, qui est<br />

très injurieux, résume le mépris guerrier<br />

des autorités devant les enfants de l’immigration.<br />

» [3]<br />

On connaît « le langage provocateur,<br />

méprisant et belliqueux de Nicolas<br />

Sarkozy. » [4] « Agissant en la circonstance<br />

comme pompier pyromane, M.<br />

Sarkozy a depuis longtemps estimé que<br />

le thème de l’insécurité lui était électoralement<br />

profitable. [...]<br />

Pendant cinq nuits, [ensuite,] Clichy sera<br />

le site d’une agitation (incendies de voitures<br />

et de bâtiments, attaques de transports<br />

publics, destructions diverses,<br />

affrontements avec la police) qui se<br />

répandra d’abord dans tout le département<br />

environnant de la Seine-Saint-<br />

Lutte finale 672<br />

Denis, puis dans de nombreuses villes de<br />

France à partir du 2 novembre. La nuit<br />

du 7 novembre présentera le bilan le<br />

plus lourd, avec 1 410 voitures brûlées<br />

et 400 arrestations environ. Le 8 novembre,<br />

le gouvernement décrète l’état<br />

d’urgence, qui sera prorogé pour trois<br />

mois par une loi du 18 novembre, alors<br />

que la situation est redevenue “normale”<br />

selon la police (moins de 100 voitures<br />

brûlées la nuit précédente). » [3]<br />

Que peut-on faire pour changer les<br />

choses ? On « pense que l'idée d'un<br />

mouvement social, c'est la seule façon.<br />

Tant qu'on brûlera des voitures, on<br />

enverra des flics. Il faut un mouvement<br />

social - qui peut brûler des voitures - mais<br />

avec un objectif. » [5]<br />

Mais on nous assure qu’il existe un large<br />

soutien populaire pour le couvre-feu [6].<br />

Nous aussi, aimons la loi martiale !


[1] : (Le Figaro, 30/6/<strong>2005</strong>)<br />

[2] : (Hervé Liffran, « Les obsessions du ministre », Le<br />

Canard enchaîné, 6/7/<strong>2005</strong>, p. 3)<br />

[3] : (Alain Morice, « Les émeutes urbaines d’octobrenovembre<br />

<strong>2005</strong> en France : comprendre avant de juger »,<br />

pajol, 31/12/<strong>2005</strong>, http://pajol.eu.org/article905.html)<br />

[4] : (Greg Oxley, « La révolte des banlieues », In Defense<br />

of Marxism, 8/11/<strong>2005</strong>, http://www.marxist.com/la-ravolte-des-banlieues.htm)<br />

[5] : (Pierre Bourdieu, in Pierre Carles, « La Sociologie est<br />

un sport de combat », C-P Productions, 2001)<br />

[6] : (Les mots sont importants, « État de l’opinion ou<br />

opinion de l’État ? Quand Le Parisien manipule “l’opinion”<br />

en prétendant l’”enregistrer” », 13/11/<strong>2005</strong>,<br />

http://lmsi.net/article.php3?id_article=483)<br />

Comme le dit Machiavel : « Ce<br />

sont de telles manières que doit<br />

observer un prince sage : ne jamais<br />

rester inactif en temps de paix, mais<br />

en faire avec soin un capital pour<br />

pouvoir s’en servir dans l’adversité,<br />

afin que, quand change la fortune,<br />

elle le trouve prêt à lui résister. » [1]<br />

Sarkozy s’y connaît : « Nous sommes<br />

dans une société de communication et<br />

il faut des signals [sic] » [2]. Alors, il est<br />

partout, s'affichant ostensiblement.<br />

Même le « CSA a estimé [en 2002] que<br />

les visites du ministre de l’Intérieur dans<br />

le métro ou les commissariats relevaient<br />

de la campagne électorale et non de<br />

l’action gouvernementale ». [3]<br />

« [Sarkozy] qui [avait déjà] pu fêter [...] sa<br />

sixième couverture du “Point” (un record<br />

tout de même dans la presse magazine),<br />

[… pouvait] (le jeudi 20 novembre<br />

[2003]) célébrer son deuxième “100<br />

minutes pour convaincre” (France 2),<br />

émission où, il est vrai, il a fait un tabac<br />

le lundi 10 décembre 2002 avec 25 %<br />

d’audience (5,8 millions de spectateurs).<br />

» [4] Alors, on a encore remis ça.<br />

« Une [... autre] invitation "attire sur<br />

France 2 toutes les suspicions [...,<br />

Nicolas Sarkozy,] annoncé pour la troisième<br />

fois à '100 minutes pour<br />

convaincre'" [5] le 31 mars [<strong>2005</strong>].<br />

"L'effet de surexposition de Nicolas<br />

Sarkozy est accru par le fait qu'il était l'invité<br />

de Michel Drucker [le] dimanche<br />

[précédent,] au point d'être surnommé<br />

'Président de France 2' par les 'Guignols<br />

de l'info'" [5] » [6].<br />

Puisqu'on le peut, on mettra les moyens.<br />

Fin novembre 2004, c'est le « Sacre de<br />

Sarkozy » [7] ; et « la note définitive – et<br />

restée confidentielle – s’élève à 5,5 millions<br />

[d’euros]. [...] Il conviendrait d’ajouter<br />

aux dépenses les frais de l’élection de<br />

Sa Majesté Sarkozy. Soit 80 000 euros.<br />

Une somme faramineuse comparée aux<br />

120 000 euros dépensés par la direction<br />

du PS pour son référendum interne sur<br />

la Constitution européenne. » [8]<br />

Rappel du pitre Sarkozy [9] « à ses<br />

troupes : “Aujourd’hui, la politique doit<br />

être un spectacle, comme dans les<br />

conventions américaines. Ceux qui<br />

disent que c’est de la mégalomanie sont<br />

des jaloux et des aigris qui rêveraient<br />

d’être à ma place.” » [10]<br />

« Mais, pour le président de l’UMP, l’essentiel<br />

était ailleurs : “J’ai tous les patrons<br />

de presse avec moi.” Comprendre<br />

Lagardère, Bouygues, Dassault… » [11]<br />

[Voir « Tambour battant », p. 638] Il est<br />

le candidat révé du « Parti de la presse et<br />

de l'argent » [12]. Les médias l'adorent.<br />

Sarkozy évoquait en <strong>2005</strong> « l’impact positif<br />

qu’aurait, selon lui, l’étalage public de<br />

ses ennuis conjugaux. “Ça crée de l’affect.<br />

Jusqu’à présent, on parlait de mon<br />

ambition personnelle. Maintenant, on<br />

parle de mon humanité”, note-t-il. » [13]<br />

673 Lutte finale


« Sarkozy a construit [sa] personnalisation<br />

en s’intégrant dans le milieu du<br />

spectacle et en adoptant [ses] procédés<br />

de communication. Il a séduit en 1989<br />

Cécilia, l’épouse de l’animateur vedette<br />

de télévision Jacques Martin, l’a encouragée<br />

à divorcer et l’a épousée. Avec<br />

elle, pendant plus de quinze ans, il a<br />

reçu à dîner à la maison tout ce qui<br />

compte de stars du show-bizz et<br />

d’hommes d’influence dans le pays.<br />

Nicolas & Cécilia ont tissé des liens amicaux<br />

avec le plus grand nombre de personnes<br />

possible dans la classe dirigeante<br />

en utilisant la notoriété des artistes qu’ils<br />

invitaient à leur table comme des appâts<br />

[Voir « 1 modèle à surpasser », p. 156].<br />

Puis, ils se sont voluptueusement glissés<br />

dans les <strong>page</strong>s des magazines people.<br />

L’apothéose de ce processus aura été<br />

atteint, le 14 janvier 2007, avec la<br />

confession intime de Nicolas Sarkozy<br />

devant 80 000 militants, dont beaucoup<br />

l’écoutaient en pleurs : “J’ai changé [...]”<br />

Chez Nicolas Sarkozy tout est émotion et<br />

toute émotion est spectacle. Rien ne<br />

nous aura été épargné de la fuite<br />

romantique de Cécilia avec son amoureux<br />

Richard, du désespoir de Nicolas<br />

trahi, du réconfort qu’il trouva auprès<br />

d’Anne, et enfin, de la réconciliation du<br />

couple. Après avoir été le cocu le plus<br />

célèbre de France, Nicolas Sarkozy incarne<br />

le mari fidèle à la fin du vaudeville.<br />

[Qu'on nous permette] d’envisager que<br />

ses déboires conjugaux aient eux aussi<br />

fait partie du plan de communication,<br />

comme ceux des stars de cinéma sont<br />

planifiés dans les contrats des majors<br />

d’Hollywood.<br />

L’amoureux de Cécilia n’était-il pas<br />

Richard Attias, grand spécialiste de la<br />

communication événementielle et président<br />

de Public Events Worldwide [14] ?<br />

Et l’amie réconfortante n’était-elle pas<br />

Lutte finale 674<br />

Anne Fulda, responsable de la rubrique<br />

politique au Figaro, qui a fait campagne<br />

à longueur de colonnes pour rectifier<br />

l’image de M. Sarkozy et la faire passer<br />

de traître politique à mari fidèle ? » [15]<br />

Puis viendra Carla. Un tel spectacle fait<br />

souhaiter ardemment de se soumettre au<br />

régime de sa douce férule [16]. Dont acte.<br />

La Civilisation peut enfin nous assujettir...<br />

[1] : (Nicolo Machiavel, « Le Prince », XIV, in fine, 1532,<br />

trad. Christian Bec, Bordas, 1987, réed. Presses Pocket,<br />

1990, p. 78)<br />

[2] : (2/4/1993, cité par Xavier Pasquini, « Carnet. Nicolas<br />

Sarkozy de Nagy Bosca », Charlie hebdo, 26/1/1994, p. 5)<br />

[3] : (Le Canard enchaîné, 19/6/2002, p. 2, d’après La<br />

Tribune, 13/6/2002)<br />

[4] : (Le Canard enchaîné, 5/11/2003, p. 7)<br />

[5] : (Communiqué de la Société des journalistes (SDJ) de<br />

France 2, 30/3/<strong>2005</strong>)<br />

[6] : (« Télé : Barroso censuré par France 2 ? », nouvelobs.com,<br />

31/3/<strong>2005</strong>, http://archquo.nouvelobs.com/cgi<br />

/articles?ad=europe/<strong>2005</strong>0331.OBS2672.html)<br />

[7] : (Ecouter Wu-M-P, « Public Sarkozy#1 (live Bourget) »,<br />

http://wu-m-p.org/MP3/1-PublicSarkozyN1.mp3, 3,9 Mo)<br />

[8] : (« La note du sacre enfle encore », Le Canard enchaîné,<br />

15/12/2004, p. 2)<br />

[9] : (« Nicolas Sarkozy », acrimed, http://www.acrimed.or<br />

g/mot551.html)<br />

[10] : (« Le sacré sacre de Sarko », Le Canard enchaîné,<br />

17/11/2004, p. 2)<br />

[11] : (« Johnny Lagardère », Le Canard enchaîné,<br />

18/5/<strong>2005</strong>, p. 2)<br />

[12] : (Le Plan B, 10/7/2006, http://www.leplanb.org/do<br />

cumentation/cartePPA-juin2006_l.pdf)<br />

[13] : (Jean-Baptiste de Montvalon et Philippe Ridet,<br />

« Nicolas Sarkozy, omniprésent dans tous les médias, assume<br />

ses “excès” et ses déboires conjugaux », Le Monde,<br />

1/7/<strong>2005</strong>, p. 8)<br />

[14] : (www.publicisevents.com)<br />

[15] : (Thierry Meyssan, « France 2007. La peopolisation<br />

de la campagne présidentielle », voltairenet.org,<br />

22/1/2007, http://www.voltairenet.org/article144730.html)<br />

[16] : (http://www.dailymotion.com/video/x72d4_le-vraisarkozy)<br />

« “In extremis” ou “Trop tard” » [1] ? Estil<br />

encore temps pour l'espèce humaine


d'échapper à l'anéantissement ? Point<br />

de fuite ? « Que faire ? » [2]<br />

A notre époque, où les représentations<br />

politiques et médiatiques sont si visiblement<br />

contestables, il y a remise en question<br />

de la façon dont s'organise la vie en<br />

commun. Mais les vrais propriétaires du<br />

pouvoir ne se laisseront pas dessaisir et<br />

sauront provoquer l'agression (terroriste,<br />

sanitaire, ...) qui justifiera l'établissement<br />

de l'Etat d'urgence et de la répression<br />

psychosociale ad hoc.<br />

Ils annonceront la menace sur la démocratie<br />

et la réaliseront eux-mêmes. « On<br />

[... peut en effet sentir] de la part de<br />

l’oligarchie un désir [plus ou moins]<br />

inconscient de catastrophe, la<br />

recherche d’une apothéose de la<br />

consommation qui serait la consommation<br />

de la planète Terre elle-même [... ;<br />

et si l’on survit, elle] pourrait être en<br />

situation d’en prendre prétexte pour<br />

afficher un autoritarisme débarassé des<br />

oripeaux de la démocratie. » [3]<br />

Face à cette « prédiction créatrice, qui<br />

transforme les craintes en réalité, [...]<br />

seule [... une conviction inverse] permet<br />

de briser le cercle tragique de la peur<br />

génératrice du désordre social. » [4]<br />

On aura pourtant remarqué une absence<br />

apparente de projet positif dans cet<br />

ouvrage : « Comme [le] nom [de la<br />

revue] l’indique, cela [démolit] tout, mais<br />

ne propose pas grand chose. » [5]<br />

« L’exercice panoramique [... auquel<br />

nous nous sommes livrés a cependant]<br />

un avantage : face à tant de dysfonctionnements,<br />

il suggère l’abondance<br />

des front civiques, ce qui multiplie les<br />

opportunités [de lutte]. La stratégie<br />

paranoïde d’un Rumsfeld, qui veut instaurer<br />

une puissance “illimitée”, a<br />

besoin de tout contrôler – fût-ce des<br />

zones d’anarchie – dans les domaines<br />

politique, économique, juridique, social,<br />

financier, scientifique, technique, culturel,<br />

médiatique…<br />

Il s’en déduit que bien des résistances<br />

675 Lutte finale


apparemment sectorielles peuvent lui<br />

devenir extrêmement gênantes pour ce<br />

système. Les mouvements civiques devinaient<br />

sans doute, mais ne mesuraient<br />

pas assez que leurs luttes très diverses,<br />

contre les paradis fiscaux, les dettes<br />

odieuses, l'arrogance de l'OMC, la dissémination<br />

des OGM, le tout-nucléaire, les<br />

trafics d'armes légères, l'expansion du<br />

mercenariat ou pour une Cour pénale<br />

internationale, l'accès aux soins des<br />

malades du sida, etc., atteignaient les<br />

mêmes logiques du pouvoir, profondément<br />

imbriquées.<br />

Le fait même qu’il y ait dans ces luttes<br />

quantité de gens qui ne sont ni intimidables,<br />

ni achetables, contrevient au<br />

présupposé n° 1 des stratégies mises<br />

en œuvre : tout un chacun peut être<br />

asservi à un statut de consommateur,<br />

désinformé dans les domaines clés ou<br />

circonvenu, ce qui ne laisse plus que<br />

des réfractaires très isolés donc vulnérables.<br />

» [6]<br />

« Les revendications indignées des<br />

citoyens sont autant de coups de boutoir<br />

; le système les absorbe, les “récupère”,<br />

mais il recule imperceptiblement<br />

[... ;] cela va plus vite si les coups sont<br />

bien ajustés [et cohérents]. C’est à cela<br />

que servent les exercices de lucidité : s’ils<br />

procurent au départ quelque découragement,<br />

ils peuvent ensuite donner l’envie<br />

et les moyens de réagir. » [7] On peut<br />

faire mal au système. « Ne laissez échapper<br />

aucune occasion de l'incommoder,<br />

faite-le périr en détail » [8]. Qu'on puisse<br />

enfin dire des maîtres du monde : « Ils<br />

ont vécu. » [9] Car nous voilà !<br />

[1] : (Jean-Pierre Courty et Venant Brisset, « Retour sur un<br />

projet », II, p. 3, 20/8/2003 (In extremis c/o Jean-Pierre<br />

Courty, B.P. 8, 48250 La Bastide))<br />

[2] : (Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, « Que faire ? »,<br />

2/1902, d'après Nikolaï Tchernychevsky, « Que faire ? »,<br />

1862-1863)<br />

[3] : (Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent la pla-<br />

Lutte finale 676<br />

nète », Seuil, 1/2007, pp. 113, 118)<br />

[4] : (Robert K. Merton, « Social Theory and Social structure<br />

», 2d éd., 1957, « Eléments de théorie et de méthode<br />

sociologique », trad. et adapt. Henri Mendras, Plon, 1953,<br />

1965, réed. Armand Colin, (1997), 2001, p. 157)<br />

[5] : (« Liquidation totale », Silence, http://www.revuesilence.net/pressedifferente.html)<br />

[6] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », in fine, les<br />

Arènes, 3/2002, p. 280)<br />

[7] : (François-Xavier Verschave, op. cit., p. 67)<br />

[8] : (Sun Tse, « L'art de la Guerre », II, ~Ve s., trad. fr. Jean-<br />

Jacques Amiot, réed. Presses Pocket, 1993, p. 20)<br />

[9] : (Mots de Cicéron au peuple après avoir fait exécuter<br />

les complices de Catilina.)<br />

1


(Evidemment non exhaustif...)<br />

A<br />

A babord ! (revue sociale et politique)<br />

(35 $ canadiens pour 5 n° s à l’ordre de)<br />

La revue A bâbord ! 5819 de Lorinier,<br />

Montréal, Qc, H2G 2N8, Canada<br />

(info@babord.org) : http://www.ababord.org<br />

A contrario (revue interdisciplinaire de<br />

sciences sociales), (20 euros, Ab t 1 an, 2<br />

n° s : 35 euros) Université de Lausanne,<br />

Internef, S. 80.1, CH-1015<br />

Lausanne, Suisse, : http://www2.unil.ch<br />

/acontrario<br />

A contre courant (A contre courant<br />

syndical et politique) (1 an, 10 n° s, 10<br />

euros) : BP 2123, F-68060 Mulhouse<br />

Cedex (Rédaction : "A contre courant",<br />

1 rue Hugo, F-52100 Bettancourtla-Ferrée)<br />

(courrier@acontrecourant.org),<br />

http://www.acontrecourant.org<br />

A contre courant (plate-forme de<br />

réflexion et d’action anti-capitaliste)<br />

(courriel via le site) : http://acontrecourant.be<br />

(liste de diffusion)<br />

A contresens (webzine d’information<br />

alternative) 55, rue des prairies, F-75020<br />

Paris (contact@acontresens.com)<br />

http://www.acontresens.com (liste de<br />

diffusion et listes de discussion)<br />

A contretemps, (Bulletin de critique<br />

bibliographique) (courriel via le site<br />

web) : http://www.plusloin.org/ac<br />

A l’encontre (Revue politique virtuelle)<br />

Revue A l’encontre, Sévelin 28, Case postale<br />

120, CH-1000 Lausanne 20, Suisse :<br />

http://www.alencontre.org<br />

A trop courber l’échine, (Bulletin<br />

acrate (contre toute forme de pouvoir))<br />

c/o STA, BP 1021, F-76171 Rouen<br />

cedex 1<br />

AC ! Agir ensemble contre le<br />

Chômage, 21 ter, rue de Voltaire,<br />

F-75011 Paris (ac@agirensemblecontrelechomage.org),http://www.agirensemblecontrelechomage.org<br />

et secrétariat<br />

du réseau des collectifs d'AC, 23 bis<br />

rue Mathis, F-75019 Paris : http://www.<br />

ac.eu.org ; (listes de diffusion : http://w<br />

ww.ras.eu.org/listes/ac.html)<br />

ACJ (Association des Cyber-Journalistes)<br />

17 rue Melingue, F-14000 Caen<br />

(contact@cyber-journalistes.org) :<br />

http://cyber-journalistes.org (liste de diffusion)<br />

ACNM (Association Contre le Nucléaire<br />

et son Monde) BP 178 F-75967 Paris<br />

cedex 20<br />

L’Accroche (Le journal indépendant de<br />

Montpellier) 6, rue de Substantion,<br />

F-34000 Montpellier (redaction@laccroche.info)<br />

: http://laccroche.free.fr<br />

Acrimed (Action-Critique-Médias)<br />

Acrimed, 17 avenue des Sycomores,<br />

F-93310 Le Pré Saint Gervais.<br />

(06.21.21.36.13) (acrimed@wanadoo.fr) :<br />

http://www.acrimed.org (listes de diffusion)<br />

677 Dans l’ère revue


L’ACROnique du nucléaire,<br />

(Association pour le contrôle de la radioactivité<br />

dans l’Ouest) (Ab t1an, 4 n° s, 16<br />

euros) : ACRO, 138, rue de l'Eglise,<br />

F-14200 Hérouville Saint Clair) :<br />

http://www.acro.eu.org/acronique.html<br />

Actes de la recherche en sciences<br />

sociales (trimestriel, 14 euros, 150 n° s<br />

pdf gratuits) Collège de France, 3 rue<br />

d'Ulm, F-75005 Paris (courriel via le site) :<br />

http://www.ehess.fr/centres/cse/sommacte.html<br />

Action (mais aussi Protocoles<br />

et Action = Vie) : Act Up-Paris<br />

BP 287, F-75525 Paris cedex 11<br />

(01.48.06.13.89, Fax : 01.48.06.16.74)<br />

(courriel via le site web) :<br />

http://www.actupparis.org (liste de diffusion<br />

: http://www.actupparis.org/lettr<br />

e.php3)<br />

Action Consommation 40, rue de<br />

Malte F-75011 Paris (01.48.05.86.81) :<br />

www.action-consommation.org<br />

Action Paysages (lutte notamment<br />

contre l'affichage publicitaire envahissant)<br />

(ab t 2 n° s, 10 euros comprenant<br />

l'adhesion à) Paysages de France,<br />

MNEI, 5, Place Bir Hakeim, F-38 000<br />

Grenoble, (Tél & Tcp : 04.76.03.23.75)<br />

(contact@paysagesdefrance.org) :<br />

http://paysagesdefrance (http://www.d<br />

ailymotion.com/PAYSAGES-DE-FRANCE)<br />

Actuel Marx, (semestriel, 24 euros),<br />

19, boulevard du Midi, F-92000<br />

Nanterre (ActuelMarx@u-paris10.fr) :<br />

http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx<br />

Actu Environnement (L'actualité professionnelle<br />

du secteur de l'environnement)<br />

(courriel via le site web) :<br />

http://www.actu-environnement.com<br />

(liste de diffusion)<br />

Afrique XX1 (ab t 1 an, 4 n° s, 15 euros<br />

à Afrique XX1) c/o CNT, 33 rue<br />

des Vignoles, F-75020 Paris :<br />

http://www.afrique21.org<br />

Dans l’ère revue 678<br />

L'Âge de faire (Ecologie, citoyenneté,<br />

solidarité) (ab t 1an, 11 n° s, 8 euros) La<br />

Treille, F-04290 Salignac (04.92.61.24.97)<br />

(journal@lagedefaire.org) : http://www.la<br />

gedefaire.org<br />

Agenda de la pensée contemporaine<br />

(ab t : 3 n° s par an, 12 euros) Institut<br />

de la pensée contemporaine, Université<br />

de Paris-7, 2, place Jussieu, F-75251<br />

Paris Cedex 05 : http://agenda.ipc.univparis-diderot.fr<br />

Agir contre la guerre (agircontrelaguerre@yahoo.fr)<br />

: http://agircontrelaguerre.free.fr<br />

(liste de diffusion)<br />

Agir ici Oxfam France - Agir ici,<br />

104 rue Oberkampf, F-75011 Paris<br />

(01.56.98.24.40 Tcp : 01.56.98.24.09)<br />

(info@oxfamfrance.org) :<br />

http://www.oxfamfrance.org<br />

L'Agitateur (webzine de Bourges et<br />

d'ailleurs) (redaction@agitateur.org) :<br />

http://www.agitateur.org<br />

Agitkom (résistance libertaire et musicale)<br />

(contakt@agitkom.net) :<br />

http://www.agitkom.net<br />

Agone (articles de critiqe politique,<br />

d’histoire sociale, de philosophie, de littérature<br />

engagée et de résistance culturelle)<br />

(semestriel, 20 euros) BP 70072, F-<br />

13192 Marseille (04.91.90.82.19) (infoagone@atheles.org)<br />

: http://atheles.org/<br />

agone/revueagone<br />

Ahimsa (la revue de la dissidence à<br />

l’ordre économique) 77 rue de la Verrerie<br />

F-75004 Paris (06.26.44.68.29)<br />

(marc.jutier@free.fr) : http///www.jutier.net<br />

A-Infos (Une agence d'actualités par<br />

pour et au sujet des anars) (a-infosfr@ainfos.ca)<br />

: http://www.ainfos.ca/fr<br />

(liste de diffusion)<br />

Alliage (Culture Science Technique)<br />

IUFM, 89 avenue Georges V, F-06000<br />

Nice (0493868793, tcp 0493968262) (4<br />

n° s : 52 euros à ANAIS) : http://www.tribunes.com/tribune/alliage/accueil.htm


Alliance pour la planète 28, rue de la<br />

Folie-Régnault, F-75011 Paris<br />

(01.44.64.40.48) (presse@lalliance2007.fr)<br />

: http://www.lalliance.fr<br />

Alter DivX (référence les vidéos disponibles<br />

en ''peer to peer'' sur internet)<br />

(alterdivx@free.fr) : http://alterdivx.free.fr<br />

Alter Info (03.89.60.34.50 Rép :<br />

09.54.00.54.78) : http://www.alterinfo.net<br />

Alterinfos (dial, Diffusion de<br />

l’Information sur l’Amérique latine) :<br />

http://www.alterinfos.org (liste de diffusion)<br />

Altermondes (Ensemble, réinventer le<br />

développement), (trimestriel, 5 euros)<br />

14, passage Dubail, F-75010 Paris<br />

(01.44.72.89.72) (abt 4n° s : 20 euros/an)<br />

(altermondes@altermondes.org) :<br />

http://www.altermondes.org<br />

Alternative libertaire (Belgique) BP<br />

3, B-4000 Liége, Belgique (libertaire17@wanadoo.fr)<br />

: http://<strong>page</strong>sperso.orange.fr/libertaire<br />

Alternative Libertaire (France) (mensuel,<br />

abt 1 an, 11 n° s : 20 euros voire 15<br />

euros) BP 295, F-75921 Paris Cedex 19<br />

(Me-V, 17h-20h : 09.50.23.19.36)<br />

(contacts@alternativelibertaire.org) :<br />

www.alternativelibertaire.org (liste de<br />

diffusion)<br />

Alternatives non violentes (trimestriel,<br />

12 euros ; 1 an 4n° s : 36 euros)<br />

Centre 308, 82, rue Jeanne d’Arc,<br />

F-76000 Rouen : http://www.irnc.org<br />

Alternatives Sud (Le Centre<br />

Tricontinental Cetri) (13 euros, abt 1 an,<br />

4 n°s : 50 euros) Avenue Sainte<br />

Gertrude 5, B-1348 Louvain-la-Neuve,<br />

Belgique : http://www.cetri.be (liste de<br />

diffusion)<br />

Les Amis de la Terre – France (2B rue<br />

Jules Ferry, F-93100 Montreuil) :<br />

http://www.amisdelaterre.org<br />

Les Amis de Ludd (Bulletin d'information<br />

anti-industriel), trad. fr. ed. "petite<br />

capitale" ou ed. de la lenteur<br />

Amnistia.net (Les Enquêtes interdites)<br />

(pdf + accès à tout le site : ab t : essai : 15<br />

jours : 4 euros, 3 mois : 18 euros, 1 an :<br />

50 euros) 111, rue Ordener, F-75018<br />

Paris (redaction@amnistia.net) :<br />

http://amnistia.net<br />

Anafé (association nationale d'assistance<br />

aux frontières pour les étrangers)<br />

21 ter, rue Voltaire, F-75011 Paris,<br />

(01.43.67.27.52 - Permanence juridique :<br />

01.42.08.69.93) : http://www.anafe.org<br />

Anpag (Association pour de nouvelles<br />

perspectives à gauche) BP 6269, 14067<br />

Caen Cedex 4 (02.31.75.33.65)<br />

(anpag@anpag.org) : http://anpag.org<br />

Antibiométrie (06.20.78.37.11) : http:<br />

//antibiometrie.com (liste de diffusion)<br />

Antisocial (du son !) : http://antisociall.be<br />

Archipel (Forum Civique Européen),<br />

(ab t 1 an, 10 n° s, 32 euros au FCE) Le<br />

Pigeonnier, F-04300 Forcalquier,<br />

(04.92.73.05.98 Tcp : 04.92.73.18.18)<br />

(france@forumcivique.org) :<br />

http://www.forumcivique.org/index.ph<br />

p?lang=FR<br />

Archives et documents situationnistes<br />

9, rue du Cherche-Midi, F-75006<br />

Paris (01.44.39.73.73 Tcp :<br />

01.44.39.73.90) (archivesitu@yahoo.fr) :<br />

archivesitu.zumablog.com<br />

Arte Radio : http://www.arteradio.com<br />

(podcast)<br />

Asud-Journal (revue de Asud<br />

Autosupport des usagers de drogues)<br />

(ab t 1 an, 4 n° s : 12 euros) Asud,206,<br />

rue de Belleville F-75020 Paris :<br />

www.asud.org<br />

Atelier de création libertaire<br />

(Editions), BP 1186 F-69202 Lyon<br />

cedex 01 (courriel via le site web) :<br />

http://ateliber.lautre.net (liste de diffusion)<br />

Athélès (des éditeurs se diffusent)<br />

Athélès, 20 rue des Héros, F-13001<br />

Marseille (04.91.64.52.13) (atheless@at<br />

679 Dans l’ère revue


heless.org) : http://atheles.org<br />

Attac France (Association pour la<br />

Taxation des Transactions financières<br />

pour l'Aide aux Citoyens) 66-72 rue<br />

Marceau, F-93100 Montreuil-sous-bois :<br />

http://www.attac.org (listes de difusion<br />

et de discussion)<br />

L’Autre Association (les films réalisés<br />

par Thomas Lacoste) (12 euros le film)<br />

3, rue des petites écuries, F-75010 Paris :<br />

http://www.lautrecampagne.org<br />

Les Autres Chiffres Du Chômage<br />

(émet des notes) (acdc2007@gmail.com) :<br />

http://acdc2007.free.fr<br />

Les Autres voix de la planête<br />

(+ livres de l'année : ab t 1 an : 38 euros,<br />

voire 22 euros) CADTM, Comité pour<br />

l’annulation de la dette du tiers-monde,<br />

CADTM France, 17, rue de la Bate, F-<br />

45150 Jargeau (CADTM International :<br />

345, av. de l'Observatoire B-4000 Liège,<br />

Belgique) : http://www.cadtm.org<br />

B<br />

Bakchich info, (Enquêtes, reportages<br />

& Dessous-de-table), Bakchich, 6B, passage<br />

Thiéré, F-75011 Paris (hebdomadaire,<br />

gratuit en téléchargement, ab t :<br />

40 voire 30 euros pour 6 mois) (01 48<br />

03 87 03) : http://www.bakchich.info<br />

Ban Public, (se veut un lien symbolique<br />

entre le dedans, caché parce qu’infâme<br />

aux yeux du monde, et le dehors qui ne<br />

sait pas ou n’accepte pas son reflet, son<br />

échec) 12 villa Laugier, F-75017 Paris<br />

(redaction@banpublic.org) : http://prison.eu.org<br />

barbarie.org : http://www.barbarie.org<br />

Barricata (zine de contre-culture du<br />

RASH (Red & Anarchist SkinHeads) de<br />

Paris et de sa banlieue) 21 ter, rue<br />

Voltaire, F-75011 Paris :<br />

http://contre.propagande.org<br />

Basta ! (l'autre monde près de chez<br />

vous) Alter-médias c/o Ivan du Roy,<br />

Dans l’ère revue 680<br />

2, rue d’Annam F-75020 Paris<br />

(contact@bastamag.org) :<br />

http://www.bastamag.org<br />

Batir sain : http://batirsain.free.fr<br />

Bellaciao (Se rebeller est juste, désobéir<br />

est un devoir, agir est nécessaire !) Le<br />

Scarabé - Bellaciao, 120, rue Lafayette,<br />

F-75010 Paris (bellaciaoparis@yahoo.fr) :<br />

http://bellaciao.org/fr (listes de diffusion,<br />

agenda militant)<br />

Betapolitique (blog politique connectif)<br />

(contact@betapolitique.fr) :<br />

http://www.betapolitique.fr<br />

Bibliothèque sonore (pour un savoir<br />

engagé) Association SPID - Le Voltaire,<br />

Avenue Roger Salengro, F-13400<br />

Aubagne (04.42.03.48.61) (redaction@bibliotheque-sonore.net)<br />

:<br />

http://www.bibliotheque-sonore.net<br />

Biens publics à l'échelle mondiale<br />

(Survie) : http://www.bpem.org<br />

Big Brother Awards (France)<br />

(Chaque année, décernent, dans une<br />

quinzaine de pays, des "prix Orwell")<br />

CICP, 21ter rue Voltaire, F-75020 Paris :<br />

http://bigbrotherawards.eu.org<br />

Billets d'Afrique et d’ailleurs<br />

(Bulletin mensuel d’information alternative<br />

sur les avatars de la politique de la<br />

France en Afrique) (1,90 euros, ab t 1 an,<br />

20 euros à) Survie, 210, rue, Saint<br />

Martin, F-75003 Paris, http://www.surviefrance.org/rubrique.php3?id_rubrique=48<br />

Bip 40 (Réseau Alerte Inégalités) :<br />

www.bip40.org/fr<br />

La Boîte à Images (Et si on s'arrêtait<br />

un instant pour regarder les images<br />

autrement ?) : http://laboiteaimages.ha<br />

utetfort.com<br />

Brave patrie (le vrai journal des vraies<br />

valeurs de la France vraie) (telephonebleu@bravepatrie.com)<br />

: http://bravepatrie.com<br />

La Breche (Mouvement Pour le<br />

Socialisme) (édite La Brèche, la Revue trimestrielle<br />

La Brèche, les cahiers de La


Brèche) (La Breche, case postale,<br />

CH-1000 Lausanne 20)<br />

(redaction@labreche.ch) :<br />

http://www.labreche.ch<br />

Brigade Activiste des Clowns (la BAC)<br />

(06.60.12.98.30 ou 06.87.52.00.54)<br />

(contact@brigadeclowns.org) :<br />

www.brigadeclowns.org<br />

La Brique (canard sans pub et sans<br />

pitié, de Lille) (bimestriel, 1,50 euro, 15<br />

euros à « les amis de la brique » pour 10<br />

n° s) 35/24, rue des Sarrazins, F-59000<br />

Lille, (labrique.lille@free.fr) (09.54.12.57<br />

.12) http://labrique.lille.free.fr)<br />

Brisons nos chaînes (contre la télé) ;<br />

librairie Publico, R.A.T., 145 rue Amelot,<br />

F-75011 Paris : http://bioventure.ouvaton.org/RAT.htm<br />

bUg Oth3r (comment protéger<br />

sa vie privée sur le Net ?) :<br />

http://www.bugbrother.com<br />

Bulletin baratarien (une bibliothèque<br />

d'histoire sociale) (ocelotl) (coatl@ocelotl.ath.cx)<br />

: http://www.barataria.be<br />

Bureau d'Etudes 13 rue des Couples,<br />

F-67000 Strasbourg (bureaudetudes@g<br />

mail.com) : http://utangente.free.fr/inde<br />

x2.html<br />

Bureau of Public Secrets (de Ken<br />

Knabb, en anglais) P.O. Box 1044<br />

Berkeley, CA 94701, USA :<br />

http://www.bopsecrets.org<br />

C<br />

Ca se passe comme ça :<br />

http://www.casepassecommeca.com<br />

(liste de discussion)<br />

Cahiers d’histoire immédiate (ab t 1<br />

an, 2 n° s : 22,87 euros) GRHI, pavillon<br />

de la recherche, 5, allée Antonio-<br />

Machado, F-31058 Toulouse Cedex 9)<br />

(ecastex@univ-tlse2.fr) : http://w3.univ-tl<br />

se2.fr/grhi/cahier/cahier.htm<br />

Les Cahiers de l’IEESDS (Institut<br />

d'études économiques et sociales pour<br />

la décroissance soutenable) (suppl t à La<br />

Décroissance) : http://www.decroissance.org<br />

Les Cahiers Jacques Ellul (pour une<br />

critique de la Société technicienne)<br />

Association Internationale Jacques Ellul,<br />

21, rue Brun, F- 33800 Bordeaux<br />

(05.56.94.04.14) (AIJE33@wanadoo.fr) :<br />

http://www.jacques-ellul.org<br />

Les Cahiers Marxistes 6, rue Notre-<br />

Dame-Débonnaire, 7000 Mons,<br />

Belgique : http://www.ulb.ac.be/socio/c<br />

marx<br />

Campagnes Solidaires (Confédération<br />

paysanne) (5 euros, ab t 1 an, 11 n° s : 22<br />

euros) 104, rue Robespierre, F-93170<br />

Bagnolet (01.43.62.82.82) :<br />

http://www.confederationpaysanne.fr<br />

Canalchalo (micro web-tv) :<br />

http://canalchalo.blogspot.com<br />

Le Canard enchaîné, [institution,<br />

certes, mais quand même...], 173 rue<br />

St-Honoré, F-75051 Paris cedex 01 (hebdomadaire,<br />

1,20 euro en kiosque, ab t<br />

6 mois, 26 n° s : 28,20 euros),<br />

01.42.60.31.36 (redaction@canardenchaine.fr)<br />

: http://www.lecanardenchaine.fr<br />

Carnets de nuit (blog politique d'une<br />

voix libre) : http://carnetsdenuit.typepad.com<br />

Carré Rouge (revue marxiste indépendante)<br />

(ab t 1 an, 4 n° s : 20 euros) Les<br />

Amis de Carré rouge, BP 125, F-75463<br />

Paris cedex 10) : http://www.carrerouge.org<br />

Cassandre (Paroles de théâtre. Pour<br />

une pratique contemporaine de l’art et<br />

le renouveau de l’action culturelle) (8<br />

euros, ab t 1 an, 4 n° s : 20 euros) - 50,<br />

rue du faubourg Saint-Martin, F-75010<br />

Paris) : www.horschamp.org<br />

Casseurs de pub (La Décroissance/<br />

Casseurs de pub) 11, place Croix-Pâquet,<br />

F-69001 Lyon (04.72.00.09.82 Tcp<br />

04.77.41.18.16) : http://www.casseursdepub.net<br />

(liste de diffusion)<br />

681 Dans l’ère revue


Cause commune Collectif anarchiste<br />

La Nuit, a/s E.H, C.P. 55051, 138 St-<br />

Vallier O., Québec (Qc), G1K 1J0,<br />

Canada : http://nefac.net/node/1790<br />

Causes communes (de la Cimade, service<br />

œcuménique d’entraide) (5 euros,<br />

abt 1 an, 4 n° s : 20 euros) (64, rue<br />

Clisson, F-75013 Paris) : ww.cimade.org<br />

CDRPC (Centre de Documentation et<br />

de Recherche sur la Paix et les Conflits,<br />

de l’Observatoire des armements), 187,<br />

montée de choulans, F-69005 Lyon<br />

(04.78.36.93.03) (cdrpc@obsarm.org) :<br />

http://www.obsarm.org<br />

CEDETIM (Centre d’Etudes et<br />

d’Initiatives de Solidarité Internationale) :<br />

www.cedetim.org<br />

Centre de recherche sur la mondialisation<br />

101 Cardinal Léger, Boîte postale<br />

51004, Pincourt, Québec, J7V 9T3<br />

Canada (1-514-425-3814 Tcp : 1-514-<br />

425-6224) (crm_crg@yahoo.com) :<br />

http://www.mondialisation.ca<br />

Centre de sociologie européenne :<br />

http://www.ehess.fr/centres/cse<br />

Cette Semaine (et des Brèves du<br />

Désordre, récentes) trimestriel, prix libre<br />

et pdf gratuits sur le site ou abt, 1 an,<br />

12,5 euros, exemplaire gratuit sur<br />

demande), BP 275, F-54005 Nancy<br />

cedex (cettesemaine@no-log.org) (trimestriel,<br />

16 euros. – 21 ter, rue Voltaire,<br />

F-75011 Paris) : http://cettesemaine.free.fr<br />

Changement de société :<br />

http://socio13.wordpress.com<br />

Chevillette2007 (République,<br />

Politique, Economie, Monde du travail) :<br />

http://chevillette2007.hautetfort.com<br />

Chomsky Torrents (propose de nombreux<br />

films sur Chomsky mais aussi sur<br />

des alterismes diverses) (en anglais souvent)<br />

: http://www.chomskytorrents.org<br />

La Chronique (abt 1 an, 12 n° s : 36<br />

euros à) Amnesty International section<br />

française, service relations membres<br />

Dans l’ère revue 682<br />

donnateurs, 72-76, B d de la Villette,<br />

F-75940 Paris cedex 19<br />

(webmestre@amnesty.fr) : http://www.a<br />

mnesty.fr (liste de diffusion)<br />

CICP (Centre International de Culture<br />

Populaire) 21ter rue Voltaire, F-75011<br />

Paris (01.43.72.15.73 Tcp :<br />

01.43.72.15.77) (cicp@no-log.org) :<br />

http://www.cicp21ter.org<br />

CIRA (Centre International de<br />

Recherches sur l'Anarchisme) av. de<br />

Beaumont 24, CH-1012 Lausanne,<br />

Suisse (cira@plusloin.org) : www.cira.ch<br />

Circ (Fédération des Collectifs<br />

d'Information et de Recherche<br />

Cannabique) : http://www.circ-asso.net<br />

Cités (15 euros, ab t 1 an, 4 n° s : 45<br />

euros au) PUF - Département des<br />

Revues, 6, avenue Reille, 75685 Paris<br />

cedex 14) Revue "Cités" CNRS-CHPM, 7,<br />

rue Guy-Môquet, 094801 Villejuif cedex)<br />

(01.49.58.36.45) (llotte@vjf.cnrs.fr ou<br />

chpm@vjf.cnrs.fr) : http://philo.vjf.cnrs.fr<br />

Citoyen lambda :<br />

http://www.citoyenlambda.net<br />

Citron Vert (Gildas Bizeul, 3, rue<br />

Roland Vachette, F-93200 St-Denis<br />

(01.48.22.80.54 tcp : 01.48.22.80.54)<br />

email: gildas@citronvert.org) :<br />

http://www.citron-vert.info<br />

Claude Guillon (claudeguillon@internetdown.org)<br />

: http://claudeguillon.inte<br />

rnetdown.org<br />

Clifti (Collectif pour les Libertés<br />

Individuelles Face aux Technologies de<br />

l’Information) (clifti@clifti.org) :<br />

http://www.clifti.org (liste de diffusion)<br />

Clown... à Responsabilités Sociales<br />

(contact@clownscrs.com) :<br />

http://www.clownscrs.com<br />

CNT (Confédération Nationale du<br />

Travail) 33 rue des Vignoles, F-75020<br />

Paris : http://www.cnt-f.org<br />

Co-errances (Diffusion/distribution)<br />

(librairies@co-errances.org) 45 rue


d’Aubervilliers F-75018 Paris<br />

(01.40.05.04.24) : http://www.coerrances.org<br />

Coalition francophone pour la<br />

Cour pénale internationale :<br />

http://www.iccnow.org/?lang=fr<br />

Collectif des associations et des<br />

syndicats contre la connexion des<br />

fichiers fiscaux et sociaux (c/o<br />

André Narritsens case 450 263 rue de<br />

Paris, F-93514 Montreuil cedex<br />

(01.48.18.80.67 Tcp : 01.48.70.71.63)<br />

Le Collectif George Orwell Contre la<br />

Biométrie : http://1984.over-blog.com<br />

Collectif Informatique Fichiers et<br />

Citoyenneté c/o CREIS Département<br />

Informatique 4 Pl Jussieu F-75005 Paris<br />

(01.44.27.71.13) (e.creis@wanadoo.fr) :<br />

http://www.creis.sgdg.org<br />

Collectif pour les droits des<br />

citoyens face à l'informatisation de<br />

l'action sociale Contacts : SNMPMI,<br />

65-67 rue d'Amsterdam F-75008 Paris<br />

(01.40.23.04.10 Tcp : 01.40.23.03.12) ;<br />

ANAS - 15 rue de Bruxelles 75009 Paris<br />

(01.45.26.33.79 Tcp : 01.42.80.07.03)<br />

Le Combat syndicaliste (journal des<br />

syndicats CNT) (mensuel, 2 euros, abt : 3<br />

mois : gratuit, 1 an : 11 n° s oste.net) : http://contreinfo.info<br />

Contre-Temps (à contretemps, au carrefour<br />

des radicalités) (ab<br />

: 22 euros, à<br />

c/o CNT 31, 18, avenue de la gloire, F-<br />

31500 Toulouse) BP 30423, F-35004<br />

Rennes cedex (08.10.00.03.67 Tcp :<br />

02.99.63.12.58) : http://www.cnt-f.org<br />

Compagnie Jolie Môme BP 22,<br />

F-92235 Gennevilliers Cedex,<br />

(01.48.59.67.80) : http://cie-joliemome.org<br />

Confidentiel.net (contact@confidentiel.net)<br />

: http://www.confidentiel.net<br />

(liste de diffusion et forum)<br />

Contr'atom Case Postale 65, CH-1211<br />

Genève 8, Suisse) (022.740.46.12)<br />

(info@contratom.ch) : http://www.contr<br />

atom.ch<br />

Contre Info · info (Informations<br />

Analyses Commentaires) (contreinfo@lap<br />

t 1an : 3 n° s :<br />

57 euros à) Textuel, 48, rue de Vivienne,<br />

F-75002 Paris (01.53.00.40.40 Tcp :<br />

01.53.00.40.50) : http://www.contretemps.ras.eu.org<br />

Controverses (Revue d'Idées) (abt 1 an,<br />

3 n° s : 60 euros) Editions de l'éclat, 4<br />

avenue Hoche, F-75008 Paris :<br />

http://www.lyber-eclat.net/controverses.html<br />

Convergences révolutionnaires<br />

(Revue publiée par la fraction de Lutte<br />

Ouvrière) (abt 1 an, 6 n° s : 9 euros) "Les<br />

amis de Convergences" BP 128, F-75921<br />

Paris cedex 19 (cr@convergencesrevolutionnaires.org)<br />

: http://www.convergencesrevolutionnaires.org<br />

Correspondances International<br />

(mensuel, 3 euros) 20, rue Cavelier de la<br />

Salle, F-34000 Montpellier<br />

Cosmopolitiques (cahiers théoriques<br />

pour l'écologie politique) (18 euros le n°,<br />

abt 1 an, 3 n° s : 45 euros) 50 rue du<br />

Faubourg du Temple, F-75011 Paris<br />

(dominique.boullier@uhb.fr) :<br />

http://www.cosmopolitiques.com<br />

Le Couac (un drôle d'oiseau) (1 an : 50<br />

$ canad.) C.P. 222, Succursale D,<br />

Montréal, Québec, H3K 3G5, Canada<br />

(info@lecouac.org) : http://www.lecouac.org<br />

Courant Alternatif (Organisation<br />

Communiste Libertaire) (numéro gratuit<br />

sur demande, abt 1 an : 25 euros à<br />

l’ordre de la Galère) OCL/Egregore, BP<br />

1213, F-51058 Reims Cedex (oclibertaire@hotmail.com)<br />

: http://oclibertaire.free.fr<br />

Le courrier de la Baleine (revue des<br />

Amis de la Terre) (abt : 12 euros, numéro<br />

gratuit sur demande via le web) Les<br />

Amis de la Terre France, 2B, rue Jules<br />

Ferry, F-93100 Montreuil<br />

(01.48.51.32.22 Tcp : 01.48.51.95.12) :<br />

http://www.amisdelaterre.org/-Le-<br />

683 Dans l’ère revue


Courrier-de-la-Baleine-.html<br />

CP Productions (films de Pierre Carles,<br />

etc.) 9 rue du jeu de ballon, F-34000<br />

Montpellier (04.67.02.47.33) (cp-productions@wanadoo.fr)<br />

:<br />

http://atheles.org/cpproductions<br />

CQFD (« Ce qu’il faut dire, détruire,<br />

découvrir... ») (mensuel, 2 euros , vendu<br />

en kiosque) BP 2402, F-13215 Marseille<br />

Cedex : http://cequilfautdetruire.org<br />

Cryptome (en anglais) (documents US<br />

déclassifiés, ...) : http://cryptome.org<br />

Cultures & Conflits Sociologie politique<br />

de l'international, (numéros téléchargeables<br />

gratuitement, 1an, 4 n° s :<br />

54,90 euros) 41, rue Amilcar Cipriani,<br />

F-93400 Saint-Ouen (01.49.21.20.86)<br />

(redaction@conflits.org) :<br />

http://www.conflits.org<br />

Cuverville (maison toulonnaise fondée<br />

en 1995) BP 6027, F-83064 Toulon<br />

cedex (webmestre@cuverville.org) :<br />

http://www.cuverville.org (liste de diffusion)<br />

CVUH (Comité de Vigilance face aux<br />

usages publics de l’histoire) c/o Thomas<br />

Loué, 10, rue Lanne, F-93200 Saint-Denis)<br />

(cvuh@free.fr) : http://cvuh.free.fr<br />

Cyber@cteurs (votre souris a du pouvoir)<br />

(c/o Alain Uguen, 152 rue<br />

F.Pelloutier, F-29000 Quimper<br />

(02.98.90.49.34) (courriel via le web) :<br />

http://www.cyberacteurs.org (liste de<br />

diffusion)<br />

D<br />

DAL (Droit Au Logement) 8 rue des<br />

Francs Bourgeois, F-75003 Paris :<br />

http://www.globenet.org/dal<br />

Damoclès (Centre de Documentation<br />

et de Recherche sur la Paix et les<br />

Conflits) 187, montée de Choulans,<br />

F-69005 Lyon :<br />

http://www.obsarm.org/index.htm<br />

davduf.net (petite maison de david<br />

dufresne, documentariste) :<br />

Dans l’ère revue 684<br />

http://www.davduf.net (liste de diffusion)<br />

La Décroissance (le journal de la joie<br />

de vivre) (1 an, 10 n° s, 19 euros<br />

à "Casseurs de pub"), La<br />

Décroissance/Casseurs de pub - 11,<br />

place Croix-Pâquet - 69001 Lyon :<br />

http://www.ladecroissance.net<br />

dedefensa (lettre bimensuelle d'analyses,<br />

traitant des problèmes politiques,<br />

stratégiques et industriels) (3 numéros<br />

gratuits sur demande, 20 n° s/an) 22 rue<br />

du Centenaire, B-4624 Fléron, Belgique<br />

(courriel via le web) : http://www.dedefensa.org<br />

DELIS (Droits et libertés face à l’informatisation<br />

de la société)<br />

(contact@delis.sgdg.org) :<br />

http://www.delis.sgdg.org<br />

Démocratie & Socialisme (mensuel<br />

pour ancrer le partis socialiste à gauche)<br />

(Ab t : 25 euros/an ou 15 euros par<br />

semestre à) FM-D&S, 85, rue<br />

Rambuteau F-75001 Paris) (webmestre@democratie-socialisme.org)<br />

:<br />

http://www.democratie-socialisme.org<br />

Demosphère (Rendez-Vous en région<br />

parisienne) : http://demosphere.eu<br />

Desinformations (Le site satirique francophone<br />

de bon goût dont toutes les<br />

informations sont fausses) :<br />

http://www.desinformations.com<br />

Dif’pop (diffuseur militant), 21 ter, rue<br />

Voltaire, F-75011 Paris (01.40.24.21.31 Tcp :<br />

01.40.24.15.88) (infos@difpop.com) :<br />

www.difpop.com<br />

Différences (revue du MRAP,<br />

Mouvement contre le Racisme et pour<br />

l'Amitié entre les Peuples :<br />

http://www.mrap.asso.fr) (6 euro le n°,<br />

ab t 1 an, 4 n° s, 21 euros) 43, bd Magenta,<br />

F-75010 Paris (01.53.38.99.99) :<br />

http://www.mrap.fr/differences<br />

Dissidence (contact@dissidence.fr) :<br />

http://www.dissidence.libre-octet.org


La Domination du Monde (le blog de<br />

Denis Robert) : http://www.ladominationdumonde.blogspot.com<br />

Droit et Société (Revue internationale<br />

de théorie du droit et de sociologie juridique)<br />

Institut des Sciences Sociales du<br />

Politique (ISP), École Normale<br />

Supérieure, 61 avenue du Président<br />

Wilson, F-94235 Cachan cedex) :<br />

http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/revue-ds.htm<br />

E<br />

Les eaux glacées du calcul égoïste<br />

(Marc Laimé) (marc@rezo.net) :<br />

http://www.eauxglacees.com<br />

Ecologie Révolutionnaire :<br />

http://perso.orange.fr/marxiens<br />

Eco-echos (développement durable &<br />

autres considérations) (isabelle@ecoechos.com)<br />

:<br />

L'Ecologiste (édition française de The<br />

Ecologist) (en kiosque, ab t : 1 an 4 n° s +<br />

1 livre : 39 euros, envoi 18-24, quai de<br />

la Marne 75164 Paris Cedex 19) rédaction<br />

: 25, rue de Fécamp F-75012 Paris.<br />

(01.46.28.70.32 Tcp : 01.43.47.03.38) :<br />

http://www.ecologiste.org (liste de diffusion)<br />

Econo-Ecolo (le guide des économies<br />

écologiques) : http://www.econoecolo.org<br />

EcoRev' (revue critique d'écologie politique)<br />

(9,5 euro/n°, Ab t 1 an, 4 n° s : 20<br />

euros, voire 12 euros) 22 villa des<br />

Sizerins F-75019 Paris (contact@ecorev.org)<br />

: http://ecorev.org<br />

Editions Acratie, L’Essart F-86310, La<br />

Bussière (05.49.48.58.31) (editionsacratie@minitel.net)<br />

: http://acratie.ouvaton.org<br />

Editions Aden 44 rue a. Bréart,<br />

B-1060 Bruxelles, Belgique<br />

(contact@editionsaden.com) : http://w<br />

ww.aden.be<br />

Editions Agone (courriel général :<br />

info@agone.org ; pour la presse :<br />

contact@agone.org) BP 70072, F-13192<br />

Marseille cedex 20<br />

Editions Allia 16 rue Charlemagne<br />

F-75004 Paris : http://www.alliaeditions.com<br />

Editions Alternatives 33 rue Saint-<br />

André-des-Arts, F-75006 Paris<br />

(01.46.33.47.33 Tcp : 01.43.29.02.70)<br />

(info@editionsalternatives.com) :<br />

http://www.editionsalternatives.com<br />

Editions antisociales (mail@editionsantisociales.com)<br />

: http://www.editionsantisociales.com<br />

Editions de l’atelier 51-55 rue Hoche<br />

Bât. B Hall 1 Étage 3, F-94200 Ivry-sur-<br />

Seine (contact@editionsatelier.com) :<br />

http://www.editionsatelier.com<br />

Éditions de l'Encyclopédie des<br />

Nuisances 80, rue de Menilmontant,<br />

F-75020 Paris (01.43.49.39.46)<br />

Editions du Croquant Broissieux<br />

F-73340 Bellecombe-en-Bauges, (06.89.<br />

21.35.25) (info@editionsducroquant.org) :<br />

http://atheles.org/editionsducroquant<br />

Editions EPO EPO Lange Pastoorstraat<br />

25-27, B-2600 Anvers (Berchem),<br />

Belgique ; http://www.epo.be/editions/nouveau.php<br />

Editions Homnisphères 21 rue<br />

Mademoiselle, F-75015 Paris,<br />

01.46.63.66.57, info@homnispheres.co<br />

m : http://homnispheres.info<br />

Éditions Ivrea 1 Place Paul Painlevé<br />

F-75005 Paris Tel : 01.43.26.06.21<br />

Editions l'esprit frappeur Agora<br />

International, 9, passage Dagorno,<br />

F-75020 Paris : http://www.agora-international.com<br />

Editions la Fabrique 64 rue Rébeval,<br />

F-75019 Paris (01.40.15.02.63) (lafabrique@lafabrique.fr)<br />

: http://www.lafabrique.fr<br />

Editions Labor 140 c chaussée de<br />

685 Dans l’ère revue


Philippeville B-6280 Loverval Belgique :<br />

http://www.labor.be<br />

Éditions Le Mot et le reste, histoire<br />

sociale et politique, esthétique, poésie<br />

contemporaine, littérature, 35 traverse<br />

de Carthage, F-13008 Marseille,<br />

(ed.mr@wanadoo.fr) :<br />

http://atheles.org/lemotetlereste<br />

Editions les Arènes 3, rue Rollin F-<br />

75005 Paris (01.42.17.47.80 Tcp :<br />

01.43.31.77.97) : http://www.arenes.fr<br />

Editions Les Requins Marteaux 28,<br />

Av. François Verdier F-81000 Albi<br />

(05.63.38.71.31 Tcp : 05.63.47.94.23)<br />

(requins.marteaux@wanadoo.fr) :<br />

http://supermarcheferraille.free.fr/home.htm ;<br />

http://www.lesrequinsmarteaux.org<br />

Editions Page deux Case postale 34,<br />

CH-1000 Lausanne 20, Suisse<br />

(<strong>page</strong>2@fastnet.ch)<br />

Editions Raisons d'agir, 27 rue<br />

Jacob, F-75261 Paris cedex 06 (Tcp :<br />

01.44.27.18.52) (editions@raisonsdagireditions.org)<br />

Editions Syllepse 69 rue des Rigoles<br />

F-75020 Paris (01.44.62.08.89) :<br />

http://www.syllepse.net<br />

Editions tahin party 2o rue cavenne,<br />

F-69007 Lyon (04.78.58.07.17)<br />

(tahin.party@free.fr) : http://www.tahinparty.org<br />

L'En dehors (Quotidien Anarchiste en<br />

ligne) : http://endehors.org<br />

Entrefilets.com (contact@entrefilets.com) :<br />

http://www.entrefilets.com<br />

L'Envolée (journal anticarcéral), (1 an,<br />

15 euros à l'Envolée) 63, rue de Saint<br />

Mandé F-93100 Montreuil :<br />

http://lejournalenvolee.free.fr (Emission<br />

de radio, sur FPP [106.3] sur Paris, les<br />

vendredis de 19h à 20h30 et le lundi à<br />

12h.30 (rediff.))<br />

L'Etat de la planète Magazine :<br />

http://www.delaplanete.org<br />

Dans l’ère revue 686<br />

E-torpedo (le webzine sans barbelés) :<br />

http://e-torpedo.net<br />

Eucd.info (FSF France Initiative<br />

EUCD.INFO c/o Loïc Dachary 12 boulevard<br />

Magenta F-75010 Paris) :<br />

http://eucd.info<br />

Existence ! (le journal des chômeurs et<br />

précaires de APEIS (Association Pour<br />

l’Emploi, l’Information et la Solidarité))<br />

(Ab t 1 an, 5 n° s, Chômeurs, Rmistes et<br />

CES : 8 euros, Travailleurs précaires : 15<br />

euros, Soutien : 23 euros et plus, à<br />

l’ordre d’Abalabu) 8 rue de Verdun,<br />

F-94800 Villejuif (01.46.82.52.25) :<br />

http://www.apeis.org<br />

EZLN (via cspcl@altern.org) :<br />

http://cspcl.ouvaton.org ; http://zeztainternazional.ezln.org.mx<br />

(en espagnol)<br />

F<br />

Fakir (Journal d'enquêtes sociales,<br />

d'Amiens) 34 rue Pierre Lefort F-80000<br />

Amiens (ab t 1an : 20 euros pour 10<br />

n° s) : http://www.fakirpresse.info<br />

fluctuat.net (art, culture, société, poil è<br />

gratter...) (redaction@fluctuat.net) :<br />

http://www.fluctuat.net (liste de diffusion)<br />

Folklore de la Zone mondiale :<br />

http://www.folklorezm.com<br />

Fondation Copernic BP 32, F-75921<br />

Paris cedex 19 (06.75.25.77.76)<br />

(fondation.copernic@ras.eu.org) :<br />

http://www.fondation-copernic.org<br />

Le Forum des droits sur l'internet :<br />

http://www.foruminternet.org (liste de<br />

discussions)<br />

Fréquence Paris Plurielle (FPP)<br />

(pour donner la parole à ceux qui ne<br />

l’ont pas, 106.3 sur paname-fm) FPP, 45<br />

rue d’Aubervilliers, F-75018 Paris :<br />

http://www.rfpp.net<br />

Friture (mensuel régional des possibles)<br />

(ab t 6 mois, 6 n° s : 24 euros à<br />

Association 2bouts) Service abonnement,<br />

22 place du salin, F-31000 Tou-


louse) (09.54.62.04.01) (redaction@friture.net)<br />

: http://www.friture.net<br />

G<br />

Gavroche (revue d'histoire populaire)<br />

(ab t 1 an, 4 n° s : 30 euros à Gavroche)<br />

BP 863, F-27008 Evreux Cedex :<br />

http://www.gavroche.info<br />

La Gazette nucléaire (du GSIEN,<br />

Groupement des Scientifiques pour<br />

l'Information sur l'Energie Nucléaire)<br />

(ab t 1an : 23 euros) 2, rue François<br />

Villon, F-91400 Orsay :<br />

http://resosol.org/Gazette<br />

Globenet (L'Internet associatif et solidaire)<br />

(21 ter, rue Voltaire, F-75011<br />

Paris) (contact@globenet.org) :<br />

http://www.globenet.org<br />

Golias magazine (l’empêcheur de croire<br />

en rond) (ab t 1 an, 6 n° s : 48 voire 38<br />

euros) BP 3045, F-69605 Villeurbanne<br />

Cedex : http://www.golias.fr<br />

Le Grand Soir : http://www.legrandsoir.info<br />

Greenpeace 22, rue des Rasselins,<br />

75020 Paris : http://www.greenpeace.org/france<br />

(liste de diffusion)<br />

La Gryffe (revue de la) Librairie La<br />

Gryffe, 5 rue Sébastien Gryffe, F-69007<br />

Lyon (lagryffe@lagryffe.net) :<br />

http://www.lagryffe.net (liste de diffusion)<br />

Guerrelec (sur la guerre de l'information,<br />

la guerre électronique et autres technologies<br />

et programmes (militaires ou<br />

non)) (guerrelec@googlegroups.com) :<br />

http://groups.google.com/group/guerrelec<br />

(liste de discussion)<br />

H<br />

Histoires d'Ondes (h2o) (Création<br />

sonore et radiophonique) (h2o@ouvaton.org)<br />

: http://h2o.ouvaton.org (liste<br />

de diffusion)<br />

HNS-infos (Hactivist News Service)<br />

hns@hns-info.net : http://hns-info.net ;<br />

http://hns.samizdat.net<br />

HoaxBuster (première ressource fran-<br />

cophone sur les canulars du web)<br />

(redaction@hoaxbuster.com) :<br />

http://www.hoaxbuster.com (liste de<br />

diffusion)<br />

Hommes & Libertés (Ligue des Droits<br />

de l'Homme) 138 rue Marcadet,<br />

F-75018 Paris (01.56.55.51.00 Tcp :<br />

01.42.55.51.21) (ldh@ldh-france.org) :<br />

http://www.ldh-france.org<br />

I<br />

Non à INES : http://www.ines.sgdg.org<br />

In Extremis Jean-Pierre Courty, B.P. 8,<br />

F-48250 La Bastide<br />

Indymedia France (il y a plusieurs<br />

sites) : http://paris.indymedia.org<br />

Info Impartiale (contact@info-impartiale.net)<br />

: http://www.info-impartiale.net<br />

(liste de diffusion)<br />

L'Infoblog des luttes (eric_freidhe@ya<br />

hoo.fr) : http://eric.freidhe.over-blog.com<br />

Inf'OGM (veille citoyenne sur les OGM)<br />

(ab t 1 an, 11 n° s et 6 dossiers : 15 euros)<br />

2B, rue Jules Ferry, F-93100 Montreuil<br />

(01.48.51.65.40 Tcp : 01.48.51.95.12)<br />

(infogm@infogm.org) : http://www.info<br />

gm.org<br />

Infokiosques.net, (Brochures subversives<br />

à lire, imprimer, pro<strong>page</strong>r) :<br />

http://infokiosques.net<br />

Infos de Serre (Réseau Action Climat<br />

France) (téléchargement pdf gratuit) 2B,<br />

rue Jules Ferry, F-93100 Montreuil<br />

(01.48.58.83.92 Tcp : 01.48.51.95.12)<br />

(infos@rac-f.org) : http://www.rac-f.org<br />

(liste de diffusion)<br />

Infos de la Planète :<br />

http://www.infosdelaplanete.org (liste<br />

de diffusion)<br />

Infozone (outil technique pour favoriser<br />

la communication directe entre ceux<br />

et celles qui font les conflits sociaux et<br />

construisent des pratiques de transformation<br />

sociale) : (liste de diffusion :<br />

http://listes.samizdat.net/sympa/info/inf<br />

687 Dans l’ère revue


ozone_l)<br />

Inprecor (9euros, ab t 1 an, 11 n° s : 55<br />

euros (à l'ordre du PECI), PECI - Inprecor,<br />

27 rue Taine, F-75012 Paris (inprecor@wanadoo.fr)<br />

: http://www.inprecor.org<br />

IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire)<br />

: http://www.iris.sgdg.org (liste<br />

de diffusion)<br />

J<br />

Jibrile (revue belge de critique littéraire<br />

et politique) rue Henri Maus n°1B, B-<br />

4000 Liège, Belgique (revuejibrile@hotmail.com)<br />

: http://www.revuejibrile.com<br />

Le Jouet enragé (défunt journal pour<br />

diffuser en Europe la production journalistique<br />

et intellectuelle de Bolivie et<br />

d’Amérique latine) c/o Lady Long Solo,<br />

38, rue Keller, F-75011 Paris<br />

(08.72.73.81.53 et 06.33.14.96.03) (info<br />

@lejouetenrage.com) : http://lejouetenrage.free.fr<br />

L<br />

Là-bas si j'y suis (Emission de Daniel<br />

Mermet sur France Inter, actuellement<br />

15h-16h) France Inter, Radio France,<br />

116, avenue du président Kennedy,<br />

F-75220 Paris cedex 16 (répondeur :<br />

01.56.40.37.37) : http://www.labas.org<br />

(podcast : http://radiofrancepodcast.net/podcast/rss_14288.xml)<br />

(archives : http://www.la-bas.org)<br />

Liberation Films (Distributeur noncommercial<br />

actif dans le réseau associatif)<br />

Rue Dupont, 67, B-1030 Bruxelles,<br />

Belgique (02/217.48.47) (liberationfilms@skynet.be)<br />

: http://www.liberationfilms.be<br />

Ligue Odebi (Internet et Libertés) :<br />

http://www.odebi.org (liste de diffusion)<br />

La liste à suivre : http://lalisteasuivre.blog4ever.com<br />

LMSI (Les Mots Sont Importants)<br />

(contact@lmsi.net) : http://lmsi.net (liste<br />

Dans l’ère revue 688<br />

de diffusion)<br />

M<br />

Le magazine de l'homme moderne<br />

(moderne@homme-moderne.org) :<br />

http://www.homme-moderne.org (listes<br />

de discussion et de diffusion)<br />

La Maison écologique (110 000 exs<br />

en kiosque) (5,5 euros, ab t 1an, 6 n° s :<br />

29 euros) Le Petit Bourg F-35630<br />

Bazouges-sous-Hédé (02.99.37.06.97<br />

Tcp : 02.99.37.06.98) (contact@lamaisonecologique.com)<br />

: http://www.la-maison-ecologique.com<br />

Maître Eolas (journal d’un avocat) :<br />

http://maitre.eolas.free.fr<br />

Marginales (revue de littérature)<br />

(3 n° s : 40 euros à l'ordre de)<br />

Marginales, Les Billardes, F-04300<br />

Forcalquier : http://marginales.free.fr<br />

Le monde citoyen (Média politique<br />

propulsé par l’autre rédaction)<br />

(contact@pluralite.com) (podcast) :<br />

http://lemondecitoyen.com<br />

Le Monde diplomatique (Plus de<br />

300.000 lectrices et lecteurs chaque<br />

mois, revue traduite dans de nombreux<br />

pays, vendue en kiosque) 1-3, avenue<br />

Stephen-Pichon, F-75013 Paris :<br />

http://www.monde-diplomatique.fr<br />

Le Monolecte : http://blog.monolecte.fr<br />

Mouvements (des idées et des luttes)<br />

(Abonnement 1 an (5 numéros, dont 1<br />

double) Normal : 52 euros, Étudiants,<br />

chômeurs : 33,50 euros)<br />

(01.44.61.93.30) : http://www.mouvements.asso.fr<br />

(liste de diffusion)<br />

Multitudes (ab t 1 an, 5 n° s : 60 euros,<br />

voire 50 euros à Multitudes) Dif’Pop, 21<br />

ter rue Voltaire, F-75011 Paris<br />

(01.40.24.21.31) : http://multitudes.sa<br />

mizdat.net<br />

N<br />

Naturavox : http://www.naturavox.com<br />

La Nef (un organisme alternatif au


cœur des circulations financières) :<br />

www.lanef.com<br />

Néo Sapiens (abt 1an, 12 n° s, 24,50<br />

euros) (BP 3211, F-75122 Paris cedex<br />

03) (01.42.74.54.28) (contact@neosapiens.fr)<br />

: http://www.neosapiens.fr<br />

No pasaran 21 ter rue Voltaire,<br />

F-75011 Paris (06.11.29.02.15) (nopasaran@samizdat.net)<br />

: http://nopasaran.samizdat.net<br />

Non violence actualité BP 241,<br />

45202 Montargis Cedex :<br />

http://www.nonviolence-actualite.org<br />

Not Bored POB 1115, Stuyvesant<br />

Station, New York City 10009-9998, USA<br />

(Info@notbored.org)<br />

Notes et morceaux choisis (bulletin<br />

critique des sciences, de la technologie<br />

et de la société industrielle) 52, rue<br />

Damremont, F-75018 Paris (abt, 2 n° s (Observatoire des inégalités) 35 rue du<br />

canal, F-37000 Tours (02.47.44.63.08)<br />

(contact@inegalites.fr) : http://www.ine<br />

galites.fr (liste de diffusion)<br />

L’Observatoire français des médias<br />

(OFM) 3, avenue Stephen Pichon,<br />

F-75013 Paris (01.53.94.96.69 Tcp :<br />

01.53.94.96.76) : http://www.observatoire-medias.info<br />

L'Œil électrique 23, rue de Quineleu,<br />

F-35000 Rennes (L’œil électrique éditions,<br />

10 allée Roger Leberre, F-35000<br />

Rennes) : http://www.oeil-electrique.org<br />

Offensive (OLS, Offensive Libertaire et<br />

Sociale) (trimestriel, 5 euros, ab<br />

:<br />

15 euros) : http://netmc.9online.fr<br />

Nothingness.org (en anglais) a.h.s.<br />

Boy, Manifesto Overlord, Dada Typo,<br />

2710 n. Calvert st., Baltimore MD<br />

21218-4340, USA (spud@nothingness.org) :<br />

http://www.nothingness.org<br />

Notre planète info 7 rue du<br />

Professeur Calmette, F-92190 Meudon<br />

(courriel via le site web) :<br />

http://www.notre-planete.info<br />

Les Nouvelles du GRIP (la lettre d'information<br />

du Groupe de recherche et<br />

d'information sur la paix et la sécurité)<br />

(téléchargement pdf gratuit) :<br />

http://www.grip.org<br />

Numéro zéro (webzine alterna[participa]tif<br />

gaga) (contact@lenumerozero.laut<br />

re.net) : http://lenumerozero.lautre.net<br />

(liste de diffusion)<br />

O<br />

Observ.i.x (Observatoire de<br />

l’Institutionnalisation de la Xénophobie) :<br />

http://observix.lautre.net<br />

L'Observateur des inégalités<br />

t, 1an, 4<br />

numéros, 12 euros à l'ordre de Spipasso<br />

à OLS, c/o Mille babords, 61 rue<br />

Consolat, F-13001 Marseille)<br />

(06.77.54.39.74) 21 ter, rue de Voltaire,<br />

F-75011 Paris : http://offensive.samizdat.net<br />

Oiseau-tempête (3 n° s : 20 euros à Ab<br />

Irato) 21 ter rue Voltaire, F-75011 Paris<br />

(oiseau.tempete@internetdown.org) :<br />

http://oiseautempete.internetdown.org<br />

Les Oreilles loin du front (mercredi<br />

19h-20h30 F.P.P 106.3 FM) LOLDF, FPP,<br />

45 rue d'Aubervilliers, F-75018 Paris<br />

(01.40.05.06.10) (loldf@no-log.org) :<br />

http://www.loldf.org (liste de diffusion,<br />

podcast)<br />

Organisation Communiste Libertaire<br />

OCL c/o Egregore B.P. 1213, F-51058<br />

Reims Cedex (oclibertaire@hotmail.com) :<br />

http://oclibertaire.free.fr<br />

Oulala.net (oulala.net@wanadoo.fr) :<br />

http://www.oulala.net<br />

Oumma.com Oumma, 149 Avenue du<br />

Maine, F-75014 Paris (redaction@oumm<br />

a.com) : http://www.oumma.com<br />

Outils Critiques (compilation de ressources<br />

pour se réapproprier la politique)<br />

: http://abel.jerome.free.fr/outils<br />

Oxfam France / Agir Ici (parce que le<br />

monde ne changera pas sans vous)<br />

Oxfam France - Agir ici, 104<br />

689 Dans l’ère revue


ue Oberkampf, F-75011 Paris<br />

(01.56.98.24.40 Tcp : 01.56.98.24.09)<br />

(info@oxfamfrance.org) : http://www.o<br />

xfamfrance.org (liste de diffusion)<br />

P<br />

Pajol (l’actualité des mouvements de<br />

sans papiers (en France et ailleurs)) :<br />

http://pajol.eu.org (liste de discussion)<br />

Le Parti pour la décroissance :<br />

ww.partipourladecroissance.net<br />

Le passant ordinaire (revue internationale<br />

de création et de pensée critique)<br />

(trimestriel, 7,50 euros, ab t, 30 euros)<br />

62, rue Calixte-Camelle, F-33130 Bègles<br />

: http://www.passant-ordinaire.com<br />

La pastèque (“hazardomadaire” de<br />

Chiche !, jeunes écolos radicaux) :<br />

www.chicheweb.org<br />

Le Pavé (coopérative d’éducation<br />

populaire) Le Pavé, La Godais, F-35490<br />

Gahard (06.18.73.10.36) (lepave@nolog.org)<br />

: http://www.scoplepave.org<br />

Les Pénélopes : www.penelopes.org<br />

Pénombre (espace public de réflexion<br />

et d'échange sur l'usage du nombre<br />

dans les débats de société : justice,<br />

sociologie, médias, statistiques) (mensuel,<br />

ab t 1 an, dont adhésion à l’association,<br />

27 euros) BP 87, F-75222 Paris<br />

cedex 05 (01.43.36.93.25) (redaction@penombre.org)<br />

: www.penombre.o<br />

rg, http://penombre.assoc.free.fr/public<br />

Peoples' Global Action (AMP, Action<br />

Mondiale des Peuples) c/o Canadian<br />

Union of Postal Workers (CUPW), 377<br />

Bank Street, Ottawa, Ontario, Canada<br />

(agpweb@lists.riseup.net) : http://www.na<br />

dir.org/nadir/initiativ/agp/free/indexfr.htm<br />

Penguin Liberation Front (libère<br />

Linux de ses entraves) (en anglais) :<br />

http://plf.zarb.org<br />

Périphéries (le Carnet & le Magazine)<br />

(courrier@peripheries.net) : http://www.<br />

peripheries.net (liste de diffusion)<br />

Dans l’ère revue 690<br />

Les périphériques vous parlent :<br />

http://www.lesperipheriques.org<br />

Photothèque du mouvement<br />

social : http://www.phototheque.org<br />

Le PIAF (Pour une Information<br />

Alternative, Forcément !) (téléchargement<br />

pdf gratuit) 3 rue d'Orchampt,<br />

F-75018 Paris : http://www.le-piaf.org<br />

Pièces et mains d’oeuvre (Site de<br />

Bricolage pour la construction d'un<br />

esprit critique grenoblois)<br />

(contact.pmo@free.fr) : http://www.piecesetmaindoeuvre.com<br />

(liste de diffusion)<br />

Les pieds dans le PAF (pour que les<br />

citoyens se réapproprient leur premier<br />

média), 16, rue Jacques Jollinier,<br />

F-44600 St Nazaire (02.40.91.15.71 et<br />

06.60.05.15.71) (44paftv@netcourrier.com) :<br />

http://www.piedsdanslepaf.org<br />

Le Plan B (bimestriel, 2 euros, vendu en<br />

kiosque, ab t, 1 an, 10 n° s : 20 euros à service<br />

abonnements, BP n° 1 F-59361<br />

Avesnes-sur-Helpe Cedex) 40, rue de<br />

Malte, F-75011 Paris (admin@leplanb.org) :<br />

http://www.leplanb.org<br />

PlaneteBleue.info (portail alternatif sur<br />

l’eau) : http://eau.apinc.org (liste de diffusion)<br />

Plein droit (Gisti, Groupe d’information<br />

et de soutien des immigrés) (9 euros +<br />

1,7 euro de port, , ab t, 1 an, 4 n° s : 35<br />

euros) Gisti 3 villa Marcès, F-75011<br />

Paris : http://www.gisti.org<br />

Plume de Presse (olbonnet@free.fr) :<br />

http://olivierbonnet.canalblog.com<br />

Poivre rouge 8, rue du commandant<br />

Mouchotte, appt A 805, F-75014 Paris :<br />

http://www.poivrerouge.org<br />

Polemix et la voix off :<br />

http://www.ppandm.com/polemixetlavoixoff<br />

PoliTIC'Show (la première webTV politique<br />

citoyenne francophone) :<br />

http://blpwebzine.blogs.com/politicshow<br />

Politis (l’hebdo indépendant et engagé)<br />

(vendu en kiosque) 2, impasse


Delaunay F-75011 Paris<br />

(01.55.25.86.86 Tcp : 01.43.48.04.00)<br />

(courriel via le site web) :<br />

http://www.politis.fr<br />

Le portique (revue de philosophie et<br />

de sciences humaines) (2 n° s/an) :<br />

http://leportique.revue.org<br />

Privacy International Privacy<br />

International London Headquarters, 6-8,<br />

Amwell Street, London, EC1R 1UQ,<br />

Grande Bretagne (+44.208.123.7933)<br />

(privacyint@privacy.org) : http://www.p<br />

rivacyinternational.org<br />

Projet K (réseau européen de revues<br />

marxistes critiques) (webmstr@projetk.org)<br />

: http://www.projet-k.org<br />

Prosper (revue des distributistes) :<br />

http://www.prosperdis.org<br />

P’tit Gavroche (Le Guide Alternatif)<br />

3 bis rue des lilas, F-69008 Lyon (ptitgavroche@gmail.com)<br />

: http://guidaltern.s<br />

amizdat.net<br />

Publico : http://www.prosperdis.org<br />

Le Publiphope (A4 2p. antipub sporadique)<br />

(15 centimes + 1enveloppe<br />

timbrée à son adresse) 67, rue<br />

Saint-Jacques, F-75005 Paris)<br />

(01.45.79.82.44) : (anciens n° s en pdf<br />

gratuits sur) http://bap.propagande.org<br />

/modules.php?name=Publiphobe<br />

Q<br />

Quaderni (la revue de la communication)<br />

(25 euros, ab t 1 an, 3 n° s : 40<br />

euros) 89-93 avenue Paul Vaillant-<br />

Couturier, F-94250 Gentilly (01.41.24.2<br />

7.40) : http://quaderni.univ-paris1.fr<br />

Le Quai d’en face (droits humains et<br />

fondamentaux politiques) (5 euro, ab t, 4<br />

n° s : 16 euros à l’ordre de Droit et soin<br />

contre les violences, 90 bis, rue des fougères,<br />

F-35700 Rennes)<br />

(droitetsoin@free.fr) : droitetsoin.fr<br />

Quart Monde (la revue d'ATD Quart<br />

Monde) (trimestriel, 7 euros) 15, rue<br />

Maître-Albert, F-75005 Paris :<br />

http://www.atd-quartmonde.org/fr.html<br />

404 Brain not found (les informations<br />

d'aujourd'hui sont les erreurs 404<br />

de demain) (courriel via le site web) :<br />

http://www.404brain.net (liste de diffusion)<br />

Que fait la police ? (Observatoire des<br />

Libertés Publiques) O.L.P., 7/9, passage<br />

Dagorno, F-75020 Paris : http://quefaitlapolice.samizdat.net<br />

Queesch (revue altermondialiste luxembourgeoise)<br />

(5 euros, ab t 1 an, 4 n° s : 12<br />

euros/an) 53, Ellergronn, 3811<br />

Schifflingen/Schifflange, Luxembourg<br />

La Question sociale (7 euros, ab t 1<br />

an, 3 n° s : 20 euros à Librairie Publico,<br />

145, rue Amelot, F-75011 Paris), BP 66,<br />

F-08120 Bogny sur Meuse (libertad@wo<br />

rldonline.fr) : http://membres.lycos.fr/en<br />

dehors/<strong>page</strong>12.html<br />

Questions critiques (un autre regard<br />

sur le monde) (questionscritiques@free.fr) :<br />

http://questionscritiques.free.fr<br />

Questions de communication, (20<br />

euros + 3,25 euros port, ab t 1 an, 2 n°s,<br />

38,50 euros) Presses universitaires de<br />

Nancy, 42-44, avenue de la Libération<br />

BP 33-47 F-54014 Nancy cedex :<br />

http://ques2com.ciril.fr<br />

Quotidien durable (réflexions pour un<br />

quotidien plus responsable) : http://quotidiendurable.com<br />

R<br />

Radio Aligre (Aligre FM, PIF 93,1) 42,<br />

rue de Montreuil, F-75011 Paris<br />

(01.40.24.29.29 Tcp : 01.40.24.20.24)<br />

(aligre@aligrefm.org) : http://www.aligrefm.org<br />

Radio Canut, 24, rue Sergent Blandan<br />

1 er arr dt, BP 1101, F-69201 Lyon Cedex,<br />

(standard auditeurs : 04.78.39.18.15<br />

secrétariat : 04.78.29.26.00) :<br />

http://www.regardeavue.com/radiocanut<br />

Radio Libertaire : http://rl.federation-<br />

691 Dans l’ère revue


anarchiste.org<br />

Radio Zinzine la radio de Longo Maï,<br />

F-04300 Limans, (04.92.73.10.56 Tcp :<br />

04.92.73.16.15) : http://radio.zinzine.free.fr<br />

La Raison (le mensuel de la libre pensée)<br />

(mensuel, 2 euros) 10-12, rue des<br />

Fossés-Saint Jacques, F-75005 Paris :<br />

http://librepenseefrance.ouvaton.org<br />

Raisons d'agir (... pour un intellectuel<br />

collectif) Raisons d’Agir Éditions, 27 rue<br />

Jacob, F-75261 Paris cedex 06, (Tcp<br />

01.44.27.18.52) (info@raisonsdagir.org)<br />

(editions@raisonsdagir-editions.org) :<br />

http://raisonsdagir.org<br />

RAP (Résistance à l'agression publicitaire)<br />

(01.43.28.39.21) (contact@antipub.net)<br />

: http://antipub.net<br />

Rapaces (rap intelligent téléchargeable)<br />

(rapaces@fr.fm) : http://rapaces.zonemondiale.org<br />

R@s (Réseau associatif et syndical) 7-9,<br />

rue des Petites écuries, F 75010 Paris<br />

(ras@ras.eu.org) : http://www.ras.eu.org<br />

Ras l'front (trimestriel, 2 euros) BP 87,<br />

F-75561 Paris Cedex 12 : http://www.raslfront.org/general/canard.php<br />

Le Ravi (mensuel satyrique marseillais)<br />

(2 euros) 11, boulevard National, F-13001<br />

Marseille : http://www.leravi.org<br />

Rebellyon c/o La Gryffe, 5 rue<br />

Sébastien Gryphe, F-69007 Lyon<br />

(contact@rebellyon.info) : http://rebellyon.info<br />

REFLEXes (magazine antifasciste<br />

radical), 21 ter rue Voltaire, F-75011<br />

Paris (reflexes@samizdat.net) :<br />

http://reflexes.samizdat.net et<br />

www.samizdat.net/reflexes<br />

Réfractions (semestriel, 12 euros) 145<br />

rue Amelot, F-75011 Paris : http://refractions.plusloin.org<br />

Un Regard moderne<br />

(early21@gmail.com) : http://www.unre<br />

gardmoderne.com<br />

Regarde à vue (production d'images)<br />

Dans l’ère revue 692<br />

(courriel via le site web) :<br />

http://www.regardeavue.com<br />

Les Renseignements Généreux<br />

(Production et diffusion de brochures<br />

pédagogiques) (rengen@no-log.org) :<br />

http://www.les-renseignements-genereux.org<br />

(liste de diffusion)<br />

Reporterre (consommer moins, répartir<br />

mieux) : http://www.reporterre.net<br />

Réseau alerte inégalités :<br />

Le réseau de diffusion de documentaires.org<br />

(Écouter, regarder, filmer,<br />

monter, publier, référencer, diffuser...) :<br />

http://documentaires.ouvaton.org/bm<br />

RESF (Réseau education sans frontières)<br />

c/o EDMP 8, impasse Crozatier F-75012<br />

Paris (educsansfrontieres@free.fr) :<br />

www.educationsansfrontieres.org (liste<br />

de diffusion)<br />

RésistanceS (l'observatoire de l'extrême<br />

droite) (RESISTANCES - 9, Quai du<br />

Commerce B-1000 Bruxelles) (info@resistances.be)<br />

: http://www.resistances.be<br />

(liste de diffusion)<br />

Résistons ensemble c/o CICP, 21ter,<br />

rue Voltaire, F-75011 Paris<br />

(contact@resistons.lautre.net) :<br />

http://resistons.lautre.net (listes de diffusion<br />

et de discussion)<br />

Révoltes.org (portail d’informations<br />

sur la Peine de Mort) :<br />

http://www.revoltes.org<br />

Révolution Internationale BP 153,<br />

108 rue Damrémont, F-75018 Paris<br />

La Revue des Ressources :<br />

http://www.larevuedesressources.org<br />

(liste de diffusion)<br />

Revue d’histoire de l’enfance irrégulière,<br />

(annuel, 18,29 euros) 54, rue<br />

de Garches, F-92420 Vaucresson :<br />

http://rhei.revues.org<br />

Revue du Mauss (Mouvement Anti<br />

Utilitariste dans les sciences Sociales)<br />

(semestriel, 30 euros) Mauss, 3, avenue<br />

du Maine, F-75015 Paris :


http://www.revuedumauss.com.fr<br />

La Revue durable (pour s’informer et<br />

s’engager sur l’écologie) (bimestriel,<br />

11euros, abt, 1 an, 6 n° s : 50 euros) 91,<br />

rue de Lausanne, CH-1700 Fribourg,<br />

Suisse : http://www.larevuedurable.com<br />

La Revue nouvelle (Boulevard<br />

Général Jacques, 126 B, B-1050<br />

Bruxelles, Belgique (+32 (0)<br />

26.40.31.07) (redaction@revuenouvelle.be)<br />

: http://www.revuenouvelle.be<br />

La revue Prescrire (seule revue française<br />

de thérapeutique médicale indépendante)<br />

83, bd Voltaire F-75558 Paris<br />

Cedex 11 (01.49.23.72.80 Tcp :<br />

01.48.07.87.32) (contact@prescrire.org) :<br />

http://www.prescrire.org<br />

Rewriting.net (si tu veux la paix, prepare<br />

le Net) (home<strong>page</strong>@rewriting.net) :<br />

http://rewriting.net (liste de diffusion)<br />

Rezo.net (le portail des copains) :<br />

http://rezo.net (liste de diffusion)<br />

La Riposte (pour la transformation<br />

socialiste de la société) BP 80378,<br />

F-75869 Paris Cedex 18 (redaction@lariposte.com)<br />

: www.lariposte.com<br />

RISAL (Réseau d'Information & de<br />

Solidarité avec l'Amérique Latine) (fin de<br />

publications début 2008) :<br />

http://risal.collectifs.net<br />

La Rocade (réseau des objecteurs de<br />

croissance pour l’après-développement)<br />

BP52 7bis avenue Foch 81602 Gaillac<br />

cedex (05.63.41.01.14) :<br />

http://www.apres-developpement.org<br />

Rouge (hebdo de la LCR) :<br />

http://www.lcr-rouge.org<br />

Rouge et Vert (le journal des<br />

Alternatifs, solidarité écologie féminisme<br />

autogestion) 40, rue de Malte, F-75011<br />

Paris (01.43.57.44.80 Tcp :<br />

01.43.57.44.80) (contact@alternatifs.org) :<br />

http://www.alternatifs.org<br />

Ruptures (La revue francophone de la<br />

NEFAC) : http://nefac.net<br />

S<br />

Samizdat : http://www.samizdat.net<br />

Le Sarkophage (contre tous les sarkozysmes)<br />

(ab t 1 an, 6 n° s ; 12 euros à<br />

l’ordre de) Les Temps Mauvais, 161 chemin<br />

de Champgravier, F-69830 saint<br />

Georges de Reneins : http://www.lesarkophage.com<br />

Sarkostique (Le Blog satirique officiel<br />

de Nicolas Sarkozy) (sarkostique@nolog.org)<br />

: http://sarkostique.overblog.com<br />

(liste de diffusion)<br />

Sarkotusors.org (compilation antisarkozyste<br />

de base) : http://www.sarkotusors.org<br />

Savoir/Agir (ab t 1 an, 4 n° s : 50 euros<br />

à l’ordre de) Athélès, 20 rue des Héros<br />

F-13001 Marseille : http://atheles.org/e<br />

diteurs/editionsducroquant/revuesavoiragir<br />

(liste de discusion)<br />

Sens dessous (nouvelle revue philosophique)<br />

(semestriel, 14 euros) 45, rue de<br />

Renou, F-85000 La Roche-sur-Yon :<br />

http://sensdessous.wordpress.com<br />

S!lence (Ecologie - Alternatives - Non<br />

Violence) 9, rue Dumenge, F-69317<br />

Lyon cedex 04 (04.78.39.55.33, 10h-<br />

12h et 14h-16h, Me : redac., Je : ab t)<br />

(mensuel, 4 euros, n° gratuit sur demande,<br />

ab t découverte 6 n° s, 15 euros, 1an :<br />

46 euros) : http://www.revuesilence.net<br />

Socio-logos (Revue publiée par l’association<br />

française de sociologie) (pdf téléchargeables<br />

gratuitement) (AFS/IRESCO,<br />

59/61 rue Pouchet, F-75017 Paris)<br />

(01.40.25.10.75 mardi et vendredi)<br />

(afs@iresco.fr) : http://sociologos.revues.org<br />

Souriez, vous êtes filmés<br />

(collectif@souriez.info) : http://souriez.info<br />

Sud Education (Fédération des<br />

Syndicats SUD Éducation, 17, boulevard<br />

de la Libération F-93200 Saint Denis)<br />

(01.42.43.90.09, Tcp : 01.42.43.90.32)<br />

(fede@sudeducation.org) :<br />

693 Dans l’ère revue


Survie (01.44.92.01.17)<br />

(survie.pif@free.fr) : www.survie-france.org<br />

Syndicat de la Magistrature (la<br />

revue Justice ne paraît plus) 12-14 rue<br />

Charles Fourier, F-75013 Paris) :<br />

http://www.syndicat-magistrature.org<br />

L A N C H I S S E U R<br />

A B O U I L L E U S E<br />

D O N B P L I B R A D<br />

B L E T B B C I O B R<br />

C I B R E V E N D U E<br />

O T I O N S B D E S S<br />

U I B T R B D E V I S<br />

P O S T O L I C I T E<br />

E N T A B I L I S E E<br />

E S E T A T I S E E S<br />

2<br />

Syndicat des avocats de France<br />

(lettre téléchargeable gratuitement) (21<br />

bis rue Victor Massé, F-75009 Paris) (tel :<br />

01.42.82.01.26, fax : 01.45.26.01.55)<br />

(contact@lesaf.org) : http://www.lesaf.org<br />

T<br />

La Taktik collective (distribuée dans<br />

les concerts de Zebda) Tactikollectif<br />

(20bis rue Michel de Montaigne F-31200<br />

Dans l’ère revue 694<br />

L<br />

A<br />

R<br />

D<br />

B<br />

R<br />

O<br />

U<br />

I<br />

L<br />

Toulouse (05.34.40.80.70 Tcp :<br />

05.34.40.86.40) (tactik@tactikollectif.org) :<br />

http://www.tactikollectif.org (liste de diffusion)<br />

Technologies du Langage (Jean<br />

Véronis) : http://aixtal.blogspot.com<br />

Télé Plaisance : http://www.teleplaisance.org<br />

Temps maudits (quadrimestriel, 7 euros)<br />

33, rue des Vignoles, F-75020 Paris<br />

Terra Economica (Remettez l'Homme au<br />

cœur de l'économie) (ab t 1 an, 24 n° s)<br />

55 euros) 42, rue la Tour d’Auvergne, F-<br />

44200 Nantes (02.40.47.42.66) :<br />

http://www.terra-economica.info<br />

Terre et Humanisme (Pierre Rabhi)<br />

Mas de Beaulieu, BP 19, F-07230<br />

Lablachere (terrehumanisme@free.fr) :<br />

http://terrehumanisme.free.fr<br />

Territoires (revue de la démocratie<br />

locale, de l'ADELS, Association pour la<br />

démocratie et l'éducation locale et sociale)<br />

(n° gratuit sur demande, ab t 1 an : 55<br />

euros ; étudiants et chômeurs : 35 euros<br />

et justificatif) (BP 95 F-92224 Malakoff<br />

Cedex (Tcp : 01.40.92.70.59) (secretariat@adels.org)<br />

: http://www.adels.org<br />

The Benito Report (en anglais) :<br />

http://thebenitoreport.typepad.com<br />

Theyliewedie.org (portail anarchiste) :<br />

http://www.theyliewedie.org (liste de<br />

diffusion)<br />

Le Tigre (curieux journal curieux),<br />

(mensuel, 6,80 euros, ab t 1 an : 6 n° s :<br />

35 euros anciens n° s en pdf gratuits) 66<br />

rue Championnet, F-75018 Paris<br />

(01.42.06.84.60) (tigre@le-tigre.net) :<br />

http://www.le-tigre.net (listes de diffusion)<br />

Le Tohu Bohu (l'agenda des résistances<br />

et des alternatives à Paris) (gratuit)<br />

(tohubohu@no-log.org) :<br />

http://letohubohu.free.fr<br />

Toucher rectal :<br />

http://toucherectal.hautetfort.com


Transnationale.org - Le portail d’information<br />

citoyenne sur les entreprises<br />

Association Transantionale,<br />

B.P. 96, F-13693 Martigues cedex :<br />

http://fr.transnationale.org<br />

Transfert (qui décryptait l'actualité des<br />

nouvelles technologies, arrêté en 2003,<br />

mais les archives sont libres) 24 rue<br />

Saint-Martin, F-75004 Paris (01.43.73.07<br />

.92) : http://www.transfert.net<br />

Transversales Science Culture (16<br />

euros le n° à) Transversales, 21 boulevard<br />

de Grenelle F-75015 Paris :<br />

http://www.globenet.org/transversales<br />

Trouble(s) (Sexualités/Politiques/Cultures)<br />

(20 av Victor Hugo, F-92170 Vanves) (8<br />

euros, abt 1 an, 4 n° s : 32 euros)<br />

(revue@revuetroubles.com) :<br />

http://revuetroubles1.free.fr/Troubles<br />

TV Bruits (la télé d'émancipation en<br />

Midi Pyrénées) (contact@tvbruits.org) :<br />

http://tvbruits.org<br />

U<br />

Union Pacifiste (union.pacifiste@wan<br />

adoo.fr) (Union Pacifiste de France,<br />

B.P. 196, F-75624 Paris Cedex 13) :<br />

http://www.unionpacifiste.org<br />

Université tangente (bureaudetudes@gmail.com)<br />

: http://utangente.free.fr<br />

URFIG (Unité de Recherche, de Formation<br />

et d’Information sur la Globalisation) 7, place<br />

du Château (El Plaçal), F-66500 Mosset :<br />

http://www.urfig.org<br />

Uzine : http://www.uzine.net<br />

V<br />

Vacarme (entre art et politique, savants<br />

et militants, journaux et revues), 16, rue<br />

Cail, F-75010 Paris, 01.58.20.09.38 (4<br />

n° s,<br />

fusion)<br />

Vive le feu ! (Le blog AJT de Sébastien Fontenelle)<br />

: http://vivelefeu.blog.20minutes.fr<br />

Voir&Agir (des films pour se rencontrer<br />

et agir), 119, rue Pierre Semard, F-93000<br />

Bobigny (01.48.30.81.60) (voireagir@w<br />

anadoo.fr) : http://www.voiretagir.com<br />

W<br />

Winckler's Webzine (martinwinckler@free.fr)<br />

: http://martinwinckler.com<br />

(liste de diffusion)<br />

X<br />

X-alta la roderie, F-24300 Abjat/Bandiat<br />

(x-alta@libertysurf.fr) :<br />

http://membres.lycos.fr/xalta<br />

XXI (15 euros, ab<br />

35 euros) : http://vacarme.eu.org<br />

Videobase project (contre-info<br />

vidéo) : http://videobaseproject.net<br />

Vie-privee.org (Fédération informatique<br />

et libertés) (ca@lafil.org) :<br />

http://www.vie-privee.org (listes de dif-<br />

t 1 an, 4 n° s : 60 euros)<br />

3 rue rollin, 75005 Paris (01.42.17.47.80) :<br />

http://www.leblogde21.com<br />

Z<br />

Z Communications (the spirit of the<br />

resistance lives): http://www.zmag.org<br />

Zalea TV (Télé libre nationale auto-dissoute)<br />

: Zalea TV, 45 rue d’Aubervilliers<br />

F-75018 Paris info@zalea.org :<br />

http://www.zalea.org<br />

Zanzara athée (distribution autonome<br />

de lectures subversives) 102, rue d’Alembert,<br />

F-38000 Grenoble (zanzara@squat.n<br />

et) : http://infokiosques.net/zanzara<br />

Zapito (3 euros le n°, abt 1 an avec n°<br />

annuel : 20 euros) Association de mots,<br />

4, rue de la République, F-76350 Oissel<br />

(06.60.10.36.69) (Robotsapiens@free.fr)<br />

Zelig.rc2 : http://www.zelig.org<br />

Zmag (Z (Magazine, Net, Video<br />

Productions, or Media Institute), 18<br />

Millfield Street, Woods Hole, MA 02543.<br />

((508) 548-9063 Tcp : (508) 457-0626))<br />

(zmag@zmag.org) : http://www.zmag.org<br />

Zombie (Zone Ouverte de Mobilisation<br />

pour Briser les Injustices et l’Exclusion)<br />

(zombie@zombie.lautre.net) :<br />

http://www.zombiemedia.org (liste de<br />

diffusion)<br />

695 Dans l’ère revue


Des queues-de-cochon décorent l’entrée qu’il<br />

ouvre pour s’introduire, quittant le macadam.<br />

Elle l’attend. Il tire un coup la cloche.<br />

Longeant les plates-bandes, où s’étire une<br />

chatte alanguie qui ensuite se lèche la queue<br />

près d’un petit ru qui coule dans un bassin, il<br />

pénètre content et monte où elle habite.<br />

Pour qui n’a pas une grosse prébende, c’est<br />

un petit trou pas cher, au poil. Il la trouve<br />

qui aspire la moquette à longs poils et fait<br />

reluire son petit intérieur. Elle lui fait bon<br />

accueil. Il pose son baise-en-ville.<br />

A peine se met-il les fesses sur les coussins<br />

que la table, couverte à l’envi, se dresse. Ses<br />

couverts sont mis dans la cuisine offerte sans<br />

qu’on ait besoin de se la faire. D’autant plus<br />

alléché qu’il avait sauté un repas, et même<br />

affamé comme qui n’a mangé qu’un gland, il<br />

est soudain pris d’une ardeur bouffante,<br />

d’une grosse envie de pique-nique.<br />

Elle, contente, pour qu’il connaisse la présence<br />

des mets, même ceux qu’il n’aime pas,<br />

narre un menu qui lui met l’eau à la bouche.<br />

Ça fait le consensus : A l’entendre raconter<br />

les tours de mains, on se croit maître queux,<br />

usant du queux pour aiguiser ses instruments,<br />

tout comme un émouleur qui émoud<br />

à la main. Et dire, alors que sa chair est triste,<br />

que certains osent affirmer qu’une miche de<br />

pain sec, c’est sain pour se sustenter !<br />

Le premier témoignage de son affection, il<br />

faut que ce soit aux victuailles qu’elle le<br />

demande ; elle donne avec plaisir tout ce<br />

qu’un laquais quête en douce. Celui qui suit<br />

son régime fécond devient éléphant obèse.<br />

D’un geste prolongé, elle offre sur la table<br />

son chou siliqueux, les fèves, la semoule qu’il<br />

faut couvrir d’un couscous pas trop aqueux.<br />

Et encore patates, carottes - elle aime pour sa<br />

part ronger une carotte comme le fait une<br />

lapine et lui propose la botte -, cucurbitacés<br />

et autres belles plantes qui peuvent se faire<br />

mettre en purée.<br />

Alittérature 696<br />

Ou lâchant la purée, il pouvait vouloir porter<br />

à la bouche des fruits de la mer, des moules<br />

à la crème ou bien des moules farcies, des<br />

plats d’oursins, des buccins visqueux qu’on<br />

aspire, ou même des queues d’écrevisses de<br />

contrebande. Ou bien se repaître de bricks et<br />

de brocolis. Diverses autres choses attendaient<br />

pour la bonne bouche. Et les raviolis.<br />

Et les – toujours ! – raviolis.<br />

Ou c’est encore du gâteau, qu’elle se fait<br />

grâce à son moule - pour mouler et remouler<br />

– et, entre autres, le blanc de cinq œufs montés<br />

en neige, le contenu de quelques paires<br />

de noisettes et un mélange de chair de<br />

pêche et de chair d’abricot fendu.<br />

L’homme a-t-il un goût inné pour les parties<br />

charnues des animaux d’élevage ? Un petit<br />

boudin, les jambonneaux - qu’il écarte avec<br />

la motte de beurre -, se proposent. - Elle<br />

aime, pour sa part, à manger les rognons. -<br />

Mais il préfère, lui, quand on emploie la chair<br />

tendre pour la faire sauter. Il avise donc le<br />

sauté qu’elle retire à peine ici du feu en prenant<br />

sa poêle par la queue. C’est la viande<br />

qui l’affame à s’en lécher les babines ; il veut<br />

s’en taper une tranche. Tandis qu’elle se<br />

contente de croquer la pomme, il engloutit le<br />

sauté.<br />

Qui connaît le trajet du brassin à la bière<br />

dans ces petits flacons qu’on lampe, concupiscent,<br />

et dont on baigne ses muqueuses ?<br />

Elle en prit une. Que c’est bon !<br />

Repu, il la pria - mais il la pria peu - : « Qu’on<br />

cohabite ! - Seing, contreseing ! - Et bientôt<br />

on se fera un petit crapoussin. »<br />

Le sentant ainsi franchir le Rubicon, la galopine<br />

triomphante n’opine pas si vite. Cette<br />

bête à concours, fraîche émoulue de l’école,<br />

prend l’air pénétré : « Tu veux mon blancseing…<br />

Sus ! sus donc ! » Il ne dit qu’« ouille ».<br />

Les voilà qui, grognons, divergent de la<br />

langue.


Se sentant alors pris, comme au nœud de l’affaire,<br />

il glisse – enfin - la confidence qui suit.<br />

Bourré, lors d’une biture passée, il avait été<br />

pris d’un soudain émoi, quand il avait, dans<br />

un siège où l’on s’affale, lu ce torche-cul où<br />

l’on faisait de la retape pour une bicoque<br />

retapée de moult mètres carrés… Unique ! Et<br />

il l’avait acquise, à tempérament, pour, en<br />

cela, faire comme tout le monde.<br />

A la queue leu leu, la sarabande aspire en<br />

effet à rentrer dans le moule, suivant le triomphal<br />

us du cru. Chacun veut faire son trou,<br />

motivant l’érection de l’habitat urbain. Et le<br />

coucher brutal des chênes qu’on écuisse.<br />

Derrière ses termes abscons, et abstrus du<br />

coup, elle devine l’embrouille, qu’un marin<br />

eut pu récapituler comme celle d’une<br />

péniche qui veut mouiller en eaux trop profondes<br />

et se prend une bonne biture.<br />

Ça avait l’air d’une resucée. « Qui trop<br />

embrasse, mal étreint ». La dure réalité qu’il<br />

apprit par des rieurs obsédés par son habitation,<br />

ce sont ses charpentes qui se vermoulent<br />

et puis bientôt s’affaissent, foutues.<br />

Indisposé, il évoque les pertes, saignantes,<br />

qui le mettent dans le rouge, et dit : « J’ai<br />

chaud aux fesses ». Et tout cela ravage un<br />

quidam coincé, comme enserré dans la<br />

tunique de Nessus, par le manque de ressources.<br />

Lancé dans le sujet qu’il couvre, il dit<br />

que ce processus expliquait quêtes, larcins et<br />

détournements. Tout ce qu’on peut faire<br />

quand tout périclite, au risque de se faire<br />

prendre.<br />

Il donnait la verge pour le battre. Dès qu’elle<br />

sut ça, le cœur fendu, elle se mouilla :<br />

« L’achat t’a coulé ! Et ça, ça rend sauvage,<br />

un con qui se fait baiser ! »<br />

Devant cette Proserpine échauffante, étouffante<br />

et cynique, qui sonne le tocsin et le traite<br />

en sous-verge défaillant, il implore le sacrosaint<br />

Consus : « Vieux dieu fantomatique,<br />

tire-m’en d’un coup de main ! ». En sus des<br />

frais, qu’il a subi tôt, il fallut ça, maintenant,<br />

qu’elle tempête sur lui, pleine de vie :<br />

« Encore eut-il fallu que je le susse ! Que n’aije<br />

su qu’ainsi craquait ton habitation branlante,<br />

et que ce qu’il te fallait en fait, c’est une<br />

chance de cocu ? »<br />

La prenant à contre-poil, et debout, très<br />

tendu, il répond d’un jet : « Tu veux me faire<br />

un dessin ? ». Vu le vœu, elle ne pipait mot.<br />

Succinct, il pousse un laconique :<br />

« Accouche ! ». Elle, enfin confiant ce qui la<br />

turlupine : « Je sais que c’est dur… Mais<br />

d’autres aspirent à ma compagnie... Et c’est<br />

pour ça que… »<br />

Ridicule, il brandit sa petite cigarette face à<br />

celle qui le panique, ensuite il se la met sur<br />

l’oreille. Il ferait donc ceinture, comme un<br />

curé barnabite ou même un cénobite. Ce<br />

n’est plus du billard quand on fait faussequeue.<br />

Puis, elle éclate enfin, de beaucoup plus<br />

tonique, et envoie en l’air : « Tu en tiens une<br />

couche… Pourquoi éreinte tu mes sens ?<br />

Fou ! N’es-tu donc avisé que pour des conneries<br />

fantasmatiques ? ».<br />

Mais lui trancha tout net : « Tu m’étouffes ! ».<br />

Elle sort, les larmes aux yeux : « Peut-être,<br />

c’est à dessein que tu m’a mêlée à ça ».<br />

Fantassin belliqueux, intransigeant jacobite,<br />

il l’a déjà acculée aux pleurs par ses mâles<br />

accents : « Va ! geins ! tu me pompes ! »<br />

L’arsenic qu’ils s’envoient à la tronche entrera<br />

dans les annales.<br />

Paradoxe fantastique de nos vies presbytes,<br />

où l’on ne voit bien que de loin, elle met<br />

maintenant l’arrêt à l’inflation des échanges.<br />

Car entendant leurs mauvaises langues, elle<br />

faillit. Ce que dévoile son visage et qu’un<br />

sycophante lapsus, assassin, confesse en sus :<br />

« En fait, je t’aime.. euh.. je te gênes ! »<br />

Voyant alors que le succès l’habite, il débite :<br />

« Tu prétends aussi que tu aimes les fleurs et<br />

tu leur coupes la queue ». Une saillie, pour lui<br />

faire la nique.<br />

Prise encore par surprise à rebrousse-poil, elle<br />

défaille. Et elle s’avoue vaincue. Fantasque,<br />

elle s’accroupit et lui prend son bras : « Que<br />

m’arrive-t-il ? » ; tandis que s’évacue irrémédiablement<br />

l’ire momentanée. L’arrêt des<br />

faits se passe de commentaires. L’amour a<br />

jailli. Elle se montre maintenant très consentante<br />

à la cohabitation.<br />

Elle fut très touchée, alors tout converge.<br />

Mais en retour, elle aura eu aussi de ces<br />

consentements. Car c’est la consensualité, à<br />

la colle de son complice, avec lequel désormais<br />

elle communique sans cesse. Et avec qui<br />

elle peut aller se foutre au pieu.<br />

697 Alittérature


Numéro exceptionnel de Liquidation Totale<br />

http://liquid.totale.free.fr<br />

c/o PATÉE DE TÊTE BP 17<br />

94410 DOURDAN<br />

Directeur de la Publication Stéphane de<br />

Mendez ; Graphiste Serge Détrée ; bonne<br />

correction Nanie ; Maux croisés : POM.<br />

Merci pour ces dessins à Philippe Joisson et<br />

merci à Goossens (p. 14) pour son lutin.<br />

Imprimé sur papier recyclé, ça va de soi.<br />

Trop sommaire 698<br />

Liquidation Sommaire<br />

3 - Accord de licence<br />

5 - Sale ère de la peur<br />

6 - Allégorie d'accompagnement<br />

9 - TOURNEE GENERALE<br />

10 - A trop citer<br />

13 - Nos gardiens se garderont euxmêmes...<br />

17 - Le gouvernement mondial<br />

19 - Vous avez du feu ?<br />

20 - Maux croisés<br />

23 - L'EMPIRE DU BIEN EN GENERAL<br />

24 - CONTACTS ? CONS PLOTS !<br />

24 - « Theorie du complot » !<br />

28 - Terrorisme, pour ou contre l’Etat ?<br />

29 - Ta boule à raser !<br />

31 - PAS NEUF<br />

31 - Fieschi la bête<br />

31 - Toujours Vaillant pour les Lois scélérates<br />

!<br />

32 - Cagoule : L’art<br />

34 - Le Reichstag brûle-t-il ?<br />

35 - Private Naujocks<br />

38 - GLADIATEURS<br />

38 - Un réseau secret<br />

41 - Ennemi intérieur<br />

43 - Stay-behind<br />

45 - Aux paies, c’est l’O.P.C.<br />

47 - PIO<br />

47 - CCUO-CPC-ACC : Assez ! Cessez !


48 - Protégeons l’extrême droite !<br />

49 - Allan Francovich<br />

50 - Aginter Presse<br />

51 - Leroy des cois ?<br />

52 - Parco dei Principi<br />

53 - Dissous, c’est pas cher<br />

56 - Services vraiment secrets<br />

57 - Va te faire infiltrer<br />

57 - « Chouette, piaffa l’Oiseau de<br />

Minerve, on tonne contre nous ! »<br />

57 - « Les années de poudre »<br />

61 - LABEL EUROPE<br />

62 - L’ITALIE SE MENT<br />

62 - Enfants de Salo à la botte de l’oncle<br />

Sam<br />

63 - 1964 : Salo Solo<br />

64 - Campagne d’Italie<br />

65 - 69, l’année est toxique !<br />

68 - Calibre P2<br />

70 - 1970 : Coup d’Etat avorté en Italie<br />

72 - 1973 : "A table !"<br />

72 - 1974 : Brèche à Brescia<br />

73 - 1978 : Signé Sogno<br />

76 - 1978 : Moro mort<br />

77 - Découverte de Gladio<br />

78 - Giordano bruni<br />

78 - 1993 : A table ! Encore ?<br />

79 - Berlue ! C’est une connerie !<br />

82 - LA BELLE GICLEE<br />

82 - Sicaires du Brabant<br />

85 - Cessez ces manifestations !<br />

86 - Barbier : « C’est Latinus »<br />

87 - Le WNP et Latinus<br />

88 - On en perd son Latinus<br />

89 - CEPIC, C’est épique<br />

90 - Fumeux ? C’est du belge !<br />

93 - ALLEMAND, SONGE !<br />

93 - Gai Gehlen<br />

95 - « Oh les braves gens ! »<br />

97 - MANGER GREC OU TURC ?<br />

97 - Est bien, mon colon !<br />

98 - Patates turques<br />

103 - FRANC DU COLLIER<br />

104 - Place de Glaive<br />

109 - De Gaulle, le général-présidentputschiste<br />

111 - Delbecque, le « Naujocks français »<br />

118 - Badingaulle<br />

120 - Barricades Academy<br />

128 - Frères ennemis<br />

129 - Foccart t’a joué<br />

132 - Ca sent le Roussin<br />

133 - Coup de Main rouge<br />

137 - Enchaîné<br />

138 - Aussaresses aux arrêts ?<br />

140 - Mis à SAC. Mis dans le MIL<br />

142 - Pour l’édification des masses honnies<br />

144 - Pour la drogue, donc contre !<br />

147 - Charasse devant les bœufs<br />

147 - Hisse Pasqua<br />

151 - StadeS de France<br />

152 - Divin Marchiani<br />

153 - Delouette, je te plumerai<br />

155 - TOUS AUX ABOIS !<br />

155 - Charlie’s Angels<br />

156 - Un modèle à surpasser<br />

157 - OSMTJ<br />

159 - Hein ? Secticide ?<br />

162 - Carcan Solaire<br />

168 - Marque du trou<br />

171 - Doucé, c’est doux<br />

172 - Qui c’est Caignet ?<br />

172 - Ça continue : « Allègre ment ! »<br />

174 - FACHOS DEVANT !<br />

174 - Dépèce !<br />

175 - Le cave lié<br />

176 - Rude Courcelle<br />

179 - Tchatche tchétchène<br />

181 - Les chiens de garde nationalistes<br />

182 - Main haute, Front propre<br />

183 - Les Mégret : deux connards ?<br />

185 - Hein ? Sultan, attaque !<br />

187 - FRANCO DE PORC<br />

188 - ON VIRE A BABORD<br />

188 - Au secours ! la gauche arrive.<br />

699 Trop sommaire


190 - Laisse Béton<br />

191 - Gros œuvre<br />

193 - On a attaqué le président<br />

194 - MAL DES GAUCHISTES<br />

194 - Mai, sois sans twist !<br />

195 - Vigies & Pirates<br />

196 - VA TE FAIRE INFILTRER 2. LE<br />

RETOUR<br />

196 - Relaps d’OTAN ?<br />

198 - Membre fantôme<br />

198 - Dauvé daubé<br />

199 - « Bien creusé, vieille taupe »<br />

202 - Perrault : Carte !<br />

205 - Le compte de Perrault<br />

206 - Dauvé renie en surface ?<br />

207 - A la Banquise du vit<br />

208 - Fossé creusé avec la taupe ?<br />

208 - Quadruple ami<br />

209 - On est confus<br />

211 - Action Indirecte<br />

211 - Besse de régime<br />

213 - Quand Aubron vire au brun<br />

214 - LA, GRECE !<br />

214 - GRECE : La patte<br />

216 - Les mots pourrirent<br />

217 - Et t’nique !<br />

218 - Ensemble sur la photo<br />

221 - Fou, Hallier ?<br />

222 - GRECE, quelques membres<br />

223 - Galloiserie<br />

224 - C’EST RIGOLO, MAI SOCIALO !<br />

224 - Socialistes nationaux<br />

224 - Jospin dans la gueule<br />

226 - Dray, c’est pour tuer<br />

227 - ValLs a mis le temps<br />

227 - Combat des Lys<br />

228 - Dormez Braves Gens : Pôle<br />

Huchon<br />

229 - Jouer le jeu vainement ?<br />

233 - SECURISONS UN PEU<br />

234 - MALSURVEILLANCE<br />

Trop sommaire 700<br />

234 - Et que se perd en route…<br />

235 - Le fond de Bauer effraie<br />

237 - Que sais je ? Que fait la police ?<br />

238 - Vie drôle à Vitrolles<br />

239 - A qui profite le crime ? (bédé)<br />

242 - Raufer raille<br />

243 - Vile Insécurité<br />

244 - Et Tron ?<br />

245 - Copé Collé<br />

248 - LA FRANCE, C’EST L’ ALGERIE<br />

248 - Algérie aux éclats<br />

250 - Tête de Boudiaf<br />

253 - Un avion sur la tour Eiffel<br />

255 - FRANCHE FRAYEUR<br />

255 - Terrorisés !<br />

256 - « La France a peur. »<br />

259 - Les français ont exigé plus de sécurité<br />

265 - Assaillie dans le métro ?<br />

269 - L’INSECURITÉ, C'EST SÛR !<br />

269 - Gladio contre les immigrés<br />

271 - La peste brune rit<br />

273 - Donnons du crédit aux forces de<br />

l’Ordre !<br />

275 - On trouvera bien un coupable<br />

arabe<br />

278 - L’insécurité avance, l’insécurité<br />

recule…<br />

289 - Que veut la police ?<br />

291 - Ça assure !<br />

292 - Déten(d)us étrange(r)s<br />

293 - Ça roule !<br />

295 - Sauve-toi !<br />

296 - La tenaille dont vous êtes une<br />

mâchoire<br />

298 - AU MOINS TU PLEURES POUR<br />

QUELQUE CHOSE !<br />

298 - Briser dans l’œuf<br />

299 - Jospin de sucre<br />

301 - Au centre, l’enfant.<br />

302 - Souffrants ? Sulfureux !<br />

306 - Jouer aux petits soldats<br />

307 - Laissez les gamins tranquilles ?


309 - LE SPECTACLE DES DEUX TOURS<br />

EN FRANCE<br />

309 - Des sondages bien profonds<br />

312 - Chie ! Raque !<br />

314 - Grand D’Esnon sort plus grand des<br />

"oui"<br />

315 - Stratagème la démocratie<br />

317 - Au complot !<br />

318 - Faits de Le Pen !<br />

320 - Cocarde innée<br />

321 - Label à l’américaine<br />

322 - Insécurité électorale<br />

322 - Entre deux<br />

323 - Vote blanc et drapeau noir<br />

325 - On a gagné !<br />

327 - LA LOI NE FAIT QUE RÉPONDRE<br />

AUX MENACES TERRORISTES<br />

327 - Radicalement anti-terroriste<br />

329 - Dernier acte patriotique<br />

331 - Modèle suivi ? Allah loupe !<br />

336 - Balance adroitement dégauchie<br />

336 - A l’écoute des magistrats<br />

337 - Justice (de) classe<br />

341 - On emprunte vos empreintes<br />

342 - Laxisme hâtif<br />

343 - Geôle pipole<br />

344 - On a pris combien ?<br />

346 - Critique de la zonzon pure<br />

350 - Pré-jugés<br />

350 - L’avenir du travail<br />

352 - Survivre pour mourir<br />

353 - La vague antiterroriste peut être<br />

profitable<br />

355 - POUR UNE POLICE DE CARACTÈRE<br />

355 - Contestation = crime<br />

360 - Bourreaux ? Non ! Victimes !<br />

362 - « Il leur faudrait une bonne guerre ! »<br />

364 - Est-ce sot, Sissone ?<br />

366 - Militaire assez ?<br />

369 - SURVIE SURVEILLEE<br />

370 - VEILLEZ SUR MOI ; SURVEILLEZ<br />

MOI !<br />

371 - IDENTIFIONS<br />

371 - Enchaîne Guns<br />

374 - VIS de forme<br />

375 - Bienvenue au Pays de la Liberté<br />

378 - L'INES paierait ?<br />

382 - Pas sport ?<br />

385 - Je passe à la télé !<br />

388 - Label Bio<br />

388 - Bon profil<br />

390 - A des haines<br />

393 - Fnaeg, grand délit<br />

395 - Filon : A l’Anglaise !<br />

398 - Erre, affidé !<br />

400 - Distribution de RFID<br />

402 - Ça y est : saillie !<br />

403 - Va nigaud<br />

405 - Bonnes à tout faire<br />

407 - RFID désarmée ?<br />

409 - Une – Deux<br />

410 - Combien de divisions ?<br />

411 - Ecran de veille<br />

412 - Marchandises : la nasse<br />

414 - Un peu d'adresse<br />

415 - Very Cheap<br />

415 - Ombre incarnée<br />

416 - Animalcule<br />

418 - Ami du corps<br />

419 - Ça t'irrite ?<br />

421 - Paix et nerfs<br />

425 - Smart !!<br />

427 - Mondiovision<br />

429 - Haine et ça<br />

429 - Acroche-toi à l'Echelon<br />

430 - Eurovision<br />

431 - Freine Echelon ?<br />

432 - I'm American !<br />

434 - Va te faire réticuler !<br />

435 - Emporter ONU<br />

437 - Suivis au téléphone...<br />

437 - Ecoutons l'autorité<br />

438 - Ecoutes que coûtent<br />

439 - Devine d'où j't'appelle !<br />

701 Trop sommaire


441 - L'Oreille est hardie<br />

442 - L'Europe à votre écoute<br />

443 - Grésillement de Grèce<br />

444 - Parlez dans le micro<br />

445 - Ordis mateurs<br />

445 - La Nasse<br />

446 - Quoi de loupe ?<br />

447 - Fichiers à la fin !<br />

448 - Français bien tranquilles<br />

449 - Fume le STIC avant le baiser de<br />

JUDEX<br />

453 - Fichés Fachés<br />

453 - La Cnil peut peu<br />

454 - « Sans patrie ni frontières »<br />

455 - Admirable Amiral<br />

456 - T'y as tout<br />

459 - Ma trique<br />

461 - Advise the population<br />

461 - Risquologie<br />

465 - Haines, cessez !<br />

466 - Rétifs = futurs génocidaires<br />

467 - T’es pas CAPPS !<br />

468 - J’ai ouï : « Tue ! »<br />

469 - Indygeste<br />

471 - Intègre !<br />

473 - Harmonie Technique<br />

475 - Homeland, sweet homeland<br />

476 - Qui coopère gagne<br />

479 - Camolin<br />

480 - Achète ! Sinon...<br />

483 - Perseverare humanum est<br />

484 - C’est général, mon général<br />

485 - Au nom de l’antiterrorisme<br />

486 - Régime au gros sel<br />

487 - Ordre nouveau<br />

489 - Insécurité sociale<br />

491 - Enfants perdus sans colliers<br />

496 - Le Travail libère<br />

500 - Toujours patriote<br />

Trop sommaire 702<br />

503 - Amerikkka über alles !<br />

506 - La Charte et les territoires<br />

507 - Nihilisme juridique<br />

510 - US Jail<br />

510 - Géant !<br />

511 - Dedans, ceux de dehors !<br />

513 - Outplacement<br />

516 - Sensible privation<br />

523 - A L'OUEST, RIEN DE NOUVEAU<br />

524 - LES JOIES DU CAPITAL<br />

524 - Manger son blé noir<br />

525 - La BCCI est morte ? Vive le Carlyle<br />

Group !<br />

530 - Où ça mène ? A l’argent !<br />

532 - La corruption fait vivre le système<br />

totalitaire<br />

533 - HUEZ ÇA !<br />

533 - Pearl Harbor, mi amor<br />

534 - Mangouste du bois du nord<br />

541 - Le Maine nage<br />

541 - Déjà, en 1917, la guerre US était<br />

légitime…<br />

542 - Revoilà Phœnix<br />

543 - Caca collé<br />

547 - Kissinger, le « faucon masqué »<br />

548 - Barbie Papy<br />

550 - On scanda : « Le fascisme ne passera<br />

pas » ? Mais l’opération Condor<br />

passa !<br />

552 - INFOS US<br />

552 - Béni Hill<br />

554 - Toujours plus à l’ouest<br />

557 - Downing au top<br />

557 - EN ROUTE VERS UN MONDE BIPO<br />

LAIRE<br />

557 - Les capitalistes et leurs ennemis<br />

558 - Vodka Cola<br />

560 - Ex-Est<br />

563 - L’ami Ben Laden<br />

566 - Bâtissons le « choc des civilisations<br />

» !


571 - TONTON SAM<br />

571 - Sied à ravir<br />

574 - « Que sont mes amis devenus ? »<br />

576 - Preuves à l’appui<br />

578 - Syndicats cassés<br />

580 - Les trois fous de guerre<br />

581 - Un bon soldat<br />

583 - Atlantisme<br />

584 - Les Bush rient<br />

585 - Les faucons, de vrais salauds ?<br />

586 - Rumsfeld-Maréchal<br />

586 - My Dick<br />

587 - Enflé par Perle<br />

587 - Wolf attitude<br />

587 - Tante Condie, elle ne colle jamais ?<br />

588 - L'aura Aschroft<br />

588 - QUI VA AU CHARBON ?<br />

588 - Traces d’Anthrax<br />

589 - Pour la vie !<br />

590 - Charbonnier est maître chez lui<br />

595 - Made in USA<br />

595 - Hatfill à l’appâte<br />

598 - TROP PROCHE ORIENT<br />

598 - Fumeux ? C’est de l’afghan !<br />

602 - Gulf's War One<br />

603 - Terror is Real<br />

608 - Être al Hamas<br />

609 - COUP D’ETATS-UNIS<br />

609 - « Le pouvoir pour pouvoir pouvoir »<br />

610 - Neuf ! Hein ? Hein ?<br />

616 - Coucou, c'est nous !<br />

617 - Vite torché<br />

619 - Faire le faucon<br />

623 - Buffet froid<br />

624 - Surprise Surprise !<br />

627 - Ordures & Décombres<br />

627 - Bibliophilie<br />

631 - Sources à la loupe<br />

635 - Cette photo n’est pas truquée<br />

637 - LUTTE FINALE<br />

638 - Tambour battant<br />

653 - V comme victime<br />

645 - Fort Angola<br />

646 - « Guerre sociale »<br />

648 - Leandri : blé<br />

649 - Mercenaires : De la guerre !<br />

650 - Il est canon<br />

652 - Légitime dépense<br />

656 - Tasez-vous<br />

658 - Soutenons les esclavagistes !<br />

662 - Palme inacadémique<br />

664 - Le syndrome de Narkozy<br />

671 - Clichy dans les bottes<br />

673 - Tiens nous, Show !<br />

674 - Verrou va-t-on ?<br />

676 - Bonne Correction 1<br />

677 - Dans l’ère revue<br />

695 - Bonne Correction 2<br />

696 - Alittérature<br />

698 - Trop Sommaire (ici-même)<br />

703 Trop sommaire


Ouvrage réalisé,<br />

à titre de loisir,<br />

par trois personnes.<br />

Trop sommaire 704

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!