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Le nouvel argument incitait à prendre l’ennemi en étau par un
mouvement circulaire supposé le prendre par derrière. La guerre
est un art étrange. Perdu entre rêves et illusions, nos stratèges
fulminaient. Les boches, eux, enfonçaient le clou bien droit
dans notre épine dorsale.
Survolant le plateau de jeu de cases de damiers en cases d’échec
sans autre sens en tête que l’urgence de la poudre d’escampette,
notre tactique de combat semblait bien archaïque face aux
logiques d’Hitler. Certes nous n’en étions plus aux bataillons de
chevaux contre cuirasses de fer que nos alliés polonais
alimentaient en avoine pour combattre les chars panzers, mais
nous n’avions rien de mieux à leur envier. Nous vivions tous
dans des espaces-temps si décalés. Nos dirigeants semblaient
croire au culte des palabres qui interrompaient les batailles avant
même qu’elles ne se déclenchent. Malheureusement les poètes
ne faisaient déjà plus recettes. Un Prévert, si beau sur le quai des
brumes, garde ses yeux bien hagards sous les portes de la nuit
lorsque surgissent les pluies d’obus ; oui, tous les plus beaux
mots du monde prennent l’eau de toute part quand le feu
s’empare des enfants du paradis.
Place nette pour les envahisseurs. Notre bar leur était grand
ouvert. Tapis rouge déroulé, c’était la tournée du Patron !
Pinard à volonté.
A défaut de sang versé, le protocole nécessitait le respect des
couleurs… Pour garder le sens de l’honneur, il avait donc été
décidé de faire comme si les Allemands étaient nos invités.
Certains exilés avaient même laissé un peu de viande dans le
garde-manger, histoire de parer à toute fringale inopinée de nos
envahisseurs, comme pour nous excuser d’avoir fermé les
boutiques avant leur arrivée. Qu’ils soient chez nous mieux que
chez eux était le nouveau cri de guerre. On retrouve bien là tout
le sens de notre hospitalité légendaire. Nos adversaires
découvraient ainsi avec bonheur toute l’étendue de nos
spécialités culinaires. Chaque région, chaque terroir rivalisait
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