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Les militaires de ce pays avaient repoussé mon frère à la mer, du
côté de Dunkerque, pour l’empêcher d’embarquer sur leurs
canots de sauvetage tandis que des tapis de bombes tombaient
du ciel. Cartes d’identités ne valent pas cartes d’embarquement.
Etre allié, est-ce appartenir à un même asile d’aliénés ?
Le déroulement de la dernière drôle de guerre avait donné
raison à de Gaulle qui s’était fait remarquer lorsque, chef de
cabinet du même Pétain, il avait sorti un bouquin qui fit
scandale en ce milieu de velours si feutré que personne n’en
entendit trop parler en dehors des hautes autorités. Jeune alors,
il pressentait le besoin urgent de moderniser les stratégies
militaires. La suite, tout le monde la connaît désormais. A
l’époque, bien peu y croyaient.
Dire qu’il y a de cela peu seulement je n’avais ni idéal, ni modèle
à suivre. Désormais deux êtres s’affrontaient tels des vendeurs
de poissons à la criée sur le marché de la Cannebière… Un
choix s’imposait. Il me fallait trouver un élixir, des repères, élire
mon nouveau père. Lequel des deux serait l’élu du cœur, celui
auquel confier mes espoirs, celui en qui croire ?
D’un côté, je me retrouvais face à un vieux papi tout blanchi, au
passé glorieux, appelant en sa confiance et plaidant la patience.
De l’autre, j’avais un jeune impétueux qui faisait acte de
désobéissance civile et dont le principal courage avait été celui
d’avoir pris à temps ses jambes à son cou, histoire de se tenir à
distance des zones de souffrance… Certes, garder la tête froide
était d’importance, mais pour fuir comme lui, je n’avais d’autre
choix que de sauter dans la vieille barque trouée de feu mon
père, échouée sur une rive abandonnée de la Garonne depuis de
nombreux mois et sans doute remplie de lierre, ou me lancer
dans les airs avec mon deltaplane, celui que je conservais pour
les grandes occasions afin de voler vers les cieux imagés de mon
esprit mutin. Comme par manque de pot, les ailes de cet engin
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