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EXTRAIT DU LIVRE<br />
22<br />
LA SOCIÉTÉ de MUSIQUE<br />
CONTEMPORAINE du QUÉBEC<br />
Histoire à suivre<br />
par RÉJEAN BEAUCAGE<br />
Nous vous proposons ici un extrait du livre<br />
de Réjean Beaucage, aux Éditions Sep -<br />
tentrion, en librairie depuis la fin février.<br />
<strong>La</strong> Société de musique contemporaine<br />
du Québec (SMCQ) a été<br />
fondée en 1966 et son histoire est<br />
intimement liée à celle du<br />
développement de la scène des<br />
musiques nouvelles au Québec. L’auteur<br />
examine le travail de ses trois directeurs artistiques<br />
(Serge Garant, de 1966 à 1986, Gilles<br />
Tremblay, de 1986 à 1988, et Walter<br />
Boudreau depuis 1988), qui ont invité les<br />
meilleurs éléments de la scène internationale<br />
à se produire dans le cadre des saisons de la<br />
SMCQ, tout en participant activement à<br />
l’éclosion du talent local en matière d’interprétation<br />
et de composition. Il se penche<br />
également sur le rapport trouble entre la<br />
société de concerts et les médias… De la<br />
Grande noirceur à la Grande Muraille, en<br />
passant par la Symphonie du millénaire et une<br />
multitude de grands festivals internationaux,<br />
l’histoire de la SMCQ est toujours en marche<br />
et sera encore à faire.<br />
DE PIERRE MERCURE À PIERRE-MERCURE<br />
Ça peut sembler bien peu de chose, une qua -<br />
rantaine d’années, dans le grand livre de<br />
l’histoire. Et pourtant, il y a tout juste un peu<br />
plus de quarante ans, la lune était encore<br />
vierge de toute présence humaine…<br />
L’histoire de la Société de musique contemporaine<br />
du Québec n’est pas une petite histoire;<br />
c’est l’histoire d’une grande institution. Ses<br />
animateurs ont joué un rôle important dans<br />
l’émancipation artistique du peuple québécois<br />
au sortir de la Grande Noirceur, et même<br />
avant, alors que le Québec était mené par la<br />
poigne ferme du premier ministre Duplessis<br />
(le concert de 1954 que donnèrent à Montréal<br />
Serge Garant, François Morel et Gilles<br />
Tremblay traverse cette « nuit » comme un<br />
éclair). Après le décès de Maurice Le Noblet<br />
Duplessis, en septembre 1959, les choses<br />
allaient se mettre en branle rapidement. Une<br />
Semaine internationale de musique actuelle<br />
de Montréal (SIMAM) a lieu en 1961, déjà,<br />
grâce à Pierre Mercure. Comme Garant,<br />
Morel et Tremblay en 1954, Mercure ne<br />
recherche pas une quelconque approbation, il<br />
ne cherche pas à séduire; il présente l’état des<br />
MARS 2011 MARCH<br />
À LA CONFÉRENCE DE PRESSE DE LANCEMENT DE LA 3E SAISON DE LA SMCQ :<br />
Aline Legrand, Jean Papineau-Couture, Serge Garant, Guy <strong>La</strong>chapelle,<br />
Maryvonne Kendergi, Bruce Mather. PHOTO Frank Tweel<br />
choses. Son expérience permet de faire un<br />
constat: le retard à rattraper, au regard de ce<br />
qui se déroule simultanément aux États-Unis<br />
ou en Europe en recherche musicale, semble<br />
énorme. Le choc de la Semaine est si important<br />
que certains observateurs n’ont pas<br />
l’impression de constater un décalage, mais<br />
littéralement d’assister à la naissance d’un<br />
nouveau monde. Ainsi, Clermont Pépin peutil<br />
écrire, dans un compte rendu de la SIMAM<br />
publié dans le Canadian Music Journal:<br />
Je suis persuadé que nous assistons à<br />
l’éclosion d’une ère nouvelle qui sera<br />
témoin d’une telle évolution en musique<br />
qu’il n’est pas impossible qu’éventuellement<br />
elle engendre un nouvel art. […] <strong>La</strong><br />
contribution de trois compositeurs canadiens<br />
(Serge Garant, István Anhalt et<br />
Pierre Mercure) était très significative. Il<br />
est permis de penser que notre pays ne<br />
tarderait pas à se situer parmi les pays les<br />
plus avancés si les mouvements d’avantgarde<br />
s’y affirmaient davantage. […] L’initiative<br />
de Pierre Mercure ne peut pas et ne<br />
doit pas demeurer sans lendemain. Dès<br />
maintenant nous devons assurer : 1. <strong>La</strong><br />
permanence de ces manifestations dans le<br />
cadre des festivals de Montréal; 2. <strong>La</strong> création<br />
d’un centre de recherche calqué sur<br />
ceux de Paris, Cologne, Milan et Tokyo.<br />
Montréal, centre de la musique<br />
actuelle et d’avant-garde, pourquoi pas?*<br />
Après l’ère duplessiste, le Québec bénéficie<br />
d’une conjoncture extrêmement favorable au<br />
développement, aussi bien dans le secteur<br />
économique que dans le secteur culturel; il y<br />
a de plus en plus de compositeurs à découvrir,<br />
de musiciens à écouter et un public qui ne<br />
demande qu’à le faire. C’est en décembre 1966<br />
que naît la Société de musique contemporaine<br />
du Québec, avec l’ambition de faire connaître<br />
ces compositeurs, de faire jouer ces musiciens<br />
et d’aller à la rencontre de ce public. <strong>La</strong> fin des<br />
années 1960 revêt des couleurs bien particu -<br />
lières dans l’histoire internationale récente :<br />
celles du psychédélisme et de la musique électronique;<br />
celle de la Terre vue de l’espace;<br />
celles, universelles, d’Expo 67 et du<br />
Gyrotron… Bref, c’était le bon temps, comme<br />
on dit, et on serait nostalgique à moins. À cette<br />
époque-là, presque chacun des concerts de la<br />
SMCQ créait l’événement, provoquait, scandalisait.<br />
Ces concerts, on les annonçait pratiquement<br />
chaque fois dans au moins quatre<br />
quotidiens montréalais (The Montreal Star,<br />
The Gazette, <strong>La</strong> Presse et Le Devoir), qui en<br />
faisaient aussi la critique, et on pouvait la plupart<br />
du temps les écouter à la radio… C’était<br />
encore le cas dans les années 1970. Puis, lentement,<br />
quelque chose a commencé à changer.<br />
Octobre 1994. <strong>La</strong> directrice du Devoir, Lise<br />
Bissonnette, publie un éditorial qui reproche<br />
aux compositeurs de musique contemporaine<br />
d’être les premiers responsables d’une rupture