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MUSIQUE ET POUVOIR ENTRE LA PÉRIODE CAROLINGIENNE ET LOUIS XIV
suivies d'effet puisqu'il faudra attendre le XVI e siècle pour que le cantus
migre au superius et que s'impose l'écriture verticale.
Pouvoir et mécénat
Pourtant, si le Prince ou l'Evêque pouvaient exercer une autorité
absolue porteuse d'interdictions et d'obligations, l'un ou l'autre, et parfois
l'un et l'autre ont eu un rôle de mécène sans qui toute expression musicale
aurait difficilement vu le jour à l'époque qui nous occupe.
Charlemagne, monarque absolu imposant sa propre vision
esthétique, fut aussi le premier grand mécène de l'histoire de la musique
occidentale, en ordonnant, dans son Admonition generalis, que :
Les prêtres attirent vers eux non seulement les enfants de
condition servile, mais aussi les fils d'hommes libres […] Nous
voulons que des écoles soient créées pour apprendre à lire aux
enfants. Dans les monastères et les évêchés enseignez les
Psaumes, les notes 9 le chant, le comput, la grammaire et
corrigez soigneusement les livres religieux, car souvent, alors
que certains désirent bien prier Dieu, ils y arrivent mal à cause
de l'imperfection et des fautes des livres. 10
Charlemagne a donné au chant une place égale à celle de la
grammaire et du calcul dans l'enseignement des enfants.
Les chantres des monastères et des cathédrales étaient formés
gratuitement dans les classes de chant dès leur enfance pourvu qu'ils aient
une belle voix. Ils devaient apprendre par cœur tout le répertoire de la messe
et de l'office établi depuis la fin du VIII e siècle environ, mais ils devaient
aussi être capables de chanter les chants nouvellement composés, tropes,
séquences et autres conduits. Dès le XII e siècle, les plus doués d'entre eux
devaient pouvoir improviser les polyphonies sur le livre.
Nombreux sont les exemples de chants composés à l'occasion de la
création de nouvelles fêtes. L'hymne Pange lingua gloriosi […]certaminis
fut composée par Venance Fortunat 11 à l'occasion du transfert d'une relique
de la Croix en 569 ; l'hymne Pange lingua gloriosi mysterium 12 dont le texte
9 Le mot nota ne peut signifier « note » (de musique) puisque les toutes premières notations
neumatiques n'apparaissent qu'à l'extrême fin du IX e siècle. Les spécialistes s'accordent à
traduire ce terme par « notes tyronniennes », sorte de sténographie utilisée principalement
par les notaires dans les chancelleries.
10 Admonitio generalis, éd. M. G. H., Capit I, p. 60, traduction Pierre RICHE dans : Écoles et
enseignement dans le Haut Moyen Âge, Paris, Picard, 1989, p. 352-353.
11 Venance Fortunat, près de Trévise v. 530, † Poitiers début du VIII e siècle.
12 La strophe Tantum ergo sacramentum est chantée aux vêpres.