Médecins du sport - msport.net

EDECINS
DU SP RT
L A R E V U E D U M É D E C I N D E T E R R A I N
1996
2000
1997
1999
1998
2002
2001
2003
10 ANS
de médecine du sport
Dans ce numéro anniversaire, chacun
des membres du comité de rédaction
se propose d’analyser l’évolution de
la médecine du sport et de sa spécialité,
au cours de la dernière décennie.
BIMESTRIEL - NUMÉRO 76 - MARS/AVRIL 2006 - 7 €
www.menarini.fr
2005
2004
2002 2006

MDS76_edito 31/03/06 15:03 Page 3
S O M M A I R E
10 ans
de médecine du sport
■ “Médecins du Sport” a 10 ans
Dr Didier Rousseau p. 5
■ Médecin du sport en 2006 :
une évolution des pratiques ?
Dr Gérard Nicolet p. 6
■ Le sport et la médecine du sport :
évolution ou involution ?
Dr Hervé Zakarian p. 7
■ Sport et exercice physique :
un nouveau traitement ?
Dr Jacques Parier p. 8
■ Progrès de la chirurgie du ligament
croisé antérieur : l’expérience française
Dr Patrick Djian et al. p. 10
■ Traumatologie du sport : un mariage
et un enterrement
Dr Patrick Middleton p. 18
■ Traumatologie : place de l’examen clinique
et du traitement fonctionnel
Dr Jean-Marie Coudreuse p. 19
■ Imagerie : 10 ans de sport et rayons X
Dr Philippe Thelen p. 21
■ Imagerie : le rêve d’Icare
Dr Olivier Fichez p. 22
■ Nutrition et sport : 10 ans plus tard...
Dr Paule Nathan p. 25
■ 10 ans de nutrition : a-t-on réussi
à bannir les idées reçues ?
Dr Marie-France Oprendek p. 27
■ La paradoxe du cyclisme :
populaire et montré du doigt
Dr Gérard Porte p. 30
■ Législation et dopage :
dix années sur le terrain
Dr Jacques Pruvost p. 31
■ La lutte contre le dopage : échec ou réalité ?
Dr Eric Joussellin p. 33
■ 10 ans... Quel bilan ?
Dr Hervé de Labareyre p. 34
MÉDECINS DU SPORT 3
N°76-MARS/AVRIL 2006
Quelle place
pour le médecin
du sport ?
Les chiffres sont là pour le dire,
la pratique sportive est de plus
en plus présente dans la vie
des Français, les incitations
à cette pratique de plus en plus
nombreuses venant des médecins
(des cardiologues en particulier),
avec le concept du “sport-santé”.
On retrouve ainsi 15 millions
de sportifs licenciés, 34 millions
de pratiquants occasionnels
(18 millions pour le vélo, activité
physique la plus pratiquée).
La médecine du sport est-elle
pour autant plus présente ?
Bien sûr, l’examen médical préalable
à la compétition est obligatoire,
tout comme le suivi médical pour
les athlètes de haut niveau…
Bien sûr, de nombreuses structures
imposent la présence du médecin
(fédérations, organisations, pôles,
comités, équipes…), mais la place
du médecin du sport reste à trouver,
à retrouver, dans un rôle de suivi
du sportif quel que soit son âge
(de l’enfant au senior), son niveau
(du loisir à la compétition),
ses objectifs (compétition et/ou sport
santé) et, bien entendu, le lieu
d’exercice du praticien (terrain,
cabinet, hôpital, laboratoire), dans
le respect de l’éthique médicale
et sportive.
Dr Gérard Nicolet
Centre national de ski nordique,
Prémanon ; Centre d’évaluation,
CH Pasteur, Dole ; médecin élu à
la Fédération Française de Cyclisme
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier - Rédacteur en chef : Dr Didier Rousseau - Rédacteur en chef adjoint : Odile Mathieu - Rédactrices : Marjorie Andrès - Sophie Landrin -
Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan - Chef de studio : Frédéric Perrault - Maquette : Christine Lecomte - Chef de Production : Gracia Bejjani - Assistante de production : Cécile Jeannin
- Comité de rédaction : Pr François Carré - Pr Pascal Christel - Dr Jean-Marie Coudreuse - Dr Patrick Djian - Laurence Ducrot - Dr Hervé de Labareyre - Dr Olivier Fichez - Dr Jacques
Gueneron - Dr Eric Joussellin - Dr Pascal Lefèvre - Tanguy Le Talaer - Dr Philippe Le Van - Dr Patrick Middleton - Dr Paule Nathan - Dr Gérard Nicolet - Dr Marie-France Oprendek-Roudey
- Dr Jacques Parier - Dr Thierry Poiraud - Dr Gérard Porte - Dr Jacques Pruvost - Dr Philippe Thelen - Dr Hervé Zakarian - Service d’abonnement : Claire Lesaint.
Cette publication est éditée par Expressions Santé, 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, cour de Mai - 75011 Paris. Tél.: 0149292929. Fax: 0149292919. E-mail: mds@expressionssante.fr
- N° ISSN: 1279-1334. Imprimeur: Imprimerie de Compiègne, 60205 Compiègne. Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.

Le premier numéro de MDS est paru
il y a 10 ans. Ce premier numéro fut
le fruit de la collaboration de trois
hommes qui ont chacun fait converger leurs
idées vers la production de ce journal.
Pour l’un, c’était coucher sur le papier
l’expérience des médecins de terrain qui
jusqu’à ce jour ne produisaient pas de
travail référencé.Pour le second,c’était
un moyen de communication qui toucherait
directement le médecin du sport
dans son cabinet. Pour le troisième,
c’était l’enthousiasme de créer un
concept novateur.
En effet, les publications existantes
étaient très scientifiques,peu attrayantes
et traitant de sujet de médecine du sport
relevant beaucoup de la physiologie faite
au laboratoire,d’autres abordaient le sujet
de façon trop concrète transformant
la médecine du sport en “bobologie”,
quant aux autres publications,elles manquaient
parfois d’aspects concrets.
En 10 ans,le médecin sportif est devenu
médecin du sport et son statut est passé
de “bobologue”à médecin de terrain.Ce
rôle complexe, qui associe les fonctions
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10 ans
de médecine du sport
“Médecins du Sport“
a 10 ans
* Rédacteur en chef
de médecin traitant,de médecin du suivi,
de médecin de prévention, de médecin
praticien, a aussi évolué vers une séparation
de toutes ces fonctions. Si bien
qu’aujourd’hui, il existe plusieurs têtes
pour porter toutes ces casquettes qui, à
l’époque, étaient portées par une seule.
Grâce à la présence du médecin sur le
terrain,il a été possible d’enrichir la discussion
avec les autres acteurs de la santé
du sportif ; c’est ainsi que la discussion
s’est ouverte avec les chirurgiens et leur
manière d’opérer certains cas, pour les-
MÉDECINS DU SPORT 5
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N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Didier Rousseau*
quels les techniques habituelles étaient
peu adaptées ; les techniques d’imagerie
se sont beaucoup améliorées et leur
lecture s’avère difficile lorsque le
contexte et l’historique de l’accident ne
sont pas clairement expliqués par le médecin
de terrain qui a été le premier observateur
de l’accident.
La médecine du sport a donc pris toute
son importance à la fois sur le terrain,
dans le cabinet du médecin et auprès
des sportifs eux-mêmes. Le législateur
s’est ensuite inquiété de la mise en texte
de tout cela et ce n’est qu’après une
longue et triste errance qu’il est parvenu
à mettre en place un texte un peu
plus adapté même s’il reste beaucoup
à faire.
Tout est loin d’être parfait,mais l’équipe
de “Médecins du Sport”et le laboratoire
MENARINI sont heureux d’avoir pu
contribuer à faire progresser notre discipline
et de l’avoir fait connaître en
toute indépendance et liberté… ■

10 ans
de médecine du sport
Le sport et la médecine
du sport
Evolution ou involution ?
La place du sport est de plus en plus
grande dans la cité, moyen d’intégration
pour certains,tampon social
pour d’autres,élément de santé pour nous,
médecins du sport.
Depuis une dizaine d’années,le sport,du
fait de la manne financière qu’il induit,
est omniprésent dans la vie quotidienne,
à la télévision,dans la publicité,mais,malheureusement
aussi, dans les trop nombreuses
pathologies qui en découlent
et que nous rencontrons lors de notre
pratique médicale.
■ Sport ou “no sport” ?
La fréquence des affections secondaires
nous fait nous interroger objectivement
sur le réel bénéfice pour la santé de telles
pratiques, notamment à un haut niveau.
Finalement, cette frénésie de sport n’estelle
pas nuisible à l’homme ? Faut-il revenir
au fameux “no sport”de Churchill ou
plutôt à un juste équilibre?
La question de l’intérêt final et réel pour
la santé d’une activité physique intense
doit actuellement être posée.Nous voyons
tous, dans nos consultations, des sportifs
ou d’anciens sportifs de haut niveau totalement
dégradés par leurs pratiques.Notamment,les
pathologies dégénératives articulaires
précoces et importantes sont
légions. Certains sont bien jeunes pour
être déjà porteurs de prothèse articulaire,
d’autres,récemment décédés sur le terrain
n’ont pas eu la “chance”d’y arriver…
Notre corps compte autant que notre
esprit,tout ne pourrait être qu’une question
d’équilibre,« une tête bien faite dans
un corps bien fait », mais…
* Médecin des équipes de France de Taekwondo,
"Le Saint-Louis", Place Coullet, Saint-Raphaël
■ Du sport, pourquoi ?
Chez le sportif de tous les jours,cette activité
excessive peut aussi être un refuge
psychologique,de véritables pathologies
psychiatriques se développent.Certains
ne vivent désormais que pour le sport,
que par le sport et deviennent petit à petit
de véritables “psychopathes sportifs”,
réfugiés dans une réelle addiction.Tout
en s’altérant physiquement sans le savoir,
ils se dégradent moralement, font
des régimes en permanence, consomment
plus de vitamines en comprimés
que d’aliments,se restreignent sur tout,
ont une vie monacale finalement peu excitante
et peu conviviale. D’autres, surmenés,
décompensent une pathologie
latente.
Les parents d’enfants sportifs ne sont pas
épargnés, trop souvent grisés par la
pseudo-réussite de leurs gamins, ils abusent
de leur influence, jubilent en pensant
aux potentielles retombées financières
ou font de véritables transferts de
personnes, se mettant quasiment dans
la peau du sportif qu’ils auraient aimé être.
On vit de plus en plus vieux, il faut donc
préserver son capital articulaire, mais la
mode est actuellement à des efforts longs
sur des organismes mal préparés (marathon,100
km...) et,malheureusement,des
quadragénaires et plus, voulant prouver
quelque chose, s’y inscrivent.
Se détériorer les articulations fait marcher
l’industrie pharmaceutique,les laboratoires
se disputent la production d’acide hyaluronique,
les produits destinés à améliorer
les performances se multiplient. Et il
n’y a qu’un pas vers le dopage.
Le rôle de la médecine est certes thérapeutique,
mais il doit être d’abord préventif;
le combat contre la sédentarisation
et les risques qu’elle induit sont un réel
MÉDECINS DU SPORT 7
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Hervé
Zakarian*
problème de santé publique et ne doivent
pas être un tremplin vers la performance.
Le message est de « faire du sport pour s’entretenir,pour
vivre mieux,dans de meilleures
conditions et peut-être plus longtemps »…
Au-delà de la technique, notre vision doit
être plus philosophique sur l’intérêt général
du sport pour l’homme, les dérives
du “sport commerce ou média” doivent
être combattues.
Ces dix dernières années, le sport a donc
pris une place considérable dans la société
et dans la vie de l’homme, plus que la réflexion
ou la philosophie, à tel point que
l’on parle désormais d’esprit sportif… et
qu’un grand crédit est accordé aux “réflexions”de
certains athlètes dits de “haut
niveau”… est-ce là une évolution ? ■

10 ans
de médecine du sport
Sport et exercice
physique
Un nouveau traitement ?
Quel est le fait marquant
depuis 10 ans dans le
domaine de la médecine
du sport.Ces dernières années
ont été riches et de nombreuses
avancées ont été
réalisées dans le domaine du
diagnostic clinique,de l’imagerie,
de la thérapeutique et le
choix n’est donc pas facile pour
désigner un gagnant.
Le sport a aujourd’hui une place
entière dans la société.Tantôt
c’est le sport spectacle tels les
jeux olympiques avec de merveilleux
moments d’émotion.Les athlètes
nous font partager, le temps d’une
épreuve, leur passion nourrie par un entraînement
intense.
Le sport au quotidien,ce sont tous ces pratiquants,licenciés
ou non,qui s’adonnent
à leur sport favori.La compétition ou le loisir,
la médaille ou le verre de l’amitié, il y
en a pour tous les goûts.
Grand frère ou petit frère du sport,suivant
les avis,l’exercice physique semble prendre
aujourd’hui une place toujours plus grande.
L’énoncé de ses bienfaits est tout simplement
étonnant.
Une étude récente réalisée sur 21 000
personnes au cours de l’année 2003 par
l’Insee montre que la majorité des
femmes, c’est-à-dire 56 %, et les 3/4 des
hommes, c’est-à-dire 75 %, sont concernés
par au moins l’un des trois facteurs
de risque que sont le tabac,l’alcool et le
surpoids.On estime qu’aux Etats-Unis la
sédentarité est responsable d’environ 10
% des décès.Dans ce pays,on considère
qu’un dollar investi dans le sport économise
trois dollars dans les dépenses
* Clinique des Maussins, Centre national d’entraînement de
Roland Garros, Paris
de santé, tant chez l’enfant que chez le
sujet âgé.
■ L’activité physique
et le système
cardiovasculaire
Les maladies cardiovasculaires représentent
en France 32 % des décès.Les effets
bénéfiques tirés de l’exercice physique
régulier pourraient être équivalents à ceux
du sevrage tabagique.
Chez les hypertendus, la pratique d’un
exercice physique régulier en régime aérobie
peut diminuer les pressions diastolique
et systolique. Le bénéfice maximal
de doses modérées d’entraînement,
et non plus la durée de l’entraînement
physique, exerce une action plus favorable
que son intensité.
Une étude a été effectuée sur 16 936 anciens
élèves de l’université de Harvard entre
1962 et 1978.Le nombre de décès par étiologie
cardiovasculaire a été inversement
proportionnel à la participation à un sport
tel que la marche ou la montée des escaliers.Les
effets de l’entraînement physique
étaient plus favorables chez le sujet âgé.
MÉDECINS DU SPORT 8
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Jacques Parier*
L’avènement de la course à pied,
à la fin des années 60,a coïncidé
avec une réduction de 20 % des
maladies coronariennes.
L’exercice physique est aujourd’hui
devenu essentiel dans la
réadaptation et la prévention secondaire
des maladies coronariennes.
L’effet bénéfique s’explique
par l’amélioration de la
perfusion myocardique chez le
sujet coronarien entraîné.
Une métaanalyse récente,“Extramatch”(exercice
training metaanalysis
of trials in patients with
chronic heart failure),a mis en évidence
le fait que l’entraînement physique
contrôlé améliorait de façon significative
le délai de survie chez les patientes qui ont
une insuffisance cardiaque liée à une dysfonction
systolique ventriculaire gauche.
■ L’activité physique
et le métabolisme
Plusieurs études épidémiologiques prospectives
indiquent qu’une activité physique
régulière, même modérée, telle la
marche, diminue le risque de survenue
de diabète de type 2 à l’âge adulte, dans
la population générale et chez les sujets
intolérants au glucose.
Les activités physiques jouent un rôle thérapeutique
chez les patients atteints de
diabète de type 2,des recommandations
ont été faites en ce sens.
Le syndrome métabolique associe plusieurs
anomalies.L’insulinorésistance est admise
comme l’élément central.Au cours de ces
dernières années, la prévalence du syndrome
métabolique a augmenté de façon
exponentielle et il semble actuellement
concerner en France plus de 22 % des
hommes et 18 % des femmes entre 35 et

65 ans. Si la diminution de l’apport alimentaire,en
particulier de lipides,est fondamentale,
l’exercice physique est le
deuxième volet auquel il faut absolument
s’attacher avant d’envisager un traitement
médicamenteux.
Le surpoids semble toucher 40 % des Français.L’obésité
touche de 12 à 18 % des enfants
de plus de six ans.Ce chiffre pourrait
atteindre 25 % au cours de l’année 2020.
L’exercice physique,pratiqué même de manière
modérée,permet de diminuer un peu
une surcharge pondérale ou de stabiliser
une perte de poids.Son efficacité est d’autant
meilleure qu’un régime alimentaire est
associé,car il permet à la fois de stabiliser
le poids perdu et de limiter la perte de
masse maigre. Il existe une relation nette
entre l’intensité de l’activité et la diminution
de la charge pondérale.
Pour les enfants et les adolescents, les directives
européennes et américaines préconisent
90 min d’activité journalière,dont
30 min d’intensité modérée.
■ L’activité physique
et l’appareil ostéomusculo-articulaire
En Europe, on estime que toutes les 30 s,
une personne est victime d’une fracture
liée à l’ostéoporose.L’impact économique
est important,en constante augmentation
avec le vieillissement de la population. Le
coût total est pratiquement similaire à celui
imputé aux maladies cardiovasculaires.
Pour lutter efficacement contre l’ostéoporose,
l’activité physique doit être associée
à une alimentation équilibrée en protéines
et en calcium. La marche et les
activités physiques de loisirs sont tout à fait
indiquées.
La régularité de la pratique d’un exercice
physique est l’élément primordial d’une prévention
efficace de la chute chez le sujet
âgé.Pour ce faire,un aspect ludique ou un
travail de groupe semble très indiqué.
On estime à environ 10 millions le nombre
de patients touchés par les problèmes d’arthrose.Près
de la moitié présente des douleurs
en rapport avec cette pathologie.L’arthrose
est la troisième cause d’incapacité
totale ou partielle en France.Plus de 13 millions
de consultations par an,118 000 pro-
10 ans
de médecine du sport
thèses de hanche ou de genou.Avec le
vieillissement de la population,le coût de
l’arthrose est passé de 1 milliard d’euros en
1993 à 1,6 milliards en 2003. Parmi les
armes non médicamenteuses, l’exercice
physique, longtemps combattu, est aujourd’hui
revenu en force. Contrairement
à ce qui a été trop longtemps prôné, une
activité physique régulière limite la détérioration
arthrosique au niveau de la hanche
et du genou. L’activité physique doit être
déterminée en fonction de la localisation
de l’articulation atteinte. Le vélo pratiqué
régulièrement semble être particulièrement
favorable pour entretenir la musculature
des membres inférieurs et donc,ralentir le
processus arthrosique en maintenant, notamment,une
bonne qualité musculaire.
Entre 20 et 80 ans,la diminution de la masse
musculaire est considérable :près de 50 %.
La force musculaire maximale,qu’elle soit
concentrique,excentrique ou isométrique,
diminue avec le vieillissement, de 10 à
15 % par décennie,avec un mécanisme qui
s’aggrave après 60 ans.
L’exercice physique régulier d’intensité modérée,voire
de force s’il est supervisé,permet
de limiter cette détérioration.
L’exercice physique semble également pouvoir
limiter les effets du décalage horaire,
en permettant aux horloges internes de se
remettre à l’heure.
■ L’activité physique,
la santé mentale
et l’appareil neurologique
Contrairement à ce que l’on pourrait penser
au premier abord, il existe des liens
étroits entre l’activité physique et le niveau
de santé mentale.Elle est un élément d’épanouissement
personnel.C’est pour le plaisir
que plus de 90 % des Français choisissent
de pratiquer un sport (Insee 2001).
MÉDECINS DU SPORT 9
Diplôme
Consciente de l’enjeu, l’université Paris-VI a créé un diplôme d’université
de promotion de la santé et activités physiques et sportives. Cette
formation donne les clefs à la prescription d’activités physiques à titre
préventif ou thérapeutique.
A lire absolument : Chatard J.C. Sport et santé. Publication de l’université
de Saint-Etienne, 2004.
N°76-MARS/AVRIL 2006
Plusieurs études ont été effectuées et ont
mis en évidence le bénéfice de l’activité
physique.
La pratique d’un exercice physique de type
endurance semble particulièrement bien
adaptée au traitement de la dépression et
de l’anxiété,peut-être par le biais de la majoration
des concentrations sériques de cannabinoïdes
endogènes.Elle limite le déclin
des fonctions cognitives au-delà de 70 ans.
La régénération nerveuse chez l’animal
in vivo est deux fois plus lente chez les animaux
sédentaires.
Parmi les armes non médicamenteuses
contre la maladie d’Alzheimer,les exercices
physiques quotidiens semblent permettre
d’améliorer les capacités mnésiques des
différents patients.
D’autres bienfaits de l’activité physique sont
déjà connus chez les insuffisants respiratoires
atteints de bronchopneumopathie obstructive
et chez les asthmatiques… L’intérêt
de l’exercice est moins bien connu dans certaines
formes de cancer,et,notamment,cela
a été démontré récemment dans le cancer
du sein.Bien entendu,l’hygiène de vie est
meilleure chez les sujets qui pratiquent de
manière régulière un exercice physique.
Faut-il intégrer l’exercice physique de manière
révolutionnaire comme en Chine ou,
logiquement, de manière plus douce par
l’éducation et la persuasion ? L’enjeu est
considérable,d’autant que de nouvelles pathologies
se profilent et que le vieillissement
de la population peut déboucher sur
des problèmes économiques difficiles.
C’est le rôle des médecins et, en particulier,
des médecins du sport, d’aider la
population à une prise de conscience de
l’importance de l’activité physique et de
lui donner au mieux les clefs de son utilisation.
■

La chirurgie du ligament croisé antérieur
(LCA) a connu, depuis une
dizaine d’années,un développement
considérable grâce à un ensemble d’éléments,
dont les principaux sont :
● une meilleure connaissance sémiologique
;
● l’utilisation d’outils diagnostiques performants
(IRM) ;
● le développement de la chirurgie
arthroscopique.
Cette chirurgie concerne environ 25 à
30 000 patients par an en France.Il s’agit,
la plupart du temps, de patients jeunes,
âgés de moins de 40 ans,actifs ou sportifs.
L’histoire naturelle de la rupture du LCA
non traitée ou opérée est bien documentée
dans la littérature (1,2).Selon les critères
des systèmes de cotation internationaux,
comme le score IKDC (International Knee
Documentation Committee),les résultats
des ligamentoplasties primitives aboutissent
à environ 80 % de bons et excellents
résultats à moyen terme.
L’anatomie nous a appris depuis longtemps
que le LCA est constitué de deux faisceaux:
antéro-médial (AM) et postéro-latéral (PL),
au rôle biomécanique distinct.Le faisceau
AM joue le rôle essentiel et les techniques
chirurgicales “classiques”consistent à reconstruire
le faisceau AM par une greffe
tendineuse.Avec cette technique, la correction
de la laxité antérieure est généralement
bien obtenue en début de flexion,
position du genou la plus fonctionnelle ;
10 ans
de médecine du sport
Progrès de la chirurgie
du ligament
croisé antérieur
L’expérience française
* Institut de l’appareil locomoteur Nollet, Paris
** Service d’orthopédie, Hôpital de la Conception, Marseille
*** CCOS, Mérignac
**** Cabinet Gœthe, Paris
cependant,la correction laxité en flexion,
au-delà de 60°, est moins bonne et il persiste
souvent une laxité rotatoire avec,dans
la plupart des séries cliniques publiées,environ
20 % des patients présentant un ressaut
rotatoire (pivot shift) de grade 1,sans
sensation clinique d’instabilité.
Devant l’anatomie multifasciculaire du LCA
et la laxité résiduelle des techniques classiques
de reconstruction du LCA,certains
auteurs proposent depuis peu de recourir
à une réparation plus proche de l’anatomie
normale,en reconstruisant séparément
les deux faisceaux de manière à mieux corriger
la stabilité antéro-postérieure,à la fois
en flexion et extension,ainsi que la laxité
rotatoire.La reconstruction des deux faisceaux
du LCA assurerait une biomécanique
propre à chaque implant et se rapprocherait
de la physiologie.Théoriquement,une
reconstruction du LCA avec deux faisceaux
distincts présenterait plusieurs avantages
sur la technique classique à un seul faisceau,aussi
bien au niveau morphologique
que fonctionnel. Ce principe de reconstruction
se réalise sous arthroscopie et
reprend une démarche proche des techniques
couramment utilisées.
■ Anatomie du LCA
L’anatomie du LCA est actuellement mieux
détaillée. Nous avons fait une étude (non
publiée) sur 7 genoux frais de cadavre pour
l’étude morphométrique du LCA et de ses
insertions tibiale et fémorale. Nous avons
mesuré le centre de chaque faisceau antéro-médial
et postéro-latéral.
L’insertion tibiale du LCA mesure en lon-
MÉDECINS DU SPORT 10
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Patrick Djian*,
Dr Pascal Christel*,
Dr Jean-Pierre Franceshi**,
Dr Philippe Colombet***,
Dr Guy Bellier****,
Dr Abdou Sbihi**,
Dr James Robinson***
gueur 17,6 ± 2,1 mm et la largeur est de
12,7 ± 2,8 mm. La taille de l’insertion
tibiale du LCA est proportionnelle à la
dimension du plateau tibial. La forme en
“patte de canard”de l’insertion tibiale du
LCA amène à constater que le centre de
chaque faisceau n’est pas le centre de l’insertion
tibiale.
L’insertion fémorale mesure en longueur
18,3 ± 2,3 mm et la largeur est de 10,3 ±
2,7 mm. Ces dimensions sont proches de
celles qui sont publiées par Odensten et
Gillquist (3).Comme Harner et al.(4),nous
avons remarqué que l’insertion fémorale
est plus petite que l’insertion tibiale :ceci
est du à la forme de l’insertion tibiale en
patte de canard.Il est toujours possible de
percer deux tunnels indépendants au niveau
de la surface fémorale et tibiale.
■ Biomécanique du LCA
Beaucoup de publications ont rapporté
les rôles biomécaniques différents des
deux faisceaux du LCA.La variation de longueur
des deux faisceaux est différente
en fonction du degré de flexion du genou.
Le faisceau postéro-latéral présente la plus
grande variation de longueur en comparaison
avec le faisceau antéro-médial. Sakane
et al.(5) ont montré que le faisceau
postéro-latéral est celui qui est chargé préférentiellement
entre 0 et 45° de flexion.

Le maximum de charge est à 15° de
flexion.A 90° de flexion, la charge de ce
faisceau est de 35 %.Le faisceau antéro-médial
est chargé entre 60 et 90° de flexion.
La charge de ce faisceau est de 30 % en extension.
Ceci est dû à la meilleure isométrie
de ce faisceau par rapport au faisceau
postéro-latéral.
Les auteurs ont fait une étude au laboratoire
pour évaluer le contrôle de la laxité
antérieure après reconstruction simple ou
double faisceaux.
La mesure de la subluxation antérieure du
tibia a été réalisée avec une méthode clinique
en utilisant un arthromètre, le Rolimeter
(AirCast). Il s’agit d’un arthromètre
(Balash et al. {6}, Ganko et al. {7})
qui permet de mesurer la subluxation
antérieure du tibia par rapport au fémur en
traction manuelle maximum.Les résultats
obtenus avec cet arthromètre ne sont pas
significativement différents de ceux obtenus
avec le KT 1000 en mode manuel maximum
(Balash et al {6}, Ganko et al. {7}).
Le Rolimeter est solidarisé au tibia par
une sangle élastique et présente un appui
fixe sur la face antérieure de la rotule.Un
palpeur réglable,comportant une échelle
graduée de 2 en 2 mm, vient s’appliquer
sur le sommet de la tubérosité tibiale antérieure.Une
traction manuelle maximum
est appliquée par l’examinateur à la face
postérieure de l’extrémité proximale du
segment jambier.Le déplacement du curseur
correspond alors à la subluxation antérieure
du tibia. Les mesures sont répétées
3 fois, puis moyennées.
La mesure de la subluxation antérieure du
tibia a été effectuée à 20°, 60° et 90° de
flexion du genou, le pied en rotation indifférente,
avec le LCA intact, sectionné
et, enfin, après reconstruction par greffe
à un ou deux faisceaux.
L’âge moyen des 8 sujets utilisés était de
74,1 ans (55 à 88 ans). Du fait de l’appariement,il
y a eu dans les deux groupes autant
de côtés droits que de côtés gauches.
Trois chirurgiens différents ont effectué les
reconstructions.Pour le groupe 1 faisceau,
l’isométrie de la greffe entre 0° et 90° de
flexion a été mesurée en moyenne à 0,5
± 0,7 mm.Pour le groupe 2 faisceaux,l’isométrie
du faisceau AM a été mesurée à 0,5
± 0,9 mm et celle du faisceau PL à 3,4 ± 0,5
mm.Il n’y a pas de différence significative
10 ans
de médecine du sport
entre l’isométrie de la greffe à 1 faisceau et
celle du faisceau AM de la reconstruction
à deux faisceaux. On remarque que la variation
de longueur est beaucoup plus importante
pour le faisceau PL.
Pour les 16 genoux étudiés avec LCA intact,
la laxité antérieure à 20°, 60° et 90° a été
mesurée respectivement à 3,2 ± 1,1 mm,
3,5 ± 1,5 mm et 2,6 ± 1,1 mm.Après section
du LCA,la laxité augmente de manière
significative, atteignant respectivement
9,4 ± 3,3 mm,6,1 ± 2,5 mm et 6,8 ± 2,9 mm
pour 20°, 60° et 90° de flexion.
Après reconstruction par greffe à un faisceau,la
laxité antérieure résiduelle à 20°,
60° et 90° a été mesurée respectivement à
3,7 ± 0,9 mm,3,1 ± 1,1 mm et 2,3 ± 1,6 mm.
L’analyse statistique des résultats,utilisant
aussi bien les tests paramétriques que non
paramétriques, montre l’existence d’une
différence significative de laxité entre LCA
sectionné et LCA reconstruit à 20°,60° et
90° de flexion. Il existe une différence
significative entre LCA intact et LCA reconstruit
à 20° de flexion, la laxité résiduelle
étant plus importante après reconstruction
à 1 faisceau.Par contre,à 60°
et 90° il n’y a pas de différence significative
de subluxation antérieure du tibia,
que le LCA soit intact ou reconstruit.
Après reconstruction par greffe à 2 faisceaux,
la laxité a été mesurée à 3,4 ± 1,3 mm,
2,6 ± 1,5 mm et 2,4 ± 1,2 mm, respectivement
pour 20°, 60° et 90° de flexion.
Comme dans le groupe précédent, l’analyse
statistique des résultats,utilisant aussi
bien les tests paramétriques que non paramétriques,montre
l’existence d’une différence
significative de laxité entre LCA
sectionné et LCA reconstruit à 20°,60° et
90° de flexion.Pour ce groupe,il n’existe
pas de différence significative de subluxation
antérieure du tibia entre LCA
intact et LCA reconstruit,aussi bien à 20°
qu’à 60° et 90° de flexion.
Comparée à la reconstruction à simple
faisceau,la reconstruction à double faisceaux
contrôle de façon significative
le tiroir antérieur à 20° de flexion.
■ Technique chirurgicale
Par une courte voie d’abord antéro-médiale,
les tendons du gracilis et du semi-tendineux
sont libérés de leurs expansions fi-
MÉDECINS DU SPORT 11
N°76-MARS/AVRIL 2006
breuses, puis prélevés sur toute leur longueur
avec un stripper ouvert.Les tendons
prélevés sont débarrassés des fibres musculaires
restantes. Les extrémités sont retaillées
et leur agencement se fait,pour les
greffes à deux faisceaux,en deux faisceaux
à deux brins. Le tendon du gracilis (futur
faisceau postéro-latéral) est passé dans
la boucle d’un Endo Button CL de 15 mm,
avec un agencement en deux brins.Le tendon
du semi-tendineux (futur faisceau antéro-médial)
est préparé sur un Endo Button
CL de 20 mm, étant donné le trajet
plus long du tunnel fémoral antéro-médial.
La longueur initiale du greffon doit être
suffisante pour pouvoir obtenir deux
greffes, avec une longueur minimale de
7 cm.Les greffes sont mises en tension sur
une planche à préparation ligamentaire et
les brins tendineux de chaque greffe sont
suturés ensemble par un surjet continu aller
et retour de Vicryl n°1 sur toute leur
longueur.Les greffes sont ensuite calibrées
avec des calibreurs dont le diamètre croît
par demi-millimètre,puis laissées sous tension
jusqu’à leur mise en place (Fig. 1).
Figure 1 - Les greffes sont préparées sur
une plaquette et mise sous tension. Le tendon
du gracilis est préparé avec un Endo Button
CL 15 mm et le tendon du semi-tendineux
est préparé avec un Endo Button CL 20 mm.

Pour les greffes à un faisceau,les deux tendons
sont passés dans la boucle d’un Endo
Button CL de 20 mm, pour obtenir une
greffe à quatre brins suturés ensemble
comme précédemment.
> Temps de reconstruction
ligamentaire
La technique est similaire à celle déjà décrite
par Franceschi et al. (8).
● Temps fémoral
Les deux tunnels antéro-médial (AM) et
postéro-latéral (PL) sont percés sous
contrôle arthroscopique avec un viseur
endofémoral,introduit par la voie antéromédiale,
genou fléchi au moins à 120°.
Le centre du tunnel antéro-médial (AM)
est proche du toit de l’échancrure intercondylienne,
4 à 5 mm en avant du bord
postérieur du condyle latéral. Il se situe à
13h pour un genou gauche et à 11h pour
un genou droit.Le centre du tunnel postérolatéral
(PL) est situé en bas et en avant du
précèdent,à 14h30 pour un genou gauche
et à 9h30 pour un genou droit (Fig. 2). Le
diamètre de chaque tunnel correspond au
diamètre de chaque greffe,entre 6 et 8 mm
pour le tunnel AM, destiné à recevoir le
semi-tendineux, et entre 5 et 7 mm pour
le tunnel PL, destiné au gracilis (Fig. 3).
Le tunnel AM est plus vertical que le tunnel
PL,de manière à assurer une divergence
avec un pont osseux épais.
● Temps tibial
Genou fléchi à 90°, la broche guide
postéro-latérale est la première à être mise
en place, car elle conditionne le positionnement
du tunnel AM. Le centre du
tunnel PL est situé juste en regard de
l’épine tibiale antéro-latérale, à environ
7 mm du ligament croisé postérieur quand
le genou est fléchi à 90°.Le centre du tunnel
AM est situé en avant du sommet des
deux épines tibiales à mi-distance entre
celles-ci et,en moyenne,7 à 8 mm en avant
du point de sortie de la broche postéro-latérale
(Fig. 4). Les tunnels sont forés avec
des tarières compacteuses d’un diamètre
identique à celui des tunnels fémoraux.Par
rapport au plan des plateaux tibiaux,
l’orientation du tunnel postéro-latéral est
de 60° et, pour le faisceau antéro-médial,
de 50°,pour obtenir une divergence entre
10 ans
de médecine du sport
Tunnel
antéro-médial
Figure 2 - Tunnels fémoraux sur un genou droit : le faisceau antéro-medial est placé avec un guide
4 à 5 mm du bord postérieur du condyle latéral, à 11h.
Tunnel
postéro-latéral
Figure 3 - Tunnel fémoral : faisceau postéro-latéral, le guide est placé à 2h30 pour un genou droit.
Le tunnel antéro-médial est plus vertical et il existe un solide pont osseux entre les deux tunnels.
les tunnels,augmentant l’épaisseur du pont
osseux entre les tunnels,permettant ainsi
une fixation indépendante et résistante.
> Passage et fixation des greffes
Le faisceau PL est passé en premier, de tibial
en fémoral.La fixation fémorale est assurée
par l’Endo Button CL. Le faisceau
AM est passé en second, sa fixation étant
identique à celle du faisceau précédent.
Un cyclage séparé des deux faisceaux,sous
50 N de traction, entre 0° et 120° de
flexion,est effectué 20 fois.L’isométrie de
chaque faisceau est ensuite mesurée entre
MÉDECINS DU SPORT 12
9h30
11 h
11 h
N°76-MARS/AVRIL 2006
Figure 4 - Vue endoscopique de l’émergence
des deux broches des tunnels antéro-médial et
postéro-latéral.

Figure 5 - Vue endoscopique de la
reconstruction finale, avec les deux faisceaux
antéro-médial et postéro-latéral.
Figure 6 - Aspect radiographique de profil
après reconstruction anatomique
à double faisceaux.
0° et 120° de flexion,sous une traction de
50N appliquée au dynamomètre, après
avoir tracé au crayon dermographique des
repères sur chaque greffe.
La fixation tibiale se fait sous une traction
de 50 N, mesurée au dynamomètre
avec vis d’interférence de 35 mm de longueur
et d’un diamètre de + 2 mm par rapport
au diamètre du tunnel.Elle débute par
le faisceau PL,genou fléchi à 15°,angle vers
lequel le faisceau PL est le plus tendu,puis
se termine par celle du faisceau AM,genou
fléchi entre 60° et 90° (Fig.5).L’excès de
10 ans
de médecine du sport
longueur des greffes est
ensuite agrafé sur la face
antéro-médiale du tibia,
avec deux agrafes ligamentaires
à picots (Fig.6).
■ Revue de la
littérature
La notion de reconstruction
à deux faisceaux a
été décrite initialement
par Rosenberg et al.(9) en
1997,dans une note technique
sur l’utilisation du
semi-tendineux à quatre
brins pour la reconstruction
du LCA. Ils proposaient,
pour les genoux
ayant une échancrure
condylienne large,de réaliser
deux tunnels fémoraux
afin de reconstruire
le faisceau AM et PL,avec
un seul tunnel tibial.Cette
technique permettrait,selon
les auteurs,de se rapprocher
de l’anatomie et
de la physiologie normale du LCA.Ils rapportent
ainsi de très bons résultats à propos
d’une série de 55 patients, avec l’utilisation
du semi-tendineux à quatre brins
pour la reconstruction du LCA. Mais aucune
distinction n’a été faite dans l’analyse
des résultats entre les cas où le LCA avait
été reconstruit avec une greffe à un faisceau
et ceux avec une greffe à deux faisceaux.
Deux ans plus tard,Muneta et al.(10) rapportent
les résultats d’une série de 62 patients
ayant bénéficié d’une reconstruction
du LCA à deux faisceaux,avec un recul
post-opératoire de 2 ans.Ils réalisent deux
MÉDECINS DU SPORT 13
N°76-MARS/AVRIL 2006
Figure 7 -
Ancillaire spécifique
de la reconstruction
du LCA.
tunnels fémoraux et deux tunnels tibiaux.
Le semi-tendineux est utilisé pour la reconstruction
du faisceau AM et le gracilis
pour la reconstruction du faisceau
PL. D’après les auteurs, les résultats de
cette série s’avèreraient meilleurs sur la
stabilité antéro-postérieure que la technique
classique, mono-faisceau. Cependant,
il ne s’agit pas d’une série comparative.
Perdezini et al.(11),dans une note technique
publiée en 2000, proposent une
technique comparable, reconstituant
aussi les deux faisceaux de LCA, mais
avec quelques différences.Tout d’abord,
la réalisation d’un seul tunnel fémoral
pour deux tunnels tibiaux.L’idée est de
reconstituer,comme dans l’anatomie normale,une
surface d’insertion tibiale plus
importante que la surface fémorale. Le
transplant utilisé est une greffe de tendon
quadricipital.
La même année, Hara et al. (12) proposent,
dans une note technique, une reconstruction
mixte utilisant le tendon
rotulien associé au semi-tendineux. Le
faisceau AM est reconstruit à l’aide du
transplant de rotulien et le faisceau PL
avec le semi-tendineux,dont l’insertion
tibiale est préservée pour des raisons de
vascularisation. En opposition avec la
technique décrite par Perderzini et al.
(11), ils proposent de réaliser un seul
tunnel tibial pour les deux transplants
et deux tunnels fémoraux.
Hamada et al. (13) rapportent les résultats
d’une étude prospective comparant
les deux techniques à propos de 160 patients,dont
106 ayant un recul supérieur
à deux ans. Les reconstructions du LCA
à deux faisceaux ont été réalisées en utilisant
les tendons ischio-jambiers, avec
deux tunnels fémoraux et un seul tunnel
tibial.Les deux techniques ont donné

de bons résultats sur la stabilité antérieure
dans les deux groupes. Selon les
auteurs, les résultats semblent plus en
faveur de la technique deux faisceaux,
bien qu’il n’existe pas de différence statistiquement
significative entre les deux
groupes.
En complément des travaux cliniques,
plusieurs auteurs (13,14) rapportent les
résultats d’études histologiques sur le ligament
croisé antérieur.Cho et al.(15),
dans le cadre de l’évaluation de la technique
de reconstruction du LCA à deux
faisceaux, ont réalisé une étude en microscopie
électronique de la maturation
collagène des greffons, pour des reconstructions
à deux faisceaux ou à un
seul faisceau,chez l’homme.Le diamètre
des fibres de collagène pour les greffes
à deux faisceaux est globalement plus
important que pour les greffes un faisceau,avec
une distribution du diamètre
des fibres plus proche du LCA normal.
Dans le groupe deux faisceaux, le diamètre
des fibres de collagène paraît plus
important pour le faisceau PL. Ces différences
sont statistiquement significatives.
Les auteurs proposent deux explications
à ces résultats :
BIBLIOGRAPHIE
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bundles. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 2002, 88
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10 ans
de médecine du sport
- tout d’abord, le faisceau antéro-médial
est probablement plus sollicité et sa situation
antérieure le rend plus vulnérable
à la compression ;
- ensuite, le faisceau postéro-latéral,
d’après les observations histologiques,
serait plus vascularisé par le tissu synovial.
■ Conclusion
Si l’on considère l’anatomie complexe
du ligament croisé antérieur et sa biomécanique,
la reconstruction à double
faisceaux est une technique plus proche
de la physiologie,qui permet de contrôler
le tiroir antérieur et la laxité rotatoire.
Nous pensons que le faisceau postérolatéral
est impliqué dans le contrôle de
la laxité rotatoire, alors que le faisceau
antéro-médial contrôle le tiroir antérieur.
Les études biomécaniques sont en faveur
de la reconstruction anatomique à
double faisceaux. Quoiqu’il en soit, la
quantification clinique de la stabilité rotatoire
reste un problème non résolu.Cependant,tous
ces arguments nous poussent
à continuer les reconstructions du
LCA dites anatomique. ■
MÉDECINS DU SPORT 14
9. Rosenberg T, Brown G et al. Anterior cruciate ligament reconstruction
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N°76-MARS/AVRIL 2006
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10 ans
de médecine du sport
Traumatologie du sport
Un mariage et un enterrement
Ces 10 dernières années auront été
marquées par deux événements
majeurs dans le domaine de la traumatologie
du sport et de la rééducation.
Si un de ces deux événements se révèle
heureux, l’autre l’est moins car il correspond
à la fin d’un mythe, la fin du Gold
standard.
■ L’enterrement
du transplant libre
au tendon rotulien
ou Kenneth Jones
Au début des années 90,le transplant libre
au tendon rotulien était le Gold standard
de la ligamentoplastie du LCA.
Bien que responsable de douleurs invalidantes
au niveau du site de prélèvement,
on vantait la qualité de la correction de la
laxité articulaire et le respect des muscles
ischio-jambiers. Les rééducateurs avaient
trouvé la parade permettant de gommer au
mieux les inconvénients de cette technique:contre-indication
des exercices d’élévation
jambe tendue, utilisation du travail
en chaîne fermée du membre inférieur…
Tout allait pour le mieux et puis… patatra!
Venue d’Australie,une “nouvelle ancienne”
technique est venue tout remettre en
cause.Considérée comme un phénomène
de mode,on ne donnait pas bien cher de
sa peau.
Pourtant,progressivement,la plastie au droit
interne et demi-tendineux (DI-DT) est devenue
la technique la plus utilisée en
France. Résultat surprenant, alors que les
premières études –de la Société française
d’arthroscopie– concluaient à ses moindres
performances sur la stabilisation articulaire.
Aujourd’hui, on vante la simplicité de la
prise en charge post-opératoire,la petite
taille de la cicatrice, le respect de l’ap-
* Clinique des Grands Chênes, Bordeaux
pareil extenseur, synonyme de performances
pour certains de nos sportifs.On
oublie le prélèvement sur des muscles
– oh ! combien importants ! – pour la stabilité
rotatoire du genou, on oublie également
les douleurs du site de prélèvement
ou “pseudo-claquage”des muscles
ischio-jambiers.
Même si le DI-DT a supplanté le transplant
libre au tendon rotulien, il n’est cependant
pas encore érigé au statut de Gold
standard.
Le sera-t-il un jour ? Rien n’est moins sûr…
Cette disparition (tragique ?) du Gold standard
n’est pas sans répercussion sur l’activité
des rééducateurs,qui auraient pu en
prendre ombrage s’ils n’avaient pas eu à
célébrer un heureux événement : l’avènement
du travail musculaire excentrique.
■ Le mariage
de la rééducation
et du travail
musculaire excentrique
Le travail musculaire excentrique a trouvé
sa place dans la littérature médicale à partir
des années 70. C’était LE modèle expérimental
qui permettait
d’obtenir les “plus belles”
lésions musculaires. Lésions
d’origine mécanique
(overstretching des
Américains du nord) et
métabolique par anoxie
tissulaire, l’association
contraction et étirement
musculaires ne faisant pas
bon ménage avec la perfusion
tissulaire.
Il en a donc fallu du courage à Stanish
pour préconiser le travail musculaire excentrique
dans le traitement des tendinites
rotuliennes et d’Achille à la fin des
MÉDECINS DU SPORT 18
DANS L’UNION DE
LA RÉÉDUCATION
ET DU TRAVAIL
MUSCULAIRE,
LA CONNAISSANCE
ET LE RESPECT
DE L’AUTRE
SONT LES BASES
D’UN MARIAGE
RÉUSSI
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Patrick
Middleton*
années 80. L’objectif avoué étant d’améliorer
la résistance à l’étirement du complexe
musculo-tendineux et de repousser
le seuil lésionnel.
Quel chemin parcouru depuis...
A partir des années 93-95, le travail excentrique
est devenu indispensable à la rééducation.
Il est utilisé aujourd’hui en technique de
gain d’amplitude,comme traitement de la
spasticité et en renforcement musculaire
dans le cadre des lésions musculaires et
tendineuses.
Le travail musculaire excentrique vit ses
heures de gloire.
Il va sans dire qu’en tant que témoin privilégié
de cette union, je suis le premier
à m’en féliciter.
Il ne faut cependant pas perdre de vue
que la connaissance et le respect de l’autre
sont les bases d’un mariage
réussi. Le risque de divorce
existe, si l’on oublie les dangers
potentiels du travail excentrique.
Les protocoles doivent être
courts (pas plus de 50 répétitions).Ils
doivent être réalisés
à vitesse lente et en sousmaximal
afin d’éviter les
douleurs musculaires d’apparition
retardée, qui n’ont
pas d’intérêt en rééducation.
Ce n’est qu’à ces conditions que le travail
musculaire excentrique donnera à
nos patients les meilleures garanties thérapeutiques.
■

10 ans
de médecine du sport
Traumatologie
Place de l’examen clinique
et du traitement fonctionnel
Deux faits ont marqué la traumatologie
du sport depuis 10 ans :
d’une part, la validation de certains
signes cliniques, qui ont donc permis
un meilleur démembrement des lésions
et, d’autre part, l’importance du
traitement fonctionnel dans la prise en
charge thérapeutique.
Les examens complémentaires sont de
plus en plus performants et cela
concerne aussi bien l’arthroscanner et
l’IRM (dont les images sont de plus en
plus riches en information), que l’échographie
dont la place en traumatologie
du sport n’a fait que croître. Paradoxalement,ils
n’ont pas évincé l’examen clinique
et, dans certains cas, ils ont participé
au démembrement lésionnel. La
précision du diagnostic lésionnel est capitale,car
elle permet une stratégie d’imagerie
et une prise en charge thérapeutique
adaptée. Ce diagnostic repose
initialement sur les données de l’interrogatoire
et de l’examen clinique.Ainsi,
la validation de certains signes cliniques
a été évaluée en terme de sensibilité et
de spécificité, pour apprécier leur fiabilité
et leur intérêt dans le démembrement
lésionnel. Cependant, la majorité
des signes d’examen clinique n’ont pas
encore été totalement validés et il faut
donc savoir distinguer ceux qui ont été
réellement évalués de ceux qui sont utilisés
sans que l’on connaisse leur fiabilité.Si
la validation des données de l’examen
clinique et de la rééducation n’est
pas aboutie dans certains cas, c’est en
partie lié au fait qu’il est toujours très
difficile d’effectuer un travail de recherche
dans ce domaine, où les paramètres
sont parfois difficilement repro-
* Service de médecine du sport, CHU Salvator, Marseille
ductibles et quantifiables. Depuis maintenant
quelques années, des séries
concernant les données de l’examen clinique
et de la rééducation ont permis soit
de confirmer la valeur de signes cliniques
depuis longtemps connus, soit, au
contraire, d’infirmer certaines données
qui semblaient acquises.
Plusieurs exemples méritent d’être cités.
■ Epaule : une meilleure
évaluation clinique
En ce qui concerne l’épaule, de nombreux
auteurs, et parmi eux, Noël (1)
et Leroux (2), ont permis de mieux appréhender
l’évaluation clinique de celleci.
En effet, le fait de connaître le degré
de fiabilité des tests,comme par exemple
le Palm-up test pour le long biceps, le
“Jobe” pour le sus-épineux ou le “Gerber”
pour le sous-scapulaire, nous permet
d’acquérir plus de précision dans le
diagnostic clinique. Il est clair que ces
signes cliniques, quand ils sont en rapport,
par exemple, avec les données
d’une bonne échographie, permettent
de poser un diagnostic lésionnel avec
une quasi-certitude. Il faudra toujours,
MÉDECINS DU SPORT 19
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Jean-Marie
Coudreuse*
Test
isocinétique de cheville.
bien sûr, tenir compte de la tolérance
fonctionnelle de lésions objectivées à
l’échographie et le travail de Montalvan
(3) sur les joueurs de tennis senior de
bon niveau a montré qu’il pouvait exister
des lésions de la coiffe parfaitement
tolérées chez ces joueurs pouvant pratiquer
sans douleur le tennis.
■ Entorse de cheville :
évaluer la gravité
Une étude récente, qui a été effectuée
en 2005 dans le service de médecine du
sport du CHU Salvator à Marseille (4),
concernant la fiabilité des signes cliniques
habituels de gravité dans l’entorse
de la cheville,apporte un éclairage
nouveau. Les signes de gravité (craquement,
sensation de déboîtement, gonflement
immédiat, ecchymose, impotence
fonctionnelle, évolution de la
douleur…) ont été comparés aux données
de l’échographie.Les résultats ont
montré qu’aucun des signes classiques
de gravité n’est spécifique d’une rupture.Seule
la présence de tous les signes
est un facteur prédictif de rupture d’un
faisceau dans 75 % des cas.

■ Place du traitement
fonctionnel
L’autre fait marquant de l’évolution de la
médecine du sport concerne l’importance
croissante de la place du traitement
fonctionnel.
On s’aperçoit qu’au fil du temps le traitement
orthopédique avec immobilisation
stricte est en recul par rapport au traitement
fonctionnel comprenant un programme de
rééducation associé ou non au port d’une
attelle.Ainsi,depuis la conférence de consensus
de 1995 (5), il est acquis que le traitement
des entorses du ligament collatéral latéral
de la cheville doit être fonctionnel,
associant le port d’une orthèse à des séances
de rééducation.En ce sens,le travail de Graziani
et al. (6) a bien montré l’importance
d’un renforcement des muscles fibulaires
de la cheville sur un mode excentrique.Les
résultats,en terme de gain de force,sont nettement
supérieurs à ceux d’un travail
concentrique.Ce gain de force excentrique
est capital dans la mesure où ces muscles
sont éverseurs et donc,vraisemblablement,
protègent contre le mécanisme de l’entorse,
même si la physiopathologie de celle-ci n’est
pas encore totalement élucidée.
L’isocinétisme, en permettant de quantifier
avec précision la force musculaire
de ces éverseurs, a apporté une contribution
importante à l’évaluation de sportifs
victimes d’entorses de la cheville.
■ Déficit de force et
lésions musculaires
Le remarquable travail de Croisier (7), à
travers une étude multicentrique concernant
les footballeurs professionnels,a permis
de mettre en évidence ce que beaucoup
soupçonnaient déjà,à savoir qu’un
déficit de force favorisait la survenue de
lésions musculaires.Il est en effet apparu,
lors de cette étude,qu’un déficit de force
excentrique des muscles ischio-jambiers,
évalué en isocinétisme chez un footballeur
professionnel, multipliait par 5 le
risque de lésion sur ce groupe musculaire
et ceci au cours d’une seule saison.
■ Prise en charge
des lésions aiguës
La meilleure prise en charge des lésions
10 ans
de médecine du sport
aiguës (entorses,élongations,claquages…)
ou chroniques (tendinopathies…) repose
d’une part sur l’analyse de résultats cliniques,mais
d’autre part sur une connaissance
accrue des phénomènes de cicatrisation.
On sait, en effet, que la
contraction musculaire,ainsi que la traction
dirigée, favorisent la cicatrisation
musculaire. En ce sens, on peut insister
sur le fait qu’un programme de rééducation
doit quasiment toujours comporter
trois axes :
● des étirements, avec un travail de gain
d’amplitude ;
● du renforcement musculaire utilisant
les modes statiques,concentriques et excentriques
;
● un travail de stabilité ou de proprioception.
En aucun cas ce programme ne peut se
limiter à de la physiothérapie (électrostimulation,
ultra-sons, laser, ionisations…),
dont l’efficacité à ce jour reste
discutée,à l’exception des ondes de choc
qui semblent intéressantes dans certaines
indications comme les tendinopathies.
■ Chirurgie : toujours
d’actualité
Le traitement chirurgical reste toujours d’actualité.
Le nombre d’indications a diminué
mais,et cela est important,elles se sont
précisées. Par exemple, dans les lésions
de la coiffe, on connaît mieux les critères
qui permettent de proposer une chirurgie
et,surtout,le délai s’est souvent raccourci.
Dans un certain nombre de pathologies,
comme par exemple la pubalgie, on n’attend
plus forcément 6 mois ou 1 an d’échec
BIBLIOGRAPHIE
1. Noël E, Walch G, Brochu M. La manoeuvre
de Jobe. A propos de 227 cas. Rev Rhum
1989 ; 56 : 803-4.
2. Leroux JL, Thomas E, Bonnel F, Blotman F.
Valeur diagnostique des test cliniques utilisés
dans le syndrome du défilé sous-acromial ; étude
prospective. Rev Rhum 1995 ; 62 : 447-52.
3. Montalvan B, Parier J, Brasseur JL et al.
Confrontation entre l’état clinique et les
constatations échographiques de l’épaule du
tennisman senior. J Traumatol Sport 2002 ;
19 : 197-207.
4. Gremeaux V, Coudreuse JM, Cohen M et al.
Etude comparative clinique et échogra-
MÉDECINS DU SPORT 20
N°76-MARS/AVRIL 2006
Test isocinétique
du genou chez un footballeur.
du traitement médical et l’intervention chirurgicale
est à présent proposée dans des
délais beaucoup plus courts.
■ Le sportif d’abord !
Enfin, on ne peut qu’insister sur le fait
que c’est le sportif qui doit être soigné
et non son imagerie. Cependant, celleci
garde un intérêt extrêmement important
dans la gestion de la blessure,en particulier
dans l’annonce de la durée
probable d’évolution de la blessure, à
condition qu’il existe un travail de collaboration
étroit et efficace entre cliniciens
et radiologues.
En conclusion, il apparaît que, depuis
10 ans,certains signes cliniques en traumatologie
du sport sont mieux connus
et mieux évalués et que le traitement
fonctionnel a pris une place de choix
dans la stratégie thérapeutique. ■
phique des lésions du ligament collatéral
latéral de la cheville. Ann de Réadaptation et
de Médecine physique 2005 ; 48 : 448.
5. 5 e conférence de consensus en médecine
d’urgence de la société francophone d’urgences
médicales. Roannes, avril 1995.
6. Graziani F, Coudreuse JM. Intérêt du travail
excentrique des muscles fibulaires après
entorse du ligament latéral externe de la
cheville. J Traumatol Sport 2001 ; 18 : 123-7.
7. Croisier JL, Reveillon V, Ferret JM et al. Isokinetic
assessment of knee flexors and extensors
in professional soccer players. Isokinetics
and Exercise Science 2003 ; 11 : 61-2.

MDS76_21-23-imagerie. 31/03/06 15:11 Page 21
10 ans
de médecine du sport
Imagerie
10 ans de sport et rayons X
Alors,quels changements en 10 ans
de médecine du sport, ou plutôt,
en ce qui me concerne,en 10 ans
d’imagerie de l’appareil locomoteur chez
des sportifs de tout niveau (du sportif du
dimanche au sportif à plein temps) ?
En imagerie, les évolutions sont liées pour
une bonne part aux améliorations des matériels
et aux avancées informatiques,en particulier
du traitement de l’image.Celle-ci est
aujourd’hui entièrement numérique,archivable,transmise
facilement et consultable à
distance. C’est l’évolution majeure de ces
dernières années, quelque soit la modalité
d’imagerie :nous sommes passés du film argentique
au Jpeg ou DICOM.Toutes les modalités
d’imagerie se sont améliorées :plus
rapides,plus fines et aussi plus disponibles.
■ L’échographie
En traumatologie du sport,elle est devenue
en 10 ans un examen de première intention
pour l’étude des parties molles musculaires
et tendineuses, mais également pour l’exploration
péri-articulaire.Pourquoi cette évolution
? L’examen est facilement accessible,
non irradiant (toujours à privilégier dans une
population majoritairement jeune) et peu
coûteux.Il permet d’étudier en dynamique
le mouvement articulaire ou musculaire.Les
sondes et les appareils sont de plus en plus
performants et les échographistes s’améliorent
également, s’ils veulent bien s’intéresser
à la clinique.Le Doppler-couleur est
une aide précieuse pour évaluer une enthèse
ou une articulation inflammatoire,en montrant
de façon démonstrative l’hypervascularisation
locale.Quelles sont les évolutions
à venir ? Sûrement l’acquisition et l’analyse
3D en cours d’évaluation actuellement.
■ L’IRM
C’est l’examen phare en imagerie du sport
aujourd’hui, vedette des comptes-rendus
* Radiologue, Paris
journalistiques dans la presse sportive.Son
accès est devenu plus facile ces dernières
années, au moins dans les grandes villes,
sa sensibilité est reconnue et ses images de
plus en plus précises.En imagerie du sport,
le diagnostic se fait principalement grâce
aux séquences saturation de graisse T2,en
routine sur les machines aujourd’hui, qui
renforcent le signal de l’eau donc de l’œdème.
L’arthro-IRM est enfin réalisable en
pratique, depuis la mise sur le marché de
produits de contraste spécifiques.
L’évolution se fait actuellement vers le couplage
d’antennes, permettant d’explorer
une région plus grande, voire le corps entier.Des
machines permettant l’exploration
en charge du rachis et des articulations dans
des positions différentes commencent à apparaître
sur le marché.Enfin les “petites”machines
restent d’actualité pour les articulations
périphériques.
■ Le scanner
Le scanner,ou tomodensitométrie,
a lui aussi considérablement
évolué en 10 ans.
Des coupes uniquement
axiales du début, nous
sommes parvenus aujourd’hui
à une véritable étude
volumique d’une articulation
ou d’une région anatomique,
avec traitement de plusieurs
centaines d’images pour chaque patient.
Le scanner trouve ses indications principales
pour le thorax, l’abdomen et le vasculaire.Ses
indications chez le sportif souffrant
de l’appareil locomoteur,en dehors de
l’arthroscanner (examen de référence pour
le cartilage), restent toutefois limitées :
exploration d’une anomalie précise ou en
traumatologie osseuse dans les fractures
complexes,l’usage du scanner doit être davantage
ciblé que l’IRM.A égalité de renseignements,on
doit de toute façon privilégier
des techniques non irradiantes.
MÉDECINS DU SPORT 21
LA DÉPENDANCE
DES MÉDECINS
AUX IMAGES
NE DOIT PAS
S’ACCENTUER
ENCORE,
TRANSFORMANT
L’IMAGERIE
EN RÉPONSE
À TOUT
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Philippe
Thelen*
■ Alors, pas un mot sur
la radiologie classique ?
En ostéo-articulaire, la radiologie reste
la base, mais on vit plutôt sur des acquis
sans grands bouleversements.L’image est
numérique, plus contrastée, moins fine
qu’auparavant, mais également plus
constante. Il n’ y a pas de grands changements
à attendre.L’évolution (très lente)
va vers un meilleur contrôle de la dose
délivrée.
■ De l’image...
mais pas
uniquement !
Voilà un petit tour d’horizon
d’imagerie du sport sur
10 ans. Les choses changeront-elles
autant dans les
dix prochaines années ? Sûrement
davantage !
Les indications d’imagerie
ont augmenté grâce à la
technologie, rendant les
médecins plus dépendants
de l’image (même s’ils s’en défendent !).
Il ne faudrait pas que cette dépendance
s’accentue encore, transformant l’imagerie
en réponse à tout.Un bon examen
d’imagerie reste un examen dont l’indication
est argumentée cliniquement,
ce qui améliore nettement sa sensibilité
:faire une échographie ou une IRM sans
renseignement est rarement profitable
pour le patient et très démotivant pour
l’imageur.
Doncdel’image,plus d’image peut-être,mais
pas toute seule:avec de la clinique! ■

MDS76_21-23-imagerie. 31/03/06 15:11 Page 22
Imagerie
Le rêve d’Icare
Bernard Werber, dans son dernier
roman Le souffle des dieux, mettait
en exergue la propension des
hommes à suivre la lumière.
C’est donc à la lumière des progrès diagnostiques
que j’attribuerais la palme de
ces 10 dernières années et ce, dans leur
spectre le plus large, allant de l’imagerie
aux techniques interventionnelles.
■ Cette vieille radiologie
conventionnelle...
L’imagerie médicale, d’abord, et cette
vieille radiographie conventionnelle,qui
bénéficie des progrès de l’imagerie numérique
et de la finesse croissante de leur
qualité d’interprétation.
Je participais dernièrement aux Journées
de la SFR, durant lesquelles Jean-Denis
Laredo nous parlait pendant une heure
du faux profil de Lequesnes, arrivant à
extirper encore et encore de cette incidence
de hanche, pourtant quotidiennement
pratiquée, des détails qui
nous échappaient et qui pourraient être
d’une grande importance dans l’évaluation
des douleurs antérieures du sportif.
L’imagerie plus sophistiquée, avec
la tomodensitométrie, l’arthroscanner,
l’IRM, l’arthro-IRM, les recompositions
tridimensionnelles,qui,chaque jour,peaufinent
d’avantage la qualité de leurs investigations.Mais
attention,cette lumière
peut vite devenir aveuglante.Lors de ces
mêmes journées de la SFR, nous discutions
avec Thierry Boyer,dont on connaît
la pertinence en arthroscopie de hanche
et dont les propos, certes un peu simplifiés
dans ce papier,étaient les suivants:
« Les imageurs nous montrent souvent
des choses qu’on ne voit pas, mais ne
nous montrent pas toujours ce que l’on
cherche ». Et c’est là toucher du doigt le
hiatus, parfois grandissant, entre technique
et examen clinique. Lors des der-
* Centre de rhumatologie et traumatologie du sport,
Saint-Raphaël
10 ans
de médecine du sport
Dr Olivier Fichez*
nières Journées du GRIO, de nouvelles
méthodes alternatives à l’évaluation radiologique
et de détection des fractures
vertébrales ont été proposées par examen
en incidence antéro-postérieure et latérale
du rachis, à l’aide d’appareils d’absorptiométrie
biphotonique à rayons X.
Cette technique permet, en outre, des
mesures quantitatives par l’évaluation
de la hauteur antérieure moyenne et postérieure
des corps vertébraux. Evaluation
en quelques secondes,au prix d’une
irradiation non négligeable. Le “hic” est
que sur un Scheuermann de sportif de
22 ans,cette robotique,à l’interprétation
d’une rapidité sidérale,étiquettera le gamin
comme “fracturaire”.
■ Progrès encore,
des techniques
par radioisotopes
Au premier chef desquelles le classique
technétium 99, qui a bénéficié d’un tra-
Figure 3 - Exemple d’image IRM : désinsertion
de l’aponévrose plantaire, séquence STIR.
MÉDECINS DU SPORT 22
N°76-MARS/AVRIL 2006
Figure 1 - Technique dite "ulnar approch" pour
mesurer la pression de la loge musculaire au
niveau du membre supérieur.
Figure 2 - Appareil ”Stryker”, permettant de
mesurer la pression de la loge musculaire.
vail de l’équipe de Runge de Besançon,
proposant de quantifier cette fixation par
rapport au côté opposé.Cette évaluation
de la fixation comparative et,notamment,
l’étude du rapport de fixation,permet d’affirmer
la valeur prédictive des difficiles
diagnostics de fracture du scaphoïde,avec
des radiographies initialement négatives.
Mais d’autres isotopes sont à l’honneur,
tels le thallium 201 ou le MIBI, initialement
utilisé en cardiologie pour l’exploration
des muscles myocardiques et des
artériopathies des membres inférieurs et
que nous avons détourné pour l’exploration
des syndromes de loges, en couplage
avec les prises de pression. Ces
Figure 4 - Appareil IRM.

MDS76_21-23-imagerie. 31/03/06 15:11 Page 23
prises de pression entrent dans l’exploration
invasive, qui a permis de révolutionner
le diagnostic des syndromes de
loges chroniques.Ces entités étaient pour
moi totalement inconnues au sortir de
mon cycle universitaire. En 2005, nous
les utilisons de manière tout à fait banalisée,
ce qui permet, grâce à un capteur
de pression électronique,l’évaluation des
pressions de loges au repos, à l’effort et
après période de récupération.
■ Une palme
pour l’échographie
Lumière diagnostique toujours, distillée
par la reproductibilité de tests diagnostiques
dans les conditions de fonctionnalité
locomotrice et j’accorderai volontiers
une palme à l’échographie dans sa
dimension dynamique,à condition,bien
sûr, qu’elle soit confiée à des gens compétents.
■ Arthroscopie
thérapeutique :
l’étoile montante
Enfin, l’arthroscopie, dont la dimension
diagnostique s’affaiblit, bien sûr. Cette
technique ne devrait s’étendre qu’au profit
de l’étoile montante de l’arthroscopie
thérapeutique,mais elle a distillé une nouvelle
compréhension de la physiopathologie
articulaire de l’épaule et de la coxofémorale.
■ Apports de l’électroneurologie
Le large spectre des progrès du diagnostic
doit aussi à l’électro-neurologie,à la connaissance
anatomique du démembrement des
pièges neuro-tronculaires,maintenant bien
connu, et permettant d’explorer, de manière
remarquable,ces sites d’entrapment
qu’il est possible de traiter par le biais d’infiltrations
guidées et par l’électro-stimulation,
et qui permettent éventuellement
des tests anesthésiques.
■ Profusion
ou abondance ?
Mais cette abondance peut nuire lorsque
10 ans
de médecine du sport
Il faut savoir ce que l’on cherche et ce que l’on demande aux investigations complémentaires.
le chef d’orchestre laisse chaque musicien
jouer sa partition sans fil directeur
et c’est là l’objet de ma métaphore avec
le rêve d’Icare. Que ne voit-on pas sur la
pression de l’environnement sportif et
sur la tentation de célérité de nos sociétés
? Une succession de “pioches”dans ce
panier des moyens d’investigations sans
évaluation clinique initiale,seule garante
d’une cohérence intellectuelle.
Il est capital de savoir ce que l’on cherche
et ce que l’on demande aux investigations
complémentaires.Une douleur de jambe
chronique ne doit pas succomber à l’avalanche
de radiographies, à une scintigraphie
au technétium, à une IRM pour rechercher
une fracture de fatigue ou une
périostite… Ne doit pas succomber à un
EMG, à la recherche d’une atteinte du fibulaire
ou du sural… Ne doit pas succomber
à une scintigraphie au thallium
ou à une prise de pression dans le cadre
d’un syndrome de loges… Ne doit pas
succomber à un écho-Doppler, à une angiographie,
voire une angio-IRM, à la recherche
d’un piège vasculaire… alors que
le “mec” a peut-être une sciatique ! Dernièrement,
une star du foot anglais débarque
chez nous, entourée d’un aéropage
médico-technique, et, avec sur la
table d’examen,ce genou douloureux de
plusieurs milliers d’euros, sorry, “livres
sterling” d’investigations complémen-
MÉDECINS DU SPORT 23
N°76-MARS/AVRIL 2006
taires. Scanner, arthroscanner, scintigraphies,
IRM, arthro-IRM et pour finir, une
exploration arthroscopique.Après examen
clinique rigoureux, nous avons fait,
devant le staff incrédule, un cliché monopodal
schuss à 20° (Z15 + 5), objectivant
un pincement millimétrique du compartiment
interne versus 12 mm au
compartiment externe, nous amenant à
proposer sur cette corrélation radio-clinique
une indication d’ostéotomie.Elle a
été confirmée par nos confrères de Denver
(USA) –au diable l’avarice!–,le joueur
ayant été finalement opéré en France avec
succès.
■ Ma conclusion sera
cybernéticienne...
Avec comme définition de la cybernétique
du Larousse :« Etude des processus
de commande et de communication chez
les êtres vivants,dans les machines et les
systèmes sociologiques et économiques».
A priori,vous ne voyez pas le rapport avec
le texte (CQFD). La lumière (fut-elle des
mots) peut être aveuglante si l’on perd
le fil conducteur de l’idée et les mots
sont à l’idée ce que les investigations
complémentaires sont à la réflexion
diagnostique.
En réalité, fouillez bien dans la cybernétique,
il y a un rapport certain. ■

10 ans
de médecine du sport
Nutrition et sport
10 ans plus tard…
10 ans plus tard…
c’est super !
Le comité scientifique est toujours fidèle,
merci de l’amitié de chacun.De plus,notre
spécialité a pris la place qui est la sienne
depuis que l’homme est homme sur terre
et qu’elle aurait dû conserver.
De la dernière roue du carrosse, puisque
mon maître, le Professeur Creff, souffrait
d’être qualifié par ses pairs de “médecin
pour patineur à roulettes”, bien qu’étant
gastro-entérologue,endocrinologue et diabétologue.
Il s’était intéressé très tôt à la
diététique des athlètes et a créé la première
consultation de médecine du sport
en France. Actuellement,on reconnaît que
les règles hygiéno-diététiques sont essentielles
dans de nombreuses maladies.
La nutrition est en passe de devenir un
soin à part entière. En tant que diabétologue,
la spécialité de nutrition étant liée
avec l’endocrinologie et la diabétologie,
je suis “aux anges” quand nous sommes
mélangés dans les congrès et les conférences
et que les thèmes impartis à la nutrition
sont conséquents : congrès de
cardiologie, de cancérologie, de rhumatologie…
Qui peut nier les travaux de Serge Renaud
dans la prévention des récidives de l’in-
* Médecin du sport, endocrinologue, diabétologue,
nutritionniste, Paris
farctus du myocarde ? Qui peut
contester la suprématie de la diète
méditerranéenne dans la mobimortalité
et la longévité ? Qui peut
s’opposer aux recommandations alimentaires
des plus grands pour une protection
vis-à-vis du cancer dans nos populations?
Et l’obésité… Là, l’enjeu public et économique
est considérable.Pour nos sportifs,
il n’y a plus rien à prouver sur la place de
la nutrition, il faut juste les aider à suivre
les conseils hygiéno-diététiques.
■ Sur les traces
des Anciens
« Que l’alimentation soit ta propre médecine
» disait Hippocrate dès le IV e siècle
avant J-C.Que de chemins et de détours parcourus,puisque,après
les formidables avancées
dans le traitement des maladies grâce
aux médicaments et à la chirurgie,l’intérêt
de l’alimentation dans la santé de l’homme
revient au premier plan des préoccupations.
Les conseils hygiéno-diététiques interviennent
dans le traitement de la majorité des
pathologies : diabète, augmentation du
cholestérol, des triglycérides, cancers,
MÉDECINS DU SPORT 25
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Paule Nathan*
troubles digestifs,ostéoporose,tendinite,
obésité…
Suivons encore une fois le chemin des anciens,sur
les traces de Platon.Il avança la
notion de conscience du choix et par-là
même,introduisit la notion de liberté,tout
en prônant l’idéal épicurien qui incite à
la recherche de mets simples,de qualité,
en opposition à une alimentation pléthorique
et néfaste pour la santé. Quel
grand visionnaire ! « Alimentation pléthorique
est néfaste pour la santé »,c’est
l’excès alimentaire des portions trop
grandes,de la consommation de produits
gras et sucrés et donc, l’apparition des
maladies de surcharge avec l’obésité,
l’hypercholestérolémie, l’augmentation
des triglycérides, le diabète, les maladies
cardiovasculaires… L’augmentation de fréquence
de ces maladies dans nos pays développés
commence à être la première
des préoccupations de nos contemporains
en ce qui concerne leur santé.C’est

un enjeu majeur de santé publique pour
nos sociétés.
■ Une évolution liée
à notre mode de vie
Notre alimentation subit l’évolution liée au
changement de notre mode de vie. Au cours
des dernières décennies,la mère de famille
reproduisait les repas qu’elle avait vu élaborés
par sa mère, sa grand-mère ou une
autre personne de son entourage.La structure
des repas,la diversification des mets et
des plats nous avaient permis de garder une
alimentation relativement structurée et
diversifiée.Actuellement, le temps de préparation
des repas est restreint,on observe
une tendance au recours à des plats “tout
faits”, industrialisés, beaucoup plus riches
en calories,en lipides ou en glucides d’absorption
rapide. D’autre part, l’hyperactivité
de chacun, qui cumule le travail, les
temps de transports,les loisirs,la télévision,
l’usage d’Internet,fait que nous voulons passer
de moins en moins de temps à table.
La “table familiale”est remise en cause.
Aujourd’hui, les repas familiaux tendent
à disparaître de plus en plus fréquemment
du fait d’un nouveau mode de vie, chacun
allant se servir dans le réfrigérateur
et composant son repas à sa convenance.
L’aliment étant disponible facilement et
sans restriction, c’est à chacun de faire
l’effort de penser son alimentation pour
apprendre à l’équilibrer.
Mais pour équilibrer son alimentation,
il convient de ne pas s’enfermer dans un
système et de garder sa liberté dès que
l’on a acquis les règles élémentaires,tant
est grande ici l’intrication entre le temps,
les goûts,les préférences,la convivialité,
les habitudes familiales,cultuelles et culturelles.Rappelez-vous
qu’il n’y a pas d’aliments
mauvais,il n’y a que de mauvaises
habitudes alimentaires. Comme les aliments
ont des compositions différentes
en glucides, lipides, protides, vitamines
et minéraux, il convient de consommer
chaque jour des aliments de chaque famille,
pour équilibrer son alimentation :
« De tout un peu, de peu assez ».
L’alimentation équilibrée passe aussi par
le plaisir.Il est essentiel,pour un bon équilibre
intérieur, d’avoir une alimentation
équilibrée de base et de profiter des sor-
10 ans
de médecine du sport
Aujourd’hui, les repas familiaux tendent à disparaître du fait d’un nouveau mode de vie.
ties entre amis,des repas de famille ou des
voyages sans se poser de questions et culpabiliser
avec son assiette à longueur de
repas comme on le voit trop souvent.Notre
inconscient et notre conscience ne sont
souvent pas en phase avec la détente que
procure la satisfaction de répondre au besoin
de manger, nécessaire au bon fonctionnement
de notre organisme,et le plaisir
de manger que l’on voudrait retrouver
à chaque bouchée.Avoir une alimentation
équilibrée est simple.Tout est questions
d’harmonie, d’équilibre et de plaisir.
■ Ne pas confondre
besoin de manger et
plaisir de manger
Si nous voulons trouver du plaisir dans
chaque aliment ou chaque repas,nous risquons
d’être entraînés par notre gourmandise
et nos mauvaises habitudes.Car,
pour bon nombre d’entre nous, le plaisir
de manger passe par la consommation de
plats trop gras, trop sucrés, trop salés et
bourratifs pour palier,bien souvent,notre
déprime et nos angoisses. On sale et on
sucre avant d’avoir même goûté les aliments.
Où est l’aliment en tant que tel ?
Lorsque l’on sale un plat de légumes ou de
viande avant de l’avoir goûté, c‘est le sel
que l’on recherche.Lorsque l’on abuse du
beurre ou de la crème dans l’élaboration
d’un plat de poisson, le poisson est noyé
par notre appétence à la crème.Pour nous
MÉDECINS DU SPORT 26
N°76-MARS/AVRIL 2006
débarrasser de ces abus de gras,de sucres,
de sel,mangeons lentement en mastiquant,
retrouvons le goût de l’aliment nature,
usons et abusons des épices et des aromates
qui embaument les sens et leur procure
plénitude. Et apprenons à composer
nos repas selon nos besoins,faisons de
chaque repas un plaisir,un moment de détente
avec une jolie table, une bonne ambiance.
Laissons notre stress à 3 m de la
table.Auparavant,on arrêtait toute activité
avant de manger,on se lavait les mains et,
détendu,on passait à table.Actuellement,
c’est en gardant son stress que l’on passe
à table et beaucoup mangent devant leur
ordinateur ou leur TV.
Réservons le plaisir des mets bien élaborés
et bien gras pour les festivités en
famille ou entre amis.
Ne suivons pas une diète monotone, ne
nous privons pas de plaisir:la cuisine,c’est
se faire plaisir et faire plaisir aux autres.
“Gastronomisons” la diététique, faisonsnous
plaisir et ce, quelles que soient nos
faiblesses.Apprenons les vertus des aliments,apprenons
comment les associer à
notre vie quotidienne. Répondons au besoin
de manger par le plaisir de manger.
Sur une table,pensons que les légumes,les
fruits, les couleurs, les odeurs stimulent
agréablement tous nos sens.Apprenons à
reconnaître les aliments bénéfiques et à
nous réconcilier avec notre assiette.C’est
avec ce programme que le sportif pourra
donner le meilleur de lui-même. ■

10 ans
de médecine du sport
10 ans de nutrition
A-t-on réussi à bannir
les idées reçues ?
■ L’eau est partout !
En nutrition appliquée,“l’hydratation”
est une vraie victoire sur les idées reçues.
Elles ont longtemps sévi et forçaient le
sportif à la déshydratation,sa force et son
mental devaient être liés à ce qu’il s’imposait
sur le plan physique :plus l’effort
était réalisé dans la souffrance et plus
il était reconnu.A bannir ! Aujourd’hui,
l’eau est partout, le sportif a été éduqué
à porter sa bouteille ou des systèmes
d’hydratation, à se faire accompagner
lors des trecks, à consommer quelques
gorgées d’eau régulièrement en gymnastique,GRS,danse…
et l’eau est sur le
bord des piscines.
* Médecin du sport, nutritionniste, Insep, Paris
L’hydratation au cours des repas reste encore
une question pour certains. La réponse
est celle de la raison. Il faut boire
avant, pendant, après les entraînements
et bien sûr avant, pendant et après les
repas. Seules de grandes quantités
consommées très rapidement peuvent
être gênantes au niveau digestif.
L’hydratation minimale reste de 1,5 l/jour,
à laquelle s’ajoute la déshydratation liée
à l’activité sportive,au minimum 600 ml/h
et jusqu’à 4 l/h selon l’activité, son intensité,
sa durée et le climat.
■ Déséquilibres
et carences, toujours...
Par ailleurs et malheureusement, les in-
MÉDECINS DU SPORT 27
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Marie-France
Oprendek*
terrogatoires alimentaires des sportifs
n’ont pas beaucoup évolué. Leur alimentation
est déséquilibrée, ils restent toujours
en carence de fruits et de légumes
et sont encore nombreux à consommer
trop de matières grasses à travers des sucreries,
des plats préparés et la restauration
rapide.Certains en sont au contraire
carencés, car ils ne mettent plus d’huile
dans les assaisonnements et les matières
grasses sont supprimées pour la cuisson
des aliments.Cette carence est une mise
en danger directe du cerveau,du système
cellulaire et hormonal et, donc, un handicap
pour la récupération et la performance
sportive.
Nombreux sont les sportifs qui ont des apports
insuffisants en protéines et en sucres

Les sportifs ont souvent
des apports insuffisants
en protéines
et en sucres lents complexes.
complexes (pommes de terre, pâtes, riz,
semoule, légumes secs, céréales, produits
de panification…). Ils n’en consomment
qu’une fois par jour. Là aussi, les idées reçues
sur les protéines, la toxicité des
viandes rouges et des laitages générateurs
de tendinite,persistent dans le monde des
médecins du sport,des entraîneurs,des kinésithérapeutes,
des préparateurs physiques
et mentaux et des parents.
De même, les idées reçues sur le repas du
soir à alléger,“quasiment inutile”puisqu’il
arrive en fin de journée,au moment de dormir,sont
toujours présentes.Il est admis que
« dormir ne dépense aucune énergie ».Pourtant,
les 50 à 80 calories/h liées au métabolisme
de base représentent une dépense
suffisante pour que le repas du soir reste
équilibré avant le jeûne de la nuit. Si les
protéines disparaissent au profit d’une
ration trop conséquente en sucres complexes
à ce stade de la journée sportive,ce
repas aura un retentissement direct sur
la récupération et la restitution des stocks
énergétiques musculaires et hépatiques et,
au pire,augmentera la masse grasse du sportif.La
fatigue sera non seulement physique,
mais aussi psychique.
A ces différents niveaux,nous n’avons fait
aucun progrès malgré toutes les conférences,
les cours,les prises en charge des sportifs
en groupes et individuels.Les courants de
10 ans
de médecine du sport
pensées sévissent toujours et font la loi.
Par contre,certains grands champions éduqués
et convaincus du bien fondé de l’équilibre
alimentaire, font passer ce discours
lorsqu’ils deviennent entraîneurs.
Le sportif est unique, sa dépense énergétique
est modulable en fonction de ses entrées
alimentaires. Il faut travailler pour
qu’un maximum d’entrées énergétiques
soit consommées avec des aliments de
haute densité nutritionnelle et balayer les
restrictions.
■ Du bon sens !
Gardons le plaisir,gardons les traditions,
qu’elles soient familiales ou religieuses.
Seul le “Ramadan”reste un problème pour
le sport pratiqué dans la journée : il doit
être négocié auprès des sportifs, de leur
famille et de leur instance religieuse.
L’alimentation doit rester un conseil de bon
sens, que les médias galvaudent constamment.
Le bon sens des repas complets effraie
par le volume à ingérer.Pourtant,le volume
alimentaire n’est pas le reflet d’une
prise de masse grasse,au contraire :plus les
apports énergétiques de base sont équilibrés
et plus l’organisme a tendance à augmenter
ses dépenses énergétiques de reconstruction
et de restitutions des stocks
énergétiques.Pour cela,il suffit d’organiser
MÉDECINS DU SPORT 28
N°76-MARS/AVRIL 2006
les repas en respectant le devenir métabolique
des nutriments (protides,lipides,glucides),des
oligo-éléments et des minéraux.
Enfin,certains estiment que se nourrir représente
un budget important.Les paquets
de gâteaux, les bouteilles de soda, les sucreries,les
bonbons,les gâteaux à apéritif,
le chocolat et autres denrées de ce type
ont un coût beaucoup plus élevé que les
denrées de base.
Pour l’eau, celle du robinet reste une eau
intéressante, à la portée de tous, même si
les eaux minéralisées amènent des éléments
calciques, magnésiens, sodiques et
potassiques.
■ En conclusion
S’alimenter est un plaisir.La diabolisation
de certains aliments entraînera des compensations
alimentaires compulsives et mettra
en danger l’organisme. L’équilibre alimentaire
est le partenaire de la performance.
Aucun aliment n’est toxique.Seule l’exclusion
de certains d’entre eux au quotidien
peut fragiliser le sportif.Un vrai repas midi
et soir,des protéines variées,accompagnées
de pain ou de féculents,de fruits,de légumes,
de laitages et de matières grasses,un petitdéjeuner
complet avec une hydratation correcte,sont
le gage de l’intégrité corporelle
et mentale du sportif. ■

MDS76_30-33-dopage 31/03/06 15:18 Page 30
10 ans
de médecine du sport
Le paradoxe
du cyclisme
Populaire et montré du doigt
■ Et toujours l’image
du dopage...
L’histoire du cyclisme des 10 dernières années
est malheureusement liée à l’image
du dopage.
Depuis la mort de l’anglais Tom Simpson le
13 juillet 1967,lors de la 13 e étape du Tour
de France dans l’ascension du Mont Ventoux
et la mise en route immédiate, dès 1968,
des premiers contrôles sur le Tour de France,
on ne parle plus que de dopage !
Il est vrai qu’il s’agit du sport qui, près de
40 ans après les premiers prélèvements,demeure
le plus contrôlé. Seul sport, par
exemple,où les coureurs se soumettent à un
prélèvement sanguin à 7h du matin un jour
de grande étape de montagne ou le jour de
l’arrivée sur les Champs-Elysées.
Pourtant,les chiffres montrent qu’il n’y a heureusement
pas plus de tricheurs dans ce sport
que dans de nombreuses autres disciplines.
La résonance médiatique d’un cas positif ou
douteux est toute différente selon qu’il s’agit
d’un cycliste ou d’un autre sportif.
Le cyclisme est resté malgré tout,au cours
de ces 10 dernières années,le sport le plus
populaire, avec le football, et son épreuve
reine, le Tour de France, draine toujours,
chaque année,plus de 15 millions de spectateurs
le long des routes. Alors, il ne faut
pas désespérer de faire entendre raison aux
jeunes et peut-être, surtout, à leur entourage
scientifique.
Et si la moyenne du Tour a augmenté, il
ne faut oublier que les étapes sont plus
courtes qu’autrefois,ce qui accorde plus
d’heures de repos aux coureurs,mais aussi
les rend plus combatifs (il n’y a plus
d’étapes de plus de 250 km,pendant lesquelles
les coureurs se “traînaient” sur
200 km à 30 de moyenne, pour ne rouler
à 70 km/h que sur le final), sans compter
* Médecin chef du Tour de France, Clinique du Sport, Paris
Il a fallu attendre le décès de Kivilev en 2003 pour imposer le port du casque.
l’amélioration du matériel (avez-vous déjà
roulé sur un vélo de professionnel, véritable
Formule 1 ?), des routes et de l’hygiène
de vie en général...
■ Davantage de sécurité
Enfin, dans un autre registre, un grand
pas en avant a été fait d’un point de vue
sécurité avec le port du casque obligatoire
dans les courses.Le cycliste ne possède
aucune protection et il roule la plupart
du temps sur des routes ouvertes à
MÉDECINS DU SPORT 30
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Gérard Porte*
la circulation générale. Très rares sont
les courses pour lesquelles la route est
fermée...Il a fallu le décès de l’Ukrainien
Andreï Kivilev, suite à une chute en
course le 11 mars 2003 sur Paris-Nice,
pour imposer cette réglementation.
Nous souhaitons qu'elle entre prochainement
dans le code de la route et
qu'elle devienne obligatoire pour tous,
car il existe plus de 4 millions de Français
qui pratiquent régulièrement le vélo
sur les routes de nos villes et de nos campagnes.
■

MDS76_30-33-dopage 31/03/06 15:18 Page 31
Législation et dopage
Dix années sur le terrain
Endix ans,l’ensemble de nos pratiques
médicales a évidemment beaucoup
évolué.Dans l’exercice proposé au comité
de rédaction de “Médecins du Sport”,
je me limiterai à évoquer quelques aspects
concernant l’exercice spécifique d’un médecin
du sport de terrain,encadrant tous les
niveaux de pratique sportive.Malheureusement,cette
position privilégiée permet
aussi d’être un spectateur averti des effets
du dopage et de l’efficacité de la lutte contre
le dopage.Dans ces domaines,les 10 dernières
années ont vu l’apparition d’un dopant
extraordinairement efficace,l’érythropoïétine,mais
aussi,en contrepartie – restons
optimistes – l’efficacité d’un Code mondial
antidopage dans la lutte contre le dopage.
■La loi du 23 mars 1999
relative à la protection
de la santé des sportifs et
à la lutte contre le dopage
Une loi sur le sport votée en 1999 et ses
textes d’application codifiés dans le code
de la santé publique : voila sans doute ce
qui pourrait avoir le plus marqué,sur le plan
médico-légal,nos devoirs professionnels au
cours de la dernière décennie. En effet,
depuis début 2000,décrets et arrêtés se sont
succédés pour préciser le rôle des médecins
dans la surveillance médicale des sportifs,
la réalisation et la transmission des résultats
des examens effectués dans le cadre
de cette surveillance.Ces textes législatifs
précisent aussi les obligations des médecins
dans la prescription de médicaments
aux sportifs de compétition et en cas de
signes évoquant une pratique de dopage.
Le début de ce siècle a vu s’inscrire, dans
le code de la santé publique,les devoirs des
médecins qui traitent les sportifs.Dans ce
domaine,l’information et la formation des
médecins généralistes et spécialistes sont
à présent un réel challenge pour les médecins
“référents sports”que nous sommes.
* Médecin de la Fédération française d’athlétisme, Médecin
conseiller du directeur régional jeunesse et sports PACA
10 ans
de médecine du sport
■ La médecine du sport
de terrain : une spécialité
“introuvable”
A la fin des années 80,toutes les commissions
médicales nationales des différentes
fédérations se sont mobilisées pour mettre
en place, dans chaque région, des professionnels
de santé qui seraient leurs relais:
les médecins de ligue et les commissions
médicales régionales. Ce réseau médical
de terrain a beaucoup donné de son temps
au service des dirigeants, des entraîneurs
et des sportifs, mais il est actuellement
en voie de disparition.Les raisons en sont
probablement multiples :
● raréfaction et vieillissement de la population
médicale ;
● difficultés pour des professionnels de
santé de travailler dans un dispositif composé
à 95 % de bénévoles ;
● absence de réelle volonté fédérale pour
soutenir les actions de santé au sein de la
majorité des clubs et des ligues non professionnelles.
Pour décrire cette désertification médicale,
un excellent rapport parlementaire concernant
la médecine du sport a été écrit fin
2005 et qualifie notre activité de spécialité
« introuvable » ! (Avis n° 12-2569-12, présenté
au nom de la commission des affaires
culturelles,familiales et sociales sur le projet
de loi de finances pour 2006
(n°2540) par M. Olivier Jarde, député.
Version pdf : www.assemblee-nationale.
fr/12/pdf/budget/plf2006/a2569-12.pdf).
■Un nouveau dispositif
régional pour le sport
intensif et de haut niveau:
les pôles
La médecine fédérale régionale est appelée
à disparaître,mais une autre médecine
émerge, celle au service des sportifs en
pôle. Ces filières d’accès au haut niveau
remplacent les sections sport-études et les
centres permanents d’entraînement et de
formation.En effet,depuis 1995,une nou-
MÉDECINS DU SPORT 31
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Jacques
Pruvost*
velle organisation du sport a été mise en
place : un dispositif de filières de haut niveau
et de filières d’accès au haut niveau,
regroupés en “Pôles France” et “Pôles Espoirs”dans
chaque région.Ces pôles sont
largement soutenus par les fédérations,
le ministère de la Jeunesse, des Sports et
de la Vie associative,mais aussi par les collectivités
territoriales (mairies, communautés
d’agglomérations, conseils généraux,conseils
régionaux),qui deviennent
des partenaires importants et incontournables.
Dans la plupart des sports olympiques,ces
pôles sont déjà des centres ressources
régionaux pour les sportifs sur
listes ministérielles et pour les jeunes sportifs
intensifs en devenir.Ces filières doivent
être particulièrement performantes dans
les secteurs clés suivants :
● la préparation sportive ;
● la formation scolaire,universitaire ou professionnelle
;
● le suivi personnalisé ;
● le suivi médical.
Les équipes médicales et paramédicales qui
interviennent au quotidien dans ces pôles
pour prendre en charge les pathologies induites
par le sport intensif sont aussi d’excellents
relais pour faire passer les messages
de prévention concernant les conduites à
risque et les conduites dopantes.
■ 1995-2005 : les années
“érythropoïétine” vues
de l’athlétisme
La contamination massive du cyclisme par
l’EPO est généralement datée des années
94-95.En athlétisme,les suspicions concernant
les performances des coureurs de
fond sont un peu plus tardives et remon-

MDS76_30-33-dopage 31/03/06 15:18 Page 32
tent aux années 97-98.Depuis,les records
en demi-fond et en fond ont progressés
de manière souvent qualifiée d’« ahurissante
» par les véritables connaisseurs de
l’athlétisme. L’EPO est partout et ne se
limite plus aux disciplines d’endurance.
Ainsi, certains sprinters, spécialistes du
400 m,ont été récemment contrôlés positifs
à l’EPO.Une preuve par le dopage,
pour les physiologistes de l’effort, que
les filières et les aptitudes aérobies et
anaérobies sont intriquées et non pas
distinctes. Une mise en garde pour les
dirigeants et les entraîneurs encadrant
les sports à dominante force/vitesse,qui
s’imaginent trop facilement que leurs
spécialités ne peuvent pas être contaminées
par l’usage de l’EPO.
■AMA et Code mondial
antidopage:
des gendarmes
planétaires
La mondialisation de la lutte antidopage
est passée par la création, en 1999, de
l’Agence mondiale antidopage (AMA),puis
par le développement et la reconnaissance
du Code mondial antidopage. Ce code
mondial a été appliqué pour la première
fois à l’occasion des Jeux Olympiques
d’Athènes, en 2004. Puis, avec le soutien
de l’UNESCO,une convention internationale
sur le dopage, dite “convention globale”,a
rendu applicable en droit national
le Code mondial antidopage. De ce fait,
la nouvelle loi sur le sport,dite “loi Lamour”,
devrait être en place en France dans les semaines
qui viennent.Tout cela est peut-être
un peu opaque pour les médecins de terrains
que nous sommes,rarement intéressés
par les problèmes juridiques. En fait,
il s’agit d’une énorme avancée,car toutes
les fédérations sportives nationales et internationales
et tous les Etats sur notre planète
vont se référer à la même loi :le Code
mondial antidopage.
■ Dopage et violations
des règles antidopages :
une définition du XXI e S
Avec le Code mondial antidopage, la définition
du dopage a beaucoup évolué et
ne se limite plus à la liste des produits do-
10 ans
de médecine du sport
pants.Sont en effet considérés comme une
violation des règles antidopage :
● « La présence d’une substance interdite,
de ses métabolites ou de ses marqueurs,
dont la présence est décelée dans les prélèvements
corporels du sportif » ; par
exemple,Roberto Heras,vainqueur du Tour
d’Espagne 2005, mais contrôlé positif à
l’EPO à l’occasion de la 20 e étape, sera
probablement disqualifié et suspendu
2 ans.
● « L’usage ou la tentative d’usage d’une
méthode interdite.Le succès ou l’échec de
cet usage n’est pas déterminant ». Citons
Tyler Hamilton, champion olympique du
contre-la-montre à Athènes : les contrôles
sanguins ont permis de mettre en évidence,
a posteriori,tous les signes de l’utilisation
de transfusions sanguines, méthode figurant
sur la liste des procédés interdits dans
le cadre de l’amélioration du transfert
d’oxygène.Tyler Hamilton a été suspendu
et déchu de son titre olympique.
● « Le refus ou le fait de se soustraire sans
justification valable à un prélèvement
d’échantillon après notification ou le fait
d’éviter un prélèvement d’échantillon ».
Cette disposition n’est pas réellement nouvelle,
mais il convient de toujours la rappeler
à nos sportifs. Un avion à prendre
n’est pas une excuse valable pour éviter
un contrôle antidopage...
● « La violation des exigences de disponibilité
des sportifs pour les contrôles
hors compétition, y compris le non respect
par les sportifs de l’obligation de
fournir des renseignements sur leur localisation
». Les sportifs des “groupescibles
internationaux”, c’est-à-dire les
meilleurs sportifs dans chaque discipline,
doivent informer régulièrement leurs fédérations
internationales respectives de
la localisation de leur site d’entraînement,
en vue d’éventuels contrôles antidopage
inopinés. En 2004, l’“affaire” des sprinters
grecs Kenteris et Thanou avait fait la
une de tous les journaux en plein Jeux
Olympiques.Ces deux sprinters avaient,
à plusieurs reprises,donné des informations
erronées concernant leurs stages
d’entraînement et avaient ainsi échappé
à plusieurs contrôles antidopage hors
compétition.Ils ont été suspendus pour
2 ans par la Fédération internationale
d’Athlétisme.
MÉDECINS DU SPORT 32
N°76-MARS/AVRIL 2006
● « La falsification ou la tentative de falsification
de tout élément du processus de prélèvement
ou d’analyse des échantillons».
Robert Fazekas,champion olympique au
disque et Adrian Annus, champion olympique
au marteau, ont été disqualifiés et
suspendus 2 ans pour manipulations à
l’occasion des contrôles antidopage dans
les suites de leur titre olympique à
Athènes.
● « La possession par un sportif, en tout
temps ou en tout lieu, de substances ou
de méthodes interdites ».Cette disposition
est depuis peu appliquée en Italie et entraîne
là-bas, en plus des sanctions sportives,des
sanctions pénales. Ainsi,l’italien
Dario Frigo,alors qu’il occupait la 52 e place
du classement général du Tour d’Italie
2005,a été mis en examen,puis placé sous
contrôle judiciaire pour détention de produits
dopants.
● « La possession d’une substance ou
d’une méthode interdite par un membre
du personnel d’encadrement en relation
avec un sportif en compétition ou à l’entraînement
».A la suite de l’affaire Balco,
l’Agence antidopage des Etats-Unis a suspendu,
pour une période de deux ans, le
sprinter américain Tim Montgomery sur
de simples témoignages. Il est important
de noter ce virage essentiel dans la lutte
contre le dopage aux USA:le sportif n’avait
jamais été impliqué dans un contrôle antidopage
positif,mais a été condamné sur
les témoignages, considérés comme crédibles,
de son entourage et des responsables
du laboratoire Balco, qui lui avaient
fourni la fameuse THG.
Un contrôle antidopage négatif n’est donc
plus un argument présentable pour être
assuré de passer à travers les mailles du
filet de la lutte contre le dopage.Sans aucun
doute, cet élargissement de la réglementation
antidopage et son application
courageuse par les différentes
fédérations nationales et internationales,
donnent l’impression que le combat
contre le dopage a gagné quelques batailles
depuis le début de ce siècle. Mais
le spectre du dopage génétique se profile
déjà et il faudra imaginer d’autres
armes pour d’autres combats... Rendezvous
dans 10 ans pour le numéro 150 de
“Médecins du Sport” ! ■

MDS76_30-33-dopage 31/03/06 15:18 Page 33
La lutte contre
le dopage
Echec ou réalité ?
Le dopage m’a toujours fait réagir
en ce sens qu’ancien athlète,
ancien entraîneur et médecin
des équipes de France depuis
30 ans,il ne m’est jamais venu à l’idée
d’y recourir. Et quand j’entends tel
athlète, tel entraîneur ou tel médecin
mettre en doute une performance,surtout
celle de l’adversaire
qui vient de vous battre,parce qu’il
ne fait aucun doute qu’il y a dopage
chez l’autre,je réagis également.Car
la rumeur n’est pas une preuve en
elle-même. Et l’excuse d’avoir été
battu par un soi-disant dopé est plus
une preuve de ses insuffisances personnelles
ou de celles de son entraîneur.
Le problème est que bien
des entraîneurs insinuent le soupçon
chez leurs athlètes en usant de
l’argument du dopage chez l’autre.
Il m’attriste de constater que l’argument
porte chez bien des médecins
d’équipes,quels que soient leur niveau
et leur spécialité.Pourquoi,dans ce cas-là,
ne dénoncent-ils pas les sportifs dopés à
l’Antenne régionale de lutte contre le
dopage, puisque la loi du 23 mars 1999,
article 5, les y oblige ? Mais force est de
constater que ces antennes ne reçoivent
même pas la totalité des sportifs contrôlés
positifs comme ladite loi le prévoit.
Redevenons sérieux,chers confrères.Le dopage
existe et c’est le cancer du sport aujourd’hui.
Et regardez la place qu’il prend
dans l’actualité médiatique au quotidien.
Ce dont on parle ne relève plus de la rumeur,
mais de résultats de contrôles dont
on ne doute plus aujourd’hui de la fiabilité.
La seule réalité que l’on connaît du dopage
est celle des résultats des laboratoires accrédités.Tous
sports confondus,on sait que
les résultats de compétitions sont de l’ordre
de 2 à 3 %, avec des variations très impor-
* Insep, Paris
10 ans
de médecine du sport
Quelques pionniers du comité de rédaction de Médecins du Sport,
au congrès de l’Association américaine de médecine du sport
à Minneapolis en mai 1995.
tantes en fonction du sport et du pays.Les
contrôles inopinés, à condition qu’ils le
soient vraiment,font passer cette moyenne
à 8-10 % de résultats positifs.Pour la petite
histoire, c’est le laboratoire de Châtenay-
Malabry de notre ami Jacques de Ceaurriz,
qui tient la tête des contrôles. Est-ce un
hasard ? Difficile de dire si ces chiffres
reflètent une réalité ou sont sous-estimés.
Quelques sondages d’opinions à travers le
monde indiquent un chiffre plus important,
autour de 15 %, mais on sait ce que
valent les sondages ! La réalité de la pratique
quotidienne en France me semble
plus intéressante qu’un chiffrage.Pour cela,
les rapports annuels du numéro vert
Ecoute Dopage – 0800 15 2000 –
méritent d’être consultés,car ils montrent
un usage quotidien plus important qu’imaginable,quel
que soit le niveau de pratique
et l’âge des sportifs.
Ce qui me rassure dans ce problème du do-
MÉDECINS DU SPORT 33
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Eric Joussellin*
page, c’est l’impression que
quelque chose bouge pour lutter
contre ce fléau en France,
mais aussi à l’étranger. Avant
2001,j’étais plutôt pessimiste et
évoquais, lors de mes interventions,un
retour aux Jeux du
Cirque romain où les spectateurs
venaient parfois voir mourir
les gladiateurs.Que se passet-il
depuis, qui tempère mon
pessimisme ? Je crois que la loi
française,toute difficile qu’elle
soit à mettre en place avec l’article
5 cité plus haut,que nous
avons dénoncé en son temps,
et la rigidité du suivi des sportifs
de haut niveau par
exemple,a au moins le mérite
d’exister.Et l’Europe a suivi,en
incitant les pays à se doter d’un
arsenal juridico-administratif.
L’Agence mondiale antidopage
(l’AMA) également, et malgré ses rigidités,atteint
sa vitesse de croisière.Vous savez
aussi que le nouveau président du Comité
international olympique est un de nos
confrères, sensible à la déontologie médicale
et à l’éthique du sport.Sur le terrain,
vous avez vu qu’aux Championnats du
Monde d’Athlétisme à Paris en 2003 et aux
Jeux d’Athènes en 2004,on a trouvé beaucoup
plus de tricheurs qu’auparavant. Et
depuis, quelques grands sportifs sont
confondus dans des sports variés.S’agit-il
de coïncidences ou de la résultante de
toutes ces actions,qui ont pour départ une
volonté politique des instances sportives
internationales de lutter efficacement et
réellement contre le fléau du dopage ?
J’incline aujourd’hui vers cette hypothèse,
et cette évolution constatée ces
dernières années me rend plus optimiste
pour la survie d’une passion qui nous
anime tous : le sport. ■

MDS76_34-bilan 31/03/06 15:19 Page 34
10 ans
de médecine du sport
10 ans…Quel bilan?
10 ans de “Médecins du Sport.”
Sujet libre pour les membres du
comité de rédaction ! 10 ans de
changements…
■ Dans l’équipe
de rédaction ?
Quelques anciens ont raccroché les
crampons,quelques nouveaux sont
arrivés. Globalement, un noyau dur
stable,avec de vrais liens d’amitié…
■ Dans l’activité
de chacun ?
Sans doute plus de modifications :certains
sont passés de leur cabinet au terrain, en
devenant médecin d’équipe,d’autres ont
fait le chemin inverse,certains ont changé
de lieu d’exercice alors que d’autres ont
quitté la médecine classique pour se tourner
vers des postes plus administratifs ou
sont devenus des intermittents de la médecine.
Cela n’empêche pas la poursuite
de réunions régulières,pour construire les
numéros suivants et continuer à faire vivre
la revue…
■ Dans l’exercice
de la médecine ?
Ceci est valable pour tout le monde : les
nouveaux traitements,l’essor et le progrès
des nouvelles imageries,le recul de la qualité
des images avec les documents papier,
l’accroissement des contraintes administratives,les
imprimés qui changent… Plus
ou moins passionnant…
■ Dans l’exercice
de la médecine du sport ?
Les modifications du contrôle anti-dopage,
la lente progression de la considération envers
le médecin de terrain, l’importance
des assurances professionnelles spécifiques,
qui permettent la pratique d’une médecine
* Clinique des Lilas, Les Lilas
“foraine”, incontournable de façon plus
sereine…
■ Dans notre façon de voir
le sport ?
Nous sommes tous sur la même longueur
d’onde en ce qui concerne le “sportloisir”.
Dès qu’il s’agit du haut niveau,
les discussions restent toujours aussi vives
entre ceux qui estiment que la compétition
explique tout, justifie tout, et ceux
qui restent plus détachés et qui déifient
moins le champion.Dix ans que cela dure,
avec la même pugnacité à chacune de nos
réunions,sans que les membres de chaque
camp ne changent, d’ailleurs…
■ Dans l’activité
des sportifs auxquels
nous étions attachés
au sein des équipes ?
De grands bouleversements dans la vie
de ceux qui sont passés du statut de sportifs
professionnels à celui de dirigeants de
Fédérations, DTN, entraîneurs, mais parfois
instituteurs, cadres chez des équipementiers,
industriels, chef de service
hospitalier…
■ Dans les articles
de la revue ?
Certains des plus anciens seraient sans
doute partiellement réécrits, pour être
MÉDECINS DU SPORT 34
N°76-MARS/AVRIL 2006
Dr Hervé
de Labareyre*
réactualisés. Le
souci de simplicité, de clarté, reste
néanmoins le même.
Nos signatures sont devenues progressivement
moins fréquentes pour laisser la
place à des signatures extérieures. La
forme s’est améliorée avec le temps…
■ Dans nos rapports
avec notre laboratoire
sponsor?
Les équipes de direction ont pu changer
au fil des années.Notre liberté est toujours
restée intacte,l’esprit directeur est
resté le même ; il s’agit sans doute de l’une
des raisons majeures de la vie de “Médecins
du Sport”…
■ Finalement...
Finalement,plutôt que des changements,
ne s’agit-il pas d’une évolution,d’une lente
évolution,qui résulte de l’expérience de
chacun, de son parcours personnel, des
choses de la vie et qui doit,curieusement,
ressembler à votre propre évolution,vous
lecteurs ?
Alors,continuons cette petite aventure! ■