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théâtre /// sculpture /// parfumeur /// mode & création /// photo<br />
raph<br />
Gatti<br />
Fait son<br />
FEstiVaL<br />
"VintagE"<br />
supplément culturel des petites affiches des alpes maritimes
L’OPÉRA DE NICE au PALAIS NIKAÏA<br />
VENDREDI 12 & DIMANCHE 14 JUIN 2009 20h30<br />
SOIRÉE JEUNE PUBLIC ET ETUDIANTS MERCREDI 10 JUIN 20h30 : 5 <br />
AIDAVERDI<br />
Opéra<br />
deNice<br />
BILLETTERIE : OPÉRA 04 92 17 40 79 \ PALAIS NIKAÏA 08 92 390 800*<br />
www.nikaia.fr www.ticketnet.fr www.fnac.com<br />
MERCREDI 10 JUIN 20h30 :BILLETTERIE OPÉRA UNIQUEMENT<br />
Partenariat avec le Palais Nikaïa<br />
*0,34 centimes la minute<br />
licence entrepreneur de spectacles 1-1015185 -2-1015183 -3-1015184 -Peinture Nathalie Verdier
<strong>Art</strong> <strong>Côte</strong> d’Azur<br />
Supplément culturel<br />
des Petites Affiches<br />
des Alpes Maritimes<br />
Numéro 3451<br />
du 2au7Mai 2009<br />
Bimestriel<br />
ISSN 1962- 3569<br />
Place duPalais<br />
17 rue Alexandre Mari<br />
06300 NICE<br />
Ont collaboré àce<br />
supplément culturel :<br />
Rédacteurs<br />
Florence Canarelli<br />
Olivier Marro<br />
Direction <strong>Art</strong>istique<br />
François- Xavier Ciais<br />
Création Graphique<br />
Maïa Beyrouti<br />
Photographe<br />
Jean-Charles Dusanter<br />
Photo de Couverture<br />
<strong>Raph</strong> Gatti,<br />
1979 <strong>Raph</strong> qui mettait<br />
parfois en scène ses shooting<br />
avait trouvé amusant de<br />
mettre entre les mains de<br />
ses sujets un appareil de<br />
photo. L’arroseur arrosé, un<br />
jeu qui avisiblement inspiré<br />
Jerry Lewis.<br />
©Courtesy de l’artiste<br />
Contacter la Rédaction :<br />
Sidonie Bois<br />
Tél :0492472181<br />
Fax :0493807300<br />
sidonie@artcotedazur.fr<br />
www.artcotedazur.fr<br />
<strong>Art</strong> <strong>Côte</strong> d’Azur est imprimé<br />
par les Ets Ciais Imprimeurs/<br />
Créateurs «ImprimeurVert »,<br />
sur un papier répondant aux<br />
normes FSC, PEFC et 100%<br />
recyclé.<br />
La rédaction décline toute<br />
responsabilité quant aux opinions<br />
formulées dans les articles, cellesci<br />
n’engagent que leur auteur.<br />
Tous droits de reproduction et de<br />
traductions réservés pour tous<br />
supports et tous pays.<br />
« J'ai toujours préféré la folie des passions àlasagesse de l'indifférence. »<br />
Anatole France<br />
Le printemps est là depuis seulement quelques jours, et déjà fleurissent les festivals,<br />
les différentes expositions de plein air annonçant très bientôt l’été culturel que notre<br />
région atoujours su embaumer d’effluves artistiques, et de nouvelles couleurs, lumières<br />
réfléchissantes des regards créatifs et novateurs des Papes reconnus ou naissants du<br />
«<strong>Art</strong> context »local.<br />
Le printemps c’est aussi le bourgeonnement et l’explosion des sentiments, l’Amitié,<br />
l’Amour, la Passion…Voila ce qui caractérise ce nouveau numéro d’<strong>Art</strong> <strong>Côte</strong> d’Azur ;une balade avec<br />
des artistes, des acteurs de culture, des «hommes », ou tout simplement des Passionnés ;L’amitié<br />
ou l’Amour se mêlant, leur vie n’est faite que d’échange, de grandes découvertes, d’humanité, et<br />
d’affection.<br />
Par ces temps, il est àsouhaiter qu’aux travers de ces morceaux devie, nous puissions encore fleurir<br />
nos âmes, que ces passions nous enivrent et, tel l’été de nos vingt ans, les parfums et les souvenirs de<br />
ce voyage n’en seront que plus beaux.<br />
FX<br />
UN PEU…<br />
Les planches sont nombreuses :àrepasser, à<br />
découper, àbillet, anatomique, àsavon…<br />
Et c’est là, avec un certain savoir :«nous<br />
savons », que je participe jusqu’au 10 Mai à<br />
l’exposition <strong>Art</strong> et Savonnerie marquant les<br />
125 ans de la fabrique italienne Gavarry (1).<br />
Evidemment les incontournables «bulles »de<br />
toutes sortes étaient présentes, seules celles<br />
de savon ont fait l’objet d’une application<br />
collective !<br />
Oui !une entreprise, un artiste, c’était le<br />
concept d’« <strong>Art</strong>reprise »que nous développions<br />
en 2001 avec la JCE (2). Ponctuer la vie<br />
d’une entreprise, quelque soit sa taille (imposition<br />
!) par un événement en associant un artiste,<br />
c’est afficher une certaine bonne santé, une<br />
confiance. Faire «entrer l’art dans les murs »<br />
par une acquisition, c’est tracer, marquer la<br />
mémoire d’un développement. Certaines, trop<br />
peu hélas, ont pris cette voie, une façon aussi<br />
de se faire «entendre »etd’être àl’écoute en<br />
prenant place dans un tissu culturel faisant<br />
cohabiter œuvre<br />
et travail, c’est<br />
s’autoriser d’une<br />
respiration,<br />
d’une volonté<br />
citoyenne.<br />
Mais voici Mai :<br />
protégez vos<br />
cerises, faites<br />
un épouvantail,<br />
voici le mien !<br />
Et voici aussi<br />
ma bulle<br />
Photo Catherine Mas<br />
(de Mai) JM<br />
PROCHAINEMENT :<br />
12 mai 19h àNice<br />
Faculté StJean d’Angély<br />
Séminaire de psychanalyse PerforMas :<br />
«Bataille navale »<br />
26 mai<br />
AChamonix/Genève<br />
l’accélérateur de particule – PerforMas<br />
«l’hystérie comme œuvre d’art réalisée »<br />
…Etnepas manquer :<br />
le dimanche 14 juin<br />
àBonson<br />
Grand concours de lancer de noyau<br />
d’olive !(RSVP àlaMairie).<br />
(1) Savona Italie www.lamande.it<br />
(2) Jeune Chambre Economique Nice <strong>Côte</strong> <strong>d'Azur</strong><br />
Photo Catherine Mas
En Ville<br />
6 CaNNes<br />
raph Gatti, le photographe<br />
sans appareil<br />
10 tOurrette<br />
leveNs<br />
village-musée àciel ouvert<br />
12 CONtes<br />
J'ai vécu le temps des merveilles<br />
14 MeNtON<br />
mauro colagreco :<br />
tout naturellement !<br />
16 NiCe<br />
terra amata :400.000 ans d'âge<br />
18 BiOt<br />
le musée fernand léger,<br />
toujours «moderne »<br />
©J-Ch dusanter<br />
©J-Ch dusanter<br />
©J-Ch dusanter<br />
©J-Ch dusanter
La Viedes arts<br />
sapone :l’art contemporain<br />
ou la traversée ducœur<br />
20antonio<br />
24mona<br />
26arketal<br />
Galerie<br />
di orio :parfum derêve !<br />
ParFuMeur<br />
:langue de bois<br />
tHéâtre<br />
28corinne reinsch<br />
eco-Glam Versus Bling bling !<br />
MOde &CréatiON<br />
30caminiti<br />
34teresa<br />
36lagalla<br />
:enroue libre<br />
artiste<br />
spina terre en vue !<br />
CéraMique<br />
:that’s all folks!<br />
artiste<br />
©MCaminiti<br />
©J-Ch dusanter<br />
©lagalla<br />
©J-Ch dusanter
6 eN ville cannes<br />
<strong>Raph</strong> <strong>gatti</strong>,<br />
le photographe<br />
sans appareil<br />
du Patriote àl’agence France<br />
Presse puis Nice-Matin, raph<br />
Gatti qui avait toujours son<br />
appareil autour ducou mais<br />
savait le faire oublier voua<br />
quarante ans de sa vie<br />
au reportage. ses clichés<br />
racontentl’ascension de la<br />
riviera, en ces temps où<br />
les célébrités en villégiature<br />
jouaient sous le soleil les<br />
touristes en goguette…<br />
raph Gatti est tombé dans le bain d’ilford tout petit.<br />
Mais celui qui connaîssait Nice comme mille facteurs,<br />
mille chauffeurs de taxi n’avait pas le regard<br />
percé d’un judas mais plutôt celui vif et tendre d’un<br />
passionné delavie qui embrasse à360 degrés ceux<br />
qui la peuple. aussi quoi de plus naturel que ces clichés<br />
parlent si bien de la riviera et qu’en retour ses<br />
victimes, consentantes, parlent si bien de lui. Car<br />
raph Gatti s’est toujours défendu d’être photographe,<br />
refusant dedégainer son 35 mm afin de ne pas<br />
gâcher la magie d’une rencontre remarquable. Par<br />
les temps qui courent, une telle philosophie ça peut<br />
surprendre !etpourtant elle valut aureporter des<br />
photos que personne d’autre n’aurait pu faire.<br />
raph est mort en scène raccrochant son matériel en<br />
2005 quelques temps après un accident de moto sur<br />
la Promenade des anglais. une ironie dusort pour<br />
celui qui débuta aux cotés de l’écrivain louis Nucéra<br />
qui disparut lui 5ans avant percuté en vélo par une<br />
voiture àsaint laurent du var. avec le peintre Moretti<br />
ils formaient uninfernal trio. le plus candide<br />
1970 Bunuel aimait «faire »laCroisette àpied, raph emboîte le pas de son metteur en scène préféré «Jene<br />
comprends pas pourquoi vous êtes toujours avec moi alors qu’il yatant de jolie filles àphotographier »lui<br />
rétorque un jour le réalisateur espagnol.
Ci-contre :<br />
1979 -raph qui mettait parfois en scène ses shooting avait trouvé<br />
amusant de mettre entre les mains de ses sujets un appareil de<br />
photo. l’arroseur arrosé, un jeu qui avisiblement inspiré tony Curtis<br />
en bas :<br />
1976 -Miou Miou et Julien Clerc au cœur de la 29 éme édition. C’est<br />
encore le temps de l’amour entre l’actrice et le chanteur et de la<br />
mode baba cool<br />
des trois laissa derrière lui un précieux héritage, un<br />
miroir fait de milliers de photos où se reflète la <strong>Côte</strong><br />
d’azur dans un tourbillon de paillettes et de grandes<br />
figures du XX éme siècle.<br />
Kessel, spaggiari, giscard, hitchcock<br />
et les autres<br />
raph c’est le diminutif de raphaël, c’est raymond<br />
Moretti qui baptisa ainsi ce niçois depure souche<br />
dont les parents tenaientdepuis 1822 un commerce<br />
de photographie place Garibaldi. raph baigna dans<br />
cette atmosphère d’autant que son père le quittant<br />
trop tôt, il dut aider sa mère àlaboutique. a18<br />
ans, il part pour le service cinématographique des<br />
armées. destination :l’indochine où il réalise ses<br />
premières images avec la population locale, «c’est<br />
ce qui m’a vraiment donné legoût de la photo »<br />
avouera-t-il plus tard.<br />
ason retour de saïgon en 1958, un journaliste du<br />
nom de Nucéra, appelle au magasin. il a besoin<br />
d’urgence d’un photographe. rendez-vous est pris<br />
devant la villa Paradisio àCimiez. quelques minutes<br />
après, en pénétrant dans ce qui est un atelier, raph<br />
se retrouve face au peintre raymond Moretti et Jacques<br />
Brel. une photo qui lui met le pied àl’étrier et<br />
lui permet d’intégrer l’agence France Presse, place<br />
Masséna. l’aFP au temps du yéyé c’était le temps<br />
de l’argentique, des cuvettes, des agrandisseurs.<br />
avec 25 kg sous le bras, les reporters jouaient aux<br />
dockers. son territoire de chasse s’étend de st tropez<br />
àBarcelone. une formidable école d’apprentissage<br />
au fil du Jazz àJuan, duGrand prix de Monaco<br />
ou du Festival de Cannes. raph mitraille. le voyage<br />
présidentiel de Giscard àthaïti, les faits divers, spagiarri<br />
le casse du siècle, Hitchcock sur «lamain au<br />
collet », Chagall pendant la construction de son musée,<br />
les rencontres sportives, les prises d’otages. il<br />
part au liban, en syrie, en egypte<br />
C’est avec louis Nucéra avec qui il oeuvre en duo<br />
qu’il fera au début des années 60 sa deuxième rencontre<br />
marquante. Joseph Kessel donne à l’hôtel<br />
rHul une conférence sur dostoïevski. l’entretien<br />
durera tard dans la nuit. Plus tard il se liera avec<br />
son neveu, Maurice druon secrétaire de l’académie<br />
Française puis avec Jean Cocteau venu tourner «le<br />
testament d’Orphée »àvillefranche, César, J.F lartigues<br />
et tant d’autres…<br />
cannes eN ville<br />
7
8 eN ville cannes<br />
1972 -une étrange équipée :sydney Pollack et son acteur fétiche robert redford nominés pour «Jeremiah Johnson »encompagnie du pianiste<br />
arthur rubinstein et de son épouse Nela. un cliché que raph donnera plus de 30 ans plus au metteur en scène américain après l’avoir rencontré<br />
àNice àl’esquinade.<br />
«alorstunemefais pas la photo, tu préfères<br />
manitas de platas !»<br />
l’aventure Picasso, fut tardive. raph le rencontre en<br />
1961 pour son 80 ème anniversaire mais entretiendra<br />
avec l’artiste jusqu’à la fin de sa vie une solide<br />
amitié «jalonnée de repas àvallauris qui se prolongent<br />
tard dans la nuit »confirme son épouse andrée<br />
Gatti. et pour cause le scoop, n’est pas son obsession.<br />
un jour, il ramène du Cameroun, une guitare<br />
en peau d’antilope àPicasso. Ce dernier s’en saisit,<br />
gratte les cordes et le regarde interloqué «alors tu<br />
ne me fais pas la photo, tu préfères peut être Manitas<br />
de Platas !»<br />
Mais raph ne fréquente pas que les célébrités, il<br />
sympathise aussi avec le personnel des palaces, les<br />
restaurateurs, la concierge de l’aFP qui lui prépare<br />
de délicieux couscous «parce que dans ce métier on<br />
fait aussi souvent le pied de grue !». Friand de rencontres,<br />
curieux de nature, plus voyeur que photographe,<br />
il avoue être capable de s’arrêter en voiture<br />
juste pour regarder unarbre qui lui paraît bizarre.<br />
en 1988 il quitte l’aFP pour rejoindre Nice Matin et<br />
intègre une rédaction qu’il connaît pour l’avoir fréquenté<br />
sur le terrain. il aalors 50 ans. Mais quand<br />
le journal est vendu, il raccroche, pour travailler à<br />
son rythme. il fait des photos de Claudia Cardinale,<br />
l’amie rencontrée sur le «Guépard»devisconti, une<br />
exposition àMilan où il partage les cimaises avec<br />
Clergues, doisneau et villers. arte l’invite àparticiper<br />
àune émission consacrée au coiffeur dePicasso<br />
car il est le seul àavoir des clichés du peintre en<br />
train de se faire couper les cheveux àvallauris.<br />
raph Gatti qui vivait àcent àl’heure nous aquitté<br />
en laissant une myriade de clichés émouvants mais<br />
avant d’avoir pu réaliser tous ces projets dont un livre<br />
avec son plus fidèle complice louisNucéra «ilen<br />
parlait souvent explique andrée, mais le destin en a<br />
voulu autrement, raph n’avait jamais le temps !».le<br />
temps, il le partageait avec ceux qu’il immortalisait.<br />
om<br />
1975 -quand deux drôles de<br />
séducteurs se rencontrent.<br />
Mastroianni face àrochefort qui<br />
interprète alors un don juan à<br />
problème dans «unéléphant ça<br />
trompe énormément »
en haut àdroite :<br />
1978 -eddy Williams<br />
une des plus célèbres<br />
starlettes de la Croisette<br />
fait le plein d’objectifs et<br />
de festivaliers.<br />
1975 -Michael Caine,<br />
Joseph losey et Helmut<br />
Berger portent un toast à<br />
leur nouveau bébé «une<br />
anglaise romantique »<br />
cannes eN ville<br />
9
10<br />
eN ville tourette leVens<br />
tourrette<br />
Levens :<br />
village-musée<br />
àciel ouvert<br />
a74ans, le «docteurFrère »semble<br />
heureux de vivre et contentdeson sort.<br />
Maire depuis 1983, vice-président du<br />
conseilgénéral chargé de la culture<br />
depuis 15 ans, il aune personnalité<br />
généreuse et passionnée qui<br />
«aime faire plaisir aux gens,<br />
donner du bonheur ».<br />
c’est dans ce<br />
but qu’il « travaille<br />
comme<br />
un fou », pour faire<br />
de tourrette levens<br />
une «ville culturelle ».<br />
Car pour lui, la culture<br />
prime sur tout.<br />
la preuve, il a embauché<br />
récemment une<br />
attachée culturelle en<br />
la personne de Claire<br />
Japhet … Ce qui est<br />
en effet exceptionnel<br />
pour une population<br />
de moins de 5000 habitants.<br />
sans négliger le riche<br />
patrimoine existant<br />
-vieux village perché médiéval, château et chapelle du 11ème siècle,<br />
église du 12ème max cartier, L’Homme Fort ,2008<br />
siècle, musée des métiers traditionnels (6000<br />
outils anciens) et même musée d’histoire naturelle (4000 papillons<br />
et insectes du monde entier) -alain Frère atenu àsetourner aussi<br />
alain Frère devant l’affiche de Buffalo Bill<br />
vers l’art d’aujourd’hui :«je suis l’ami des artistes et ils me le<br />
rendent bien …»<br />
en offrant des oeuvres àlacommune, comme Max Cartier, résident<br />
tourrettan, avec son «homme depierre »qui trône sur un<br />
rond-point àl'entrée du village.<br />
la ville peut s'enorgueillir également de sculptures de Jean-alexandre<br />
delattre (« le jongleur au chapeau ») et de Jean-Pierre augier<br />
(« la marchande de fraises »).<br />
sans oublier le portique de 4mètres de haut signé Chubac, érigé<br />
peu après sa mort en mai 2008 :lié àtourrette levens par son<br />
amitié avec le docteur Frère, qui était son médecin de famille, le<br />
peintre et sculpteur abstrait albert Chubac est àl’honneur dans<br />
la maternelle du village, dont les murs, repeints àses couleurs,<br />
sont ornés de nombres de ses oeuvres. si l'école ne se visite pas, il<br />
existe depuis 2001 un espace Chubac qui présente chaque été de<br />
belles expositions :cette année, «le«wild west show »deBuffalo<br />
Bill, àlaconquête de l’ouest, àpartir de la collection personnelle<br />
du docteur Frère.<br />
Grand collectionneur devant l'éternel, le docteur sait tout sur<br />
l'histoire de Bill Cody, et en particulier que son célèbre «show »<br />
s'est arrêté àNice en 1906, àl’emplacement actuel dustade Jean<br />
Bouin.<br />
il aime aussi àfaire visiter sa salle «culturelle »des mariages,
Ci-dessus :<br />
ernest pignon, Hommage àRené Cassin, 2008<br />
inaugurée en 2007, où sont présents sur les murs Franta, James<br />
Coignard, Brazillier, Gilli, Chubac, ernest Pignon-ernest et Ben<br />
avec un «etsurtout, n’oubliez pas de vous aimer ».<br />
Mais ce n'est pas tout. le maire arécemment demandé au grand<br />
artiste ernest Pignon-ernest une «fresque »pour le collège rené<br />
Cassin, sur le thème des droits de l’homme, qui aété installée<br />
en janvier 2009.<br />
et alancé depuis trois ans une grande fête médiévale qui alieu<br />
en mai, àlaquelle toute la population participe avec bals masqués,<br />
troubadours, concerts… avec l'ambition de faire de tourrette<br />
levens un "village-musée àciel ouvert". fc<br />
Un extra-terrestre les pieds sur terre<br />
« Jesuis un extra-terrestre mais faut pas le<br />
dire !»<br />
Né au Creusot en 1935, et malgré un père<br />
mort àlaguerre en1940, alain Frère fut<br />
«unenfant gâté, très heureux », élevé par<br />
une mère et une grand-mère (corses !) toutes<br />
deux très possessives et aimantes.<br />
Grâce àunoncle qui l'emmène dans les<br />
musées et une mère qui lui donne «levirus<br />
du théâtre », il se prend de passion dès l'âge<br />
de 4ans pour le spectacle, endécouvrant le<br />
cirque Medrano :«mon rêve aurait été de<br />
devenir un trapéziste volant mais le cirque<br />
était àl’époque un monde fermé. »<br />
il se rattrapera plus tard en devenant le médecin<br />
des familles Medrano etBouglione, car<br />
il aaussi une «passion pour la médecine ».<br />
après des études àMarseille, il est un<br />
en haut àdroite :<br />
chubac, ecole Maternelle Groupe scolaire tOrdO<br />
Alain Frère<br />
74 ans<br />
Médecin de campagne, maire et passionné de culture<br />
Aurait voulu être trapéziste volant<br />
temps interne àl’hopital de Monaco, ce qui<br />
lui permet de rencontrer le prince rainier,<br />
rapprochés par leur passion commune pour<br />
le cirque.<br />
C'est ainsi qu'en 1974, pour fêter le 25ème<br />
anniversaire du règne de rainier, ils décident<br />
de créer le festival international du cirque,<br />
alain Frère àtitre de conseiller artistique d'un<br />
festival qu’il «accompagne depuis 33 ans ».<br />
entretemps, il choisit tourrette levens pour<br />
s’installer, et devient médecin de campagne :<br />
«c'était ma vocation, je me levais toutes les<br />
nuits, je travaillais samedi et dimanche, vous<br />
comprenez …»<br />
sur le tard, il se découvre une nouvelle vocation,<br />
la politique :ildevient maire à48ans<br />
et sera constamment réélu depuis, avant de<br />
trouver sajuste place de chargé de la culture<br />
tourette leVens eN ville 11<br />
alain Frère devant une œuvre de BeN «etsurtout n’oubliez pas de vous aimer… »,<br />
salle culturelle des mariages de la Mairie.<br />
au Conseil général.<br />
Car c'est en «homme<br />
de spectacle »,<br />
pour son plaisir,<br />
qu'il «voit tous les<br />
spectacles », prêt pour ça àdormir dans sa<br />
voiture. Non seulement lecirque mais aussi<br />
les soirées estivales et autres «06enscène »<br />
qu’il ainitié :«ilya420 spectacles par an, je<br />
les vois tous, je les vis ».<br />
et quand il rentre chez lui, que fait-il ?ildescend<br />
dans le sous-sol de sa maison aménagé<br />
en musée du cirque, dans son «antre », où<br />
tout est méticuleusement classé et répertorié.<br />
alors, quand il vous affirme qu'il possède «la<br />
plus grande collection privée au monde sur<br />
le thème ducirque », on ne se dit plus qu’il<br />
embellit la réalité :onlecroit !
photo :©J-Ch dusanter<br />
12<br />
eN ville contes<br />
Contes<br />
J'ai vécu le temps des merveilles<br />
du 25 mai au 15 Juillet Contes deviendra le théâtre d’une exposition réunissant la<br />
fleur des créateurs de l’art moderne etcontemporain. al’origine de cet événement<br />
àlamesure de l’engagement culturel de la ville :les 10 ans de sa médiathèque<br />
ainsi qu’ un hommage àGeorges tabaraud<br />
le Moyen-pays voudrait-il reprendre<br />
au rivage la vedette ?Contes qui n’a<br />
jamais été en reste en matière de<br />
culture dévoile autour de la mémoire de<br />
tabaraud sa prestigieuse collection «printemps<br />
été »del’art moderne et contemporain<br />
une trentaine d’artistes, plus de 200<br />
œuvres, une véritable fièvre s’emparera<br />
dès fin mai de cette commune sise à20<br />
km de Nice dans la vallée du Paillon rien<br />
d’extraordinaire pour les contois car si ce<br />
bourg de 7000 âmes flanqué de son village<br />
médiéval ne fait pas de remous il baigne<br />
dans un bouillon de culture entretenu par<br />
son maire Francis tujague épaulé de Françoise<br />
lemaire, adjointe àlaculture depuis<br />
2001. un effort largement encouragé par<br />
Georges tabaraud. Né àNice en 1915, décédé<br />
en février 2008 cet écrivain journaliste<br />
(ex directeur du Patriote <strong>Côte</strong> d’azur),<br />
joua un rôle prépondérant dans le foisonnement<br />
artistique de la <strong>Côte</strong> d’azur de la<br />
seconde moitié du XX ème siècle. la plupart<br />
des artistes qu’il asoutenu devinrent<br />
ses amis, parfois plus «C’était une sorte de<br />
petit frère pour mon père »témoigne Maia<br />
Picasso dans le catalogue de cette exposition<br />
hommage.<br />
tabaraud et ses amis<br />
issu d’une famille locale, tabaraud s’installa<br />
dès sa retraite àContes dans la demeure<br />
de ses grands parents « il n’a cessé dès<br />
lors d’être au coeur de l’émancipation de<br />
la cité »commente Françoise lemaire qui<br />
outre sa charge municipale pilote la Médiathèque<br />
depuis sa création en 1999. Ce<br />
carrefour d’échanges culturels qui draine<br />
plus de 1200 abonnés fait profiter plus de<br />
2000 personnes de ses activités. ainsi de-<br />
puis que Georges<br />
tabaraud inaugura<br />
le lieu en<br />
dévoilant le suc<br />
des archives de la<br />
ville inventorié par<br />
ses soins chaque<br />
année une grande<br />
exposition s’y déploie.<br />
Picasso, Pignon<br />
ernest, Pagès<br />
et d’autres créateursemblématiques<br />
sont passés<br />
par là grâce à son<br />
soutien. Mais ce ne<br />
fut le seul service<br />
que l’homme rendit<br />
au patrimoine<br />
de la ville.
il fit classer via son association lou Peuy le<br />
moulin àfer sur le Paillon ainsi qu’un vieux<br />
moulin àl’huile, écrivit même un ouvrage<br />
sur l’histoire du pays des "tremp'Oli". quant<br />
àson livre sur Picasso, il dévoila les liens<br />
que l’homme noua avec le peintre espagnol<br />
alors en villégiature et qui avec Fernand léger<br />
et Magnelli compta parmi ses plus illustres<br />
complices. ainsi ce baroud d’honneur<br />
auquel ses nombreux amis ont répondu<br />
déborda très vite de son cadre «Grâce à<br />
une trentaine de personnes et trois musées,<br />
Magnelli (vallauris) Picasso (antibes)<br />
et celui de Contes plus de 200 œuvres ont<br />
été réunis »delaplace allardi àlacour de<br />
la médiathèque un jardin sculpture fleurira<br />
autour de pièces de vernassa, theunissen,<br />
Capron, anasse, roussil, Cantin, Franta...<br />
quant àBernard Pagès, qui réside àContes<br />
avec son épouse l’écrivaine Maryline desbiolles,<br />
il exposera deux œuvres monumentales<br />
dont une créée pour l’événement.<br />
les 400 m2 de la médiathèque où trônera<br />
àl’entrée une sculpture de vernassa seront<br />
eux mis en valeur par des toiles, lithographies,<br />
gravures, céramiques et tapisseries<br />
de Magnelli, Picasso, léger, armand, arp,<br />
César, Pignon ernest, Hartung, Kijnot, Ben,<br />
alocco. un espace sera consacré à l’évocation<br />
de Georges tabaraud, avec des clichés<br />
d’andré villers et une vitrine de livres<br />
photo :©J-Ch dusanter<br />
dédicacés. Cet exceptionnel déploiement<br />
d’oeuvres fera l’objet d’un catalogue avec<br />
les éditions de l’amourier sises àCoaraze,<br />
plus haut dans la vallée. un livre anniversaire<br />
retraçant les 10 ans de la médiathèque<br />
sera également offert aux visiteurs.<br />
une grande messe del’art qui s’ouvrira le<br />
23 mai par un spectacle de rue proposé par<br />
la compagnie «divine quincaillerie »etse<br />
refermera sur le traditionnel banquet orchestré<br />
par le baleti d’Occitanice.<br />
la culture jours après jours<br />
Mais cette exposition n’est que la partie<br />
émergée de la politique culturelle qui anime<br />
toute l’année Contes. ainsi sa médiathèque<br />
dont le budget de fonctionnement<br />
s’élève à 205 000 euros en 2009 et qui<br />
consacre 16 000 euros/an à ses acquisitions<br />
accueille tous les 15 jours les 29 classes<br />
scolaires de la ville. des élèves qui sont<br />
également conviés aux expositions qui<br />
tous les ans relayent la Fête de la science<br />
en partenariat avec l’université de Nice sophia-antipolis<br />
et le CNrs «Nous avons été<br />
pionnier en la matière. une action rendue<br />
possible grâce aux concours de médiateurs<br />
bénévoles, des scientifiques résidant chez<br />
nous qui viennent se joindre ànotre équipe<br />
»les belles lettres font aussi parties de la<br />
fête «Poésie des deux rives »initiée par la<br />
contes eN ville 13<br />
edmond verNassa, «Contrainte », 2008 roger CaPrON, «Faune Bleue », céramique Françoise leMaire, adjointe àlaculture, ville de Contes<br />
©photo Gaby Giordano<br />
daC fédère sous l’égide de la ville une cinquante<br />
de classes dans toute la vallée du<br />
Paillon depuis 2003 et donne chaque année<br />
naissance àunrecueil écrit par les enfants<br />
lors d’ateliers. quant au festival gratuit<br />
«Paioun ven »organisé par le Comité<br />
des fêtes de Contes il ouvre son théâtre de<br />
verdure d’une capacité de 2000 personnes<br />
àune pléiade d’artistes dans le cadre des<br />
«estivales ». Contes une ville qui achoisi<br />
de vivre l’art jour après jour àl’image des<br />
sculptures qui rehaussent son paysage.<br />
deux de Bernard Pages le long des berges,<br />
une autre baptisée «contrainte »devernassa<br />
qui symbolise une paire de menotte<br />
avec son grand écrou et chapeaute étrangement<br />
la gendarmerie nationale. et malgré<br />
la crise les projets n’ont pas été mis à<br />
l’encan confirme Françoise lemaire «alors<br />
que la Communauté de Commune du Pays<br />
du Paillon vient d’inaugurer sa maison de<br />
la musique et de la danse. la municipalité<br />
amis sur les rails un Musée des arts et tradition<br />
populaire au cœur du la cité médiévale.<br />
C’était une idée de Georges tabaraud<br />
et aujourd’hui grâce àunappel aux dons<br />
fructueux nous avons déjà réuni quelques<br />
5000 pièces » om<br />
médiathèque municipale de contes<br />
tél :0493917420<br />
photo :©J-Ch dusanter
14<br />
eN ville menton<br />
Mauro Colagreco :<br />
tout naturellement !<br />
Mauro Colagreco aremis en trois ans sur lavoie royale<br />
le Mirazur, une table vigie dominant le golfe de Menton<br />
àlafrontière Franco-italienne. tout un symbole pour ce<br />
jeune chef dont les origines métissés se révèlent dans<br />
une cuisine nature si inspirée qu’elle lui valut dès 2007<br />
une étoile Michelin et le titre de chef de l’année 2009<br />
un défaut celui detout aimer (rires) Mais je pense que c’est dans l’équilibre que<br />
se jouent les saveurs »Facile àdire, plus dur afaire. et c’est là le secret de Mauro<br />
«J’ai<br />
Colagreco qui aréussi lasynthèse àl’assiette de toutes les cultures glanées au fil<br />
de son apprentissage comme de celles qui coulent dans ses veines. ses grands-parents maternels<br />
italiens, dont la grand-mère native de Calabre, ont émigré en argentine au XiX ème<br />
siècle. «J’ai du sang italien, argentin mais aussi basque etindien ». un cocktail àfaire fuir<br />
un vampire mais qui donne une ampleur singulière àsacréativité. C’est àPlata, à60kms<br />
de Buenos aires que Mauro verra je jour au milieu des années 70. Mais avec des fourmis<br />
dans les jambes et un petit vélo dans la tête lorsqu’il tente d’emboîter les pas de son père<br />
comptable, ça ne marche pas !<br />
sang mêlé<br />
Mauro qui aencore lesouvenir des confitures de lait et du pain perdu de son enfance, celui<br />
d’un grand-père cordon bleu aussi, opte pour des études culinaires qui le conduisent en<br />
2001 de l'école hôtelière de Buenos aires àcelle de la rochelle. «Mon niveau de français<br />
n’étant pas suffisant mais je n’ai pas voulu attendre. en 6mois je me suis perfectionné et<br />
fais mes valises »;une détermination qui en dit long sur sa soif de découverte. alors que<br />
le stage de 4mois qu’il adécroché chez Bernard loiseau arrive àterme, àlademande de<br />
l’étoilé il prolonge son séjour àsaulieu. alamort de ce dernier, il gagne la capitale avec<br />
son épouse daniela qui suit elle, des études de stylisme. il yintègre durant plus deux<br />
ans le restaurant l’arpége «avec Passard j’ai appris le respect des produits. les légumes<br />
cueillis à10hdu matin étaient dans l’assiette amidi. Cela parait banal ici, mais dans cette<br />
métropole urbaine c’est un vrai challenge !».après un passage chez ducasse au«Plaza<br />
athénée »oùilapprend la cuisine de palace, il officie comme chef au Grand véfour. Mais<br />
les ailes commencent àpousser. il a29ans, de nouveaux horizons l’attendent.<br />
menton, l’autre paradis latin<br />
«J’ai commencé àchercher vers l’espagne lorsque des amis m’ont parlé de cet ancien<br />
bistrot où l’on servait jadis la meilleure limonade artisanale deMenton. J’ai eu le coup de<br />
foudre mais je me suis dit trop beau, trop cher !»le propriétaire des lieux qui avait tenté<br />
précédemment mais sans succès l’aventure avec Jacques Chibois, décide tout de même<br />
face au talent et àl’audace du jeune chef italo-argentin, deremettre le couvert. une chance<br />
pour Mauro «ilavoulu prendre le pari et m’a proposé le Mirazur en location gérance. Ce<br />
qui m’a permis de ne pas avoir tout de suite lecouteau sous la gorge » alors très vite,<br />
Mauro transforme cette demeure aux lignes claires, nimbée de lumière fermée depuis trois<br />
ans en atelier de création. séduit par le jardin d’agrumes, il lui adjoint un autre dédié aux<br />
essences aromatiques puis un potager. la cueillette c’est dans ses gènes. l’homme connaît<br />
200 espèces végétales «ici aussi c’est une tradition. les herbes sauvages, les fleurs gourmandes<br />
j’ai retrouvé un peu de mon amérique latine àMenton ».
photos :©J-Ch dusanter<br />
menton eN ville 15<br />
mobilis inmobili<br />
Mais Mauro qui atoujours souhaité s’affranchir du passé pour aller de l’avant aposé ses<br />
bagages àl’entrée de cette maison où les «mobiles shadows »destéphanie Marin se laissent<br />
eux aussi porter par l’inspiration «Jen’ai pas voulu venir avec mon fardeau culturel.<br />
J’ai déjà la chance de ne pas avoir àporter celui de l’héritage de la cuisine française »une<br />
liberté qui lui permet de s’exprimer sans tabous et de se servir de la technique pour défricher<br />
de nouveaux territoires «l’acidité, l’amertume, je m’en sers. une confiture de citron<br />
servie seule peut être désagréable mais avec un foie gras cela va arrondir le plat, tout est<br />
équilibre, jeu de constantes. les peintres font de même avec leur palette »ainsi dans les<br />
mains du poète argentin c’est tout le patrimoine gaulois qui prend la clé des champs.<br />
le végétal omniprésent joue les Merlin l’enchanteur «lepot au feu est sous le jardin de<br />
légumes »textures, couleurs, mariages, Mauro repousse les limites. il est taillé pour ça !<br />
et ce grand découvreur atoujours les sens en éveil «aupotager on aproduit déjà 20<br />
variétés de tomates, 30sont prévues pour 2009. que serait l’italie sans elle, on peut tout<br />
faire avec !»son prochain produit fétiche maison rien de moinsqu’un œuf bleu !«J’ai découvert<br />
une race de poules péruviennes qui pondent ces oeufs incroyables, merveilleux<br />
àproposer àlacoque !»Celui qui invite des plasticiens àexposer dans le lounge bar<br />
du Mirazur est artiste dans l’âme. il suffit de goutter ces créations au graphisme épuré<br />
comme «lasalade d’asperges mi-cuites et pommes vertes, pamplemousse, cebettes et<br />
mourons des oiseaux ». Maître des cuissons et chantre des saveurs il l’est aussi au point<br />
qu’un repas àsatable se change en une véritable odyssée des sens.<br />
un voyage qui lui valut le titre envié de «Chef de l’année 2009 »décerné par le Gault<br />
et Millau ainsi qu’un classement parmi les «50Best restaurants of the World ». Pour le<br />
60ème anniversaire du Festival de musique<br />
de Menton le Mirazur recevra les<br />
hôtes de marques et sera encore de<br />
la fête lors de l’inauguration du Musée<br />
Cocteau. Comment peut-il en être<br />
autrement, Mauro Colagreco est une<br />
fête àlui seul, un don de la nature fait<br />
àlagastronomie ! om
16<br />
eN ville nice<br />
terra amata:400.000 ans d'âge<br />
les «fouilles de sauvetage »effectuées en catastrophe avant que le site nedisparaisse,<br />
c'était une première en France. un musée construit sur le site même de<br />
fouilles préhistoriques, aurez de chaussée d'un immeuble d'habitation, également.<br />
lemusée de terra amata sort de l'ordinaire, d'autant plus que les homo<br />
erectus qui vivaient là yinventèrent lefeu. retour dans le passé …<br />
al’aube de l’humanité, voici<br />
400.000 ans, le mont Boron était<br />
une plage de galets accueillante,<br />
que les hommes utilisaient comme halte de<br />
chasse.<br />
Ce n’était pas un habitat permanent car on<br />
n’a retrouvé aucun ossement humain -seulement<br />
la dent de lait d’un enfant -mais<br />
on sait par contre qu’ils sont venus 29 fois<br />
occuper les lieux, pour ychasser éléphants<br />
et rhinocéros, daims et cerfs, sangliers et<br />
aurochs qu’il faut imaginer présents en<br />
grand nombre dans la région.<br />
et c’est là, s’abritant sous des huttes de<br />
branchages, que les Homo erectus de terra<br />
amata domestiquèrent le feu …dumoins<br />
a-t-on pu retrouver des restes de foyer datant<br />
de cette époque sur ce site, qui aune<br />
histoire quelque peu rocambolesque.<br />
quand éléphants, rhinocéros, daims<br />
et aurochs gambadaient sur les<br />
pentes du mont Boron…<br />
en 1860, lors de la construction de la route<br />
de la Basse Corniche -àl’emplacement de la<br />
station BP actuelle, sur le boulevard Carnot<br />
-onfait une étonnante découverte :des ossements<br />
…d’éléphants, puis tout retombe<br />
dans l'oubli.<br />
un siècle plus tard, la maitresse du roi de<br />
Yougoslavie, qui possède une superbe villa<br />
sur le mont Boron, décide de vendre son jardin<br />
àunpromoteur. Ce dernier commence à<br />
tailler la colline puis s’arrête faute d’argent.<br />
des géologues passant par là remarquent<br />
bientôt une plage fossile – un amoncellement<br />
de galets visibles dans l’entaille faite<br />
dans la colline. une plage à26mètres d’altitude<br />
?voila qui interpelle aussi les archéologues<br />
:rapidement, ils découvrent le premier<br />
«biface »(outil en pierre taillé sur les deux<br />
faces).<br />
un nouveau promoteur rachète le terrain et<br />
recommence des travaux de terrassement<br />
…Heureusement, le préhistorien Henry de<br />
lumley, alors chargé de recherche au CNrs<br />
de Marseille, aeuletemps de faire une première<br />
prospection du chantier et de découvrir<br />
d'autres outils et des restes d’animaux<br />
qui éveillent son intérêt.<br />
Nous sommes en 1966, aucune loi n’existe,<br />
c'est pourquoi, malgré les articles dans la<br />
presse et le soutien d’andré Malraux, alors<br />
ministre de la culture, on ne donne àHenry<br />
de lumley que six mois pour effectuer ce<br />
qui deviendra la première «grande fouille<br />
de sauvetage concernant la Préhistoire »en<br />
France.<br />
©J-Ch dusanter ©J-Ch dusanter<br />
de janvier à juillet 1966, pressée par le<br />
temps, son équipe travaille d’arrache-pied,<br />
tous les jours et bientôt 24 heures sur 24 :<br />
28.800 pièces seront répertoriées et «coordonnées<br />
en x, yetz», selon la méthode<br />
classique des archéologues, qui consiste à<br />
faire des carrés avec des fils tendus.<br />
enfin, sera réalisé un gigantesque moulage<br />
du sol de 60 mètres carrés qui permet<br />
aujourd’hui de visualiser une des 29 couches,<br />
ou «occupations du sol ».<br />
quasiment une première mondiale … de<br />
même que ces fouilles desauvetage serviront<br />
de modèle àlaloi qui paraitra beaucoup<br />
plus tard.<br />
et qu’a donc découvert leprofesseur de lumley<br />
?rien de moins qu’un campement de<br />
chasseurs vieux de 400.000 ans et un des<br />
plus anciens foyers de l’histoire de l’humanité<br />
!<br />
avec ce scoop, il n’eut pas de mal de<br />
convaincre le maire de l’époque, Jacques<br />
Médecin, defaire construire un musée àcet<br />
emplacement -enfait, le rez de chaussée de<br />
l’immeuble qui sera finalement construit.<br />
inauguré en 1976, ce musée sera le premier<br />
«musée de site »consacré àlapréhistoire<br />
en France. il est aujourd’hui dirigé par<br />
Bertrand roussel. fc<br />
intérieur du Musée, grand moulage du sol dM, 380.000 ans sculpture monumentale de raymond MOretti ornant la façade du musée, bronze, 1976
©J-Ch dusanter<br />
Bertrand Roussel,<br />
tout feu tout flamme<br />
Bertrand Roussel<br />
35 ans<br />
Directeur de collection du musée Terra Amata<br />
Aime voyager immobile<br />
al'image de l'entomologiste Jean-Henri Fabre,<br />
qui passa sa vie àobserver de minuscules<br />
insectes, Bertrand roussel aime voyager<br />
immobile, entouré de murs couverts jusqu'au<br />
plafond de centaines de tiroirs où sont classés<br />
des morceaux infimes de la vie aux temps préhistoriques<br />
-del’os de mulot jusqu’au biface.<br />
C'est dans cette salle hors du temps que se<br />
préparent les 4volumes de la monographie<br />
complète du site de terra amata, dont le<br />
premier sortira bientôt, et qui permettra de<br />
reconstituer et comprendre le mode de vie en<br />
ces temps lointains.<br />
docteur en archéologie préhistorique, maitre<br />
de conférences, Bertrand roussel est né à<br />
Marseille en 1974.<br />
©J-Ch dusanter<br />
Œuvre réalisée par un étudiant de la villa arson, ugo sCHiavi,<br />
2008 pour l’exposition taM FOrtis quaMardeNs<br />
©J-Ch dusanter<br />
Bertrand rOussel et l’Homme<br />
de tOtavel (arago 21),<br />
450.000 ans<br />
D'où vient-on ?<br />
de parents originaires du Gard, ayant vécu à<br />
arles et Montpellier, Bertrand se sent pourtant<br />
niçois :s’il n’est pas très fan des voyages<br />
lointains, il aime approfondir sa connaissance<br />
d’une région qu’il afait sienne. Par exemple en<br />
participant àlaconception du guide «rando<br />
malin », aux éditions Mémoires Millénaires,<br />
sur le thème «comment faire des randonnées<br />
intelligentes sur la <strong>Côte</strong> ».<br />
depuis son arrivée au musée, il essaie de<br />
rendre vivante cette époque. Par exemple en<br />
prenant letimbre comme prétexte :<br />
«l'idée de cette exposition était de raconter la<br />
préhistoire àpartir de la collection de timbres<br />
de Pierre Cadenat. achaque thème -les outils,<br />
l’art …-nous présentons les objets correspondant<br />
dans des vitrines :dent d’éléphant ou de<br />
mammouth, harpons ou pics… »<br />
eclectique, Bertrand aime aussi l’art contemporain.<br />
Cette année, dans le cadre de Mars aux<br />
musées, il atravaillé avec des étudiants de la<br />
villa arson.<br />
Pédagogue et passionné, il asules faire vibrer<br />
en leur expliquant la préhistoire. après trois<br />
nice eN ville 17<br />
venant d’afrique, l’homme arrive aux portes de l’europe, ilya1,8 million d’années. On<br />
le retrouve ainsi dans le Caucase enGéorgie. Puis, onsuit sa trace en espagne et en italie<br />
du sud (vers 1,4 millions d’années), puis dans le sud de la France (un million). ensuite, cet<br />
Homo erectus européen se «néandertalise ». l’homme de Neandertal disparait il ya29.000<br />
ans pour des raisons encore inexpliquées. il est alors remplacé par l’homme moderne, ou<br />
Homo sapiens, également issu du berceau africain.<br />
Bertrand rOussel devant une œuvre réalisée par une étudiante de la villa arson, Mlle eun Yeoung lee, 2008,<br />
pour l’exposition taM FOrtis quaMardeNs<br />
jours d’explications etd’installation avec les<br />
étudiants, le résultat est là :tag et faux tags,<br />
moulages de bombes de peinture, réflexion sur<br />
le réel-non réel, parpaing symbole de l’immeuble<br />
qui enserre le musée, reconstitution impossible<br />
d’un bloc ayant servi àtailler des bifaces<br />
…dequoi méditer sur l'origine de l'homme.<br />
surtout quand on sait que, si l’homme deterra<br />
amata a400.000 ans, l’art n’a lui, «que »<br />
40.000 ans !<br />
Curieux de tout, Bertrand roussel s’intéresse<br />
aussi àl’ethnologie ou àl’époque médiévale,<br />
aimant par dessus tout «croiser les disciplines<br />
». Malgré son jeune âge, ii adéjà écrit<br />
plusieurs livres, dont «lagrande aventure du<br />
feu »(chez edisud, avec Paul Boutié) et même<br />
tout récemment «lebriquet pneumatique ».<br />
autant dire qu'il est devenu un spécialiste<br />
du feu :onleréclame désormais pour des<br />
communications et autres conférences sur ce<br />
thème.<br />
le dernier livre en préparation promet d'être<br />
davantage coquin et décalé :surprise réservée<br />
pour la rentrée !
18 eN ville Biot<br />
Biot<br />
Le musée Fernand Léger,<br />
50 années d'une vie<br />
d'artiste… Près de 350<br />
oeuvres dont detrès<br />
célèbres comme la<br />
Joconde aux clés, les<br />
constructeurs ou le cirque.<br />
sans oublierles mosaïques<br />
monumentales qui ornent<br />
ses façades :lemusée<br />
Fernand léger de Biot,<br />
récemment relifté, n'a<br />
pas pris une ride. il faut<br />
redécouvrir l'art de léger,<br />
moderne mais figuratif,<br />
puissant et efficace, qui<br />
s'adresse au plus grand<br />
nombre. un régal…<br />
Photo prise au Musée Chagall, Maurice Fréchuret devant l’œuvre de l’exposition temporaire UTOPIA BIANCA de Berdaguer et pejus<br />
toujours «moderne »<br />
de l'avant-garde »:c'est<br />
ainsi qu'a pu être décrit Fernand<br />
«lepaysan<br />
léger, si l'on se fie àson franc<br />
parler et àson physique robuste qu'il tenait<br />
d'un père éleveur.<br />
Né en 1881 en basse Normandie, il échoue<br />
àl'entrée des beaux-arts de Paris, devient<br />
dessinateur chez un architecte pour gagner<br />
sa vie, tout en s'orientant vers la peinture.<br />
se posant contre l'impressionisme, il<br />
construit peu àpeu une oeuvre très structurée,<br />
cubiste d'abord puis unique enson<br />
genre, qu'on peut admirer dans son évolution,<br />
depuis les débuts en 1905 jusqu'à<br />
sa mort en 1955, dans le musée qui lui est<br />
consacré àBiot.<br />
Bâti par sa veuve Nadia sur une propriété<br />
achetée par l'artiste peu avant sa mort, il<br />
fut inauguré en 1960.<br />
un musée relifté àredécouvrir<br />
Musée léger àBiot, musée Chagall àNice<br />
et chapelle Picasso àvallauris :trois musées<br />
nationaux pour l'art moderne dans<br />
les alpes maritimes, c'est parait-il excep-<br />
tionnel en France. aussi Maurice Fréchuret,<br />
nommé àleur tête en juin 2006, adequoi<br />
être satisfait. d'autant plus que deux d'entre<br />
eux ont été récemment rénovés, dont le<br />
musée Fernand léger par l'atelier d'architecture<br />
de Marc Barani.<br />
l'architecte niçois, qui a reçu en février<br />
2009 l'equerre d'argent, aouvert la façade<br />
ouest d'une baie vitrée, pour redonner de<br />
la transparence et offrir une vue sur leparc<br />
méditerranéen.<br />
a la demande de Maurice Fréchuret, il a<br />
également ajouté la salle d'expositions<br />
temporaires qui manquait, cequi permet<br />
de conserver lepremier niveau pour la collection<br />
permanente ;autotal, 348 peintures,<br />
céramiques, gravures, dessins, bronzes,<br />
tapisseries.<br />
aussi, depuis sa réouverture en juin 2008,<br />
le musée léger possède désormais, des<br />
jardins redessinés par Philippe déliau, un<br />
mobilier d'eric Benqué etunpersonnel arborant<br />
des tenues signées Chacok.<br />
le visiteur est toujours accueilli par plusieurs<br />
mosaïques monumentales sur trois<br />
de ses façades :des morceaux de bravoure<br />
©J-Ch dusanter
fernand léger (1881-1955) Les Constructeurs,<br />
définitif, 1950, huile sur toile 300 X228 cm.<br />
donation Nadia léger et Georges Bauquier 1969 au Musée Fernand<br />
léger, Biot inv. MNFl 94001 ©a.d.a.G.P.<br />
magnifiques réalisées post mortem par le<br />
second mari de Nadia, l'artiste Georges<br />
Bauquier.<br />
il lui reste bien d'autres sculptures délicieuses<br />
àdécouvrir dans le parc, dont la merveilleuse<br />
«Fleur qui marche ».<br />
a l'intérieur, l'oeuvre de l'artiste séparée<br />
en deux périodes :deses débuts, avec par<br />
exemple un «portrait de l'oncle »remarquable<br />
jusqu'aux années 30 encore cubistes,<br />
où il tente de «peindre la vie moderne »,<br />
et le monde du travail, àlarecherche de<br />
l' «esprit nouveau »cher àleCorbusier.<br />
la deuxième période commence avec sa<br />
découverte de l'amérique, en 1931, les<br />
années de guerre qu'il passa àNew York<br />
Une Signalétique<br />
Signée Léger<br />
en 2010, l'anniversaire<br />
des 50 ans du musée<br />
léger sera l'occasion d'une<br />
grande exposition qui se<br />
prépare d'ores et déjà en<br />
coulisses.<br />
aux commandes, arnauld<br />
Pierre, historien de l'art et<br />
professeur àParis iv-sorbonne,<br />
qui achoisi l'angle<br />
original du «langage du<br />
panneau de signalisation<br />
».<br />
titre provisoire :«disques<br />
et sémaphores ».<br />
-«lelangage pictural de<br />
Fernand léger, fait d'aplats<br />
géométriques, très efficace<br />
en terme de communication,<br />
est issu de l'esthétique<br />
des chemins defer.<br />
Comme s'il avait étudié la<br />
signalisation rapide dont<br />
on abesoin dans une gare<br />
ou un port. »<br />
arnauld Pierre, qui fait<br />
partie du comité consultatif<br />
du musée léger, aécrit<br />
sur Fernand léger une<br />
monographie de référence<br />
(collection découverte de<br />
Gallimard), «peindre la vie<br />
moderne ».<br />
puis son retour avec son implication dans<br />
le parti communiste :son fameux tableaux<br />
«les constructeurs »date de 1950.<br />
et pourtant, comme le note arnauld Pierre<br />
dans son «Fernand léger », sans jamais<br />
Maurice Fréchuret<br />
60 ans<br />
Directeur des trois Musées<br />
du XX ème siècle des Alpes- Maritimes<br />
Aime l'art vivant<br />
©J-Ch dusanter<br />
Photo prise au Musée Chagall, Maurice Fréchuret<br />
devant l’œuvre de l’exposition temporaire UTOPIA<br />
BIANCA de Berdaguer et pejus<br />
Biot eN ville 19<br />
Œuvre extérieure issue d’un projet créé par Fernand léger en 1953 pour<br />
la triénale de Milan, etrepris par Heidi Melano en 1987-1989<br />
avoir voulu « modifier sa peinture pour<br />
s'adresser aux ouvriers »:l'artiste doit rester<br />
libre …de«produire un art apaisant et<br />
intérieur »,qui doit être «lerepos après le<br />
combat ». fc<br />
Maurice Fréchuret, de la mine aux cimaises<br />
avec un père «mineur de fond »<br />
àstetienne, Maurice Fréchuret<br />
n'avait pas un chemin tout tracé<br />
àl'avance. C'est dans les livres,<br />
et en «dialoguant », au sens<br />
profond du terme, avec un ami de<br />
lycée qu'il découvre l'art contemporain.<br />
avec la chance d'être né<br />
dans la ville qui abrite «undes<br />
plus beaux musées d'europe »,<br />
qui s'appelait alors «musée d'art<br />
et d'industrie », mais possédait,<br />
déjà, une section art contemporain<br />
importante.<br />
d'où lui vient cette passion si précoce<br />
?Nul ne le sait. toujours estil<br />
qu'il prend très jeune l'habitude<br />
de visiter les ateliers d'artistes de<br />
sa région, n'hésitant pas àfaire<br />
du stop pour aller voir musées et<br />
galeries de lyon ou d'ailleurs.<br />
il organise sa première exposition<br />
…à18ans, sans aucun moyen,<br />
en récupérant de vieux panneaux<br />
d'affiches électorales en guise de<br />
support !<br />
Bientôt, levoilà inscrit en sociologie<br />
àlafac de Grenoble, se<br />
faisant livreur de fleurs, colleur<br />
d'étiquettes sur des bouteilles de<br />
vin, voire animateur socio-culturel<br />
le week-end pour financer ses études.<br />
après la sociologie urbaine,<br />
il s'oriente vers l'histoire de l'art,<br />
et obtient un doctorat grâce àune<br />
thèse sur «Charles Maurin, artiste<br />
symboliste du 19ème siècle ».<br />
Mais c'est en autodidacte qu'il<br />
s'intéresse àl'art du XXème siècle,<br />
car àl'époque, l'histoire de l'art<br />
s'arrête aux impressionnistes :<br />
«J'ai toujours voulu vivre avec<br />
mon époque, j'aime l'art vivant ».<br />
sa ténacité sera récompensée :<br />
après un épisode dans l'enseignement<br />
àl'école des beaux-arts<br />
de sa ville natale, il entre dans<br />
ce fameux musée d'art moderne,<br />
dont il sera le conservateur durant<br />
douze ans.<br />
et son incroyable parcours ne<br />
s'arrête pas là :ildécouvre la <strong>Côte</strong><br />
en 1998, pour prendre la direction<br />
du musée Picasso d'antibes, avant<br />
de diriger quatre ans plus tard le<br />
très fameux CaPC de Bordeaux<br />
et sa collection «très contemporaine<br />
». Pour revenir aujourd'hui<br />
«avec joie sur cette terre si fertile<br />
pour les arts ».<br />
Maurice Fréchuret apublié une<br />
importante collection d’ouvrages<br />
sur l’art –lemot et ses formes, la<br />
machine àpeindre, l'art en cause,<br />
l'art médecine …sans oublier de<br />
nombreux articles dont les titres<br />
sont, àeux seuls, une réflexion<br />
sur l’art : « l’impossibilité de<br />
peindre, du vide et du plein, du rigide<br />
au flexible, l’écriture griffée,<br />
le mou et ses formes, la machine<br />
àpeindre, al’épreuve delalumière,<br />
embrasser le mur, Jusqu’à<br />
ecouter ce que dit l’oreiller … »
20 la vie des arts focus galerie<br />
suis très attendri devant tout<br />
acte de création. Mais le rôle de «Je<br />
la galerie c’est de faire le premier<br />
pas vers ce qui va rester dans l’histoire.<br />
aussi j’ai souhaité faire de ma galerie,<br />
une passerelle entre les artistes qui<br />
m’ont touché et les institutions ». Mission<br />
accomplie pour antonio sapone qui en un<br />
demi siècle après avoir quitté son île natale<br />
entre Naples et rome est devenu le collectionneur<br />
et galeriste que l’on connaît.<br />
Marchand d’art ?lemot écorche tant ce<br />
qu’il aime faire partager tient, plus du rêve,<br />
de l’amour, de la peur, bref de tout ce qui<br />
fait d’un créateur une sorte de demi dieu<br />
dont le talon d’achille serait la vie. ainsi<br />
plus qu’une référence dans le monde clos<br />
de l’art, l’homme du grand large reste un<br />
repère (un second père) pour tous ces amis<br />
artistes qui œuvrent dans l’ombre de leurs<br />
ateliers avec parfois pour seule lumière, la<br />
chandelle vacillante du doute. un ambassadeur<br />
qui asoutenu etcontinue deporter<br />
aux quatre coins du monde la parole<br />
délivrée par Picasso, Hartung, Magnelli,<br />
Giacometti, anna-eva Bergman, sonia delauney,<br />
Kijno, vivien isnard, Malaval et tant<br />
d’autres compagnons de route…<br />
gaeta, l’île mystérieuse<br />
«Jesuis né d’un père musicien au sud de<br />
l’italie, un lieu chargé de légendes ». C’est<br />
à Gaeta une presqu’île plantée d’oliviers<br />
et entourée d’eau qu’antonio sapone voit<br />
C’est toute une vie où l’exception<br />
constitue l’ordinaire, une famille<br />
àlaFellini, un clan àlasicilienne,<br />
mais surtout unetraversée du<br />
XX ème siècle au-delà desmers, des<br />
hommes et de la légende…<br />
antonio sapone :<br />
l’art contemporain ou<br />
la traversée ducœur<br />
le jour et passera son enfance. un climat<br />
propice au rêve bercé par l’épopée Homérique.<br />
ainsi ce rocher érodé par les vagues<br />
qui alaforme d’un bateau «Chez nous ce<br />
rocher aune toute autre histoire. On disait<br />
que lorsque ulysse faussa compagnie à<br />
Circée qui avait transformé ses marins en<br />
cochons, la sorcière le poursuivit jusqu’au<br />
rivage mais ne parvint à pétrifier qu’un<br />
seul de ces navires, celui qui devint ce rocher<br />
». C’est dans ce golfe rattaché àcelui<br />
de Naples offrant pour toute perspective<br />
d’avenir une ligne d’horizon que naîtront<br />
des générations de navigateurs « Je suis<br />
devenu l’un d’eux l’hiver, cétait un désert<br />
et tous les jeunes n’avaient qu’une envie :<br />
partir comme le firent leurs aïeux en émi
grant vers l’europe ou les<br />
amériques pour chercher<br />
fortune ». C’est dans un des<br />
plus anciens instituts de navigation<br />
italien qu’antonio<br />
fera ses études et quittera<br />
le bercail à 18 ans pour y rentrer 4 ans<br />
après. Mais il officiera longtemps en tant<br />
que commandant de la marine marchande<br />
jusqu’à ce qu’il rencontre son épouse aïka.<br />
«Mon beau père était un cousin qui portait<br />
le même nom, unartiste dans l’âme natif<br />
du même village que mon propre père, Bellona<br />
àcoté de Capoue »<br />
«tuvas te noyer avant même de<br />
commencer ànager »<br />
C’est grâce àMichel, ce beau-père dont la<br />
vie fut une aventure qu’antonio découvrira<br />
et s’imprégnera du monde de l’art pour ne<br />
plus jamais le quitter «Michel sapone est<br />
parti durant la guerre àsplit en Yougoslavie.<br />
tout en exerçant le métier de tailleur<br />
dès l’age de 17 ans il aida les partisans.<br />
sa rencontre avec sa femme date de cette<br />
époque ». la guerre terminée,<br />
le couple retourne àturin.<br />
tout yétant dévasté, ils<br />
migrent vers la riviera française.<br />
« C’est à Nice qu’il<br />
connut àpartir de 1948 tous<br />
ces artistes exilés au soleil ;etcomme la<br />
plupart étaient alors sans le sou, ils échangeaient<br />
leurs oeuvres<br />
contre les costumes qu’il<br />
leur confectionnait »ses<br />
premiers clients :legotha<br />
de l’art moderne, Magnelli,<br />
Braque, Picasso, Miró et<br />
bien d’autres. C’est ainsi,<br />
parfois au grand dam de<br />
son épouse qui aurait préféré<br />
de quoi faire bouillir<br />
la marmite que Michel<br />
commença sa collection.<br />
«Mais les amitiés qu’il lia<br />
durèrent jusqu’à la mort<br />
explique antonio. aNice,<br />
il avécu de magnifiques<br />
aventures humaines avec<br />
Matisse ou Picasso chez<br />
galerie focus la vie des arts 21<br />
Vivien isnard, peinture etpigments sur toile, 1986, 145 X185 louis chacallis, Honorable armure de l’esprit, 2000<br />
«C’est une<br />
jungle, ils vont<br />
te bouffer en six<br />
mois »<br />
alberto giacometti, Aïka Sapone, 1960<br />
qui il avait portes ouvertes. il n’y avait pas<br />
d’enjeu financier, il n’a jamais vendu une<br />
pièce, juste des rapports humains »C’est<br />
ce grand ami des artistes qui joua pour son<br />
beau-fils le rôle de passeur. quand antonio<br />
vint se marier àNice il décide de quitter<br />
la marine et d’ouvrir une galerie d’art. la<br />
première personne qu’il consulte fut Hartung<br />
«tuvas te noyer<br />
avant même de commencer<br />
anager »lui rétorque<br />
le peintre. quant<br />
à Magnelli « C’est une<br />
jungle, ils vont te bouffer<br />
en six mois » Mais<br />
comme antonio s’obstine,<br />
ils viennent lui prêter<br />
main forte. Hartung le<br />
conseille pour l’éclairage<br />
de la galerie qui ouvre<br />
ses portes en 1972. Pour<br />
sa fondation antonio le<br />
conseillera à son tour<br />
plus tard « si je dois<br />
mes premier contacts<br />
à Michel sapone. Par la
22 la vie des arts focus galerie<br />
antonio sapone, Jacqueline picasso, andré Villers, Expo Picasso,<br />
tôles découpées, 1986<br />
suite tout le monde m’a reconnu, même si<br />
je n’avais fait aucune école d’art »explique<br />
le galeriste avant de poursuivre «Matrajectoire<br />
comme celle de mon beau père me<br />
l’a prouvé. Nous avons tous une sensibilité<br />
plus ou moins exacerbée. tout àchacun a<br />
en lui cet héritage qui lui permet d’apprécier<br />
l’art contemporain »Kijno n’était pas<br />
loin de penser la même chose lui, qui regrettait<br />
toujours que la peinture ne soit pas<br />
aussi accessible qu’un simple 33 tours.<br />
plus qu’une galerie, une famille<br />
d’artistes !<br />
37 ans plus tard toujours sise sur leboulevard<br />
victor Hugo, la galerie sapone en<br />
connexion avec les meilleures galeries italiennes,<br />
européennes, américaines et les<br />
musées est devenue une référence internationale<br />
au cœur d’expositions uniques.<br />
Bien qu’ayant un héritage que d’aucun<br />
pourrait envier, antonio sapone, n’hésite<br />
pas à prendre des risques en défendant<br />
les jeunes artistes qu'il aime et dont il suit<br />
l'évolution. «Ceque je fais àlagalerie est<br />
un travail de fond. Certes, il yapeu de vernissages,<br />
les expositions temporaires ne représentent<br />
pas une finalité. Je préfère aider<br />
les artistes en achetant leur œuvres ou en<br />
leur trouvant des contacts avec des collectionneurs<br />
et des musées ». aujourd’hui encore<br />
antonio voyage beaucoup (cette fois<br />
en avion) de la Chine àlarussie, du Japon<br />
aux usa, pour présenter les artistes de la<br />
sonia delauney, antonio sapone, hans hartung, Expo Sonia Delauney, 1975<br />
galerie «letravail n’est jamais terminé on<br />
peut écrire l’histoire, s’appeler Magnelli,<br />
il faut continuer àmontrer les œuvres, à<br />
les faire vivre ». ainsi la galerie où il œuvre<br />
maintenant avec sa fille Paola, est-il un<br />
lieu àpart dans le paysage azuréen «c’est<br />
un endroit très humain, les artistes sont<br />
ici chez eux comme dans une grande famille.<br />
Je ne suis pas créateur mais nos vies<br />
se sont mélangées, nous partageons tant<br />
de choses en commun »vivien isnard ne<br />
dira-t-il pas de son ami galeriste «ilest de<br />
l’autre rive mais c’est le même cœur »ainsi<br />
ce navigateur au long cours qui sillonna le<br />
monde avoue avoir découvert avec les artistes<br />
d’autres horizons et des parcours de<br />
vie incroyables. Hartung qui s’est engagé<br />
dans la légion étrangère et perdit<br />
une jambe en combattant<br />
les allemands. Kijno qui, né a<br />
varsovie où son père était premier<br />
violon partit travailler dans<br />
les mines du nord de la France.<br />
après avoir contracté la tuberculose<br />
il rencontra l’amour dans<br />
un sanatorium en la personne<br />
de Marie louise Kerdavid hôtesse<br />
de l’air, la seule survivante<br />
du crash d’un vol Paris londres.<br />
«Cesont des vies qui ressemblent<br />
à de grands voyages,<br />
des personnes généreuses qui<br />
cultivent le sens de l’amour, de<br />
l’amitié » ainsi sonia delauney<br />
fut elle toujours présente pour soutenir<br />
antonio sapone et sa famille même dans<br />
les moments les plus difficiles. a85ans.<br />
alors qu’elle était très fatiguée elle vint à<br />
Nice pour ce qui fut l’une de ses dernières<br />
expositions.<br />
retour au pays<br />
C’est probablement pour toutes ces raisons<br />
que l’homme qui adédié sa vie àl’art<br />
mais surtout àceux qui le font adécidé de<br />
revenir sur la terre de ces ancêtres de Gaeta<br />
àBellona pour ypoursuivre son oeuvre.<br />
«Bellona, c’est une terre très ancienne. les<br />
turcs, les grecs, les français sont passés par<br />
là, les traces ysont encore vivaces » Féru<br />
d’histoire, il est intarissable quand on parle<br />
centre culturel de rencontres internationales, AetAïka Sapone
Ce sont des vies qui<br />
ressemblent àdegrands<br />
voyages, des personnes<br />
généreuses qui cultivent<br />
le sens del’amour, de<br />
l’amitié.<br />
du pays, plus pudique comme peut l’être<br />
l’homme de la terre quand onévoque ses<br />
sentiments. Mais antonio finit par s’ouvrir<br />
«aBellona j’ai créé un centre culturel car<br />
ma conviction est qu’en italie comme en<br />
France nous avons une sensibilité du beau<br />
que l’on contracte au quotidien via l’architecture.<br />
Mais si pour l’art contemporain<br />
le Nord est gâté, au sud il yatoujours eu<br />
un manque. sans musées, ni galeries d’art<br />
moderne la rencontre entre le public et les<br />
artistes ne peut pas avoir lieu ». et pourtant<br />
le créateur yest considéré comme un<br />
être d’exception, le respect de la culture<br />
du passé inscrit dans les gènes. alors pour<br />
pallier àcette lacune, il ouvre en 1990 une<br />
fondation au milieu d’un désert. l’image<br />
est belle, tout un symbole. Ce carrefour<br />
d’échange est devenu un lieu vivant où<br />
scolaires, néophytes, et amateurs éclairés<br />
viennent aujourd’hui en nombre «enitalie<br />
on commence très vite àparler d’art mais<br />
nous n’avons pas facilement accès aux œuvres.<br />
alors ce lieu avec ses expositions didactiques<br />
afonctionné rapidement »après<br />
galerie focus la vie des arts 23<br />
Photo prise lors de l’exposition «œuvre récente »àlagalerie sapone, avec Hantz Hartung et antonio sapone, 1989 alberte garibbo, Construction mentale, Koan i, peinture sur toile, 2007, 120 X120<br />
en haut :Photo du monastère, 1985<br />
dessous :Photo du monastère restauré, 2008<br />
avoir construit un centre d’art tout neuf<br />
pour parler du passé, il asouhaité ériger,<br />
non loin de là, un autre lieu tourné lui vers<br />
l’avenir dans unmonument du passé. J’ai<br />
acheté et restauré unmonastère sur la colline<br />
dont la première pierre remonte aux<br />
croisades ».eneffet, après maintes péripéties,<br />
cette chapelle devenue monastère<br />
tomba en ruine pendant l’assaut de Monte<br />
Cassino. aujourd’hui antonio reconstruit<br />
ce site de mémoire pour en faire des ateliers<br />
d’artistes. abriter ceux qui parfois<br />
œuvrent dans des conditions précaires ?<br />
Peut-être s’est-il souvenu de robert Malaval,<br />
unjeune artiste qui compta beaucoup<br />
àses débuts et dont la toile «Poussière<br />
d’étoiles »est encore accrochée aux cimaises<br />
de la galerie «C’était un écorché vif<br />
dont l’œuvre visionnaire ainspiré d’autres<br />
artistes. Malaval était volcanique, il vivait<br />
àcent àl’heure sa vie nocturne dans un<br />
petit local et lorsqu’un ami lui laissa son<br />
grand atelier ce fut unmoment de grâce.<br />
l’annonce de son suicide fut unchoc, j’en<br />
ai souffert beaucoup aujourd’hui encore il<br />
me manque »conclut antonio sapone, un<br />
homme de coeur etdetalent qui semble<br />
mener son combat pour l’art et traquer<br />
ses rêves au-delà des cimaises delagalerie.<br />
une galerie, un pan de vie aujourd’hui<br />
nourri par la sensibilité de sa fille, Paolaqui<br />
vient de reprendre avec la même passion,<br />
le flambeau. om
24 la vie des arts parfumeur<br />
Mona di orio :parfum derêve !<br />
de toutes ces odeurs, du jardin àlaforêt,<br />
la vigne, les kakis. Mais le bouquet final c’était lorsque<br />
«Jemesouviens<br />
l’on aarrosé au soir les géraniums. J’entend encore la<br />
terre crépiter avant d’exhaler toutes ses senteurs »C’est dans la<br />
maison du Pradet de ses grands parents que Mona née àannecy<br />
fait ses premiers pas sur le chemin qui la mènera à«son royaume<br />
des odeurs »elle atout juste 5ans lorsqu’elle écrase des citrons<br />
et des roses «Papa Meilland »dans l’eau d’un carafon «juste pour<br />
voir !»Pouvait-elle alors se douter que son destin allait être mené<br />
par le bout du nez, que ce jeu d’enfant pouvait être un métier ?<br />
«al’époque on ne parlait pas de tout ça, c’était top secret. quand<br />
je rentrais dans une parfumerie avec ma mère, je me faisais toute<br />
petite »etsiaujourd’hui, Mona di Orio ne passe plus inaperçue<br />
dans ces maisons bourgeoises c’est que ses propres créations y<br />
côtoient celles de Chanel oudeGuerlain. une success story ?le<br />
fruit de la passion cueillit enquelques coups de dés et coups de<br />
grâce !<br />
au jardin suspendu<br />
son bac delettres enpoche, traquant<br />
le parfum, des paradis artificiels<br />
deBaudelaire àHuysmans,<br />
de la philosophie à la sociologie, Mona présente le concours<br />
d'entrée àl'école Givaudan. admise directement en seconde année,<br />
elle se voit pour des raisons de quotas migratoires refouler<br />
au dernier moment !Mais notre petit rat de bibliothèque et des<br />
champs ne s’avoue pas vaincu. Comme Jean-Baptiste Grenouille,<br />
elle mise sur la Mecque du parfum. Mais àGrasse on lui fait savoir<br />
«qu’il faut avoir fait chimie ouque pour être nez, il vaut mieux<br />
être bien né !»elle écrit alors àedmond roudnitska. une autre<br />
bouteille àlamer ?lemaître parfumeur du 20e siècle qui créa<br />
diorela porté par sa maman et eau sauvage, le parfum de son<br />
père, lui adresse en retour quelques beaux ouvrages épuisés ainsi<br />
qu’une invitation àvisiter sa tour d’ivoire àCabris. entre l’apprentie<br />
de 17 ans, enflammée et gracile comme un modèle de Modigliani<br />
et l’expert, le courant passe. le célèbre parfumeur l’aide à<br />
trouver des stages alors qu’elle revient des Beaux-arts de dijon<br />
pour se diriger vers un cursus «art, communication et langage »<br />
àNice, puis il s’ouvre àelle «Mes jours sont comptés, je vais vous<br />
transmettre mon savoir !»Mona tombe des nues. le conte de fée<br />
commence !entre le parc aux effluves rares et l’atelier de l’alchimiste<br />
elle apprend pendant trois ans l’art de réanimer les paradis<br />
perdus en recréant le parfum des fleurs «comme aux Beaux arts<br />
en travaillant d’après modèles vivants ». en alternance, elle aigui-
se son nez :cours d’œnologie, stages chez<br />
les chefs étoilées. elle rencontre ducasse au<br />
louis Xv qui lui demande de coordonner la<br />
réalisation de son livre, puis serge luttens,<br />
alors directeur de création chez sisheido qui<br />
lui apprendra «àcultiver sa différence »<br />
de lux àchamarré<br />
aladisparition de roudnitska en 1996, Mona<br />
demeure au nid d’aigle grassois. elle ygère<br />
les achats de matières premières quand un<br />
designer hollandais, Geroen désireux decréer<br />
des parfums d’ambiance pour les hôtels la<br />
contacte. Mais après avoir senti sa première<br />
création «luX »illui propose de l’aider àfinancer<br />
une ligne de parfums qu’elle choisi en<br />
hommage àson autre passion de sceller d’un<br />
muselet de champagne. les bouchons sautent<br />
pour Mona, nous sommes en 2005 !a<br />
ce premier jus inspiré «ducitron sicilien que<br />
l’on tranche au couteau », deux autres suivent<br />
«CarNatiON »unnom délicieusement<br />
désuet pour un floral royal «rétro et suave, une sorte de lait de<br />
lys àlamémoire de Collette »puis OirO «une ode aujasmin en<br />
plein été, comme un sultan avec toute sa cour !». Mais c’est un<br />
troisième cru qui lui vaut d’être sacré en2006 nouveau nez par<br />
la presse britannique. «Nuit NOire »est dédié àserge luttens<br />
qui, àl’instar de Flaubert s’enivra d’orientalisme. «C’est un retour<br />
d’afrique, épices, musc, orange, ambre…il est feutré et hot<br />
steamy comme les hammams !»<br />
Mona qui réside àNice depuis 20 ans ainstallé son atelier àdomicile.<br />
tout en dégustant la littérature britannique avec les grands<br />
vins français, elle se laisse porter par les fragrances dusud «le<br />
parfum c’est de l’émotion pure, une part de vie dérobée au temps.<br />
les miens sont àfacettes,sans age, ni sexe,voilà les anges !J’aime<br />
que chaque peau puisse se les approprier pour raconter sa propre<br />
histoire »Comme un livre de chevet ?quoiqu’il en soit cette fugace<br />
intimité la créatrice souhaite la préserver etserefuse ainsi à<br />
inonder le marché. Ces précieux flacons sont vendus uniquement<br />
chez les parfumeurs de niche. Paris, New York, Milan, Berlin, dubaï,<br />
Cannes,…70enseignes surleglobe. après avoircréer amitys<br />
«Mon jardin de Babylone inspiré d’une ballade sur les canaux<br />
d’amsterdam »son dernier bébé vient d’être lancé. «Chamarré »<br />
porte bien son nom c’est une passerelle entre couleurs et odeurs,<br />
parfumeur la vie des arts 25<br />
il fait corps avec la peau depuis des lustres, on l’a vu récemment<br />
se glisser dans les pages d’un best seller puis envahir les salles<br />
obscures. dujardin d’eden àceux de Babylone, pour Mona di Orio,<br />
il yalongtemps que le parfum règne en maître sur nos sens !<br />
reflets et textures «comme unprisme chatoyant autour de l’absolue<br />
rose turque, que j’ai voulu soyeux et chaleureux ». Mais avant<br />
ce baptême, Mona di Orio aapporté son soutien àune association<br />
caritative hollandaise en offrant une création exclusive dont les<br />
ventes participeront au financement de dispensaires en afrique<br />
pour les femmes et enfants atteints du sida. Car le parfum, pour<br />
cette gourmande de sensations n’est pas un oiseau rare que l’on<br />
met en cage mais un rêve d’éternité àpartager, un trésor que l’on<br />
apas fini dechercher. om<br />
site internet :www.monadiorio.com
26 la vie des arts théâtre<br />
arketal :<br />
langue de bois<br />
arKetal est une compagnie àgéométrie<br />
variable explorant les confins de l’art de<br />
la marionnette. dans son atelier cannois<br />
une vingtaine de créations ont déjà vu le<br />
jour depuis près de 20 ans jouant àsaute<br />
mouton avec les langages, les rites et les<br />
disciplines artistiques.<br />
«Oiseau migrateur »Festival Hidra en Grèce, 2004<br />
hélène delrieu-cruciani,<br />
marionnette Bunraqu, 2006.<br />
Greta Bruggeman et sylvie Osman,<br />
deux des fondatrices d’arketal se<br />
croisèrent en 1981 à Charleville-<br />
Mézières ;drôle d’endroit pour une rencontre<br />
?Non, car la ville industrieuse est aussi<br />
la Mecque des marionnettistes explique Greta<br />
«Nous avons essuyé les plâtres de l’institut<br />
international de la Marionnette, arketal est<br />
d’ailleurs un sorte d’anagramme des noms<br />
de nos professeurs ». un centre qui délivre<br />
une formation internationale car ce spectacle<br />
vivant fédère en France plus de 300 compagnies<br />
sous l’égide de l’association tHeMaa.<br />
le théâtre de marionnettes, à l’origine des<br />
figurines manipulées en temps réel par des<br />
marionnettistes prend racine bien avant le<br />
théâtre avec comédiens. On retrouve ses traces<br />
en amérique du sud sur des bas-reliefs<br />
de 400 et 900 après J.-C. les peuples primitifs<br />
s’inspiraient déjà de sculptures animales<br />
ou de totems parés de pouvoir magique pour<br />
représenter les moments forts de la vie tribale.<br />
et chaque pays aconnu son âge d’or,<br />
fait de rites et de héros. Guignol en France,<br />
les Pupi en italie (grandes marionnettes siciliennes<br />
en bois), le Bunraku au Japon où elles<br />
sont le fer de lance dans l’enseignement des<br />
vies de Bouddha. aujourd’hui la discipline a<br />
investi d’autres formes d’art, comme lethéâtre<br />
ou la danse «une de nos collègues emilie valantin<br />
du théâtre du Fust àmonté cette année<br />
un spectacle àlacomédie française, Philippe<br />
Genty tourne dans le monde entier. il est passé<br />
par leinduFestival d’avignon qui s’est ouvert<br />
l’an dernier par une relecture des Paravents de<br />
Genet pour marionnettes et acteurs. Cet été<br />
nous nous yproduiront aussi avec les verticaux<br />
avant de rejoindre le festival de Charleville-Mézières<br />
».<br />
sans fils<br />
l’interaction entre acteurs et marionnettes,<br />
la recherche graphique et littéraire, c’est le<br />
credo d’arketal depuis son installation sur la<br />
<strong>Côte</strong> en 1984. en 1990, la ville de Cannes leur<br />
propose un atelier de travail puis en 1997,<br />
signe avec elle, une convention. endix-neuf<br />
ans, arketal acréé une vingtaine de spectacles,<br />
participé àdenombreux festivals (dont<br />
Made in Cannes) et tourné àtravers la France<br />
et l'étranger (allemagne, suède, suisse, Cameroun,<br />
espagne, tchad, thaïlande...) Greta<br />
se souvient des premiers pas «dès qu’on a<br />
posé les valises ici un de nos professeurs nous<br />
ainvité àcollaborer sur un projet d’échange
Greta entre 2marionnettes de pygmalion deBertrand Shaw et dessin de<br />
Théo Tobiasse, 1992<br />
entre l’Asie et l’Europe. On aeulachance après l’école<br />
d’apprendre le métier avec lui àStockholm pour les répétitions<br />
puis en Thaïlande où nous avons rencontré musiciens<br />
et danseurs »Depuis les rôles sont repartis. Greta<br />
travaille àfaire des figures nées sur dessins ou peintures,<br />
des «Matières àvivre» jouant avec les matériaux, incorporant<br />
organes vitaux au cœur du sujet «Comme nous<br />
évoluons enpetite équipe nous n’utilisons pas les fils qui<br />
requièrent un manipulateur par personnage ». Les marionnettistes<br />
étant souvent visibles Arketal puise parfois<br />
au sein de l’ERAC* un vivier où Sylvie Osman intervient<br />
lors d’ateliers. Sylvie, c’est la comédienne de la Compagnie.<br />
En dirigeant la marionnette, prolongement de sa main,<br />
elle insuffle la vie au corps inerte qui devenant symbole<br />
incarné de notre condition joue àplein son rôle de passeur<br />
d'émotions. Mais la limite est parfois plus opaque «Ariane<br />
Mnouchkine acréé un spectacle où tous ses acteurs sont<br />
manipulés comme des marionnettes par d’autres acteurs.<br />
Parfois on ne sait plus qui est humain ou pas ».<br />
De la vie des marionnettes<br />
Arketal monte ses spectacles en glanant l’inspiration au<br />
fil de ses rencontres «D’abord on choisit le texte puis un<br />
plasticien qui intervient sur lelangage visuel en concevant<br />
personnages et décors ». Le premier spectacle fut «Les<br />
trois mousquetaires ». D’autres adaptations de classiques<br />
suivirent comme Antigone ou Pygmalion mais Arketal fait<br />
plus souvent appel àdes écrivains vivants. Fabienne Mounier<br />
pour «Les Verticaux »etlefidèle Jean Cagnard qui participa<br />
entre autre à«Bout de bois », une réinterprétation<br />
de Pinocchio «Nous collaborons aussi avec des auteurs<br />
de la chartreuse d’Avignon, un centre d’écriture pour le<br />
spectacle »Arketal investit également avec des plasticiens<br />
sa recherche sur la figure marionnette. Depuis le début<br />
du 20 ème siècle celle-ci est devenue un nouveau langage<br />
Et les artistes<br />
contemporains<br />
jouent le jeu ...<br />
En fait ils sont<br />
tous ravis de voir<br />
leurs personnages<br />
s’animer en 3D<br />
Dessin de Martin Jarrie pour Pinocchio dans<br />
«Bout de Bois », 2005<br />
théâtre LA VIE DES ARTS 27<br />
dans laquête des formes<br />
abstraites s’animant entre<br />
les mains de Paul Klee,<br />
Calder ou Fernand Léger.<br />
« Le Musée national Fernand<br />
Léger de Biot nous<br />
acommandé un spectacle<br />
inspiré par l’artiste qui en<br />
1834 dessina ses propres<br />
marionnettes boxeuses ».<br />
Et les artistes contemporains<br />
jouent le jeu :Marius<br />
Rech, Théo Tobiasse, Rolf<br />
Ball, des illustrateurs tels<br />
Martin Jarrie et pour «Les<br />
Verticaux » Wozniak,<br />
peintre polonais et des-<br />
sinateur auCanard enchaîné «Enfait ils sont tous ravis de voir<br />
leurs personnages s’animer en 3D» Des expositions itinérantes<br />
(l’an prochain en Israël) dévoilent régulièrement ses créations exclusives.<br />
En 2005, «Toucher du bois »rassemblait àCannes 40<br />
pantins enfantés par des plasticiens dont Ben, Alocco, Moya, Jean<br />
Mas, Eusébi, Virginie Broquet ou Frédéric Lanovsky.<br />
Alternant spectacles pour adultes et pour enfants, Arketal (trois<br />
permanents suppléés par une dizaine de collaborateurs) n’a de<br />
cesse de faire grandir la marionnette. Un art complet qui inspira<br />
Alfred Jarry pour son Ubu roi mais aussi Fellini et Bergman qui<br />
enfants, créèrent<br />
leur propre théâtre<br />
de chiffons.<br />
Ainsi pour que<br />
perdure la magie,<br />
la compagnie<br />
propose des ateliers<br />
d’initiation,<br />
de formation et<br />
d'échanges autour<br />
des techniques de<br />
construction de<br />
cette figure allégorique,<br />
le plus<br />
vieux compagnon<br />
de l’humain.<br />
*Ecole Régionale<br />
OM<br />
d'Acteur de Cannes<br />
Marionnette<br />
modèle,<br />
de Greta<br />
Bruggeman
28 la vie des arts MOde & créatiOn<br />
Corinne Reinsch<br />
Eco-Glam Versus Bling bling !<br />
Un arbre àbijoux, une bague<br />
«silence »enboule Quies dela<br />
sNCF, une parure de corps<br />
végétale, une autre en muselets<br />
de champagne, Corinne reinsch<br />
est-elle styliste, plasticienne ou<br />
une ecocitoyenne surdouée ?<br />
détail, robe réalisée avec 1200 muselets usagés<br />
On connaissait la femme chocolat d’Olivia ruiz voici la<br />
femme champagne de Corinne reinsch, une égérie aux<br />
confins de la mode, de l’art contemporain et du récup’ art<br />
vêtue de 1200 muselets scellant le cru le plus agité d’une planète<br />
en surchauffe. Cet assemblage d’anneaux de fer compressés, clin<br />
d’oeil aux robes métalliques de Paco rabanne, c’est l’une des dernières<br />
création de cette styliste résidant à Nice dont l’engagement<br />
en terme de développement durable n’a d’égal que son amour des<br />
matières naturelles ou industrielles, nobles ou déshéritées<br />
antiquités et vie au grand air<br />
Native de la Moselle et cadette de trois sœurs, Corinne, se souvient<br />
d’avoir toujours été «perchée dans les arbres » histoire de voir le<br />
monde d’en haut ?Car tout n’est pas rose au pays de la houille<br />
«Mon père qui était musicien nous a quitté alors que nous étions<br />
©Fabrice C.<br />
robe réalisée avec 1200 muselets usagés<br />
enfant dans un accident. aussi notre mère n’a pas vu d’un bon œil<br />
s’exprimer notre sensibilité créative qui lui rappelait trop son défunt<br />
mari ». alors Corinne quitte à 18 ans le bercail pour s’en aller<br />
suivre à Bordeaux des études littéraires tout en travaillant chez un<br />
antiquaire. C’est là qu’elle débute une collection de boutons et de<br />
galons. des objets qu’elle inclura d’abord à ses premières céramiques<br />
puis à une série de bijoux déclinant matériaux détournés,<br />
végétaux et pierres semi-précieuses. etant la seule sur ce créneau,<br />
ses créations sont remarquées par le couturier Olivier lapidus qui<br />
lui confie la réalisation d’accessoires pour ses défilés. la brèche<br />
est ouverte, Corinne qui a gagné la capitale s’y engouffre et la voilà<br />
en 1989 au salon des indépendants « le Grand Palais, le grand<br />
départ ! » Oh pas pour les antipodes ! Une vie de château repartie<br />
entre la campagne parisienne et le luxembourg. elle emménage<br />
dans un domaine du Xvi ème siecle du val’Oise. « 10 ans de pur
tous ses bijoux,<br />
àl’imagedes<br />
ornements tribaux,<br />
se parent d’une<br />
aura sentimentale<br />
Bijoux de porte, réalisés par le public au sein<br />
de l’association artseNs pour le Projet Perle, à<br />
but humanitaire<br />
bonheur au coeur d’une grande<br />
famille communautaire ». une période<br />
durant laquelle elle s’occupe<br />
d’un jardin de 1ha, fait des expositions<br />
dans des écuries et des<br />
rencontres déterminantes. au jardin de victor renaud, au salon<br />
«entre campagne et jardin »deNoémie vialard (tous deux journalistes<br />
àrustica) à«Couleurs et saveurs d’automne »deMonique<br />
Petit, championne d’ikebana. elle ycroisera Patrick Blanc àl’origine<br />
des murs végétaux mais aussi J.P Koffe, ou Carole Bouquet<br />
qui gravitentdans ce milieu de doux dingues «oùcertains arrivent<br />
en tracteur avec d’énormes citrouilles de 2m »Corinne explore<br />
alors les matières végétales, initie des procédés de solidification<br />
par métallisation afin de réaliser «une collection de fragiles »avec<br />
du persil, des feuilles d’érables ou de ginkgo biloba. et chaque<br />
été, durant 10 ans, grâce àunposte d’ambassadrice d’artistes<br />
français elle créera des expositions dans les châteaux classés de<br />
la vallée et commencera àvendre ses créations àune clientèle<br />
fortunée. une clientèle qu’elle retrouve en 2001 lorsqu’elle décide<br />
de se rapprocher du sud et propose aux Palaces comme la voile<br />
d’or une ligne de bijoux s’harmonisant aux collections présentées<br />
dans leurs vitrines.<br />
Profusion de bijoux crée par l’artiste et réalisés àpartir de matières recyclées<br />
(chambre àair de vélo, joint de robinetterie...)<br />
cap sur le récup’ art !<br />
avec le nouveau millénaire son travail «entre en collusion »avec<br />
des courants socio culturellement porteur :lerecyclage, la customisation,<br />
le land art (elle réalisera 6installations àl’arboretum du<br />
roure pour le collectif No-made) l’éco-citoyenneté et l’amazone<br />
attitude venant rajouter du sens àson engagement. Mais Corinne<br />
qui se fit àson instinct adevancé lavague comme en témoigne<br />
dans son atelier près delagare dusud, son trésor de corsaire :<br />
mode & c réation la vie des arts 29<br />
des centaines denoyaux de fruit<br />
et graines (dont certaines cultivées<br />
dans son jardin) larmes de job, orchidées<br />
séchées, drisses, plumes,<br />
filins de pêche, crins de cheval,<br />
passementeries, tessons de verre,<br />
lapis lazuli, etc… un inventaire<br />
à la Prévert qu’elle assemble et<br />
coud pour réinventer ses accessoires<br />
de mode «Jen’utilise pas de<br />
colle, c’est industriel, et cela me permet de proposer des pièces<br />
recomposables, personnalisées et plurifonctionnelles »une collection<br />
en trois versions, Couture, tournure (mélangedematières)<br />
et Nature qui intègrent toujours l’âme du passé, «certains clients<br />
souhaite parfois inclure leur propres reliques ou objets fétiches ».<br />
ainsi tous ses bijoux, àl’image des ornements tribaux, se parent<br />
d’une aura sentimentale ». des valeurs qui comptent dans la démarche<br />
de celle qui aime àdire «tout être humain porte en lui un<br />
précieux grain de sable »Cette approche humaniste anti «fashion<br />
victim »l’a incité àcréer «artsens »une association d’artistes qui<br />
organise des ateliers en faveur durecyclage et vient des’associer<br />
avec «Nature et découverte »mais aussi des ventes d’oeuvres<br />
au profit de causes humanitaires. C’est ainsi qu’en récoltant des<br />
bouchons pour «France Cancer »Corinne a accumulé des tonnes<br />
de muselets «Comme c’était la seule chose non recyclable j’ai<br />
imaginélarobe champagne»une parure de corps qui vient rejoindre<br />
12 autres végétales ouenmatériaux recyclés. de quoi séduire<br />
l’organisateur du salon «Planète durable »àParis qui l’a invité en<br />
mars dernier àcréer une vitrine de design éco responsable sur<br />
le stand de Nelly rodi, un bureau de style, conseiller auprès de<br />
1000 clients dans le monde. et depuis les projets se bousculent.<br />
en mai ce sera le salon du bijou d’art àMougins, en juin l’eco<br />
Festival près de dijon, en 2010 le Carrousel du louvre… Corinne<br />
reinsch ne se ménage pas pour mettre sur de nouveaux rails la<br />
féminité du 21 ème siècle, un glamour écologique qui sonnera le<br />
glas del’ère Bling bling ? om<br />
détail, robe COCO, réalisée àpartir de cacahuètes<br />
dont le collier apéritif segrignotte.
30 la vie des arts artiste<br />
Martin Caminiti passe le plus clair deson temps àmettre enapesanteur notre<br />
univers domestique :vélos, aspirateurs, cannes àpêche, cintres…. se jouant des<br />
codes ycompris de ceux de l’art contemporain, inclassable, insaisissable, fluide<br />
comme l’air, il délivre son message en quelques lignes…dans l’espace<br />
Caminiti<br />
en roue<br />
libre<br />
détail d’une œuvre en constrution, 2009<br />
©J-Ch dusanter
martin Caminiti est directeur de la villa<br />
thiole. le reste du temps, il travaille dans<br />
son atelier àlaHalle spada àmettre en<br />
forme d’étonnants objets qui prennent racine dans<br />
notre présent et la tangente en quelques tours de<br />
roues. Pêcheur par son prénom, cycliste «chemin<br />
faisant », Caminiti est né en Calabre (taurianova)<br />
en 1959 ce qui lui vaudra plus tard de se voir refuser<br />
une exposition enitalie du Nord. Mais c’est<br />
une autre histoire. la sienne commence àroquebrune-cap-martin<br />
oùildébarque àtrois mois avec<br />
sa famille. enfant il joue du coté du cabanon le Corbusier.<br />
ado il passe son CaP de menuisier. après la<br />
villa thiole, il intègre lavilla arson. en cinquième<br />
année, alors que l’on aborde la question dusocle<br />
dans la sculpture, Martin décide deretourner «roue<br />
de bicyclette »l’œuvre clé de Marcel duchamp qui<br />
représente une roue sur un tabouret «laroue est<br />
devenue alors socle avec l’illusion d’un déplacement<br />
possible et le tabouret sculpture. Ce fut mon premier<br />
détournement mais surtout un pied de nez à<br />
une interrogation qui n’a jamais été la mienne car<br />
j’ai toujours appréhendé l’objet comme un matériau<br />
poétique plutôt que comme un concept ».<br />
du dessin dans l’espace<br />
le mot est lâché «poésie », un de ces termes tant<br />
galvaudé. et pourtant, il semble mieuxque tout autre<br />
définir son travail comme l’émotion qui se dégage<br />
de ses œuvres atemporelles, qui détournent par le<br />
langage des formes (ou signes) le quotidien du droit<br />
chemin. avec la plupart des grands créateurs italiens<br />
léonard de vinci en tête, Martin Caminiti partage le<br />
sens du placementdans l’espace. Partagerait-il aussi<br />
un don pour le design ?l’autre sport national des<br />
italiens après le totocalcio. Par essence, non !excepté<br />
si l’on veutbien parler de «design inutile ». un<br />
illogisme qui conviendrait àses oeuvres aux courbes<br />
rondes et avenantes mais privées de vertus pratiques,<br />
sublimes par leur subtile incongruité !Car<br />
le seul lien que les OvNis de Martin gardent avec<br />
leurs origines manufacturés (aspirateur Cadillac,<br />
mobylettes Ciao) c’est les pièces que leur prélève<br />
l’artiste et qui une fois ré-assemblées avec d’autres<br />
offrent un «organisme »flambant neuf propice au<br />
rêve éveillé. docteur Frankenstein sommes nous en<br />
présence de ready-Made ?Non, car les figures libres<br />
de Caminiti naissent sur le papier et renaissent une<br />
seconde fois dans leur version en trois dimensions.<br />
Mais jamais elles n’auront cessé de tracer (tisser)<br />
leurs lignes dans l’espace telles d’insatiables arachnides<br />
?d’ailleurs n’ont-elles pas parfois l’allure<br />
d’étranges insectes, ces sculptures hyperdoués à<br />
capter l’énergie ?l’artiste s’en explique «Jedessine<br />
dans l’espace plus que je ne sculpte. après c’est un<br />
travail d’assemblage inspiré de volumes. C’est ainsi<br />
que j’ai eu recours aux cannes àpêche. leur forme<br />
graphique est idéale pour passer du trait àla3d.<br />
quant àlaroue en tant que cercle, c’est un point qui<br />
revient sur lui-même »Guère étonnant que l’on ait<br />
pu dire de cet artiste qu’il conviait le spectateur à<br />
rentrer dans une feuille àdessin.<br />
«par quel mystère ça tient en l’air ces deux<br />
hémisphères ?»<br />
Mais au-delà de la mécanique du rêve les sculptures<br />
ont pris corps. aNice, on apules contempler dès<br />
artiste la vie des arts 31<br />
en haut àgauche :<br />
série fata morgana<br />
dessin oculaire -2008<br />
mine graphite et technique<br />
particulière<br />
42 x32,5 cm (30x20cm)<br />
en haut àdroite :<br />
anamorphose -2006-2008<br />
Crayon graphite sur papier<br />
65 x50cm<br />
séries ci-dessus :<br />
dessin sur rodhoïd -2005-2006<br />
rodhoïd sur papier -65x50cm
32 la vie des arts artiste<br />
dessin déjanté -2005<br />
roue de vélo, driss de nylon<br />
61 cm de diamètre<br />
le Vent l'emportera 2<br />
(détail) -2006<br />
Métaux divers, fibre de<br />
verre, pigment<br />
80 x35x22cm<br />
1989 chez lola Gassin, plus récemment àlagalerie<br />
Pastor, au Château de Carros, àlagalerie des Ponchettes.<br />
elles partiront àNuremberg en juillet dans<br />
le cadre du jumelage avec la ville de Nice mais investiront<br />
d’abord Monaco en juin, préfaçant ainsi le<br />
départ du tour de France. «dans mes expos je voudrais<br />
mettre un carnet où chacun pourrait raconter<br />
une anecdote sur le vélo. C’est universel, de shanghaï<br />
àBudapest tout le monde se souvient d’une<br />
chute ou d’une balade inoubliable »<br />
C’est en deuxièmeannée àlavilla arson, que Martin<br />
commence à imaginer ses sculptures à la pulpe<br />
d’objets recyclés. il atoujours bricolé, des radios,<br />
bicyclettes, plus tard des voitures mais pas sa Kangoo,<br />
toujours en panne et dont les voix demeurent<br />
impénétrables «denos jours tout est jetable, plus<br />
rien ne se répare »regrette-t-il. Mais sa formation<br />
de menuisier reste un atout pour couper, façonner,<br />
souder, percer, visser dans des pièces qu’il chine<br />
ou achète souvent neuves. quoiqu’il en soit aucune<br />
n’est datée. toutes sont décapées et repeintes.<br />
Martin leur donne une seconde vie comme un second<br />
pedigree «l’objet ne doit pas être dans une<br />
immédiateté de reconnaissance et ne doit jamais<br />
mourir. la poésie n’a pas de date de péremption.<br />
aussi jechoisis toujours dumatériel de qualité qui<br />
peut résister au temps »<br />
quant àl’interprétation que l’on peut faire de ces<br />
œuvres atypiques elle est sans fond. Pour sa part il<br />
avance quelques repères :l’arrêt sur image hérité<br />
du Futurisme italien de Marinetti et Boccioni, calabrais<br />
comme lui. un courant esthétique qui fit entre<br />
autre la synthèse des mouvements d'un cheval en<br />
course. Mais d’autres pourront voir dans son travail<br />
le décalage dont se repait le burlesque minimaliste<br />
«l’objet ne doit pas être<br />
dans une immédiateté<br />
de reconnaissance et ne<br />
doit jamais mourir. la<br />
poésie n’a pas de date<br />
de péremption. »<br />
de Jacques tati, lui aussi grand consommateur de<br />
cycles et de confort moderne. quant àlamusique de<br />
sati faites de contrepoints espiègles elle entretient<br />
une parenté avec son univers ludique et rayonnant<br />
«dessin sans frein» -2006 -Freins, àdisque, bois -25,5 x25,5 cm<br />
«lors de mon expo au musée national du sport une<br />
fanfare yajoué du satie. J’aime ce compositeur pour<br />
son coté mécanique » etdont les titres évoquent<br />
ses œuvres. quelle distance sépare les «gymnopédies<br />
»del’une des «anamorphoses »del’autre ?<br />
et puis il yaroland topor, le retour aux origines !<br />
«ledessin, avoue Martin, j’ai très envie d’y revenir<br />
pour explorer encore plus en profondeur mon imaginaire<br />
» om<br />
©J-Ch dusanter
dessin alachaine<br />
installation<br />
dimensions variables<br />
ronde-bosse -2008<br />
installation -Cordes àpiano<br />
dimensions variables (180 x240 x40cm)<br />
ronde-bosse -2008<br />
installation -Cordes àpiano<br />
dimensions variables (180 x240 x40cm)<br />
artiste la vie des arts 33
34<br />
la vie des arts céramique<br />
le bonheur dans le hasard, c’est la<br />
définition du raku, une des techniques<br />
d’émaillage que teresa spina explore<br />
depuis qu’elle s’est installée àCap<br />
d’ail. une ville qui joua le rôle de<br />
révélateur dans son parcours fusionnel<br />
d’artiste céramiste.<br />
teresa spina<br />
terre en vue !<br />
née de parents immigrés calabrais, teresa, après avoir<br />
transité par la lozére et la Gironde pose ses valises sur<br />
la côte d’azur il yaquinzaine d’années. et si elle fut<br />
assistante sociale dans une autre vie «pour ne pas contrarier des<br />
parents effrayés par le simple mot de Beaux arts », elle renoue au<br />
sud avec ses premières amours « J’ai traîné des toiles inachevées<br />
pendant longtemps. enarrivant àCap d’ail, la première chose<br />
que je fis fut dem’inscrire dans un atelier de peinture et de suivre<br />
des cours desculpture ». et la passion longtemps refoulée finit<br />
par faire céder la digue. Comble de l’ironie, àl’origine de ce mini<br />
séisme :laterre «Jesuis repartie en larmes de mon premier<br />
cours, je ne m’attendais pas àvivre une tel choc en manipulant<br />
l’argile !».<br />
le bonheur dans le hasard<br />
une sorte de renaissance qui fait que teresa commence àtravailler<br />
«sur un tabouret de 50 cm 2 »dans sacuisine. Mais la soif<br />
de rattraper le temps perdu est si forte qu’elle sollicite Claude<br />
rosticher «Jelui ai dit, c’est urgent jesuis en train de mourir, il<br />
faut que je fasse quelque chose de mes deux mains !»l’homme<br />
qui dirigera pendant prés de 20 ans l’école d’art plastique de Monaco<br />
lui permet d’intégrer l’établissement en auditeur libre, sa<br />
tranche d’age ayant dépassé celle des jeunes étudiants teresa<br />
touche àtout, gravure, reliure, céramique jusqu’à ce qu’une autre<br />
rencontre la mette sur la voie. daphné Corregan professe alors<br />
au Pavillon Bosio «C’est une grande artiste américaine spécialiste<br />
du raku coréen, que l’exploration delamatière aamené jusqu’en<br />
pays dogon en afrique ».sur les conseils de cette dernière, teresa<br />
multiplie les stages auprès de sculpteurs émérites. et les portes<br />
s’ouvrent «dumoment où j’ai rencontré l’argile, tout s’est accéléré.<br />
les rencontres que j’ai pu faire ont fini par avoir raison de<br />
ma crainte àfranchir le pas ».ainsi la municipalité de Cap d’ail<br />
lui propose d’assurer des cours d’initiations àl’art plastique à<br />
l’école primaire «lacommune aété retenue dés 1995 atitre expérimental<br />
dans le cadre du dispositif arveJ inspiré du modèle<br />
d’enseignement allemand. le matin était consacré aux disciplines<br />
générales, l’après midi aux sports et aux activités culturelles »<br />
teresa propose alors au maire de Cap d’ail, Xavier Beck de créer<br />
tube «par chemin »,<br />
terre engobée, monocuisson 59X11 «payssage », acrylique 80X80<br />
«stelle pour horizon »,<br />
terre engobée et fer<br />
monocuisson 44X48<br />
façonnage tube «par chemin »<br />
des ateliers de modelage céramique. au terme du projet qui durera<br />
trois ans, l’atelier sera maintenu. aujourd’hui teresa mène<br />
de front plusieurs activités. aCap d’ail elle continue de dispenser<br />
ses cours àl’école andré Malraux et de diriger un atelier de céramique<br />
ouvert àtous «une formule qui afait des fidèles». elle<br />
se rend également àMenton où Jacqueline verdini, artiste et élue<br />
àlaculture de la ville lui aconfié des cours àl’école municipale<br />
d’art plastique<br />
«Jefais des tubes !»<br />
le reste du temps, elle le consacre àses créations. après des<br />
travaux axés sur la matière qu’elle tritura, jusqu’à l’accident, la<br />
déchirure, elle s’intéresse àdes formes plus épurées «enm’apaisant,<br />
jevais vers l’essentiel »etaubestiaire tourmenté des débuts,<br />
suit une étrange smala, une famille épousant la forme de<br />
cactées. la symbolique de la lune et du soleil, la notion de masculin<br />
et féminin participe àsarecherche. son travail actuel :«des<br />
couples symbolisés par des hautes cheminées très tendus, liés<br />
par des petites passerelles sur fond de monochrome bleus et gris<br />
béton »<br />
Ce cheminement vers un graphisme dépouillé est né voici un an<br />
«J’avais des toiles et des tubes d’acrylique noire qui traînaient.<br />
J’ai ressenti une forte envie de peindre avec une piste :lenoir et<br />
blanc. Je me suis mis alors àfaire des ponts tout en travaillant<br />
des motifs d’empreintes via la gravure »ainsi naquirent ces long<br />
cylindres où les aplats de couleurs et des signes/traces évoquent<br />
une calligraphie ou des paysages vus duciel avec des rythmes de<br />
couleurs renvoyant àl’univers de Miro ou Klee, empruntant par
«empreinte », acrylique 80 X80 assemblage sur couple<br />
« payssage 2»,gravure et collage 33 X35<br />
fois les pistes du «ready made »derauschenberg.<br />
« Je ne travaille jamais sur croquis, je me laisse guider par le<br />
contact de la matière. Ce n’est qu’ensuite que les choses se révèlent<br />
et que la vient la réflexion »explique l’artiste qui préfère laisser<br />
parler son subconscient. et quand on lui demande ce qu’elle<br />
fait aujourd’hui, elle répond en riant «des tubes !»Cette nouvelle<br />
obsession, une nouvelle étape dans sa quête ?«Mon travail est de<br />
plus en plus léger, la blessure adisparu. en allant vers le sud est<br />
je me suis rapprochée de mes racines italiennes. C’est peut être<br />
cela qui m’a permis d’aborder avec plus de sérénité ma pratique ».<br />
un talent de céramiste àdécouvrir du 5au22juin au Château des<br />
terrasses àCap d’ail.<br />
cap d’ail, cap culture<br />
Pour Xavier delmas, adjoint àla<br />
culture de Cap d’ail «Cette exposition<br />
n’est qu’un juste retour des<br />
choses. teresa spina est un artiste<br />
accomplie qui atant fait pour<br />
la ville et ses enfants. Cet effort<br />
d’ouverture aux arts plastiques<br />
amorcé voici 14 ans via une association<br />
nous avons tenus àlepérenniser.<br />
des cours de mosaïques<br />
seront initiés prochainement »<br />
teresa, succédera au Château<br />
des terrasses, àl’artiste peintre<br />
vidéaste Patrick Moya qui inaugura<br />
le lieu en présence de s.a.s. le<br />
Prince albert ii, au sculpteur<br />
stéphane Cipre venu en duo avec<br />
le photographe Guillaume Barclay<br />
et d’autres créateurs. «racheté<br />
en 2001 par la municipalité et<br />
ouvert en 2007 après restauration,<br />
c’est un nouvel outil qui abrite<br />
notre école de musique, un lieu<br />
magique où nous accueillons également,<br />
des concerts et spectacles<br />
vivants »Cap d’ail, cap culture !en<br />
tous cas l’art semble avoir trouvé<br />
ses marques dans cette ville balnéaire<br />
qui héberge àlavilla roc<br />
Fleuri chaque année en septembre<br />
le collectif «no-made »etson<br />
grand déploiement deplasticiens<br />
et en août le festival «Cap Jazz »à<br />
l’amphithéâtre de la mer.<br />
« payssage », gravure et collage 40 X40<br />
céramique la vie des arts 35
36 la vie des arts artiste<br />
Lagalla :<br />
that’s all<br />
folks!<br />
thierry lagalla est un<br />
OvNi (Objet volant Niçois<br />
improbable). a43ans il a<br />
déjà fait douter le nombril de<br />
l’art de sa capacité àenfanter<br />
de vrais natures enexhumant<br />
des décombres de l’après<br />
duchamp quelques charafi<br />
en guise d’installations, en<br />
exposant de vrais fausses<br />
croûtes. son arme, un sens<br />
aigu de l’absurde qu’il<br />
retourne d’abord contre lui<br />
même !<br />
Cette page, en haut àdroite :<br />
sans titre, 2006, mesclun sur papier, 29,7 X21cm<br />
Ci-dessus :<br />
Portrait de lagalla<br />
©J-Ch dusanter<br />
au début était « l’homo sapiens<br />
»puis l’homme se mit<br />
debout et fit connaissance<br />
avec la peau de banane. alors en<br />
1966 vint thierry lagalla dit tilo.<br />
diplômé del’école de la Brossalhas,<br />
tilo est transféré d’urgence àNice<br />
où il obtient en1991 son diplôme<br />
d’artiste néo folklorique àl’esrP «si<br />
quelque chose peut être filmé, c’est<br />
la chute, l’estramasse, tout le reste<br />
c’est du remplissage, car c’est dans<br />
ces moments là que l’homme serévèle<br />
dans sa nudité !»<br />
dés lors le pathos sera au cœur de<br />
son travail. la lucidité est ce qui sert<br />
àl’homme àmesurer l’étendue de<br />
son malheur alors tilo pour évaluer<br />
le fond des océans arecours àun<br />
truc infaillible :lachute.. ainsi dans<br />
ces dessins, peintures ou vidéos on<br />
le verra la tête posée sur une toile<br />
cirée comme sur un billot, une bougie<br />
d’anniversaire allumée dans<br />
l’oreille (jamais solet dau buòn/<br />
Jamais vraiment seul) posant pour<br />
la postérité avec un<br />
pigeon sur le crâne «afin de pasticher<br />
ces grands hommes qui servent dans les<br />
jardins d’états de reposoir à volatiles et<br />
dont la figure finit maculé deguano »;Ou<br />
encore jouer au binto avec deux patates<br />
et sa quéquette sans jamais parvenir àla<br />
retrouver sous les trois godets ?<br />
m’as-tu vuenravi ?<br />
il est comme ça, le lagalla, un rien l’amuse.<br />
Mais une «cagade »c’est l’arbre qui<br />
cache la forêt !une forêt de papier canson<br />
qu’il peuple d’agapes populaires, cochons<br />
débités en charcutaille, sardines royales,<br />
et pour faire bonne figure d’autoportraits<br />
:M’as-tu vu en ravi de la crèche ou<br />
complètement àl’ouest, en John Wayne ?<br />
Car l’artiste touche àtout, se révèle un redoutable<br />
pamphlétaire de l’art qui n’oublie<br />
jamais que le pinceau « c’est le petit pénis<br />
dans l’étymologie »?Yvon lambert ne s’y<br />
pas trompé en invitant ses croquis acidulés<br />
àsacélèbre galerie entre les oeuvres<br />
d’un japonais et d’un new-yorkais. « Ça<br />
manquait d’exotisme !»etsithierry passe<br />
àlamoulinette le menu fretin de la pêche
du jour avé l’accent,<br />
benêt qui n’y verrait que du néo-folklore.<br />
Car ce trublion provençal qui travaille volontiers<br />
du ciboulotenoccitan taquineaussi<br />
la langue de shakespeare. Ces œuvres<br />
en niçois sont sous-titré en anglais « Y’a<br />
pas de raison, c’estune langue commeune<br />
autre !»explique le miston de la Ben génération<br />
qui parle d’oc et de toc, parce qu’il<br />
est du pays du Còr de la plana (un trio pour<br />
lequel, il dessina des pochettes d’album) et<br />
du Carnaval de st roch. Mais «m’en bati !»<br />
ça ne suffit pas. il faut couper tous les cordons.<br />
son kit de chirurgie plastique :des<br />
jouets piqués àses enfants, des ustensiles<br />
domestiques, des rebus, autrement dit à<br />
Nice des charafis «lahuitième merveille du<br />
monde du ravi !» un arsenal qui fait passer<br />
le ready made américain pour du vuiton !<br />
le recours au rudimentaire, au minimal, au<br />
patois, c’est en fait la réponse de lagalla à<br />
l’emballement de la machine. son économie<br />
d’effet,l’éloge de la tortue, un coup de pied<br />
au fondement du consumérisme !<br />
l’aventura espaciale<br />
son invitation à«letas d’esprit »deBen<br />
àParis en 2006 ou son exposition niçoise<br />
«Òlopintre !»lamême année permirent<br />
d’apprécier combien l’artiste jubile à se<br />
jouer des codes de la bienséance, de la rébellion,<br />
de la mode et du sacré. «situpeux<br />
passer le doigt dans tes taches, c’est que<br />
ce sont des trous »unautre «déballage »<br />
qui confirmera que tilo met le doigt là ou<br />
ça fait mal. vrais fausses croûtes de peintre<br />
du dimanche, cartes postales d’aguichantes<br />
baigneuses, légendes urbaines<br />
artiste la vie des arts 37<br />
de gauche àdroite, haut en bas : Buona fortuna (good luck), acrylique sur toile, 22 X16cm/// Jamai solet dau buon 1(nerver really alone 1), 2006, acrylique sur toile, 19 X24cm/// Le ravi<br />
au lit (retour àl’immanence), 2006, acrylique sur toile, 24 X19cm/// sans titre, 2007, mesclun sur papier, 29,7 X21cm/// sans titre, 2007, mesclun sur papier, 30 X30cm/// tantiflas &<br />
lume (potatoes &light), acrylique sur toile, 19 X27cm/// Jamai solet dau Buon 2(never really alone 2),2006, acrylique sur toile, 19 X24cm<br />
«ettant mieux si<br />
l’on voit les fils cela<br />
n’en souligne que plus<br />
l’instant de vérité :<br />
vé, comme elles<br />
cassent !»<br />
dou Pays comme sainte sucette, une niçoise<br />
de petite vertu qui oeuvra jadis dans<br />
le quartier de Notre dame, lagalla invite<br />
àson banquer l’extra et l’ordinaire, eros,<br />
thanathos et Patatrac ! Peu importe les<br />
outils qu’il manie, la transfiguration est au<br />
rendez-vous, transcendante, réjouissante,<br />
truculente… Pas vraiment artistiquement<br />
correct tout çà ? et pourtant l’artiste a<br />
fait la tournée des grands ducs (Palais de<br />
tokyo, Yvon lambert, MaMaC) et se sent<br />
d’attaque aujourd’hui pour l’art abstrait<br />
«voila un portrait de dostoïevski, un autre<br />
Martin lamotte ». Mais la plupart de ces<br />
toiles sont nés d’arrêts sur image de ces<br />
saynètes vidéo. un format qu’il apprécie<br />
pour sa portée universelle (ses films ont<br />
été diffusés enColombie, Brésil, australie<br />
etc) et sa grande capacité de synthèse car<br />
dit il pour paraphraser Guitry :«Burles
38 la vie des arts artiste<br />
détail de l’exposition Olopintre !, espace àvendre, 2006<br />
L’aventure espaciale 6, extrait vidéo<br />
quement au cinéma<br />
on court, en vidéo onacouru !»<br />
le réel va trop vite, la vie vous échappe,<br />
le bon sens renâcle, alors lagalla redresse<br />
tout ça en 24 images àlaseconde. et sous<br />
les feux de la rampe, s’avère un mélange<br />
corrosif de Buster Keaton dont il alaprunelle<br />
désabusée et d’un ionesco enfermé<br />
dans les WC de Pagnol. un OvNi au mitan<br />
de la rue qui tente d’atteindre les étoiles<br />
en vain. vanité des vanités !dans sa série<br />
«l’aventura espaciale »lecompteàrebours<br />
finit invariablement sur une chute digne<br />
de Cap Carnaval, jamais de Cap Canaveral.<br />
Jusqu’à ce jour, oùleCentre National<br />
d’etudes spatiales (CNes) au courant de<br />
ses infructueux<br />
essais en chambre l’appelle<br />
pour le convier àdiffuser au sein de l’établissement<br />
ses déroutantes mises en orbites.<br />
véridique !<br />
al’heure où l’usine àgaz accouche d’une<br />
souris où l’on «relifte »savie en pixels,<br />
tilo lui prend le contre-pieds en célébrant<br />
l’acte manqué, les «Outsiders »etles maîtres<br />
du muet avec trois bout de ficelles.<br />
Plus Bastian countraîre, tu meurs !«et tant<br />
mieux si l’on voit les fils cela n’en souligne<br />
que plus l’instant de vérité :vé, comme<br />
elles cassent !»<br />
Cet été sera lagallien avec «O<br />
figure !»àlagalerie espace àvendre<br />
(30 mai/1er aout) lo trionf de la<br />
Pintura au Cabinet àParis et une<br />
performance projection au MaMaC<br />
le 3juin.
making<br />
of<br />
MOnacO la vie des arts 39