MARJORIE ACCARIER EMILIE ASSEMAT HUBERT ... - Nîmes
MARJORIE ACCARIER EMILIE ASSEMAT HUBERT ... - Nîmes
MARJORIE ACCARIER EMILIE ASSEMAT HUBERT ... - Nîmes
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
2<br />
EdITO<br />
C<br />
omment une pratique artistique<br />
peut-elle faire écho au<br />
monde de la production, au monde<br />
du travail? Poser cette question, c’est<br />
déjà penser que l’art, c’est un travail,<br />
que ces deux “mondes” peuvent se<br />
questionner sans vulgarité mais aussi<br />
sans pudeur. Le travail, faux-frère de<br />
l’art, entendu comme temps et lieu<br />
d’une production, recèle toujours un<br />
certain mystère pour celui qui s’interroge<br />
: comment faire voir le travail,<br />
que nous montrent les lieux où il se<br />
réalise?<br />
En proposant, début 2008, cet A.R.C.<br />
et tout au long de son développement,<br />
nous voulions connaître, rencontrer<br />
les lieux où se fabriquent les<br />
choses, les objets que nous consommons,<br />
que nous fréquentons ou utilisons<br />
et qui constituent notre environnement.<br />
Nous voulions observer ces<br />
paysages que le travail transforme,<br />
examiner notre rapport au quotidien,<br />
notre manière de prendre place, de<br />
prendre position, d’être ici plutôt<br />
qu’ailleurs…<br />
Un groupe d’étudiants de 3, 4 et 5ème année s’est rassemblé autour de ces<br />
questions et chacun a tenté, par les<br />
moyens plastiques adaptés, de « travailler<br />
», c’est-à-dire de créer en<br />
s’interrogeant et en interrogeant ses<br />
propres gestes, pris eux aussi, dans<br />
le champ du travail. Cet atelier se<br />
concrétise aujourd’hui, sous la forme<br />
d’une exposition et de la présente publication<br />
en rendant visible l’état des<br />
recherches et réalisations de chaque<br />
étudiant.<br />
Mais ces lieux nous ont résisté, nous<br />
l’avons appris au fil de nos rendezvous,<br />
et nos questions sont aussi devenues<br />
des énigmes. C’est pourquoi,<br />
il nous fallait trouver les indices qui<br />
permettent de comprendre et de<br />
mieux entendre ce qui constituaient<br />
apparemment notre champ d’investigation.<br />
Dans un premier temps, nous sommes<br />
donc allés ensemble sur les lieux<br />
pour voir ce qu’il en est de ce travail<br />
qu’il n’est pas, la plupart du temps,<br />
permis de voir. D’abord, à proximité<br />
de <strong>Nîmes</strong>, aux abattoirs de Tarascon,<br />
puis à quelques pas de là, les environs<br />
de l’usine de cellulose, plus loin à Vergèse<br />
pour la visite de l’usine Perrier, et<br />
enfin aux carrières de Vers-Pont-du-<br />
Gard. Errance et enquête nécessaires<br />
à l’accumulation d’indices et d’informations<br />
qui s’ajoutent au discours de<br />
la visite guidée. Les matériaux réunis<br />
ont été très divers (dessins, photographies,<br />
vidéos, sons), matériaux transformés<br />
puis examinés à nouveau<br />
collectivement, confrontant ainsi nos<br />
hypothèses et intuitions.<br />
À deux reprises, nous nous sommes<br />
rendus dans les locaux du F.I.D. (festival<br />
international du documentaire)<br />
à Marseille, où nous a accueilli Jean-<br />
Pierre Rehm, son directeur. Répondant<br />
à notre sollicitation, J.P.Rehm<br />
a proposé et présenté une sélection<br />
de films qui ont contribué à ouvrir<br />
d’avantage la question des lieux de<br />
production et, plus globalement, du<br />
travail. Ces films, évoqués dans cette<br />
publication, révèlent la pertinence de<br />
recherches, de découvertes, et de manières<br />
de voir aussi singulières que<br />
neuves au contact du réel, de contextes<br />
très différents et souvent complexes<br />
(Khiam, Le plein pays, Lunch<br />
Break, ou encore Cène).<br />
Au fil de notre enquête, de nos rencontres,<br />
de nos discussions, notre<br />
conception du lieu de production a<br />
évolué en prenant en compte des directions<br />
que nous avions négligées et<br />
qui pourtant acceptaient l’idée selon<br />
laquelle un lieu de production n’est,<br />
de fait, qu’un lieu et un temps simultané<br />
où se réalisent l’idée et la forme<br />
d’un objet ou d’un événement (la parole,<br />
par exemple, dans I turn over<br />
the pictures of the voice in my head<br />
de Valie Export ).<br />
Il a fallu se redéployer en groupe, ou<br />
en solitaire, reprendre la route, rencontrer<br />
à nouveau, noter, enregistrer,<br />
Hôtel-Rivet n°10 A.R.C. lieux de production exposition du 10 février au 4 mars 2010 Hôtel-Rivet n°10 A.R.C. lieux de production exposition du 10 février au 4 mars 2010<br />
prélever. Ateliers, école, institutions,<br />
ville comme lieu de production de<br />
flux et d’énergie, production cachée<br />
des prisonniers, production sans but,<br />
inutile des marginaux, production de<br />
sens de la salle de montage, production<br />
des liens entre deux pays, deux<br />
continents, production et transformation<br />
de matières alimentaires,<br />
production de rythmes, de sons issus<br />
de la chaîne de fabrication , production<br />
de l’oeuvre.<br />
Que démontre une telle entreprise<br />
sinon, et c’est déjà beaucoup, qu’une<br />
intuition ne permet pas de trouver<br />
une réponse à une question mais<br />
qu’elle peut, si l’on utilise ou fabrique<br />
le bon appareil pour voir, poser une<br />
autre question à une réponse déjà<br />
énoncée ? Avec cette multitude de<br />
lieux de production, nous imaginions<br />
seulement répondre au monde et au<br />
réel qui nous fait face, mais c’est aussi<br />
une certaine pratique de l’art que<br />
nous avons questionné : interroger,<br />
par exemple, le rapport entre la production<br />
d’un objet industriel et d’un<br />
objet fabriqué manuellement, les notions<br />
d’utilité et d’inutilité donc de valeur<br />
et d’usage, l’aspect économique<br />
et politique de l’objet produit. Questionner<br />
le champ de l’art, c’est aussi<br />
questionner la réalité de son fonctionnement,<br />
la valeur du produit du<br />
travail de l’artiste, comment définir<br />
la valeur qui sépare le travail fourni<br />
pour la production d’un objet artistique<br />
(l’oeuvre) et d’un objet fonctionnel,<br />
les rapports entre une œuvre et<br />
l’argent comme objet d’échange.<br />
En reprenant cette première interrogation<br />
: comment faire voir le travail,<br />
comment le rendre plus intelligible,<br />
comment montrer, ce que nous savons,<br />
la mécanisation, la robotisation,<br />
l’automatisation, la désincarnation,<br />
comment voir malgré l’opacité<br />
des « boîtes », de l’architecture mais<br />
aussi, ce que nous ne voyons pas, des<br />
activités marginales, parfois insensées<br />
où la répétition des gestes n’est<br />
pas moins à l’œuvre ? Force est de<br />
constater que les pistes explorées<br />
par les apprentis-artistes que sont<br />
ces étudiants, s’avèrent nombreuses<br />
autant que riches de leur énergie<br />
et de la curiosité qui les ont conduit<br />
à confronter leur pratique à la réalité<br />
du dehors, à l’activité incessante<br />
des hommes, à l’interdépendance de<br />
ces activités, activité locale et globale<br />
toujours plus problématique<br />
aujourd’hui.<br />
Par BRIGITTE BAUER, ALEX POU<br />
et ARNAUd VASSEUX<br />
P our<br />
ce projet ayant pour thème le<br />
lieu de production j’ai choisi de<br />
travailler sur la foule et la production<br />
d’énergie qui en émane. En effet, lors<br />
de grands rassemblements comme les<br />
manifestations politiques, les défilés<br />
militaires ou bien encore les rencontres<br />
sportives, on peut ressentir une force<br />
qui se dégage de la foule. Toutes les personnes<br />
présentes dans un même lieu au<br />
même moment sont là pour signifier<br />
quelque chose : En ayant un objectif<br />
commun et en parlant d’une même<br />
voix, la foule provoque l’hystérie. L’hystérie<br />
des médias aussi qui diffusent cette<br />
information et font donc passer cette<br />
énergie à leur tour, visible aux yeux de<br />
tous. Afin de mettre en avant l’énergie<br />
et la dynamique de la foule, j’ai réalisé<br />
une animation à partir de mes photographies<br />
retouchées. Les flèches et les<br />
D<br />
ans ma video, j’ai créé un monde<br />
minuscule avec des hommes<br />
en plastique et des objets simples pour<br />
exprimer une relation entre ce monde<br />
miniature et le nôtre. J’ai donc filmé ces<br />
figurines que je fais évoluer dans un environnement<br />
industriel. Cette mise en<br />
scène se veut être une représentation<br />
possible de l’Homme et de son contrôle<br />
sur la science, sur les machines et sur<br />
le Monde.<br />
le travail, seul échappatoire pour l’oc-<br />
cidental comme celui de la télévision<br />
qui endort et désarticule le spectateur.<br />
Il y a ceux qui profitent de la situation<br />
et s’en mettent plein les poches...<br />
Godard rappelle qu’il est trop simple<br />
et trop facile de diviser le monde en<br />
deux, de dire qui a tord ,qui a raison<br />
parce que nous sommes tous portés<br />
par des croyances, influencés par des<br />
médias. Les choses se sont déroulées<br />
sans notre révolte...<br />
Ce film résonne comme un cri de<br />
désespoir et il est encore plus désespérant<br />
de voir que la situation s’est<br />
aggravée aujourd’hui. Il montre comment<br />
sont fabriquées «les histoires»<br />
qui fabriquent elle-même «l’Histoire»<br />
et provoque chez le spectateur une<br />
certaine amertume et un dessèchement<br />
âcre au fond de la gorge.<br />
Lunch break<br />
Par HAO MIN YANG<br />
de Sharon Lockhart, 83’, 2008, USA.<br />
Sharon Lockhart est née à Norwood<br />
en 1964. Elle est photographe, cinéaste<br />
et artiste, elle vit et travaille à Los<br />
Angeles.<br />
Les ouvriers en bleu de travail pren-<br />
couleurs criardes attirent le regard et<br />
ont un effet hypnotisant, qui est ensuite<br />
accentué par le montage rythmé des<br />
images. Ces signes brouillent l’image<br />
par leur forte présence et il faut un certain<br />
temps au spectateur avant de comprendre<br />
de quoi il s’agit ; l’animation est<br />
faite justement pour attirer le regard et<br />
capter l’attention du spectateur jusqu’à<br />
ce que celui-ci se rende compte du sujet<br />
et comprenne la démarche. Dans ce<br />
projet, chacune de mes actions graphiques<br />
vise à créer une énergie évolutive,<br />
captivante, et qui éveille chaque zone<br />
de notre cerveau. Au final, l’animation<br />
sera totalement déshumanisée pour<br />
laisser place au monde du symbole. Ce<br />
sont des éléments directs et universels,<br />
mis en place dans une mécanique régulière<br />
à la manière du zapping.<br />
Par CLÉMENCE LAPORTE<br />
nent leur pause du déjeuner. Ils s’installent<br />
sur des grosses boites en fer<br />
qui ne semblent pas être prévus à cet<br />
effet. Ces «banc-boites» sont placés le<br />
long d’un couloir ,les unes séparées<br />
des autres par des rangées de casiers.<br />
Les personnes déjeunent donc individuellement<br />
et ne se rencontrent pas.<br />
Le but d’une usine productive n’est<br />
pas là et on le comprends bien en<br />
regardant cette vidéo qui lentement,<br />
entre dans le couloir. Le film est un<br />
traveling-avant ralenti sur une durée<br />
totale de 83 min, ce qui intensifie la<br />
pesanteur de la séquence et le sentiment<br />
d’étouffement de cet espace.<br />
Le spectateur voit tout les gestes de<br />
l’ouvrière seule, sur son banc, observant<br />
le mur d’en face, le regard dans<br />
le vague et s’imagine qu’elle vit tout<br />
les jours exactement le même moment<br />
(d’où le ralentit qui rend cette<br />
séquence presque insupportable tant<br />
elle traduit la notion d’enfermement,<br />
de prison).<br />
Une vidéo qui interroge la place de<br />
l’humain et de son émancipation dans<br />
un monde qui aspire à une production<br />
et à une consommation toujours plus<br />
effrénée.<br />
Image tirée de la vidéo d’ Hao Min Yang<br />
I turn over the pictures<br />
of the voice in my head<br />
de Valie Export, 12’, 2009, Autriche.<br />
Valie Export est une artiste engagée,<br />
qui réalise des performances, des vidéos<br />
et des photographies depuis les<br />
années 1970.<br />
Dans ce court-métrage, on voit pendant<br />
douze minutes l’intérieur d’un<br />
corps féminin. L’artiste a placé dans<br />
son larynx une petite caméra qui filme<br />
ses cordes vocales pendant qu’elle<br />
lit un texte. Ainsi, le spectateur peut<br />
observer de très prés l’activité du<br />
corps, la production de la parole. Cet<br />
angle de vue offre un regard original<br />
et donne une approche différente visà-vis<br />
de son corps propre et sur ses<br />
mécanismes intérieurs.<br />
Dans cette vidéo, Valie Export parle<br />
de ce qu’elle pense des mots, du langage<br />
et ajoute que le corps et l’esprit<br />
ne sont pas dissociables, que sa voix<br />
est le signe d’une sensualité. En effet,<br />
à l’image organique est associé le son<br />
de sa voix. Le film est étonnant parce<br />
qu’il donne une version peu classique<br />
Maquette préparatoire de Stéphane Jaune<br />
Image tirée de la vidéo de Stéphane Jaune<br />
du fonctionnement du corps humain.<br />
Celui-ci est habituellement observé<br />
de l’intérieur lorsqu’il y a un problème.<br />
Ici, cette image nous répulse<br />
parce que nous associons cette image<br />
à celle de la maladie mais, ici, l’artiste<br />
insère elle-même la caméra dans son<br />
corps pour l’observer et le comprendre<br />
transformant ainsi l’organe de la<br />
parole en un autre.<br />
Par ELSA LANGER, envoyée spéciale<br />
au FID de Marseille.<br />
Image tirée de l’animation de Clémence Laporte<br />
E n<br />
volume, je réalise une table de<br />
réunion de 2m x 2m.<br />
Dix paires de mains sont posées dessus<br />
comme s’il y avait dix personnes attablées.<br />
Elles représentent la main d’oeuvre, les<br />
mains des travailleurs aussi bien que<br />
celles de ceux qui décident et qui sont<br />
à la tête des grandes entreprises et des<br />
grandes structures. La table est en bois.<br />
Une plaque de métal (tôle ou alluminium)<br />
est fixée dessus. Les mains sont<br />
en plâtre. Le métal est coupant, froid,<br />
solide. Le plâtre est cassable et friable.<br />
En vidéo, j’ai suivi une personne très tôt<br />
le matin qui part de la gare et qui arrive<br />
jusqu’à son lieu de travail.<br />
Par STÉPHANE JAUNE<br />
Autres films vus au FID<br />
entre 2008 et 2010 dans le<br />
cadre de cet A.R.C. :<br />
Europlex, d’Ursula Biemann et<br />
Angela Sanders, 20′, 2003, Suisse.<br />
Cène, d’Andy Guérif, 31’, 2006,<br />
France.<br />
The anthem, d’Apichatpong Weerasethakul,<br />
5’, 2006, Thaïlande.<br />
Khiam, de Khalil Joreige et Joana<br />
Hadjithomas, 52’, 2000, France/Liban.<br />
Gli anni Falck, de Francesco Gatti,<br />
38’, 2007, Italie.<br />
Coopérative, de Raphaël Grisey,<br />
76’, 2008, France.<br />
Barbe bleue, de Jeanne Gailhoustet,<br />
13’, 2009, France.<br />
Pour plus de renseignements sur le<br />
FID de Marseille:<br />
http://www.fidmarseille.org<br />
7