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Bug Jack Barron

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D’un bond soudain et insensé, elle se retrouva accroupie sur<br />

l’étroit parapet de béton dans le champ du vidphone,<br />

contemplant l’écran à moins d’un mètre de son visage, les<br />

muscles tendus souplement comme ceux d’un chat prêt à<br />

bondir.<br />

— Sara ! Ne fais pas l’idiote ! cria <strong>Barron</strong>. (Et elle le sentit<br />

lutter pour contrôler sa peur, et sut qu’il allait gagner. Il<br />

gagnerait toujours.) Tu es chargée ! lança-t-il d’une voix<br />

volontairement dure qui était comme une gifle en pleine figure.<br />

N’oublie pas que tu es chargée et descends de là… mais<br />

doucement, sans te presser, sans faire de faux mouvement ;<br />

mets d’abord une jambe par terre, et fais passer ton poids sur<br />

elle avant de descendre… Sara ! Secoue-toi ! Fais ce que je te<br />

dis !<br />

— Je t’aime, <strong>Jack</strong>, dit-elle à l’image lointaine sur l’écran du<br />

vidphone. Je t’aime, et je sais que tu m’aimeras toujours. C’est<br />

pourquoi il faut que je le fasse. Pour que tu sois libre – libre de<br />

moi afin de pouvoir être vraiment <strong>Jack</strong> <strong>Barron</strong>, libre de voir ce<br />

que tu es et ce que tu as toujours été, libre de faire ce que tu as à<br />

faire. Il le faut ! Et tant que je serai là tu ne seras jamais libre. Je<br />

le fais parce que je t’aime et parce que tu m’aimes. Adieu, <strong>Jack</strong>…<br />

Souviens-toi, seulement parce que je t’ai aimé…<br />

Elle se dressa convulsivement sur ses jambes, et vacilla sur<br />

l’étroit parapet tandis que le vidphone à ses pieds hurlait :<br />

— Ne fais pas ça, Sara, bon Dieu ne fais pas ça ! Tu es<br />

chargée, tu ne sais pas ce que tu fais ! Pour l’amour du ciel, ne<br />

saute pas ! ne saute pas !<br />

Mais la voix qui la suppliait était faible et mécanique et<br />

semblait venir d’un autre monde, un monde noir et blanc, irréel,<br />

pris au piège à ses pieds dans une boîte sans signification et<br />

qu’elle ne voyait même pas ; une voix noyée par le bruit du<br />

ressac qui enveloppait ses épaules de verts tentacules<br />

bruissants, de l’haleine fétide de bébés éventrés, verts tentacules<br />

de lumière se coulant dans son dos, issus du gouffre de son<br />

corps la poussant en avant dans une avalanche d’enfants morts,<br />

de millions d’asticots grouillant dans sa peau. Et devant elle, audessus<br />

d’elle, sous elle, l’entourant de partout, était l’apaisante<br />

douceur veloutée d’un océan de néant noir prometteur d’un<br />

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