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Sur la grand'route - Odéon Théâtre de l'Europe

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› Anton Tchekhov : un homme, une esthétique<br />

III › Les “héros” <strong>de</strong> Tchekhov<br />

A - «Le héros <strong>de</strong> Tchekhov… il n’y en a pas.»<br />

Tchekhov est peu connu en France. Probablement parce que son œuvre est moins immédiatement percutante que<br />

l’œuvre <strong>de</strong> Gorki, par exemple, moins «sensationnelle». Ce<strong>la</strong> tient peut-être aussi à ce que Gorki est actuellement<br />

plus international que Tchekhov. Le héros <strong>de</strong> Gorki est toujours, ou presque toujours, un homme exceptionnel,<br />

extraordinaire, un homme imaginé, porteur d’une gran<strong>de</strong> pensée, un être symbolique, tandis que le héros <strong>de</strong><br />

Tchekhov... il n’y en a pas.<br />

Dans tout ce qu’a écrit Tchekhov, vous ne trouverez pas un seul héros. Pas <strong>de</strong> héros. Tout Tchekhov est là. Il nous<br />

montre <strong>la</strong> vie telle qu’elle est. Il nous parle <strong>de</strong> ces hommes, <strong>de</strong> ces femmes que nous voyons partout et toujours...<br />

Dans l’immense Russie, il a su voir et comprendre tous ceux qui ne représentent rien d’extraordinaire, qui ne sont<br />

pas <strong>de</strong>s héros, mais qui forment <strong>la</strong> Russie. Il al<strong>la</strong>it dans les coins les plus perdus <strong>de</strong> <strong>la</strong> Russie et il regardait<br />

comment vivent là-bas les êtres humains, ce qu’ils font, ce qu’ils pensent. Et il nous raconte tout ce<strong>la</strong>.<br />

Que <strong>de</strong> forces, que d’amour, que <strong>de</strong> <strong>la</strong>rmes et <strong>de</strong> souffrances il a trouvés dans ces endroits inconnus ! Mais cette<br />

force et cet amour ne font pas <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s actions, ne forment pas <strong>de</strong>s héros — non, tout reste là-bas, dans cette<br />

petite ville perdue, tout vit ignoré <strong>de</strong> tous, enseveli sous <strong>la</strong> neige, étouffé par <strong>la</strong> vie. Mais ce<strong>la</strong> n’en existe pas moins.<br />

Et ces êtres qui souffrent, et qui aspirent, et qui auraient pu <strong>de</strong>venir grands, accomplir <strong>de</strong>s actions héroïques, ces<br />

êtres ne sont-ils pas dignes aussi <strong>de</strong> notre attention ?<br />

Ce sont ces êtres-là que Tchekhov a choisis pour nous les montrer, pour nous dire que ces inconnus <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />

vie qu’il a profondément aimés sont dignes d’être vus <strong>de</strong> plus près, que c’est peut-être, précisément, dans leurs<br />

âmes que nous trouverons <strong>la</strong> «vraie» beauté, le «véritable amour».<br />

<strong>Sur</strong> <strong>la</strong> grand’route / 23 fév. › 25 mars 06<br />

Georges Pitoëff, 1939,<br />

in Silex n°16, réédition, Le théâtre <strong>de</strong>s Idées,<br />

Gallimard, 1996, p. 262.<br />

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