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Sur la grand'route - Odéon Théâtre de l'Europe

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› La grand’route<br />

B - Les errants<br />

La Vieille Foi est apparue dans l’empire <strong>de</strong>s tsars au milieu du XVIIe siècle quand une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion russe<br />

s’est opposée aux réformes liturgiques entreprises par le patriarche Nikon ; opposition qui a conduit au schisme :<br />

le Raskol. Les partisans <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vieille Foi, persécutés, furent nombreux à fuir vers l’orient sibérien ou les marges<br />

occi<strong>de</strong>ntales <strong>de</strong> l’Empire, se regroupant souvent dans <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges à l’écart du mon<strong>de</strong>, formant <strong>de</strong>s communautés<br />

dont <strong>la</strong> fermeture frappe les observateurs encore <strong>de</strong> nos jours. Outre ces communautés sé<strong>de</strong>ntaires qui se sont<br />

répandues dans l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> Russie, on rencontre aussi <strong>de</strong>s «errants», pèlerins, à l’instar <strong>de</strong> Savva, le vieux<br />

pèlerin <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce «<strong>Sur</strong> <strong>la</strong> grand’route», dont l’idéal ascétique et mystique les conduit sur les routes, mendiants leur<br />

pain.<br />

Appelés aussi les fuyants (bégouny), ces fanatiques se donnent le nom <strong>de</strong> pèlerins. Un déserteur du nom d’Ephime,<br />

<strong>de</strong>venu moine dans un <strong>de</strong>s skytes théodosiens, fut leur premier apôtre. L’errantisme est sorti, à <strong>la</strong> fin du XVIIIe<br />

siècle d’une sorte <strong>de</strong> réveil, <strong>de</strong> revival <strong>de</strong> <strong>la</strong> bezpopovstchine. La croyance au règne actuel <strong>de</strong> Satan est <strong>la</strong> pierre<br />

angu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong>s errants. Repoussant comme une apostasie toutes les concessions ou les<br />

inconséquences <strong>de</strong>s sans-prêtres mo<strong>de</strong>rnes, l’errant n’admet aucun compromis avec cette sombre doctrine. Il<br />

cesse tout commerce avec les représentants <strong>de</strong> Satan, c’est-à-dire avec l’État et les autorités constituées. A l’instar<br />

<strong>de</strong>s anciens prophètes, il se retire dans <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong>, il s’enfonce dans les forêts, où n’ont point encore pénétré les<br />

serviteurs <strong>de</strong> l’Antéchrist. Il fuit particulièrement les villes, ces maudites Babylones où rési<strong>de</strong>nt les ministres du<br />

prince <strong>de</strong>s ténèbres. La <strong>de</strong>vise du strannik est cette parole <strong>de</strong> l’Évangile : «Abandonne ton père et ta mère, prends<br />

ta croix et suis-moi.» Avec le vieux réalisme moscovite, avec le réalisme habituel au raskol, il prend ce conseil à <strong>la</strong><br />

lettre, quittant son champ et sa famille, mettant sa piété à n’avoir pas <strong>de</strong> foyer sous les cieux.<br />

(…)<br />

Pour le strannik, il n’y a <strong>de</strong> salut que dans l’isolement et dans <strong>la</strong> fuite. Il quitte sa maison, sa femme, ses enfants, il<br />

quitte le vil<strong>la</strong>ge et <strong>la</strong> commune où il est légalement inscrit, ne vou<strong>la</strong>nt avoir ni famille ni domicile. En signe <strong>de</strong><br />

rupture avec <strong>la</strong> société, les pèlerins rejettent les passeports et tous les actes pouvant établir leur i<strong>de</strong>ntité ; c’est <strong>la</strong><br />

première condition <strong>de</strong> l’entrée parmi les vrais chrétiens. Au lieu <strong>de</strong> passeport, l’errant porte <strong>de</strong>s papiers avec <strong>de</strong>s<br />

maximes <strong>de</strong> <strong>la</strong> secte ou simplement une croix avec <strong>de</strong>s sentences <strong>de</strong> ce genre : «Ceci est le vrai passeport visé à<br />

Jérusalem.» II y a <strong>de</strong>s errants <strong>de</strong> l’un et l’autre sexe. Ils pratiquent une sorte <strong>de</strong> communisme, nient toutes les<br />

distinctions sociales et regar<strong>de</strong>nt tous les hommes comme égaux. Ils se considèrent comme moines et se donnent<br />

les noms <strong>de</strong> frère et <strong>de</strong> sour. Avec les plus rigi<strong>de</strong>s bezpopovtsy, ils proscrivent le mariage, qui, suivant eux, ne sert<br />

qu’à couvrir le péché. A <strong>la</strong> vie conjugale ils préfèrent les re<strong>la</strong>tions illicites, sous prétexte que l’homme marié se voue<br />

éternellement au mal, tandis que, chez les célibataires, les faiblesses <strong>de</strong>s sens trouvent leur punition et leur<br />

purification dans <strong>la</strong> condamnation <strong>de</strong>s hommes. Il en est qui s’adonnent en fait à <strong>la</strong> polygamie, ayant <strong>de</strong>s<br />

aîtresses en divers vil<strong>la</strong>ges, ou traînant avec eux <strong>de</strong>s femmes qui partagent leur vie noma<strong>de</strong>. Sans moyens<br />

réguliers d’existence, les errants ont parfois recours au vol, se justifiant toujours par ce principe, que, le mon<strong>de</strong> étant<br />

sous <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> Satan, toute attaque contre <strong>la</strong> société est une protestation contre <strong>la</strong> domination <strong>de</strong> l’enfer.<br />

(…)<br />

<strong>Sur</strong> <strong>la</strong> grand’route / 23 fév. › 25 mars 06<br />

... / ...<br />

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