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Vu par<br />

BWE. « Mémoire en retraite », le titre de la dernière<br />

création théâtrale de Meriam Bousselmi présentée<br />

au 4ème Art, ne se livre pas tout de suite. Certes, il<br />

nomme la fable : l’oubli à discerner- volontaire ou<br />

involontaire - et la remémoration. Mais la logique du<br />

titre, comme celle de la pièce d’ailleurs, est de nature<br />

retorse. Car c'est par la fi n qu’on commence et l'entrée<br />

en matière met le point fi nal. Structure paradoxale<br />

qu'il met offre au spectateur un éventail de lectures<br />

possibles. Prenons le titre de la pièce, par exemple,<br />

se rapporte-t-il uniquement à la fi ction qu’on voit<br />

sur scène ou nomme-t-il un constat plus général qui<br />

concerne l’histoire collective, celle d’une Patrie, d’un<br />

Pays et d’un Peuple ?<br />

Soyons avisés. Si le titre met en scène ce qu'il tente<br />

de nommer, cela ne veut nullement dire que le jeu de<br />

mots « Mémoire en retraite » soit une simple intrigue<br />

théâtrale. Cette pièce est comme l’a voulue son<br />

auteur: « un spectacle qui ne raconte pas, il évoque.<br />

Dans la vie, tout part parfois dans tous les sens. Tout<br />

n’est pas linéaire. <strong>Le</strong> récit dans cette pièce aussi».<br />

Mais au-delà du jeu de questionnement de la mémoire<br />

et plus précisément d’une pathologie de la mémoire<br />

: l’Alzheimer, la pièce met au défi le projet de la<br />

dictature même celle d’un projet.<br />

« J’ai un projet. Poétique, pas de m’établir ou faire de<br />

l’argent, des entreprises aussi vite oubliées que ceux<br />

qui les ont entreprises.. Père ! Tu peux vaincre ton<br />

collègue aux élections mais tu ne peux triompher<br />

de la mort. Tu peux gagner de l’argent, Oui ! Mais<br />

un supplément de vie à la tienne, Impossible ! »,<br />

nous appr<strong>end</strong> le fi ls (interprété avec brio par Kabil<br />

Sayari), un poète raté ou un intellectuel marginalisé.<br />

Tout dép<strong>end</strong> du point de vue d’où on se place, face<br />

à l’autorité malade incarnée dans le personnage du<br />

père (là aussi, Slah Msadek montre son brio), un self<br />

made man, qui s’est construit grâce à sa persévérance<br />

et sa détermination une carrière brillante au barreau<br />

avant d’être renversé par la maladie. Une maladie<br />

pas comme les autres. Une maladie d’une évolution<br />

lente mais certaine et dont le coup de grâce s’abat sur<br />

vous comme un éclair inatt<strong>end</strong>u. Au début, le malade<br />

d’Alzheimer est atteint de troubles de la mémoire<br />

qui consistent de façon quelconque dans l’incapacité<br />

d’enregistrer les faits récents. Mais, très vite, il<br />

pr<strong>end</strong> conscience qu’il perd les notions cardinales du<br />

temps et de l’espace, peine à exprimer les phrases<br />

les plus anodines qui venant de sa part deviennent<br />

incohérentes. Progressivement, le défi cit s’accentue<br />

et sa relation au monde devient complètement<br />

altérée. Et là, la confrontation entre les deux uniques<br />

personnages sur scène. <strong>Le</strong>s troubles s’ét<strong>end</strong>ent aux<br />

déplacements, à l’autonomie, aux gestes de la vie<br />

courante. Jusqu’au jour où le père peut oublier l’action<br />

qui nous parait la plus naturelle et la plus évidente,<br />

celle de respirer.<br />

Ce trou de mémoire irrémédiable et involontaire chez<br />

le père brise tous les tabous d’une relation de parenté<br />

et précipite les personnages dans un espace-temps<br />

inconnu où les repères se dérobent : le jour, la nuit,<br />

l’identité des êtres, des objets et des mots aussi, surtout<br />

les mots. <strong>Le</strong>s statuts s’inversent. <strong>Le</strong> père devient un<br />

enfant à qu’il faut sans cesse renouveler et remémorer<br />

les références qui lui servent de guide. Mais là, le fi ls<br />

est devant un dilemme à l’Othello : comment vivre le<br />

rôle de père de son propre père ? Comment survivre à<br />

sa disparition ?<br />

Des rôles et du réel...<br />

Dans cette pièce, l’oubli involontaire n’est pas absent.<br />

Il s’insinue et s’installe sans doute. Nous voilà face à<br />

la dictature, celle qui décide de l’histoire d’un peuple<br />

et l’écrit à sa guise comme le fait ce personnage du<br />

père atteint d’Alzheimer magistralement interprété<br />

par Slah Msadek, de celle de son fi ls interprété<br />

par le talentueux Kabil Sayari que nous verrons<br />

prochainement dans « Bab al-Fallah », le fi lm de<br />

Moslah Krayem. Mais comme tout peuple, le fi ls<br />

invente une résistance, installe ses lignes de fuites. Il<br />

Bon Week-End<br />

Samedi 31 décembre 2011<br />

Deux acteurs et un projet de dictature…<br />

s’accroche à un projet, celui de la poésie. Et la poésie<br />

n’est elle pas une perversion des mots et de leur sens<br />

? Au risque d’être asservi par une nouvelle dictature,<br />

celle de la poésie, voilà le fi ls à la lisière du réel.<br />

C’était comme si la réalisatrice Meriam Bousselmi<br />

nous rappellait que la différence entre le projet de la<br />

dictature et la dictature elle-même ne tient qu’à un<br />

fi l ! « Mémoire en retraite » produite par le Théâtre<br />

National Tunisien en 2011 sur un texte écrit et Mis en<br />

scène par Meriam Bousselmi. C’est une pièce pour<br />

deux acteurs, mais plusieurs voix. La voix comme<br />

voie de délivrance, de deuil et de reconstruction.<br />

Bien qu’elle ait été écrite avant la révolution, cette<br />

pièce est d’une actualité brûlante Et c’est la raison<br />

pour laquelle la pièce vient d’être traduite en allemand<br />

par l’Académie des Arts de Berlin et sera mise en<br />

lecture par le metteur en scène Kevin Ritteberger le<br />

3 mars prochain dans un grand événement théâtral à<br />

l’académie et présentée en octobre 2012 sur la scène<br />

du Théâtre An Der Ruhr à Müllheim dans le cadre de<br />

son festival international.. Pour toutes ces raisons, elle<br />

sera publiée chez Hartmann & Stauffacher GmbH.<br />

Par ailleurs, étant parmi les sept fi nalistes du prix de<br />

la meilleure pièce arabe de 2011, elle sera présentée le<br />

11 janvier prochain à Amman.<br />

Au 4ème art : lundi 2 au mercredi 4 janvier 2012 à<br />

19h. Réservez vos places.<br />

DR<br />

DR

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