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dimanche 26 juillet

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miiuiiu LE 23 JUILLET 1323 iNiiiiiiMimiMniiniMiiimiiiNiiiimiiiinmiiiiiiimiiiniriiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiii 5<br />

LES ROMANS DE LA VIE<br />

■■■■mil ■iiiiiiiiiniiiiiiiii iiiituîiiiiuuiHiiiiiiiuiii 1 itiuiiii DIMANCHE-ILLUSTRÉ MHIHUII<br />

GAMAIN, L'HOMME A L'ARMOIRE DE FER<br />

par JE AM-BERN ARD><br />

ARMI les chapitres les plus romanesques<br />

de l'histoire de la Révolution<br />

française, un des plus pittoresques<br />

est, assurément, celui de<br />

l'armoire de fer. Cette armoire, qui,<br />

en fait, était un gros coffret en fer,<br />

a joué un grand rôle dans le procès de<br />

Louis XVI, et a certainement contribué à sa<br />

condamnation. Nous savons aujourd'hui, sans<br />

aucun doute possible, quand, comment et par<br />

qui fut construit cette faméuse cassette. On<br />

connaît à peu près ce qu'elle contenait.<br />

Le seul côté mystérieux est celui relatif aux<br />

accusations sans preuves, tout à fait invraisemblables,<br />

portées plus tard par Gamain,<br />

qui prétendit avoir été empoisonné à la suite<br />

du travail qu'il avait effectué. Empoisonné<br />

par qui ? et pour quoi?<br />

Par Louis XVI, n'a pas craint d'affirmer<br />

Gamain, qui a ensuite changé de thèse et a<br />

accusé Marie-Antoinette. L'histoire en main,<br />

on peut dire cjue c'est là un double mensonge.<br />

Pourquoi 1 aurait-on empoisonné ? Pour<br />

anéantir le détenteur d'un secret qu'on lui<br />

avait spontanément et volontairement confié.<br />

Nous verrons, tout à l'heure, l'absurdité d'une<br />

pareille et si audacieuse affirmation de la part<br />

d'un homme dont le moins qu'on puisse penser,<br />

c est qu il manqua de reconnaissance, de<br />

probité morale et de dignité.<br />

Mais, tout d'abord, qu'était Gamain ? Un<br />

maître serrurier, ayant sa boutique à Versailles<br />

et dont Louis XVI, qui aimait, comme on sait,<br />

manier la lime et le marteau, avait demandé le<br />

concours pour les divers travaux de sa forge,<br />

très complète, située dans une des salles du<br />

rez-de-chaussée du château. Gamain était<br />

fort habile et il existe encore à Versailles un<br />

beau balcon, en fer forgé, qui est son ouvrage.<br />

Le roi avait fait avec lui de réels progrès dans<br />

le métier de serrurier et il fabriquait avec art<br />

des clefs de poche, des petits ouvrages de<br />

ferronnerie, de même qu'il savait à merveille<br />

réparer les pendules détraquées. Louis XVI,<br />

qui avait fait donner à son professeur manuel<br />

une pension de 200 livres en 1782, lui servait<br />

1.600 livres d'appointements.<br />

Quand, après les journées d'Octobre, les<br />

femmes ramenèrent la famille royale à Paris,<br />

le roi fit installer une forge au rez-de-chaussée<br />

des Tuileries et s'amusa à remettre en état les<br />

nombreuses serrures du château qui, par<br />

suite du long abandon où on l'avait laissé,<br />

étaient en mauvais état. A plusieurs reprises,<br />

il avait demandé à Gamain de venir lui donner<br />

un coup de main et toujours ce dernier avait<br />

été largement payé de sa peine.<br />

Au surplus, comme la plupart des petits<br />

bourgeois et des artisans aisés, Gamain avait<br />

accepté les idées nouvelles ; il fut élu membre<br />

du Conseil général de Versailles et il manifesta<br />

ses opinions en faisant placer sur le mur<br />

de sa maison, 9, rue Neuve, l'inscription<br />

suivante :<br />

Tyrans, tremblez que la foudre<br />

Bientôt ne vous réduise en poudre.<br />

Peut-être bien que Gamain, dont les relations<br />

journalières, et d'une certaine intimité avec le<br />

roi, rendaient les sentiments révolutionnaires<br />

suspects aux vigilants Versaillais, força un<br />

peu la note pour témoigner son civisme. Toujours<br />

est-il que Louis XVI, qui n'avait rien<br />

d'un tyran, et ne se considérait pas comme<br />

tel, ne s'offusqua point de ces sentiments<br />

patriotiques, malgré leur forme un peu dure<br />

et il demanda souvent, pendant les années<br />

1790 et 1791, à son ancien chef de ferronnerie,<br />

Gamain, de venir à Paris. Il arriva même que<br />

le maître serrurier passa plusieurs jours sans<br />

rentrer à Versailles. Devant l'enclume, le roi<br />

oubliait ses amertumes et les tristesses de sa<br />

situation.<br />

LE 21 mai 1792, comme Gamain était dans<br />

sa boutique, un cavalier s'arrêta devant sa<br />

porte -et appela le serrurier par son nom.<br />

Gamain sortit et reconnut Durey, un des<br />

valets de chambre du roi, qui aidait souvent<br />

le souverain dans ses travaux de la forge.<br />

— Monsieur Gamain, dit Durey, Sa Majesté<br />

m'envoie vous demander de venir aux Tuileries.<br />

Vous entrerez par les cuisines pour ne<br />

pas inspirer des soupçons.<br />

Le serrurier, craignant de se compromettre<br />

davantage aux yeux des jacobins de Versailles<br />

qui le surveillaient, ne dit ni oui ni non et ne<br />

bougea pas. Le lendemain, Durey revint et<br />

remit cette fois un billet de la main même du<br />

roi, dans lequel Louis XVI priait Gamain,<br />

en termes familiers, de venir le plus tôt qu'il<br />

pourrait, pour lui donner un coup de main<br />

pour un travail difficile et pressé. Le serrurier<br />

(F<br />

Parmi les chapitres les plus romanesques de l'histoire de la<br />

Révolution française, un des plus pittoresques est, assurément,<br />

celui de l'armoire de fer. Cette armoire qui, en fait, était un<br />

gros coffret en fer, a joué un grand rôle dans le procès de<br />

Louis XVI et a certainement contribué à sa condamnation.<br />

Dans cette page, notre collaborateur, Jean-Bernard, nous<br />

initie à la vie de Louis XVI, serrurier.<br />

J<br />

se décida et partit pour Paris, promettant à sa<br />

femme d'être de retour le soir même. Comme<br />

le lui avait recommandé Durey, il entra par les<br />

cuisines, par la porte des fournisseurs, sans<br />

éveiller l'attention de la sentinelle qui montait<br />

la garde. Il se rendit à la forge, qu'il connaissait<br />

bien, et il vit une porte de fer nouvellement<br />

forgée. Louis XVI entra et avec la familiarité<br />

dont il était coutumier avec son ancien maître de<br />

serrurerie, il lui dit, en lui frappant sur l'épaule :<br />

précieux. Nous avons percé la muraille à nous<br />

deux, Durey et moi. Toutes les nuits, Durey<br />

allait jeter les graviers à la Seine ; il faisait<br />

même plusieurs voyages dans la même nuit.<br />

— En quoi puis-je vous être utile ? demanda<br />

Gamain.<br />

— Il s'agit de placer la porte de fer que j'ai<br />

construite et que je t'ai montrée, à l'entrée de<br />

ce trou. Je ne sais comment m'y prendre. Mais<br />

je compte sur toi pour me rendre ce service.<br />

APPARITION DE L'OMBRE DE MIRABEAU DANS L'ARMOIRE DE FER, AUX TUILERIES, (d'après<br />

une estampe anonyme de l'époque). CETTE COMPOSITION SATIRIQUE REPRÉSENTE ROLAND,<br />

MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, FAISANT OUVRIR PAR GAMAIN, LARMOIRE DE FER, AU FOND DE<br />

LAQUELLE APPARAIT LE SPECTRE DE MlRABEAU.<br />

— Ah ! mon pauvre Gamain, voilà bien<br />

longtemps que nous ne nous sommes vus.<br />

Puis il lui montra une grosse cassette de<br />

fer dont la porte était fermée par une serrure<br />

et une clef qu il fit jouer :<br />

— Tu vois, dit le roi, j'ai exécuté tout cela,<br />

seul, en dix jours.<br />

Au cours de la conversation qui suivit, on<br />

causa des événements, de Versailles; Gamain<br />

parla de la suspicion où on le tenait au club<br />

et il prononça le mot de dévouement.<br />

— J'en étais bien sûr, lui dit Louis XVI ;<br />

j'étais certain de ta fidélité et c'est à elle que je<br />

me confie.<br />

Passant devant, accompagné de Durey, il<br />

conduisit Gamain dans un couloir qui faisait<br />

communiquer la chambre du roi avec celle<br />

du dauphin. Durey éclairait avec une bougie.<br />

Le souverain leva un panneau de la boiserie<br />

qui masquait un trou rond " d'à peu près<br />

deux pieds de diamètre, pratiqué dans le<br />

mur ".<br />

— J'ai aménagé cette cachette pour cacher<br />

I des bijoux, de l'argent et quelques objets<br />

Gamain ayant demandé du plâtre, se mit<br />

à fixer les gonds de la porte ; il fut aidé par le<br />

roi et par Durey. Le travail dura plusieurs<br />

heures et se prolongea assez avant dans la<br />

nuit. Plus tard, Gamain assura qu'il avait vu<br />

Louis XVI compter deux millions en louis<br />

d'or qu'il divisa en quatre sacs et qu'il plaça<br />

dans la cassette où Durey apporta des liasses<br />

de papier.<br />

Jusqu'ici, voici l'histoire telle qu'elle fut<br />

vérifiée, sans incidents et sans rien de bien<br />

extraordinaire. Mais le drame se dessine et le<br />

mystère commence. Sorti des Tuileries,"le<br />

serrurier rentra à Versailles, faisant le chemin<br />

à pied pendant la nuit. Il était malade ; mais il<br />

ne dit à personne la cause de cette maladie<br />

subite. Un médecin de Versailles, M. de Lameiran,<br />

et le chirurgien Voisin, qui soignèrent<br />

Gamain, ont délivré des certificats qui, plus<br />

tard, ont disparu des archives.<br />

A quelle époque et par qui eut lieu cette<br />

suppression ? O.n n'a pu l'établir. Sous la<br />

Restauration, a-t-on écrit. Rien ne le prouve,<br />

ce qui épaissit le mystère et permit des suppo-<br />

sitions qui ne s'appuient sur aucune preuve<br />

Mais suivons les événements.<br />

Le 18 novembre 1792, Gamain, complètement<br />

guéri, vient trouver le ministre de<br />

l'Intérieur Roland et lui apprend l'existence de<br />

la fameuse armoire de fer. Roland se rend aux<br />

Tuileries, mais au lieu de placer sous scellés<br />

les dossiers que contenait la cachette, il les<br />

emporta chez lui dans deux serviettes de<br />

maroquin. Il est certain que Roland expurgea<br />

les papiers, qu'il enleva tout ce qui aurait pu<br />

compromettre la Gironde et, notamment, la<br />

correspondance de Barnave à la reine. Deux<br />

jours après, Roland informa la Convention de<br />

cet évérj^ment, et on nomma une commission<br />

de vingt et un membres.<br />

Les pièces principales des documents recueillis<br />

étaient la correspondance de Louis XVI<br />

avec l'empereur d'Autriche à qui il demandait<br />

aide et protection, et des lettres au roi d'Angleterre<br />

dans le même sens. On retrouva aussi les<br />

lettres de Mirabeau, après que le grand orateur<br />

se fut engagé à soutenir la royauté. Toute la<br />

campagne de propagande royaliste dans les<br />

milieux révolutionnaires fut ainsi connue.<br />

Tout cela fut mis en œuvre dans le procès de<br />

Louis XVI et hâta sa condamnation. Louis XVI,<br />

ne sachant pas que la Convention possédait ces<br />

documents et songeant — a-t-on dit — à ne<br />

pas compromettre ceux qui l'avaient soutenu<br />

et servi, nia et protesta, ce qui, naturellement,<br />

se retourna contre lui.<br />

QUAND au tôle de Gamain, on s'est demandé<br />

pourquoi il avait commis cette dénonciation<br />

qui était une vilaine action, puisqu'il allait<br />

ainsi pousser à l'échafaud Louis XVI qui avait<br />

été toujours très bon pour lui, et avec qui il<br />

avait vécu dans une grande familiarité, durant<br />

les longues heures de travail dans la forge du<br />

château de Versailles. On n'a pu donner aucune<br />

explication. Dans tous les cas, le délateur ne<br />

réclama aucune récompense pour cet acte<br />

sans dignité. Le seul motif plausible, c'est que<br />

les idées révolutionnaires devenant plus vives<br />

à Versailles où le serrurier jouait un petit rôle<br />

comme membre du Conseil général, il devait<br />

être suspect à cause des longues relations qu'on<br />

lui connaissait avec le roi. Pour garder sa réputation<br />

de bon révolutionnaire, il se décida à<br />

livrer son élève au bourreau, autant qu'il le<br />

pouvait, pour faire tomber toutes ces suspicions<br />

et garder sa réputation jacobine.<br />

Notons qu'à ce moment Gamain ne parlait<br />

nullement d'empoisonnement, ce qui aurait<br />

été une explication de son attitude déloyale.<br />

On comprendrait qu'il eût dit : " Le roi a<br />

voulu m'empoisonner, je me vengé en racontant<br />

ce que je sais. " Mais, le 18 novembre 1792,<br />

rien de pareil ; le serrurier garde le silence<br />

sur ce fait. Peut-être n'a-t-il pas encore inventé<br />

la fable invraisemblable dont il se servira plus<br />

tard.<br />

Le 18 novembre 1792, il dénonce, mais se<br />

tait sur les motifs qui le font agir, et ce ne fut<br />

que le 8 floréal, an II (27 avril 1794), qu'il<br />

adressa une pétition à la Convention pour<br />

demander une pension comme victime de<br />

l'ancien roi, qui aurait tenté de l'empoisonner .<br />

" pour supprimer celui qui était dépositaire<br />

du secret de l'armoire de fer ".<br />

Il avait attendu que Louis XVI et Marie-<br />

Antoinette fussent montés sur l'échafaud, pour<br />

invoquer ce grief contre lequel tout proteste.<br />

Gamain, d'ailleurs,, varie dans sa version et<br />

même dans son système insoutenable. Il ment<br />

d'un côté ou de l'autre. Tout d'abord, il<br />

affirma que lorsqu'il eut terminé son travail,<br />

le 12 mai 1792, le roi lui présenta un verre de<br />

vin en lui disant : " Tu es tout en sueur, bois,<br />

tu l'as bien mérité ". Gamain aurait bu et,<br />

sorti des Tuileries, il serait tombé aux Champs-<br />

Elysées en proie à d'affreuses brûlures intérieures.<br />

Un Anglais, qui passait par hasard en<br />

voiture à cette heure tardive, dans ce quartier<br />

désert, l'aurait ramassé, conduit chez un<br />

apothicaire de la rue du Bac qui lui aurait<br />

administré une potion et l'aurait ainsi sauvé.<br />

L'Anglais l'aurait ensuite ramené à Versailles.<br />

C'était sombre et machiné comme un mélodrame.<br />

La Convention adopta cette version, et<br />

sur un rapport de Musset, ancien curé de<br />

Falleron (Vendée), qui avait précisément<br />

épousé la fille d'un serrurier, elle accorda une<br />

pension : Art. I. — François Gamain, empoisonné<br />

par Louis Capet, le 22 mai 1792, jouira<br />

d'une pension annuelle et viagère de 1.200 livres,<br />

à compter du jour de l'empoisonnement.<br />

Quelques mois plus tard, Gamain change<br />

complètement de système ; ce n'est plus le roi,<br />

c'est la reine qui l'a empoisonné.<br />

(Lire la suite page 10, 4' colonne).

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