La digue du Drac sécurisée - AD Isère Drac Romanche
La digue du Drac sécurisée - AD Isère Drac Romanche
La digue du Drac sécurisée - AD Isère Drac Romanche
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l’éch des <strong>digue</strong>s<br />
n° 10<br />
décembre<br />
2009<br />
LE MAGAZINE<br />
DE L’<strong>AD</strong> ISÈRE•DRAC•ROMANCHE<br />
ROMANCHE<br />
D’hier à<br />
aujourd’hui<br />
Destiné à tirer les enseignements<br />
de la crue historique de l’<strong>Isère</strong><br />
en 1859, le colloque qui s’est tenu<br />
le 5 novembre 2009 n’était pas<br />
anodin. Au-delà <strong>du</strong> rappel des<br />
circonstances et des faits, ou des<br />
modélisations présentées par les<br />
scientifiques, ce rendez-vous a eu<br />
le mérite de rappeler que l’histoire<br />
de l’en<strong>digue</strong>ment et de<br />
l’aménagement de nos vallées n’est<br />
pas un long fleuve tranquille…<br />
Il suffit de parcourir ce numéro de<br />
l’Écho des <strong>digue</strong>s pour en être<br />
convaincu. Dans le sillage de ses<br />
devanciers, l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong><br />
<strong>Romanche</strong> poursuit sa mission<br />
d’entretien <strong>du</strong> système de<br />
protection contre le risque<br />
d’inondation, dans les plaines de<br />
nos trois rivières. Les travaux<br />
réalisés en 2009 sur les <strong>digue</strong>s de<br />
Fontaine et Montbonnot-Saint-<br />
Martin — vous en lirez ici les<br />
comptes-ren<strong>du</strong>s — prouvent notre<br />
capacité à anticiper et innover pour<br />
conserver ce système. C’est bien là<br />
l’engagement de tous les membres<br />
de l’<strong>AD</strong> : partager la même mémoire<br />
<strong>du</strong> risque et le maîtriser dans une<br />
approche solidaire.<br />
Charles Bich<br />
Président de l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong><br />
2<br />
page 4 Colloque :<br />
En direct<br />
des<br />
<strong>digue</strong>s<br />
une<br />
rencontre<br />
mémorielle<br />
5<br />
1859 :<br />
Grenoble<br />
inondé<br />
6<br />
Le<br />
roman<br />
<strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
7<br />
Espaces<br />
et temps<br />
de<br />
l’inondation<br />
<strong>La</strong> <strong>digue</strong> <strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
<strong>sécurisée</strong><br />
8<br />
<strong>La</strong> <strong>digue</strong><br />
<strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
<strong>sécurisée</strong><br />
9<br />
Quatre<br />
mois de<br />
chantier à<br />
Fontaine<br />
10<br />
CLASSEMENT<br />
DES DIGUES<br />
Un enjeu<br />
de sécurité<br />
publique<br />
12<br />
Une<br />
berge<br />
à ossature<br />
métallique
2<br />
EN DIRECT DES DIGUES<br />
Des boutures de<br />
saule plantées à<br />
la Croix <strong>du</strong> Plan.<br />
L’<strong>AD</strong> poursuit sa campagne de fermeture des accès.<br />
Déboisement en rive droite de la Lignarre.<br />
Piste refaite en rive gauche de la <strong>Romanche</strong>.<br />
L’Eau d’Olle dégagée de toute végétation.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009<br />
OISANS<br />
Petits travaux<br />
et grand projet<br />
Sur le secteur de l’Oisans, l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong><br />
<strong>Romanche</strong> est intervenue en 2009 pour divers<br />
travaux ou études.<br />
Confortement. Après l’avoir été côté plaine<br />
en 2007, la <strong>digue</strong> de la Croix <strong>du</strong> Plan a été<br />
confortée côté <strong>Romanche</strong>* au printemps. Pour<br />
suivre la pose d’enrochements permettant de<br />
limiter le risque d’affouillement, Patrick<br />
Argentier — responsable des travaux à l’<strong>AD</strong> —<br />
est intervenu en tant que support technique <strong>du</strong><br />
maître d’ouvrage : le Symbhi. Après avoir servi<br />
de pistes d’accès <strong>du</strong>rant le chantier, le chemin<br />
des Gauchoirs et le GR 54 ont été remis en<br />
état à l’automne, alors que les travaux de<br />
végétalisation étaient finalisés. Au pied des<br />
enrochements, des boutures de saule ont ainsi<br />
été plantées sur une longueur de 700 m en<br />
amont de la Bayette.<br />
Déboisement. Sur les berges de la Lignarre,<br />
des travaux de déboisement ont été effectués<br />
au printemps 2009 en vue de limiter le risque<br />
d’embâcles. Deux secteurs étaient concernés :<br />
en rive droite, celui situé entre le Vernay et la<br />
confluence avec la <strong>Romanche</strong> ; en rive gauche,<br />
celui situé entre la RD 1091 et le barrage de<br />
<strong>La</strong> Poya. Du côté de l’Eau d’Olle, les deux<br />
berges situées entre la Pernière Basse et l’épi<br />
séparateur* ont elles aussi été déboisées en<br />
Piste aménagée en rive gauche de la Lignarre.<br />
juin. Mi-novembre, ce fut au tour de la rive<br />
gauche située entre le barrage <strong>du</strong> Verney et la<br />
RD 526 d’être mise à nue. L’ouvrage de<br />
protection étant vulnérable, la suppression de<br />
toute végétation arbustive contribue à la<br />
mise en sécurité <strong>du</strong> secteur.<br />
Budget global : 80 000 €.<br />
Pistes. Début novembre, le chantier de<br />
réfection <strong>du</strong> chemin de <strong>digue</strong> situé en rive<br />
gauche de la <strong>Romanche</strong> et de la Lignarre a<br />
débuté. Entre Pont-Rouge et le hameau de <strong>La</strong><br />
Paute, l’ensemble représente un linéaire de<br />
5 km. <strong>La</strong> partie centrale située entre les<br />
chemins des Argentiers et de l’Ordre est<br />
programmée en 2010 car, <strong>du</strong> fait de la<br />
présence d’une ligne de 63 kV trop basse, les<br />
engins mécaniques ne peuvent intervenir sans<br />
qu’une période de consignation ne soit décidée<br />
par RTE. En attendant, là où c’est possible, le<br />
chantier a démarré. Au programme :<br />
scarification superficielle, décapage, remise à<br />
niveau avant la pose d’une couche de fraisât<br />
d’enrobé recyclé, un matériau bitumeux déjà<br />
testé avec succès à la Croix <strong>du</strong> Plan. Budget<br />
global : 65 000 €.<br />
Portails. Après la réfection <strong>du</strong> chemin, des<br />
portails seront installés afin d’empêcher toute<br />
circulation motorisée sur la piste. L’accès est<br />
maintenu pour les personnes autorisées<br />
(riverains enclavés, services de secours,<br />
communes, gardes rivière et gardes chasse,<br />
police de l’eau). Rappelons que la<br />
fréquentation d’une <strong>digue</strong> par des véhicules<br />
contribue à dégrader ce qui est avant tout un<br />
ouvrage de protection. Mécontents, certains<br />
n’hésitent pas à saboter le matériel mis en<br />
place par l’<strong>AD</strong>. L’<strong>AD</strong> poursuivra sa campagne de<br />
fermeture des accès, à la grande satisfaction<br />
des promeneurs qui redécouvrent des berges<br />
apaisées. Tout matériel dégradé sera donc<br />
immédiatement réparé ou remplacé.<br />
Rapport. En avril 2009, l’<strong>AD</strong> a présenté les<br />
conclusions <strong>du</strong> diagnostic géotechnique des<br />
<strong>digue</strong>s de l’Eau d’Olle réalisé par Hydrétudes<br />
et Sage Ingénierie*. Avant la fin de l’année,<br />
les deux bureaux d’études remettront un<br />
rapport précisant les travaux de confortement<br />
à réaliser sur l’en<strong>digue</strong>ment et les mesures<br />
visant à ré<strong>du</strong>ire l’exposition au risque des<br />
secteurs les plus contraints. Si ce projet<br />
d’aménagement de l’Eau d’Olle devait se<br />
tra<strong>du</strong>ire par des actions con<strong>du</strong>isant l’<strong>AD</strong><br />
au-delà de ses compétences actuelles, il n’est<br />
pas exclu qu’il soit annexé à un autre projet<br />
toujours à l’étude : celui de la <strong>Romanche</strong>.<br />
* Sur www.isere-drac-romanche.fr, des pages pour<br />
compléter votre information : <strong>La</strong> Croix <strong>du</strong> Plan <strong>sécurisée</strong><br />
côté <strong>Romanche</strong>, Les <strong>digue</strong>s de l’Eau d’Olle à la loupe, <strong>La</strong><br />
réfection de l’épi séparateur <strong>Romanche</strong>-Eau d’Olle.<br />
Le Comité de l’<strong>AD</strong> à Saint-Quentin-sur-<strong>Isère</strong>.<br />
TOURNÉE<br />
Un comité sur le terrain<br />
C’est le 24 juin que s’est déroulée la<br />
traditionnelle visite annuelle des membres <strong>du</strong><br />
Comité de l’<strong>AD</strong> sur les chantiers en cours. Au<br />
programme : le chantier en amont <strong>du</strong> pont de<br />
Domène (lire p. 12), celui de la berge <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> à<br />
Fontaine (lire p. 4), le projet de confortement<br />
de la <strong>digue</strong> <strong>du</strong> Replat à Saint-Quentin-sur-<br />
<strong>Isère</strong> (avec ici un rappel <strong>du</strong> plan de gestion de<br />
la végétation) et, dans le secteur <strong>La</strong> Rivière-<br />
Saint-Gervais : les modalités de réparations<br />
ponctuelles sur les <strong>digue</strong>s. Outre la présence<br />
de Charles Bich, président de l’<strong>AD</strong>, on notait<br />
celle de Robert Veyret, président <strong>du</strong> Symbhi et<br />
conseiller général délégué aux politiques de<br />
l'eau, de Michel Couturier, président de<br />
l’association syndicale Supérieure rive gauche,<br />
ainsi que celle de Bruno De Ferrier de Montal,<br />
président de l’association syndicale de<br />
L’Échaillon à Saint-Gervais.<br />
DÉSORDRES<br />
Deux sites sous<br />
surveillance<br />
Sur l’<strong>Isère</strong> amont, en aval <strong>du</strong> débouché <strong>du</strong><br />
chemin de l’Île de la Vache (Lumbin), un<br />
affouillement en pied de <strong>digue</strong> provoquant un<br />
glissement de talus a été repéré sur 360 m. Les<br />
150 les plus critiques feront bientôt l’objet<br />
d’une intervention visant à combler<br />
l’affouillement, et à conforter le pied de <strong>digue</strong><br />
et le perré situé derrière le talus. Sur l’<strong>Isère</strong><br />
aval, le même phénomène se pro<strong>du</strong>it dans le<br />
secteur de la courbe <strong>du</strong> Ravoux (<strong>La</strong> Rivière) où<br />
l’<strong>AD</strong> est déjà intervenue en 2005. Par suite de<br />
l’engraissement d’un banc de gravier dans le<br />
lit, les écoulements concentrés sur l’extrados<br />
de la courbe provoquent affouillements et<br />
glissements des berges. Un atterrissement<br />
Glissement <strong>du</strong> talus à <strong>La</strong> Rivière en juin 2009.<br />
boisé situé en pied de berge a complètement<br />
disparu, et un impressionnant glissement <strong>du</strong><br />
talus de <strong>digue</strong> a été constaté en juin 2009.<br />
Pour prévenir toute chute dans la rivière, un<br />
filet de protection a dû être installé en bor<strong>du</strong>re<br />
<strong>du</strong> chemin de <strong>digue</strong>. Réparations prévues en<br />
décembre 2009-janvier 2010. Coût des travaux<br />
à Lumbin : 150 000 € ; à la Rivière : 250 000 €.<br />
DIGUE DU REPLAT<br />
Le grand chantier 2010<br />
Les sondages et le diagnostic géotechnique<br />
présenté en décembre 2007 l’avaient montré :<br />
le risque de rupture par érosion interne de la<br />
<strong>digue</strong> <strong>du</strong> Replat est réel. Située à Saint-<br />
Quentin-sur-<strong>Isère</strong>, en aval <strong>du</strong> Bec de<br />
l’Échaillon, cet ouvrage est fortement sollicité<br />
par l’action de la rivière. Ici, la <strong>digue</strong> est très<br />
haute par rapport au terrain naturel (6 à 7 m),<br />
le talus est raide et l’<strong>Isère</strong> effectue une courbe<br />
marquée. L’ouvrage a bien été renforcé en pied<br />
côté <strong>Isère</strong> par EDF (dans le cadre d’un projet de<br />
barrage au Bec de l’Echaillon), mais la partie<br />
supérieure ne l’est pas. En crue, quand la<br />
<strong>digue</strong> se met en charge, il y a un risque de<br />
glissement <strong>du</strong> talus puis de rupture soudaine<br />
de l’ouvrage. Solution : élargir la <strong>digue</strong> côté<br />
plaine, en mettant en place un remblai<br />
drainant posé sur un géotextile, comme cela a<br />
été fait en 2007, en amont de Bourg-d’Oisans.<br />
Budget global : 600 000 €. Début des<br />
travaux : courant 2010.<br />
Localisation des travaux sur la <strong>digue</strong> <strong>du</strong> Replat.<br />
EN DIRECT DES DIGUES 3<br />
Évaluation des dommages causés par les blaireaux.<br />
PÉRILS<br />
L’effet blaireau<br />
En matière de désordres sur une <strong>digue</strong>, on peut<br />
compter sur l’eau, les hommes… et les<br />
blaireaux ! C’est beau un blaireau ! Mais ses<br />
terriers sont plutôt « casse-pied » car ils<br />
traversent le corps de <strong>digue</strong> de part en part,<br />
transformant les lieux en véritable passoire.<br />
Première alerte au printemps : une famille<br />
ayant élu domicile à la frontière de Pontcharra<br />
et <strong>du</strong> Cheylas, la pelleteuse est intervenue afin<br />
de démonter la <strong>digue</strong>, reboucher les galeries<br />
avant de laisser agir le compacteur sur la piste<br />
reconstituée. Seconde alerte en septembre<br />
à Noyarey. Du fait d’une <strong>digue</strong> haute de 6 m<br />
et de la présence d’une con<strong>du</strong>ite Saumo<strong>du</strong>c,<br />
l’intervention est plus délicate. Au programme :<br />
évaluer les dégâts, couler <strong>du</strong> béton au moyen<br />
de tubes plongeurs et compter sur l’efficacité<br />
des lieutenants de louveterie.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009
4<br />
CRUE DE 1859<br />
Plan de l'inondation<br />
de 1859 dans la<br />
plaine de Grenoble.<br />
Carte établie par un<br />
ingénieur, en 1878,<br />
dans le cadre d’un<br />
plan de protection.<br />
(Archives départ.)<br />
(1) Initié par Napoléon<br />
au début <strong>du</strong> XIX e siècle,<br />
en vue de sécuriser les<br />
routes con<strong>du</strong>isant ses<br />
troupes vers l’Italie.<br />
(2) Les actes <strong>du</strong><br />
colloque seront bientôt<br />
disponibles en ligne.<br />
Nous vous en tiendrons<br />
informés sur www.iseredrac-romanche.fr<br />
Pas moins de<br />
200 personnes<br />
présentes pour se<br />
pencher sur la<br />
crue bicentennale.<br />
St-Martin-d’Hères<br />
ZONE INONDÉE<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009<br />
Grenoble<br />
AYANT FAIT L’OBJET DE NOMBREUSES CHRONIQUES,<br />
images ou rapports, l’inondation de Grenoble le 2 novembre<br />
1859 reste gravée dans les mémoires. Il faut préciser<br />
que tout le Grésivaudan fut concerné par la crue et<br />
que — comme deux universitaires de<br />
Chambéry sont venus le rappeler<br />
lors <strong>du</strong> colloque — il faut s’intéresser<br />
Une rencontre<br />
mémorielle<br />
à la Combe de Savoie, à la fois dans<br />
l’espace et dans le temps, pour comprendre<br />
ce qui s’est passé en aval.<br />
NORD<br />
Après un premier en<strong>digue</strong>ment de l’Arc en Maurienne (1),<br />
c’est la vallée de l’<strong>Isère</strong> entre Albertville et les portes <strong>du</strong><br />
Dauphiné qui fait l’objet, entre 1829 et 1854, de soins<br />
attentifs de la part des Sardes. Au terme d’importants<br />
travaux, la Combe est complètement transformée par les<br />
en<strong>digue</strong>ments. En lieu et place d’un lit divaguant et d’un<br />
tressage généralisé, l’<strong>Isère</strong> parcourt un chenal artificiel,<br />
s’épandant dans des bassins de colmatage lors des crues.<br />
Ce qui était projeté en vue de sécuriser les terres fertiles<br />
recélait cependant un inconvénient majeur : l’accroissement<br />
des transports solides par la rivière. Autre constat à<br />
Retours sur le colloque<br />
scientifique « <strong>Isère</strong> 1859-<br />
2009, 150 e anniversaire<br />
de la crue de référence »<br />
qui a rassemblé, le<br />
5 novembre 2009, pas<br />
moins de 200 personnes<br />
sur le campus<br />
universitaire de Grenoble.<br />
AU NOM DU RISQUE<br />
déplorer : la fragilité des aménagements réalisés : en ce<br />
début novembre 1859, leur rôle fut effacé par les quantités<br />
d’eau dévalant les bassins versants de Tarentaise et<br />
de Maurienne. Engorgement <strong>du</strong> lit, surverse sur les <strong>digue</strong>s,<br />
infiltrations, destruction des talus extérieurs par<br />
l’eau revenant vers le lit… Le système de protection de<br />
la Combe de Savoie a vite montré ses limites. Cette plaine<br />
étant encore peu habitée à cette époque, la crue a peu<br />
marqué les mémoires, ce qui n’a pas empêché la lame<br />
d’eau de continuer son chemin…<br />
Chaud sur la neige !<br />
Comment expliquer un débit de l’<strong>Isère</strong> aussi conséquent :<br />
pratiquement 1900 m 3 /s à Pontcharra ? C’est l’une des<br />
questions que les chercheurs et spécialistes tentent de<br />
résoudre au travers de modélisations qu’ils sont venus<br />
présenter ce 5 novembre. Devant le manque de données<br />
collectées à l’automne 1859, chacun élabore des scénarios.<br />
Plus qu’un objet d’étude, la crue de 1859 est devenue<br />
un sujet d’enquête (2).<br />
Ce sur quoi tous semblent s’accorder,<br />
c’est que le phénomène résulte<br />
d’un exceptionnel enchaînement de<br />
circonstances d’ordre nivo-météorologiques.<br />
Durant la première quinzaine<br />
d’octobre, les conditions sont<br />
anticycloniques, et la période plutôt<br />
sèche. Avec un flux de secteur sud,<br />
l’isotherme 0° se situe à 3000 m. Entre<br />
le 20 et le 24, un air humide et<br />
froid s’installe, provoquant des pluies<br />
humectant les sols, avec des chutes<br />
de neige au dessus de 1500 m. Du 25<br />
au 30, les températures sont à la hausse de façon modérée,<br />
ce qui n’empêche pas les épisodes pluvieux de se<br />
succéder les uns aux autres. Le danger viendra <strong>du</strong> radoucissement<br />
observé après le 31, <strong>du</strong> fait d’un vent d’altitude<br />
doux et humide, dans un flux d’ouest bien établi. De<br />
fortes précipitations et de la douceur — l’isotherme remonte<br />
à 3000 m — il n’en faut pas davantage pour provoquer,<br />
en deux jours seulement, la fonte <strong>du</strong> manteau neigeux<br />
à peine constitué. Les bassins savoyards se mettent<br />
tous à ruisseler. Or, c’est bien connu : ce sont les petits<br />
ruisseaux qui font les grandes crues…<br />
Vice-président <strong>du</strong> Pôle grenoblois des risques naturels, Charles Obled<br />
avait bien préparé ce rendez-vous qui s’est déroulé à l’école ENSE3 (Énergie eau<br />
environnement) de l’INPG. Dans l’amphi Louis Neel, des représentants de<br />
l’administration, des spécialistes (hydrologie, hydraulique et météorologie),<br />
des élus, des étudiants et des gestionnaires. En tribune : des chercheurs et<br />
responsables <strong>du</strong> <strong>La</strong>boratoire environnements, dynamiques et territoires<br />
de montagne (Savoie), <strong>du</strong> <strong>La</strong>boratoire d’étude des transferts en hydrologie et<br />
environnement, <strong>du</strong> <strong>La</strong>boratoire d’écologie alpine, de la Direction technique<br />
générale d’EDF, <strong>du</strong> Cemagref-Lyon, de Météo France, <strong>du</strong> Service de prévision<br />
des crues Alpes-Nord, de Sogreah, <strong>du</strong> Symbhi et de l’<strong>AD</strong>.<br />
Grenoble<br />
inondé<br />
Né en 1805 dans le Piémont<br />
et devenu archiviste <strong>du</strong><br />
département de l’<strong>Isère</strong> en<br />
1850, Jean-Joseph-Antoine<br />
Pilot de Thorey a rédigé<br />
une note détaillée sur<br />
l'inondation <strong>du</strong> 2 novembre<br />
1859. Morceaux choisis.<br />
« (…) L’<strong>Isère</strong>, débordée sur les quais<br />
devenus insuffisants pour la contenir,<br />
offrait, entre les deux ponts,<br />
l’aspect d’un large fleuve impétueux.<br />
L’on voyait presque à chaque<br />
instant flotter, sur ses eaux terreuses,<br />
des planches, des bois, des<br />
fascines, des récoltes, de grosses<br />
courges, des fourrages, des clôtures<br />
de jardin, etc. On y a remarqué<br />
même des meubles, des attraits<br />
d’agriculture, des animaux morts,<br />
un tonneau, une voiture chargée de<br />
bottes de chanvre, une meule entière<br />
de paille avec sa perche, etc.,<br />
tous indices attestant assez les<br />
ravages multipliés dont les campagnes<br />
avaient à souffrir.<br />
(…) Au-dehors, toute l’Ile-Verte et<br />
la partie <strong>du</strong> territoire de Grenoble<br />
autour <strong>du</strong> mur d’enceinte, depuis la<br />
Citadelle jusqu’à la porte Créqui,<br />
étaient couvertes d’eau ; elle s'étendait,<br />
de ce dernier côté, le long<br />
<strong>du</strong> cours Saint-André, jusqu'aux<br />
abords de la gare <strong>du</strong> chemin de fer,<br />
et à l’avenue Berriat, bien au delà<br />
des maisons qui avoisinent le<br />
Moulin de Canel…<br />
(…) Comme au dehors, l'intérieur<br />
de la ville était dans l'eau ; elle<br />
occupait les rues et les places. Des<br />
personnes sorties, une heure, une<br />
demi-heure, un quart d’heure auparavant,<br />
à pied sec, de chez elles, ne<br />
pouvaient plus y rentrer. Les communications<br />
se faisaient par quelques<br />
radeaux construits à la hâte,<br />
des planches, quelques rares barquettes,<br />
des charriots, et surtout<br />
par des voitures à bras, que trainaient<br />
des hommes ayant de l'eau<br />
jusqu'à la ceinture et plus, suivant<br />
les divers quartiers (1).<br />
(…) En amont et en aval de la ville,<br />
toute la plaine était devenue un<br />
vaste lac, s’étendant <strong>du</strong> pied d’une<br />
montagne à l’autre, et sur lequel<br />
n’apparaissaient plus que les cimes<br />
des arbres. Dans la plupart des<br />
communes qu’elle parcourt ou<br />
qu’elle sépare, l’<strong>Isère</strong>, toujours impétueuse<br />
dans ses inondations, a<br />
fait de grands ravages. À la Buissière,<br />
à Sainte-Marie-d’Alloix, au<br />
Touvet, à la Terrasse, à Lumbin, à<br />
Crolles, à Bernin, à Saint-Nazaire, à<br />
Saint-Ismier et, sur la rive gauche,<br />
à Pontcharra, au Cheylas, à Goncelin,<br />
à Tencin, au Champ, les <strong>digue</strong>s<br />
ont été coupées ou emportées<br />
sur plusieurs points. Au-dessus de<br />
Grenoble, à Saint-Égrève, à Noyarey,<br />
à Veurey, à Voreppe, à Moirans,<br />
à Tullins, à Poliénas, les <strong>digue</strong>s et<br />
les chaussées ont eu le même sort.<br />
On a éprouvé partout des pertes<br />
considérables : à Saint-Égrève, la<br />
chaussée <strong>du</strong> chemin de fer a été<br />
submergée et la circulation interrompue.<br />
(…) <strong>La</strong> crue de l’<strong>Isère</strong> des 1 er et 2 no-<br />
vembre s’est arrêtée de 8 à 9 heures<br />
<strong>du</strong> soir de ce dernier jour, à la<br />
CRUE DE 1859 5<br />
L’ENDIGUEMENT DE L’ISÈRE<br />
Durant le colloque, le directeur de l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong><br />
est intervenu pour établir une rétrospective historique <strong>du</strong><br />
système d’en<strong>digue</strong>ment de l’<strong>Isère</strong> dans le Grésivaudan. Après<br />
être revenu sur la situation qui prévalait avant la crue de<br />
1859, Michel Pinhas a expliqué la succession de projets<br />
envisagés et de travaux réalisés depuis, pour éviter que ce<br />
type d’événement ne se repro<strong>du</strong>ise. Retrouvez sur notre site<br />
internet l’intégralité de son intervention. Elle détaille<br />
notamment le rapport De la Brosse (1899), les projets<br />
Schneider (1925-1930 et 1948), la création de l’<strong>AD</strong> (1936), la<br />
situation <strong>du</strong>rant les années 40, la coupure de la boucle de<br />
Bois Français (1968), le plan d’équipement rural (1960-<br />
1987), le schéma d’aménagement initié dès 1992 par l’<strong>AD</strong>,<br />
puis finalisé sous maîtrise d’ouvrage <strong>du</strong> Symbhi en 2007.<br />
hauteur de 5,35 m au-dessus de<br />
l’étiage, cinq centimètres de moins,<br />
seulement, que n’a été le niveau de<br />
l’inondation arrivée le 25 octobre<br />
1778 et connue généralement sous<br />
le nom de Déluge de la Saint-<br />
Crépin. L’eau est restée stationnaire<br />
environ deux heures, et, à partir de<br />
10 à 11 heures <strong>du</strong> soir, elle a commencé<br />
et continué à décroître pendant<br />
toute la nuit. »<br />
(1) NDLR : la lame d’eau<br />
qui encercla les remparts<br />
finit par y pénétrer via<br />
les portes de la ville et<br />
les égouts, provoquant<br />
une hauteur d’eau de<br />
1,80 m place Grenette.<br />
Retrouvez<br />
l’intégralité <strong>du</strong> texte de<br />
Pilot sur www.isere-dracromanche.fr<br />
(rubrique<br />
« Mémoire <strong>du</strong> risque »),<br />
ainsi que de nombreux<br />
autres documents et<br />
images relatives à la crue.<br />
Le 2 novembre 1859, trois heures<br />
de l’après-midi. L’eau submerge<br />
les parapets <strong>du</strong> quai Napoléon au<br />
pied de la terrasse <strong>du</strong> Jardin de<br />
Ville. (Gravure d’après un dessin<br />
de Diodore Rahoult).<br />
Le lendemain, la décrue a<br />
commencé. C’est l’une des rares<br />
photographies prises à l’époque<br />
(Bibliothèque municipale de<br />
Grenoble, cliché Irvoy).<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009
6<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009<br />
POUR RELATER L’HISTOIRE <strong>du</strong> tracé <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> dans le<br />
bassin grenoblois, il faut remonter au fameux déluge <strong>du</strong><br />
lac Saint-<strong>La</strong>urent. À partir de 1191, suite à un éboulement<br />
de la Petite Vaudaine (1), un lac arti-<br />
ficiel s’était formé dans la plaine de<br />
Bourg-d’Oisans. Du fait des pluies<br />
diluviennes de septembre 1219, la<br />
Le roman <strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
En aval <strong>du</strong> Pont-de-Claix.<br />
2<br />
1<br />
Claix<br />
3<br />
HISTOIRES D’EAU<br />
(1) Face aux falaises de<br />
l’Infernet, en amont de la<br />
commune de Livet-Gavet.<br />
(2) Entre le canal EDF et<br />
les quartiers « de la<br />
Digue » et « Mon Logis »,<br />
la rue <strong>du</strong> Rochefort est la<br />
crête de la <strong>digue</strong>.<br />
(3) Avant la construction<br />
<strong>du</strong> pont, un bac permettait<br />
de rejoindre Vif, puis le<br />
Trièves et la Provence.<br />
Pour en savoir plus,<br />
lire les pages 21 à 27 <strong>du</strong><br />
livre de Denis Cœur. À<br />
lire aussi : Le <strong>Drac</strong> -<br />
Histoire d'un torrent, par<br />
Auguste Bouchayer<br />
(Revue de Géographie<br />
alpine, 1925, consultable<br />
à la BMG et à l’IGA.<br />
Plan établi par<br />
Jean Ver<strong>du</strong>c, 1718.<br />
État des travaux<br />
réalisés à la fin<br />
<strong>du</strong> XVII e siècle. Le<br />
canal Jourdan fut<br />
construit entre<br />
1684 et 1686.<br />
(Archives nat.)<br />
4<br />
<strong>digue</strong> rocheuse vola en éclats sous<br />
la poussée des eaux, délivrant une<br />
gigantesque lame d’eau qui suivit le<br />
cours de la <strong>Romanche</strong>, puis celui <strong>du</strong><br />
<strong>Drac</strong>, emportant tout sur son passage. Dans la cuvette<br />
grenobloise, l’eau dépassa de neuf mètres son niveau<br />
habituel. Bilan : des milliers de morts.<br />
Le <strong>Drac</strong> en 1660,<br />
plan de l’ingénieur<br />
Savoye. (Archives<br />
départ.)<br />
1 Digue Marceline<br />
2 Le Petit Rochefort<br />
3 Le Mollard<br />
4 Rocher de Comboire<br />
5 Canal Jourdan<br />
Comboire<br />
le Rondeau<br />
Claix<br />
futur cours St-André<br />
cours Saint-André<br />
5<br />
Si l’on devait établir<br />
un résumé de l’histoire<br />
des en<strong>digue</strong>ments<br />
successifs <strong>du</strong> <strong>Drac</strong>, on<br />
pourrait dire :<br />
« chassez le Dragon et il<br />
revient en grondant ».<br />
Grenoble<br />
le <strong>Drac</strong><br />
Grenoble<br />
Les crues <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> répertoriées à la fin <strong>du</strong> XIV e siècle sont<br />
à l’origine d’un vaste chantier qui a des conséquences<br />
encore aujourd’hui : il a con<strong>du</strong>it à déplacer son lit principal<br />
vers l’ouest, entre le rocher <strong>du</strong><br />
Petit Rochefort et celui <strong>du</strong> Mollard,<br />
là où perche encore aujourd’hui le<br />
château d’eau désaffecté de Pontde-Claix.<br />
Auparavant, la branche<br />
mère <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> contournait le Mollard<br />
et traversait le terrain aujourd’hui<br />
occupé par Rhône-Poulenc, avant de<br />
se diriger vers le quai de la Trésorerie<br />
de Grenoble (le Jardin de Ville)<br />
et se jeter dans l’<strong>Isère</strong>.<br />
Pour dévier la branche mère, il fallut approfondir la passe<br />
entre les deux rochers de Claix, mais aussi construire, en<br />
rive droite, une <strong>digue</strong> ne laissant passer que le « petit<br />
<strong>Drac</strong> » (le Draquet). Celui-ci prenait la direction d’Échirolles<br />
avant de rejoindre l’<strong>Isère</strong>, en amont de Grenoble,<br />
au niveau <strong>du</strong> quartier de l’Île Verte ! Cet ouvrage de protection<br />
étant régulièrement submergé et les riverains<br />
mécontents, la <strong>digue</strong> Marceline fut entièrement reconstruite<br />
en 1593, entre le Mollard et le coteau de<br />
Champagnier (2). Contraint d’abandonner son petit bras,<br />
le <strong>Drac</strong> s’écoule depuis entre les deux rochers liés par le<br />
pont Lesdiguières construit, lui, entre 1608 et 1610.<br />
Sautes d’humeur<br />
C’est le XVII e siècle qui a vu le <strong>Drac</strong> connaître sa plus grande<br />
expansion dans la plaine. Traversant en aval ce qui<br />
constituait auparavant le « port de Claix » (3), le <strong>Drac</strong> n’a<br />
guère apprécié qu’on le force à se rapprocher <strong>du</strong> Vercors.<br />
Dès 1675, Colbert mit beaucoup de zèle et de moyens<br />
pour juguler ses sautes d’humeur. À partir <strong>du</strong> rocher de<br />
Comboire, le « torrent <strong>Drac</strong> » tressait de nombreuses<br />
« brassières », avec une fâcheuse tendance à vouloir<br />
retrouver son chemin d’orient… celui qui menaçait les<br />
remparts de Grenoble, quand ce n’était pas pour y pénétrer<br />
et causer des ravages. Autre souci : ses eaux impétueuses<br />
se déversant dans l’<strong>Isère</strong> à quasi angle droit,<br />
elles empêchaient son écoulement normal. Les eaux en<br />
provenance <strong>du</strong> Grésivaudan étaient souvent contraintes<br />
la Bastille<br />
l’<strong>Isère</strong><br />
Pique-<br />
Pierre<br />
Sassenage<br />
la Vence<br />
St-Égrève<br />
COURS & DIGUE<br />
L’aménagement progressif <strong>du</strong><br />
<strong>Drac</strong> a aussi permis, non loin de<br />
son lit, celui que certains<br />
considéraient à l’époque comme<br />
étant « le plus beau cours de<br />
France ». Long de 8 km et portant<br />
le nom de son concepteur, le<br />
cours Saint-André (4) a été<br />
construit entre 1660 et 1684, sur<br />
demande de François de Bonne,<br />
<strong>du</strong>c de Lesdiguières. Destiné à<br />
mieux circuler vers le sud, cet<br />
ouvrage qui file droit dans les<br />
anciennes « brassières » <strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
était aussi une « œuvre contre le<br />
<strong>Drac</strong> » ! En effet, il était longé<br />
par quatre fossés drainant les<br />
eaux de la vallée et « soutenu<br />
par des murs ». Par là, il faut<br />
entendre des rangées de pierres<br />
ou d’enrochements, ce qui<br />
permet de dire que le cours avait<br />
aussi une fonction de protection<br />
arrière, de <strong>digue</strong> reculée.<br />
d’y retourner, inondant Grenoble au<br />
passage.<br />
<strong>La</strong> solution : creuser un chenal rectiligne<br />
bordé de <strong>digue</strong>s pour le <strong>Drac</strong>.<br />
Avec le canal Jourdan construit entre<br />
1684 et 1686, on tenta — pour la<br />
seconde fois — de déplacer le torrent<br />
vers l’ouest, mais le gros œuvre ne<br />
fut pas terminé ! Suite à plusieurs<br />
alertes, le <strong>Drac</strong> bouscula ses <strong>digue</strong>s<br />
en 1733, provoquant — par reflux de<br />
l’<strong>Isère</strong> — l’une des trois plus grosses<br />
inondations que Grenoble ait jamais<br />
connu. Après de nouveaux et longs<br />
atermoiements, et surtout le déluge<br />
de la Saint-Crépin (1778) dû à l’<strong>Isère</strong>,<br />
le canal Jourdan fut enfin achevé, et<br />
les deux <strong>digue</strong>s continues — celles<br />
qui contiennent le <strong>Drac</strong> encore au-<br />
jourd’hui — érigées en lieu et place<br />
d’inefficaces alignements interrompus.<br />
Restait à régler le problème de<br />
la confluence <strong>Drac</strong>-<strong>Isère</strong>. En 1782,<br />
elle est une première fois déplacée<br />
vers l’aval, en face de Pique-Pierre.<br />
Il faudra attendre 1821 pour que la<br />
<strong>digue</strong> gauche <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> soit prolongée<br />
jusqu’à Sassenage et que la con-<br />
fluence soit définitivement calée<br />
face à Saint-Egrève.<br />
Espaces et<br />
temps de<br />
l’inondation<br />
À la jonction de l’information<br />
historique et des sciences de<br />
l’environnement, entretien<br />
avec Denis Cœur, docteur en<br />
histoire, spécialiste de<br />
l’aménagement <strong>du</strong> territoire<br />
et des risques naturels.<br />
Vous êtes un historien averti<br />
en matière d’hydrologie. Comment<br />
concilier ces deux domaines ?<br />
En tant qu’historien, mon interrogation<br />
s’est portée très tôt sur la<br />
genèse <strong>du</strong> territoire, en particulier<br />
son rapport avec les événements<br />
naturels dommageables, notamment<br />
l’inondation. A priori, je suis<br />
plutôt versé dans les sciences<br />
humaines. Dès mes premiers sujets<br />
de recherche, j’ai rencontré des<br />
spécialistes des sciences de la nature,<br />
en particulier des hydrologues.<br />
C’est pour cette raison que mon travail<br />
d’expertise se situe aujourd’hui<br />
à la frontière de ces deux disciplines,<br />
mais avec d’autres aussi<br />
comme la nivologie ou la géologie.<br />
Comment les ingénieurs perçoivent–<br />
ils votre intervention ?<br />
Toute l’histoire de l’aménagement<br />
<strong>du</strong> territoire montre le rôle fondamental<br />
qu’ont joué les ingénieurs.<br />
Un territoire se manifeste par un<br />
certain nombre d’objets techniques<br />
qui l’ont investi dans le passé. C’est<br />
le cas pour les <strong>digue</strong>s : elles ont été<br />
érigées pour juguler les torrents,<br />
canaliser les cours d’eau. L’histoire<br />
générale est autant humaine que<br />
technique. Le registre technique conditionne<br />
en partie l’aménagement<br />
<strong>du</strong> territoire : il participe à la construction<br />
matérielle de l’espace. Habituellement,<br />
la posture de l’historien<br />
est plutôt d’être en décalage<br />
avec le présent. Pour ma part, j’ai<br />
choisi d’aller sur le terrain, de voir<br />
comment aujourd’hui l’information<br />
historique permettait de comprendre<br />
certaines situations, comment<br />
elle pouvait contribuer à rechercher<br />
des solutions techniques ou à améliorer<br />
la prise de décisions.<br />
Cette approche est encore peu<br />
courante en France ?<br />
Oui, mais les mentalités évoluent,<br />
sans doute parce que, <strong>du</strong> fait de<br />
l’urbanisation, les enjeux sont maintenant<br />
plus forts qu’ils ne l’étaient il<br />
y a cinquante ans. Derrière tout<br />
projet d'aménagement, il y a des<br />
problématiques politiques, sociales<br />
et culturelles. Devant un événement<br />
de type inondation, un territoire est<br />
vulnérable et, souvent, avant même<br />
d’élaborer un diagnostic, il faut comprendre<br />
comment on en est arrivé<br />
là, quelles sont les raisons qui ont<br />
con<strong>du</strong>it à cet état des lieux, quand<br />
et comment les décisions ont été<br />
prises, dans quel contexte politique<br />
ou technique... Même pour modéliser<br />
certains phénomènes de façon<br />
scientifique, il n’est plus rare de faire<br />
appel à des données historiques.<br />
Revisiter le passé pour mieux<br />
comprendre le présent…<br />
Il faudrait mettre tout projet d’aménagement<br />
<strong>du</strong> territoire dans une<br />
perspective historique et géographique.<br />
L’un des enjeux majeurs<br />
auquel notre société se trouve<br />
confrontée réside là : il faut s’interroger<br />
à la fois sur l’espace et sur le<br />
temps qu’on habite. Tout territoire a<br />
une histoire. En tant qu’historienconseil,<br />
ce qu’on me demande c’est<br />
de prendre <strong>du</strong> recul, de réinvestir le<br />
passé, de le mettre en lumière ou en<br />
musique par rapport aux questions<br />
qui se posent aujourd’hui, par rapport<br />
aux enjeux auxquels un territoire<br />
donné est confronté.<br />
HISTOIRES D’EAU 7<br />
Denis Cœur, historienconseil<br />
au sein <strong>du</strong> cabinet<br />
Acthys.<br />
(4) À Pont-de-Claix, il<br />
porte encore ce nom.<br />
Plus au nord, c'est le<br />
cours Jean-Jaurès, cours<br />
de la Libération, avenue<br />
<strong>du</strong> Général de Gaulle….<br />
GÉNÈSE D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE<br />
L’ouvrage de Denis Cœur titré <strong>La</strong> Plaine de Grenoble face aux<br />
inondations : genèse d'une politique publique <strong>du</strong> XVIIe au XXe au XXe au XX<br />
siècle est paru en 2008 aux éditions Quae. À travers la chronique<br />
des crues <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> et de l’<strong>Isère</strong>, l’auteur s’attache à décrire<br />
l’engagement des autorités pour mettre en œuvre des<br />
techniques d’en<strong>digue</strong>ment, des dispositifs de prévention et<br />
de secours. En annexe, des documents d’archives : photos,<br />
cartes, dessins, plans. Bien plus qu’un livre destiné aux<br />
techniciens ou aux décideurs, cet ouvrage permet à chacun<br />
d’ouvrir des pans entiers d’une mémoire enfouie sous les<br />
eaux. À la lumière des projets d’aménagement contemporains,<br />
cette plongée dans un passé récent est essentielle.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009
8 CHANTIER<br />
Constitution <strong>du</strong><br />
soutènement en<br />
gabions au droit<br />
de l’école Elsa<br />
Triolet.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009<br />
DÉBUT 2006, l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong> a fait procéder<br />
à un diagnostic géotechnique de la <strong>digue</strong> rive gauche <strong>du</strong><br />
<strong>Drac</strong>, entre le Rondeau et le seuil fluvial de l’ILL. Accompagné<br />
de sondages, ce diagnostic a mis en évidence —<br />
sur la commune de Fontaine — un<br />
risque de glissement mécanique et<br />
un risque important d’érosion inter-<br />
<strong>La</strong> <strong>digue</strong> <strong>du</strong> <strong>Drac</strong><br />
<strong>sécurisée</strong><br />
(1) Lire L'Écho des <strong>digue</strong>s<br />
n° 8.<br />
(2) Métro : communauté<br />
d’agglomération Grenoble<br />
Alpes Métropole.<br />
ne en cas de mise en charge de la<br />
<strong>digue</strong> pendant une crue. En d’autres<br />
termes : la circulation de l’eau et le<br />
déplacement de matériaux dans le<br />
corps de <strong>digue</strong> pouvaient provoquer<br />
un phénomène de « renard hydraulique » (1), puis une<br />
rupture de l’ouvrage de protection. L’étude menée en<br />
septembre 2007 avait confirmé ces risques et la nécessité<br />
de conforter l’ouvrage.<br />
En parallèle, dans le cadre <strong>du</strong> projet Pic Urban mis en<br />
œuvre par la Métro (2), des accès à la <strong>digue</strong> et des cheminements<br />
piétonniers parallèles aux pistes cyclables<br />
existantes sont implantés depuis deux ans en aval <strong>du</strong><br />
pont <strong>du</strong> Rondeau. Dans le secteur fontainois où la <strong>digue</strong><br />
s’est avérée fragile, la Métro projetait de réaliser deux<br />
terrain<br />
naturel<br />
gabions<br />
radier<br />
béton<br />
ancien<br />
profil<br />
remblai<br />
drainant<br />
compacté<br />
géotextile<br />
drainant<br />
À Fontaine, 500 m<br />
de <strong>digue</strong> ont fait l’objet<br />
d’importants travaux.<br />
Con<strong>du</strong>its par l’<strong>AD</strong>, ils<br />
visent à protéger le secteur<br />
contre un phénomène<br />
d’érosion interne et à<br />
parachever l’aménagement<br />
d’accès déjà réalisé en<br />
amont par la Métro.<br />
piste<br />
cyclable<br />
Au niveau de la rue <strong>du</strong> Rachais, aménagement d’une semelle en béton<br />
armé (ou « radier ») sur laquelle doit reposer le premier rang de gabions.<br />
rampes d’accès : l’une au niveau de la rue <strong>du</strong> Rachais et<br />
la seconde au niveau de la rue des Buissonnées. Les deux<br />
maîtres d’ouvrage ont donc saisi l’opportunité de réaliser<br />
leurs travaux conjointement, <strong>du</strong>rant le second semestre<br />
2009. Mise au point par Sogreah, la solution technique<br />
retenue a permis de concilier les impératifs de protection<br />
contre l’érosion interne et le projet d’aménagement urbain<br />
et paysager.<br />
Le chantier de confortement concernait<br />
les 500 m de la <strong>digue</strong> de rive<br />
gauche <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> situés entre la rue<br />
Aubert à l’amont et la rue <strong>du</strong> Charmant-Som<br />
à l’aval (au niveau <strong>du</strong><br />
seuil ILL). Compte-tenu de la présence<br />
d’ouvrages dans le corps de<br />
<strong>digue</strong> (ligne 63 kV, Saumo<strong>du</strong>c…),<br />
aucune intervention n’a été programmée<br />
sur la <strong>digue</strong> existante. En<br />
pied de talus de <strong>digue</strong>, le confortement<br />
a ainsi été réalisé par un soutènement<br />
en gabions de même type<br />
et de même aspect que ceux déjà<br />
posés par la Métro en amont (Seyssins, Seyssinet-Pariset,<br />
et Fontaine) : treillis en acier soudé et galvanisé,<br />
remplissage en pierres appareillées.<br />
L’emprise des ouvrages est proche de l’emprise de la <strong>digue</strong><br />
avant travaux. En vue de prévenir les phénomènes<br />
d’érosion interne, le talus de <strong>digue</strong> a été décapé sur une<br />
épaisseur de 50 cm. Puis, un géotextile drainant y a été<br />
posé, avant la mise en place, entre le parement arrière<br />
des gabions et la crête de talus, d’une « recharge »<br />
constituée de matériaux drainants. Les rampes d’accès<br />
longitudinales ont été aménagées sur le même principe,<br />
participant de ce fait au renforcement de la <strong>digue</strong>.<br />
piste<br />
piétonne<br />
O<br />
E<br />
le <strong>Drac</strong><br />
0 5m<br />
Quatre mois<br />
de chantier<br />
à Fontaine<br />
À la différence des autres<br />
grands chantiers con<strong>du</strong>its par<br />
l’<strong>AD</strong> ces dernières années,<br />
celui de Fontaine s’est<br />
déroulé en milieu urbain. Sur<br />
le plan de l’organisation<br />
logistique, cela a in<strong>du</strong>it des<br />
contraintes et des mesures<br />
particulières.<br />
Bien avant les mesures de confortement<br />
et d’aménagement, le chantier<br />
a débuté par une série de travaux<br />
préparatoires au début de l’été 2009<br />
(1). Avec, en premier lieu, les tâches<br />
relatives à la végétation sur le talus<br />
de <strong>digue</strong> côté rue : débroussaillage,<br />
abattage et dessouchage des arbres<br />
(dans la limite de la profondeur de<br />
décapage <strong>du</strong> talus).<br />
Secteur urbain oblige, divers réseaux<br />
sont enfouis dans la zone d’emprise<br />
des travaux. Ceci a con<strong>du</strong>it l’<strong>AD</strong> à<br />
prendre contact avec leurs gestionnaires<br />
afin de programmer le prolongement,<br />
la protection ou la reprise<br />
de ces réseaux. Ainsi, la présence<br />
d’une con<strong>du</strong>ite d’ad<strong>du</strong>ction d’eau <strong>du</strong><br />
SIERG a obligé le maître d’œuvre à<br />
intégrer dans le projet des protec-<br />
En aval de la rue <strong>du</strong><br />
Rachais, le soutènement<br />
est dressé depuis un<br />
cheminement provisoire<br />
créé sur la couche de<br />
matériaux drainants mise<br />
en œuvre entre le mur en<br />
gabions et la <strong>digue</strong><br />
existante.<br />
tions par dalles de répartition sous<br />
les murs en gabions. D’autres réseaux<br />
ont également été localisés à<br />
proximité immédiate des travaux de<br />
terrassement, tels le réseau moyenne<br />
tension 63 kV ou des câbles d’alimentation<br />
et de commande <strong>du</strong> poste<br />
<strong>Drac</strong> <strong>du</strong> barrage EDF. À d’autres endroits,<br />
ce sont les réseaux d’eaux<br />
pluviales situés dans l’emprise des<br />
travaux qui ont dû être modifiés.<br />
Phasage des travaux<br />
Le phasage <strong>du</strong> chantier de confortement<br />
a été établi par tronçons. <strong>La</strong><br />
rentrée scolaire de l’école Elsa Triolet<br />
étant prévue début septembre,<br />
c’est à ce niveau que les travaux ont<br />
démarré en août. Un mois plus tard,<br />
la seconde phase relative aux rampes<br />
d’accès de la rue des Buissonnées<br />
et de la rue <strong>du</strong> Rachais a<br />
débuté, de même que les confortements<br />
situés dans le prolongement<br />
de ces rampes : rue Aubert en<br />
amont, et rue <strong>du</strong> Charmant-Som en<br />
aval. Cette phase a également consisté<br />
à la remise en état des enrobés<br />
existants au droit des rues, et à la<br />
pose de fourreaux en attente pour le<br />
câblage <strong>du</strong> réseau d’éclairage public,<br />
ainsi que la réalisation de massifs<br />
supports de candélabres au niveau<br />
des rampes d’accès.<br />
D’une <strong>du</strong>rée de deux mois, la seconde<br />
phase est achevée depuis mi-<br />
novembre. Après réception des ouvrages<br />
fin novembre, la Métro réalisera<br />
les aménagements VRD et paysagers<br />
(escaliers, plateformes au débouché<br />
des rampes en crête de <strong>digue</strong>, chemin<br />
piétonnier sur la risberme existante<br />
côté <strong>Drac</strong>). Des mesures d’intégration<br />
urbaine (végétalisation,<br />
mobilier, signalétique) viendront<br />
parachever ce chantier de rénovation<br />
et de mise en sécurité de toute la<br />
rive gauche <strong>du</strong> <strong>Drac</strong>.<br />
CHANTIER 9<br />
Entre la rue Aubert et la rue des Buissonnées, création <strong>du</strong> cheminement<br />
qui servira de future rampe d’accès à la <strong>digue</strong> pour les piétons<br />
et les cyclistes.<br />
FICHE TECHNIQUE<br />
• Maître d’ouvrage : <strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong> / Métro • Maître<br />
d’œuvre : Sogreah • Travaux : entreprise Carron• Linéaire de<br />
<strong>digue</strong> confortée : 24 m au débouché de la rue Aubert, 126 m au<br />
droit de l’école maternelle Elsa Triolet, 116 m au droit de la<br />
rue <strong>du</strong> Charmant-Som (jusqu’au seuil ILL) • Rampes d’accès :<br />
107 m rue des Buissonnées, 125 m rue <strong>du</strong> Rachais • Gabions :<br />
panneaux électrosoudés en fils d’acier galvanisés (maille<br />
100 x 100 mm et 100 x 50 mm) • Matériaux de remplissage :<br />
concassé calcaire de granulométrie 90-130 mm • Remblai<br />
drainant : concassé calcaire de granulométrie 0/100 mm<br />
• Géotextile : Bidim F60 (3,5 mm d’épaisseur) • Montant total<br />
des travaux : 1 315 475 TTC dont environ 50% à la charge de<br />
la Métro : 651 521 TTC.<br />
(1) Le dossier projet<br />
a été mis au point avec<br />
les services techniques<br />
de la commune (positionnement<br />
et géométrie<br />
des rampes d’accès).<br />
L’accès des véhicules<br />
lourds s’est déroulé dans<br />
le respect des contraintes<br />
d’autres chantiers en<br />
cours dans ce secteur<br />
fortement urbanisé.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009
10<br />
CLASSEMENT DES DIGUES<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009<br />
DURANT LES ANNÉES 90, notre pays a connu plusieurs<br />
crues mémorables dont celle de Vaison-la-Romaine<br />
en 1992, puis celle de la Camargue deux ans plus tard.<br />
À l’origine des dégâts économiques et humains qu’elles<br />
ont engendrés : l’état vétuste ou déficient des <strong>digue</strong>s. Il<br />
faut dire que, la plupart <strong>du</strong> temps, les <strong>digue</strong>s sont des<br />
ouvrages anciens (certaines datent<br />
<strong>du</strong> Moyen Âge !), édifiés en remblai<br />
et par étapes, plus ou moins bien<br />
Un enjeu de<br />
sécurité publique<br />
<strong>La</strong> courbe de<br />
l’<strong>Isère</strong> au niveau<br />
de Villard-Bonnot<br />
(<strong>La</strong>ncey).<br />
(1) Comité technique<br />
permanent des barrages<br />
et ouvrages hydrauliques.<br />
(2) Consultez l’historique<br />
des principaux textes<br />
réglementaires sur notre<br />
site internet.<br />
(3) Actuellement assuré<br />
par la DDAF et bientôt par<br />
la DREAL.<br />
(4) Patouh : Pôle d’appui<br />
technique dans le domaine<br />
de la sécurité des<br />
ouvrages hydrauliques.<br />
Il existe depuis 2004.<br />
(5) Les notifications pour<br />
les <strong>digue</strong>s <strong>du</strong> <strong>Drac</strong> et de la<br />
<strong>Romanche</strong> sont prévues,<br />
au plus tard, en 2010.<br />
entretenus. Afin de disposer d’un<br />
état <strong>du</strong> parc des ouvrages concernés<br />
à l’échelle nationale et d’identifier<br />
les menaces que peuvent présenter<br />
certains d’entre eux, le ministère de<br />
l’Environnement a initié, en 1994, un<br />
recensement des <strong>digue</strong>s de protection<br />
contre les inondations, mais aussi de leurs gestionnaires,<br />
et des enjeux humains et économiques.<br />
Durant les années 2000, d’autres crues sont venues accélérer<br />
le cours réglementaire. En 2003, une première<br />
circulaire ministérielle relative à l’organisation<br />
<strong>du</strong> contrôle des <strong>digue</strong>s (abrogée depuis),<br />
établissait une distinction entre les<br />
ouvrages intéressant la sécurité publique et<br />
ceux qui ne l’étaient pas. Puis, une mission<br />
sur la réglementation en matière de sécurité<br />
des barrages et des ouvrages hydrauliques a<br />
été diligentée en 2004. Elle s’est concrétisée<br />
en 2006 par la remise d’un rapport définissant<br />
les grandes lignes de la réglementation<br />
technique de contrôle à mettre en œuvre.<br />
Le législateur a ensuite intégré les dispositions<br />
suggérées par ces travaux dans la loi sur l’eau et les milieux<br />
aquatiques (LEMA).<br />
Promulguée le 30 décembre 2006, la LEMA prévoyait déjà<br />
des règles de surveillance des ouvrages hydrauliques, un<br />
agrément des organismes agissant pour les responsables<br />
d’ouvrages, des études de danger, l’institution <strong>du</strong> CTP-<br />
BOH (1), l’instauration de servitudes à proximité des<br />
ouvrages hydrauliques. Mais ce sont le décret <strong>du</strong> 11 décembre<br />
2007 (modifiant le code de l’environnement) et<br />
les arrêtés et circulaires parus en 2008 et 2009 (en application<br />
<strong>du</strong> décret) qui sont venus fixer définitivement<br />
les modalités relatives à la sécurité des ouvrages hydrauliques<br />
(2).<br />
Pourquoi cette réforme ?<br />
Tout d’abord parce que la rédaction ancienne des textes<br />
ne permettait pas de distinguer de façon claire le rôle de<br />
l’Administration et les obligations <strong>du</strong> propriétaire de<br />
<strong>La</strong> connaissance de l’état<br />
des <strong>digue</strong>s et leur suivi<br />
dans le temps est une<br />
composante essentielle<br />
de la gestion <strong>du</strong> risque<br />
inondation. Dans ce but,<br />
les <strong>digue</strong>s de l’<strong>Isère</strong><br />
placées sous notre<br />
responsabilité ont été<br />
classées par l’État. Celles<br />
<strong>du</strong> <strong>Drac</strong> et de la <strong>Romanche</strong><br />
le seront bientôt.<br />
l’ouvrage. L’État souhaitait aussi intro<strong>du</strong>ire des éléments<br />
existant dans d’autres réglementations de sécurité, comme<br />
la réalisation d’études de danger par le maître<br />
d’ouvrage, ou la possibilité de prévoir un agrément des<br />
organismes intervenant pour la surveillance des ouvrages.<br />
Désormais, la situation est clarifiée. Les obligations<br />
<strong>du</strong> propriétaire (ou de son gestionnaire)<br />
et l’action de l’État — par le<br />
L’Albenc L<br />
Poliénas<br />
Tullins<br />
Saint-<br />
Gervais<br />
biais <strong>du</strong> service de contrôle de la<br />
sécurité des ouvrages (3) — sont<br />
bien distinctes : le responsable des<br />
ouvrages les entretient, les surveille<br />
et les examine, alors que le service<br />
de contrôle doit, lui, s’assurer que<br />
les ouvrages ne menacent pas la sécurité<br />
publique. L’État contrôle donc<br />
l’action <strong>du</strong> propriétaire, s’assure<br />
qu’il remplit ses obligations et<br />
maintient un certain niveau de sécurité<br />
de la <strong>digue</strong> (4).<br />
Quatre classes d’ouvrage de protection<br />
comportant un certain nombre<br />
de prescriptions, variables selon la<br />
classe, ont été définies (voir la carte ci-dessous). Durant<br />
l’été 2009, au nom <strong>du</strong> service interministériel de défense<br />
et de protection civile, le préfet de l’<strong>Isère</strong> a notifié à l’<strong>AD</strong><br />
<strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong> la classification et les prescriptions<br />
à respecter pour les <strong>digue</strong>s de l’<strong>Isère</strong> situées en amont et<br />
en aval de Grenoble ( (5). Les obligations prévues par le<br />
décret et les arrêtés sont à la charge <strong>du</strong> seul propriétaire<br />
de la <strong>digue</strong> — le maître d’ouvrage — ou de son gestion-<br />
naire quand il existe… Ce qui est la vocation même de<br />
l’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong> pour les <strong>digue</strong>s qui lui sont remises<br />
en gestion par l’État et par 13 associations syndi-<br />
cales, sur un territoire regroupant 61 communes.<br />
Classes<br />
A : hauteur ≥ 1 m et population ≥ 50 000 hab.<br />
B : hauteur ≥ 1 m et population de 1000 à 50 000 hab.<br />
C : hauteur ≥ 1 m et population de 10 à 1000 hab.<br />
D : hauteur < 1 m ou population < 10 hab.<br />
Vourey<br />
l’<strong>Isère</strong><br />
<strong>La</strong> Rivière<br />
Moirans<br />
Saint-Jean-<br />
Saint-Jean-<br />
de-Moirans<br />
Saint-Quentin-<br />
Saint-Quentin-<br />
sur-<strong>Isère</strong><br />
Veurey-V eurey-Voroize<br />
<strong>La</strong> Buisse<br />
Noyarey<br />
Voreppe<br />
Saint-<br />
Martin-<br />
le-Vinoux <strong>La</strong><br />
Tronche ronche<br />
le <strong>Drac</strong><br />
Nos<br />
obligations<br />
L’évolution de la réglementation<br />
des ouvrages endigués<br />
a de fortes implications sur<br />
les obligations de leurs<br />
propriétaires ou gestionnaires.<br />
L’<strong>AD</strong> <strong>Isère</strong> <strong>Drac</strong> <strong>Romanche</strong> est<br />
prête à y répondre.<br />
Le contrôle exercé par l’État consiste<br />
à vérifier que le maître d’ouvrage<br />
remplit ses obligations de maintien<br />
en bon état de sa <strong>digue</strong> et à s’assurer<br />
qu’il effectue bien un suivi régulier<br />
et adéquat. Les obligations et<br />
l’échéancier à respecter diffèrent<br />
selon que l’ouvrage de protection<br />
est de classe A, B, C ou D (1). Pour<br />
chacune d’elle, des consignes de<br />
surveillance et d’entretien précises<br />
sont définies. Elles doivent faire<br />
l’objet de synthèses dans des documents<br />
que l’<strong>AD</strong> doit constituer et de<br />
rapports qu’elle devra soumettre au<br />
CTPBOH ou transmettre au préfet.<br />
En premier lieu, tout propriétaire de<br />
<strong>digue</strong> classée doit constituer un<br />
Dossier d’ouvrage. Il doit recenser<br />
l’historique de sa construction, ses<br />
caractéristiques et les événements<br />
survenus (désordres ou travaux). Ce<br />
dossier rassemble la description de<br />
l’organisation en place pour assurer<br />
l’exploitation et la surveillance des<br />
ouvrages en toutes circonstances<br />
<strong>La</strong> classification<br />
d'une <strong>digue</strong><br />
dépend de la<br />
hauteur de<br />
l’ouvrage (<strong>du</strong> côté<br />
terre) et de la<br />
population<br />
maximale résidant<br />
en zone protégée.<br />
Grenoble<br />
Montbonnot-<br />
Saint-Martin<br />
Meylan<br />
Saint- Gières<br />
Martin- Martind’Hères<br />
Saint-Nazaire-<br />
Saint-Nazaire-<br />
les-Eymes<br />
Saint-Ismier<br />
Domène<br />
Murianette<br />
Bernin<br />
Le<br />
Versoud ersoud<br />
(rapports des visites techniques<br />
approfondies, de surveillance programmée,<br />
consignes). L’<strong>AD</strong> a déjà<br />
établi les 17 dossiers d’ouvrages<br />
pour les <strong>digue</strong>s de l’<strong>Isère</strong>. En effet,<br />
notre organisation et notre système<br />
d’information ont largement anticipé<br />
l’évolution de la réglementation, ce<br />
qui a facilité cette première étape.<br />
Pour les <strong>digue</strong>s de classe A, B ou C, il<br />
nous faut pro<strong>du</strong>ire un document<br />
intitulé : Diagnostic de sûreté initial.<br />
Il doit refléter l’état de l’ouvrage<br />
mais aussi estimer le niveau de<br />
sécurité apparent qui en découle et<br />
définir les mesures qu’il convient de<br />
prendre pour remédier aux fragilités<br />
constatées. L’<strong>AD</strong> a confié à trois<br />
bureaux d’étude la réalisation <strong>du</strong><br />
diagnostic de sûreté initial et la<br />
visite technique approfondie sur<br />
l’ensemble des ouvrages qu’elle<br />
gère. Les prestations de reconnaissance<br />
physique des <strong>digue</strong>s de l’<strong>Isère</strong>,<br />
de saisie des observations dans<br />
Crolles<br />
Sainte-Marie-d’Alloix<br />
Lumbin<br />
Saint-Vincent-<br />
Saint-Vincent-<br />
de-Mercuze<br />
<strong>La</strong> Terrasse<br />
Froges<br />
Villard-Bonnot<br />
Le Touvet<br />
Tencin<br />
<strong>La</strong> Pierre<br />
Chapareillan<br />
Barraux<br />
<strong>La</strong><br />
Buissière<br />
l’<strong>Isère</strong><br />
Le Cheylas<br />
Goncelin<br />
Le Champ-près-Froges<br />
N<br />
0 6 km<br />
Pontcharra ontcharra<br />
CLASSEMENT DES DIGUES 11<br />
Sirs Digues, de compilation<br />
des études exis-<br />
tantes et de rédaction<br />
des diagnostics de<br />
sûreté seront achevées<br />
début 2010. Une fois<br />
franchies ces premières<br />
étapes que sont le dossier d’ouvrage<br />
et le diagnostic de sûreté, deux<br />
autres étapes importantes sont pré-<br />
vues à l’horizon 2011-2014 : une<br />
Étude de danger pour les <strong>digue</strong>s de<br />
classes A, B et C, puis une Revue de<br />
sûreté pour les <strong>digue</strong>s de classe A et<br />
B. Elles devront être réactualisées<br />
tous les dix ans. D’ores et déjà, l’<strong>AD</strong><br />
a demandé à un ingénieur conseil de<br />
rédiger un cahier des charges pour<br />
les études de danger.<br />
Située face à<br />
l’étang de <strong>La</strong><br />
Taillat, la <strong>digue</strong><br />
de Gières est la<br />
seule de classe A<br />
gérée par l’<strong>AD</strong><br />
sur l’<strong>Isère</strong>.<br />
<strong>Isère</strong> aval,<br />
secteur <strong>du</strong> Bec de<br />
l’Échaillon<br />
UN SYSTÈME D’INFORMATION<br />
(1) Pour en savoir plus,<br />
rendez-vous sur<br />
www.isere-drac-romanche.fr<br />
Le Cemagref a conçu un système d’informations à références<br />
spatiales (Sirs) visant à créer un outil informatique spécifique<br />
aux gestionnaires de <strong>digue</strong>s. Nommé Sirs Digues, cet outil<br />
couple un système d’information géographique (Sig) à une<br />
base de données. Il permet de gérer toutes les informations<br />
<strong>du</strong> système « <strong>digue</strong> » : structure et géométrie de la <strong>digue</strong> et<br />
<strong>du</strong> lit <strong>du</strong> cours d’eau, ouvrages hydrauliques, réseaux de<br />
communication, de flux et d’énergie, désordres, historique<br />
des crues, parcellaire foncier, travaux et études. Sirs Digues<br />
permet également un partage d’expérience très appréciable<br />
avec ses deux autres utilisateurs : le Symadrem (Syndicat<br />
mixte interrégional d’aménagement des <strong>digue</strong>s <strong>du</strong> delta <strong>du</strong><br />
Rhône et de la mer) et la DIREN Centre (Direction régionale<br />
de l’environnement) basée dans le Loiret.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • N° 10 / DÉCEMBRE 2009
12 INNOVATION<br />
Avec une épaisseur moindre mais un montage simplifié et plus rapide,<br />
la résistance obtenue avec le système Krismer est équivalente à celle<br />
d’un matelas de gabions.<br />
Une berge<br />
à ossature métallique<br />
(1) Lire d’autres<br />
informations et voir les<br />
schémas techniques sur<br />
www.isere-dracromanche.fr.<br />
(2) En vue de recréer un<br />
couvert végétal <strong>du</strong>rable,<br />
cette technique consiste<br />
à mettre en œuvre une<br />
émulsion comportant<br />
eau, semences<br />
herbacées, activateur de<br />
Le chantier de la berge située<br />
en amont <strong>du</strong> pont de Domène<br />
a été l’occasion de mettre en<br />
œuvre une nouvelle technique<br />
de confortement. Le talus,<br />
protégé contre l’érosion par<br />
des panneaux en acier<br />
galvanisé remplis de<br />
matériaux concassés, a été<br />
revégétalisé cet automne.<br />
En direction de Bois Français, au<br />
droit <strong>du</strong> circuit de modèles ré<strong>du</strong>its,<br />
le talus était fortement dégradé depuis<br />
la crue de mai 2008. Le chantier<br />
a débuté en mars 2009 par la réalisation<br />
d’une banquette en pied de<br />
berge. Après la mise en œuvre, sous<br />
le pont, d’un parement en enrochements,<br />
le talus situé en amont a été<br />
purgé avant d’être reconstitué en<br />
matériau tout-venant compacté. Fin<br />
avril, la pose d’un géotextile sur le<br />
talus est venue achever la phase<br />
classique d’un chantier de confortement.<br />
<strong>AD</strong> croissance, fixateur et ISÈRE•DRAC•ROMANCHE<br />
couverture de semis.<br />
L’ÉCHO DES DIGUES • 10 • DÉCEMBRE 2009<br />
Magazine d’information de l’Association Départementale <strong>Isère</strong> • <strong>Drac</strong> • <strong>Romanche</strong><br />
<strong>AD</strong> ISÈRE•DRAC•ROMANCHE<br />
Protection galvanisée<br />
Compte tenu <strong>du</strong> fait que ce talus<br />
n’est pas une <strong>digue</strong> au sens propre<br />
et qu’il s’agissait de remédier à un<br />
problème d’érosion sur un espace limité,<br />
l’<strong>AD</strong> a testé — pour la première<br />
fois — une nouvelle technique de<br />
confortement : le système Krismer.<br />
Également désigné sous le terme de<br />
« panneaux JK », ce procédé constructif<br />
est connu dans le bâtiment où<br />
les panneaux sont associés au béton.<br />
Fabriqués en Autriche, ceux-ci<br />
étaient, au départ, destinés à renforcer<br />
des tunnels. C’est leur<br />
concepteur — Rainer Krismer — qui a<br />
eu l’idée de les utiliser pour protéger<br />
des terrains contre l’érosion ou<br />
aménager des berges de rivières. Et<br />
ce, bien sûr — intégration environnementale<br />
oblige — sans béton !<br />
Adapté à de fortes pentes, ce système<br />
est couramment utilisé en Europe,<br />
mais peu en France, surtout pour<br />
des contraintes hydrauliques. Après<br />
leur assemblage, les panneaux tridimensionnels<br />
sont disposés en biais<br />
sur le géotextile recouvrant le talus.<br />
Puis ils sont plaqués contre le sol au<br />
moyen de barres de fixation et de<br />
clous d’ancrage. Immobilisée, l’ossature<br />
métallique est alors remplie à<br />
la pelle mécanique de matériaux de<br />
carrière concassés (1). Début mai, la<br />
circulation a pu reprendre sur la piste<br />
cyclable. En pied de berge, la<br />
pelleteuse a ensuite ré<strong>du</strong>it la largeur<br />
Projection de terre avant l’application de la membrane<br />
anti-érosion par projection hydraulique.<br />
de la banquette. Celle-ci est maintenue<br />
car, outre le fait qu’elle assure<br />
une protection, elle permettra à l’<strong>AD</strong><br />
d’assurer sa mission de surveillance<br />
depuis le pied de la berge et d’évaluer<br />
comment cette protection évolue<br />
dans le temps. Nombreux sont<br />
les responsables techniques venus<br />
voir sur place comment cette technique<br />
a été mise en œuvre. Ainsi, Philippe<br />
Grandsert de la direction de<br />
l’Ingénierie au département des lignes<br />
SNCF a fait le déplacement le 8<br />
octobre dernier, intéressé pour la<br />
stabilisation de certains de ses talus<br />
de remblais ferroviaires.<br />
Membrane écologique<br />
À l’automne, le talus a été recouvert<br />
de terre végétale et ensemencé. À<br />
cette occasion, en lieu et place <strong>du</strong><br />
traditionnel treillis coco, l’<strong>AD</strong> a testé<br />
la membrane Soil Guard, épan<strong>du</strong>e<br />
par hydroseeding (2). Appliqué par<br />
projection hydraulique, le mélange<br />
épouse les contours <strong>du</strong> sol puis, en<br />
séchant, forme une membrane de<br />
protection. Même soumise au ruissellement<br />
pluvial, elle permet de<br />
fixer et de conserver le sol et le mélange<br />
grainier. Une fois la végétation<br />
développée, elle se décompose tout<br />
en enrichissant le sol. Outre le fait<br />
que ce dispositif possède les qualités<br />
d’un géotextile, il permet une<br />
ré<strong>du</strong>ction importante des coûts de<br />
mise en œuvre.<br />
2, chemin des Marronniers | 38 100 Grenoble | tél. 04 76 48 81 00 | fax 04 76 48 81 01 | adisere@wanadoo.fr | www.isere-drac-romanche.fr<br />
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