Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
21<br />
SPECIAL <strong>NOUVELLES</strong> N°1<br />
Deux heures plus tard, le Phalanstère se dissout. L’ordre du jour -retrouver les dragonneaux ou au moins découvrir<br />
ce qui leur était arrivé- a soulevé un débat houleux. Les dragons ne parvenant pas à se mettre d’accord sur l’origine<br />
du problème, on a procédé à un vote. La majorité s’est prononcée pour qu’on organise une battue.<br />
Le Phalanstère pense qu’une aberration, un grand prédateur rescapé de la nuit des temps, est réapparue. On répartit<br />
les membres par équipes de deux, puis les groupes partent en chasse.<br />
3<br />
Dychnitis est soulagé de ne pas faire équipe avec Euredyptodon. Ce monstre préhistorique est parti avec Holdenius.<br />
On n’a pu faire autrement : il a fallu le placer avec un équipier de poids, ne serait-ce que pour freiner ses pulsions<br />
belliqueuses. Ce vieux fou a encore parlé d’un complot humain, il voulait que l’on coule tout sous-marin pris<br />
en train de croiser sur leur territoire ! Une telle mesure aurait attiré l’attention et n’aurait abouti qu’à une nouvelle<br />
guerre, et une nouvelle défaite.<br />
Dych est né peu de temps avant l’Exode. Ses souvenirs des combats restent flous. Ses parents lui ont toutefois légué<br />
leur dégoût de la guerre. Depuis que les dragons ont migré dans les profondeurs de l’océan, ils se sont habitués à la<br />
vie sous-marine. Ils ont même creusé des galeries inondées sous les continents, afin d’accéder à toutes les mers du<br />
globe, voire même à certains lacs et rivières. Ils sont relativement nombreux à présent, beaucoup de jeunes ayant<br />
remplacé les dragons morts au combat. Les dernières générations sont mieux adaptées, plus réactives face au changement.<br />
Beaucoup d’anciens n’ont pas supporté la vie dans le froid abyssal et se sont donné la mort. Les parents de<br />
Dych se sont jetés dans une faille tectonique, peu de temps avant que lui-même n’atteigne l’âge adulte.<br />
C’est Belantsea qui l’accompagne. Elle et lui ont pour mission de glaner des informations auprès des autres habitants<br />
des profondeurs.<br />
4<br />
Euredyptodon et Holdenius s’aventurent dans la région du Grand Rift, tout en restant à bonne distance. Les projections<br />
de lave présentent un danger réel pour les dragons. Elles peuvent leur coûter la vie ou pire, les emprisonner<br />
dans un cercueil de lave refroidie pour des siècles, peut-être même à jamais. Pour cette raison, seuls les membres les<br />
plus expérimentés ont été affectés à l’exploration de cette zone.<br />
Les deux titans aquatiques planent au dessus des oasis abyssales : des foyers débordants de vie qui se créent autour<br />
des sources hydrothermales. C’est le domaine des fumeurs noirs, des cônes de pierres qui vomissent une fumée<br />
lourde de fer et de cendres. Il y fait chaud, au minimum quinze degré. La température dépasse même par endroit<br />
les trois cents degrés, l’eau se chargeant alors en particules toxiques. Il faut naviguer avec soin. On trouve ici des<br />
colonies d’algues et de mollusques, des vers tubicoles qui s’abritent derrière des colonnes de corail.<br />
Loin derrière les oasis, les deux ancêtres dragons rejoignent la zone interdite : un vaste dépotoir de fûts remplis<br />
de déchets nucléaires qui s’étend à perte de vue. Les radiations sont sans effet sur leurs organismes, dont ils contrôlent<br />
chaque cellule, la biochimie draconique offrant des possibilités quasi illimitées… Pour peu qu’on y consacre la<br />
somme d’efforts nécessaires. Leurs métabolismes peuvent, entre autres, subir des mutations contrôlées, comme en<br />
témoigne leur adaptation à la vie océanique : leurs organes sont remplis d’eau de mer pressurisée, leur permettant<br />
de nager à de très grandes profondeurs, pour ainsi dire jusqu’au cœur de la planète.<br />
En dépit de tout cet arsenal biologique, Euredyptodon et Holdenius se montrent prudents. Ils captent l’écho d’un<br />
objet de très grande envergure avançant droit sur eux. Euredyp s’apprête à charger, quand Holdenius le retient.<br />
5<br />
Dych et Belantsea répondent à l’appel d’un cachalot aux prises avec un calamar géant monstrueux. Les plus grands<br />
spécimens de cette espèce ne dépassent pas vingt mètres, or celui-ci en fait presque le double. Ses tentacules s’enroulent<br />
autour du cétacé d’une manière qui ne présage rien de bon. A ce rythme, le bec du monstre marin pourra<br />
bientôt percer les flancs de sa victime. Usant de leur tactique habituelle, les deux dragons disparaissent soudain du<br />
champ de perception du céphalopode. Trois secondes ont passé lorsque les deux batrani réapparaissent, jaillissant<br />
ensemble du silence obscur, l’un sous le ventre du calamar et l’autre sur son flanc droit. Trois secondes leur auront<br />
suffi pour contourner leur proie. Deux paires de mâchoires surpuissantes saisissent le corps gonflé de sang verdâtre<br />
et lui impriment des mouvements contraires. Le calamar n’a pas le temps de lâcher sa proie pour affronter ses agresseurs.<br />
En un battement de paupières, le cachalot n’est plus retenu que par des morceaux de tentacules privés de force,<br />
tandis que le corps du calamar, déchiqueté, se perd dans le vide.<br />
Le mammifère marin, très près d’avoir épuisé ses réserves d’oxygène, remonte en surface. Par un échange de plaintes<br />
et de claquements, les dragons le prient de descendre les rejoindre, sitôt qu’il aura renouvelé l’air de ses poumons.<br />
Dych et Belantsea l’observent tandis qu’il remonte, conscients qu’au cours des prochaines minutes, le cachalot ap-