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SPECIAL <strong>NOUVELLES</strong> N°1<br />

Pour Graf, le point d’origine se situe toujours à Paris au XXIe siècle et à partir de là, une myriade de mondes s’offre<br />

à lui.<br />

Au cours de ces multiples excursions, Graf avait ainsi rencontré des dizaines d’autres Jane qui exerçaient toutes<br />

sortes de métiers, avec des destins anonymes ou brillants : avocate, artiste, médecin, prostituée, femme au foyer…<br />

Certaines le repoussaient mais d’autres succombaient à ses avances. Finir au lit avec une nouvelle Jane était toujours<br />

un moment de délectation suprême. L’extase totale pour Graf.<br />

Elle était son fantasme absolu, son égérie adorée et grâce à ces voyages dans les mondes parallèles, il pouvait décliner<br />

cette passion à l’infini. Lui faire la cour de nouveau. La séduire encore et encore. Lui susurrer les mots bleus, purs<br />

et beaux comme au premier jour. Un éternel recommencement. C’est bien connu les moments les plus cristallins, les<br />

plus intenses dans l’histoire d’un couple sont ceux des premiers mois. Quand on se découvre, quand on partage des<br />

passés entiers. Graf avait décidé de revivre ces périodes, bénies entre toutes, avec la femme de ses rêves, autant de<br />

fois qu’il le voulait. Le remède à la routine, la cure de jouvence par excellence pour un type comme lui.<br />

Un choc olfactif. Des odeurs âcres, épouvantables, qui provoquent en lui une irrésistible envie de vomir. Un mélange<br />

immonde de pourriture et de sueur, mêlé à des relents de cloaque putrides. Il est sur le point de dégobiller son<br />

déjeuner en entier quand il parvient in extremis à se retenir. Finalement, Graf réalise qu’il est au cœur d’un marché<br />

ou quelque chose qui y ressemble. L’odorat n’est pas le seul de ses sens qui soit sollicité. Ses oreilles sont aussi mises<br />

à rude épreuve : tout autour de lui, des poulets crient, des porcs qu’on va bientôt égorger hurlent et des marchands<br />

braillent à tue tête, rivalisant de bagout pour attirer le client. Et puis ses yeux avalent d’un coup mille couleurs, toutes<br />

plus criardes les unes que les autres. Graf se sent oppressé, écrasé : il est au milieu d’une fourmilière humaine,<br />

comme si tous les habitants de la capitale s’étaient donné rendez-vous sur cette place. Une foule compacte, dense, se<br />

bousculant et se piétinant pour butiner vers les échoppes. L’arrivée dans ce nouveau monde est un peu rude…il ne<br />

reconnaît pas l’endroit, alors il lève les yeux et ce qu’il voit n’est pas pour le rassurer. Pas la moindre trace des bâtiments<br />

habituels de Paris, aucun de ces immeubles haussmanniens qu’il affectionne tant. Seulement des habitations<br />

en pierre grossière ou en bois, d’allure modeste et pauvre. Graf s’interroge. « Dans quel monde me suis-je fourré ?<br />

Que s’est-il passé ici pour que Paris soit réduit à une misérable ville du Tiers-Monde ? » Il s’extirpe tant bien que mal<br />

de la cohue et réussit à rejoindre des rues un peu plus calmes. L’exploration doit commencer. Un des moments qu’il<br />

préfère.<br />

Je me souviens parfaitement de ce voyage. Je crois que c’était ma troisième excursion ou peut-être la quatrième…<br />

Bref, cela a peu d’importance. Cette fois-là, j’étais tombé sur une Terre vide d’hommes. C’était le risque de ce genre<br />

de tourisme, mais nous étions prévenus : l’agence fait signer un contrat à tous ses clients, stipulant qu’elle n’est pas<br />

responsable de l’univers où nous sommes catapultés. Ces trips sont une véritable loterie : on peut tomber sur des<br />

mondes très intéressants comme sur des univers hostiles, barbares ou tout simplement ennuyeux. Je n’avais donc pas<br />

eu de chance : tant pis pour moi et pour Jane ! Mais la curiosité me poussa à rester. J’étais ici, j’avais payé mon voyage,<br />

autant essayer de le rentabiliser et de visiter le coin. C’était donc une Terre qui n’avait pas vu la naissance de notre<br />

espèce, voire même - je le pensais - de la vie animale…Une planète sans êtres vivants, sans humains… J’ai adoré ce<br />

genre d’émotions…Marcher, fouler l’herbe et se dire que j’étais le premier à le faire…une sensation unique… Etre<br />

un Dieu, ça doit ressembler à quelque chose comme ça…Seul dans un monde vierge, pur… Un enchantement…. Je<br />

suis resté quelque temps à errer dans cette nature originelle, explorant les forêts luxuriantes, montant sur les pentes<br />

de vieux volcans…Et puis, au détour d’une de mes promenades, j’ai assisté à un des plus beaux spectacles que la vie<br />

m’ait donné de voir. Caché derrière un bosquet, je fus le spectateur privilégié d’une scène émouvante et attendrissante.<br />

Descendant des collines environnantes recouvertes de l’herbe jaunie de la savane, un groupe d’hominidés<br />

étaient venus s’abreuver dans le bras du fleuve qui serpentait à travers ce magnifique paysage. Un fleuve qui, dans<br />

mon continuum, s’appelait la Seine mais qui ici restait sans doute sans nom. Un clan entier, composé d’une dizaine<br />

d’individus - hommes, femmes et enfants - s’épanchait dans la rivière. Les corps recouverts de peaux de bêtes, les<br />

bras armés de lances. En voyant leurs visages simiesques si caractéristiques, leurs boîtes crâniennes proéminentes,<br />

leurs corps massifs et puissants, je n’eus aucun doute. Ces créatures étaient des hommes de Néandertal, nos lointains<br />

cousins. Etrange monde où cette espèce avait régné jusqu’à nos jours, certes sans réellement évoluer mais définitivement<br />

libérée de son dangereux concurrent qui avait donné l’homme moderne dans mon univers. Une évolution<br />

surprenante. Un de mes plus beaux souvenirs. Mais je m’écarte de mon sujet, revenons à nos moutons !

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