Bibliothèque royale de Belgique - C. Gaspar et F. Lyna, Les ...

tournoi de Montargis; f. 116v, « comment le roy et les barons reconvoyerent Gerart
de Nevers jusques en son hostel; f. 119, comment Gerart de Nevers vint a court et
comment il appella Liziart en champ et jetta son gage; f. 121, comment Gerart de
Nevers desconfy Liziart et luy fist congnoistre et jehir la traison ». On ne peut donner
le nom de miniatures à ces curieuses images, qui ne sont que des esquisses habilement
rehaussées de couleurs à l'eau. C'est un genre particulier se rattachant indirectement
au « portrait d'encre» du siècle précédent tout en ayant son caractère propre.
L'origine de cette illustration un peu spéciale doit être cherchée dans l'emploi de
plus en plus répandu du papier pendant la seconde moitié du xv e siècle.
Le papier, bien plus fragile et plus perméable que le parchemin, exigeait une technique
appropriée à ses qualités. On peut dire que l'artiste qui travaillait pour le compte
de Jean de Wavrin, baptisé par Winkler Maître de Wavrin, a trouvé le genre de décoration
adéquate à cette matière et présentant un caractère presque « moderne ». Excellent
dessinateur, saisissant d'un coup d'œil les éléments essentiels du récit, sa main
exercée jetait sur le papier en quelques traits rapides, souples et justes une image
dépouillée, vivante et pittoresque donnant une synthèse extrêmement ramassée et précise
du texte. Ce qui importait pour lui, c'était l'action, une action rapide, colorée et
mouvementée grâce à cette préoccupation, le paysage se réduit chez lui à quelques
lignes schématiques, à des rangées d'arbres partout les mêmes. Les villes sont dessinées
d'après un modèle uniforme et simplifié; les personnages sont conçus d'après un
seul type. Poursuivant constamment le même but, l'enlumineur commet des négligences
de dessin, sans importance pour lui, entraîné qu'il est par le jeu mouvementé de
son imagination. On peut dire que d'une certaine manière ces images s'opposent au
contenu qu'elles doivent illustrer. Si toutes les aventures sont contées avec le sérieux
et l'application d'un auteur du moyen âge, l'enlumineur lui ne semble plus guère y
croire et les interprête avec un humour parfois cruel qui en fait tout le charme. Il semblait
se rendre compte que l'esprit chevaleresque était dépassé et touchait à sa fin. À
ce point de vue cette série de miniatures marque une date importante.
Au point de vue technique, le Maître de Wavrin dessine et compose d'après des
règles fixes établies par lui-même, qui ont été mises en lumière par M. Ouy. La place
nous manque pour résumer ici le raisonnement du savant français.
Ce serait une erreur de croire que l'œuvre du Maître de Wavrin est violée. Par ses
qualités de narrateur, ce miniaturiste se rattache étroitement à cet autre conteur captivant,
Jean le Tavernier. Comme lui, il est fortement influencé par les mœurs maniérées
de son temps. D'autre part, Jean le Tavernier avait illustré avant lui et d'après des
principes analogues des manuscrits sur papier, e.a. un exemplaire de l'Advis pour faire
le passage de Frère Brochard, terminé en 1455. (Bruxelles, ~s. 9095). Enfin, le Maître
de Wavrin, tout comme les plus grands artistes, a eu des imitateurs appliqués mais
médiocres. Citons à titre d'exemple le mss. 9547 et 9650-52 de Bruxelles.
Nous croyons devoir dater ce manuscrit d'environ 1460.