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Arnaud Guillaume, constructeur du cloître de Moissac

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L'operarius, ou la personne désignée par '<strong>de</strong> opere' ou '<strong>de</strong> opera', n'est donc pas un simple ouvrier ni<br />

un laïc, mais un moine, voire l'un <strong>de</strong>s moines les plus importants <strong>du</strong> monastère. Le moine "ouvrier" est<br />

le maître <strong>de</strong> la fabrique <strong>de</strong> l'église, le moine chargé <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> construction et <strong>de</strong> l'entretien <strong>de</strong>s<br />

bâtiments. Il est difficile <strong>de</strong> ne pas voir en lui le concepteur, l'auctor intellectualis <strong>de</strong> la construction,<br />

donc également <strong>du</strong> programme iconographique.<br />

Durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s grands monuments <strong>de</strong> <strong>Moissac</strong>, nous connaissons les noms <strong>de</strong><br />

trois "moines-ouvriers" : Dieudonné, <strong>Arnaud</strong> <strong>Guillaume</strong>, et Raimond <strong>de</strong> Mala Musca.<br />

Le premier s'appelle Dieudonné. Nous ne savons pratiquement rien <strong>de</strong> lui. Son nom, Deus<strong>de</strong>t <strong>de</strong><br />

opera, ne figure qu'une seule fois dans un texte, un acte <strong>de</strong> 1097 7 rappelant un fait qui s'est déroulé <strong>du</strong><br />

temps <strong>du</strong> prieur Aton, religieux qu'il faut placer dans les années 1074 - 1085. 8 Ce texte donne aussi la<br />

première mention <strong>de</strong> son successeur dans l'office d'operarius, <strong>Arnaud</strong> <strong>Guillaume</strong>.<br />

Le <strong>de</strong>uxième s'appelle <strong>Arnaud</strong>, ou encore <strong>Arnaud</strong> <strong>Guillaume</strong>. Il apparaît sous l'abbatiat d'Ansquitil<br />

(1085 - 1115), et il est cité dans les chartes <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> <strong>Moissac</strong> <strong>de</strong> la fin <strong>du</strong> XI e et <strong>du</strong> début <strong>du</strong> XII e<br />

siècle. En 1097 et en 1107, 9 il est cité comme Arnal<strong>du</strong>s <strong>de</strong> opere ou Arnal<strong>du</strong>s monachus <strong>de</strong> opere. Entre<br />

1114 10 et 1126, 11 nous le trouvons mentionné comme Arnal<strong>du</strong>s Willelmi operarius, ou Arnal<strong>du</strong>s<br />

Guillelmi <strong>de</strong> opera. Le contexte historique, sur lequel nous allons revenir, prouve qu'il s'agit bien d'une<br />

seule et même personne. Au regard <strong>de</strong> la fourchette chronologique <strong>de</strong>s textes où il est cité (1097 - 1126),<br />

on peut lui attribuer la construction <strong>du</strong> <strong>cloître</strong>.<br />

Le troisième "ouvrier", Raimond, appelé aussi Raimun<strong>du</strong>s <strong>de</strong> opere ou Raimun<strong>du</strong>s monachus <strong>de</strong><br />

opere, lui succè<strong>de</strong> sous l'abbatiat <strong>de</strong> Roger (1115 - 1131/35). Il est cité pour la première fois en 1129. 12<br />

Nous apprenons un peu plus tard son nom <strong>de</strong> famille ou nom <strong>de</strong> provenance : Raimun<strong>du</strong>s <strong>de</strong> Mala<br />

Musca. Au regard <strong>de</strong> la fourchette chronologique fournie par ses citations dans les chartes, <strong>de</strong> 1129 à<br />

1146, 13 on peut lui attribuer le clocher-porche, construction <strong>de</strong>s années 1130 - 1140. Vers 1150, les<br />

travaux <strong>du</strong> clocher-porche sont probablement achevés. Raimond <strong>de</strong> Mala Musca reçoit alors une<br />

nouvelle charge. En 1156, il est cité comme prieur <strong>de</strong> Saint-Pierre <strong>de</strong>s Cuisines à Toulouse. 14 En 1155,<br />

l'abbé Etienne <strong>de</strong> Roquefort vend à Pierre <strong>de</strong> Cantamerle la maio <strong>de</strong> la obra, 15 la "maison <strong>de</strong> l'oeuvre".<br />

Si l'on donne au mot occitan obra le même sens que le latin opus, on peut penser à la maison où<br />

travaillaient et logeaient les architectes, les entrepreneurs et les sculpteurs <strong>de</strong> l'abbaye, la loge. 16 Cela<br />

voudrait dire qu'en 1155 les travaux <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> <strong>Moissac</strong> sont définitivement<br />

terminés.<br />

Dans la hiérarchie <strong>du</strong> monastère <strong>de</strong> <strong>Moissac</strong>, la fonction d'operarius était un office important. Il faut<br />

savoir que dans les chartes <strong>du</strong> Moyen Age, les témoins assistant à la rédaction d'une charte sont cités<br />

dans l'ordre <strong>de</strong> préséance hiérarchique. L'abbé vient toujours en tête, suivi <strong>de</strong> son alter ego, nommé par<br />

lui, le prieur. Pour les autres offices monastiques, leur place dans l'énumération <strong>de</strong>s listes <strong>de</strong> témoins<br />

permet à l'historien d'établir les préséances hiérarchiques. Or, dans l'acte <strong>de</strong> donation <strong>de</strong> 1097,<br />

l'operarius est cité immédiatement après l'abbé, le prieur et le sacriste. Dans un acte <strong>de</strong> 1085/1108, il est<br />

cité après l'abbé, le prieur, le sacriste et le cellérier. 17 Si, dans un acte <strong>de</strong> 1104 18 et dans l'acte déjà cité <strong>de</strong><br />

1114, Arnal<strong>du</strong>s Willelmi operarius passe avant le prieur et le sacriste, c'est parce qu'il est le récipiendaire<br />

<strong>de</strong> la donation. Vers 1135, dans le célèbre privilège <strong>de</strong> coutumes <strong>de</strong> Saint-Nicolas-<strong>de</strong>-la-Grave,<br />

7. Paris, BN, coll. Doat, vol. 128, f. 264r - 265v.<br />

8. Apogée <strong>de</strong> <strong>Moissac</strong>, p. 137.<br />

9. ADTG, G 688 (An<strong>du</strong>randy 5235).<br />

10. ADTG, G 571 (An<strong>du</strong>randy 5799).<br />

11. ADTG, G 684 (An<strong>du</strong>randy 2831).<br />

12. ADTG, G 596 (An<strong>du</strong>randy 1888).<br />

13. ADTG, G 663 (An<strong>du</strong>randy 5214).<br />

14. ADTG, G 692.<br />

15. ADTG, G 569 II, f. 6v.<br />

16. Sur les "maisons <strong>de</strong> l'oeuvre" à l'époque romane, on ne sait pratiquement rien. Le phénomène est mieux connu<br />

à l'époque gothique : ALAIN ERLANDE-BRANDENBURG, La Cathédrale (Paris 1989), p. 285 - 287 ; GÜNTHER<br />

BINDING, Baubetrieb im Mittelalter (Darmstadt 1993), p. 101 - 107.<br />

17. ADTG, G 669.<br />

18. Paris, BN, coll. Doat, vol. 128, f. 297r - 199r.<br />

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