Françoise Tomeno, VOUS CHANTIEZ ? EH BIEN - Revue Institutions
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Si la voix, comme objet psychique, est concernée par la question du manque, c’est au même<br />
titre que tout ce qui tombe du corps comme déchet, toutes ces "petites choses séparables du<br />
corps" . La matérialité sonore de la voix n’apporte rien de spécifique à cette fonction logique<br />
du travail du manque.<br />
A ce titre, elle peut prendre place, et sans privilège, aux cotés des objets des autres pulsions<br />
partielles, pulsions orale, anale, scopique.<br />
Ce qui nous intéresse ici aussi, c’est la possibilité d’accompagnement des personnes<br />
psychotiques.<br />
Dans cette perspective, la voix, comme toute autre production (et là aussi sa matière sonore<br />
et vibratoire n’apporte pas de spécificité) peut être le lieu d’une "projection totale, allant<br />
parfois jusqu’à l'extrême de ce qui est décrit dans certains processus d’autisme grave, objet<br />
tenant lieu de tout le corps" .<br />
Vous comprendrez ainsi pourquoi il serait de très mauvais goût de proposer un travail<br />
uniquement vocal, par exemple technique (vocalises, travail du timbre, etc.) à des<br />
schizophrènes : ici point de métaphore, un sens ne vaut pas pour un autre, pas de métonymie,<br />
la partie ne "représente" pas le tout, elle en tient lieu, elle est le tout. La triturer, la découper<br />
en ses éléments, c’est risquer de découper la personne elle-même dans le sens de la<br />
dissociation, ou de l’entraîner vers encore plus de dilution, elle qui tente vainement de se<br />
débrouiller de cette absence de limite où l’objet l’entraîne par contiguïté, ou de l’isoler, de le<br />
contenir lorsque, déjà trop là, et pourtant coupé, il ne peut manquer.<br />
Comme objet pouvant envahir l’intérieur, menacé de l’extérieur, avoir pouvoir sur les<br />
pensées, là aussi pas de spécificité de la voix, du support sonore : le regard peut lui aussi être<br />
ainsi qualifié (cf. Schreber, cf. les travaux de Lacan, qui est celui qui à partir de son travail sur<br />
la psychose a ajouté aux pulsions partielles décrites par Freud la pulsion scopique et la pulsion<br />
invoquante). L’hallucination peut être visuelle ou accoustique, le sonore ne la caractérise pas.<br />
Ici aussi on pressent comment l’exercice d’une voix qui serait déliée, déliée du corps, pourrait<br />
être menace. Menace d’éclatement, comme un miroir brisé, de cet objet internalisé porteur de<br />
violence, menace de rejoindre ces voix extérieures qui persécutent, et d’emporter le sujet dans<br />
ses projections éclatantes.<br />
Le sonore, le vocal ne comportent pas d’eux-mêmes de qualité limitante et contenante. La<br />
notion d’enveloppe sonore est un abus de langage si on ne l’étaye pas sur les exigences de la<br />
fonction contenante, phorique, greffée sur une image spatiale (du contact, du toucher). J’ai ici<br />
en tête le texte de Pierre Paul Lacas "Structuration de l’image du corps et fonctions du<br />
sonore" que l’on peut lire dans l’ouvrage collectif, hélas épuisé, "Vingt-cinq années de<br />
Psychothérapie Analytique des psychoses" ouvrage dirigé par Gisela Pankow. Il reprend ainsi<br />
cette question du sonore, en référence au spatial et au toucher fondateur, en travaillant les<br />
notions<br />
- d’intériorité et d’extériorité, des limites<br />
- de partialité et de totalité