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Françoise Tomeno, VOUS CHANTIEZ ? EH BIEN - Revue Institutions

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Choix de cette fable aussi à cause de la question du rythme. Parce que le rythme, ça manque<br />

dans la psychose : le rythme du temps qui passe et laisse des traces sur les visages, le rythme<br />

de la démarche, celle qui a un début, une direction, un déroulement, une fin, et bien sûr pas<br />

celui du balancement qui se répète identique à lui-même, peut s’interrompre et reprendre plus<br />

tard sans porter trace du temps qui s’est écoulé, sans dire sa reprise. Les premières notes<br />

d’une chanson associées aux premières paroles sont distinguables, de même les suivantes, et<br />

ainsi de suite jusqu’à son achèvement, comme de la conception jusqu’à la mort. Le<br />

balancement ou la déambulation sans fin dans la psychose ressemblent à la vibration de la<br />

voix : rien n’en distinguera une séquence isolée au début, au milieu, à la fin.<br />

Et cette fable là parle de la voix et du rythme. La cigale s’est envolée avec sa voix et son<br />

chant dans un monde où le rythme des saisons, et du coup l’anticipation, la prévision<br />

n’existaient pas. Shootée à la voix, la sienne, cette vraie toxicomane joue un jeu dangereux<br />

avec ce qui devrait lui servir à l’échange. La fourmi ne s’y trompe pas, lorsqu’elle la renvoie à<br />

une autre jouissance possible, "Eh bien, dansez", tournez sur vous-même, comme les enfants<br />

psychotiques, soulignant là ce qu’il peut y avoir de commun entre une voix désinsérée de<br />

l’échange et un rythme sans fin.<br />

Je reviendrai sur ce caractère premier de la voix, celui d’indifférenciation, d’indistinctivité, la<br />

problématique de son intériorité et de son extériorité, et sa place dans la psychose.<br />

A noter aussi, au passage, cette particularité d’habiter cette même cavité que la nourriture<br />

traverse, et l’impossibilité qu’il y a à chanter et manger en même temps : la cigale a payé cher<br />

pour le savoir.<br />

En tous cas, et c’est le sens de cette introduction et de ce qui va suivre, il est extrêmement<br />

clair pour moi que ni la voix, ni le chant, ni la musique, ne sont par eux-mêmes<br />

thérapeutiques. Ils peuvent, comme beaucoup d’autres choses, faire du bien. Ils peuvent aussi<br />

faire du mal. Leur familiarité avec le vibratoire, le sonore, le rythmique, et le vocal, donnera<br />

une couleur particulière au confort, voire au réconfort, qu’ils pourront apporter. Le<br />

développement de cet aspect dans le cadre de la névrose n’est pas notre propos aujourd’hui.<br />

Mais dans la thérapeutique des psychoses, le sonore et le vocal vont être, et d’abord, pris dans<br />

- Soit ce caractère d’indifférenciation et de dilution : ma voix et celle de l’autre, c’est la<br />

même, elles se perdent l’une dans l’autre ou se mélangent, c’est le versant schizophrénique.<br />

- Soit ce caractère d’intrusion : il n’y a pas de barrière entre intérieur et extérieur, je suis<br />

habité à l’intérieur par des voix d’autres supposés extérieurs. Ma voix intérieure a pouvoir sur<br />

l’intérieur de l’autre. C’est le versant paranoïaque.<br />

Et c’est avec cette particularité là qu’il faudra aborder la question du sonore, de la voix et du<br />

chant, et de la musique.<br />

L'atelier chant<br />

L’atelier chant, qui va être le support de mes paroles aujourd’hui, s’est déroulé dans une<br />

clinique psychiatrique en Sologne, où le travail est celui de la psychothérapie institutionnelle.

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