Mars 2013 - Tours

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De l’or entre les mains
Alain Briand,
47 ans, relieur
doreur de la rue
Albert Thomas,
exerce le métier
depuis un quart de
siècle et parce qu’il
aime jouer avec les
mots autant qu’avec
son propre savoirfaire,
il crée de
fantastiques livresobjets.
Alain Briand est devenu relieur
« par le plus grand des hasards ».
Effectivement, rien ne prédestinait
ce petit-fils d’agriculteur
normand à « coiffer » pareille carrière.
Au collège, son professeur de travaux
manuels trouvait qu’il se débrouillait bien et
la conseillère d’orientation, emboitant le pas
à son collègue, proposa au gamin le chemin
du lycée professionnel Paul Cornu à Lisieux.
On y apprend la reliure, dont l’une des étapes
autrefois est de battre au marteau des cahiers
avant de les assembler. Comment ce projet
ne plairait-il pas à l’ado convoqué dans ce
bureau pour une remise à plat ? Pressé de se
décider, comme pris en étau, il finit par se
dire, le dos rond comme le cuir d’un bel
ouvrage : « P’t-être bien que ça peut me plaire,
ou p’t-être que non ». Un guide ONISEP à
feuilleter plus tard, le jeune Alain se décide
« par défaut » à brocher son destin aux
métiers du livre. Mais de Paul Cornu il sortira
moins écorné que pétri de savoir-faire.
Il y découvre l’imprimerie, les arts graphiques
et la publicité, tout un univers qui
lui « ouvre l’esprit ». Amateur de jeux de mots,
il apprend vite ce qu’est un mors en reliure
et ce ne sera pas pour vivre avec l’impression
d’en avoir un autre entre les dents. Après
trois années à faire de la conservation au sein
de collectivités locales, il en est même
convaincu. Sept ans qu’à Tours son
imagination est toujours aussi débridée et
son métier, de facto traditionnel, n’interdit
pas l’innovation et des fantaisies de douxdingue,
comme ce « Livre Dort » qui refermé
devient oreiller et dans lequel sont consignés
les rêves de ses voisins de quartier.
Du travail d’artiste
Lauréat régional du concours Atelier d’art
de France 2012, Alain Briand a récemment
fait montre de son immense talent créatif
en reliant une collection d’aquarelles sur
Venise signées François Salvat (1892-1976),
peintre reconnu et ami des grands écrivains
du XX e siècle, de Cocteau à Cendrars. L’objet
créé qui est aussi précieux qu’ingénieux,
multiplie les clins d’œil symboliques à son
contenu : les peintures de Salvat sont réunies
dans un ouvrage au format à l’italienne ; la
tranchefile est naturellement en soie ; le dauphin,
emblème de l’imprimeur vénitien
Alde Manuce, devient ferro de gondole une
fois le livre ouvert ; les contreplats enfin
déployés ont la couleur de la lagune et la
couvrure en cuir naturel teinté renvoie au
marbre rouge de Vérone : l’esprit d’escalier
du relieur émerge puissamment.
Sorti de l’ornière des champs pour entrer de
« pleine-peau » dans la charnière des livres,
Alain Briand prendra toujours plaisir à surprendre,
les pieds bien sur terre mais l’imaginaire
haut perché. ■
25 ❙ TOURS INFOS ❙ www.tours.fr ❙ N° 150 ❙ Mars 2013
© Yves Brault
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