autrement dite Amérique,.... 1990.

ISTOIRE
D'VN VOYAGE
FAIT EN LA T E R R E
DV B R E S I L »
Autrement dite Amérique.
ÙONTKN^Nt X A N ^ r i O A T l O N ,
CT ch^fis rtmàrquMtt ytmes fitr mtr par I*IU)KHT. It tomportetntrU
dtVUltgigumenct p#yi-lÀ. Ltsmaurs Q+fiifonidtvt»ri
tîhdngts itt S0*»agrs Jftimi^maMi : tuuc >» CoUo^m* dt Itur
LtngggtJmfimblt U deferiptit» de plufienrt t^4ntrrtMtx,^frbrts,
finies , Cf é»tr*< ebofts fingidttfet ,Crd» tout intû»m*t fardtff.
dont att yttra'Ut fommatrts dit thépitrts «# comenctmtW îlm liure.
R E V I V E , CORRIGÉE, ET B I E N
augmentée en cefte ifrotficme Edition, tant de figures,
Autres chofes notable* feu le fuicc
de l'authcur.
Le tout recueilli fur les lieux par It A N D F LF. R Y,
rtAttfde U Margelle^erre defatpft Sent,**
'Duebc' de Bourgangnc.
P S I A V M I CVIII.
Seigneurie tecelebrcixy€ntre ,
le*peuples )& te dirajr
Pfeaumc* entre les nations.
î>our les héritiers d'Euftache Vigrïon.
M. n. x c i i i

L'I M P R I M E V R A V X
Lcâeurs, S.
D'^nUnt quelUuthemrdecefleNifloirenet'a pae feulement augmentée
enplufieurs Irnntt,*y enrichie de chvfes btewremarqualies,
Cr digue' dt me mire,Cr mefmes fuyuant la promeffe qu'ilaueit
fait* en fit préface,Ca entre ey embellit de figures em cefte treifieme m -
pref!ien'.m*ie auflt cernent t expérience le menflrer* tUtrtmeM, il ta
uutre cela(t diligemment remette,cerrrgre } ey dreffee, imitefi tieneftlairct
les matures qu'il traite en ternes les pages , que le tem teint en •
femble, £r amfi ieancemp sniemx agencé qu'il neîicit,Jemultr* ctnrme
ytieneuueUeHifteire:c'eftp4urqney fajbteu voulu défié temmencement
admerttr tant ceux que ont défi* >eu U première,que ceux qui me
fcUuem eneeres qne c'efi qu'eue centiemt, que t'il leur flaifl iTempleyer
quelque temps àlwety ânfUerer de près cefte cy,ils y tremnrront beau
toupplm de centemtement,qu'en U précédente. Et quant à me y , ie me
fuit ejfercé de timprimer Le mieux & leplm confirment qu'il nutefté
fofiXlt, fans y efparguer nullement m* peint ne mon tnm*iLu4i»fi
teuifleZamecplaifir dn lobent Uni de VatUtm qne dm mien, rectuant
le tant ttamÇi hen cemr çjr affeihen, qn'il ret* efl prtfmté de noflre
part.

A I L L V S T R E ET P V I S S A N T
S S I C N Ê V R , F R A N Ç O I S ,
Comte de Colligny,Seigneur de ChaftillorijGouuerneur
pour le Roy
en la ville de Montpelicr,&c.
O AT S1 EV R, parce que fheureufe
mémoire de celuy par le moyen du •
quel 1)teu nia fait voir les chofes doé
iay bafli la prefente HtJîoire,me convie
£ en faire recognotffance:puis que lny aueTjuccede',ce
ne fi pat fans caufe, que te prin maintenant
la hardiejfe de vont la prefenter. Comme donc que s
mon intention efi de perpétuer icy la fuuenance
d'vn voyage fan exprejfement en ï. Amérique pour
ejlabltr le pur fermée de Dieu* tant entre Us François
qui s'y ejfoyent retirez., que partniles Sauuages
habitant en ce pays-la: attffîay-ieefiimeefire
mon dtuoirde faire entendre a la poftertté, combien
la louange de celuy qui en fut la caufe çr le motif
doit efire à tamai» recommandableiEt défait* ofanu
ajfeurer t que par toute-Çantiquitéil nefe trouuera t
qu'il} ait iamau eu Capitaine François Chrefiten^qui
tout àvne fois ait efiendu le règne de lefut
Cnrifi Roy des Ityys, ; I

E P t ST R E.
le peu de temps que ces chofes ont duré, ejr que ny
ejlam a prefent non plus noctuelle de vraye Reltgton
que du nom de François pour y habiter,on n'en doit
f.nre cjltme : nonobfiant,di- ie,telles alltgations, ce^
que iay dit ne laiffepas de demeurer toufiours tellement
vray, que tout-atnfi que l"EuatigUe du F ils
de Dieu a ejié de nos tours annoncé en cefte quarte
parue du monde, dite Amérique-, aujji eft-iltrefcertam,
que fi C affaire eufi efté aujfi bien pourfuiut,
qu'ilauott efté heureufèment commencé, que fvn cr
rantre règne, ffrtrituel ejr temporel, y auoyent fi bien
pnns pied de nofhre temps,que plus de dix nulle per
fonnes de la nation Françoifè y feroytnt maintenant
en aujjï pleine & feure pojfejfion pour nefire Roy,
que les Espagnols Tortrtgaùyfontau nom des
leurs.
Parquoy firton quon voulnfl imputer aux ^poftres
la de/truilion des Fglifcs qu'ils auoyent premièrement
drejfees:çr laruint de l'Empire Romain
aux brames g/terriers qui y anoyent iotnt tant d±
belles Prouinces: aujjîparlefemblabte ceux eflans
louables qui auoyent pofe les premiers fondemcns
des chofes que iay dites, en f'^Amérique, il faut
attribuer la faute ejr la difconhuttation, tant à f r
tllegagnon,quu
ceux qui auecluy,au lteu(atnfi qu'ils
en auoyent le commencement, çjr auoyentfait! promejfe
jd'auancer Parjure, J>ntquittéla fjrtereffe
que nous auions bâûit j *c£" le pays quon auott nommé
Fremce AntmNtyuc, aux Portugais : le/quels
s/finttref-bieff v
hccvm?node\. Tellement que
W/krceU il ne lairrapas d'4/ÈÊfrofr à iamais, que
jeu de tref-heureufe rnemiffrmeffire Gasfrard de
Collig>ry Admirai de&SBmW, VoHre tref vertueux
pere,

E P Î S T R E.
pere,ayant exécutéfonentreprife par ceux qu'il enuoya
en l'Amérique* outre ce qu'il en auott affuictti
une partie a la couronne de France, fit encore ample
premti du z.ele qu'il auott que VEuangilefuft
non feulement annoncé par tetti ce Royaume t mais
aujft par tout le. monde vntuerfcl.
"Voila, Aionfieuf, comme en premier lieu z(fus
considérant reprtfentet la perfinne de ce/} excellent
Seigneur, auquel pour tant d'ailes généreux la patrie*
fera perpétuellement redeuahle , iay publié ce
mien petit labeur fous vofir'e authorité. loint que
par ce moyen ce fera à vous auquel Theuet aura
non feulement à reffwndre, de ce qu'en gênerai, çr
autant qu'il a peu , il a condamné & calomnié la
caufe pour laquelle vous fifmcf ce voyage en TAmerique,
mais aujft de ce qu'en particulier, parlant
de f ' Admtrauté de France en fa Cofmographte , il
a ofe abbayer contre la renommée fouèfue (Jr de
bonne odeur à tous gens de bien, de ce lut qui en fut
la caufe.
T)auanta^e,M.onfieur,voîlre confiance & magnanimité
en la defenfe des Figlifis reformées de ce
Royaume, fatfant tournellemefit remarquer combien
heureufèment vow ficjucz. les traces de celuy,
qui von* ayant fubslttué en fon lieu* foufienant cefle
mefme caufe\y a ejpandu tu/ques à fin propre fangr
cela,di-te .enfécond lieu ni ayant occafionnéenfemble
pour recognoifire aucunement le bon efr.honnefle
accueil que vous me fisles en la ville de Berne',
et laquelle, après ma dehurance du fiege famélique
deSancerre, ie vous fis trouuer, t'ay-esiê du tout
induit de ni aireffer droit avons, le fçay bien cependant
ju'encores que le fttet df eeïle Hiîlctre
A. iij.

-épisyrx e.
/oit tel,que s'il vous venait quelques fou enuie d'en
OHyrla lefture, il y a chofes ou penrrteT^prendre
p/atfir, néanmoins pmrTefgaridn Ungage, rude
tjr mal Poli, ce nesleit vas amxomiéleemvnSeigneur
fi bien< tnïtrmt dès fèn bas aagennx bonnes
lettrée ftte ie le dentée faire/entier. Atau m ajftitrant
que par voîhre naturelle debinktreeé, retenant
ma bonne affeEHon, veut fittperterel ce défont ,-te
n 'ay point fait difficulté étofi*îr& eUmer ce que iay
pettytttnt a la fainfle mémoire in père* -que pour tefmotgnage
du tref humble ferme* que ie defire continuer
aux enfans. Surquey,
Monfieur,ie prier ay t Eternel qn'auec Aiejfienrt
vos frères, & Madame de Teltgnyvoîhre four,
fplantes portons frutSls dignes dn trône d'où elles
font tffuenjvout tenant en fa/âin8e protethe-n, ilbentffe
(jrface profperer de plus en plut vos vertneufes
& eenereufes allions.£V vingteinquiente de Décembre
,rml cinq cens foixante ejr dtxfept.
Voftre tref-humble & afre

fon di&ours de l'Hiftoire 4c
l'Amérique.
I'H O N o R tceTf^-UftimucielnùSpeêrmeine,
Et iicy méfait votr c*t tout hunxniunuèmeni:
ltfrifitofitctiHjqmfmiiWmmiini*
Et lafore* ey ? effet, & m'tmjiiïmt* leurpeint,
h remeref celuy qui heureufemëwtfeimé 1
'
Peur de terre tirer diue^mté^aniens:
Mais qui me met em >» ces frets enfilgmtmensj
Km fer te,à me» admis, ynek+anjptfiriM*.
Telefl ce tien labeur, ty enctres pèmtPéam,
De L i k. Y, qui neus peinsvuntimtde teutmeuuea»,
Et fon ciel, ey fon eau fatetrtj&fisfruitis.
Qtifans momlur U piedmeut trém^rfisTyifriéjue,
Qjfifans naufrage ey peur meut rends eu î Amérique
Vejjout le gouvernail de M plume conduits
L. Dincau.1577.
P. Mclet à M. De Lery, fon
I
fingulietami.
Gy(wmDe L b R Y ) tu plumu atteuronne*
A deferire les moeurs,les pobets ey kfx.
Les fauuages façons dufiepffrt §y des fieys
Du pays meegnu 4 ce grand Ft^eme:
Nousfaifant >«r dequey celle terre eSjornee,
Les animaux âiuefs errant parmi les bots,
Les combats tref^rmeb, ey les bramas harmtis
De celte nation brufqnememt f^mumte:
Jf eus feignant te» retour dm ciel ^dmenquat»,
OÙ tu te tis prefféd'vnetref-ajprtfaim.
Mais telle faim, helas, ne fit fi dure guerre,
Ui la faim itluia.m celle fffrutl,
Où U mere commit l'aile énorme ey cruel:
Que celle q»at ailleurs efcritè dt Sancerre.
A. iiij.
•> 1 1

A Ieao De letfifo ton Hfftoir»
4e|'Apttc9itae f
Al hï v r. eflbom-t^dhrem ~) À quelque tbeft.
1V1 «desfrif*asn*gtMUtkmmts Utx.
Ve ce, L l K. Yt.t&*W***Jkf*' Prruue cettdmt mjlté iiUfimt tmtU/e.
fureur, mehjcùgr, trU^grnmdi^k
ViUegesgmem, Thtmep&bFraBfuu,
^ retarder de upàtm%(Â*utx, ,
Et les difeemrs tant bemu^fm'éiUfrtpefe.
Méùstm \okeur,Jt yot temrmge imeUmti,
Tous ctt efforts emfmy^Jmrmmti;
Et mieux paré demaut (mm Hft rouge.
Comm/tcmtx, terre, bjmmntt ey faut diuen
T» noms fktt w», mu/i pat lyumert
Fêle t eu Imrt,

P R E F A C E .
' O v R c E qu'on fe pourroït csba-
, hir de ce qu'après dixlruît ans pàf-
, fez q* i'ay faille voyageenl'Arrie-
Jrique, l'aye tât attêdu de mettre cefte
hiîtoïrc en lumière, i'ay eftime*, en premier
Heu eftre expédient de déclarer les chofes qui
m'en ont empefehe. Du commencement c ue
iefus de retour en France, montrant les mémoire*
que i'auois, la plufpart efçrits d'an

P R É F A C E .
laifle à celuy qui le m'auoit traoicntjie fis tant,
qu'excepté le Colloque du langage des fauuages,
qu'on verra au vingtième cnapitrc.duquel
moy ny autre n'auoit copie, î'auois derechef
lejtout mis au net. Mais quand ie l'eus acheué,
moy eftant pour lors en la ville de la Charité
fur Loire.les confuftons furuenantes en Francs
fur ceux de la Religion, ie fus contraint, à fin
d'euiter celle furie,de quitter à grâd hafte tous
mes Hures & papiers pour me (auuer à Sancerre
: tellement qu'incontinêt après mon départ,
le tout eftant pillé, ce fécond recueil Ameriquain
eftat ainfi efuanoui, ie fus pour la féconde
foispriué de mon labeur. Cependant comme
ie faifois Vn iour récit à vn notable Seigneur
de la première perte que i'en auois faite
a Lyon,lny ayât nôiné ecluy auquel on m'auoit
eferit qu'il auoit efté baillé, il en eut tel foin,
que l'ayant finalement recouuré, ainfl que l'an
paffé 15 7 6.'\e parfois en fi m'aifon,il me le rendit.
Voila côme iufques à prefent ce que i'auois
eferit de l'Amérique, m'èftât toufiours cfchappé
des mains, n'auoit peu venir en lumière.
MAIS pour en dire le vray, il y auoit encorcs,qu'outre
tout cela,ne fentant point en moy
les parties requifesDpur rhetVre à bon efciétla
main à la plume,âj«nt vèu des la mefnie année
que ie reuïns de Ce pays-là, qui fut 1558. le liure
intitula Des fingularitez de i'AmeriqueJcquël
monlîeur de là Porte Aiyuintles contes & mémoires
de frère André 1
Theuet, auoit dreffe &
difpofé.quoy que ie n'ignorafle pas ce ^ Monsieur
Fiante, ta ftpreface fuiThiftr générale

P H -E f A C E.
deslndes,a fort bien remarqué raffauoir quece
Hure des Singularitez eft fingulierement farci
demenfonges, fi l'autheurtoutesfois fans pafferplusauactfe
fuftcontenté décela, poflibU
eufle-ieencoresmaintenantletout fupprimié.
MAIS quand en cefte prefcnte année 1577. -
liCrnt laGofmograpbie de Theuet,i'ay veu que
il n'a pas feulement renouuelé & augmenté fcs
premiers erreurs.mais qui plus eft(eftimâtpof
îîble que nous fùftîons tous morts, ou fi quelqu'vn
reftoit en vie.qu'il ne luy oferoit contre
dire)faosautreocca(ion,querenuie qu'il a eue
de mefdirc & detraâer des Miniftres,&par cô
fequent de ceux qui en l'an 15 5 (S-tcs accompagnèrent
pour aller trouucr Vjllegagnon en la
terre du Brefil, dont i'eftois du nombre, auec
des digrefiïons fauffes, piquantes, & imurieufes,nous
a impolé des crimes.à fin,di-ie, de repouffer
ces impoftures de Theuet,i'ay efté côme
contraint de mettre en lumière tout le discours
de noftre voyage.Et à fin, auant que paffer
plus outre, qulon nepenfepas que fans trefiuftes
caufes ie me plaigne de ce nouueau Cofmographcie
récitera/ icy les calomnies qu'il a
mifes en auant contre nous, contenues au Tome
fécond, Hure vingt & vn,chap.2.fueil.oo8.
A v refte(dit Theuet)*'****/ oublié à vous dire il démit di
que feu de temps auparauant y auott eu quelque « eubUi
feditton entre les Français aduenue par la diutfion ** m
*^ ti
îi
ejr parttafitez. de quatre Mmiflres de la Religion
nonuelle,que Çalutny auoit enuoyez.pourplatetfa
fangUnte Euangi/e, le principal de/quels eftoit t/n
minifirefeditieux nommé Richier , qui auoit efté

P R B T A C S.
Carme ejr DoUenr de Paris quelques années aupa -
rouant fon veyage.Cet gentilspredicans ne tafchas
que s'enrichir ejr dttrapper ce qùtts pouuoyent, firent
des ligues ejr menées fecrettes, qui Jurent caufe
que quelques-vns des noflres furent par eux
tuez,. Mat s partie de ces fedtcieux e flans prinsfu
rent exécutez., çjr leurs corps domte^ptur paflure
aux poijjons : les autres fe fauuerent, du nombre
de/quels efloit ledtfl 'Rjchier, lequel bien tofi après
fe vint rendre Mtntflre a la Rochelle : là où i'efli
me qu'ilfoit encore s depresct.Les Saunages irrités
de telle tragédie t peu s'en fallut qu'rls ne fe ruajfent
fur nom,ejr nùffent à mort ce qui refloit.
VOILA les propres paroles de Theuet, lesquelles
ie prie les le&eurs de biê noter.Car corne
ainfi foit qu'il ne nous ait iamais veu en l'Amérique,
ny nous fcmblablement luy, moins,
comme il dit, y-a-il eflé en dâger de fa vie à no
ftre occafîon : ieveux monftrer. qii'ilaeftc en
ceft endroit aurtï afleuré menteuryqu'impudent
calomniateur. Partant à fin de preuenîr ce que
pofliblcpour efchapper il voudrait dire, qu'il
ne rapporte pa*£>n propos au têps qu'il eftoit
en ce pays-la, rhais qu'il entend reciter vn fait
aduenu depuis (on retour'.- ie luy demande en
premier lfeu,fi cefte façon de parler tit exprçfie
dont il vfeafiâuoir,^/ Saunage* ttrkés Me telle
tragédie ,peu s'en fallut qu ils ne fe ruajfent fur
nous, çjr nujfrnt àmert te refie, fe peut autrement
entendre, ft non que par ce, nous,luy fe mettant
du nombre, il vueilledirequ'ikfot etroètofe'en
fon prétendu danger. Toutesfois fi tergiutrfant
d'auant3ge,uVouloit toufiours nier que

P R É F A C E .
fon intétion ait efté autre que de faire àcroîre
qu'il vit les Minières dont il parle, en l'Amef i-»
quc:efcoutons encores le langage qu'il tient en
autre endroit.
AH rtsle ( dit ce Cordelier ) Si teuffe démettre Tom. x.V.
9 fus long temps en ce pays là, teuffe tafché àgagiiet «• cbap.%.
lésâmes efgarees de ce poure peuple ,pluilosl quefl- 9
**'
rneftudier à fouiller en terre, poury eercher les ri-»
chejfes que nature y a cachées. Maie tf autant jue
ie rieftois encores bien verfe en leur^langage, ejr que
les Minijlresque Calutny auoit enutrye^jpûurplan
ter\fa nouuelle Euangtle, entreprenoyent cefte charqe.enuieux
de ma délibération, ie latjfay cefte mienne
entrepnfe. -
CROYEZ le porteurjdit quelqu'vn, qui à bo
droitfenjocque detels menteurs ilouage.Parquoy
fi ce bon Catholique Romain, félon la rei
gle de fainct François, dont il eft, n'a fait autre
preuue de quitter le monde que ce qu'il dit,
auoirmefprifé les" richeffès cachées dans les entrailles
de la terre du Brejih ny autre miracle que la
conutrfîon des Sauuages Àmeriquains habitans
en icelle, defquels ( dit-il) il voulait gagner
les amet, ft les Mimîlres ne l'en eujfent empefché, '
il eft en grand danger, après que i r
auray monftré
qu'il n'en eft rien, de n'eftre pas mis au Calendrier
du Pape pour eftre canonifé, & réclamé
après fe mort comme monfieur faint Theuet.
A fin doneques de faire preuue que tout ce
qu'il dit ne font qu'autant de ballfuernes, fans
mettre en confideration s'il eft vray-femblable
Sue Theuet, qui en fes eferits fait de tout bois
cfçhes,côme on dit : c'eft à dir e.ramafle à tors

P R E F A C E J
& à trauers tout ce qu'il peut pour allonger &
colorer Ces côtes, fe fuil tcu on fon liure des Sirt
gularitez de l'Amérique de! parler des Ministres
, s'il les euft veu en ce pays-la, & par plus
forte raifon s'ils euffent rommisce dont il les
aceufe à prefent en fa Colmographie imprimée
feize ou dixfept ans après: attendu mefmes que
par fon propre tefmoignage en ce liure des Sin
t^yt^ln. gularitez, on voit qu'en l'an 1555.1e dixième de
i+n cr Nouembre ilarriua au Cap deFrie,& quatre
«o.

P R É F A C E .
nu fort de Colligny, pendant que nous y eftiôsj
moins y eut: il vn feul François tue' de noftre
temps- Et partant fi Thcuet veut encores dire,
que quoy qu'il en foit, il y eut vne conjuration
des gens de Villegagnon contre luy en ce pays
la,en casjdi-ie.qo'il nous la vouluft imputer, ic
ne veux derechef pour nous feruir d'Apologie
, & pour monftrer qu'elle eftoit aduende auantque
nous y fuflîons arriuez, que le propre
tefmoignage de Villegagnon. Parquoy combien
que la lettre en Latin qu'il efcriuit à M.
Iean Caluin , refpondant à celle que nous luy
portafmes de fa part, ait ia dés long temps efté
traduite & imprimée en autre lieu : & que mefme
fi quelqu'vn doute de ce que ie di» 1 original
eferit d'ancre de Brcfil, qui eft encores en bonne
main, face toufiours foy de ce qui en eft:
parce qu'elle feruira doublement à cefte matière,
aflauoir, & pour refuser Theuet, & pour
monftrer quant & quant quelle religion Villegagnon
faifoit femblâr de tenir lors,ie I'ay enco
res icy inférée de mot à mot.
Teneur de la lettre de Villegagnon cnuoyec de
t Amérique a Caluin.
IEpenfe qu'on ne feauroit déclarer par paroles
combien m'ont refiouy vos lettres, & les
frères qui font venus auec icellesJl.s m'ont trou
u
é réduit en tel poind > qu'il me faloit faire office
de ISÎigiftrat, & quant & quât la charge de
Miniftre de l'Eglifercc qui m'auoit mis en grande
angoifle. Car l'exéple du Roy Ozias me de-

P* R B f \ C fiJ
ftournoit d'vnetellémaniëredéviure.-mais i'c
ftois contraint de le fâire,de peur que nos ouuricrs,lefquelsi'auoisprinsl
louage & amenez
pardeçà, parla frequention'de ceux de la natiô.ne
vinflent à fe fouiller de leursvices:ou par
faute de continuer en l'exercice de la Religion
tôbalTent en âpoftafie: laquelle crainte m'a efté
oflee par la venue des frères. Il y a auffi ceft aduantage,
que fi d'orefenauant il faut rrauailler
pour quelque affaire, 8c encourir danger, ie
n'auray faute de perfonnes qui me confolent 8c
aident de confeil , laquelle commodité m'auoit
efté oftee par la crainte du danger, auquel
nous fommes. Car les frères qui eftoyét venus
de France pardeçaauccmoy eftâs efmeus pour
les difficultés de nos affaires s'en eftoyent retirez
en Egypte,chacun allegant quelque exeufe*
Ceux qui eftoy et demeurez eftoyct pauures ges
fouftreteux 8c mercenaires félon que pour lors
ie les auôis peu recouurer. Defqoels la condition
eftoit telle que pluftoft il me falloit crain
dre d'eux que d'en auoir aucun foulagement.
Or la caufe de ceci eft, qu'à noftre arriuee toa
tes fortes de fafcheries 8c dif&cultez fe fôt dref
fecs, tellement que ie ne feauois bonnement
quel aduis prendre, ny par quel bout commen
cer. Le pays cftoirjd* tout defert* 8c en friche,
& n'y auoit point de raaïfon,riy de toi

P a s # A é ké.
netteté ni de vertu, de ce qui eftdroît ou iniuU
fte :.en forte qu-'ii me venoft en penfW,afTauork
fi nous eftiôVtombez entre des beftes portas la
figure hnmtifte.il nous falbirpouruoir à routas
ces incoitBwMitetl bon efcient,& en toute dih
ligencév4k>jr trouuer remède pendant que les
au deipourueujAttMfïènt à mort. lîyauoit dal
uantage, le voifioige des Pottugaflok, lefquels
ne nous voulans pointide bien, fit n'ayaris pea
garder le pays que nous tenons maintenant f
prennent fort mal à gré qu'on nous f ait receu,
& nous portent vne haine rtJbrtene. Parquoi
toutes Ct« chofes fe prertntbyént à nous
enfemble; «Éauoir qu'il nous falloir choifir vri
lieu pour noftre retraite, le deirichiér 6z fcpplai
nir, f menerdétoutes part» delà ptooinon Si
munition, drefler des-forts, baftir déi^oi&s 8è
logis pour la garde de noftre bagage, âmVmbler
d'alentour la matière cVeftofFe, «fr par faute de
beftes le porter, far les dtaules au naut tf vn coftao,
par det lieux forts & bois rrfejnflefchâs*
En «litre, d'autant Que ceux du pays 'vibentau
iour la fournée, rte fe fouefans de labourer la
terre,oo«s ne trouvions point de vîtff«*fTernblea
en vn certain lieu, mais il noosiéslaflioit
aller recuedirr & qoetir bien loin çî & B : d ont
il adatfftoit ^ac^omé compagnie .petite comme
eUe^ftott * ft«ç*flairement s'efeartoit & diminuoifc
A caûfe "de cea

P K B P A C ï.
defefperees, comme i'ay. défia demonftré, ont
reoroufle chemin: & de ma part auflî i'en ay efté
aucunement efmeu. Mais d'autre cofté penfant
à part moy que i'auois afleuré mes amis»
que ie me departois de France, afin, d'employer
à l'auancement du règne de Iefut Chrift,
le foin Se peine que i'auois mis par ci-deuant
aux chofes de ce monde : ayant cognu la vanité
d'vne telle cftude & vacation, i'ay eftimé que
ie donner ois aux hommes à parler de moy, &
de me reprendre, & que ie férois tort à ma réputation,
fi t'en eftois deftourné par crainte de
trauail ou de danger : davantage puis qu'il eftoit
queftion de l'affaire de Chrift , ie me fuis
afleurc qu'il m'aflîfteroit, & ameneroit le tout
abonne & heureufe iflue. Parquoy i'ay prins
courage, & ay entièrement applique mô efprit
pour amener à chef la choie laquelle i'auois
entreprifç d'vne û grande affection,pour y employer
ma vie. Et m'a femblé que i'en pourrois
venir à bout par ce moyen, fi ie faifois foy de
mon intention & delîein par vne bonne vie &
'/> entière» & fi ie retiroislà troupe des ouuriers
que i'auois.amenez de la compagnie & accotntance
des infideles.Eftant mon efprit adonne à
cela, il m'a femblé que ce n'eft point fans la
prouidepec de Dieu que nous ibmmes cnUeloppez
de ces affaires, mais que cela eft aduenu
de peur qu'c/lans gaftez par trop grande oifiueté,
nous ne vinmomàla/chçrlabrid«àa«o8
appétits defordonnez & ^eijj||ans. En après,
il me vient en mémoire, qu'il n'y a rien fi haut
& mal-aifé, qu'on ne putffc fuxmontcr en fe

I,.,«I U„mm,...,,.„»...•„,•.•,.•. ,,... i-r— •—-r
P R E F A C S<
par forçant; partant qu'il faut mettre fon efpoîr
& fecours en patience & fermeté de courage,
& exercer ma famille par trauail continuel, &
que la bonté de Dieu affiliera à Vne telle affection
& entreprife. Parquoi nous nous foraines
tranfportez en vne Ifle cfloignee de terre
fermed'enuirondeux lieues, Se là i'ay choifi
lieu pour noftre demeurc,afin que tout moy^n
de s'enfuir eftant ofté, ie peufle retenir noftre
troupe en fon deuoir: &poùrce que les femmes
ne viendroyent point verynous fans leurs
maris, l'occafion de forfaire en ceft endroit fut
retranchée. Ceneantmoinsileftaduenu, que
vingtfix de nos mercenaires eftâs amorcez pfar
leurs cuplditez charnelles, ont confpiré de me
faire mourir.Mais au iour afilgné pour l'exécution,
l'entreprinfe m'a efté reueleepar vndes
complices,au mefme inftant qu'ils venoyent en
diligence pour m'accabler. Nous auons euité
vn tel danger par ce moyen : c'eft qu'ayant fait
armer cinq de mes domeftiques, i'ay commencé
d'aller droit contre eux : alors ces confpirateurs
ont efté faifis de telle frayeur & eftonnement,
que fans difficulté ni refiftance nous auons
empoigné & emprifonné quatre des p*in
cipaux autheurs du côplot qui m'auoyentefté
déclarez. Les autres elpouuâtez de cela, laifiahs
les armes fe lot tenus cachez.Le lédemain nous
en auons deflié vn des chaînes, afin qu'en plus
grade liberté il peuft plaider fa eau fermais prenant
la courfe,il fe précipita dedans la mer, &
s'eftouffa. Les autres qui reftoyent,eftans amenez*
poureftrcexaminez, ainli Wcz comme ik
R. i».

P R E F A C E .
eftoyent,ont de leur bon gré (ans queftion déclaré
ce que nous auions, entendu, par celui qui
les auoit accu fez. Vn djiceux ayant vn peu auparauant
efté chaftié de moy, pour aùoir eu affaire
auec vne putain, s'eft demonftré de plus
mauuais vouloir , & a dit que le commécement
delà coniuration eftoit venu de lui, & qu'il auoit
gagné par prefens le pere de la paillarde,à
fin qu'illetiraft hors de mapniifance, fi ie le
prelloye de s'abftenir de la compagnie d'icellei
Ceftui-là a efté pendu & eftranglé pour tel forfait
: aux deux autres nous auons fait grâce , en
forte neantmoins qu'eftans enchainez ils labou
rent la terrerquant aux autres ie n'ay point vou
lu m'informer de leur faute, afin que l'ayant
cognue & auerec ie ne la laifiafle impunie,ou fi
j'en voulois faire iuftice, comme ainfi foit que
la troupe en fuft coulpable , il n'en demeuraft
point pour paracheuer l'oeuurc par nous entreprins.
Parquoy en diffimulant le mefeontentement
que i'en auois nous leur auons pardonné
la faute,& à tous donné bon courage: ce neantmoins
nous ne nous fommes point tellement
affeurez d'eux, que nous n'ayons en toute diligence
enquis & fondé par les actions & deportemens
d'vn chacun ce qu'il auoit au cœur. Et
par ainfi ne les efpargnant point, mais raoimefme
prefent les faifant trauailler, non feulement
nous auons boufché le chemin à leurs
mauuais defteins, mais aufli en peu de temps
auons bien muni & fortifié noftre ifle tout à
l'entour. Cependant félon la capacité de mon
efprit ie ne ceflois de les admonnefter & de-
ftourner

(tourner des vices, & les inftruiré en la Religiô
Chrétienne, ayant pour ccft effeét eftabli tous
les iours prières publiques foirj& matin:& moyennant
tel dcuoir & pouruoyanCe nous auons
parte le rcftc de l'année en plus grand repos.Au
refte,nous auons efté deliurez d'vn tel foin par
la venue de nos nauires : car là i'ay trouué perfonnages,
dont non feulement ie n'ay que faire
de me craindre, mais aufli aufquels ie me puis
fier de ma rie.Ayant telle commodité en main,
i'en ay choifi dix de toute la troupe, aufquels
i'ay remis la puiffance & autorité de commander.De
façon que d'orefenauant rien ne fe face
que'par aduis ae confeil, tellement que (i i'ordonnois
quelque chofe au preiudice de quelqu'vn,il
fuft fans effet ny valeur, s'il n'eftoit autorifé
& ratifié par le confeil. Toutesfois ié me
fuis referué vn poin

P»« VA e ni
tref-humblement en mon nom.
Il y a encor à la fin dç celle lettre de Villegagnon
vne claule eferice de fa propre main:
mais parce que ie l'alléguera y contre lui mefme,
au fixiefme chapitre de cefte hiftoire, afin
d'obuier aux redites,ie l'ai retrâchee en ce lieu.
Mais quoi qu'il en fott,puu que par cefte narration
de Villegagnon il appert tout euidemmêe
que contre vérité Theuet,enfa Cofraographie
a publié Se gazouillé que nous auions efté auteurs
d'vne (édition au fort de Colligny:attendu,
di-ie, que, commeilaefté veu,nous n'y eftions
pas encores arriuez quand elle y aduint,
c'eft merueille que cefte digretfion lui piaife
tant,qu'outre ce que deflus, nefe pouuât faouler
d'en parler, quand il traite de la loyauté des
Efcofiois,accômodant cefte bourde à fon propos,voici
encor ce qu'il en dit.
Tem i fidélité de/quels iay aufli cognue en certain
S». 16. th. nombre de Gentils homme s rjrfhldats, nom occomi.fol.66y
pognons fur nos n autre s en ces pays lointains delà
France AntarUique, pour certaines contnrattons
* faites contre noîbre compagnie de François iJormands,le/quels
pour entendre le langage de ce peuple
fannage tfr barbare, qui n'ont prefqne point de
raifon pour la brutalité qui eft en eux, attoyent intelligence
, pour nous faire mourir tout, auec deux
Roitelets du pays, aufquels ils ouoyét promis cepeu
de biens que non* autons. Mais lefdtts Efiofiètfen
eftant odnertis, defcoMurtrent tentreprtje OU Seigneur
de Vtllegagnen ejr a moi an(fi,dnqwlf00 fuirent
m f bien choftie\ ces impéfteurs , aufli fien
que les Miniftres que Çolutn y anett enuoyeX •, qui
beurent

Pub «ace*:
beurent vn peu plu* que lenrfunl, eft ans eomprins
en U ctnffartttfon.
Derechef Thcuetentaflant matière fur
maticre.ea» «baraflànt dt plus en plus,ne fçait
Ju'il veut dire en, ceft endroit; mettant trois
iuers faits enfemble > dont l'vn toucesfois eft
faux & fuppofc par luy «lequel i'ay ia réfuté &
deux autres aduenus endiuersteps; tât se fjtut
encores que les Efcolîois luy euflent reuele la
coniuration dont H parle à prefent.qu'au con-
traire(comme vous auet entendu) luy eftant du
nombre de ceux aufquels Villegagnon rcpro­
choit par fa lettre quils s'en cftoyent retournez
ea Egypte.c'eft àdirc (à la Papauté)dcquoy>on
peut aufli recueillir quetous réciproquement
auant quelprtir de France luy auoyêt fait pro­
mette defe reoser à la religiô reforraee»laqi|el-
lc il difoit vouloir eftaUir on il allait i il no fut
non plus compris en ce fécond Ôt vray danger,
qu'au premier imaginaire & forge en fon
ccrueau.
TOVCHANT letroifieme, contenant que
quelques fedttieux ctmpégmns de Tenter furent
exeewez., rfr leurs cerfs donnez, peur f*Stureuux
p«if[tns '. iedi iuffiqup tant s'en faut que cela
fon vray.de Js façon que Theuet le dit, qu'au
contraire, ainfi qu>iliepaveu aodifeours de ce­
fte hiftoire «combien que ViUeJjjagnon depuis
fareuoke de la Religion (nous fiff vn tref-mau-
uais traittnsent,i3aaty a que nefe fentant pas le
plus foft,itoafsulernent Une fit mourir aucuns
de noftre compagnie auant le département de
du Pont noftre conducteur & deRichier, auec
B. iiij.

lefquel* ie repaflày la raer^nai» auffi ne noàs o-
Tant ni pouuant retenir par forte, nous partiffmes
de ce pays-là aoee fop longé : frauduleux
toutesfois, comme ie d'Iraq ailleurs. Vrayeft»
ainfi qu'il fera aufli reu en ton lieu, que de cin«f
de noftre croupe qui après lé premier naufrage
que nous ouidaûncs faire, «enutron bmSt ioon
après noftre embarquement,s'en retournèrent
dans vne barque en la terre des fàuoages. Il en
fit voircment, cruellement 8c inhumainement
précipiter trois en mer.non toutefois pour aucune
fedkiqn.qu'ils euflent entreprise, mais,
côme l^hiftoire qui en eft au liure des martyrs
de noftre temps ^e tefmoigne, ce fur pour la
confeflîon dcfEuangile, laquelle Villegagnon
auoit reicttee. Oauanrage comme Theuet, ou
en s'abufant, ou maliaeiiftroent ^it qu'ils eftoyent
miniftres: aufli encor en attribuant à
Caluin Tenuoy de quatre en ce pays-là, commet
il vne autre double faute. Car en premier
lieu les élections & enuoy des pafteurs en nos
Eglifes fe faifaot par Vordrt nui y eft eftabli,,affauoir
par la voyé des Conliftoirei, & de phifieurs
chotfis êt aurhorifei de tout le peuple, il
n'y a homme entre nous, qui, coowaeleBape,
de puifTance sbfolue puîiTe faire telle diofe.Se^
condement^oant aunombre,il ne fe tro'uuer»
pas qu'il pa^bft en Ce temps^(&croiqn'il n'y
en a point en depuis) pWo^deoèn«mftres
en l'Amwmie, af&npirRiilûw'JtCliaTticr.
Toutesfois béor cedimiieravatt)«¥ for celai
de la vocation de'ceu» qui fuMgi ooftxCTh^
uet réplique; quen']iregard«ocpaS' ,
de fipresil
appelle

'T
appelle tous'ceux qui «ftoyent en noftre ce
pagnieMiniftres rie lui refpons, que tout ainfi
qui il fçait bien qu'en l'egtife catholique Romaine
tous ne font pas cordeliers comme il ejft,
qu'aufll, fans faire comparaifon, nous qui faifons
profêflîon delà ReligionÇhreftiennd&
Euangelique,n'eftans pas rats-enj>aille,comibe
on dit.nefommes pas toosMitliitres.Et au forplus,
parce que Theuet ayant aufli honorablement
qualifié Richier du titre de Miniftre, que
fauffement du nom de feditieux (ioi concédant
cependant qu'il a vrayement quitté (on doctoral
Sorboniquc ) pourroit prendre mal à gré,
qu'enrecompenfe, 8c en lui rcfbondantiene
lui baille ici autre titre que de cordtlier : ie fais
content,pour le gratifier en cela,delenornnSer
encor, non feulement lîmplcmcht Cofmographe,
mais qui plus eft fi gênerai & vniucrfel,
que comme s'il n'y auoit pas uftet de chofes remarquables,
en toute cefte machine ronde, ni
en,ce monde (duquel cependant il eferit ce qui
eft & ce qui n'eft pas ) il va encores outre cela*
cercher des fariboles au royaume de la Lujné,
pour remplir & augmëter (es liiïres des conrcs
de la cigongne. Dequoineantrrioins, corrime
François naturel que ie fuis, ialbux de l'honneur
de mon Prince, il me fafche tant plus,que
non feulement celuy dont ie parle eftant enflé
du titre deCofmographe du Roy en tire asgêt
& gages (i mal employez, mais, ^uî pis eft,qVif
faille qée par ce moyen! des *iai(eries,indigne*
d'eftre couchées en vne fiinplemifljue, foyjent
couuertes &> authorifees du nom Royal. Au

P t E f A C B<
refte,à fin de faire fonner toutes les cordes qu'il
a touchées, combien, que i'eftime indignejie
refponfe, que pour monitycr qu'il mefure tous
les autres à l'aune & àlareigle de S. François»
duquel les frères mineurs «comme luy, fourrent
tout dans leurs bcfaces, il a iettealatrauerfe,?ue
les preaiteattStCotame U parle,«&cws or
rtuex.en C Amenque^teta/chans qu à s enrichir jet*
attrappoyent eu tls en peuueytnt aumir: puis toutesfois
que cela (qui n'eft non plus vray que les
fables de l'Alçoran des cordeliers ) eu fciemment
Se de gayetc de cœur, comme on die » attaquer
l'efcarraouche, contre ceux qu'il n'a iarpais.
veu en l'Amérique ni receu d'eux dtfplaifir
ailleurs : eftant du nombre des defêndans» il
faut qu'en luy reicttantles pierres qu'il nous a
voulu ruer,en fon iardin, ie defcouure quelque
peu de fes autres friperies.
P o T R donc le combattre toufiours de fon
propre bafton, que rcfpondra-il fur ce qu'ayant
*ch*ti P'^^rement dit en motsexpers en ion liure
f,lu/
4
des fingularitez * qu'il ne demeura que trois tours
un cap de prie » il a neantmoins depuis eferit en
Um.xi.ch*. kCoCmogriphic tqnrfy fet*urna quelques mois.
4./0/.91J. Au moins fiauitagulier ileuft dit vn.rn.ois, &
puis là deffiis faire accroire, que lesiours de ce
pays la durent vn peu plus dvne fepmaine* il
luy. euft adioufté foyqui enft voufutmaisd'eftedre
le feiour de trots iours à quelques mois,
fous correction » nous n'auons point encores
apprinsque les ioursphis égaux fous la zone
Torride 8c près des Tropiques qa'en noftre cli
mat,fe tranfmueat pour celaeasnois.
Outre

""""" " " "'""f I ' f
P R » F A C E. ;
Outre plus, penfant toufiours esblouyr les
yeux de ceux qui lifent fes ccuures, nonobftant
que ci deflus par fon propre tefmoignage i'aye
monftré qu'il ne demeura en tout qu'enuiron
dix fepmaines en rAroeriquetafiauoir depuis le
dixième deNouembre 1555. iufques au dernier
delanuier fuyuant, durant lefquelles encores
(comme i'ay entendu de ceux qui l'ont veu par
delà) en attendant que les nauires où il reuint
fuflent chargées, il ne bougea gueres de l'ifle
inhabitable où fe fortifia Villcg*gnon:fi eft-ce
qu'à l'ouyr difcourir au long & au large, vous
diriez qu'il a non feulement veu, ouy & remarqué
en propre perfonne toutes les couftumes
& manières de faire de celte multitude dediuers
peuples fauuages habitansen cefte quarte
partie du monde,mais qu'au (fi il a arpenté toutes
les contrées de l'Inde Occidentale : à quoy
neantmoins, pour beaucoup de raifons, la vie
de dix hommes ne fuffiroit pàs.£t de faift,com
bien qu'à caufe des deferts & lieux inaccefllbles
me fine pour la crainte des M argot M ennemis
iurez de ceux de noftre nation,la terre defquels
n'eft pas fort efloignee de l'endroit où nous demeurions,il
n'y ait Truchement François,quoy
qu'aucunr dés le temps que nous y eftions, y
cuflent ia demeurez neuf ou dix ans>qui fe vouluft
vanter d'auoir efté quarante lieues auant
fur les terres (ie ne parle point des nauigations
lointaines fur les riuages ) tant y a que Theuct UUMxhal
dit, auoir efté foixante lieues çjr dauantage auecvjfag.yiï
desfauuages, cheminans tour çjr nutU dans des bois
ejpats ejr toffus ,fans auoir trouuébtîle qut tafchaft

Tom t L. ^
P R É F A C E .
à les offenfer. Ce que ie 'croy aufli fermement,
quât a ce dernier point,la (Tau oir qu'il ne fut pas
lors en danger des bcfnrs fauuages, comme ie
m'afTeure que les efpinesny les rochers ne luy
efgratigivcrcnt g< cres les mains ny le vifage,ny
gaffèrent les pieds en ce voyage.
A 1 s
u r t o u t
^
S u
n c
'
s'èsbahiroit de ce qu'a-
v.fhap.j, yant dit quelque part, qu'il fut plus certitude ce
fdg.911. qu'il a efcrtt de la manière de vtnre des Saunages,
après qu'il eut apprins à parler leur langage, en fait
neantmoins ailleurs (i mauuaife preuue,quc Pa,
lÀhmtfme qui en cefte langue Brafiliene veut dire ouy,
tmshap.t. eft par luy cxpole, Et vous aufli? De façon que
t

P R É F A C E »
en baillera des plus vertes & plus Cornues.
Q J E dirons-nous audl de ce que s'efearmoufchantfi
fort en fa Cofmographie contre
ceux qui appellent cefte terre d Amérique, Inde
Occidentale» à laquelle il veut que le nom
de France Antarctique, qu'il dit luy auoir premièrement
impofé demeure, combien qu'ailleurs
il attribue cefte nomination à tous les
François qui arriuerent en ce pays-la auec Vil- sm
£ ef
"*flegagnon,Va
toutesfois luy mefme en plufieurs l'^'f^J^
endroits nommée Inde Amérique ? Somme,
quoy qu'il ne foit pas d'accord auec foy-mefme,
tant y-a qu'à voir les cenfurcs, réfutations,
& corrections qu'il fait es œuures d'autruy, on
diroit, que tous ont efté nourris dans des bouteilles
, tic qu'il n'y a* que le fcul Theuet qui ait
tout veu par le trou de fon chaperon de Cordelier.
Et m'affewre bien que fi en lifant cefte
miene hiftoire , il y voit quelques traits des
chofes par luy tellement quellement touchées,
qu'incontinent fuyuant fon ftyle accouftumé,
& la bonne opinion qu'il a de fby , il ne faudra
pas dédire :Hà, tu m'as defrobé cela en mes
eferits. Et de fai

P R E 1» A /C E.
tre les Huguenots luy foit parangonné, que
doy-ie attendre moy qai auec ma roible plume
af, ofe' toucher vn tel Collofle/ Tellement que
m'eftant aduis que , comme vn Goliath me
maudiflant par Tes dieux,ie le voye défia monter
fur.fes ergots : te ne doute point quand il
verra que ie luy ay vn peu icy 1
defcouuert fa
mercerie, que baaillantpour m'cngloutir,mefme
employant les Canons du Pape, il ne fulmine
à rencontre de moy Se de mon petit labeur»
Mais quand bien pour me venir combatre il
deurôit, en vertu de fon (nint^t Fnn^ois le ieunc.faire
refufeiter Quomam bègue auec fes deux
pièces d'artillerie fur fes deux efpaules toutes
nues,comme d'vne façon ridicule ( penfant faire
accroire que ce fauuage, fzns crainte de s'efcorcher,
ou pluftoft d'auoir les efpaules toutes
entières emportées du reculement des pièces,
tirok en celte for^e ) il l'a ainfi fait peindre en
r

P R E F A CE.
lire voyage en lumière, ils m'excufent fi en Celte
préface» l'ayant conuaincu par fes propres
efcrits,i'ay efté vn peu long à le rembarrer. Si)rquoyien'infîfteray
pas dauantage, encor que
depuis ma première imprefliô on m'ait aducrti
qucTheuctcerchoit des mémoires pour e-
(crire contre moy : mefmes que quelques-Vns
de ceux qui fe dilent de noftre Religion luy en
auoyct voulu baillerren quoy,fi ainfi eft,ils rriôftrent
le bon zele qu'ils y ont. Car,corame ifay
dit ailleurs, n'ayant iamais veu Theuet, que ie
fache,ny rcceu defplaifir de luy pour mon particulier,ceque
iel'ay côtredit en cefte hiftoire
eft feulement pour ofter le blafme qu'il auoit
voulu mettre fus à l'Euangile , & à ceux qui de
noftre te:nps l'ont premièrement annoncé en
la terre du Brefil. Ce qui feruira auffi pour refpondre
à ceft Apoftat Matthieu de Launay lequel
au fécond liure qu'il a fait, pour mieux! def
couurir fon Apoftafie, a efté 11 impudent defcrire,
qu'encor qu'il ne fuft queftion delà Religion
les miniftres n'ôt laiffé de mordre en leurs
efcrits les plus excelles perfonnages de noftre
temps, entre lefqucls il met Theuettqui neantmoins
à l'endroit où ie I'ay principalement refuté,
s'eftoit fans occafion, directement & formellement
attaché à la Religion reformée, & à
ceux qui en font profeflîon. Parquoy que ceft
effronté de Launay,quiau lieu que i'ay allégué,
m'appellant bcliftre( pour me bien cognojftre,
dit il,en quoy derechef il ment impudemment,
car ie n'eu iamais accez à luy, ni femblablement
iuy à moy, dont ie loue Dieu) eft lu y-mefme

delaiflant Iefui Chrift la fontaine d'eau vintV
retourné boire és cyftenes puâtes du Pape,&
caymanderen fa cuifine>jTe mette fetlcra»a»t de
la défendre iufques a ce que luy & Ces fesnhla-*
Mes f qui ont mal fenti de lt\&jiy> dira-on finalement
) y foyent dutout etchmudés, après que
on fe fera feruid'eux parce moyen, miferables
deusnt Dieu & deuant les homes. Ainfi donc,
pour conclure ce pr.opo*,que Theuct rcfpôde,
s'il en a enuie, fi ce que i'ay die contre luy eft
vray ou non: carc'cftlàle poinâ, Se non pas i
la façon des maonais plaideurs, efgarcr la matière
en s'mformaat qui ie fuis, combien que
par la grâce de Dieu (fans faire comparaifon)
i'aille aufli hardiment partout la tefte leuée
qu'il fçauroit fàirc,quelque cofmographe qu'il
foit: i'afleurât «Slimét rn auant autre enofe que
la venté, de luy oppofçr des raifons fi fermes*
que mettant toujours fes propres eferits au deuât,il
ne faudra pastrauener iufques eu l'Ameriqut
pour faire iuger à chacun quels 'dsfonu
Semblablement & tout d'vn fil, ie prie que
nul né fe feandalize de ce que, côme & ie touioi$
refueiller les mortw'ay narré en cefte hiftoire
quels furent les deportemés de Villegagnon
en rAmeriq«epend4t que nous y eftiôsl
car outre ce que cejhreft du fvwe que ie me fnk
principalement peopofé de traiter, afiànoûr
roôftrer à quelle inaction nous fi/mes ce vojfae,ie
n'en vr pas dit! pea près de ce que
Si euflè eftoit dece temps en vie.
A* 1
â*t4a«»f'ew parler maintenant de mon
&t&,pajce$re*nte*èraeflt que la Religion eft
l'vn

|PMPBfWWippWWWpwWWWy^».lui'lii''i.t ir» j... • r- -—T-r
P a H # A C H»
i'vn des principaux poinâs qui fe puific & doiue
remarquer entre les hommes, nonobftant
que bien au lôg ci après au feizieme chapitré ie
déclare quelle eft celle des TouoHptnatnbaults
fauuages Ameriquains, félon que ie I'ay peu
Comprendre: toutesfois d'amant que, côme il
fera là veu, ie cômence ce propos par vne difficulté,
dont ie ne me puis raoy-mefme ailes
efmerueiller, tât s'en faut que ie la puifle fi entiercmêt
refoudre qu'on pourroit bien definer,
dés maintenant ie ne lairray d'en toucher quelque
chofe en partant. le diray donc qu'encores
que ceux qui ont le mieux parlé félon lefens
commun, ayent non feulement dit, mais aufli
cogneu qu'élire homme Se auoir ce fentiment,
qu'il faut donc dépendre d'vn plus grand que
foy.voirc que toutes creatures,font choies tellement
coniointes l'vne auec l'autre,cjue quelques
differens qui fe foyent trouués en la manière
de feruir à Dieu, cela n'a peu renuerfer
ce fondement, Que l'home naturellement doit
auoir quelque religion vraye ou fauflc.fi eft-ce
ncantmoins qu'après que d'vn bon fens raflis
ils en ont ainh iugé,qu'ils n'ont pas aufli diflimulé,quand
il eft queftion de côprendreà bon
efeient à quoy fe rengé plus volontiers le naturel
de l'homrae,en ce deuoir de religion,qu'on
apperçoit volontiers eftre vray ce que le poète
Latin a dit, aflauoir:
Que Pappetit bouillant «ni'homme, Sua cui-
Efifin principal 'tHeu enfimme. 1 Ht
oeut
Ainfi pour appliquer & faire cognoiftre par e- ^ J* ra
xemple, ces deux tefmoignages en nos iâmia- j£L'

P r e ï a c s .
ges Amcriauains.il eft crctain en premier lieu»
que nonobftant ce quijleur eft de particulier, il
ne fe peut nier qu'eux eftans hommes naturels,
n'ayent aufli cefte difpofition Se inclination
commune à tous-.aflauoir d'appréhender quelque
chofe plus grande que l'homme, dont dépend
le bien & le mal, tel pour le moins qu'ils
fe l'imaginent. Et à cela fe rapporte l'honneur
qu'ils font à ceux qu'ils nôment Qarâabes, dont
nous parlerons en fon lieu, lefquels ils cuident
en certaines faifons leur apporter le bon heur
ou malheur. Mais quant au but qu'ils fe propofét
pour leur côtentement Se fouuerajn poind
d'honneur ,qui eft, comme ie monftrcray parlant
de leurs guerres Se ailleurs, la pourfuite &
vengeance de leurs ennemis, reputans cela à
grand'gloire, tant en cefte vie qu'après icelle
(tout ainfi qu'en partie ont fait les anciens Romains)
ils tiennent telle vengeance & vi&oire
pour leur principal bien : bref félon qu'il fera
veu en cefte hiftoircau regard de ce qu'on nôme
Religion parmi les autres peuples.il fe peut
dire tout ouuertement, que non feulement ces
pauures fauuages n'en ont point, mais qu'aufli
s'il y a natiô qui foit Se viue fans Dieu au monde
ce font vrayement eux. Toutesfois en ce
poinét font-ils peut-eftre moins condamnables.-
c'eft quîcn iàuoviant Se confeffant aucu
nement leur malheur Se aueugliflement (quo
qu'ils ne l'appréhendent pour s'y defplaire, n
ceîcher le remède quâd mefme il leur eft prefenté)ils
ne font fcmblant d'eftre autres que c
qu'Us font.
To^

1""-"-
1
T T
P R B F A t E. j
toTCHANT les autres matières, les fculimair
es de tous les chapitres mis au commencement
du liure môftrét aflez quelles elles font:
corne aufli le premier chapitre déclare la caufe
qui nous meut de faire ce voyage en l'Amérique.
Ainfi fuiuant ce que ie promettois en la
première édition» outre les cinqdiuerfes figures
d'hommes fauuages qui y font,nous en auos
encor adioufté quelques vnerpour 1 c plaifir &
contentement des le&eurs : $c n'z pas tenu à
moy qu'il n'y en ait dauantage , mais l'Imprimeur
n'a pas voulu pour celle fois fournir a tât
de frais qu'il cuit fallu faire pour la taille d'icelles.
Au refte, n'ignorant pas ce qui fe dit communément;
aflauoir que parce que les vieux &
ceux qui ont efté loin,ne pe.uaertt eftre reprins
ils fe licencient & donnent (ouuent congé de
mentir: ie diray là deflus en vn mot, que tout
ainfi que ie hay la menterie Se les menteurs,
aufli s il fe trouue queîqu'vn qui ne vueillf ad*
ioufter fby à plufieurs chofes, voiremêt cftjrariges,
qui fe liront en cefte hiftoire, qu'il lâche
ucl qu'il foit, que ie ne fuis pas pour cela deberede
le mener fur les lieux pour les luy faie
voir. Tellement que ie ne m'en donneraY
on plus de peine que ie fais de ce qu'on ma
it qu'aucuns doutent de ce que i'ay eferit Si
it imprimer par ci-deuant du liège & de la faine
de SancCrre:laquelle cépendat( comtae il
era veu) iepuis aflcurern'auoir encores efté fi
fpre, bien plus longue toutesfois, que celle
uenous endurafmes fur mer à noftre retour
C >K

-T-TT-
P R É F A C E .
çfi France au voyage dont eit-queftion. Car fi *
ceux dont ie parle n'adjouftent foyàcequiau
veu & feeu de plus de cjnq cens perfonnes encores
viuantes,a efté fait & pratique au milieu
Se au centre de ce royaume de France, cornent
croiront-ils ce qui non feulement nefe peut
voir qu£ pres de deux mille lieues loin du pays
où ils habitent, mais aufli chofes fi efmeruetllables
Se nô iamais cognues, moins eferites des
Anciens, qu'a peine 1 expérience les peut-elle
engrauer en l'entendement de ceux qui les ont
veué's? Et de faict, ie n'auray point honte de
confefler Ici,que depuis que i'ay cfte en ce pays
de l'Amérique, auquel côme ie deduiray tout
ce qui s'y voit, foit en la façon de viure des habitans,
forme des animaux, Se en gênerai en ce
que la terre produit, eftant diflemblablç de ce
que nous auons en Europe, Afie, Se Afrique,
peut bien eftre appelle monde nouueau,à noftre
efgard: fans approuuer les fables qui fe lifentésliures
deplufieurs,lefquels fe nansaux
rapports qu'on leur a faits, ou autremétont efcrit
chofes dutout faufles,ie me fuis retracté de
l'opinion que i'ay autresfois eue de Pline,& de
quelques autres deferiuans les pays effranges,
parce que i'ay veu des chofes aufli bigerres &
prodigieufes qu'aucunes qu'on a tenues in- |
croyables dont ils font mention.
Pourl'efgard du ftile& du langage, outre I
ce que i'ay ia dit ci-deuant queie cognoilTois
bien mon incapacité en ceft endroit, encore
fçay ie bien, pource qu'au gré de quelques vns I
ie n'auray pas vfé de phra/es ni de termes alïcsl
propres!

P R É F A C E .
propres 8c fïgnifïans, pour bien expliquer 8c
reprefenter tant l'art de nauigation que les autres
diuerfes chofes dont ie £iy mention,qu'il y
en aura qui ne s'en contenteront pas: & nomméinét
nos François,Iefquels ayans les oreilles
tant délicates & aimans tât les belles fleurs die
Rhétorique, n'admettent ni ne feçoiueut nuls
éfcrits, linon auec mots/nouueaux & bien pindarizés.
Moins encores fatisferay-ie à ceux qui
eftiment tous liures non feulement puériles,
mais aufli fteriles, finon qu'ils foyent enrichis
d'hiftpires 8c d'exemples prins d'ailleurs : car
,corrtbiê qu^'àpropos des matières que ie traite
'j'en euflc peu mettre beaucoup.cn auant, tant y
a neantmqins qu'excepté l'hiftoricn des Indes
Occidétajes, îeql ( parce qu'il a efçrit plufieurs
chofes des, Indiens du Peru conforme à ce que
iedide nos fauuages Ameriquains) i'allegue
fouuent, ie oe meTujs que bien rarement ferùj
défi autres. Et de faict, à mon petit iugement
vne hiftoire fans tant eftre parée des plumes,
d'autruy, eftànt afljez riche quand elle eft remplie
de 40 propre fuject, outre que les lecteurs,
par cç aipyen, n'extrauagans point du but pretenj^fpflf
l'apteur qu'ils ont en main, comprenrnt
rftie,MX fon intention : encore merap-
. pqrte-ie $ ceux qmlifent les liures qu'on irnprij^e
ipurnellementj tant de guerres qu'autres
cnofes,w la multitude des allégations prihfes
d'ailleurs, quoy qu'elles foyerit adaptées es
nyttieres dont eft queftion, ne les ennuyét pas.
Sur quoy cependant, à fin qu'on ne m'obie&e
qu'ayant q-deifus reprins Theuet, & mainte-
C ii).

P R É F A C E .
nant condamnant encor ici quelques autres, ie
commets neantmoinsimoy-mefme telles fâutcs:(ï
quelqu'vn di-ie trou ne mauuais que quâd
ci-apres ie parleray delà façon défaire des ra.uuages(comme
ft ie me voulois faire valoir)i'vfe
fi fouuent de cefte façon de parler, le vis, ie me
trouuay,cela m'aduint,& chofes feroblables : ie
rcfpon , qu'outre( ainfi que i'ay touché) que ce
font matières de mon propre fuiet,qu'encores,
cômc on dit,eft-ce cela parlé de fcience, c'eft à
dire de veuë & d'expérience : voire diray des
chofes que nul n'a poffible iamais remarquées
fi auant que i'ay faici, moins s'en trouue^il rien
par efcrit. I'cnten toutefois, non pas dp toute
l'Amérique en general,mais feulement de l'endroit
oùi'jy demeuré cnuiron vn an .• aiïàuoir
fous le tropique de Capricorne entre les fauua
ges nommez ToHohftndntbMults. Finalement
affeurant ceux qui aiment mieux la vérité dite
fimplement.quemenfonge orné & fardé de
beau langage, qu'ils trouueront les chofes pat
moy propofees en cefte hiûoire, non feulcméc
véritables, maisaiifiï aucunes pour auoir efté
cachées à ceux qui ont précédé noftre fiecle,
dignes d'admirationtie'pric l'Eternel auteur &
cpferuateur de tout ceft vniuers, 3c de tant de
belles créatures qui y font contenues, que ce
mien petit labeur rcuffiiTe à la gloire de fon
faimâ nom, Amen»
SOMÎ.

SOMMAIRES DES
CHAPITRES DE CESTE
Hiftoire de l'Amérique.
CHAP. I.
Du motif'ejr occafion qui noué fit entreprendre ce
lointain voyage, en la terre du Brefil. p M
g> 1
-
CHAP. II.
De noftre embarquement au port d'Honfieur
pays de Normanitetenfemble des tourmentes,rencontre
s , prinfes de nauires, ejr premières terres &
tfles que nous defcouunfmes. pag. S.
CHAP. III.
*Des Bonites, Albacores, Dorades, Marfouins*
potjfons volans, ejr autres de plufieurs fortes que
nous vifmes çjrpnfrnesfous la z.one Torride.
pag.zi.
CHAP. IIII.
Dé l'Equateur, ou ligne Equinocliale -.enfemble
des tempeftes, inconftances des vents, pluye mfetle,
chaleurs, foifs ejr autres incommodité^ que nous
C. iiij.
1
^

eu/mes çjr endurofmes aux enuirens çjr fous icelle.
CHAP. V-
'Defcouurement ejr première veué que nous eufmes,
tant de l'Inde Occidentale eu terre du Brefil,
que dès fauuages habitons en icelle: auec tout ce qui
vous admnt fitr mer,iufques fous le Tropique de Ca
prteorne. p a
£'S^
CHAP. VI.
T)e noïlre défient e au fort de Colligni, en la terre
du Brefil : du recueil que nous y fit Villegagnon:
çjr de fes comporterons, tant au fattl de la Religion
qu'autres parties de fon gouuernement en ce
pays-la. pag.^q.
CHAP. VII.
Vefcription de lariuiere de Ganabara , autrement
dite Geneure en l'Amérique : de l'ifle çjr fort
de Colligni qui fut bafli en icelle : enfèmble des autresifles
qui font es enuirons. pag.%^.
CHAP. VIII.
'Du naturel, force, fiature, nudité, diifofition çjr
omemens du corps, tant des hommes que des femmes
fauuages Brefiliens, habitons en F Amérique,
entre lefjuels iay fréquenté emt$fontmort. pag.^a^
CHAP.

CHAP. IX.
T>es groffes racines, çjr gros mil, dont les fauuages
font farine qu'ils mangent au lieu de pain : ejr de
leur ornuage qu'ils nomment Caou- in. pag.u6.
CHAP. X.
'Des animaux,venaifongros le%ards,ferpens,çjr
autres beftes monfhrueufes de l'Amérique, pag.itf,
CHAP. XI.
'De la variété des oyféaux de F Amérique, tous
differens des noflres : enfemble desgrvjfes chauueffoirris
, abeilles, moufckes, moufchillons, ejr autres
vermines effranges de ce pays- la. pag.l^j.
C H A P. XII.
D'aucuns poijfons plus communs entre les fauuages
de T Amérique : çjr de leur manière depefcher.
pag.iôq.
CHAP. XIII.
*Des arbres, herbes, racines, çjr fiui&s exquis que
produit la terre du Brefil. p a
g' l
75'
CHAP. XIIII.
De la guerre , combats , hardie fe, Carmes des
^fauuages de l'Amérique. pag.194.
1

CHAP. XV-
Comment les Ameriquams\ traitent leurs prtfonmersprms
en guerre:çjf des cérémonies qu'ils obferuent
a les tuer ejr à les manger. pag.zii.
CHAP. XVI.
Qe qu'on peut appeler religion entre le s fauuages
Amenqdams:des erreurs, ou certains abufeurs que
ils ont entr'eux, nommez. Caraïbes, les détiennent:
çjr de la grande ignorance de Dieu ou ils font pionge^.
pagzp.
CHAP. XVII.
Du mariage,F'ohgamie,tjr degre^de con/angutpiti\obferuez.
par les fauuages : çjr du traitement de
leurs petits enfans. pag.z6z.
CHAP. XVIII.
Ce qu 'on peut appeler loix çjr police ciuile entre
les fauuages : comment Us traitent çjr reçoiuenthumainement
leurs amis qui les vont vtfiter: çjr des
pleurs ,& difcours toyeux que les femmes font à leur
arriuee çjr bien venue. pag.zii-
CHAP. XIX.
Comment les fauuages fi traitent en leurs maladies
: enfemble de leurs fepulturesejr funer*illes:c\
des grands pleurs qu'Us font après leurs morts. 298.1
chapI

CHAP. XX.
Colloque de Ventrée ejr arriuee en la terre du
Brefil, entre les gens du pays nomme'ffT ououpinambaoults
ejr Toupinenkin:*» langage fauuagt
'çjr François. pag.$o6.
CHAP. XXI,
De noïbre département de la terre du B*eftl, dU
te Amérique : enfemble des naufrages ejr premiers
penls que nous efchapafmesfur mer à noftre retour,
pag.$tf.
CHAP. XXII.
De P extrême famine, tormente, ejr autres dangers,
dont Dieu nous deliura en repayant en Fran~
'e. ¥*g'ltQ'

HISTOIRE
D'VN VOYAGE
FAIT EN LA TERRE
DV B R E S I L ,
Autrement dite Amérique.
C O N T E N A N T LA N A V Igation
& chofes remarquables , veues far
mer par l'auteur. Le comportement de Villegagnon
en ce p3ys-Iù.Les mœurs & façons
de viure eftrâges des fauuages Ameriquains:
auec vn colloque de leur langage. Enfemble
la dcfcrjption de plufieurs animaux, arbres,
herbes, tk autres chofes fingulieres, & du
tout incognues par deçà.
CHAP. I.
Du motif çr occafion

Ht s T oiR fi
de, appelée Amérique, ou terre du Brefil i enfemble
des Ifles proches & terres continente*
à icelle.du tout inconnues aux anciens: mcfmes
de plufieurs nauigations qui s'y font faites de-»
puis enuironoccante ans qu'elle fut premièrement
defcouuerte: fans m'arrcfter à traiter ceft
1 n tï t i e mi t argument au long ni en gênerai, mon inten-
Ta»te*r. tion& monfuiet fera en cefte hiftoire, de feulement
déclarer ce que i'ay pratiqué * veu, ouy
& obférué tant fur mer , allant & retournant,
que parmi les fauuages Ameriquains, entre lefqucls
i'ay fréquente & demeuré enuiron vn an.
Et afin que le tout foit mieux cogneu & entendu
d'vn chacun , commençant par le motif qui
nous fit entreprendre vn li fafcheux Se lointain
voyage, ie diray briefuement quelle en fut
l'occafion.
KHtrtfrife L'an 15 5 5. vn nommé Villegagnon Cheua-
Jê nirg*- lier de Malte, autrement de l'Ordre qu'on ap-
£»». pelle de S.Iean de Ierufalem,fe fàfchât en France,
Se mefme ayant receu quelque mefcôtcntement
en Bretagnc,où il fe tenoit lors,fit epten-
* dre en diuers endroits du Royaume de Frâce à
plufieurs notables perfbnnages de toutes qualitez,que
dés long têps il auoit nô feulement vne
extrême enuie de fe retirer en quelque pays
» l&intain, où il peuft libremét Se puremét feruir
à Dieu félon la reformation de l'Euangile: mais
qu'au(ïi il defiroit d'y préparer lieu à tous ceux
qui s'y voudroyét retirer pour euiter les perfecutiôs:lefquelles
de faiâ eftoyét telles qu'en ce
temps là plufieurs perfonnages,de tout fexe Se
de toutes qualitez, eftoyét en tous les endroits
dul

D« L'AMHRIQ^VE. \f
du royaume de Frace.par Edicis du Roy & par;
arrefts de Cours de Parlemens, bruflez vifs, Se
leurs biês côfifquez pour le faict de la Religiô.
Déclarant en outre Villegagnon, tant de
bouche à ceux quieftoyent près de lui, que par
lettres qu'il enuoyoit à quelques particuliers,
qu'ayant ouy parler,& faire tant de bons récits
à quelques vns de la beauté Se fertilité de la partie
en l'Amérique, appelée terre du Brefil, que
pour s'y habituer & effectuer fon deffein, il
prendroit volôtiers cefte route & cefte brifee.
Et de fait,fous ce prétexte & belle couuerture,
ayant gagné les cœurs de quelques grands feigneurs
de la Religiô reformée, lefquels menez
de mefme affectiô qu'il difoitauoir,defiroyent
trouuer telle retraiterentre iceux feu d'heureufe
mémoire médire Gafpard de Colligny Ad- Gafoard
mirai de France,bien veu, &bien venu qu'il e- deCchigny
ftoit auprès du Roy Henri z. lors regnant,lui a- ^** mtr
* i
yant propofé que (i Villegagnon faifoit ce vo- cauft^ yage il pourroit defcouurir beaucoup de richef yoy*g,
fes,& autres cômoditez pour le profit du royau
me,il lui fit donner deux beaux nauires équipez
& fournis d'artillerie : Se dix mille francs pour
faire fon voyage.
Ainfi Villegagnon auec cela auant que fortir
de France, ayant fait promeffe à quelques perfonnages
d'hôneur quil'accôpagnerent qu'il eftabliroit
le pur feruice de Dieu au lieu ou il refideroit,
après qu'au refteilfefut pourueude
matelots & d'artifans qu'il mena auec lui, au
mois de May audit an 1555. il s'embarqua fur
mer, où il eut plufieurs tormentes Se deftour-

4 H I S T O I R E
biers, mais en fin, nonobftât toutes difficultez;
en Nouembre fuiuant ilparuint audit pays.
Arriuc qu'il y fut.il defccndit,& fepenfa premièrement
loger fus vn rocher à l'emboufchurc
d'vn bras de mer,& riuiere d'eau falee,nommée
par les fauuages Gtnabars, laquelle (côme
ie la defcrirai en fon licu)dcraeure par les vingt
trois degrez au delà de l'Equateur : alîauoir
droit fous le Tropique de Capricornermais les
ondes de la mer l'en chafferent.A infî eftit contraint
de fe retirer de là,il s'auança enuiron vne
lieue tirant furies terres, &s'accômoda en vne
Ifle auparauant inhabitable : en laquelle ayant
defchargé fon artillerie & fes autres meubles,
afin qu'il y fuit en plus grade feurté , tant cotre
les fauuages,que contre les Portugais,qui voya
gent, & ont ia tant de fortereffes cace pays-là,
il fit commencer d'y baftir vn fort.*
ruittm-
Or de là,feignant touliours de brufler de zeg'nel*pa
le d'auancer le règne de Iefus Chrift, & le per-
» Guuut. fuadant tant qu'il pouuoit à fes gens : quand fes I
nauires furet chargées & preftes de reuenir en
a France, il efcriuit & enuoya dans l'vne d'icellcs |
cxprefTcment homme àGeneuc,requerant VEglife
& lesMiniftres dudit lieu de lui aider & I
le fecourir, autant qu'il leur feroit poflible, en
cefte fienne sont faincte entreprinfe. Mais fur J
tout,afin de pourfuyurc & auancer en diligence
l'ceuure qu'il auoit entreprins, & qu'il defiroit,
difoit-il J de continuer de toutes fes for-1
ces, ilprioitinftamment, non feulement quel
on lui enuoyaft des Miniftres de la parole de J
Dieu : mais aufli pour tant mieux reformerl
lui &|

I> B L'AMERI Q_V E.
I luy & fes gcns,& mefmes pour attirer les fauuages
àla cognoiffance de leur falut,que quelques
[nombres d'autres perfonnages bien inftruiis eri
lia Religion Chreftienne accompagnaifent lefjdits
Miniftres pour l'aller trouuer.
L'Eglife de Geneue ayant receu fes lettres*.
[& ouy fes nouuelles,rendit premièrement gra-
Ices à Dieu de l'amplification du régné de le fus
JChriften pays fi lointain, mefme en terre fi
leftrange, & parmi vne nation,laquelle voirelinent
eftoit du tout ignorante le vray Dieu.
E T pour fatisfaire à la requeftc de Villega-
|gnon,apres que feu monfieur l'Admirai,auquel
jour le mefme cffect il auoit auffi efcrit, eut
follicité par lettres Philippe de Corguilleray philippedt
" eur du Pôtfqui s'cftoit retiré près de Geneue, c«rguiiu -
qui auoit efté fon voifin en France près Chalillon
furLoing)d'entreprêdrele voyage pour J),
îduire ceux qui fe voudroyét acheminer en gagnon.
:efte terre du Brefil vers Villegagnô:ledit ficur
lu Pont en eftât auffi requis par i'Eghfe, & par
Miniftres de Geneue, quoy qu'il fuft ia vieil
caduc, fi cft-ce que pour la bonne affedion
j'il auoit de s'employer ï vn fi bon œuuré
Joftpofant, Se mettât en arrière tous fes autres
iffaires,mefmeslaiffant fesenfans Se fa famille
ie fi loin,il accorda de faire ce qu'on requeroit
le luy.
C E L A faiâ, il fut queftion en fécond lieu
le trouuer des Miniftres de la parole de Dieu.
?artant après que du Pont & autres fiens amis
kn eurët tenu propos à quelques efcholiers.qui
>our lors eftudioycnt en Théologie à Geneue
D. j.

6 H l S T O I R H
entre autres maiftres Pierre Richier , ia aagé
pour lors de plus de cinquante ans, 8c Guillaume
Charrier luy firent p^omefiê, qu'en casque
parlavoye ordinaire de l'Eglife on cogneuft
qu'ils fuflent propres à cefte charge, ils eftoyét
fiiehirreir prcftsdcs'v employer.Ainfi après que ces deux
courtier ef curent efte prefentezaux Miniftres dudit Ge-
ai
n e u c
c s o l , r e n t
"de ' S"' ' y f ur
l'cxpofition de cer-
\ u
£ e T
' , tains pafTigcs de l'Efcriturefainccc&lesexhorf«ur
aller terent au reltc de leur deuotr, ilaccepteret vo-
«i» l'^éme lontairemcnt, auec le conducteur du Pont, de
r-i»*. pafllr la mer pour aller trouuer Villegagnon,
afin d'annoncer l'Euangile en l'Amérique.
Or reftoit il encore à trouuer d'autres personnages
inftruits es principaux poincts delà
foy:mefmes,comme Villegagnon mandoit,des
artifans expers c:i leur art.mais parce que pour
ne tromper perfonne,outre que du Pont declai
roit le long & fafchcux chemin qu'il conuenoit
faire :a(Tauoir enuiron cent cinquante lieues par
terre,& plus de deux mille lieues par mer,il ad'
waftnât iouftoit,qu'eftât paruenu en cefte terre d'Amerrmrt
m rique, il le faudroit côtenter de manger au lieu
tAmtrt- de paîn.d'vne certaine farine faite de racine,&
l 1
*- quât au vin,nulles nouuellcs, car il n'y en croift
point : bref,qu'ainfi qu'en vn nouucau monde,
(comme la lettre de Villegagnon chantoit ) il
faudroit là vfer de façôs de viure,& de viandes
du tout indifferctes de celle de noftre Europe:
Tous ceux, di -ie, qui aimans mieux la théorique
que la pratique de ces chofes, n'ayans pas
volonté de changer d'air,d'endurer les flots de
la mer, la chaleur de la Zone Torride, ny de
voir

D E L'AMERICLVE. 7
voirie Pôle Antarctique, ne voulurent point
entrer en lice, ni s'enroller Se enbarquer en tel
voyage.
T O V T E S F O I S après plufieurs femonces
& recerches de tous coftet, ceux- cy.ee femblé,
plus courageux que les autres, fe prefenterent
pour accompagner du Pont, Richier & Chartier
: affauoir Pierre Bordon, Matthieu Verneuie,Iean
du Bordel,André la Fon,Nicolas Denis,
Iean Gardien,Martin Dauid,Nicolas Rauiquet,
Nicolas Carmeau, laques Rouffcau, Se
moyjcan de Lery : qui tant pour la bonne volonté
que Dieu m'auoit donnée des lors de feruir
à fa gloire, que curieux de voir ce monde
nouueau, fus de la partie : tellement que nous
fufraes quatorze en nombre, qui pour faire ce
voyage partifmcs de la cité de Geneue le dixie-
| me de Septembre, en l'année 155c».
No v s tirafmcs & allafmes paffer à Chaftil-
I Ion fur Loing, auquel lieu ayans trouué Moniteur
l'Admirai, non feulement il nous encouragea
de plus en plus de pourfuyure noftre enltreprinfe,mais
auffi, auec promette de nous aflfifterpourlefaitde
la marine, nous mettant
[beaucoup de raifons en auant>il nous donna c-
Ifperance que Dieu nous feroit la grâce de voir
les fruits de noftre labeur. Nous nous achemilafmes
de là à Paris, ou durât vn mois que nous
'feiournafmes, quelques Gentils-ho m mes Se
mtres eftans aduertis pourquoy nous faifions
: voyage, s'adipignirent à noftre compagnie.
)e là nous paffafmes à Rouen, & tirans à Honneur,
port de mer qui nous eftoit afligné au
D, ij

8 HISTOIRE"
pays de Normandie , y faifans nos préparatifs.
Se en attendans que nos nauires fuflent preftes
à partir,nous y demeujrafmes enuiron vn mois.
CHAP. II.
De noftre embarquement au port £ Honneur,
pays de Normandie : enfemble des tormentes, rencontres
, prmfes de natures, çjr premières terres &
l'fies que nous defcouurtfmes.
PRÈS donc que lefieurde Bois
le Comte neueu de Villegagnon,
qui eftoit auparauant nous à Honfleur,
y eut fait equipper en guerre
, aux defpens du Roy, trots beaux vaifteaux:
fournis qu'ils furent de viures, & d'autres chofes
neceflàires pour le voyage, le dixneuneme
de Nouembre nous-nous einbarquafmes en iceux.
Ledit fleur de Bois le Comte auec enuiron
occante perfonnes, tant foldats que mate-
, ^ lots eftant dans l'vn des nauires,appellé la petikJuUco-
tc
Roberge, fut efleu noftre Vice-Admirai. le
utfmVi m'embarquay en vn autre vaifleau nommé la
te-Uinù- grand Roberge, où nous eftionsfix vingts en
r*L tout, &auions pour Capitaine le fieurdefaincte
Marie dit l'Efpine,& pour maiftre vn nommé
Iean HumbertdcHarfleur, bon pilote, &,
comme il monftra, fort bien expérimenté en
l'art de nauigation.Dans l'autre,qui s'appclloit
Rofee, du nom de celui qui la conduiioit, en
corn-

| ^ | ^ — r-. „„„ r,. - ,..„„ „ -^7-^
DB L ' A M E R I Q T I . 9
comprenant fixicuncs garçons, que nous menafmes
pour apprendre le language des Sauuages,
& cinq ieunes filles auec vne femme pour
lesgouuerner (qui furet les premières femmes
Françoifes menées en la terre du Brefil, dont
les Sauuages dudit pays,ainfi que nous verrons
ci-apres, n'en ayaas iamais veu auparauant de
veftues, furent bien esbahis à leur arriuee) il y
auoit enuiron nonante perfonnes.
Ainfi ce mefme iour qu'enuiron midi nous Vùff**nà
mifmes voiles au vent, à la fortie du port dudit
Honfîeur,les canonnades,trompcttes,tabdurs,
d
*î nt
fifres,& autres triomphes accouftumez de faire
'
aux nauires de guerre qui vont voyager» ne
manquèrent point en noftre endroit. Nous allafmes
premiereroët ancrer à la Rade de Caulx,
qui eft vne lieue en mer par delà le Haute de
grâce: & là, félon U façon des mariniers entreprenans
de voyager en pays lointàins,apres que
lesmaiftres & Capitaines eurent fait reueuc, &
feeu le nombre certain tant des foldats que des
matelots, ayans commâdé de leuer les anchres,
nous penfions des le foir nous ictter en mer.
Toutesfois parce que le cable du nauire où i'eftois
ferorapir,l'anchre,à caufe de cela,eftît tiré
à grande difficulté, nous ne nous peufmes
appareiller que iufques au lendemain.
Cedit iour donques vingtième de Nouembre,
qu'ayans abandonné la terre, nous commençafmesà
nauiger fur celle grande & împetueufe
mer Oceane, nous defcouurifmes 8f coftoyafmes
l'Angleterre, laquelle nous laiflkms
àdextre: 6V des lors fufmes prins d'vn flot de
!
D. iij.

io H I S T O I R E
mer qui continua douze iours : durant lefquels
outre que nous fuîmes tous malades de la maladie
accouftumee à ceqx qui vont fur mer,encorcs
n'y auoit-il celpy quinefuftbien efpouuanté
de tel branflement. Et de fait,ceux principalement
qui n'auôyent iamais fenti l'air marin,
ny dance telle dan ce, voyanslamer ainfi haute
cV efmeuè', penfoyentà tous coups & à toutes
minutes que les vagues nous deuflent faire cou
1er en fond. Comme certainement c'eftchofe
admirable de voir qu'vn vaifleau de bois,quelque
fort & grand qu'il foit, puiffe ainfi refiftcr
à la fureur & force de ce tant terrible élément.
Cir combien que les nauires foyent bafties de
gros bois bien lié, cheuillé, & bien godronné,
éi que celuy mefme où i'eftois peuft auoir enmron
dixhjiét toifes de long , & trois & demi
de large, qu'cfl-ce en comparaifon de ce gouffre
& de telle largeur, profondeur, & abyfmes
d'eau qii'eft celte mer du Ponent ? Partant,fans
amplifier icy ce propos plus luznt, ie diray feulement
ce mot"en partant, qu'on ne fauroitaf-
ZxceUencc f e z n rifer,tant l'excellence de l'art delà nauiga-
Af T /tri dt * • » i. •)• «
tion en general,qu en particulier 1 inuention de
'trifl'E- fEguille marine , auec laquelle on fe conduit:
gudUmar> dont neantmoinSjComme aucuns efcriuent,l'v-
P*. fage n'eft que depuis enuirô deux cens cinquan
te ans. Nous fuîmes doncques ainfi agitez, &
nauigeafmes auec grandes difficultez iufques
au trezieme iour après noftre embarquement,
que Dieu appaifa les flots É orages de la mer.
Le dimanche fayuant ayans rencontré deux
nauires, marchans d'Angleterre, qui venoyent
d'Efpagne,

D E L'AMERIQ^TÏ. n
d'Efpagne, après que nos Matelots les eurent
abordez , & veu qu'il y auoit à prendre dedans,
peu s'en falut qu'ils ne les pillatfent.E.t de raict,
fuiuant ce que i'ay dit, que nos trois vailTeaux
eftoyét bien fournis d'artillerie Se d'autres munitions
de guerre, nos mariniers s'en tenans
fiers & forts, quand les vaiileaux plus foibles fe
trouuoyent deuant eux & à leur merci,ils n'efloyent
pas à feurcté.
Et faut, puis que cela vient à propos, que ie co*îi»mt
dife ici en parlant à cefte première rencôtpe de
nauire, que i'ay veu pratiquer fur mer ce quife
fait auflî le plus fouuent en terre : aflauoir que
celui qui a les armes au poihg,& qui eft le] plus
fort,I'emporte,& donne la loy à fon côpagjnon.
Vray eft, que meffieurs les mariniers en faiifans
caller le voile & ioindre les pauures nauires
marchans, leur allèguent ordinairement qu'il y
alôg temps qu'à caufe des tempeftes & calmes,
fans pouuoir aborder terre ni port, ils font fur
mer en neceflîté de viures, dont ils prient que
en payant ils en foyent affiftez. Mais fi fous ce
prétexte ilspeuuêt mettre le pied danslebord
de leurs voifins , ne demandez pas fi pou? cmpefcher
le vaiffeau d'aller en fond,ils le defehar
gent de tout ce qui leur femblé bon & beau.
Que fi là déifias on leur remonftre (comme L
faid nous fàifions toufiours ) qu'il n'y a mpl ordre
d'ainfi indifféremment piller autât les amis
que les ennemis : la chanfon commune de nos
foldats terreftres, qui en cas femblable, pour
toutes raifons difent, que c'eft la guerre & la
couftume, & qu'il fe faut accômoder, ne man-
D. iiij.
n , e r s
mart
~
f'*

Ï2 H I S T O I R E
cjue point en leur endroit.
Mais outre cela ie diray,par manière de prç
face,fur plufieurs cjiemplcs de ce que nous ver
rons cy après, que les Efpagnols, & encores
plus les Portugais, fe vantans d'auoir les premiers
defcouuçrs la terre du Brefil, voire tout
le contenu depuis iVdeitroit de Magellan, qui
demeure parles cinquante degrez du cofte du
Pôle Antarctique, iufques au Peru, & encores
par deçà l'Equateur,& par côfequent maintiënent
qu'ils font feigneurs de tous ces pays-la,
alleguans que les François qui y voyagent font
vfurpateurs fur eux, s'ils les trouuent Tur mer à
leur auantage, ils leur font vne telle guerre,
qu'ils en font venus iufques là d'en auoir efeorché
de tous vifs, Se fait mourir d'autre mort
cruelle. Les François fouftenans le contraire,&
qu'Us ont leur part en ces pays nouuellement
cogneus, non feulement ne fe laiffent pas volontiers
battre aux Efpagnols, moins aux Portugais,
mais en ce défendant vaillamment rendent
fouuent la pareille à leurs ennemis: lefquels,
pour en parler fans affection, ne les oferoyent
aborder ny attaquer, s'ils ne fe voyoyét
beaucoup plus forts, & en plus grand nombre
de vaiffeaux.
Or pour retourner à noftre route,la mer s'eftant
derechef enflée, fut i'efpace de fix ou fept
iours fi rude,que non feulement ie vis par plufieurs
fois,les vagues fauter cVs'efleuer par deffus
le Tillac de noftre nauire. Mais auffi, eftans
lors à la praticcjue de ce qui eft dit au Pfeaume
107. nous tous a caufe de la roideurdes ondes
ayans

D E L ' A M E R I D V E . 13
layans les fens défaillis & chancelans coname
yurongnes,le vaiffeau eftoit tellement esbranlé
' qu'il n y auoit matelot,tant habile FUFT-il,qui fe
peuft tenir debout.Et de faicr(commeil eft die
! au mefme Pfcaume ) quand de cefte fiçon EN
temps de tormente fur mer,on EFT tout foudain
tellement haut efleué fur ces efpouuantables
montagnes d'eau qu'il femble qu'ON doiue môter
iufques au ciel, & cependant tout incontinêt
on redeuale FI bas qu'il femble qu'on vueille
pénétrer par deffous les plus profonds gouffres
& abyfmes: fubfiftant di-ie ainfi au milieu
d'vn million de fepulchres,n'eft-CE pas voir les Grandet
grandes merueilles de l'Eternel? il eft bien cer- jT^JJ*'
merneillei
tain qu'ouy. Partant puis qi E par telles AGÎT3- rtye»tfrr
jtiôsdes furieufes vagues le péril approche bié mer.
Ifoiiuét plus près de ceux qui font dans les vaif-
Ifeaux nauigables que l'efpeffeur des ais dequoy
•ils font faicts, m'eftant aduis que le Poète, qui
dit que ceux qui vont FUR mer ne font qu'a
tre doigts de la MORT,les en cflongnc encores
trop: I'ay pour plus exprès aduertiflement
ÎUX nauigans,non feulement tourné,mais auffi
Jmplifié ces vers en cefte façon.
Quoy que la mer par fon onde bruyante.
Face herijfer de peur ctl qui la hante.
Ce nonobftant l'hommefe fe au bois,
Qui d'eïfejfcurn'a que quatre ou cinq doigts,
Dequoy eft fait le vaijfeau qui le porte:
N e voyant pas qu'il vit en telle forte
Qu'il a la mort à quatre doigts de luy.
Reputer fol on peut donc bien ce luy
Qui va fur mer, fi en Dieu ne fe fie,
Car c'eft 'Dieu feul qui peut fauuer fa vie.

I4 H I S T O^p. E
Apres donc que cefte tempefte fut ceffee,
celuy qui rend le ^emps calme & tranquille
quâd il luy plaift.nous ayant enuoyé vent à gré,
nous paruinfmcs d'iccluy iufques à la mer d'Ei
Ca

D E L'AMERI QJV F . 15
jenfoyent bien aller butiner en ces iflesFor-
:unees: mais comme ils furent à bord, les Efjagnols
qui les auoyët defcouucrts auparauâr,
es rembarrèrent de telle façon, qu'au lieu de
mettre pied à terre,ils n'eurent que hafte de fc
retirer en mer.Neanrmoins ils toumerët & vierent
tant à l'entour,qu'en fin ayans renconré
vne Carauelle de pefcheurs(lefquels voyans
lier les noltresà eex fe fjuuerent eu terre &
quittèrent leur vailloau) après qu'ils s'en furet
aifis,non feulemét ils y prindi et grande quanité
de chiens de mer fccs, des compas a natii-
*er &tout ce qui s'y trouua îulqu'jux voiles
ju'ils rapporterët, mais auffi ne pouuâs pis fai-
•e aux Efpagnols,dcfquels ils fe vouloyët ven-
;er,ils mirent en fond à giâds coups de haches
ne barque & vn bafteaii qui cftoyent auprès.
Durant trois iours que nous demcurafme»
res ces ifles Fortunées, dautant que la mer e-
:oit fort calme,nous prinfmes fi grande quanité
de poilfons auec des rets ù pefcher(que
ous auions,& auec des hameçôs)qu'apres que
ouseneufmes mangé à noftre fouhait, parce
ue nous n'auions pas l'eau douce à commanement,craignans
que cela ne nous altérait par
op,nous fufmes contraints d'en reietter plus
le la moite en mer. Les cfpeces eftoyét,Doras,
Chiens de mer, & autres de plufieurs fors,
dôt nous ne fçauions les nôsrtoutesfois il y
auoit de ceux que les mariniers appcllët Sars,qui
eft vne efpece de poiflon lequel n'a pas
ulemér fi peu de corps qu'il femble que la te-
& la queue ( laquelle il a neantmoins corn-

16 H I S T O I R E
petammct large) foyent ioints enfemble, mais
encores outre cela jyantkiditc tefte faite en façon
de morion à crefte, ia cfl de forme affez cltrangc.
Le mecredi matin feizicmede Décembre,
que la mer s'efmeut derechef., les vagues remplirent
(i foudainement la barque, laquelle dés
le retour des ifl.es Fortunées , eftoit amareeà
noftre nauire , que non feulement elle fut fubmergee
& perdue, mais aufli deux matelots qui
eftoyét dedans pour la garder furent en ft grid
danger,qu'à peine, en leur icttant haftiuement
des cordages, les pcufmcs nous fauucr & tirer
dans le vaiifcau. Et au furplus diray aufli, pour
choie remarquable, que comme noftre cuifinier
durant cefte tempefte ( laquelle continua
quatre iours)euft mis vn marin deffalcr du lard
dans vne grande caque de bois,il y eut vn coup
de mer,q ai de fon impetuolïté fautant par deffus
IcTillac, l'ayant emportée plus de lalongueur
d'vne pique hors du nauire, vne autre
àr* co»p V 3g„ c t o ; I t fouejair, venât àl'oppofitefansrenuerfer
ladite caque,de grande roideur la reietta
fur le mefme Tiliac , auec ce qui eftoit dedans:
tellement que cela fut nous renuoyer noftre
difner, lequel, comme on dit communément
s'en eftoit allé à vau l'eau.
Or déslcvêdredi dixhuiâiemc dudit mois
- de Décembre nous defcouurifmes la grand' Ci
n a r
Cmtrit ' e
'^ e
laquelle dés le dimanche fuyuant nous
— " app r
°chafmes affez pres:mais à caufe du vent
contraire, quoy que nous euffions délibéré d'y
prendre des rafraichiffemens,il ne nous fut pas
pofliblc

—'———• • • • — — - r f
D E L'A M E R I Q^V F. 17
pofliblc d'y mettre pied à terre. Ceft vne belle
ifle habitée auffi à prefent des Efpagnols,en laquelle
il croift force Cannes de fuccres&de
bons vins : 6V au refte eft ii haute qu'on la peut
voir de vingteinq ou trente lieues. Aucuns l'ap
pellent autrement, le Pic de Tanariflc, & penîent
que ce foit ce que les anciens nommoyent
le mont d'Athlas , dont on dit la mer Athlantique.Toutefois
d'autres afferment que la grand
Canaric 6V le Pic de Taneriffe font deux ifles
feparees, dequoi ie me rapporte à ce qui en
cil.
Ce mefme iour de Dimanche nous defeouurifmes
vne Carauelle de Portugal, laquelle eftant
au deffous du vent de nous,6V voyant bien
par ce moyen ceux qui eftoyent dedans qu'ils
ne pourroyent refifter ni fuir, calans le voile fe CérautUe
vindrent rendre à noftre Vice-Admiral. Ainfi ïdunt
nos Capitaines qui dés long temps auparauant
auoyent arrerté entre eux de s'accommoder
(comme on parle auiourd'hui) d'vn vaiffeau de
ceux qu'ils s'eftoyct toufiours promis de prendre,ou
fur les Efpagnols.ou fur les Portugaisefin
de s'en faifir 6V mieux affeurer,mirent incôtinent
de nos gens dedans. Toutesfois à caufe
de quelques côiiderations qu'ils eurent enuers
le maiftre d'icelle, lui ayant dit qu'en cas qu'il
peuftfoudainement trouuer 6V prendre vne autre
Carauelle en ces endroits-là qu'on lui rendroit
la fienne : lui qui de fa part auffi aimoit
mieux la perte tomber fur fon voifin que fur
lui, après que félon la requefte qu'il fit, on lui
eut baillé vne de nos barques armée de mouf­
U
l e

ï8 H I S T OI RE
quets, auec vingt de nos foldats & vne partie
de fes gens dedans, comme vray Pirate que i'ay
opinion qu'il eftoit, afin de mieux iouer fon
rolle & de n'eftre dekouucrt il s'en alla bien
loin deuant nos nauircs.
Or nous coftoyons lors la Barbarie habitée
des Mores, de laquelle nous n'eftions guère eflongnez
que d'enuiron deux lieues : & comme
il fut foigneufement obfcrué de plufieurs d'entre
nous,c'eft vne terre plaine,voire fi fort baffe
que tant que noftre veue fe pouuoit eftédre,
fans voir aucunes montagnes ni autres obiets,
il nous eftoit aduis que nous eftans plus hauts
que tout ce pays-là, il deuft eftre incontinent
fubmergé , & que nous & nos vaifleaux deuflîouspafferpardcffus.
Et à la vérité, combien
qu'au iugement de l'œil il femble eftre ainfi,
prefqucs fur tous les riuages de la mer, fi cft-ce
que cela fe remarquant plus particulièrement
en ceft endroit-là, quand d'vn cofté ie regardois
ce grand & plat pays qui paroiifoit comme
vne vallee,&: d'autre part la mer à l'oppofi-
* te fans eftre lors autremét efmeue, ncantmoins
en comparaifon , faifant vne grande & cfpouuantable
montagne, en me refouuenant de ce
que l'Efcriture dit à ce proposée contemploye
cefte ccuure de Dieu auec grande admiration.
, g 8 Pour retourner à nos efeumeurs de mer,lef-
ZJ FJTiaric.
lo.u.rfc. quels, comme i'ay dit, nous auoyent deuancez
104.5. danslabarque: le vipgtcinquieme de Décembre,
iour de Noël, eux ayans rencontré vne
carautUt Carauelle d'Efpagnols & tiré fur iceux quelu
e s
•rmft. q coups de moufquets, la prenans ainfi par
force

DE L' A M E RI Q^V E . 19
force ils r.imcncrent auprès de nos nauires. Et
parce que c'ettoir non feulement vn beau vjîffcau,imis
qu'au fli citant chargé de fcl blanc,ce
la pleut fort à nos capitaines , eux félon la conclufion
, que i'ay ia dir, qu'ils auoyent faite dés
long temps Je s'en accommoder d'vn,remmenèrent
quand & nous en la terre du Brefil, vers
Villegagnon. Vray cil qu'on tint promeffe au
Portugais qui auoit tait celte prinfe de lui rendre
fa Carauclle:mais nos mariniers (cruels que
ils turent en ceft cndroit)ayans mis tous les Efpagnolsjdcpoffedez
de la Ieur,pcilc-meflc parmi
les Portugalois, non feulement ils ne laiiîerent
morceau de bifeuit ni d'autres viures à ces
Cruauté
pauures gens,mais qui pis fut, leur ayant defchi ^
mariré
leurs voiles,& mefme ofté leur petit bafteau, J k, e„'
fans lequcl,toutesfois,ils ne pouuoyent approcher
ni aborder tcrrc,ie croi,par manière de di
re,qu'il euft mieux valu les mettre en fond,que
les laitier en tel cftat.Et de faiet eftans ainfi demeurez
à la merci de l'eau, fi quelque barque
nefuruint pour les fecourir , il eft certain ou,
qu'ils furent en tin fubmergez, ou qu'ils moururent
de faim.
Apres ce beau chef d'oeuure, fait au grand
regret de plufieurs,cftans pouflez du vent d'Eft
Sticft,qui nous eftoit propice,nous- nous reiettafmes
bien auant dans la haute mer. Et afin
qu'en recitant particulièrement tant de prinfes
deCarauellesquenousfifmes en allant, ie ne
fois ennuyeux au lecteur : dés le lendemain & . f ,
encor le vingt & neufieme dudit mois de De- j,"^ CJ.
cembre,nous enprinfmes deux autres, lefquel- tandUs.

2o HISTOIRE
les ne firent nulle refifhnce.En la première qui
eftoit de Portugal, combien que nos mariniers
& principalcme.it ceuxjqui eftoyent dans la
carauelle Espagnole que nous emmenions euffent
grande cnuie de la piller, à caufe decjuoi
tirèrent quelques coups de fauconneaux à 1 encontre,fi
eft-ce qu'après que nos maiftres& capitaines
eurent parle à ceux qui çftoyent dedans
, pour quelques refpecfs, on les laiftà aller
fans leur rien ofter. En l'autre, qui eftoit à vn
Efpagnol, il lui fut prins du vin , du bifeuit, &
d'autres vicluailles. Mais fur tout ilregrcttoit
inerueilleufement vne poule qu'on lui ofta:Car,
comme il diloit, quelque tourmente qu'il fift,
ne lailîant point de pondre, elle lui fourniffoit
tous les iours vn œuf frais dans fon vaifleau.
Le Dimanche fuiuant, après que celui qui ejftoit
au guet daï\s la grande hune de noftre nauire,eut,felon
la couftume crié, Voile,voile,&
que nous eufmes defcouuert cinq Carauelles,
ou grands vaiffeaux ( car nous ne les peufmes
bien discerner ) nos matteIots,lefqucl»poiîibIe
ne feront pas ioyeux que ie ncome ici leurs
courtoifies, ne demandans,qu'où eft-ce, c'eft à
dired'en zuoir de toutes parts,chantans le cantique
deuant le triomphe, les penfoyent deGi
bien tenir: mais parce qu'eftans au derfus de
nous,nous auions vent contraire,& eux cependant
cingloyent 8c fuyôycnt tant qu'ils pouuoyent,
nonobftant la violence qu'on fit a nos
nauires, lefquelles pour l'afteâion du butin, en
danger de nous fubmerger & virer ce deffas '
dettous, furent armées de toutes voiles, il ne
nous

Dl L'ÀMBâl QJTB. 2t
nous futpat polBble dé les joindre ni «border*
Et âfid qo«nûlàetroiJué eftrahge, tant ce
que ie di ici, Outf ce que i'ay ta touché ci-deuantrafiaaoir
ti&tknrtbrauaris ainfi Air rocr.cn
allant cri la teFr*d^Brefîl,chacun fuyoit ou caoit
le voiltf deUfnt'ndu's: iediray là défllii, que
encores que ftouj n'euflîô* que trois Vaiffeaux
(fi bien fourni* toutefois d'artillerie, qbfïy aloit
dijthnlft pfeees dVbronte,cV plus 1
de trénx
berche*cV moufquet* de fer> fans Ici antres
nunitions de goerfe :
, 'en celui o&feftois)
icantmoin* nos tktrftaines, maiftre*, foltfats Oc
nariniers, la plupart Nohnans, ha^onauffi Jf
baillante cV beHiqVeufe fur mer du^ttré ijuil^î
"e trouue auioUrd'hui Voy#geaût;fur t
I ,
6cean,J^ rm
« f
moytfnt en ceft equ^^pâg^n^n feulement réblu
d'attaquer $c Comfcatre lVmeè naualedu;
loy de Portugal nous l'euffiotos rencontrée»
nais aufflfe prdraettoyent d'en remporter lai
iftoire*
1
ormei
I _
'CHAÛ iiiv
*Des BomtèSy Aibacores, Dofadet, Marfouins t
pris votant, & autrtsde plufieurs fortes qui
MXnfméJ&frymesJous laxjsneTerrtde.
1
., ' .
M •» lors tiotiseufmei la mer a flores
W e VWAfl a gté^quë d'icelui'nouî
fëtàâèè foUffei ki/bùes 1
1 trois oi
\$ûjftre degr'tt au déça de lalign*
E. j.

« H U T O U »
Equinoct.ialc.En ces endroits nom prifmes for
ce Marfouins, DoradcswAlbacorcs, Bonites,&
grande quantité de plu|fieurs autres fortes de
pouTons:mats entre autret,combien qu'auparauant
i'eufle toujours eftiraé qu« les mariniers,
difans qu'il y auoit certaines cfpeces de poif-
Fmffm fonsvolans, nous contaitent,des fariboles, fi
eft-oe ncantmoins que l'expérience me monftra
lors qu'il eftoit ainfi. Nous commença fm es
doneques non feulement de voir forrir de h
mercY s'efleucr en 1
l'air des grofles troupes de
poiflons volans hors de l'eau (ainfi que fur terre
on void les allouettes 6ccftourneaux ) prefques
suffi haut qu'vne pique, 8c quelque fois
près de cent pas loin: mais aufli citant fouuent
aduenu que quelques vns s'ahurtans contre les
mats de nos nauires tomboyent dedans, nous
les prenions ainfi aifé ment a la main. Partant
>our deferire ce poiflbn, félon que ie I'ay con-
Î ideréenvne infinité que i'ay veus& tenus en
allant & retournant en la terre du Brefil : il cfl
de forme aflez femblable au haren, toutesfois
vn peu plus long cV plus rond, a des petis barbillons
fous la gorge, les aides comme celles
d'vne Chauuefouris, 8c prefques aufli longues
que tout le corpr.& eft de fort bon gouft & fauoureux
i manger. Au refte, parce que ie n'en
ay point veu au deçà du Tropique de Cancer,
i'ay opinion ( fans toutesfois que ie le vueille
autrement affermer ) ra'airoara larcbafwr, &
fe tenans fous la zone Torride, Ufm^oiJtrcpaffent
point d'vne part ni d'autre .dVioft* de*
Pôles. Il y a encores vne autre chofe que i'ay
obfer-

D H L'A M i K i c^v t. tj
ôbferuee:c'eft que ces pauures poiflbns volans,
foit qu'ils foyent dans 1 eau ou en l'air * ne font
iamais à reposi car eftans dans la merles 1
Atba-
cores & autres grands poiflbns les pcnirfuiàans
pour les magerjeur font vne continuelle guerre
: & fl pour euiter cela ils fe Veulent fauùer au
vol, il y a certains oifcaux marins qui les prennent
& s'en repaiflent.
ET pour dire aufli quelque chofe de cesioy- oyfi«$x
féaux marins, lefquels vivent ainfi déployé fur
mer:ils font femblablement fî priuez, que fouuentesfois
il eft aduenu , que le pofàns fur les"
bords, cordages cV mats de nos nadif es * Ûttff
lairToyent prendre auec la main, tellement tiufc
pour en auoir mangé, cVpar conTfeqiientïesayansveu
dedans & dehors, en vola la déf éription.
Us font de plumage gris corihnf éfôrè*uierstmais
combien que quant à l'ex^èrfèiif jHh
aroiflent auflî gros q^ueCorneilles, fî'tftrce
toutesfois que qtoànd ils fontphrrtleiiftnës'y
rouue gueres-phis de chair qu ey vrtpalfereau:
'e façon que c'eft raerueille, qn^fVan^ Yipetîts
e corps, tbjMMe^#ea^tmoito
er despolflcmsf Fof grartrjj cïpTus.V^
e fontîau refte flrh'ont 1
qu'Vn boyad,Sf ont les
ieds plats comme ceux des canes.
1
• '
RSTOVRNANT donc à parler des autres»omu
oiflbns dont i'ay tancoft fait rntotfohV laB

ne bougèrent giiercs d'ajfntour d,c nos vaiffcajjx4ç>î
u
^* $ ^ vr"ifemb?Uplp qu'elles fuiuent
ainô a caufe du bjrec Si godron dont ils
font frotfï.,
Quant aux Albacores , combien qu'elles
foyent aflez. (erqbiables aux Bonites, fi eft-ce
neantraoins.qu'en ayant veu & mangé ma part
détamer.^deffj^., combien quen'ayanspas
là11 (jowigar^emerit toutes Ie£choies rcqutfes
pour, le bienapprefter ( comme n'ont tous les
pafli|jgérs quî^font ces longs voyages ) nous n'y
riilîôriaa^trp^ en
meme-rp^de ^d^^f^ytouc\\esfur
I c s
nWflwA^^o^^rWï»® eïjueiHèufe-
tant C roenleurs Jes rrun^lcAqa^s rie, (^veulent
point hazârdcr for rnéV,& ^u^uoisfjvqÀ qu'on
dit côrnjmémcnt que foniçi^cha^sfaqsTOQuill
c t
kù'm$ïfo^tât& Wge*4»i poil-
^ r M f ^ ° A ^ fortedototezv
< w
* ^Wft^&Wp^* bjcfl leur* doigts?
on l'auoit à commandement

D H ISA M i A t CL.V B. *<
ment fur terrcrcar comme i'ay tottche^ihl pbiffon
volant, ie ne pehfc pas que ces Àtbacores,
ayans principalement lefcfs rdpbires entre les
deux Tropiques & en la haute mer^s'approchér,
fi près des riiages que lespefcneurs-en pniflent
apporter fànseftre gaffez Se corrôrhpus.Ce que
ie di toutesfois, pour fefgard& nous hibitans
en ce climat* car quant aux Àfrr^uainS qtoi font
es bords d\i cofté de lT(t, & à ceux- du Peru, &
enuirons du cojWde*rOeft,irfepewbïen faire
qu'ils en ayent commodément^ ' 1
La Dorade,laquel(e,'à mon iugérnént,eft ain t}„*i*.
ft appelée, parce qu'eft2tdansl'eau elle paroift
iaune, & reluit comme fin or quânt'à la figure
approche aucunement dufaomont he4ntrnoins
elle diffère ert cela,qu'elle eft cbmitteenfortce*
fur le dos. MalsaarcftepoUrefi auoir tafté, ie
tien que ce pohTon n'en pas feulement encor
meilleur que tous le

Z$ HltTOtKI
far U t$fte»pacoù non feulement ils prenoyent
vent cV re(piroyét,mtiSj«offi eftan* clans la mer
jcttoycnt queUucsfoMl l'*« u
r c c
P*
trou. Mais
fur toutquaodu mer commence de s'efmouuoir»ces
rnarfouins pafoiffans (oudziti fur l'eau,
mefme* la nuicx, qu au milieu des ondes 8c des
vagues qui les agitent» ils rendent la mer comme
verde, 8t femblent eux-roefroes eftre tous
verds.Ceft vn plaifir de les ouyrfourBer 8c rôfler,de
telle façon que voua diri9f proprement
que ce font pors terrcftrestAufli les mariniers,
les voyana en. cefte forte nager 8c fe tourmenter,prefsgent
eVs'aneurent delà tempefte prochaine
t ce que i'ay veu fouuent aduenir. Et
combif qu'en temps moderé»c'eft à dire la mer
eftant feulement noriflante, nous en vidions
quelquefois en ft grande abondance que tout
à l'entour de nous, tant que la veue fe pouuoit
eftendr* » U fembloit que la mer fuft toute de
marfouins t (i eft-ce toutefois que nefelaiflàns
pas fi aifément prendre que beaucoup d'autres
fortes de poiflons, nous n'en auions pas pour
cela toutes les fois que nous euflions bien vou
lu, Sur.ioourlpropos, afin de tant mieux contêterle
leqbewrii* veux bien encore déclarer le
moyen duquel t*ay veu vfer aux matelots pour
M»mtn les auoir4/vo d'entre euftdesplu* ftylea 6cfk~
dt frmdrt çonne* àsdlepcfche, fe tenant au guet auprès '
iti morfi- ^ u njajSjd» beaupré» 8c fur le datant du nauire,
zytntm.la 1
main vn arponde jfffctmmaécbé en
vne percke, de la eroflen* 6c ipoguw' dVne
demie pique, 8c lié. 4 quatre ou cinq braflçs de
cordeaux,

p*uu, L mwmmtm^Mmmmmwmm»»-^*^^-'^'-' """""'r r
DE U M. HmtircLv E. 27)
cordeaux,

zB Ki * T on *. '*
quatre doigta d'etpaia, Aaavaoéaa* car pour certain
ce qtrtls vendent eAôVfc«iaJeine.Au refte
parceocu'il j?en troamuoe^eMadans le ventre
da'quelques vns:dc?oeaa.qu« noua prinfmes
(1éAquetilria£ que cochon* de laict. noua filmes
roftir ) finis ro'arnefter à ce que d'autres pourroyem
auoir efcrK au contraire , ie penfe pluftoifrqué
le? Marfouiris^commeles truy escortent
leurs ventrées, que non pas ou'ils multiplient
par ceuas comme font prcfaue tous les
autres poiflbns. Dequoicepëdantfi quelqu'vn
me vouloit arguer, me rapportant pluftofl de
ce fàiét, à ceux qui ont veu l'expérience, qu'à
ceux qui ont feulement leu les Hures, tout ainfi
que ie n'en veux faire ici autre decifion, aufli
nul ne m'empefehera de croire ce que i'en ay
veu. '
Nous prinfmes femblablement beaucoup de
KtqwieM. Requien*, lefquels- eftans encores dans la mer,
quoi qo'eHe foit tranquille & cojre , femblent
eftre tous verds : ôc s'en void qui ont plus de
quatre pieds de long & gros à.l'aucnant:touteffois,
pour n'en eflreJacKatr guère bonne, let
mariniers-n'en mangent qa'à-îa neceflitéi& par
faute (je meilleurs.poifleuu. Au deroeurant,ces
reqoirn* ayaos ls peau prèfqoe. au&rude it afpee
qu'vne tiroe,& la teûe plate cV force* voire
ta •gueulerauffi fendue que oelled'vauÉÉpU on
dV»dogacd*Anglej >
xrre*Usne4ont Ppfieukmentj,
i caufe de celry mpnftraeux^ mai» avili
potnxvoir les dents'tfenchantes &fostaigucs
Ktqmau ds footfi-dangereux, que sW»erapoignelna va
iigtrtmr. hommepar la iambe ou autre partie du corps,
ou

Di L'AHIRI (LT 291
ou ils emporteront la pièce, ou ils le traine-j
ront en fond» Audi outre que quand les matelots,
en temps de calme, fe baignent quelquefois
dans la. mer, ils les craignent fort, encores
y auoit- il cela, que quand nous en auions pefchéY
ainfi qu'avec des hameçons de fer aufli
gros que le doigt nous auons fouuent faict) eftans
fur le Tillac du nauire, il ne nous en falloitpas
moins donner garde, qu'on feroitfur
terre de quelques mauuais &dâgereux chiens.
Dautant donc qu'outre que ce&Requiens ne
font pas bons à rniger,encores,foit qu'ils foyée
prias, ou qu'ils foyét dans l'eau, ne font-ils que
mal,apresqu'«flf»fi qu'à beftes nuifibles nous auionspiqt»é,;&r;tormentc
ceux que nous pouuions
auoir,cpmme fi c euffent efté de maftins
enragez.ou à grâds coups de maffes de fer nous
les affomirùôns, ou bien leur ayant coupé les
nageoir1efc&: lié vn cercle de tôneau à la queue,
les rciettans, en mer, parce qu'auantque pouuoir
enfoadrer ils eftoyent long temps flottans
& fe debattans deiîus,nous en auiôs ainfi le paffe-temps.
Au furplus, combien qu'il s'en faille beau­
T m r t n m
coup que les Tortues de mer qui font fous ce-! &
m t T
fte zone T

}o H I S T O I R E '
croire à ceux qui n'en ont point veu, i'en feray
ici mention en paiTant^Et fans faire plus long
difcours là deffus, tarifait par ceft efchannllon
à iuger au lecteur quelles elle» pouuoyét eftre,
iediray qu'entre autres vne qui rut prinfe au
nauire de noftre Vice-Admirai eftoit de telle
§ rolTeur, que quatre vingts perfonnes qu'ils e~
oyent dis ce vailTeau en difnerent honneftement
(viuans comme on a accouftumé fur mer
en tels voyages.)Auflî la coquille ouatle de deffus,
qui fut baillée pour faire vne Targue aufieur
de faincte Marie noftre Capitaine, auoit
plus de deux pieds cV demi de large.-eftant forte
Se cfpefle à l'equipolent. Au rette, la chair approche
fi fort de celle de veau, que fur tout,
quand elle eft lardée & roftie, en la mangeant
on y trouue prefque meime gouft.
F4wo it Voici femblablement comme ie les-ay veu
j ^ ! ^ ' prendre fur mer. En beau temps & «calme ( car
jirntr autrement on les voit peu fouuent ) qu'elles
montent & fe tienent au deffus de Peau,le foleil
leur ayant tellement elehauffe le dos Se la
' coquille qu'elles ne le peuuent plus endurer, à
fin de fe rafraifchir,fe virât & tournât ordinairement
le ventre en haut, les mariniers les ap-
Eerceuans en cefte fon c, s'approcha* dans leur
arque le plus coyement qu'ils peuuet,'qaand
ils sot auprès les accrochas entre deux eoquilles,auec
ces gaffes de fer àôt i'ay parléVeft lors
à grand forcedebras, Se quelque fois tant que
quatre ou cinq hommes peuuent.de les tirer &
amener à eux dans leur bafteau. Voila fommairemét
ce que i'ay voulu dire des Tortues Se des
poiffonj

mm
D B L* A M E R I QJV E. 51
poiflbns que nous prifmes lors: car ie parlera/
encores cy après des Dauphins, & rnefmes des
Baleines & autres monftrcs marins.
CHAP. IIII.
De F Equateur, ou ligne Equinotltale : enfemble
des tempefies, inconfiances des vents, pluye tnfeile,
chaleurs, foifs çjr autres incommoditeltque no

flpyepua
Bxtrtmts
thalenri.
Souhait
des mari­
ai H l S T O I R F
au contraire tout à l'inftant tempeftoyèr fi fort
dans les voiles de nos nauires, que c'elè merucille
qu'ils ne nous ont yirez cent fois les Hunes
en bas, & la Quille en haut : c'eft à dire, ce
deflus deiîous.
Au furplus, la pluye qui tombe fous & es
enuirons de cefte ligne, non feulement put &
fent fort mal, mais auflî eft fi contagieufe que
fi elle tombe fur la chair.il s'y leuera des pullules
& grofles veflîes .• & mefme tache & gafte
les habillemens. Dauantdge le foleil y eft fi ardent,
qu'outre les véhémentes chaleurs que
nous y endurions, encores par ce que hors les
deux petits repas nous n'auions pas l'eau douce,
ny autre breuuagcà commandement, nous
y eftionsfi merueilleufemctpreflez de foif.que
de ma part, & pour falloir eflayé\l'haleine & le
foufîle m'en eftansprefquefàillis.i'en ay perdu
le parler l'clpace de plus d'vne heure. Et voila
pourquoy en telles ncceflîtez,en ces lôgs voyages,!es
mariniers pour plus grâd heur,(ouhaitct
ordinaircmét q la mer fuft muee en eau douce.
Que fi là deflus quelqu'vn dit.fi fis imiter Tantalus
mourâs ainfi de foif au milieu des eaux, il
ne feroit pas poflfiblé en cefte extrémité de boi
re,ou pour le moins fe refrefehir la bouche
d'eau de mertic refpôd q quelque recepte qu'ô
me peut alléguer de la faire parler par dedSside
la cirt^ou aorremét l'allâbiquef^ioint que les
branflerriens&tourmenfefdevttiflcaDX ftùtans
fur la mer ne font pas fort propre*pour faire
les fourneaux, ny pour garder les bouteïïla
de cafl'er ) finon qu'on vonluftierter les trippes

|P— ! LU II ..M ,i JILai,^»-.»1H.n.Mrw^.»»i,,.l,..»| _ T ^ r «
DE L' A M E E. i Q_V E. 3$
pes & boyaux incontinent après qu'elle feroit
dans le corps,qu'il n'eft q'ucftion d'en goutter
moins d'en aualer. Neantmdins quand on BdHJetner
la voit dans vn verre, elle eft auflî claire, pure, 'ffîff 1
& nette extérieurement qu'eau de fontaine ny
de roche qui fe puiife voir. Et au furplgs(chofe
dequoy ie me fuis efmerueillé & que ie laifle
à difputer aux Philofophes) fi vous mettez trêper
dans l'eau de mer du lard, du haren, ou autres
chairs & poiflbns, tant falez puiflent-ils cftre,ilsfc
deflaleront mieux Se pluftofiqu'ils ne
feront en l'eau douce.
Or pour reprendre mon propos, le comble
de noftre afHiétion fous cefte Zone bruflante
fut tel, qu'à caufe des grandes & continuelles
pluyes, qui auoyent pénétré iufques dans la
*
Soute, noftre bifeuit eftant gafté & moifi, ou- Bifi»it
tre que chacun n'en auoit que bien peu de
tel, encor nous le faloit-il non feulement ainfi
manger pourri, mais auflî fur peine de mourir
de faim, Se fans en rien ietter, nous aualions
autant de vers ( dont il eftoit à demi) que nous
poum.
faifions de miettes.Outreplus nos eaux douces U i m
eftoyent fi corrompues , & ferablablement fi
pleines de vers,que feulement en les qirans des
vaifleaux, où on les tient fur mer.il n'y auoit fi
bon cœur qui n'en crachaft:raais,qui eftoit biê
encor le pis, quand on en beuuoit,il falloit tenir
laifle d'vne main,&à caufe de la puanteur,
boucher le nez de l'autre.
nmmp»e.
Que dites vous la deflus meflieursles deli-
C t H t r t l
"
cats, qui eftans vn peu preflez de chaut, après ^fats.
auoir châgé de chemife,& vous eftre bien faits
m

34 HISTOIRE
tcftonner .aimez tant non feulement d'eftre à
recjiioy en la bcllcfalle fijaifche, auflîj dans vne
chaire,ou fur vn lier verdi : mais auflî ne fauriez
prendre vos repas, fînon que la veflèlle foit
bien luifante,lc verre bien fringue, les feruicttes
blanches comme neige, le pain bienchapplé\la
viande»quelque délicate qu'elle foit, bien
proprement appreftee & feruie, 8c le vin ou autre
breuage clair comme Emeraude ? Voulezvous
vous aller embarquer pour viure de telle
façon ? Comme te ne le vous confeille pas , &
qu'il vous en prendra encores moins d'enuie
quand vous aurez entendu ce qui nous aduint
a noftre retour.-aufli vous voudrois-ie bic prier
que quand on parle de la mer,£V fur tout de tels
voyages,Vous n'en fachans autre chofe que par
les liures,ou qui pis eft,en ayant feulement ouy
parler à ceux qui n'en reuindrent iamais, vous
ne vouluflïez pas ayât le deflus, vendre vos coquilles
( comme on dit) à ceux qui ont efté à S.
Michel : c'eft à dire,qu'en ce poinct vous deffet
ri liiez vn peu,cV laiflîfliez difeourir ceux qui en
enduràns teh trauaux ont efté à la pratique des
chofes lefqueues, pour en parler à la vérité, ne
fe peuuét bien ghflcr au cerueau ny en l'entendement
des hommes.finô (ainfi que dit le pro»
uerbe) qu'ils ayent mangé de la vache enragée.
À quoy i'adioufteriy, tant fur le premier
propos que i'ay touché de la variété des vents,
tépeftesjpluyes infectcs.chaléurs, que ce qu'en
gênerai on voit fur mer, principalement fous
B,n piUt* i'Equateur.que i'ay veu vn de nos Pilotes nom-
*tUtm. mé Iean de Méun,d'Harfleur: lequel, bien qu'il
ne

DE.L'AMERIQ.T£. 35
ne fceuft ny A » ny B, auoit neantmoins, par la
longue expérience auec fes cartes, Aftrolabes,
& Bafton de Iacob.fi bien profité en l'art de nauigation,
qu'à tout coup, Se nommément durant
la tormente, il faifoit taire vn fçauant pcrfonnage
(que ie ne nommeray poinOlequel cependât
e fiant dans noftre nauire,en temps calme
triomphoit d'enfeigner la Theorique.Non
pas toutesfois que pour cela ie condamne, ou
vucille en façon que ce foit, blafmer les feiences
qui s'acquièrent Se apprennent és efcholes,
&• par l'eftude des liures : rien moins , tant s'en
faut que ce foit mon intention : mais bien reqaeiroy-ie,
que fans tant s'arrefter à l'opinion
de qui que ce fuft.on ne m'alleguaft iamais raifon
cotre l'expérience d'vne chofe. le prie dôc
les lecteurs de me fupporter, fi en me refouuenant
de,noftre pain pourri.cV de nos eaux puantes
, enfemble des autres incommoditez que
nous endurafmes, & comparant cela auec la
bonne cbere de ces grans cenfeurs,fàifant cefte
digreflion, ie me fuis vn peu cholcré cotre eux.
Au furplus» à caufe des difficultés fufdites, Se
pour les raifoos que i'en diray plus amplement
ailleurs, plufieurs mariniers après auoir mangé
tous leurs viures en ces endroits-la.c'eft à dire,
fous la Zone Torride,fans pouuoir outrepafTer
'£quateur,ont efté côrraints de relafchcr Se retourner
en arrière d'où ils cftoyent venus.
Q£AN T à nous,apres qu'en telle mifere que
vous auez entendu.nous eu fines demeuré, viré,
ie tourné enuiron cinq fepmaines à l'entour de
telle ligne, en eftans finalement peu à peu ainfi

j6 H'I S T O t «L «i
approchez, Dieu ayant pitié de nous, de nous
enuoyant le vent de Nord-Nord*eft, fie, que le 1
quatrième iour de reburier nous fûïmespoufz
m E
fff * lez droit fous icelle. Or elle eft appellee Equi-
T**^*^*nodiale, poureeque non feulement en tous
^*^3^r- temps & faifons les iours & les nuicts y font
itc. toujours égaux, mais aufli parce que quand le
foleil eft droit en icelle, ce qui aduiét deux fois
rannee,aflauoiri'onziemedeMars, cVle trezieme
de Septembre, les iours & les nuicts font
aufli égaux par tout le monde vniuerfel : tellement
que ceux qui habitent fous les deux Pôles
Arctique cV Antarctique , participans feulement
ces deux iours de l'année du iour & de la
nuict, dés ie lendemain, les vns ou les autres,
( chafeun à fon tour ) perdent le foleil de veue
pour demi an.
Cedit iourdôxqucs quatrième deFcburier,
que nous paflafmes le Centre , ou pluftoft la
Ceinture du monde, les matelots firent les cérémonies
par eux accouftumeesence tant fafcheux
& dangereux paflage.AflàuOir«pour faire
reflbduenir ceux qui n'ôt iamaispafle fous l'Equateur,
les lier de cordes & plôger en mer, ou
bien, auec vn vieux drappeae frotté ad cal de la
chaudière, leur noircir & barbouiller le vifage:
toutesfois on fe peut racheter & exempter de
cela,comme ie fixVen leur payant le vin.
Ainfi fans intervalle , nous finel urnes de
noftre boa veut de Nord-Nord eft* iu£*acsà
Éktkumm quatre degrez au de là de U ligne Equkioaialc.
imPtkAm jp e lànous commcnçafrae» de voit» lePJole Ant
^ h
f"' tar«ïtique, lequel les mariniers de Normandie
appel-

ppiini ililim ii...H luw.jviu.|.u»igM. l,.«|„ „ m
ï> E L ' Â M E R I Q T E ; 57
appellent l'Eftoile du Su:à l'cntour de laquelle,
côme ie rejrnarquay des lors, il y a certaines autres
eftoiles en croix, qu'ils appellent auflî la
croifee du Su. Comme au femblable quelque ^'fis ta
c . , . . . 1
-
À des Indes
autre aeicrit, que les premiers qui de noltre /

j8 HISTOIRE
(tôbans en l'autre extrémité) la mer fut fi tranquille
& calme, que durjant ce temps nos vaiffeaux
demeuras fix fur leau, fi le vent ne fe fuft
tflcuc pour nous faire paffer outre,nous ne fuffions
iamais bougez de là.
Baitinei. O R en tout noftre voyage nous n'auions
point encore apperceu de Baleines,mais outre
qu'c ces endroits- lamous en vifmes d'afTcz près
pour les bien remarquerai y en eut vne,laquclle
fe leuant ptes de noftre nauire me fît fi grand
peur , que véritablement, iufques à ce que ie h
vismouuoir, ie penfoisquece fuft vn rocher
contre lequel noftre vaifïcau s'allait heurter &
brifer.fobfcruay que quâd elle fe voulut plonger,
leuant la telle hors de la mer , elle ietta en
l'air par la bouche plusde deux pipes d'eau-.puis
en fc cachant fit encores vn tel & fi horrible
bouillon,que ie craignois dcrechef,qu'en nous
attirant après foi , nous ne fuffions engloutis
dans ce gouffre. Et à la vérité, comme il eft dit
a u
P/104 16 Pfcaume,& en Iob,c'eft vne horreur de voir
* lot 40.18 ces monftres marins s'esbatre & iouer ainfi à
leur aife parmi ces grandes eaux.
Da»phms Nous vifmes auffi des Dauphins, lefquels
fryms de fuiuis de plufieurs efpeccs de poiffons, tous dipl»fieun
fpofez & arrengez comme vne compagnie de
foijjom. f0|dats marchans après leur Capitaine, paroiffoyent
dans l'eau eftre de couleur rougeaftre:&
y en eut vn, lequel par fix ou fept fois, comme
si! nous euft voulu chérir & careffcr,tourno)n
& cnuironna noftre nauire.En recoropenfe dequoi
nous fifmes tout ce que nous peufme
pour le cuider prendre : mais lui auec fa trompe,

DE L' A M E R /fojv E . 39
>e,faifont toufîours dextrement la retraitc,il ne
nous fut pas poilible de l'auoir.
CHAP. V.
T)u defcouurement çjrpremière veue que nous eufmes
, tant de l'Inde Occidentale ou terre du Brefil,
que des fauuages habitons en icelle: auec tout ce qui
nous aduint fur merjufques fous le Tropique de Ca
ncornct
PRÈS cela nous eufmes le vent T0Ur

40 H I S T O 1 R
tout à clair cjuc ce cjue nous avions defcouuert
eftoit terre ternie (car ojn fe trompe fouuêt fur
mer aux nuées qui s'efuanouifferit ) ayans vent
propice & mis le cap droit deflustdés le mefme
iour, (noftre Admirai s'en eft^flt allédeuam)
nous vinfmcs fufgir cV mouiller ! adiré à demie
lieue près d'vne terre Se lieu fort monrueuxap-
^ pelé HTUTAFFOH par les Sauuages : auquel après a-
u o n l T U
FOU i,-» ^ ' J
barque hors le nauire, &, félon la
TNON\I*C»X couftume quand on arnue en ce pays la, tiré
TNL^'MT- quelques coups "de canons pour aduertir les ha-
r
'i"*- bitans, nous vifmes incontinent grand nombre
d'hommes eV de femmes fauuages furie riuage
de la mer.Cependjnt(côme aucuns de nos mariniers
qui auoyent autrefois voyagépar delà
recogneurét bic)ils eftoyent de la nation nomm
Marems
c e
AIURGATA4,3\.\irr- ^ France és mois de May Se de Iuinrce qui
doyam EN (e voit tout le long de l'année, Se en toutes faii'^€MTTI-
(ons en cefte terre du Brefil.
5**' OR nonobftant cefte inimitié de nos Aiar-
g**u à l'encontre des François, laquelle eux Se
nous

De L' a m e E, i q_V e. 41
nous diffimulions tant que nous pouuions, noftre
Contremaiftre, qui fauoit vn peu gergonnerleur
langage, auec quelques autres 'Matelots
s'eftant mis dans la barque, s'en alla contre
leriuage, où en groffes troupes no-as voyons
toufiours ces fauuages affcmblez. Toutesrois
nos gens ne fe ftans en eux que bien à point, à
fin d'obuier au danger où ils fe fuffent peu met
tre d'eftre prins SlBoucanez., c'eft à dire, roftis,
n'approchèrent pas plus près déterre que la
portée de leurs flefches. Ainfi leur monftrans
de loin des coufteaux, miroirs, peignes , & autres
baguenauderies, pour lefquclles,en les appellant,
ils leur demandèrent des viures : fi toft
que quelques vns,qui s'approchèrent le plus
près qu'ils peurent, l'eurent entendu , eux fans
fe faire autrement prier, auec d'autres en allèrent
quérir en grande diligence.Tellement que
noftre Contremaiftre à Ion retour nous rapporta
non feulement de la farine faite d'vne ra p^ri»* de
cine, laquelle les Sauuages mangent au lieu de raan*,çr
-f*in,desiâmbons,&de la chair d'vne certaine ****** "**efpece
de fangliers, auec autres victuailles Si " res
fruicts à fuffiface tels que le pays les porte:mais l****l tu
auffi Pour nous les prefenter, & pour harâguer
à noftre bien venue, fix hommes Se vne femme
firent point de difficulté de s'ébarquer pour
nous venir voir au nauire.Et parce que ce furet
les premiers fauuages que ie vis de près, vous Premiers
laiflant à penfer fiieles regarday Se contem.- f*»""?'
play attentkiement, encore que ie referuc à les
deferire Se dépeindre au long en autre lieu plus i' a^tJ K
propre: fi en veux-ie dés maintenant ici dire
1-'. iij t

4.1 HlSyTOIRI
quelque chofe en parlant. Premièrement tant
les hommes que la femjme eftoyent auflî entieremenr
nuds, que quand ils forment du ventre
de leurs mères : toutesfois pour eftre plus bragards,
ils eftoyent peints & noircis partout ie
corps. Au refte les hommes feulement, à la façon
& comme la couronne d'vn moine, eftans
tondus fort pies fur le deuant de latefte,auoyct
fur le derrière les cheueux lc)ngs:mais ainfi que
ceux qui portent leurs perruques par deçà, ils
eftoyent roignez à l'entour du col. Dauantage,
ayanS tous les leures de deflus trouées 6V percées,chacun
y auoit éVportoit vne pierre verte,
bien polie, proprement appliquée, & comme
enchalfcc , laquelle eftant delà largeur & rondeur
d'vn tefton, ils oftoyentek remettoyent
quand bon leur fembloit. Or ils portent telles
chofes en penfant eftre mieux parcznnaispour
eu dire le vray, quand cefte pierre eft oftee, &
que cefte grade fente en la leure de deffous leur
'tait comme vne féconde bouche,cela les deffigure
bien fort.Quant à la femme, outre qu'elle
n'auoit pas la leure fendue,encores comme celles
de par deçà portoit-elle les cheueux longs:
mais pour l'efgard des oreilles,les ayant fi defpi
teufemêt percées qu o euftpeu mettre le doigt
à trauers des trous, elle y portoit de grans pendans
d'os blancs, lefquels luy battoye.pt iufques
fur les efpaules. le referue aufli à réfuter cyapres
l'erreur de ceux qui nous ont voulu faire
accroire que les fauuages eftoyent velus.Cepédant
auant que ceux dôt ie parle paxtiflent d'auec
nous, les hommes, cV principalement deux
ou

p.niniiiiigjniup.il m . . ii.y*. ,„ ,^...- r-v,i..., 1 1
T> E L' A M E R i cj_v E. 45
ou trois vieillards qui fcmbloyét eftre des plus
pparens de leurs paroilTes(côvne on dit par deçà
^allegans qu'il y auoit en leur cotree du plus
jeau bois de Brefil qui fe peuft trouuer en tout
e p.iys,lequel ils promettoyent de nous aider à
oaper&a porter:&au refte nous affilier de
viures, firent tout ce qu'ils peurent pour nous R«{e des
)erfuader de charger là noftre nauirei Mais ft»»*gts
jarce que.côme nos ennemis que i'ay dit qu'ils Pfj^"**
eftoyent, cela eftoit nous appeller, & faire finement
mettre pied à terre, pour puis après,
euxayans l'auantage fur nous, nous mettre en
neces & nous manger.outre qu,e nous tédions
ailleurs,nous n'auiôs garde de nous arrefterlà.
Ainfi après qu'auec grande admiration nos
MargatM eurent bien regardé noftre artillerie
& tout ce qu'ils voulurét dans noftre vaifleau,
nous pour quelque côfideration 8c dangereufc
confequence(nommement afin que d'autres
François qui fans y penfer arriuans là en euffent
peu porter la peineJne les voulans fafcher
ny retenir,eux demandans de retourner en terre
vers leurs gens qui les attendoyét toufiours
furie bord de la mer,il fut queftiô de les payer
&côtenterdes viures qu'ils nous aujyentapportez.Et
parce qu'ils n'ont entr'eux nul vfage
de monnoye, le payement que nous leur fifmes , r -
tut de chemues,coulteaux,hatms a pelcher,mi- à emo najt
roirs, 8c autre marchandise 8c mercerie propre entre Ut
à trafiquer parmi ce peuple. Mais pour la fin & /

44 H I S T O I R E
au defpartir qu'ils auoyent vcftu les ehemifes
que nous leurauions BAILLÉES, quand ce vint à
s'afloir en la barque (nayans pas accouftume'
d'auoir linges ny autres habillemens fur eux) ù
fin de ne les gafter en les trouffant iufqnes aunombril,
& defcouurans ce que pluftou il falloir
cacher, ils voulurent encores, en prenant
congé' de nous, que nous viiîïons leur derrière
e u r s
Cimhtè & ' fcifes.Ne voila pas d'hôneftes officiers,
yraymit &c vne belle ciuilitc pour des amba(fadeurs?car
fj»»age. nonobftant le prouerbe fi commun enlaboti
che de nous tous de par deçà : affauoir que la
chair nous eft plus proche plus chère que 1a
chemife, eux au contraire,pour nous monftrer
qu'ils n'en eftoyent pas la logez, & poflîble
pour vne magnificence de leur pays en noftre
endroit, en nous môftrans le cul preferét leurs
cliemifes à leur peau. 1
Or après que nous nous fufmes vn peu rafraifehis
EN ce lieu-la.cV que quoy qu'à ce cornmencemét
les viandes qu'ils nous auoyent apt
portées, nous femblaflent eftranges, nous NE
laiffilTiôs pas neâtmoins à caufe de la neceffité,
d'en bien manger : des le lendemain qui eftoit
vn iour de dimanche,nous leuafmes l'anchre& I
filmes V4»le. AINFI coftoyans la terre, &,tirans
où nous prétendions d'aller, nous n'eufmes pas
nauigé neuf ou dix lieues que nous nous trouuafmes
à l'endroit d'vn fort des Portugais,nôspnitms
rné par eux SPIRITVS SANCTVS^&parlcs|
s.fon des fauuages Moab ) lefquels cognoiflans, tant
Portugais. n oft r c E (J U jppage que celuy de la carauelle que
nous emmenrous ("qu'ils iugerêt bien auflî que
noosl

De L' ameri q_> e. 45
nous auions prinfe fur ceux de leur nation ) tirèrent
trois coups de canon fur nous :& nous
cmblablement pour leur refpondre trois ou
quatre contr'eux: toutesfois, parce que nous
eftions trop loin pour la portée des picces,côîne
ils ne nous orfenferent point, auflî croy-re
que ne fifmes nous pas eux.
POVRSVYVANS donqucs noftre route,en
coftoyant toufiours la terre, nous palfafes
auprès d'vn lieu nommé Tapemiry: ou à Tapmiry^
'entrée delà terre ferme, &à l'emboucheure
de la mer,il y a des petites ifles: & croy que les
auuages qui demeurent là, font amis & alliez
des François.
VN peu plus auant, & par les vingt degrez,
îabitent les Taraiba.autres (auuages,en la ter-
T < t r
*^-
re defquels, comme ie remarquay en palfant, il
"e voit de petites montagnes faites en pointe
& forme de cheminées.
Le premier iour de Mars nous eftions à la Lespttitts
hauteur des petites Baifes,c'eft à dire efeueils
& pointes de terre entremeflees de petits rohersqui
s'auancenten mer, lefquels les mariliers,
de crainte que leurs vaiifeaux n'y touhcnt,euitent
& s^en eflongnent tant qu'il leur
ftpoflîble.
S a
e s
JJ '
A l'cdroit de ces BalTes,nous defcouurifmes
vifmes bien à clair vne terre plaine, laquelle Ontttuài,
'enuiron quinze lieues de longueur, eft polTe- f*»»*gts
lee & habitée des OttctacM,h\iuagcs fi farou- / 4r
**"* M
*
hes &. cftrangcs, que comme ils ne peuuent ' tmiy*i_
emeurer en paix l'vn auec l'autre, auffi ont-ils urtdutimt
uerreouuertc & continue!le,tant contre tous h*rbart&
ejlrange.

4f6 HISTOIRE
leurs voifins,que généralement contre tous les
eftrangers. Que s ils font prêtiez & pourfuiuis
de leurs ennemis (lefquçls cependât ne les ont
iamais feeu vaincre ni dompter)ils vont fi bien
du pied & courent fi vifte, que non feulement
ils euitêt en cefte forte le danger de mort,mais
mcfmes auffi quand ils vont à la chafle,ils prennent
à la courfe certaines beftes fauuages elpeces
de cerfs Se biches. Au furplus,combien que
ainfi que tous les autres Breliliens ils aillêt entièrement
mids,fi eft-ce neantmoins que contre
la couftume plus ordinaire des hommes de
ces pays-b (lefquels comme i'ay ia dit & diray
encores plus amplement, fe tôdentle deuât de
la tefte,& rognent leur perruque fur le derricre)eux
portet les cheueux Iôg* Se pédâs iufques
aux fefïes.Bref,ces diablotins à'Ouetacxi demeu
râs inuincibles en cefte petite côtree, Se au furplus
côme chiês & loups,mange âs la chair crue,
mefme leur langage n'eftant point entendu de
leurs voifïns, doiuent eftre tenus & mis au râg
des nations les plus barbares,cruelles & redoutées
qui fe puifient trouuer en toute l'Inde Occidentale
Se terre du Brefil. Au refte,tout ainfi
qu'ils n'onr,ni ne venlét auoir nulle accointâce
ni trafique auec les François, Efpagnols, Portugalois,
ni autres de ce pays d'outre merde I
par deçà, auffi ne fçauent-ils qucc'eftde nos
marchâdif es. Toutesfois, félon que i'ay depuis
entédu d'vn truchement deNormâdie, quand
leurs voifïns en ont Se qu'Us les en veulent ac-|
commoder.voici leur façon & manière de permuter.Le
Afargatat^Cara-ia, ou Toïtoupinam-
baoultM

DE L' AMERI QJV E. 47
t4ouh, {
oyteux .goûteux, ou autrement mal eniam-
>ez de par-deça vouluflent perdre leurs marhandifes,
ie ne fuis pas d'aiùs qu'ils aillent nc-
...L_.

m e s
des i^dts
48 H I S T O I R E
gocicr ni permuter auec eux.Vray eft cjue,com
me on dit, que les Bafques ont femblablement
leur langage à part, & qufaufli, comme chacun
fçait,eftans gaillards 5c difpos , il font tenus
pour les meilleurs laquais du môde,ainfi qu'on
lespourroit parangonner en ces deux poin&s
auec nos Ouetteas, encores femble-il qu'ils feroyent
fort propres pour iouer es barres auec
eux. Comme aufli on pourroit mettre en ce
rang, tant certains hommes qui habitent en vne
région de la Floride, près la riuiere des Pal-
» ' c
u e
fl
' s
( comme quelqu'vn cfcrit)font fi
li».i.cha. forts & légers du pied qu'ils acconfuyuent vn
4*.cr cerf,& courent tout vn iour fans fe repofenque
autres grands Geans qui font vers le fleuue de I
la PIate,lefquels auflï(dit le mefme autheur)font
fi difpos, qu'à la courfe & auec les mains ils
prennent certains cheureux qui fe trouueïit là.
Mais mettant la bride fur.le col & lafchanthl
leffe à tous ces courtiers & chiens courans à
deux pieds,pour les lailfer aller ville comme le I
vent ,& quelque fois auffi ( comme il eft vravl
femblable en cullebutant prenant de belles na-l
zardes ) tomber dru comme la pluye, les vns enl
trois endroits de l'Amerique(eflongnez neant-j
moins l'vn de l'autre, nommément ceux d'auprès
de la Plate & de la Floride de plus de quin-l
ze cens lieues ) & les quatrièmes parmi noftrel
Europe, ie pafferay outre au fil de mon hiftoi'J
re.
Apres donc que nous eufmes coftoyé &l
laifle derrière nous la terre de ces OuetacasI
nous paifafmes à la veue d'vn autre pays procll.!!B|

DE L' A M E R. I cxy E. 49
chair» nommé Afsq-hé, habité d'autres fauua- Maq-hc.
ges defqueis ie ne diray autre chofe : finon que
pour les caufes fufdites chacun peut eftimer
qu'ils n'ont pas fefte/comme on dit communément
) ni n'ont garde de s'endormir auprès de
tels brufques & fretillans refueille-matin de
voifïns qu'ils ont. En leur terre & fur le bord
delà mer on void vne groife roche faite en forme
de tour, laquelle quand le foleil frape deffu$,trcfluit&
eftincelle fi tresfort, qu'aucuns
penfent que ce foit vne forte d'Efmeraude : & ejn:
de raid les François & Portugallois qui voya- meed'Efme
gent là, l'appellent l'Efmeraude de Maq-hé. rwdc^
Toutefois comme ils difentquele lieu où. elle
cft,pour eftre enuirônee d'vne infinité de poin
tes de rochers à fleur d'eau, qui fe iettent enuiron
deux lieues en mer , ne peut eftre abordée
de cefte part-la auec les vaifleaux,aufli tiennent
ils qu'il eft du tout inacceflible du cofté de la
terre.
Il y a femblablement trois petites ifles nommées
les ifles de May-hé,auprès defquelles ayâs
mouillé l'anchre,& couché vne nuict,dés lelcn
demain fkifans voile,nous penfions dés ce mefme
iour arriuer au Cap de Frie: toutefois au
ieu d'auancer nous eufmes vent tellement con
traire , qu'il fàlluft relafcher 8c retourner d'où
îous eftions partis le matin, où nous fuîmes à
'anchre iufqUes au ieudi au foir : & côme vous
jrrez,peu s'en fallut que nous n'y demeurifliôs
lu tout. Car le mardi deuxième de Mars, iour
ju'on difoit Carcfme-prenant, après que nos
natelots,felon leur couftumc,fe furet refiouys,

yj H i s t e i R S
il aduint qu'enuiron les onze heures du foir, fur I
le poinct. que nous commencions à repofer, li
tempefte s'efleuant fi fo(udaine,que le cable qui
tenoit l'anchre de noftre nauire,ne pouuât fouftenir
l'impctuofité des furieufes values, fut
tout incontinent rompu : noftre vaifleau ainfi |
tourmété & agité des ondes, pouffé qu'il eftoit
Tnc)-*ian du cofté du riuage, citant venu à n'auoir que
ter c» no»s deux braffes & demie d'eau(qui eftoit le moins
fufmes. qu'il en pouuoit auoir pour flotter toutvuide)
peu s'en fallut qu'il ne touchait terre,& qu'il ne
fuit efchoué.Et de faiétde maiftre, 8e le pilote*
lefquels faifoyent fonder à mefure que la nauire
deriuoit.au lieu d'eftre les plus afleurez &|
donner courage aux autres, quand ils virét que
nous en eftions venus iufques-1 à, crièrent deux
ou trois fois,Nous fommes perdus , nous -famines
perdus. Toutefois nos matelots en grande
diligêce ayans ietté vne aqtre anchre, que Dieu
voulut qui tint ferme, cela empefcha que nous
ne fufmes pas portez fur certains rochers d'vne
de ces ifles de Mdy-he, lefquels fans nulle doute
& fans aucune cfperancc de nous pouuoir
fauuer ( tant la mer eftoit haute ) euflent brifé
entièrement noftre vaifleau. Ceft cfrroy & eftonnement
dura enuiron trois heures, durant
lefquelles il feruoit bien peu de crier, bas bort,
tiebort,haut la barre,vadulo,hale la boline. lafche
l'efeoute : car pluftoft cela fe fait en pleine I
mer où les mariniers ne craignent pas tant la I
tourmente qu'ils font près de terre, côme nous
eftions lors.Or parce.comme i'ay dit ci deuant, j
que nos eaux douces s'eftoyent toutes corrompues,!

DE L* A M E R I OJV E.
5iies,la matin venu & la tourmente cefl"ee,qucljues
vns d'entre nous en eftans allé quérir de
frefche en l'vne de'ces ifles inhabitables, non
feulemét nous trouuafmes la terre d'icelle tou- ^ttondfa
te cpuuerte d'œufs & d'oyfeaux de diuerfes ef- foy/e*»*
jeces, & cependant tout diffemblables des no-
i s tile
*
lires: mais aufli, pourn'auoir pas accouftumé X*!'^'
Je voir des hommes, ils eftoyent fi priuez , que
(Te Iaiffans prendre à la main,ou tuer à coups de
jafton, nous en remplifmes noftre barque,&
en rcmportafmes au nauire autant qu'il nous
Dleuft.Tcllement qu'encores que ce fuft le iour
}u'on 3ppelloit les Cëdres,nos matelots ncantioins,
voire lès plus catholiques Romains ayâs
?rins bon appétit au trauail qu'ils auoyent eu la
mict précédente, ne firent point de difficulté
ti'en manger. Et certes aufli celuy qui contre la
lloftrine de l'Euâgile a défendu certains temps
' iours l'vfage de la chair aux Chreftiens, n'atantpoint
encores empiété ce pays-la, où par
lonfequent il n'eft nouuelle de pratiquer les
iix de telle fuperftitieufe abftinence, il femble
bue le lieu les difpenfoit affez.
Le jeudi que nous departifmes d'auprès de
les trois ifles,nous eufmes vent tellement à fou
kait, que dés le lendemain enuiron les quatre
keures du foir, nous arriuafmes au Cap deFrie: Ca
l>4?
rort & Haure des plus renommez en ce pays-* r
-'
i pour la nâuigation des François. Là après ajoir
mouillé l'anchre, & pour lignai aux habians,
tiréqu elques coups die canons, le capitaine
& le raaiftre du nauire auec quelques vns de
pus autres ayans mis pied à terre, nous trou-
1 l

52 H I S T O I R E
uafmcs d'abordec fur le riuagegrâd nombre del
Touou- fauuagcs,nommez TouauptrutmbAOHlts, aliez&|
c
DMUUY
o n
fierez de noftre najtiô.-lcfquels outre la c*[
famMgws,
r c n e
8c bô accueil qu'il nous firent nous dirent!
Jim. du nouuelle de PaycolM'imÇi nômoyent-ils Ville-J
tr*npis. gagnon)dequoy nous fufmes fort ioyeux. En cel
mefme lieu(tant auec vne rets que nousauionif
qu'autrement auec des hameçons)nous pefchifj
mes grande quantité de plufieurs efpeccs del
poillons tous diffemblables à ceux de parde ça:[
mais entre les autres,il y en auoit vn,poffiblele|
„ ..- plus bieerre, difforme & monlfrueux qu'il eft|
ftrutHx. pofsiblc d en voir, lequel pour celte caufe i IU
bien voulu deferire ici. Il eftoit prefques aufsil
gros qu'vn bouueau d'vn an, & auoit vn neil
longd'enniron cinq pieds, & large de pied&|
demi,garni de dents de cofté & d'autre,aufsi pi-l
quantes & rrenchantes qu'vne feie: de façon!
que quand nous les vifmes fur terre remuerai
foudain ce maiftre nez, ce fut à nous , en nowl
en donnant garde, & fur peine d'en eftre mari
qnez, de crier l'vn à l'autreXiarde les iambes:iJ
refte la chair en eftoit fi dure, qu'encore quel
nous eufsions tous bon appétit, & qu'on le nul
bouillir plus de vintgquatre heures , fi n'en!
fceufmes nous iamais manger.
Au furplus ce fut là auffi que nous vifme
premièrement les perroquets voler,non feulcj
ment fort haut & en troupes, comme vous dt
c z e s
e o n s
Velet i* " ^ P'g * corneilles en noftre France*
frm

DE D'A M E it i czjv E. 5j
0 R cfhtns aiaû paruenu* à vingtcinq ou
freine lieues près du lieu où nous prétendions,
ie déliras rien plus que d'y arriuer au pluftoft,
lcaufe d#cela hotisné fifrnes pas (i longféiour
lu Cap àt Fric que nous eudîonS bien voulu,
arquoi dés lefoir de ce mefme iour ayâns appareillé
St fait voiles, nous cinglafmes fi bien
ijue le Dimanche 7. de Mars 15 5 ji laiffans la
îaute mer à gaucheidUcofté-dei'Éft,nous en-
^rafmes au bras de 1
mer, 8c riuiere d'edu falee,
iommee

54 HISTOIRE
gton qu'outra parties de fin gouMememerti en ci
pays-la.
PRÈS donque* que nos nauires
furent au Haure en cefte riuiere de
CanaiarotitXcxptetdt terre ferra r,
chacun de nous ayant troufle & mil
a» fon it ce que nous voyans lors np fçulement deiiurq
C0
^"'' des périls & dangers, dont nous auions tant di
fois efté enuironoez for mer, mais auflî auoif.
efté fi heureufement conduits au port defué.
la première chofe que nous filmes, après a*
uoir mis pied à terre, fut de tous enfemble es
rendre grâces à Dieu. Cela fait nous fyfroa
ïéccutil trouuer Villegagnon, lequel, nous attendant
Î"* M "
c n v n c
P^ acc
» n i»t des long tempsA de tout mon cœur defiré tellecho-

L'AMI mq> ft. 55
fi ievourrefois tref-volontiers à ces
>ndittoijisn*cfnief parce que ie veux que no-
ra
reEgUfetitle"rew)m4 ,
eitrela mieux refor-*"*'
ice par aeflu* toutes le| autresrdés maintenant
hcntenqueles vices forent reprimez, lafum-
>tuofité des aceouftreméns reformée, & cri
îmroe, tout ce qui nous pourroit empefcher
le feruir i Dieu ofté du milieu de nous.Puis levant
les yeux au ciel & joignant lés mains dit,
eigneur Dieu ie te rends grâces de ce que tu
l'as enuoyé ce que dés fi long temps ie t'ay fi.
rdemment demandé. & derechef s'adreflant à
: compagnie dit, Mes enfans ( car ie veux
Ire voftrc pere)cbmme Iefus Chrift eftant en
lîe monde n'a rien fait pour luy, aiastout ce
lu'ila fait a efté pour nous:auflJi(ayant cefte efberance
que Dieu mepreferuera en vie iufques
Ice que nous foyons fortifiez en ce pays,& que
rous vous puiflîez pafTer de moy)tout ce que ie
pretens faire ici, eft, tant pour vous que pour
[ous ceux qui y viendrôt à mefme fin que vous
relies venus. Car ie délibère d'y faire vne repue
aux poures fidèles qui feront perfecutez
en France, en Efpagne & ailleurs outre mer, à
i que fans crainte ni du Roy, ni de l'Empeurou
d'autres potentats, ilsypuiffent purcacnt
feruir à Dieu félon fa volonté. Voila les
premiers propos que Villegagnon nous tint à
1
arriuee, qai fut vn mecredi dixième de
APRES cela ayant commandé que toutes
gens s'affemblaffent promptément auec
Bous en vne petite fale, qui eftoit au milieu de
G.
T
'S a
:

56 HISTOIRE
I'jfle .après que le MiniftreRtchicr eut iniroqué
Dieu, Si. que le PI eau me cinquième , Aux
paroles que ie veux dirp, &c.for chante' en l'affemblée:
ledit Richier prenant pour texte ces
v e r c t s
Tremier f du Pfcaume vingtfcptieme,I'aydeman
frtfcht de' vne chofe au Seigneur laquelle ie requerra?
ftk'tnCji encores, c'eft quei'habite enlamaifon duSeimnift».
gneur tous les iours de mi vie, fit le premier
prefche au fort de Coligni enl'Amerique.Mais
cc*ien*n- durant iceluy, Villegagnon entendant expofer
teàtVtil* cefte matière, ne ccflantdc ioindre les mains,
git.no» d» de leuerles yeux au ciel,de faire de grands foufritUfrrf-
pirs, & autres femblables contenances, faifoit
tht
' cfmerueiller vn chacun de nous. A la fin aprej
que les prières folennelles, fclon le formulaire
accouftume es Eglifes reibrmees de France, vn
iour ordonné en chacune femaine furent faites,
la compagoie fe deipartit.Toutesfois,nous autres
nouucaux venus demeurafmes &difnafmes
ce iour la en la mefme falle, où pour toutes
viandes , nous eufmes de la farine faite de
TraUtmtt racines:du poiflon hucané,c'eii à dire rofti, à la
* y* nom mode des lauuages,d'autrCs racines cuicfces aux
iKÊufmts cendres(defquelles chofes & de leurs propriedt
vilUg* t e Z j à fin de n'interrompre ici mon propos, ie
gmmdtiU feferueà parler ailleurs)&>pourbruuage, parce
ZTHT*" V 1
n v a e n c c
'^ ^ c
^fl e
»roQ»» n
^ puits ni rèfiere
d'eau douce,dc l'eau d'vne cyfterne,ou pluftoft
d'vn efgouft de toute la pluye qui tomboitei
rifle , laquelle eftoit auflî verte, orcte&fal
qu'eft -
vn viel fofle couoert de grenouilles.
Vray eft qu'en côparaifon de celle eau fi puante
Se corrompue que i'ay dit cideuant quenom
allions

DE L' A M E R I QJV T. 57
auiorts beue au nauire ; encore la trouuionsnous
bonne. Finalement noftre dernier mets
fut, que pour nous rafraifchir du trauail de la
/Trier, au partir de là, on nous mena tous porter
qcs pierres & de la terre en ce fort de Coligni
du'on Continuoit debaftir. C'eft le bon traitement
que Villegagnon nous fit dés le beau pre
Vnier iour,à noftre arriuee.Outreplus fur le foir
qu'il fut queftion de trouuer logis,, lefieurdu
Pont Se les deux Miniftres ayans efté accommodez
en vne chambre telle quelle, au milieu
de l'Ifle,à fin aufli de gratifier nous autres de la
Religion, on nous bailla vne maifonnette, laquelle
vn fauuage efclaue de Villegagnon ache
uoit de couurir d'herbe, 8c baftir à là mode fur
ie bord de la menauquel lieu à la façon des Ameriquains,
nous pendifmes des linceux & des
licts de Coton, pour nous coucher en l'air. Ain
fi dés le lendemain 8c les iours fuyuans,fans que
la neceffité contraignit Villegagnon, qui n'eut
nul efeard à ce que nous eftions fort affaiblis
du paflagc de la mer, ni à la chaleur qu'il fait or
dinairement en ce pays-la:ioint le peu de nour
riture que nousauions , qui eftoit en fomme
chacun .parioûr deux gobelets de farine dure
, faite des racines, dont i'ay parlé ( d'vne
partie de laquelle auec de céfte eau trouble
de la cyfterne fufdite, nous fanions de
la boulie, & ainfi que les gens du pays,
mangions le refte fec ) il nous fit porter h
terre & les pierres en fon fort.: voire en
telle diligence, qu'auec ces incommodités
G. iij.

58 HlSTOIRK
& debiliter,eftans contraints de tenir coup à la
befongne, depuis le boinâ du iour iufques à la
nuira, il fembloit bien nous traiter vn peu plus
rudement que le deuoir d'vn bon pere(tel qu'il
auoit dit à noftre arriuee nous vouloir eftre)
ne portoit enuers fes enfàns. Toutesfois tant
pour le grand deûr que nous au ions que ce baftiment
6c retraite,qu'il difoit vouloir faire aux
fidèles en ce pays-là, fe paracheuaft , que parce
que maiftre Pierre Richier noftre plus ancien
Miniftre, afin de npus accourager dauantage,
difoit que nous auions trouiie' vn fécond fainét
Paul en Villegagnon (comme de faiét, ie n'ouy
iamais homme mieux parler de la Religion 8c
refbrmàtion Ghreftienne qu'il fàifoit lors ) il
n'y eut celui de nous qui, par manière de dire,
outre fes forces ne s'employaft allègrement I'ef
pace d'enuiron vn mois , à faire ce meftier, lequel
neantmoins nous n'auions pas accouftumé.
Sur quoi ie puis dire que Villegagnon ne
s'eft peu iuftement plaindre, que tant qu'il fit
profeflion de l'Euangile en ce pays-là, il ne tirait
de nous tout le feruice qu'il voulut.
O R pour retourner au principal, dés la première
femaine que nous fuîmes la arriuer, Villegagnon
non feulement confentit, mais luimefme
aufli eftablit ceft ordres aflauoir,o^i outre
les prières publiques, qui fe faifoyenttoui
f ***** les foirs, après qu'on aooit laifTé la befongne,
l
v ' S
c s
M«n>^e« prefcheroyerh deux fois le Diman
vJU- che,&to'is les iours ouuriers vne heure durant:
l*tnc». déclarant aufli par exprès/ qu'il vouJoit & en-
\. / tendoit

D Ï L'A MIRIQ.VE. 59
tendoit que fans aucune addition humaine les
Sacremens fufTent adminiftrez félon la pure parole
de Dieu:& qu'au refte la difeipline Ecclefiaftique
fuft pratiquée contre les defaillans.
Suyuant donc celle police Ecclefiaftiquc , le
Dimanche vingt & vnieme de Mars que la fain
cte Cene de noftre Seigneur Iefus Chrift mit ^J^i^s célébrée la première fois.au fort de Coligni en ç e m fa
l'Ameriquedes miniftres ayans auparauant pre- prtmtrt-
m e n t
paré & catechifé tous ceux qui y deuoyent c6r
t t e m l A
muniquer.parce qu'ils n'auoyent pas bonne 0- *
pinion d vn certain lean Cointa, qui le railoit
appeller monfieur Hector, autresibis docteur
de Sorbonffe, lequel auoit pafféla mer auec
nous:il fut priépar eux qu'auant que fe prefen- caintaaU.
ter il fift confeUion publique de fa foy: ce qu'il «W«/eP4 fit: & par mefme moyen deuant tous, abiura le /"/">»•
Papifme.
SEMBLABLEMENT quad le fermÔ fut
acheué» Villegagnon faifant toufiours du zela- ^^i'r
teur, fe leuant debout &allegant que les ca- f^J^i
pitaines.maiftres de nauires,matelots 8c autres Utt»r.
ui y ayans affîftez n'auoyent encores fait prorflion
de la Religion reformee,n'eftoyent pas
capables d'vn tel myftere, les faifanc fortir deîors
ne voulut pas qu'ils viiTent adminiftrer le
>ain 8c le vin.Dauantage luy mefme,tant comme
il difoit, pour dédier fon fort ï Dieu» que
>our faire confeflîon de fa foy en la face de 1E-
;life, s'eftant mis à genoux fur vn carreau de '
'elours (lequel fon pageportoit ordinairemet
tpresluy) pronÔça a haute voix deux oraifons,
G iiij.

6o HISTOIRE
dcfquclles ayant eu copie, à fin que chacun entende
mieux combien il eftoit mal-ailé de cognoiftre
le coeur & l'intérieur de c'eft homme,
ie les ay ici inférées de mot à mot, fans y changer
vne feule lettre.
Oralfond* M o N Dieu ouure les yeux & la bouche de
VMtgé- mon entendement, ad refte les à te faire cong*o»
*»jt feifion,prieres,& aCtiôs de grâces des biens ex-
VHUTTÛ c e e n s u c t u
^ S
n o u s a s
faitsÎD'i E v tout puif-
C e n u fant, viuant & immortel, Pere Eternel de ton
Fils Iefus Chrift noftre Seigneur, qui par ta pro
uidence auec ton Fils gouuernes toutes chofes
au ciel & en terre.ainfi que par ta bonté infinie
tuas fait entendre àtesefleus depuis la création
du monde, fpecialement par ton Fils, que
tu as enuoyé en terre , par lequel tu te manifeftes:ayant
dit à haute voix,Efcoutez-le:& après
fon 3fcenfîon par ton fainét Efprit efpandu fur
les Apoftres:ie recognoy à ta faincte Maiefté
(en prefence de ton Eglife, plantée par ta grâce
en ce pays)de cœur, que ie n'ay iamais trouué
par la preuue que i'ay faite, ckparreflay de
mes forces Si prudéce ,finô que tout le mié qui
en peut fortir font pures oeuures de ténèbres,
fapience de chair,polue en zele de vanité, tendant
au feul but Si vtilité de mon corps. Au
moyen dequoy ie protefte & confçiTe franchement,
que fans la lumière de ton fainex Efprit
ie ne fuis idoine finon à pécher: par ainfi me
dvfpouillant de toute gloire, ie veux qu'on fâche
de moy que s'il y a lumière ou fcintille de
vertu en l'ceuure pnnfe que tu as fait par moi,
ie la

D E L' AMERIQUE. 6l
ich confeffeà toy feul,fourcc-detout bien.En
cefte foy donques, mon Dieu ie te rend grâces
de tout mon cœur, qull t'a pieu m'auoquerdes
affaires du monde, entre lefquels ie
viuois par appétit d'ambition, t'ayant pieu par
l'infpiration de ton fainâ Efprit me mettre aa
lieu, où en toute liberté ie puifle te feruir de
toutes mes forces & augmentation de ton
faincx règne». Et ce fàifant apprefterlieu &
dcmeurance paifible à ceux qui font priuezde
pouuoir .inuoquer publiquement ton nom,
pour te fanctifier & adorer en Efprit & vérité',
recognoiftre ton Fils noftre Seigneurie-,
fus, eftre l'vnique Médiateur, noftre vie & adreffe,
8c le feul mérite de noftre falut.Dauantage,
iete remercie, ô Dieu de toute bonté,
quem'ayant conduit en ce pays entre ignorans
de ton nom & de ta^randeur, mais pofTedlez
de Satan, comme fon héritage, tu m'ayes pre- il difoit ceferué
de leur malice, combien que ie rufle de-
c
^P are
'^ me
ftituéde forces humaines: mais leur as donné gttt" tra_
terreur de nous, tellement qu'à là feule men- erdmatre*
tion de nous,ils tremblent depeur,&les as di- memtfitrtt
fperfez pour nous nourrir de leurs labeurs. Et te
fi*
pour refréner leur brutale impetuofité.les as
affligez de tref-cruellesmaladies,nous en pre- ^ / ^ ^
feruant: tu as ofté de la terre ceux qui nous e- pefiUtntis
ftoyent les plus dangereux, & réduit les autres l*,q** tm
en telle foibleiTe qu'ils n'osée rien entreprêdrc
tm
P* rta
fur nous.Au moyé de quoy ayôs loifir de pren- ^j^X^
dre racine en ce licu,& pour la côpagnie qu'il-,^*»**
t'a pieu y amener fans deftourbier,tu y as cita- g»rtms.

6t H I S T O I R E
bli le régime d'vne Eglife pour nous entretenir
en vnitc & crainne de ton faincx nom, à fin
de nous adrefler à la vie éternelle.
Or Seigneur, puisqu'il t'a pieu eitabliren
nous ton Royaume, iete fupplie par ton Fils
Iefus Chriftjequel tu as voulu qu'il fuft hoftie
pour nous confirmer en ta dilection, augmen'ter
tes grâces & noftre foy, nous fanctihant &
illuminant par ton fainct Efprit,cW nous dédier
tellement à ton feruice, que tout noftre eftude
foit employé à ta gloire: Plaife toy auflS noftre
Seigneur & Pere eftendre ta bénédiction fur
ce heu de Coligny, & pays delà France Antarctique.pour
eftre inexpugnable retraite à ceux
qui à bon efeient, 8c fans hypocrifie y auront
recours,pour fe dédier auec nous à l'exaltation
de ta gtoire,& que fans trouble des hérétiques,
te puiflions inuoquer en verité:fay auffi que tô
Euangile règne en ce lieu,y fortifiant tes feruiteurs,
de peur qu'ils ne trebufehent en l'erreur
des Epicuriens, & autres apoftats : mais foyent
conftans à perfeuerer en la vraye adoration de
ta Diuinite félon tafaincte Parole.
Qu'il te plaife aufli, ô Dieu de toute bonté,
eftre protecteur du Roy noftre fouuerain
feieneur felô la chair.de fa femme,defa lignée,
& fon Confeil: meflirc Gafpard de Coiligny,fa
femme & fa lignée, les confirmant en volonté
de maintenir 8c fauorifer cefte tienne Eglife.èV
vueilleà moy tontref-humble efclaue donner
prudence de me conduire, de forte queiene
fburuôyepoint du droit chemin,& que ie puif-

DH L' A M E R I Q_V E. e>$
fe refifter à tous les empefchemens que Satan
mepourroit faire fans ton aide:uue te cognoiffions
perpétuellement pour noftre Dieu mifericorcfieux,iufte
jugeck conferuateur de toute
chofe auec ton Filslcfus Chrift, régnant auec
toy & ton faine* Efprit, efpandufur les Apoftrcs.Cree
donc vn cœur droit en nous,mortifie
nous à pechémous régénérât en homme intérieur
pour viure à iuftice,en affuiettiffant no
flre chair pour la rendre idoine aux actions de
l'ame infpiree par toy, & que faifîons ta volonté
en terre, comme les Anges au ciel. Mais de
peur que l'indigence de cercher nos neceffitez,
ne nous face trebufeher en pèche PS» défiance
de ta bonté,plaife toy pouruoir a aoftre
vie,& nous entretenir en fanté. Et ainfi que la
viande terreftre par la chaleur de l'eftonavch fe
conuertit en fang & nourriture du cotprvueille
nourrir & fuftanter nos ames de la chair &
Idu fang de ton Fils,iufques à le former en nous,
IcV nous en luy: chaffant toute malice (pafturc
[de fatan)y fubrogeant au lieu d'icellccharité Se
Ifoy, afin que foyons cogneus de toy pour tes
lenfâns ; Se quand nous t'aurons offenfe, plaife
[toy Seigneur de mifericorde, lauer nos péchez
lu fang de ton Fils, ayant fouuenance que nous
[Tommes conceus en iniquité, Se que naturellement
par la defobeiffance d'Adam péché eft en
aous. Au furplus, cognoy que noftre ame ne
peut exécuter le faine* defir de t'obeir par lor.
fane du corps imparfait & rebelle. Par ainfi
plaife toy par le mérite de tô Fils lefus ne nous

"C'ejhyu
certains
trttchemts
it Korfnaiie,

D L'A M E*R I O.v.g- 6$

66 H M r o ï K B
iteritc. nousaHtitnt leurs «mes de ta cbacràRJcl
ton fiuag, tu as voulu foutrrir mort, à flnque
comme membre de ioer corpsils fe nourîifient
en toy,& qu'ils piaffent i Die* 7
ton Pere,onran* j
ta mort en satisfaction de leurs oârrrfes, comme
fi c'effoyent leur propre r
corps.Et ainfi que
le p«cf»é d'Adam efteft xlcriué en fa pofterité,
Se par le péché h mort, tu as voulu Se impetré
cfe Dieu ton Pere, que ta iuftice fuft imputée
aux croyans, lefquels par la manducation dctjj
chair Si de ton fang, tu as fait vns auec toy, &
transformez en toy comme nourris de ta chair
Se fubftance, leur vray pain pour viure éternellement
comme enfans de iuftice Se non plut
d'ire. Or puis qu'il t'a pieu nous faire tant de
bien, Se qu'eftant aflSs à la dextre de Dieu ton
Pere,là éternellement es ordonné noftre interceffeur,
Se fouuerain Preftre , félon l'ordre de
Mcichifedec, aye pitié de nous, confirme nous,!
fortifie & augmente noftre foy , offre i Dieu
ton Pere la confeflion que ie fay de coeur Se die I
bouche , en prefence de ton Eglife, mefanéh-l
fiant par ton Efprit,comme tu as promis,difant:|
le ne vous lairray point orphelins. Auancetonl
E{*Ufeen ce lieu, de forte qu'en toute paix tuyl
feos adoré puremcnt.Quj vis & règnes auec luyl
Si le faincx Efprit, és ficelés des ficelés etcrnel-|
lemennAmen.
y-jUftgS Ces deux prières finies, Villegagnon fe pre-J
(mtUÇf- fenta le premier à la table du Seigneur, & re*
«p. ceafc ï genoux le pain Se le vin de la main ai
Mjtlftrr Cependant,^ pouf le faire coutt,vebientoft
après ce qu'a dit vn ÀncientafJ
fauoirJ

D B> L'AMIRI ojy x • 6y
Ifauoir » qu'il eft tnalaifé de contrefaire long
I temps le vertueux,tout ainfi qu'on spperceubit
jaifémcnt qu'il n'y auoit qu'oftentation en fon
Ifait, Se que quoy que luy & Coint* enflent abjiuré
publiquemêt la papautc,ils auoyent ncant-
Imoinsplusd'enuiede débattre fiecôtefterque
(d'apprendre & profiter : aufli ne tardèrent-ils
pas beaucoup à cfmouuoir des difputes touchant
la doctrine. Mais principalement fur le
poinct de la Cene : car combien qu'ils reiettaf- i t
lent la transfubftantiation de l'Eglife Romaine, ^
côme vne opinion laquelle ils difoyentouuer- cti»uc*m
U s M
bernent eftre fort lourde &tbfurde, & qu'ils *\
i approuuaJÎent non plus la Coàfubftantiatlon, m
r m
^
lue eôfentoyent-ils pas pourtant a ce que les
ifiniftrcsenieignoyent, &prouuoyent par la
parole de Dieu k que le pain & le vie n'eftoyent
point réellement changée au corps & au fang
jlu Seigneur, lequel aufli n'eftoit pas enclos xkus
ceux.ains quelefus Chrift eft ad ciel, d'où, par
i vertu

- . • i • 1 r*
" m • >""i

D E L' A M E * t O.T E. 69
u long de tout Ton cita* en gencral»jxiais fc'FW
«lierement ( ainfi. que,fry dit en la |rcfVe >} $
uife verra cacorçs h ,laxîn de l'original de ,fa,
ettre en date du dernier de Mars rgi|leycinq ces
inquante fept, la^ueJl^eften bonne gard^ju;
feriuit d'ancre de Brefil de fa propre main ce
ui s'enfuit, ,
l'awufiersty le confeil que votif, maue*. donne pat
ts lettres, m efforçant de tout mon pouuotr de ne
'en defuoyerhtntpau quecefo^arde/aet ttèfuii
ont ptrfuadé qu'il, n'y enpcut,*jtairdéplusfietnÇt,
W, ny entier.Tournant, auffi nous auons fait lire
s lettres en t affermit tic de nofire confeil t enfuis
es enregifirer,a fin que s'il aiment que, nous nous
tournions du droit chemin } parla. leElure £tcels
nous foy ans rappelé^ tfr redreffex. d'vn telfour~
jement é
Mefme vn nommé Nicolas Carmeau qui fut
lorteur de ces lettres, cV qui eftoit parti le preoier
iour d'Apuril dans le nauire de ftofee, en
•tenant congé de nous me dhS que Villegagnô
uy auoit commande de dire de bouche à monieur
Calnio, qu'il le priofe de croire qu'à fin deerpetuer
la mémoire du confciiqu'il luy auoit
•aillé i il le teeoit engraucr en cuture^ co mine
•ffi il auoit baillé charge audit Carmeau de
ly ramener de France qaelqutf nombre deper
wiacs,tanthommes, femmes, qu'enia^u, pro>
icttât qu'il défrayerait Jk payeroit tous Wdef
ens que ceui de la Religion feroyent à l^dier
RMiuer*
MAIS, auant que paiteroutre^e tieveux
u omettre de faire icy mention de -dix gar-

fb HISTOIRE
o r t
T>'et• rar- S * kuuagesjïagêx de rietif à dix ans & an d
(,nsfL»4 (OUs^ lefquels ayans eftc* pYjhs engucrre parlcj
/auoages,amis des FraWois, cV vetwus pour eftX.i»Fri
çlau«,s àViiiefeagnon.ipres que leMiniftre RU
ch1eV,i la fin d^ii prefthe-eut impofé les maint
fur eux, & que noustdus enfemble eufmes prit
Dieu qu'il leur fift la grâce d'eftre les premicet
ur eftre attiré à la cof'jnoifunce
de fon'falut,'fiirent embarquez dans
es nauires,qui ^cbmrrtéi*«y dit)pàrtirent dés le
quatrième de lu^^cioreitre amenez en Fran
ce : où eftans afriuc* -St preftfntez au Roy Henry
fécond ibrs régnant, il en fit prefcnt à plo.
Meurs grands feigneurs:& entre autres il en dô.
naynafeunlonfieur de Paflî, lequel le fit baptizer,
tk l'aiTecôgnu chez lui depuis mon re>
tour.
Av furplus le troifieme iourd'Auril, deui
Trtmiert jeunes hommes, domeftiques de Villegagnoflj
rj^^ efpoùfercnt auprefché,àla façon des Eglifa
d u f*p>» reformees,dcux de ces ieunes filles que nousa
des dm- yions menées deFrance en ce pays-la. Dequw
fiwm t* l c ftjj iç? mention, d'autant qae non feulemea
t^Amm- ^ rorent lejiprtmieres nbpces êc mariages fââj
£ folenntfez a la façon des Chrefttens en la M
rede l'Amérique :taais''iuffi parce quebeaj
coup de fauuagesiqui notas eftoyent venus val
furént.ptus efronnex'dV Voirdes femmes A
'fyic% (carau parattantih-n'en auoyent ianaj
ven)qti'ils ne furent éaWrii des cérémonies •
clefiaftiquesUefquelles cependant leur eftoyJ
auffidu toutmcèVgmies^ftlblablemeritltdil
feptiemc de May, CointJ efpoufa vne aoi

DE L'AMERI oir s. fi
jeune fille, paréte d'vn nommé la Roquettë^de
HouenJaquclie auoit paiTé la ««# qfofcécYnoist
nais elUt mtjrt quelque cètnp^a^pS^ r
e/Mnous
jfufmes là arrioex,il lailTa neTiritre^adîtê par en*
te de la raarchandife qu'il auoit portee,laquellê
confiftoicen grande quantité de coufteaux pei
gnes, miroirs, friiês-de couleurs, naims t pefchcr,
8c autres petites bcfongrtcs propres à traf
Hcjuer entre les fauuagesrce qui vint trié à point
iCointa, lequel fe fceut bien accommoder du
^out.Les deux autres filles( car comme il a efté
ireu en noftre embarquemét,elles eftoyét ciqtj)
'urent auflî incontinent après mariées à deux
[rucheroens de Normandieitellemerit qui! ne
Jeroeura plus entré nous femmes ni filles Chre
tiennes à marier.
S v R ojr o Y aufli afin de ne taire non plus
pe qui eftoit louable que vituperable en Villegagnô^ediray
en pawntjqu^icstufe-de certains
Normanstlerquels dés longtemps au parauant
ju'il fuft en cepayx-la^'eftoy4t Wuuek^Vn napire
qui auott fait h'aufragevft eftoyent derhéu
n par roi les fanges} oit viuâs lias éràfnte de
>ieu,Us paillardoyent auec les femmes 8cfilK*
[comme i'en ai veu quen auoyent des ènfàns
laagcx de quatre à einq ans) tarit di-iepour
rnmer «clayqWcpour obuier que nul de ceux!
I fakoyent leur refsdence eit noftreifle 8t en
ftfe fort n'enabutaft de ceftejfàjtotiR Vittegaion,
par l'adoie dn confcilât demmife i peine ÀoVUtT'
e la vicque oui ayant titre de Qtf«ftiett rfha-Mrmanct
Mtaft auec les feawneadc^toiiagei. Il eft vray
bue 1 ordonnée pe*tait,qiie (i quelques mes
H. ij.

7*' \H*S T O I R a
cûoKçpj;att9)ccaA appelées à la cognoiffance
de P4efi^af>m-qtt elle* feroyent baptizees,il
feroi> ntttnjrdp ^«Ipjoufef. Mais tout ainfi q,
nonobftaauj^jcrnofMtrâces que nous auôs par
placeurs fois faites à ce peuple barbare, il n'y
eo eut paj.yae Qui lailTant la vieille peau , vouluft
adgouer JefuaChrift pour fon ifaaucur:auffi,
tout le temps que iedêepeuray là, n'y eut-il
point de Rftnçois qui en print à remmé.Neant
moins comme cefte loy auoit doublement fon
fondement (urJU parole de Dieu, auflî fut-elle
fi bien obler.uee«qu< non feulement pas vn feul
des gens de Villegagnon ni de noftre compagnie
ne la tran/grefla , mais aufli quoy que depuis
mon retour i'raye entendu dire de lui : que
quand il eftoit en l'Amérique ilfe polluoit auec
les femmes fauuages, ie lui rendrai ce tefmoignagcqu'il
«t'en eftoit point foupçonné de noftre
temps. .Qùj plus eft, il auost la pratique de
fon ordonnance en telle recona«ne*)dàeton,que
n'euft eiV.l'inftanterequefte que quelques vns
de ceux qu'Uaimoùleplus, lui firent pour va
Truchçaaeot *qui cftaat allé en terre ferme, auoitefteconwMnçjtd'aaoir
paillarde *uee vne
de laquelle il auoit ia autrefois abufé, an lieu
qu'il ne fut. punique de la cadeneaupi«d>& mis
au riôbre des efclai^VUle^agiiorvOùloit qu'il
fuftpen4u.$clpn doncquesque i'eb ayeogneu,
tant r>our.foa regafd que)»bur les autres', il eftoit.a
louer «ArtMinâ: fcpleaft àDieu que
pour l'aduâcerriei dt fEglifc, 8t 'pwwltàvkû q
beaucoup de jena.dAbiéenneeeQfeyêt maintenanwl
fis fuft aufli bien porté cpto&ftlcs autres.
MAIS

D B L'A M 9 ft i hLv B. 75
MAIS qu'il eftoit au refa d*vn"erptrçdç
çontrad^itm»ae frpouuant eécenifer de la Grti
plicitéquaJ'f.ÉcritUfeûinâic monftre aux vrais
Qreftiçnvd.eu4ir tenir touchantradrniniftral
tion

74 HISTOIRE
toyer? -& qu'incontinent !que Jcftjslui eut dit,
le le veux.foii net,il fut ne?.'Alffft(difoit ce boa
expofiteur ) quand if fus Chrift 'a dit du pain,
Ceci eft mon corps» i) faut croire fans autre interprétation
,«qti il r eft endos : Se lahTons dire
ces gens dé Geneue: Ne voilapas bien interprétera
patTage parfautre ? Ceft Certes' aufli
bien rencoiïcW^fafe celui qui en vn Concile alleçoa»qAe
pùst qrïleft eferiti Dieu a crée* Phô>
mei

DE L'AH-P* ift? 8. • 75
[ dit comraunenuéfcque Magnificat font à marnes.-
& TAUT.e«fai$c'e# iit le feuliuppoft d,ç y^llegignô
en«e pays-la, pour impug.ner lavraye
doctrine dei'Eu»ngi}e.Çomnjét do,nc? dira icy
quelqu'vnle CordeUer frère André T^beuet
| qui fe plaint & &r« en fa Cofraograprrie,^** {ij
Minières tjut C4h&0mjL9nt#y*Xj n
PAmèri^H^ ,
I Ar«pe/r£*R*»I/d*g4gp

?e. ' HISTVIM
ucrftoh de*fiut*tëes,n^e*ttiirit4tr«s ne l'euflent i
ettfbefchéjcàr te dt dctrechééquecela eft feux.
OR pour retournera moépT-ôtfos,incominent
après céfte Cenede'Ptoteeofte, Villega-1
gnon déclarant tout' buuertement qu'il auoit
changé l'opinion qu'il difoit autresrofc auoir
rriaw eue de Cal ni n : fans attendre-fa refponfe «qu'il
'x***&!J i
auoit emibyé qufcrir étt France par le Miniftre
T*2*"*» Charrier, dit que c ,
eft©U>VJn <
rtefchant hereti-
t ^ J ^ que dcfuoyé de la foy : «rde faict dés lors noui |
»i mmt tit môftrànt fart mauuais vifage, difanr qu'il voukm.
ldhrqoe^è prèfche ne tfnraft plus que démit j
r/éttf* déptnsla TTVÏ rJe'May.il n'y affilia que bie»
.A peu. 'Cônchifion .TàWffimhlWôh de Villega.
£h^r7dirs'Mtfi»i^
bfrtHt

Dt L'AM BRIQIT E. 77
comme oa a veu m commencement de ceint
hiftoire eferre aux vns & aux autres, ,à fin d'à-*uoir
gens qui l'allaient rrouuer jauott prin»
aduis auec ledit Cardinal de Lorraine,de le cô*
trefaire delà Religion.Mais quoy qu'il en foit,
ie puis aficurer, que lors de Ta reuolte, comme VilUr*s'il
euft eu vn bourreau en fa confeience, il 6CA gnangbïuint
Cichagrin que iurantàtous coups le corps fP*/***
faind Iaques(qui eftoit {on ferment ordinaire) y^jj-^a
qu'il romproit la teftedes bras & les ïambes au ttàmmu
premier qui le rafeheroit, nul ne s'ofoit plus
trouuer deuant luy. Surquoy, puis qu'il vientà
propos,ie reciteray la cruauté que ie luy vis en
ce temps-la exercer fur vn François nommé la
Roche, lequel il tenoiti la chaîne. L'ayâtdonc
fait coucher tout à plat contre terre, & par vrj cr»a»tt%.
de tes ftftelutes i grands coups de bafton tant **
fait battre furie ventre, qu'il en perdoit pref-^*"'
que le vent & l'haleine, après que le pauure
homme fut ainfi meurtri d'vn cofté, ceft inhumain
dnoity Corps S. laques-paillard, tourne
l'autre) deèéeroem qu'encore* qu'auec vnc pitié
jincNfriiiràitakfarVtoihfi rJcpMnrexiorps tout
elreodu,ihttM

78 H i s T o i a. ej "
leur eltat,rabandoanant, aimer et nueuxrs'aller
rcdre en terre ferme^auec les fauuages (lefquek
au (G les traiâoyent plus humainea*ent}que de
demeurer dauantaae auec luy. Comme auffi
trente ou quarante Jioromes & femmes fauuages
MargMtét r lefquels les 1'uuoufinttmLtoulu
nos alliez auoyent prios en guerre, & les luy auoyent
vendus pourefclaucs» eftoyent traitez
*p%£lj* encores plus crucIleraent.Et de faiéfc, ie luy vit
gmmTmut y
uefois faire embraffer vne pièce d'artillerie»
tr*kT*Kd* f v
" d'entr'eux nommé Mingtnt, auquel pour
1*3- vne chofe qui ne meritoit prefque pas qu'il fuft
tancc,il fit neantmoins dégoutter & fondre du
lard fort chaut fur les felfes : tellement que ces
pauures gens difoyent fouuent en leur langage;
Si nous eulfions penféqueTfH» fuft
reforroèe^cjtiMUroici fiol parlée de ltry;
II: ftuvdààtftcs' encoroqu tt iâ\ài(o fchon
exemple, fola (pratique qu'U'aaxxribau.etlceft
endroit. Ceft 4^'ayaritw6n foidesoent grande
quantité de draps4e foyé & d«uùa^,Ljîu*il ai*
moit nneuxiaifiee pourrir dansfacoftte* que
d'en reuetair^sgcnsOme particxkfq'oelsbneâttaoinf
eftoyent prefque tous nues, partais

DE L'A M B R I Q_V E. 79
x habillement à rechange tous les tours de la
pmaine:aflauoir ,1a cafaque de les chauffes Equipage
oufiours'de mefme,de rouges, deiaunes, de (Uv^u^*
an nez, de blancs,de bleux & de verts :tellemét
ue cela eftant aulfi bien feant à fon aage & à
aprofeflîon 81 degré qu'il vouloittenir,qu'vn
hacun peut iuger , aufïi cognoiMîons nous à
eu près à la couleur de l'habit qu'il auoit veftu
e quelle humeur il feroit meu cette iourneea:de
façon que quand nous voyonsJe vert Se
c laune en pays nous pouuions bien! r
dire qu'il
'y faifoit pas beau.Mais fur tout quarid il eftoic
are d'vne lôgue robbe de camelot iaurre,banee
de velours noir, le fàifant mout beau voir
n tel equippage,les plus ioveux de fes gens dioyentqu'il
fembloit lors ion vray enfant fans
ouci. Partant (î celuyou ceux qui comme vn
auuage,aprest}u'il fut de retour par-deça,le firent
peindre tout nud ,au deflusdu renuerfement
de h grande marmite,euffènt efté aducrtii'de
cefte belle robbe, il ne faut point douter
me pourioyaux & ornemens .ils ne la luy euf-
Îent auflS bien laiflee qu'ils firent fa croix &
fort flageolet pendus à fon col.
Qjr E fi quelqu'vn dit maintenant qu'il n'y
a point d'ordre que i'aye recerché ces chofes
de û prcs(côme à la vérité ie confefle que principalement
ce dernier poinét ne valoit pas l'efcrire)ierefpond
à cela, puis que Villegagnon a
tant fait Je Roland le furieux contre ceux delà
Religion rerorrneejnommément depuis fon retour
en Frâce:leur ayant, di-ie,tourné le dos de
cefte façon il nie femble qu'il meritoit que cha-

mimXtmt
8o HISTOIRI'
cun fccuft comme il s'eft porté ta toutes les rr
ligions qu'il a fuyuies: ioint que pour la raifoa
que i'ay ia touchée en|la préface, il s'en faut
beaucoup que ie dife tout ce que i'en fçay.
OR firralemët après que par le fieur du Pont
nous luy eufmes fait dire, que puis qu'il auoit
r e
c t t
'
c l*Euangile, nous n'efti» point autremêt
dttftruf- fc* fuiets, n'entendions plus d'eftre à fon feruimttimtc
ce, moins voulions-nous continuer àporter la
VUlr£+- terre & les «pierres en fon fort : luy là deflin
nous penfant bien fort eftonner, voire faire
mourirIde faim s'il euft peu» défendit qu'on ne
nou» baillait plus les deux goubelets de farine
deracrne,lefquels,côme i'ay dit cideuant,cha
cun de nous auoit accouftumé d'auoir par iour.
Maillant s'en fallut q nousen fuffions fâfchei,
qu'aiMX>nuratre, outre que nous en auioos plus
pour vne ferpe, ou pour deux on trois couteaux
que nous bailliôs aux fauuages ( lcfqucls
nous venoyent fouuent voir en l'ifle dans leurs
petites barques,ou bien l'alliôs quenr vers eux
en leurs villages) qu'il ne noua en curt feeu bail
* 1er en demian,nous fufinesbiëaifes par tel refus
d'eflre entiejtemët hors de fa fuiet*ion. Cependant
s'il euft efté le plusfo/t J& qu'vne paiV
tie de fes gens & des priiKipauxan'euffent ter»
noftre parti, il ne faut poirtr douter qu'il ne
- nous «uft lors mal fait nos b«(Jtagn£$>c'eft à di
t re,qu'iieUft«tf»yé de nous d

D E L' A M C R T Q_V E. 81
ours parmi les fauuages ) luy feignant ne rien
îuoir du tongé,qù'auant que partir nous auios
cmandé à moniteur Barre fon lieutenantrpreendant
par U que nous eu fiions tranfgreffé
ordonnance qu'il auoit faire, portant defenfe
jue nul n'euft à fortir de l'ifle fans licence, non
eulement à caufe de cela il nous voulut faire
ipprehender,mais qui pis eftoit, il commâdbit
ue, comme à fes efclaues, on nous mift a cha- ^
un vne chaîne au pied. Et en fufmes en tant utuoytd*
•lus grand danger, que le fieur du Pont noftre nomrëdrt
onducteur (lequel,côme aucuns difoyent, veu 'fit***'ue
fa qualité s'abbaifToit trop fous luy ) au lieu
e nous fupporter & de l'empefcher nous prioit
ue pourvn iour ou deux nous fouffriflions
ela, & que quâd la cholerc de Villegagnon feoit
panée il nous feroit deliurer. M>k, tant à
jufe que nous n'auions point enfreint l'ordon
ancc.qneparce principalement (ainfi que i'ay
it)ejue nous luy auions declaré,puis qu'il auoit
ompu la promefTe qu'il auoit faite de nous
laintenir en l'exercice de la Religion Euangei

- " ' r
'T t" 11
7
8a' H I S T O I R - B
déporta. Et certes outre cçla.aind que \*y tantoit
touchéjesjrincipaux de fes gens eftans de
noftre Religion,& par conséquent mal content
de luy à eau Te de fa reuolte : il nous n'eu (fions
craint que moniteur l'Amiral, lequel fous l'auctorieé
du Roy (comme i'ay dit du commencement
) l'auoit enuoye', & qui ne le cognoifloit
pas encores tel qu'il eftott aeuenu, en euft efté
marri, auec quelques autres refpcâs que nous
eulmes, il y en auoit qui empoiguans cefteccafion
pour fe ruer fur luy, auoyent grande enuie,de
le ietter en mer,A fin difoycnt-ils,que fa
chair & fes grottes efpaules fexuilfent de nourritur\aux
potflons. Toutesfois la plufpart trou
uant plus expédient que nous nous comportiffions
doucemêt,cncores que nous fiflïoos toufiours
publiquement le prefche (qu'il n'ofoit ou I
ne pouuoit empefeher) fi eft-ce, pourobuier
qu'il ne nous troublait & brouillait plus quand
nous célébrerions la Cene, du depuis nous la |
fifmes de nui&,& à fon defeeu.
Et parce qu'après la dernière Cene que nom I
* fifmes en ce pay$-la,il ne nous relia qu'enuiron I
vn verre de tout vin que nous auions porté]
QaftHtf' de France^i'ayans moyen d'en recouurer d'ail-i
l c u r s
** ' ^ a
queftion fut efmeuè* entre nous ; afTaJ
u o i r Ctnr f»s » Û » » u
^ e
& c
^ a
nous lai pourries célébrer j
auec d'autres bruaages. Quelques vos aUegaar
entre autres partages, quelefus £brift en l'in- |
flitutioo, de la Cene après l'aéfcjon degraced
'MMttktt. ay^e^pj^ffçojficdit à fcsApoftres,Ie ne bowl
M 4 n
ray plut du firuiâ de la vigne, &c eftoyent d'

T> E L'AMERI Q_V E. 8$
|wb(tenir du ligne que de le châger. Les autres
lau contraire difoyent,que lors que Iefus Chrift
linftitua fa Cene,cftât au pays de ïudee, il auoit
Iparle du bruuage qui y eftoit ordinaire , & que
s'il euft efté en la terre des fauuages il eft vray
fcmblable qu'il euft non feulement fait mention
du bruuage dont ils vfent au lieu de vin,
mais aufli de leur farine de racine qu'ils man-
Igent aii lieu de painteoncluoyent que tout ainfi
qu'ils ne voùdroyent nullement changer les
fignes dupàincV du vin, tant qu'ils fe pourroyent
trouuer, qu'aufli à défaut d'iceux ne fcroyent
ils point de difficulté de célébrer la Cène
auec les chofes plus communes ( tenant lieu
de pain & de vin ) pour lanoorriture des hommes
du pays où ils feroyent. Mais encores que
la plufpart enclinaft à cefte dernière opinion,
parce que nous n'en vinfmes pas iufques à cefte
extrémité , cefte matière demeura indecife.
Toutefoistant s'en faut que cela engendrait
aucune diuifion entre nous, que pluftoft par la
grâce deDicu,demeurafmes nous toufiours en
telle vnion & côcorde,que ie defirois que tous
ceux qui font auiourd'huy profefîion de la Religion
sefbrmee marchaient de tel pied que
Inousfaifions lors.
OR pour paracheuer ce que i'auois à dire o«*/î#»
I touchant Villegagnon, il aduint fur la fin du t**"?**
1 mois d'Octobre, que luy fuyuantle prouerbe. ^^S*'
qui dit^uc celuy qui fe veut diftraire dequel- > 0 -.
cju'vn en cerche l'occafion j deteftant de plus y*pu* m
|enplos cV nous & la doctrine laquelle nous *hm*nvi
uiôs, difant qu'il ne nous vouloit plus fouf- /*"•
lf uy

&4 H I S T O I R E
,
fxir ni endurer en fon fort ni en fon ifle, commanda-que
no«s en fortifiions. Vray eft (ainû
que i'ay touché ci delTusjque nous auions bien
moyen de l'en cha'tTer luy-mefme (î nous euffions
voulu : mais, tant à fin de luy ofter toute
occasion de fe plaindre de nous,queparce que
outre les raifons fufdites , la France & autres
pays eftans abruuez que nous eftions allez, pardelà
pour y viure félon la reformation de l'Euangilc,craignans
de mettre quelque tache fur
iceluy , nous aimafmes mieux obtempérant
à Villegagnon 8c fans contefter 4}auantage<
luy quitter la place. Ainfi après que nous eufmcs.demeuré
enuiron huicx mois en cefte ifle
& fort de Coligny, lequel nous auions aidé à
baftir nousjnous réunîmes 6t paûafmes en ter*
re ferme en laquelle.en attendant qu'vn nauire
du Haure de Grâce (quieitoit là venu pour I
charger du Breftl au raaifxre duquel nous mar-
* châdafmes de nous palTer en France) fut preft
Lit» E» N r • -VT
nom Je- 3
partir, nous demeuratmes deux mots. Nous
mnramts nous accommodafmes fur le riuage de la mer
Ku tan i cofté gauche,en entrant dans cefte riuiere de]
** Ganab*ra,ao lieu dit par les François la Brique- J
terie, leq.icl n'éft qu'à demielieuë du tort. Et]
comme de là nous allions, venions, frequen*I
tions, mangions 8c beuuions parmi ies iaùua-1
ces (lcfqu els fans coraparaifon nous furent plot j
humains que celuv lequel (ans lujr atioir meM
fait ne nous peac fouflfnt auec luy ) auflletrx,

DE L'A M E R I Q_V E. 85
en ce chapitre l'mconftance Se variation que
i'ay cognue en Villegagnon,en matière de Religionde
traitement qu'il nous fit fous prétexte
d'icelleifes difputes & l'occafiô qu'il print pour
fe deftourner de l'Euangile : fes geftes & propos
ordinaires en ce pays- là,l'inhumanité dont
il vfoit enuers fes gens, & comme il eftoit magiftralement
equippé:referuant à dire^quand ié
leray en noftre embarquement pour le retour,
tant le congé qu'il nous bailla, que la trahifori
dont il vfa enuers nous à noftre département
de la terre des fauuages, afin de traiter d'autres
poincts, ie le lairray pour maintenant battre Se
tourmenter fes s>ens dans fon fort, lequel auec
e bras de mer ou il eft fitué, ie vay ern premier
icu deferire.
C H A P . V I L
Defcription de lariuiere

86 HISTOIRE
pricorne,ait efté l'vn des ports de mer en la ter
re du Brefil,puis frcqnéré de noftre temps par]
les François.-i'ay eftimé sVeftre hors,'de propos,
d'en faire ici vne particulière 8c fommaire defcription.
Sans dôcques m'arrefter à ce que d'au I
très en ont voulu eferire, ie di en premier lieu
(ayant demeure & nauigé fur icelle enuiron vn
an)qu'en s'auançant fur les terres,elle a enuiron
douze lieues de long, & en quelques endroits
fept on huiâ de large:& quant au refte,combié I
que les montagnes quil'cnuironnent de toutes!
parts ne îoyenr pas n hautes que celles qui bornent
le grand. & fpatieux lac d'eau douce de Ge J
cimparM- neue,neanr.vnoins la terre ferme l'auoifinât ain-1
fondu lac fi de tous coftez.elle eft allez femblable à iccluil
de Gencue quant ?.fa fituarion.
*utciar>- ^ v rcfie,d'a'itant qu'en biffant la grâd mer,|
mert e jj ç
Ganabacoftoyer
trots petites ifles inhabitables,!
- ' r . - - .~.\
1
11 rnl^A contre lelquelles les nauires,ti elles ne lont biel
tnttujiK. conduites font en grand danger de heurter 41
fe brifer,remboucheure en eft aflez fafcheufe.|
Apres cela, il faut paiTer par vn deftroit, lequdl
n'ayant pas demi quart de lieue de large, eftli-|
mité du cofté gauche en y entrant d'vne mon
tagne & roche pyramidale , laquelle n'eftp*
feulement d'efmerucillable & excefliue hait
teur,mais aulli à la voir de loin,on diroitqu'e
le eft artiflciclle:& de faift,parcç qu'elle eftri|
de,& femblable à vne grôfle tour, entre no
François,par vne manière de parler hyperbolij
Roihi ap- que,l'auions nommée le pot de beurre.Vnj
ptitt pot plus auant dans la riuiere il y a vn rocher, atl
it k*urr*. pjat^

D E L'AMERÏOLVE. 87
j touf,quenous appellions auflî le Ratier, fur le- URatiti.
quel Villegagnon à fon arriuec, ayant premie-
[remécpofefes meubles & fon artillerie s'y pen-
Ilà fortifier : mais le flus 8c reflus de la mer l'en
Ichafla. Vne lieue plus outre, eft l'ifle où nous
[demeurions, laquelle, ainfi que i'ay ia touché z>*fcri{>ti5
[ailleurs, eftoit inhabitable auparauant que Vil- d
' r
'J n
\ 0
'
[icgagnon fuft arriué en ce pays-la: mais au refte xLitrîu
|n'ayant qu'enuiron demi lieue Françoife de cir ugagno*.
Icuit, 8c eftant fix fois plus longue que large,
lenuironnee qu'elle eft de petits rochers à fleur
1 d'eau, qui empefeheut que les vaiffeaux n'en
[peuuent approcher plus près que la portée du
[canon, elle eft merueilleufement & naturelle-
|ment forte. Et de fait n'y pouuant aborder,
Jmefmes auec les petites barques,finon du cofté
[duport, lequel eft encore à l'oppofite de l'aue-
[nue de la grand' mer,fi elle euft efté biêgardée,
111 n'euft pas efté poflîble de la forcer ni de la
jfurprendre j comme les Portugais, par la faute
[de ceux que nousylaiflàfmes, ont fait depuis
noftre retour. Au furplus y ayant deux montagnes
aux deux bouts , Villegagnon fur chacune
d'icelle fit faire vne maifonnette: côme aufli
fur vn rocher de cinquante oufoixante pieds
:haut,quieft au milieu de l'Ile, il auoit fait
tir fa maifon. De cofté & d'autre dé ce ro-
. nous auions applani 8c fait quelques peites
places efquelles eftoient bafties,tant la faite
où on s'aflembloit pour, faire le prefche &
aur manger, qu'autres logis,efquels (compreis
tous les gens de Villegagnon J enuiron
juatre vingts perfonnes que nous eftions, refi-
I. ij.

88 HISTOIRE
dens en ce lieu, logiôs cV nous accommodions,]
Mais notez, qo 'excepté lt mai fon qui eft furlij
roche,ou ily'a Vnpéd dé ch*ïpenteTie,& quelques
boullewards, fur lefquels l'artillerie eltoitj
placée, lefquels font reueftus de telle quelltl
maflonnefie,que ce font tous logis,' ou pluftoftl
loges: defquels comme les fauuages en ont efttl
les architectes, aufli les ont-ils baftis à leur mol
de, atfàuoir de bois ronds,&couuem d'her-l
bes. Voila en peu de mots quel eftoit l'artifice!
du fort, lequel V»llegagnon,penfant faire cho-|
fe agréable à me/Tire Gafpard de Colligry Admirai
de France (fans la faueur aufli Se afliltancel
duquel, comme i'ay dit du commencement
n'euftiamais eu ni le moyen de faire le voy,ige,f
ni de baftir aucunefortereue en la terre duBrej
fil) nomma Colligny en la France Antarctiqu&l
Mais faifant lemblant de perpétrer' le nomdel
ceft excellent feigneur, duquel voirement bl
mémoire fera à iamais honorableentrc toutoj
gens de bien,ic laifle à penfer,outrc te que Vâl
legagnôn(contre la promeffe qu'il loi auoit fai-l
te auant que partir de France d'eftablir le pu
feruice de Dieu en ce pays^là ) fe reuolta dcli
Religion , combien encore en quittant cefr
place aux Portugais, qui en font m'aintena
pofleflcurs,il leur donna ôccafion de faire leun
trophées & du nom de Çoïrfgny * du nom

. , , . , „ T ....... — f '•"
DE L'AHERICTTE. 89
our de l'Amen que, voulant femblablement
omplaire au Roy Henry fécond, lors régnant,
on feulement en vne carte qu'il fît faire Je ce-
:e riuiere de Ganabara & fort de Colligny , fît
ourtraire à codé gauche d'icelle en terre ferne,
vne ville qu'il nomma VILLE-HENRY:
nais aufli, quoi qu'il ait eu affez de temps deuis
pour penfer que c'eftoit pure moquerie,l'a
eantmoins derechef fait mettre en fa Cofmoraphie.
Car quand nous partifmes de cefte ter
e du Brefil,qui fut plus de dixhuiâ mots après
"heuet, ie maintien qu'il n'y auoit aucune for- ViO**m*'
ne de baftimens, moins village ni ville à l'en- t m4ir
* '*
• v •• C ' a 1 Cartes &
roit ou u nous en a forge & marque vne t t m m s &t rayement fàntaftique. Aufli lui mefme eftant j-/ ; e w f.
n incertitude de ce qui deuoit procéder au no
e cefte ville imaginaire , à la manière de ceux
ui difputent s'il faut dire bonnet rouge, ou
onge bonnet,l'ayât nommée VILLE-HENRY
n fa première Carte, & HH N R Y-VIL L E en la
econde, donne affez à coniefturer que tout ce
ju'il en dit n eft qu'imagination & chofe fup-
>ofee par lui: tellement que fans crainte de l'ejuiuoquc
, le leéteur choifîffant. lequel qu'il
voudra de ces deux noms, trouueraque c'eft
oufiours tout vn, affauoir rien que de la peindre.
Dequoiie conclu neâtmoins,que Theuet
dés lors,non feulement fe ioua plus du nom du
loy Henry, que ne fît Villegagnon de celui de
Colligny qu'il iropofa à fon fort, mais qu'auffi
ar cefte réitération, entant qu'en lui eft, il a
[our la féconde fois prophané la mémoire de
'onPrince. Et afin de preuenir tout ce qu'il
J. iij.

oo HISTOIRE
pourroit mettre en auant là deiTus (luiniant]
tout À plat que le lieu qu'il prétend foit celui]
que nous appelions la Briqueterie, auquel nos I
manouuriers battirent quelques maifonnettes)]
ie lui confefTe bien qu'IL y a vne montagne en j
ce pays-LÀ,laquclle les François qui s'y habituèrent
les premiers, en fouuenâce de leur fouuer3in
feigneur,nommerent le mont Henrirconr
me aufli de noftre temps, nous en nommafmes
vn autre Corguilleray, du furnom de PhilippeI
de Corguilleray, fieur du Pont, qui nous auoit]
conduits par delà : mais s'IL y a autant de diffe-j
rence d'vne montagne À vne ville, comme on I
peut dire veritablemét QU'vn clocher n'eft pas]
vne vache , IL s'enfuit, OU que Theuet en marquant
cefte VILL E-H E N R Y,OU HENRY-
V I L L E , en fes cartes, a eu la berlue,ou QU'IL!
en a voulu faire accroire plus qu'il n'en eft.Dequoy
derechef, À fin que nul ne penfe que I'en|
parle autrement qu'il ne faut, ie me rapporte il
tous ceux qui ont fait ce voyage:& melmeauil
gens de Villegagnon,dont plufieurs font enco-j
res en vic.afTauoir s'il y auoit apparence de VILle
OÙ on a voulu fituer celle queie renuoyeauecles
fierions des Poétcs.Partant,commei'AT|
dit en la preface,puis que Theuet fans occafionl
a voulu attaquer l'efearmouche contre mes cô-l
pagnons & moi, fi nommément il trouue cefte
réfutation en fes ceuures de l'Amérique, dej
dure digeftion, d'autant qu'en me defendanti
contre les calomnies ie lui ai ici rafévne ville*!
qu'IL fâche que ce ne font pas tous les erreuni
que i'y ai remarquez: lefquels, comme l'en fuisl
bieul

D E L' A M E R I QJV E. 91
>ien records, s'il ne fe contente de ce peu que
'en touche en cefte hiftoire, ie luy Tnonftreray
tarie menu. le fuis marri toutesfois, qu'en inerronapant
mon propos, i'aye efté côtraint de
aire encore cefte digreflîon en ceft endroit:
nais pour les raiïons fufdites, aflauotr pour
nonftrer à la vérité comme toutes chofes ont
lafle, ie fay iuges les lecteurs fi i'ay tort ou nô.
P o v R donques pourfuyure ce qui refte
i defcrire, tant de noftre riuiere de (Ja»abara t
jue de ce qui eft fitué en icelle, quatre ou cinq
ieuës plus auant que le fort fus mentionné,il y
ïvne autre belle & fertile ifle, laquelle conteunt
enuiron fix lieues de tour nous appellions
la grade ifle. Et parce qu'é icelle il y a plufieurs L a ^ a n^
villages habituez des fauuages nômezTououpt
ntmvAoultSy alliez des François, nous y allions
ordinairement dans nos barques quérir des farines
& autres chofes neceffaires.
DAVANTAGE ilya beaucoup d'autres
petites iflettes inhabitées en ce bras de mer.efcjuelles
entre autres chofes il fe trouue de groffes
& fort bonnes huîtres: comme aufli les fauuages
feplôgeans és riuages delà mer, rapportent
de grofles pierres,à l'entour defquelles il y
a vne infinité d'autres petites huitres,qu'ils notnent
Leripe's,Ci bien attachees,voire côroe col- Leripes
lees, qu'il les en faut arracher par force;. Nous
faifions ordinairement bouillir de grades pottees
de ces Leripes, dans aucuns delquels en les
ouurans & mangeans nous y trouuions des petites
perles,
A v refte, cefte riuiere eft réplie de diuerfes
I iiij.

9* H I * T O I RE
cfpeces de poiilbns, comme en premier lieu
(ainil que ie diray plus at| 16g ci apres)de force
bons mulets, de requiert*, rayes* marfouins &
autres moyens & petits,aucuns defquels ie def.
criray au m plus amplement au chapitre des
poiffons. Mais principalement ie ne veux pas
oublier de faire ici métion des horribles & ef.
Valeina P ou
uantables baleines, lesquelles nous mon,
ftrâs iournellemét leurs grades nageoires hors
de Feau, en s'efgayans dans cefte large & profonde
riuiere s approchoyent fouuent fi près
de noftre ifle,qu'à coups d'arquebufes nous les
pouuions tirer & attaindre. Toutesfois parce
qu'elles ont la peau aflez dure,ÔV mefme le lard
tant efpais,que ie ne croy pas que la balle peuft
pénétrer fi auant qu'elles en fuflent gueres offenfees,
elles ne laiflbyent pas de pafler outre,
moins mouroyent elles pour cela.Pcndant que
nous eftions par de-la,il y en eut vnedaquelle à
dix ou douze Iieuës de noftre fort,tirât au Cap
de Frie, s'eftant approchée trop près du bord,
t & n'ayant pas aflez d'eau pour retourner en
* a l i m
\ plaine mer,demeura efchouee & à fec fur le ri
u a
ftc, 8 c
- Mais neantmoms nul n en olantapprocher,
auant qu'elle fuft morte d'elle mefme: n6
feulement en fe débattant elle faifoit trembler
la terre bien loi n g autour d'elle, mais aufli on
oyok le bruiét & eftonnerhent le long du riuage
déplus de deux Iieuës.Dauantage combien
que plufieurs tant des fauuages, que de ceui
des noftres qui y voulurent aller, enrapportaflent
autant qu'il leur pleut, lî eft-ce qu'il
en dfr
-i - • •

DE L' A M E R I ojv E. 93
en demeura plus de deux tiers, qui fut perdue
& empuantie fur le lieu. Mefmes la chair frefchen'en
eftant pas fort bonne, & nous n'en
rnangeans quebien peu de celle qui fut apportée
en noftre ifle ( horfmis quelques pièces du
gras, que nous failions fondre, pour nous feruir
& efclairer la nuict de l'huile qui en fortoit)
la biffant dehors par monceaux à la pluye & au
vent, nous n'en tenions non plus de conte que
de fumiers. Toutesfois la langue, qui eftoit le
meilleur, fut fallee dans^des barils, &enuoyee
en France à monfieur l'Admirai.
FINALEMENT( corne i'ay ia touché) la
terre ferme enuironnât de toutes pars ce bras
de mer, il y a encores à l'extrémité & au cul du
faedeux autres beaux fleuues d'eau douce qui
y entrent,fur lefquels auec d'autres François a- fitUUei dt
yans aufli nauigé dâs des barques près de vingt ta» itmt.
lieues auant fur les terres,i'ay efté en beaucoup
de villages parmi les fauuages qui habitent de
cofté & d'autre. Voila en brief ce que i'ay remarqué
en cefte riuiere de Geneure ou GanabarA-At
la perte de laquelle,& du fort que nous
yauionsbafti, ie fuis tant plus marri, que file
tout euft efté bien gardé, comme -
on pouuoit,
c'euft efté, non feulement vne bonne & belle
retraite, mais aufli vne grande commodité de
nauiger en ce pays-la pour tous ceux de noftre
nation Françoife.A vingthuict ou trente lieues
Slus outre, tirant à la riuiere de Plate,& au deroit
de Magellan,tl y a vn autre grand bras de
mer, appelé par les Frâçois la riuiere des Vafes, xbfâ
en laquelle femblablement en voyageans en ce àt$v*f«s.

94 HISTOIRE
pays-la, ils prcncnt port: ce qu'ils font aufli au
Haure du Cap de Fric, auquel comme i'ay dit
cy deuant, nous abordaunes & defccndifmes
premièrement en la terre du Brefil.
CHAP. VIII.
Du naturel,force, (lature, nudité, diffofition

DE L'AMIRI Q_V E. 95
plus gros, ou plus petits de ftature que nous
lommesen l'Europe, n'ont le corps ny mon- statttTtgr
ftrueux ny prodigieux à noftre efgard : bié font J,fp*fu«m
ils plus forts, plus robuftes & replets, plusdif- dtsf*»*+~
poils, moins fuiets à maladie : & mefme il ny a

96 HISTOIRE
vous diriez les Espagnols ou Prouençaux.
A v refte,chofe non moins effrange que difficile
à croire à ceux qui qe l'ont veu,tant hora
mes,femmes qu'enfans, non feulement fans cacher
aucunes parties de leurs corps, mais aulfi
fans monftrer aucun figne d'en auoir honte 11 y
vergongne, demeurent &vont couftumierement
auffi nuds qu'ils fortent du vétre de leurs
N»ditid*s
mères. Et cependant tant s'en faut, comme au­
en gênerai. cuns penfent,& d'autres le veulent faire accroire,qu'ils
foyent velus ny couuers de leurs poils,
dtre cemx qu'au contraire, n'eftans point naturellement
qm eftimèt
plus pelus que nous fommes en ce* pays par deUsStuuaçà
, encor u toit que le poil qui croift fur eux,
gti -relui.
comméce à poindre & à fortir de quelque partie
que ce foit, voire iufques à la barbe & aux
paupières & fourcils des yeux (ce qui leur rend
la veué louche, bicle, efgaree & farouche) ou il
eft arrache auec les ongles, ou depuis que les
Chreltiens y fréquentent aucc des pincettes
flijhi.gen, qu'ils leur donnent • ce qu'on a aufli eferit que
des In.hu, font les habitans de l'ifle de Cumana au Pcru.
É.cbé.^9.
l'excepte feulement quant à nos Tonêupitiambaoults,
les cheuenx , lefquels encore à tous les
mafles,dés leurs ieunes aages,depuis le fommet I
& tout le deuât de la telle font tôdus fort pres,
tout ainfiquela couronne d'vn moine, Se fur
le derricre,à la façon de nos maieurs,& de ceux
qui biffent croiftre leur perruque on leur rongne
fur le col. A quby aufli,pour(»'il m'eft poffiblc)
ne rien omettre de ce qui fait à ce propos
, i'adioufteray en ceft endroit, qu'ayant en J
ce pays la certaines herbes, larges d'enuiron
dem

DB L' A M E R I Q_V E. 97
deux doigts,lefquellcs ctoiflet vn peu courbées
en rond & en long,comme vous diriez le tuyau
qui couure Tefpi de ce gros mil que nous appelions
en France bled Sarrazin : i'ày veu des
vieillards (mais non pas tous.ny mefmes nullement
les ieunes hommes,moins les enfans) lefquels
prenis deux fueillesdc ces herbes.les met vuiltoyent
&• lioyét auec du fil de coton à l'entour htrdi^ine
de leur membre virihcôme aufli ils l'enuelop- ri

Tiirrtsyer
ta ttchafftrs
amx U
mr*i.
Jours ferteci
appliquer

"'•»""••" • < • • " " > > " " - ' - " " — • • » « • ' — - f — — ,
DE L' A M E R I CLV E. 99
lanches & rouges auec filets d'or.
A v furplus, nos Brefiliens fe bigarrent fouentle
corps de diuerfes peintures & couleurs:
nais fur tout ils fe noirciffent ordinairement fi
>ien les cuiffes & les iambes du ius d'vn certain
ruict qu'ils nomment Gentpat,
n t m x u
que vous iuge- &
icz à les voir vn peu de loin de cefte fàçô qu ils
>nt chauffez des chauffes de preftre: &s'imprine
li fort fur leur chair cefte teinture noire fai
"
e de ce fruict Genipat, que quoy qu'ils fe metent
dans l'eau, voire qu'ils fe lauent tant qu'ils
oudront, ils ne la peuuent effacer de dix ou
buze iours,
ILS ont aufli des croiffans, plus longs que froifftmt
lemi pied,faits d'os bien vnis.aufli blâcs qu'ai-
>aftrc, lefquels ils nomment T-aci, du nom de
a lune, qu'ils appellêt ainfi.& les portent quâd
[leur plaift pédus à leur col,auec vn petit corlon,fait
de fil de cotton, cela battant à plat fur
apoictxine.
Maint
S F. M B L A B L E M E N T après qu'auec vne
grande longueur de temps ils ont poli fur vne
îiece de grez, vne infinité de petites pièces,
l'vne groffe coquille de mer appelée Vignot,
efquelles ils arrondiffent & font aufli primes,
ondes & déliées qu'vn denier tournois : perdes
qu'elles font par le milieu, & enfilées auec
iu fil de cotton, ils en font des colliers qu'ils
iornment 5o«-rf,lefquels quand bon leur fem- Bou-rc
île, ils tortillent à l'entour de leur col, comme ""«Vrm
fait en ces pays les chaines d'or. C'eft à mon
duis ce qu'aucuns appellent porcelaine, dejuoy
nous voyons beaucoup de femmes por-
L.cf C.

IOO ' H l S T O I R S
l*SSAMA
ter des ceintures par deçà.- Se en auois plus dé]
trois brafles, d'aufli belles qu'il s'en puîné voir,]
quand i'arriuay enFrande. Lesfauuages fon
encores de ces coliers qu'ils appellent BoiïreÀ
d'vne certaine efpece de bois noir,lequel,ponr|
eftre prefques aufli pefant cVIuyfant que Iayetj|
eft fort propre à cela*
DAVANTACB nos Ameriquains ayantl
quantité de poules communes,dont les Portugais
leur ont badlé l'engeance, plumaps fouuétl
LES blanches & auec quelques ferremés, depuii]
qu'ILS EN ont,au parauantauéc des pièces TRETH]
chantes decoupans plus menu que chair de pa­
ÎT c LES duuets & petites plumes , après qu'ILS let]
ont fait bouillir & teindre en rouge auec da]
Brefiï,S'eftâs frottez d'vne certaine gôme,QU'ili]
ont propre àcela,ILS S'en couurent, emplumaf-[
fent,& chamarrent LE corps,les bras & LESIARA-]
BES, tellemét QU'en ceft eftat ils femblent auoifI
gn empl*- £ v POIL folet, cornme LES pigeons,& autres oy«
M*FFT*.O»t ^ c a u x nouuellement efclos. Et eft vray fembla-|
fait ptnfer . , , , .
qutltfh-
D
' c l , e
S QUELQUES vns de ces PAYS par deçà, le
ylntr*l*S. AYANS VEU du commencement qu'ils arriuerentl
EN leur terre accouftrez de cefte façon , s'en e-f
ftans reuenus fans auoir plus grande cognoiffance
d'eux, diuulgucrent & firent courir f'
bruit que les fauuages eftoyent velus: mais,ce
me i'AY dit cy deffus, ils ne font pas tels de ICI
NATUTEL, & partant c'a efté vne ignorance ,
chofe trop légèrement receuë. Quelqu'vn I
MIFLO.GN. femblable a eferit, que les Cumanois s'oigne
its IN.UM. d'vne certaine gomme ou onguent gluant, ptr
\.d>*P.79. f e couurent DE plumes de diuerfes couleur
NVVANJL

E>6 L' A M E R I Q. V E. TOI
ayans point mauuaife grâce en tel equîppage.
Q^ant à l'ornement de telle de nos TAHOHnamkiànsy
outre la couronne fur le deuant, Se
icueuxpendans furie derrière, donci'jy fait
ention,ilslient & arrengent des plumes d'aifs
d'oifeaux incarnates,rouges,& d'autres couurs,dcfquelles
ils font des ironteaux,afJez rc- Friteaux
mblans, quanta la façon , aux cheueux vrais dt plumes,
i faux, qu'on appelle raquettes ou ratepeiia-
:s:dont les dames Ôcdamoifclles de France, &
autres pays de deçà depuis quelque temps fe
nt (i bien accômodces : & diroit-on qu'elles
ntcu celle inuêtion de nos fauuages, lefquels
pellent ceft engifl T'cmpcnamln.
Ils ont auffi des pendans à leurs oreilles,faits pend.ms
os blanc, prefque de la mefme forte quela d'entuo.
ointe que i'ay dit ci-deflus,qucles ienncs garons
portent en leurs leures trouées.Et au lurlus,
ayans en leur pays vn oifeau qu'ils nomjentTo«c4w,lequel(comme
iele delcrtray plus
taplemenc en fon lieu ) a entièrement le phinge
auffi noir qu'vn corbeau, excepté fous le
ol, qu'il a enuiron quatre doigts de long &
rois de large, tout couuerc de petites & f ibti-
Kplumes iaunes, bordé de rouge par le bas,
feorchans fespoictrals (lefquels ils appellent
ifixToucariy du nom de Toifeau qui les porte)
ont ils ont grande quantité, après qu'ils* font -
ics,ils en attachent auec de la cire qu'ils nom- Puremcns
r lt!i
rent Yra-ycttc, vn de chacun cofté de leurs \ri- f"
iges au-defïu» des oreilles : tellement

JOZ ' HISTOIRE
cuyure doré aux deux bouts du mord ou fraisl
de la bride d'vn cheual. I
Que fi outre tout ce|que dciTus, nosBrefi.J
liens vont en guerre,ou qu'à la façon que iedi-l
ray ailleurs,ils tuent folcnnellemcnt vn priion-|
nier pomrle manger: (e voulans lors mieux pa»|
AobLts, rcr & faire plus braues,ils fe veftent de robbesJ
bSnet!,tra bonnets, bracelets, & autres paremens de plo»!
ctUts cr m e s vertcs,rouges, bleues, & d'autres diuerfei
aunes 10- cou]eurs,nacurelles,naiucs Se d'excellente benl
^îlmei Tellement qu'après qu'elles font par euzl
ainfi diuerlifiees, entremeflees, & fort prop^J
ment liées l'v ne à l'autre, auec de tref- petite»
pièces de bois de cannes , & de fil de cottonJ
n'y ayant plumaffier en France qui les fceuftl
gueresmieux manier, ni plusdexrrementac-l
couftrer , vous iugeriez que les habits qui col
font faits font de velours à longpoil.Ils font de J
m e m i e
&*mitures
artifîce,lcs garnitures de leurs efpeesi
de plumes mafïues de bois , lefquelles auffi ainfi decorea
po*rit>ef- Si enrichies de ces plumes fi bien approprie!
ttes de & appliquées à ceft vfage, il fait merueilleuft
* ' ment bon voir.
Pour la fin de leurs cquippages, recouuraffl
de leurs voifins de grandes plumes d'Auftr»
chcsçqui monftre y auoir en quelques endroia
de ces pays-là de ces gros & lourdsoifeaux,oi
neantmoins, pour n'en rien diffimuler , ie n'a
ayxpointveu) de couleurs grifes, accommo
dans tous les tuyaux ferrez d'vn codé, & le re
ffe qui s'efparpille en rond en façon d'vn ped
pauillon,ou d'vne rofeils eu font vn gradpea
nache, qu'ils appellent %Araroye : lequel eftan
J

DI L'AMERI Q_V E. 105
'i FUR leurs feins auec vne corde de cotton,l'E- P*nn*

104 HISTOIRE
forte d'arbres qui porte FON fïuict. auflî gros
qu'vn oeuf d'Auuruchc.&.de mefme figure, lei
fjuuages l'jyans percé pac le milieu ( ainfi que.
vous voyez en France les enfâns percer de grof
fes NOIX pour faire des moulinets)puis creufe &
nais dans iceluy de petites pierres rondes, ou
bien des grains de leur gros mil, duquel il fera
parlé ailleuis,p allant p'iis après vn b ait ON d'enuiron
vn pied & demi de long à trauers , ils en
MIRACA font vn instrument qu'ils nomment
tnîhumet ] çq u ej bruyant plus fort qa'vne vertie de pourfm""dyn
ceau-'pleine de pois,nos Brefiliens ont ordinaiorafruit,
rement en la main. Q^jand ie trniteray de leur
religion,ie duay l'opinion qu'ils ont tant de ce
A£tiracA\ que de fa funnetie, après que par EUX
il a cité enrichi de belles plumcs,& dédié à l'vfùgc
que nous verrons là. Voila en fomme qnât
au naturel,accouitrcmcns &rparemcs dont nos
ToWHptnatitbuoHlts ont accoultumé dé s'cqu ;
p
perenleur p-iys. Vray eft qu'outre tout cch,
nous autres ayans porté dâs nosnauires grande
quantité de frifes rouges,vcrtes,i3unet, & d'au
* très couleurs,nous leur en faifi&s faire des rob*
bes 3c des chaulfes bigarrées , lesquelles nous
leur changions à des viures , Guenons , Pcrro
quett,Brelil,CottQ,Poiure long,& autres cho
fes de leur pnys, d^qupi les mariniers chargent
ordinairement leurs vaifleau*.Miis les vnslans
rien auoir (ur leurs coîps,chauffans aucuncfoiï
sdtmiees de ces chauffes larges à la Mattelotteîte&autres
ttrmtnîii au contraire fans chaulfes veitans des fayes, qui
cr demi n e leur venoyent que iufques aux fefles, après
xîlnt. qu'ils s'eftoy ent vn peu regardez & pourmenez
en

O E L'A M K R I cj^v F. 105
en tel eqnippage(qui n'eftoit pis fans nous faire
rire tout noftre faoul)eux defpouilîâs ces habits,les
laitToyent en leurs maifons iufques à ce
que l'enuie leur vinft de les reprendrerâtitâc en
fuifoyet-iîs des chapeaux & chemifes qiicnous
leur baillions.
AINSI ayant déduit bien amplement tout
ce qui fe peut dire touchât l'extérieur du corps
tant des hommes que des enfans mufles Ameriquains,(i
maintenant en premier lieu/uiuant
cefte description,vous vous voulez réprefenter
vu Siuuage, imaginez en voftre entendemerit Epilogue
vn homme nud, bien forme 5c proportionné f rem
" r
^
de fes membres, ayant tout le poil qui croift fur \° e"lfe^r lui arrache, les cheueux tondus, de la façon que Jn^uua. i'ai dit,Ies leures & ioues fédùes,& des os poin- g e,
tus, où des pierres vertes comme enchafTees en
icelles,les oreilles percées auec des pendans dâs
les trous,le corps peinturc,les cuiiTes & iambes
noircies de celte teinture qu'ils font du fruiét
Grnipatfus mentionne : des colliers compofez
d'vne infinité de petites pièces de cefte groffe
Coquille de mer , qi'ils appellent Vignot, tels
que ie vous les ay défi hirFrcz , pendus au col:
vous le verrez comme il eft ordinairement en
fon pays, cVtel , quant au naturel, que vous
le voyez pourtrait ci après, auec feulement
fon croiftint d'os bien poli fur fa poictrine,
fa pierre au pertuy delà leure:& pour contenance
fon arc defbandé, & fes flefehes aux
mains. Vray eft que ptmr remplir cefte planche,
nous auons mis au près cfc ce Tonoupinarnbaoult
l'vne de fes fermnes ', laquelle fniu.int leur cou-
K. iij.

L
jo6 HISTOIRE
ftume, tenant fon enfant dans vne efcharpede
cotton, l'enfant au réciproque, félon la façon
aufli qu'elles les portét, tient le cofté de la mère
embraffé auec les deux iambes:& auprès dei
trois vn lie*, de cotton, fait comme vne rets à
pefcher,pendu en l'air, ainfi qu'ils couchent en
leur pays. Semblablement la figure du fruict
3u'ils nomment Ananas, lequel ainfi que ie le
efcriray ci-apres,cft des meilleurs queprodui
fe cefte terre du Brefil.
s tend tfi Pour la féconde contemplation d'vn fauuahr»*-
gc, lui ayant ofté toutes les fufdites fanfares de
deflus,apres l'auoir frotté de gomme glutineu-
* fe,couurez-lui tout le corps, les bras & les iambes
de petites plumes hachées menues,comme
de la bourre teinte en rouge,& lors citant ainfi
artificiellement velu de ce poil folct,vous polluez
penfer s'il fera beau fils.
Tnifitme E- n
troifiemc lieu, foit qu'il demeure en fa
dtftnptiï. couleur naturelle,qu'il foit peinturé.ou emplumaffé,reueftez-le
de fes habillemens,bônets,&
bracelets fi induftrieufement faits de ces belles
* Se naifues plumes de diuerfes couleurs, dont ie
vous ay fait mention , & ainfi accouftré» vous
pourrez dire qu'il eft en fon grand pontificat.
DtftriptiS Que fi pour le quatrième » à la façon que ie
qiutrie- vous ay tantoft dit qu'ils font, le laiflant moitié
nud Se moitié veftu, vous le chauffez & habilles
de nos frifes de couleurs, ayant l'vne des man
ches verte,& l'autre iaune, confiderez là deffu$
qu'il ne lui faudraplus qu'vne marote.
Finalement, adiouftant aux chofes fufdites
l'inftrument nommé Maroc* en fa main,
cVpen

108 HISTOIRE
& perm.ichc rfc plume qu'ils appellent ç/frrarne
hr les i tins, &: fes fonnettes composées de
truiasà l'cntourde fes ïambes, vous le verra I
ti, y j.lUUJ- lors,ainlî que ie le reprefenteray encor en autre
i>

DE L'AMERI Q_V F. 109
dit ci-deiïus, les tondent fur le deuant &ronvnevt
fur le derrière, elles an côtrairc non feu-
Icment les laiflent croiftre & deuenir longs,
nuis auffi (comme les femmes de par-deça) les
peignent & lauent fort foigneufement : vôlic
les trouffent quelquesfois auec vn cordon de
cottô teint en rouge:toutcsfbis les Iaiffans plus
communément pendre fur leurs efpaules, elles
vont prefques toufiours dcfcheuelees.
A v furplus , elles différent auffi en cela des
hommes, qu'elles nefe font point fendre les
lcuresniles ioues. cV par confequent ne portent
aucunes pierreries au vifage : mais quant
aux oreilles, à fin de .T'y appliquer des pendans
elles fêles font fi outrageulemcnt percer, que
outre que quand ils en (ont oitez, on paflcroit
aifement le doigt àtrauers 'des trous, encores
ces pendâs faits de cefte gruflc coquille de mer
NOMMEERIFNJ/, donti'.IV parie, citans blancs,
ronds & auffi longs qu'vnc moyenne chandelle Prodigieuxpen-
de fuif: quand elles en f-nt cuirïecs , cela leur
tiamd'o­ battant fur les efpaules,voire iniques fur la poireilles.cti inc,il femble à les voir vn peu de loing, que
ce foyent oreilles de limiers qui leur pendent
de colle'& d'autre.
T n v c H A N T le vifjgcvoici la façon comme
elles fe l'accouftrent.L.i voifinc.ou compa- Eigcrre fit
[gncauecle petit pinceau en la main ayant cô- fo des finîmes*4memenec'
vn petit rond droit au miliei» de la ioué
riqtiaints
de celle qui fe fait peinturer, tout noyant tout
à fe farder
alentour en rouleau & forme de iim çon,non U vifitge.
feulement continuera iufques à ce qu'auec des
couleurs, bleue, hune &' rouge, elle luv ait big^rié
I5C ch miari é toute la fatc,mais aulfi( ainfi

no H I S T O I R E
tju'on dit que font femblablement en France
quelques impudiques ) au lieu des paupières Se
fournis arrachés, elle nqubliera pas de bailler
le coup du pinceau.
k ^Utf S
v r e C C
^ ^ '^ CS o n t
^ ^ C
£ r a n c
* s
bracelcts,côe
z
P°^ ^ c
plufieurs pièces d'os blancs,coupez &
dtplufieurs taillez en manière de groiTes efcaillcs de poifpnctsd»s.
fons, lesquelles elles fçauent fi bien l'apporter,
& fi proprement ioindre l'vne à l'autre,auec de
la cire cV: autre gomme meflee parmi en façon
de colle, qu'il n'eft pas poiïible de mieux. Cela
ainfi fabriqué, long qu'il eft d'enuiron vn pied
& demi, ne fe peut mieux côparer qu'aux braffars
de quoy on iouc au ballon par de-ÇÀ. Scmblablement
elles portent de ces colliers blancs
(nommez Boùre en leur langage) lefquels i'ay
deferit ci deflus.- non pas toutcsfoisqu'ellcsles
•Bracelets pendent À leur col, comme vous auez entendu
de force- que font les homes, car feulement elles les tor-
C tillct À l'êtour de leur bras.Et voila pourquoy
débutons &p m, rf c feruir À mcfmc vlage,elles trouuoyét
fi iolis les petits boutôs de verre,iauncs, bleui
vers, & d'autres couleurs enfilez en façon de
patenoftrcs, qu'elles appellent Méturoubi^ciquels
nous auions poi té grand nombre pour
traffiquer par de-la.Et de rai

DB L'AMBRI Q_V E." m
roubi'.c'cft à dire,François tu es bon, dônemoy
de tes bracelets de boutons de verre. Elles faifoyent
le femblable pour tirer de nous des peignes
qu'elles nomment Guap ou Kuap, des miroirs
qu'elles appellent Aroua, & toutes autres
merceries & marchandifes que nous auions
dont elles auoyent enuie.
Mais entre les chofes doublement eftranges
&vrayement efmerueillables, que i'ay obfcrueesen
ces femmes Brefiliennes, c'eft qu'çncores
qu'elles ne fe peinturent pas fi fouuent le
corps.les bras, les cuiffes & les iambes que font
les hommes, mefmes qu'elles ne fe couurent ni
deplumafferies ni d'autres chofes qui croiffent
en leur terre.tât y a neantmoins que quoy que
îous leur ayons plnfieurs fois voulu bailler des
obbes de frife & des chemifes (comme i'ay dit
que nous faifions aux hommes qui s'enhabiloyent
quelques fois)il n'a iamais efté en noftre
>uiffance de les faire veftir : tellement qu'elles
R*fil»tkn
;n eftoyent là refolues (& croy qu'elles n'ont ( ^uafmesjt >as encor changé d'auis) denefouffrirniauoir m fipetnt
iir elles chofe quelle qu'elle foit. Vray eft que
iour prétexte de s'en exempter & demeurer
oufiours nues, nous allegant leur couftume,
|ui eft qu'à toutes les fontaines & riuieres claies
qu'elles rencontrent, s'accroupiffans fur le
tord, oùfemettans dedans, ellesiettentauec
wft*-
es deux mains de l'eau fur leur tefte , & fe la- comftmmt
lent & plongent ainfi tout le corps côme can- desfimmti
es,tel iour fera plus de douze foiselles difoyct fimmtgtsJt
ue ce leur feroit trop de peine de fe defpouil-
'r fi fouuêt.Ne voila pas vne belle & bien perfil+**fi»

ira H I S T O I R E
tincnrc rnifonr'mriis telle qu'elle eft, fi la faut-il
reccuoir, car d'en contefter dauanrage contre
elles, ce feroit en VAIN & N'en auriez autre cho-'
fe.Et de fiit.celt animal fc delcéèe fi fort en celte
nudité, que non feulement, comme i'ay ia
dit, les femmes de nos T' ououpwambaoultsde­
''fa'
meurantes eu terre ferme en toute liberté,aucc
leurs maris,percs Se parens, eftoycntlà du tout
obftinccs de ne vouloir s'habiller en façon q,ie
ce ruft : mais aufli quoy que nous filfions conurirpar
force lesprifonnicres de guerre que
nous auions achetées, & que nous tenions efcl.ancs
pour tramiller en noftre tort, tantva
tourcsf >is qu'aufTi roft que la nuiét eftoit clofe,
Relies dcfpo'.iil'ans fccrctemcnt leurs chemifes
pUifanscn ^
3 l , r r c s
haillons qu'on leur bailloit, il f'ailhur
nuiit- loi t que pour leur plaifir c\ auant que fc coucher
elles fe pounnenaflent toutes nues parmi
noftre ifle. B:icf (1 c'euft efté au choix de ces
panures mifcrablcs, cV qu'a grands coups de
fouets on ne les euff contraintes de s'habiller,
elles culfent mieux aime'endurer le halle & la
* chaleur du Soleil, voire s'clcorchcr les bras&
les c'paulcsà porter continuellement la terre
5c les pierres, que de rien endurer fur elles.
Voit A aufli Sommairement quels font les
ornemes, bagues & ioyaux ordinaires des termes
& des filles Amcriquaincs. Partant fans en
faire ici autre épilogue, queie leifteur, pir celle
n irration les contemple côme illuy plaira,
T n A i T A N T du mariage des fauu3gcs,ie
dii'.'V comme leurs enfuis font accouftrez des
leur naiffanec: mais pour l'cfgard des grandets
au

DE L' A M E R I QLV E . 115
BU défais de trois ou quatre ans,ie prenoisfur
tout grand plaifir de voir les petits garçons
ILI'iis nomment Conomi-mirt , lefquels feflus, Conomi-
Siifkts & refaits qu'ils font,beaucoup plus que
m i r ,
, s
J""
ceux de par-deça,aucc leurs poinçons d'os blâc F^F^V»dar.s
leurs leures fendues, les cheueux tondus à page & fa
leur modc,& quelque fois le corps pcinturé,ne fans de foi
lailloyent iamais de venir en troupe danfans au "•
Jeiunt de nous quand ils nous voyoyent arrilier
en leurs villages. Aufli pour en élire retom
PE.iicz, en nous amadouans & fiiyuans de près
ils noublioyent pas de dire, & repeter fouuent
tn leur petit cergon , Cemoua/Jat, amabè pmda:
t'elt à dire, Mon ami & mon allié,donne moy
Jes ruirus à pefcher.Que (i là deifus leur ottroy
pnt leur requefte (ce que i'ay fouuent fait) nous
leur cri méfiions dix ou douze des plus petits
parmi le lable & la poufliere,cux fe baiffans fou pajfttemps (iainement c'eftoit vn pallecemps de voir cefte qui4 des
petite marmaille toute nue,laquelle pour trou-.gffo»*ts
ter & amafler ces hameçons trepilloit & grat- l a
** d
loit la terre comme connils de garenne.
Finalement combien que durant enuiron
pan, que iay demeuré en ce pays-la , i'aye
kfte li curieux de contempler les grands c\: les
pics, que m'eltant aduis que ie les voye tdufiurs
deuant mes y eux,i'anauray àiamais l'idée
$>"-
: l'image en mon enteiidemct:(i eft- ce néant Reistpw
noins, qu'à caufe de leurs geftes & contenan g"** 0
"»»
Jesdutout diifemblables des noftrcs.ie confei"»
: qu'il eft mal-aife de les bien reprefenterj ni f^ter^u's
|arefciit,ni mefme par peinture.Parquoy pour ju*»*gcs.
Inauoir le plaifir, il les faut voir 6c vifiter en

114 HISTOIRE
leur pays. VOIRE mais,direz-vous,la planche EFT I
bien longue .• il éft vray, & partant fi vous n'auez
bon pied,bon ceil,craignans que ne trebuf>
chiez,ne vous iouez pas de vous mettre en chemin.
NOUS verrons encore plus amplement ci
après, félon que les matières que ie traiteray fe
prefenteronr, quelles font leurs maifons, vtenlïles
de roefnage, façon de coucher >& autrei I
manières de faire.
T O V T E S F O I S auant que clorre ce cha-1
pitre,ce lieu-ci requiert que ierefponde, tant à
ceux qui ont eferit, qu'à ceux qui penfent que f
la fréquentation entre ces fauuages tous nuds,l
& principalement parmi les femmes , incite à|
lubricité Se paillardife. Sur quoy ie diray en vol
mot, qu'encores voirement qu'en apparenceill
n'y ait que trop d'occafiô d'eftimer qu'outre lai
deshonnefteté devoir ces femmes nues,'celane|
femble auffi feruir comme d'vn appaft ordainail
reàconuoitife:toutesfois,pouren parler felonl
ce qui^'en eit communément apperceu poufl
lors,cefte nudité ainfi grofliere en telle femmel
* eft beaucoup moins attrayante qu'on ne cuide-l
N»dtti roit. Et partant, ie maintien que les attifetîj
dts Jcmt. fàrds,fàulTes perruques,cheueux tortillez,grâd
r,

DE L'ÀMERI Q_V E. 115
ire dauantage, me vantant bien de foudretoutes
les objections qu'on pourroit amener au
ontraire, i'en donnerois les raifons fî v
cuidenes
que nul ne les pourroit nier.Sans donqques
ourfuiure ce propos plus auant,ie me rappore
de ce peu que i'en ay dit à ceux qui ont fait
e voyage en la terre du Brefil, & qui comme
oyont veu les vnes &les autres.
Cen'eft pas cependant que contre ce que
lit la fainfte Efcriture d'Adâ & d'Eue, lefquels
[aprèsle péché, recognoiffans qu'ils eftoyenty„ r ^ ^y.
nuds furent honteux, ie vueille en façon que ce cours itU
(bit approuuer cefte nudité-.pluftoft detefteray nuiiti dts
e les hérétiques qui contre la Loy de nature f aMM
& s
-
laquelle toutefois, quant à ce poinâ,n'eft nulement
obferuee entre nos pauures Amcriuains
) l'ont autrefois voulu introduire pareça.
MAIS ce que i'ay dit de ces fauuages eft,
our monftrer qu'en les condamnans fi aufte-
:ment,de ce que fans nulle vercongne ils vont
nft le corps entièrement defcouuert, nous
xcedâs en l'autre extremité,c'eft à dire en nos
joubances, fuperfluitez & excès en habits, ne
bromes gueres plus louables. Et pleufl à Dieu,
•our mettre fin à ce poinct, qu'vn chacun de
tous,plus pourl'honncfteté &neceflité,que
>our la gloire & mondanité, s'habillait modelement.

-riuâi l-ioi
pjm ni ym
'Des gro(fcs racines, &gros mil, dont lesfauuaget
font farine qu'ils mangent au heu de pain : £7 dt\
leur briiuaoc qu'ils nomment Caou-in.
Vis que nous auons entendu , au
precedet chapitre comme nos fauuages
fontparez & equippez parleI
dehors, il me fçinble tn deduifant|
les chofes par ordre, qu'il ne cpnuiendra paj
nul de traiter maintenant tout d'vn aSjdesviures
qui leur font communs & ordinaires. Surqnoy
faut noter en premier, lieu, qu'encores
qu'ils n'ayent , & PAR confisquent ne fement ni
ne plantent blcds.ni vtgnes en leur pays, que,
neantmoins.ainh que ie I'ay veu & experirtKn-,
té,on ne lailfe pas pour cela de s'y bien traiter
ci d'y faire bonne clwsre faaspain ni vin.
A y A N s doneques nos 'Ameriquains en
Nllnmt^ leur pays, deux efpeees déracines qu'ils nomracmts.
' ment , Ayp: Si AJantot, lesquelles en trois ou
quatre mois , croiflènt dans terre aulîî grolles
que la cuifle d'vn homme,& longues de pied H.
demi,plus ou moins:quand elles font arrachée)
les femmes (caries hoaaames ne s'y occupeni
point ) après les auoir fait fecher au feu fur li
Boucan, tel qnc ie le deferiray ailleurs, ou bien
uelqucs rois lesprenans toutes vertes, à rorcl
e les râper fur certaines petites pierres pointues
, fichées & arrangées furvne pièce de boii
plate ( toutainfi que nous raclons & ratiiioni

t>E L'AMERI Q_V E. 117
es formages & noix mufeades ) elles les reduient
en farine,laquelle eft auffi blanche que nei
re.Etlors cefte farine ainfi crue, côme auflî le
uc blanc qui en/ort, dont ie parlcray tanto i\i
la vraye lenteur de l'amidon, fait de peur fronent
long temps trempé en l'eau quand il eft
ncore frais & liquide, tellement q^ue depuis
non retour par de-ca m'eftât trouue en vn lieu
>ùon en faifoit, ce flair me fiftreflbuuenir de
'odeur qu'on fent ordinairement es maifons
les fauuages, quand on y fait de la farine de raine.
APRES cela & pour l'apprefter ces femmes
refiliennes ayans de grandes & fort larges
oefles de terre, contenans chacune plus d'vn
louîeau, qu'elles font elles mefmes affez prorement
pour ceft vfage* les mettans fur le feu,
quantité de cefte farine dedansrpendant que
e cuiét elles ne celfent de la remuer auec des
urges miparties,defqueiles elles fe feruét ainque
nous faifons d'clcuelles. cefte farine cuit
de cefte façon, fe forme comme petite gre
:e,ou dragée d'apoticaire.
OR elles en font de deux fortes : aflauoir de
irtcuiâe&dure, que les fauuages appellent
enté», de laquelle t parce qu'elle fe garde Ouy-tnt*
eux,ils portent quand ils vont en guerre : Se firme dn~
utre moins cuicte & plus tendre qu'ils nom- re
-
tOuy-pou, laquelle eft d'autant meillieure ouj-pvt
la premiere,que quâd elle eft fraifche vous farine te»iez
en la mettant en la bouche Si. en la man- * rt
&fi n
t, que c'eft du molet de pain blanc tout '
t: l'vne&Tautre en cuifantchangent aufli
T.. i.

Ïl8 HLSTOIRS
ce premier gouft que i'ai dit, en vn plus plik
fanr & louer. j
Farine de A v furplus, combien que ces farines,nor»
racine*eft mc'mtnt quand elles font fraifehes, foyent de
propre a f o n ^on g 0 l, jt.de bonne nourriture & de facv
faire pam. j e jjg e{\j o n . t a n t y a neantmoins que comme,
ie l'ai expei imenrc.elles ne font nullement proj
près à faire pain. Vrai eft qu'on en fait bien de]
lapafte, laquelle s'enflant-comme celle de bled
auec le leuain , eft aufli frelle & blanche que"
c'eftoit fleur de froment : rrfais en cuifant, lil
croufte c\ tout le delTus fe fçjchant & bruflant,]
quâd ce vient à couper ou rompre le pain,vo
trouuez que le dedans eft tout fec Se retour:
en farine.Partant ie croi que celui qui rappor-
H'fl- $ f
r c m , e r c r a e n t
**l* P S" e
Indiens qui habite
d*s iruil^l vingr deux ou vingt trois degrez par-delà l'I
%.chap.9x. quinoctial, q-n font pour certain nos TOUOUJ
nambaoults, viuoyêt de pain fait de bois gratté
entendant parler des racines dont eft queltioi
faute d'auoir bien obfcruéce que i'ai dit, sV
ftoit equiuoquc'.
* Neantmoins l'vne & l'autre farine eft boni
à faire de la boulie,laquelle les fauuages appi
Mingant lent Mingtnt, & principalement quand on
IW* ie deftrempe auec quelque bouillon gras:card«
ftr*n* de u c n a n r i o r s grumeleuie comme du ris,ainiï af
racmes. ^ e ct\ e c ejj e cfl.

T"' • I
D E JL'AMIE RJ i TI_V E. 119
re doigts dans lavaiflclle de terre ', ou autre
raiûeau otiâUla tiennent, encores qu'ils la iet *
cnt d afltajoin, ils rencontrent neantrrvrjins fi
[Iroitdansleurr bouches; qu'ils n'en cipanchent
as VN feuLbrin-Que ii entre nous François}les
jroulans imiter la penfioifsmartger de cefte/ta-
>n,o'eftans pas comme eux ftilez À cela,à«i.fteu
lelaietter dansla bouche nous l'cfpanchians
ur les ioues & nous enfârinions tout le vtfage:
artant (înon que ceux principalemeju'qut por Fra
DYCNT barbe euflent voulu eftre accouftret en
T****
lueurs de farces, nous eftions contraints de la & e r ufari
prendre auec des cuillier s. ' nefuebt.
Dauantage il aduiendra quelque fois qu'aies
que ces racines d'Ayfi Se de Maniot
PN que ie vous ai dit ) feront tapées toutes
rtes, les femmes faifant de grofles pelotes de
ifàrine frai£che& humide qui en fort, les pref
rant Se preiTant bien fort entre leurs mains,el
i en feront fortir du ius prcfques aufli blanc
: clair que lai&ilequel elles rctenans dans*des lMtfott^t lats & vaiflelle de tcrre,aprcsqo'elles l'ontmis de u TM.
ifoleil,la chaleur duquel ie fait prendre Se fi- nekumid*
i o n 4 m
ET comme, caillée de fbrmage,qu3d on le veut * m
nger, le renuerfant dans d'autres poefles de ** r
-
\rte,Sc ta icellei le faifant cuire fur le feu com
(nous fiûfo* les aumelettes d'oeufs, il eft fort
on ainfi apwreiV.
I Av furplus la racine d'Aypi non feulement
l bonne en fàrine*mais tutti quand toute enre
on la sait cuire aux cendres ou deuant le t m ^ ^
s'attendriflânt, fendant 6c rendant lors fâ- t r t u,
e

forme du
ttges O"
pteitles dt
ces rackm*i.
T»f*n efmemeUlabledt
mml
tflter les
taemes dt
AYPI ey
dt MA-
NIOT.
Auati »
gres mil.
HO Ht S T Oit Si
(de laquelle aufTrellea^refqaè* le gauft) on M
peut manger de cefte façon. Cependant il n'etfj
prend pas de mefme de la racine d*'JI>f*K/»t,atl
n'eftane bonne qu'en farine bien cuiére, ce fe>|
roic poifon de Ï/L manger autrement. j|
rVrrefte 1er plantes ou tiges de toutes leffl
de*bcvdifferenres bien peu lVne de Vautre qui
à la^drmetcroitTem de la bauodur des petits ge
négriers : & ont les fûéilles afler. femblablejj
l'herbe de Pconia,ou Pmoine en François.!
ce qui eft admirable 8c digne dé grande confi*
dérdtton,en ces racines àA^fiècdéManutt
noftre terre du Brcfil ,gift en lamultiplicatio
d'icelies.Car comme ainfi foit que les branche
foyent prefque aufli tertdres 8c aifees à rompr
que cheneuotes.fi eft-ce neantmoins qu'autan
qu'on en peut rompre 8c ficher le plus auan
qu'on peut dans terre, fans autrement les coltfcj
uer, autant a on de grottes racines au bout ii
deux ou trois mois.
Ov T R K plus, les femmes de ce pays-la J
chant aufli en terre vn bafton pointu > planten
encor en cefte forte de ces deux espèces dc^
mil, afTauoir blanc & rouge, que vulgaireme
on appelle en France bled Sarrazin-( les fau
g es le nomment »^*4ft)duque4 femblablerneo
elles font de la farine, laquellefê eniét & ma
ge à la manière que i'ay dit ci dfcffîts que f
celle de racincs-Et, croy (cotre f ou tesfois ce(
i'auois dit en la première édition dei?eftehii
re,où ie diftingûois deux chofes,lefqt»ellcs né
moins quand i*yay bien pènfé nelofl»q«vn
que ceft Anmi de nos Ameriquainitft.ceq
l'hiftd

De L'AME RldlVÏ. I2Z
orié Inddis appelle Mé&^txpxçl tel6 qu'il
tcfertaufliydebJed aux Indienrdu Pcrotcar
ici ladefeription qu'il en fait.
LA carme de* A/'r^dit-lhcroift de la hauteur
Vn homroé & plus t eft aifez grcWfe,& tette fes
leilles comrfie celles des cannes de marets,
fpiceft comme vne pomme de pin fauuage, MAIZW»IL
grain gros& n'eft ni rond ni' qaarre', oifi«kf« r
»*
ig que noftre grain: il fe meurit en trois ou faiJd.ti.
latre mois, voire aux pays arroufez de ruif- e. cha.îi

M ' HI S T OIRE
me ils font par deçà, que l'vn Se l'autre y vi
droit btemiEt de taict,la vigne que nous pl
tafmes ayant tref-bien «eprini, & ietté-dc
beau bois & de belles Vieilles, faifoit grain
demonftration de la bonté & fertilité dupa
Vray eft que pour l'cfgard du frurd,durant CI
uiron vn an que nous fofmes lsuelle ne produi
fitquedesaigrets, lefquels encore au lieu d(
meurir s'endurcirent & demeurèrent fecs: mai
comme i'ay fecu de n'agueres de certains b
vignerons, cela eftant ordinaire quelesn
ueaux plants, é$ premières Se fécondes ann
ne rapportent finon des lambrufces & veri
dont on ne fait pas grand cas : i'ay opinion qtx
fi les François & autres quldemeurerent en ce
pays-|À après nous,continuèrent à façonner CM
fte vigne, qu'ES ans fuyuans ils en eurent DE
beaux & bons raifins.
'Défaut au Quant au froment de au feicle que nous Y FE>
fr»mêt cr mafmes.voici le défaut qui y futrc'eft que coro
** f"S lt
bien qu'ils vinffent beaux en herbes, & MEFRM
W l
que * paruinflent iufques À l'efpi , neantmoins le
r ;
première- £ " n
ne S y forma point. Mais d autant que
mitent A l'orge y grena & vint À iufte maturité, voire
multiplia grandement, il eft vrayifcmblablt
que cefte terre eftant trop graffe preffbit&auançoit
tellement le froment Se le feigle ( let
quels comme nous voyons par deçà auant qn
produire leurs fruiéts , veulent denjeurer plu»
long temps en terre que l'orge) qu'éftans trop
toft montez (comme ils furent incontinent) ils
n'eurent pas le temps pour fleurir êc formel
leursgrains. Partant au lieu que pour rendre
LE»

D E L'A M E R I Q_ V F.. IZ$
s champs plus fertillcs & meilleurs, en noftre T t r r t j m
ranceon les fume & cngraiffe : au contraire, Brefil »*ij
opinion , pour faire que cefte terre neuue tmreùemét
ipportaft mieux le froment & fcmblables fe- trtpfinih
tnces, qu'en la labourant fouuent il la fau- f ouri,
fi r9
-oit lalfer & defgraiifer par quelques années. ^'*^^!
ET certes côme le pays de nos Toncupinam- èuuts fi.
mit s eft capable de nourrir dix fois plus de menas.
tuple qu'il n'y en a, tellement ciue moy y eint
me pouuois vanter d'auoir a mon comandemét
plus de mille arpens de terre, meilurs
qu'il n'y en ait en toute la Beauffe : qui
mte fi les François y fuftent demeurer ( ce
'ils euffent fait, & y en auroit maintenât plus
dix mille fi Vill egagnon ne fe fuft reuolte de j< tutitt ^
Religion reformée) qu'ils n'en euffent receu ViUtg*tirc
le mefme profflt que font maintenant gnoncaufi
«Portugais qui y font fi bien accommodez. ?
w^ttrA
eh foit dit en paflànt, pour fatisfaire à ceux
li voudroyent demander fi le bled & le vin J^Jqm.
lamfemez, cultiuez & plantez en la terre du
refil, n'y pourroyent pas bien venir.
OR en reprenant mon propos, à fin que ie
flingue mieux les matières que i'ay entrepris
K trait er,auât encores que ie parle des chairs,
oiffons, fruicts & autres viandes du tout difmblables
de celles de noftre Europcdcquoy
DT fauuages fe nourriffent, il faut que ie dife
lel eft leur bruuage, & la façon comme il fe
IT.
S v R quoy fautaufli noter en premierlieu,
»e comme vous auez entendu ci deflus, que
Hommes d'enti'eux ne ie méfient nulle-
L iiij.

124 H I S T O I R E
'xtifcm- ment de faire la farine, ains en laiffent toutel
tnti^mt- ch a rg C 3 ] e u r s fcmrru^ qu'audî font-ils lefenvj
^MO^S blable,voire font encor beaucoup plusferupi»
hommts leux,pour ne s'entremettre de faire leur bruuji
femtUh» ge. Partant outre que ces racines à'Aypi &
jW

DE L'AMSRI Q_V E. 125
n la manière que ie diray tantoft. Et à fin de Gramds
nieux exprimer le tout, ces derniers grads va- ya>tfeawx
es dont ie vien de faire métiondont faitspref- d» ttrrt>
jue de la façon des grâds cuuiers de terre, ef- ^* J**. 1
^
[uels, côme i'ay veu, on fait la lefciue.en quel- ff*
[ues endroits de Bourbonnois Se d'Auuergne:
ixcepté toutesfois qu'ils font plus eftroits par
abouche Se par le haut.
OR nos Ameriquains, fâifans femblablement
bouilhr,& mafehans aufli puis après dans
eur bouche de ce gros mil, nommé ^Auati en Bnuag*
eur langage, en font encor du bruuage de la/ 4
*'^ em
'^
mefme forte que vous auez entendu qu'elles
ont celuy des racines fus mentiônees. le repee
nommemét que ce font les femmes qui font
ce meftier : carcôbien que ie n'aye point veu
faire de diftinclion des filles d'auec celles qui
ont mariees(comme quelqu'vn a eferit) t3nt y
a neantmoins qu'outre que les homes ont cefte
:
erme opinion, que s'ils mafchoyët tant les racines
que le mil pour faire ce bruuage,qu'il ne
Teroitpasbon : encor reputeroyêt-ils aufli indécent
à leur fexe de s'en mcfler,qu'à bô droit,
cerne femble,on trouue eftrangede voir ces
grands debraillez payfans de Breflc & d'autres
lieux par deçà,prendre de quenouilles pour filer.Les
fauuages appellent ce bruuage Caon-tn, c ^
lequel eftant trouble & efpais côme lie, a pref- fa*^ ta
que gouft de laict aigre: & en ont de rouge & aigri,
de blanc comme nous auons du vin.
Av furplus tout ainfi que ces racines & ce
gros miljdôt i'ay parlé, croiffent en tout temps
en leur pays, auffi, quand il leur plaift, font-ils
.v '„ 1 h

T
u6 H I S T O I R E
en toutes faisôs faire de ce bruuagejvoire quel-,
que fois en telle quantité oue i'en ay veu pour
vn coup plus de trente de ces grands vaùTeaux
(lefquels ie vous ay dit tenir chacun plus de
foixante pintes de Paris ) pleins Se arrengez en
lôg au milieu de leurs maifons,où ils font toufîours
couuerts iufques à ce qu'il faille fioittner.
Al A i s auant que d'en venir là,ie prie( fans
toutesfois que i'approuue le vice )que par ma­
*M^tttT~t- nière de préface, il me foit permis de dire:Ar-
FMML exriere Alemans,Flamans,Lanfquenets,Suiife$,&
ttpfftheu- tous qui faites carhous & profeflîô de boire par
mturs fttr
'dejfuttoms deçà: car comme vous mefmes, après auoir en­
autres. tendu comment nos Ameriquains s'en acquittent,confeflerez
que vous n'y entendez rien au
pris d'eux, auffi faut-il que vous leurs cédiez en
ceft endroit.
Q_y A N D doneques ils fe mettent aprcs,&
principalement quâd auec les cérémonies que
nous verrons ailleurs, ils tuent folenneïlement
vn prifonnier de guerre pour le manger : leur
couftume (du tout contraire à la noftre en matière
de vin, lequel nous aimons frais & clair J
Caeu m eftant de boire ce Caon-tn vn peu chaut,la pre­
irutuge mière chofe que les femmes font,eft vn petit
«MM «m* feu à l'cntour des cannes de terre;où il eft pour
tftrt te»
le tieder.Cela fait.commëçant à l'vn des bouts
thtmffity
irtmili. àdefcouurir le premier vaifleau, & à remuer
& troubler ce bruuage, puifans puis après de­
Fafem dt dans auec de grandes courges parties en deux,
koirt des dont les vnes tiennent enuiron trois chopines
sAmeri-
de Paris, ainfi que les hôines en danfant partent
les

DE L'A M E R Ï Q_V E. 127
les vns après les autres auprès d'elles, leur prefentans
8c baillans à chacun en la main vne de
ces grades gobelles toutes pleines,& elles mefmes
en feryant de fommeliers , noublians pas
de chopiner d'autant : tâtles vns que les autres
ne faillent point de boire & trouffer cela tout
d'vne trait e.Mais feauez vous combien de fois?
cefera iufques àtant quelcs vaifTcaux, & y en
euft-il vne centaine/eront tous vuydes,& qu'il
n'y reftera plus vne feule goûte de Caou-tn
dedans. Et de fait ie les ay veu, non feulement
trois iours & trois nuicts fans ceffer de boire:
mais auffi après qu'ils eftoyent fi faouls & fi yures
qu'ils n'en pouuoyent plus ( d'autant que
quitter le ieu euft efté pour eftre réputé effemine',&
plus que fchelm entre les Alemans)quand
ilsauoyent rendu leur gorge, c'eltoità recommencer
plus belle que deuant.
ET ce qui eft encor plus effrange & à remarquer
entre nosTouoHpmambaoHhs eft que comme
ils ne maget nullcmét durât leurs beuueries, Eflrmngi
lu/fi quand ils mangêt ils ne boiuêt point par-* c
J»ft*—
nu leur repas:tellemét que nous voyans entre- J
méfier l'vn parmi l'autre,ils trouuoyent noftre f^£j*
" çon fort effrange. Que fi on dit là deffus, Ils nnmg

ïz8 • H I S T O I R E '
fermer Ut fouper, ou collationner, comme on fait en cei
he*rts mi pays par deçà,mefmes qu'ils ne facent point de
gint q»aA difficulté, s'ils ont faim, dç manger aufli toftà
tls ont minuicTc qu'à midi.- neantmoins ne mangeant
iamais qu'ils n'ayent appetir,on peut dire qu'ils
font aufli fobres en leur manger,qu'exceflifs en
Am*r>- l e u r boire.Commc aufli quelques vns onteefte
5*?£^f honnefte couftume, de le lauer les mains & la
magerq»* bouche auant & après le repas: ce que toutef.
txctfiifs à fois ie croy qu'ils font pour l'efgard de la bouche,
parce qu'autrement ils l'auroyét toufiour»
s» louent pafteufe de ces farines faites de racines & de
mtirult^t miKdefquelIes i'ay dit qu'ils vfét orefiriairemét
fAi au lieu de pain. Dauantage parce que quand ils
siltwctdes mangent ils font vn mcrueilleux filence, telle*
fauugtsd» ment que s'ils ont quelque-chofe à dire, ils le
r*»t Uur r €f e r u e n t iufques à ce qu'ils ayét acheué : quâd,
fuyuant la couftume des François, ils nous
oyoyent iafer & caqueter en.prenant nos repas,
ils s'en fauoyent bien moquer.
Ainfi, pour continuer mon propos, tant
que-ce Caoù- Mage dure, nos friponniers & ga
lebontemps d'Ameriquains, pour s'efehauffet
tant plus la ceruelle, chuntans, fi flans, s'accou
raigeans & exhôrtans I'vn l'autre de fe porter
vaillamment, cV de prendre force prifonnien
quand ils iront en guerre,eftans arrangez com-
m c r u c s
arnuetL 8 > n c
ceflent en cefte forte de danfer,comme
aller 6c venir parmi la maifon où ils font aflem
grues tn blez, iufqu'à ce que ce foit fait : c'eft à dire,aindamfemt.
fi q u e i'ay ia touche, qu'ils ne fortiront iamab
de là, tant qu'ils fendront qu'il y aura quelqui
chofe es vaifleaux. Et certainemét pourmieu;
\ verihet

DE L'AMERI Q_V E. »aj*
criner ccque i'ay dit, qu'ils font les premiers-Pr**^
^ fuperlatifs en matière d'yurongnerie, ie croy .tj*ty>g*e
M <
BU'ily en a tel,qui à fa part,en vne feule affem- T f**bleeauale
plus de vingt pots de Caou-tn. Mais
•tout, quant à la matière que ie les ay dépeints
au chapitre precedëtils font enplumaf-
Ifcz ,&qu'en céft equippage ils tuent & mangent
vnprifonnier de guerre, faifans ainfi, les
Mcchanales à la façon des anciés Payens,faouls
Jfemblablemêt qu'ils font comme preftres: c'eft
lorsqu'il les fait bon voir rouiller les yeux en
I tefte. Il aduient bien neantmoins, que queU
aoesfois voifins auec voifins, eftans aflis dans
ur lias de cotton pendus en lair, boirôt d'vne
façon plus rhodefte : mais leur couftume e-
Hanttelle, que tous les hommes d'vn village
DU de plufieurs s'affemblent ordinairement pour
boire ( ce qu'ils ne font pas pour manger ) ces
Wuuettes particulières le font peu fouuent en-
R'eux.
Semblablcment auffi, foit qu'ils boiuent peu
pu prou,outre ce que iay dit,qu'eux n'engëdrâs
'amais roelartcholie ont celte couftume de
^'aflcmbler tous les iours pour danfÉx & s'ef- ^TX»
juir en leurs villages, encorj les ieunes hom-^ ,
/ t 4 B t
oes à marier ont cela de particulier, qu'auec iekmtque
bbacun vn de cesgrans pennachesqu'ils nomhaent
Arttnyey lie fur leurs reins , Se quelques
bis le Aiaraca en la main,& les fruiôs fecs(defjjuels
i'ay parlé cy deffus ) fonnans comme couillesd'efcargots,liez&
arrengez à l'entour
le leurs iambes, ils ne font prefqueautre chofe
sûtes les nuids qu'en tel equippage aller Se

îjô H I S T O I R E
venir, fautans Se danfans de maifan en maifon»
tellement que les voyante oyâat Ci ttouuét faire
ce meftier , il me refouujenoit dé ceux qu'en
certains lieux par deçà on appelle valets deu
fefte,lefquels es temps de leuss vogues 8c feftej
qu'ils font des laincts & patrôs de chacune parroiffe,
s'en vont auffi en habits de fbls,auec des
marottes au poing,& des fonnettes auxiambes.-baguenaudans
Se danfans la Morifque parmi
les maifons St les places.
Mais il fayt noter en ceft cndroit,qu'en toutes
les danfes de nos fauuages» foit qu ils fe fuyuent
l'vn l'autre,ou, comme ie diray, parlant de
leur religion, q u'ils foyent difpofer en rond»
T*mmes& qDC j c s femmes ny les filles, n'eftans iamais mef
' ' lecs parmi les hommes, fi elles veulent danfer,
fa dtsjam- c
ela fe fera a part elles.
•"grt. Au refte, auant que finir ce propos de la façon
de boire de nos Ameriqpains, fur lequel»
fuis àprefent, afin que chacun fiche comme
s'ils auoyent de vin àfouhait, ils haufferoyenc
a gaillardement le gobelet :ic raconteray icy vne
plaifante hiftoire, Se toutesfois tragique,Iaquelle
vn AttuffÀcMyC'ed à dire,bon pere de famille
qui donne à manger aux paffans, me recita
vn iour en fon village.
PU*f*mt Nous furprifmes «ne fois,dit-il en fon lan-
'Z'iUrT 8 a
8 c
» v n e c a r a u e U e

DE L'A M E R I cx_v E. 151
ILEURS marchandifes , trouuans parmi icellede
1 grans Gmtamemos DE bois (ainfi nomment-ils
ILES tonneaux èV autres VAIFFEAUX) pleins DE bru-
LUAGE, les dreflans & deffohçâs par hrbout, nous
IVOULUFMES'TÉITETCJUÈL'I'leltoit. Toutesfois, ME
IDIFOIT CE Vieillard fauuage, IENEFCAY decjuelle
[forte DE CMU-m ils eftoyent remplis, & fi vous
|cn auez de tel en ton paystmais bien TE diray-ie
AU APRÈS que nous en eufmcs beu tout noftre
SAOUL, NOUS fufmes DEUX ou trois iours teUemét
AFLOMMEZ & endormis, QU'IL n'eftoitpas en notre
puifTance DE nous pouuoir refueiller. Ainfi
CITANT VRAY femblable,que c'eftoyent TONNEAUX
PLEINS DE quelques BONS vins D'Efpagne , def-
IIELS ces fauuages,fans Y penfer, auoyent fait la
éltedcBacchus, il NE fe FAUT pas esbahir, fi a-
J>RCS QUE cela leur EUT à BON efcicnt donne fur
la CORNE,noftre homme difoit,QU'ils S'eftoyent
VUÛI Soudainement trouuez prins.
P o v R noftre efgard du cômencementque
NOUS fufmes en ce pays-la , p en fans eutter la
iornlleure,laquelle, comme i'ay nagueres tou
THÉ, CES femmes fauuages font EN la côpofkion
Je leur Caou #«,NOUS pilafmes des racines À'Ay-
>I&deManiotauec du Mil,lefquelles(cuidans
aire CE bruuage D'vne plus hônefte façon)noos
fifmes bouillir enfemble : mais pour en SDIRE
Ivérité, l'expérience nous monftra ,'qu'aini
fait IL n'eftoitpas bon : partant petit à petit,
|ious nous accouftumafmes d'en boire de Taure
tel qu'il eftoit.Non pas cependant que nous
knbeuifions ordinairemêt, car ayans les cannes
le fucre À commandement, les faifans & laif-

i$t H I S T O I R E
fans quelques iours infufer dans de l'eau, aprçl
qu'à caufe des chaleurs ordinaires qulYontlaJ
nousl'auiôs vn peu faitjrafrefchirrainii fucrey
nouslabeuuions auec grad conteotemet. Mef.1
mes d'autant que les fontaines Se riuieres, bd

DB L'AMEkiC^Tî. IJj
|>reflbirs,ils trouucront qu'il s'y parte beaucoup
lechofes, lefquelles n'ont guère meilleure gra
que cefte manière de machiller, accoultuneeaux
femmes Ameriquaines. Que fi on dit
|àde(Tus, Voire mais,le vin en cuuant & bouil-
« iette toute cefte ordure : ie refpons que
jftre Caou-in (e purge auffi, & partant, quant
ce poinft, qu'il y a mefme raifondel'vni
l'autre.
CHAP. X.
Des animaux,v en atfons,gros le\ards,ferpens,&
utres beftes monttrueufes de P Amérique.
'Ab VERTIRAY envn mot au commencement
de ce chapitre,que pour
l'efgard des animaux À quatre pieds, animaux
non feulement en general,& fans ex- de f ^me-
TiqHt, tOHS
eption il ne s'en trouue pas vn feul en cefte
dijfembld'
erre du Brefil en l'Amérique , qui en tout & blés des n»
>ar tout foit femblable aux noftres: mais que fttti.
ELUFLÎ nos Tououpmambaotdts n'en nourriflent
ue bien rarement de domeftiques. Pour donc
efcrirc les beftes fauuages de leur pays, lefpielles,
quant au genre, font nommées par
ux Soô, ie comroenceray par celles qui font
wnnes à manger.La première & plus commu- TAPIROUF
ic eft,vne qu'ils appellent Taptroufou,hqué\\e fou, tllUtnal
dents
jrant le poil rougeaftre, & affez long, eft pref-
yacht cr
uedelagrandeur,groffeor 6Vforme d'vne va- demi a frit.
M. j.
I

154 • HISTOIRE
chc:toutcsfois ne portât point Je cornes, ayt
le col plus court , les oreilles plus longues i
pendantes, les ïambes plbsfeiches 8i défiées, 1
pied non fendu, ains de la propre forme de<
lui d'vn afne , on peut dire qire participant «
l'vn & de l'autre elle eft demie vache & den
afne. Neantmoins elle diffère encore entier»
^ ment de tous les detx , tant de la queue quel
le a fort courtc(& notez en ceft endroit qu'il(
trouuc beaucoup de beffes en l'Amérique,qa
n'en ont prefque point du tout ) que des dent!
lesquelles elle a beaucoup plus trcncha'ntesj
aiguës: cependant pour cela, n'ayant autre refi
fiance que la fuite, elle n'eft nullement dang
reufe. Les fauuages la tuent, comme plufieu
autres à coups de flefehes, ou la prennent à de
chauilcs- trapes & autres engins qu'ils font afin 1
iiiduftrieufemcnt.
Av relie, ceft animal à caufe de fa peau <
merueilleufemcnt cftimé d'eux: car quâd ils l'a 1
corchent, coupans en rond tout le cuir du do
Ronàe&n après qu'il eft bien fec,ils en font des rondell
pit,s d» auflî grandes que le fond d'vn moyen tonnea
c»tri»T* lesquelles leur feruent à fouftenir les coups(
froujjt». fle/ches de leurs ennemis, quand ils vont)
guerre. Et de fait,cefte peau ainfi (eichee &i
couftree eft fi dure, que ie ne croi pas qu'ilyi
flefche, tant rudement defeochee fuft-elle,(
la feeuft percer. le rapportois en France pari
cularitc dcuxdecesTarges, mais quand àn<
ftie retour la famine nous print fur mer, apn
que tous nos viures furet faillis J& que les Gif
pons, Perroquets ^autres animaux que no
app"

DE L*A M E R I C^V E. 135
Ipportions de ce pays-la, nous eurent ferui de
lourriture, encor nous fallut-il manger nos
•ondelles grillées furies charbons, voirejcomc
ie diray en fon lieu, tous les autres cuirs, &
LÛTES les peaux que nous auions dans noftre
aiifeaù.
T O V C H A N T la chair de ce Tapiroujfou, CouÀ dt
:11e a prefque le mefme gouft q celle debceuft i a{^j rjl
sais quant à la façon de la cuire & appreftcr, Tapïrouf-
ioslauuages,à leur modc,la font ordinaircmét f»u,çrfit-
$uca»er.Et parce que i'ay ia touché cy deuant, f cn
^
t u , r c
faudra encor que ie réitère fouuent cy après '
;efte façon de parler Boucaner: à fin de ne tenir
lus le lecteur en fufpens, ioint aufli que Focfion
fe prcfente icy maintenat bien à propos,
veux déclarer quelle en eft la manière.
Nos Ameriquains doncques, fichans affez taf0nii* ant dans terre quatre fourches de bois, aufli Boucan, tt
offes que le bras, déifiantes en quarrc d'enui- ^'R'
m trois pieds,& efgalcmét hautes efleuees de "f*"* 4
-
lux & demi, mcttans fur icelles des baftons à
uers, à vn pouce ou deux doigts près l'vn
l'autre, font de cefte façon vne grande grille
bois, laquelle en leur langage ils appellent
mm. Tellement qu'en ayant plufieurs planzen
leurs maifons, ceux d'entre eux qui ont
fia chair,la mettans deflus par pièces, & auec
«bois bien fec, qui ne rend pas beaucoup de
oee, faifant vn petit feu lent deflbus, en la
ornant & retournant de demi quart en demi
M
-

HISTOIRE
me nous faifons par deçà,ils n'ont autre moyen
de les côferuer finon les faire cuire, s'ils auoyêtj
pnns en vn iour trente boites fauucs, ou autre» j
telles que nous les deferirons en ce cbapitre>
fîn d'euirer qu'elles ne s'empuantiflent,ellejfe'
ront incontinent toutes mifes par pièces furie
Bouc AH : de manière qu'ainfi que i'ay dit, les virons
&" reuirans louuent fur icelui, ils les ylaif-l
feront quelques fois plus de vingtquatre heures,
& iufquesàeequclemilieu&toutauprei
des os foit auffi cuk que le dehors. Ainfi fontils
des poiffons, dcfquels mefmes quand ils ont J
grande quantité(& nommément de ceux qu'il»
oppcllêt Ttraparati, qui font fracs milets, doall
ie parleray encor aifleursjapres qu'ils font bieal
Forint dt fccs , i| s e n font Je j a ftHne. Brief, ces BoucamX
(>

DE L'AMER I Q_V E. 137
u'ils appellent Scouaffous, mais outre qu'il s'en
2
aut beaucoup qu'ils foyent fi gransque les no
ftres,& que leurs cornes auflî foyent fans comparaison
plus petites, encor difterét- ils en cela,
qu'ils ont le poil auflî grand que celui des cheures
de par-dpça.
Quant au fanglier de ce pays-là, lequel les TAIAFLBU,
fauuages nomment T*w*^«,combien qu'il foit ftnrfi*r.
de forme ferablable à ceux de nos forefts, &
qu'il ait ainfi le corps, la telle, les oreilles, iambfs&
pieds : rncfmes auflî les dents fort longues
, crochues, pointues , Se par confequent
tref-dâgereufes,tant y a qu'outre qu'il eft beaucoup
plus maigre & defeharné, Se qu'il a fon
grongnernent Se cti effroyable, encore a-il vne
autre difformité eftrâge:a(fauoir naturellement
vn pertuis fur ledosparoù (ainlî que'i'ay dit Parts ayas
vn permit
que le Marfouin a fur la tefte) il foufHe, refpire,
& prend vent quand il veut. Et afin qu'on ne
trouue cela fi eftrange,celui qui a eferit l'hiftoi
re générale des Indes dit, qu'il y a auflî au pays
de Nicaragua, près du Royaume de la nouueÛc
Efpagne des porcs qui ont le nombril furl'efchine
: qui font pour certain de la mefme efpeceque
ceux que ie vien dedeferire. Les trois
fufdits animaux, affauoir le Taptrouffbu, le Seo-
*afou Se Taiajjiuiont les plus gros de cefte terredu
Brefil.
SCOUAFfom,tJpeces
de cerfs
CR ikhis.
fur U dot
par où tlt
refpirtnt.
Liu.t.cbd.
Z04.
Plus gros
animaux
de IxAmt
riqut.
A s s A N T donc outre aux autres fauuaginesde
nos Ameriquains, ils ont vne befte
roufTe qu'ils nomment «Agouti, de la grandeur AGOUTI,
d'vn cochon dVn mois,laquclle a îe pied four- tfpecedt
chu,!a queue fort courte,le mufeau & les oreil- cochon.
M. iij.

I38 H l S T O l R H
les prefques comme celle d'vn lie\ire,cVeftfoi
bonne à manger. j
D'autre-î de deux ou trois efpeces,qu'ilsap
T-ipitij, pcllent Tafitls, tous affez femblablcs à nos lit
aïe* Heures, Se quafi de mefme goult : mais quanta
heure. p>oi 1 ils l'ont plus rougeaftre.
Ils prennent femblablement par les bois cetJ
Gros rjn tains rats,gros comme efeurieux, Se prefqnn
roux. mefme poil roux, lefquels ont la chair auffi de.
licate que celle des connils de garenne.
Pjg, ani. Pag,6n Pague(c«r on ne peut pas bien difeerj
maitacbt- ncr lequel des deux ilsproferent) eft vn anin
de la grandeur d'vn moyen chien braque, a I
tefic bigerre & fort mal faite , la chair prefqn
de mefme gouft que celle de veau : 8e quantàj
peau,eftant fort belle & t.tchetee de blanc.gri
& noir, fi on en auoit par-deça , elle feroit fon
rif he bien cflimee en fourreure.
11 s'en void vn autre de ri forme d'vn putojJ
& de poil ainfi grifafire, lequel les fauuagj
Sjpgoy, nomment >\ir:^o> : mais parce qu'il put autT
b'Jlt fua» eux n'en mangent pas volontiers. Toutesfoid
''• nous autres en ayant efeorchez quelques vn
& cognus que c'eftoir feulemét la graine qu'il!
ont fir les rongnons, qui leur repd cefte ma*
mile odeur,apres leur auoir oftee, nous nelaifl
fions pas d'en manger: &: de faiétla chair en<
tendre & bonne.
Tjtou.o
mrr.il ar
me.
Q^v A N T au Tatou de cefte terre du Bn
li!, ceft animal (comme les heriffons par-dcç
uns pouuoir courir fi vifte que plufieursa
très, fe trainc ordinairementpaf lesbuinoB
:rnis en recompenfc il eft tellement arme, (
to«

DE L'AMIRI Q_V E. 139
out couucrt d'efcailles,fi fortes &fi dures, Que
•nccroy pasqu'vn coup d'cfpee luy fiftrien:&
lefmcs quand il eft; cfcorché.les efcailles iouâs
lit manias euecla peau (de laquelle les fauages
font de petits cofins qu'ils appellent Came
mo) vous diriés, la voyant pliee,quc c'eft:
n ga ntelet d'armes/ la chair en eft blanche, &
'affez bonne faueur. Mais quant à fa forme,
111'il foit fi haut monté fur les quatre iambcs
ue celuy que Belon areprefenté par portrait
la fin dutroificme liure de fes obferuations
lequel toutesfois il nomme Tatou du Brefil) ie
'en ay point veu de femblable en ce pays-la.
O R outre tous les fufdits animaux qui font
es plus communs pour le viure de nos Amerijuains,
encores {mangent-ils des Crocodiles
u'ils nomment Jacarç, gros comme la euiffe i a C a r^
e l'homme,& longs à ï'auenant.Mais tant s'en crvodila.
iut qu'ils foyent dangereux, qu'au contraire
'ay veu plufieurs fois les fauuages en rapporer
tous en vie en leurs maifons, a l'cntour defjuels
leurs petits en fan s fe iouoyent fans qu'ils
eurfiffent nul mal. Neantmoins i'ay ouy dire
ux vieillards, qu'allans par pays, ils font quel-
|ue fois affaillis, Se ont fort affaire de fe deffen-
Ire à grands coups de flefehes contre vne forte
le lacart grands & môftrueux : lefquels les ap-
•erceuans, & fentans venir de loin, fortent
l'être les rofeaux des lieux aquatiques ,où ils
ont leurs repaires.
E T à ce propos.outre ce que Pline & autres
ecitent de ceux du Nil en Egypte, celuy qui a ^ f • ^
1 9 6
ferit l'hiftoire générale des Indes, dit qu'on a '
M iiij.

140 HISTOIRE'
crecodtki
Touout,
Lx.ards.
tu<
^ des Crocodiles en ces pays-la, près la villa
digridtur de Panama, oui auoyerte phi* de cent pieds de
tncrojtbit. long: qui eft vne chofejprefque incroyable.I'ay
remarqué en ces moyes que i'ay veu.qu'ils ont
la gueule fort fedue,les cuiffes hautes,la queue
non ronde^ ni pointue, ains plate & defliee par
le bout. Mais il faut que ie conrelTe, que ie n'ay
point bien prins garde fî.ainfi qu'on tient cômuneraent,
ils remuent aVmafchoire de deflus.
N o s Amenquains aufurplus, prennent des
lézards,qu'ils appellent l'ornons, non-pas verds,
ainfi que font les noftrcs, ains gris& ayansla
pcaulicec, comme nos petites lézardes: ma»
quoy qu'ils foyentlôgs de quatre à cinq pieds,
gros de mefme, & de forme hideufe à voir, tât
f y a neantmoins, que fe tenans ordinairement
furies nuages des fleuues & lieux marefcageux
commeles grenouilles,auili ne font-ils nô plut
dangcneux.Ét diray plus, qu'eftans efcorcnez,
eftripçz» nettoyés, & bien cuks (la chair en efrant
auffi blanche,delicate,té"dre, & fauoureufe
que le blanc d'vn chappô ) c'eft fvnc des bô
GrosU- n es viandes que i'ay migé en l'Amérique. Vray
Z*rds dt ^ e j u c o m r n c n c e r n e n t i'auois cela en hor
1 Amer%- * ., n , _
reur, mais après que 1 en eus taire, en matière
de viandes, ie ne chamois que de lézards.
SEMBLABLEMENT nosTttttuptnam»
^ baonlts ont certains gros crapaux, lefquels Bo*c
a n t
i u
V*ns de \j < c
qui fort
hem a ma
z
a u
1* P* > 1" tripes Si les boyaux leur
meurrtturt feruent de nourriture.Partant attendu que not
*»x^tTr,t médecins enfeignent, &jgue ebacun tient auffi
l

' - - — " r • ! ' "1
D E L' A M E R I Q_V E. I4I !
ckofede ceux de cefte terre du Brefil, que ce
que i'en vien de toucher, leledeur pourra de
àailementrecueillir,qu'à caufe de la température
du pays ( ou peut-eftrc pour autre raifon
lue i'igupre)ils ne font vilains, venimeux ni
dangereux comme les noitres.
ILS mangent au femblable des ferpens gros
comme le bras, & longs d'vne aune de Paris:&
nefmes i'ay veu les fauuages en traincr & ap- hng^^u.
>orter ( comme i'ay dit qu'ils font des Croco- .de des xliles
) d'vne forte de riollee de noir & de rou- T^SC
;r, lefquels encor tous en vie ils iettoyent au
milieu de leurs maifons parmi leurs femmes,&
N)fans,qui au lieu d'en auoir peur les manioyét
pleines mains. Ilsappreftcnt &font cuire partronçons
ces grofTes anguilles terreftres : mais
>our en dire ce que i'en fçay, c'eft vne viande
BRT fade & douçaftre.
Ce n'eft pas qu'ils n'ayent d'autres fortes de
rrpens, & principalement dans les riuieres où ^femi
s'en trouue deiongs & defliez,aufli verts que^'^^
orrees, la piqueure defquels eft: fort veni- àHgtnmx.
aeufe : comme aufli par le récit fuyuant vous
ourrez entendre .qu'outre ces Touous dont
•ay tantoft parlé, il fe trouue par les bois vne
pece d'autres gros lézards qui font trefdan-
[ereux.
Comme donc deux autres François & moy
(ines vn iour cefte faute de nous mettre en
emin pour vifiter le pays, fans (félon la couurne)
auoir des fauuages pour guides, nous ews
efgarez par les bois, ainfi que nous allions

142 H I S ' T Ô I R E
le 16g d'vne profonde vallée, enfendas le bruitv
& le trac d'vne beftej qui venoit à nous.penfan» 1
]
que ce fuit quelquefauuage, fans nous en fou-ii
cier ni biffer d'aller, nous n'en fifmes pas 3iitre'
Rtcitdi cas. Mais tout incôtinent àdextre, & à enuirontéMM*
trente pas de nous, voyans fur le coftau vn le^|
KJ^'J^* zard beaucoup plus gros que lé corps d'vn hô,
gtmx

DE L'AMERIQVÏ. 143
nous, qui ayans eu l'vne de nos peurs, n'auions
garde de courir apres,en louant Dieu qui nous
auoit deliurez de ce danger,nous paflafmes 00tre.Fay
penCé depuis,fuyuant l'opinion de ceux
qui difent que le lézard fe délecte à la face de
l'homme, que ceftui-là auoit pnns aufli grand
plaifir de nous regarder que nous auions eu
peur à le contempler.
Ourrcplus, il y a en ce pays-là vne befte rauilfante
que les fauuages appellent Ian.ou-are, lâ-ou-are
laquelle eft prefque aufli haute,eniambee & le- kîitrauif
gère à courir qu'vn leurier : mais comme elle a f ante
'*'" t
f
de grands poils à l'cntour du menton,& la peau J^*j|^.
fort belle & bigarrée comme celle d'vne Once,
aufli en tout le refte lui reflembîe- elle bië fort.
Les fauuages , non fans caufe, craignent merueilleufement
cefte befte : car viuant de proye,
ccmme le Lion,fi elle les peut attrapper elle ne
faut point de les tuer,puis les defchircr par pieces
& les mâger. Et de leur cofté aufli côme ils
font cruels & vindicatifs contre toute chofe qui
leur nuit.qtiâd ils en peuuent prendre quelques
wies aux chaufles-trapes ( ce qu'ils font fouuc't)
ne leur pouuâs pis faire.ils les dardent'& meurtriffent
à coups de flefches,& les font ainfi lonpement
languir dans les foffes où elles font
:ombees,auant que les acheuer de tuer. Et afin
ju'on entende mieux comment cefte befte les
iccouftre : vn iour que cinq ou fix autres Francis
& moi parlions par la grande ifle, les faulages
du lieu nous aduertiffans que nous nous
lonniflions garde du lan-ou are, nous dirent,
|u'il auoit cefte femaine-là mangé trois perfon

144 H I S T O I R E
ncs en l'vn de leurs villages.
Ciy.Gue­ A v Surplus il y|a grande abondance de
tte s H*tr*i, petites Guenons noires,que les fauuagesnoa
ey leur ma ment C«ry, en cefte terre duBrefil: mais pa
turelquad
qu»'il s'en voit aflez par-deçà ie n'en feray icia»
tUts font
parles bou
tredefcription.Biendiray-ic toutefois qu'efl
par les bois en ce pays-lajeur naturel eftant t
de ne bouger gueres de defTus certains arbn
qui portent vn fruicx ayant goufTes prefqu
comme nos groffes febues dequoy elles fc no
rifTenr, s'y affemblans ordinairement par troopes,&
principalement en temps de pluyc(ain
que font quelque fois les chats furies toits
deçà ) c'eft vn plaifir de les ouyr crier & menei
leurs fabbats fur ces arbres.
Jndufhie A v refte ceft animal n'en portant qu'vn a"l
desGttnot ne ventrée, Je petit a cefte induftrie de natm
four fau-
que

DE L'AMERI Q_V E . 145
oiçts, voire trauerfans de part en part auec les ilfi
glorieux que pour peu de fafcherie qu'on luy
ace , il fe laiffe mourir de defpit. Cependant il
'en voit quelques vns par-deça,, & croy que
'eft de cefte befte, dequoy Marot fait mêtion,
|uâd introduifant fon feruiteur Fripelipes parant
à vn nommé Sagon qui I'auoit blafmé, il
lit ainfi,
Combien que Sagon fôtt vn mot
Et le nom d'vn petit Aiarmot.
OR combien que ieconfefle(nonobftant
na curiofité ) n'auoir point fi bien remarqué
ous les animaux de cefte terre d'Amcrique que
edclîrerois , fi eft-ce neantmoins que pour y
nettre fin i'en veux encor deferire deux, lef~
ucls fur tous les autres font de forme eftrange
rbigerre.
Le plus gros que les fauuages appellét Hay,
Il de la grâdeur d'vn gros chien barbet, & a la

T
I4M- de l'homme, le ventre pendant comme celuy
*df" d'vne truye pleine d< cochons,le poil gris eo-
n i t î 1
n'a t*m*L ^ aui
u e
fi 9 de mouton noir , la queue
ynt m**- f~ ort
courte Jes iambes velues côme celles d'vn \
pr.ftU» Ours, cV les griffés tort longues. Etquoy que 1
"mcmnyi quand il eft par les bois il foit fort ràrouchej
n*ti»>ït £ a n t y. a qU'cft3nt priqs il n'eft pas mal aifé àappriuoifer.
Vray eft qu'à caufe de fes griffes fi aiguës
nos ToHOMpmambaaHhsy toufiours nuds
Courant
qu'ils font, ne prennent pas grand plaifir de fe
iouer auec luy. Mais au demeurant ( chofe qui
Semblera poflible fâbuleufe ) i'ay entendu non
feulement des fauuages , mais aufli destruchemens
qui auoyent demeuré long temps en ce'l
pjys-la,quc iamais homme, ni par les champs,
ni à la maifon ne vid manger ceft animal .• tellement
qu'aucuns eftiment qu'il vit du vent.
L'AVTRF. dont ie veux aufli parler, lequel j
les fauuages nomment Coatt, eft de la hauteur
mal ayant d'vn grand Heure, a le poil court, poli & tache-
Ugroutc- té,\es oreilles petites, droites & pointues : MATS
U A N T a a t c
Î ^ ^ e
» o u t r e
qu'elle n'eit guère groffe,
ayant depuis les yeux vn groin long de plus
d'vn pied,rond comme vn bafton, & s'eftreflif-j
faut tout à coup, fans qu'il foit plus gros parle!
haut qu'auprès de la bouche ( laquelle auffi il al
fi petite qu'à peine y metrroit-on le bout du pi]
tit doigt)ce mufeau,di-ie, reffcmblantlc BOUM
dô oulechalumeau d'vne corneimife,il n'eftpatl
poflible d'en voir vn plusbigerre, ni de prull
monftrueufe façon.Dauâtage parce quequandj
CEFTE BEFTE EFT prinfcclle fc tiè: ks quatre pied;!
/MJFERFC» (

DB L' A M E R I H. I47
[ferrez enfemble, & paf ce moyen panche touf-
[iours d'vn cofté ou d'autre, ou fe laifle tomber
Itout à plat, on ne la fçauroitni faire tenir de-
Ibout, ni manger, fi ce n'eft quelque formis,
I dequoy auflî ele vit ordinairemét par les bois.
JEnuiron huict iours après que nous fufmes ar-
Iriuez en l'ifle où fe tenoit Villegagnon,les fauroages
nous apportèrent vn de ces ffo«i/*Jequel
là caufe delà nouuellctc fut autant admiré d'vn
•chacun de nous que vous pouuez penfer. Et de
|faict(commei'ay dit^eftant eftrangementdcfe-
|ctueux,eu efgard à ceux de noftre Europe, i'ay
Ifouuent prie vn nommé lean Gardien, de no-
[ftre compagnie, expert en l'art de pourtraiturc
Je côtrefaire tant ceftuy-la que beaucoup d'au-
^res,non feulement rares,roais auflî du tout-in-
cognus par-deça, à quoy neantmoinsà mon
bien grand regret, il ne fe voulut iamais adonner.
CHAP. XI.
7)e la variété des oyféaux de t Amérique, tout
ferens des noftre s : enfemble des grojfes chauue-
, abeilles, moufebes, moufchillons, & autres
ïermines effranges de ce pays-la.
)E corarpenceray auflî ce chapitre des
J oifeaux ( lefquels en gênerai nos Tou-
> ouptnambaoults appellent Oura ) par 0 l J. 4
• ceux qui font bons à manger. Et fi„ m.
|remierenwnt diray, qu'ils ont grande quan-

14% Ht^t'OlRB
tiré de ces grofics-poules que nous appellon
Arignan- (nndesjlefquclleseyxnommêt Arignan-oHJftA
TjIm comme auffi depoi$| qifé l^s*»ortugais ontfre.
*quenté ce pays-la S» leur ont donné l'engeance]
4espetites poules «oromunes , qu'ils nomme
Arignan- Ar^dan-miri,, defqueiles! ils n'auoyent point]
nwi^*»- auparauant. Toutesfois, comme i'ay dit quel-]
t o m m m
^ que part, encor qu'ils racent cas des blanche!
pour auoir les plumes, à fin de les teindre ta]
rouge & s'en parer le corps, tant y a qu'ils
mangent gueres ni des vnes ni des autres. Et]
roéfmes eitimans entr'eux que les oeufs qu'ils!
Arignan- nomment Arignan-rvptd\Coy ent poifons.quaniT
iopia,a»/ils nous en voyoyent humer, ils en eftoyét no
feulement bien esbahis.mais aufli, difpyent
ne pouuans auoir la patience de les laifier cou

D É L'a m E r I Q_v E. 149
Or auec ces deux fortes depoulailles nos
auuages nourrifTent domcftiquement des cannes
d'Indes, qu'ils appellent Vpcc : mais parce Vpcc, e*«
que nos pauures T ouaupinambaoults ont cefte ^
d l n
"
jllc opinion enracinée en la ceruelle, que s'ils
tnangeoyent de ceft animal qui marche fi peàmraent,
cela les empefchcroit de courir quâd j * " ^
feroyent chaffez & pourfuyuis 4e leurs en
a
m e r" A
-^~
acmis, il fera bien habile qui leur en fera tafter:
iabftenans,pour mefme caufe',de toutes b eft es
qHMns, qui vont lentement, & mefmes d*s ppiffons,
comme les Rayes & autres qui ne nagent pas
wfte. ^
Quant aux oifeaux fauuages,il s'eu prend par 1
es bois de gros comme chappons, & de trois
ortes,queles Brefiliens nomment lacotaitija- licous,
mptn &IacoM-o$tajfou,lc{qucls ont tous le plu- e
IP tctt
nage noir & grisrmais quant à leur goufticom- fa'f" 1
'nciecroy
que ce font efpeccs defaifans, aufli
Hiis-ie affleurer qu'il n'eft pas poflible de manjer
de meilleures viandes que ces lacow.
Ils en ont encores de deux fortes d'excellent
o m o n
u'ils appellent ^(ytf«*,le(quc)s font auffi gros ^ »
n a 1 t 1 t v
r r «'fiait rart
ue Paons, & de mefme plumage que les fui- 1
tes : toutesfois ceux-ci font rares & s'en trou-
C P C U
* M
MocMouaScTnambou-oHajfouyiotw. cieux cfpe
M o
«e$
de perdrix,aufîï groffes que nos oycs,& ont y^ibo^
lefme gouft que les precedens. ouaffou,
Comme auflî les trois fuyuans font: affauoir, Heuxfirtes
nmboumsri, de mefme grandeur que nos per- «*' &î 0
JÏ* s
xaxPegaJfonàe la groffeur d'vn ramier,& Pat- P iTàt
tttt comme vne tourterelle.
N.
'*

150 H I S T O I R E
• Ainfi , pour abréger, laiffant à parler dugi.1
bier qui fe trouue en grande abondance, taot]
par les bois que furjles riuages de la mer, m*.J
rets & fleuues d'eau douce, ie viendray auxoi«|
leaux,lefquels ne font pas fi communs à manger J
en cefte terre du Brefil. Entre autres, ilyentj
deux de mefme grandeur, ou peu s'en faut,afli«|
uoir plus gros qu'vn corbeau , lefquels ainfi]
prefque que tous les oifeaux de l'Amérique,!
ont les pieds 5: becs crochus comme les Perro-j
quets,au nombre defquels on les pourroit met-f
tre.Mais quant au pluroagc(comme vous met!
mes iugerez après l'auoir entendu ) ne croyais!
pas qu'en tout le monde vniuerfel il fe puiff
trouuer oifeaux de plus efmeraeillable beauté,
auffi en les confiderant y a- il bien dequoi, no
pas magnifier nature, comme font les proph»
nés, mais l'excellent & admirable Créateur d'i«
ceux.
Pour donc en faire la preuue, le premier qa
Aut, ei- les fauuages appellent eÀrat, ayant les pluraq
ftétmêftx- d c s ailles & celles de la queue, qu'il a longm
ctOtntpU- j Çpi e

D E f AMERIQ.TE. l$l
une que fin or : le deflus du dos , les ailles Se
queue d'vn bleu fi naif qu'il n'eft pas poflible
, eftantaduis qu'il foit veftu d'vne toi-
. d'or par deflbus , & emmantelé de damas
iolet figuré par deflus , on eft raui de telle
eau té.
Les fauuages en leurs chanfons, font comunement
mention de ce dernier.difânj Se réetans
fouuent en cefte façon : Camdé-tonne,
de-iouueheuraouech : c'eft à dire, vn oifeau
une, vn oifeau iaune, &e. car tome ou toupt eut dire iaune en leur langage. Et au furplus,
ombien que ces deux oifeaux nefoyentpas
omeftiques, eftans neantmoins plus couftuierement
fur les grands arbres au milieu des
illages que parmi les bois, nos Tonoupinam- Pluma fer
wltsles plumansfoigneufement trois ou qua uans à foi
r* robbes,
e fois l'année , font ( comme i'ay dit ailleurs)! bonnets,
«proprement des fobes,bonnets, bracelets, bracelets
;arnitures d'efpees de bois Se autres chofes de 0- autres
belles plumes, dont ils fe parent le corps, parement
des faituaauois
apporté en France beaucoup de tels
ennaches : Se fur tout de ces grandes queues
e i'ay dit eftre fi bien naturellement diuerfiiees
de rouge Se de couleur celeftermais à mon
our paffant à Paris,vn quidâ de chez le Roy,
quel ie les monftray, ne ceffa iamais que par
portunité il ne les euft de moi.
Quant eux perroquets il s'en trouue de trois
quatre fortes en cefte terre du Brefil : mais Aiourous
ant aux plus gros & plus beaux, que les fau- plut beaux
es appellent véiouronJ, lefquels ont late-
Cr pif*
gros perroriolee
de iaune > rouge & violet, le bout des
quet t.
•déplus ;
.L

I5Z H L S T O I K !
AILLES incarnat,la queue* longue & iaune>& tout]
le refte du corps vert, il ne s'é repafle pas beao>|
coup par-deça: & toutesfois outre la beauté du
plumage, quand ils font apprins, ce font cent]
qui parlent le mieux , & par conséquent où iltl
auroit plus de plaifir.ET de faict,vn truchement!
me FIT préfet d'vn de cefte forte,qu'il auoit gar.J
de' trois ansdequcl profcroit fi bien tant 1 e fau-1
uageque le François, qu'en ne le voyant pau
vous n'eu liiez fceu difcerncr fa voix de celle!
d'vn homme.
Mais c'eftoit bien encor plus grand' mer.|
Récit d»
. ueille d'vn perroquet de cefte efpece,Iequelv-L
f, f or.f dt ne femme fauuagc auoit apprins en vn villagej
fairttfmtr à deux lieues de noftre ifle: car comme lice'
uttâaUt oifeau euft eu entendement pour comprendn
d'un fer- djftinguer c e que celle qui l'auoit nourrili
difoitrquand nous pallions par là, elle nous di-|
fant en fon langage, Me .voulez-vous donna
vn peigne ou vn miroir, & ie feray tout mail
tenant en voftrc prefence chanter & danfol
mon Perroquet? fi la deflus pour en auoir'
paffctemps.nous luy baillions ce qu'elle dec
doit, incontinent qu'elle auoit parlé à ceftoj*
feau , non feulement il fe prenoit à fautelerfd
la perche où il eftoit, mais aufli à eau fer, fif
& à contrefaire les fauuages quand ils vont <
guerrcd'vne façon incroyable:bref,quandl
fembloit à fa maiftreffe de lui dire, Chante, \
chitoit,& Danfe,il danfoit. Que fi au contra
il neluiplaifoitpas , Se qu'on ne lui euftrid
voulu donner, fi toft qu'elle auoit dit vn peu j
dement à ceft oifeau,yfcgé,c'eft à dire, Ccflei
1
TEN

DE L'AMSRIO.VE. 153
lenant tout coy fans fonner mot,quelquc choie
aucnous lui euflions peu dire, il n'eftoit pas
»r$ en noftre puiftance de lui faire remuer
pieds ni langue. Partant penfez que fi les anciês
Romains, lefquels, comme dit Pline, furent fi x.i».ié.
jges que de faire non feulement des funerail- chj.^,
et fomptueufes au corbeau qui les faluoit nom
bar nom dans leur palais, mais auffi firent perdre
la vie à celui qui l'auoit tué, euffent eu vn
perroquet fi bien apprins, comment ils en euflént
fait cas. Auffi cefte femme fauuage rappelant
fon Qber'mbéHéy c'eft à dire, chofe que Taise
bien, le tenoit fi cher que quand nous le lui
dénudions à vendre,& que c'eft qu'elle en vou
loit.elle refpôdoit par moquerie,Moca-ouaJfou,
c'eft à dire, vne artillcric:tellement que nous ne
lefceufmes iamais auoir d'elle.
L A féconde efpece de perroquets appelez
iarganai par les fauuages , qui font de ceux Margan
a s
^o'on apporte & qu'on void plus commune >^«-
: en France, n'eft pas en grande eftimc en - r
'V M
i ,
: eux : & de faict, les ayans par-delà en auffi ^ c o m.
rande abondance que nous auons ici les Pi- muntmtnt
gcons, quoi que la chair en foit vn peu dure, for-defa.
heantmoins parce qu'elle a le gouft de laperprix,
nous en mangions fouuent, & tant qu'il
DUS plaifoit.
L A troificme forte de perroquets, nommez
Unis par les fauuages, & par les mariniers de Touis
Normandie Moifïons, ne font pas plus gros
û'eftourncaux: mais quant au plumage, exce- .
té la queue qu'ils ont fort longue & entreneflee
de iaune, ils ont le corps auffi entiere-
"N. iii.
r e r r e
ï

Toucan,
cifea*.
154 H i s t o i r e
ment vert que porree.
B n t U r A u refte, auant que finir ce propos des pw

D» L'AMERI QJV B. 155
ion, fans lui parangonner ni oppofer celui de
;rue, qui n'eft rien en comparaifon , il le faut
enirnon feulement pour le bec des becs, mais
luffi pour le plus prodigieux & monftrueux
ui fe puiffé trouuer entre tous les oifeaux de
vniuers.Tellemenr que ce n'eft point fans raibn
que Belon en ayant recouuré vn,l'a par fin-
;ulirité fait pourtraire à b fin de fon troifieme
lure des oifeaux: car combien qu'il ne le nomae
point, fi eft-ce,fans doute, que ce qui eft là
eprefenté, fe doit entendre du bec de noftre
oitcan.
Il y en a vn d'autre efpece en cefte terre du Panou,
•refil, lequel eft de la groffeurd'vn merle , & cyfea»ay~
infi noir, fors la poi&rine qu'il a rouge com- *£*j*f c
*aefaiigde
bœuf: laquelle les fauuages eicor
n e r i
• !^
hent comme le précèdent, & appellent ceft^*'
lifeau Tartou.
Vn autre de la groffeur d'vne Griue qu'ils
omment QmamfUn, lequel fans rien exce- QiriJpiâ,
«raieplumage auffi entièrement rougeque oyfia»enforlate.
MAIS pour vne finguliere merueille, &
hefd'ceuure de petiteile, il n'en faut pas o-
tUttmtnt
iettrevn,que les fauuages nomment Gonam~ ç o n i mz
ich, de plumage blanchaftre & luifant, lequel bucb, «y-
Jmbien qu'il n'ait pas le corps plus gros qu'vn feUttr*#f
'don, ou qu'vn Cerf volant, triomphe néant- cr/»»
t i } a m
oins de chanter : tellement que ce trefpetit ,
n w
felet, ne bougeant gueres de deffus. ce gros ^ ' 7
\ que nos Ameriquains appellent yiuatt, ou
rautres grandes herbes,ayant le bec & le gor
toufiours ouuert, fi on ne l'oyoit & voyoit
N. iiij.

156 H I S T O I R E 1
par expérience, on ne croiroit iamais que d'vfl
fi petit corps il peeft fortit vn chant fi francH
fi haut, voire diray fi clair & fi net qu'il ne do|]
rien au Roflignol. I
A v furplus, parce que ie ne pourrois pal
fpecifier par le menu tous les oyfeaux qu'oïl
voit en cefte terre du Brefil, lefquels non fetfJ
lcment différent en efpéccs à ceux denoftiw
r- t lj t i Europe,mais auflî font d'autres varietez de coaj
tonUurt
c u r s
^ ' comme rouge,incarnat, violet, blanccêJ
dt plu- dix, diapré'de pourpre & autres: pour la fini!
fours oy~ deferiray vn que les fauuages (pour la caufJ
dt ^ u c j c (j, ray j o n t e n t eii e recômandation qtJ
isimtn- n o n r c uj e r n e n t ilsferoyent bien marris de lui
mal-faire, maYs auflî s'ils fçauoyent que qudj
qu'vn en euft tué de cefte cfpece, ie croy qu'il
l'en feroyent repentir. I
Ceft.o.yfeau n'eft pas plus gros qu'vn Pil
gcon,& de plumage gris cendre: mais au reM
le myftere que ie veux toucher eft, qu'ayant!
voix pénétrante & encores plus piteufeaaj
celle du Chahuant : nos pauures Tàtioupinsm
baouhs l'entendans auflî crier fouuent il
„ . nuift que de iour, ont cefte refusas imprima
e
dis fauMd
n e u r
' cerueau, que leurs parens Se amistrej
jtsi arrt- paffez en figne de bonrie auenture, & furtol
flans a» pour les accourager à fe porter vaillammentl
ckâtd yn g l ) C r r e cotre leurs ennetnisdeur enuoyentol
'JJ'**' oyfeaux: ils croyent fermement s'ils obferutl
ce qui leur eft fignifie* par ces augures queiw
feulement ils vaincront leurs ennemis cnl
monde, mais qui plus eft, quand ils ferai
morts que leurs ames ne faudront p«l
j.
d'il

D E L* A M E R I ea^r E. 157
fallcr trouuer leurs predeceffeurs derrière les
montagnes pour danfer auec eux.
Iccouchay vne fois en vn village,appellé Vjrrparles
François,oi^fur le foir oyant châter
infi piteufcment ces oyfeaux, Se voyant ces
pauures fauuages Ci attëtifs à les efeouter, & fahant
auflî la raifon pourquoy, ie leur voulo
remonftrer leur folie: mais ainfi qu'en parlant
eux,ie me prins vn peu à rire contre vn Fran-
•ois qui eltoitauec moy.il y eut vn vieillard
qui aflez rudement me dit: Tais toy, & ne?nous
empefche point d'ouir les bonnes nouuelles
que nos grans pères nous annoncent à prefent:
car quand nous entendons ces oyfeaux, nous
fommes tous refiouis,& receuôs nouuelle force.
Partant fans rien répliquer (cer c'euft efté
peine perdue) me reflbuuenât de ceux qui tienent
& enfeignent que les ames des trefpaflez
tetournans de Purgatoire les viennent auflî ad- quaïns**"
uertir de leur deuoir,ie penfay que ce que font ^ m
nos pauures aueugles Atncriquains, eu encor fix.qc*ux
plus fupportable en ceft endroit:car comme ie qticny**
diray parlant de leur Religion, combien qu'ils V ^V*"
côfeflcnt l'immortalité des ames, tât y a néant- ^jjilJ^i
moins qu'ils n'en font pas là logez, de croire ^ u
qu'après qu'elles font feparees des corps elles mort des
reuiennent, ains feulement difent que ces oy- ,
féaux font leurs meffagers. Voila ce que i'auois ^^^r
à dire touchant les oyfeaux de l'Amérique. yj^y,yfc_
I L y a toutesfois encores des chauueffouris fétniUsag
en ce pays-la, prefques auflî grandes que nos ertàls
Choucas, lefquelles entrans ordinairement la ^'"^o
nuift dans les maifons, fi elles trouuent quel- ^tnt. "*

158 H i s t o i r e s
qu'vn qui dorme les pieds defcouuerts, s'ad- j
drcffant toufîours principalement au gros or-!
teil,elles ne faudroqt point d'en fuccer le fang: 1
voire en tireront quelques fois plus d'vn pot
fans qu'on en fente rien^TelIemcnt q.ie quand
on eft refueillé le matin, on eft tout esbahi de
voir le lict de cotton, Se la place auprès toute
fanglante: dequoy cependant les fauuages s'apperceuans,
foit que cela aduienne à vn de leur
nation,ou à vn eftranger,ils ne s'en fout que rire.
Et de fait, moy mef-rre ayant efté quelque
fois ainfi farpnns, outre la moquerie que i'en
receuois, encore y auoit- il.que cefte extrémité'!
tendre au bout du gros orteil eftant orfonfeel
( combien que la douleur ne f ift pas grandejieI
ne pouuois de deux ou trois iours me chauflerl
qu'à peine.Ceux de Cumana,cofte de terre en-J
uiron dix degrez au deçà de l'Equino&ial, font!
pareillement moleftez de ces grandes & mef.1
chantes chauuefouris .auquel propos celuy qui!
a eferit l'hiftoire générale des Indes fait vn plail
Hift.gcn. fant conte.Il y auoit, dit-il,à S. Foy deCinbici
desln. U. v n f e r ui t e u r j e moine qui auoit la plcurefiej
». ch. ta. , , . - i 1 r 1
duquel n ayat peu trouuer la veine pour le fei-B
gner,eftant laiffé pour mort, il vint de nuictvJ
Pldifént* n e chauuefouris, laquelle le mordit près duta-l
ymtWal- '
o n
9 u
' e
ft e
trouua defcouuert, d'où elle tiratàl
tfmii. de fmg'^ue "O" feulemét elle s'en faoula, maùl
aufti laiffint la veine ouuerte, il en faillitaoJ
tant de fang qu'il eftoit befoin pour remet
le patiét en fanté. Surquoy i'adioufte.auec l'hil
ftorien,que cefutvn plaifant& gracieux Chil
rut ^ien pour le pauure malade. Tellement qui
NONJBL

- , .n.jp»».^yM >V.yu.. l..1es, Araners, n'eftans pas plus groffes que nos Aransiri

160
H I S T O I R E t
fépiUSs,rS grillets, mefmes fortans ainiî la nuict par troajl
gïsUaùr «es auprès du fcu,fi elles trouuent quelque chai
*%c»itt** » C e s n e
^ faudfopt point de la ronger. Mal
principalemët outre ce qu'elles fe iettoycntdu
telle façon fur les collets & fouliers de marro.1
quins, que mangeans tout le de(fus,ceux qui enj
auoyent, les trouuoyent le matin 4 leur Ieuerl
tous blancs Se effleurez : encores y auoit-il celtJ
que fi le foir nous laiffions quelques poules oui
autres volailles cuites & mal ferrées , cesJrtM
uers lesrongeansiufquesaux os,nous\aous pottJ
uions bien attendre de trouuer le lendemain
matin des anatomies.
Ton rtr- L E S fauuages font auflî perfecutez en leun
tnimtia»- perfonnes d'vne autre petite verminette qu'il
prt-fi fr nomment Ton: laquelle fe trouuât parmi la terJ
fi* rr
* nt
re, n'eft pas du commencement fi groiTe quV
Çj" tm
~ nepetitcpuce,maisneâtmoinsfefichant,noti»
mement fous les ongles des pieds & des main
ou tout foudain,ainfi qu'vn ciron, elle yengeo
dre vne demanjaifon , fi on n'eft bien foigue
de la tirer , fe fourrant toufiours plus auant.e
deuiendra dans peu de temps auffi grofle qu'«
petit poix , tellement qu'on ne la pourra ar
cher qu'auec grand' douleur.Et nefe fentétf
feulement les fauuages qui vont tous nuds<
tous defehaux, attaints Se moleftez de cela.r
auflî nous autres Erançois, quelque bien ve
Se chauffez que nous fuirions, auions tant d'aj
faire de nous garder, que pour ma part ( qu
que foigneux que ie fufle d'y regarder fouuelj
on m'en a tiré de diuers endroits plus de viiaf
pour vn iour. Bref i'ay veu perfonnages pari

De L ' A M E K I QJV E . icTi
UXDI prendre garde,eftre tellement endomnagez
de ces tignes-puces,quc non feulement
s en auoyent-les mains,pieds, & orteils gaftezi,
NAIS mefmes fous les aifelles, & autres parties
ENDRES, ils eftoyent tous couuerts de petites
OLFETTES comme verrues pronenantes de cela.
iafti CROY-ie pour certain,QUE c'eft cefte petite
eftiolleque L'hiftorien des Indes Occidenta- Liu.i.ch.
es appelé /\T»£«4:laquellefemblablement,conv 30.
e IL DIT.fe trouue en l'Ifle Efpagnolle,car voi-
I ce QU'IL en a eferit, La Nigua, eft comme vne
ETITE puce qui faute : elle aime fort la poudre:
le NE mord point finô e's pieds où elle fe fbure
ENTRE la peau & la chair, & aufli toft elle iete
DES lentilles en plus grande quantité qu'on
'eftimeroit, attendu fapetitefle :lefquelles en
ngendrent d'autres, & fi on les y laifle fans y
BETTRE ordre, ELLES meultiplient tant qu'on ne
tspeutchafler, ny remédier qu'auec le feu ou
fer : mais fi on les ofte de bonne heure, elles
ONT PEU de mal^Aucuns Efpagnols(adioufte-IL)
n ont perdu les doigts des pieds , autres les
n'eds entiers.
OR pour y remédier, nos Amcriquains fe
ottët tant les bouts des orteils qu'autres pares
où elles fe veulent nicher,d'vne huile routaftre
& efpefle, faite d'vn fruiâ qu'ils nomtCWvf,
lequel eft prefque côme vne chaigoe
en l'efcorce ce qu'aufli nous faiiions e- Coaroq,
inspar delà. Et diray plus, que ceft vnguent frmeipro-
" fi louuerain pour guérir les playes , caflures p 4
f air0
m
(autres douleurs qui furuiennent au corps hu- a f e
t/ er
'
ert
«in, que nos fauuages cognoiflans fa vertu, le **"jt "

' i6x H I S T O I R S
tmmfMm$ tiennent auffi précieux que font aucuns par &è
à des {**- ç^ c c qyjij appellent la faincte huile* Auffi 1
barbier du naulre,|où nous repaffafmes en Fn
ce, l'ayant expérimentée en plufieurs fortes <
apporta 10,ou iz.granspots pleins : & autii
de graine humainequ'il auoit recueillie cjuari
les fauuages cui(oyent& roftifïbyent leurs priJ
fonniersde guerre, à la façon que ie dirayi
fon lieu.
D A V A N T A G E l'air de cefte terre du Bn
fil produit encores vne forte de petits mo»
chàllons,que les habitans d'icelle nomment Té
Yetin, r*«,lefquels piquent fi viuemcnt,voire àtraue
moitchiDSi des légers habiIlemens,qu'on diroit que cefon 1
fKqwuu pointes d'efguilles. Partant vouspouuez pen"
yuttmtmt. paffe-temps c'eft de voir nos fauuages to
nuds en eftte pourfuiuistcar claquans des mais
fur leurs fefTes,cuiffes,efpaules,bras, & fur to
leur corps, vous diriez lors que ce font chai
tiers finglans les cheuaux auec leurs fouets.
I ' A D I O V S T E R A Y encores, qu'en i
muant la terre & deflbus les pierres, en noll
snrpwsd* c o n t r c e jj u Brefil, on trouue des feorpions, l
timeftrty* o, 0
^ 3
combien qu'ils foyent beaucoup plus
nmcmx. tits que ceux qu on voit en Prouence ,- nei
moins pour cela ne laiffent pas, comme ie Hl
experimenté,d'auoir leurs pointures venin''
; sctrpkms fes & mortelles. Comme ainfi foit doncq
**m*ms Ut quef ceft animal cerche les chofes nettes,adu
eUtfttmtt- q u'apres que i'eu vniour fait blâchir mon
t t u
de cotton, l'ayant rcpêdu en l'air, à la façon
fauuages,il y eut vn feorpion qui s'eftant cai
dans le repli : ainfi que ie me voulu coucher

Ds L'AMERI Q_V E. 16$
ns que ie le viiTe,me piqua au grand doigt de
main gauche,laqueHe fut fi foudainement enee(quc
fi en diligence ie n'eufle eu recours à
vn de nos Apothicaires, lequel en tenant de * r
ueMr/'jm ont dans vue phiole,auec de l'huile,m'enap-^^Wi "
iqua vn fur le doigt ) il n'y a point de doute
ue le venin nefe fuft incontinent efpanché
irtout le corps. Et de fait nonobftant ce re-.
îede, lequel ncautmoins on eftime le plus fouerain
àce mal, la contagion fut fi grande, que
demeuray l'efpace dcyingtquatre heures en
•lie dcftrelfe , que de la véhémence delà douiir
ie ne me pouuois contenir. Les fauuages
ffi eftans piquez de ces fcorpions,s'ils les peu
tôt prendre, vient delà mefme recepte, aflà-
Dir, de les tuer & efeacher foudain fur lapare
offenfee. Et au furplus,comme i'ay dit quel- samuagô
ne part, qu'ils font fort vindicatifs, voire for f* rt
S"***
mez contre toutes chofes qui leur nuifent,
efmcs s'ils s'aheurtent du pied cotre vne pier
, ainfi que chiens enragez ils la mordront à
rlles dentsrautîî recerchans à toutes reftes les
rftes qui les endommagent,ils en defpeuplent
ur pays tant qu'ils peuuent. Finalement il y a
Cancres terreftres , appelle's Onjfa par les cZcrtsttrmupinambéUHliSy
lefquels fe tenâs en troupes rtïitt.
marne grofles fauterelles furies riuagesdela
& autres lieux vn peu marefeageux, fi toft
'on arriué en ces endroits-là, vous les voyez
r de cofté, & fe-fauuer de vifteiTe dans les
Mis qu'ils font és palis & racines d'arbres,
tu mal-aifément on le peut tirer fans auoir
doitgs bien pincez de leurs grans pieds tor-

ie>4 H U T O U *
tus » encores qu'on puiflc aller à fec iufquea I
lespertuis.qu on voit tout à/defcouuert \
deflus. Au relie il* font beaucoup plus maie
que les câcrcs marinsimeâiies outre qu'ils a<
gueres de chair , encore/parce quili fente
côme vous diriez les racines de geneure, Usa
font gueres bons à manger.
C H A P . XII.
D'Aucuns poijfons plut communs entre la fa
tiages de C Amert

7,r
D 8 L'-AJM-IBIÏH Ô_V E.
lues années en ça, tant en Loire «m'es autres ri
pères de FrsiceA.où'lcsMulets (ont remontez
le la mer, quêtes poiflbns vont coufturaierebent
par troupes ries fauuages les voyais ainfi
r grofles nuées bouillôner dans la mer»tirans F*IO» dei
bndain à traucra,r*ncontrent fi drott,que p r e f *
w r
ues à toutes les fois eh embrochans plufieurs •^
:lcurs grâ^fléfçheteainft darde* qu'ils font» "
; pou u ans aller en fond, ils les vont quérir à
Age. Dauantage, la chair de ces poiflbns, fur
bus autres,eftant fort friablerquand ils en p relent
quantité, après qu'ils les ont fait feicher
|r le Boucan , les efinians, ils en font de trefonne
farine.
i [amouroupouy-ouaffou*, eft vn bien grand poif Camou-
Ln(car aufli Ouafftuett langue Brefilionne veut rou
P° u
y
[re grand ou gros , félon l'accent qu'on lui °^£"' ) f
pnne) duquel nos Teuouptnambaoults daufans j o n
fchantaris, font ordinairement, meniion, dii,
& repetamfouaaatten cefte forte, Tirajfouàoueb:
Kamouroupotty-ouajfou à ouebySea
left fort bon 4 manger.
Deux autres qu'ils àaommcnt Ouara Se Aca-
•tuajfou peefqué de

Ï66 H n r o u »
ble au palais.
Pira-vpo Vn autre qu'ils appellent FirU'-ypothiy
chi. fotjii eft long comme vn^ anguille, Se n'eu pas "
auflî Tfchi en leur tangage veut dire cela.
Jttyei dif- Touchant les rayes qu on pefche en la riuiis
JtmbUbUs redeGeneure, & és mers d'enuiron, elles
et telles dt
font pas feulement plus larges que celles qui
far-dey*.
voyenttant en Normandie qujen-Brctagne,
autres endroits de par-désarmais outre cela
les ont deux cornes aflez longues, cinq ou
fendafles fous le ventre (qu'on diroit cftrear
Çueut ie ficiclles) la queue longue & defliee, voire, <
rayes teni pis eft,fi dangereufes & venimcufes, que coi
meufti. me ie vis vne fois par experience.fi toft qu'vi
que nous auions prinie fut tirée dans la bar.
quc,ayant piqué la iambc d'vn de noftre coi
pagnie, l'endroit dcuint fbudain tout rouge
enflé. Voila fommaircment & derechef, toi
chant aucuns poiflbns de mer de l'Amenq
defquels, au furplus, la multitude eft innoi
branle.
Au refte , les riuieres d'eau douce de ce
ys-là, eftans auflî remplies d'vne infinité
moyens & petis poirions, lefquels en gcnei
Pir*-miri les fauuages nomment:P$rd-tmih ( car mai
tr Acara- leur patays veut dire petit)i'co.defcriray
res feulement deux merueilleufement
mes.
Le premier que les tatiuages appellent TÀ
Tainoù- mouata n'a communément que demi pied l
longea la tcfte fon erofle.voiremonftrueufei
difftrmt
prùcdu refte, deux barbillons fous la gorge,!
dents plus aiguës que celles d'vn brochet Je

''IV'""* !
D E L'A M E R I Q^V E. t*f7
(tes piquantes» & tout le corps armé d'efcail-
|es H bien à fefpreuue, que, comme i'ay dit ailleurs
du Tdt$H t bcue tcrrcftrc , ie ne croi pas
o'vn coup d'efpee lui fift rien : la chair en eft
rt tcndre,bonne,& fauoureufe<
L'autre poilîon^que les fauuages nomment Pana-paijUM-p***,
eft de moyenne grandeur : mais a*,foiffo»
juant à fa forme, ayant le corps» la queue & la «y*
au femblable, & ainfi afpre que celle du re- P*
ien de mer, il a au refte la tefte fij>late,bigar- P rntm
J' m
e & eftrangement faite, que quand il eft hors
[e l'eau, la diuifant 8c feparant également en
[eux, côme qui la lui auroit expreuerneot fen-
!ue,il n'eft pas poffible de voir tefte de poiffon
lus hideulc.
Quant à la façon de pefcher des fauuages,
t noter fur ce que i'ay ia dit, qu'ils prennent
mulets à coups de fiefehes (ce qui fe doit auf
entendre de toutes autres cfpeces de poifns
qu'ils pcuuent choifir dans l'eau ) que non
ilement les hommes & les femmes de l'Ame- f
jue,ainfi que chiens barbets,afin d'aller que-^^^
rieur gibier & leur pefche au milieu des eaux, tnfmsAauent
tous nager : mais qu auflî les petis en- mtriquaïs
ides qu'ils commencent à cheminèr,fe met- * <
" w
dans les riuieres 8c fur le bord de la mer,
enouillent défia dedans comme petis cas.
Pour exemple dequoi ie reciteray briesent
qu'ainfi qu'vn Dimanche matin , ea /
as pourmenans fus vne plateforme de no^
fort, nous vifmes renuerfer en mer vne
rque d'efeorce (faite de la façon queie les
feriray ailleurs ) dans laquelle il y auoit plus
O. ij.
1
jk

i6 r
8 r
' " H I S T O I R E
de rrerice personnes faàûàges, grands & petits 1
qui nousvérïoyent voir l'co&imé ëh grande di-^
HgencC'aoJfc'Vn bafteau les pedfârts fecourir/
nous fofm'Ss aufli toftvets eux: le$ ayans toui 1
trouuez nageans & rians fur l'eau, il y en eut vn
qui nous dît, Et où allez vous ainfi fi haftiuement,vous
autres Matrs? (ainfi appdlct-ils les
François) Nousven3s,difmcs-nou$,pour voui'
fauuer Se retirer de l'eau.Vraycm6t,dit-iI,nous
vous en fçauons bon gré; mais au refte, auezvous
opinion que' pour eftre tombez danslf
mer nous foyons pour cela en danger de nom
noyer r" Pluftoft fans prendre pied, ny aborder'
terre, demeurerions nous htrift tours deffus de
la fiçon que vous nous y,voyez. De manière,
dit il,que nous auons beaucoup plus de peur,
que quelques grands polflbpshe nous traînée:
en fond,que nous ne craignons «Pçnfondrer de
nous-mefmes. Partant ks autres, qui tous ni-;
geoyent voirement auflî aifcmét que poifTonj, 1
eftans aduertis par leur compagnon de la caufe 1
de noftre venue fi foudaine vers eux, en s'en'
moquans,fe prindrent fi fort à" rire,Tjuccorn
vne troupe de Marfouins nous les voyons
entendions foufler & ronfler fût l'eau. Etdi
fait, combien qoe nous fufEbos encor à pli
d'vn quart dè lieue de noftrç fbrt,ti n'y en ci
il que quatre ou cinq.plds çncor pour caùfer
ucc nous,que de danger qu'ils dpprcfle"daffei
qut le voûluffeTt mettre dâs hdftrfc bafteanJ'ol
ferqay que les autres quelqueféis en ndus dei
çans, non feulement nageoyent tant roidecV
bellemem qu'ils vouloyent > mais aufli qu;
i

[bon leurfanblftk if repofoyent,fo^eat/.» (Et
louant à taKw*** aant en raer*il y eut vngrospoifforj, leque^Ja •& tefit de
renât_par le bdrd anec'ta patte, à fon ad^is,^u f"*" u
~~
fvouloit rentferier.qitfc ietter.dedans.Ce q^e
i/oyant, diioÂ-il, leltty co.uppay foudainement
t main aueç vae fe«peJaqueUe majn eftât tomee
& demeurée dans-rçoîbe barque, nptffeutraent
nous vifisaes, qu'elle auoit cinq doigt)»»
comme celle d'vnI>omra«»maisaufl» delaldopbar
que ûe poiflon fefttit, monftrant, hoM de
|'eau vue telle qui auttk femblablement fctfnae
pmaine,il ictta vtî ptttjtcri.Sur lequel redtjaf-
[ eftr4nge,d< ceft Aotef iquain, te laiftè à phiîherau
leâeur,tîfuyuant kconfmuo4-QtcUi
qu'il* y a dans k nafer de toutes les cûjejpes
jfenirnaux qui fe voyetH fur terre » & nornqo^r
Hcntqu>'ai*euns otKe&*it des Tritons faite*
tteinescaifajuoisjG'o'eni eftoit point yno

«7© Hi ».f O t R H '
neufmorsque i'ay efté en^sfaékier, (fans met.
tre pied a terre qu'vne fbi*i
Kfpmttjir
Cor,à leur ancienne
m«0

DE L ' A M E R I Q _ V E . «71
Us petits ) Grertouilles au foleil fur des bufches
deboîs au milieu des eaux. Toutesfois parce
3ueces radeaux de bois,arrengez c6më tuyaux
'orgues, font nori feulement tâtoft fabriquez
de cefte façon, mais qu'aufli flotrans fur l'eau,
comme vne groffeclaye, Us ne peuuent.aller
en fond, i'ay opinion, fi on en faifoit, par deçà,
que ce feroit vnbon de feur moyenrpour paffer
tant les riuieres que les eftangs & lacs d'eaux
dormantes, ou coulantes douyeement : auprès
defquelles.quad on eft hafté d'aller, on fe trouue
quclquesfois bien empofcfié.
O R Su furplus de tout ce quedeffus, quand
nos fauuages nous voyoyent pefcher auec les
rets que nous auions portées, lefquellcs eux
nomment WmjfM-etuJfoM, ils ne prenoyent pas p
""î**
feulemët grand plaifir de nous aider, & de nous
voir amener tant de poiffons d'vn feùl coup
de nler,mai*aufli fi npus les laiflions faire, eux
^euls en fcaaoyent ia bien- pefcher. Comme
aufli depuis que les François trafiqaent par delà,
outre les commodité* que lés Brefiliensreçoiuent
delà raarchandife qu'ils leur portent,
ils les louent grandement de ce qne le temps
pafTc, eft ans contrains ( comme i'ay dit) au Heu
^ "j»,
d'hameçons de mettre des efpines au bout de
leurs lignes, ils ont maintenant parTeur moyen
Hamtfm}
cefte gentille inuentioade ces petits crochets fi rl
p 9
~
defer, qu'Ô trouue fi propres a faire ce meftier
lf
K* u * rUs
de pefcherie. Aufli, comme i'ay dit âitleursdes f ^ g t
petits garçons de ce pays-la, font bien appris à parler des
dire aux eftrangers qui vont par deïà:De aguto- g*rf*nntt* km, tmaléptndÂx c'eft à dire,Tu es bon,donne f*»^'-
O iiij.

ftf/Hfm,
ts Ut
royeux or
libéraux,
btnffams
lemx iCbm
meurs cotraires.
ijz H I S T O I R E
moy dès faims: car Agateremça leur Ianga
veut dire bon : AméJkHàQtme moy: Si^ui
eft vn hameçon. Quje G ort ne JeJur. en baille
canaille de defpit tournant foudain la telle, ne
faudra pas de dire « Thfewg^pa-aituc*: c'eft i
dire, T» ne vaux rien, il teBJWÈ tuer.
S v R lequel propoi ie diray que fi on veut
eftre cou firv( comme news parlons communément
) tant des grands que des. petits,il ne leur
faut rien réfuter. Vray eft qu'ils ne font point
ingrats : car principalement les vieillards, lors
mefme que vousoiy pcttferez pas» fe rcfouuenans
du don qu'ils auront receu de vous, en le
recognotflanc ils vous doneront quelque chofe
enTecompenfe. Mais .quoy qu'ilen-foit i'ay
obTcnié* emr'cux, que côme ils aiment les homes
gaysy soyeux, & libéraux, parle contraire
tishaiiTcnt tellement les taciturnes* chiches &
roclancholiques, queie puis afleurer les limes
fourdess fongecreuar, taquins» &

DE L'A HBHQ.VS, 17J
*YAN T difcouru ci-deflus tant d

174 H I S T O I R E
mcrucilleufc. Racontant encor le mefme an*
tcur.qu'ily a au pairs de NtfsrsgHAt vnarbnj
qu'on appelle Cirv*, lequel groffit fi fort qo|
quinze nommes ne le fçauroyent embranV
Pour retourner à noftre Brefihil a la fueillecoV
me celle du buis, toutesfois de couleur tirant]
plus fur le vert gays, & ne porte ceft arbre m
cun fruiét.
MAIS touchant la manière d'en charger
nauires,dequoy ie veux faire méticm en ce li
notez que tant à caufe de la dureté, & par c
fequent de la difficulté qu'il jra de couper
bois.que parce que n'y ayant c"heùau*iafhes,
autres beftes pour porter, charrier ou tra"
les fardeaux en ce pays-la.il faut neceflàircro
4 m t r t s ope ce foyent les hommes qui facerit ce
mMutjftmr uicrrcV n'eftoit que les eftrangers qui voya
tomrïirté par dc-Ià font atdez des fauuages, ils ne fç
TAmtn- r o y c n t charger vn moyen nauire en vn an
5**' fauuages doneques, moyennant quelques n
bes de frize, chemifes de toile, chapeaux
fteaux & autres marchandifes qu'on leur bai
non feulement auec les coignees,coings de
ssmugM autres ferremens que les François & aui
ttufis ty de par de çà leur donnent.coupent, feient,!
Nri*»» U dent, mettent par quartiers tk arrondiffent
bois ce Brefil, mais auffi le portent fur leurs
tttmln,i P*"'** toutes nues, voire le plus fouuent d' 1
fm ou deux lieues loin, par des môtagnes & li
ehmrgtr Us affez fàfchenx, iufques fur le bord delà
prcs des vaiffeaux qui font à l'anchre,où le
riniers le reçoyuent.Ie di expreffement

D E L* A M E R I.O_V E . I?5
Ifrf «jucntent en leur pays, coupent lcar bois

176 H I S T O I R E
pluftoft fait, & pourtant mieux Iuftrer leurt
grandes fraifes(ou pour micuxdire bauicres

!
" l'
D E D^A_MJÎ R I ex_v E. 177
10 ce que le luy venois de dire, m'intcrrogant
>lus outre flit, Mais ceft homme tant riche dot
pme parles, ne meurt-il point? Si fait, fi fait
uy di- ie, aèffi bien que les autres.Sur quoy cône
ils font auffi grands difcoureurs,& pourfuylent
fort bien vn propos iufques au bout, il me
lemanda derechef, Et quand doneques il eft
nort, à qui eft tout le bien qu'il laiffe?A fes enans
s'il en a', & à défaut d'iceux à fes frères,
œurs, ouplus prochains parens. Vrayement,
lors mon vieillard ( lequel comme vous iujj&l
" n'eftoit nullement lourdaut)à cefte heu-
?é8gnois le, que vous autres M*irs,çLtï\W die
Franco is,eftes de grands fols : car vous fauttant
trauailler à palier la mer, fur laquelle(cô- sentence
ne vous nous dites) eftans arriuez par deçà vous —table ty
indureztantde maux, pour amafler des richef/"^* ?"*
ès ou à Vos enfans ou à ceux qui furuiuêt après phihfipha
.ous? la terre qui vous a nourris n'eft-elle pas Httf\j^
uffifuffifanee pour les nourrir ? Nous auons riquam.
adioufta-il) des parens & des enfans, lefquels ^tmeri-
•orame tu Vois,nqus aimôs & cheriffons : mais f>
m t t
arce quenous nous affeurons qu'après noftre 1*** s
t
. 1
, 1
deceuxqut
îortla terre qui nous a nourri les nourrira, hoKArdent
thsnous en foucier plus auant nous nous re- leur -rte
ofons fur cela. Voila fommairemêt & au vray f>e*rs'«nri
:difcoùrs que i'ay ouy de la propre bouche
vn pauure fauuagc Ameriquain. Partant ou- j^ffij?
e que cefte nation , que nous eftimons tant tèd*Uter
barc, fe moque de bonne grâce de ceux qui requtnoms
danger de }pur vie psfient la mer pour aller **' fi>fi»s
uerir du bois de Brefil, à fin de s'enrichir, en- j^ r
*"' -
d
>r y a-il que quelque aueugle qu'elle foit , at- r^'n *

178 HiSTtoiA»
tribuant plus à nature & 1 la fertilité Je laterr/
que nous ne faifonsàla puiiTance 8t prouijdentr,
ce de Dieu, elle fe leuera en iugemêt contre les '
rapineurs, portans le titre de Chrefticns, desquels
la terre de par-deçà eft auflî remplie» que;
leur pays en eft vuide , quant à fes naturels na-s
bitans.Parquoy,fuyuant ce que i'ay dit ailleurs^
que les ToHoupmambAotdts haiflent mortelle-,
ment les auaricicux, pleuftà Dieu qu'à fin qi
ils feruiflent défia de démons &de furies po
tourmenter nos gouffres in(àtiables,qui nayai
iamais aflez, ne font ici que fuccer le fang/
moelle des autres, ils fuflent tous confinez [
mi eux. Il failoit qu'à noftre grande honte,
pour iuftifier nos fauuages du peu de foin qu'il!
ont des chofes de ce monde,ie fine cefte digc<
fi on en leur faueur. A quoy à monaduis , hiei
à propos ie pourray encor adioufter ce que F
fjiji.gtn. ftorien des Indes Occidentales a eferit d'vne,
étiiij.ii. certaine nation de fauuages habitansau Peru»
d,.tb. ioS. lefquels, comme il dit, quand du commencement
que les Efpagnols rodoyent en ce pays- ;
la : tant à caufe qu'ils les voyoyent barbus, queparce
qu'eftans fi bragards & mignons,ils crazW
gnoyent qu'ils ne les corrompiffent & ebangeaflent
leurs anciennes coufniroes,ne les vou-
x« MTM "
n s rec
cuoir, ils les appelloycnt : Efcume de la
gJktm. mer,gens fans peres,hommes fans repos.qui ne
fe peuuent arrefter en aucun lieu pour cultiufX
fifi^**» la terre,à fin d'auoir à manger.
T^r^htf* P O V R S V Ï V A K T donques à parler de%
m tmïJ, arbres de cefte terre d'Amérique * il S'Y trouue
mtriqm*. de quatre ou cinq fortes de Palmiers, dont entre

D H L'AME RIQJE. 179
trc les plus communs, font vn nomme par les
fauuages Geratt, vn autre Tri: mais comme ni ,J r
' ,
* i
*
aux vns ni au* autres ien'ay iamais veu de dat- t^n*^"
tes, aufli croy-ie qu'ils n'en produifent point.
Bien eft vray que lTr» porte vn fruiétrond côme
prunelles ferrées Se arrengees enfemble,ain
fi que vous diriez vn bien gros raifin.-tellement
•qu'il y a en vnfeultoufléau tant qu'vn homme
peut leuer & emporter d'vne main : mais encor
n'y a-il que le noyau non plus gros que celuy
d'vne ccrife, qui en foit bon. Dauantage il y a
vn tédron blanc entre les fueilles à la cime des
ieunes Palmiers , lequel nous coupions pour f'»** 0
?*
manger :&difoit le heur du Pont, qui eftoit K^^ 9
fuictauxhemorroides,quccelayferuoitdc re- p]J££?
mede: dequoy ie me raporte aux médecins. n*, tStr*
V N autre arbre que les fauuages appellent Us htmer-
Asry, lequel bien qu'il ait les fueilles commje "ficelles
de Palmier, la tige garnie tout à l'entoiir
d'efpines,aufli defliees & picquantes qu'efguij- ^ t „i n
les, Se qu'il porte vn fruidfc de moyenne grof- ,/fm*tut,
feur^dans lequel fe trouue vn noyau blanc corn- O fi*
mencige,quineantmoins n'eftpasbonà manger,
eft à monaduis vne efpece d'hebene: car
outre ce qu'il eft noir,& que les fauuages à* caufe
de fa dureté en font les efpees & maflues de
bois.au ec vne partie de leurs flefches(lefquelleis
ie deferiray quand ie parleray de leurs guerres)
eftant aufli fort poli àluifant quand il eft mis
en befongne ; encor eft-il fi pefant que fi on le
met en l'eau il ira au fond.
A v rcfte,& auant que pafler plus oute, il fe
trouue de beaucoup de fortes de bois de cou-

i'8o' Hisf oifti
leur en cefte terre d'Amérique, dont ie neiçay
pas tous les'noms des arbres. Entre lefquels,
B^. i'en ày veu cTauflî iaunésjque buis : d'autres na-
-es'y^ts tulellementvioletSidonti auoisapporté quelmiLcs
êr qnes reigles en Francerde^lâcs comme papier:
r»mgts. d'autres fortes fi rouge qu'eft le Brefil ; deqaoy
les fauuages font auffi des efpees de bois & des
Copa-u, arcs. Plus vn qu'ils nomment Ctfd-È, lequel
njjtmtu't outre que l'arbre fur le pied reffemble aucunemm
mtjtr. meht au noyer fans porter noix toutefois : encores
les ais, comme i'ay veu,eftan* mif en befongne
en meuble de bois, ont la mefme veine,
ptitUs Sernblablement il s'en trouue tueur» qui ont
****** le* fueiHes plus efpefTes qu'vn tefton : d'autres
y^&TAci ayans larges de pied & demi.cV de plufieurs
^2S*utresefpeces,qui [eroyêax longues à reciter
faUrfu^|par le menu.
M A i s fur tout ie diray qu'il y a vrt arbre en
%M i,(m «epay*-la,lequel auec la beauté fent fi rnerueiltêurdtri-
leufement bon,quc quand les menufiers le chafii.
potoyentou rabotovent, fi nous en prenions
t des coupeaux ou des bufchiiles en la m«ln,nous
auions la vraye fenteur d'vne franche rofe.D'au
tre 3 U
Auoatl,
contraire » que les fauuages appellent
mhftmi) AoHMtjqui purSfic fent fi fort les aulx, que quand
tt ttfrmtil on le coupe ou qu'on en met au feu,on ne peut
^""•^•durertupres: & a ce dernier quafi les fùeillei
comme celles de nos pommiers. Mais au refte
fon fruict ( lequel refleroble aucunement vne
chaftagne d'eau )-& encores plus, le noyau qui
eft dedans, eft fi venimeux que oui eri mangèrent
il feniiroit foudain l'effélft dVn 'vfaf poîfon.
Toutefois parce quc'cVft celuy , 'duquel

Pi L'AMSKI CJL.V H. i8lx
i'ay dit ailleurs que" nos Amenquains font tels
fonoettc»qu'ils mettent à l'entour de leurs iam
bes r à caufe de cela ils t'ont en grande eftimé.
Et faut Motet ert cèft endroit, tjù encor que cefte
t"eire du Brefil (comme nous verrons en ce >
chapitre) produrfé beaucoup de bons & excel- vbfc***
lés fruiâ*, qu'il s'y trouue neâtmoins plufieurs £^£J
arbres qui ont les leurs beaux àmerueilles,'& q u e f, c r tâs
cependant ne font pas bons à manger.Et nom|- frniûs da-
rnément fur le riuage de la mer il y ajfôrce ar- g** •
briifeaux qui portent les leurs prefques reffem- man
£ tT
-
blans à nos neffles,mais rref-dangereux à manr -
ger. Auffi les fanuages voyans les François &
autres eftrangers approcher de ces arbres pour
cueillir le fluiét. leur difans en leur langage
fyisrifec'eft à dire,il n'eft pas bon, les aducmffent
de s'en donner garde.
V/fftvavv/ayant l*efcorce de demi doigt d'ef- HiuoupMi.&àtfopraifant
i manger, principalement raé tfrut
quand die vient^fraifchemét de dcffiis l'arbre,

181 ' rïi st 01 R'B
gcr. Mais parce que ce £cuiâ-a.r

D H L ' A M E R I Q V E . 183
œuf de poule. Mais au refte quand ce fruîâ eil
veuu à maturité eftant plus iaune qu'vn coing,
il eft non feulement bon a manger, mais auflî
ayant vn ius Vn peu aigret,& neantmoins agréa
ble à ta bouche» quand on a chaut cefte liqueur
refraifchit fi plaifamrnent qu'il n'eft poflible de
plus : toutesfois eftant aflez mal-aiCe àabbatre
de deflus ces grands arbres,nous n'enpouùions
gueres auoir autrement,finon que les Quenons
montans deflus pour en manger,nous les faifoyent
tomber en grande quantité.

f lto
fruicl'ayit
184 H U T O I R Î
autres François nommions ces Pmtcs figues?
V r 3 V C
^ S U
' a
3 n S e n C o r e
y
| s
' e
gOuft phlS doux &
goffidtfi. fauoureux que les meijleures figues de Marg*"

D B L' A M H R I Q^V E. 185
féaux font reueftus. ,
QMtït aux arbres portans le cotton,lefquels
croiflent en moyenne hauteur, il s'en trouue portant
beaucoup en celte terre du Brcfihla fleur vient cotton o>
en petites clochettes iaunes, comme celle des ^afaçond
courgetou citrouilles de par-deça:.mais quand
mt,lcre
'fi
le fruict, eft formé, il a non feulenent la figure
approchante de ia feine des fbfteuux de nos forefts,
mais aufli quand il eft meur, fe fendant
ainfi en quatre,le cotton ( que les Ameriquains
appellent Ameni-iou) en fort par touffeaux ou Amenifloquets,
gros comme efteuf: au milieu def- «ou,co«».
quels il y a de la graine noire,ÔV fort ferrée enfemble,
en façon d'vn roignon, non plus gros
ni plus long qu'vnc febue: & fauent bien les
femmes fauuages amaffer Se filer le cotton
pour faire des hcts,de la façon que ie diray ailleurs.
Dauantage,combien qu'ancienncment(ainfi
que i'ay entehdu)il n'y euft ni orangiers ou ci
tronniers eh cefte terre d'Amérique, tant y a
neantmoins que les Portugais en ayant planté
& édifié furies riuages & lieux proches de ^^J^fl.
mer,où ils ont fréquente, ils n'y font pas feule- m
ment grandement multipliez,mais aufli ilspor rAmaitent
des oranges ( que les fauuages nomment g«.
Mtrgou ia) douces & grofles comme les deux
poings, Se des citrons encores plus gros Se en
plus grande abondance. Grande
T O V C H A N T les cannes de fuccre, elles i******
croiflent fort bien & enerande quantité en ce
c n n t
r *
ays la:toutesfois nous autres François n ayans e ni a U rf
as encores, quand i'y eftois, les gens propres d» Srtfif
P. iij.

i8e> ' H I S T O I R E
ni les chofes neceiTaircs pour en tirer le fuccre
( comme les Portugais ont es lieux qu'ils poffedent
par- delà)ainfi que t;'ay dit ci-deffus au cha
pitre neufieme, fur le propos du bruuage des
fauuages, nous les faifions feulement infufer
dans de l'eau pour la faire fuçcree: ou bien qui*
vouloit en fueçoit & mangeoit la moelle. Sur
lequel propos ie diray vne chofe, de laquelle
polfible plufieurss'efmerucilleront. C'eft que
nonoblfanrla qualité du fuccre,lequel,comme
chacun fçait, eu fi doux que rien plus, nous auions
neantmoins quelquesfois expreflement
laiiTé enuicillir & moifir des cannes de fuccre,
lefquelles ainfi corrompues,leslaiiTanspuisar
c $ t r c m c r
VinAirrt P P quelque temps dans de l'eau, elle
fMtdtctn saigriiTuic de telle façon qu'elle nousferuoit
ttesdefuc- de vinaigre.
ScmbLiblement, il y a certains endroits par
les bois où il croift force rqfeaux & cannes,auflî
groffes que la ïambe d'vn homme,mais comme
i'ay dit du Taco atre, bien que fur le pied
dptUs'J*» c c s
e n t
^ f°y fi tendres que d'vn leul coup d'ef-
e c
tHi"es ar- P °n en puiffe aifément abbatre vne: fi eftmit
Ubout ce qu'eftans feiches elles font fi dures que les
de Unrs fjlUiages les fendans parq*iartiers»& les accom
M chcS
- modans en manière delancettes ouJpgues de
ferpent, en arment &garnifÇentfiiqienleurs
flckhes par le bout,que d'icellcs par eux roidementdefcocheçs,
ils en arrêteront vnebefte
fiuuage du premier coup. Et à propos des can-
U».\.th«p. n
« & rofeaux, Calcondile en fon hiftoire de la
14. guerre des Turcs, recite qu'il s°en trouue en
l'Inde Orientale qui font de fi excefîiuc grandeur

D E • A " M B R i ojf g. 187
deur & groffeur qu'on tn fait des nacelles pour
pafler les riuieres:voire,dit-il,des barques toutes
entieres,qui tiennent bien chacune quarante
mines de bled,chacune mine de fix boifleaux
félon la mefare des Grecs.
Le maftic vient aufli* parpetisbuiffons, en MtStk:
noftre terre d'Amérique: lequel auec vne infinité
d'aiures herbes & fleurs odoriferantes,réd
la terre de tref-bonne & fouefue fenteur.
Finalement parce qu'à l'endroit où nous efiions,
aflauoir fous leCapricorne, bien qu'il y
ait de grands tonnerres,que les fauuages nomment
Toupan, pluyes vehementes,& de grands Ternà»
vents,tant y a neantmoins que n'y gelant, nei- sreflexëgeant
ni greflant iamais , & par confequent les denesarbres
n'y eftâs point affaillis ni gaftez du froid
& des orages ( comme (ont les noftrcs par- deça)
vous les verrez toufiours, non feulement
fans eftre defpouillez & defgarnis de leurs fueil
les, mais aufli tout le long de l'année les forefts Arbrts
font aufli verdoyantes qu'eft le laurier en no- toufiours
ftre France. Aufli, puis que ie fuis fur ce pro- ^^«yns
pos, quand au mois de Décembre nous auons n ^
ici non feulement les plus courts iours, mais
qu'aufli tranfliflàns de froid nous fouirions en
nos doigts, & auons les glaçons pendans au
nez : c'eft lors' que nos Ameriquains ayans
les leurs plus longs , ont fi grand chaut en
leur pays , que comme mes compagnons du
voyage & moi l'auons expcrimenté,nous-nous
y baignions à Noël pour nous refraifchir.Toutefois,
comme ceux qui.entendent la Sphère
peuuent comprendre, les iours n'eftans iamais
P. iiij.

188 Hisrortï
il Iôgs ne fî courts fous les Tropiques que nous
les auonc en noftre dirait, ceux qui.y habitent
les ont non feulement plus égaux, mais aufli
sai
f""!*~ ( quoy que les anciens ayent autrement eftiroé)
e s
/«'rrW- ' faifonsy font beaucoup &fans coraparaiî
- f,. fon plus tempérées. C'eft ce que i'auois à dire
fur le propos des arbres de la terre du Brefil.
Q^y A N T aux plantes & herbes, dont ie
veux auffi faire mention, ie commenceray par
celles, lefquelles, à caufe de leurs fruicts & effets,
me fcroblent plus excellentes. Premièrement
la plante qui produittle fruiâ nommé!
pLmtts ty par les fauuages Arum AS, eft de figure femblafteUUs
de D] c a u x g| aiCuIs, & encores ayant les fùeilles vn
1 Ananas. c o u ri, e e s & cauelees tout à l'entour, plus
g
-approchantes de celles d'aloes. Elle croift auffi
non feulement emmoncellee comme vn grand
chardon^mais auflî fon fruict,quieft de la groffeur
d'vn moyen Melon,& de façon comme vnc
pomme de Pin, fans pendre nipancherde
cofté ni d'autre,vient de la propre forte de nos
Artichaux.
E T au refte quand ces Ananas font venus à
Utfexcd'
m a t u r u c
' titans de couleur iaune azuré, ils ont
&»» 'fntih
v n e t c
" e
odeur de framboife, que non feulede
tjimt- ment en allant par les bois Se autres lieux où
ri^ue. ils croiffertt, on les fent de fort loin, mais aufli
quant au gouft fôndans en la bouche, & eftans
naturellement fi doux, qu'il n'y a confitures de
ce pays qui les furpaflènr : ie riens que c'eft le
plus excellent fruid de l'Amérique. Et de fait,
jTioy-mefme,eftant par delà, en ayant preffé tel
dont i'ay fait fortir près d'vn verre de fuccefte
liqueur
J

D E L' A M H RI

190 H I S T O I R E
uoir, non feulement chafeun vn cornet de cefte
herbe pendu au col, jmais auffi à toutes les
minutes.- Se en parlant à Vous, cela leur feruant
décontenance, ils en hument la fumée, laquelle,comroe
i'ay dit (eux referrâs foudainlahouchc)leur
reftbrt- par le nez Se par les leures fendues
comme d'vn encenfoir: Se n'en eft pas la
fenteur malpIaifante.Cependât îe n'en ay point
veu vfer aux femmes, Se ne fcay la raifon pourquoyrmais
bien diray-ie qu'ayant moy-mefmc
exoerimenté cefte fumée de Petnn, i'ay fenti
"\ qu elle raffafie & garde bien d*auoir faim.
Au refte, combien qu'on appelle maintenât
par deçà la KticotUne, ou herbe à la Roine Petun,
tant s'en faut toutesfois que ce foit de celùy
dorît ie parle, qu'au côtraire, outre que ces
deux plantes n'ont rien de commun, ni en forme
ni en propriété', & qu'auffi l'auteur delà
maifon ruftique, liu.i. chap. 79. afferme que la
Nicotia- Nicotiane(laquel!e,dit-il,retient cenô demônc
n'eîl fi e u r Nicot,qui premier l'enuoya de Portugal
^tutT**
c n r a n c c
F ) 3 e
^ c
apportée de la Floride, diftâte
de plus de mil lieues de noftre terre dif-Brefil
( car toute la Zone Torride eft entre deux) encor
y a il que quelque recerche quei'aye faiteen
plufieurs iardins, où Ion fe vantoit d'auoir
du Petun, iufqucs à prefent ie n'ë ay point
veu en noftre Frâce.Et à fin que celïfyqui nous
W de nouueau fait fefte de fon ts4ng«n)poiJe•,
-qu'il dit eftre vray Petuny ne penfepas que i'ignore
ce qu'il en A efcrit:fi le naturel du fimple
dont il fait métion reffemble au pourtrait qu'il
en A fait faire en FA Cofmographie, i'en di AIU
tant

D E L A,M E R, I Q_T E . I9X
tant que de la Nicotiane : tellement qu'en ce
cas ie ne luy concède pas ce qu'il prétend» affauoir
qu'il ait efté le premier qui a apporté de la
graine de Petun en France: ou aufli à caufe du
froir,i'eftime que malaifement ce (impie pour-»
roit croiftre.
I' A Y auflî veu par delà vne manière de
choux,que les fauuages nomment Çaiou 4,def-
o
quels ils font quelques fois du potage :&
n t
w
o
^
u
^
les fueilles aufli larges Se prefque de mefme for *
te que celles du NenHfarajii
rais de ce pays.
croift fur les ma-,,
Q.V A N T aux racines, outre celles de M*mot
(jr d'Aypiy defqueiles «comme i'ay dit au
neufiefme chapitre,les fémes des fauuages font
de la farine, encore en ont-ils d'autres qu'ils
appellent//^rifAtlefqiielJes non feulemêtcroiffent
en aufli grande abondance en cefte terre
H e n c h
»
du Brefil, que font les raues en Limofin, &en ^ g r t^ n e t
Sauoye,mais aufli il s'en trouue communemér tyenpid'aufsi
grofles que les deux poings, & longues de abon­
de pied & demi,plus ou moins, Et combié que dantt '*
les voyant arrachées hors de terre, on iugeaft t

192 H I S T O I R E
res que nous ayons. Q^jantà leurs fuen'ks,LESquelles
traifnent fur terne, comme 0e*Ur*terreJhiiyzVies
font fort femblablcs à celles de concombres,
ou des plus larges efpinars qui fe puîffent
voir par deçà : non pas toutesfois qu'elle 5
Jcluïrtb foyent fi vertes, car quant à la couleur, elle cire
wmitifUtr plus à celle de Vitis alba. Au refte parce qu'elfe»
"KMW* les ne portent point de graines,les femmes faufTHcticL
uages, fongneufes au poflible de les multiplier,
pour ce FAIRE ne font autre chofe finon (ceuure
merueilleufe en l'agriculture ) d'en couper par
petites piecesjcôme on fait icy les carotes pour
faire falades:& femans cela par les champs, elles
ont, au bout de quelque temps,antant de grof-
. fes racines tCHetich qu'elles ont femé de petits
morceaux. Toutesfois parce que c'eft la plus
grande manne cfe cefte terre du Brefil,&qu'allant
par pays on ne voit prefques autre chofe,ic
croy qu'elles viennent aufli pont la/plufpart
fans main mettre. /
L E S fauuages ont femblabjement vne forte
' Manobi, ^ e
"""'^ > q u
i' s
nomment Manobi , lefquels
jt^tt- j , ' croiflans dans terre comme truffes, & par pentifitte
tits filemens s'entretenans l'vn l'autre,n'ont pas
trotffant \ e noyau plus gros que celuy de noifettes fran-
JdMtttrr*. CJ A C S > ^ j e mefme gouft. Neantmoins ils font
de couleur grifaftrc,& n'en eft.pas 1* croifeplus
dure que la gouffe d'vn poisrmais de dire maintenant
s'ils ont fùeilles & graines^combien que
i'aye beaucoup de fois mangé de ce fruiâ, ie
confelfe NE l'auoir pas bien obferué,& ne m'en
foutiient pas.
TtyÈrtëg li y a auffi quantité de certain poyurelong,
DCQID

W " ' - - - > " f" ,
D E L ' A M R R I Q_V E. 193 '
duquel les marchans par deçà fe feruent feiilemét
à U teinture : mais quant à nos fauuages, le
pilant & broyant auec du fcl,lequel(retenât expreflement
pour cela de l'eau de mer dans des
forte* ) ils fçauent bien faire, appellans ce meflange//o«f
*«,ils en vfent côme nous faifons de longue^
Ici lut table : non pas toutefois ainG nue nous, fiidttfm-
1
foit en chair > poiflon ou autres viandes, ils h-'j3Z0 m%
lent leur morceaux auant que les mettre en la ^ ^
bouebetcar eux prenans le morceau le premier yfr»t.
& à part, pincét puis après auec les deux doigts
à chafeune fois de ce lonquet, & l'aualent pour '
donner/aucur à leur viande.
t n
FINALEMENT il croift en ce pays-la vne Comma-,
forte d'aufli groÛes'& larges febues que le pou- fo^—êr.
ce, lefqudles les fauuages appellent Commun- feffifms. da-QH*jf

t£4 Mi S T O I R B
ques endroits, ie n'y ay veu arbres, herbe» ny
frui&s qui ne d'iffcrafTent des noftres. Parquoy
toutes les fois que l'image de ce nouueau mondé
que Dieu m a fait voir.fe représente deuant
mes yeux, & que ie côfidere la ferenité de l'air,
la diuerfité des animaux, la variété des oyfeaux,
la beauté des arbres 8c des plantes, l'excellence
des fruids. & briefcn feeneralles ridiefles dont
cefte terre du Brefil eu décorée, incontinct cefteexclamation
du Prophète au Pfeau. 104. me
vient en mémoire.
O Seigneur Dieu que tes oruures dmers,
Sont rnerueilleux par le monde vniuers!
O que tu as tout fait par grand' fageffe!
Bref y la terre eji pleine de ta Urgeffi,
AINSI donc heureux les peuples qui y habitent
, s'ils cognoiiToyent l'auteur & Créateur
de toutes ces cnofcs : mais au lieu de cela ie vay
traiter des matières qui monftreront combien
ils en font efloignez.
CHAP. XIIII.
De la guerre, combats , hardiejji, &Armet des
fauuages.
O M B 1 fi N que nos ToHoupinam-
{èaoults 7'ouàupinénquins, fuyuantla
couftume de tous les autres fauua-
-^, w^ a i^ ges qui habitent cefte quatrième
partie du monde, laquelle en latitude, depuis le
dcftroit

— • T f • r
' —'
D E L " a m ï , x i q , V Î . 155
deftroit de Magellan qui demeure par les cinquante
degrez tirant au Pôle Antarctique, iufques
aux terres Neuues,quifont enuiron les foi
xanteau deçà du cofté de noftre Arctique., con- . ....
tientplus.de deux mille lieues,-avant guerre j£^
mortelle contre; plufieurs nations de ces pays- tted»mtn
buapt y a que leurs plus prochains 9c capitaux dt etnte*
ennemis fqnt tant ceux qu'ils nomment Mar- n
*** fi»*
£4S4*queles Portugais qu'ils appellent <
* 0 e r C s
^^^ a
leurs aUiez,comme au réciproque lefdits Afar-
(MAS n'en veulét pas feulement aux^ToMoupinam
hosties, mais aufli aux François leurjs côfederez.
Non pa$r quant'à ces Barbares, qu'ils fe facent srtfilitn»
la guerre pour conquérir les pays & terres les purquoj
vqs des autres, car chacun en a plus qu'il ne luy f**ti*g*tr
en fautimoins que les vainqueurs pretédent de "*
s'enrichir des defpouilles,rançons, & armes des
vaincus:,ce n'eft pas,di-ie,tout cela qui les roeine.Car,comme
eux mefmes conferfent, n'eft as
pouffez d'autre affeâion que de verger.chacun
de fon cofté, fes parens & amis, lefquels par le
parte ont eue prins &mangez,àla façon que ie,
diray,au chapitre fuyuant,Us font tellement acharnez
les vn» à l'ençôtre des autres, que quiconque
tombe en la main defonjennemi, il
faut que fans autre compofition, il s'attende
d'eftre traité de mefme, c'eft à direaffommé &
mangé. Dauantage fi toft que la guerre eft vne
fois declairee entre quelques vnes de ces nations
, tous allegans qu'attendu cnie l'ennemi
qui a receu l'iniure s'en reffentira a iamais, c'eft
trop lafchemét fait de Je laifter cfc happer quâd
on le tient à fa merci/leur haines fon tellement
I
'

i$6 HISTOIRE
ssM»*grt inuctercrs qu'ils demeurent perpétuellement
irrecôciliablcs. Surquojj on peut dite que Maj
^ l ^ chiaucl & fes drfciples (defquelsla Frante à fon
Aie mét4 grand mal-heur elt maintenant remplie ) font
HT* d*t vrais imitateurs des cruautez bàrbarafques:car
puis que , contre la doctrine Chteftienne, ces
Atheiftes enfeignent, Se pratiquent auflî i que
les nouueaux feruicesne doiuent Jamais faire
oublier les vieilles iniures : c'eft à dire; que les
hommes tenans du naturel du diable, ne doivent
point pardonner les vns aux autres , ne
monftrent-ils pas bien que'leurs cœurs font
plus fdons & malins que ceux dés Tygres mefmes
?
OR félon que i'ay veu la manière que nos
nîÇr'imtu ' **p** ne
nayiiwmt
i**nt tiennent pour s'affembler à fin
mkttgtmt d'aller en guerre, eft telle-.c'eft combié qu'ils ne
ritii-
Urth.
ayent entr'eux rois ny princes , Se par confequent
qu'ils foyent prefques auffi grands feignenrs
les vns que les autres, neantmoins nature
leur ayant apprins (ce qui eftoit auflî exactement
obferuc entre les Lacedemoniens ) que
les vieillards qui font par eux appelez Peorenm-piebehyï
caufedel'experience du paffé,doiuent
eflre refpeétez , eftans en chacun village
affez bien obéis, quand l'occafion fe prefente:
eux fe pourmenans, ou eftans aflîs dans leurs I
lias de cotton pendus en l'air , exhortent les j
autres de telle ou femblable façon.
£ T comment, diront-ils, parlans I'vn après I
l'autre, fins s'interrompre d vn feul mot, nos
predeceflêurs, lefquels non feulement ont fil
vaillamment combatu, mais auffi fubiuguc, tue
Se mangé

D s L'AMERI CJJV E. 197
& manigé tant d'ennemis, nous ont-ils laifle exemple
que côme effemînez & latches de cceur
nous demeurions toufiours à Iamatfon? Faudra-il
qu'à noftre grande honte & confufion,
au lieu que par le paffé noftre nation a efté tellement
crainte & redoutée de toutes les autres
qu'elles n'ont peu fubfifter deuant ellc.nos ennemis
ayent maintenant l'honneur dt nous venir
cercher iufques au foyer ? Noftre couardife
donnera-elle occafion aux Margalds Se aux Peros-engaipa,
c'eft à dire, à ces deux nations al>
liees,qni ne valent rien,defe ruer les premiers
fur nousPPuis celui qui tient tel propos,claquât
des mains fur fes efpaules & fur fes rè/Tes , auec
exclamation adiouftera, Erima,erima yT ououpinambaoults,
Conomi OHaffoH, Tan tan, Sec. c'eft à
dire* Non, non, gens de ma nation,puiffans &
tref-forts ieunes hommes.ee n'eft pas ainfi qu'il
nous faut faire: pluftoft, nous difpofans de les
aller trouuer,faot-il que nous-nous facions tous
tuer & manger, ou que nous ayons vengeance
des noftrcsi
Tellement qu'après que ces harangues des
vieillards ( lefquelfes durent quelques fois plus
de fix heures) font finies, chacun des auditeurs,
qui.cn cfcoutant attentiuement n'en aura pas
perdu vn mot, fe fentant accouragé Se auoir
(comme on dit)1e cceur au ventreren s'aduertiffans
de village en village, ne faudront point de
s'afTembler^fir

• 198 ' H I S T O I R E
Ticapé
o n t
premièrement leurs Tactpes, c'eft à
RFFER 0» dire efpees ou malTucs , faites les vnes de bois
MA/)'* IT rouge,& les autres de bo(is noir,ordinairernent
longues decinq à fix pieds:& quât à leur façon,
elles ont vn rond, ou oual au bout d'enuiron
deux palmes demain de largeur, lequel, efpais
qu'il eft de plus d'vn pouce par le milieu, eft fi
bien menuife par les bords, que cela ( eftant de
bois dur Se pelant comme buis)trancnant prefque
comme.vne coignee, i'ay opiniô que deux
SAU»AGT$ des plus accortsfpadaflSns de par deçafetrou-
F»RMMX. u c r o y f n t bj c n empefebezd'aupir affaire à vn de
nos TôuoHpiriami>*«HLTJ,c{ÏÀnr*n
uoit vne au poing.
fune,s'il en a-
Secondement ils ont leurs arcs, qu'ils nom-
Oripir, ment Orapats,faits des fufdits bois noir & rou-
a
ce, lefquels font tellement plus longs & plus
forts que ceux que nous auons par deçà, que
tant s'en faut qu'vn homme d'entre rious le
peuft enfoncer, moins en tirer, qu'au^ontraire
ce feroit tout ce qu'il pourroit faire d'vn de
ceux des garçons de neuf ou dix ans de ce pays
I a.Les cordes de ces arcs font faites d'vne hercW«
be que les fauuages appellent Twwwlefqu elles,
d'art foi > bien qu'elles foyent fort defliees, font neant-
m
îr TociT
o m s
^ Portes qu'vn cheuaJ y tireroitt Quant
c u r s
pbfiht! à ^ ' fîcfches, elles ont enuiron vne brafle de
g»ti, longueur, & font faites de trois pieccs:aflauoir
le milieu derofeau,cVles deux autres parties de
bois noir : & font ces pièces fi bien «portées,
iointes &liees,auec de petites pelures d'arbres,
qu'il n'eft pas poflible de les mieux agéeer. Au
refte elles n'ont que deux empennons, chacun
* d'vu

D L ' & M I R I o^r E . 199
d'vn pied de Ions, lefquels(parce qu'ils n'vfent
point de colle ) (ont aufli fort proprement liez
& accommodez auec du fil de cotton; Au bout
d'icelles ils m et têt aux vnes des os pointus,aux
autres la longueur de demi pied de bois de can
nés feiches & dures, faites en façon de lancette,
cVpicquant de mefme : & quelque fois le
bout d'vne queue de raye,laquelle( comme i'ai
dit quelque part)eft fort venimeufe:mefme depuis
que les François & Portugais ont fréquenté
ce pays-la,les fauuages à leur imitation commencent
d'y mettre, finon vn fer de flefches, *
pour le moips au défaut d'icelui vne pointe de
clou.
I' A Y ia dit, comment ils manient d'extrement
leurs efpees: mais quant à l'arc, ceux qui
les ont veus en befongne,diront auec moi, que
fans aucunsbraflards, ains tous nuds qu'ils font
ils les enfoncent,& tirent fi droit 8ç fi foudain,
»
que n'en defplaifè aux Anglois(cftimez néant- ^mtri
moins fi bons archers)nos fauuages, tenas leursî* 4
**"*
trouffeaux de flefches en la main dejquoy ils tic- * T
nent l'arc,en auront pluftoft enuo^lc vne douzaine,qu'eux
n'en auront defcoche fix. <
Finalement ils ont leurs rondelles faites du
dos 8c du plus elpais cuir fec de ceft animal jS»»****
qu'ils nomment TMtr^ufpm (duquel i'ai parlé
ci deflus)&font de façon larges, plates, 8c rondes
comme le fond d vn tabourin d'Alemand*
Vrai eft que qnand ils viennent aux mains, ils
ne s'en couurent pas comme font nos foldats
par deçà des leurs : ains feulement leur ferucnt
pour en combattant, fouftehir lés coups de
^
Q, ii.

ÎOO H I S T O I K E
flefches de leurs ennemis. C'eft en Tomme ce
que nos Ameriquains ont pour toutes armes:
car au demeurant tantjs'en faut qu'ils fecouus
f*»»a urenï-rc corps de chofe quelle qu'elle foit,qu'au
c 9 m l
.s" ' 4
côtraire(horfmis les bônets,bracelets & courts
'"" habillemcns de plumes, dequoi i'ay dit qu'ils fe
parent le corps ) s'ils auoyent feulement veftu
vne chemife quand ils vont au combat, eftimâs
que cela les empefeheroit de fe bien manier,ils
I3 defpouill-eroyenr.
tftctstrï- Et afin que ie paracheue ce que i'ay à dire
tbites peu fur c e propos, fi nous leur baillions des efpces
tjhmcn trentfhantesfcôme ie fis prefent d'vne des mie-
n c s
pi pour le
v n D o n
vieillard) incontinent qu'ils les atombat.
uoyent, iettans les fourreaux, comme'ils font
aufli les gaines des coufteaux qu'on leur baille,
ils prennent plus de plaifir à les voir treluire du
commencement, ou d'en couper des branches
de bois, qu'ils ne les eftimoyent propres pour
combatre. Et à la vérité auffi, félon que i'ay dit
qu'ils fçauent tant bien manier'les leurs, elles
font plus dangereufes entre leurs mains.
* Au furplus nous autres, ayànsauffi porté par
delà quelque nombre d'harquehoufes deleger
prix, pour trafiquer auec ces fauuages, i'en ay
veu qui s'en fçauoyent fi bien aider, qu'èftans
TPdffttèps trots a en tirer vne , l'vn la tenoit, l'autre pre-
Ar uoH noit vifee,ScTautre mettoit lefeu:&au refte,
foHuagtt parce qu'ils chargeoyertt & femrJHffoyent le
f**"'!^ canoniufques au bout, n'edft'efté qu'au lieu
Jj^"* *" de poudre fine, nous leur fiâiHiOns moitié de
charbon broyé,il eft certain qu'en danger de fe
tuer, tout fitft creué entre leurs mains. A quoy
i
i'adioufte

DE L'AMEÏIQ.VE. 201
i'adioufte qu'encores que du commencement,
qu'ils oyoyçc les fons de noftre artillerie, & les
coups d'harquebufes que nous" tirions, ils s'en
eftonnaffent aucunement: mefmes voyans fouuent,qu'aucuns
de nous, en leur prefence, abbatoyent
vn oyfeau de deflus vri arbre, ou vne
befte fauuage au milieu des champsrparce prin
«paiement qu ils ne voyoyent pasiortir ny en dtl
aller la balle,celales efbahift bien fort, tant y a Cano»/«n
neantmoins, qu'ayans cogneu l'artifice, & di- *Bturtnt
fans(comme il eft vray)qu'auec leurs arcs ils axifitUmçt.
^ôt^rjbûofttlelafché cinq ou fix flefches, qu'on
n aurT chargé & tiré vn coup d'harquebuze, ils
commençoyent de s'afleurer à l'encontre. Que
fi on dit la deffus: Voire, mais l'harqucbuze fait
bien plus, grand' faucee: ie refpon à cefte obiedion,que
quelques colets de buffles, voire cot
te de maille ou autres armes qu'on puifle auoir
(finon qu'elles fuflent àl'efpreuue)^ue nos fauuages,forts
& robuftes qu'ils font,tirent fi roi- fauuages
dément, qu'aufli bien tranfpercerontrils le ^
corps d'vn homme d'vn coup de flefche, qu'vn
autre fera d'vne harquebuzade. Mais parce que
il euft efté plus à propos de toucher ce poinét,
quand cy après ie parleray de leurs combats, à
J ^ J
fin d,e ne confondre les matières plus auant, ie *
vay mettre nos Tououpinambaoultt en campa- V^^JT*
gne pour marcher contre leurs ennemis. Utfa»ma-.
EST ANS doneques, par le moyen que vous gM } &
auez entendu, aflêmblez en nombre quelque fo»r

VittILtrJs
crteK ce».
tLufhurS.
Saunages
marcha»!
fans ordre,
ey toutesfois
fans
confufion.
loi H I S T O I R E
ton,farines & autres viures, fe trouuJft auec les
homracs,aprcs que les vieillard*,qui par le paffé
ont le plus tué & mangé d'ennemis, ont efté
créez chefs & conducteurs par les autres, tous
fous leurs conduites, fe mettent ainfi en chemin.
Ët combien qu'en marchant ils ne tiennent
ni rang ni ordre, fi eft-ce toutesfois que
s'ils vont par terre, outre que les plus vaillans
(ont toufiours la pointe, & qu'ils marchét tous
ferrez,encor eft-ce vne chofe prefques incroya
ble, de voir vne telle multitude, laquelle fans
marefchal de camp, ni autre'qui pour le gênerai
ordonne des logis, fe fait fi bien accommoder,que
fins confufion, au premier fignal vous
les verrez toufiours prefts à marcher.
Au furplus, tant au defloger de leur pars,
qu'au dep irtir de chacun lien où ils s'arreftent
t\ feiournent : afin d'aduertir 8c tenir les autres
en eeruelle,il.y en a toufiours quelquesVns.qui
auec des cornets, qu'ils nomment /««^M, de
Iniibij, la grofleur & longueur d'vne demie pique,
aeis cor- mais par le bout d'embas larges d'éuiron demi
ts.
pied comme vn Hautbois, fonnent au milieu
des troupes. Mefmes aucuns ont des fifres &
fifres ey n'eûtes faites des os des bras & des cuifTes de
feu tes fas­
ceux qui auparauant ont efté par eux tuez &
tes d'os hit
mangez, defquelles femblablement (pours'in­
tnams.
citer tant plus d'en faire autant à ceux contre
lefquels ils s'acheminent) ils ne ceffent de flage
-1er par les chemins.Que s'ils fe mettent par
e«u(cc qu'ils font foinjent) coftoyans toufiours
la terre,& ne fe iettans gueres auant en mer, ils
fe rengent dans leurs barques, qu'ils appellent

D E L A M E R I Q V E . 205
Yg*u * lesquelles faites chafeune d'vne feule ef- Ygatj iat corce d'arbre, qu'ils pcllent cxprelTément d
haut en bas pour ceft effecl, font neantmoins «.
fi grandes, que quarante ou cinquante perfonnes
peuuent tenir dans vne diceHcs. Ainfi vogans
todt debout à leur mode > auec vn auiron
plat par les deux bouts, lequel ils tiennent par
le milieu,ces barques(plates qu'elles font)n'enfonçans
pas dans l'eau plus auant que fer oit vn
ais.font fort aifees à conduire & à manier. Vrai
eft qu'elles ne fçauroyét endurer la mer vn peu t
haute & efmeue,raoins la tormente:mais quand
en temps de calme,nos fauuages vont en guerre,
vous en verrez quelquesfois plus de foixante
toutes d'vne flotte,leiquelles fe fuyuans près
à près vont fi vifte qu'on les^a incontinent perdues
de veue. Voila donc les armées terreftres
& nauales de nos Ttupinenquins aux champs &
en mer.
OR allans ainfi ordinairement vingt cinq ou
tréte lieues loingeercher leurs ennemis.quand
ils approchent de leur pays.voici les premières Premitr
rufes & ftratagemes de guerre dont ils vfent firatagepour
les attraper, i^es plus habiles Se plus vail- ""4tg*r
r e
lans, lailfans les autres auec les femmes à vne
îournee ou deux en arrière, eux approchans le q^a-mu plus fecrettement qu'ils peuuét pour s'erabuf-
3uer dans les bois,font fi affecriôncz à furprenre
leurs ennemis qu'ils demeureront ainfi tapis,
telle fois fera plus de vingtquatre heures.
Tellement que fi les autres (ont pnns au defpourueu,tout
ce qui fera empoigne', foit hommes,fcmmcs
oU enfans,non feulement feta em-
iiij.
" t t n l e s
m
Jà

204 H I S T O I R E
mené, mais auflî quand ils feront de retour en
leur pays tous feront aflommez, puis mis par
pièces fur le Bottc*nt8c finalement mangea. Et
leur font telles furprifes tant plus aifees à faire,
qu'outre que les villages (car de villes ils n'en
jfulle ville
defr ta ont point)ncferment pas,encoics n'ont-ils au^
la terre dit tre porte en leurs maifons ( longues cependant
pour la plufpart de quatre vingts à cent pas &
Longueur percées en plufieurs endroits)unon qu'ils met­
det manos
tent quelques branches de palmier,ou de celle
des fennagrande
herbe nomn.ce Ptndoyz\\ deuâtde leurs
huis. Bien eft vray, qu'à l'côtour de quelques
Villages villages frontiers des ennemis, les mieux a-
frontitrs guerhs plantct des paux de palmier de cinq ou
comment
fix pieds de haut :6c encores fur lesaduenues
fortifie*..
des chemins en tournoyans,ils fichent des cheuillcs
pointues à fleur dt tcrrettellcment que fi
les affaillâs penfent entrer de nuief, ( côme c'eft
leur couftume ) ceux de dedans qui feauent les
deftroits par où ils peuuent aller fans s'oflènfer,
fortans deflus, les rembarrent de telle fâ-
Çon, que,foit qu'ils veulent fuir ou combatre,
parce qu'ils fe piquent bien fort les pieds, il en,
demeure touuours quelques vns fur la place,
defquefs les autres font des carbonnades.
Q,y_E fi au refte les ennemis font aduertis 1.
vns des autresjlcs deux armées venans à fe rencontrer,
on ne pourroit croire combieolc côbat
eft cruel 6c terrible: dequoy ayât moy-meffjiarmottmc
eftéfpeâateur,ie puis parler à la vérité.Car
chefmruu- comme vn autre François & moy, en danger,
fe où tam- fi nous cuflîons efté prins ou tuez fur le champ,
tcur rjlost. d'eftre mangez des Margniaf, fufmes vne fois,

DE L' A M E R IQ.VF.I 2o5
par curiofité, «accompagner nos fauuages lors,
en nombre d'enuiron quatre mille hommes,en
vne efcarmouche qui {e fit (ur le riuage de la
mer, nous vifmes ces barbares côbattre de telle
furie, que gens forcenez & hors du fens ne
fçauroyentpis faire.
P R E M I È R E M E N T quâd nos Tououpinambaoults
d'enuiron demi quart de lieuë, eurent
apperceu leurs ennemis, ils fe prindrent à
hurler de telle façon, que non feulement ceux c
J ts
&
qui vont à la chaffe aux loups par de-çà,en cô- J£Z? S
paraifon, ne mènent point tant de bruit, mais ^ s reu auffi pour certain, l'air fendant de leurs cris Se noms.
de leurs voix,quand il euft tonné du ciel, nous
nel'euffionspasentendu.Et an furplus,à mefu- G t^ t i ^
re qu'ils approchoyent, redoublans leurs CriS, ccmtnanfonnans
de leurs cornets, & en eftendans les ces *» ap-
r o c h t t t
bras, fe menaçans & monftrans les vns aux au- p ^
très les os des prifonniers qui auoyént efté ma- lenntnu
'
gcz,voire les dents enfilées, dôt aucuns auoyét
plus de deux braffes pendues à leur col, c'eftoit
vn horreur de voir leurs contenances.
Mais au ioindre ce fut bien encor le pis: car fi
toft qu'ils furent à deux ou trois cens pas près MSflrtd*s
l'vn de l'autre,fe faluans à grands coups de fief- os & Jtn
ches,des le commericemêt de cefte efearmou- de pnfm-
$
che, vous eu euffiez veu vne infinité voler en
l'air auffi drues que mosifehes. Que fi quelques
vns en eftoyent attaints,çôme furent plufieurs,
m i
*
après qu'auec vn merueilleux courage ils les a- -fSHNp*.
uoyët arrachées de leurs corps,les rompans, & ^jf*"^
comme chiens enragez raordans les pièces à tnr*g$J
belles dents, ils ne laiffoyent pas pour cela de «msobat. W

106 H I S T O I R E
retourner tous naurez au combat. Sur quoy
faut noter que ces Ameriquains font (i acharnez
en leurs guerres que tant qu'ils peuuét remuer
bras & iambes, fans reculer ni tourner le
dos, ils combattent inceffamment.Finalemeqt
quand ils furent meflez,ce fut auec leurs efpees
5c maffues de bois, à grands coups, & à deux
mains, à fe charger de telle façon, que qui rencontroit
fur la telle de fon ennemi, il ne l'cnuoyoit
pas feulement par terre, mais l'affommoit,
comme font les bouchers les boeufs par
eça.
le ne touche point s'ils eftoyent bien ou
mal montez, car prefuppofant par ce que i'ay
dit ci-deffus que chacun fe reffouuiendra qu'ils
n'ont cheuaux ni autres montures en leur pays,
tous eftoyent & vont toufiours à beau pied
fans lance. Partant combien que pour mon efgard,
pendant que i'ay efté par de-là, i'aye fouuent
defiréque nos fauuages viffent desche-
-..^ uaux , encor lors plus qu 'auparauant fouhaitamTdtiis
toy-ie d'en auoir vn b6 entre les iambes. Et de
i pkd,qntl faict, ie croy que s'ils voyoyent vn de nos gen-.
èt tfimm darmes bien monté &armé auec lapiftoleau
^P"^ P°ingi faifant bondir & paffader fon cheual,
•Luc! qu'en voyant fortirlefeu d'vn cofté & la furie
de l'homme & du cheual de l'autre, ils penfe-
Hift.gcn. royent de pnme face que ce fuft Aygrum^ ç'eft
èet Ind.l. à dire,le diable en leur langage.Toutesfois a*e
" 4.ch.H3. propos quclqu'vn a eferit vne choie notable:
c'eft que combien OAi'Att*bslipdyce grand Roy
de Peru, qui de noftre temps fut fubiugué par
François Pizarre, n'euft iamais veu de cheuaux
au-

1.1
ao$ H I S T O I R E
~aoparauant,tant y a»quoy que te capitaine Efpagnol
qui premier l'alla trouuer , fift par gentillette
& pour donner esbahitTement aux Indiens,
toujours voltiger le fîen iufques à ce qu'il fuft
près la perfonne d''AttolwUpA, il fut fi aiTeuré
que encor qu'il fautaft vnpeu d'efcume du cheual
fur fon vifage, il ne monftra aucun ligne de
changement .* mais fit commandement de tuer
ceux qui s'en eftoyent fuis de deuant le cheual:
chofe ( dirl'hiftorien ) qui fit eftonner les ffens
& efmerueiller les noftres. Ainfi pour reprendre
mon propos.fi vous demandez maintenant,
Et toy & ton compagnon que faifiez vous durant
cefte efcarmouche ? Ne combatiez vous
pas auec les Tauuages.' ie refpon, pour n'en rien
' defguifer,qu'cn nous contentans d'auoir fait ce*
fte première folie de nous eftre ainfi hazardez
auec ces barbares, que nous tenans. à l'arrieregardc
nous auions feulement le pafietemps à iuger
des coups. Sur quoy cependant ie diray,
qu'encorcs que i'ay e fouuent veu de la gendarmerie
, tant de pied que de cheual, en ces pays
par deçà, que neantmoins ie n'ay iamais eu tant
de contentement en mon efprit,de voiries cora
pagnics de gens de pied auec leurs motion: dorez&armes
luifantes, quei'eu lors de plaifir à
voir combatre ces fauuages. Car outre le pafletemps
qu'il y auoit de les voir fauter, fifHer, &
fi dextrement & diligemment manier en rond

DE L'AMBRI CLV E. 209
voler en l'air parmi les rayons du foleil qui les
faifoit eftinceler-.mais auili tant de robbes,bonnets,
bracelets & autres bagages faits aufli d«
ces plumes naturelles & naifues, dont les fauuages
eftoyent vertus.
O R après que cefte efcarmouche eut duré
enuiron trois heures, & que d'vne part & d'autre
il y en eut beaucoup de bleffez & de demeurez
fur la placc,nos Touoitpinambaottlts, ayans finalement
eu la victoire, prindrent plus de trente
hommes & femmes .

iro
H i s t 01 r s
ditToyent.Pour-conclulîon quand nous fuîmes
arriuez à l'endroit de noftre ifle, mon compagnon
&moy nousfîfqies jpaflcr dans vne Jbarque
en noftre fort, & les fauuages s'en allèrent
en terre ferme chacun en fon village*
Cf. vendant quelques iours après qu'au
cims de nos To$tompin*mbaoM&s,qai auoycnt de
ces prifonniers en leurs raaifons,nous vindrent
voir en noftre fort, priez & folicitez qu'ils furent
par les truchemens que nous auions d'en
Pnftm- vendre à Villcgagnô, il y en eut vne partie qui
wtrsthe- fut par nousrecouffe d'eptae leurs mains.Toutesfois
ainfi que ie cogneu en achetant vne
' femme 8c\n (ien petit garçon qui n'auoitpas
deux ans, lefquels me^ouftcrent pour enuiron
trois francs de rnarchancîifes»c'cftoit aflez maugré
cux:car,difoit ecluy qui les me vendit, ie ne
fçay d'orefenauâc que c'en fera: car depuis que
<
P*7ce/^si etjft «fté mangé
es ToHomftnambétêmits , que de l'eflongner û
loin d'elle. Neantmoins (côme i'ay dit ailleurs)
enuiron

D E L'AMEITI Q_V B. au
enuiron quatre mois après que nous fufmes arriuez
en ce pays-la, d entre quarante ou cinquante
efclauesqui trauailloyent en noftre fort
(quVnous auions auflî achetez des fauuages
nos alliez) nous choififmes dix jeune* garçons,
lefquels ( dans les nauires qui rèuindrent) nous
enuoyafmes en France au Roy Henri fécond
lors régnant.
CHAP. XV-
Comment Us Ameriquains musent leursprtjon-
I mers prins en guerre : ç*r les cérémonies qu'ils objeruent
tant à les tuer qùk les manger*
,L refte maintenant de feauoir comme
les prifonniers prins en guerre
l font traitez au pays de leurs enne-
»rois. Incontinent doneques qu'ils
I j font arriuez, ils font non feulement nourris treku
des meilleures viâdes qu'on peut trouuer,mais mStiespri
I auffi on baille des femmes aux hommes (Se nô fimt*rs dt,
des maris aux femmes ) mefmes celuy qui aura ffr*.
vn prifonnter ne faifant point difficulté defoy
bailler fa fille ou fa fœur en mariage, celle qu'il
|retiendra,en lebien traitant, luy adminiftrera
boutes fes neceflitea; Etauuirplus.eombiéque
llans aucun terme prefix , ainsftlonj qu'ils co-
IgDoiftroat les hommes bons diafJèiirs ,ou bôs
|pefcheors*& les femme* propres i ftJre les iaf-
Idins, oui aller quérir des huitrès,ilTles gardée
..ii-L-..

tu H I S T O I R E
plus ou moins de temps, tant y a neantmoinjl
cju'apres les auoir ct|graiflez, côme pourceaux|
en l'auge,ils font finalement affommez 6c man.
gez auec les cérémonies fuyuantes.
AtbmiUt Premièrement après que tous les villages!
^WTTWM/^ alentour de celuy où fera le prifonnier auront!
fscre i» efté aduertis du iour de l'exécution, hommes,!
pnf«»»i*r h femmes 6c enfans y eftans arriuez de toutes!
a r t 5
^'"h'tît P
» c e
e r a a
^
danfer > hoire & caottsner toute]
îamatiriee. Mefme celuy qui n'ignore pas que
ftretojfx telle affembleefe faifant à ton occafion, il doit!
eftre dans peu d'heure aflommé, emplumaflel
qull fera, tant s'en faut qu'il en foit contrinc'J
qu'au contraire, fautant &beuuant ilferadeif
plus ioyeux. Or cependant après qu'auec les
autres il aura ainfi riblé & chanté fix ou fepd
heures durant, deux ou trois des plus eftime
de la troupe l'empoignans, & par le milieu dd
corps le lians auec des cordes de cotton, ou aui
très faites de l'efcorce d'vn arbre qu'ils appeW
lentÏHtr*, laquelle eft fcmblableàcelle duTil
de par-deçà, fans qu'il face aucune refiftancel
Prifinnkr combic qu'on luy laiffe les deux bras à deliurel
UiO'pour il fera ainfi quelque peu de tempspourmene'eif
mené entre trophée parmi le viUage.Mais penfez vous qud
t 1
"*' encores pour Cela(ainli que feroyent les crimij
nds par-deça ) il en baille la telle ? rien moin!
îaiionct car au contraire,auec vne audace 8c affeuranc
i
fm >y
]£ lt
incroyable 0
, fe vantant de (es proueffes paffei
il dira à ceux qui le tiennent lié.* I'ay moy-me
me vaillant que ie fuis, premièrement ainfi
& garrotté vos parensrpuis s'exakant toufioi
de plus en plus, auec les contenances de mefmd

D E L' A M « R i o_v E}.L «5
fc tournant de cofté & nr«Wtes freres:bref.adibuftera-ilLFay en generalytaht
mangé dlidmmes & de femmes,voire
dm enfàns de vous m\itxtsTowiMty$H*mb*ottlti,
lefquels i'ay prins en jjuerre.que ie b'en faurois
dire le nombre : & au refte ne doutez pas que
pour venger ma mort, \e% MttrgMiu de la natiô
dont ie fuis,n'cn mangent encores ci-apres autant
qu'ils en pourront attrapper.
Finalement après qu'il aura ainfi efté expofé, -
à la veue d'vn chacun, les deux fauuages qui le
I tiennent lié, s'cfloignans de lui, l'vn, àdextre Se
l'autre à feneftre,d'enuirph trois braffeSjtenans
I bien neantmoins chacun le bout de fa corde,
[laquelle eft de mefme longueur i tirent lors fi
fermement que le prifonnier, faifî comme i'ay
I dit, par le milieu du corps, eftant arrefté tout Prijommtt
| court, ne peut aller ne venir de cofté ni d'au- atr
*fl* t
»»^
tfe : là deflus on lui apporte des pierres & des
teéts de vieux pots caliez, ou de tons les deux qm m 9 U.
enfemble : puis les deux qui tiennent les cor- m,
des*de peur d'eftrebleffcz fe couurans chacun
I d'vne de ces rondelles faites de la peau du Ta-
|f«vij|/Mi,dont i'ay parlé ailleurs,lui difenr, Ven-
I ge-toi auant que mourir: tellement que.iettant
l& ruant fort afferme contre ceux qui font là à
Ifentour de lui aftèmble^quelquesTois en nomlire
de trois ou quatre mille perfonnes, ne de-
! mandez pas s'il y en a démarquez. Et de faiâ,
lyn iour que i'eftohf en vn village nommé S*-
lc yi
yj&W* * v n
prifonnier qui de cefte façon
leonna fi grand coup de pierre contre la lambc
T
R. j.

D E L ' A M E R I Q ^ V H . 215
dVneremraequeie penfois qu'il lui euft: rompue»
Or les pierres, St tout ce qu'en fe baillant
ilapeu ramafler auprès de foi, iufqàies aux motes
de terre eftans faillies, celui qui doit faire le
coup ne s'eftant point encorcs

2i6 H I S T O I R E
qu'encore* cjue ces nations barbares craignent
fort la mort naturelle,|neantmoins tels plafonniers
s'eftimans heureux de mourir ainfi publiquement
au milieu de leurs ennemis; ne s'en
fôucient nullement : i'alle^ueray ceft exemple.
M'eftant vn iour inopinément trouué en vn
village de la grande ifle.nommee PirdMt~iou,oii
il y auoit vne femme prifonniere toute prefte
d'eftre tuee de cefte fàçonten m'approchant de
elle & pour m'accommoder à fon langage, lui
, w {( difant qu'elle fe recommandait à ToMpun ( car
4fV*# r»î- Tçkfon entre eux ne veut pa*s dire Dieu,ains le
/«MM* tonnerre ) & qu'elle le priaft ainfi que ie lui enmtftnftnt
feignerois : pour toute refponfe hochant la te-
U mrri. & f c moquant de moi,dit:Quç me baillerastu,&
ie feray ainfi que tu dis ? A quoi lui répliquant:
Pauure miferable, il ne te faudra tantoft
plus rien en ce monde, & partant puis que tu
crois l'ame immortelle (ce qu'eux tous,comme
iediray au chapitre fuyuant, confèffent aufli)
j>enfe que c'eft qu'elle deuifdra après ta mort:
mais elle s'en riant derechef, fut aflommee&
mourut de cefte façon.
Ainfi pour continuer ce propos après ces
conteftations, & le plus fouuent pari ans encore»
l'vn à l'autre, celui qui eft li tout preft pour
faire ce maffacre, Ieuant lors fa maftue de bots
auec les deux mains, donne du rondeau qui eft
P*ifm»m au bout de fi grande force fur la tefte du pauure
rnép+rt* prifonnier, que tout ainfi que les bouchers af-
'TJSLlL wnunentlesbceorspar-deça, i'en ay veu qui
' l l i m i i r
du premier coup tomboyent tout roide mort,
{ans remuer puis après ne bras ne ïambe. Vray
eih

DB L'AMBRI Q_V E. 217
eft qu'cftans eftédus par terre à caufe des nerfs
Scàa fang qui fe retire, on les void vn peu formuler
Se trembler: mais quoi qu'il en foit, ceux
ui font l'exécution frappent ordinairement fi
roit fur le teft de la tefte > voiré fçauent fi bien
Î
choifir derrière l'oreille, que (fans qu'il en forte
gueres de fang ) pour leur ofterlarvieilsn'y
retournent pas deux fois. A ufli eft-ce la façon rsftn d*
déparier de ce pays-là, laquelle nos François p**!* dtt
auoyent ia en la bouche , qu'au lieu que les fol- m**^*'^ ts
dats Si autres qui querellent par-deça difent^^^ *
maintenant l'vn à l'autre,Ie te creueray.de dire
à celui auquel on en veut, le te cafferay la
tefte.
Or fi toft que le prifonnier aura efté ainfi
afTomraé,s'il auoit vne femme ( comme i'ay dit
qu'on en donne à quelques vus)elle fe mettant
auprès du corps fera quelque petit dueil : ie di ^""JJ^fc
nommément petit dued, car fuyuant vra^emet ^f^J^
ce qu'on dit que fait le Crocodile: affauoir que d» frtfmayant
tué vn homme il pleure auprès auant que «MT mort.
de le manger, auffi après que celte femme aura
fait fes tels quels regrets & ietté quelques feintes
larmes fur fon mari mort, fi elle peut ce fera
la première qui en mangera.Cela fait les autres
fennnesyâe principalement les vieilles(lefquelles
plus conuoiteufes de manger de la chair hu
maine que lesieunes, folicitent incefiamment
tous ceux qui ont des prifonniers de les faire Çy**"rt
vifteraent atnfidefpefcher ) fe pfefentans auec %£*^f
de l'eau chaude qu'elles ont toute prefte, frot- XLi*^
tent Se efchaudent de telle façon le corps mort mt >»

n8 H I S T O I R E
aufTi blâc que les cui/inicrs par deçà fçaurOYCt|
faire vn cochon de Iaict prcfl à roitir.
APRFS cela, celui duquel il eftoit prifon-l
nier auec d'autres, tels, &. autant qu'il lui plai-
Cerft du ra(prennns ce nonre corps le fendront & met».
foudunK loudainement en pieces,qu il n y a bou-|
ment m„ cher en ce p.iysici qnipuideplultoft defmcmp*r
fitca. brer vn mouton.Niais outre ccla(ô cruautcpluj
que prodig

DE L'AMBRIQJRK. ÏIQ
jours de telle viande:& en lefchans leurs doigts trHl\iISJc difent, TeuAton: c'eft à dire, il eft bon. Voila
donc, ainfique i'ay veu, comme les fauuages A- mi Ufihat
ineriquains font cuire la chair de leurs prifon- l
* STf'JJ*
h l , m M
niers prins en guerre: affauoir 2?0«c

izo H I A S T O I R E
roltir, que côme vn iour quelques miens com­
n
stwuâttspagnons
& moi en vn village faifiôs tourner v-
c 0 u
P ' c
d'Indc,auecjd'autres volailles,dâs vne
/« memuJi brochede bois,eux fe riarrs & moquas de nous
de nojin ne vonlurêt iamais croire, les voyâs ainfi inceff*fo*
Ai famine t remuer qu'elles peuffent cuire, iufques
reftir. ^ c e m ) C i' C Xp c rj c n c e i e u r monftra du côtraire.
R E P B E N A N T dôc mon propos,quand
la chair d'vn prifonnier, ou de plufieurs (car ils
en tuêt quelquesfois deux ou trojs en vn iour)
eft ainfi cuite, tous ceux qui ont affilie' à voir
faire le maffacre.eftans derechef refiouis à l'entour
des boucans, fur lefquels auec œillades &
regards furibonds, ils contemplét les pièces &
chatu» membres de leurs ennemisrquelque grâd qu'en
f»urft>t- fQ't j e n o r n D r C ) chacun, s'il eft pomble, auant
>
^ r* < | > " que fortir de là en aura fon morceau. Non pas
d» prifen- cependant,ainfi qu'on pourroit eftimer, qu'ils
**r. facent cela ayans efgard à la nourriture: car côbien
que tous confeffent cefte chair humaine
eftre-merueillcufement bonne cV délicate, tant
y a neantmoins , que plus par vengeance, que
pour le gouft(hormis ce que i'ay dit particulièrement
des vieilles femmes qui en font fi friandes)
leur principale intention eft, qu'en pourfuiuant
& rongeant ainfi les morts iufques aux
os,ils donnent par ce moyen crainte & efpouuantement
aux viuans. Et de fait,pour affouuir
leurs courages félons, tout ce qui fe peuttrouuer
es corps de tels prisôniers,depuis les extrémités
des orteils,iufques au ner.oreilles &fom
met de la teftceft entièrement mangé par eux:
i'excepre toutesfois la ceruclle à laquelle ils ne
touchent

DE L'AMERIQ^VF. 221
touchent poînt.Et au furplus nos Tououpinam- •Ft^l} „
baou Its referuâs lés tccts par môccaux en leurs ^ dmtt
villages, comme on voit par deçà les telles de dts prisSmorts
es cemetiercs, la premijfe chofe qu'ils
font quand les Fançois les vojtffvoir & vilîtcr,
c'eft qu'en recitât leur vaillance,& par trophée
leur môftrant ces tccts ainfi defeharnez, ils difent
qu'ils ferôt le mefme à tous leurs ennemis.
Semblablemét ils ferrent fort foigneufcmét,tât
les plus gros os des cuiffes & des bras,pour(côme
i'ay dit au chapitre precedét)faire des fifres
&des fleutes, que les dents, lefquelles ils arrachent
& enfilét en façon de patenoftres , & les
portent ainfi tortillées à l'entour de leurs cols/
**"p""-
L'hiftoire des Indes parlât de ceux di Mie de Hift.gen.
Zamba,d'n,
d e
qu'eux attachas aux portes de leurs ^" d
' r*
inaifons les telles de ceux qu'ils ont tuez & facrifiez,pour
plus grandes brauades en portent
auffi les dents pendues au col. ,
CMr A N T a celuy ou ceux qui ont commis
ces meurtres, reputans cela à grand'gloire &
honneur, des le mefme iour qu'ils auront faief
le coup, fe rctirans à part,ils fe feront non feulement
incifer iufques au fang, la poitrine, les
bras,les cuiiTes,le gros des iambes,& autres par
tics du corps : mais auffi à fin que cela paroifle
toute leur vie, ils frottent ces taillades de certaines
mixtions & pouldre noirequi ne fe peut
iamais effacer: tellement que tant plus qu'ils
font ainfi defehiquetez , tant plus cognoillon
qu'ils ont beaucoup tué de prifonniers, c\
par confequent font eftimez plus vaillanspai
les autres. Ce que, pour vous mieux faire entendrc.ic
vousay ici dcrcchcfreprcfcnté par la

DE L' A M E R I QJV E. 22$
figure du fauuagedefchiquete':aupres duquel il
y en a vn autre qui tire del'arc.
P o v R la fin de cefte tant eftrange tragédie
s'il aduient que les femmes qu'on auoit baillées
aux prifonniers demeurent grolfes d'eux, les
fauuages , qui ont tue les percs, allcgans que
tels enfans font prouenus de la feméce de leurs
ennemis (chofe horrible à ouyr, & encor plus à NtrrAU
voir ) mangeront les vns incontinct après S u
'-k^£^j£
feront naiz : ou félon que bon leur femblera a- .
liant que d'en venir là, il> les bifferont deuenir
vn peu gr.indets. Et ne fc dclccientpas feule-
mët ces b irb.ii es,plus qu'en toutes autres cho­
fes , d'exterminer ainfi", tant qu'il leur eft pof-
fîble.Ia race de ceux cotre lefquels ils ont guer­
re ( car les Atar^atat font le mefme traitement
aux Tououpmambaoulrs quand ils les tiennent)
mais auffi ils prennent vn fingulicr plaifir de „
voir qie les cftrangers.qui leur font âllicz,facêt
Icfemblablc.Tcllemct que quand ils nous pre-
fentoyent de cefte chair humaine de leurs pri­
fonniers pour manger, fi nous en faifions refus
f comme moy & beaucoup d'autres des noftres
ne nous cftans point, Dieu merci, oubliez iuf-
qucs-la, auons toufiours fait ) il leur fembloit
par cela que nous ne leur fuffions pas affez
loyaux. Sur quoy, à mon grand regret, ie fuis
contraint de réciter icy.que quelques Truche-
mens de Normâdie, qui auoyét demeuré huitS Trucj, em^
ou neufans en cepays-la, pour s'accommoder de Normi
à eux, menans vne vicd'Athciftcs, ne fe pol- die menât
luoyent pas feulement en toutes fortes de pail- """ *"^4-
ardifes &c vilainies parmi les femmes & les fil-
es, dot vn entre autres de mon temps auoit vn
, h a
^ e
-

«4 H I S T O I R E
garço aagé d'enuirô trois animais auflî,furpaffans
les fauuages en inhumanité, i'en ay ouy qui
fe vâtoyent d'auoir tué & mâgé des prifonniers.
AIN SI, continuantà delcrirc la cruauté de
nos Touoitpinambaoults enuers leurs ennemis:
aduint pendant que nous eftions par delà, que
eux s'eftans aduifez qu'il y auoit vn village en la
grande Ifle, dont i'ay parlé cy deuant, lequel eftoit
habité de certains MargéÙM leurs ennemis,
qui neantmoins s'eftoyent pendus à eux,
dés que leur guerre cômença.afTauoir il y auoit
déslors enuiron vingt ans:côbien di-ie que depuis
cetcps-la ils les euflent toufiours laiflez viure
en paix parmi eux: tic y a neâtmoins qu'vn
iour en beuuant& Ç*omnantf s'accourageans
l'vn l'autrc,& allegaus, comme i'ay tantoit dit,
'utfoUtio que c'eftoyent ges iflus de leurs ennemis mord\n
nlU tels, ils dclibererét de-tout faccager.Et de fait,
X e
f c
*& e
s'eftant mis vne nuief à la pratique de leur re-
*ui?tl folution,prcnans ces pauures gens au defpourueu,
ils en firct vn tel carnage & vne telle boucherie,
que c'eftoit vne pitié la nomparcille de
les ouyr crier. Plufieurs de nos François en eftans
aduertis. enuiron minuict, partirent bien
^ armez, & s'en allèrent dis vne barque en grande
diligence contre ce village,qui n'eftoit qu'à
quatre ou cinq lieues de naître fort. Mais auât
qu'ils y fuffent arriuez, nos fauuages, enragez
& acharnez après la proye.ayans mis le feu aux
maifons pour faire fortir les perfonnes, en auoyent
iatant tuez, que c'eftoit prefque fait.
Mefmes i'ouy affermer à quelques vns des noftres,
eftans de retour.que non feulement ils a-
. uoyent,

DE L ' A M E R I Q_V E. 125
uoyent veus en pièces & en carbonnades plufieurs
hommes & femmes fur les Boucartx > MAIS *xtrrme
qu 'auffi les petits enfans à la mammelle y furent ********
roftis tous entiers. Il y en eut neâtmoins quelque
petit nombre des grans, qui s'eftans icttez
en mer, & en faueur des ténèbres de la nuict.
fauuef à nage,fe vindrent rendre à nous en noftre
Ifle:dequoy cependant nos fauuages, quelques
iours après eftans aduertis, grondans entre
leurs dents de ce que nous les retenions,n'en
eftoyent pas contens. Toutesfois après qu'ils
furent appaifez par quelque marchandife qu'on
leur donna,moitié de force & moitié de gré, ils
les biffèrent efclaues à Villegagnon.
V N F. autresfois que quatre on cinq François
& moy eftions en vn village de la mefme grande
Ifle,nommee Piramiou ou il y auoit vn prifonnier
beau & puiffant ieune homme enferré
de quelques fers que nos fauuages auoyent recouuré
des Chreftiens, luy s'accoftant de nous,
nous dit en langage Portugalois ( car deux de
noftre compagnie parlans bon Efpagnol l'entendirent
bien)qu'il auoit efté en Portugahqu'il
eftoit Chriftiané : auoit efté baptizé, & fe nommoit
Antoni. Partant quoy qu'il fuft Mat- Margai*
gâta de nation, ayant toutefois par cefte fre- ttpifZj*»
F E R
quentation en autre pays aucunement defpouil- J * N ^ R
lé fon barbarifme, il nous fit entendre qu il euft ^
bien voulu eftre deliuré d'entre les mains de fes vubfmts
ennemis. Parquoy outre noftre deuoir, d'en re- fiumtr.
tirer autant que nous pouuions, ayans encor par
ces mots de Chriftiané & d'Antoni efté plus cfmeus
de compaffiô en fon endroit,l'vn de ceux

n6 H I S T O I R E
de noftre compagne qui cnteudoit Efpagnol,
fcrrurier de fon eltart luy dit cj des le lêdemain
il luy apporterait vnd lune pour limer fes fers:
& partant qu'incontinent qu'il (eroit à dciiure,
n'cftant point autrement tenu de court, pendit
que nous amuferions les autres de paroles , il
s'allafl cacher fur le riuagc de la mer, dans certains
bofeages que nous luy nionftrafrnes : cfqucls
en nous en rctournans nous ne faudrions
point de l'aller quérir dans nuftrf barquemicfmes
luy difmcs, que fi nous le pouuions teiv.r
en noltrc fort nous accorderions bié auec ceux
dcfquels il eftoit prifonnier. L.e pauure homme
bien ioyeux dd moyen que nous luy prelentionsennous
remerciant promit de faire tout
ainfi que nous luy auions confcillé. Mais la canaille
de fauuages, quoy qu'elle n'euft point cri
tendu ce colloque,fe doutât bien neantmoins q
nous le leur vouliôs cnlcucr d'entre les mains^
dés que nous fufnies fortis de leur village.ayjns
en diligence feulement appelé leurs plus prochains
voifins,pour cftrc IpcctJteurs de la mon
deleur prifonnier, il fut incontinent par cm
aflomme. Tellement que dés le lendemain
qu'auec la lime, feignans d'.iller quérir des tari
ncs & autres viurcs , nous hifmcs retournez ei
ce village,comme nous demandions aux fauua
ges du lici ou cltoit le prifonnier que nous3
uions veu le iour prccedent,il y en eut qui non
rnenerent en vne niaifon , où nous vifmcs 1<
pièces du corps du pauure Antoni fur le Boi,
cari : melinc^ parce qu'ils cognurent bien qui
nous auovcnt trompez, en nous monftrant
tett

DE L*A M E R I Q_V F. 217
tcftc, ils en firent vne grande rifee.
Semblablement nos fauuages ayans vn iourp^xPar
furpris deux Portugallois, dans vne petite mai- tugauprU
founette de terre, où ils eftoyent dans les bois,
& ma
g'*-
r n 0 i
près de leur fort appelé Aiorpton^nov qu'ils Çc f f' lm
.
defendiffent vaillamment depuis le matin iuf-
ques au foir, mefmes qu'après que leur munition
d'harquebufes Se traits d'arbaleftes furent
faillis, ils fortilfent auec chacun vne efpee à
deux mains, dequoy ils firent vn tel cfchcc fur
les affaillans, que beaucoup furent tuez de d'autres
bleflét: tant y a neantmoins que les fauuages
s'opiniaftrans de plus en plus , auec refolution
de fe faire pluftoft ous hacher en pièces
que de fe retirer fans vaincre , ils prindrent en
hn , & emmenèrent prifonnids les deux Portugais
: de la defpouille dcfquels vn fauuage me
vendit quelques habits de buffles .- comme aufli
vn de nos Truchemens en eut vn plat d'argent
qu'ils auoyent pillé, auec d'autres chofes, dans
la maifon qui fut forcée, lequel,eux en ignorans
la valeur, ne luy confia que deux coufteaux.
Ainfi eftans de retour en leurs villages, après
que par ignominie ils curent arrache la barbe à
ces deux Portugais , ils les firent non feulement
cruellement mourir, mais aufli par
pauures gens ainfi affligez, fefatans la douleur
s'en plaignoyent,les fauuages fe fooquans d'eux
leur difoyent,Et cornent.'' fera-il ainfiique vous
vous foyez fi brauement defendus,& que maintenant
qu'il falloit mourir auec honneur , vous
monftriez que vous n'auez pas tant de courage
que des femmes ? Se de celte façon furent tuez
u a
&''

8c manges eletr mode.,
11 pourroia encore amener quelques autret
fembiablee exemples, touchent la crainte" des
fauuages eouert leurà enflemis,n'cftoit qu'il me
fembie que ce que i'en *j die eft asfca pour faireauoir
horreur» ftdremr à chacun lea che>
ueux en la tefte. Ncttmoimxfaqueceux qui
liront cet chofiw tant horribles, exercées iournellemanc
entre cet nadona barberee de k ter*
fe fait par deçà parmi nouait diray en premier
m_t_ lieu fur ceftt matiere,q««4i9» coofidere i bon
t n r C €
V^HL *^ I* 9 o 6 t o
^
o i
f 0
* *l«»'*«rt(fo

• PI xV&atMHULt 1. '"
i U Franc* quoi ? Ue fuis François & me ^ m p t r^
fifche de le dire ) durant U fàngUnte tragédie/,« i, u
qui commença i Paria le s^-d'Aouft 157^ don* trmmti
U n'accule point cens qui n'en font- paa caufei
entreautres aâes horribles à raconter*qui fe *£££ m^
Derpeercreat lors par tout le Royaume,!* graif- m <
w dm corps humalaataui d'vne façon plus barbare
& cruelle que celle des âauitaget» furent
maâacNi dans Lyon, apraa eftre retire* de la ri
uiere cfeStoM ) ne fut-elle papubliquetnent
vendus mi plus offrant «Y deraier cacheriftèurl' ,
Les foy ai ockurtyAt autres partie» des corps de
quclqucrvsM ne furent-ils pas maofm par les
torieu*,metjrtriert,4oiu les enfers ont horreur?
SembltMenJettt après qu'vn nommé Cceur de
Roy, nuiant proraalo« de la Religion reformée
dans la ville d'Auxerre,fut miferablement
maffacré, ceux qui commirent ce meurtre, ne
defcouperent-Ui pas fon ccaur en pièces , l'cxpoferent
en vente à 4eihainws»«

116 HIST-OIR!*
JUfXPbttrMtth
nAcbaby&Nerwn,
Herwâts astffv \
TJeslre bariarte
Eïlenftueke
Parce ftùcl ici.
Parquoi qu'on n abhorre plus tant déformais
la cruauté des fauuages Anthropophages, c'eft
à dire,mangeu» d'hommes:car puis qu'il y en a
de tels, voire d'autant plus detcftablesor pires
au milieu de noua» qu'eux qui, comme 11 a efté
veu, ne fe ruent que fur (égarions lesquelles
leur font ennemies, & ceux- ci fe font plongez
au fang de leurs parens, voifins & compatriotes,il
ne faut pas aller fi loin qu'en leur pays, ni
qu'eu l'Amérique pour voir chofes fi monftrueufes
& prodfgieufes.
CHAP. XVI,
£e tptvt peut appeler rtligien entre Ittfauuaget
Amtruptdms: des erreurs, e» certamr abufevrs
eut e99tr eux, nvxsHtfX Caraïbes, les dette»nent:&
de U grande ignorance d*Die*eu Us/int j
OMIISN que ceftefentencede|
Ciceron, auauotr qu'il n'y a peuple I
rfibrutal, ni nation fi barbate A fiu.
uage, qui n'ait lentimcnt qu'il y «"j
quelque

Î>8 L'AMBRtCiVE. zji
QUELQUE DIUINITÉ/OIT RECEUE & TENUE D'VN cha­
CUN pour VNE MAXIME INDUBITABLE : TANT Y A
NEANTMOINS QUE QUAND IE CÔFIDERE DE PRÈS nos
ToMomp$Mdmi>4*ults DE L'A MERIQUT* • IE ME* TROU- 'Tououp'I
ue AUCUNEMENT EMPEFCHÉ TOUCHANT L'APPLICA- "^^z*
TION D'ICELLE EN LEUR ENDROIT. CAR EN PREMIER * % ^
lieu, OUTRE QU'ILS N'ONT NULLE COGRIOIFLANCE du Us fimx
FEUJL & VRAY DIEO,TFNCOR EN FONT-ILS là,que,non- d***.
OBFTANT UCOUFTUME DE TOUS LES ANCIENS PAYENS*
LEFQUELS ONT EU LA PLURALITÉ DES DIEUX : 8t ce que
FONT ENCORES LES IDOLÂTRES D'AUIOURD'huy, MEF- »
MES LES INDIENS DU PET U, TERRE CONTINENTE à LA
LEUR ENUIRON CINQ CENS LIEUES AU DEÇÀ' ( LEFQUELS
FACRIFIENT AU SOLEIL & à LA LUNE ) ILS NE CONFEF-
FENT, NI N'ADORENT AUCUNS DIEUX celeftes ni TERreftres:
8c PAR CONFEQUENT N'AYANTS AUCUN FOR­
MULAIRE, NI LIEU DÉPUTÉ POUR s'AFFÔMBLER* afin
de FAIRE QUELQUE FERUICE ORDINAIRE,ils ne PRIENT
par FORME DE RELIGION, NI EN PUBLIC ni en PARTI­
CULIER CHOFE QUELLE QU'ELLE FQIT

*J2 Hl|TO|,|'I
N'eft-ce pas merueillequç ceftai-ci quinteuft
feeu dire hier vn mot en noftre langue, en vertu
de cc ;papier qu'il tiéjt, &£ qui le fait ainfi parler,
foie maintenant entendu de nous r Qui eft
la mefme opinion que le* (àuuages de FIfle Ef-
[ >agnoie auoycnt des Efpa'gnoïs qui y furent
es premiers,: car celui qui en a eferit l'hiûoire
34- . dit ainfi» Les Indiens cogncittfrnaque les Efpagtlols.fana
fe voir ni pajjcjri'vn à l'autre, ains
fculemço* en cnuoyaiu; djeSiAçtcres de lieu en
lieu «'entédoyen*4c.cefteJ§|go;n, croyoyent ou
qu'ils auoyent Fefprtt defjVpeetic, ou que les
nyuSuesparloyent ; DernawerjC» dit-Ut que les
fauuages craigpans d'efire de&tmucrts de furprins
en fauc^fiurcutpar ce moyen & bien rete-
- nus en leur deupù\qu'ils o'afoyent plus mentir
ni deirober les fiipagnolc.
Parquoi ie dique, qui voudrait ici applifier
cefte matière, il feprefente vn beau finet, tant
pour louer £ç exalter l'an d'cfxriture, que pour
- ' monftrcr combien les nations qui habitent ces
trois parties du monde, £ufope, Afie,6r AfrisfirUmr*
q Ue, ont dequoi ]ouerpi«u par dcâvc lesfautxemlft
ii uagçs d«ciascr nos fecrets
\ ceux cju'4 nc^s pW^
fines iuiquna^bput dVt*oude.AJnit outre les
r«encea^onous apprenoaa par lea liurc*,de(qncltleslMraagea
font femblablcmentdu tout I
defti-

' D B L'tArMTB^lt 1CL.V B. IjJ
deftituez > encore cefte inuéntion d'efcrire que
nous auons,dont ils font aufli entièrement priuez,dqit
eftre mife auj-ang des dons firrguliers,
que Iea1i5mes .de par-deça onr*receu de Dieu.
Pour don ques retourner à nos Touottpirtam-
£40N&s,quand en deuifant auec eux, êc que cela
venoit à propos» nous leur difions, que nous
crofyons en vn feul & fouuerain Dieu , Créateur
du monde, lequel comme il a fait le ciel &
la terre, auec toutes les choies qui y font contenues,
gouuerne & difpofe aufli du tout comme
il loi plafft r eux, di-ie, nous oyans récifer
ceft articlcten fe regardans-Pvn l'autre» vfans de;
cefte interiection d'esbahiflemeot ,Ttb! qui £'***i0&-'
leur eft coufturbiere,deuenoyet tous eft on nez.
Et parce auflùcomme ie diray plus au long.que
quand ils entendent le tonnerre, qu'ils nôment Uri»yyai
Toufén , ils font grandement effrayez : fi nous
accorrimodans à leur rudefTe;preniôs de là par-
Tou
P*^»
ticulieremêt occafion de leur dire* que c'eftoit UM

1J4 HI 5 T «VI si B
ce que i'ay cogrru leur réfter encor de lumière,
au milieu des cfpeflcs.tenebre« d'ignorance où
ils font detenusje di, jsn premier lieu, que non
e a e m c n t
Amtn- ^ ^ il* croient l'iminotteUtédesamès,
m a U i
rrt
auU
*» il» tiennent rermement qu'après la
^mt /W mort des corps,celles de ceux qui ont vertueummtdàé
femcnt vcfcu,c'eft à dire, félon eux, qui fe font
ititmti. bien vengea, & ont beaucoup mangé deleurs
ennemis, s'en vont, derrière leflrtUtesm^>otagnes
où elles danfent dans de beaux iardins auec
celles de leurs grands pères ( ce font les
champs Elyfîens des Poëtes)&au\ontraire que
celles des effcminex & gens de neaJ t, qui n ont
, tenu conte de défendre la patrie , vont auec
i/iyguin, ainfi nomment-ilrf le d iableenlcur
*
• langage, auec lequd,difent-ils,elles font incef
famroent tormentees. Sur quoi faut noter, que
ces pauures gens durant leur vie font aufli tellement
affliges de ce malin efprit (lequel autrement
ils nomment KoagerreJ que/comme i'ay
veu plufieurs fois, mefme ainfi qu/ils parloyent
à nous.fefentans tormentea,& crjjans tout fou-
Jtrw^ a n
'
c o m m c
cnragex,ils difoyentJHelas defenlm,UTm*n
dez-nous i AygntxnttxÀ nous bat: voire difoyent
$m*t Ut qu'ils le voyoyent vifibleraent, tantpft en guife
de befte ou d'oifeau.ofjd'autre forme effrange.
Et parce qu'ils s'efmerueilloyent bien fort de
voir que nous n'en eft ions poirJta&illis,quaneaucou«-plus
foxx^iiAjffum, gardoit qu'il né noué potwoit
jnolefter ni mal faire: il eft aduenu quelques
ibis

lj'f> • Hl S T O I R B
fois, qu'eux fe fcrtuns prenez, promettoyent
d'y croise comme nous : mais fuyuant le proucrbe
qui dit, que le Ranger pafléon fe moque
du fainét, fi toit qu'ils eftoyent deliurez, Us ne
fe fouuenoyct plus de leurspromeffes. Cependant
pour monftrer que Ce qu'ils endurét n'eft
pas ieu d'enfant, comme on dit, ie leur ay fouuent
veu tellement appréhender cefte furie infernale,
que quand ils fc reiTouuiennent de ce
qu'ils auoyct fouffert le pa/fé,frapans des mains
fur leurs cuiffes, voire de deûrefïe la fueur leur
venant au front en fe complaignans à moy, ou
à autre de noftre compagnie,ils difoyent, Af,«»r
Atou- ajfap,Acetfuei*y Aygnan Atompaui : c'eft à
dire,François mon ami,ou mon parfait allie', ie
crain le diable, ou l'efprit malin,plus que toute
autre chofe. Que fi au contraire celuy des noftres
auquel ils s'adreffoyent leur difoit, Placetjueiey
Aygnan, .c'eft à dire, te ne le crain point
moy: dcplorans lors leur Condition,ils refpondoyent,Helas
que nous{étions heureux fi nous
eftions preferuez côme vous autres! Il faudroit
croire 8c vous affeurer, comme nous faifons,
en celuy qui eft plus fort & plus puiftànt que
luy, répliquions nous : mais, comme i'ay ia dit,
combien que quelques fois voyansle mal prochain,
ou ia aduenUfils proteftaffent d'ainli le
faire, tout cela puis après s'efuanouiffoit de
leur cerneau.
O R auant que paffer plus ontre, i'adioufteray
fur le propos que i'ay touché' de nos Brefiliens
Ameriquains, qui croyent l'tme iramortelle.que
l'hiftorien des Indes Occidctales dit,
que

D E L'AMIRIQ.ÏI. 237
que non feulement les fauuages de la ville de
C»^o»principale au Peru,& ceux des enuirons
conrcflcnt femblablement l'immortalité des ames»
mais qui plus eft ( nonobftant la maxime
laquelle a efté aufli toufiours communément
tenue par les Théologies : aflauoir que tous les
Philofophes,Payens & autres Gentils Se barba
res auoyent ignoré & nié la refurreâion de la
chair) qu'ils croyent encor la refurreâion des S 4 u n ag l t
corps. Se voici l'exemple qu'il en allègue. Les 4» Pcr»
Indiens,dit-il,voyans que les Efpagnolsen ou- croyent U
urant les fepulchres, pour auoir l'or Se les ri- t
^fr*r*^ u
*
chefles qui eftoyent dedans, icttoyent les ofle- jj u^*T^
mens des morts ça & là, les prioyent qu'à fin

138' H I S T O I R E
croire, voire d'vne façon encore plus eftrange
&beftiale qu'eux,qu il n'y a point deDieu,q
pour le moins en premier lieu Us leur apprennent
qu'il y a jes diables pour tourméter,mefrne
en ce môde,ceux qui nient Dieu & fa puifiance.
Que s'ils répliquent làdeffus ce qu'aucuns
d'eux ont voulu maintenir.quc n'y ayant
autres diables que les mauuaifesafreâions des
hommes, c'eft vne folle opinion que ces fauuages
ont des chofes qui ne font point : ie refpon
que fi on confidere ce que /ay dit, & qui eft
tref-vray, affauoir que les Ameriquains font
extrememét.vifiblement & acf uellementtourmontez
des malins efprits,qu'il fera aifé àiuger
combien mail propos cela eft attribué aux affections
humaines : car quelques violentes que
elles puilfent eftre, cornent affligeroyent-elles
les hommes de cefte façon ? le laiffe à parler de
l'expérience qu'on voit par de-çà de ces chofes:côme
aufli,n'eftoit que ie ietteroyeles perles
deuât les pourceaux que ie rembarre à prefent,
ie pourrois alléguer ce qui eft dit en l'fiuangile
de tant de démoniaques qui ont efté
guéris par le Fils de Dieu.
S E C O N D E M E N T parce que ces Athées
nians tous principes, font du tout indignes
3a'oti leur allègue ce que les Jjsfcritures fainétes
ifent fi magnifiquement de l'immortalité des
ame$,ic leur prcfuppbferày encores nospoures
Brefiliens: lefquels en leur aueuglrffement leur
enfeigneront qu'il y a non feulement en l'home
vn esprit qui ne meurt point auec le corps,
mais aufli qu'eftant feparé d'iceluy, il eft fuiet à
félicité

•"—"''T—-"~npf|
DB L'AMBRÏQJVE. *39
fyfcité on infelicité perpétuelle
£ -r pour le troifieme, touchant la refurreâion
de la chair.d'autant auflî que ces chiens fe
font accroire, quad le corps eft mort qu'il n'en
releuera iamais, ieleur oppofe àcelaleslndiés
du Peru : lefquels au milieu de leur faufle religion,
voire n ayans prefques autre cognoiflance
que le fentiment de nature, en deimentans
ces exécrables fe leueront en iugement contre
eux. Mats parce,comme i'ay dit,qu'eftans pires
que les diables mefmes,lefquels corne dit fain&,
laques, croyent qu'il y a vn Dieu & en trem^ Iaq. %. 19.
bien t, le leur fais encor trop d'honneur de leur
bailler ces barbares pour docteurs : fans plus
parler pour le prefent de tels abominables, ie
les renuoye tout droit en enfer,on ils fentiront
les fruicts de leurs monftrueufes erreurs. !
AINSI pour retourner à mon principal fu- |
ieét, qui eft de pourfuiure ce qu'an peut appeler
Religion entre les fauuages dé l'Amérique:
iedien premier lieu fi on examine de près ce
3ue i'en ay ia touché, aflauoir, qu'au lieu qu'ils !
efireroyét bien de demeurer en reposais font !
neantmoins contraints quand ils entendent le I
tonnerre de trembler, fous vne puiflance à laquelle
ils ne peuuent refifter: qu'on pourra re- 1
cueillir de là,que non feulement la fentence de J
Ciceron que i'ay alléguée du comtnencement,
contenant qu'il n'y a peuple qui n'ait fentimét )
qu'il y a quelque diuinité, eft vérifié en eux, !
mais qu'aufli cefte crainte qu'ils ont de celuy 1
u'ils ne veulent point cognoiftre, les rendra
Qu toutinexcu&bles. Et de fàid, quâd il eft die

F S4fl.14.17 par l'Apoftre , que nonbbftent que Dku es
temps iadis ait laiffé tous Ici Gentil* -cheminer
en leurs voyes que cependant en bien faifant à
tous * & eu enuoyanttt pluye du ciel & les fàifons
fertiles^ ne s'eftienuislaiffé fans tefinoignagercdnm.onftFeaû'ee
quand les hommes ne
cognoilfem paekuir eftaaeur, que cela procède
1 deleurfflaUce^m^.ajdfi, pour lerconuain-
1
cre davantage , il en dit ailleurs, que ce qui eft
jiam.nê. inuifiMe en Dtjeu fe voie par la création du
monde.
P A R T A N T quoyqde nos Ameriquains
k
ne le confêffent de bouche, tant y a neâtmoins
qu'eftans conutîncuseneux-mcfmes qu'il y a
quelque diuinké > ie conclu que comme ils ne
• feront excofèe, suffi ne pourront-ils prétendre
ignorance. Mais outre ce que i'ay dit touchant
l'immortalité de l'ame qu'ils croyent:le tonnerre
dont ils font efpouttantez, & les diables &
cfprits malins qui les frappent & tourmentent
( qui font trois èoincts qu'il faut premièrement
noter) iemonirreray encor en quatrième lieu,
nonobftant les obfcures ténèbres où ils font
plongez, comme cefte femence de religion ( fi
toutefois ce qu'ils font mérite ce titre ) bourgeonne
Se ne peut eftreeftcinte en eux.
P o v R donc entrer plus auant en matière,
Guraibes, il faut fçauoir qu'ils ont entre eux certaine faux
•^**f r
** Prophètes qu'ils nomment C*ràtk*s, lefquels
r"* 4
*' allans & venant de village en village, comme
les porteurs de Rogatons en la Papauté , leur
font accroire-cjue communiquans auec les efpritsils
peuùent non feulement par ce moyen
donner

P s L ' A M I *. t
donner forcé à qui il leurpiaift,j pour vaincre
&furmontetles enncmis,quandojn vaila guerre
, mail auffi que ce font eux quji font croiftre
les grbfïèsracines & les fruiéts, tels quei'aV dit
ailleurs Que cefte terre dulfyefll les produit.
Dauantage, ainfi que i'ay entendu-des.truchemens
de Normandie, qui aUoyejntlongtemps
demeuré en ce pays-la, nos 7*ft^JJ*«atf
ayans'cefte couftumè que de trots en troir^ûu
de quatre en quatre ans Hs sWeropient en grande
folénhité,pôur m'y eftre trouée', (ans yjit&j
ne vn autre j 0
?'* 1
fer ( comme venis entendrez) Vcfiçi ce quéfen
puis dire à la vérité. Comme aone vn autre m m t H m f t "'
François nommé laques Roùffeau, & moy à- dt /J rï»rL lttmtc»r
uec vn truchement allions parpa^s, ayans cou- dtfiitmté
ché vne nuiét en vh vftfcgc nomme QotiuÀ,, le à** f**»*
lendemain de grand matin , que noua penfions S"paiTer
ontre^nous vifmes en premier lieu les fauuages
des 11 eux proches qui y arruioyêt de toutes
parts : auec lefquels ceux de ce! village fortâs
de leurs maifons feioigrfirent & lurent incontinent
en vne grande place affemplez ennorodre
de cinq ou fix cens.Parquoy Aoùs arreftans
pourfanotr à quelle fin cette aflebblee fe f*ifoit,ainfi
que noasnous entretenions, nous les -
vifmes foudain foparer ch trois bàndes:afîauoir
tous les hommes en vne maifooà part, les femmes
en vne autre, & les enfans de mefme. Èt-
' parce que ie vis dix ou douze de ces meilleurs
les Céraièer qai s'eftoyent rangea aues les hqra
mes , me doutant bien qu'ils fenjiyent quelque
chofe d'extraordinaire, ie priay inftamment
mes compagnons que nous demeuriffions là

i**, . «ïsiouïi; . ;
pour voir ce myftere, ce qui me fût accordé*
Aiufi après que les CàVâiht* auant quf ,départir
d'auecîes femmes &cnAns, leur eurentcftroitcraent
défendu de ne fortir des maifons ou ils
eftoyent,ains que de là ils efcouftaffent attend -
uémcnt quand ils les orroyent chanter : nous
ayans aufli commandé de nous tenir clos dans
le logis où eftoyent les femmes, ainfi que nous
defieunions, fans fcauoir encor ce qù ils voufoyentfaire,
nouacommençafmes d ouir en la
maifon où eftoyent les hommes ( laquelle n'eftoit
pas à trente pas de celle'où nous citions )
vn bruit fort bat» comme vous diriez le murmure
de ceux qui barbotent leurs heures : ce
qu'entendant les femmes » lefquelles eftoyent
en nombre d'enuiron deux cents, toutes fe leuans
debout»en preftant l'oreille fe ferrèrent en
vn monceau.Mais après que les hommes peu s
peu eurent efléuéleur voix, & que fort diftinâement
nous les entcndifmes chanter tous enfemble,&
repeter fouuent cefte interieôion
chd»trrr* d'accouragement, Ht > be, ht, be, nous fuîmes
gftifmmtu- tous ctbahia que lea femmes de leur cofté leur
F'- refpondans & auec vne voix tremblante » reite-
„ rantcefte mefme interieâion
a c
&pri«>4rent "« r
de telle façon, l'efpace de
nJcti^jhi plu* d'vn quart d'heure,que nous les regardans
gaiuftm ne (çauions quelle contenance tenir. Et defâift
mu /«*•« parce que non feulement elle» hurloyent ainfi,
V- mais qu'auffi auec cela/autans en ; l'air de grande
violence faifoyent branler leurs mammelles
& efeumoyent par la bouche, voire aucunes
(comme ceux qui ont le haut mal par-deça)
tom

144 M t » t o i R B
demeuroyent en ce village , auquel î'auois efté
quatre ou cinq fois auparauant, moitié de force
& moitié de gré ie mjc hazarday defortir.Me
approchant doncqùes du lieu où i'oyois cefte
chantrérie > Comme ainfi foit que les maifons
M*if>màes fauuages foyent fort longues, Se de façon
dts fdum*- rondes ( comme vous diriez les treilles des iargts
d*j**l dfns par-deçà) couuef tes d'herbes qu'elles font
itftfofr*' iufqués contre terres afin de mieux voir à mon
'"' plaifir ie fis auec le» mains vn petit peftuis en la
côuucrture. Ainfi faifant de là ligne du doigt
aux deu x franco» qui nie regardoy ent, eux à
mon exemple, s'eftans enhardis 8c approchez
fans empcfchementrrî difficulté , nous entrafmes
tous trois dans cette maifon. Voyans donc
-que les fauuages (comme le truchement eftimolt)
ne s'effarouchoyent point de nous, ains
au contraire , tenait* leur rang 8c leur ordre
d Vne façon admir*ble,côtiriuoyent le*urs chanfons,
en nous retirant tout bellement en vn
coin,nous les contemplafme* tout noftre faouh
Mais fuiuant ce que i'ay promis ci-dcffus,quand
* i'ay parlé de leurs,danfes en leurs beuueries &
catiânAgfyaue le dirois auffi l'autre f?çon qu'ils
ont de damer ;1 fin de les mieux reprèfenter,
voici les morgues, geftes 8c contenances qu'ils
Câmttnan. tenoycnt. Tous près à ores l'vn de l'autre, fans
C t c n
Mfwr'ii» ^ ' r a r m a
P * n n
n S
* ' ^ e
bouger

ÎJ E L ' A M È R I Q_V E. 245
deceftefàçon.Etau furplus,parcequ'à caufe de
la multitude il y auoic trois rondeaux, y ayant
au milieu d'vn chacun trois ou quatre de ces
Caraïbes, richement parez de robbes, bonnets Caraïbe»;
& bracelets , faits de belles plurhes naturelles, dédions Ui
M a r a c a ï ;
naifues & de diuerfes couleurs : teinans au refte
en chacune de leurs mains vn Maraca, c'eft à
dire, fonnettcs faites d'vn fruict. plus gros que
vn oeuf d'Auftruche, dont i'ay parjlé ailleurs, afin,
difoyent-ils, que l'efprit parlait puis après
dans icelles pour les dédier à ceft vfage, ils les „
faifoyent fonnér à toute refte. Et ne vous les
fçaurois mieux comparer, en l'eftat qu'ils eftoyent
lors, qu'aux forineurs de çamp'anes de
ces caphards.lcfquels en abufant le pauure mode
par-deça, portent de lieu en lieu les chafles
de fainâ Antoine, de fainft Bernard Se autres
tels inftrumens d'idolâtrie. Ce qu'outre la fufdite
description, ie vous ay bien voulu encor
reprefenter par la figure fuyuante, du danfeur
& dufonneur de Maraca.
T. j;

D IB L' A M Ê R I Q.V E. 247"
Outreplus, ces Caraïbes en s'auanç ins & fautans
endeuan t, puis reculans en arrière, ne fe
tenojcnt pas toujours en vne place comme
faifoyent les autres : mefme i'obfcruay qu'eux
prenans fouuent vne canne de bois, longue de
quatre à cinq f »ieds, au bout dç laquelle il y auoit
de l'herbe de Tetun^àont i'ay fait mention
autre part) feiche Se allumée : en fe tournons &
foufflans de toutes parts la fumée d'icelle fur
les autres fauua;?es, ils leur difoyent, Afin que „ .,
r • - ^ • ,> r Caraïbes
vous fur montiez vos enncmis,receucz tous #l Vf-j- ouflj ani
prit de force: ik ainfi firent par plufieurs fois faits a»ces
m*i&r es CAfaiber. Or ces cérémonies ayaris très fitu»*
ainfi duré près de deux heures, ces cinq ou fixl"cens
hommes fauuages ne ceffans toufiours de
danfer & chanter, il y eut Vne telle mélodie
qu'attendu qu'ils ne fçauent que c'eit de*mufique,
ceux qui nef les ont ouys ne'croiroyent iamais
qu'ils s'acco rdaffent fi bien. Et dé faict,au
lieu que du commencement de cefabbat (citant
comme i'ay dit en la maifon des fcmmes)i'auoi*
eu quelque crainte* > i'eillbrs en recompenfe vne
telle loye, qne non feulement oyant les accords
fi bien mefut ez d'vne telle multitude, Se
fur tout pour la cad en ce & refléta-dé la baladej
il chacun couplet toxus en trainans leurs voiy,difans
: H tu, btuAure, heur* ih4ur*sure,heurA,heura,
tuehi i'en demeura/ tout rauhmais auffi toutes
les fois qu'il m'en relîouuiét,le coeur m'en treffailknt,u
me femblé que iéles aye encor aux oreilleai
Quand ift voulurent finir, frappans du
pied droit contré ter.re,plus fort quYuparauâr,
après que chacun eut craché deuant foi, t ou*
T. ij.

148 H I S T O I R E
vnanimemcnt, d'vne voix rauque •, prononce
rent deux ou trois fois, He,huaJ>ti a,hua,k\i ainli
cefferent. Et parce quel n'entend ant pas encores
lors parfaitement tout leur l angnge , ils auoyent
dit plufieurs chofes que ien'auoispeu
comprendre, ayant pric.le truchi rment qu'il les
me déclarait : il me dit en premie r lieu qu'ils auoyent
fort infifté à regretter le urs grands pères
dccedez.lefquels eftoyent fi 1 -aillansttouteffois
qu'en fin ils s'eftoyent confc >lez,en ce qu'après
leur mort ilss'afleuroyant c le les aller trou
uer derrière les hautes montagn es, oùilsdanferoyent
& fe refiouyroyentaue c eux. Semblablement
qu'à toute outrance! lsauoyent menacez
les ÔHetacM{naùon de fat mages leurs ennemis,
lefquels, comme i'ay dit ailleurs, font fi
vaillans qu'ils ne les ontiama is peu dompter)
d'eftre bien toft prins & mang ez par eux , ainfi
ofnU» co que leur auoycnt promis leurs Caraïbes.\M furfufedmdf
plus qu'ils auoyent entremefl c & fait mention
luge >ni- en leurs chanfons,que les eau x s'eftans vne fois
n*tÇA en- t ei» e m e n t desbordees qu'elb _'s couurirent tou-
mr Jua's' te
* a t c r r e
'
t o u s
1" hommes c lu monde,excepté
leurs grands pères qui fe fai uerent fur les plus
hauts arbres de leur pays, fit rent noyer : lequel
dernier poincf « qui eft ce q u'ils tiennent entre
eux plus approchant de l'i .Écriture faincte, ie
leur ay d'autres fois depuis ouy réitérer. Et de
faiS, eftant vcsy-femblabl e que de pere en fils
ils ayent entendu quelque « :hofe du déluge vniueriel,
qui aduint du temr. >s de Noé, fuyuant la
couftume .des hommes, q ai ont toufiours corrompu
8c tourné la verit éenmenfonge: ioint
N
comme

Dr! L ' A M E R I Q U E . 24O
comme il a el.té veu ci-deffus , qu'eftans priuez
detoutesfon.es d'efcritures, il leur eft malaifé
de retenir les; chofes en leur pureté, ils ont adioufté
cefce i able, comme les Poètes, que leurs
grands pères fe fauuerent fur lès arbres.
Pour retourner à* nos Caraïbes,ils furent non
feulement ce" iour-là bien receus de tous les autres
fauuages,qui les traitèrent magnifiquemët
.destneilleunes viandes qu'ils peùrent trouuer,
fans, félon leur coufturaeN)ublicr de les faire
boire & caoMtner d'autant : mais auflî mes deux
compagnons François & moy, qui, comme i'ay
dit, nous eftions inopinément trouuez à cefte
confrairie des Bacchanales , à caufe de cela,
fifmes bonne chère auec nos Motiffacats, c'eft à
dire, bons pères de famille qui donnent à manger
aux patïàns. Et au furplus de tout ce que def
lus,apres que ces ioursfolennels (efquels,comme
i'ay dit, toutes les lingeries que vous auez
entendues fe font de trois en trois , ou de quatre
en quatre ans entre nos Touonpittambaoults)
font paffez » & mefmes quelques fois auparauant,
les Caratbts allans particulièrement de
village en village, font accouftrer des plus belles
plumafferies quife puiffent tr*buuer,en chactme
famille trois ou quatre, ou félon qu'ils s'a- U
^ M l t t^
mfent plus ou moins, de ces hochets ou grof '
fes fonnrttes qu'ils nomment. Maraeat : lefquelles
ainfi parées, fichans le plus grand bout
du bafton,qui eft à trauersjans terre, & les arrengeans
tout le long & au milieu des maifons,
ils commandent puis après qu'on leur baille à toàrdefi*
boire & à manger.De façon que ces affronteurs p*rfiiti«*£
T. iij.
n.:

250 H I S T O I R E
faifansaccroire aux autres poures idiots, que
ces fruich & cfpeces dejcourges , ainfi creufèz
parez Se dédiez mangent Se boiuent la nuift:
chafque chef d'hoftel adiouftant foy à cela, ne
faut peint de mettre auprès des fient, non leu-
Icmcnt de la farine auec de la chair & du poiffon,
mais auffi de leur bruuage dit Caouitt,Voire
les laiffins ordinairement ainfi plantez en
terre quinze iours ou trois femaines , toufiours
feruis tic mefme , ils ont après ceft enforcelement
vne opinion fi effrange de ces M tracas,
(lefquels ils ont prefques toufiours en la main)
que leur attribuant quelque faincteté,ils difent
que fouuentesfois en lesformansvn efprit parle
à EI;X. Tcllernent qu'en eftans ainfi embabouyncz.li
nous autres paffansparmi leurs maifor)
s & longi'es loges , voiyons quelques bonnes
viandes prefenteesà ces Maracas : fi nous
les prenions Se mangions ( comme nous auons
fouuent fàit)nos Ameriquains eftimans que cela
nous cauferoit quelque malheur.n'en eftoyét
pas moins offenfezoue font les fuperftitieux &
fucceffenrs des preftres de Baal,de voir prëdre
les offrandes qu'on porte à leurs marmofets,
defqueiles cependant, au deshonneur de Dieu,
ils fe nourriflent graiTementScoifiuementauec
leurs putains &baftards. C*ui' plus^ëft, fi prenans
de là occafion de" leur remonftrer leurs errcrirs,
nous leur difions que les Caraïbes, leur
fiifant accroire quetles M aracas mangcôyent
Se beunoyent ne les trompoyêt pas feulement
en cela, mais aulîi que ce n'eftoit pas eux, comme
ils fe vantoyent fauffement, qui fai foyent
croiftre

D E L' A M E R I Q_ V F. 151
croiftre leurs fruiéts & leurs grofles racines,
ains le Dieu en qui nous croyons & que nous
leur annoncions:ce!a derechef eftoit autant en
leur endroit, que de parler par de- çà contre\le
Pape, ou de dire à Paris que la charte de faincte
Geneuicue ne fait pas pleuuoir. Aulfi ces pippeurs
de Caratbesy ne nous haiffanspas moins
que les faux prophètes delezabel (craignans I.R 0; SIg.
perdre leurs gras morceaux) fajfoyentle vray 19.
(eruiteur de Dieu Ëlie, lequel fcmblablcment
defcouuroit leurs abus .• commençai^ à fe fa* jrtrité
cher de nous, craignoycnt mefme de venir ou ÇHAJFANT li­
ÂT coucher es villages où ils fçauoycnt que MENFONGE.
nous eftions.
A v reftequoy que nosTouoHpin*MBAOHLTS Y
fuyuant ce que i'ay dit au commencement de
ce chapitre. & nonobftant toutes les cérémonies
qu'ils font, n'adorent par flechiffement de
genoux,ou autres façons externes, leurs CAYMp«,ni
leurs Martcas,ni créatures quelles qu'ei
les foyent,moins les prient & inuoquent .• toutesfois
pour continuer de dire ce que i'ay apper
ceu en eux en matière de religion, i'allegueray
encor ceft exemple. M'eftât vne autre fois trou
ué auec quelques vns de noftre nation, en vn
villa ge nommé OcArenttn, diftant deux lieues
de Qotiua dont i'ay tantoftfaft mention : comme
nous foupiôs au milieu dVne place, les fauuages
du lieu s'eftans affembfez pour nous cotemp!er,&
non pas pour manger (car s'ils veulent
faire hôneur à vn perfonnage, ils ne prendront
pas leur repas auec luy.mefmes les vieillards,
bien fiers de nous voir en leur village,
T. iiii.

piedUrds
Tououpinambaoults
comment
tberifftnt
les franftts.
ffl HlSTOIRI
nous monftrans tous les lignes d'amitié qu'il
leur eftoit pôfîible) iinfi qu'archers de nos
corps, auec chacun en la main l'os du nez d'vn
poifTbn, long de deux ou trois pieds fait en façon
de icie,cftans à l'entour de nous pour chaf
fer les enfans, aufquels ils difoyent en leur langage-Petites
canailles retirez-vous,car vous ne
cites pas dignes de vous approcher de ces gens
iciiapres di-ic que tout ce peuple,fans nous interrompre
vn feul mot de nos deuis, nous eut
laifle fouper en paix, il y eut vn vieillard qui
ayant obferué que nous auions prie Dieu au
commencement cV à la fin du repas, nous demanda,
Que veut dire cefte manière de faire
dont vous auez tantoft vfe,ayans tous par deux
fois ofte' vos chapeaux, & fans dire mot, exceté
vn qui parloir, vous eftes tenus tous cois?
A qui s'addrcfiôit ce qu'il a dit? eft ce avons
qui eftes prefens, ou à quelques autres abfens.'
Sur quoy empoignant cefte occafiô qu'il nous
Occafion prefentoit tant à propos pour leur parler delà
çd' aunïcer vraye Religion: joint qu'outre que ce village
It-eraj d'Ocmrentm eft des plus grands & plus peuplez
Dieu aux de ce pays- là,ie voyois encores ce me fembloit
fauuages.
les fauuages mieux difpofez & attentifs à nous
efeouter que de couftume, ie priay noftre truchement
de m'aider à leur donner à entendre
ce que ie leur diroîs. Apres donc que pour
refpondre à la queftion du vieillard , ie luy
eu dit que c'eftoit à Dieu, auquel nous auions
adrefle nos prières : & que quoy qu'il
ne le vift pas , il nous auoit neantmoins
non

DE L* A M E RI Q_VE. 153
non feulement bien entendus, mais qu'aufli il
fçauoit ce que nous penfions & auiôs au cœur,
ie commençay à leur parler de la création du
monde : & fur tout i'infiftay fur ce poinCt de
leur bien faire entendre, que ce que Dieu auoitfait
l'homme excellent par deflus toutes
les autres créatures, eftoit à fin qu'il glorifiait
tant plus fon Créateur :adiouftant parce que
nous leferuions, qu'il nousprëferuoit entrauerfant
la mer,fur laquelle, pour les aller trouuer,
nous demeurions ordinairemét quatre cm
cinq mois fans mettre pied à terre.Semblablement
qu'à cefte occafion nous ne craignions
point comme eux d'eftre tourmentez é'Aygnà,
ny en cefte vie ny en l'autre : de façon, leur di->
foy-ie, que s'ils fe vouloyent conucrtir des erreurs
ou leurs Caraïbes menteurs Se trompeurs
les detenoyent : enfemble laifler leur barbarie,
pour ne plus manger la chair de leurs ennemis,
qu'ils auroyêt les mefmes grâces qu'ils cognoif
foyent par eftect que nous auiôs,Bref, à fin que
leur ayant fait entendre la perdition de l'homme,
nous les prepariflions à receuoir lefus
Chrift, leur baillât toufiours des comparaifons
des chofes qui leur eftoyent cognues.nous fufifies
plus de deux heures fur cefte matière de la
création, dequoy cependât pour brieueté ie ne
ieray ici plus lôg^Jifcours. Or tous,auec gran- sauuagtt
de admiration,prcftans l'oreille efcoutoyët at- siftaerutii
l a i
tentiuement: de manière qu'eftans entrez en ef
^ tu
y f
bahiflement de ce qu'ils auoyent ouy, il y eut - '
vn autre vieiUard,qui prenât la parolle,dit,Cer D HU,
tainement vous nous auez dit merueille$, &

154 H l S T O I R E
chofes tref-bonnes que nous n'auious iamais
entcdues.Toutesfois,dkt-il,voftre harâguem a
fait remémorer ce que nous auions ouy reciter
beaucoup de fois à nos grands pères .• arfauoir
Atcit no- que des longs temps & des le nombre de tant
tabu d >» | u n e s q u e nous n'eu auons peu retenir le
jamuagt. C o n t Ç ) V n Àiair y c'eft à dire François.ou effranger,
veftu & barbu comme aucuns de vous autres,
vint en ce pays ici,lequel, pour les penfer
rêgcr ù l'obeiiïànce de voftre Dieu, leur tint le
mefme langage que vous tious auez maintenant
tenu : mais, comme nous auons auffi entendu
de pere en fils, ils ne voulurêt pas croire:
& partât il en vint vn autre,qui en figne de'maledicf
iô.leur bailla l'efpce dcquoy depuis nous
nous fommes toufiours tuez l'vn l'autre : tellement
qu'en eftans entrez fi auât en poffeffion,
fi maintenant, laiffans noftre couftume , nous
dcfiftions,toutes les nations qui nous font voifines
fe moqueroyët de nous. Nous repliquafmes
à cela, auec grande véhémence , que tant
a s'en failoit q.i'ils fe deuffent foucier de la gau-
differie desautres,qu'au côtraire s'ils vouloyér,
côme nous,adorer & feruir le feul & vray Dieu
du ciel 3c de Fa terre,q nous leur annoncions,!!
leurs ennemis pour cefte occafion les venoyée
puis après attaquer , ils les furmonteroyent &
vaincroyent tous.Sômc,par l'efficace que Dieu
promettit dôna lors à nos paroles.nosTououpinambaoHlts
ji ranger furent tellement efmeus.que non feulement
am jtrmct plufieurs promirét de dorefenauât viure com-
deDi*»,*f | m C n
^ffa"*^!* °
mangeroyent pli
enne-
U S e s a u o r , s
' ' enfeignez,mefmes qu'ils ne
ftfltnt 4 » m 3 rjg c r o v e n t p] u s \ z chair humaine de leurs

DE L' A M E R I Q_V E. 255
ennemis : mais aufli apre* ce colloque (lequel
comme i'ay dit, dura fort long temps ) eux fe
incttâs à genoux auec nous, l'vn de noftre com
pagnie, en rendant grâces à Dieu,fït la prière à
haute voix au milieu de ce peuple, laquelle, en
après leur fut expofee par le Truchcment.Cela
fait, ils nous rirent coucher a leur mode, dans
des lifts de cotton pendus en l'air, mais auant
que nous fuffions endormis, nous les ouyfmes
chanter tous enfemble, que .pour fe venger de
leurs ennemis, il en falloit plus prendre Se plus
manger qu'ils n'auoyent iamais/ait au parauât.
Voila l'inconftancc de ce pauure peuple, bel
exemple de la nature corrompue de l'homme.
Toutesfois i'ay opinion, (i Villegagnon nefe
fuft reuolté de la Religion reformée , &que
nous fuflions demeurez plus long temps en ce
pays-la, qu'on en euft attiré & gagné quelques
vns à lefus Chrift.
O R i'ay penfé depuis à ce qu'ils nous auoyét
dit tenir de leurs deuanciers,qu'il y auoit beaucoup
de centeines d'années qu'vn M air, c'eft à
dire (fans m'arrefter s'il eftoit François ou Alemand
) homme de noftre nation, ayant efté en
leur terre,leur auoit annoncé le vray Dieu,afTauo*ir,fi
ç'auroit point efté l'vn des Apoftres. Et
de fait, fans approuuer les liures fabuleux, lefquek
outre ce que la Parole de Dieu en dit, on
aefcritde leurs voyages & peregrinations.Nicephore
recitant l'hiftoire de fiincr. Matthieu, n u t4) 4
ditexpreflement qu'il a prefché l'Euangile au 41.
pays des Cannibales qui mangent les hommes,
peuple non trop eflongné de nos Brefiliens A-

H I S T O I R. E
Pfam.ï^.f meriquains. Mais me fondant beaucoup plus
iti.19.it. f u r l c p a {r a g e d ef ai na, p j ul, tiré du Pfeaume
dixncufiefrae:afrauoir,4,eur fon eft allépar toute
la terre ,& leurs paroles iufques au bout du
monde.qu'aucunsbons expofitéurs rapportent
aux Apoftres attendu, di-ie, que pour certain
ils ont elle en beaucoup de pays lointains à
nous incognus, quel inconuenient y auroit-il
de croire que l'vn, ou plufieurs ayent efté en la
terre de ces barbares ? Cela mefme feruiroit de
lampe 8c générale expofirion que quelques vns
Matt.i 4. requièrent à la fentence de lefus Chrift, lequel
i*- a prononcé, que l'Euangile feroit prefchc par
tout lc monde vniuerfel. Ce que toutesfois ne
voulant point autremet affermer pour l'efgard
L'Euangi- àu temps des Apoftrcs,i'a

DE L' A M E R I Q_V E. 257
fe tuaft l'vn l'autre,& luy fut donné vne grande
cfpee. Voila le texte Iequel,quant à la lettre,approcfie
fort du dire & de ce que pratiquent nos
TouoHpinambaoHlts : toutesfois craignant d'en
deftourner le vray fens, & qu'on n'eftime que
ic recerche les cljofes de trop loin , i'en lairray
faire l'application à d'autres.
CEPENDANT me reffouuenant encor d'vn
exemple, qui feruira aucunement pour monfixer,
fi on prenoit peine d'enfeigner ces nations
des fauuages habitans en la terre du Bre*fiXqu'ils
font allez dociles pour eftre attirez à la
cognoiflance de Dieu, ie lemettray icy en auant.
Comme doneques , pour aller quérir des
viures & autres chofes neceflaires, ie paffay vn
iour de noftre Ifle en terre fcrme,fuyui que i'eftois
de deux de nos fauuages ToupwentjHtnsy Se
d'vn autre delà nation nomméeOneanen ( qui
leur eft alliée ) lequel auec fa femme eftoit venu
vifiter fes amis, & s'en retournoit en fon pays:
ainfi qu'auec eux ie paffois à trauers d'vne grande
foreft, contemplant en icelle tant de diuers
arbres, herbes & fleurs verdoyantes Se odoriférantes:
enfemble oyantle chant d'vne infinité
d'oyfcaux roffignollans parmi ce bois où lors le
lolcil donnoit, me voyant,di-ie,comme conuié
à louer Dieu par toutes ces chofes, ayant d'ailleurs
le cœur gay,ie me prins à chanter à haute
voix le Pfeaume 104, Sus fus mon ame il te faut
dire bien, Sec. lequel ayant pourfuyui tout au
long, mes trois fauuages & la femme qui marchoyent
derrière rhoy,y prindrent fi grâdplaifir
( c*eft à dire au fon, car au demeurant ils n'y

258 H I S T O I R E
entendoyent rien ) que quand i'eu acheué, TOn
K*tn.U
e A n e n t o X i t e m c u
f de ioyc auec vne face riante
itfctmrtty s'aduançant me dit , Vrayeruent tu as merueil-
Usdtmé»- leufement bien chante, mefme ton chant efclatUi
Je et t a nt m'ayant fait rcfTouuenir de celuy d'vne naf*»»*ge.
ti o n qui nous eft voifine & alliée i'ay efté fort
ioyeux de t'ouir. Mais, me dit-iljnous entendôs
bien fon langage Se non pas le tien : parquoy
ie te prie de nous dire ce dequoy il a efté question
en ta chanfon.Ainfi luy déclarât le mieux
que ie p«ux(car i'eftois lor$feuI François, & en
deuois trouuer deux , comme ie fis, au lieu où
i'allay coucher) que i'auois non feulement en
gênerai, loué mon Dieu en la beauté & gouuernement
de fes créatures , mais qu'aum en
• particulier ie luy auois attribué cela ,que c'eftoit
luy feul qui nourriflbit tous les nommes
& tous les animaux:voire faifoit croiftre les arbres
, fruief s & plantes qui eftoyent par tout le
monde vniuerfêl:& au furplus, que cefte chanfon
queie venois de dire ayant efté dicf.ee par
l'EfpritdeceDieu magnifique, duquel i'auois
t célébré le nom,auoit efté premieremét chantée
il y auoit plus de dix mille lunes ( car ainfi content-ils)
par vnde nos grands Prophètes,lequel
rauoitlailfecàla pofteritépour en vfer à mefme
fin. Briefvcomme fe réitère encores icy, que
fans couper vn propos , ils font merueilleufement
attentifs à ce qu'on leur dit, après qu'en
cheminantt*efpace de plus de demi heure luy
Se les autres eurent ouy ce difeours : vfans de
leur intericâion d'efbahiffement Tek! ils dirêt,
O que vous autres ^«tw,c'eft à dire François,
eftes

D E L' A M E R I CL.V E. 159
elfes heureux, de fçauoir tât de fecrets qui font samm*gù
tous cachez à nous chetifs & pauures miferablcs.-tellemët
que pour me congratuler, me difant,voila
pour ce que tu as bien châté, il me fit
prefcnt d'vn^oft qu'il portomc'eft à dirc,d'vn
petit animaUequel auec d'autres i'ay defcritau
chapitre dixième. A fin dôcques de tant mieux
prouuer que ces nations de l'Amérique, quelques
barbares & cruelles qu'elles foyent enuers
.j,^,,,,"
leurs ennemis , ne font pas fiiàrouches qu'elles
ne confidereat bien tout ce qu'on leur dit auec
bonne raifou, i'ay bien voulu encor faire cefte
digreffion.Et de fair,quant aii naturel de l'hbm
me,ie maintien qu'ils difeourent mieux que ne
font la plufpart des payfans, voiraque d'autres
de par deçà qui penfent eftre fort habiles gens.
Refte maintenant pour la fin, que ie touche
la queftion qu'on pourroit faire fur cefte
matière que ie traite : affauoir, d'où peuuent
eftre defeendus ces fauuages. Surquoy ie di,en
ç^a^
premier lieu, qu'il eft bien certain qu'ils font uent

i

«Pli i .IIWiJWM^pijijjiiui^iiii j,ll|»llliu|l.l , i.m|«

H I S T O I R E
CHAP. XVII.
Du mariage,Polygamie,dr dégrevât confanguinitéfibfernet.
par les fauuages : & du traitement de
leurs petits enfans.
Ov C H A N T le mariage de nos A-
Dettn.it
meriquains ,^ils obferuent feule­
fine.
ment ces trou degrez de confan-
?
;uinite : aiTauoir,quc nul ne prend
a fceur, ni fa fille à femme : mais
quant à l'oncle,il prend fa nicpce, Se autrement
en tous les autres degrex ils n'y regardent rien.
Pour l'cfgard des cérémonies, ils n'ë font point
d'autres, finon que celui qui voudra auoir femme,foit
vefue ou fille,apres auoir feeu fa volonte',s'adreffant
au pere, ou au défaut d'icclui aux
plus proches parens d'icelle, demandera fi on
lui veut bailler vne telle en mariage. Que fi on
refpond qu'ouy, des lors»fans pafler autre contracffcar
les notaires n'y gagnét rien) il la tien,
dra auec foi pour fa femme. Si au contraire on
lui refufe, fana s'en fbrmalizer autrement, il fe
p
'bgf- deportera.Mais notez que la Polygamic.c'eft à
mit, dire,pluralité de femmes,ayant lieu en leur endroit
, il eft permis aux hommes d'en auoir autât
qu'il leur piaifhracfmes, faifant de vice vertu
, ceux qui en ont plus grand nombre font eftimez
les plus vaiUans Scnardis: Se en ay veu,
vn qui en auoit huict, defquelles il faifoit ordinairement

DB L ' A M E R I Q J T E . 2

26 4 H I S T O I R E
Pour doncques retourner au mariage de nos
Americjuains, l'adultère du cofté des femmes
e u r c c n t e
tntr* Us ^ ^t ' riorreur,cjuc fans qu'ils ayent auxjtmtri-
trcloy que celle de nature, fi quelqu'vne ma-
w^,c'eft à dire bougre, on peut
de la coniecturer ( car ie n'en afferme rien) que
Ttmmti ceft abominable péché fecommet érrtfeux. Au
gaffes

DE L' A M E R I Q_V E. Z6
fte façon. Tellement que ie vis moi-mefmele ptres firpere
rlequelapres qu'il eut receu l'enfant entre ««»* de fat
fes bras, lui ayant premièrement noué le petit S e
f emntt
boyau du nombril, il le coupa puis après à belles
dents. Secondement, feruant toufiours de
fage-femme , au lieu que celles de par- deçà,
pour plus grande beauté tirent le nez aux euJ*fans
aouuellement nais, lui au contraire (parce JVY^ des
qu'ils les trouuent plus iulis quand ils font ca- />«* enfis
mus ) enfonça Se eferafa, auec lc pouce celuy de
fou fiis: ce qui fe pratique enuers tous les au- ^"TÎT
très. Comme aufli incontinent que le petit enfant
eft forti 4u ventre de la mere, eftant laué
bien net, il eft tout aufli toft peinturé de cou-
^*
y.
V. iij.

c r a v n c
tJiT't ^
z66 H I S T O I R E
leurs rouges & noires.par le peretlequel au furplus,
fans l'emmailloter,1e couchant en vn lict
de cotton pendu cnl'ajr, fi c'eft vn mafle il lui
c t
P
t c e
'
c e
Q? de bois, vn petit arc & de
JfftjJL't. Petites flefehes empennées de plumes de Perroquets:puis
mettant le tout auprès de l'enfant,
en le baifant,auec vne race riantc,lui dira, Mon
fils, quand tu feras venu en aage, à fin que tu te
. j „ venges de tes ennemis, fois adextre aux armes,
àZoent^i fort, vaillant & bien aguerri.Touchât les noms,
U*rs cm- ' e
P«re de celui que ie vis rwiftre le nomma Ofàms.
r4ff*t,a.u\ eft l'arc,cV de Cen qui
fignîfie la corde d icclui.Et voila comme ils en
font à tous les autres, àufqùels tout ainfi que
nous faifons aux chiens & autres beftes de par
deçà,ils baillent indifféremment tels noms des
chofes qui leur font cognues : comme S*^»?
qui eft vn animal à quatre pieds : Avignon vne
poule: Arabouttn , l'arbre du hreCihPindo , vne
grande herbe, & autres femblables.
Po v R l'efgard de la nourriture,ce fera quel
u e s a r n c s
^71\H S ^ ' mafehees, & autres viandes bien
? ' tendres,aucc le laicf. delà meredaquelle au fur-
^plus ne demenrant ordinairement qu'vn iour
ou deux en la couche, prenant puis; après fon
petit enfant pendu à fon col,dans vne efcharpe
de cotton faite exprès pour cela,s'en ira au iardin,
ou à quelques autres affaires. Ce que ie di
fans déroger à la couftume des dames de par
deçà,lefquelles,à caufe du mauuais air du pays,
outre qu'elles demeurent le plus fouuent quinze
iours ou trois fepmaines dans le liâ,encorrs
pour

DE L'A M B RJ QJTB. %6-j
pour la plufpart font il dclicates,que fans auoir
aucun mal qui les peuft empefcher de nourrir
leurs enfàns,commeles femmes Ameriquaines
font les leurs,, elles leur font fi inhumaines que
auffi toft qu'elles en fout deliurees, ou elles les
enuoyent (i loin,que s'ils ne mcurët fans qu'elles
en fçachët rien,pour le moins faut-il qu'ils
foyent ia grandets,à fin de leur donner du paffetemps,
auant qu'elles les vueillent foufïrir au
près d'elles. Que s'il y en a quelques fuccrees
qui penfentque ie leur face tort de les côparec
à ces femmes fauuages,defquelles, diront elles,
la façon ruralle n'a rien de commun auec leurs
corps fi tendres & delicatsne fuis content pour
adoucir ceft: amertume, de les renuoyer a l'efchole
des beftes brutes, lefquelles,iufques aux
petits oifelets, leur apprendront cefte leçon,
que c'eft à chacune efpece d'auotr foin, voire
prendre peine elle mefme d'efleuer fon engence.Mais
à fin de couper broche à toutes les répliques
qu'elles pourroyent faire là deflus, feront
elles plus douillettes que ne futiadisvne
Royne dç France, laquelle ( comme on lit es
hiftoires) pouflee d'affection vràyemêt maternelle,
ayant feeu que fon enfant auoit tetté vne
adtre femme, en fut fi ialoufe, qu'elle ne ceffa
iamais iufques à ce qu'elle luy euft fait vomir
le laid: qu'il auoit prins d'ailleurs que des mamelles
de fa propre m ère ?
O R retournant à mon propos, quoy qu'on
eftime communément par deçà, que fi les enfans,
en leurs tendreurs & premières ieuneffes,
n'eftoyent bien ferrez & eramaillottez, ils fe-
V. iiij.

Z6&
H l S T O l R H
royent côtrcfaits, Se auroyent les ïambes cour-
BnfX,f4t bees:ic ili qo'encores que cela ne foit nullrmét
**gts non O Df e r u e'à l'endroit deîceux des Ameriquains
u\, f leiquels, corne i ay ia touche,des leur nariiancc
font tenus Se couchez fans eftre enueloppcz
) que neantmoins il n'eft pas poflible de
voir enfans cheminer ny aller plus droit qu'ils
font. Sur quoy toutesfois concédant bien que
l'air doux, & bonne température de ce pays la
en eft eau Te en partie,i'accorde qu'il eft bon en
hyucr de tenir les enfans par ce-çàenueloppcz,
couuerts & bien ferrez dans les berceai>x,parcc
qu'autrement ils ne pourroyct refifter au froid:
mais en Eftc, voire es faifons tempérées, principalement
quand il ne gelepoinr,il me femble
• (fous correction toutesfois)par l'experiéce que
i'en ay veuc", qu'il vaudroit mieux biffer au large
les petis enfans gambader tout à leur aife,
parmi quelque façon de licts qu'on pourroit
faire, dont ils ne (auroyent tomber, que de les
tenir tant de court. Et de fait, i'ay opinion que
cela nuit beaucoup à ces pauures petites & tendres
créatures, d'eftre ainfi, durant les grandes
chaleurs efchauffces, & comme à demie Alites,
dans ces maillots où on les tient comme en la
géhenne.
Toutesfois,afin qu'on nedife que iememéfie
de trop de chofes, biffant aux pères, mères
Se -oui rifles de par-deça à gouuerner leurs en-
Tetittn- fanSj i'jdiouftc à ce que i'ay ia dit de ceux de
fumfaund pAmerique: qu'encores que les femmes de ce
rt s tenue ,s n
,
1
.. * i l
mets {ans P*y s
a a j
-'
y
c n t
aucuns linges pour torcher le
liure. derrière de leurs enfans f mefmes qu'elles ne
fc fer-

DE L'AMERIO_YE. Z6Q
fe feruent non plus à cela des, fùeilles d'arbres
& d'herbes, dont toutesfois elles ont grade
abondance: neantmoins elles en font fi foigneufcs,que
feulement auec de petits bois que
elles rompent, comme petites cheuilles, elles
les nettoyét fi bien que vous ne les verriez iamais
breneux. Cequ'auffi font les grands, defuels
cependant ( faifant cefte digreffiô fur ce-
3' e file matière) ie ne vous veux dire ici autre
chofe, finon qu'encores qu'ils piffent ordinairement
parmi leurs maifons ( fans toutesfois
qu'à caufe des feux qu'ils y font en plufieurs en
droits,& qu'elles font comme fablees il y fente
mal pour cela) ils v6t neantmoins fort loin faire
leurs excremens. Dauantage, combien que
les fauuages ayent foin de tous leurs enfans,
defquels ils ont côme des formillieres( non pas
cependant qu'il fe trouue vn feul pere entre
nos Brefîliens qui ait fix cens fils comme on a
eferit auoir veu vn Roy es ifles des Molucques
qui en auoit autant,ce qui doit eftre mis au râg Hdtgen.
des chofes prodieieufes) fi cft-ce qu'à caufe de
In
^'
la guerre, en laquelle entr eux il n y a que les
1
hommes qui combattent, & qui ont fur tout
1a vengeance contre leurs ennemis en recommandation,
les mailes font plus aimez que les
femelles. Que fi on demande maintenant plus
outre/affauoir quelle condition ils leur bailler,
& que c'eft qu'ils leur apprennét quand ils font
grâdsne refpon à cela q côme on a peu recueillir
ci deflus, tant au 8.14. & 15.ch. qu'ailleurs en
cefte hiftoire, où parlant de leur natureliguerres
& façons de mâger leurs ennemis,i'.»y môftié
à quoy ils s'appliquer.,qu'il fera ailé à iuger

IJO Hl S T O I R E
(n'ayans cntr eux collèges ni autre moyen d'apprendre
les feiences hohneftes,moins en particulier
les arts libéraux > que côme vrais fuccef-
Gcn.4 f eurs
^ c
Lamech, de Nimrod Se d'Efau qu'ils
.13. & 10. font,l eur meftier ordinaire tant grands que pes
y.& 1 7 . tits cft,d'eftrenon feulement charTeurs & guer
*3- ^ ricrs.mais auffi tueurs Se mangeurs d'hommes.
tWfpjfry
T wr
P u
»s-pourfuiuanti parler du mariadaféunKt-
g c
^es TouoMptnambdoults, autât que la vergôgs.
gne le pourra porter,i'afferme contre ce qu'aucuns
ont imaginé que les hommes d'entr'eux,
LTwimk- g*rdans l'honnefteté de nature, n'ayans iamais
fini gar- publiquement la compagnie de leurs femmes,
du es m font en cela non feulement à préférer à ce vinsges
des j aj n Philofbphe Cinique, qui trouué fur le fait,
Wmers- , ^ J' â u oj r f, onte Jjj au'ii plâtOlt Vn homme:
mais qu auih ces boucs puans qu on vbit
de noftre temps par-deçà, ne fe font point cachez
pour commettre leurs vilenies, font fans
comparaifon plus infimes qu'eux.II y a dauantage,
qu'en l'efpace d'enuiron vn an que nous
demeurafmes en ce pays-la, frequentans ordinairement
parmi eux, nous n'auons iamais veu
les femmes auoir leurs ordes fleurs. Vray eft q
r*igaMH j> opinion qu'elles les diuertiffent & ont vne
desfemmes V . ,. ,
UW«a
u t r e
"Çon de le purger que n ot celles de par
3»4#«J. deçà: car i'ay veu des icunes filles, en l'aage de
douze à quatorze ans, lefquelles les mères ou
parentes faifans tenir toutes debout, les pieds
ioints fur vne pierre de gray, leur incifoyent
iufques au fang, auec vne dent d'animal, trenchante
comme vn coufteau, depuis le deffous
de raiffclte,tout le loue de l'vn des coftez 8rde
la

D E L' A M E R t ez_v E. 271
la cuifTe,iufques au genouil, tellement que ces
filles auec grandes douleurs en grinçans les
dents faignoyent ainfi vne efpace de temps •* Se
penfe,commc i'ay dit,que des le cômencement
elles vfent de ce remede,pour obuier qu'on ne
voye leurs pouretez. Que fi les Médecins, ou
autres plus fçauaus que moy en selles matières
répliquent la deffusrcomment fe pourra accorder
ce que tu as n'agueres dit,qu'clles eftans ma
riecs foyent fi fertilles en enfans, veu que cela
c eftant aux femmes elles ne peuuent conceuojr
ni engendrer.-fi on allegue,di-ie,que ces chofes
ne peuuent conuenir l'vne auec l'autre> ie refpon
que mon intention n'eft pas , ni de foudre
cefte queftion,ni d'en dire ici dauantage.
A v refte i'ay réfuté à la fin du huiétiefme
chapitre ce que quelques vns ont efcrit,& d'autres
penfé que la nudité des femmes Se filles
fauuages incite plus les hommes à pailtardife
quie fi elles eftoyent habillees:côme auffi ayant
la déclaré quelques autres poincts concernans
lanourriturcmœurs & fàçons'de viure des enfans
Ameriquains : à fin de fuppleer à vne plus
ample 3edu il faudra
s'il luy plaift qu'il y ait recours.
C H A P . X V I I I .
Ce qu on peut appeler lotx & police ciuile entre
les faunages : comment ils traitent çjr reçoiuent hu-

272 H I S T O I R E
matnement leurs amis blc, Se qui ne fe peut dire fans faire
honte à ceux qui ontles loix diurnes
Se humaines, comme eftans feulement
conduicts par leur naturel, quelque corrumpu
qu'il foit , s'entretiennent Se viuent fi bien en
SMutagts paix les vns auec les autres. I'cnten toutesfois
•>m*m tu chacune nation entr'clle mefme, ou celles qui
-rmtn. font alitées cnfemblc.-car quant aux enncmis,il
a efté veu en Ion lieu,comme ils font eftrangc
meni traitez. Que (i cependant il aduient que
quelques vus cjucrcllcnt(ce quife fait fi peu fou
uent que durant près d'vn an que i'ay efté auec
eux, ic ne les ay iamais. veu battre que deux
fois)tant s'en fjut que les autres tafelient de les
feparcr, ne d'y mcttrela paix, qu'au contraire
quand les conteftans fe deuroyent creucrles
yeux l'vn l'autre,fans leur rien dire ils les bifferont
faire. Toutesfois fi aucû eft blefté par fon
prochain, cV que celuy quia fait le coup foit
Quelltp»- appréhendé, il en receura autatitau mefme enniùtn
dts droit de Ion corps par les prochains parens de
homtddti l'offcnfé : & mefme fi la mort s'en enfuit, ou
tntrtles q u»-j ç Qn t u^ f ur \ e champ, les parens du dc-
" ' funct, feront femblablement perdre la vie au
meurtrier. Tellement que pourlc dire en vu
LEUIT.14. m o t ) c'efi; vi e p O U f vie.œil pour ceil.dent pour
}
1 9
l 0
'
' dent, &ç. mais comme i'ay dit, cela fe voit fort
rare

DE L' A M E R I Q_V E. T73
rarement entre eux.
TOY CHANT les immeubles de ce peuple
confiftans en maifons cV(romme i'ay dit ailleurs)
en beaucoup plus de tresbônes/terres qu'il n'en
faudroit pour les nourrir quant au premier , fe
trouuant tel village entre eux où il y a de cinq villages
à fix cents perfonnes, encores que plufieurs ha- & f«mL
bitent en vne mefmémaifon: tant y a que cha- Ut desfit»que
famille (fans feparation toutesfois de chofes
qui puiiTent empefeher qu'on ne voye d'vn
"T*
m
%"
bout à l'autre de ces baftimens ordinairemegt
longs de plus de foixante pas ) ayant fon rang a
parr,le mari a fes femmes & fes enfans feparez.
Sur quoy faut noter ( ce qui eft auffi effrange en
ce peuple ) que les Brefiliens ne demeurans ordinairement
que cinq ou fix mois en vn lieu
emportans puis après les groffes pièces de bois
Remue-
& grandes herbes de Pindo , de quoy leurs mai- ^J^"
fons font faites & couuertes , ils changent ainfi epvns.
fouuent de place en place leurs villages.lefquels
cependant retiennent toufiours leurs anciens
noms:de manière que nous en auons quelquefois
trouué d'efloignez des lieux oit nous auions
cite auparauaut , d'vn quart ou demi lieue". Ce
qui peut faire iuger à chacut^puis que leurs tabernacles
font fi aifez à tranfporter , que non
feulement ils n'ont point de grands palais efleuez
( comme quelqu'vn a eferit qu'il y a des In- H.„
diens au Peru qui ont leurs maifons de bois fi ^ M/^j£
bien bafties qu'il y a des fales longues de cent %.çh,6o.
cinquante pas & larges de huiefante ) mais auffi
que nul de cefte nation des Touonpinambaoults
dont ie parle, ne commence logis ni baftiment

174
H I 9 T O I R H
qu'il ne puiffe voir acheuer, voire faire & refaire
plus de vingt fois en fa vie > fi toutesfois il
vient en aage driôme.Que fi voua leur demandez,
pourquoy ils remirent fi fouuent leur mefnage:ils
n'ont autre refponfe, finon de dire que
changeai» ainfi d'air, ils s'en portent mieux, &
ques ils faifoyent autrement que leurs grands
pères n'ont fait, ils mourroyent foudainement.
Q»tiUit*r Pour l'efgard des champs &dea terres,chafque
r*t tUf«[- pere de famille en aura bien auffi quelques arf
titnt
** pens àpart, qu'il choifit oùjl veut à fa coramof*rt*»u*r
jj t^ p O U f ft, r€-fon iardin & planter fes racines:
nés,à hn d'en faire les feparatios, ils laiflcnt faire
cela aux enterrez auaricieux ôcchiquaneurs
de par-deça.
Q^y a n t à leurs meubles,i'ay ia dit en plufieurs
endroits de cefte hiftoire quels ils font:
mais encor, à fin de ne rien lahTer en arrière de
ce que ie fçay appartenir à l'cecbnomie de nos
fauuages, ie veux premièrement ici déclarer la
méthode que leurs femmes tiennent à filer le
cotton : dequoy elles feruent tant à faire des
cordons qu autres chofes, & nommément és
lias defquels en fécond lieu ie declareray aufli
w à t la façon.Voici donc comme elles en vfent:c'eft
fUrUcot- qu'après ( comme i'ay dit ci-deflus defcriuant
ton par Ut 1 arbre qui le porte)qu'elles l'ont tiré des toufftmmesfa»
féaux où il croift, l'ayant vn peu efparpilhÊ auec
"W- les doigti ( fans autrement le carder) le tenans
par petits monceaux auprès d'elles, foit à terre,
eu iur quelque autre chofe ( car elles n'vfent
PAS

DE L' A M E R I CLV E. 275
pas de quenouilles comme les femmes de pardeÇa
) leur fufeau eftant vn bafton rond, non
plus gros que le doigt, Se de longueur enuiron
vn pied, lequel palle droit au milieu d'vn petit
ais arrondi ainfi qu'vn trenchbir de bois
& de mefme efpcffcur, attachans le cotton au
plus long bout de ce bafton qui trauerfc, en le
tournans puis aptes fur leurs cuiffes & le lafchans
de la main comme les fîlandieres font
leurs fufecs : ce roleau vireuotant ainfi fur le
coite comme vue grande pirouette parmi leu»s
maifons ou autres places, elles filent non feulement
en cefte façô de gros filets pour faire des
licts, mais auffi i'en auois apporté en France
d'autre deflié fi bien ainfi file & retords par ces
femmes fauuages, qu'en ayant fait piquer vn
pourpoint de toile blanche, chacun qui le voyou
eftimoit que ce fuft fine foye perlée.
T o v c H A N T les liefs de cotton qui font
I n i ,
appeliez Inis, par les fauuaoes, leurs femmes » W J
*
ayans des meltiers de bois, non pas a plat com
me ceux de nos tiflerans , ni auec tant d'engins
, mais feulement efleuez deuant elles de
leur hauteur, après qu'elles ont ourdi à leur
mode commençons à tiftre par le bas, elles en
font les vns en manière de rets ou filets à pef-~
cher, & les autres plus ferrez comme gros cane
uats : & au refte eftans ces licts pour la plufpart
longs de quatre,cinq ou fix pieds, Si d'vne
braffe de large, plus ou moins, tous ont deux r
boucles aux deux bouts faites auffi de cotton,
aufquclles les fauuages lient des cordes pour fauuagts.
les attacher & pendre en l'air à quelques pièces

1J$ H I S T O I R S
de bois mi fes en traucrs,expreflemct pouf ceft
errect en leurs maifons.Quc fi aufli ils vont à la
.guerre, ou qu'ils couchent par les bois à la chaf
lé,ou fur le bord de la nier, ou dés rinieres à la
pefcherie, ils les pédent lors entre deux arbres.
Et pour acheuer de tout dire fur celte matière,
quand ces lias de cotton font falis , foit de la
Ciear desperfonnes, ou de la fumée de tant de
feux qu'on fait continuellement es maifons efquelles
ils font pendus, ou autrement les femmes
Ameriquaines cueillant par les bois vn
fana fauuage de la forme d'vné citrouille plate,
mais beaucoup plus gros, tellemêt que c'eft
tant qu'on peut porter

D.B L'A MX »>co'E. 277)
fiez tout^^çf,»tmes,lefquelles onNcftcontrauJtd'sJJOsr
roundur*!^ atnfiquÉ
noua^&aupns eues, e&ns^meftez dans cefte
ville de.Saocerre, où prefqaes fins interuaile,
l'ennemi, vn an durant, n'a bougé de nos
porte».
Or pour faire vn fommaite des autres meubles
denos. Aroeriquains,) es fèmmes(lcfquelïes
entre elles ont toute la ebarge du nWnage)font
force cadnes & grands vaiftçaux, de terre pcuir Grandi
faire & tenir le brauagc?dit Ctùièip fctablaqiç 2*8***5.
ment des:pots à mettre.cuire , îanr de^orf^*^^
ronde qu'cnialc; des p^ftex^oj^dçf S^ti^y^t
tcs,plats & autre vàiffelle de terre,-»?.quellexà- par it>fïbien
qu'eue ne foit guère ynic^ar; le debori,ctt »»«•
neantmoins fi bien polie^ çornuteplom&ep
par le, dedans de cettai/te liquear biancbe.qui
s'endurcit, qu'il n'eft pôftsble. au» potiers de
pardeç» de mieuxaccouftrer leurspoteries de
terrc.Mefmes ce* femmes deftrepans certaines
couleurs grifaftres,propres à ccla,font auec des
iinceaux mille petites,gent.illcffe$,comme gui-
Îochis* las d'amour» & autres drôleries au dedans
de ce» vaiffelles de terre, principalement
en celles où on tient Ufarinc & les autres viandes.-
de façô qu'on en cil ferui affez propreract:
voirediray plushôneftrmerçt que ne font ceux
quivfent par-deçade vaiffeilc debois, Yray eft
qu'il y a celad* défaut en ces peinttefres>AmeriquamesîCk)un|u'ayans
fjut^ueç kurs,pim;caux
ccquileurtfêra v,enu^te%taf|e.,,fi varies
priez. puis, après d'en ; faire de l^mcfaîe/ox t e,
patee qu'elles n'ont point d'autre p.roiet,pcmr-
X. j.

i r
278 Hrs-f 6i*B'
trait» rrî crayon'que laquîn^ekef^rKc DE leur
ceràelléqui triieW-, tlles rtennifby^bVtoritrcfifre
le premir^ouujrai^i tcMetrien^iifé^vous
n'envrrrex tamais deux è*r mcrniëfVçopC
Au furplus, doramè i'ay touché ailleurs, nos
a , , u a c s o n t
T*fftt & f g des e-ourges Se autres gros fruiâs
yaks fans fnipartis Se creufex, dequoPil* rentrant leurs
defruith. rafles à boire, qu'ilfrawfellcnt Cotti, qu'autres
petis vafes dont ils fcwrruent à autre vfage.Sem
blablemént certaines FORTES de grand» & petis
. con^ns cV pamVcrsftîtscïrTl^
c jçy^ j c joncs,- TLE les aâtres 1
d'hérbeaiauncs
comme glt oftXfriBfc oV jrotnenr, lefquels ils
^ nomment ^tàuàéittt cVtiennentk fsrinecVce
qu'il leur platft ûa^ah^TbtfchanHeurs arm es,
rrinVres d8 ptomfcsVfleï^fcoirmncp^
r^»r*abtres1é^fsVtenfiWh iHrcé-qtjeiVn ay
ia fait la (fsfcHptibn^nliotre- endroit? j éàule
de brieueté re n'ën'fêrsf îclf «titre- mention.
Voila donc les maifons denos fauoagesfaites
& meublées, parqnoi il eft -maintenant temps
de les aller voir au logis*
Pour donc prendre cefte matière vn pea de
^4mtri- haut, combien que nos T*mmfin*imb*imtt rcqumns
rt- çoiucnt fort humainement les éftrtngers amis
tr»a»t h» \ n v o n t vifher y (i eftee Deantmoins que
1 m ITe^éL
F""? 0
* 4
* a u t r c
* p«»deç* ûûl if Cntengtr's.
dent pas letrrlangage, troiinénttnicommencement
meroeimàfement eftotmrz^arrna eux.
Et de mà;p*rV?tt brrrmere r
ie&^£tefet fre-
•uetotay ^VrafwfWislelNintt ftrèrqnc nous
tnrehenrert me rnemV'Wec' TurérrWrré'lernic
en qii3-

D E L ' A M I K I Q..V E. ZJ§
EN Q^tre ou CINQ VILLAGES : TJUAND NOUS FUFMCS
ARRIAEP ao PREMIEMIOTNCUÉ Y timm-ACi EN LANGA­
GE datpa?*, Se par. les François PÉPIN ( À CAUFE
JJVNNAU/SFCQUI T CHARGEA VUE FOIS, LE MAILTRC
duquclVuppeloit AINFI ) QUI n*EFTOIT QU'À DEUX
LICUCS'd*NMIREFORT! ME voyant TOUT INCONTI- n^fant
NENTEAUIRONNÉ DE FAUUAGES, LEFQUELS ME DE- difints
MADOYENT» Mar*pé^d«rtr£îmarjyé derere? C'EFT >r ce qui
À DIRC,C6ment as-tu NORATEOMMÉT AS-TU NOM? * DUINT
*
(À QUOI: pour LORI ien'ENTENDOIS QUE LE HAUT LAMTTMR
\.. * V - n o ' . * i .première
Alleu»and)& AU rêttrivnavant PRINS MON chi- fo s ?mV]
peau qu'il mit fur FA tefte §. l'AUTRE MON EFPEE Se fut parmi
M» ceinture QU'il cesgnk FUR FON CORPS TOUT '«
NIID « l'autre ma casaque qu'IL VEFTIT : EUX, DI-IE, l ts
-
M'eftourdifTans de>seurs crieries & COURANS DE
cefteaaf on parmi LEKMRWLBGE AUEC MES HARDES,
nonfèoiemét ie penfbis AUOIR TOUT PERDU, MAIS
AUFFI

28o H l S T O I R B
pos que mon furnomLery, lignifie vne huitre
en leur langage, ie leur di que iem'appelois
tvtmdt Lery-ouffoH: c'eft à dire vne greffe huitre. DetA»tt*rt»
q UOj c u x f c tenan» bien fatisfaiâs, auec leur
tf»X J
X* admiration Tek! fe prenâs à rire,direnr: Vraye-
)*»uagt. r n c n t y o l\ 3 v n h c a u nom, Se n'huions point encores
veu de ^/«wve'cft à dire Frâçois,qui s'appelaft
ainfi. Et de faiâ,ie puisaueurément dire
que iamais Circé ne raetamorphofa homme en
vne (i belle huitre , ne qui difeouruft fi bien auecVlyfles
que i'ay depui/ce temps-là fait auec
nos fauuages. Sur quoi faut noter qu'ils ont la
mémoire fi bonne, qu'aufti toft que quelqo'vn
leur a vne fois dit fon nom, quand par manière
dédire, ils feroyét cent ans après fans le reuoir,
ils ne l'oublieront iamais. le diray tantoftles
autres cérémonies qu'ils obferuent à la réception
de leurs amis qui les vôt voir. Mais pour
leprefent pourfuyuant à-reciter vne partie des
chofes notables qui m'auindrent en mon premier
voyage parmi XcsTouoHpinambdetdts, le
truchement Se moy, qui de ce mefme iour paffans
plus outre,fûfmes coucher en vn autre village
nommé Eursmiri (les François l'appellent
Gofet, à caufe d'vn truchement amûnommé
qui s'y eftoit tenu ) trouuans, fur le foleifcouchant
que nous y arriuafroes, les fauuages danfans
& achetons déboire leftwawsd'vnprifbnjiier
qu'ils auoyent tué n'y auoit parfis heu -
les, duquel nous vHmtXlca piècestur letaw*.
se demandez pas fi it ce commencemettr le fus
cftoanéds voir «lie tragédie: toutesfbis,comroe
vous entendrez, cela ne fut rien auprix de
la peur

D E L ' A M E U I CLV F. 28t
la peur que t'eu bien toft après. Car comme
nous fufmes entrez en vne maifon de ce village,
oÙ,fc! 5 la mode du pays,nous- nous affifmes
chacun dans vn liât de cotton pendu en l'air: apres
que les femmes ( à la manière que ie diray
ci-s$>r*s) eurent pleuré,&^ue le vieillard,raaiftre
de h maifon eut fait fa harangue à noftre
bièn-venue:le truchement à qui non feulement
ces façons de faire des fanuages^n'eftoyent pas
nouuetios, mais qui au refte aimoft suffi bien à
boire Se à CAtuàntr qu'eux, fans me dire vn feifl
rnot,nim'aduerttrdcrien , s'en allant vers la
greafe troupe de ces danfeurs, me laifla là auec
qoctqauos vns : tellement *|ue moi qui eftois las*
ne demandant qu'xrepofer, après auoir mangé
vn pc'urfle farine déracine & d'autres viandes
qu'on nous auoit présentées, iëmereouerfay
& coèctury dans lc fia de cotton fur lequel i'eftoisaBîs.
Mais outre qu'à caufe du bruit que
les fauuages, danfans & fifflanstoutela nuid,
en mangeant ce prrfonnier, firent à mes oreilles
ietasbien refueillé : encores l'vn deux auec
vn pied d'icelui culét & hitesnéqu'il tenoie en
fa mai ri, s'approchant de moi, me demandant
(camrrie ie le» depuis, car irne l'entendois pas j £
lors) fi i'en voulois manger,par cefte contenan Mirp, nt>
ce me fit vne telle frayeur < qu'il ne faut pas demander
fi i'en perdi toute enule de dormir. Et
de fim5t,ponf»nt vcrfetolernent par tel lignât Se
môftre de cefte chair humaine qu'il maneeoit,
qu'en me menaçant il me dift Se vouluft faire
ententsr&que ie (crois tahtoft ainfi accouftré:
ioint que comme vne doute en engendre, vne

zSi H I S T O I R E
autre, ie foupçonnay tout auflî toft,que le* truchement
de propos délibère m'ayanttrahi m'auoit
abandonné Se wuré entre les main* de ces
barbares: fi i'euflevetr quelque ouuerture pour
pouuoir fortir ôc m'enfuyr de là, ie neiaf*y fuffe
pas fêrnr.Maisirre voyant de toutes parte enuironné
de ceux defquels ignorant l'intention
(car comme vous orrez ils nepenfoyenerien
moins qu'à me mal faire)ie croyois fermement
Se m'attend ois deuoir ciWefcien toft mangé,cn
inuoquant Dieu en mo^cceor toute cefte miictlà.
le lai fie à penfer à ceux qui comprendront
bien ce que ie di,6Vtjui fe mettront en moplace,fi
elle me ferobla longue. Or le mari»'venu
que mon truchement (lequel en d'autre*,rhai-
10ns du village, auec tes fVipponniers de fauuages
auortribïérourehrrraiéc) mevintretrouuer,me
voyant, comme il me dit, nonfeulemêt
blefme Se fort deffait de vifige, meis auH* prefque
en là fleure : i! me demanda fi ie me trouuois
mal,& fi ie n'auors;pis bien repofé: à quoi
encores tout efperdu que i'eftois.lui ayant refpondu
en grade cholere, qu'on m'auoit voirement
ibien gardé dedormir, & qu'il eftoit vn
mauuais homrbe de ro'auoir ainfi laiffe parmi
ces gens que ie n'entendois point, ne me pouuant
raffeurer, ie le priay qu'en diligerfce'nous
nousoftiflîons delà. Toutesfois lui là deflus
m'ayant dit que ieneuflrpoint de crainte, &
que ce n'eftoit pas à nous a qui on en vouloit :
après qu'il eut le tout récité aux fauuages, lefquels
s efiouyflans de m» venue,me penfans careffer,
n'auoyent bougé d'auprès de moi toute
la nuich

D È L ' A M E R I Q_V E. 383
la nuictî eux ayans dit qu'ils s'eftoycnt aufli aucunement
apperceus que i'auois eu peur d'eux,
dont il» eftoyent bien marris , ma confolation
fut(felojn qu'ils font grands gauflears) vne rifee
qu'ils firent, de ce que fans y p enfer, il&rnçTauoyent
baillée fi belle. Le trucjiement &c mdy
:
fufmes encores de là en/qu^ute autres viHages,
mai» me contentant 4'auoir* récitée*, que
defluS'pour efchantillpn dé ce qui m'adutnt en
mon premier voyage, parmi les fauuages , ie
i
poururyurey à la généralité. , *
P o v R doneques déclarer les cérémonies
que les T'ttoupmambaoutts obferuent à la réception
de leurs amis qui les vont vifi ter: il faut
en premier lieu» fi toft que le voyager eft arriué
en Usaaifoo du c'eft a dire, non
peréià* fojfle qoi&jneà manger aux panans,
qu'u^«n|ËWirtfi pour fon,hofterctnip|Hacnt.ailleurs)que s*ajflèent dans vn
i&n^Wton pendu en l'air il ridemeure quelquo|^
dj^aen^pïfans dire mdJJt Apres cela les
fernMi^aiié^ftntouï du lijc^a'aecfoupiffanslpwi
rentre terre & tc^r^J&a deux î w^ w
mainf^j^rfrVewss, en ple^rjr^de cette façô pUram U
la bjcjfeyeéue Aê cetuy donner* queftion, et- **les
diro&mile cfrofes à fftlouaftgg.

I>E L' A M E R I Q_ V E. z8$
COMME pottr.exemple: Tu as pris tant de
peine à nous venirvoir.-tu.es bon:tu es vaillant.
& fi c'eft vn François ou autre; eftrâger de par
deçà,elles adioufterôt:Tu nous as appa*té tant
de belles befongnes dont nous n'auons point
en ce paystbref, comme i'ay dic,ellesen iettant
de grofles larmes, tiendront pliifieuts tels propos
d'applaudiftèmens 8c flatteries. Qgç fi au '
réciproque le nouveau venu qui eft affisdans le ctuunict
lia leur veut agreetsrailant bonne mine de fon d» *oy*cofté,
s'il ne Vwtt pleurer tout à fait (côme l'en f^",, A
ay veu de noftre nation, qui oyant la brayerie w
^ 4
de ces récuses au près d'eux, eftoyent fi veaux
que d'en veniribfques la)pour le moins,en leur
refpondant, iettant quelques foufpirs,faut-il
qu'il en face famblâtvCefte première fâlutation
ainfi xaite de bonne grâce, par ces femmes AmeriquairtesJevWM^if

i86 Hl * T O I R E
mangent au Heu de p*in,quedes venaifons,vo
laille*,poin 1S
r
des-fTuiâs, ou au,
tre petit p*efem des chofes de leur pays.
Qj E fi au furplus on veut coucher (au village
ou on eft arriué, fe vieillardmotjfeulemenc
fera tendre vnbeau lia bkmoraais encores outre
cela (combien qu'il ne face pas froit en leur
pays) à calife de l'humidité deia nuttt4& à leur
mode, il fera faire trois ou quatre petits feux à
l'entour du liét.lefquels feront foooétTalumez
la nuief, auec certains-petits ventaux qu'ars appellent
TdtapexoHa, faits de la façon des contenances
que les dames de par deçà tiennent deuant
elles au près du feu, depeur qu'il ne leur
gaffe la face. Mais puisqu'on traitant de la police
des fauuages te fuis venu a parler du feu,lequel
ils appellent T*r4, ck\zfàaticTat*ttn, ie
v c u x a i M
f!*tjiude " déclarer l'inuéntiontgentille, & inym
f*p» cognue par deçà, qu'ils ont

D E L'AÏMERI Qjv E. 187
elle allume lcfeu. ) Damant doncque» -qu'ai­ Fcurquoy
mant

L
2*8 H l S T O l R l
par deçà le drapeau bruflé,ou autre e&ndrce au
cetaie voèHle dkeJmoin*

DE I/A M B R I et_v E. 289
ment que les fauutefi» font à ccijix qui les vont
vifiter:apres,qn ,
nn < ly rnaniere que i'ay ditdeurs
hoftes ont beu Se mangé, 6Vfe fdntrepofca, ou
ont couché en rcurs tnoi

29»' H < S ? Q I,BV,B j
tcUcmçjtttque oous autrn dçjaojftfc coftéfians-
TT***- à gocgyeefurCtt^iftnj^rdsà deux
n*rh M pieds » les voyans u\Uefc (dclikerfi e* leur ap -
denxpuJj plaudin^oi«W*ta^c#c^ç^^^
dauaqtagele ccaur a«eu fe 4i- -
HMurtik- ftàtorçhscY f^ans k>arrwUem*nt pfefens les
"j^îj, vrjsau*s*tfes»dês.yiea«ifô«jfwû
autrexbuaosqu'il* ontien1h5ujrpays,ib l'exercée
de celle.façon g W^^ntèikvn4"auusge, par
maniece dé dire» n^rrpibd^fvwwç a.'il voyou
fon procbainjoufon v^û^aupresde foy auoir
faute de.ee qu'il «v.fo (*> puiQàoce., mais aufli,
comme ie 1 ay «xperimeot4ils vfcqt de mefme
libéralité enuers les eftfaugers leurs alltcz«P,our
excpJe dequoy »'aUegueray,qué cel^e fois( ainfi
que i'ay touche au dixième chapitre ) que deux
François & naoy>nous eftâVefgarez par les bois
cuidafmes eftre deuorez d'vn gros & eiponuantable
lézard, ayans outre cela* l'espace de
deux iours & d v
vnc nj»& que nous demeurai-
* mes perdus » enduré grand ràinvnous eftans finalement
retrouuezen vn Village nommé Pauo
ou nous auions efté d'autres rois, il n'eft pas
poflàblc d*eftre mieux rCceu que nous fufmes
des fauuages de ce lieu-la. Car. en premier lieu,
nous ayans ou y raconter les. mauxque mous auions
endurez; mefme le; danger pu nous auiôs
efté, (f cftrc oqn feulement deuorez des beftes
cruelle^mais aufli d'eftre prin*i& mangez des
Mari AI**, nos ennemis &%le$lf urs, delà terre
dcfqucls(fans y peafer) nous nous eftios appro-

D H L* A M fi R. X QjV S. ~ 291
CNÉ'bienprîfe p-arct^yi-i^qti'&mrccela, pa£famf»
1er defeftàjlêrefpines nom auoyët bien
fortefgràtfgWSliWxrfouivoySsenteleftat, en'
prfoorftfri^itfpUï^ï^feutnAi 1
!! rn'efchappe
tfc^ de dirésquefles recepttôs hypocrwio^ues
de ceux de par deçà qui pour- confoUeion des
affligez n'v fera que du plat de K lègue, eft Bien
cfloigneedel'ta#fft*rif«'de ce» gens, lefquels
néanmoins nous appttonfcbarbares^Pour donc
venir à l'effeâ, *p*e*qu'au*c de belle eau claire,
qu'ils f%r*nf ^octtr eupres, ils eurent

\Ailig.i.j
*9* Hl $ T vp I R;E .
hier au foir q vous efticx Çof$ Us • 4*ref U m'eft
mal-aifé d'exprimer 1» bqqjs pçhec* o/ù nous/ut
lors faite par ces iauuaàct » ie^qgejs 1 le verké,
p our le d ire en, vn moeJ£r& fn noflie endroit
c e
quefainCtLuçdifc.eua Àâp.dcs Apoftres,
que les b*rbaread« l'Ifle de Malte pratiquerét
enuers fainct, Paul ; & ectuf, qui eftoyent auec
luy, après qu'ils curct efcbappek naufrage dot
il eft laraitmention.Or parce uue cous n'alliôs
point par pays que nous n'^tafltans chacun vn
fac de cuir plein de mercenie^aquelle nous feruoit
tulieu,d'argent,pour conuerfer parmi ce
peu| ie.au départir de là,nouâ baillumes ce que
il nous pleut; sflàeoir(comme i'ay tantoft dit
que c'eft la cofturne ) cotmpaux , cizeeux , Se
pincettes aux bons vieillards; des pignes, miroirs
Se bracelets , des boutons de verre aux
femmes : Se des hameçon* 4pcfcher aux petits
garçons. " ,
S v a Qjf o Y auflî, afin de mieux faire en
tendre combien ils font cas de ces chofcs,ie re
citeray, que ruoy eftantvniouren vn village,
I mon MéMJfêtcst, c'eft à dire, celuy qui m'auoit
receu chez foy, m'ayant prié de luy monftrer
tout ce que iauois dans mon CarmjMmo, c'eft
à dire, dans mon fac de cuir-- après qu'il m'eut
fait apporter vne belle grade vaiffelle de terre,
a n
(htm tem " * »*9ueUe*arregeay tout mon cas:luy, s el-
kxninfa merueUlatde voir cela, appellant foudaip tous
wagu tjti- les autres fauuages,il leur dit; Je vous prie mes
mitUicm a m j s conftderez vn peu quel perfonnagé i'ay
ftt*ux & e n m, noaifonzcar, puis qu il a tant de richçjfes,
'bl^'fa ne faut-il pas bien dire qu'il foit grâd feigueuri'
Et

t3 6 JL? AMBRIQ.VE. 293
fet cependant, comme ie dis en riant cqntre vn
miert'COljipagrion qtii'tftoir là auec moi s tout
te (JHe ce fduuage eftîmoit tant, qui eftoit en
fbnïfte cfncjou fix cotrftëàux eromâchez de diuerfesfié/bns,
autant dépeignes, deux ou trois
grands miroirs, & autres' petites- befongnes;
n'etrftpas valu deux teftons'dans Pariï.Parquoi
fuiuant céque i'^dic-àiBeafs, qu'ils aiment fur
tout ceux qui font libéraux, me voulant encores
moi-mefme plus ex*afrer qu'il n'auoitfait,ie
lui tftulhy gratifitcnienecV p'ubliqàement deuanttcjus,1eplu$
grmd.fcplus beau demesedu
fteaux:duquel de fait îl fit-autahé de conte, que
feroit dûeiqu'vn en noftré'franee, auquel on
auroitftit prefentd'vne chained'or^ de la valeur
décent efeus;
Que fi vous demandée niaintehant plus ou- saunagii
l o
tre,fur la fréquentation dés-fauuages de l'Ame- y>* x
rique, defquels ie traite à prefent : aftauoir, fi ""t*""*nous
nous tenions bien'àffeurez parmi eux, ie
refport, que tout amfi qu'ilshayflent fi mortellement
leurs ennemis, qtie comme vousauez
enteridd cl- deuant, quand ils les tiennent, fans
autre c
compofition, ils lesaffommenr& mangenttpar
le côtrairéils aiment tant eftroiremét
leurs amis & confedérez, tels que nous eftions
de cefte nation némeeTouonpinambitou/tj^ue
pluftoft pour les garétir, & auant qu'ils receufîent
aucun defplalfir, ris fe feroyent hacher en
centmillepleces,âinfi qu'on-parle.tellcmét que
les ayant expérimentez, iémç,fkrois,& me tenois,
de fait, lors plus affeuré entre ce peuple
que nous appelons tannages, que ie ne ferois
Y. j.
*

294 H I S T O I R E
maintenir, en quelques endroits de noftre fran
ce,auec les François deiloyaux & dégénère* '•
rente a'yn
danger.
ie
parle de ceux qui fotlt tels : car quanÇaux gens
de bien,dont par la grâce de Dieu leKoyaumc
n'eft pas encore vuidc, ie ferois tref- marri de
toucher à leur honneur.
Toutcfois,afin que ie dife le pro & le contra
de ce que i'ay cognu eftant parmi les Ameriquains,
ie recitehy encores vn faict contenant
la plus grande apparence de danger QU ie me
Difconrt fuis iamais trouue entre-eux.Nous eftans doncfur
typa ques vn iour inopinément rencontres ftx Fran
çoîs en ce beau grand viQage etOkfirantm, duquel
i'ay ia plufieurs fois fait mention cfcdeflus,
diftant de dix ou doute lieues de noftre fort, ayans
refolu d'y coucher» nous fifmes partie à
l'arc , trois contre trois pour auoir des poules
d'Indes & autres chofes pour noftre fouper.
Tellement qu'eftant aduenu que ie fus des perdans,
ainfi que ie cerchois des volailles à acheter
parmi le village, il y eutvn de ces petis garçons
François,quc i'ay dit du commencement,
que nous auions mené danslenauiredeRpfee,
pour apprendre la langue du pays, lequel fe tenoit
en ce village,qui me dit: Voila vne belle &
groffe cane d'Inde,tuez-Ià7vous eu feres* quitte
en payant: ce que n'ayant point fait difficulté
de faire ( parce que nous auions fouuent ainfi
tué des poules en d'autres villages « dequoi les
fauuages, enles contentans de quelque^coufteaux,
ne s'eftoyent point faichez ) après que
i'eu cefte cane morte en rua main, ip m'epallay
en vue maifon, où prefques tous les fauuages j
dè«

D fi L'AMÉ R I oit E. 195
de ce lieu eftoyent affemblcz ipour caouinen
Ainfi ayant là demandé à qui eftoit la câne,afin
que iela-luipayaffe,il y eut vn vieillard, lequel,
auec vné afler mauuaifé trongne,fe prefentanr,
me>dit,C'eft à moi.Que veux-tu!que ie t'é donnc,luidi-ie?
Vn coufteau,réfpohdit-il : auquel
furie champ en ayant Voulu bailler vn, quand
il l'eûtvétt,il dit,I'en veux vn plus beaU: ce que
fans répliquer lui ayant prefenté, il dit qu'il ne
vouloir^ point encore de eeftui-là.Que veux-tu
donc'lm di-ie,qUeiete donne? Vne ferpe,ditil.
Mais parce qu'outre que cela eftoit vn prix
du tout exéeflif en ce pays-là,dej dôner vne ferpe
pour Vne cahne,encores n'en 1
auois ie point
pourlorSi ie lui dis qu'il fe contentait s'il vouloit
du fécond coufteau que ie lui prefentois,&
qu'il n'en auroit autre chofe. Mais là deffus le
Truchement, qui cognoiflbit dieux leur façon
de faire (combien c(u en" ce faicli /comme ie diray,
il fuft auffi bien trompé que moi ) médit,
Il eft bien fàfché, & quoi que c'en foit, il lui
faut trouuer vne ferpe. Parquoi en ayant emprunté
vne du garçon duquel i'ay parlé, quand
le la voulu bailler à ce fauuage,il en fit derechef
plus de refus qu'il n'auoit fait auparauant des
coufteaux : de façon que me fafchant dé cela,
pour ta rroifieme fois ie lui dis 1
: Que vcux-tu
donc de moi? A quoi furieuferrient il répliqua,
qu'il me 1
vooloit tuer comme i*^uois tué fa canne
: caric!W-il,piarcé qu'elle a efté à vn mié frère
qui eft teort; ie Paîmois plus que toutes autres
cnofesqufci'euffeenmapuiffànce. Et defaid,
mon lourdaut de ce pas s'en allant quérir vné
Y. i).

Hrs T o,i(ii >i,
efpee.ou pluftoft groffc maffue de bois.de cinq
à fîx pied» de long, reuenant tout foudain vers
moi, continuoit toufiburs à dire qu'il me vouloit
tuer. Qui fut donc bien esbahi ce fut moy:
& toutesfois , côme il ne faut pas faire ie chien
couchant (comme on parle ) rii le cramtifentre
cefte nation , il ne failoit pas que i'en 6ffe femblant.
Là deifus le Truchement, qui eftoit alfis
dans vnlict de cotton.pendu entre le querelleur
& moy , m'aducmffant de ce que ifc n'entendois
pas, me dit : Ditesrlui.en tenant vofti e
cfpee au poing, & lui monftrant voftre arc &
vos flefchcs,à qui il penfe auoir affaire'rcar qu ât
à vous,vous eues fort & vaillant,& nevous h lirez
pas tuer fi aifément qu'il penfe. Somme faifant
bonne mine & mauuàis îeu,comme on dii,
après plufieurs autres propos que nous eufmes
ce fauuage & moy, fans ((uvuaut ce que i'ay dit
au commencement de ce enapitre) que les autres
fiffent aucun femblant de nous accorder,
yure qu'il citoit du Caoum qu'il auoit beu tout
le long du iour. il s'en alla dormir 8c cuuer fun
vio;& moi 8i le Truchement fouper & manger
fa cane auec nos compagnons, qui nous attendans
au haut du village,ne lauoyent rien de noftre
querelle.
Or cependantjcôme l'ilfuc monftra,les TonoHpifiamtaokUs
fachansbiea,qu'ayansiale is Portugais
poureiinemis,s'ils auoyenc tué y-o François
, la guerre irreconcili?bjê^o^ne^ment
déclarée entre cux,qu'ils fejoyçtit a jajcua}s,pnuez
d'auoir de la marcharKiUe,tout ce que mon
homme auoit fait,n'eftoit qu'en fe iouant.Et de
fait,

t>B E'AMtRïoJrE' 2
97*"
fait, s'éftaht refueillé enuiron *tro i s heures apres,
il m'enuoya dire par vn autre fauuage que
Teftois fon fils , & que ce qu'il auoit fait en
mon endroit eftoit feulement pour efprouuer,
& voira ma côtenancé fi ie ferojs bien la guerre
aux Portugais & aux MirgaiM nos communs
ennemis. Mais de mon cofte, afin de lui
ofter l'occafion d'en faire autant vne autre fois,
ou à moi ou à vn autre des noftres: ioint que
relies rifees ne font pas fort plaifantes, non feulement
te lui rrianday que ie n'auois que faire
de lui, & que je ne voulois point de pereqifi
m'efprôuuanVàuec vne efpee au poing , mais
auflî lé feiidémaiftientrarit étr ia maifon où il eftoit,
afin dé lui faire trouuer meilleur, &Jui
monftré'r que'tél leu medefplaifoir, ie donnay
des péris'couftéaux 8c des haïrris à pefcher aux
autres tout auprès de lui qui n'eut rien. On
peut donc recueillir, tant de ceft exemple que
de l'autre que i'ay recité ci-deftùs de mon premier
voyage parmi les fauuages, où, pour l'ignorance
dé leur couftume"ertuers noftre nation,
ie cuidois eftre en danger, que ce que i'ay
dit de leur loyauté ennersleurs amis demeure
toufiours vray 8c fermesaftauoir qu'ils feroyerrt
bien' marris de leur faire defplaifir. Sur quoi,
pour cbnclufibn dé cepoin&,i'adioufteray que
fur tout lés vieillards,'qni par le pafle ont eu
faute dé cbignées, ferpes, 8c edufteaux ( qu'ils
trouuènr maintenant tarit propres pour couper
lehrs bois, & faire leurs arcs & leurs flefches)
hoh feulemét traittent foj-t bien les François
qui les vifitént, mais auffi exhortent les

ieuhes gens d'entr'eux, de faire le femblable à
l'adu_.iir.
CHAP. XIX.
Comment les fauuagesfe traitent en leurs maladies
; enfemble de leurs fcpultures & funeratlles:ç?
des grands pleurs ejutls font afres leurs morts.
O v R mettre fin 1 parler de nos
fauuages de l'Amérique, il faut fauoir
comment ils fe gouucrnent en
leurs maladies, Se à. la fin de leurs
iours, c'eft à dire, quand ils font prochains de
la mort naturelle. S'il aduient. donc qu'aucun
d'eux tombe malade; après qu'il aura monftrc
& fait entendre où il fent fon mal, foit au bras,
iambes ou autres parties du corps:ceft endroitlà
fera fuccé auec la bouche par l'vn de fes amis:
& quelques fois par vne manière d'abufeurs
Pjgifs, me qu'ils ont entre eux nommez r\f£*s»qui eft à dide.ms
det re barbier ou médecin ( autre que les Caraïbes
{amaget. j o n t {' ay p arié, traitans de leur religion ) lefquels
non feulement leur font accroire qu'ils
leur arrachent la douleur, mais auffi qu'ils leur
prolongent ja vie. Cependant outre les fleures
& maladies communes de nos Ameriquains, à
quoi, comme i'ay touché ci deuant, à caufe de
leurs pays bien tempéré, ils ne font p4jffifuiets
que nous fommes par-deça,ils ont vne maladie

ladie incurable qu'ils.nommeni/ >

300, rTi's'VéïRB "
auoir l'es aureiiles rompues' que d'en dire mot.
Toutesfois s'il aduient qu'il meure, &fur tout
fi c'eft quelque boa pere de £ut>tlle,la chantre -
rie eftant foudain tournée en pleurs,ils lamentent
de telle façon, quefi nous nous trouuions
en quelque village ou il / etrft vn mort, ou il ne
failoit pas faire eftat d'y coucher, ou ne fe pas
attendre de dormir lanui'ct. Mais principaleracntc'cft
rneroetUe d'buîr les ferames,lefquel-
Jes brailkms fî fbrt& fi hamy que vous diriez
que ce fqrit huriemens deVhiens & de loups,
font communément tels regrets cktelsdialojuès.
Il eft mort (diront les vnesentraioant
! euts vois ) celuy qui eftoit fi vaiHant,. fit qui
rfous a tant fait manger de prifonniers. Puis les
antres en efclatént cternefrac, refpondront, O
qtfe tfeftoit vn fcott chafjeur & vn excellent
pefcheiir. Ha le cfaue" tfïbmmeur de Bortugais.&:
de Marpti**, defe^elsilooùitavfifcfcn
venges, dira qnWqu'v^e/eritre les autres ; tellement
que parmi ces^^rirnds pleurs ,'sftncitans à
qui'fera le plUs-grand^'n^eil, ûc comme vous
voyer en la prèfcnW-figure, s'embraffans les
bf as & les efpaUres- l*m* de l'autre, iufques à
cc^que le corps fort éftéde) deuant*Ues,elles ne
cefîeront,en dechîrrj|nr & récitant par le menu
tout ce qu'il aura fait ft^ftetf fa vie, défaire de
longues kirielles de fes louanges.
BREF,

1 11
'
"W«f
302 H I S T O I R E
BREF, à" la manière que les femmes de
Bearn, ainfi qu'on die, fâifans de vice vertu en
vne partie des pleurs Qu'elles font fur leurs maris
décédez chantent, miamou, la miamou,
Car* ridant, oeil de jplendou : Cama leugé, bet
danfadott : Lo me' balen, lo mesburbat : matt
depes : fort tard an Iheit. C'eft à dire, Mon amour,
mon amour: vifage riant, oeil de fplendeur,iambe
légère, beau danfeur, le mien vaillant,
le mien çfueillé, matin debout, fort tard
au lia. Voire comme arfeuns difent que les
femmes de Gafcongne adiouftent, Tere,yerc,
O le bet renegadott, oie bet tougadou qu'hère:
c'eft adiré, Hdas,hel as, Ole beau rcnieur,ô le
beau loueur qu'il eftoir.Ainfi en font nos pau-
• ures Ameriquaines,lefquelles au furplus,au refrein
de chacune pofe, adiouftans toufiours,
II eft mort, il eft mort, celuy duquel nous faisions
maintenant le dueil.- les hommes leur rcfpondans
difent, Helas il eft vray, nous ne le
verrons plus iufques à" ce que nous foyons
derrière les «aontagues,où, ainfi que nous enfeignent
nos Caraïbes, nous danferôs auec luy:
& autres ferablables propos qu'ils adiouftent.
Ftjfts & Or ces qoerimonics durans ordinairement deftfi
fe»~ mi iour ( car ils ne gardent gueres leurs corps
U r f t r
morts dauâtage)apres que la folft aura efté fair
AL~. te,non pas longue à noftre mode, ains ronde &
amt. proronde, comme vn grand tonneau a tenir le
vin.le corps qai aufli incontinent après auoir
efté expiré, aura efté plié, îes bras & les iambes
liez à l'entour, feja ainfi enterré prefques tout
debout- mefme ( côme i'ay dit) fi c'eft quelque
bon

B L A H I I I QLV B. 30$
bon vieillard qui foit decedé,il fera enfepulturé
dans fa maifon , enueloppé de fon lia de cotton
, voire on enterrera auec luy quelques coliers»plumafferies
8c autres befongnes qu'il fou l»y*» xe
*~
loit porter quâd il eftoit en vie.Sur lequel P^'t^^fC"'
pos on pourroit alléguer beaucoup d'exemples
des anciens qui en vfoyent de cefte façonrcomme
ce que Iofephe dit qui fut mis au fepuichre L
"*'
u
(
de Dauid: & ce que leshiftoires prophanes tef- ^ 1 •
moignent de tant de grands personnages qui apres
leur mort, ayans efté ainfi parez de ioyaux
fort précieux le tout eft pourri auec leurs corps
Et pour n'aller plus loin de nos Ameriquains
( comme nous auons ia allégué ailleurs) les Indiens
du Peru.terrc continente à la leur,enterrans
auec leurs Rois & Caciques grande quantité
d'or & de pierres precieufes.-plufieurs Efba
gnols de ceux qui furent les premiers encefte
contree-la , reccrchans les defpouilles de ces
corps morts, iufques aux tombeaux & crotes
où ils fçauoyent les trouuer, en furent grandement
enrichis,De manière qu'on peut bien appliquer
à tels auaricieux, ce que Plutarque die
, que la Royne Semiramis auoit fait engrauer en
* la pierre de fa fepultu re :affauoir par le dehors
tourné en vers François, comme s'enfuit,
Quiconque foit le Roy de pecune indigent,
Ce tobeau ouuert prene autât qu'il veut d'argent.
Puis celyy quil'ouurit y penfant trouuer grand
butin, au lieu de cela vid cefte eferiture par le
dedans,
Si tu neïlois mefehant infattable d'or,
lamats n enfles fouillé des corps morts le threfor.

J04 ni S T O I R t
TOVTESFOIS pour retournera nosTououptn*mbaoHlts,
depuis que les François ont
hante parmi eux ils nlenterrentpas d couftumiercment
les chofes de valeur auec leurs
morrs,qu'iIs fouloyent faire auparauant.- mais,
ce qui eft beaucoup pire,oyéz la plus grande fu
f
>erftition qui (e pourroit imaginer, en Iaquele
ces pauures gens font détenus. Des la première
nuiét d'après qu'vn corps, a la façon que
vousauez entendu, a efte enterré 1
, eux croyans
Emut fermement que fi Aygnan*c ,
ti& adiré le diable
vraytmet en leur langage, ne trouuoit d'autrçs viandes
duboli- r o u t c s preftes aupres,qu'il le deterrefoit & mâ
geroit.- non feulement ils mettent de grands
plats de terre pleins de farine,volailles,poifsôs
Se autres viandes bié cuitcs,auec de leur bruuage
dit Caouin, lus la foffe du defunét, mais aufli
iu/qu'à ce qu'ils penfent que le corps {oit entièrement
pourri, ils continuent à faire tels ferui-
, ces, vrayement diaboliques : duquel erreur il
nous eftoit tant plus mal aifé de les diuertir, q
les truchemens de Normandie qui nous auoyent
précédez en ce pays là, à Pimitatiô des preftres
de Bel, defquels il eft fait mention en l'Eferiture,
prenans de nuict ces bonnes viandes
pour les manger, les y auoyent tcllemét entretenus,
voire confirmez, que quoy que par l'expérience
nous leur monftriffions quVcequ'iis
y mettoyet le foir s'y retroùuoit lc lendemain,
à peine peiifme.i nous perfuader le contraire à
quelques vns. Tellement qu'on peut dire que
cefte refueriedes fauuages n'eft pas fort différente
de celle des Rabins dqôeurs Iudaiques:
ni

DE L ' A M E R I oj_v E. 505
ni de.cclle dcPaufanias. Car lesRabins ticnncc V'ZJ*
que le corps^ mort eft laiflc en la puiflânee d'vo
f
hfif
diable qu'ifs dominent Zazel ou Azazcl, lequel |rl>^,£)J
ils diïcnt cftre appelé prince du defcrt,au Èeui logue troitique
: & mefme pour confirmer leur erreurjils jieme.pag.
deftournent ces partages de l'Efcriture où il eft
(
dit au ferpent,Tu mâgeras la terre tout le téps ^ n '' s
f
de ta vie. Car,difent-ils,puis q noftre corps eft ifa'/ s^
crecdu limon & delà poudre de la terre , qui
eft la viande du ferpent, il luy eft fuieft iufques
à ce qu'il foit rranfmuc en nature fpirituclb;.
Paufànias fcmblablement raconte dVn autre
diable nommé Eurinonuis,duqjucl les interpréteurs
des Delphiens ont dit qu'il deuoroir la
chair des morts, & n'y laiffoit rien que les os,
qui eft en fomme,ainfi que i'ay dit,le mefme erreur
de nos Ameriquains.
F I N A L E M E N T quant à la manière que
nous auons monftré au chapitre précèdent, les
fauuages renouuellent & tranfporteut leurs vil
lages en autres lieux , mettans fur les foffes des
trefpafléz de petites couuertures de cefte gran­
Ferme de
de herbe qu'ils nôment Ptndo, non feulement
cimetières
les paffùns,par ce moyé, y recognoiffent forme
entre les
de cimetière , mais aufli quand fesTenames s'y fanages,
rencontreut,ou autrement quand elles font par
les bois, fi elles fe reffouuiennent de leurs feus
i;iaris,cefera faifans les regrets accouftumez ,à
hurler de telle façon qu'elles fe font ouyr de
demi lieuë. Parquoyles laiflant pleurer tout
leur faoul, puis que i'ay pourfuyui les fauuages
iufques a la foffe ,-ienacttray icifin àdifeourir
de leur manière de faire: toutefois les lecteurs

506 HlStOlKI
en pourront encore voir quelque chofe au colloque
fuyuant,qui fût. fait au temps que i 'eftois
en l'Amérique,! l'aidj: dVntruchemençlequel
non feulement, pour y auoir demeuré fept ou
hui&anS, entendoit parfaitement le langage
des gens du pays, mais aufli parce qu'il auoit
bien eftudié, mefme en la langue Grecque, de
laquelle ( ainfi que ceux qui l'entendent ont i3
peu voir ci-deflus ) cefte nation des Tououpinambaoulis
a quelques mots , il le pouuoit
mieex expliquer.
CHAP. XX.
Colloque de f entrée ou arrtuee en IA terre du
Brefil , entre les gens du pays woHww^Tououpinambaoults
ejr Toupinenkins:* n langage fumage
dr François. t
T ououpmambaoul*
E R E-ieubé} Es tu venu. ?
François*
Pa-atout,Ouy ie fuis venu.
T.
Teh! auge-ny-po, Voila bien dit.
T
Ceft U no M ara pc'-dcTéré? Comment te nommes-tu?*
dtlamttur K
tnlangtrt .
famtog? Lery- oujfou, Vne grofle huître.
Frc-

DE L'AMERIQJVE. 07
T
Ere iacajfo pienc ? As-tu laiffé ton pays pour
venir demeurer ici?
F
Ta. Ouy.
T
Eori-deretaniouanircpiac,\ïcn dôques Voir
le lieu ou tu demeureras.
F

$o9 H i s t o i '* è
pour accomplir le nombre que tu leur voudras
donner à entendre,*: de toute autre chofe femblablement.Car
ils n'oQt autre manière decon
ter.
T
MÀi vireront , de caramémo poupe' ? Quelle
chofe eft-ce que tu as apportée dedans tes
coffres.'
F
A- aub. des veftemens;
T
M*r*vac?T)c quelle forte ou couleur?
Sôbo>ty-eté. De bleu;
Ftrenc. Rouge J
Ioup.\à\ii\t.
5o«.Noir.
Sobotty ,majfoH.V çr d.
Ptrienc.De plufieurs couleurs.
TegaftoH^Mte,Couleur de ramier.
T*«,BlancTt eft entendu de chemifes. -
T
Af.te'pJmo?Qaov encores?
F
Atavg aiibe'-roupe'.Des chapeaux.
T
Seta-pé? Beaucoup?
F
hutvupMté. Tant qu'on ne.les peut nombres
T.
At pogno? Eft-ce tout.?
F.
£nw».Non,ou Nermy;

W l l mm. mimwaiimixin'»". u «P , . ^ . W ^ - -"T^l
Dxr L* A M E R iojr i.
T
309
Èfftmw ^Nommctout.
F
OrtfTW.Attens vn peu.
T
i\T«>j. Or fus doncques.
^ F
Mocap,ou Mûrorocap. Artillerie à feu, comme
harquebuze grande ou petue:car Alocap U-1 u t i l ll
gnifie toute manière d'artillerie à feu, tant de v «>^#
groffes pièces de nauires, qu'autres; U femble U.
aucunesfois qu'ils prononcent B*c*p par B. &
feroit bon en efcriuant ce mot d"entrcmefler
M.B.enfemble qui pourroit*
Mocap-coHt, De la poudre à canon,ou pou- Poudre*
dre à feu.
cano
'>-
MocMp-comottroH, Pour mettre la poudre à
feu,comme flafques,cornes & autres.
T
M .tra vaé? Quels fo n t-ils?
F
TapirtHffbH-a/c.Dc corne de bœuf;
T
Attgc-gatou-tcgHC: Voila tresbien dit.
Aiaepêfcpvuyt
pour ce?
rem?Que\\
F
ce qu'on baillera
Arourii le ne les ay qu'apportées* comme difant,
le n'ay point de halte de m'en desfaire: en
leur faifant fcmbler bon;
T
Ht! Ceft vne interiedion qulls ont accou- mteritftumé
de faire quand ils penfent à ce qu'on leur

3to H l S T O l K B
dit,voulans répliquer volontiers. Neantmoins
fe taifent afin qu'ils ne joyent veus importuns.
ArroH-itaygaptn. I'ay apporté des efpees de
fer.
T
Naoepiac-ichopénc? Ne les verray-ie point?
F
Begoc ircm.QueXque iour à loifir.
T
Néréroupe gtria-pat ? N'as- tu point apporté
de ferpes à heu fes?
F
Arrotttyl'cn ay apporté.
T
Igatou-pé? Sont-elles belles?
F
Cuiapar-c'tc. Ce font ferpes excellentes.
T
Ana pomoqHtm? Qui les a faites?
F ^
Page OHajfou rtmymogntn. C'a efté celui que
cognoiifcz.qui fe nomme ainfi,qui les a faites.
T
çyiugi-tcrah. Voila qui va bien.
F
Acepiab mo-men. Helas ie les verrois volon<
tiers.
F
KaramonJfcc,Quelque autre fois.
T
Tâcéptah tttuge, Que ie les voye prefenternent.Eèm-

PHIII n , L,,,,,,,,.,,,...,, »•„,,, », l,w,w.,,„,,l.^..f.„.., w.,„, l,^- T~ r-„ •
D E L' A M E R I

^ii H I S T O I R E '
T
Scehdr',lc ne fç.iy.mjts toi ? Maéperét potat 7
Que vcux-tu?
F
Soo , Des beftes , (Jura, des oifenux, Ptra, du
poiflon,0«>',de |a farine,7>/ir,dcs naueaux, Cmenda-onalfou,des
grandes feues,Commenda mir/,dcs
petites feues, Morgouia onajJ~ou,dcs oranges
& des citrons , Mae tiroaen, de toutes ou
plufieurs chofes.
T
Mara-vaê fo'o ereiufcetTT decjuclle forte de
beftes js-tu appétit de manger?
F
N'aceptah quevori-gonaaire, le ne veux de celles
de cepays.
T
z/f ajfenon defue yQuc iete les nomme.
F
.V««,OrIà.
T
TaptroHJfou,Wn*î befte qu'ils nomment ainiî,
demi afne & demi vache.
St-oua/foH,efpece de ccrf& biche.
TdM/ÔKjSanglier du pays.
- fj/fgoutt., vne befte roufle grande comme v:t
petit cochon de-trois femaines.
Pagne, c'eft vne befte grande côme vn petit
cochon d'vn mois,raycc de blanc 8c noir.
Tapiti,e(pecc de Heure.
EflcTten ooca,y chefue,'Nô'mc-mo\ des oifeaux.
F
LtCQH, c'eft vn oifeau grand comme vn chapon

D E L' A M E R I o_v E. 313
pon , fait comme vne petite poule de guînec,
dont il y en a de trois fortes,c'eft affauoir,/*r0«
wt, lacoupemcir lacou-ouajfou-.&c font de tort bônc
(aueur,autant qu'on pourroit eflimer autres
oifeaux. j
Mouton, Paon fauuage dont en y a de deux
fortes,de noirs & gris,ayant le corps de la gran
deur d'vn Paon de noftre pays(oyfeau rare)
Mocacouà, c'eft vne grande forte de perdrix
ayant le corps plus gros qu'vn chapon.
Ynarnbou-ouajfou,c'e[ï vne perdrix de la gran
de forte, prefque auffi grande comme l'autre ci
de (fus nommée.
Ynambou, c'eft vne perdrix prefque comme
celles de ce pays de France.
Pegajfou, tourterelle du pays.
Paicacu, autre efpece de tourterelle plus petite.
F.
Setape ptrafeuaé? Eft-il beaucoup deb.ons
poifTons? T.
Nan,Il y en a autant.
Kurema.he mulet.
Paran,\n franc mulet.
Acar*- ouajfou,\n autre grand poiffon qui fe
nomme ainfi.
^oir4-pi?^,Poiffon plat encores plus délicat,
qui fe nomme ainfi.
Acara-bouten, Vn autre de couleur tannée
qui eft de moindre forte.
Acara-mtrt\âc tref-petit qui eft en eau douce
de bonne faueur.
Ouara,Vn grand poiffon de bon gouft.
Kamouroupouy-ouajfou, Vn grand poiffon.
Z. iij.

H I S T O I R E
Mama-pe deretam? Où eft ta demeure r
Maintenant if nomme le heu de fa demeure.
Kariauh. Ora-ouaffott ouée lauen-ur ajficf Piratai
i o-ptKy Esrata>, Itanen, Taracouir-apatt y Sarapo-H.
Ce font les villages du long du riuage entrât
en la riuiere de Gentnre, du coflé de la main fcneftre
nommez en leurs propres noms:& ne fâche
qu'ils puiffent auoir interprétation félon la
lignification d'iceux.
Ke n-H, Acara-u Kouroutnouréjta-aue>loirarnuert,
qui font les villages en ladite riuiere du
du cofté de la main dextre.
Les plus grands villages de deffus les terres
tant d'vn cofté que d'aurre,font,
SacoHarr-ouftoH-tuue*Qkarentin,Sapoptm,TJ ouroHCHue,/4rafa
tHHe,Vf*-potHuf, Se plufieurs autres/dont
auec les gens de la terre ayant cômunication,
on pourra auoir plus ample cognoiffance
Se des pères de famille que fruftratoirement
on appelle Rois, qui demeurentaufdits
villages : Se en les cognoiffant on en pourra
iuger.
F
Afobouy-pêtoHpichagatoukeHoM? Combien y
a-il de grands par deçà?
T
Seta-gHtill y en a beaucoup.
F
Eflcnon auge petjHonbe ychtfne, Nomme-m'en
quelqu'vn.
Nàrt

DE L' A M E R I O_V E. 315
T
Nân, C'eft vn mot pour rendre attentif celui
à qii on veut dire quelque propos.
Eapiruti t toupyCeW le nom d'vn homme qui
eft interpreté,telte à dorni pelee,où il n'y a gue
re de poil.
F '
Mamo-pè fe t*m? Où eft fa demeure?
T
Kariauh be y En ce village ainfi dit ou nommé,
qui eft le nom d'vne petite riuiere iont le
village prend le nom,à raifon qu'il eft aflis près,
& eft interprété la tnaifon des Karios, compofé
de ce mot Karios Se iïauq , qui fignifie maifon,
Se en oftant os Se y adiouftant auq fera Kartuub,
tk be.c'eft l'article de l'ablatif.qui fignifie le lien
qu'on demande là où on veut aller.
T
Moffen y gerre, eft interprète garde de
medecines,ou à qui médecine appartient:*: en
vfent proprement quand ils veulent appeler vne
femme forciere, ou qui eft poffedee d'vn
mauuais efprit : car Moffen c'eft médecine , &
gerre c'eft appartenance.
Ourauhoujfou au arentin,L* grandeplume de
ce village nommé Des efforts.
T
Tau oouar oujfou-tuue-gouareyfit en ce village
nommé le lieu où on prend des cannes comme
de grands rofeaux.
T\
Ouacan, Le principal de ce lieu là, qui eft à
Z. iiij.

$16 H I S T O I R E 1
dire leur tefte.
Soonar ouffouy C'eft lia fueille qui eft tombée
d'vn arbre.
T
Aior%ouia-ouaf[oH,\n gros citron ou orange,
il fc nomme ainlî.
T
Ai M du , Qui eft flambe de feu de .quelque
chofe,
T
Aiuraca-ouajfoH.Vne grofle fonncttc,ou vne
cloche.
T
Aiae-uoc

T> E L' A M ^ R r Q_v E. 317
F
Cher *uc-ouam.M.z. maifon pour demeurer.
T
A ( ara . Vae-a»c? Quelle forte de maifon?
F
Seth, daé ehér'eco-rem eouap rengnê. le ne fç-iy
encore comme ie dois faire.
, 7
Ncin terne ouap dérécorem.
ce que tu auras affaire.
F
Or la donc penfe
Veretan repiae-iree,Apres
itre pays & demeure.
T
que i'auray veu vo-
Tfereico-icbo -pe-deauem a trompe te tiédras
tu point auec tes gens?c'eft à dire,auec ceux de
ton pays?
F
Maràarnop' ?
Pourquoy t'en enquiers-tu?.
Aipo-gut.
T
le le di pour caufe.
Çbe-poittoupa-giié de'rt, l'en fuis ainfi en malaife.comme
difantje le voudrois bienfçauoir.
iSïe'npéamatareumpe oréroubicheh ? Nehaif- _ ;
fez vous point noftre principaUc'eft à dire,no- oit
ftre vieillard ? lard.
V
Erymen. Nenny.
Sérécogatoupouy e'um-étérno. Si ce n'eftoit V/ne
chofe qu'on doit bien garder, on deuroit
dire.
Se'couaé apoau- é engatottrcfme>yporérè cogarout • . r,: , • •. * ,

518 H I S T O I R E
C'eft la couftume d'vn bon pere qui garde bic
ce qu'il aime. \
T
Nerefco-icho ptrem-ouarim? N'iras-tu point à
la guerre au temps aduenir?
F
%A(fo trénuéy l'y iray quelque iour.
Wims iet çJMar* pe'peroMagc'rre- re're'i Comment efta
* Mtmtl
- ce que vos ennemis ont nom?
T
T ouatât ou Ai urgaiat, Ceft vne nation qui
parle comme eux, auec lefquels les Portugais
fe tiennent.
Ouc'rjca, Ce font vrais fauuages qui font entre
la riuiere de Mach- he & déparât.
Oui aut. Ce fôt fauuages qui fôr encores plus
fumages, fe tenans p.irmi les bois & môtagnes.
QATMA, Ce font ge îs d'vne plus noble f.'Çon,&
plus abondans en biens, tant viures qu'autrement,
que non pas ceux ci deuant nommez.
Karios, Ce font vne autre manière de gens
demeurant par delà les Touaiaire, vers la riuiere
de Plate qui ont vn mefme langage que les
Toûoup. T oupmettqutn.
conformi- l 3 différence des langues, ou langage de la
\ e
t c r r e
°"- *'Jt[ > e
^ entre les nations deffus nommées,
'butènes " ^ c
premièrement les )T' ottottpinambaoïAts
Touptnencjiiin, Touataire, Tememtnon

D E L'AMK RICLV E. 319
Les Outtaca différent tant en langage qu'en
fait de l'vne & de l'antre partie.
Les Oueanen auflî au femblable ont toute
autre manière de faire & de parler.
T
Te h ? Oioae poeireca dpaAu ue', tende/ne, Le
monde cerche l'vn l'autre & pour noftre bien.
Car ce mot tendent eft vn dual dont les Grecs
vfent quâd ils parlent de denx.Et toutesfois icy
eft prins pour cefte manière déparier à nous.
Ty terobah ApÔAUAri, Tenons-nous glorieux
.du monde qui nous cerche.
aA"pÔAU ae maegerre, tende/ne. C'eft le monde
qui nous eft pour noftre bien. C'eft, qui
nous donne defes biens.
Ty re'co-gatou tendefue^Qirdons le bien, C'eft
que nous le traitions en forte qu'il loit coter*
de nous.
1 pore ne oté-amreco tendefue. Voila vne belle
chofe s'offrant à nous.
Ty marâ-gatou apoAu-apé, Soyôs à ce peuple
ici.
Ty momourrou,rne'mAegerrt iendefue, Ne faifons
point outrage à ceux qui nous donnent de
leurs biens.
Ty poth apoaue iendejue, Donnons leur des
biens pour viure.
TypoerACA ^OrfOMsTrauaillons pour prendre
de la proye pour eux. Ce motyporraca eft fpecialement
pour aller en pefcherie au poiffon.
Mais ils en vfent en toute autre induftrie de
prendre beftes & oyfeaux.
Tyrrout mae tyronatn uni ape\ Apportons leur
de toutes chofes que nous leur pourrons re-

320 H I S T O I R E
couurer.
Tyrecomrémotcbmefendé-maérecoujfaHe. Ne
traitons point nul ceux qui nous apportétde
leurs biens.
Peporomc auumecharatre-oueh, Ne foyez
point mauuais, mes enfans.
Ta pere cothrnaé, A fin que vous ayez des
iens.
Toerecoikparaire amo , Et que vos enfans en
ayent.
Nyrecoth tenderamouyn mai ponaire , Nous
n'auons point de biens de nos grands pères.
O pap cheramouyn rnaépouatre atttb. I'ay tout
ictte ce que mon grand pere m'auoit l'aidé.
Apoau. mac-ry 01 terobtab, Me tenant glo-rieux
des biens que le monde nous apporte,
lenderamoHoyn-remiépyac potategue a ou-aire>
Ce que nos grands percs voudroyent auoir
veu, &: toutesfois ne l'ont point veu.
Tch! oiporjrbeic tenderam^aye r e'cohtare e/c
tendefue, Or voila qui va bien, que l'efchangc
plus excellent que nos grands peresnous
eft venu*
lendeporrau-oHjfoi4-vocare,C\d ce qui nous
fnct hors de triflcffc.
lende- co oHaj]oHgcnc tQù\ nous fait auoir de
grands iardins. \ .
En fafîi ptrarn* Je nderc rnemy non apte, line
fai t plus de mal à nos enfanchoqets quand on
les tond. l'entend ce diminutif enfanchonets
pour les enfans de nos enfans.
Tyre cotb apouaH>Knderouagerre-ari.Menons
ceux- cy auec nous contre nos enn émis.
T cer

D F. L' A M F R t Q_V F. 32I
Toere coih rnocap o mae-ae, Qu'ils ayent des harquebuzes
qui eil leur propre bien venu d'eux.
Mara-mofenten gatou-emn-amo? Pourquoy
ne feront ils point forts?
Même tae morerobtarem, C'eft vne nation ne
craignant rien.
Tyfênenc apouau,m/tram tende iron,Efprouuôs
leur force eftans auec nous autres.
Menre-tae mater o rouptare, Sont ceux qui deff'ont
ceux qui emportent les autres,aiîàuoir les
Portugais.
Avne be oneh, Comme difant.,11 eft vray tout
ce que i'ay dit.
T
Pjetn-tyamouHeta iendere caffareri, Deuifons
cnfemble de ceux qui nous cerchent: ils entendent
parler de nous en la bonne partie, comme
la phrafe le requiert.
F
Netn.cbeatouu-ajfatre, Or donc mon allie.
Mais fur ce poincf il elt à noter que ce mot

$u H I S T O I R E
nous?
1 F
Set'h mat ttrouen-rcffei De plufieurs & diuerfes
chofes.
T
AiArA-pieng vah-rerc? Comment s'appelle le
ciel?
F
Iaccicl.
T
C) h- rengne-tajfenouh mAtttrouen âcfnet
F
ylneC'be.C'eù. bien dit.
T
MaCyLc c'\e\,C»iutrAjJi,\e. Soleil, /*/r*,la Lu -
ne, Idjfi tAtA iHAJfoH, La grande cftoille du matin
& du vefpre qu'on appelle communément Lucifer./^/tAtA
tniriyQc font toutes les autres petites
eftoiles. Vbotty, c'eft la terre, PAranAn, la
mer. Vh-ctc, c'eft eau douce. Vh-ecn, eau falee.
Vb-ttnbuhc, eaux que les matelots appclent le
plus fouuent Sommaque.
T
/>

D E L* A M E R I OV E. 323
Arre^Yâ'iryArraipfmïuuais air.
Amenpoyton,Le
uoir.
temps difpofc &preft à pieu
Toupen,tonnerre, Toupen verap,c ,
qui le preuient.
eft l'efclair
Tbuo-ytin.les nuées ou»lc brouillard.
Ybueture,Les montagnes.
Gtium, Câpagnes ou pays plat où il n'y a nul- capagnet.
les montagnes.
T
T*«

224 H i t O I II «
pays & de ta demeure.
Aug i derengtUept*r\ndoup. Ceft bien dit,
cnquiers toy premièrement.
T
la eb-mararederetam-rere. Ict'acorde cela.
Commenta nomtonpays&tademeuref
F
R o v E N.C'eft vne ville ainfi nommée.
- C
fr**l(e. Tau oufeou-pe 0w*m?Eft-ce vn grand village?
Ils ne mettent point de differéce entre ville
& village à raifon de leur vfage, car ils n'ont
point de ville.
F.
Pa.Ouy.
T
Moboti-pc-reroupichah
vous de feigneurs?
gatoMÏCombien auez
Ang-e-pe-Vn
F
feulement.
T.
M arap*-/èref Comment
F
a-il nom?
Henrjît* H E N R Y,C'eftoit du temps du Roy Héry
uni. 2.que ce voyage fut fait.
T \
Tere-porenc. Voila vn beau nom.
Mara-pt pertu pichau-eta-emm t Pourquoy
n'auez vous plufieurs feigneurs?
F
Montréchib-gne
plus.
, Nous n'en auons non
Ort

DE; L ' A M E R I Q T Ï . - 31$
Orerantouim-4Hé.T>és lc temps de nos grands
pères. T
MsTApitHc-pee î Et vous autres qui elles
vous?
F
Oro*VoV«*.Nous fommes conteus ainfi.
Orecmae-gerrê.'Noas fommes ceux qui auôs
du bien.
T
Epi-noerè coih:'perouptchab-mae ? E>t voftre
Prince a-il point de bien?
F
Oerecotb.ll en a t.ant & plus.
Oree-mae-gerre-a hépe.Tout ce que nous auons
eft à fon com/nandcmcnt.
T
OratHt-peogèpé? Va-il àla guerre?
F
Ta.Ouy.
T
Mobouy-taue-pe-ioucA ny ?nae ? Combien auez
D
r f 0l
t rt
j 11 11 •» furies favous
de villes ou villages? ' ^
F T

'3*6* H I S T O I R E
Tporren-gdt«H.ïl eft fort beau*
Cr
Eug*r*-pe-per-*uce* Vos maifons font-elles
ainfi? affauoir commeles noftres.
F
Oicoe-gMou.lVy a grande différence.
T
Mara-vac? Comment font-elles?
F
It4 g*ff-Elles font toutes de pierre.
T
Tourouffou-pelSont- elles grandes?
F
TourokjJoH-gMtou.Ei\e$ font fort grandes.
Vdte-gatoH-pe? Sont-elles fort grandes? affauoir
hautes.
F
Mabmo. Beaucoup. Ce root emporte plus
que beaucoup, car ils le prennent pour chofe
efmerueillable.
T
Ettgaya-pe-pet-ancymmï'Lti dedans eft-il ainfi?
affauoir comme celles depar-deç/a.
F
£r>fnr».NennL
T \
pu thefit Efce-non-àereterenomdau cta-icBtftte. Noma
rt* rK
~ me-moi les chofes appartenantes au corps.
£/î«rd**.Efcoute.
T
leh. Me voila preft.
Chi'

Ds L'AMERIÔVE. 327
T
Chi-dcam Mx tefte. Ta tefte. T>4»,
Sa tefte,Or»w*».Noftre tefte. *P# tcmij Voftre
tcfte.v*/* 4/f4»,Leur tefte.
Mais pour mieux entendre ces pronoms en
paflant, iedeclarëray feulement les perfonnes,
tant du fingulier que du pluriel*
Premièrement*
Cbê, C'eft la première perfonne du fingulier
qui fert en toute manière de parler, tant primitiue
que deriuatiue^pofiefliucjou autrement;Ec
les au t tes perfonnea auflî.
Cbè-MtèMoh chef ou cheueux*
Cbi-vomut.Mon vifage.
Cbè-nitnbùMes oreilles*
ChèfibtutMon front.
Ché-refdihies yeux*
Cbe~t$n\Mon nez*
Che-iomTon.Mi bouche*
Chi-rétouftvù.Mes ioucs.
(^bè^eJmmatMoa menton.
Cbè-rc4lmi$ut-attè.Ma, barbe*
Cbt-dpé-cotuMi langue.
C7>è-nw».Mcs dents.
Cbé-*»MTé.Mon col*ou ma gorge;
Cké~4f**cMoT\ gofier.
CÀ/-paM.Mapoàârine*
Cbi-rotéfèMoti devant généralement
Cb^*V0ttc0tfiMon derrière. .
Chip*uy- *uU. Mon efchinc,
Chi-romhnyMtt reins.
A», ij.

J28 "H I S T O l RE
Chc-tKHtré.Mes feues.
Ché WHarrponyJAes^cfpzules.
Ché $fma.Mcs bras.
Çhé-papoMy.Mon poing.
Cbé-po.Mi main.
Cbé-ponen.Mes doigts.
Qhé-puyac.Mon cftomac ou foye.
Cbé-regute.Mon ventre.
Che-pemoH-ajfen.Mon nombril.
Cbé-cam,Mcs mamelles.
Ché-oHp.Mes cuiffes.
Cbé-roduportam.Mes genoux.
Ché-porace.Mes coudes.
Cbe-retemev.Mes iambes.
Ché pauy.Mes pieds.
Ché pHJjempé.Lcs ongles de mes pieds.
Cbe-ponampe.Lcs ongles de mes mains.
Chc-guy-encg.Mon coeur & poulmon.
Che-encg.Mon ame,ou ma penfee. •
Che-eric-goture.Mon ame après qu'elle eft for
tic de mon corps.
Noms des parties du corps qui ne font bonnettes
à nommer.
Cbc-rerrvouem.
Che-rementien.
Cbe Téipouptf.
Et pour caufe de brieueté ie n'en feray autre
definitiori.il eft à noter qu'on ne pourvoit nômer
la plufpart des choies tant de celles cideuant
eferues quUuuement, (ans y adioufter le
pronom,tant prerai«fc>feconde,quejtiercc per
fonne, tant en fingulier qu'en pluriel. Et pour
mieux
N
-

£) E L' A M t R t CLV E. 329
mieux les entendre feparément & à part.
Premièrement.
Ché>Moy. r
De,Toy.Ahc',Luy.
, Pluriel.
OrwjN^s^tf^Yous.^-uç^ux.
Quant à.la tierce perfonne du fingulier ahe
eft mafeutin , *ptorrrie femenin tk Weiïtre aé
fans afpiratio^Et au pluriel Au-#e eft pour les
deux genres tîf rnâîcûliAs cfoéfettefcftffc & par
confecjuent peut eftre ccmVmun.' :
Des chofes appartenantes atuW mefnage &
cuifïrie. •
Emir e du r*/4.Allumelcfeu.
Emo-goep-'êaiÀŒ&ein le feu;
Erout-che rdte-rtm. Apporté decjùoy allume r
mon feu. '
Bm'^-ptyà^y
£/».Rofti-le.
euirélé poiflbrt. -
£*&.Fay-le bouillir.
Fa-vfcu-ouy *mo.Fay de la farine.
Em^ffl-cMduîn-Àmo. Fàyduviri ou bruuage,
ainfi dit. • '
Coein tipé.Vi à la fonfaifre.,
Erput-v-tcfjefue. ApJïbfte^mSry de Feau.
' C^rf%^^fkD.6Hn'e^m6t5rJ?dire.
Qub^é-meith^ 'rëtijou-recdÀpWttn- moi don
ner à manger. , ,
T^-jW&.Qùe iélaue mes maoris.
rm^HmXX'àè iélaue rfrVbÔiiche.'
Ché- embouafJi.Vxy faim de mànëër.
rfdWJfoù$$t

_ M... r.P«PBs1IS*«SS*l
jjo H I S T O I R E
Ehe-mffeb.Yvyfoif.
Cht'rraic.V*y chauq\ie fue.
Cherau.VxyfroW. ï
Ché r*cv*p.Y*y la fleure,
ÇhéctroHC tflî.lc fuis trifte.
Neantmoins que canne frgntfie le vcfpre ou
le foir.
Arcettut. le fuis enmalaife,dc quelque affaire
que ce fpiu
Ch*-pamT+-p*ff«Mf>,lti fuis traité mai aifémcnt,
ou ie fuis fort pourement traité*
Chereemp.lc fuis ioyeux- ,
tA tco m* mouoh- le fuis chea en moquerie.ou
on fc moque de moi.
Aico-garo*.lc fuis en mon plaifir,
Che~repdd€-»uffpn.lAoti efclaue,
C hère-rmboye.Mon feruiteur.
Che reimc.Ctax qui (ont moindres que moy,
8c qui font pour me feruir.
CAiy-prr

Dm L'AUTERIQ_T s. JJI
T ente». Qui eft fort par femblance, foit en
guerre ou autrement.
Du lignage.
\ Ché- rotip. Mon pere.
Çbt reaueyt. Mon frère aifné.
Che\ récure. Mon puifne'.
f^bé-renAOsre. Ma fceur.
Cbé-rure. Le fils de ma fceur.
Ché-npet. La fille de ma fceur.
Cblttubi. Ma tante.
Ai. Ma mere. On dit aufli ma mere,
& le plus fouuent en parlant d'elle.
Chi'fUu La compagne de ma mere, qui eft
femme de mon pere, comme ma mere.
Cbé-nùit. Ma fille.
Cbé-rememtyneu. Les enfans de mes fils & de
mes filles.
Il eft à noter qu'on appelle communément
l'onde c6me le pere. Et pV femblable le pere
appelé fes neueux 8e nieces,mon fils & ma fille.
Ce que les Grammairiens nomment 8e appelent
Verbe, peut eftre dit en noftre langue
parole. : & en la langue Brefiiienne guengaue,
qui vaut autant à dire, queparlemét ou manière
de dire.Et pour en auoit quelque intelligence,nous
en mettrons en auant quelque exéple.
Premièrement.
Singulier indicatif ou demonfrVatif.
tAtc; le fuis, treicoy Tu es. Otro, Il eft.
An. iiij.

l}i H I S T O I R E
Oroico, Nous fommcs. c
Pekoi siuTAcofco, Ils font. |
Vouseftès.
La tierce perfonne du fingiilier Se pluriel sôt
leinblables, excepté qu'il faut adioufter au pluriel
an ae pronom, quifignifie'eux, ainfi qùij
appert.
Au temps paiïc imparfait fc non du tout accompli.
Car on peut cftrc encores ce qu'on'eftoit
alors.
Singulier refout par l'Aduerbe a*j*oimé %c\\\
adiré, en ce temps-la,
Qsftc-g-afnoémé, l'çftoye alors. Ereie» aquoèwiéy
Tu eftois alors.O/co a

D E L.' A M E R I ojr E. 333
Exemple.
SiJfAVOuJfou-gatoH-aquoemcrié, le I'ay aime
parfaitement en ce temps-la, Quovenén gatotttegné,
Mais maintenant nullement: comme défaut
, Il fe dcuoit tenir à mon amitié durant le
temps'qùe ieluy portois amitié. Car on n'y
peut reucnir.
Pour le temps à venirqu'on appelle Futur.
Au~o-trén,ic kray pour l'aduenir. En en enfuyuarrt
des autres perfonnes comme deuanr,
tant au fingulier comme au pluriel.
Pour le commandeur qu'on dit impératif.
Oico, Sois. Taicoy Qu^ilfoit.
Pluriel.
Toroteoy Que nous foyons. Tapeico, Que
vous foyti.Awae-toico,Qu'ils foyét.Etpour le-
Futur il ne faut qu'adioufter lren,zmû que deuant.Et
en commandant pour le prefent,il faut
dire Taugé, qui eft à dire, Tout maintenant.
Pour le defir Se affection qu'on a en quelque
chofe, que nous appelions Optatif.
sslico-mo-mcnt O que ie ferois volontiers:
pourfuyuant femblablement comme deuanr.
^\Pour la chofe qu'on veut idindre enfembkment
que nous appelons Conionctif, on le refout
par vn Aduerbe Jron. 3 qui lignifie auec
ce qu'on le veut ioindre.
* Exemple.
T*ico-de-iront Que ie foye auec toy.- & ain-
1 des femblables.

5J4 Hi s T oins
Le Participe tire de ce Verbe."
Chlrecoruré. Moy ellant.
Lequel Participe ne peut bonnement eftre
entendu feul fans y adioufter le Pronom dtahe-et-aé,
Et le pluriel fcmblablement, Orec,
pee,An-,Ae.
Le terme indéfini de ce Verbe peut eftre
prins pour vn infinitif,mais ils n'en vfent guère
fouuent.
La declination du Verbe ^fiout.
Exemple de l'indicatif ou demonftratif en
temps prcfent.Neantmoins qu'il fonne en noftre
langue Françoife double, c'eft qu'il fonne
comme paffé.
Singulier nombre.
isfiouty le viens, ou ie fuis venu.
En tout. Tu viens, ou tu es venu.
-"'0>4kt. Il vient, ou il eft venu.
Pluriel nombre.
Or* tout. Vous venez, ou vous eftes venus.
•An-Aco-out,Vti, viennent,ou ils font venus.
Pour les autres temps,on doit prendre feule
ment les Aduerbes ci-apres déclarez. Car nul
Verbe n'eft autrement décliné qu'il ne foit refout
par vn Aduerbe, tant au prétérit, prefent
imparfait, plufque parfait, indéfini, qu'au futur
ou

D E L'AMIRI CLV S. 535
ou temps à venir.
Exe m pie du prétérit IMPARFAIT ,& qui n'eft
du tout accompli.
tAf iout-Agttoime. le venoye alors.
Exemple du prcterft parfait cV du tout accompli.
^Atout- trutitnén/, le vins.ou eftoye, ou fus
venu en ce temps- la.
Atout- dtnuU-néyl\ y a fort long temps que ie?
vins.
• Lefquels temps peuuent eftre pluftoft indéfinis
qu'autrement v tant en ceft endroit qu'en
parlant. A'
Exemple du futur ou temps à venir.l
nAuwt-Ira*~né.le viendray vn certain iour.'
auflixvn peut dire /r*»,fans y adioufter »*, ainfi
comme la phrafe ou manière de parler le requiert.
Il eft à noter qu'en adiouftant les Aduerbes,
conuient repeter les perfonnes, tout ainfi qu'au
prefent de 1 indicatif ou demonftratif.
Exemple de l'impératif ou commandeur*
Singulier nombre.
£or».Vien,n'ayant que la féconde perfonne,
Eyot. Car en Cefte langue on ne peut commander
à la tierce perfonne qu'on ne voit
point, mais on peut dire,
Emo- «a/.Fay le venir.
Te-ori. Venez.
*Pe-ïot. Venez.
Les fons eferits, eiot, Se pc-iot, ont femblablq
fermais le premier «w, eft plus hohnefte à DI-

g6 H l S T O IAR t ,
reentrcles hommes, d'autant.que Je dernier
Pe-tit,cft communément pour appeller les beftes
& oyfeaux qu'ils nourriffent.
Exemple de l'Optatif, neantmoins fccnblc
commander en delir de priant ou en commandant
1
;
Singulier.
j4iout-mo.lt; voudiois.èu ferois vent» volontiers.Enpourfuyuantlesperfonnes
comme en
la declinaifoo defIodicatif.il y a vn temps à vc
nir,cn adiouftant l'aduerbe comme deffus.
Exemple du- Conionctif.
T4-««r.Que ie vienne.
1
Mais pour mieux emplir la lignification on
adiouftece mot Araw. qui eft vn aduerbe pour
exhorter, coniraander,im:iter,ou de'pricr.
le ne co*gnoM point d'Indtcatifen ce iVcrbf
ici,mais il s'en forme vn Participe.
T

D E L' A M E R I a,v E. 337
Au furplus, à fin que non feulement ceux auéc
lefquels i'ay paffe & repafiela mêr , mais
auffi ceux qui m'ont veu en l'Amérique ( dont
plufieurs peuuent encores eftre en vie ) mefme
les mariniers & autres,qui ont voyagé 3c quelque
peu feiourné en la riuiere de Genevre ou
Oa»abara,(o\isle Tropique de Capricorne, iugent
mieux & plus prorhptement des difeours
que i'ay faits ci-defîus , touchant les chofes par
moy remarquées en ce pays-la : i'ay bien voulu
encores particulièrement en leur faueur,apres
ce Colloque, adioufter àpart le Catalogue de
vingtdeux villages où i'ay efté & fréquenté familièrement
parmi les fauuages Ameriquains.
Premièrement ceux qui font du cofté gau-
«hc quand on entre en ladite riuiere.
Kartauc. 1. Taboraà. 2. Les François appellent
ce fécond Pcpin , à caufe d'vn nauire qui y
chargea vne fois,duquel le maiftre fe nommoit
ainli.
Euramyry. 3.Les François l'appellent Goffet,
à caufe d'vn truchement ainfi appelé qui s'y eftoit
tenu.
Tira onaffqH. 4. Sapopem. 5. Ocarentin, beau
village. 6.0Hra-ouajfou-oMté. 7. Tennmcn.%.Co~
ma. o. Pauo, 10. Sarigoy.u.
Vn nommé la pierre par les François,à caufe
d'vn petit rocher, prefque de la façon d'vne
meule de moulin,lequel reraarquoit le chemin
en entrànT au bois pour y aller, 11.
Vn autre appelé Vpec par les François.parce
qu'il y auoit force cannes d'Indes,le/quelles les

ts8 HISTOIRE
fauuages comment ainfi. 13»
Item vh fur le chemin duquel,dans le bois la
première fois que nous y fuimes,pour le mieux
retrouuer puis après, ayâs tiré forcefiefches au
haut d'vu tort grand Se gros arbre pourri, lesquelles
y demeurèrent toufiours fichées « ofbus
nomrnafmes pour cefte caufe Le village aux
flefches.14. •
Ceux du codé dextre,
KeriH.\j\Aeard-u.\6.Morgomia-ou*JJbHlYJ.
Ceux delà grande ifle.
Pindo-oufou. 18. Çoromame. ip.PtrMMucit.io.Et
vn autre duquel le nom m'eft efchappé, entre
Ptndù-ouffou ôc Ptraukou, auquel l'aiday vne fois
à acbetter quelques prifonmers.21.
Puis vn autre entre Coro$ujue tk Pindo-ouffou,
duquel i'ay auffi oublié le nom.zz.
1 ay dit ailleurs quels font ces villages, & la
façon des maifons*
C H A P. XXI.
De tteïhre depsrteme/tt de la terre du Èreftl y dttf
Amenant : enfemble des naufrages & autres
premiers périls fue nous efchapafmes fier mer a noftre
retour.
O v * bien Comprendre Poccafion
de noftre département de la terre
du Brefil, il faut réduire en mémoire
ce que i'ay dit ci-deuant à la fin
da

DE L'AMEXIO.v B #9
du fïxieme chapitre : aflauoir {qu'après que
nous eufmes demeuré huiâ mois eh l'ifle où fe
tenoit Vill«gagnon,luy,à caufe cta fa reuolte de
la Religion reformée, fe fafchaht de nous « ne
nous pouuant domter par force , nous contraignit
d'en (ortir, tellement que nous nous retirafmes
en terre ferme.à cofté gauche en entrât
en la riuiere de Canabara, autrement dite Geneure,
feulement à demie lieue du fort de Coligny
fitué en icelle,au lieu que nous appellions &*» app
lafiriqueterie,auquel,dans certaines telles quel I" sriles
maifons que les manouuricrs Frâçois, pour J * ^ " ^
fe mettre à couuert quand ils alloyent à la pef- t t m t
chérie ou autres affaires de ce cofté-la,y auoyét
bafties,nous demeurafmes enuiron deux mois.
Durant ce temps les fleurs de la Chapelle Si de
Boifli,Iefqucls nous auions laiflez auecVillcga- ptUtfyjg
gnon, l'aytns abandonné pour la mefme caufe z»ipi,t9»t
que nous auions fait .aflauoir parce qu'il auoit ^*dttourné
le dos àFEuâgile, fe vindrent renger&
Joindre en noftre compagnie, Si furet compris
au marché de fix cepts liures tournois>& viures
du pays que nous auions promis payer & fournir
, comme nous fifmes au roaiftre du nauire.
dans lequel nous repaflafmes la mer.
M A I S fuyuant ce que i'ay promis ailleurs
auant que paffer plus outre il faut que ie déclare
ici comment Villegagnon fe porta enuers
nous à noftre département de l'Amerique.Dau
tant dôcque faifant le Vice-Roy en ce pays-la,
. tous les mariniers François qui y voyaccoyent
n'euflent rien ofé entreprendre contre fa volen
té.pendànt que ce vaifleau où nous repaflafmes
m t U
"

34o > H I « T O I R »
eftoit ài'anchre&àlarade en cefte riuferede
Geneure, ou il chargjcoitpours'cn reuenir: nô
feulement ViUegagnon nous enuoya vc congé
ligné de fa main, mais auffi il cfcriuit vne lettre
au maiflre dudit nauire,par laquelle il luy man
doit qu'il ne fift point de difficulté de nous repaffer
pour fon efgard.Car,difott-il,frauduleufement,
tout ainfi que ie fus ioyeux de leur venue,penfant
auoir rencôtré ce que ie cerchois,
aufli, puis qu'ils ne s accordent pas auec moy,
fuis-ie content qu'ils s'en retournent. De m aniere
que fous ce beau prétexte, il nous auoit
braffé la trahifon que vous orrez: c'eft qu'ayant
donnéàcemaiftredunauire vn petit coffret
Xtfemor- enuelopé de toile cirée ( àla façon de la mer)
ull»à*Vtl pj cj n j e i cttrc S qu'il enuoyoit par deçà à plu-
e u r s
tftm^tms. * f>
perfonnes, il y auoit auflî mis vn procès,
qu'il auoit fait & formé contre nous & à noftre
defceu , auec mandement exprès au premier
iugc auquel on le bailleroit en France , qu'en
vertu diceluy il nous retinft & fift brusler, côme
hérétiques qu'il difoit que nous eftionsrtel-
Icmét qu'en recompenfe des feruices que nous
luy auions faits,il auoit comme feellé & cacheté
noftre congé de cefte defloyauté , laquelle
neantmoins (comme il fera veu en fon lieu)
Dieu par fa prouidence admirable fit redonder
à noftre foulagement & àfaconfûfion.
O R après que ce nauire qu'on appelloit, Le
Iacques, fut chargé de bois de Brefil, Poiure
long, Cottons,Guenons,Sagouins, Perroquets
Se autres chofes rares par-deça, dont la plufpart
de -ions s'eftoyent fournis auparauant, le qua-
rv :
eme

D B I ' A M E R I Q_V E. 341
triemc de Ianuieri558.prins à la natîuité^ousnoua
embarquafmes pour noftre retour. Mais
ençore,auant qtfte nous mettre en mer, afin de
mieux faire entendre que Villegagnon eft feul
caufe que les François n'ont point anticipé 8c
nefont demeurez en ce pays là, ie ne veux oublier
à dire, qu'vn nommé Fariban de Rouan,
qui eftoit capitaine en ce vaifleau,ayant à la feiuefte
de plufieurs notables perfon nages, fai-
Î
ans profcflîon de la Religion reformée , au
Royaurne de France,fait exprefiement ce voyage
pour explorer la terre & choifir promptement
lieu pour habiter,nous dit que n'euft efté
la reuolte de Villegagnon on auoit dés lamef- à*
me année délibéré de paner fept ou huiâ cens ^'^jMS"*
perfonnes dans de grandes Hourques de Flan- "jjjjï*.
dres, pour commencer de peupler l'endroit où q„ e n'eft
nous eftions. Comme de faicl ie croi ferme - h*bitee

34* H I S T O I R I
& quinze que nous eftions de noftre compagnie»
faifans en tout nombre de quarantecinq
leur Ji ne perfonnes, dés le m cime iour quatrième de Ian
ftrtitp*r- uier,ayans leué l'anchre,nous metuns en la pro
trmtnt dt tcdtionde Dieu, nous-nous mifmes derechef
r^tmm- à nauiger for cefte grande Se impetueufe mer
S"*" Oceane&duPonent. Non pas toutesfois fans
grandes craintes & apprehenfions : car à caufe
des trauaux que nous auions endurez en allant,
n'euft efté le mauuais tour que nous ioua ViUegagnon
, plufieurs d'entre nous, ayans là non
feujemét moyen de feruir à Dieu,comme nous
defirions, mais auflî goufté la bonté & fertilité
du pays,n'auoyent pas délibéré deretourner en
France, où les dimculrez efto Mit lors & font
encores à prefent, fans comparaison beaucoup
plus grandes, tant pour le faid de la Religion
que pour les chofes côcernantes cefte vie. Tellement
que pour dire ici Adieu à l'Amérique,
ieconfeffe en mon particulier, combien que
i'aye toufiours aimé & aime encores ma patrie:
neantmoins voyant non feulement le peu, &
prefques point du tout de fidélité qui y refte,
mais, qui pis eft , les dçfloyautez dont on y vfc
les vns cnuersles autres, & briefque tout noftre
cas eftant maintenant Italianifé,ne confifte
qu'en diflîmulations & paroles fans effec"ts,> ic
regrette fouuent que ie ne fuis parmi les fauuages,aufquels
(ainfi que i'ay ampîement.monftrc
en cefte hiftoire ) i'ay cogneu plus de.rondeur
qu'en plufieurs de par-deçadeiquefs à leur cou
damnation,portent titre de Chreftiens.
O R parce que du commencement de noftre
naui-

8 -L' A M E R ! CL.V E. 34$
nâuigation il nous failoit doubler les grandes U i - ^
Baffes,c'eft à dire vne pointe de fables & de rochers
entremêliez fe iettans enuiron trente
lieues en mer, lefquels les mariniers craignent
forttayans vent affez mal propre pour abandon
ner la terre * comme il failoit * fans la coftoyer,
afin d'euiter ce danger nous fis(taes prefques
contraints de relafcher. Toutesfois après que
Sar l'efpace de fept ou huiâ iour s nous cufmes
otte, & fufmes agitez de cofté & d'autre de ce
mauuais vent,qui ne nous auoit gueres auancéx
aduint enuiron minuiâ ( incomienient beaucoup
pire que les precedens) que les matelots,
felonla couftume, faifansleur quart, en tirans
l'eau à la pompe y ayans demeuré fi long temps,
que quoi qu'ils en contaffent plus de quatre
mille baftonnees ( ceux qui ont fréquenté la
mer Oceane auec les Nôrmans entendent bien
ce termc)impo(ÏÏbleleur fut delàpouuoir fran
chir ni efpuifer : après qu'ils furent bien Tas de
tirerde contremaiitre pour voir d'où'cela procedoit,
eftant defeendu par l'cfcoutillc dans le
vaiffeau, non feulement le trouua èntr'ouuert
en quelques endroits, mais auflî défia fi plein
d'eau (laquelle y eptroit toufiours à force ) que
de la pefanteur, au lieu de fe lai (fer gouuerner,
on le fentoit peu à peu enfoncer. De façô qu'il
ne faut pas demander, quand tous furent recueillez
, coguoiffans le danger où nous eftions,
fi cela engendra vn merueillèux eftonnement
Baffes.
entre nous: & de vray l'apparence eftoit fi gran ^ ^
de,que tout à l'inftant nous déuffions eftre fub- £* m
mergez, que plufieurs perdansifoudarp toute namfrage.
Bb. i).

344 H l S T O I R B
efperance d'en rcfchaper, faifoyent ia cftat de
la morc,& couler en fond.
Toutesfois, comme Dieu voulut, quelques
vns, du nombre defquels ie fus, s eftans refolus
de prolonger la vie autant qu'ils pourroyent,
prindtent tel courage qu'auée deux -
pompes ils
fouftindrent le nauire iufques à midi: c'eft à dire,pres
de douze heures, durant lesquelles r*cau
entra en aufli grande abondance dans noftre
Vaiffeau, que fans cefTcr vne feule minute, nous
l'en peufmes tirer auec lefdites deux pompes:
mefmes ayant furmonté le Brefil, dont il eftoit
chargé, elle en fortoit par les canaux aufli rouge
qpe fang de bœuf. Pendant donc qu'en telle
diligence que la neceffité requeroit, nous
nous y emploiyons de toutes nos forces, ayans
vent propice pour retourner contre la terre
des fauuages, laquelle n'ayans'pas fort efloignee,
nous vifmes dés enuiron les onze heures
du mefme iour : en délibération de nous y fauuer,
fi nous pouuions,nous mifmes droit le cap
deflus. Cependant les mariniers 8c le charpentier
qui eftoyent fous leTillac, recerchans les
trous & fentes par où cefte eau entroit 8c nous
affailloit fi fort, firent tant qu'auec^u lard, du
plomb.des draps 8c autres chofes qu'on n'eftoit
pas chiche de leur bailler, ils eftbupperent les
Î )lus dangereux : tellement qu'au befoïn, voire
ors que nous n'en poumons plus, nous eufmes
vn peu relafche de noftre trauail, Toutesfois,
après que ie charpentier eut bien vifité ce vaifleau,
ayant dit qu eftant trop vieux & tout rongé
de vers il ne valloit rien pour faire lé voyage
que

DB L'AMER I Q J V E . 345
ge que nous entreprenions, fon aduis fut que
nous retourniflions d'où nous venions, & là
attendre qu'il vinft vn autre nauire de France,
ou bien que nous en fiflions vn neuf, & fût cela
fort debatu. Neantmoins lemaiftre mettant en
auant, qu'il vpyoit bien s'ilretoumoit en terre
que fes matelots l'abandonneroyent, & qu'il
aimoit mieux ( tant peu fage eftoit-il) hazarder
fa vie que de perdre ainfi fon nauire de fa marchandife
: il conclud, à tout péril, de pourfuyure
fa route. Bien, dit-il, que fi monfieur du
Pont & les paffagers'qui eftoyent fous fa conduite
vouloyent rebroffer vers la terre du Brefil,
qu'il leur baîlleroit vne barque : fur quoi du
Pont refpondant foudain dit, que comme il cftoit
refolu de tirer du cofté; de France, aufli
confeilloit-il à tous les liens de faire le femblable.Là
deflus le contremaiftre reraonftrant que
outre la nauîgation dangereufe, il preuoyoit
bien que nous ferions long temps fur mer &
qu'il n'y auoit pas affez de viures dans le nauire
pourrepafler tous ceux qui y eftoyent : nous
fufmes fix qui fur cela, confiderans le naufrage
d'vn cofté,& la famine qui fe preparoit de l'autre,
deliberafmes de retourner en la terre des
fauuages, de laquelle nous n'eftions qu'à neuf
ou dix lieues.
Et de faiét,pour effectuer ce deffein,ayansen
diligence mis nos bardes dans la barque qui
nous fut donnecauec quelque peu de farine de
racines &j du bruuage > ainfi due nous prenions
congé de nos compagnons, ('vn d'iceux du regret
qu'il auoit à mon depart,poufle d'vne fin-
Bb. iij.

34

D E L' A'W Ê R T Q_V E. . 347
eufmes continuelles tourmentes, maïs auffi
noftre nauire ne ceflant de faire grande quantité
d'eau, fi nous n'eufïions. efté inceflamment
après à (a tirer aux pompes, nous fuflions
( par manière de dire) péris cent fois le iour.- &
nauigeafmes long-temps en telle peine.
A Y A N S doncques auec tel trauail efloigné
la terre ferme de plus de deux cens lieuës,nous
eufmes la veue d*vne ifle inhabitable.auflî ron- uu mhade
qu'vne tour, laquelle à mon iugement peut bitakk, rë
auoir demie lieue' de circuit. Mais au refte cô- t£ K
* ar
^
me nous la coftoyions & laiflions à gauche,
nous vifmes qu'elle eftoit non feulement remplie
d'arbres tous verdoyas en ce mois de Ianuier,mais
aufli il en fortoit tant d'oyfeaux,dont
beaucoup fe vindrent repofer fur les mats de
noftre nauire,cV s'y laiflbyët prendre à la main,
que vous eufliez dit, la voyant ainfi vn peu de
loin,que c'eftoit vn colombier. Il y en auoit de
noirs, de gris, de blanchaftres & d'autres couleurs,qui
tous en volansparoiflbyët fort gros."
mais cependant quand ceux que nons prifmes
furent plumez, il n'y auoit gucres.plus.de chair
en chacun,qu'en vn paflereau.Semblablement,
enuiron deux lieues a main dextre nous apperceufmes
des rochers fortans de la mer aufli
pointus-que clochers:ce qui nous donna grande
crainte qu'il n'y en euft à fleur d'eau,contce
lefquels noftre vaifleau fe fuft peu froifler, &
nous,fi cela fuft aduenu,quittes d'en tirer l'eau.
Un tout noftre voyagedurât près de cinq mois
que nous fufmes fur mer à noftre retour, nous
ne vifmes autre terre que ces iflettes:lefquellcs
Bb. iiij.
kaèMMia_ HfeHaMaiMBI>J
e

348 HIST'OI,*,*']
nos maiftres & pilotes ne txouucrent pas encores
marquées en leijrs cartes marines,& poffibie
aufli n'auoyent elles iamais efté defeouuertes.
S v R la fin du mois de Feburier, eftans paruenus
à trois degrez de la ligne Equinoâiale,
parce que près de Sept fcpmaines s'eftoyent
paflees fana que nous cuirions fait la tierce parpe
de noftre route, & cependant nos viures
diminuoyent sort, nous fufmes en délibération
de relafcher au Cap faincf Roc, habité de cer-
itQéps. tains fauuages: defquels, comme aucuns des
R h
' noftres difoyent, il y auoit moyen d'auoir des
refraifehiffemens. Toutesfois la plufpart furet
d'auis que pluftoft, pour efpargner les viures,
on tuaft vne partie des Guenons & des Perroquets
que nous apportions,& que nous paffifnons
outre. Ce qui fut fait.
A v fur plu s, i'ay déchiré au quatrième chapitre,
les peines & trauaux que nous eufmes en
allât,d'approcher l'Equateur: mais ayât veu par
expérience ( ce que tous ceux qui ont parte la
Zone torride fçauent bien auflî/qu'on n'eft pas
moins empefché en teuenant du cofté du Pôle
Antarctique en deçà, i'adioufteray ieyeequi
me femble naturellement pouuoir caufer telles
difficultés Prefuppofànt donequesque cefte
ligne Equinoâiale tirant del'Eft àrOueft,foit
comme le do*& l'efch ioe du mode, à ceux qui
voyagent du Nord au Su A au réciproque ( car
autremet ie fçay bien qu'il n'y a ne haut ny bas
en vne boule côfîderee en foy ) ie di, en premier
lieu, c\ pour y aborder d'vne par ou d'autre

DE L'AMER I Q_V E. 349
trè*bn n'a pas feulement peine de monter à cefte
fommité du monde, mais aufli! quand il eft
3ueftion de la mer,les courans qui peuuét eftre
es deux coftez, fans qu'on les apperçoiue au
milieu de telle abyfme d'eau,enfemble des vêts
inconftans qui forcent de ceft endroit comme
de leur centre, & qui foufflcnt oppofiteraent
l'vn à l'autre,repouflent tellement les vaifleaux ^cmr^y nauigables, que ces trois choies, à mon aduis, tiquattr
fôt que l'Equateur eft ainfi de difficile acces.Et efldtdipce
qui me côfirme en mon opinion eft,qu'aufli td**t*t.
toft qu'on eft feulement enuiron vn degré par
delà en allant, ou vn par deçà en retournât, les
mariniers s'efiouiflans à merueilles d'auoir,par
manière de dire, ainfi franchi ce faut, en bien
efperâsdu v6yage, exhortêt vn chacunà manger
fes refraifchiflemés : c'eft à dire,ce qu'on auoit
toufiours foigneufement gardé, eftant en
incertitude fi on pourroit paffer outre ou non.
De manière que quand les nauires font fur le
panchant du globe, coulans comme en bas, elles
ne font pas cropefchees de la façon qu'elles
ont efté en y môtant Joint que toutes les mers
s'entretenans l'vne l'autre, fans que par l'admirable
puiffance & prouidéce de Dieu elles puiffent
couurir la terre, quoy qu'elles foyent plus
hautes, Se fondées fur icelle, ains feulement la
diuifent en plufieurs Ifles Si parcelles, lefqueU
les femblablemêt i'eftime eftrç toutes conioin
tes,& comme liées par racines,fi ainfi faut parlcr,au
profond Se en l'intérieur des gouflres.ee
gros amasd'eaux,di-ie, eftant ainfi fufpendti auec
la terre,& tournât comme fur deux piuots

35o H I S T O I R E
flefquels i'imagine aux deux quadrangles 6p«
pofites de ceux des P|>les,tellemét que les quatre
font deux croifees*en rond 8c en demi cercles
qui enuironnent toute la Sphere)en perpétuel
mouueroent, comme les marées 8c les flus
& reflus le démolirent euidemmét- & ce mouuement
gênerai prenant fon pointa fous cefte
ligne, il eft certain que quand l'Emifphere des
eaux Méridionales,à noftre regard,s'aduâce en
tournant iufques es bornes & limites qui luy
font prefcrites,la Septétrionale fe reculât d'autant,
ceux qui font au^ milieu & en la ceinture
de la boule, eftans ainfi comme fur vne baflecule,ou
hauflequi baiflij côtinuellemcnt,branflez
ou agitez,font par ce moyen encor aucunement
empefehez de paffer outre. A quoy i'adioufte,
ce que i'ay ia touché ailleurs : aftauoir
que l'intemparature de l'air,& les calmes qu'on
a fouuent fous l'Equateur, nuifent beaucoup &
font qu'on eft lôg temps retenu es enuirons &
prcs iceluy auant qu'y pouuoir paruenir. Voila
fommairement & en partant mon aduis fur cefte
haute matière, laquelle au refte i'eftimeeftre
tellement difputablc,que côme celuy qui a
créé cefte grande machine rôde côpofee d'eau
& de terre,& qui miraculcufement la fouftient
fufpendue en l'air, peut luy feul comprendre
tout ce qui en eft: aufli fuis-ie affeuré qu'il n'y
a homme, tant fçauant foit il,qui en puiffe autrement
parler qu'auec correcr.io.Et de fait on
pourroit,auec npparence de raifon, contredire
la plufpart des irgumës qui s'en font es efcholes,lefquels
neâtmoins ne font à mefprifer pour
refueiller

D E - L ' A M E R I Q_V E. 351
refueillcr les efprits.- moyennant toutesfois que
tout cela foit tenu pour la féconde caufe, & nô
pas pour fupreme comme font les Atheiftes.
Conclufion , ie ne croy rien abfolument en ce
faict,finon ce que les fainctes Efcrituresen difentrcar
pource qu'elles font procedees de l'Efprit
de celuy duquel dépend toute vérité , ic
tic l'autorité d'icelles pour feule indubitable.
POVRSVYVANT donc noftre route , eftans
ainfi peu à peu auec diftîcultez approchez
de l'Equator,noftre Pilote quelques iours 3pres
ayans prins hauteur à l'Aftrolabe, nous afleura
que nous eftions

55* H l S T O I R B
de peine & trauail trauerferent fous icelu y des
montagnes toutes couuertes de neige : voire y
expérimentèrent yn froid fi violent, que plufieurs
d'entr'eux en furent gelez.Car d'alléguer
la commune opinion des Pnilofophcs, affauoir
que la neige fe fait en la moyêne région de l'air.*
attendu,di-ie,que le Soleil donnant p erpetuellement
comme aplomb en cefte ligne Equinoétiale,
-6Vpar confequent, que l'air toufiours
chaud ne peut naturellement fouffrir , moins
congeler de la neige-quelque ha uteur des mon
tagnes, ny frigidité de la Lune qu'on me puiffe
mettre en auant, pour l'cfgard de ce climat la
(fous correction des fçauans ) ie n'y vois point
de fondement.
P A R T A N T concluant de ma part.quecela
eft vn cxtraoïdinaire, & exception en la rcigle
de Philofophie , ie croy qu'il n'y a point de
folution plus certaine à cefte queftion, finon
celle que Dieu luy mefme allègue àlob : quand
entre autres chofes pour luy monftrer que les
hommes , quelques fubtils qu'ils puiffent eftre,
ne fçauroyent atteindre à comprendre toutes
fes ccuures magnifiques, moins la perfectiô d'icellesil
luy dit,Es tu entré és threfors de la ncige.'cV
as tu veu auffi les threfors delà grefle/Cô
me ft l'Eternel, ce tref-grand & tref-excellent
ouurier.difoit à fon feruiteur Iob:En quel grenier
tien-ie ces chofes àtonaduis?endonnerois-tu
bien la raifonnenni,il ne t'eft paspoffible,tu
n'es pas aflez fçauant*
A r N s i retournât à mon propos,apres que
leventde Suroueftnous eut pouffé & tiréde (
ces

D E L ' A M S R I QLV B.' J5J
ces grandes chaleurs, au milieu! dcfquelles nous
fuflions pluftoft roftis qu'en purgatoire : auançans
au deçà,nous commençafmes à reuoir noftre
Pôle Arctique , duquel nous auions perdu
l'eleuation il y auoit plus d'vn an. Mais au refte
pour euiter prolixité, renuoyant les lecteurs es
difeours que i'ay fait cy deuant,traitant des cho
fes remarquables que nous vifmes an allant» ie
ne reitereray point icy ce qui a ia efté touché
tant des poiffons volans,qu'autres monftrueux
& bigerresde diuerfes efpeces qui fevoyent
fous cefte Zone torride.
Po v R doneques pourfuyure la narratiô des
extrêmes dangers, d'où Dieu nous deliurafur
mer a noftre retour, côme ainfi fuft qu'il y euffc
querelle entre noftre Contrcmaiftre & noftre
Pilote(à caufe dequoy & par defpit l'vn de l'autre
ilsnefaifoyentpasleurdeuoiren leur charge)
ainfi que le vingtfixieme de Mars ledit Pilote
faifant fon quart, c'eft à_dire, conduifant
trois'heures, faifoit tenir toutes voiles hautes
& defployees, ne s'eftant point pris garde d'vn
graln,c'cft à dire.tourbillon de vent quife preparoit,il
le laiffa venir donner 6c frapper de telle
impetnofité dans les voiles ( lefquelles auparauant
félon fon deuoir, il deooit faire abbaiffer)
que f enuerfant le nauire plus que fur le cofté,
iufques à faire plonger les hunes & bouts
des mats d'enhaut,voire rêuerfer en mer les cables,cagesd'oifeaux,&
toutes autres hardes qui
n'eftoycTit pas bien amarees, lefquelles furent
perdues,peu s'en fallut que nous ne fufiions virez
ce deffus deffous. Toutesfois après qu'en
,:H;

554 HisToifcs
grande diligence on eut coupé les cordages &
les efeoutes de la grand'voile,le vaifleau le redrclfa
peu à peu: mais quoy que c'en foit, nous
la pculmes bien conter pour vne, & dire que
nous Tairions belle efchappec. Cependant tant
s'en fallut que les deux qui auoyent cité caufe
du mal fuflent pour cela prefts à ce reconcilier,
comme ils en furet priez à l'inftanr, qu'au con-
* f f traire litoft que le péril fut palfé, leur aftion
dZuhU f, « e
grâces fut de s empoigner & battre de telle
uitn n'y forte, que nous penfions qu'ils fe deuflent tuer
befongnt. [\n l'autre.
DAVANTAGE, rentransen nouueau danger
comme quelques iours après nous eufmes
la mer calme,le charpentier & autres mariniers
durant cefte tranquilité nous penfans foulager
& releuer de la peine où nous eftions iour &
nuict à tirer aux pom^es,cerchans au fond du
nauire les trous par oul'eau entrait, iladuint
qu'ainfi qu'en charpentâs à l'entour d'vn qu'ils
penferent racouftrer tout au fond du vaifleau
près la quille il feleua vne pièce de bois d'en-
Jnconue
tuttiii
nous
uiron vn pied en quarré, par où l'eau entra fi
roide & n vifte, que faifant quitter la place aux
mariniers qui abandonnèrent le charpentier,
djfmes e- quand ils furent remontez vers nous fur le tilpre/ubmrr
lac,fans nous pouuoir autremêt déclarer le fait,
crioyent,Nous fommes Perdus, nous fommes
perdus.
S v R Q_V o Y lesi^pjtaine.Maiftre & Pilote
voyans le péril euident,à fin de deftsapper &
mettre hors la barque en toute diligence, f ai
fans iettçr en mer les panneaux du nauire qui
la cou-
i

D E L' A M E R I Q[_V E. 355
la couuroyent,auec grande quantité de bois de
Brefil & autres marchâdifes, iufques à la valeur
de plus demille francs,deliberans de quitter le
vailfeau,fe vonlo) eut fauuer dans icellc:mefme
le Pilote craignant que pour le grand nombre
des perlonnes qui s'y fufient voulu ietter elle
ne fuft trop chargec,y eftant entré auec vn grâd
couftelas au poing dit, qu'il coupffcroit les bras
au premier qui feroit femblant d'y entrer. Tellement
que nous voyâs défia, ce nous fembjoit,
dclaiffez à la merci delà mer, nous reffouuenâs
du premier naufrage d'où Dieu nous auoit deliurez,
autant refolus à la mort qu'à la vie , &
neantmoins pour fouftenir & empefeher le nauire
d'aller en fond , nous employans de toutes
nos forces d'en tirer l'eau, nous fifmes tant que
elle ne nous furmonta pas. Non toutesfois,que
tous fuifent fi courageux, car la plus part des
mariniers s'attendans boire plus que leur faoul,
tous efperdusapprehendoyët tellemét la mort,
qu'ils ne tenoyent conte de ricn.Et de fait,com
me ie m'affeure, q fi les Rabcliftes, mocqueurs
& contempteurs de Dieu,qui iafent & fe mocquent
ordinairement fur terre les pieds fous la
table, des naufrages & périls où fe trouuent fi
fouuent ceux qui vont fur mer, y euffent efté,
leur gaudifferie fut chàgee en horribles efpouuantemens
: auffi ne doute-ie point que plufieurs
de ceux qui liront ceci(& les autres dangers
dont i'ay ia fait & feray encore mention,
que nous experimentafmes en «rvoyage) félon
le prouerbe ne difent: Ha quiTfait bon planter
des choux, & beaucoup meilleur ouir deuifer

fiÔ H l S T O I 8 . f i
de la mer & des fauuages que d'y aller voir.
O combien Diogenesjeftoit fage de prifer ceux
qui ayans délibéré de nauiger, nenauigeoyent
point pourtant.Cependant ce n'eft n'as encores
fait, car lors que cela nous aduint eftans à plus
de mille lieues du port où nous prétendions, il
nous en fallut bien eudurer d'autres > mefme
(comme vous entendrez ci-apres)il nous fallut
paffer par la grieue famine qui en emporta
plufieurs:mais en attendant voici comme nous
fufmes dehurez du dangerprefent;Noftre char
pentier qui eftoit vn petit ieune homme de bô
cœur,n'ayant pas abandonné le fond du nauire
comme les autres, ains au contraire ayant mis
fon caban à la matelote furie grand pertnis qui
s'y eftoit fàit,fe tenant à deux pieds deflus pour
relifter à l'eau ( laquelle comme il nous dit puis
apresde fon impetuofité l'enleua plufieurs fois)
criant en tel eftat,tant, qu'il pouuoit,à ceux qui
eftoyent en effroy furie tillac,qu'on luy portait
des habillemens, lias de cotton & autres choies
proprcs,pour pVndant qu'il racouftreroit la
pièce qui s eftoit dnleuee,empefcher tant qu'ils
pourroyent l'eau d'entrer: eftant, di-ie,ainfi fecouru
nous fufmes preferuez par fon»moyen.
A P R E scclajious eufmes les vents tant inconftans,
que noftre vaifleau pouffé 8c deriustt
tantoft à l'Eft, & tantoft à l'Oueft ( qufn'eftoit
pas noftre chemin, car nous auiôs affaire au Su)
noftre Pilore,qui au refte n'entendant pas fort
bié fon mcftier,ne kcut plus obferuer fa rowc,
nous naulgeafmes ainfi en incertitude iufques
fous le Tropique de Cancer. I
D A v A a-

D E L'A M È R t CX_V E. 357
Dauantage nous iuftne» en ces endroits-là,
fefpacc d'enuiron quinze iours entre des herbes,
qui flocoyent fur mer fi efjpclfcs & en telle ^ r
'" f
"
quaatité,que fi pour faire voyeau tiauirc,qui auoit
peine à les rompre , nous ne les euuîons
coîipees auec des coignees , ie croique nous
futCons demeurez tout court. Et parce que ces
herbages rendoyent la mer aucunement trouble,.nous
eftans auis que nous fu(lions dans des
marefeages fangeux , nous conie&utafuiesq'ie
nousdeuions eftre près de quelques iflcs: mais
encores qu'on icttaff la fonde-auec plus (\c cinquante
bradas de*co.rde,n ne trouua-on ni fond
ni,riu.e,moins deicouurifmes-nous aucune terre:,
fur quoi ie reciteray ce que l'hiftorien In- ffiît.gtn.
dois a auflî eferit à, ce propos. ÇhriftophLeCo-
d e i l n U i i
-
lomb, dit-il, au premier voyage qu'iMît au (def- ^ M
-''"*cquuremcrit
deslnd.es, qui fut l'an 1492. ayant
prins refraifchiqcmen't en vue des ifles dc ;Çanarics,
après, auoir cingle plufieurs journées,
rencontra tant d'herbes qu'il fembfott q,uc ce
fuft vn pré : ce qui lui donna vne peur, encores
qu'il n'y euft aucun danger.Otpour faire ta defeription
de ces herbes marines, d.efqucllcs i'ay
fait mention : s'entretenans l'vne l'autre.par
longs filamens, comme Hedera terreftris, flottans
fur mer fans aucunes racines,yyâs les Vieilles
alliez femblables à celles de rue de lardios,
la graine ronde & non plus grolfe que-cclle de
Genc-urcellesfont de couleur .blafarde ou blan F*rmti*
s h e r b i S
chaftre côme foin fené : mais au refte,ainli que "
r t ' r marina.
nous apperceutmes, aucunement dangereules
à manier. Comme aufli i'ay veu plufieurs fois
Ce. j. ~'

358 H I J T OtR 8
immondi. nager fur mer certaines immondicitez rouges,
titt^ rou»"
faites de la mefme façon que la crefte (f vn coq,
g" n*' jS**' fi venimeufes & contagieufes , que fi toft que
fmr mer.
nous les touchions, la main deuenoit rouge &
enflée.
Semblablement ayant n'agueres parlé de la
fonde, de laquelle i'ay fouuent ouy faire des
contes qui femblcnt eftre prins du Hure des
quenouilles : aflauoir que ceux qui voir fur mer
la iettant en fond, rapportent au bout d'icelle
de la terre, par le moy c de laquelle il: cbgnoiffent
la contrée où ils font : cela eftant faux quât
à la mer du Poncht, ie diray ce que 1
!' n ay veu,
sondt 7* & à quoi elle y fert.La fonde dô'c efta it vn ën-
e'eft, ty » gin j c plomb, fait de la façon d'vneTOoyenne
< V? fouille de bots, dequoi on ioue ordinairement
frrt
r
es places Se iardins, percée qu'elle eft' par le
bout plus pointu, après que les mariniers y ont
paflecV attaché autant dé cordeaux qu'il faut,
mettant & plaçant du fuif ou autregrai(Te fur
le plat de l'autre bout : quand ils approchent le
port, ou eftimem eftre en lieu où Us pourront
anchrer, la filant Se laiflant ainfi couler iufques
en bas, quand ils l'ont retirée, s'ils voyct qu'il y
ait du grauier fiché Se retenu en cefte graifle,
c'eft figne qu'il y a bon fond : car autrement, Se
fi elle ne rapporte rien , ils concluent que c'eft
fange ou rocher,où l'anchre ne pourroit prendre
ni mordre, Se partant faut allerfonder ailleurs.
C'eft ce que i'ay voulu dire en partant
pour réfuter l'erreur fufdit : car outre que tous
ceux qui ont efté en la pleine mer Occarietefmoigueront
qu'il eft du tout impoflible" d'y
trouuer
4

P„ ' •- -n—•— - -r - * - -
D E L' A M H R I Q

9,6c H I S T O I R E
cV du bretts dont le nauire eûqit frottc& goldronné,
le feu ne s'y rnift, en dâgerid'eftre tous
bruflez au milieu des-eaux. Et de fait l'vn des
pages &r deux nurres mariniers furenttellement
gaftez dé bruflures , que l'vn en moucuc-quelques
iours après : comme auflî poukraap*rt, fi
foudairtement ie n'euffe mis mon, bortaet à la
mattelofte deaant mon vifage, i'eufie enta face
gaftee ou pis: mais m'eftant ajnfi cooiiqst i'en
fus quitte pour anoir le bout des preiHes & les
chcuetax'grillez: cela 'nous aduint-enuiron le
quinzième d'Auril. - Ainfi pour reprendre vn
peo haleine énceft'endroir, nous voici iufques
a prefent, par ta gMce de Dieu, non feulement
cfchappez des naufrages cV de l'eau, dont,côme
vousduez-enfendu , nous auons plufieurs fois
cuulé eftre engloutis , mais auffi du feu qui n'agueres
nous a penf» coîifumer.
De F extrême famine , tor,ventes & autres dangers
d'où Dieu no Vf preferu.1 en repayant en France.
i
R après que coûtes leschofes'fufdites
nous furent aduénues, r'entransde
fieure en chaud mal(com-
^ me on dit) d'aiitât que nous eftiôs
encores à puis de cinq cens lieues lolft'de Francc,noftrc
ordinaire tant debifcuitque d'autres
viures

D E L' A W E R I QJV E. 361
vhircs & brùuagcs, n'eftant ia que trop penr,
fut neantmoins tout à coup retranché de la
moitié. Et ne nous aduint pas feulement ce retardement
du mauuais temps & vents>contraires
que nous eufmes:car outre ocla,comme i'ay
dit ailleurs, le Pilote pour n'auoir.bien obfcrué
fa route, ie trouua tellement deceu, que quand
il nous dit que nous- approcfttôsdu Capde Fine,(terre
qui eft fur h coite d'Espagne) nous efticVs
éncoresrà là hauteur des ifiesides ElTores,
qui en font à plus de trois cens lieues. Ceft erreur
dohcquts, en matière de. nauigation fut
caufe que dés la'fin du mois d'Auril nous fufmes
entièrement defpourneus de tous viures:
tellemét que ce fut pour le dernier mets à nettoyer
&ballierlafoute,c'eft à dire,la chambrette
blanchie & plaftree où ion tient lebifcuit
dans les nauires : en laquelle ayant trouue plus
de vers & de crottes de rats que de miettes de ^tts ©»
pain,partiffans neantmoins cela auec des cueil-

$6i H i s t o i r e
Outreplus, durant cefte famine la torreente
continuant iour Se nuictj'efpace de trois femaines,nous4ie
fufmes pas feulement, à caufe de 1a
mer merueifleufement haute &efmeue, contrains
déplier toutes voiles 8c lierlegouuernaihmais
aufli*ie pouuans plus autrement conduire
le vaifleau» il le fallut laifler aller au gré
des ondes 8c do venti de manière que cela empefcha,qu'en
tout ce temps, 8c i noftre grande
neceflne, noua 1
ne peufroes pefcher vn feul poif
fon: fomme nous voila derechef tout à coup en
la famine iufques aux dents.affaillis de l'eau par
dedans-, 8c tourmenter des vagues au dehors.
Parquoi, puis que ceux qui n'ont point efté fur
mer,principalement en telleefprçuue,n'ont veu
que la moitié du monde, tl faut ici repeter qu'à
bon droit le Pfalmifte dit des mariniers, que
flottant, môtant Si defeendant ainfi fur ce tant
>/

D E L'AWTI KI QJV E. 36$
O R eftans 13 ii maigres & affbiblis,qu'à peine
nous pouuions nous tenir debout pour faire
les manceuures du nauire.la necefsité neantmoins
au milieu de cefte afpre famine fuggcrant
À chacun de penfer & repenfer à bon efeient
dequoy il pourroit remplir fon ventre:
quelques vns s'eftâs aduifez de couper des pieces
de certaines rondelles faites de la peau de
L'animal nommé TMptrouffou, duquel i'ay fait
mentiô en cefte hiftoire, les firent bouillir dâs
de l'eau pour les cuider manger de cefte façon:
mais cefte recepte ne fut pas trouuee bonne. t
Parquoy d'autres' qui de leur cofté cerchoyent
auffi toutes LES inuentions dont ils fc pouuoyét
aduifer pour remédier à leur faim,ayans mis de
ces pièces de rondelles de cuirfuHes charbôs, £ e
* l l A
après QU'elles furet vn peu rofties, le bfuflé ra- f} ies'
&
clé auec vn coufteau, cela fucceda fi bien que mangées
les mangeans ainfi, IL nous eftoit aduis que ce durant U
fuffent carbônades de coines de pourceau.Tel-/' OT
" ,,e
-
lement que ceft effay fait.ee fut À qui auoit des
rondelles de les tenir fidecourt, que parce que
ELLES eftoyent auffi dures que cuir de boeuf fec,
après qu'auec des ferpes & autres ferremés elles
furet toutes découpées : ceux qui en auoyêt
portans les morceaux dans leurs manches en
de petits facs DE toile n'en faifoyent pas moins
de côte QUE font PAR deçà fur terre, les gros vfariersde
LEURS bqftirfes pleines d'efeus. Mef- L i u
mes côme Iofèphus dit, que les affiegez dans la c^,. 7 *
ville DE Ierufaiem fe repeurent, de leurs courroyes,foulicrs
8c cuir de leurs pauois ,au(fi en y
eut-IL entre NOUS QUI EN vindrent iufques-là,de
Ce. iiij.

î^>4 HlSTOIRF.
cciUiide manger leurs collets de marroqnins & cuirs de
m.tr*imm leurs foulicrs: voire lespagescV garçons du na-
%sfcu*'"s
u r c r c c z
' P ^ 4 e
maie rage de faim , mangèrent
mante?. toutes les cotucs des lanternes(dont il y a toufcornei.de
iours grand nombre dans les vaiffeaux de mer)
lâterntset & autant de.chandelles de fuif qu'ils en peurent
'd'e*,' 11
? atcra
P c,
'-f >Jl
'à^3ge,nonobftant noftredébilite',
man' de ty T
P C I 1 C
' de couler en fo'hd'& boire plus que
nourrit»- "ous n'auions à manger,il falloit qu'auec grand
rc. trauail nousrfuflîons inceffammet iour&nuift
à tirer l'eau à lajiompe.
rUmbtau ' c
cinquième iour de Ali y fur le foleil coudc
fiu menant, nous vifmes flamboyer & voler en l'air
l'air. vu grand cfclair de feu,lequel fît telle reuerberation
dâs les voiles de noftre nauire que nous
pétitions que lc feu s'y fuft mis : toutesfois, fans
nous endommager, il pana en vn inffant. Que
fi on dcmâdc d'où cela pouuoit procéder, ie di
que la raifon en fera tant plus mal aifee à rendre,que
nous eftans lors à la hauteur des terres
ncuucs,où on pefchc le$ molues, & de Canada,
k
régions où il fait ordinairement vn froid extre-
me,on ne pourra pas dire que cela vinft des exhalatiôs
chaudes qui ftiffent en l'air. Fit de fait,
afin que nous en efTàyifîiôns de toutes-les façons,
nous fufmes en ces endroits là battus du
vent de Nord nordeft, qui eft prefque droite
Bizc, lequel nous caofa vne telle froidure bue
\ durant plus de quinze ioors nous n'efchaufâfmes
aucunement.
E N V I R O N le douzième dudit mois de
May, noftre canonnicr,auquel auparauant après
qu'il eut bien langui, i'auois veu* manger les
tripes

DE L' A M E n I Q_V E. $6%
tripes d'vn Perroquet toutes crues, eftant en
fir: mort de faim, fut comme les precedens décédez
de mefme maladie, jette & enfepulturc
en mer.- & nous en fouciafmes tant moins pour
l'efgard de fa charge, qu'au lieu de nous defendre,fion
nous euft lors affaillis, nouseuffions
pluftoft defiré(tant eftions nous atténuez) d'eftre
prins & emmenez de quelque Pirate,pourueu
qu'il nous euft donne a manger.Mais comme
il pleut à Dieu de nous affliger tout le long
de noftre voyage, à noftre retour nous ne vifmes
qu'vn feul vajffeau, duquel encores, à caufe
de noftre foibleffe ne pouuans appareiller ni
leuer les voiles, quand nous le defcouurifmes
nous n'en peufmcs approcher.
OR les rondelles dont i'ay fait mention, &
tous les cuirs iufques aux couuerclcs des coffres
àhahii,auec tout ce qui fe peut trouuer pour
fnftenter dans noftre nauire, eftans entieremet
faillis, nous penfîons eftre au bout de noftre
voyage. Mais cefte neceftitc inuentereffe des
arts, mettât derechefen l'entendemét de quelques
vns de chalfer les rats & founs, lefquels^ r
R
'l ts
P"
(parce que nous leur auions oltc les miettes & T a n t l a ^
toutes autres chofes qu'ils euffent peu ronger) mine chafcouroyent
en grand nombre mourans de faim/^v r»»»r
parmi le vaiffeau, ils fiirent fi bien pourfuyuis m
'"»5 cr
-
& auec tant de fortes de ratoires qu'vn chacun
inuentoit, que comme chats les cfpians à yeux
ouuerts, mefme fa nuict quand ils fortoyenr à
h hine,ie croy,que!ques bien cachez qu'ils fuffent,
qu'il y en demeura fort peu. Et de faift,
quand quelqu'vn auoit prins vn rat, l'eftimant
beaucoup plus qu'il n'euft fait vn bœuf fur ter-

$66 H I S T O I R E
re, non feulement i'en ay veu qui ont efté vendus
deux,trois, & iufqujes à quatre efcus la piece
: mais,'qui plus eft, noftre barbier en ayant
vne fois prins deuxUout d'vn coup, l'vn d'entre
nous luy fit ceft offre, que s'il luy enVouloit
bailler vn, qu'au bremicr port où nous aborderions,
il l'habillcroit de pied en cap : ce
que toutesfois ( préférant fa vie à ces habits) il
ne voulut accepter.Bref vous eufliez veu bouil
lir les fouris dans de l'eau de mer.auec les trippes
& les boyaux, defqueiles ceux qui les pouuoyent
auoir faifoyent plus de cas, que nous ne
faifons ordinairement en tetre de membres de
moutons.
M A I S entre autres chofes remarquables, à
fin de monftrer que rien ne feperdoit parmi
nous:comxne noftre contremaiftre eut vn iour
Tàtndt a
PP rc v
^^
n r o s r a t o u r
g P I e
f** cuireJuy ayât
fdtiMnutf- coupé les quatre pattes blanches, lefquelles il
feri four ietta fur le tiîlac.ie fçay vn quidam»qui les ayât
tnampr. aufli foudain amaffecs,qu'en diligence tait griller
fur les charbons,en les mangeant difoit n'auoir
iamais rafle' d'aides de perdrix plus fauoureufes.Et
pour le dire en vn mot,qu'eft-cc aufli
que nous n'euffions'mangé, ou pluftoft deuoré
en telle extrémité.' car de vray.pour nous raf
fjfier, fouhaitâs les vieux os & autres telles ordures
que les chiens traifnent par deflus les fumiersme
doutez pas fi nous eufliôs eu des herbes
vertes, voire du foin, o% des fueilles d'arbres(côme
on peut auoir fur terre) t\ tout ainfi
que beftes brutes nous les eufliom broutées.
Ce n'eft pas tout, car fefpacedc trois femaines
que

I> E L'AHEKI Q_V E - 5*7
que cefte afpre famine dura, n'eftant nouuelle
eptre nous ni de vin ni d'eau douce, laquelle
dés long temps eftoit faillie, nous eftant feulement
rcfté pour tout bruuage vn petit tonneau
de ciftre.les maiftres & capitaines le mefnageoyent
fi bien & teuoyent fi de court' , que
quand vn Monarque.cn cefte neceffité, euft efté
auec noua daps ce vaiffeau, fi n'en euft-il eu ^
non plus que l'vn des autres: affauoir vn petit
verre pair iour. Tellement qu'eftans autant 8c smfplui
plus prcsTez de foif que de fàim.non feulement prenante
quandil tombait de la pluye eft en dans des lin-

370 H I S T O I R. E
l'vn à l'autre fans nous fàfcher ; voire qui pis edoit
(& Dieu nous le vieillie pardonner ) fans
nous ietter des œillades Se regards de -À-auers,
accompagnes de quelques mauuaifcs Volontez
touchant ceft aéte barbare.
O R à fin de pourfuiurc ce qui refte de noftrevoyage,allanstoufiours
en declinant.le 15.
& 16". de Mjyqu'ily eut encores deux de nos
Mariniers mariniers qui raoururêt de maie rage de faim:
ment d» aucuns d'entre nous imaginas là deflus que par
fam. manière de dire , attendu le long temps qu'il y
auoit que fans voir terre nous brâlions fur mer,
nous deuions eftre en vn nouucau deluge,quâd
pour la nourriture des poiflbns nous les vifmes
ietter en l'eau, nous n attendions autre chofe
que d'aller toit Se tous après. Cependant nonobftant
cefte foufrerte Se famine inexprimable,
durant laquclle,commei'ay dit,toutes les Guenons
& les Perroquets que nous apportions
furent roanger,en ayant neantmoins, iufques à
k
ce temps-la,toufïours foigneufement gardé vn
que i'auois , aufli gros qu'vne oye , proférant
franchement comme vn homme, Se de plumage
excellent.- lequel mefme de grand denr de le
fauuer à fin d'en faire prefent à M. l'Amiral, ie
tins cinq on fix iours caché fans luy pouuoir
rien bailler à manger, tant y a que la neeeflité
prenant, ioint la crainte que i'eu qu'onne le
me defrobait la nuiâ,il patia comme les autres:
de façon que n'en iettant rien que les plumes,
non feulement le corps, mais aufli les tripes,
pieds, ongles Se bec crochu feruirent à quelques
miens amfs & à moy de viuotcr trois ou
quatre

, r r-,. ;— ,..-„,. r^ l
D E L ' A M E R K I T Ï . 371
quatre iours : toutesfois i'en eusaant plus de
regret que cinq iours après que ie l'eu tué nous
vifmes terre : de manière que cefte efpece d'oi- *•
feau fe panant bien de boire, il nem'euftpas
fallu trois noix pour le nourrir tout ce temps
la.
M A I S quoy ? dira ici quelqu'vn, fans nous
particularifcr ici ton Perroquet, duquel nous,
n auions que faire , nous tiendras-tu toufiours
en fufpens touchant vos langueurs?fera-ce tantoft
affez enduré en toutes fortes? n'y aura-il
iamais fin ou par mort ou par vic. ?
Helas, fi aura,
car Dieu qui fouftenant nés corps d'autres
chofes que de pain & de viandes communes,
nous tendoit la main au port, fit par fa grâce,
que le vingtquatrieme iour dudit mois de I c m i\ Â-
May 1558. (lors que tous eftendus fur le tillac ^ ^ ' J ^
fans pouuoir prefque remuer bras ni iambes ytfmts urnous
n'en pouuions plus) nods eufmes la veuc r»* noftn
de baf&Sretagne. Toutesfois parce que nous rttmrauions
elle tant de fois abufez par le pilote, lequel
au lieu de terre nous auoit fouuent montré
des nuées qui s'en eftoyent allées en l'air»
quoy que le matelot qui eftoit à la grande hune
criaft par deux ou trois fois, Terre,terre,
encore penfionsnous que ce fuft moquerie:
mais ayans vent propice Se mis le cap droit deffus,nous
fùfmes toft après affeurez queVeftoit
vrayement terre ferme. Parquoypour la conclulîon
de tout ce que i'ay dit ci-deffus touchât
nos afflictions, à fin de mieux faire entendre
l'extrême extrémité où nous eftions tombez, St
u'au befbin, n'ayans plus nul refpit, Dieu eut

*~jî Hl ST. QIRft .
pitié de nous & nous aftlfta.-apres que nous luy
eufmes rendu grâces de noftre deliurance prochaine
, le maiftre du oauire dit tout haut, que
pour tout certain Ci nous'fuffions encor demeu
rez vn iour, en ceft cftat, il auoit délibère & re-
R ejol»tion fol u, non pas de ietter au fort,comme quelques
t>r*Hgi**fe vns ont fait en telle deftreflé, mais Uns dire
mot, d'en tuer vn d'entre nous pouf feruir de
nourriture aux autres;cc que i'apprehêday tant
moins pour mon regard qu'encor qu'il n'y euft
pas grand'graifle en pas vn de nous,fi eft-ce tou
tesfois, finon qu'on euft feulement youlu manger
de la peau & des os, que ce n'euft pas efté
moy. Or parce que nos mariniers auoyent delibéré
d'aller defeharger & vendre leur bois de
Brefil à la Rochelle, quand nous fufmes à deux
ou trois lieues de cefte terre de Bretagne, le
maiftredu nauire,aucc le lieur du Pont & quelques
autres nous laiflans à l'jnchre , s'en allcrcc
dans vne barque en vn lieu proche appelé Hodierne
pour acheter des viures: mais deux de
noftre compagnic,aufquels particulièrement ie
baillay argent pour m'apporter des rafraifchiffemens
s'eftans aufti mis dans cefte barque ,fi
toft qu'ils fe virent en terrc,penfans que la fami
ne fuft enfermée dans le nauire,quittans les coi'
fres & hardes qu'ils y auoyent laiffez, ptotefterent
de n'y mettre iamais le pied : comme de
fâi A,s'en eftans allez de ce pas,ie ne les ay point
veus depuis. Outre plus, durant que nous fufmes
là à l'anchre, quelques pelcheurs s'eftâs approchez
aufquels nous demandafmes des viures,eux
eftimâs que nous nous mocquilîions,
ou que

D E L ' A M B R I Q Y E . 37^
ou q\ie fous ce prétexte nous leur vouluflions
faire (fefplaifir,fe voulurct fondai n rcculcr:mais
nous les tenans abord, preffez de neceffité, eftans
encores plus habiles qu'eux , nous iettafmes
de telle impetuofité dâs leur barque, qu'ils
penfoyent à l'heure eftre tous faccagezrroutcffois,
fans leur rien prendre que de gré à gré,
n'ayans trouue de ce que nous cerchions, (inon
quelques quartiers de pain noir, il y eut vn vilain,
lequel nonobftant la difette que nous leur
fifmes entendre où nous eftions , au lieu d'en
auoir pitié, ne fit pas difficulté de prendre de
moi deux reaies pourvn petit quartier qui ne
valoit pas lors vn liard en ce pays-là. Or nos
genseitansreuenusauec pain, vin, & autres
viâVfes lefquelles,comme.|»ouuez eftimer, nous
ne laiffafmes pas moifir ni aigrir comme en'
penfan^ toufiours.alfer*à la Rochelle, nous eufrnes
nauigé deux ou trois lieues, nous fufmes
aduertis par ceux d'vn nauire qui nous aborda,
que certains Pirates rauageoyent tout du long
de cefte cofte. Parquoi confiderans là deflus
qu'après tant de grads* dangers d'où Dieu nous
auoit fait la grâce defehapper, ce leroit bien le
tenter, & cercher noftre malheur de nous remettre
en nouucau hazard: dés le mefme iour
vingtnxicmc de May, (ans plus tarder de prendre
terre , nous entrafmes dans le beau & fpacieux
haure de Blauet pays de Bretagnetauquel
aulfi arriuoit lors grand nombre de vaiffeaux
de guerre,le(quels retournas de voyager de diuers
pays,tirans coups d'artilleries,& faifans les
brauades accoultumees en entras dans vn port
Dd. j.

574 H I S T O I R E
de mer s'efiouyflbyent de leurs victoires. Mais
entre autres y en ayât vn de SvMalo, duquel les
mariniers peu auparauant auoyent prins & emmené
vn nauire d'Efpagnol quireuenoitdu Pe*
ru, chargé de bonne marchandife, laquelle on
eftimoitplus defoixantemille ducats: celaeflant
ia diuulgué par toute la Frâce,&beaucoup
de marchans Parifiens, Lyonnois & d'autres eftans
arriuez en ce lieu pour en acheter, il nous
vint fi bien ipoinCt, qu'aucuns d'eux fetrouuans
près noftre vaifleau quand nous mettions
pied en terre, non feulement ( parce que nous
ne nous pouurôs fouftenir)ils nous «nraenerct
par deffous les bras: mais auffi fort à propos, ayans
entendu noftre famine, nous exhortèrent
que nous gardans de trop manger, nous vfîffionsdu
commencement peu à peu de bouillons
de vieilles poulaillcs bien confumees, de
laid de cheures & autres chofes propres pour
nous eflargir les boyaux, lefquels nous auions
tous reftrains. Et de fait ceux qui creurent leur
confeil s'en trouucrcnt bien : car quant à nos
Matelots,qui du beau premier iour le voulurét
faouler, ie croi,de vingt reliez delà famine que
plus de la moitié creucrent & moururent foudainement
de trop manger. Mais quant à nous
autres quinze paffagiers , qui, comme i'ai dit au
commencement du précèdent chapitre, nous
eftions embarquez en la terre du Brefil, dans ce
vaifleau pour reuenir en France, il n'en mourut
pas vn feul, ni fuii mer ni fur terre pour cefte
fois-la. Bien eft vrai que n'ayans fauuéqucla
peau Si les os, non feulement en nous regar-

D B L' A M E R I

J7 ' H l S T O I R i E
ofté de deflus le feu il faut faire eftoufter dans le
pot auec force vieux drapeaux, puis -prendre
des moyeufs d'teuf, Se roefler le tout enfemble
dans vn plat fur vn rechaut: ayans,di-ie, mangé
cela auec des cueillers, corne de la boulie, nous
fufmes foudaih rafermis : & croi fans ce moyen
que Dieu nous fufcita.que dans peu de iours ce
mal nous euft tous emportez.
Voila en fomme quel fut noftre voyage, lequel,à
la vcrité.fi on confideie que nous auons
nauigé enuiron feptante trois degrez,' reuenant
à ptes de deux mille lieues Francoifes,tirant de
Nord au Su, ne fera pas eftime des plus petis.
H:îi m» Mais, afin de donner l'honneur à qui il appàrca
inda tient,qu'eft- ce en comparaiforî^de celui de ceft
cbap.?s. excellent Pilote lean Scbaftien de Cano Efpagnol,
lequel ayant circuit tout le globe, c'eit à
dire, enuironne toute la rotondité de l'vniuers
(ce que ie croi quel'homme, auant lui n'auoit
jamais fait ) eftant de retour en Efpagne , à bon
droit fit peindre vn monde pour fes armoiries,
à l'entour defqueiles il mit pour deuife, Trtrntts
1
mt ctTcunâcàiHi : c'eft à dire, Tu es lc premier
I
qui m'a enuironne.
O R pour paracheuer ce qui refte de nos deliuranccs,
il fembleroit que pour ce coup nous
fuflions à peu près quittes de tons nos maux:
mais tant y a que fi celui qui nous auoit tant de
foisgarenris des naufrages, tormentes, afpre
famine, Se autres inconueniens dont nous auions
efté aflaillis fur mer, n'euft conduit nos
affaires à noftre arriucc fur tcrre,nous n'eftions
pas encore cfchappez.- Car comme i'ay touché
en noftre

DE L' A M E R i ctlv E. $77
en noftre embarquement pour le retour; Villegagnon,
fansque nous en fceûlBons rien» ayant
baillé au maiftre du nauire où nous repaflafmes
( qui l'ignoroit aufli ) vn procès lequel il auoit
fait & formé contre^ous^uec mandement exprès
au premier luge auquel il' feroit prefenté
en France, non feulement de nous retenùvnais
aufli faire mourir 8c brufler comme hesetiqrfes
qu'il difoit que nous eftions: aduint queleûeur
du Pont noftre conducteur* ayant eu-ciognoiffance
à quelques gens dc>iuftice, de ce pays-Jà,
lefquels auoyent féotiment delà Religion dont
nous faifions profeftion : le coffret couuert de
toile cirée, dans lequel eftoit ce procès,ôi force
lettres addreffantes à pluiieuqs perfonnagés,
leur eftant bailler après qu'ils eurent veu ce,qui
leur eftoit mandé s tant sert fallut! qu'ils nous
traitaflent de la façô que Villeeacnon délirait,
qu au contraire.outre qu ils nous firent la meil- ^ Dleure
chère qu'A leur fut pofliblé,encor of$rtnSjadmira leurs moyens à ceux de noftre compagnie qui Ue.
en auoyent affaire , prefterent-ils argent audit
fîeur du Pont & à quelques autres. Voila comme
Dieu.qui furprend les rufez en leurs cautelles,
nonfeulement, par le moyen de ces bons
perfonmges, nous deliura du danger où la reuolte
de Villegagnon nous auoit mis, mais qui
plus eft, lâ trahifon qu'il nous auoit braffee e- v
ftant ainfi defcouuertc à fa confufion , le touty
retourna' à noftre foulagement. Apres donc s
'
que nous eufmes receu ce nouueau bénéfice
de la main de celui, lequel, ainfi que i'ay dit,
tant fur mer que fur terre fe raonftra noftre
Dd. iij.

Kattmvt
378 H I S T O I R t
f
>roteâcur,nos mariniers departans de cefte vil
e de Hanebon pour s'en aller en leur pays de
Normandie, nous aufS pour nous ofter d'entre
ces Brctôa bretonnans, le Ugage defquels nous
entendions moins que celui des fauuages AmeriquainscTauec
lefquels nous venions,nous haftafmes
de venir en la ville de Nitcs»de laquelle
npusVeftions qu'à trente deux lieues. Non
pas Cependant que nous courufliôs la poftc.car
a caufe de noftre debilitc,n'ayâs pas la force de
conduire les cheuaux dôt fufmes accommodez,
ni mefme d eddurcr le trot,chacun pour mener
le lien tout bellement par la bride,auoit vn home
exprès.
D'auantage

D B L' A M E R I CO*" E. 379
s'en faut, pour mon particulier qu'il m'en foit
demeuré quelque refte, qu'au contraire dés enuiron
vn mois après, ie n'entendis iamais plus'
clair, ni n'eu meilleure veue. Vrai eft que pour
l'efgard de l'eftomach, ie I'ay toufiours- eu depuis
fort foible & débile : de façon qu'ainfi que
i ai tantoft touché, la recharge que i'euil y.a
enuiron quatre ans durant le fiege & la famine
de Sancerre eftant intéruenue, ie puis dire que
ie m'en fentiray toute ma vie. Ainfi après auoir
vnpeu reprins nos forces à Nantes,aUquel lieu,
cemraei'ay dit,nous fufmes fort bien traittez,
chacun print parti & s'en alla où il voulut.
NE. refteplur pour mettre fin à la prefente
hiftoire, finori fcauoir que deuindrent les cincj
de noftre compagnie : lefquels* omme il a efte
dit.ci-tdéftus, après le premier naufrage que
nouscuidafmesfaire , s'en retournèrent en la
terre du Brefil:& voici par quel moyen il a efté
fceu. Certains perfonnages dïgnesdefiJy que
nous auions laifiez en ce pays-la, d'où ilsreuindrent
enuiron quatre mois après nous,ayâs
rencontré le ficur du Pont à Paris, ne l'affeurerentpas
feulement qu'à leur grand regret ils auoyent
efté fpeâateurs quand Villegagnon à
caufe de l'Euangile en fit noyer trois au fort de
Collignytaffauolr Piètre Bourdon, Iéan du Bor
del,& Matthieu Verneu2,mais auffi outre cela,
ayans apporté par eferit tant leur confeffton de
foy que toute la procédure que Villegagnon
tint contre eux, ils la baillèrent audit heur du
Pont, duquel ie la reçouuray auffi bien toft apres.
Tellement qu!ayant veu parla, comme
^ Dd. iiij.

380' H I S T O I R E
pendant que nous fouftenions les flots & orages
delà rnty, ces fidèles feruiteurs de Iefus
Chrift enduçoyent les lourmens,voire la mort
cruelle qusî-Villegagnon leur fit fouffrir,eume
reflbuuenant que moy feul de noftre compagnie
(ainfi qu'il a efté veu en fon lieu)cftois refforti
de la banque, 4as laquelle ie fus tout pr eft
de m'en retourner auec eux.* comme i'eu matière
de rendre grâces à Dieu de cefte mienne
particulière deliurance,auffi me fentât fur tous
autres obligé d'auoir foin que la confeffionrde
foy de ces trois bons perfonnages fûfteneeg»-.
ftree au catalogue de ceux qui de noftre temps
ont conftamment enduré la mort pour le tefmoignage\
de l'Euangile, des çefte mefme année
1558- ie la baillay i Iean Crefpin Intprimeur:
lequel, auec ta narration de la difficulté
qu'ils eurent d'aborder eu la terre des fauuages
après qu'ils nous curent laiffer., l'inféra au linre
fejt" ^ CS
Martyrs,auquel ie renuoye les Ieéteursîcar
n cu
le s- b*r* *^ efké la raiion fufdite, ie n'en eufle fait ici
«» tin* aucune mention. Neantmoins ie diray encore
des mar- c e mot, que Villegagnon ayant efté le premier
*y rt
& qUi 3 rcfpidu le fane des enfans de Dieu en ce
pays nouuellerhent cogneu, qu a bon droit, a
caufe de ce cruel acre quclqu'vn l'a sommé le
Cain de l'Amérique. Et pour Satisfaire à ceux
qui voudroyent demàder que C'eft qu'il eft. deuenu,
& quelle a efté fa fin, nous, ainfi qu'on a
veu en cefte hiftoirc, l'ayans biffé habitué en
ce pays-la au fort de Colligny,ie n'en ay depuis
ouy dire autre chofe, &ne m'en fuis pas aufli
autrement enquis, finon que quand il fut de
retour

' ' I." T
D E L' A M E R I Q_V E. $Sl
retqùren France, après auoir fait du pis qu'il
peut & debouche&par eferit contre ceux de,
/
la Religion Euangelique, il mourut finalement M g^ ^
inueteré en fa vieille peau, en vne commande- rniegarie
de fon ordre de Malte,laquelle eft auprès de gnon*
fainét. lean de Nemours. Mefme comme i'ay
feeu d'vn lien neucu,lequel i'auois veu auec luy
audit fort de Colligny, il donna fi mauuais ordre
a fes affaires, tant durant fa maladie qu'auparauant,
& fût fi mal affectionné enuers fes
parens, que fans qu'ils luy en euflent donné occafion
ils n'ont gueres mieux valu de fon bien,
ni en fa vie, ni apVes fa mort.
P o v R conclufîân,puis, comme i'ay monftré
en la prefente hirtoire, que non feulement
en gênerai,mais auffi en particulier i'ay efté deliuré
de tant de fortes de dangers,voire de tant
de gouffres de morts, ne puis-ie pas bien dire,
auec cefte faincte femme mere de Samuel, que
i'ay expérimenté que l'Eternel eft celuy qui fait
mourir & fait viure.
jjam.j.
?
qui fait defeendre en la
foffe & en fait remonter ? ouy certainement,
ce me femble aufli àbônes enfeignes qu'homme
qui viue pour le iourd'huy : & toutesfois fi
celaappartenoit à cefte matiere»ie pourrois en
cores adioufter que par fa bonté infinie il m'a
retiré de beaucoup d'autres deftroits par où
i'ay paffé.C'eft finalemët, ce q i'ay obferué, tlt
fur mer en allant & retournant en la terre du
Brefil dite Amérique, que parmi les fauuages
habitans audit paysrlequel pour les raifons que
i'ay amplemêt déduites, peut bien eftre appelé
•monde nouueauà noftre efgard. Ic f^a\'bic:i
^

•JpHB^p^p^pj|ljP^jPPPjPPPJ|pjPJi^^ '
j8i H I S T . D E L* A M E R I Q_V E.
toutesfois qu'ayant fi beau fuiet ie n'ay pas traité*
les diuerfes matières que i'ay touchées, d'vn
tel ftyleni d'vne façqnfï graue qu'il falloit:
mefme entre autres chofes confeuant encores
en celte féconde édition auoir qnelquesibis
trop amplifié vn propos qui deuoit eftre coupé
court,& au contraire,tombant en l'autre extrémité,
i'en ay toufché trop brieuement ,qui
deuoyent eftre déduits plus au long: ie prie derechef
les lecteurs, pour fuppleer ces défauts
du langage, qu'en confiderant combien la pratique
du côtenu en cefte hiftoire m'a eftégrieuc
& dure, ils reçoiuent ma bonne affe.aion
en payement. Or au Roy des ficelés immortel
&inuifible, a Dieu feul
fage foit honneur & gloire
éternellement,
Amen.
/
1/

TABLE' DES MATIERES ET CHO­
SES P L V S N O, T A B L E S, C O N T E -
AAge des fauuages. f%
Abeille* de la tcitc du Breiil.
' 155
Acaiou, fruietboa Stplaifanti
manger. r$i
Acarapcp.poifTon plat, itfy
Acarabouté", poifîoa rougeaftte.
16'
Adultère co horreur entre les Ameriqnains.
i6<
Agouti,efpece de cochon. 137
Aiourôus, plus beaux & plus
grot perroquets. 151
Airi.arbre efpineax 9c fon fruicî
Afbacores.poiflon*. 14
Americ Velpuce»qui premier def
couurit la terre du Brefil.
Ameniiou, cotton. 185
Amérique quarte partie du mode
3e fa longueur. lsj
AmeriquSint croyent l'immortalité
des ames .134. font plut
aduifcz que ceux qùKroyenc
qu'elles apparoifient après la
mort des corpt.if 7fe moequét
de ceux qui^hazardct leur rie
pour s'enrichir. 177. font ex»
ceflifs buucurs. 11s izp.fcla-
nues en cefte Hiftoire de
l'Amérique.
uent deaant & aptes le repaî.
118.Voyez fauuages.
Ameriquaines cornent fe fardent
le vifage.iq«>. cément pleuréc
1a bien-venue des effranger*.
183. leur couftame de fe iaucr
fouuét.ni. chofe efmerirlilUble
entre elles. itfj
Animaux de l'Amérique tons
diuemblablc» des noftres. 133quels
font let plus gros. n,7-&
nuli poor porter o*u charier en
ce pays-la. "74
Ananas,fruicl[ excellent. 18*
Aouai, arbre pua.it & ion fruift
venimeux. ï'O
ApplaudilTem'ent aux vainqueurs
entre les Ameriquaint.. , zo*
Arbres toufiours verdoyatis en
•• l'Amérique. 40.1S7. Se tous
différent des noftr.es.
Arbres de merueilleafe gtofleur.
175
Ajbres portant cotton>&U façon
comme il croift tôt;
Arabouten , boit «le Brefil, & U
facô èt l'arbre. *7h
Voyez bois.
Arat, oyfcau d'excellent pluma­
il.
ge. -T°

T A B
A rode* fiuu'ges. i$8
Angoan-ouffou, poules d'Iode.
, Arignan-min,pouletcotaniuflci
M 8
t
1) Arignan-ropia.ceuf 148
Art

T A B
uoyé en France. 69
Chanté naturelle des fauuages»
Clair humaine fur le boucan.IJ*
& 118
Chaleurs extrêmes. 31
Clunterie des fauuages. 141
CliauuefTouns futçans le fang
des orteils. 157. plaifantc hiftoirc
àcepropos. J58
Clioync, arbre & fon fruict. 181
Cimetière entre les fauuages. 305
Ciuilité vrayement cftrauge &
fauuage. 44
Coati,animal ayant le groincftrangement
long.' 146
Contenance du voyager en l'Amérique
1S5
Cointaablurelepapitae, 59
Colloque du niaffacreur auec le
prifonnier qu'il doit allommer.
115
Coufteaux Si au'res marchandifesde
par deçà combien eltimez
des fauuages 191
Couftume des mariniers fur mer.
Cûffins & paniers des i.iuuages.
178 \
OPAII, arbre reflcmbhnt au noyer
180
Corps du ruaflacreur pourquoy
incifé. ni
Çpllctt de marroquins mangex
durant la famine. 364
Colloque d'vn fauiiage , montrant
qu'Us ne font nullement
Jourdaux. 176
Comparaifon de la façon de FAIRE
vin auec celle du caouin. 131
«Commanda-ouaflbu.groffe* f*bue».
19Î
•"•"r L
""" • ' • ! ' • ' " r •"•m
L E .
CNMRAANJ.i-miri,petit es febucs
CAMOUROUPOUY OUAFLBU, GRAND
POIIÎON. V i6<
Canomi-miri , petit* garçong
Ameriquains, leur equippage
& façon de FAIRE. 1:3
Conformité &differcncc des langues
des fauuages. 318
Cordes d'arcs, faites de l'herbe
TOCON. 163
Couroq fruift propre à faire hui
kferuantde rcnicde aux fauuages,
161
Crap.iux feruans de nourriture
aux Ameriquains- 140
Crocodiles de grideur incroyable.
140
Croiflan" d'os blanc. 99
Crotef DE lats n;âgees durant la
fimine. 361
Cruauté des mariniers. 1.9
Cruautezdes fauuages horribles
& nompareilles. "3.ii5
D
Dangers proches de naufrages.
343
Danfes DES fauuages arrengez
COMME grues. izS.iyi
autre forte de Danfes en rond.
144.femmes & filles Ameriquaines
danfent feparees DES
hommes. 13?
Dauphins fuyuis de plufieurs
poiffons. 38
Débilité de Richier 305»
Delccnteaufort deColligny. 54
Degrez de confanguinitc obfer-
UEZ entre les fauuages.161
Délicats reprins. 33
Defcnptionp«ur FE BIEN repre

1* A B L É.
fcDter vn fatjuage. 105.10»; lent de DieU. 13»
tjefcnpoon de l'tflc & fort de Esh ahiflèmet de» faauage» oyani
Colligny en l'Amérique. 87 S parler du rray Dieu. *43-*5*
Deuic de» fauuagc* touchant la 1 l'Euangile de noftre temps prel
France. Ji-4 ché aux Antipodes. z

T A B L I.
propre à faire pain. i ig France 70
Farine de poiffon. I33 Hameçôs à pefchcr trouuer pro«
Flcfches longue* 198 près par le* fauuages. 171
Fort des P01 eugai* nommé Spi- Harqucbutc tirée de croit (àuuantusSanCtus.
44 ges d'vne nouuelle façon. 100
FoiTcs des morts de quelle façon Harangue des veillards fauuage*
faites en l'Amci iquc. 301 pour cfmouuoir let autres 4
Frontciux de plumes lot faire guerre. 196
F/uicls de l'Amérique tou* difTc- Hay,animal diffbime, félon aurens
des ooitres. 193. pluiieurs cuns vit de vent. 14S
dangereux 1 manger. 181 Hazard d'vn coup de mer. 16
Fùeilles d'arbre* de l'cfpefleur Hé interiection de» fauti. 30?
d'vn teftoa. 180. autres fùeil­ Herbes marine* Se. leur forme.
les d'execiliuç longueur & lar­ IV
geur «84 Hetich.racine* fort bonnes Si en
Fumée de Perun comment hu­ grideabôdanceen l'Amérique
mée par les fauuages. 189. 191. façon moueilleufe de le»
purge iecerutrau.
multiplier. i*-*
G
Hiftoire pUifànte d'vne chauuc-.
Ganabara, riuicrc. 53-8* fouriï. if8
Garniture* de plume* pour le* Hiuouraé. efpece degaiac dont
efpeet de boi*. ioa. let fauuages vfent contre vne
Gifpard de Golligoy Admirai de maladie nommée Pians. 181
France, caufe du voyage (ait Homicides entre lesfauuage* co
en l'Amérique. 3 ment punis 17%
^crau efpece de palmier. 179 Honnefteté gardée es mariages
Garçons fauuages enuoycz en des Arnctiquainv 170
France, 70

T A
l'Amérique. t.%9
Huile fa net des fauuages. \61
Hurlement cfbiget des femmes
fauuages. 14*
Huuaflou, heu montucux en l'Amérique.
40
I
Iacare.crocodiles. ij»
Iacou*,eipeCcs dcFaifan*,detrois
fortes. 14?
laqouare.befte rauiûaritemangeant
les hommes 143
Ignorance du vray & des faux
dieux entte les Touoopinambiouits.
131
Ignorct aulfi 1a création du mon
de. 131
Immondickcz rouges nagéans
fur mer. 358
Inis.liéts de cotton. n<
Inubia, grands cornets. ici
Ionquet.fcl de; fjuuages & comme
ils en vient. 193
loues percées pour y appliquer
des pierres vertes. 98
IourselqueU «ousdelcouurifmes
l'Amérique.& que nous endepartilmes.
39341.341
Iojrs plus longs au mois de Décembre
en 1 Amérique. 87
Iour Equinoûial auquel nous eftions
fous l'Equateur. 351
Iour auquel nou» vifmes terre à
noftre retour. 371
loyaux enterrez auec les corps
303
Ifles Fortunées. H
La grande ifle en la riuiere de Ce
neure. 9i
Ifle inhabitable remplie d'arbres
&d'ovfeaun '4?
ÎJ l e /
lus (ortantdefa farfoe de racine
humide,bon à rtunger. 119
I
K
Kurema 8c Parât i, mulets excelle
n s. I64
Lac de Geneue comparé à la riuiere
de Ginabara çn l'Amérique
86
Leçons de Cointa. 74
Lexipés.huitres. vi
Lery-ouflbu, nom de l'atitcur en
langage fauuagc. 280.305
Letrres de Villegagnon àCalum.
Voyez la préface.
Lézards de l'Amérique bons à
manger. 140
Lczard dangereux Se monitrucux.
141
Lcures percées & la fin pouiquoy.
V7
Lic\s de cotron. 1-5
Ligne Equinoctulc pourquoy
ainfi appelée. 1,6
Libéraux & îoyeux < aimez des
Ameriquains. i-t
Loyauté des fauuages Ciiueis
leurs amis. 103
M
Machiauelittes imitateurs des
barbares. ivtf
Maifons des fauuages de quelle
façon. 144. leur longueur!
104
Maiz,blcdduPeru. \ iu
ManiotJracine. 116
Marganas, forte de Perroquets
153
Manobi, efpece de noifette.içi
Margaias, fauuagesennemis des
François. 4°

T A B
Maq-hé,rcgk». \9
fttarac* > infiniment fait d'vn
fruict. 104: comment dcdiè/à
l'viage des fauuages. 14$
Mariages premièrement folçnnifcx
a U façon des CnrcÛicns en
l'Amérique. 70
Minage des fauuages. 161
M«fouins. 15. comment fe pren
nent fur mer. 16. Icurrjsartics
inteneurcs. 17
Maurongan,citrouilles. 193
Mariniers moitsde faim. 361
365.370
Maucacoui, poudre à canon,
joj
Malades en l'Amérique commet
traitez. 19?
MenfongcdeTheuet. 75
Merueilles de E>ieu fc voyent fur
mer. 13.5(361
Mélodie efmerueillible des fauuages
147
Mer herbue. 357
Mingant, boullie de farine de ra
cincs. ïi8
Mocap, artilleiic & harqucbufes.
30s»
Monnoye non en vfago cotre
les fauuages. 43
Moucacoua, efpece de perdrix
14*
Morgouia oranges. 1S5
Mort» de quelle façon enterrez
en l'Amérique. 301.303
Mouton,oyfeau rare. 149
Mooflaeat.vicillard seceuant les
paflans. 1S5
N
Natureenm'eufc en fe rcnouuelhint.-
\7ï
LE.
Nez dw petits enfans efcrafeZ.'
N-jiris de ceux qui firent le voyage
en l'Amérique. 7
Nont de l'auteur en langage fau
uagë. 180305
Noms des ennem;s des Tououpinambaoulcs.
318
Nains de routes les parties du
coips en langage lauuage.
316.317
Noms qu'on baille aux enfans
des fauuages. z6S
Noms des chofes du ntefnageen
langjgc fauuagc. 319
Nourriture des enfans des fauuages.
166
Nudité des hommes fauuages.
>6,io8
Nudité des femmes Amtriquaines
refolucs de ne le point vc~
ftir. iii. 111. opinion & intention
de l'auteur fur ce propos.
114.115
O
Occafion d'anuôcer le vray Dieu
aux fauuages. I

T A B
goult. JI7
Oifeaux en abondance aux nies
deMaq-hé. 51
Oifeaux marine 13
Oifeaux de l'Amérique font de
diuerfes couleurs- I5*>
P
Pa«oaire.arbxiiTcau tendre. 183
Pacos, rruicls longs croiffans par
floquets. 1S3 ont gouû de figues.
184
Page*, medeems des fa"uuagcs.
198
Pag.animal taçheie". i}8
Pai Nicolas,noir dcVilltgagno
entre les fauuaget. y6
Paoou , OIFEAU ayant la poi&rme
touge. 155
Palmiers de quatre ou cinq fortes
en l'Amérique. 178
Panapaoa . poifioii ayant la tefte
monftrueufc. 167
Paraibes. 4S
Paremens fur les I'olcs des fauuages.
ICI
Paflàgc de l'Efcnture mal applique
par Villegagnon. 73
Paiîetemps qu'on a des garçonnets
fauuages. 113
Pattes de rats amaffees 5c m.ingees
durant la famine. 366
Perroquets de trois ou quatre
fortes, auec le récit efnierucillabled'vn.
151
Pennaches fur les reins des fauuages.
103
Pères feruans de fages femmes.
Pe'dis d'oreilles des fauuages. ici
Petun, fîmplc, dcfingulieie ver-
L E.
tu. 189
Poiffon monftrueux. 51
P biffons Tolans. 11
Poiffon ayant mains Si. tefte de
roi me humaine. 1 « 9
Polygamie. 161
Poule* d'Inde* en grand nombre
en l'Amérique. I48
Pomrelong. 151
Poictral iaune de l'okeau Toucan,
àquoifertaux Auuages.
Portugais prins Stmangczpar les
fauuages. 117
Poics qui ont vn permis furie
dosiparoùilsrelpirent. 137
Pilote fçauant faus aucunes lettres.
34
PianSjiualadiecontagieufc. 199
Pierres vertes enchauecs aux leures.
98
Picries feruans de coufteaux ai x
fa mu > es. 118
Piperrs , radeaux fur lefquels les
fauuages pekhent. 17 J
Pira.poiiTons. 164
Pr'ra miri,peti*poiffons. \((-
Pua ypochi,poiffon long. :6;>
Plante* Si. fùeilles de l'Ananas.
188
Pluye puante & cootagieufe. y.
Plumes feruan* à faire robbes,
bonnets , bracelets & autres
ornemens des fauuages. i

T A I
Prifonnier de guerre lie Si garroté.
109. comment traité durant
fa prifon. m. aflcmblee
pour le maflacrer. lia. approchant
de fa fin fe raonftre plus
ioyeux. au. eft tié3c pourmené
en trophée, ni. eft arrefté
tout court Se fe venge tuant
que mourir, ziy fa uélance
incroyable, ui. mefprifant la
raort eft rué par terre & aflommé.
116. fon corps.eftant
efcliâudé comme vn cochon
eft foudain mis par pièces.117.
118
Pnfonnicrs acheter par les François,
iro
Puifla ouaûou , rets à pefcher.
171
Purgation des femmes Ameriquames
1.70
A
Quiampiam, oifeau entièrement
rouge. 155
Qjieftion d'où penuent eftre defcendtis
les fauuages. 15*
Queue de raye venimenfe. 166
K
Raifon pourquoi on ne peut bien
du tout reprefenter les fauuages.
iij
Raifon fcriale des Ameriq. 149
Rats roux. 138
Rats & fouris chaffex Se mange*
durant la famine. 36e
Ratier.roche ainfi appelée. 87
Rayes de l'Amérique diflcmblables
à celles de par-deça. 166
Récit d'vn vieillard fauuagc fur
le propos du vin. 130. autre récit
notable d'vn fauuage. 154
L E.
Remède contre la pfrjueure du
feorpion. I63
Refolution p.rodigieufe. 371
Reproche des fauuages aux vagabonds.
178'
Requiens, poiflbn dangereux.
z8
Refuerie des fauuages après le
chant d'vn oifeau. iftf
ReuoJte de Villegagnon de la
Religion reformée. 76. caofô
que TES François ne font plus
en l'Amérique. 1*3.341
Riuiere des Tafes EN l'Amérique.
93
Robbes , bonnets, bracelets &
ancres ioyaux de plumes, loi
Roche appelée Pot de beurre.
Roche eftimee d'eftneraude. 4-9
Rondelles faites du cuir du Tapuouiïou,
134
Rondelles de Cuir maqgecs durant
la famine. 363
Breûliens N'AYANT Rois ne Princes
obeiflent aux vieillards.
196
Rofeauxdont les fauuages font
LE bout de leurs flefches. i8
Rufe mortelle de Villegagnon
contre nous. 34°
Racines de deux fortes feruans au,
lieu DE pain EN l'Amérique,
n*. manière d'en faire farine.
117. forme de leurs tigel Si
Ec. ij.

T A B
fùeilles , S: façon efmcrueillablc
de les multiplier. no j
s !
Sabau«»iè,arbre & iô fruitt faift
en façon dt gobelet. i8i
Sagou.njoli animal. 145
S-i-ons :cmpereci fpnf IcsTropicues.
188
Sarigoy.bcftc puante. 138
Sauuage-.- premièrement veus
A: (ieferirs par l'auteur. 41
Sauuages de quelle ftatnre. 94
peu lbucienx des choies de
ce mundc.9^.177. ne font velus
ccupme aucons eftimcnt-
$S. fe noitciffent, peinturent
& emplr.malsc"f pu le corps.
59.100. fr JcKh'querent la
poidtrinc & les cuifles. IC3
comment font demi nuds &
demi vcû i;.ie»4. viucnt fms
pain ny vin. 11 eî- couftume
cftrange qu'ils mit de ne mâsjer
& boire en mefme repas.
117. mangent à toutes
heures: fe lajjent deuanr *:
après le rcpav.118. font fort
vitidic'tifs. 163. irréconciliables.
19*.furieux. 198. combattent
nuds, & font excellons
archers. 1^9. ico.defcochent
roidement leurs arcs,
toi. comment flefehent les
poiflbns. marchent fans
ordre à IJ guerre, cV toutef
fois fans confufion. toi. cris
& hurlcmens qu'ils fontappe.
ceuans l'cnnemi.ioc. font
acharnez & comme enragez
an combat, loj. combattent
àpicd,8c quelle opiniotaau-
L E.
royent des ebeuaux. toef.içu*
açon de boire .1X6. lilcce durant
le repas, & îobncté à
manger. 118 • contenance en
danlânt en rond- 144- leur
manière defe coucher. iotf.
font cx/eUcns nageurs. 167.
vouent en vniô.z7i. prompts
à faite plaifir. 189. reçoiuent
humainement les eftrangprs
i78.promet:an« Ce rengerau
feru'ce de Dieu aftiftentila
prière. 154
Voyez Ameriqnains.
Scorpiôsdel'A'meriqae fort venimeux,
ifii
Semëcr notable & plus que philofophalc
d'vn fauuage Amcriquain.
177
Seoxiaflous, efpeces de cerfs &
biche*. 137
Serpens gios & longs, viande
des Ameriquains. 141
Setpens verds longs & déliiez
dangereux. 141
Soif plus preflante que la faim.
567
Soleil pour Zeni. 37
Sonnettes composées de fruifts
fecs. 103
Sorjrditc caufee de famine. 378
Souhait des mariniers. u
Souhait du fieurdoPont.368
Stature Se difpoû*tion des fauuages.
94
Superftition lourde. 149
Stratagème de guerre entre le*
Ameriquains. » 103
Tacapé, efpee on mafTue 0
bois. 198
Taial-

T A
Taiaiïbu, fanglier. 137
Tamouata, pohïbn difforme &
armé. • 166
T.ipemiri, contrée en l'Ameri
que. 4c
Tapiioi'flbo» animal demi afne
& demi vache. 13J. gouftdc
fa chair & façon de la cuire.
135
Tapiris, efpece de lieurc. ÏJS
Tafles Se vales fais de fruids.
1 7 8
.
Teh .' interiedion d'esbahiflement.
, IJO. 306
Tatou, animal armé. 138
Teîh, os.&détid es prifonnien
pourquoy RCFERUE7. 211
Tendrons à la cime des ieunes
palmiers bonscontic les hémorroïdes.
T79
Terroir de l'Amérique propre
au bled & au VIN. m
Terre d.i BI efil exempte de neige,
ge'ee 3c grclle. 187
Terres des fauuages comment
par eux partagées. 2~4
Tocon, herbe dont les fauuages
font lignes à pefcher &: leurs
cordes d'arcs. 170198
TON, vermine dangereufe fc
fourrant fous les ongles. 160
Toupan, tonnerre. 216.233
Tououpinamhaoulcs Ciuiuges
alliez des Franco s 51
Tortues de mer & façon de les
prendre. 29.;^
Toucan, ovfeau. 1J4
Touis, petite lotte de pc: -
queti m
Touon, Ic/ird. 140
Traquenards à deux pied*. 190
B L E
Truchctl*tn« de Nortrudic tnenafft
vied'Athciûcs. 1x3
V
VaiiTciux & vaiffellc de terre.
277. de quelle façon faits. 125
Vengeance hoiriblc. 2,10
Vers mangez durant la famine
3«ri
Vents inconftans fous l'Equateur.
31
Vigne que nous plo>afmes premieremêt
en l'Amcnqtie cornent
vint III.122
Viandes des fauuages comment
conferuees. 13s;
Ville imaginaire es C-ur.es de
Thcuet. 89
Vieillards Ameriqiuitis,côir>eiir
& pourquoy fe cduurent le
membre viril. 97-i ont créez
conducteurs en GIJCJJE^IOT.
cheriflent les Français. 152
Vieilles femmes Ameriqtuines
lefchans la graiffe humaine.
119
nulle VillccJofe entre les Toaoupinambaoults
204
Villages fiontiers des .ennemis
comment FORT'FIEZ. [ 104
Vilhges & familles dtsfanuages
comment dilpofcz & fouuent
rem nez. 273
Village faecage par les fajiuages
Villegagnon pourquoy fait le
VDVA^c en l'Ameriqtle. 1. efA
eut à Geneue de ce payj-la-
4. fes contenances dsjrant le
ftefche. 56. eitjbliC l'ordre
tcclefi-'ft que.58. fai^ du zélateur-^.
fonoraifon.60. rc-
E. JIJ.

T A B L E . ^
«joît la Cenî.fé. Coq ordonnance
c&ieUpaiIlardi£. 71
blafmeCaluin qu'il auoit
loué. eft géhenne en fa
conscience» fon ferment ordinaire
& ftt cniautez. 7 7 tête
le moyen de noui tendre
eclauet. 81. ne nom veut
plot endurer en fon fort. 83
Epilogue de fa vie. 85
Vinaigre de cinet de fuccre. 186"
Volée» de Perroquets. 51
ypcceâncs d'Indes. * 149
F 1 N.
Vfuriersplu» CRUELS QUE 1« An­
THROPOPHAGES. 118
Yctin, mouchilloti pWquant
viuement. i

\
t
L À