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Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Cliquez sur les liens de ce documents afin d’accéder aux pages<br />
D’où vient le désir<br />
Edito<br />
Jusqu'à maintenant, la discussion du<br />
mois alimentait en articles la newsletter<br />
de L'aimant littéraire. La participation<br />
était limitée aux seuls inscrits à nos formations.<br />
Nous avons ouvert un forum<br />
public afin de permettre à tous de venir<br />
s'exprimer. Cette formule semble vous<br />
plaire puisque vous êtes toujours plus<br />
nombreux à partager vos points de vue.<br />
Cet indicateur était suffisamment important<br />
pour nous décidions de séparer les<br />
publications et faire de la discussion du<br />
mois une animation à part.<br />
Aussi, nous avons remarqué que vos<br />
questions revenaient régulièrement. Une<br />
fois le sujet été abordé, le dossier réalisé,<br />
il tombait dans les archives du site,<br />
c'est -à-dire, les oubliettes de L'aimant littéraire.<br />
Et les nouveaux arrivaient avec<br />
les mêmes préoccupations. D'où l'idée<br />
de faire de ces discussions, des chantiers<br />
toujours ouverts à la discussion,<br />
avec des dossiers à télécharger. Autre<br />
avantage, celui de ne pas encombrer<br />
votre messagerie avec des informations<br />
qui ne vous intéressent pas.<br />
Nous invitons les personnes intéressées<br />
à s'inscrire dès maintenant à cette<br />
liste "Discussions de L'aimant littéraire".<br />
Réouverture des inscriptions<br />
de première année<br />
Nous avons ouvert une session d'inscription<br />
en première année de formation<br />
à l'art de l'écriture et de la nouvelle<br />
à 40 personnes supplémentaires. Le<br />
nombre de places étant limité, il vous<br />
est conseillé de vous inscrire rapidement.<br />
Le 15 juin 2013, ces inscriptions<br />
seront closes… à moins que ces places<br />
ne soient prises avant !<br />
Janvier - avril 2013<br />
Sommaire<br />
Dans cette édition, vous trouverez un<br />
dossier spécial concernant le désir<br />
d'écrire. À l'origine de ces articles, vous<br />
avez été nombreux à participer à la discussion<br />
du mois et nous vous remercions<br />
d'apporter votre contribution afin<br />
de faire avancer les idées de chacun.<br />
- D’où vient le désir d’écrire ?<br />
- Ce qui vous bloque : 6<br />
- Trucs et astuces pour attiser le désir 8<br />
- Décrivez le plaisir d’écrire 13<br />
- L’infini vertical, nouvelle, 14<br />
- Ecrire et apprendre à écrire<br />
Tous nos ateliers en ligne 16<br />
S’ABONNER AUX DISCUSSIONS<br />
DU MOIS<br />
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Cette vidéo vous expliquera comment<br />
se déroule la formation à distance,<br />
L’aimant littéraire, à cette adresse :<br />
http://www.espritlivre.com/formation_d_ecrivain_en_ligne<br />
.html<br />
INSCRIPTION<br />
Première année L’aimant littérairel<br />
L’aimant littéraire & L’esprit <strong>Livre</strong> - Organisme de formation déclaré. Publication des ateliers d’écriture en ligne.
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
D’où vient le désir d’écrire ?<br />
La discussion du mois<br />
Les questions proposées<br />
D'où vient le désir d'écrire ?<br />
Racontez-nous ce qui vous pousse à<br />
écrire ?<br />
Dans quelles circonstances votre<br />
envie d'écrire est-elle stimulée ?<br />
Quels types d'écrits vous attirent ?<br />
Qu'est-ce qui vous bloque et vous<br />
empêche de réaliser ces désirs ou au<br />
contraire vous aide à les concrétiser.<br />
2<br />
Nous sommes tous à la recherche<br />
du plaisir. Le désir constitue l'un<br />
des premiers moyens de l'obtenir.<br />
Il se manifeste sous la forme<br />
d'une force intérieure, souvent<br />
agréable, qui nous motive et nous<br />
pousse à agir avec détermination.<br />
La diversité et l'intensité des<br />
désirs d'écrire évoluent avec la<br />
connaissance et la pratique que<br />
l'on a de l'écriture, de la<br />
conscience de ce qu'elle peut<br />
nous apporter au quotidien. Un<br />
point reste mystérieux : comment<br />
naît le désir ?<br />
L'aimant littéraire a organisé cette<br />
discussion afin de creuser la<br />
question et mieux vous connaître.<br />
Nous remercions chaleureusement<br />
ceux qui ont participé à cette<br />
discussion du mois.<br />
Vos réactions sur les différents forums<br />
(extraits)<br />
Être un lecteur actif<br />
" Le désir d'écrire vient de la passion<br />
pour la lecture, le contact avec le livre, le<br />
goût du voyage.<br />
C'est un moment pour moi, un instant de<br />
bonheur que je prends pour me situer<br />
dans le temps et l'espace. L'écriture me<br />
permet de m'exprimer, de dévoiler mes<br />
sentiments. Mes souhaits prennent<br />
forme sur papier. Je m'extériorise et me<br />
stimule par l'écriture et cela me procure<br />
une grande satisfaction. "<br />
“ Passer de l'autre côté du miroir après<br />
tant de lectures.<br />
Écrire. Faire taire le silence assourdissant<br />
des mots qui ne sont pas dits...<br />
Regarder les choses avec des mots, les<br />
décrire, les rendre vivantes.<br />
Imaginer l'autre et l'animer, le démystifier<br />
si c'est possible.<br />
Créer des univers ou se documenter<br />
pour les faire vivre.<br />
Donner à l'autre pour être lu...”<br />
“Je suis peu bavarde et mon écriture est<br />
faite de mes silences, de tout ce que<br />
ma timidité m'empêche de dire.<br />
Regarder à l'intérieur de moi et autour<br />
de moi ce qui provoque une envie soudaine<br />
d'écrire. Être plurielle. J'admire<br />
E. Zola à la fois romanesque, documentaliste,<br />
poète. Jean d'Ormesson qui<br />
donne une musique aux mots, etc.<br />
Écrire pour affirmer sa personnalité à<br />
travers son propre style... "
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Être un lecteur actif<br />
(suite)<br />
" Pour ma part, mon désir d'écrire s'est<br />
manifesté très tôt - si tôt pour que je ne<br />
m'en souvienne pas précisément. C'était<br />
mon époque "bibliothèque rose" et "Club<br />
des Cinq". Une découverte si prenante<br />
qu'une fois la série engloutie, il devenait<br />
inimaginable d'arrêter la magie si brutalement.<br />
Mon imaginaire était en manque.<br />
Et quel meilleur moyen de continuer ce<br />
voyage imaginé que d'inventer soimême<br />
ses propres histoires, donner vie à<br />
ses propres personnages, inventer ses<br />
dialogues, découvrir ou créer de nouveaux<br />
lieux, de nouvelles légendes, s'offrir<br />
tout le champ des possibles en<br />
matière de sensations, jouer avec la<br />
musicalité des mots, du rythme...<br />
Encore aujourd'hui, lorsque j'écris je<br />
joue, je m'amuse, je m'évade, je fantasme,<br />
je pleure, j'extirpe mes angoisses,<br />
j'expulse mes peurs, j'enracine mes souvenirs,<br />
je détourne le quotidien.<br />
Le désir d'écrire va et vient, parfois plus<br />
fort, souvent pulsionnel, toujours<br />
indomptable ; de désir il devient besoin,<br />
paradis artificiel exigeant, épuisant,<br />
obsessionnel. Parfois il s'éloigne, il me<br />
quitte ou je le quitte. Ce n'est jamais pour<br />
très longtemps. L'un sans l'autre, nous<br />
ne sommes rien. "<br />
" J'écris depuis que je sais lire. J'ai, vers<br />
10 ans, réécrit tous les contes pour<br />
enfants que je trouvais trop sombres. Je<br />
donnais de belles fins à ces récits et<br />
depuis, j'écris plutôt des choses positives.<br />
J'admire les gens qui savent décrire des<br />
situations compliquées, les affres de la<br />
vie, les angoisses, les peurs. Pour ma<br />
part, je ne suis pas dans ce genre et<br />
trouve que la fantasy me permet d'imaginer<br />
des mondes meilleurs, des sociétés<br />
plus justes et respectueuses de l'humain.<br />
Sans doute n'ai-je pas perdu mes lunettes<br />
roses d'indécrottable optimiste ou<br />
simplement d'enfant heureuse.<br />
Est-ce qu'il n'y a que ceux qui en ont<br />
bavé dans la vie qui écrivent des choses<br />
intéressantes ? Si on veut s'en décoller,<br />
il faut imaginer. Or pour moi, dans l'écriture,<br />
je pars à peu près toujours de mon<br />
vécu et ai beaucoup de mal à imaginer<br />
des situations horribles ou simplement<br />
difficiles. " Loraline<br />
Construire un équilibre<br />
personnel<br />
Le besoin de se libérer<br />
" Au tout début, et même encore maintenant,<br />
je ressens le besoin d'écrire afin de<br />
me délivrer d'un mal-être encombrant,<br />
d'ennuis familiaux envahissants ou de<br />
problèmes de la vie quotidienne auxquels<br />
je donne une importance beaucoup<br />
trop... importante ! En ce moment je<br />
suis moins dans le besoin d'écrire, car<br />
ma vie a changé, je me sens positive,<br />
calme, concentrée, heureuse ! Moins de<br />
besoins, moins d'envie ."<br />
Gérer ses émotions<br />
" Mon désir d'écrire vient de la peur.<br />
Affronter la terreur et l'angoisse, la comprendre,<br />
pour peut-être la sublimer et<br />
donc l'anéantir ; écrire c'est alors très difficile,<br />
car avant même de délier des phrases,<br />
je suis moi-même déjà liée, emprisonnée.<br />
"<br />
Investir son espace intérieur<br />
et cultiver son imaginaire<br />
" Depuis toute petite, je me suis toujours<br />
inventé des histoires. En passant de la<br />
princesse emprisonnée dans une tour<br />
(dans son lit) à l'exploratrice (au fond de<br />
la cuisine). En grandissant on devient<br />
plus mature et l'on perd souvent son imagination,<br />
moi l'effet inverse s'est produit.<br />
Dans la vie de tous les jours, je vois le<br />
réel, ce qui pourrait se passer, et ce que<br />
j'aimerais qu'il se passe ; tout cela en<br />
3<br />
une fraction de seconde. Je pourrais<br />
écrire des histoires différentes tous les<br />
jours, et quand je dis écrire, je ne parle<br />
pas seulement de quelques pages, bien<br />
au contraire. De plus, mon esprit ne se<br />
limite pas à l'imaginaire, il peut tout aussi<br />
bien se fixer sur du réel.<br />
Je ne sais pas si le terme "don" existe<br />
dans ce domaine qui est l'écriture, pour<br />
ma part je dirais que mon imagination est<br />
sans limites ; et pourquoi pas, en faire<br />
profiter les autres. Si cela peut permettre<br />
à une personne de s'évader le temps<br />
d'un instant. " Laura. P<br />
Le partage<br />
" Le désir d'écrire vient du besoin de partager.<br />
Ressembler aux auteurs lus, préférés.<br />
Dire tout haut son mal-être et son<br />
bonheur. Partager ses sentiments avec<br />
ses lecteurs. Écrire son vécu ou son ressenti<br />
pour le transmettre.<br />
Créer des personnages et des fictions se<br />
rapprochant de sa réalité.<br />
Rapporter un récit de voyage pour le partager<br />
et l'immortaliser.<br />
Le désir d'écrire anime aussi bien la personne<br />
en détresse qu'une personne<br />
vivant dans la félicité.<br />
Lire est ma passion, écrire est mon souhait.<br />
Noircir le papier c'est à la portée de tous<br />
mais le noircir bien est tout de même difficile.<br />
"<br />
Se faire aimer<br />
" J'écris par amour. Écrire mon amour…<br />
Bien sûr ! Mais aussi écrire comme on<br />
prie l'autre de vous aimer. Je dribblais<br />
des heures durant et comme une bretelle<br />
sur le triste terrain de basket tout piqué<br />
d'herbe, de notre village.<br />
J'étais épais comme un trèfle à quatre<br />
feuilles, et gaulé comme un haricot. Je<br />
ne risquais d'épater ni par mon physique,<br />
ni par mes prouesses.<br />
Mes regards se tournaient, pourtant déjà,<br />
curieux et inquiets, vers les filles de<br />
l'école d'à côté.<br />
Je n'avais à faire valoir auprès d'elles,<br />
que mon cœur écorché vif. Que ma<br />
besace de misères !<br />
Mes sentiments et mes émotions à souffrir<br />
! Je les vivais comme une douleur ;<br />
pas encore comme une sensibilité, et<br />
surtout pas comme une richesse.<br />
Un jour, j'en ferais du beau de ce pire,
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
mais à l'époque, c'était une croix. Les filles<br />
étaient plus sensibles à ce maigre<br />
talent, que mes copains ! Des brutes<br />
moqueuses et immatures, presque<br />
étrangères. Les plus fines de ces demoiselles,<br />
du moins, savaient me comprendre<br />
! C'est elles que j'aimerai.<br />
Je me souviens de mon premier poème.<br />
Misère ! Pauvre Brigitte (C'est le prénom<br />
de celle pour qui je l'ai composé !). Elle<br />
l'a reçu sur une feuille de papier que<br />
j'avais roulé en parchemin et vieilli en en<br />
brûlant les bords à la bougie.<br />
Elle était blonde ! (pas la feuille, bien sûr,<br />
ni la bougie, mais la belle !). Elle portait,<br />
presque toute l'année, un anorak flamboyant,<br />
jaune canari, qui lui allait à ravir.<br />
Il rehaussait son teint d'un pâle doré et la<br />
rendait reconnaissable dans n'importe<br />
quelle foule.<br />
Un peu inconstante, bien sûr, prompte<br />
autant à se faire désirer, qu'à me laisser<br />
penser qu'elle m'aimait en retour. Puis,<br />
dès le lendemain, elle me faisait dire par<br />
une amie que mon meilleur ennemi l'aimait<br />
plus que moi. J'étais à cœur meurtri<br />
! Cœur perdu !<br />
Son adorable minois poupin était orné de<br />
délicieuses éclaboussures rousses. Et<br />
moi, triste versificateur, je n'ai su que<br />
faire rimer taches et vache ! Allez savoir<br />
pourquoi ? Mon amour de la terre et mon<br />
respect de la nature sans doute ! Ma<br />
poésie lui plut bien pourtant.<br />
Je n'ai, d'autre excuse à ce manque de<br />
tact, que d'avoir eu DIX ans. J'aimais<br />
vraiment, je crois !<br />
Elle avait dix ans aussi.<br />
Plus tard, vivant sans amour, dans la<br />
solitude sans fond où douloureusement<br />
on s'enfonce, se cherche ou se perd à<br />
cet âge, j'ai découvert qu'écrire m'aidait à<br />
vivre, m'aidait à supporter d'être seul,<br />
presque à m'aimer un peu.”<br />
Serge De La Torre, troisième année de<br />
formation, France<br />
Choukri, première année de formation,<br />
New York, U.S.A.<br />
L'écriture : agrandisseur<br />
de vie, l'exercice de sa<br />
liberté<br />
Apprendre à tirer le meilleur de sa vie<br />
“D'où me vient ce désir d'écrire ? Peutêtre<br />
de loin de très loin, de l'assiette de<br />
riz à la viande que je partageais avec<br />
mes sept frères et soeur. Une grande<br />
assiette autour de laquelle on apprenait<br />
les leçons de la vie. Se battre pour manger<br />
tout en respectant le territoire d'autrui<br />
; chacun de nous avait dans cette<br />
assiette une parcelle qui lui était destinée.<br />
Le plus rusé de nous tous se positionnait<br />
toujours devant le meilleur morceau<br />
de viande. Ce n'est pas juste<br />
criaient tous les autres, comment se faitil<br />
qu'il soit toujours devant le meilleur<br />
morceau de viande ? C'est du favoritisme.<br />
Ma mère ne disait rien. Aujourd'hui<br />
j'ai compris qu'elle voulait que nous comprenions<br />
la méthode qui lui permettait<br />
d'avoir toujours le meilleur morceau de<br />
viande. Il savait décider en un clic ou un<br />
regard. Dès que l'assiette sortait de la<br />
cuisine, pendant que nous étions en train<br />
de jouer. Il préparait son angle d'attaque<br />
devant l'assiette. Ma mère était intransigeante.<br />
Une fois que l'assiette était<br />
posée devant nous, personne ne pouvait<br />
la faire pivoter. C'était peut-être la leçon<br />
qu'elle voulait nous apprendre. Nous<br />
étions nés pauvres, pour changer notre<br />
sort dans cette vie, il fallait qu'on agisse<br />
out of the box comme Absamé.<br />
4<br />
Aujourd'hui il vit dans une maison en<br />
Californie, il est spécialiste du risk<br />
managment qu'il a appris tout petit<br />
devant notre assiette de riz. Et puis il y<br />
avait moi. Ma mère essaya tout pour<br />
m'apprendre à me battre pour manger.<br />
Au lieu de manger, je regardais les<br />
autres ou j'écoutais leurs blagues ; lorsque<br />
je mettais ma main dans l'assiette,<br />
elle était déjà vide. Un jour, ma mère se<br />
résigna. Je n'étais pas apte pour aller<br />
chercher mon pain toute seule dans cette<br />
vie. Elle me sépara des autres. Je mangeais<br />
seule, dans une petite assiette une<br />
petite portion et je regardais les autres<br />
apprendre à se battre pour vivre, apprendre<br />
à forger leur caractère. On disait à<br />
ma mère qu'elle ne me rendait pas un<br />
service, que la vie ne donne pas de<br />
cadeaux, qu'elle me condamnait à être<br />
une mauviette. Peut-être en me déclarant<br />
hors-jeu à la vie, elle m'offrait le plus<br />
beau cadeau.”<br />
Choukri, première année de formation,<br />
New York, U.S.A.<br />
Diriger sa vie<br />
" Rester maître de mon cerveau et ne<br />
pas le laisser entièrement à d'autres,<br />
susceptibles de le réduire en bouillie (un<br />
employeur par exemple). J'ai bien l'impression<br />
qu'il s'agit là encore d'un instinct<br />
de survie. "<br />
Changer de rôles<br />
s'inventer d'autres vies<br />
" J'ai partagé de grands moments avec<br />
mes proches ; mais là, maintenant qu'ils<br />
sont tous rentrés chez eux, je suis seule<br />
avec moi-même et je fais ce que j'aime le<br />
plus : un tête-à-tête avec ma page blanche.<br />
C'est là, face à mon écran mental<br />
que je peux inventer ma vie. Je n'ai plus<br />
50 ans, mais 18... ou 92. Je ne suis plus<br />
mère de famille et secrétaire, mais une<br />
aventurière mal élevée, ou une aristocrate<br />
guindée, vieille dame indigne et<br />
fantasque, ou... ce que je veux. Je suis<br />
en totale liberté pour échapper au quotidien<br />
qui est, reconnaissons-le, souvent<br />
ennuyeux. Alors écrire, oui, mais certainement<br />
pas la réalité. Réinventer sa vie,<br />
voilà la vraie liberté littéraire ! "
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Sara Norelle, Guadeloupe<br />
Se sentir vivre<br />
" J'écris pour exister. j'écris pour échouer<br />
au pays de l'en dedans et réemerger<br />
comme une fusée ; j'écris pour laisser<br />
une trace, j'écris pour que l'on puisse<br />
dire de moi, un jour, inchallah, ce que l'on<br />
disait d'Emily Dickenson "mais comment<br />
a-t-elle pu savoir ce qu'elle savait ?”<br />
J'écris parce que je suis une timbrée.<br />
J'écris pour respirer. J'écris pour combler<br />
deux lacunes qui me nuisent énormément<br />
: le manque de courage devant<br />
l'ennemi et le manque d'esprit de conversation.<br />
J'écris pour jouer avec les mots.<br />
J'écris pour m'amuser ; pour rigoler.<br />
J'écris pour tordre le coup et le nez à des<br />
gens que je n'ai pas pu affronter dans la<br />
vraie vie. " Sara Norelle, deuxième<br />
année de formation, Guadeloupe<br />
L'investissement personnel<br />
dans la création littéraire<br />
“ Pourquoi pas moi ? “<br />
" Pourquoi ne serais-je pas capable<br />
d'écrire des histoires plus intéressantes<br />
que ces téléfilms, plus que moyens que<br />
je regarde bien trop souvent à la télé ?<br />
Si, si je dois pouvoir faire mieux.<br />
Et alors là, je me suis lancée. Vous<br />
auriez dû me voir avec mon petit cahier<br />
rouge et mon stylo à bille, toute contente<br />
de ma grande décision ! J'avais osé<br />
m'en penser capable et j'avais écrit mes<br />
premiers mots. Waouh ! C'était génial et<br />
j'y suis revenue le lendemain et le surlendemain.<br />
J'ai commencé à écrire une histoire que<br />
j'aurais aimé lire. Une histoire qui me<br />
fasse voyager, vibrer, rire et pleurer, qui<br />
m'entraîne dans des lieux mystérieux,<br />
qui me fasse ressentir des émotions for-<br />
tes, qui m'amuse et me tue pour mieux<br />
me faire renaître. J'aimerais explorer la<br />
force des sentiments amoureux, mais<br />
d'autres émotions aussi telles que la<br />
colère, la peur, le courage tout cela dans<br />
un contexte empreint de féérie. En réalité,<br />
je pense m'être lancée dans le genre<br />
fantastique (alors qu'il ne s'agit pas réellement<br />
du genre de livres que je lis). Je<br />
ne sais pas où tout cela me mènera,<br />
mais je prends énormément de plaisir à<br />
construire cette histoire. Un univers<br />
parallèle, une île au trésor, une maison<br />
de poupées où mes personnages s'animent<br />
et voient leur destin s'orchestrer<br />
sous les tapotis de mon clavier. "<br />
Nouchka Favez, Suisse<br />
La formation décuple<br />
les plaisirs à écrire<br />
" Au cours des mois et des expériences<br />
accumulées, je peux dire que mon plaisir<br />
évolue et augmente. Me plonger dans<br />
une nouvelle, en rechercher tous les chemins,<br />
faire connaissance avec mes personnages,<br />
imaginer encore et encore<br />
des situations où j'aurais pu vivre, est<br />
une joie constante.<br />
Quand Pointalaligne (Jocelyne Barbas)<br />
y trouve des manques ou des dérapages<br />
dans la continuité, cela me redonne du<br />
peps ! Même si de prime abord je ne<br />
suis pas toujours d'accord. Alors je relis,<br />
à haute voix, je réfléchis dans ma tête,<br />
dans mon lit, en promenade, toute seule<br />
avec moi... et presque toujours je trouve<br />
des idées. Ce que j'aime particulièrement<br />
c'est, après le premier jet, enjoliver mon<br />
texte, trouver des mots qui font que cela<br />
devient musique, des adjectifs (mais pas<br />
trop...) qui expriment mes impressions et<br />
mes sentiments.<br />
Le plaisir d'écrire me fait vivre des situations<br />
qui me touchent, ou qui auraient pu<br />
m'apporter de la joie, de la peine, des<br />
5<br />
envies de me projeter dans l'avenir ou<br />
dans la mort, mais pas d'une manière<br />
triste, en effet, la mort c'est la vie. Je suis<br />
d'un caractère très optimiste. Mais j'aime<br />
aussi inventer des personnages<br />
méchants ou stupides. Peut-être devraisje<br />
parvenir à les rendre encore plus<br />
abjects, c'est aussi très jouissif, dans les<br />
histoires fantastiques, d'imaginer des<br />
êtres nuisibles et sans morale. Bon je<br />
crois que je m'égare, je ne suis pas sûre<br />
d'y arriver !!<br />
Bref, j'aime la vie et j'aime que les gens<br />
soient gentils, (mais je hais les guerres et<br />
toutes les calamités qui hantent la planète)<br />
. J'aime aussi imaginer le chemin<br />
qui conduit de la vie à après la mort.<br />
C'est en écrivant des nouvelles que je<br />
m'en suis rendu compte, c'est quand<br />
même impressionnant, non ? "<br />
Nouchka Favez, troisième année de formation,<br />
Suisse<br />
Exercer sa fantaisie<br />
" Ce qui me pousse à écrire.<br />
La passion des mots. Toute petite, je ne<br />
faisais que lire. Inséparable de mon dico,<br />
car les textes étaient parfois coriaces. Je<br />
dévorais tout ce qui était écrit noir sur<br />
blanc.Je me souviens de mon oncle qui<br />
s'évertuait à me posait des questions<br />
que je n'entendais pas, tellement j'étais<br />
dans mon bouquin.<br />
Plus tard l'écriture est arrivée et bien<br />
souvent elle m'a aidée à résoudre de<br />
gros problèmes. La solution quelquefois<br />
virulente s'imposait sur le papier.<br />
J'ai aussi passé des moments de franche<br />
rigolade avec mes filles alors qu'elles<br />
étaient au collège ou au lycée. je leur<br />
disais : "Venez les biches, on va écrire<br />
une histoire déjantée". Les idées farfelues<br />
ne manquaient à personne et les<br />
rires devenaient des pleurs de bonheur.<br />
Mes types d'écrits aspirent à être poétiques,<br />
humoristiques, quelquefois sanglants<br />
et j'ai bien des misères avec la SF.<br />
" Françoise Baudin, troisième année de<br />
formation.<br />
Le plaisir d'être lu<br />
" Quel plaisir depuis quelque temps de<br />
voir que ce que j'écris semble intéresser,<br />
intriguer, susciter des commentaires<br />
! Donc, oui, le désir d'écrire vient du<br />
plus profond de moi pour une envie<br />
d'être lue. " Myriam Reuter, première<br />
année de formation, France
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Ce qui vous bloque...<br />
Extraits de vos réactions sur les forums de L'aimant littéraire & <strong>L'esprit</strong> livre<br />
" Je pense souvent à mon professeur de<br />
français qui m'a dit un jour devant mes<br />
résultats satisfaisants : " Ce qu'il vous<br />
manque c'est le travail, vous ne travaillez<br />
pas assez, n'entreprenez surtout jamais<br />
d'études littéraires !" Il avait raison, une<br />
dissertation me prenait tout au plus une<br />
heure et encore, le matin à la dernière<br />
minute ! Etait-ce un signe ? Elle n'est<br />
plus là maintenant, mais je serais fière<br />
qu'elle sache que sa discipline exercée<br />
avec rigueur et efficacité est devenue ma<br />
passion, mon plaisir quotidien. Elle doit<br />
certainement y être pour quelque chose.<br />
À cette dame, à Jocelyne Barbas et à<br />
vous toutes et tous mes complices de<br />
chaque jour, je vous dis merci. "<br />
Nicole de Bodt, deuxième année de formation,<br />
Belgique<br />
" Aujourd'hui ce qui me manque le plus,<br />
c'est de la technique (et sans doute quelques<br />
rappels orthographiques, grammaticaux…<br />
etc.) alors je compte m'inscrire à<br />
un atelier d'écriture dans une commune<br />
avoisinante. Malheureusement ils ne se<br />
retrouvent qu'une fois par mois.<br />
Cependant, c'est un bon début je pense.<br />
Je préfère vérifier si le feu de l'écriture<br />
qui est en moi me restera chevillé au<br />
corps ou s'il s'éteindra aussi vite qu'il<br />
s'est allumé. "<br />
" Je suis une procrastineuse moi, et une<br />
championne en la matière. Alors les textes,<br />
ils attendent longtemps avant d'atterrir<br />
sur le papier, s'ils y arrivent un jour<br />
d'ailleurs. Mais ils sortent assez vite,<br />
comme s'ils avaient assez mûri et qu'il<br />
était temps maintenant de passer à autre<br />
chose.<br />
Alors succède un autre plaisir de l'écriture,<br />
plus long, plus fastidieux. Celui du<br />
polissage, du ciselage. Il faut revenir sur<br />
les mots, se relire, enlever un peu là,<br />
rajouter là. Doser, couper, appréhender.<br />
Jusqu'à trouver l'équilibre. Jusqu'à la<br />
prochaine idée qui jaillira. "<br />
" J'ai toujours aimé la langue française, si<br />
variée, amusante et compliquée à la<br />
fois ; à l'école j'avais le 1er prix de français<br />
: seul défaut, me disait le prof : des<br />
redites, mais le style lui plaisait. Enfant,<br />
je saoulais la famille par mon bavardage<br />
incessant, alors je me réfugiais dans la<br />
lecture, et écrivais mes états d'âme sur<br />
des bouts de papiers que je déchirais,<br />
redoutant les moqueries de ces idiots<br />
d'adultes (je suis devenue adulte hélas !<br />
et je les trouve toujours aussi idiots... et<br />
je porte une casquette d'idiote difficile à<br />
enlever ! “<br />
" Bloquée par manque de temps, trop de<br />
bruit autour de moi, obligations familiales,<br />
difficulté à exprimer exactement ce<br />
que je ressens ! "<br />
A Gauche Lydia, à droite Nouchka<br />
En stage d’écriture à Montréal<br />
" Chez moi, même si je m'enferme dans<br />
mon bureau, il y a toujours un moment<br />
où ma progéniture débarque. Il est très<br />
bavard... Je lui fais le regard qui tue, il<br />
repart penaud, mais le mal est fait "argh,<br />
où j'en étais". Puis les chats poussent la<br />
porte. La femelle monte sur le bureau et<br />
me jette un regard innocent, tandis que<br />
le mâle signale sa présence par des graves<br />
miaulements. Et enfin mon mari (qui<br />
cuisine très bien) "Chérie, tu as une idée<br />
de ce que tu aimerais manger ce soir?".<br />
Ok, je lâche l'affaire... Parfois, mes idées<br />
sont là, mais je suis incapable de les discipliner.<br />
Alors je laisse du temps et généralement<br />
ça marche. "<br />
Lydia Javet, seconde année de formation,<br />
France<br />
6<br />
" Je suis ultra irrégulier.<br />
Sorte de<br />
maniaco-compulsif,<br />
lorsque je m'y mets,<br />
je peux rester plusieurs<br />
jours plusieurs<br />
heures par<br />
jour à écrire-penser<br />
et gérer deux ou trois textes en même<br />
temps ; et il y a d'autres séquences sans<br />
écriture, où je me concentrerais de la<br />
même façon sur d'autres projets (notamment<br />
arts martiaux). Bref des périodes<br />
de grande intensité en mode alternatif<br />
même si j'écris chaque jour (idées,<br />
réflexions, forums, traductions,<br />
bout de nouvelle...).<br />
Je préfère écrire le soir. Le ciel<br />
m'inspire car derrière cette tapisserie<br />
constellée de joyaux chatoyants<br />
c'est un infini à imaginer<br />
qui se propose à moi. J'aime<br />
l'obscurité - au sens visuel -, car<br />
l'absence de lumière c'est autant<br />
de réalité à imaginer/à inventer.<br />
Donc ma période de prédilection<br />
est logiquement le soir. Mais<br />
comme tout le monde, c'est aussi<br />
le moment où la fatigue peut<br />
m'achever...<br />
Je lis de la même manière : tout le<br />
temps (4h de transports en commun par<br />
jour), mais avec une préférence entre<br />
23h et 2h du matin.<br />
Ce qui me bloque :<br />
- la sensation que mon écriture n'a pas la<br />
qualité souhaitée. Pas que je recherche<br />
à être un auteur reconnu pour son style,<br />
surtout pas - j'ai horreur de bien des<br />
auteurs qui s'intéressent plus à la forme<br />
qu'au fond -, mais il y a une certaine qualité<br />
à obtenir pour bien faire comprendre<br />
ses idées et " manipuler " le lecteur.<br />
- la pensée que mon idée n'est pas assez<br />
originale en SF. Déjà trop ressassée,<br />
convenue, et n'apportant pas un nouvel<br />
éclairage.<br />
Nicolas Delalondre, troisième année de<br />
formation, France, mais vit le plus souvent<br />
dans les étoiles
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Le désir d’écrire décodé<br />
Le désir apprivoise le bonheur<br />
Selon Spinoza, " Le désir est l'appétit avec la<br />
conscience de lui-même. Nous ne désirons aucune<br />
chose parce nous la trouvons bonne, mais au<br />
contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce<br />
que nous la désirons ". La perception du désir ne nous<br />
renseigne en rien sur la manière dont il surgit dans<br />
notre vie. Le désir est sa propre source, l'impulsion<br />
qui pousse à agir et à exister. Il puise ses racines dans<br />
notre inconscient et notre propre histoire. Il se décrète<br />
rarement.<br />
" Le désir est un attrait que l'on subit, la volonté d'un pouvoir que l'on exerce”. Selon<br />
E. Gobot, nous vivons dans une grande inconscience et nous nous en satisfaisons<br />
tant que le plaisir éblouit notre esprit. Ce que l'on peut observer, c'est le désir luimême,<br />
en le considérant comme un indicateur de ce que l'on ne peut pas percevoir<br />
immédiatement. Il est souvent la manifestation d'un besoin, essentiel ou futile. Nous<br />
désirons ce qui nous maintient en vie, ce qui nous fait exister pleinement, satisfait<br />
nos besoins physiques et mentaux, correspond à nos aspirations, nourrit nos rêves<br />
de bonheur et laisse espérer leur concrétisation.<br />
Le désir fonctionne selon un processus dynamique : né de l'inconscient et du<br />
besoin, il nous conduit à exister pour nous-même en se nourrissant de la considération<br />
d'autrui, de nos expériences, de nos espoirs afin de mieux nous ramener à<br />
une nouvelle conscience de nous-même. Il participe à la construction de soi, à l'expansion<br />
de nos capacités, à l'intensification de nos pulsions de vie. Le désir et l'écriture<br />
fonctionnent selon le même processus. Tous les deux sont provoqués par un<br />
environnement favorable, une attitude mentale propice, ouverte, curieuse. Il est<br />
possible d'agir sur cet état d'esprit, c'est-à-dire que l'on peut stimuler l'émergence<br />
des désirs, leur constance et leur intensité. Les écrivains élaborent en général leurs<br />
propres méthodes. C'est ce qui leur permet de réaliser une œuvre.<br />
7<br />
L'emprise du désir,<br />
l'emprise de soi-même<br />
Didier Anzieu, psychanalyste, décrit dans<br />
Le corps de l'œuvre, Ed. Gallimard, le<br />
désir d'écrire comme étant ce " saisissement<br />
créateur ", " un accident brusque<br />
et essentiel ", une crise intérieure qui<br />
permet de ramener à la conscience un<br />
matériel " inconscient, réprimé, refoulé ",<br />
suivit d'une réorganisation de ces informations<br />
permettant de décoder sous un<br />
autre jour des réalités extérieures et intérieures<br />
et de produire, opérations après<br />
opérations, une œuvre originale.<br />
“Le saisissement créateur peut survenir<br />
à l'occasion d'une crise personnelle (un<br />
deuil à faire, un engagement important à<br />
prendre pour toute l'existence, une maladie<br />
grave, une liberté reçue ou conquise<br />
qui élargit le champ des possibles, la<br />
crise d'entrée dans la jeunesse, la maturité<br />
ou la vieillesse). Cette crise intérieure<br />
prépare le futur créateur, souvent la nuit,<br />
dans un état de transe corporelle, d'angoisse<br />
blanche, d'extase quasi hallucinatoire,<br />
de lucidité aiguë. Le sujet ne fait<br />
qu'enregistrer le contenu, sans avoir<br />
nécessairement cherché à la provoquer.<br />
Le créateur est un saisisseur qui parvient<br />
à se laisser envahir de ces sensations,<br />
perceptions, émotions et trouvent les<br />
mots nécessaires afin de les reformuler."<br />
Écrire n'est donc pas une activité innocente,<br />
superficielle, réduite à un simple<br />
délassement récréatif. L’écriture mobilise<br />
toute la personne et œuvre à l'épanouissement<br />
de sa vie intérieure, à la<br />
construction d'un équilibre personnel, de<br />
son identité ; elle conduit à un supplément<br />
d'existence, parallèle à la réalité,<br />
rythmée, non plus par l'agitation du<br />
monde, mais par ses propres choix, ses<br />
rêves. Écrire devient alors une manière<br />
de se protéger des sollicitations extérieures,<br />
de suspendre la tyrannie de l'action<br />
et de la réactivité permanente. De s'autoriser<br />
à vivre pour soi-même en tout sérénité.<br />
Jocelyne Barbas
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Trucs et astuces d’écrivains<br />
pour attiser le désir d’écrire<br />
Cessez de résister à vos désirs !<br />
" Tout désir que nous cherchons à étouffer couve en notre esprit et nous empoisonne.<br />
Le seul moyen de se délivrer de la tentation, c'est d'y céder. ", se plaît à nous confier<br />
malicieusement Oscar Wilde. Que vaut le désir si vous n'y cédez pas ? Il devient rapidement<br />
une frustration, un renoncement. Ephémère et si fragile, un désir s'accueille,<br />
s'entretient et se protège.<br />
Il est parfois très surprenant de constater que beaucoup d'entre vous le refuse et<br />
remette à plus tard leur projet d'écriture : quand je serais à la retraite, en vacances…<br />
Ils posent une condition de telle manière que jamais ce désir ne puisse être assouvi<br />
et réussissent parfaitement à ne jamais commencer à écrire !<br />
Ceux qui pratiquent l'écriture ne peuvent que s'étonner d'une telle attitude tant il est<br />
facile de commencer. Il suffit de s'y mettre. Eric Chevillard exprime fort bien cette<br />
surprise dans Ecrire, pourquoi ?, paru aux Ed. Argol. " Pourquoi pas vous ? Et vous,<br />
pourquoi n'écrivez-vous pas ? Vous l'êtes-vous parfois demandé ? Qu'est-ce qui vous<br />
retient d'écrire ? Comment justifiez-vous ce refus, ce renoncement, cet évitement,<br />
cette dérobade ? Savez-vous ce qui est réellement à l'œuvre là-dessous ? À quelles<br />
forces obéissez-vous ? Quelles sont vos raisons ? Quel est ce secret honteux que<br />
vous gardez dans ce silence ? Dites-moi ce qui, chaque jour, vous empêche de vous<br />
asseoir pour écrire. Et dites-moi aussi ce qui, en tout lieu et à tout instant, de façon<br />
si impérieuse, vous persuade de ne rien noter dans le carnet qui se trouve pourtant<br />
dans votre poche, flétri par les pauvres tâches que vous lui confiez, d'agenda ou de<br />
répertoire. Je ne comprends pas. Expliquez-moi. (…) N'éprouvez-vous pas le besoin<br />
de vous approprier votre langue maternelle comme vous vous êtes approprié votre<br />
corps ? Vous n'auriez pourtant pas consenti à grandir et à vivre in utero, je suppose.<br />
Vous avez voulu pousser dans les directions qui étaient les vôtres "<br />
Terrasser les assauts du quotidien<br />
en développant l'habitude d'écrire<br />
Vous avez dû observer vous-même ce phénomène : moins on pratique et moins on a<br />
envie. Cela vaut pour toutes les disciplines. L'inverse est vrai : l'entraînement fortifie le<br />
désir et l'affine. Les expérimentations de nos manières de commencer, de se lancer<br />
sont progressives. Les découvertes sont nombreuses et exaltantes puisqu'elles conduisent<br />
à la révélation de soi-même. Une fois la décision prise, ce qui nous freine souvent,<br />
c'est le quotidien chargé de multiples obligations que nous avons accumulées avec le<br />
temps et le désir des autres qui se manifeste toute la journée et interrompt des activités<br />
que l'on a choisies. Plus encore, l'environnement exerce des forces qui nous détournent<br />
constamment de nos bonnes résolutions et ruinent notre jubilation à faire ce que l'on<br />
aime : l'actualité et l'éternelle crise économique, les " à quoi bon ? ", le récit des échecs<br />
et des déceptions d'autrui… Certains écrivains ont réussi à utiliser ces empêchements<br />
comme matière première à leur écriture en réagissant à ces influences.<br />
" Je n'ai jamais écrit que sur la provocation des faits. Chaque jour l'événement est là qui<br />
m'attire et me retient, risquant de me détourner du travail interrompu la veille. Il me faut,<br />
à tout le moins, en garder quelque trace. Je suis aux ordres du quotidien. Je l'ai toujours<br />
été, avant même d'écrire. […] J'envie les journalistes. Ils ont l'emploi immédiat du fait.<br />
Ils peuvent sur-le-champ s'exprimer sur tout ce qui les a provoqués. Quand ils sont écrivains,<br />
ils n'ont pas, comme les autres écrivains, à garder pour un usage à venir ces denrées<br />
périssables que sont leurs impressions. Périssables, parce qu'elles enferment un<br />
germe de vie, qu'elles sont proprement vivantes quand elles naissent, et par là menacées.<br />
" Bernard Grasset, Les chemins de l'écriture.<br />
8
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Trucs et astuces d’écrivains<br />
pour attiser le désir d’écrire<br />
La pratique de l'écriture<br />
de soi<br />
La force de l'habitude associée à la pratique<br />
d'une gymnastique mentale régulière<br />
qu'est l'écriture s'avère capitale.<br />
Précisons qu'une pratique évolue selon<br />
les grandes étapes de la vie et que le<br />
processus d'entrée en écriture reste<br />
souvent le même : on commence à<br />
écrire à partir de soi.<br />
Spontanément, durant l'adolescence, de<br />
nombreuses jeunes filles tiennent leur<br />
journal intime. Avec la multiplication des<br />
blogs, les jeunes hommes s'y essayent<br />
eux aussi. L'engouement pour cette<br />
forme d'expression illustre bien que<br />
l'écriture de l'intime correspond à la fois<br />
à des besoins individuels et à une pratique<br />
sociale. Sont confondus à ce niveau<br />
le besoin de reconnaissance, la surexposition<br />
de l'intime avec la quête d'une<br />
audience dans une communauté, le<br />
rêve de célébrité comme le signe de<br />
réussite de sa vie. Les liens entre les<br />
blogs ont valeur de liens sociaux, une<br />
vie " en ligne " qui vient corriger une<br />
autre forme d'existence décevante : le "<br />
off-ligne ", la vraie vie, ses contraintes et<br />
ses désillusions. " L'ego-net " finit par<br />
détrôner la Star Académie en ligne. Il<br />
existe dans la nature humaine un désir<br />
enfantin : celui de se sentir premier, unique,<br />
seul au monde sur l'avant-scène de<br />
tous les événements enthousiasmants.<br />
C'est pourquoi l'identification à un héros<br />
satisfait tant le lecteur. Écrire sur soi<br />
contribue à nous rendre notre vie héroïque.<br />
" Je" devient mon personnage<br />
favori.<br />
Il existe d'autres motivations qui tiennent<br />
à l'apprentissage. Écrire sans communiquer<br />
permet d'intégrer, d'assimiler la réalité,<br />
ses chocs, ses ravissements, de<br />
cueillir les fruits de nos expériences.<br />
Cette forme d'écriture donne une consistance<br />
à nos perceptions, prolonge le<br />
vécu, conserve des moments de vie<br />
intacts. Écrire, c'est braver sa finitude, "<br />
pour mettre quelque chose à l'abri de la<br />
mort”, expliquait Franz Kafka.<br />
Tenir un journal stimule le processus personnel<br />
de créativité et d'expression. La<br />
collecte de ce matériau, ces traces de<br />
soi, suscitent des prises de conscience<br />
qui favorisent la découverte incessante<br />
de soi, comme le soulignait Henri<br />
Michaux : " J'écris pour me parcourir " .<br />
L'immense plaisir de se dire est à rapprocher<br />
d'un de nos besoins essentiels :<br />
celui de s'exprimer, c'est-à-dire d'éprouver<br />
la puissance libératrice et réparatrice<br />
du langage tout en recevant la considération<br />
d'autrui.<br />
Écrire permet d'éliminer des tensions,<br />
9<br />
de dire la souffrance, la peur, l'incompréhension.<br />
C’est aussi nommer l'horreur<br />
pour la vider de ses effets toxiques, les<br />
mettre à distance et les transcender. La<br />
valeur thérapeutique de l'écriture n'est<br />
plus à démontrer. Je n'écris pas pour<br />
"faire de la littérature ", mais afin d'élargir<br />
en moi des possibilités de vivre (…)<br />
Écrire des phrases consiste à se rendre<br />
disponible à la disponibilité elle-même. À<br />
faire entendre, par cette disponibilité-là,<br />
le trésor inouï des nuances par lesquelles<br />
votre corps reprend vie. Il n'y a pas de<br />
différence entre un corps qui se refait à<br />
neuf et le mouvement d'une pensée. "<br />
Yannick Haenel<br />
Cependant, cette forme de littérature<br />
centrée sur soi, figée dans l'instant et<br />
l'émotion du moment, génère rarement<br />
des écrits littéraires. La littérature nécessite<br />
de faire le tri dans nos expériences<br />
personnelles afin d'en exprimer ce qui<br />
pourrait être utile aux lecteurs. Écrire<br />
reste un acte de communication, de partage<br />
sublimé d'expériences humaines<br />
destinées à éclairer et à inspirer nos<br />
semblables.<br />
Et quand bien même, cette littérature<br />
aurait voulu être une démarche personnelle<br />
à l'état brut, elle met toujours en jeu<br />
nos relations avec les autres. L'intime<br />
perd de sa singularité : on se reconnaît<br />
toujours un peu dans l'expérience d'autrui,<br />
nous éprouvons ainsi notre humanité.<br />
"Quand on écrit, on s'adresse silencieusement<br />
à un être idéal, une mère,<br />
une sœur que l'on aurait voulu séduire,<br />
un père que l'on aurait aimé convaincre<br />
de sa valeur. Concevoir une œuvre, c'est<br />
dire à cet être idéal intériorisé : tu le vois<br />
bien avoue-le, tu as été injuste à mon<br />
égard, reconnais mes désirs, mes capacités,<br />
donne-moi acte de ce que je me<br />
sens être réellement", précise à Didier<br />
Anzieu.
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Affirmer votre personnalité<br />
Exercer en toute liberté sa pensée<br />
amène à imaginer une vie de plus en<br />
plus personnelle, originale. Il est ensuite<br />
tout à fait logique que cette démarche<br />
conduise à l'affirmation de soi. Ce qui<br />
signifie aussi s'opposer, s'indigner,<br />
contester, questionner, exiger… s'imposer<br />
et prendre sa place ! La littérature<br />
restera un espace d'expression des personnalités<br />
singulières et de leur unicité.<br />
" Car écrire, c'est être contre. C'est<br />
retourner la phrase comme un revolver.<br />
La retourner contre soi-même, se balancer<br />
cette phrase entre deux certitudes,<br />
car il faut à un moment donné, arrêter<br />
d'être dans la fiction, d'accompagner la<br />
morale, de donner le bras aux bons sentiments<br />
ou à la pensée sociale. Il faut<br />
aussi tirer contre. S'opposer au mouvement,<br />
arrêter, stagner, s'obséder, rire de<br />
cette phrase. Si les œuvres n'ont plus<br />
aujourd'hui ce pouvoir d'ébranler le lecteur,<br />
c'est qu'elles sont la traduction de<br />
ce qui se passe dans notre pays où l'artiste<br />
est une sorte de mendiant caressant<br />
dans le sens du poil les institutions. "<br />
Charles Pennequin<br />
Il est plus facile et bien plus reposant<br />
d'être dans le consensus et l'acceptation.<br />
Sans prise de risques, sans remise en<br />
question, il devient impossible de créer<br />
quoi que ce soit.<br />
Ce qui se joue à ce niveau, c'est la création<br />
littéraire elle-même, l'émergence<br />
d'un style, l'expression de personnalités<br />
fondamentales capable de faire progresser<br />
les idées de ses contemporains et<br />
des générations futures. Comme Steve<br />
Job qui a révolutionné notre manière de<br />
communiquer : " Votre temps est limité<br />
ne le gâchez pas en menant une existence<br />
qui n'est pas la vôtre. Ne soyez<br />
pas prisonnier des dogmes qui vous obli-<br />
Trucs et astuces d’écrivains<br />
pour attiser le désir d’écrire<br />
gent à vivre en obéissant à la<br />
liberté d'autrui. Ne laissez<br />
pas le brouhaha extérieur<br />
étouffer votre voix intérieure.<br />
Ayez le courage de suivre<br />
votre cœur et votre intuition.<br />
L'un et l'autre savent ce que<br />
vous voulez réellement devenir. Le reste<br />
est secondaire. " Steve Jobs<br />
L'écriture et la lecture sont de puissants<br />
instruments de construction de la personnalité.<br />
Or cette dimension est trop<br />
souvent galvaudée, dépréciée. Parfois<br />
on se rend à un atelier d'écriture comme<br />
dans un atelier de macramé, à la recherche<br />
d'une occupation pour passer le<br />
temps en agréable compagnie.<br />
Il est regrettable que de nombreux ateliers<br />
d'écriture se soient limités à surexploiter<br />
les désirs d'écrire sans permettre<br />
de réelles pratiques de l'écrit, confondant<br />
des jeux d'expressions, des jeux<br />
relationnels avec la création littéraire.<br />
L'aimant littéraire tient tout particulièrement<br />
à se démarquer du mercantilisme<br />
et de l'opportunisme en proposant des<br />
formations qui permettent d'accéder à<br />
la fois à la réalité de l'écriture, à la maîtrise<br />
de techniques d'écrivains dans un<br />
cadre d'apprentissage structuré et<br />
agréable, et agréable au sein d’une communauté<br />
apprenante.<br />
" L'idée même que l'écriture puisse être<br />
pratiquée comme un jeu plus ou moins<br />
éblouissant, sans pouvoir sur le monde,<br />
est de celles qui me font pleurer de<br />
colère comme la justification du racisme<br />
ou de l'excision des petites filles. Parce<br />
qu'il y a justement dans l'écriture, si on le<br />
désire, de quoi transformer les visions<br />
habituelles, les idéologies. Je veux dire<br />
que le choix du sujet, la structure du<br />
récit, l'ordre et la nature des mots, peuvent<br />
mettre en question la réalité. "<br />
Annie Ernaux<br />
10<br />
On ne se construit jamais<br />
tout seul. L’autoformation a<br />
ses limites. C’est grace à des<br />
regards critiques, bienveillants,<br />
encourageants que l’on<br />
trouve la force de progresser<br />
et de dépasser ses limites.<br />
L'aimant littéraire tient tout<br />
particulièrement à se<br />
démarquer du mercantilisme<br />
et de l'opportunisme<br />
en proposant des formations<br />
qui permettent d'accéder<br />
à la fois à la réalité<br />
de l'écriture, à la maîtrise<br />
de techniques d'écrivains<br />
dans un cadre d'apprentissage<br />
structuré, agréable,<br />
au sein d’une communauté<br />
apprenante.
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Trucs et astuces d’écrivains<br />
pour attiser le désir d’écrire<br />
La lecture créative<br />
Tout le monde vous dira que pour écrire,<br />
il faut lire. C'est le grand secret ! Mais<br />
peu de personnes vous expliquent comment<br />
lire. Tout comme l'écriture, il existe<br />
bien des manières de procéder : pour le<br />
plaisir, la réflexion, pour nourrir son<br />
esprit… La lecture peut devenir autant<br />
créative que l'écriture.<br />
Alberto Manguel, dans son Journal du<br />
lecteur explique que : " La lecture est une<br />
conversation. Des fous se lancent dans<br />
des dialogues imaginaires dont ils entendent<br />
l'écho quelque part dans leur tête ;<br />
les lecteurs se lancent dans un dialogue<br />
similaire, provoqué par les mots sur une<br />
page. Si, le plus souvent, la réaction du<br />
lecteur n'est pas consignée, il arrive<br />
aussi qu'un lecteur éprouve le besoin de<br />
prendre un crayon et de répondre dans<br />
les marges d'un texte. Ce commentaire,<br />
cette glose, cette ombre qui accompagne<br />
parfois nos livres préférés transposent le<br />
texte en un autre temps et une autre<br />
expérience ; il prête de la réalité à l'illu-<br />
Admirez positivement !<br />
L'admiration donne envie d'imiter un modèle qui nous plaît. Dès lors que l'on se<br />
réfère à une pointure, notre culture nous conduit à marquer notre déférence et à faire<br />
acte de modestie. On finit par se convaincre que jamais on ne réussira à égaler celui<br />
que l'on admire. D'avance, on se coupe de ce processus d'identification et du désir<br />
de se dépasser dans le domaine de l'écriture. C'est encore le meilleur moyen de refuser<br />
l'appel d'une vocation et de provoquer des surdités intellectuelles.<br />
" C'est à une certaine forme d'admiration et non au besoin d'écrire que se reconnait<br />
selon moi, l'appel des lettres. Surtout que l'on ne croit pas que les deux se confondent<br />
: ils peuvent même longtemps s'opposer. Dans l'écriture, les choses se passent<br />
en effet comme dans l'amour. D'abord on aime et, dans la mesure où l'on aime, on<br />
n'ose pas. (…) Tout écrivain, à ses débuts, est un colporteur de textes ; mais non des<br />
siens, de ceux des autres. Cela dure, pour chacun, ce que j'appelle " le temps de l'admiration<br />
", qui est proprement celui où se forme le talent. Mais si de ce premier besoin<br />
de tout écrivain, celui de faire partager ses admirations, fondement de " l'esprit éditeur<br />
", naît, par les circonstances, le métier même d'éditeur - et que l'homme prenne<br />
goût, dans ce rôle, à la chose littéraire - comprend-on qu'il risque de s'attarder à ce<br />
temps de l'admiration, au point de ne plus pouvoir donner sa propre mesure quand<br />
enfin il s'y est décidé ? "<br />
Bernard Grasset, Les chemins de l'écriture.<br />
Faites en sorte que vos admirations suscitent de l'enthousiasme, l'audace d'essayer<br />
d'expérimenter des modèles ;qu’elles procurent les joies de la découverte. Multipliez<br />
les tentatives et ne retenez que celles qui vous conviennent vraiment.<br />
sion qu'un livre nous parle et nous incite<br />
(nous, ses lecteurs) à exister. (…).<br />
Le désir d'écrire émerge d'une conversation<br />
continuée avec un auteur ou son<br />
œuvre. Selon Roland Barthes, il s'agit<br />
d'un désir de jubilation : " Je veux m'ajouter<br />
activement à ce qui est beau ; l'œuvre<br />
de l'autre passe en moi, je veux la faire<br />
autre, la déformer. ", en d'autres mots, je<br />
veux la faire mienne, me l'approprier, m'y<br />
associer.<br />
Pour qu'un tel désir puisse exister, les<br />
relations entre le lecteur et l'auteur doivent<br />
devenir égalitaires. Le lecteur<br />
devient créatif s'il ne s'écroule pas sous<br />
le poids de la personnalité brillante de<br />
l'écrivain ou sous l'injonction de ses<br />
acquis culturels qui le poussent à digérer<br />
ses lectures comme autant de vérités<br />
incontestables : " C'est vrai, c'est écrit !".<br />
C'est au lecteur de retrouver une place<br />
honorable, de prendre conscience de<br />
son importance dans cette relation.<br />
Souvenez-vous de cette citation de Paul<br />
Valery : " Il n'y a pas de vrai sens d'un<br />
11<br />
texte. Pas d'autorité de l'auteur. Quoi<br />
qu'il ait voulu dire, il a écrit ce qu'il a écrit.<br />
Une fois publié, un texte est comme un<br />
appareil dont chacun peut se servir à sa<br />
guise et selon ses moyens ; il n'est pas<br />
sûr que le constructeur en use mieux<br />
qu'un autre. "
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Trucs et astuces d’écrivains<br />
pour attiser le désir d’écrire<br />
Sachez préparer votre travail<br />
d'écriture<br />
L'une des grandes découvertes de ceux<br />
qui fréquentent les ateliers d'écriture de<br />
L'aimant littéraire est de comprendre que<br />
le premier jet, issu d'une émotion, n'est<br />
pas un texte abouti, mais un brouillon. Ce<br />
terme est loin d'être péjoratif, il porte en<br />
lui toutes les promesses de l'écriture.<br />
L'écrit n'émerge jamais d'un seul coup.<br />
Les idées arrivent de manière désordonnée,<br />
aléatoire, fragmentaire, à des<br />
degrés divers de mûrissement. Seule<br />
une réécriture permet de les faire mûrir<br />
et de les ordonner. Le plaisir sans aucun<br />
effort relève du mythe ou de la méconnaissance.<br />
Les plaisirs immédiats rassurent, encouragent,<br />
mais possèdent souvent le défaut<br />
de nous masquer les autres. Beaucoup<br />
confondent la spontanéité à écrire avec<br />
le sentiment de sincérité. Trouver les<br />
mots justes pour exprimer un sentiment<br />
n'est pas un acte irréfléchi et forcément<br />
spontané. Ces plaisirs de l'instant, obtenus<br />
sans beaucoup d’efforts, sans<br />
attente, sont ceux précisément qui<br />
s'émoussent le plus rapidement.<br />
Développer le goût de l'effort contribue à<br />
varier ses désirs et ses plaisirs, à les<br />
intensifier.<br />
Personne ne naît écrivain, on le devient.<br />
La première étape consiste à savoir travailler<br />
ses idées et sa pensée, c'est-àdire<br />
à les structurer et leur donner une<br />
forme. " Aujourd'hui encore, j'ai le sentiment<br />
qu'écrire remet de l'ordre dans le<br />
chaos de mes pensées. Et dans le chaos<br />
du monde par la même occasion. "<br />
Philippe Djian<br />
L'aboutissement d'un intense travail préparatoire<br />
ou l'accomplissement d'un<br />
désir longtemps repoussé ou déçu<br />
conduisent à des désirs et des plaisirs<br />
plus puissants. Là encore, Didier Anzieu,<br />
réalise une description intéressante : Le<br />
contenu psychique du désir “ s'étend de<br />
la représentation unique, dotée d'une<br />
grande vivacité, à un flot déferlant de<br />
sensations, d'émotions, d'images. (…) Il<br />
n'en reste pas moins que des fonctions<br />
du Moi conscient restent actives et assurent<br />
le maintien de l'attention, de la perception<br />
et de la notation (c'est-à-dire la<br />
possibilité de noter dans son esprit ce<br />
qu'il se passe)."<br />
Identifiez les sources de<br />
son inspiration<br />
Faciliter le passage à l'écriture permet<br />
de parvenir plus vite au plaisir d'écrire.<br />
Michel butor identifie les sources de son<br />
inspiration, dans son Répertoire V Ed. de<br />
Minuit. " Souvent les gens vous demandent<br />
d'où vient ce que vous écrivez… "<br />
Selon cet auteur, il existe plusieurs sources<br />
d'inspiration : le réel, l'imaginaire, la<br />
mémoire, le langage et les jeux de langue.<br />
Michel Butor précise : " D'où vient<br />
le matériau : il vient du dictionnaire, il<br />
vient de l'encyclopédie, il vient du<br />
voyage. D'où vient la différence ? Elle<br />
vient de l'enfance. Elle vient de la nuit.<br />
Elle vient du silence. D'où vient l'énergie<br />
? C'est la misère devant la fortune.<br />
C'est la folie devant la raison. C'est la<br />
maladie devant la santé.”<br />
12<br />
Entrez en écriture<br />
Un cheminement entre l'excès et l'ascétisme<br />
Toujours selon Didier Anzieu, les auteurs<br />
savent utiliser des techniques afin d'entretenir<br />
la force pulsionnelle de leur désir<br />
d'écrire par accumulation ou par privation.<br />
L'accumulation est assimilable à l'excès :<br />
vie sexuelle, voyages, drogues,<br />
contacts… tout ce qui favorise une montée<br />
pulsionnelle importante, apportant la<br />
matière de l'écriture et à l'inverse les<br />
auteurs qui craignent une déperdition de<br />
cette énergie, préfèrent des lieux isolés<br />
comme une île, le désert… Certains pratiquent<br />
l'alternance, d'autres, plus sages,<br />
s'essaient à une vie saine : une pratique<br />
sportive quotidienne, une alimentation<br />
favorisant l'effort mental, des relations<br />
apaisées, un état d'esprit serein, un<br />
enthousiasme entretenu par des bonnes<br />
lectures.
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Chronique<br />
Décrivez-moi en détail le plaisir d’écrire !<br />
Pourquoi écrit-on ? Pour se faire plaisir.<br />
La réponse est évidente, n'est-ce pas ! À<br />
la réflexion, ce n'est pas si sûr. Si les<br />
écrivains sont intarissables sur leurs<br />
manières d'écrire, rares sont ceux qui<br />
parviennent à décrire avec précision ce<br />
qu'ils ressentent. À croire que le plaisir<br />
est honteux, obscène ou indicible. Voici<br />
quelques réponses glanées dans mes<br />
lectures.<br />
"On est dans un tel état d'extase que l'on<br />
n'a presque pas l'impression d'exister.<br />
Cela m'arrive souvent. Ma main paraît<br />
écrire toute seule, comme si je n'avais<br />
rien à voir avec ce qui se passe. Je reste<br />
assis à contempler tout cela avec admiration<br />
et étonnement. Ça coule tout seul.<br />
Mihály Csíkszentmihályi, psychologue, a<br />
décrit et nommé cet état " fluidité ".<br />
" La fluidité, c'est le summum de l'intelligence<br />
émotionnelle : les émotions mises<br />
au service de la performance ou de l'apprentissage.<br />
Celles-ci ne sont pas seulement<br />
maîtrisées et canalisées, mais<br />
aussi positives, chargées d'énergie et<br />
appropriées à la tâche à accomplir.<br />
Quand on est aux prises de l'ennui, de la<br />
dépression ou l'agitation de l'anxiété, la<br />
fluidité est hors d'atteinte. (…) C'est une<br />
expérience merveilleuse ; le sceau de la<br />
fluidité, c'est un sentiment de joie spontanée,<br />
voire de ravissement. Parce que la<br />
fluidité procure un bien-être intense, elle<br />
est intrinsèquement gratifiante. Quand<br />
l'individu s'absorbe complètement dans<br />
ce qu'il fait, y consacre la totalité de son<br />
attention, sa conscience se confond avec<br />
ses actions. (…) L'attention est si focalisée<br />
que la personne n'a conscience que<br />
du champ de perception étroit lié à ce<br />
qu'elle est en train de faire et perd toute<br />
notion de temps et de l'espace. (…)<br />
Dans un état de fluidité, l'individu ne<br />
pense plus à lui-même. Au lieu de se<br />
laisser envahir par une anxiété nerveuse,<br />
l'individu fluide est si absorbé par ce qu'il<br />
fait qu'il perd entièrement conscience de<br />
lui-même et oublie les tracas de la vie<br />
quotidienne. Dans ces moments-là, la<br />
personne est dépourvue d'ego. (…)<br />
Le plaisir spontané, la grâce et l'efficacité<br />
qui caractérisent la fluidité sont incompatibles<br />
avec les coups d'états émotionnels.<br />
", Daniel Goleman, L'intelligence<br />
émotionnelle, Ed. Robert Laffont.<br />
Personnellement, c'est ce que je ressens.<br />
La curiosité agissant, je suis allée<br />
fouiller dans quelques livres, histoire de<br />
voir comment d'autres auteurs vivaient<br />
ces plaisirs à écrire. Tout d'abord, une<br />
petite visite chez l'un des papes de la<br />
didactique de l'écriture : Roland Barthes.<br />
" Le plaisir du texte n'est pas forcément<br />
celui qui relate des plaisirs, le texte de<br />
jouissance n'est jamais celui qui raconte<br />
une jouissance. Le plaisir de la représentation<br />
n'est pas lié à son objet : la pornographie<br />
n'est pas sûre. En termes zoologiques,<br />
on dira que le lieu du plaisir<br />
13<br />
textuel n'est pas le rapport du mime et du<br />
modèle (rapport d'imitation), mais celui<br />
du dupe et du mime (rapport de désir, de<br />
production). " Ce qui laisse entendre que<br />
le plaisir n'est pas le sujet du texte, mais<br />
ce qui précède, l'accompagne ou suit sa<br />
production. Éprouver du plaisir et l'écrire<br />
sont deux actions qui ne peuvent s'envisager<br />
en même temps. L'un finit par se<br />
soustraire à l'autre. En général, l'action<br />
annule le commentaire. Ce que confirme<br />
Roland Barthes dans Le plaisir du texte.<br />
Coll. Tel Quel, Le seuil : " L'écriture est<br />
ceci : la science de jouissance du langage,<br />
son kamasoutra n'a qu'un seul<br />
traité : l'écriture elle-même. " Certains<br />
auteurs expliquent que leur bonheur<br />
n'est pas d'écrire, mais d'avoir écrit, de<br />
disposer d'un texte dont ils sont l'auteur.<br />
Écrire leur demande trop d'efforts, de<br />
sacrifices, de patience. Certains avouent<br />
même se confronter à la solitude, le<br />
doute, l'incompréhension de leur entourage<br />
qui voudrait bien comprendre d'où<br />
vient cette rage d'écrire.<br />
La description la plus surprenante que<br />
j'ai obtenue est celle-ci. J'ai découvert<br />
que l'orgasme mental existait, qu'il était<br />
possible de jouir autant de son esprit que<br />
de son corps. Aurélie Bonnafoux le décrit<br />
dans son Mémoire de maîtrise de psychologie<br />
clinique. Université Paris X<br />
Nanterre - Année 2004-2005. Il s'agirait<br />
de l'envahissement mental par quelque<br />
chose d'imprévu, différent des messages<br />
sensoriels et sensitifs habituels, d'un<br />
éclatement des limites ordinaires du moi,<br />
s'accompagnant d'un plaisir spécifique<br />
pouvant aboutir à une décharge orgasmique.<br />
Cela ressemble de très près à un<br />
coup de foudre...<br />
Que dire de plus ? Écrivez ! "<br />
Jocelyne Barbas
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Nouvelle<br />
L’infini vertical<br />
où il est question d’un tout premier désir d’écrire...<br />
Mon père écartait l'élastique et ouvrait<br />
précautionneusement son petit carnet<br />
noir de crainte d'échapper un bout de<br />
papier et laisser tomber le petit crayon de<br />
bois enserré dans sa bague de cuir. La<br />
grosseur de ses doigts, écrasés par les<br />
charges et des années de métier, l'avait<br />
rendu définitivement maladroit. Il<br />
essuyait régulièrement ses lunettes de la<br />
poussière et de menues projections. Le<br />
ciment s'était aggloméré en petites boules<br />
aux extrémités des manches de son<br />
pull. Elles rayaient ses verres de lunettes<br />
et s'agitaient à chaque mouvement de<br />
ses grosses mains. Il réfléchissait avant<br />
de noter des signes, des chiffres, des<br />
mesures, des plans, des numéros de<br />
téléphone de ses clients, de ses fournisseurs,<br />
des listes de mots, des choses à<br />
faire et à ne pas oublier.<br />
Je le regardais attentivement ouvrir ce<br />
carnet, le fermer en allongeant l'élastique<br />
et le ranger dans une poche arrière de<br />
son jean. Le petit crayon conviendrait à<br />
ma main d'enfant. J'en eus l’immédiate<br />
conviction. La régularité des petits carreaux<br />
était de toute beauté. La blancheur<br />
du papier, la douceur de la feuille que<br />
j'avais effleuré du bout des doigts sur<br />
d’anciens carnets délaissés dans son<br />
bureau me plaisait. L'envie de gribouiller<br />
m'obsédait. J'avais la folle envie de faire<br />
des grands huit qui s'enchaîneraient et<br />
ne s'arrêteraient jamais. Je m'exerçais<br />
dès que je pouvais sur des feuilles que je<br />
trouvais çà et là.<br />
Un jour, ce carnet est tombé de la poche<br />
de mon père. Je le lui ai volé. Je me suis<br />
cachée derrière le lit parental et j'ai tracé<br />
mon huit ininterrompu, mon " infini vertical<br />
", sans relever le Bic. Doucement tout<br />
d'abord puis de plus en plus vite, saturant<br />
la page d'encre et m'arrêtant juste<br />
avant de la percer. J'y ai mis ma candeur,<br />
toute ma conviction et toute mon énergie.<br />
Je conserve le souvenir d'un abandon à<br />
une joie inédite. Jusqu'au moment où je<br />
pris conscience que ce carnet était<br />
devenu une preuve. J'avais griffonné et<br />
cela se voyait. Mon père allait le chercher,<br />
le réclamer et le reprendre.<br />
Paniquée, je n'avais plus d'autre choix<br />
que de le cacher et de me taire. C'était<br />
mon premier secret.<br />
Je ne résistais pas très longtemps à l'envie<br />
de sortir ce trésor de ma poche et<br />
retrouver ce plaisir de la tension de<br />
l'élastique qui cède sous la pression d'un<br />
doigt et donne accès à cette ouverture, à<br />
toutes ces pages vierges. Je renouvelais<br />
dans ce même élan les délices du<br />
crayonné. Je fus surprise par mon frère<br />
aîné de huit ans. Un échange de regards<br />
décisifs scella le début d'une histoire qui<br />
ne tourna pas à mon avantage.<br />
Coupable, je fermais vite ce carnet et le<br />
replaçais dans ma poche.<br />
Ce frère était peut-être venu me chercher<br />
pour jouer ? Non. Il préférait de toute évidence<br />
les filles un peu plus âgées que sa<br />
petite sœur. L'injonction maternelle<br />
rétablit provisoirement la conversation :<br />
" Pour une fois ! Joue au moins avec<br />
elle". Ravie, je me mis à le suivre dans le<br />
jardin. Nous avons dévalé le grand terrain<br />
en pente pour nous engouffrer dans<br />
le petit chemin qui conduisait à un bois<br />
derrière chez nous. J'y connaissais toutes<br />
les aspérités, les creux, les pierres et<br />
les racines des arbres. Il courait de plus<br />
en plus vite ce qui me fit rire au début.<br />
J'essayais de tenir la cadence et j'avais<br />
beau redoubler mes efforts, mes petites<br />
jambes ne me permettaient pas de le rattraper<br />
et de passer les obstacles. Le chemin<br />
était barré par un amoncellement<br />
d'arbres coupés. Il fallait soulever tout<br />
mon corps pour me hisser avec peine :<br />
certains troncs étaient glissants. Mon col-<br />
14<br />
La coupable à peu près au moment<br />
des faits !<br />
lier de perles se prit dans une branche.<br />
Je vis mon frère s'éloigner à grandes<br />
enjambées. Lorsque je réussis à me libérer,<br />
je regardai les perles tomber par<br />
terre et rouler. Il avait disparu. Je l'appelai.<br />
Aucune réponse. Je ramassais quelques<br />
perles et sentis de grosses larmes<br />
couler sur mes joues. Je m'entendis hurler<br />
: " Je le dirai à maman ! " Ce fut à l'évidence<br />
une très mauvaise idée. Je<br />
rebroussai chemin et rentrai seule dans<br />
une maison vide.<br />
La discussion se poursuivit plus tard<br />
dans la journée. Mon frère revint radieux,<br />
accompagné de deux copines de son<br />
âge et avec lesquelles il faisait des choses<br />
qu'il ne fallait pas dire aux parents.<br />
" Pourquoi tu ne m'as pas attendue… tu<br />
vas voir, je vais le dire !<br />
- T'as rien à dire ! Tu verras toi aussi le<br />
jour où tu auras un petit copain, je ne<br />
viendrai pas t'embêter… Si tu parles…<br />
moi je dirai que tu as volé le carnet ! "<br />
Il ne me restait plus qu'à ajouter le chantage<br />
à la menace dans cette pauvre<br />
petite conscience qui devenait de plus en<br />
plus mauvaise. J'en éprouvais une<br />
angoisse incoercible. Maintenant, je le<br />
savais. J'avais beau tourner le problème<br />
dans tous les sens, j'étais parvenue à la<br />
conclusion qu'il était impossible de rendre<br />
quoi que ce soit à mon père et surtout<br />
pas ce carnet, même en déchirant<br />
les pages fautives. J'avais trop envie de<br />
faire comme lui, de noter tout ce qui me<br />
passait par la tête. J'avais déjà essayé<br />
sa machine à écrire, son papier à lettres
Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
à entête, pris ces airs absorbés comme<br />
lorsqu'il réfléchissait dur, en se massant<br />
légèrement le front du bout des doigts et<br />
actionné les touches métalliques de<br />
Remington de mes deux index tendus.<br />
Enragé, mon père fouillait la maison. " Tu<br />
vas le retrouver, je te dis ! " assurait ma<br />
mère pour le calmer. Il m'observait dubitatif.<br />
" Et toi, tu n'as rien vu pas hasard ?"<br />
Je limitais mes réponses à quelques<br />
hochements négatifs de la tête. Le<br />
silence me protégeait de l'inévitable trahison<br />
de ma voix. Il avait besoin de ce<br />
carnet pour faire ses devis.<br />
La grande inspection a duré de longs<br />
jours. Le cœur battant, guettant le<br />
moment propice où j'étais toute seule à<br />
la maison, je changeais souvent ce carnet<br />
de place jusqu'à ce que je trouve la<br />
cachette idéale : en dessous du tas de<br />
linge sale, là où personne ne fouillerait.<br />
Les questions redoublaient et me troublaient.<br />
La suspicion régnait. Mon père<br />
s'énervait avec une rare constance et se<br />
mettait à gueuler dès qu'une oreille passait<br />
à sa portée. Même le chien y avait<br />
droit.<br />
Puis ma mère fit la lessive. Ce détail<br />
m'avait complètement échappé. C'est<br />
elle qui le lui a rendu. " Tu vois bien qu'il<br />
est là ! Tu ne sais jamais ce que tu fais<br />
de tes affaires. C'était bien la peine de<br />
rouspéter autant ! Il est tout simplement<br />
tombé de ta poche." Mon père l'examina.<br />
En quelques secondes, tous ces infinis<br />
verticaux m'avaient trahie. J'étais une<br />
voleuse, une menteuse et une gribouilleuse.<br />
J'avais résisté durant toute une<br />
semaine à l'inquisition paternelle et à son<br />
assaut verbal sans jamais ne rien laisser<br />
échapper. Cette détermination lui fit froid<br />
dans le dos. J'avais quatre ans.<br />
" On se demande ce qui lui passe par la<br />
tête ! " grogna-t-il.<br />
Il n'a pas compris que j'aurais bien aimé<br />
qu'il m'accorde la même importance et la<br />
même urgence qu’à cet objet. Voilà pourquoi<br />
j'écris : pour avoir un jour la même<br />
valeur que ce carnet auprès de mes lecteurs.<br />
Au fil du temps, je suis devenue<br />
une consommatrice de carnets à élastiques,<br />
noirs, ces fameux Moleskine. Et<br />
ceux-là, personne ne les cherche !<br />
Jocelyne Barbas<br />
Parlons-en !<br />
La discussion du mois est un espace de libre expression, ouverte à tous, sans engagement,<br />
qui permet d'explorer différents thèmes :<br />
- L'écriture<br />
- La littérature<br />
- La création littéraire<br />
- L'apprentissage de l'écriture créative<br />
- L'actualité des parutions<br />
- Le statut des écrivains<br />
- Les évolutions du livre<br />
Régulièrement, des dossiers thématiques sont réalisés à partir de ces échanges. Ils<br />
sont enrichis par des articles de fond et des citations d'auteur.<br />
Ces discussions se déroulent simultanément sur trois forums :<br />
- Le premier ouvert à tous et correspond au forum de <strong>L'esprit</strong> livre<br />
- Le second, dans l'atelier d'écriture d'initiation de L'aimant littéraire<br />
- Le troisième dans l'atelier de formation de L'aimant littéraire<br />
Ces dossiers sont adressés ensuite aux abonnés de la liste " Les discussions de<br />
L'aimant littéraire. " Ceux-ci ne clôturent pas la discussion pour autant. Il est toujours<br />
possible de commenter, de questionner, de prendre des contres exemples ou d'apporter<br />
des informations et des réflexions nouvelles.<br />
15<br />
Afin de nous faire connaître votre intérêt, nous vous<br />
remercions de vous inscrire sur cette liste. Dans le cas<br />
contraire, vous ne recevriez pas les prochaines invitations<br />
à participer. Vous remerciant de votre compréhension.<br />
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Que cherchez-vous à réaliser lorsque vous écrivez ? Qu'est-ce qui vous est si personnel<br />
dans cette démarche ? L'originalité tient à la fois à l'usage de l'écriture, de<br />
ce qui est écrit que de la lecture de ces textes. Un vaste sujet de discussion en<br />
perspective…<br />
Cela se passe ici<br />
Forum public<br />
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Initiation<br />
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Formation<br />
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