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Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
mais à l'époque, c'était une croix. Les filles<br />
étaient plus sensibles à ce maigre<br />
talent, que mes copains ! Des brutes<br />
moqueuses et immatures, presque<br />
étrangères. Les plus fines de ces demoiselles,<br />
du moins, savaient me comprendre<br />
! C'est elles que j'aimerai.<br />
Je me souviens de mon premier poème.<br />
Misère ! Pauvre Brigitte (C'est le prénom<br />
de celle pour qui je l'ai composé !). Elle<br />
l'a reçu sur une feuille de papier que<br />
j'avais roulé en parchemin et vieilli en en<br />
brûlant les bords à la bougie.<br />
Elle était blonde ! (pas la feuille, bien sûr,<br />
ni la bougie, mais la belle !). Elle portait,<br />
presque toute l'année, un anorak flamboyant,<br />
jaune canari, qui lui allait à ravir.<br />
Il rehaussait son teint d'un pâle doré et la<br />
rendait reconnaissable dans n'importe<br />
quelle foule.<br />
Un peu inconstante, bien sûr, prompte<br />
autant à se faire désirer, qu'à me laisser<br />
penser qu'elle m'aimait en retour. Puis,<br />
dès le lendemain, elle me faisait dire par<br />
une amie que mon meilleur ennemi l'aimait<br />
plus que moi. J'étais à cœur meurtri<br />
! Cœur perdu !<br />
Son adorable minois poupin était orné de<br />
délicieuses éclaboussures rousses. Et<br />
moi, triste versificateur, je n'ai su que<br />
faire rimer taches et vache ! Allez savoir<br />
pourquoi ? Mon amour de la terre et mon<br />
respect de la nature sans doute ! Ma<br />
poésie lui plut bien pourtant.<br />
Je n'ai, d'autre excuse à ce manque de<br />
tact, que d'avoir eu DIX ans. J'aimais<br />
vraiment, je crois !<br />
Elle avait dix ans aussi.<br />
Plus tard, vivant sans amour, dans la<br />
solitude sans fond où douloureusement<br />
on s'enfonce, se cherche ou se perd à<br />
cet âge, j'ai découvert qu'écrire m'aidait à<br />
vivre, m'aidait à supporter d'être seul,<br />
presque à m'aimer un peu.”<br />
Serge De La Torre, troisième année de<br />
formation, France<br />
Choukri, première année de formation,<br />
New York, U.S.A.<br />
L'écriture : agrandisseur<br />
de vie, l'exercice de sa<br />
liberté<br />
Apprendre à tirer le meilleur de sa vie<br />
“D'où me vient ce désir d'écrire ? Peutêtre<br />
de loin de très loin, de l'assiette de<br />
riz à la viande que je partageais avec<br />
mes sept frères et soeur. Une grande<br />
assiette autour de laquelle on apprenait<br />
les leçons de la vie. Se battre pour manger<br />
tout en respectant le territoire d'autrui<br />
; chacun de nous avait dans cette<br />
assiette une parcelle qui lui était destinée.<br />
Le plus rusé de nous tous se positionnait<br />
toujours devant le meilleur morceau<br />
de viande. Ce n'est pas juste<br />
criaient tous les autres, comment se faitil<br />
qu'il soit toujours devant le meilleur<br />
morceau de viande ? C'est du favoritisme.<br />
Ma mère ne disait rien. Aujourd'hui<br />
j'ai compris qu'elle voulait que nous comprenions<br />
la méthode qui lui permettait<br />
d'avoir toujours le meilleur morceau de<br />
viande. Il savait décider en un clic ou un<br />
regard. Dès que l'assiette sortait de la<br />
cuisine, pendant que nous étions en train<br />
de jouer. Il préparait son angle d'attaque<br />
devant l'assiette. Ma mère était intransigeante.<br />
Une fois que l'assiette était<br />
posée devant nous, personne ne pouvait<br />
la faire pivoter. C'était peut-être la leçon<br />
qu'elle voulait nous apprendre. Nous<br />
étions nés pauvres, pour changer notre<br />
sort dans cette vie, il fallait qu'on agisse<br />
out of the box comme Absamé.<br />
4<br />
Aujourd'hui il vit dans une maison en<br />
Californie, il est spécialiste du risk<br />
managment qu'il a appris tout petit<br />
devant notre assiette de riz. Et puis il y<br />
avait moi. Ma mère essaya tout pour<br />
m'apprendre à me battre pour manger.<br />
Au lieu de manger, je regardais les<br />
autres ou j'écoutais leurs blagues ; lorsque<br />
je mettais ma main dans l'assiette,<br />
elle était déjà vide. Un jour, ma mère se<br />
résigna. Je n'étais pas apte pour aller<br />
chercher mon pain toute seule dans cette<br />
vie. Elle me sépara des autres. Je mangeais<br />
seule, dans une petite assiette une<br />
petite portion et je regardais les autres<br />
apprendre à se battre pour vivre, apprendre<br />
à forger leur caractère. On disait à<br />
ma mère qu'elle ne me rendait pas un<br />
service, que la vie ne donne pas de<br />
cadeaux, qu'elle me condamnait à être<br />
une mauviette. Peut-être en me déclarant<br />
hors-jeu à la vie, elle m'offrait le plus<br />
beau cadeau.”<br />
Choukri, première année de formation,<br />
New York, U.S.A.<br />
Diriger sa vie<br />
" Rester maître de mon cerveau et ne<br />
pas le laisser entièrement à d'autres,<br />
susceptibles de le réduire en bouillie (un<br />
employeur par exemple). J'ai bien l'impression<br />
qu'il s'agit là encore d'un instinct<br />
de survie. "<br />
Changer de rôles<br />
s'inventer d'autres vies<br />
" J'ai partagé de grands moments avec<br />
mes proches ; mais là, maintenant qu'ils<br />
sont tous rentrés chez eux, je suis seule<br />
avec moi-même et je fais ce que j'aime le<br />
plus : un tête-à-tête avec ma page blanche.<br />
C'est là, face à mon écran mental<br />
que je peux inventer ma vie. Je n'ai plus<br />
50 ans, mais 18... ou 92. Je ne suis plus<br />
mère de famille et secrétaire, mais une<br />
aventurière mal élevée, ou une aristocrate<br />
guindée, vieille dame indigne et<br />
fantasque, ou... ce que je veux. Je suis<br />
en totale liberté pour échapper au quotidien<br />
qui est, reconnaissons-le, souvent<br />
ennuyeux. Alors écrire, oui, mais certainement<br />
pas la réalité. Réinventer sa vie,<br />
voilà la vraie liberté littéraire ! "