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Les nouvelles<br />
L’aimant littéraire - ateliers d’écriture<br />
Le désir d’écrire décodé<br />
Le désir apprivoise le bonheur<br />
Selon Spinoza, " Le désir est l'appétit avec la<br />
conscience de lui-même. Nous ne désirons aucune<br />
chose parce nous la trouvons bonne, mais au<br />
contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce<br />
que nous la désirons ". La perception du désir ne nous<br />
renseigne en rien sur la manière dont il surgit dans<br />
notre vie. Le désir est sa propre source, l'impulsion<br />
qui pousse à agir et à exister. Il puise ses racines dans<br />
notre inconscient et notre propre histoire. Il se décrète<br />
rarement.<br />
" Le désir est un attrait que l'on subit, la volonté d'un pouvoir que l'on exerce”. Selon<br />
E. Gobot, nous vivons dans une grande inconscience et nous nous en satisfaisons<br />
tant que le plaisir éblouit notre esprit. Ce que l'on peut observer, c'est le désir luimême,<br />
en le considérant comme un indicateur de ce que l'on ne peut pas percevoir<br />
immédiatement. Il est souvent la manifestation d'un besoin, essentiel ou futile. Nous<br />
désirons ce qui nous maintient en vie, ce qui nous fait exister pleinement, satisfait<br />
nos besoins physiques et mentaux, correspond à nos aspirations, nourrit nos rêves<br />
de bonheur et laisse espérer leur concrétisation.<br />
Le désir fonctionne selon un processus dynamique : né de l'inconscient et du<br />
besoin, il nous conduit à exister pour nous-même en se nourrissant de la considération<br />
d'autrui, de nos expériences, de nos espoirs afin de mieux nous ramener à<br />
une nouvelle conscience de nous-même. Il participe à la construction de soi, à l'expansion<br />
de nos capacités, à l'intensification de nos pulsions de vie. Le désir et l'écriture<br />
fonctionnent selon le même processus. Tous les deux sont provoqués par un<br />
environnement favorable, une attitude mentale propice, ouverte, curieuse. Il est<br />
possible d'agir sur cet état d'esprit, c'est-à-dire que l'on peut stimuler l'émergence<br />
des désirs, leur constance et leur intensité. Les écrivains élaborent en général leurs<br />
propres méthodes. C'est ce qui leur permet de réaliser une œuvre.<br />
7<br />
L'emprise du désir,<br />
l'emprise de soi-même<br />
Didier Anzieu, psychanalyste, décrit dans<br />
Le corps de l'œuvre, Ed. Gallimard, le<br />
désir d'écrire comme étant ce " saisissement<br />
créateur ", " un accident brusque<br />
et essentiel ", une crise intérieure qui<br />
permet de ramener à la conscience un<br />
matériel " inconscient, réprimé, refoulé ",<br />
suivit d'une réorganisation de ces informations<br />
permettant de décoder sous un<br />
autre jour des réalités extérieures et intérieures<br />
et de produire, opérations après<br />
opérations, une œuvre originale.<br />
“Le saisissement créateur peut survenir<br />
à l'occasion d'une crise personnelle (un<br />
deuil à faire, un engagement important à<br />
prendre pour toute l'existence, une maladie<br />
grave, une liberté reçue ou conquise<br />
qui élargit le champ des possibles, la<br />
crise d'entrée dans la jeunesse, la maturité<br />
ou la vieillesse). Cette crise intérieure<br />
prépare le futur créateur, souvent la nuit,<br />
dans un état de transe corporelle, d'angoisse<br />
blanche, d'extase quasi hallucinatoire,<br />
de lucidité aiguë. Le sujet ne fait<br />
qu'enregistrer le contenu, sans avoir<br />
nécessairement cherché à la provoquer.<br />
Le créateur est un saisisseur qui parvient<br />
à se laisser envahir de ces sensations,<br />
perceptions, émotions et trouvent les<br />
mots nécessaires afin de les reformuler."<br />
Écrire n'est donc pas une activité innocente,<br />
superficielle, réduite à un simple<br />
délassement récréatif. L’écriture mobilise<br />
toute la personne et œuvre à l'épanouissement<br />
de sa vie intérieure, à la<br />
construction d'un équilibre personnel, de<br />
son identité ; elle conduit à un supplément<br />
d'existence, parallèle à la réalité,<br />
rythmée, non plus par l'agitation du<br />
monde, mais par ses propres choix, ses<br />
rêves. Écrire devient alors une manière<br />
de se protéger des sollicitations extérieures,<br />
de suspendre la tyrannie de l'action<br />
et de la réactivité permanente. De s'autoriser<br />
à vivre pour soi-même en tout sérénité.<br />
Jocelyne Barbas