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Bien sûr, des groupements estudiantins ont existé auparavant, et ce, dès l’Université<br />
médiévale. Plusieurs siècles après, certains étudiants se réclament encore les héritiers des<br />
escholiers du Moyen Age, de Rabelais ou de François Villon. Mais les deux époques sont<br />
difficilement comparables. A Rennes, on n’oublie pas non plus qu’en 1756, les étudiants en<br />
droit ont fondé leur corporation et qu’ils ont participé aux heurts de la Révolution 2 . Au XIX e<br />
siècle, d’autres groupes d’étudiants se forment. Leurs batailles sont celles de 1830 ou de<br />
1848. Mais leur engagement n’est pas celui d’un « corps ». Ils agissent en citoyens auprès<br />
d’autres membres de la société. Et c’est bien là une différence notable avec les associations<br />
des années 1880. Car ce n’est qu’en cette fin de siècle que les étudiants prennent conscience<br />
qu’ils forment un ensemble.<br />
Mais pouvait-il en être autrement ? En effet, si l’on suit Antoine Prost, la naissance de<br />
l’étudiant n’intervient qu’en 1877 3 . Avant, l’étudiant en lettres ou en sciences n’existe pas. <strong>La</strong><br />
définition du Littré ne mentionne que ceux en droit ou en médecine. Mais le 3 novembre<br />
1877, un arrêté crée 300 bourses de licence et des maîtres de conférence pour enseigner aux<br />
boursiers. Selon Prost, on peut seulement alors parler d’étudiants. Un enseignement cohérent<br />
est organisé qui leur est réservé. 200 bourses d’agrégation, créées en 1880, complètent celles<br />
de licence.<br />
L’émergence de l’enseignement supérieur, son organisation et sa cohérence, la<br />
naissance et la multiplication des étudiants, la prise de conscience de leur unité collective,<br />
favorisent donc l’apparition des associations d’étudiants. D’autres facteurs favorables<br />
interviennent. <strong>La</strong> France est en paix et la III e République est une période de stabilisation du<br />
régime politique. Les libertés démocratiques, en particulier, sont instaurées même si la liberté<br />
d’association n’est reconnue de façon officielle qu’en 1901.<br />
Alors, par delà les différences disciplinaires, partout en France, dans chaque<br />
université, les étudiants se regroupent. Ainsi en 1877, se fonde à Nancy, l’Union des étudiants<br />
qui deviendra Cercle des Etudiants puis Société générale des Etudiants. A Lille, l’Union des<br />
Etudiants de l’Etat est fondée en 1881 4 . Viennent ensuite Bordeaux en 1882, Paris en 1884,<br />
Rennes en 1887, Lyon en 1888, etc.<br />
A Paris, l’Association Générale des Etudiants se constitue dans un climat « à la fois<br />
patriotique et paternaliste 5 ». Elle bénéficie du patronage de personnalités comme G. Monod<br />
ou E. <strong>La</strong>visse, nommé président d’honneur. L’A.G. de Paris, comme d’autres en province<br />
d’ailleurs, se trouve donc pleinement impliquée dans le vaste mouvement de refonte de<br />
l’enseignement supérieur. Les discours « débonnaires, graves et moralisateurs 6 », prononcés<br />
par <strong>La</strong>visse, le rappellent aux étudiants lors des assemblées générales ou des fêtes de l’A.<br />
Pour ses banquets, le directeur de l’enseignement supérieur n’hésite ni à se déplacer, ni à<br />
« porter des toasts paternels 7 ». Enfin, l’A.G. de Paris est représentée, avec son drapeau, aux<br />
grandes manifestations officielles, que ce soit l’inauguration de la nouvelle Sorbonne ou les<br />
fêtes du 14 Juillet.<br />
Les Associations Générales s’organisent chacune à sa manière et conservent un fort<br />
particularisme local. Au-delà de celui-ci pourtant, des constantes se retrouvent dans les<br />
différentes villes universitaires françaises. En premier lieu, la « belle époque » marque de son<br />
empreinte la jeunesse « dorée » des Universités. Les étudiants appartiennent en effet en<br />
grande majorité à la bourgeoisie, à l’élite dirigeante. Même si des exceptions viennent<br />
confirmer la règle, la vie facile est le lot général. L’esprit libre de tout souci financier, le père<br />
banquier ou riche commerçant pourvoyant aux besoins, l’étudiant vient passer à la faculté les<br />
2 er<br />
[sans auteur] « Les Etudiants de Rennes », L’A n° 9 J. 1 mai 1924, p. 4<br />
3 e<br />
PROST Antoine, Histoire de l’enseignement en France, Paris, Armand Colin, coll. U, 2 éd. 1970, 526 p.,<br />
p. 223 et suivantes<br />
4<br />
ADIV – M 269 : lettres des maires de Nancy et de Lille<br />
5<br />
PROST A., op. cit., p. 223 et suivantes<br />
6<br />
Ibid.<br />
7<br />
Ibid.<br />
10