Edgar Varese : Déserts - Espace Educatif - Rennes
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BIOGRAPHIE DE VARESE<br />
Compositeur français naturalisé américain né le 22 déc 1883 à Paris, mort le 6 nov 1965 à New York<br />
Sa mère est française, son père ingénieur, d'origine italienne. Il passe son enfance entre la France et l'Italie.<br />
Il commence des études d'ingénieur mais sa passion pour la musique l'en détourne. Il part à Paris où il suit<br />
des cours à la Schola Cantorum avec Vincent d'Indy et Roussel et au Conservatoire avec Widor. Un séjour à<br />
Berlin lui permet de connaître Busoni, lequel lui conseille de « trouver des formes personnelles ». De retour<br />
à Paris, il assiste à la création du Sacre du Printemps de Stravinsky (en 1913). Réformé à la suite d'une<br />
grave maladie, il émigre aux Etats-Unis en 1916 ; il s'y établira définitivement et prendra la nationalité<br />
américaine en 1926.<br />
Sa formation scientifique favorisant l'analyse du phénomène musical, il devient le pionnier de la musique<br />
expérimentale de notre temps. Il se passionne pour les sciences, les univers technologiques, les divers<br />
projets de lutherie électronique, alors encore balbutiants. Son séjour à Paris entre 1928 et 1933, lui permet<br />
de rencontrer les artistes d'avant-garde et de découvrir les nouvelles "Ondes Martenot"; il expérimente aussi<br />
le Thérémine (inventeur russe) ,.<br />
Son retour aux Etats-Unis en 1934 amorce une longue traversée du désert. Durant seize ans, il écrit peu,<br />
s'essaie à plusieurs expérimentations infructueuses (notamment dans le domaine pour lui prometteur de la<br />
musique de film). .<br />
À partir des années 50 cependant, les progrès en électronique insufflent sans doute de nouveaux espoirs au<br />
compositeur et lui inspirent plusieurs réalisations pionnières. Avec <strong>Déserts</strong> Varèse signe l’une des premières<br />
« œuvres mixtes » (orchestre et bande enregistrée), de même qu’il associe, pour l’exposition universelle de<br />
Bruxelles, son fameux Poème électronique (1958) aux travaux de Le Corbusier et de Xenakis dans ce qui<br />
apparaît comme l’une des premières formes d' « installation ».<br />
Avant de s’éteindre en 1965, Varèse reçoit plusieurs distinctions aux Etats-Unis et enseigne à l’académie<br />
d’été de Darmstadt : le monde des avant-gardes européennes – Boulez le premier – l’aura donc finalement<br />
reconnu comme une figure de précurseur majeur, de son vivant.<br />
Œuvres principales<br />
• Amériques (1921), pour grand orchestre.<br />
• Offrandes (1921), pour soprano et orchestre de chambre.<br />
• Hyperprism (1922-23), pour percussions et vents.<br />
• Octandre (1923), pour octuor à vent et cordes<br />
• Intégrales (1924-25), pour petit orchestre et percussions.<br />
• Arcana (1926-27), pour grand orchestre.<br />
• Ionisation (1931), pour 13 percussionnistes.<br />
• Ecuatorial (1934), pr chœur, trpttes, trombones, piano, orgue, deux ondes Martenot et percussions.<br />
• Densité 21,5 (1936), pour flûte seule.<br />
• Tuning Up (1947), pour orchestre<br />
• Dance for Burgess (1949) pour orchestre.<br />
• <strong>Déserts</strong> (1954), pour instruments à vent, percussions et bande magnétique.<br />
• Poème électronique, pour bande magnétique (1958).<br />
• Nocturnal (1959-61) pour soprano, chœur et orchestre (inachevé).<br />
1
Son esthétique<br />
Chez Varèse, pas (ou très peu) de pulsation régulière, pas de gamme organisant les hauteurs, pas de<br />
mélodies, de sonorités toutes faites, de structure préétablies, mais des masses sonores qui évoluent les<br />
unes contre les autres ; " Ce que j'aime le plus dans l'art, c'est la puissance, l'austérité et un sens de la<br />
dynamique et de l'énergie internes " (Varèse)<br />
Toute sa musique est marquée par sa recherche de sons nouveaux ; on y remarque aussi<br />
- l'utilisation de clusters (il est l'un des 1ers de son importance à l'utiliser, comme Bartok).<br />
- l'utilisation fréquente de glissandi, ce qui lui évite de s'attarder sur une note, d'avoir des notes stables (cf<br />
les trompettes, les trombones ; la sirène);<br />
- et le renforcement des percussions, instruments "dépourvus de notes", si l’on excepte les percussions à<br />
clavier et les timbales, allant de pair avec la disparition des cordes.<br />
Les élements constitutifs de sa personnalité<br />
Pour lui, la musique doit être créative, nouvelle, mais cela ne l'empêche pas de s'intéresser à la musique<br />
ancienne: Léonin, Schütz, M-Antoine Charpentier, et surtout Hector Berlioz. Ayant vécu successivement<br />
à Paris et Berlin avant 1914, il y rencontre Claude Debussy, Ferruccio Busoni, et surtout des poètes et<br />
plasticiens (Guillaume Apollinaire, futuristes italien, Albert Gleizes, Delaunay, Vassili) puis Alexandre<br />
Calder à New York. Les écrits du scientifique philosophe Josef Wronski et de l'acousticien Hermann von<br />
Helmholtz seront aussi décisifs. Tout comme auront aidé à forger sa personnalité : les lectures de Jules<br />
Verne, l'église romane Saint Philibert à Tournus, et les remous de la Saône dans la Bourgogne de son<br />
enfance…<br />
Son influence<br />
Varèse n’a pas seulement inspiré presque tous les musiciens modernes de la seconde moitié du XX e<br />
siècle, il aura aussi marqué les plus « autodidactes » d’entre eux, parmi lesquels Cage et Xenakis. Ses<br />
écrits, visionnaires, annoncent les principales innovations qui marqueront la 2de moitié du XXè .<br />
Sa formation scientifique, sa quête de nouveaux sons, de pure matière sonore, libérée de toute contrainte<br />
instrumentale, ne pouvaient que l'amener à s'intéresser à l'électronique. <strong>Déserts</strong>, en associant<br />
électroacoustique et instruments de musique, est une des toutes 1ères œuvres de musique "mixte". Mais<br />
il faudra attendre la création de laboratoires musicaux comme l’Ircam ou le CEMAMu, quelques<br />
décennies plus tard, pour que son esthétique puisse voir pleinement son aboutissement<br />
Varèse, enfin, « sortant de la note », puis sortant de la « lutherie traditionnelle » puis même s’échappant<br />
de la stricte « musique » en s’associant à d’autres arts dans Poème électronique, fut l’un des premiers<br />
musiciens d’inspiration transversale, montrant un scepticisme quant au fait de se cantonner à son seul<br />
art. Il annonce non seulement, avec Cage, les installateurs plasticiens d’aujourd’hui, mais aussi d’autres<br />
compositeurs, tels Dusapin qui se dit « artiste » davantage encore que musicien.<br />
Restent la réalité sonore de l’œuvre du Français et ce qu’elle a libéré dans l’œuvre de nombreux<br />
compositeurs postérieurs. Si Varèse ne leur avait pas ouvert la route - beaucoup plus clairement que<br />
Stravinsky - Xenakis, Penderecki, le premier Ligeti et même Scelsi n’auraient pu oser de telles tables<br />
rases, de telles « écritures globales », hors du degré et du système tempéré.<br />
2
LE TIMBRE<br />
1. Définition du Timbre<br />
Le Timbre est la qualité spécifique des sons produits par un instrument, indépendante de leur hauteur, de<br />
leur intensité et de leur durée. Pourtant tous ces critères interagissent et n'ont pas la même valeur suivant<br />
les timbres. Il est donc difficilement quantifiable.<br />
En allemand, le timbre d'un instrument ou d'une voix se dit "klangfarbe", soit la Couleur du Son. Quand on<br />
parle de Couleur, on parle aussi de Timbre. Varèse préfère utiliser le terme "Son" plutôt que Timbre.<br />
2. Histoire de la musique : « la conquête du timbre »<br />
au XVIè siècle, la musique instrumentale prend son indépendance par rapport à la musique vocale.<br />
Au XVII, XVIII, les formes instrumentales se développent (suites, concertos, symphonies …) ; mais si à<br />
l'époque baroque, l'instrumentation reste le plus souvent interchangeable, dans la seconde moitié du XVIIIè<br />
siècle, avec la disparition progressive de la basse continue, le choix de l'instrument prend une valeur<br />
formelle et expressive. Cette tendance s'accentue avec les romantiques au XIXè.<br />
Au début du XXè, la notion de timbre (indépendamment de la mélodie) devient un paramètre incontournable<br />
avec Claude Debussy, Schoenberg, Stravinsky…. À la même époque les futuristes italiens, prenant acte du<br />
monde industriel, envisagent un art des bruits pour lequel Luigi Russolo rédige un manifeste (1913), ouvrant<br />
la musique à de nouveaux timbres.<br />
Au milieu du XXè, grâce aux nouvelles connaissances physiques du son, aux possibilités offertes par<br />
l'enregistrement et la manipulation du son, grâce au développement des Laboratoires, Studios, instituts de<br />
Recherche comme le GRM et L'Ircam, apparait un nouvel art sonore : la musique " sur support ", concrète,<br />
électronique, électroacoustique, née autour des studios de radiodiffusion, réalisée directement en sons et<br />
n'existant que sous forme d'enregistrements (cf Schaeffer, Stockhausen, Jean Claude Risset …).<br />
Varèse est un précurseur ; sa vie est basée sur une recherche obstinée de nouveaux moyens sonores. Il<br />
attendra la fin de sa vie pour être reconnu. C'est l'apparition de nouvelles techniques qui rendra possible<br />
l'élargissement du matériau sonore appelé de ses vœux : "composer le son lui-même au lieu de composer<br />
avec des sons devient possible".<br />
DESERTS<br />
Fiche technique<br />
Date de composition : 1950-1954<br />
Dates de révision : 1960-1961<br />
Durée : 23 minutes 28 s.<br />
Éditeur : Ricordi<br />
Dédicace : à Red Heller<br />
Genre : Musique instrumentale d'ensemble : 15 instrumentistes, 47 instruments à percussion (5 interprètes)<br />
et bandes magnétiques<br />
3
Effectif détaillé : 2 flûte (aussi 1 flûte piccolo), 2 clarinette (aussi 1 clarinette basse), 2 cor, 3 trompette [une<br />
en ré, les autres en ut], 3 trombone, 1 tuba basse, 1 tuba contrebasse, 1 piano, 5 percussionniste, 2<br />
musique à sons fixés sur support [bandes magnétiques ad lib.]<br />
Information sur la création<br />
Création le 2 décembre 1954 à Paris au Théâtre des Champs-Elysées ; retransmission en direct sur les<br />
ondes de Paris IV (1ère diffusion stéréophonique en modulation de fréquence en France), par l'Orchestre<br />
National de France, direction : Hermann Scherchen. Intercalée entre Mozart et Tchikovski, l'œuvre fait<br />
scandale. Par contre, elle connait le succès pour la création allemande par Bruno Maderna le 8 déc 1954 à<br />
Hambourg avec Karlheinz Stockhausen à la régie, et triomphe pour la création américaine par Frederic<br />
Waldman le 17 Mai 1955 à Bennington College (dans le Vermont).<br />
Plusieurs versions :<br />
Interpolations sur bande magnétique réalisées en 1953-1954.<br />
Seconde version des interpolations en août 1960.<br />
Troisième version en avril 1961.<br />
Quatrième terminée le 9 août 1961.<br />
Titre de l'œuvre<br />
« J'ai choisi comme titre <strong>Déserts</strong> parce que c'est pour moi un mot magique qui suggère des correspondances à l'infini.<br />
<strong>Déserts</strong> signifie pour moi non seulement les déserts physiques, du sable, de la mer, des montagnes et de la neige, de<br />
l'espace extérieur, des rues désertes dans les villes, non seulement ces aspects dépouillés de la nature, qui évoquent<br />
la stérilité, l'éloignement, l'existence hors du temps, mais aussi ce lointain espace intérieur qu'aucun télescope ne<br />
peut atteindre, où l'homme est seul dans un monde de mystère et de solitude essentielle » (Varèse, lettre à Odile<br />
Vivier (1954)<br />
Présentation générale<br />
<strong>Déserts</strong> (1954) est une œuvre pour bande magnétique et petit orchestre sans cordes. Les deux "médias<br />
différents" alternent en antiphonie : la partie instrumentale est interrompue à trois reprises par des<br />
"interpolations de sons organisés". Ces sections de musique électroacoustique font entendre<br />
essentiellement des sons industriels et instrumentaux, enregistrés, éventuellement modifiés, puis montés et<br />
mixés en vue d'une diffusion stéréophonique. La partition mentionne que l'on peut jouer <strong>Déserts</strong> sans ces<br />
bandes si elles ne sont pas disponibles et Varèse aurait indiqué peu avant sa mort qu'une version pour<br />
bandes seules était possible. L'orchestre réunit quant à lui 4 bois (fl et cl), 10 cuivres, un piano, et 5<br />
percussionnistes jouant d'une cinquantaine d'instruments.<br />
L'abondante section des percussions de <strong>Déserts</strong> se partage entre instruments à hauteurs déterminées :<br />
timbales et claviers (en bois : xylophone ; en métal : glockenspiel, vibraphone, cloches tubulaires) et<br />
instruments à hauteurs indéterminées : les Peaux, avec 3 sortes de tambours, du grave à l'aigu : field drum<br />
(caisse roulante), side drum (= tambour), snare drum (= caisse claire) ; les Bois : deux séries de blocs en<br />
bois registrés à 3 hauteurs comme les tambours (les blocs chinois et, plus gros, les tambours de bois<br />
(wooden drums). L'alternative "dragon heads" aux tambours de bois désigne habituellement les blocs<br />
chinois ; le guiro ; le fouet (slap stick : deux planchettes qu'on entrechoque) ; plus rares : les lattes (lathes) ;<br />
les Métaux : gongs, plaques métalliques circulaires à mamelon central, aussi registrées à 3 hauteurs ; la<br />
cencerro, cloche typique de la musique cubaine ; le thunder sheet …<br />
Historique<br />
4
Genèse<br />
Après des années difficiles, 1950 marque le début de la reconnaissance pour Varèse et la possibilité de<br />
marier musique et science. Il compose les parties instrumentales de <strong>Déserts</strong> entre 1950 et fin 1952.<br />
En 1952 et 1953, aidé de l'ingénieur du son Fred Plaut, il effectue les enregistrements de sons de<br />
découpages de métaux, perçage et marteaux-pilons, dans les aciéries et scieries Westinghouse, Diston et<br />
Budd de Philadelphie. Des percussions, jouées par 5 musiciens, sont également captées. Un 1er état de la<br />
première interpolation et une partie de la seconde sont réalisés entre janvier et octobre 1954.<br />
Mais les moyens manquent pour continuer. Sur l'instigation de P. Boulez, Pierre Schaeffer invite Varèse au<br />
Club d'essai de la RTF à Paris pour terminer le travail sur les interpolations, où un studio « offre des<br />
possibilités très favorables ». Il y arrive en octobre avec ses bandes et ses diagrammes : « nous avons vu<br />
arriver un personnage mythique, un Bourguignon d'Amérique au nom italien qui parlait de la musique avec<br />
une liberté que nous ne connaissions nulle part », raconte Schaeffer. Avec l'assistance du compositeur<br />
Pierre Henry, Varèse mène à bien les trois interpolations de <strong>Déserts</strong> pour la création prévue le 2 décembre<br />
1954 au Théâtre des Champs-Élysées.<br />
Création en 1954<br />
la diffusion stéréophonique des interpolations, commandée par P. Henry, est assurée par deux haut-parleurs<br />
placés de chaque côté de l'orchestre,<br />
Composition 2<br />
Les sections instrumentales sont révisées plus tard en vue de l'édition de la partition par Ricordi en 1959.<br />
Tandis que les bandes sont refaites au Columbia-Princeton Electronic Music Center (CPEMC), 1er studio de<br />
ce type en Amérique du Nord, mis à la disposition de Varèse par Vladimir Ussachevsky, son fondateur et<br />
pionnier de la tape music américaine : une 2de version est crée le 8 août 1960, puis une troisième et une<br />
quatrième en 1961 ; à l'heure actuelle, les 2 versions circulent : la française de 54 et l'américaine de 61.<br />
Un film sur <strong>Déserts</strong><br />
Selon les entretiens radiophoniques réalisés avec Georges Charbonnier en décembre 1954 et janvier 1955,<br />
Varèse aurait souhaité qu'un film se fasse sur le désert à partir de sa musique, :<br />
« Je veux qu'on fasse un cinéma sur le Désert (...). Ça a été calculé pour ça (...). Il faudrait que le film soit tout à<br />
fait en opposition avec la partition (...). À certaines choses violentes de la musique devraient correspondre des<br />
passages tout à fait antagonistes dans le film (...). Il n'y aurait pas de voix, donc (...) pas de dialogue. Il n'y aurait<br />
pas d'action, il n'y aurait pas d'histoire. Ce serait des images, ce serait tout ce que l'on veut, ça pourrait même être<br />
des phénomènes lumineux. (...) des successions d'oppositions de plans visuels exactement comme il y en a dans la<br />
musique. (...)».<br />
Le projet n'aboutira pas de son vivant, mais plusieurs films seront réalisés après sa mort, dont Bill Viola en<br />
1994 et Nicholas Marolf en 2002<br />
Éléments d'analyse<br />
5
Pour Varèse : « l'analyse est stérile (...). S'en servir pour expliquer revient à décomposer, à mutiler l'esprit<br />
d'une œuvre » …Pourtant diverses analyses ont vues le jour, compliquées par le fait qu'il existe plusieurs<br />
versions disponibles : les bandes de 1954, et celles de 1961 ; sans compter que les bandes de 54<br />
conservées en France diffèrent de la version diffusée lors de la création.<br />
Paramètres généraux<br />
« Mon langage est naturellement atonal bien que certains thèmes, certaines notes soient répétées, à la manière des<br />
toniques. De cette façon le développement musical croît petit à petit grâce à la répétition de certains éléments qui<br />
se présentent toujours sous différents aspects (...)<br />
Couleur<br />
Formation instrumentale et bandes magnétiques<br />
1) Ensemble instrumental : pas de cordes ; des cuivres, des bois, des percussions, un piano utilisé<br />
comme élément résonant ou percutant ; quelques timbre sont entendus de façon individuelle : ex les<br />
cuivres avec les quintolets de doubles croches (trompette mes 49, trombones mes 59, cors mes 66),<br />
ou la cl basse suivie des cors, pour la monodie mes 119,120 ; nombreux mode de jeux : glissandi,<br />
clusters, sourdines, percus avec ou sans timbres, jeu sur le bord de la peau … les sons extrêmes<br />
sont sollicités (cf suraigus du piccolo, ou graves du tuba Cb)..<br />
2) Les bandes magnétiques comprennent des sons industriels et instrumentaux (précédemment<br />
<strong>Espace</strong><br />
enregistrés et mixés), diffusés par haut-parleurs. Il est parfois difficile de discerner les timbres<br />
utilisés (sons fusionnés, travaillés). Les percussions qui se retrouvent dans toutes les parties, y<br />
compris dans les interpolations, assurent l’unité de l’œuvre. Les stridences, grincements, bruits<br />
divers des interpolations donnent un caractère agressif à l’ensemble.<br />
Dynamiques marquées par les contrastes ; rupture à l'arrivée de la monodie de 118-120 ; « accords<br />
gratte-ciel » mes117, 204, 270.<br />
Ecriture atonale ; utilisation du total chromatique par 5tes superposées.<br />
Pas de repères mélodiques, de thèmes, de gamme ; mais tout de même quelques motifs et notes<br />
répétées, des notes pivots autour desquelles s'organisent les masses sonores (cf le sib mes 119,120 ; ou<br />
mib mes312 à la fin).<br />
Oppositions de masses et de nuances, de passages résonnants et non résonants, de notes tenues et<br />
notes courtes ; impression d’atomisation, particulièrement dans les passages avec graphie particulière.<br />
Antiphonie entre sons instrumentaux et interpolations + effets stéréophoniques par l'intermédiaire des 2<br />
enceintes placées de chaque côté de l'orchestre.<br />
Temps<br />
Changements fréquents de tempos ; pas de pulsation ni de métrique repérable ; quelques motifs<br />
rythmiques, comme le quintolet de doubles croches de notes répétés, que l’on retrouve régulièrement.<br />
Globalement, la rythmique est extrêmement complexe, avec nombreux contretemps, triolets, quintolets…<br />
présence de rythmes symétriques non-rétrogradables<br />
Forme<br />
Alternance de parties instrumentales et d’interpolations (bandes pré-enregistrées) d’inégales longueurs<br />
1 ère section instrumentale mes 1 à 82 (présentation d’agrégats sonores) ;<br />
interpolation 1 ;<br />
2de section instrumentale mes 83 (4’06) à 224 (partie la + longue ; complexes sonores ; monodie) ;<br />
6
interpolation 2 ;<br />
3è section instrumentale mes 225 (12’08) à 325, partie plus courte, qui rappelle la 1 ère (dyades de 9è et<br />
5te asc et desc ;; sons résonants (tenues) ; empilement de 5tes mes 242 et agrégat mes suiv; et<br />
envahissement de l’espace sonore par de grands silences.<br />
interpolation 3 ;<br />
4è section instrumentale mes 264 (13’51).<br />
Le compositeur précise en 1955 que « le point culminant de l'œuvre se trouve dans la troisième<br />
interpolation et dans la quatrième section instrumentale ». les explosions instrumentales de la dernière<br />
section sont d'autant plus intenses que séparées par des textures raréfiées ; disparition progressive des<br />
instruments ; dynamique de faible à très faible (quadruple Piano). C’est la seule œuvre de Varèse se<br />
diluant ainsi dans le silence.<br />
Quelques caractéristiques de l'écriture de Varèse<br />
Motifs<br />
Motif mélodique :<br />
Absence de thèmes ou motifs mélodiques.<br />
On trouve pourtant une monodie de style embryonnaire située mes 118-120 (2de section), jouée à la cl<br />
On peut y noter plusieurs éléments typiques de Varèse : jeu autour d’une note pivot : la note sib ; 2<br />
notes satellites (chromatiques) la et lab, en particulier le la, tout à tour, app de sib, broderie et note réelle<br />
; mélodie de timbre : passage de la mélodie entre la clarinette basse et les cors ; sons hybrides : mes<br />
120 : prolongement du sib par le cor bouché et la tpette avec sourdine ; rythmes complexes, d'une<br />
grande souplesse, symétriques, et changements de tempos.<br />
L'oscillation de 1/2 tons mes 122 est une expansion - transposée (translation) de l'appoggiature de la<br />
mes118, étendue mes 119 et renversée mes 120. On la retrouve à divers endroits : dans la m^ section :<br />
cors mes 197. cl mes 205 ; 3è section : vibraphone mes 230, 231 ; 4è section : cl mes 285,286 ; cor mes<br />
288<br />
oscillation à la cl mes 122<br />
Motif rythmique : quintolet de doubles croches en notes répétées aux cuivres<br />
Présent dès la 1 ère section : Tpettes mes 49 ; tbones mes 59 ; 2de section : tbones mes 127, 129, 132<br />
(tubas, 130) mis en relief par les dynamiques. Rappel au xylophone mes 228.<br />
Toutes les courtes répétitions sur un son peuvent être reliées à cette figure. Elles sont intermédiaires des<br />
figures purement rythmiques de la percussion ou des bruits industriels, et des nombreuses notes tenues<br />
des vents<br />
Intervalle et accords spécifiques :<br />
L'intervalle de 9ème parait privilégié : on l'a dès le début /fa-sol (en « dyades »), et on le retrouve dans<br />
les agrégats sonores obtenus par empilements de 5tes : ex mes 116, 117 ou mes 270 où on a un accord<br />
7
"gratte ciel" avec plusieurs groupes de timbres, chacun délimité par une 9è, en particulier fa-solb pr piano<br />
et notes extrêmes des vents ; l’intervalle de 5te est entendu aussi à diverses reprises (cf mes7).<br />
Effets de résonances et d’échos<br />
Effets de résonance et d'écho tout au long de la partition, souvent couplés aux notes pivots ou à des<br />
sons hybrides: ex: sol au début, sib mes 118 à 120 ; mib mes 310 à la fin ;<br />
Eléments de symétrie, en ce qui concerne les accords, les rythmes, les notes, les nuances<br />
Exemples : mes 48,49 : rythme symétrique aux tubas et timbales ; mes 116, 117 : agrégat symétrique<br />
autour de la 9è mib-fa ; fa-fa#; fa#-sol# ; mes 119 : monodie de cl basse reprise en renversement mes<br />
120 aux cors ;<br />
Cristallisation :<br />
On peut diviser cette œuvre en 7 sections alternant 4 sections instrumentales et 3 interpolations<br />
Mais d'autre part, cette forme pourrait s'apparenter au phénomène de cristallisation exposé par Varèse :<br />
« Il y a d'abord l'idée ; c'est la matrice, la "structure interne" ; cette dernière s'accroît, se clive selon<br />
plusieurs formes ou groupes sonores qui se métamorphosent sans cesse, changeant de direction et de<br />
vitesse, attirés ou repoussés par des forces diverses ». Il n'y a donc pas de moule prédéfini, mais une forme<br />
qui se crée au fur et à mesure des interactions entre le matériau et les forces en action<br />
Or, une configuration spécifique d'intervalles semble sous-tendre le déroulement harmonique de <strong>Déserts</strong><br />
; on trouve en effet un déroulement progressif du total chromatique, et des agrégats sonores reposant sur<br />
un empilement de 5tes, justes ou diminuées (effets de distorsion). Le 1er, exposé mes 23, pourrait être la<br />
matrice, cette « structure interne » destinée à croître et à se métamorphoser. Celle-ci sous-tend aussi les<br />
complexes sonores étagés qui parcourent l'œuvre, créant différents degrés de tension : en quelques<br />
secondes, ils peuvent couvrir un vaste registre, avec « des volumes sonores inattendus et littéralement<br />
explosifs ». Il existe, dans <strong>Déserts</strong>, cinq complexes sonores : mes115- 117, 149-151, 204-205, 270, 304-<br />
307. La plupart ont une structure d'intervalles proche de la matrice.<br />
Phénomènes de Translation (transposition)<br />
"Transformation ponctuelle faisant correspondre à chaque point de l'espace un autre point par un vecteur<br />
fixe". Translation désigne donc ici la transposition, déplacement d'une figure avec conservation de<br />
l'ambitus et des intervalles : ex: le fa/sol des 1ères mes et sa duplication par translation en ré1-mi2 à la<br />
mes 6.<br />
Ce phénomène se retrouve à travers toute l'œuvre et lui assure une profonde cohérence harmonique. Le<br />
début de <strong>Déserts</strong> construit une constellation à partir de ces intervalles<br />
Décalages rythmiques et dynamiques (crescendo/decrescendo)<br />
Création d’une sonorité globale instable par les décalages rythmiques et dynamiques. Difficulté de<br />
perceptions entre timbres fusionnés et timbres individualisés. Cela se retrouve à plusieurs reprises dans<br />
<strong>Déserts</strong>, en particulier avant et après chaque interpolation.<br />
Graphie particulière<br />
8
Plusieurs passages comprennent des lignes pointillées verticales qui subdivisent les mesures. Le but de<br />
Varèse est d’obtenir des interventions très précises et de créer une sonorité composite mouvante à partir<br />
de hauteurs gelées chacune dans un registre.<br />
Timbres des percussions/timbres industriels<br />
Les relations entre les instruments à percussion et les sons industriels sont essentielles dans la<br />
construction de <strong>Déserts</strong> ;<br />
A l'exception des mes 24 à 29, les instruments à percussion à hauteurs indéterminées commencent à<br />
être vraiment actifs à partir de la mes 87, soit peu de temps après l'interpolation 1, composée<br />
principalement de sons industriels. L'interpolation 2, basée sur la percussion, est précédée d'un des plus<br />
longs solos de celle-ci (mes 218 à 224) et suivie d'un triolet des timbales seules (mes 225) .<br />
L'interpolation 3 est suivie de la percussion à nouveau seule (mes 264-269).<br />
La continuité de timbres entre la percussion et les bruits d'usine fait qu'il est parfois difficile de déterminer<br />
si un son provient d'un domaine ou de l'autre.<br />
Timbres des vents/timbres industriels<br />
L'écriture instrumentale de Varèse explore régulièrement les registres extrêmes. Son projet de recherche<br />
en acoustique et lutherie électrique des années 30 espère « ajouter aux limites des instruments (...) au<br />
moins 2 octaves et obtenir de hautes fréquences qu'aucun autre instrument ne peut donner avec une<br />
intensité suffisante ». On trouve ainsi 28 ans plus tard dans l'interpolation 3 de <strong>Déserts</strong> des sifflements<br />
électroniques très aigus avec une dynamique en soufflet retournant au silence injouable aux vents ; ou un<br />
do7 un peu haut et donc plus aigu que la note extrême du piccolo, par ailleurs généreusement sollicité<br />
dans l'œuvre et dont le timbre se trouve ici électroniquement projeté dans la bande électroacoustique.<br />
Sons électroacoustiques<br />
Le son glissé ascendant, souvenir des sirènes utilisées d'Amériques à Ionisation, est projeté dans<br />
l'interpolation 3 de l'électronique au son industriel : après un beau silence, un moteur de machine monte<br />
en puissance selon un profil et un timbre proche quoique plus bruiteux<br />
Dodécaphonisme<br />
Varèse n'est pas vraiment un compositeur dodécaphonique. Pourtant, on trouve dans les archives<br />
déposées à la fondation Sacher (Bàle), des esquisses pour <strong>Déserts</strong> portant des notes numérotées de 1 à<br />
12 et des indications classiques de formes sérielles : série originale, renversements, transpositions, etc.<br />
Et dans les agrégats sonores, on approche souvent le total chromatique. En fait, il utilise plusieurs<br />
logiques simultanées, et n’est prisonnier d’aucun système.<br />
ANALYSE DES DIFFERENTES SECTIONS<br />
1 ère section instrumentale mes 1 à 82 ;<br />
Début construit sur éléments résonants : on entend surtout l’attaque des cloches tubulaires et leurs<br />
résonances, doublées par le piccolo, cl, piano, en notes tenues, et xylo ; + cymbales sur la 2de attaque ;<br />
puis amplification par l’arrivée des trompettes et cors sur la résonance, élargissement à l’aigu du piccolo.<br />
Les 1ères mesures reposent sur la dyade de 9è : fa-sol, sur laquelle vient s’ajouter la 5te desc sol do (Cl<br />
mes 7, 10, 16, trompettes divisées mes13 et 20, piano mes 16) ; pédales au piano et aux cloches ;<br />
enrichissement harmonique p.3 aboutissant à un agrégat sonore mes 22 obtenu par empilement de 5tes<br />
justes et diminuées (la matrice) ; dynamiques ff suivi de P subito ; résonance de cet accord sur 6<br />
mesures aux piano, picc, fl, tp, d’où se détache la cl et les percussions à sons indéterminés en mvt asc.<br />
mes 30 : accélération du tempo, 2d agrégat sonore obtenu par empilement vers le haut ; stabilisation sur<br />
9
é# ; mesures sv :contrastes de timbres (suraigu du piccolo, graves des tbones), et nuances en cres<br />
desc ; fin de l’épisode sur piano et timbales+ résonance du gong<br />
mes 41 (2’02) : nouvel épisode ; on remarque sur la partition une graphie particulière destinée à obtenir<br />
des attaques précises ; utilisation du total chromatique ; impression d’atomisation ; individualisations du<br />
timbre : on remarque la montée cor cl mes 46, un épisode rythmique mes 48,49 aux timbales et tubas ;<br />
un quintolet de notes répétées aux tptes mes 49 ; on le retrouvera souvent par la suite.<br />
Mes 54 (2’36) : nouveau changement de tempo ; mes 54-56 :note mi en 8ve desc x4 auxfl, tpte piano<br />
glockenspiel, +tenues aux cors tb, piano g et gong ; puis mi-fa mes 57-58 en notes brèves aux piccolo fl<br />
îano glsp xyl, + tenues aux tubas, cb tb, m gauche piano et résonance par le gong.<br />
Mes 59 : disparition des percussions et du piano ; cuivres incisifs, fff avec à nouveau le quintolet de<br />
doubles aux tbones ; mes 60, montée grave-aigu aux vents fff ; même chose mes 64-67 mais rythmes en<br />
augmentation (effet de ralentissement) et PP cresc (effet d’écho) ; mes 66, à nouveau effet de<br />
ralentissement par répétition du sol aux cors en doubles-triolets-croches-blanche ; élargissement en<br />
éventail : vers l’aigu (fa suraigu aux fl) et le grave (sol#) aux tubas cb mes 67-69 ;<br />
Mes 71 (3’32) : retour piano m gauche et timbales en doublure ; pasage / ré-sol# en résonance ou écho<br />
de façon éparpillée aux tpes et cors ; à noter : l’extrême grave du tuba cb et piano mes 75 ; le suraigu<br />
aux piccolo et fl. Mes 78 ; disparition des percus et chromatismes aux cors et tp mes 79 ; fin de cette1 ère<br />
section. PPP.<br />
interpolation 1<br />
entrée ff percussions puis éléments bruités : attaques, roulements, effets de résonances, glissandi ;<br />
grincements, grondements, sifflements, bruits blancs, sons saturés, sirènes, éparpillements dans<br />
l’espace, dialogues (stéréophonie), superpositions et tuilages ; pas de métrique ; qqes isntallations<br />
rythmiques par ex à 4’32 (en stéréophonie) ou à 5’36 où les battements font un peu penser au travail<br />
réalisé par Pierre Henry dans variation pour une porte et un soupir ; les bruits de verres du début sont<br />
réentendus à la fin, à 6’10, juste avant un son ressemblant à une cloche (comme au début de l’œuvre)<br />
repris en écho deux fois ; la 2de section instrumentale enchaine directement.<br />
2de section instrumentale mes 83 (4’06) à 224<br />
Mes 83, Intro sur do# tenu aux cors auquel répond le tuba cb ; mes 84, à nouveau cors, auquel répond<br />
l’extrême aigu du piccolo ; mes 85 à 93, dynamiques très contrastées ; éparpillements ; tenues sur sol#<br />
do et ré en dynamiques contrastées ; piccolo reste sur sol# suraigu ; percussions à partir de la mes 87<br />
(gong mes 89) ;<br />
mes 94, changement de tempo ; disparition des aigus ; intro aux timb ; installation d’un motif : do#-sol#-ré<br />
(BBL) en mvt asc aux cuivres + piano se prolongeant par des tenues ; motif que l’on le retrouve mes 96,<br />
99, 101,106, 108 ; renforcement des percussions sèches ; entrée des blocs chinois en valeurs courtes<br />
sur résonance des vents mes 97 avec retour du piccolo ds l’extrême aigu ; mes 102, seules restent les<br />
tenues du la au piccolo et du mib aux cors et percus en triolets ; mes 106, nouvelle montée /le motif<br />
do#sol#ré + mib la en tenues et notes répétées ; mes 110 : sib tenu au piccolo suraigu, fl et piano +<br />
percus en dialogue et élément résonant au gong (disparition des cuivres) ; mes 115 : conclusion de cet<br />
épisode par l’élaboration du 1 er complexe sonore issu de la matrice (mes 22), aussi appelé « accord<br />
gratte-ciel » ; il ne manque que do# et sib pour avoir le total chromatique ; accompagnement sur<br />
roulement de timbales ; le sib sera la note pivot de l’épisode suivant.;<br />
mes 118/119 : contraste ; tempo plus lent ; introduction par le sib des cors ; présentation d’une monodie à<br />
la cl puis aux cors, de caractère mystérieux ; élargissement de la monodie sur une oscillation de 9<br />
doubles croches à la cl. mes 122 ; mes 124, 125 : dyades/9è (sol#-la)de la tpte transposée mes 125 sur<br />
10
fa#-sol(translation) au piccolo et do#-ré au tuba<br />
Mes 126, changement de climat : acc qui claquent aux cuivres, alternativement avec ou sans sourdines<br />
(acc /sib-fa-mib aux tptes mes 126-127 ; 128-129 ; +cors et bois mes 130-131) ; et quintolets de doubles<br />
mes 127, 129, 132 (ce dernier précédé mes 131 d’une 9è asc) ; à partir de la mes 133, rythmique<br />
importante par les percus à sons indéterminés + piano en triolets ; écriture verticale sur laquelle se<br />
détavhe l’extrême aigu à la cl mes 132 en note tenue, à laquelle répond le piccolo mes 134 puis la cl mes<br />
135 ; dialogues entre percus sèches ; tenues PP aux vents ; à noter le rythme non rétrogradable de la<br />
mes 142, et les modes de jeu variés : open ; closed ; portamento (mes 143)… mes 146 à 148 :<br />
interventions de vents ff en empilement de notes brèves sentrecoupées de silences ur mib –ré, mi-sib<br />
aboutissant mes 149,150 à un 2 ème complexe sonore : empilement de 5tes + roulement de timbales et<br />
résonance sur valeurs longues + percus (roulements et bruits secs) ; gd silence mes 153.<br />
mes 154, 2 mes de percus seules puis vents éparpillés et piano avec effets de Résonances ; le do# mes<br />
157 passe du tbone aux cors (158), tubas (159), trompettes (161), flûtes (163), en relais.<br />
Mes 165, nouvel épisode vertical sans les percus ; agrandissement de l’espace jusqu’au lab suraigu des<br />
flûtes mes 166,167 ; mes 168 : cors et tpettes seuls en notes répétées (triolets)<br />
Mes 169 : glissandi du xylo et tpttes sur 9è maj asc ; desc aux tubas ; silence ; mes 172 et sv : tenues<br />
des vents (le do# de la cl ressort) ; timbales en cresc puis decres en noires régulières ;<br />
mes 175 et sv : balancements fa-mi en triolets à la cl et xylo mes 176 puis vibraphone mes 177 ;<br />
transposition/sol#-la aux cors mes 178-181 puis cl mes 182 ; montée sib si-do-ré mes185, 186 ;<br />
mes 187 : tenue sur note aigue aux piccolos et cl + percus sèches en quintolets et triolets ; mes 192 :<br />
petit motif farceur /9è aux bois aigus + percus ; repris et varié mes 192, avec retour du piano ; point<br />
d’orgue mes 193 ;<br />
mes 194 (14’13) : cors puis tptes et tubas : sons tenus résonants ; timbres changeants (avec et sans<br />
sourdines), quintolets mes 197 et 198 ; mes 199 et sv, la mélodie est éparpillée entre les bois cuivres,<br />
piano, glockenspiel et vibraphone ; effet de stéréophonie ; PPP ; mes 200 : percus seules ; mes 204,<br />
205 : aboutissement à un 3è complexe sonore (étagement vers l’aigu) ; oscillations en quintolets mes 204<br />
(solo de cl) martellement sur fa# aux timb ; mes 216 : nouvel épisode vent piano sans percussions ; fin<br />
mes 216 aux piano et tbones / motif fa-sib + extrême aigu de la flûte, et timb ff en triolets de croches / si-<br />
mi-fa puis mi-si-fa mi-fa-si que l’on retrouvera par la suite ; conclusion aux percus seules mes 216 à 224<br />
interpolation 2 (16’24)<br />
A nouveau mélange de sons bruités et percussions transformées ; mais ces dernières sont plus<br />
présentes que ds la 1 ère interpolation, surtout ds la 2de partie (à partir de 17’14), les nuances sont moins<br />
fortes, le caractère moins agressif, les valeurs sont plus longues ; réverbérations ; tenues par résonance ;<br />
crescendos ; occupation de tout l’espace et déplacement en hauteur (fréquences), profondeur (1 er plan et<br />
arrière-plan), + effets de stéréophonie ; des silences structurent le discours, de plus en plus présents;<br />
oscillations ; notes répétées en accélération ou inversement ; superpositions, dialogues, ou solos ;<br />
oppositions de masses, etc …<br />
3è section instrumentale mes 225 (12’08) à 325, partie plus courte,<br />
Intro brutale sur le motif des timbales en triolets, ff; qui concluait la 2de section ; + 9è desc aux tubas +<br />
piano en note tenue ; mes 226, 227 : arrêt des percus et amplification du son aux cuivres de PP à ff ; mes<br />
227 : 9è desc à la fl ; mes 228 : quintolet au xylo ; mes 229-237 : passage résonant : le do# de la fl<br />
ressort mes 231 à 236 ; pédales aux vents + piano + percus sèches mes 232 ;<br />
mes 238 (20’11) : entrée forte des trombones puis tuba et piano ds extrême grave, auquel se superpose<br />
ff le motif des timbales du début de section ; mes 239-241 : disparition des percus ; étagement et<br />
élargissement des cuivres vers l’extrême grave des tubas (mi) mes 240 puis aigu de la cl mes 241 ;<br />
reprise système d’accord en éventail et aboutissement à un accord complexe ff mes 242-243 (20’26) par<br />
11
empilement de 5tes et 7è ; résonances vers PP ; mes 244 à 263 : vents + piano PP dans la résonance du<br />
piano et du do aigu du piccolo ; la note fa# passe en relais aux cors (244-247), cl et fl (mes 249) ; puis<br />
fa#-si aux cors puis tbones mes 251-252 sur résonance de gong, repris mes 253-255 aux tbnes puis tpt,<br />
fl, tbs et piano mes 257-258 sur réonance xylo ; repris enfin aux cl, tbns et piano mes 260-263 ;<br />
interventions entrecoupées de silences (mes 248,250,256,259,262). Fin sur fa# cl et cors +vibraphone<br />
mes 263, PPP.<br />
interpolation 3<br />
interpolation encore différente des 2 précédentes ; le début est mf ; nombreux glissandi, sons brefs suivis<br />
de leur double en écho ou en relais ; sirènes ; sifflets ; à partir de 22’18, le sons graves apparaissent ; on<br />
remarque la présence d’un orgue et de cris à différentes hauteurs, en stéréophonie (nettement<br />
perceptibles après 23’30) ; bruits de moteurs ; crissements ; saturation de l’atmosphère; fin brutale sur fff.<br />
4è section instrumentale mes 264 (13’51).<br />
Intro sur percus avec roulements PP; mes 270 : explosion de l’accord «gratte-ciel» ou accord complexe<br />
étagé au tutti ; point d’orgue ; mes 271-275, caisse roulante et brève intervention des tbnes+timb mes274<br />
; mes 276 : martèlement de 9è desc au tutti ; mes 278-279 : étagement d’un accord fluté vers l‘aigu ; mes<br />
279-282 : oscillations du vibraphone/tenues de piano ; mes 283-286, dialogues timbales/ xylo + gong puis<br />
cl/ timb x 2; complexe sonore aux cuivres mes 287-288(15’09) et oscillations aux cors mes 288 ; mes<br />
289-290 : montée du trombone au fa# aigu de la cl ; tenues ; mes 292-293 : énorme cresc de PPP à fff<br />
sur unisson de ré aux cuivres (entrées en décalages). mes 294 : claves et cymbales suspendues puis<br />
arrivée brutale des bois dans le suraigu ; mes 296 : timbales et xylo seuls en dialogues puis mes 301<br />
piano et percus en triolets avec accentuations en contretemps ; mes 304-307 : dernier complexe sonore<br />
étagé sans les percus repris aux cuivres et piano mes 308-309. Après un grand silence mes 310,<br />
disparition progressive des instruments, glockenspiel et cymbales en résonance, et mib tenu aux cors à<br />
partir de la mes 312 entrecoupés de silences ; dynamique faible à très faible (quadruple Piano) ; mes<br />
319 : résonance PPP par ajout du gong et des cymbales suspendues. L’œuvre s’achève sur une battue<br />
dans le silence.<br />
LE TIMBRE dans <strong>Déserts</strong><br />
Orchestration<br />
Dans <strong>Déserts</strong>, Varèse utilise une formation originale incluant à côté des instruments de l’orchestre,<br />
des bruits d’usines, des cris, des instruments modifiés électroniquement, entre lesquels il n’établit<br />
pas de hiérarchie. Il apprécie les bandes magnétiques qui lui permettent de « faire ce qu’il veut ».<br />
Il recherche un son pur, privilégie les percussions pour leur vitalité et l’absence de mélodie qui les<br />
caractérisent. C’est pourquoi il rejette les cordes, trop anecdotiques, trop douceâtres à son gout. Il<br />
apprécie les vents, et en particulier les cuivres, pour leur grande amplitude dynamique. Par contre, il<br />
n’utilise pas les bruits de la nature comme les chants d’oiseaux, à la différence des compositeurs de<br />
musique concrète : il leur préfère des sons d’usine, bruts de fonderie, rugueux, plutôt agressifs ;<br />
L'orchestration est globale. De par l’absence de mélodies et donc d’accompagnement, il n’y a plus<br />
de plans sonores différenciés. Ce sont plutôt des oppositions de masse : monodies ou agrégats<br />
sonores. Les doublures sont soit des relais soit des associations pour créer des effets de résonance.<br />
Les percussions jouent un rôle de liaison entre les parties instrumentales et les interpolations.<br />
Le piano (utilisé comme élément percutant) et les timbales, s'associent à la fois aux vents et aux<br />
12
Modes de jeu<br />
constructions rythmiques plus typiques des percussions. A noter : pour renforcer la continuité entre<br />
bandes et instruments, il avait été question d'intégrer un orgue à l'orchestre<br />
Utilisation de tout l’ambitus des instruments, et prédilection pour l'extrême des tessitures (cf le<br />
suraigu du piccolo ou le grave du tuba contrebasse, excédant les limites habituelles).<br />
Utilisation de toute la palette des nuances du PPPP au fff, de façon extrêmement rapide (ex : la<br />
partie de piccolo de 110 à 114 avec son rnpressionnant crescendo final de pp à fff sur sib6).<br />
Beaucoup d’indications de jeu, indiquées avec précision :<br />
Les cuivres utilisent souvent la sourdine et les cors les sons bouchés. 5 types de baguettes sont<br />
requis pour les timbales : « normales » (c'est-à-dire en feutre de dureté moyenne), dures (en feutre),<br />
très lourdes (hard heavy), en bois, en bois fin (high wooden). La caisse claire est jouée avec ou sans<br />
timbre, voilée, avec balais, roulée du bord vers le centre, frappée près du bord... Aux mes 144-145,<br />
le petit gong est d'abord frotté sur son bord avec une tige en métal puis frappé au centre avec une<br />
mailloche lourde. À la mes 294, les claves doivent être en érable dur. Etc. Autant de moyens<br />
imaginatifs d'obtenir des timbres variés, souvent inédits.<br />
Effets de résonance<br />
Les effets de résonance sont très sollicités. Par ex le piano est utilisé presque systématiquement<br />
avec la pédale de résonance, associée habituellement aux percussions. La plupart du temps, il<br />
double les vents et crée un halo sonore qui baigne la majeure partie de l'oeuvre. Suivant la<br />
disposition de l'orchestre, ce halo peut être renforcé par la vibration sympathique des cordes entrant<br />
en résonance avec les sons des vents ou des timbales. Le vibraphone joue un rôle résonant<br />
similaire. Comme le piano, cymbales et gongs résonnent librement ou sont étouffés suivant des<br />
rythmes précis. Les résonances métalliques sont très nombreuses, avec des dynamiques et modes<br />
de jeu multiples. Elles ont parfois une fonction structurelle et jouent un rôle de liant entre l'ensemble<br />
des timbres, favorisant ainsi la perception d’un timbre global.<br />
On trouve aussi des relais de timbre créant des résonances artificielles : ex aux mes 54,55,56, la<br />
trompette double la flûte en dynamiques opposées. Son attaque sera d'autant moins perçue que<br />
piano et glockenspiel jouent aussi le mi. Pendant que ces derniers résonnent, la flûte s'arrête et la<br />
trompette continue et est perçue comme une résonance de la flûte.<br />
Associations de timbres<br />
L’association flûte- piano est souvent présente : ex aux mes 54-58 ou mes 295 ; elle sert de repère<br />
et joue un rôle structurant, s’opposant aux solos fourmillants de percussion, aux plages statiques de<br />
fin des sections instrumentales 3 et 4, aux accords "gratte-ciel", aux masses granuleuses et<br />
compactes d» moteurs industriels, etc… Le relais cor-clarinette a aussi une valeur à la fois sonore et<br />
structurelle.<br />
C'est parce que dans la musique de Varèse hauteurs et rythmes n'articulent pas une narration que l'on peut<br />
y écouter cette dimension purement sonore qu'on appelle le timbre, un peu à la façon dont la peinture<br />
abstraite donne à voir formes et couleurs pour elles-mêmes. Affranchie des guides de la pulsation, de la<br />
mélodie, des enchaînements fonctionnels d'accords et de la répétition, l'oreille peut enfin jouir des sons.<br />
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