l'île pour pdf..pub - la-bibliothèque Saint-Herblain

J. F. : Si le parcours initiatique aboutit à la naissance d’un individu nouveau, l’utopie vise quant à elle à
créer un monde nouveau fondé sur l’idée de progrès et de victoire d’un ordre rationnel. À cet égard, L’Île
mystérieuse de Verne est une utopie puisqu’il nous y est proposé un modèle de société plus ou moins
idéale, régie par la science mais croyant en la Providence. Laboratoire d’expérimentations, l’île est une
localisation logique et traditionnelle de l’utopie : siège d’une société nouvelle, elle réalise la promesse d’un
paradis idyllique ou devient un univers concentrationnaire terrifiant. À l’origine, Utopia (l’île de nulle part)
se veut aussi Eutopia (l’île heureuse) mais à peine née, l’utopie s’est doublée de son envers, la contreutopie
qui se moque des prétentions à vouloir organiser le bonheur des hommes et souligne le danger
d’asservissement et de totalitarisme intrinsèque à la machine de l’utopie.
U.G. : Avant même que Thomas More ne crée le mot, le rêve existe d’une société parfaite et ce depuis
l’Antiquité grecque où les inventeurs de ce nouveau genre littéraire viendront puiser leur inspiration pour
décrire des mondes idéaux, symétriques et uniformes, presque toujours construits géométriquement.
J. F. : Archétype du paradis perdu, l’Atlantide est un royaume mythique qui relève de la géographie
sacrée : selon Platon, dans le Timée et le Critias, la capitale était bâtie sur des anneaux concentriques
où alternaient la terre et l’eau. À l’idée de perfection induite par la forme circulaire, s’ajoute celle du temps
cyclique (proche du symbole solaire de la roue qui figure le cycle continu du renouveau). Platon fait de
l’insularité de cet eldorado (et c’est un élément qui deviendra traditionnel dans la littérature utopique)
l’expression de l’isolement, de la clôture et de l’inaccessibilité de l’État.
Les Atlantes vécurent heureux tant qu’ils se contentèrent d’une prospérité frugale en dehors de toute
temporalité. Zeus engloutit l’île et sa civilisation quand ils eurent cédé à l’ambition et à l’orgueil.
Le mythe connaîtra d’incroyables développements de l’Antiquité à l’époque hitlérienne ainsi que le
démontre Pierre Vidal-Naquet dans son livre : L’Atlantide : petite histoire d’un mythe platonicien.
Vision d’une histoire fabuleuse à jamais recommencée, la cité idéale de l’Atlantide ne cessera, vingt-cinq
siècles durant, de hanter l’imagination humaine, et l’ouvrage Atlantide : les îles englouties recense
quelques-uns des multiples romans nourris de cette légende. Autre inventaire, l’encyclopédie Atlantide
de A à Z offre un vaste panorama des croyances, théories et fictions inspirées par le mythe.
U.G. : Le mythe de l’Atlantide retrouve une nouvelle vigueur à la Renaissance grâce au renouveau du
platonisme et à la découverte de l’Amérique. L’impact de l’aventure maritime et de la découverte du
Nouveau Monde élargit l’horizon du monde connu. L’essor de la pensée moderne et du courant
humaniste permet la naissance de l’utopie critique, exclusive de toute transcendance religieuse ou
métaphysique.