l'île pour pdf..pub - la-bibliothèque Saint-Herblain

J. F. : La séparation n’est jamais totale donc et les îles les plus isolées se sont peuplées. Les relations
sont vitales pour les hommes qui instaurent des formes complexes d’échanges avec les autres. Différents
paramètres favorisent ou limitent les liaisons, comme la taille de l’île, sa géologie, son climat, sa proximité
d’autres terres. L’arrivée d’espèces végétales ou animales est facilitée par les courants marins et aériens,
après quoi il s’agit de faire souche, et là bien sûr ne s’implante pas qui veut : les conditions écologiques,
l’équilibre de l’écosystème contribuent à aider ou empêcher l’adaptation des nouvelles espèces.
Dans le cas des humains, la question du peuplement se fait plus complexe dès lors qu’interviennent des
facteurs liés à leur histoire propre.
U.G. : L’île carrefour, c’est la dénomination du premier emplacement ?
J. F. : Oui, la logique économique et communautaire mélanésienne privilégie les valeurs d’échange, de
réciprocité et de redistribution, ainsi le cercle de la kula qui concerne une trentaine de peuples des îles du
Pacifique occidental répartis sur 15 000 km 2 . De quoi s’agit-il ? Système intertribal d’échanges
cérémoniels, la kula s’effectue entre des archipels dont la disposition en large cercle constitue un circuit
fermé. Des colliers de coquillages circulent dans un sens, des bracelets, également en coquillages,
tournent en sens opposé. L’opération peut durer jusqu’à dix ans au terme desquels chaque participant
récupère son bien. Bronislaw Malinowski parle à ce propos de « vaste institution organisée » qu’il décrit et
analyse dans Les Argonautes du Pacifique occidental. L’ouvrage Îles, vivre entre ciel et mer propose
plusieurs hypothèses pour expliquer ce système de circulation : une redistribution des ressources
matérielles inégalement réparties dans le but d’éviter les guerres, un jeu de compétition non violent pour
le prestige, ou une organisation sociale constamment actualisée qui agence les rapports entre personnes,
sociétés, vivants et morts.
En Océanie, la vie sociale est scandée par des échanges obligés entre clans apparentés : conformément
à la tradition, les cérémonies familiales se traduisent par des offrandes ostentatoires de cadeaux lors de
grands rassemblements qui donnent lieu à des discours prononcés devant les piles de biens donnés ou
rendus. (Alban Bensa décrit et explique ces fêtes dans son ouvrage Nouvelle-Calédonie : un paradis
dans la tourmente).
En Polynésie française, la Heiva, l’immense fête qui rassemble tous les danseurs polynésiens, est un
événement majeur qui rythme la vie des îles : le film Bora Bora de Luc Riolon montre tous les préparatifs,
les discussions, les rencontres et répétitions jusqu’au concours final très attendu.
U.G. : L’île, point en pleine mer, interroge et remet en cause la notion de frontière.