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Les anecdotes dans les récits de voyage français aux Indes orientales

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Mais c’est la frontière incertaine entre l’humanité et l’animalité qui constitue la merveille<br />

la plus déstabilisante. D’après <strong>les</strong> historiens comme Jacques Le Goff, l’image <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

écrits médiév<strong>aux</strong> constituait un « horizon onirique » 24 . Marco Polo infléchit ces attentes. Tout<br />

d’abord, il réduit considérablement la liste <strong>de</strong>s peup<strong>les</strong> monstrueux. Il détruit le mythe <strong>de</strong>s<br />

pygmées en In<strong>de</strong> lorsqu’il affirme que ce ne sont que <strong>de</strong> tout petits singes :<br />

Et veux vous dire encore, et vous faire connaître, que ceux qui<br />

apportent <strong>les</strong> petits hommes d’In<strong>de</strong>, c’est grand mensonge et gran<strong>de</strong><br />

supercherie quand quelqu’un dit que ce sont <strong>de</strong>s hommes […] La<br />

vérité est qu’en cette île y a une manière <strong>de</strong> singe qui sont très<br />

petits et ont un visage qui semble humain (Marco Polo, 414).<br />

En effet, parmi <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> que lui léguait la tradition antique, il ne mentionne que <strong>les</strong><br />

cynocépha<strong>les</strong> qu’il situe <strong>dans</strong> <strong>les</strong> î<strong>les</strong> Andaman. Marco Polo dit que ces <strong>de</strong>rniers sont très cruels,<br />

car ils sont anthropophages, mais il faut souligner que notre <strong>voyage</strong>ur considère ce peuple<br />

comme <strong>de</strong>s hommes et non pas une espèce hybri<strong>de</strong>. Une analyse attentive <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong><br />

Marco Polo révèle qu’il ne dit pas que <strong>les</strong> Andamanais ont une tête <strong>de</strong> chien, mais qu’ils ont<br />

« tête comme <strong>de</strong>s chiens » et « <strong>de</strong>nts et yeux comme chiens aussi », car « ils sont du tout<br />

semblab<strong>les</strong> à la tête <strong>de</strong> grands chiens mâtins » (Marco Polo, 422). Ainsi, on ose conclure que le<br />

<strong>voyage</strong>ur vénitien fait référence à la physionomie <strong>de</strong> ce peuple. Qui plus est, Marco Polo n’était<br />

certes pas le premier à parler <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> ces î<strong>les</strong>. L’anthropologue A.R. Brown, <strong>dans</strong> son<br />

livre The Andaman Islan<strong>de</strong>rs ; a study in anthropology, 25 déclare que <strong>les</strong> premières mentions<br />

écrites <strong>de</strong> ces insulaires se trouvent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> relations <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>voyage</strong>urs arabes qui visitent<br />

l’In<strong>de</strong> et la Chine au IX e siècle. Leurs mémoires sont traduits en <strong>français</strong> au XVIII e siècle par<br />

l’abbé Renaudot. Voici la <strong>de</strong>scription qu’il nous fournit :<br />

24<br />

Le Goff, Jacques, « L’Occi<strong>de</strong>nt médiéval et l’Océan Indien : un horizon onirique », Pour un autre Moyen Âge,<br />

Paris, Gallimard, 1977, p. 280-­‐298.<br />

25<br />

Voir l’introduction, p. 1 à 22, du livre: Brown A.R, The Andaman Islan<strong>de</strong>rs; a study in anthropology, Glencoe, Free<br />

press, 1948.<br />

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