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1 - Université de Caen Basse Normandie

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mosaïque syrienne <strong>de</strong> Daphné en passant par ces pièces <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> Constantin. Notre<br />

hypothèse est qu’elle évoque la butte <strong>de</strong> la cosmogonie égyptienne, sur laquelle, avonsnous<br />

dit, le héron-benu fut la première créature à se poser après le retrait <strong>de</strong>s eaux originelles,<br />

et elle nous ramène elle aussi aux sources mêmes <strong>de</strong> l’Égypte 91 .<br />

On constate donc que le phénix numismatique, loin d’être une figure religieuse du<br />

culte isiaque ou du culte chrétien, est une figure impériale essentiellement politique, symbole<br />

du pouvoir : le phénix, être unique et solaire, roi <strong>de</strong>s oiseaux, éternellement renaissant,<br />

n’est associé qu’à l’empereur ou aux membres <strong>de</strong> sa famille (prédécesseurs ou<br />

successeurs, impératrices, vivantes ou décédées), et, même si l’interprétation <strong>de</strong> son symbolisme<br />

peut se nuancer en fonction <strong>de</strong>s dynasties, <strong>de</strong>s circonstances, <strong>de</strong>s dates et <strong>de</strong>s<br />

lieux d’émission, les gran<strong>de</strong>s lignes iconographiques sont à peu près (la butte cosmogonique<br />

égyptienne mise à part) définitivement tracées dès les premières occurrences sous<br />

Hadrien :<br />

– le phénix en majesté est un échassier aux longues pattes, c’est-à-dire le héron égyptien<br />

(et non le rapace d’Hérodote) ;<br />

– mais il porte un nimbe radié, l’attribut gréco-romain du souverain en place <strong>de</strong> la couronne<br />

pharaonique ou du disque solaire ;<br />

– en tant qu’accessoire, c’est-à-dire comme élément secondaire d’une scène, beaucoup<br />

plus petit donc et moins distinctement reconnaissable comme un héron, il surmonte<br />

un globe (attribut du pouvoir romain), éventuellement accompagné <strong>de</strong> symboles analogues<br />

tels que trône, sceptre, caducée… ;<br />

– outre les empereurs et impératrices, les personnifications auxquelles il est le plus souvent<br />

associé sont d’abord Aiôn, puis surtout Aeternitas, enfin Felicitas, qui renvoient à<br />

<strong>de</strong>s significations symboliques également soulignées par les textes sur le phénix,<br />

qu’ils soient historiques ou poétiques (même si le phénix n’y est pas explicitement un<br />

symbole politique) 92 . Les monnaies expriment, par référence implicite au mythe du<br />

phénix tel que nous le racontent les textes littéraires, d’une part la piété filiale du nouvel<br />

empereur rendant les <strong>de</strong>voirs funèbres à un père ou une épouse divinisés et/ou la<br />

continuité du pouvoir dynastique (Hadrien/Trajan, Antonin/Faustine I, Marc Aurèle/<br />

Faustine II, puis Constantin transmettant l’empire à ses fils) ; d’autre part le renouvellement<br />

éternel <strong>de</strong>s temps ramenant la félicité <strong>de</strong> l’âge d’or grâce à la personne du<br />

souverain, notion s’exprimant tantôt en grec (Aiôn), tantôt en latin (saeculum aureum,<br />

Aeternitas), rattachée au cycle sothiaque du calendrier astronomique égyptien sous<br />

Antonin et à diverses dates anniversaires importantes <strong>de</strong> la Ville.<br />

S’il y a rencontre avec la littérature, le recoupement n’est pourtant que partiel : la<br />

forme iconographique du phénix impérial et sa signification ne sont qu’en partie celles du<br />

mythe littéraire et religieux, païen ou chrétien, qui s’est peu à peu forgé sous l’Empire.<br />

Ainsi, le palmier séjour du phénix n’est présent que sous l’apparence douteuse d’une<br />

petite branche sur les monnaies d’Hadrien et d’Antonin (plus clairement, mais beaucoup<br />

plus tardivement, sur un <strong>de</strong>s sceaux <strong>de</strong> Siricius) ; jamais n’apparaissent <strong>de</strong>s représentations<br />

91. LECOCQ 2008, 213-217. Dans la littérature numismatique, cette butte est souvent indiquée comme un<br />

bûcher (en anglais pyre), évoquant à la fois la mort et l’immortalité ; pour nous, c’est un élément naturel<br />

et non un artefact ; dans l’iconographie du Moyen Âge, le phénix y cueillera ses aromates (cf. JONES<br />

1999, fig. 1). Nous ne sommes pas convaincue par le rapprochement, via Athanase cité par la version<br />

viennoise du Physiologus grec (dont la notice sur le phénix est hautement fantaisiste), avec un volcan sicilien<br />

évocateur <strong>de</strong> l’âge d’or virgilien (OLBRICH 2004, 429, note 52).<br />

92. Comme chez Lactance et Claudien (LECOCQ colloque <strong>de</strong> 2008 à paraître).<br />

Schedae, 2009, prépublication n°6, (fascicule n°1, p. 73-106).<br />

http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0062008.pdf

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