1 - Université de Caen Basse Normandie
1 - Université de Caen Basse Normandie
1 - Université de Caen Basse Normandie
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
du nid, <strong>de</strong>s aromates ou <strong>de</strong> l’œuf <strong>de</strong> myrrhe, et surtout jamais le thème du feu, pourtant<br />
spécifiquement romain et apparu dans les textes dès avant la dynastie antonine, <strong>de</strong>puis<br />
Martial et Stace : le discours officiel <strong>de</strong>s émissions monétaires ne montre pas le phénix,<br />
figure <strong>de</strong> l’empereur, mort sur le bûcher ni renaissant <strong>de</strong>s flammes 93 , mais seulement dans<br />
tout l’éclat auréolé <strong>de</strong> sa majesté solaire ; ces détails ne se rencontrent que sur d’autres<br />
supports iconographiques, dans <strong>de</strong>s contextes tout à fait différents. Inversement, jamais la<br />
butte rocheuse <strong>de</strong>s monnaies et mosaïques tardives n’est évoquée dans les textes.<br />
2.C. Le phénix <strong>de</strong>s mosaïques<br />
Par rapport à la gravure d’une monnaie, l’art bichrome ou, mieux, polychrome du<br />
mosaïste offre bien plus <strong>de</strong> possibilités iconographiques pour représenter le phénix : la surface<br />
du support et la technique <strong>de</strong>s tesselles offrent naturellement un champ visuel plus<br />
large, avec un plus grand <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> précision dans le détail.<br />
Quand l’oiseau légendaire fait son apparition dans la mosaïque, c’est un siècle après<br />
ses premières occurrences numismatiques, mais avec une seule attestation pour les documents<br />
dont nous disposons à ce jour : la mosaïque d’E<strong>de</strong>ssa déjà évoquée, et c’est à partir<br />
<strong>de</strong> 300 ap. J.-C. seulement qu’il se rencontre plus fréquemment, rarement en milieu privé<br />
(comme à la villa Casale <strong>de</strong> Piazza Armerina), presque toujours au sol ou aux murs <strong>de</strong>s<br />
églises : cette différence <strong>de</strong> contexte n’entraîne d’ailleurs pas <strong>de</strong> forte diversité dans l’iconographie,<br />
les attributs et les accessoires. Comme nous l’avons déjà dit, la mosaïque<br />
d‘E<strong>de</strong>ssa, païenne ou peut-être chrétienne 94 , s’apparente à la fois à la peinture du sarcophage<br />
d’Osiris du temple d’Isis à Pompéi, par son thème : l’oiseau perché sur une tombe,<br />
et à la fresque <strong>de</strong> la taverne d’Euxinus par la composition générale du sujet : un phénix<br />
majestueux entre <strong>de</strong>ux plantes peuplées d’autres oiseaux ; c’est la seule mosaïque au phénix<br />
avec une <strong>de</strong>stination funéraire que nous connaissions 95 . L’oiseau, à la silhouette mixte<br />
<strong>de</strong> paon – faisan, y est d’un brun foncé différent du rouge brique <strong>de</strong> la colonne et <strong>de</strong> la<br />
cuve 96 ; sans nimbe, mais doté d’une aigrette solitaire surmontée d’un élément trifi<strong>de</strong><br />
(comme celle du paon), il n’est reconnaissable que par la mention « phénix » et par l’analogie<br />
du sujet avec celui du temple <strong>de</strong> Pompéi pour qui a la possibilité <strong>de</strong> comparer.<br />
Quant au reste du corpus mosaïstique, on constate que les artistes s’inspirent parfois<br />
<strong>de</strong>s poètes puisque les relations avec les textes sont beaucoup plus fortes que pour les<br />
monnaies : les flammes et les palmiers absents <strong>de</strong> celles-ci sont très présents sur les mosaïques.<br />
D’une part, nous l’avons dit, une variété <strong>de</strong> palmier s’appelle en grec foi'nix et évoque<br />
implicitement l’oiseau par polysémie 97 , d’autre part l’arbre a <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> noblesse<br />
bibliques fort anciennes 98 . Pour les flammes, le thème du bûcher où se consume l’oiseau<br />
avant <strong>de</strong> renaître (comme variante <strong>de</strong> la décomposition du cadavre dans son nid 99 ) s’était<br />
développé dès la fin du I er siècle ap. J.-C. dans la littérature latine d’abord païenne, puis<br />
chrétienne. Cette variante s’explique à la fois par l’application au phénix <strong>de</strong> coutumes<br />
93. Image qui, plus tard, sera emblématique <strong>de</strong> l’oiseau, du Moyen Âge à nos jours.<br />
94. À cause <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong> la langue syriaque dans l’inscription.<br />
95. L’inscription appelle la tombe « maison d‘éternité » comme usuellement dans cette région. Cf. COLLEDGE<br />
1994, 190-191 et pl. 107.<br />
96. L’image répertoriée par R. Van <strong>de</strong>n Broek en noir et blanc est reproduite en couleur dans le fascicule <strong>de</strong><br />
G. Amad.<br />
97. Une confusion volontaire entre les <strong>de</strong>ux est même attestée dans la traduction <strong>de</strong> la Septante, répétée par<br />
d’autres auteurs comme Tertullien (LECOCQ 2008, 235-237 et 251).<br />
98. Le motif du palmier surmonté d’un oiseau divin est également ancien dans l’iconographie d’Apollon<br />
(divinité associée au phénix), et peut-être d’origine orientale (MARGUERON 2000).<br />
99. Selon la légen<strong>de</strong> la plus ancienne, le nouveau phénix naît <strong>de</strong>s restes décomposés <strong>de</strong> son père, éventuellement<br />
par l’intermédiaire d’un vermisseau.<br />
Schedae, 2009, prépublication n°6, (fascicule n°1, p.73-106).<br />
http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0062009.pdf<br />
91