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V. MOTS D’AUTEUR(E) - SARAH FOURAGE<br />
J’aime écrire pour <strong>de</strong>s gens précis ou au service d’un thème que l’on me donne. La comman<strong>de</strong><br />
du Groupe <strong>de</strong>s 20 m’a permis d’écrire un texte qui, sinon, n’aurait pas vu le jour. <strong>Le</strong>s thèmes -<br />
« le diable », « les communications mo<strong>de</strong>rnes », ou le « diable dans les communications<br />
mo<strong>de</strong>rnes » - impliquaient un choix, une prise <strong>de</strong> position. Contraignant <strong>de</strong> fait, le thème<br />
donné est une clef pour déverrouiller un imaginaire parfois ronronnant.<br />
J’ai choisi le thème <strong>de</strong>s communications mo<strong>de</strong>rnes parce que je crois que le silence, les nondits,<br />
le ressentiment, les malentendus sont loin d’être mo<strong>de</strong>rnes et pourtant aussi largement<br />
utilisés qu’Internet. La question semble se poser <strong>de</strong> savoir si c’est l’époque qui fait l’homme.<br />
Mais quand bien même tous les moyens se perfectionnent pour mieux « dire », que veut-on<br />
dire et que dit-on, au juste ?<br />
Un film terrifiant, « Johnny s’en va-t-en guerre » <strong>de</strong> Dalton Trumbo, m’a beaucoup inspiré<br />
pour terminer le texte <strong>de</strong> Sans la langue et mo<strong>de</strong>ler le rôle du fils. Quant au personnage <strong>de</strong> la<br />
mère, j’ai essayé <strong>de</strong> ‘me mettre à la place’ <strong>de</strong> cette femme, qui a suivi toutes les étapes du<br />
progrès, qui se coupe du mon<strong>de</strong> par réaction et qui ne croit qu’à la parole, son arme et sa<br />
‘matière principale’.<br />
L’idée d’un individu prisonnier <strong>de</strong> son ordinateur m’a semblé loufoque, trop absur<strong>de</strong>, mais<br />
j’ai voulu y croire jusqu’au bout, car elle seule s’imposait à mes yeux. Homme-tronc, homme<br />
arbre, la végétation sous couvert d’action me semblait refléter la vacuité relative <strong>de</strong> nos<br />
échanges facilités.<br />
<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux autres textes, celui <strong>de</strong> Gilles Granouillet et <strong>de</strong> Sophie Lannefranque, m’ont<br />
impressionnés lors <strong>de</strong> la lecture <strong>de</strong> novembre 2008, et en les relisant j’ai éprouvé le même<br />
plaisir et la même émotion. J’apprécie la virtuosité <strong>de</strong> Speed dating, farce efficace dont<br />
l’univers est néanmoins très singulier. <strong>Le</strong> langage y est malicieusement mis à l’épreuve<br />
(écoutons la « femme-poignante »…) et l’on s’élève vers une dimension poétique, un<br />
décalage tout à fait jubilatoire, où le tac au tac <strong>de</strong>s répliques fait mouche.<br />
Comment Karl Kraft s’est coupé en morceaux, relève d’une dimension beaucoup plus<br />
tragique. A travers la parole d’un personnage qui vend tout <strong>de</strong> lui (qui se vend « corps et<br />
âme ») on est touché en plein cœur. On assiste à la disparition totale d’un être au profit <strong>de</strong> son<br />
rêve. Faust est son parrain et la tendresse d’expression <strong>de</strong> ce Karl Kraft, qui ne veut pas<br />
renoncer à son âme car « elle lui tient chaud », rend ce personnage complètement attachant et<br />
sa disparition, lente et progressive, d’autant plus déchirante. Cela, par amour… Sensibilité et<br />
émotion dans Karl Kraft, humour et distance dans Speed dating : ces <strong>de</strong>ux textes me touchent<br />
dans leur radicalité, leur limpidité, leur côté ‘aiguisé’ mais aussi leur beauté.<br />
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