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GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE<br />

M<br />

Collection de Documents inédits et d'Etudes<br />

sur l'Histoire de l'Algérie<br />

III" SÉRIE —<br />

Tome I<br />

ÉTUDES<br />

LES BUREAUX ARABES<br />

ET<br />

EVOLUTION des GENRES de VIE INDIGENES<br />

DANS<br />

L'OUEST DU TELL ALGÉROIS<br />

(DAHRA, CHÉLIF, OUARSENIS, SERSOU)<br />

.PAR<br />

Xavier YACONO<br />

DOCTEUR ES -LETTRES<br />

EDITIONS LAROSE<br />

11, rue Victor-Cousin<br />

- PARIS<br />

(V«)<br />

1953<br />

-<br />

L <strong>108</strong>, C<br />

I


LES BUREAUX ARABES<br />

ET L'EVOLUTION DES GENRES DE VIE INDIGENES<br />

-<br />

DANS L'OUEST DU TELL ALGEROIS<br />

Page 4, ligne 20, lire : Dërmenghem.<br />

Page 14, ligne 19, lire : logements.<br />

ERRATA<br />

Page 14, référence (2), ligne 3, lire : premières.<br />

Page 17, ligne 13, lire :, inscription.<br />

Page 18, dernière ligne, lire : modifiée.<br />

Page 20, ligne 19, et page 21 (références), lire : Trinquand.<br />

Page 20, ligne 24, lire 1871 au lieu de. 1870.<br />

Page 22, ligne 2.7, lire : parfois.<br />

Page 36, ligne 2, lire : surtout.<br />

Page 52, référence (1), lire : possession.<br />

Page 53,"<br />

ligne 19, lire : bled el baroud.<br />

Page 56, ligne 17, lire : eaux du Nahr Ouassel.<br />

Page 84, ligne 13, lire : condition officielle.<br />

Page 85 l'rne 23, lire : bureau arabe. » (3)<br />

Page 89, ligne 1, lire : seulement.<br />

Page 110, ligne 16, lire : des existences.<br />

Page 113. ligne 31, lire : s'être opposés.<br />

Page 114, ligne 2, lire : inspirée.<br />

Page 174, ligne 5, lire : il travailla.<br />

Page 184, ligné 26, lire : On retrouve.<br />

Page 190,<br />

ligne 19,. lire : prendraient.<br />

Page 269, ligne 15, lire : le travail.<br />

Page 271,<br />

ligne"<br />

5, lire : pommes de terre.<br />

Page 275. ligne 28, lire : la pépinière.<br />

Page 276. ligne 11, lire : autorité française ; et ligne 14 : en villages.<br />

Page 284, dernière ligne, lire : diminué.<br />

Page 296, ligne 5, lire : s'améliorer.<br />

Page 302 référence (2), lire : les sorghos à grains.<br />

Page 320 ligne 31, lire : des touizas.<br />

Page 385, ligne 14, lire : soulèvent.<br />

Page 396, ligne 6 du titre 443, lire -.Déliais (crieurs publics).<br />

Page 402, ligne 2,3, lire : cercle de Ténès.<br />

Page 411, au N» 22, lire : Richard.<br />

Page 413, au N° 36, lire : algérienne.<br />

Page 417, au N° 74, supprimer la première ligne et la remplacer par :<br />

£,. de La Sicotière : Rapport au nom de la Commission d'en-<br />

Page 431, ligne 36, lire : étude des Bureaux:<br />

Page 444, lire : Trinquand.


GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE<br />

Collection de Documents inédits et d'Etudes<br />

sur l'Histoire de l'Algérie<br />

II 1« SÉRIE -<br />

Tome I<br />

ÉTUDES<br />

LES BUREAUX ARABES<br />

ET<br />

*** ' i<br />

-io%j<br />

L'EVOLUTION des GENRES de VIE INDIGENES<br />

DANS<br />

L'OUEST DU TELL ALGÉROIS<br />

(DAHRA, CHÉLIF, OUARSENIS, SERSOU)<br />

PAR<br />

£ Xavier YACONO<br />

*L<strong>108</strong>/C/I*<br />

ilIliilNII lilil!<br />

BUAlger<br />

DOCTEUR ES -LETTRES<br />

_J[<br />

-<br />

EDITIONS LAROSE<br />

11,<br />

- PARIS<br />

rue Victor-Cousin<br />

(V*)<br />

1953<br />

-<br />

*LGER<br />

/ ^ 1


AVERTISSEMENT<br />

Dans les documents cités nous avons respecté l'orthogra<br />

phe des noms arabes et par suite le même nom peut se pré<br />

senter sous des formes sensiblement différentes lorsqu'il s'agit<br />

de documents n'ayant pas la même origine. En ce qui nous<br />

concerne, nous avons adopté, chaque fois que la chose était<br />

possible, l'orthographe du Bulletin Officiel.<br />

Les termes d'Arabes et de Kabyles sont employés avec le<br />

sens que leur accordent les documents de l'époque, le premier<br />

désignant le plus souvent l'ensemble de la population indigène<br />

et le second seulement les populations montagnardes. Nous<br />

avons reculé devant l'emploi systématique de l'expression « les<br />

Arabo-Berbères » qui constituerait ici un anachronisme.<br />

Pour les références bibliographiques au bas des pages<br />

nous avons utilisé les abréviations suivantes :<br />

B. O. = Bulletin Officiel du Gouvernement Général de l'Al<br />

gérie (1).<br />

N. = Archives Nationales de la sous-série F. 80; la lettre N<br />

est suivie du numéro du carton, de l'année et du lieu.<br />

Exemple : N.475, 1856, Miliana.<br />

M. G. = Archives du Ministère de la Guerre, les lettres MG<br />

étant suivies du numéro du carton.Exemple : M.G. 208.<br />

G. = Archives du Gouvernement Général de l'Algérie ;<br />

sauf indications contraires, il s'agit de la série I.<br />

S. C. = Archives du Sénatus-Consulte de 1863 (2).<br />

D. A-<br />

= Archives départementales d'Alger. Exemple :


— 8 —<br />

Pour préciser les dates nous employons T pour trimestre<br />

et q. pour quinzaine. Lorsqu'il y a lieu nous donnons, après les<br />

abréviations, le titre du document intéressé.<br />

Les références aux ouvrages imprimés sont indiquées par<br />

le nom de l'auteur suivi de deux nombres : le premier, placé<br />

entre parenthèses, renvoie au numéro correspondant de la<br />

bibliographie pour toutes précisions sur l'ouvrage; le second<br />

indique la page : Richard (18) 58.<br />

A la page 432 un petit Lexique donne le sens des mots indi<br />

gènes que l'on trouve dans le texte.<br />

Pour la situation des tribus et des douars-communes on se<br />

reportera à la carte et au tableau hors-texte à la fin de l'ouvrage.


INTRODUCTION<br />

Objet et limites de cette étude<br />

Ce travail a une double origine : une suggestion de M.<br />

Isnard, professeur à la Faculté d'Aix, qui a attiré notre atten<br />

tion sur l'intérêt que pouvait présenter l'étude des Bureaux<br />

arabes, et une conférence (1) de M. Despois, professeur à la<br />

Faculté d'Alger, soulignant l'affaiblissement du paysanat nord-<br />

africain sous les coups des Arabes, à partir du XIe siècle surtout.<br />

Cette classe paysanne s'effaçant devant une société no<br />

made, dans les régions de plaines notamment, c'est là un phé<br />

nomène essentiel sur lequel historiens et géographes ont attiré<br />

l'attention, et souvent brillamment (2). Mais ce qui, à notre<br />

sens, est resté dans l'ombre, ce sont les tentatives faites pour<br />

reconstituer ce paysanat ou tout au moins pour l'étendre lors<br />

que l'élément sédentaire avait pu se maintenir. Actuellement,<br />

en 1950, le Gouvernement Général de l'Algérie s'enorgueillit<br />

de l'oeuvre des Secteurs d'amélioration rurale couvrant déjà<br />

plus de 540.000 hectares (sans compter les S.A.R. d'élevage),<br />

de dizaines de milliers d'oliviers plantés pour les nouveaux<br />

fellahs, de la construction de plusieurs villages d'éleveurs ou<br />

s'<br />

de cultivateurs ajoutant à celle de 18 fermes-pilotes, de l'équi<br />

pement de nombreux points d'eau... Les projets se multiplient,<br />

visant à recaser ou à éduquer les fellahs du Tell, à sédentariser<br />

les pasteurs du Sud. On envisage en particulier la création<br />

d'agglomérations rurales de 60 à 250 maisons groupées autour<br />

du centre civique, avec écoles, maison commune, bureau de<br />

poste,<br />

salle de consultations et aussi ferme-modèle (3).<br />

(1) En avril 1947 au Centre d'études économiques et sociales de l'Afrique<br />

française.<br />

(2) Par exemple :<br />

E.-F. Gautier : Le passé de l'Afrique du Nord,, p. 409-423.<br />

J. Despois : La Tunisie orientale. Sahel et Basse Steppe, p. 177 à 183 surtout.<br />

G. Marçais : La Berbérie musulmane et l'Orient au Moyen Age,<br />

suivantes.<br />

p. 208 et<br />

(3) Documents algériens n° 69 du 25 avril 1950 - Essor de VAlgérie. Al<br />

ger 1947.


— 10 —<br />

Mais si l'œuvre semble devoir en imposer par son ampleur,<br />

et ses conséqsuences économiques et sociales,<br />

c'est à tort qu'on<br />

lui attribue un caractère de nouveauté, oubliant une tentative<br />

déjà ancienne, celle des Bureaux arabes, sous la Seconde Répu<br />

blique et le Second Empire. Le succès n'a pas souvent couronné<br />

les efforts de ces militaires, et nous en chercherons les raisons,<br />

mais l'œuvre .entreprise méritait d'être étudiée,<br />

un échec pou<br />

vant être aussi riche d'enseignements que la plus remarquable<br />

des réussites.<br />

Origine des> Bureaux arabes (1)<br />

On sait comment furent créés les Bureaux arabes. Le pro<br />

blème de l'administration des Indigènes se posa,<br />

au lendemain<br />

même de la conquête, à un commandement manquant d'infor<br />

mations comme de doctrine et qui,<br />

ayant détruit toute l'orga<br />

nisation turque, se trouva brusquement en plein chaos. Les<br />

Affaires arabes furent d'abord traitées dans le cabinet du<br />

général en chef, mais, faute de compétence, les officiers de<br />

l'Etat-Major ne tenaient pas à conserver cette besogne et la<br />

tâche capitale de gouverner les Indigènes fut confiée à un<br />

« agha des Arabes » chargé des relations avec les tribus. Ins<br />

pirée, semble-t-il, à l'intendant en chef Denniée, par l'exemple<br />

des Turcs, cette idée pouvait être excellente, mais il eût fallu<br />

faire un bon choix et s'y tenir. Or, chacun des trois premiers<br />

commandants en chef eut son agha. Avec Bourmont ce fut<br />

Hamdane ben Aminé el Secca, un marchand maure d'Alger,<br />

malhonnête et timoré, méprisé par les Indigènes et qui ne pou<br />

vait réussir. Clauzel le remplaça par le chef d'escadron de gen<br />

darmerie Mendiri, lequel, ignorant la langue, la religion et les<br />

mœurs du pays, se montra, pour des raisons différentes, aussi<br />

médiocre que son prédécesseur. Berthezène crut avoir trouvé<br />

l'homme qu'il fallait en la personne de Mahi ed Dine es Seghir<br />

ben Embarek, d'une famille maraboutique de Koléa, mais, si<br />

le choix était meilleur, il ne put en résulter cependant aucune<br />

(1) II1 s'agit des Bureaux arabes du territoire militaire, à l'exclusion des<br />

Bureaux arabes départementaux placés sous l'autorité du préfet et s'occu-<br />

pant de l'administration des Indigènes du territoire civil. Ces Bureaux ara<br />

bes départementaux n'existèrent d'ailleurs que de 1854 à 1868 : leur origine<br />

a fait l'objet d'un article très documenté de P. Boyer dans la Revue Africaine,<br />

1" et 2" trimestres 1953.


11<br />

conséquence heureuse, car Mahi ed Dine, furieux par suite de<br />

l'arrestation de ses cousins, rompit avec le commandement<br />

français.<br />

Rovigo, qui succéda à Berthezène, avait constitué avec son<br />

secrétaire et des interprètes plus ou moins qualifiés un « cabi<br />

net arabe où se traitaient sous les yeux du duc, qui n'y voyait<br />

rien, toutes les affaires diplomatiques avec les gens du<br />

pays » (1). Mais ce n'était là qu'un « service secret » n'ayant<br />

aucune existence officielle. Lorsque Rovigo, malade, regagna la<br />

France, le commandant en chef, par intérim, Avizard, conseillé<br />

par le général Trézel, chef d'état-major, voulut régulariser<br />

ce qui se faisait auparavant et, en mars 1833, il institua un<br />

« bureau particulier des affaires arabes » pour « suivre avec<br />

sûreté et succès les relations avec les tribus » (2). Le fonc<br />

tionnement du bureau reposa sur le capitaine La Moricière,<br />

le seul officier ayant alors une sérieuse connaissance de l'arabe<br />

et que l'on avait pris l'habitude de consulter sur toutes choses;<br />

il réussit parfaitement dans sa tâche, visitant les Indigènes<br />

dans les douars, rassemblant les renseignements sur les tribus<br />

et effectuant une habile propagande auprès d'elles jusqu'au<br />

jour où il renonça à ses fonctions pour participer à l'expédition<br />

de Bougie, cédant la place au vieil orientaliste Delaporte qui,<br />

faute de pouvoir monter à cheval, ne fut qu'un homme de<br />

cabinet (3).<br />

Vint Drouet d'Erlon et avec lui un nouveau changement :<br />

la fonction d'agha des Arabes fut rétablie en 1835 au profit<br />

du lieutenant-colonel Marey-Monge, très qualifié d'ailleurs<br />

pour administrer les Indigènes et dans lequel Cottenest voit<br />

le « premier chef de Bureau arabe » ; mais comme on continua<br />

à utiliser les officiers de l'ancien bureau, les Indigènes eurent<br />

l'impression d'un double commandement, d'où une certaine<br />

confusion. De plus, le nouvel agha parcourant sans cesse la<br />

Mitidja pour faire prédominer l'autorité française, le comman<br />

dant supérieur d'Alger ne pouvait être à tous moments rensei<br />

gné sur le détail des affaires (4).<br />

(1) La Moricière cité dans Keller (72) 80.<br />

(2) Avizard cité par Azan (34) 104.<br />

(3) Keller (72) 79-83. Hugonnet (6) 175-176. Bernard (41) 249.<br />

(4) Cottenest (3) 87. Azan (34) 140-141. H Hugonnet (6) 174-189.


--12 —<br />

Aussi Damrémont condamna cette<br />

1837, l'ancien Bureau arabe se trouva<br />

institution et, en avril<br />

rétabli sous l'étiquette<br />

plus importante de «<br />

arabes »<br />

Direction des affaires<br />

ayant<br />

pour but « de faciliter et d'étudier nos rapports avec les tribus<br />

de l'intérieur, de les attirer sous notre<br />

domination en respec<br />

tant leurs usages, en protégeant leurs intérêts, en leur faisant<br />

rendre bonne et exacte justice, en maintenant parmi elles 1 or<br />

dre et la paix » (1). Le capitaine Pellissier de Reynaud, l'auteur<br />

des « Annales Algériennes », déjà attaché au premier Bureau<br />

arabe, dirigea cet organisme dont il fit un service important.<br />

Mais il ne s'entendit pas avec Valée, successeur de Damré<br />

mont, et, en mars 1839, la Direction des affaires<br />

arabes était<br />

abolie et ses attributions conférées à l'Etat-Major général, pres<br />

que comme aux premiers jours de la conquête; du Service des<br />

Affaires indigènes en voie de création, il ne resta,<br />

après Pellis<br />

sier, que des fonctions de police qu'exerça surtout le capitaine<br />

d'AUonville.<br />

Il faut attendre Bugeaud pour voir s'instaurer un régime<br />

plus stable. II comprend la nécessité de créer, à côté de l'Etat-<br />

Major s'occupant des opérations militaires,<br />

un organisme dif<br />

férent, de caractère plutôt administratif et chargé plus spécia<br />

lement des tribus. Selon le nouveau gouverneur, l'organisation<br />

d'Abd-el-Kader, avec sa hiérarchie de chefs, pouvait être con<br />

servée et les tribus gouvernées par des notables indigènes à<br />

condition de contrôler ces derniers. Cet organisme de contrôle<br />

fut la « Direction des affaires arabes » rétablie par un arrêté<br />

du 16 août 1841 et confiée à un officier ayant autorité sur tous<br />

les fonctionnaires indigènes. Par ses qualiltés, le rôle qu'il<br />

avait joué comme consul de France à Mascara lors de l'appli<br />

cation du traité de la Tafna, la manière dont il avait dirigé<br />

la politique indigène dans la province d'Oran, le crédit dont<br />

il jouissait auprès de Bugeaud, le commandant Daumas, pro<br />

mu directeur, contribua beaucoup au prestige de cette institu<br />

tion naissante (2).<br />

(1) Cité dans Foucher (67) 12.<br />

(2) Daumas avait créé dans la province d'Oran, dirigée par La Moricière,<br />

un bureau de renseignements parfaitement organisé qui servit de modèle.<br />

PEYRONNET (87) II, 121-128. ROUSSET (93) 287.


-13 —<br />

La conquête fit le reste. Le service central créé en 1841<br />

s'avéra vite insuffisant. L'extension du territoire soumis à<br />

l'autorité française provoqua la création de bureaux arabes<br />

dans les principaux centres de l'intérieur : 21 dès 1844, nés<br />

de la force des choses et non en vertu d'un système préconçu<br />

qu'on voulut imposer au pays. Et bientôt Bugeaud disposa<br />

d'une administration dont les fonctions grandissaient tous les<br />

jours, mais qu'aucun statut ne régissait. D'où l'arrêté minis<br />

tériel du lep<br />

février 1844 considéré à juste titre comme l'acte<br />

de naissance des Bureaux arabes. Complété par un véritable<br />

code des mesures administratives et judiciaires applicables<br />

aux tribus (1), cet arrêté fut la charte de la nouvelle institu<br />

tion jusqu'à la circulaire de Mac Mahon du 21 mars 1867 qui<br />

devait le modifier et surtout le préciser.<br />

Organisation des Bureaux arabes<br />

Des bureaux arabes étaient institués dans les principales<br />

localités, les uns dits de première classe et se trouvant auprès<br />

des généraux commandant les subdivisions, les autres de<br />

deuxième classe,<br />

et assistant les officiers supérieurs placés à<br />

la tête des cercles : au total une trentaire vers 1852, 41 et 5<br />

annexes à la fin du Second Empire. Ces bureaux dépendaient<br />

de la Direction des affaires arabes de leur province laquelle<br />

était sous l'autorité du général commandant la Division. Indé<br />

pendamment de ses attributions comme Direction division<br />

naire, la Direction d'Alger centralisait le travail des Directions<br />

d'Oran et de Constantine; fonctionnant sous le contrôle immé<br />

diat du Gouverneur Général, elle prenait le titre de Direction<br />

centrale des affaires arabes. Par la suite,<br />

cette centralisation<br />

fut assurée par un organisme spécial appelé Bureau politique.<br />

(1) Ce code rédigé par Daumas et approuvé par Bugeaud comporte tout<br />

d'abord l'étude des diverses races qui peuplent l'Algérie, puis celle des bases<br />

de l'organisation d'Abd-el-Kader et de l'organisation française. Il précise<br />

longuement les attributions des autorités et en particulier celles des officiers<br />

chargés des affaires arabes. Il consacre un chapitre à la justice et un autre<br />

aux impôts. Il se termine par la reproduction de plusieurs arrêtés, instruc<br />

tions et circulaires, notamment les trois circulaires fondamentales de Bu<br />

geaud des 2 janvier, 17 septembre et 15 novembre 1844 (4).


— 14 —<br />

Chaque bureau de cercle ou de<br />

personnel peu nombreux si l'on<br />

toire administré et la variété des<br />

subdivision comportait un<br />

considère l'étendue du terri<br />

attributions. Pour ne prendre<br />

qu'un exemple, le bureau très important de la subdivision<br />

d'Orléansville comptait en 1852 : un chef d'escadron respon<br />

sable du bureau, un lieutenant d'infanterie adjoint titulaire,<br />

un sous-lieutenant d'infanterie adjoint, un sous-lieutenant de<br />

spahis indigènes,<br />

un officier de santé, un interprète, un cadi,<br />

un khodja, deux secrétaires copistes, un chaouch, soit au total<br />

11 personnes, et, comme troupes, 25 spahis et 8 mekhazenis (1).<br />

La présence côte à côte de fonctionnaires français et de fonc<br />

tionnaires indigènes traduisait le rôle de trait d'union entre<br />

les deux populations que Bugeaud, dès le début,<br />

au bureau arabe.<br />

avait assigné<br />

L'installation matérielle était aussi satisfaisante que pos<br />

sible et l'on a souvent représenté le chef du bureau arabe ins<br />

tallé dans son bordj comme le seigneur féodal dans son châ<br />

teau-fort. A Orléansville, les bâtiments abritaient : les loge<br />

ment des officiers, les salles de rapports, une bibliothèque (2),<br />

une salle d'archives, une pharmacie, les écuries et les prisons.<br />

Du bureau arabe dépendait également le dar ad diaf, hôtelle<br />

rie gratuite, toujours ouverte, et qui hébergeait tous les Indi<br />

gènes que leur service ou leurs affaires privées amenaient au<br />

bureau arabe (3).<br />

Tous les bureaux arabes que nous avons étudiés (Orléans-<br />

ville, Ténès, Miliana, Cherchel, Téniet-el-Had) donnent l'im-<br />

(1) N 447, 1852, Orléansville et Miliana, Inspections. Les mekhazenis<br />

étaient les cavaliers faisant le service auprès des bureaux arabes. On les dé<br />

signaient aussi, suivant les localités, sous les noms de deîra, kriéla, mekahelia.<br />

asker.<br />

On trouvait au bureau de la subdivision de Miliana à peu près le même<br />

personnel qu'à Orléansville : 11 agents auxquels s'ajoutaient 15 spahis et 1<br />

brigadier. Les bureaux des cercles disposaient d'un personnel sensiblement<br />

moindre.<br />

(2) Nous avons trouvé aux Archives Nationales (F. 80, 1713 F. Inspec<br />

tion générale des bureaux arabes de 1852. Rapport d'ensemble du Gl Randon)<br />

la liste des ouvrages déposés dès les premires années, dans les bibliothèques<br />

des bureaux arabes. Ce sont des livres d'histoire, de géographie et de linguis<br />

tique mais, fait extraordinaire Ibrsque l'on songe à ce que l'on exigea de ces<br />

officiers, aucun traité sur l'art de bâtir, de cultiver ou de pratiquer l'élevage<br />

Cette lacune n'est peut-être pas étrangère aux échecs que nous enregistre<br />

rons.<br />

(3) Rinn (26) Livre X, 1" chapitre.


15 —<br />

pression de cellules bien constituées et pleines de vitalité. Leurs<br />

archives nous font connaître dans son infinie variété l'immense<br />

labeur accompli par les officiers auxquels Bugeaud avait<br />

confié le monde indigène. Ce sont ces archives, consultées à<br />

Alger et à Paris, qui ont servi de base à cet ouvrage.<br />

Fonctions des Bureaux arabes<br />

Daumas définissait ainsi le bureau arabe : « Cette insti<br />

tution a pour objet d'assurer la pacification durable des tribus.<br />

par une administration juste et régulière,<br />

comme de préparer<br />

les voies à notre colonisation, à notre commerce, par le main<br />

tien de la sécurité publique, la protection de tous les intérêts<br />

légitimes et l'augmentation du bien-être chez les indigènes.<br />

Ses agents doivent tendre de plus en plus à préparer la solution<br />

pacifique de toutes les difficultés qui n'ont que trop souvent<br />

exigé l'emploi de la force, et à surmonter tous les obstacles que<br />

nous oppose une société si différente de la nôtre par les mœurs<br />

et la religion. Par l'étude du pays et l'appréciation de tous les<br />

intérêts qui font mouvoir la population arabe, ils parviendront<br />

à indiquer l'emploi le plus utile et le plus opportun de la force<br />

militaire en cas d'insurrection, et prépareront la répression de<br />

toute révolte par les moyens les plus expéditifs et les moins<br />

onéreux. Enfin ils doivent s'efforcer d'amener les indigènes à<br />

accepter avec le moins de répugnance possible et notre domi<br />

nation et les éléments du gouvernement qui doivent l'affer<br />

mir » (1).<br />

Ce sont là les instructions d'un Directeur d'administra<br />

tion. Voici maintenant l'énumération un peu fastidieuse, mais<br />

fort instructive, des fonctions d'un bureau arabe d'après le<br />

colonel commandant la subdivision de Miliana en 1852 (2).<br />

Selon cet officier le service se partage en service actif et ser-<br />

(1) Cité par Foucher (67) 25 Hugonnet, chef de bureau arabe à La<br />

Calle, a défini le bureau arabe en une formule lapidaire souvent reprise de<br />

puis : « Le bureau arabe, écrit-il, est le trait d'union entre l'a race euro<br />

péenne qui s'est implantée en Algérie depuis 1830 et l'indigène qui occupait<br />

auparavant ce pays et l'occupe encore » (6) 5-6.<br />

(2) N 447, 1852, Miliana, Inspection.


16<br />

vice sédentaire ayant pour objets<br />

tuellement) :<br />

principaux (nous citons tex<br />

« Service actif : recensement sur le terrain de la pop<br />

tion arabe par tribus et fractions de tribu (habitants des mai<br />

sons, tentes ou gourbis); recensement à l'époque des labours<br />

des charrues (1) qu'ils cultivent ;<br />

successives<br />

tournées<br />

pour<br />

constater l'état des récoltes;<br />

de l'année des propriétés des indigènes en<br />

moutons, chèvres; vérification des<br />

recensement au commencement<br />

renseignements à prendre pour compléter les<br />

cessaires à l'établissement des statistiques;<br />

chameaux, bœu s,<br />

premiers résultats obtenus,<br />

documents né<br />

courses dans les<br />

tribus lors de la perception des impôts pour s'assurer qu'il n y<br />

a pas de malversations commises;<br />

étude du pays avec la carte<br />

pour se mettre en mesure de diriger les colonnes, reconnaître<br />

les cours d'eau, les sources, les constructions, les silos,<br />

les en<br />

droits propres aux bivouacs des troupes en colonne; surveil<br />

lance des marchés; reconnaissance des terres du beylik soit<br />

pour en prendre possession,<br />

tion; étude des forêts qui doivent revenir au gouvernement et<br />

être remises à l'administration; présidence des medjelès (2)<br />

soit pour les livrer à la colonisa<br />

importants ayant pour but de régler les limites entre les tribus<br />

limitrophes ou quelquefois entre les fractions d'une même<br />

tribu; recherche des emplacements où doivent se faire des<br />

constructions; surveillance de ces constructions lors de leur<br />

achèvement et ensuite des réparations à y faire; surveillance<br />

des plantations; étude sur les lieux des travaux d'utilité publi<br />

que; surveillance et police des routes;<br />

tions militaires ».<br />

absences pour expédi<br />

« Service sédentaire : audition des réclamations portées<br />

soit par des Européens, soit par des Arabes, suite à leur don<br />

ner; contestations; correspondance du général commandant la<br />

subdivision avec la Division et les commandants supérieurs<br />

des cercles (affaires arabes); élaboration des questions sou-<br />

(l)La i charrue » est en principe la superficie labourable par une char<br />

mais-<br />

rue. Cette superficie varie évidemment avec le sol et le aussi<br />

relief,<br />

avec la force de l'attelage et le temps dont on a disposé pour les labours.<br />

Dans notre région elle se tient entre 7 et 16 hectares.<br />

(2) Les medjelès sont des juridictions composées de eadis, muphtis et<br />

ulémas.


— — 17<br />

mises à l'examen des commandants de territoires;<br />

mise au net<br />

des renseignements recueillis dans les tournées ou autrement;<br />

établissement des statistiques ; notes historiques et adminis<br />

tratives sur les tribus; biographies des chefs arabes; établis<br />

sement de listes contradictoires pour servir à la confection des<br />

rôles d'impôts; établissement des listes par douars pour le<br />

prélèvement de l'impôt; rédaction des rapports mensuels; tra<br />

duction et vérification des carnets des chefs indigènes pour<br />

les amendes; règlement et comptabilité des amendes; surveil<br />

lance et contrôle du medjelès; vérification des jugements ren<br />

dus soit par le medjelès, soit par le cadhy du Bureau, soit enfin<br />

par les cadhys des tribus; comptabilité de la maison des hôtes;<br />

surveillance des prisons ; inscripion et versement des armes<br />

confisquées; tenue du carnet des courriers extraordinaires ;<br />

comptabilité du service de la solde; enregistrement des bons<br />

de munitions de guerre, des bons de fourrages; transmission<br />

des ordres de l'autorité supérieure aux chefs arabes, éclaircis<br />

sements à leur donner pour en faciliter et en assurer l'exécu<br />

tion; élaboration des questions devant être soumises à la com<br />

mission consultative,<br />

préparation des renseignements à donner<br />

à la commmission pour lui permettre de prononcer avec con<br />

naissance de cause ;plus tous les autres détails moins importants.<br />

mais cependant indispensables du service journalier » (1).<br />

Et nous pouvons ajouter que l'énumération est incomplète<br />

ne serait-ce qu'en omettant tout ce qui concerne l'enseigne<br />

ment et la religion dont s'occupèrent sans cesse les officiers des<br />

Affaires arabes. Telle qu'elle est cependant,<br />

elle suffit à donner<br />

une idée de ce que fut l'activité des Richard, Moullé, Margue<br />

rite, Salignac-Fénelon, Lapasset, Capifali...,à la fois hom<br />

mes de guerre, diplomates, administrateurs, directeurs de tra<br />

vaux publics, inspecteurs des contributions, conseillers agrico<br />

le i„fl« et'c L'un des officiers les plus distingués ayant<br />

servi dans l'administration des Indigènes, Azema de Montgra-<br />

vier, a pu dire<br />

que jamais maître Jacques au service d'Harpa-<br />

rm trouvera encore, sous des formes diverses, le tableau des attriliés<br />

bureaux arabes dans Daumas (4) 74-80 ; Ideville (69) III, 242butions<br />

a<br />

gl2 .<br />

eirculaire du 21 mars 1867 (140) 19-23 ; Warnier<br />

?115J<br />

«S»! Cottenest (3) 89-91.


■18-<br />

gon ne remplit des fonctions plus variées (1). Aussi<br />

on trouver dans l'action des Bureaux arabes la matière de<br />

plusieurs études.<br />

Limites du Sujet<br />

Nous avons strfctement limité l'objet de la nôtre à l'in<br />

fluence que les Bureaux arabes ont pu exercer sur l'évolution<br />

des genres de vie indigènes. D'autres, avant nous, ont signalé<br />

cette influence (2), mais sans jamais beaucoup y insister, sans<br />

donner de grandes précisions et surtout sans faire état des<br />

documents les plus propres à nous<br />

renseigner : les archives<br />

des différents cercles et subdivisions que l'on trouve partie<br />

à Paris (les plus anciennes), partie à Alger (les plus récentes,<br />

postérieures à 1856). D'où notre désir de combler une lacune.<br />

Une première difficulté est la délimitation exacte de notre<br />

champ d'investigation.<br />

Dans l'espace nous nous sommes tenus aux subdivisions<br />

d'Orléansville et de Miliana (3)<br />

parce que nous avons pu<br />

rassembler pour ces territoires tous les documents nécessaires<br />

à une analyse approfondie et parce que aussi il s'agit là d'un<br />

ensemble régional présentant, d'une part, une certaine unité<br />

et, d'autre part, une variété propre à en faire comme le résumé<br />

de toutes les conditions géographiques rencontrées dans le Tell<br />

algérien.<br />

Peu importe d'ailleurs la délimitation précise : il serait<br />

vain de suivre une limite administrative que la volonté du<br />

législateur a modifié plus d'une fois. Disons simplement que<br />

(1) Azéma de Montgravier (1) 13.<br />

(2) En particulier Démontés (49) et Tinthoin (183).<br />

(3) Miliana et Orléansville n'eurent d'abord que des commandants supé<br />

rieurs. Miliana devint subdivision en 1848 et Orléansville en 1858. En 1871,<br />

les deux subdivisions furent fondues en une seule dénommée subdivision<br />

d'Orléansville, mais dont le siège fut à Miliana jusqu'en 1876. D'après Peyronnet<br />

(87) I, 773.


C.KMmis<br />

r.n.<br />

V<br />

Msfes<br />

%m<br />

\<br />

j A»J.A<br />

Çrogmi «t'enjeiw bte de la oi'«n etudréc- au 'Aoq.oqo<br />

^Sn,-&nvûCe. C+_+.t-+^ £&t -&ti&££ù- d'aAvto umJL- ceuiAx. au-<br />

Vlao.aoo"'<br />

du. qen4ta£ 5^M*W ■<br />

el& 4a, Saowmi 4/Jltqto. -kuM&e e*. 4îCo4vu, t/uUe.<br />

Jfb*M a*m& *n*Cûi*u-


— — 19<br />

notre région englobe, dans la province d'Alger, le massif mon<br />

tagneux<br />

s'<br />

étirant du Cap Kramis au Chenoua, la plaine du<br />

Chélif, le massif de l'Ouarsenis et les Hautes Plaines du Ser-<br />

sou (1). Entre ces diverses individualités géographiques le<br />

Chélif et ses affluents tissent des liens parfois ténus, mais tou<br />

jours visibles. Au total, c'est moins d'un sixième de l'Algérie<br />

au nord de l'Atlas saharien, mais, de la lecture de documents<br />

concernant d'autres régions, nous croyons pouvoir affirmer<br />

qu'il est possible d'étendre nos conclusions au Tell algérien<br />

tout entier.<br />

Dans le temps il est assez facile d'assigner une origine à<br />

l'œuvre des Bureaux arabes : l'époque de la conquête et de la<br />

pacification. Si l'on veut une date assez précise et uniforme,<br />

on peut opter pour l'automne 1846 marquant la fin de l'insur<br />

rection de Bou-Maza qui avait ruiné un grand nombre de tribus<br />

et anéanti l'œuvre de transformation à peine entreprise (2).<br />

Mais il est beaucoup<br />

plus délicat de fixer le terme de<br />

notre étude. Dans l'Ouest du Tell algérois, l'administration<br />

militaire a subsisté longtemps après l'avènement de la Troisiè<br />

me Bépublique. C'est seulement en 1875 que le général com<br />

mandant la subdivision de Miliana cesse de traiter les affai<br />

res indigènes et il faut attendre 1880 pour que la subdivision<br />

d'Orléansville (englobant alors les anciennes subdivisions de<br />

Miliana et d'Orléansville) ne comprenne plus de territoires<br />

administrés militairement (3). C'est cependant pour la date<br />

de 1870 que nous opterons, sans lui attribuer toutefois une<br />

valeur absolue.<br />

Aux yeux des Indigènes « le bureau arabe est resté la<br />

caractéristique de toute la période qui va du départ des fils<br />

du Boi jusqu'à la grande crise de 1870-1871 » (4). Après<br />

(1) Voir la carte ci-jointe donnant les limites pour l'année 1860.<br />

(2) La reddition de Bou-Maza entre les mains de Saint-Arnaud est du<br />

13 avril 1847, mais le calme était revenu dès 1846. Les mouvements ultérieurs,<br />

chez les Béni-Zoug-Zoug par exemple en 1848 et 1851, restèrent circonscrits<br />

et sans grande importance.<br />

(3)<br />

Peyronnet (87) I 43 et II 773.<br />

(4) Rinn (26) livre X, chapitre 1.


— — 20<br />

l'effondrement de l'Empire, les Bureaux<br />

arabes peuvent sub<br />

sister , ils n'occupent plus le premier plan et c'est en vain qu'ils<br />

essayeront de s'opposer à la désagrégation du<br />

territoire mili<br />

taire (1). Détestés par les Français d'Algérie qui leur repro<br />

chaient, souvent avec raison, d'entraver l'œuvre de la coloni<br />

sation, honnis par les libéraux pour lesquels ils représentaient<br />

Je régime du sabre, ils se virent accuser<br />

tiquer une politique « antinationale » et leur<br />

officiellement de pra<br />

puissance fut<br />

considérablement amoindrie par plusieurs décrets pris sous<br />

l'influence de Crémieux,<br />

ministre de la Justice. Une partie du<br />

territoire militaire passa directement sous l'autorité civile.<br />

La nomination des commandants supérieurs,<br />

mais administrateurs, fut subordonnée à<br />

dénommés désor<br />

l'approbation du<br />

Commissaire extraordinaire et les officiers des Bureaux arabes<br />

se trouvèrent ramenés à un rôle<br />

administratif subalterne. Les<br />

préfets eurent la haute main sur tous les fonctionnaires du<br />

départements y compris les militaires (2).<br />

L'opinion publique fit chorus. Le massacre de l'Oued<br />

Mahouine et le jugement du capitaine Trinquant,<br />

se suivant<br />

à quelques mois, avaient fait renaître l'ambiance hostile qui,<br />

une quinzaine d'années auparavant,<br />

de l'affaire Doineau. Les civils,<br />

avait entouré les débats<br />

exaspérés par la crainte de<br />

révoltes, insultaient les officiers et leur reprochaient l'insur<br />

rection de 1870. Le procès des Bureaux arabes devant le jury<br />

en 1871, et l'acquittement des journaux accusateurs, frappè<br />

rent de mort l'institution de Bugeaud déjà bien accablée de-<br />

(1) Dans leurs rapports les officiers des Bureaux arabes s'attacheront à<br />

montrer que, dans les tribus réunies au territoire civil, les impôts ne rentrent<br />

plus régulièrement, la fréquentation scolaire est mauvaise, les Indigènes re<br />

fusent de remplir leurs silos de prévoyance, les crimes et délits se multiplient,<br />

bref il y<br />

règne une espèce d'anarchie ». Et cette tendance à la désobéis<br />

sance se ferait sentir dès que les tribus sont prévenues de leur prochain pas<br />

sage en territoire civil (en particulier : G. Orléansville, juillet à novembre<br />

1872, février 1873, octobre 1878 ; Ténès 2"" T. 1872).<br />

(2) Il s'agit notamment du décret du 24 octobre 1870, des deux décrets<br />

du 2A décembre 1870, des décrets du 30 décembre 1870, 1" janvier 1871 et 6<br />

février 1871. On les trouvera dans Menerville (140).


— 21 —<br />

puis la famine de 1867-1868 (1). Officiellement Crémieux dé<br />

clara qu'il fallait donner « une satisfaction complète à l'opi<br />

nion publique ». Aussi la colonisation passa au premier plan<br />

des préoccupations gouvernementales reléguant dans l'oubli<br />

l'idée impériale du Royaume arabe, si favorable à l'adminis<br />

tration militaire.<br />

De plus, il est incontestable que, dans les dernières années<br />

de l'Empire, les Bureaux arabes changent de caractère, d'es<br />

prit même. L'affaire Doineau, en 1856, les avait mis un moment<br />

à l'index, mais ils n'avaient pas perdu pour autant leur dyna-<br />

(1) Le capitaine DOINEAU, chef du bureau arabe de Tlemcen, fut accu<br />

sé d'être l'instigateur de l'assassinat de l'agha des Béni-Abdallah, en sep<br />

tembre 1856. Traduit devant la Cour d'Assises d'Oran, il fut condamné h<br />

mort en août 1857, mais bénéficia d'une commutation de peine, puis fut gra<br />

cié en novembre 1859. L'affaire eut un retentissement énorme et, avec la<br />

plaidoirie de Jules Favre, défenseur d'un des accusés indigènes, elle apparut<br />

comme le procès des Bureaux arabes. La condamnation de Doineau ébranla<br />

un moment l'institution : des officiers abandonnèrent les affaires indigènes<br />

et le recrutement devint d'autant plus difficile que la culpabilité de Doineau<br />

ne paraissait pas évidente ou tout au moins pas aussi entière qu'on voulut<br />

bien le dire. Mais la crise fut passagère. Voir surtout (47) et (123).<br />

LE MASSACRE DE L'OUED MAHOUINE eut lieu en avril 1869 et le<br />

procès un an après. Une caravane de sujets de la Régence de Tunis, ayant<br />

liberté de commerce sur notre territoire, avait été attaquée à main armée<br />

par le caïd des Brarchas et les cavaliers des goums, alors qu'elle revenait de<br />

Tébessa sur Gafsa ; 27 personnes sur les 35 du convoi avaient péri. Le com<br />

mandant du cercle de Tébessa. Edouard Sériziat, ancien chef du bureau<br />

arabe d'Orléansville, fut accusé d'avoir donné les instructions pour commet<br />

tre l'attaque. Il ne fut pas informé contre le chef du bureau arabe de Tébes<br />

sa, le général commandant la division militaire de Constantine ayant estimé<br />

que les faits reprochés « ne consisteraient que dans l'exécution des ordres<br />

qu'il pourrait avoir reçu de son chef immédiat, le commandant supérieur de<br />

Tébessa ». Le procès se termina d'ailleurs, au conseil de guerre, par un ac<br />

quittement général, mais l'opinion publique n'en condamna pas moins le gou<br />

vernement militaire. Voir (124).<br />

L'AFFAIRE DU CAPITAINE TRINQUANT est d'avril 1871. Adjoint de<br />

1" classe au bureau arabe de Sétif, le capitaine Trinquant avait reçu l'ordre<br />

d'aller s'installer à Aïn-Tagrout pour assurer le service de la correspondance<br />

entre Sétif et la colonne opérant dans la Medjana. On l'accusa d'avoir laissé<br />

tomber entre les mains des indigènes révoltés un convoi de vivres dont il<br />

avait la garde et qu'il devait transporter à Sétif. Le conseil de guerre de<br />

Constantine acquitta Trinquant dont le procès semble avoir été déterminé<br />

surtout par une campagne de presse. Voir (125).<br />

En 1871, quatre journaux (le Moniteur de l'Algérie, le Tell, l'Akhbar et<br />

l'Algérie française) furent attaqués en diffamation par le général Wolf, com<br />

mandant la division d'Alger pour avoir reproduit un article de VEvening<br />

Standard accusant les Bureaux arabes de maintenir « leur influence perni<br />

cieuse au moyen d'un système de vol organisé et au moyen des insurrections<br />

qu'ils amènent habilement... Le procès des BUREAUX ARABES DEVANT<br />

LE JURY passionna l'opinion et se termina par un verdict d'acquittement.<br />

Voir (126).


— 22-<br />

misme comme nous le constaterons au cours de cette étude.<br />

Par contre, à la fin de l'Empire et plus encore au début de la<br />

Troisième Mac-Mahon du<br />

République, alors que la circulaire<br />

21 mars 1867 venait d'en préciser l'organisation, les Bureaux<br />

arabes semblent ne plus avoir foi en leur<br />

destinée. Soit que<br />

l'extension du territoire civil ait fait comprendre à leurs offi<br />

ciers que, dans le Tell, l'heure des militaires était passée, soit<br />

que les échecs et les critiques aient rebuté un<br />

la qualité n'était peut-être plus la même, il est<br />

lecture de rapports devenus parfois très courts et<br />

personnel dont<br />

certain qu'à la<br />

souvent très<br />

superficiels (1), on retire l'impression d'un organisme qui s'est<br />

figé. Même lorsque l'activité reste assez comme dans<br />

grande,<br />

le cercle d'Orléansville, il s'agit surtout d'une activité admi<br />

nistrative et on ne retrouve plus la volonté de faire progresser<br />

l'économie indigène. Aussi n'est-ce pas sans raison que les Indi<br />

gènes ont distingué les bureaux arabes<br />

mekraznya ou de gou<br />

vernement des bureaux arabes hekkam ou d'administration<br />

qui succédèrent aux premiers (2).<br />

Dès les années qui précèdent la guerre de 1870, et surtout<br />

dans celles qui la suivent, le bureau arabe semble être devenu<br />

plutôt un organe d'information que de transformation. Plus de<br />

suggestions personnelles comme celles que l'on relevait sous<br />

la plume d'un Richard, d'un Lapasset ou d'un Margueritte,<br />

mais le ton grisaille cher au fonctionnaire soucieux avant tout<br />

d'éviter les nouveautés, sources d'ennuis. Aux espoirs, souvent<br />

injustifiés, mais propres à la jeunesse,<br />

succèdent la noncha<br />

lance et parfos le découragement d'une administration qui a<br />

déjà trop vécu. Pas de progrès à espérer de l'agriculture indi<br />

gène, pas de modifications à apporter, pas même d'encourage<br />

ments à envisager, tout est parfait quand les Indigènes, pré-<br />

Ci ) Trois ou quatre pages d'une grosse écriture bien appliquée de bureau<br />

crate au lieu des dix ou douze pages d'une calligraphie moins soignée, mais<br />

riches de pensée. On peut comparer par exemple les rapports de Richard à<br />

Orléansville et ceux de ses successeurs de 1877-1880.<br />

(2) Rinn (25) 19-21. Suivant Rirai, les Indigènes appellent « époque des<br />

bureaux arabes » celle qui va de la Révolution de février 1848 à la Révolu<br />

tion du 4 septembre 1870 avec une coupure en 1858 marquée par le départ<br />

de Randon : avant ce sont les Bureaux Arabes Mekraznya qui exercent une<br />

véritable action gouvernementale, pacifient et organisent le pays ; après<br />

c'est l'époque des Bureaux Arabes hekkam qui se contentent d'administrer<br />

« suivant les règles étroites imposées par la métropole ».


— 23-<br />

venus qu'ils doivent payer Vachour (l'impôt sur les récoltes),<br />

ne font aucune demande en dégrèvement (1). A la philosophie<br />

de l'action s'est substituée celle de l'inertie.<br />

Aussi, dès 1870, alors que les Bureaux arabes commencent<br />

seulement à disparaître des régions du Tell, on peut considérer<br />

que leur temps est révolu. Et ainsi se trouve sommairement<br />

fixé le cadre historique de notre étude dont nous avons déli<br />

mité antérieurement le cadre géographique.<br />

(1) G. Cherchel 2« et 3« T. 1872 ; Orléansville 1" T. 1876 ; Téniet-el-<br />

Had 3" T. 1874. L'absence d'initiative se traduit par exemple dans le fait<br />

que, à une ou deux années d'intervalle, les rapports se recopient les uns les<br />

autres,<br />

totalement ou en grande partie, surtout dans les dernières années,<br />

au début de la 3» République.


CHAPITRE I<br />

Le Pays<br />

et les Genres de vie indigènes<br />

au moment de la Conquête


Pour apprécier l'action des Bureaux arabes sur les genres<br />

de vie indigènes il faut nécessairement, au départ, avoir présent<br />

à l'esprit l'état de la contrée vers 1845, alors que les colonnes<br />

de Bugeaud en achèvent la prise de possession. Double évoca<br />

tion : le pays et surtout les hommes et leurs activités. Comment<br />

l'Indigène s'était-il adapté au cadre imposé par la nature ? Voilà<br />

la question à laquelle on doit répondre avant de rechercher<br />

quelles adaptatons nouvelles, considérées comme progressistes,<br />

ont désiré implanter les Bureaux arabes et dans quelle mesure<br />

ils ont réussi.


— — A<br />

LE PAYS<br />

La carte, même la plus sommaire,<br />

oppose deux types de<br />

régions : les pays montagneux et les pays de plaines,<br />

les uns et les autres alternant. Le bombement du Dahra, sensu<br />

lato (1), et celui de l'Ouarsenis isolent la dépression chélifienne<br />

et les hautes plaines du Sersou. Quatre compartiments au total :<br />

Dahra, Chélif, Ouarsenis, Sersou,<br />

que l'on peut rapprocher deux<br />

à deux, quitte à souligner les différences en même temps que les<br />

similitudes de ces deux pâtés de montagnes et de ces deux<br />

étendues de plaines.<br />

Dahra.<br />

I. —<br />

LES PAYS DE MONTAGNES<br />

Dahra et Ouarsenis couvrent les quatre cinquièmes de la<br />

région étudiée et lui donnent ses caractères majeurs : pays<br />

rude, difficile et cela malgré des altitudes relativement faibles,<br />

surtout pour le Dahra.<br />

Ce « dos » montagneux entre la mer et le Chélif déploie<br />

des bombements dépassant rarement 500 mètres et dominés<br />

très exceptionnellement par des croupes d'un millier de mètres.<br />

Sauf le Djebel Bissa,<br />

aucun point n'atteint 1.100 mètres jus<br />

qu'à l'oued Damous. Mais vers l'Est, les massifs plus élevés<br />

sont fréquents et dans cette région qui, à proprement parler,<br />

(1) Le terme de Darha ne doit pas être étendu au delà de l'Oued Da<br />

mous. Ici cependant, faute d'une autre dénomination, nous l'employons pour<br />

désigner toute la région montagneux au nord du Chélif. Les reliefs qui s'al<br />

longent à l'E. de l'Oued Damous sont parfois appelés Monts de Miliana, ex<br />

pression qui convient assez mal vu la position de Miliana. Nous proposerions<br />

de la remplacer par celle de Monts des Béni-Menasser, ces Indigènes occu<br />

pant toute la région comprise entre Cherchel et Miliana (douars-communes<br />

d'El Gourine, Sidi-Slimane, Zaccar et Bou-Mad, carte à la fin de l'ouvrage).


— — 38<br />

n'est plus le Dahra, les chaînons abrupts aux<br />

formes acciden<br />

tées courent d'Ouest en Est : celui du Djebel Bou Maad, parti<br />

culièrement bien marqué, culmine à 1.415 mètres. Si l'on excepte<br />

la vallée de l'Oued Damous et celle de l'Oued el Hachem pré<br />

sentant une petite plaine alluviale dans leur cours inférieur, les<br />

oueds s'enfoncent dans des ravins qui creusent autant d'obsta<br />

cles à la circulation.Et, accentuant encore le caractère tourmenté<br />

de ce pays, les deux Zaccars, Rarbi et Chergui, profondément<br />

déchiquetés, dressent leurs sommets<br />

1.500 mètres.<br />

calcaires au-dessus de<br />

Au Nord, c'est le pays des Beni-Menasser : montagnes<br />

ardues, hachées de sentiers taillés dans des rocs escarpés où<br />

se rencontraient nombre de sangliers labourant de leur hure<br />

les champs des malheureux^^Ttivàteurs et que des battues<br />

monstres détruiront par 30 ou 40 à la fois (1). Avant l'arrivée<br />

des soldats de Changarnier ni les Turcs, ni Abd-El-Kader<br />

n'avaient osé pénétrer dans ces repaires où les montagnards<br />

belliqueux étaient une menace constante au-dessus de la<br />

Mitidja (2).<br />

Les routes ont traversé difficilement le pays et encore au<br />

jourd'hui les deux artères principales sont à la périphérie, l'une<br />

longeant la côte et l'autre la vallée du Chélif. Dans le sens nord-<br />

sud, pour des raisons stratégiques et économiques, la voie Orléansville-Ténès<br />

s'ouvrit rapidement, dès 1843, sous la pioche des<br />

soldats-terrassiers, mais elle resta seule : malgré les demandes<br />

réitérées des officiers des Bureaux arabes qui voulaient<br />

faire de Cherchel le port de la vallée orientale du Chélif, la<br />

route directe Duperré-Cherchel (3), toujours en projet, ne fut<br />

jamais menée à bien; et de nos jours il n'existe pas de vérita<br />

ble route entre Carnot ou Littré et la mer (4).<br />

Les sols favorables à l'agriculture couvrent peu d'étendue.<br />

La carte géologique montre la prédominance des terrains cré-<br />

(1) N. 469, 1850, Cherchel, février G. Cherche» 4» T. 1861. On y trou<br />

vait aussi quelques lions.<br />

(2) G. 2 EE2, : lettres de Bugeaud au Ministre de la Guerre le 13-6-1842.<br />

(3) Avant la création de Duperré, c'était le pont d'El Kantara qui de<br />

vait en être l'aboutissement.<br />

(4) Outre la voie Orléansville-Ténès, le seul chemin départemental ache<br />

vé unit Affreville à Cherchel par Miliana et Zurich.


— 29 —<br />

tacés dans la partie orientale, au delà de l'Oued Damous, tandis<br />

que les assises miocènes, localisées au nord et au sud clans les<br />

monts de Miliana, forment l'ossature même du Dahra, de part<br />

et d'autre de la route Ténès-Orléansville.<br />

Les marnes dures du Crétacé,<br />

parfois coupées de bancs<br />

quartziteux, offrent à l'agriculture des conditions précaires et<br />

la végétation naturelle traduit la pauvreté du sol : déjà, à 600<br />

mètres, des croupes entièrement dénudées; au-dessous, des brous<br />

sailles, des chênes-verts, des thuyas, des oléastres avec des chê<br />

nes-lièges sur les grès et des pins d'Alep<br />

plus riche en calcaire (1). Les cultures,<br />

lorsque le terrain est<br />

en particulier celle de<br />

l'orge, ne trouvent des conditions propices que dans les calcai<br />

res marneux du Sénonien, malheureusement assez rares.<br />

Conditions plus variées dans les terrains tertiaires, mais<br />

souvent défavorables. Les marnes du Cartennien (Miocène infé<br />

rieur) presque toujours compactes et mal aérées ne conviennent<br />

guère à la culture indigène. Les calcaires du Miocène moyen<br />

qui dominent la plaine du Chélif ne portent que des bois de<br />

pins clairsemés. Les terres les plus recherchées sont les argiles<br />

de l'Helvétien qui livrent de bonnes moissons quand elles sont<br />

cultivées. On peut y ajouter les marnes bleues du Sahélien<br />

lorsque le gypse ne stérilise pas les terres de cet étage. En<br />

somme un espace réduit pour la vie agricole dans la région<br />

orientale surtout,<br />

encore très délaissée par la colonisation (2).<br />

Et les conditions climatiques ne sont pas ce que l'on pour<br />

rait imaginer. La pluviosité, évidemment aussi capricieuse que<br />

partout ailleurs en Algérie, ne laisse pas au total une grosse<br />

quantité d'eau à l'agriculture (3). La station de Miliana, à 750<br />

mètres, enregistre, il est vrai, 950 millimètres et on estime que<br />

la masse calcaire du Zaccar Rarbi reçoit une moyenne de 900<br />

millimètres (4) dont les deux tiers s'écoulent par les sources<br />

jaillissant plus au sud, au contact des schistes. Mais c'est là<br />

(1) Dalloni (131) 614, 650, 674, 679 ; Peyerimhoff (134) ; Maire (133).<br />

(2) Aucun village en montagne à l'Est de l'Oued Damous jusqu'à la val<br />

lée de l'Oued El Hachem où se rencontrent Marceau (créé en 1881) et Zu<br />

rich (colonie agricole de 1848).<br />

(3) Voir diagrammes, p. 31.<br />

(4) Estimation de Koulomzine (132).


— — 30<br />

un cas privilégié. Déjà dans la même région, à Sidi-Medjahed,<br />

à 905 mètres cependant, le pluviomètre ne donne que 880 milli<br />

mètres. Dans la zone occidentale on trouve des totaux que l'on<br />

peut qualifier d'étonnamment faibles,<br />

comparables à ceux de<br />

la plaine du Chélif: 447 millimètres à Fromentin, à 540 mètres;<br />

372 à Paul Robert, à 464 mètres. Les vents marins abandonnent<br />

une grande partie de leur humidité dès leur contact avec la<br />

côte (Ténès : 545 m/m; Gouraya : 600)<br />

et les altitudes sont en<br />

suite insuffisantes pour déterminer d'abondantes condensations.<br />

S'ajoutant à une condition lithologique souvent défavorable<br />

cela explique que les nappes aquifères ne permettent pas tou<br />

jours les établissements humains. Le niveau le plus important<br />

se présente au contact des grès pliocènes et des marnes bleues,<br />

dans la partie occidentale de notre région (1),<br />

mais à l'Est de<br />

l'Oued Damous, dans l'axe crétacé du Dahra, les sources man<br />

quent parfois presque complètement. On conçoit que les chefs<br />

des bureaux arabes de Ténès et de Cherchel se soient souvent<br />

heurtés à de grandes difficultés dans leurs essais de colonisa<br />

tion indigène.<br />

Ouarsenis.<br />

De la terrasse de Miliana, la masse sombre de l'Ouarsenis<br />

apparaît dans sa grandeur majestueuse, énorme pâté monta<br />

gneux qui se détache sur le bleu très clair d'un ciel du Sud.<br />

Masse imposante par ses dimensions : plus de cent cinquante<br />

kilomètres d'Ouest en Est, entre la Mina et l'Oued Deurdeur (2),<br />

une soixantaine du Nord au Sud, entre la plaine du Chélif et le<br />

Sersou,<br />

avec un rétrécissement dans la partie orientale.<br />

Architecture simple. Dans la région médiane une arête<br />

jalonnée d'émergences plus ou moins dentelées comme le Dje<br />

bel Ech Chaouch (1804 m.), le Djebel Rhilas (1621 m.), le Djebel<br />

el Meddad (1787 m.), et surtout le Kef Sidi Amar dont l'impo<br />

sante pyramide (1985 m.) domine de 800 mètres les reliefs envi<br />

ronnants. Pour les Indigènes c'est « l'Œil du Monde », pour les<br />

(1) C'est la région qui a pu être colonisée : Fromentin, Rabelais, Chasseriau,<br />

etc..<br />

(2) A l'Est de l'Oued Deurdeur, faisant liaison avec les Monts du Titteri,<br />

c'est le Massif des Matmata qui prolonge l'Ouarsenis sans aucune solution<br />

de continuité.


"\fcaiaA.. $83 wi.<br />

JFMAMJJA.SO/YJ)<br />

DIAGRAMMES THERMO-PLUVIOMETRIQUES<br />

\j-&rviet- el- %-ojL. -néo»}.<br />

Ces diagrammes ont été établis avec les chiffres du Climat de l'Algérie de Seltzer.<br />

Le nombre placé à côté du nom de la station indique l'altitude et celui qui est au<br />

bas du diagramme donne le total pluviométriqué annuel. La température est notée<br />

à gauche en degrés centigrades et la pluie à droite en millimètres.


— — 32<br />

soldats de Changarnier, c'était « la Cathédrale » avec une nef<br />

imposante et des clochers latéraux (1). Vers le Nord et le Sud,<br />

au pied de ces silhouettes colossales, les reliefs<br />

descendent avec<br />

des formes monotones de croupes et de plateaux^ haches par<br />

les vallées profondes des Oueds Deurdeur, Rouïna, Fodda, Sly<br />

et tant d'autres qui, dévalant parallèlement vers le Chélif, ren<br />

dent les communications longitudinales précaires sans créer<br />

de véritables axes de vie parce que les fonds,<br />

sains à cause des eaux stagnantes, font fuir les<br />

en général mal<br />

populations ;<br />

celles-ci préfèrent s'établir sur les hauteurs, à mi-pente le plus<br />

souvent.<br />

Ce gros bombement crétacé n'offre pas aux établissements<br />

humains des conditions bien favorables. La masse en est cons<br />

tituée par des formations argileuses ou<br />

marno-schisteuses peu<br />

fertiles. Au pied du massif, les coteaux tertiaires présentent des<br />

aptitudes agricoles toutes différentes,<br />

relativement restreintes.<br />

mais sur des surfaces<br />

Hydrologiquement la situation est parfois meilleure. Des<br />

placages de terrains perméables, des grès notamment, consti<br />

tuent, au-dessus des faciès imperméables du Crétacé, d'impor<br />

tants réservoirs aquifères. D'où,<br />

Had,<br />

clans la région de Téniet-el-<br />

par exemple, des sources nombreuses alimentant les<br />

oueds tributaires du Chélif et qui, jointes aux forêts imposantes,<br />

évoquaient aux soldats de 1842, les paysages montagnards de<br />

France.<br />

Et le climat pouvait contribuer à entretenir l'illusion. La<br />

pluviosité reste médiocre, à peine supérieure à celle du Dahra<br />

(506 millimètres à El Nouadeur, à 850 mètres; 628 à Téniet-el-<br />

Had à 1.160 mètres), mais les hivers ont un cachet de haute mon<br />

tagne. Alors que Miliana compte en moyenne moins de quatre<br />

jours d'enneigement, les stations de l'Ouarsenis dépassent la<br />

vingtaine : 22 à Molière, 27 à Letourneux, 22 à Téniet-el-Hads<br />

avec certaines années des maxima de 30 à 40, et Margueritte,<br />

évoquant son séjour dans la région, parle des « neiges de notre<br />

petite Sibérie » (2). Comment imaginer que dans des conditions<br />

pareilles, on ait pu songer à implanter le coton et cela malgré<br />

(1) La Sra de Sidi Abd Allah, au centre, serait la nef tandis que le Kef<br />

Sidi Amar et le Bel Kheîrat figureraient les clochers.<br />

(2) Margueritte (12) 227.


— — 33<br />

l'antipathie des Indigènes pour cette culture si peu rémuné<br />

ratrice !<br />

Le manteau forestier demeure sans doute l'élément le plus<br />

pittoresque. Chênes-verts sur les terres assez argileuses et pins<br />

d'Alep sur les rochers calcaires beaucoup plus secs, le sol impose<br />

son empreinte, mais moins cependant que l'altitude. Dans les<br />

parties basses, dans les zones où la forêt a été à peu près dé<br />

truite, c'est la brousse habituelle avec lentisques et oliviers. Audessus,<br />

quand le diss (Ampelodesmos tenax) n'envahit pas le<br />

terrain, commence la véritable forêt où domine sans conteste<br />

le pin d'Alep exploité actuellement pour sa résine. A partir de<br />

900 mètres, les chênes prennent de plus en plus d'extension<br />

surtout le chêne-vert et, à un moindre degré, le chêne-liège et<br />

le chêne zéen. Au-dessus de 1.300 mètres, ils s'effacent complè<br />

tement devant le cèdre qui, apparaissant d'abord en bouquets<br />

isolés au milieu des chênes, finit par constituer toute la forêt.<br />

Il ne forme d'ailleurs que des peuplements sporadiques dans<br />

la région de Molière et surtout dans celle de Téniet-el-Had<br />

dénommée pour cette raison Djebel el Meddad, c'est-à-dire « la<br />

Montagne des Cèdres ».<br />

Le temps n'est pas très éloigné où ces forêts abritaient le<br />

gros gibier. Margueritte, chef du bureau arabe de Téniet de<br />

1844 à 1851, a laissé d'émouvants récits de chasses. Selon lui,<br />

c'était la partie de l'Algérie, qui comptait le plus de lions; on en<br />

tuait trois ou quatre en moyenne par année et ils étaient la<br />

terreur des tribus dont ils dévastaient les troupeaux. Les pan<br />

thères ne manquaient pas non plus, attaquant les bestiaux dans<br />

l'enceinte même des douars et il faudra les chasses répétées<br />

des militaires pour faire disparaître ces fléaux devant lesquels<br />

les Indigènes demeuraient le plus souvent désarmés (1).<br />

(1) Margueritte déclare dans son ouvrage p. 14-15 avoir fair un relevé<br />

de la moyenne des bestiaux mangés en onze ans par les lions et panthères<br />

aux Béni-Mahrez, tribu qui ne comptait pas plus de cent tentes. Voici les<br />

chiffres établis par année :<br />

Chevaux, juments ou poulains 3<br />

Bœufs ou vaches 25<br />

Moutons ou brebis 75<br />

En général les Indigènes combattaient peu les fauves. Cependant Mar<br />

gueritte en cite un auquel la notoriété publique accordait 14 lions et 3 pan<br />

thères. On conçoit que certains aient exagéré l'importance des fauves dans<br />

la région. Guyon, en 1843, affirme que lies lions étaient si nombreux dans<br />

cette région qu'une compagnie entière n'avait pas d'autre mission que celle<br />

de les tenir éloignés ! (Examen des 14 propositions de M. le Général Duvivier,<br />

p. 14).


IL —<br />

La plaine du Chélif.<br />

34-<br />

LES PAYS DE PLAINES<br />

Aux reliefs accidentés, variés, voire audacieux et parfois<br />

tapissés d'épaisses frondaisons, la plaine oppose l'implacable<br />

monotonie de son horizontalité et de sa nudité. Sur plus de 130<br />

kilomètres c'est à peine si, en deux points, des rides montagneu<br />

ses l'interrompent et la morcellent en trois sections, affectant<br />

plus ou moins la forme d'anneaux elliptiques. A l'Est, la région<br />

la plus élevée (250-270 mètres), la plaine du Djendel, reçoit le<br />

Chélif qui, après avoir abandonné le massif de l'Ouarsenis,<br />

emprunte un ancien golfe mio-pliocène et adopte la direction<br />

E.-O. qu'il conservera jusqu'à la mer. A l'extrémité occidentale<br />

de cette plaine, le massif schisteux et calcaire du Doui dont les<br />

flancs ravinés sont souvent dépourvus de végétation, acquiert<br />

un aspect imposant par suite de son isolement. Ayant franchi<br />

l'obstacle au nord, le fleuve aborde la plaine des Attafs, sensi<br />

blement moins large et un peu plus accidentée. Les collines des<br />

Béni-Rached ou des Ouled-Abbès la ferme au nord-ouest<br />

d'Oued-Fodda et, c'est après un parcours encaissé dans les grès<br />

et sables du Pliocène que le Chélif parvient dans la plaine d'Or<br />

léansville dont l'altitude dépasse à peine 100 mètres et qui ter<br />

mine le chapelet des plaines algéroises.<br />

Les matériaux alluvionnaires qui ont achevé le remblaie<br />

ment du golfe pliocène donnent au paysage ses notes essentiel<br />

les. Les alluvions les plus récentes, de teinte grise, tracent une<br />

longue traînée de part et d'autre du Chélif, dans la zone mé<br />

diane de la plaine. Elles reposent sur les alluvions plus ancien<br />

nes dont la couleur rougeâtre borde les deux côtés de la plaine<br />

et grimpe sur les coteaux qui précèdent les abrupts montagneux.<br />

Le Chélif, profondément encaissé au pied de berges verticales,<br />

ne s'aperçoit que des hauteurs; il coule sur des terrains vaseux,<br />

entre des tamaris vigoureux, réduit à peu de chose en été, mais<br />

roulant des flots jaunâtres imposants dès que commence la<br />

saison des pluies.


— — 35<br />

Paysage triste encore aujourd'hui, mais bien plus il y a<br />

un siècle. Comme végétation, des scilles maritimes, des aspho<br />

dèles, quelques graminées et surtout les branches grisâtres de<br />

grêles jujubiers et les rudes éventails des palmiers nains. Plaine<br />

sombre en hiver, sans maisons, sans arbres, sans verdure. En<br />

été le scintillement d'un air surchauffé par un soleil accablant,<br />

une « chaleur torréfiante » (1),<br />

une atmosphère irrespirable.<br />

Par contre, un printemps splendide pendant lequel le sol<br />

s'émaille de fleurs et se couvre de verdure, tandis que grues,<br />

canards sauvages, vanneaux et bécassines font leur apparition.<br />

C'est à cette époque de l'année, en mai 1842, que, pour la pre<br />

mière fois, Bugeaud traversa la plaine d'Ouest en Est et il fut<br />

séduit : il l'estime « cent fois préférable à la plaine de la<br />

Mitidja» et il affirme que, cultivée par des Européens, elle serait<br />

alors comparable « aux plus belles parties de nos vallées de la<br />

Loire, de la Garonne ou de la Seine », elle deviendrait en « un<br />

demi-siècle, un des plus beaux pays du monde » (2).<br />

Les conditions naturelles sont-elles donc ici si favorables<br />

par rapport à celles du Dahra et de l'Ouarsenis ? La réponse<br />

doit être nuancée.<br />

Les ruines romaines qui jalonnent la plaine entre Malliana<br />

(Affreville) et Castellum Tingitanum (Orléanville) apportent un<br />

témoignage de poids en faveur de la richesse de la plaine. Il<br />

faut, d'autre part,<br />

en ce qui concerne la plaine du Chélif tout<br />

au moins, abandonner le traditionnel diptyque opposant, au<br />

moment de la conquête, des massifs montagneux relativement<br />

surpeuplés à des plaines abandonnées par suite de l'insécurité.<br />

La plaine du Chélif comptait parmi les régions à population<br />

nombreuse et nous pourrions en appeler encore au témoignage<br />

de Bugeaud (3).<br />

Ce qui reste vrai, c'est qu'il s'agissait d'une agriculture<br />

pleine d'aléas. Le sol peut être profond et riche en éléments<br />

fertilisants, le climat fait peser sur la récolte une menace per<br />

pétuelle,<br />

non seulement parce que la quantité totale d'eau<br />

(1) L'expression est dans le rapport du bureau arabe d'Orléansville de<br />

juillet 1862 (Archives G.).<br />

-<br />

(2) G. 2 EE2 lettre du 13-6-1842 au Ministre de la Guerre.<br />

(3) Par exemple dans ses lettres au Ministre de la Guerre du 13 juin<br />

1842 et du 25 janvier 1843 (G. 2 EE 2, 2 EE 3).


— — 36<br />

tombée annuellement reste faible (400 millimètres à Orléans-<br />

ville),, mais surout parce que l'humidité peut manquer aux<br />

périodes les plus décisives,<br />

en octobre-novembre ou en mars-<br />

avril. Jusqu'au dernier moment, la récolte n'est jamais assurée<br />

et voici, par exemple, ce qu'écrivait fin avril 1873, le Comman<br />

dant Supérieur du Cercle d'Orléansville : « On ne peut encore<br />

définir sérieusement la situation agricole. Tantôt elle est très<br />

compromise par suite de la sécheresse, tantôt elle se relève<br />

après quelques heures de pluie. La sécheresse et les vents du<br />

Sud qui ont régné du 1"<br />

au 24 avril avaient, au dire des Euro<br />

péens et des Indigènes, presque détruit les récoltes; la pluie est<br />

arrivée le 25, a continué le 26 et voilà l'espoir qui renaît par<br />

tout. Quel sera l'effet réel de ces dernières pluies ? nous l'igno<br />

rons; aussi pensons-nous sage de nous abstenir d'émettre au<br />

jourd'hui un avis favorable ou défavorable ». (1).<br />

L'eau, il est vrai, ne manque pas dans la région : si on ne<br />

rencontre que rarement des eaux artésiennes, les nappes phréa<br />

tiques peuvent être atteintes par des sondages peu profonds<br />

et, à quelques dizaines de mètres des champs desséchés, le<br />

Chélif roule annuellement à la mer plus de 500 millions de<br />

mètres cubes d'eau. Des énergies sommeillent et il appartient<br />

à l'homme de les libérer, mais cela suppose des moyens d'action<br />

et une technique que l'on possède seulement aujourd'hui et<br />

auxquels ne pouvaient songer, il y a un siècle, ni les Indigènes,<br />

ni les officiers des Bureaux arabes.<br />

Le Sersou.<br />

Avec le Sersou nous abordons une contrée d'un type très<br />

particulier. On admet communément que la limite méridionale<br />

du Tell longe le versant méridional de l'Ouarsenis, courant de<br />

Tiaret à Boghari et rejetant par conséquent, dans la zone pré<br />

désertique, tous les pays du Nahr-Ouassel qu'englobe la région<br />

que nous étudions. Et cependant l'on peut encore considérer<br />

(1) Archives G., série I.


— — 37<br />

comme tellienne cette fraction du « Petit Sahara » qui s'allonge<br />

entre Tïaret et le Kef er Rebiba (1).<br />

C'est d'abord une question de climat. Entre le Sersou occi<br />

dental et la mer, les hauteurs dépassent rarement 1.000 mètres<br />

et les vents du N. O. qui atteignent les Hautes Plaines, par le<br />

couloir de la Mina notamment, restent encore suffisamment plu<br />

vieux} : 429 millimètres à Vialar, 443 à Bourbaki et 455 à Bur-<br />

deau (sans parler des 622 millimètres de Tiaret, un peu en<br />

dehors de nos limites), voilà qui suffirait à nombre de colons<br />

de la plaine du Chélif. Mais dès qu'on s'éloigne vers l'Est ou le<br />

Sud-Est, la pluviosité se raréfie : 319 millimètres à Réchaïga,<br />

291 à Reibell, 250 à Aïn-Oussera. Les Hautes Plaines du Nahr<br />

Ouassel supérieur constituent donc une zone privilégiée d'éten<br />

due limitée, collectant à la fois les eaux du Nord, descendues<br />

de l'Ouarsenis, et aussi celles du Sud lui arrivant par la voie<br />

des oueds souterrains.<br />

Et la végétation en confirme l'originalité : au lieu de la<br />

steppe d'alfa et d'armoises qui, plus au sud, domine à peu près<br />

sans mélange, la carte phytogéographique (2) mentionne ici<br />

une zone se rétrécissant d'ouest en est, de Tiaret à Boghari et<br />

caractérisée par la formation du zizyphus lotus, autrement dit<br />

la brousse à jujubiers; et ainsi cette partie du Sersou s'appa<br />

rente aux plaines de Sidi-Bel-Abbès, Mascara, Orléansville et<br />

Affreville. Là existaient, il y a un siècle, d'extraordinaires terri<br />

toires de chasse : le Canardville et le Lapinbourg de Margue<br />

ritte que fréquentèrent Bugeaud, Pélissier, Bosquet, Rivet,<br />

Yousouf (3).<br />

Situation particulièrement favorable aussi au point de vue<br />

hydrologique. Ici l'évaporation est intense, 8 millimètres par<br />

jour pendant les six mois d'été; pour qu'une nappe aquifère<br />

importante se constitue, il faut donc une roche particulièrement<br />

favorable et un vaste impluvium. Ces conditions se trouvent<br />

(1) L'idée n'est pas nouvelle. Pour Carette et Warnier (en 1846) la li<br />

mite suivait la rive droite du Nahr-Ouassel et le décret du 20 février 1873 la<br />

fixait à 30 km. plus au sud, englobant par conséquent toute la région qui nous<br />

intéresse : Bernard et Lacroix (170) 14-17.<br />

(2) De R. Maire (133).<br />

(3) Margueritte (12) 221-253.


— — 38<br />

réalisées à deux reprises au moins. Plus au sud d'abord, dans<br />

la région du Djebel Nador, les calcaires du Jurassique supérieur<br />

et du Crétacé forment au-dessus des argiles<br />

important niveau de sources dont les eaux<br />

oxfordiennes un<br />

s'écoulent vers le<br />

Sersou par de grandes artères, en particulier l'Oued Souf Sellem,<br />

au nom évocateur (« La rivière qui se cache ») dont le lit<br />

alimente toute une série de puits allant chercher leur eau à<br />

10 ou 15 mètres de profondeur. Mais le niveau<br />

région de Vialar, Taine, Bourbaki,<br />

essentiel pour la<br />

c'est celui qui se rencontre<br />

au contact du soubassement argilo-marneux de l'Eocène et des<br />

grès du Cartennien, lesquels s'étendent sur des surfaces considé<br />

rables avec une perméabilité accrue par la présence de nom<br />

breuses fissures. Les conditions sont moins bonnes dans le Ser<br />

sou oriental où la nappe se morcelle tandis qu'à l'ouest, dans<br />

la région de Tiaret, les grès du Vindobonien au-dessus des argi<br />

les helvétiennes engendrent des sources de première impor<br />

tance (1). Si on se rappelle la différence climatique signalée<br />

plus haut, on voit qu'à bien des égards on peut distinguer deux<br />

Sersous.<br />

Il n'est pas jusqu'au sol qui ne favorise les pays du Nahr<br />

Ouassel. Les affleurements argileux de l'Eocène donnent des<br />

terres fortes et fraîches, riches en phosphates, se couvrant d'ar<br />

tichauts sauvages ou de graminées et qui, bien travaillées, four<br />

nissent de bonnes récoltes. En Oranie sur les sols du Sénonien<br />

et du Miocène, s'est constituée une terre végétale rouge ou noire<br />

formant un sol épais et riche. Le calcaire pliocène qui se déve<br />

loppe sur une grande partie du Sersou présente, en surface,<br />

une pellicule de terre végétale dont on a expliqué l'existence<br />

par des apports éoliens déposés ici au contact des régions humi<br />

des; ce sont des sols légers et peu profonds que l'on a été jusqu'à<br />

comparer aux meilleures terres de la Beauce (2). Aussi la colo<br />

nisation européenne s'engagea avec de grands espoirs à la con<br />

quête de ces régions.<br />

Mais les déceptions vinrent vite. En effet, si les conditions<br />

que nous venons d'exposer permettent de classer les pays du<br />

(1) Voir la carte géologique de l'Algérie au 1/500.000", feuille Alger. Pour<br />

l'hydrologie et l'agrogéologie nous renvoyons à Dalloni (131).<br />

(2) Berthault cité dans Dalloni (131) 727.


39<br />

Nahr Ouassel supérieur dans le Tell, il ne faut pas oublier que<br />

nous sommes ici à la limite extrême des terres cultivables sans<br />

irrigation, sur un front géographique pourrait-on dire. D'une<br />

année à l'autre les conditions prédésertiques sont susceptibles<br />

de reprendre le dessus et, la sécheresse régnant, le sol ne rend<br />

même pas la semence. De plus la couche de terre végétale reste<br />

le plus souvent trop mince pour assurer de bons rendements,<br />

surtout dans le Sersou Oriental. Il faut compter aussi avec la<br />

carapace qui se forme sur le sol des pays arides; épaisse de<br />

deux à trente centimètres, elle est si dure que, dans l'Est en<br />

particulier, elle a fourni de véritables dalles pour la construc<br />

tion des fermes. Tout cela explique évidemment les aptitudes<br />

médiocres de bien des sols. Nous comprenons pourquoi l'action<br />

des Bureaux arabes fut ici de peu d'importance et pourquoi il<br />

a fallu attendre jusqu'au début du vingtième siècle pour que<br />

le Sersou ne soit pas exclusivement « le pays du mouton ».<br />

Région difficile, sol médiocre, climat hostile, eau peu abon<br />

dante, voilà ce que nous avons répété au cours de ces premières<br />

pages, et, au terme de notre panorama, nous restons sur l'impres<br />

sion que, des quatre régions constituant l'Ouest du Tell algé<br />

rois, aucune ne s'offrait comme un champ particulièrement<br />

favorable aux expériences agricoles.


B —<br />

GENRES DEVIE DES INDIGÈNES<br />

Comparant les genres de vie des Indigènes avec celui qu'ils<br />

connaissaient des campagnes de France , les officiers des<br />

Bureaux arabes furent surtout frappés par deux différences<br />

essentielles : d'une part, le caractère mouvant, instable de la<br />

vie indigène où gens, bêtes et cultures semblaient ne pouvoir<br />

se fixer nulle part de manière permanente; d'autre part, les<br />

formes très primitives de l'économie résultant d'une adaptation<br />

élémentaire à un milieu hostile que l'homme s'avérait incapable<br />

de modifier. Ces deux observations devaient orienter l'activité<br />

des Bureaux arabes; aussi nous guideront-elles pour évoquer<br />

les genres de vie indigènes à cette époque.<br />

I. —<br />

L'INSTABILITE<br />

Les déplacements.<br />

DE LA VIE INDIGENE<br />

Comme aujourd'hui, les mouvements les plus spectaculai<br />

res étaient alors ceux des grands nomades sahariens venant<br />

estiver dans le Tell. Nous sommes ici essentiellement dans le<br />

champ d'action des Arbaa (1)<br />

campant l'hiver dans la région<br />

des Dayas, au sud de Eaghouat, et dont la zone d'estivage s'éten<br />

dait à l'Ouest, jusqu'à Tiaret, à l'Est jusqu'à Boghari, au Nord<br />

jusqu'à Téniet-el-Had et même au-delà. Poussés par l'absence<br />

des pâturages, par la nécessité de s'approvisionner en céréales<br />

et en produits divers Comme le goudron par exemple (pour soi-<br />

(1) Cette orthographe adoptée actuellement est plus logique que celle de<br />

La'rbaa qui a longtemps prévalu. Le nom de cette tribu provient en effet de<br />

la division originelle en quatre fractions : Maamra, Hadjadj, Ouled-Salah,<br />

Ouled-Zid. Philebert (15) 125 ; LehurauX (Le nomadisme et la colonisa<br />

tion, Paris, 1931, p. 33).


— 42 —<br />

gner la gale des chameaux), les nomades,<br />

pratique toujours,<br />

ainsi que cela se<br />

remontaient vers le Nord dès le printemps<br />

et on n'a pas oublié la page colorée de Fromentin décrivant la<br />

Rahla (ou migration) des Arbaa (1).<br />

Arrivés dans le Tell, les nomades s'établissaient,<br />

après la<br />

moisson, au milieu des tribus qui les recevaient, chaque fraction<br />

des Arbaa fréquentant de préférence une tribu bien déterminée<br />

du Tell (2). Les transactions commençaient. Les nomades<br />

offraient des dattes, des moutons, de la laine et surtout une<br />

grande quantité de tissus, soit de laine (burnous, haïk, guettaïf,<br />

zorbia, oussada), soit de poil de chèvre ou de chameau (tellis,<br />

flidj, grara, amara) (3). Le plus souvent de qualité très supé<br />

rieure à tout ce que fabriquaient les tribus telliennes,<br />

ces tissus<br />

trouvaient facilement acheteur lorsque la récolte avait été<br />

bonne. Comme en échange les Sahariens faisaient des achats<br />

massifs de grains, ils étaient attendus avec impatience : dès<br />

leur arrivée les prix du blé et de l'orge montaient et doublaient<br />

dans certains cas (4).<br />

(1) Un été dans le Sahara, p. 229. On trouve également une belle des<br />

cription de cette marche vers l'Achaba dans Lehuraux (op. cité), p. 154-159.<br />

(2) Bernard et Lacroix (170) 217-218 notent par exempte que « Les<br />

Maamra achètent chez les Ighout, les Ouled-Sidi-Sliman et les Ouled-Zian<br />

chez les Béni-Maîda, les Oulled-ben-Chaâ chez les Douï Hasni, les Hadjadj chez<br />

les Béni-Naouri, les Ouled-Sidi-Attalah chez les Béni-Lent. Les Zekaska vont<br />

chez les Ouled-Bessem Chéraga, les Sofran et les Ouled-Salah chez les Ouled-<br />

Amar... » Il s'agissait là d'habitudes très anciennes et le rapport cité précise<br />

qu'on ne remarque aucune modification.<br />

(3) Les tellis sont de grands sacs doubles renfermant les provisions et<br />

pouvant contenir en moyenne 150 kilogs de grains ; on désigne aussi par ce<br />

mot des tapis ras à raies de couleurs.<br />

Le flidj, pièce essentielle de la tente, est une bande d'étoffe faite avec<br />

de la laine et parfois du poil de chèvre, noire le plus souvent, large de 75 cm.<br />

à un mètre et de longueur variable.<br />

grara : bissac de laine et de poil dans lequel on met le grain.<br />

amara : étoffe complètement garnie de dessins variés.<br />

haïk : pièce de laine unie faisant deux fois le tour du corps et venant<br />

envelopper la tête.<br />

guettaïf grand tapis du Sud à longue laine.<br />

zorbia : mot qui désigne les tapis en général et, en particulier, des tapis<br />

à laine courte.<br />

oussada : coussin dans lequel on place les objets précieux (d'après Villot).<br />

(4) N 472, 1853, Téniet-el-Haad, juillet. Les rapports entre Arbaa et Telliens<br />

aboutissaient parfois à des alliances familiales, mais selon Bernard et<br />

Lacroix (170) 282, 287, aucun groupe d'<br />

Arbaa ne se fixait dans le Tell.


— — 43<br />

Le commerce se pratiquait parfois directement avec les<br />

propriétaires au milieu même des tribus où campaient les no<br />

mades, mais le plus souvent en des points précis, les marchés,<br />

où se rencontraient Telliens et Sahariens.C'étaient par exemple<br />

les marchés de la région de Téniet (Ouled-Ayad, Ouled-Ammar)<br />

ou celui particulièrement notable du Djendel; lieux de graud<br />

intérêt au point de vue politique sur lesquels Carette écrivait<br />

dès 1844 : « S'il est établi qu'une nécessité impérieuse pousse<br />

chaque année la population mobile des oasis algériennes dans<br />

la zone des terres de labour, les points où s'arrête cette marée<br />

annuelle deviennent des centres d'action dont l'importance est<br />

irrécusable; c'est là que, comme autant de fils, les intérêts du<br />

Sud viennent se rattacher aux intérêts du Nord, c'est de là que<br />

l'Algérie méridionale peut être conduite à longues guides » (1).<br />

On peut supposer aussi que les tribus recevant les nomades<br />

achetaient non seulement pour leur consommation particulière,<br />

mais également pour les tribus les plus septentrionales, de la<br />

région de Miliana, par exemple, auxquelles elles devaient ser<br />

vir d'intermédiaires, pour les laines du Sud notamment (2).<br />

La période de grande activité commerciale s'achevait en<br />

septembre ou octobre lorsque, après quelques semaines pas<br />

sées dans le Tell, les nomades reprenaient le chemin de leurs<br />

campements d'automne et d'hiver.<br />

Ces migrations n'avaient pas, il y a un siècle, la régularité<br />

qu'elles affectent aujourd'hui et qui s'explique par l'interven<br />

tion administrative. Les itinéraires manquaient de fixité et les<br />

Arbaa qui s'arrêtaient une année dans la région de Téniet se<br />

rejetaient l'année suivante vers le marché de Loha ou El Louha<br />

(près de Tiaret) s'ils l'estimaient mieux approvisionné, privant<br />

alors des produits du Sud les tribus qui les attendaient.<br />

(1) Carette : Du Commerce de l'Algérie avec l'Afrique Centrale et les<br />

états barbaresques, p. 19. Pour donner une idée de l'importance des échanges<br />

signalons qu'en 1847, sur le marché de Toukria (Ouled-Ayad) étaient vendues<br />

aux tribus sahariennes, en un espace de trois mois, 6.000 charges de droma<br />

daires, ou environ 12.000 quintaux de blé et d'orge, au prix moyen de 20<br />

francs le quintal. (Note de Carbuccia, Ct supérieur de Téniet-el-Haad, 28-1-<br />

1848,<br />

in N. 443).<br />

(2) Les officiers du bureau arabe de Miliana mentionnent ce trafic com<br />

me s habituel » et dans N. 539, 1848, les Siouf et les Blaëls sont signalés<br />

comme jouant ce rôle d'intermédiaires.


— — 44<br />

Les nomades fréquentant habituellement les pays du Nahr<br />

Ouassel pouvaient être amenés par les nécessités de leur appro<br />

visionnement à pousser leurs troupeaux beaucoup plus au Nord.<br />

On les voyait alors par Tiaret et la vallée de l'Oued Riou<br />

descendre vers la plaine du Chélif, puis obliquer vers<br />

l'Est ou l'Ouest. Des convois d'une centaine de chameaux se for<br />

maient et, au total, la plaine hébergeait parfois un millier de<br />

ces animaux qui retrouvaient d'ailleurs ici un autre paysage<br />

steppien à quelque cinquante kilomètres de la mer. Lorsque<br />

les grains abondaient c'était une bonne fortune pour le Chélif<br />

que la venue des caravanes. Les nomades réalisaient leur char<br />

gement de céréales en quelques jours, puis repartaient vers leurs<br />

campements souvent très lointains,<br />

car on comptait parmi ces<br />

migrateurs « des Arab Saïd de l'Oureguela et des Oulad<br />

Chaïb » (1).<br />

A côté de ces migrations d'un développement majestueux,<br />

l'Ouest du Tell algérois connaissait des mouvements de moindre<br />

envergure conditionnés par le contact des régions de plaines<br />

et de montagnes. Entre la plaine du Chélif et les reliefs voisins,<br />

les mouvements ne présentaient pas une grande ampleur, mais<br />

il est certain que les déplacements signalés par la suite n'avaient<br />

pas un caractère de nouveauté et qu'en année sèche notamment<br />

les Indigènes allaient s'établir en azibs dans les régions monta- il<br />

gneuses plus favorisées (2). Par contre, au moment des moissons, i<br />

les montagnards du Dahra descendaient dans la plaine pour<br />

y prêter leurs bras en attendant que chez eux la récolte fût |<br />

prête à moissonner; certaines tribus mêmes, comme celle des<br />

Zatima dans le cercle de Cherchel, y<br />

qu'elles venaient labourer (3).<br />

Entre l'Ouarsenis (avec les monts des Matmata)<br />

possédaient des terres<br />

et les Hau<br />

tes Plaines, les migrations présentaient plus d'importance et<br />

(1) N. 463, 1847, Orléansville 1". q. septembre ; 468, 1849, Orléansville<br />

2"* 2"'<br />

q. septembre et q. octobre. M. Capot-Rey a étudié avec précision dans<br />

la Revue Africaine (3m°<br />

et 4-» T. 1941) le déplacement des Saîd-Atba entre<br />

la région d'Ouargla et celle de Tiaret. Nous croyons que dans le passé cette<br />

migration a eu parfois une ampleur encore plus considérable.<br />

(2) Les troupeaux en azibs sont confiés à des bergers qui peuvent rece<br />

voir en paiement une certaine partie des produits des bêtes dont ils ont la<br />

garde. Parfois l'azila est un véritable contrat qui consiste à confier les trou<br />

peaux à un tiers pour un an au moins.<br />

(3) N. 465, 1848, Cherchel 1" q. février.


— — 45<br />

plus de fréquence. En 1849, les tribus du cercle de Miliana (il<br />

s'agit évidemment des plus méridionales) se plaignent de sup<br />

porter « pendant tout le cours de l'année (c'est nous qui souli<br />

gnons) la lourde charge de donner sans indemnité asile à toutes<br />

les populations de la limite du Tell lorsque celles-ci manquent<br />

de pâturages » (1). Certaines tribus, comme les Béni-Maïda ou<br />

les Aziz, avaient une partie de leur territoire en zone monta<br />

gneuse et l'autre partie dans le Sersou, se déplaçant avec les<br />

saisons pour mener paître leurs troupeaux tantôt au Sud et<br />

tantôt au Nord. Pour l'ensemble du massif de l'Ouarsenis et des<br />

Hautes Plaines il s'agissait d'un mouvement dans les deux sens :<br />

si les pasteurs des Hautes Plaines montaient vers les régions<br />

élevées en saison sèche, par contre, pour éviter les grands froids<br />

et la mortalité chez les agneaux et les chevreaux, beaucoup de<br />

propriétaires de l'Ouarsenis confiaient leurs troupeaux, dès le<br />

début de novembre, à des bergers qui les conduisaient dans le<br />

Sersou . (2) Et ainsi, par suite de cette transhumance, les Hautes<br />

Plaines hébergaient en hiver les troupeaux de tribus telliennes<br />

alors qu'elles recevaient, en été, les Ouled-Naïl, les Arbaa et<br />

les Saïd-Atba.<br />

Le Tell connaissait-il la vie sédentaire comportant la<br />

fixité de l'habitat et des cultures ? On la trouvait, plus ou moins<br />

bien réalisée, dans les tribus de la région montagneuse septen<br />

trionale, entre Ténès et Cherchel. Dans le cercle de Ténès les<br />

habitants de la tente ne se déplaçaient que « dans un rayon<br />

très faible et toujours dans un pays, leur propriété, ou loué par<br />

eux » ; et beaucoup habitaient toute l'année des chaumières en<br />

diss ou en pisé dans lesquelles ils ensilotaient leurs grains (3).<br />

Cette sédentarité s'explique essentiellement par la culture des<br />

arbres (amandiers, figuiers, pêchers)<br />

et des jardins qui deman<br />

dent des soins constants et une garde vigilante. De même dans<br />

la région de Cherchel les « populations Kabaïles » habitaient<br />

(1) N. 468, 1849, Miliana 1 q. septembre.<br />

(2) G. Téniet 4me T. 1861. Il est probable aussi que les bêtes étaient con<br />

fiées à des tribus sahariennes qui en assuraient la garde pendant l'hiver<br />

moyennant une certaine quantité de beurre et de laine. Bernis, en 1852, si<br />

gnale cette coutume comme un fait à peu près général (137) 7.<br />

(3) N. 468, 1849, Ténès 2m« q. août.


46-<br />

des maisons en pierre et en terre entourées de vergers, de jar<br />

dins et de vignes (1),<br />

et ils ajoutaient à cela les glands doux<br />

et les produits de maigres troupeaux composés d'un petit nom<br />

bre de chèvres et de moutons auxquels on abandonnait les terres<br />

souvent incultes. Les maisons ici étaient suffisamment nom<br />

breuses pour qu'en 1848-1850 le lieutenant Moullé, commandant<br />

le Bureau arabe de Cherchel,<br />

pût estimer inutile de faire aucune<br />

construction nouvelle à une époque où l'ordre était de pousser<br />

les Indigènes à bâtir (2).<br />

Sur les pentes dominant la plaine du Chélif s'agrippaient<br />

également quelques villages, tel celui des Medjadja vivant de<br />

ses vergers et de ses ruches et qui comptait des maisons bien<br />

entretenues et trois mosquées. La plaine elle-même, en bordure<br />

des montagnes, nous offrirait aussi l'exemple de quelques frac<br />

tions de tribus fixées par la pratique de l'irrigation, l'entretien<br />

des jardins et des arbres fruitiers (3).<br />

Mais, pour la grande masse des Indigènes, la ressource<br />

essentielle était, avec l'exploitation du troupeau, la culture des<br />

céréales qui peut s'allier à une combinaison de la vie sédentaire<br />

et de la vie nomade. Chaque tribu disposait d'un espace déter<br />

miné sur lequel elle pouvait effectuer ses déplacements dont<br />

l'ampleur ne dépassait pas quelques kilomètres (4). Au cours de<br />

l'année, les Indigènes, groupés par fractions de tribus, chacune<br />

sous la direction d'un cheikh, changeaient plusieurs fois de<br />

campement. Chaque groupe comportant une dizaine de tentes<br />

disposait, à l'intérieur du territoire de la tribu, d'un espace<br />

bien défini fixé par la tradition ou par des titres écrits.<br />

Le campement le plus stable était celui d'hiver, établi par<br />

fois dès le début octobre et où le douar pouvait se maintenir<br />

pendant quatre ou cinq mois (5). On recherchait à cet effet<br />

un lieu sec, abrité des vents froids par un flanc de montagne,<br />

(1) Il existait, même une variété de raisin dite zatima (du nom de la<br />

région) et qui était utilisée à la préparation des raisins secs.<br />

(2) N. 465, 1849, Cherchel, 2me q. août ; 469, 1850, Cherchel, août.<br />

(3) N. 449, 1854, Orléansville, Inspection.<br />

(4) 5 à 20 suivant Hugonnet (6) 125. Voir aussi Tinthoin (183) et Isnard<br />

(153), qui décrivent des genres de vie analogues et dans MG 208, l'étu<br />

de du général Deligny : Simple discours sur l'Algérie.<br />

(5) Margueritte (12) 36.


souvent à proximité d'un bois,<br />

— 47 —<br />

et l'installation se faisait aussi<br />

confortable que possible. Comme habitations des tentes, mais<br />

aussi dans nombre de tribus, des gourbis de pisé ou mecheta<br />

(1). Pour la construction des murs, la terre glaise était foulée<br />

entre deux planches servant de moules jusqu'à une certaine<br />

hauteur. Recouverts en terrasse, suffisamment solides, ils<br />

étaient plus confortables que les tentes trop froides pendant la<br />

mauvaise saison. Une véritable vie de village s'organisait et<br />

c'est alors que les tolba gagnaient leur vie en apprenant à lire<br />

aux enfants sous la tente ou le toit paternel. A proximité du<br />

campement s'étendaient les champs ensemencés soit individuel<br />

lement, soit en association.<br />

Au printemps, les tentes quittaient leur emplacement hiver<br />

nal où les ordures accumulées, si elles fertilisaient le sol, ren<br />

daient le séjour difficile. On choisissait alors un lieu plus aéré<br />

et on se préoccupait surtout de faire paître les troupeaux sur<br />

les terres que l'on désirait ensemencer à l'automne. Le soir, les<br />

bestiaux étaient parqués près des tentes, dans une enceinte de<br />

broussailles; le jour, ils pacageaient à peu près librement.<br />

Comme l'enceinte abritant le troupeau la nuit, changeait d'em<br />

placement tous les deux ou trois jours, on fumait peu à peu<br />

à livrer prochainement à la culture. A<br />

l'ensemble du champ<br />

l'approche de l'été, il fallait songer à la moisson. On retournait<br />

vers les champs à moissonner et, à proximité d'un point d'eau,<br />

les tentes établissaient un troisième campement que l'on aban<br />

donnait à l'automne pour retrouver un lieu propice à l'établis<br />

sement d'hiver,<br />

au voisinage des terres précédemment fumées.<br />

Ce genre de vie excluait évidemment la maison de pierre,<br />

mais non le gourbi (du moins pour le campement d'hiver) que<br />

l'on pouvait bâtir rapidement soit avec les terres argileuses des<br />

plaines, soit avec les matériaux fournis par les forêts. Pour la<br />

région étudiée,<br />

une statistique des Bureaux arabes de 1852 per-<br />

(1) Le mot mecheta (ou mechta) pris ici dans le sens d'habitation d'hiver<br />

est aussi employé pour désigner l'ensemble du campement pendant la mau<br />

vaise saison.


— — 48<br />

met d'évaluer le nombre des gourbis à 16.903 contre 14.966<br />

tentes (1).<br />

La répartition mérite d'attirer l'attention. Un cercle mon<br />

tagneux comme celui de Cherchel,<br />

développée, ne comptait que des gourbis,<br />

où la vie sédentaire était<br />

mais dans le cercle<br />

voisin, et à beaucoup d'égards semblable, de Ténès, on trouvait<br />

1755 tentes pour 1885 gourbis. Les cercles d'Orléansville et de<br />

Miliana s'étendant à la fois en plaine et en montagne possé<br />

daient , le premier, 3.935 tentes contre 5.695 gourbis, et le second<br />

5.798 tentes contre 4.474 gourbis. Quant au cercle de Téniet,<br />

malgré l'importance des territoires accidentés, il n'abritait que<br />

269 gourbis contre 3.678 tentes. Des tribus de plaine comptaient<br />

nombre de gourbis : 51 pour 271 tentes chez les Hachems (futur<br />

douar Oued Deurdeur) 139 pour 52 tentes chez les Sbahias; 109<br />

pour 57 tentes chez les Harrar; 548 pour 526 tentes chez les<br />

Attafs; 716 pour 933 tentes chez les Ouled Kosseïr (de la région<br />

d'Orléansville)... Toutes ces tribus, plus ou moins, présentaient,<br />

il est vrai, soit au Nord, soit au Sud, des territoires sur les pre<br />

miers abrupts du Dahra ou de l'Ouarsenis.<br />

Mais si nous prenons des tribus purement montagnardes<br />

nous relevons des faits aussi concluants, les tentes y jouant cette<br />

fois un rôle non négligeable, parfois même essentiel : 107 tentes<br />

et 283 gourbis chez les Béni-Rached; 133 tentes et 42 gourbis<br />

chez les Béni-Derdjin (E. de Hanoteau) ; 129 tentes et 27 gourbis<br />

chez les Khobbaza (N."W. de Téniet) ; 236 tentes et 6 gourbis chez<br />

les Haraouat (S."W. de Pont du Caïd) ; dans le cercle de Téniet,<br />

tous les gourbis se trouvaient dans la tribu des Béni-Chaïb, tra<br />

versée par le cours supérieur de l'Oued Fodda, et les autres<br />

tribus, même celles qui étaient exclusivement montagnardes<br />

comme les Béni-Méharez (autour de Téniet),<br />

d'autre demeure que la tente.<br />

ne connaissaient<br />

(1) N. 447, 1852, et N. 539, statistiques. En 1848 on évaluait le nombre<br />

de gourbis à 16.202 et celui des tentes à 13.369. Il est impossible de comparer<br />

ces chiffres avec ceux que l'on peut relever dans le Tableau des établisse<br />

ments français de 1844-1845 qui, pour toute la subdivision d'Orléansville et<br />

une partie de celle dé Miliana, ne distingue pas entre tentes et gourbis, don<br />

nant pour l'ensemble des habitations un chiffre global. Pour les exemples<br />

particuliers que nous citons ensuite nous utilisons les chiffres de 1852 qui<br />

paraissent offrir plus de garantie et sont plus complets.


— 4ft —<br />

On ne saurait donc établir une relation étroite entre l'oro<br />

graphie et l'habitation. On ne peut non plus, dans tous les cas,<br />

considérer le gourbi comme caractéristique des populations<br />

fixées en permanence. Aussi, quand les officiers des Bureaux<br />

arabes entreprendront de sédentariser la population, ils s'effor<br />

ceront de remplacer la tente par la maison maçonnée en même<br />

temps qu'ils tenteront de créer une économie nouvelle.<br />

La Propriété.<br />

Dans quelle mesure la propriété pouvait-elle exister dans<br />

des sociétés aussi instables ? Certains, au début, nièrent jusqu'à<br />

l'existence des droits de propriété chez les Indigènes parce que,<br />

imbus de droit romain, ils ne pouvaient concevoir les modes<br />

d'appropriation prévus par le droit musulman, et peut-être aussi<br />

parce que la négation de droits de propriété aux Indigènes<br />

résolvait de manière radicale le problème de l'acquisition des<br />

terres par les Européens. Nous déborderions considérablement<br />

le cadre de cette étude en exposant la question de la propriété<br />

foncière dans le Tell algérien. Nous nous bornerons à souligner<br />

les deux faits qui déterminèrent et conditionnèrent l'action des<br />

( Bureaux arabes : l'existence incontestable des droits de pro-<br />

\ priété et le caractère souvent incertain de ces droits.<br />

Même les nomades estivant dans le Tell pouvaient reven<br />

diquer certains droits d'usage sinon de propriété. Uachaba<br />

n'entre pas dans ce cas puisqu'il apparaît en somme comme<br />

une location de terrains de parcours (1). Mais parfois les noma<br />

des venaient estiver dans le Tell sur des terres bien définies et<br />

pour l'usage desquelles ils ne payaient aucun droit. Telle était,<br />

par exemple, la situation des Arbaa dont les droits paraissent<br />

assez forts pour être réservés lors de l'application du Sénatus-<br />

Consulte de 1863 malgré la charge qu'ils représentaient pour<br />

les tribus telliennes. Le texte officiel mentionne,<br />

en effet, que<br />

« chez les Ouled-Ammar, le territoire de la tribu est grevé d'un<br />

(1) Administrativement on désigne aussi sous le nom û'achaba le dépla<br />

cement des nomades vers le Nord. (Capot-Rey : Le nomadisme pastoral dans<br />

le Sahara français, extrait des Travaux de l'Institut de Recherches Saharien<br />

nes, tome I 1942, p. 7).


— 50 —<br />

droit d'estivage au profit de la tribu des Larbâ et notamment<br />

des fractions Sofran et Ouled-Salah. Il résulte des renseigne<br />

ments très circonstanciés fournis par le<br />

commissaire délimita-<br />

teur dans son rapport d'ensemble que les habitants du douar<br />

Ammari, tout en reconnaissant ce droit,<br />

exercice immodéré et non réglementé. Le<br />

sont lésés par son<br />

commissaire délimi-<br />

tateur a proposé d'apporter un remède à cette situation en main<br />

tenant les nomades sur la rive droits du Nahr-Ouassel,<br />

où ils<br />

pourraient trouver de quoi se suffire jusqu'à l'époque de l'en<br />

lèvement des récoltes par les Ouled-Ammar ». Et un peu plus<br />

loin le même procès-verbal donne un autre exemple : « Chez<br />

les Ouled-Bessem-Chéraga une partie du territoire est grevée<br />

de droits d'estivage au profit des indigènes des fractions Ze-<br />

kaska et Ouled-Ziane de la confédération des Larbâ; ils font<br />

pacager leurs troupeaux principalement dans la région au sud<br />

du douar et sur une superficie d'environ 6.000 hectares comprise<br />

entre la tribu des Béni-Maïda, le douar Ighoud, le cours supé<br />

rieur de l'Oued Lelied, la fraction des Ouled-Bouzid et la tribu<br />

des Ouled-Bessem-Gharaba . . . » (1).<br />

Si ce ne sont pas là de véritables droits de propriété, mais<br />

seulement des servitudes, c'est qu'il s'agit de tribus dont l'habi<br />

tat principal se trouve hors du Tell. Pour les Indigènes séjour<br />

nant en permanence dans la région tellienne,<br />

on ne pouvait<br />

mettre en doute leur qualité de propriétaires. Dans notre région,<br />

comme ailleurs, les officiers des Bureaux arabes reconnurent<br />

rapidement, d'une part, les biens du Beylik (2) et, d'autre part,<br />

les terres collectives et les propriétés particulières présentant<br />

(1) Procès-verbal du Sénatus-Consulte cité dans Bernard et Lacroix (170)<br />

38-39. De même, lors de l'application du sénatus-consulte aux Ouled-Bessem<br />

Gharaba (B.O. 1897) et aux Béni-Maïda (B.O. 1902), des droits d'estivage fu<br />

rent reconnus sur le territoire de ces tribus au profit des Arbaa sous la ré<br />

serve cependant que des droits d'hivernage seraient accordés aux Outed-Bes-<br />

sem Gharaba et aux Béni-Maïda sur les terres des Arbaa.<br />

(2) Ces biens n'avaient une certaine importance que dans la plaine du<br />

Chélif. En montagne les Turcs ne réussirent jamais à s'établir solidement et<br />

dans le cercle de Cherchel par exemple le Beylik ne possédait qu'une seule<br />

propriété de 90 à 100 hectares. N- 467, 1852, Cherchel, Inspection ; et N. 465,<br />

1848, Cherchel 1 q. février.


— 51 —<br />

parfois le caractère de habous (1). Ils soulignèrent notamment<br />

l'importance des biens melk (ou propriété privée) que l'appli-<br />

sation du Sénatus-Consulte devait plus tard mettre en relief (2)<br />

et ils insistèrent sur l'existence de titres de propriété remontant<br />

parfois aux époques les plus reculées (3) et provenant d'achats,<br />

de successions ou de dons.<br />

Le mode d'appropriation cependant était variable et Mar<br />

gueritte écrit, en 1852, à propos du cercle de Téniet-el-Had :« La<br />

constitution de la propriété individuelle dans les tribus n'a pas<br />

de bases uniformes : dans la montagne, elle est assez régulière<br />

parce qu'elle est comprise dans les héritages et que chaque héri<br />

tier prend possession de son terrain délimité et spécifié sur un<br />

acte qu'on lui remet, mais il n'en est pas de même dans le pays<br />

de plaine qui forme la majeure partie du Cercle et où la pro<br />

priété territoriale demeure à l'état 'indivis par famille » (4).<br />

Et voici comment le chef du Bureau arabe de la subdivision de<br />

(1) Le habous est un acte par lequel un bien est retiré du commerce<br />

en faveur d'une personne morale d'ordre religieux, le donataire en conser-<br />

vant l'usufruit. Dans certaines régions le nombre des habous était considéra<br />

ble : un rapport de 1852 relatif au cercle de Cherchel mentionne que « dans<br />

le cercle, meubles et immeubles sont presque tous habbous » et par suite « il<br />

arrive toujours que lorsque le cadi vient pour recueillir une succession il la<br />

trouve inaliénable ». N. 447, 1852, Cherchel, Inspection). Par contre dans le<br />

cercle de Ténès les habous se réduisaient à 1.500 hectares (N. 465, 1848, Ténès<br />

ln<br />

q. février).<br />

(2) De l'examen des procès-verbaux du Sénatus-consulte publiés au B.O.<br />

on peut, en effet, tirer quelques conclusions intéressantes. D/albordJes terres<br />

collectives^ de culture ou terre§4Kgfc_nejerenconîrejat que^âânsn&^SsSïï-et<br />

encore^non lînTCrmélnjHli^ouventïesTndîgènes protesteront lorsque l'on<br />

voudra àTfKWef"âTëûrs terres le caractère collectif et ils obtiendront gain<br />

de cause, tels les Béni-Lente (B.O. 1899), Doui-Hasseni (B.O. 1902), Béni- t \<br />

Maïda (B.O. 1902), Aziz (B.O. 1908). En second lieu,vles communaux.ne jouent<br />

jamais qu'un rôle secondaire et parfois infime relativement "a"ùx"meZfc desti<br />

nés à la culture : cfegt seutemenjt*jdan£.îâ,plajne_^<br />

possède<br />

montagneWse<br />

réduisent souvent à quelques dizaines d'hectares et dans quelques tribus com<br />

me celle des Béni-Férah (à 20 Km. au Sud de Gouraya), faute de terrains af<br />

fectés spécialement au parcours, les Indigènes ne disposent pour leurs trou<br />

peaux que des portions de terres melk laissées en jachère (B.O. 1898).<br />

(3) N. : 465, 1848, Cherchel, février ; 447, 1852, Miliana, octobre ; 448, 1852,<br />

Orléansville, novembre ; 448, 1863, Miliana, novembre ; 448, 1853, Cherchel.<br />

novembre ; 449, 1854, Orléansville, octobre. Lors de l'application du Sénatus-<br />

consulte chez les Aziz, en 1908, les Indigènes feront état de titres remontant<br />

à 1768 et même à 1554 (B.O. 1908).<br />

(4) N 447, rapport du 7 octobre 1852 de Margueritte alors Commandant<br />

supérieur du Cercle de Téniet-el-Had.<br />

,<br />

(,'


— 52 —<br />

Miliana précisait la situation, en 1855, à l'occasion du canton<br />

nement envisagé : « Les propriétés communales existent, mais<br />

elles rentrent, pour la question qui nous occupe, dans le même<br />

cas que la propriété privée qui est la plus commune et qui ne<br />

repose pas, comme on l'avance souvent d'une manière erronée,<br />

seulement sur la longue possession, mais qui est bien assise sur<br />

dies actes généralement authentiques et incontestables comme<br />

ceux de France (1). En entrant dans le détail de la propriété<br />

on trouve de suite un propriétaire unique et incontesté du sol.<br />

Ce propriétaire a une habitation d'hiver (mechta)<br />

et une tente<br />

qu'il habite lui et sa famille pendant l'été; sa migration ne va<br />

pas au delà de quelques kilomètres; une réunion de pareils pro<br />

priétaires constitue une fraction de tribu pu<br />

une tribu ayant<br />

sonpropre sol,_ses limites, ses actes de propriété et son acte<br />

de limite générale » (2).<br />

Mais cette existence de titres,<br />

comme on le crut parfois,<br />

ne suffisait pas cependant,<br />

pour opérer rapidement un lotisse<br />

ment total. Les actes étaient souvent mal rédigés et mention<br />

naient d'une manière incomplète les limites de propriétés. D'au<br />

tre part, la. confusion avait été jetée sur ces limites par des<br />

empiétements qui s'étaient produits à des époques différen<br />

tes (3). D'où, à chaque instant, de nombreuses et longues dis<br />

cussions à propos des droits de possession. C'étaient souvent des<br />

conflits entre particuliers,<br />

mais parfois aussi des collisions<br />

entre tribus ou fractions de tribus surtout lorsqu'il s'agissait<br />

de terres susceptibles d'irrigation.<br />

Les exemples ne manquent pas. Au sud de Mibana, les<br />

Béni-Zoug-Zoug, les Hachem et les Béni-Fatem se disputaient<br />

un terrain vague que chaque tribu voulait labourer seule (4).<br />

Dans le cercle de Téniet-el-Had. la contestation portait sur la<br />

totalité des 12.000 hectares<br />

occupés'<br />

par la fraction des Ouled-<br />

(1) Vrai également pour le Cercle de Ténès où les propriétaires ont des<br />

tilres et où : « exceptionnellement quelques-uns des détenteurs actuels du<br />

sol n'ont à produire d'autres titres qu'une longue posesssion et la notoriété<br />

publique » N 448, 1853, Ténès, Inspection.<br />

(2) G. série I, Dossier : « Colonisation 1845-70 », Rapport sur le cantonrement<br />

des tribus du chef de bureau arabe de Miliana (1" novembre 1855).<br />

(3)N 465, 1848, Téniet-el-Had, 1" q. février.<br />

(4) N 462, 1848, Miliana 2"* q. octobre.<br />

~


— 63 —<br />

Amran (155 tentes) et celle des Ouled-Ziad (138 tentes) ; un<br />

arrangement à l'amiable aurait pu aboutir à un partage accor<br />

dant 41 hectares, c'est-à-dire une grande propriété, à chaque<br />

tente; au lieu de cela on exhibait de chaque côté des « actes<br />

faux et fabriqués à plaisir » et des gens mouraient au sujet de<br />

ces terres (1). Même situation dans la subdivision d'Orléans-<br />

ville. Le capitaine Richard, chef du Bureau arabe, écrit dans<br />

un de ses ouvrages : « Une des causes permanentes qui agitent<br />

et divisent les Arabes c'est l'incertitude des limites qui séparent<br />

les diverses parties du territoire. Le vieux caïd des Béni Mer-<br />

zoug, interrogé sur le point de savoir comment il se faisait qu'un<br />

vaste terrain situé entre sa tribu et celle des Béni Menna restait<br />

toujours sans culture, répondit que, de temps immémorial, ce<br />

champ de souvenir funèbre, n'avait jamais été ensemencé que<br />

de leurs cadavres. Ce vieux caïd faisait ainsi comprendre d'un<br />

mot l'importance des limites dans ce pays. »<br />

L'on conçoit alors le programme tracé, en conclusion, par<br />

le capitaine Richard, pour faire disparaître ces « pays de pou<br />

dre » (bled et baroud)<br />

: « Le Bureau arabe a donc à poursuivre<br />

d'une manière permanente la délimitation des diverses parties<br />

du territoire, de manière à tarir à sa source, une des causes les<br />

plus abondantes en procès et en disputes souvent sanglantes.<br />

Un autre travail doit être exécuté par lui parallèlement à celui-<br />

là, c'est la vérification et la légalisation des titres de propriété<br />

des Arabes. » (2). Et ainsi va se trouver posée la question du<br />

cantonnement que d'autres considérations devaient également<br />

mettre au premier plan comme nous le verrons plus loin.<br />

Les céréales.<br />

II. —<br />

L'EXPLOITATION<br />

PRIMITIVE<br />

Les terres mises en culture ne forment vers 1850 qu'une<br />

fraction relativement faible du territoire : environ un huitième<br />

(1) N 476. Rapport annuel de 1857 sur le cercle de Téniet-el-Had.<br />

(2) Richard (18) 66-67. Les Béni-Merzoug et les Béni-Menna se trouvent<br />

à l'Ouest de Ténès ; ces derniers ont constitué les douars Baache et Talassa<br />

(voir carte à la fin de l'ouvrage).


— — 54<br />

dans le cercle de Ténèst à peine un peu plus dans celui de<br />

Miliana (1) ; rares sont les tribus qui, comme celles du Djendel<br />

et des Ouzaghera (douar Ouaguenay), cultivent presque le quart<br />

de leur sol; certaines, en territoire montagneux, tels les Ha-<br />

raouat Gheraba et Cheraga (au N. E. de Téniet-el-Had) n'ense<br />

mencent que un vingt-cinquième ou un trentième des terres<br />

dont elles disposent (2). La nature du terrain,<br />

favorable, explique en partie cette situation,<br />

souvent peu<br />

mais intervient<br />

aussi le caractère extensif d'une agriculture basée essentielle<br />

ment, et parfois exclusivement (3), sur l'orge et le blé dur, avec<br />

le souci constant de réserver aux troupeaux les plus vastes<br />

espaces.<br />

La culture des céréales ne présente pas des caractères<br />

très différents de ceux que l'on peut observer ailleurs,<br />

en Algé<br />

rie, à la même époque (4). Les propriétaires labourent parfois<br />

eux-mêmes, mais, dès qu'ils s'estiment suffisamment riches, ils<br />

recherchent des métayers auxquels ils font les avances néces<br />

saires pour la mise en culture et qui reçoivent, à la moisson, un<br />

cinquième de la récolte. Trouver des khamniès est le gros pro<br />

blème à résoudre avant le commencement de la campagne agri<br />

cole. Lorsque la récolte précédente a été favorable, les kham-<br />

mès ayant quelques disponibilités veulent ensemencer pour<br />

leur propre compte et se montrent exigeants. Mais si l'année<br />

a été mauvaise, c'est le khammès qui cherche le fellah et celui-<br />

ci peut, dans une certaine mesure, choisir selon ses intérêts.<br />

Les instruments aratoires sont vite en état. Parfois, dans<br />

les montagnes des Zatima par exemple (cercle de Cherchel), on<br />

laboure simplement à la pioche. Comme charrue on ne connaît<br />

que l'araire en bois et ce sont les montagnards, surtout ceux de<br />

l'Ouarsenis,<br />

qui fournissent les tribus manquant du bois dur<br />

(1) N. 447, 1852, Inspections. Pour le cercle de Ténès, il s'agit d'une statis<br />

tique globale : 14.561 hectares culUvés et 100.550 non cultivés ; pour le cercle<br />

de Miliana nous avons totalisé les renseignements donnés sur 21 tribus :<br />

32.850 hectares cultivés et 214.450 non cultivés.<br />

(2) Ouzaghera : 2.000 cultivés et 6.750 non culUvés — Djendel<br />

: 4.000<br />

Gheraba : 900 cultivés et 21.600<br />

Chéraga : 650 cultivés et 19.350 non cultivés.<br />

cultivés et 13.500 non cultivés — Haraouat<br />

non cultivés — Haraouat<br />

(3) Dans le cercle de Téniet-el-Had par exemple : G. 3°>e T. 1856.<br />

(4) Voir par exemple Tinthoin (183) 42-45.


— 55 —<br />

nécessaire, olivier sauvage surtout. La préparation du terrain,<br />

lorsqu'elle a lieu, consiste en brûlis : si on doit ensemencer la<br />

même terre, on brûle les chaumes afin de donner au sol un<br />

léger engrais et aussi dans le but de faciliter l'action de la<br />

charrue; s'il s'agit de terrains nouvellement défrichés on incen<br />

die sur place les amas de broussailles coupées en les couvrant<br />

parfois de terre pour éviter les incendies et les cendres sont<br />

ensuite répandues sur le sol.<br />

Puis on attend les pluies. Souvent elles sont longues à<br />

venir : fin octobre on ne désespère pas encore et il suffit que<br />

le féraoun (espèce d'oignon sauvage) ait poussé sa tige pour<br />

que les Arabes prétendent que l'année sera bonne (1), mais, si<br />

la sécheresse persiste en novembre et décembre, le sol reste<br />

impénétrable à la charrue arabe et les labours trop retardés ne<br />

permettent pas d'espérer une récolte normale. Certaines années,<br />

au contraire, ce sont les pluies torrentielles, qui empêchent les<br />

labours : les cantons marécageux, comme on en trouve par<br />

exemple dans les Braz et les Attafs, sont envahis par les eaux;<br />

l'intensité de la pluie peut même retarder la pousse de l'herbe<br />

et les animaux affamés mangent alors le diss ou le chaume des<br />

toits qui les abritent, s'exposant ainsi à être décimés par les<br />

intempéries (2).<br />

Parfois, en décembre, les labours se poursuivent au milieu<br />

des averses; le soc de la charrue déplace alors une terre mouillée<br />

qu'il n'ameublit pas, les mottes ne se brisent point, les semences<br />

prises dans une sorte de mortier ne pourront étendre convena<br />

blement leurs racines, mais l'Arabe craint encore davantage les<br />

labours trop<br />

tardifs. Il se hâte donc de faire un labour d'ense<br />

mencement, et il enfouit ses grains dans des sillons peu pro<br />

fonds, mal dirigés,<br />

et laissant entre eux des espaces inutilisés.<br />

Les labours se succèdent souvent plusieurs années sur la même<br />

terre qu'ils épuisent et qu'on abandonne alors. Parfois les<br />

champs laissés en friche tous les deux ou trois ans peuvent se<br />

(1) N : 471, 1852, Téniet, octobre ; 470, 1851, Ténès, août ; 468, 1849, Or<br />

léansville, 2e q. octobre. D'après Trabut (136) 263 le féraoun est Vurginea<br />

vulgairement<br />

maritima, la scille maritime : « le nom indigène de féraoun ou<br />

faraoun aurait été donné en souvenir d'une invasion d'un peuple d'Orient qui<br />

su nourrisait de très gros oignons ».<br />

(2) G Miliana 1" T. 1857.


— 56--<br />

poser. Dans la subdivision de Miliana l'assolement le plus<br />

néral est celui d'une année de culture pour deux de jachère,<br />

où de vastes étendues non cultivées (1). La seule fumure<br />

nnue est celle que procurent les animaux pacageant sur les<br />

rres à ensemencer.<br />

Le grain confié au sol, l'Indigène attend la récolte. Rares<br />

nt ceux qui s'occupent des champs pendant la longue période<br />

îi sépare les semailles des moissons. Les irrigations n'étaient<br />

Lère pratiquées ;<br />

cependant nous savons que dans la région<br />

i Nahr-Ouassel, les Doui-Hasseni obtenaient de belles récoltes<br />

âce à leurs barrages et de nombreux canaux d'irrigation très»<br />

iles au printemps. Les Aziz possédaient sur le Nahr-Ouassel<br />

sur l'Ain Fegoussin quatre barrages construits d'une manière<br />

es simple en branchages formant fascines et consolidés par des<br />

erres et des piquets; ces barrages nécessitaient tous les ans<br />

îs réparations (d'ailleurs peu coûteuses), mais ils permettaient<br />

amener les eaux Nahr-Ouassel sur les terres de labour (2).<br />

Fait plus important : il est très probable que, dans le cercle<br />

î Téniet-el-Had, les Indigènes connaissaient les labours pré-<br />

iratoires avant l'arrivée des Français. Un rapport du premier<br />

imestre 1867 mentionne en effet que « les indigènes du<br />

ercle ont une excellente méthode qui est très peu pratiquée<br />

Heurs, c'est celle des labours préparatoires ; ils ont profité des<br />

lelques pluies de mars pour labourer tous les terrains qui doi-<br />

mt être ensemencés l'année prochaine... » S'il s'agissait d'une<br />

inovation due à l'action des Bureaux arabes, elle serait soi-<br />

neusement mise en valeur par le chef du bureau de Téniet, ce<br />

ni n'est pas. D'ailleurs, un autre rapport du premier trimestre<br />

$68 signale également ces labours préparatoires comme chose<br />

abituelle après avoir noté que l'agriculture ne fait aucun pro-<br />

rès (3).<br />

Ces exceptions mises à part, l'Indigène est peu préoccupé de<br />

i récolte future. Le plus souvent, il s'éloigne des terres ense-<br />

lencées, les préservant ainsi des dégâts que pourraient com-<br />

(1) N 463, 1847, Miliana 1" q. décembre.<br />

(2) N 447, 1852, subdivision de Miliana, Inspection.<br />

(3) G Téniet, 1" T. 1867 et 1" T. 1868.


— 57 —<br />

ettre les troupeaux. Et le grain lève et se développe selon la<br />

donté d'Allah. Des hannetons à l'état de larves,<br />

connues sous<br />

nom de vers blancs, attaquent parfois les semences dont les<br />

ïtournements du khammès avaient pu déjà réduire la quan-<br />

:é ; deux ensemencements consécutifs sont ainsi certaines an-<br />

;es détruits coup sur coup par les insectes ; les fellahs les<br />

us attentifs essayent d'éviter ce désastre en mêlant à la semen-<br />

: des terres calcaires réduites en poudre ou des feuilles de lau-<br />

er hachées ou encore répandent de l'eau avec du goudron<br />

rsqu'il s'agit de sauvegarder une récolte déjà avancée (1).<br />

k, comme ailleurs, les sauterelles constituent un autre danger,<br />

irtout dans les régions méridionales, et c'est une des raisons<br />

>ur lesquelles on redoute les labours tardifs car au moment<br />

;s éclosions les céréales n'ont point alors acquis assez de for-<br />

; pour braver la voracité des criquets.<br />

Mais c'est le climat qui fait peser sur la récolte les plus grands<br />

ingers.Que des pluies diluviennes surviennent après les semail-<br />

s et les semences sont emportées par des torrents d'eau ou<br />

jurrissent dans le sol, les silos « boivent » , selon l'expression<br />

rabe,<br />

et subissent de grandes pertes. Surtout il faut compter<br />

/ec la sécheresse du printemps qui compromet même une récol-<br />

ayant bénéficié de bonnes pluies automnales et dont les<br />

égâts sont particulièrement graves lorsqu'elle s'accompagne<br />

; siroco : le blé en paille peut alors demeurer superbe, mais<br />

grain ne se forme pas, se réduisant parfois à l'enveloppe,<br />

icapable de fournir de la farine.<br />

Avec les chaudes journées de juin, l'Indigène est revenu<br />

rès de ses champs et, muni de sa faucille primitive, coupant<br />

blé haut pour faciliter ensuite le dépiquage, il entreprend<br />

l moisson.Dans la plaine du Chélif on fait appel à des mékariin<br />

noissonneurs) de la montagne et, pour éviter des discussions<br />

ître travailleurs et propriétaires, le prix de la journée du mois-<br />

»nneur est fixé chaque année, en mai, dans une grande réunion<br />

; cultivateurs, ce qui ne va pas sans difficultés lorsque le ren-<br />

ement est différent d'une région à une autre (2). En bonne<br />

(1) G Ténès, 1« T. 1858, lir T. 1859, 1" T. 1861 et Téniet-el-Had 2"e T.<br />

50.<br />

(2) N 468, 1849, Orléansville 2"»» q. mai.


— 58 —<br />

nnée celui-ci atteint 10 quintaux à l'hectare pour le blé et 16<br />

aur l'orge ; en mauvaise année, notamment dans la plaine du<br />

hélif, le fellah trouve parfois plus d'avantages à faire manger<br />

;s récoltes par les bestiaux et,<br />

s'il insiste pour que la moisson<br />

it lieu, il arrive que le khammès refuse de la faire sous pré-<br />

îxte que la récolte n'en vaut pas la peine (1) .<br />

Et les conséquences d'une mauvaise année se répercutent<br />

mjours sur l'année suivante même si les conditions atmosphé-<br />

ques sont alors favorables : les semences manquent, les ani-<br />

taux se trouvent affaiblis par la rareté des fourrages ; par<br />

îite « la charrue » se réduit par rapport à l'année précédente,<br />

i récolte reste faible et, comme l'Indigène veut consacrer beau-<br />

jup de grains aux ensemencements, il continue à connaître la<br />

isette en attendant la bonne récolte qui doit lui rendre une<br />

rospérité relative. Si le malheur veut qu'il y ait alternance de<br />

onnes et de mauvaises années, l'agriculteur se trouve pris dans<br />

n cycle infernal, disposant d'emblavures étendues en mauvai-<br />

; année et d'emblavures réduites en année féconde.<br />

Les conflits sociaux naissent de la misère après une récolte<br />

éficitaire. Si le khammès ne contracte pas de lourds emprunts,<br />

ne peut se libérer auprès de son fellah et celui-ci le poursuit,<br />

nsissant la totalité de la récolte pour rentrer dans une partie<br />

es fonds qu'il avait avancés (2). Réduit à la misère, le kham-<br />

îès n'obtient ensuite que très difficilement des prêts de grains<br />

ue rien ne peut garantir et que le propriétaire perdrait en<br />

as d'une autre mauvaise récolte. Trop<br />

malheureux il se mon-<br />

:e alors indifférent au succès des labours lorsqu'il ne va pas<br />

îsqu'à refuser tout simplement le travail (3).<br />

Comme ressources d'appoint ou de secours en mauvaise<br />

nnée, l'Indigène peut compter sur certains produits naturels.<br />

es glands doux en particulier sont abondamment consommés<br />

ans le Dahra comme dans l'Ouarsenis. Si leur récolte est insuf-<br />

sante en mauvaise année de céréales, la famine menace les<br />

idigènes. Ils doivent alors vivre de racines et notamment de<br />

(1) N 475, 1856, Miliana, juin.<br />

(2) Pour l'étude du Khammesat voir Rectenwald Le contrat de Kham-<br />

esat dans l'Afrique du Nord, Paris 1912, surtout p. 39 et suivantes.<br />

(3) G Miliana 3e T. 1858 et 1" T. 1859.


— 59 —<br />

celles appelées talrouda etbekoilka qu'ils mêlent à l'orge ou<br />

bien qu'il font torréfier puis moudre et convertir en une espè<br />

ce de pain dont la consommation occasionne des enflures dans<br />

le gosier et des engorgements dans le tube digestif (1). Seules<br />

peuvent échapper à cette affreuse misère, les tribus, peu nom<br />

breuses d'ailleurs, qui joignent aux céréales quelques autres<br />

cultures.<br />

Les autres cultures.<br />

Elles comptaient assez peu. Quelques tribus, comme les<br />

Béni-Rached, cultivaient des légumes et un grand nombre de<br />

melons et de pastèques. On trouvait également, dans les mon<br />

tagnes du Nord en particulier, des pois chiches, des lentilles<br />

(de très mauvaise qualité) et surtout des fèves; ces dernières,<br />

dans le cercle de Cherchel, étaient d'une grande ressource pour<br />

les habitants auxquels elles servaient de nourriture au moins<br />

pendant trois mois de l'année (2).<br />

Les arbres fruitiers entouraient les habitations des mon<br />

tagnards du Dahra ou de la région de Cherchel. Les oliviers<br />

et les figuiers tenaient la première place. Chez les Beni-Menas-<br />

ser on voyait des abricotiers et des amandiers bien entretenus<br />

ainsi que quelques pieds de vigne, dont les raisins étaient sur<br />

tout destinés à être séchés ; chez les Medjadja, des vergers de<br />

figuiers, d'amandiers et de pêchers; chez les Béni-Rached, une<br />

grande quantité d'orangers et de citronniers. Dans les monta<br />

gnes de Ténès, où la récolte de céréales était toujours médiocre,<br />

les bonnes années se marquaient par une surabondance de fruits,<br />

malheureusement toujours de qualité très inférieure. Chez les<br />

(1) D'après Trabut (136) 38 et 51, le tubercule volumineux désigné sous<br />

le nom de talrouda (ou talrhouda) est le Bunium incrassatum et le Bunium<br />

mauritanicum. Quant au bekouka (ou begouga) c'est l'Arum italicum vul<br />

gairement appelé gouet ou pied de veau.<br />

(2) N : 468, Cherchel, 2m° q. février ; 472, 1853, Cherchel, avril. Sans doute<br />

faudrait-il signaler aussi l'utilisation de la fève sauvage que le Docteur Tra<br />

but a découvert, vers 1910, dans les jachères du Sersou où les femmes arabes<br />

récoltaient les gousses et faisaient cuire les graines dont la taille et l'aspect<br />

rappelaient certaines féverolles (Truet : Traité de culture potagère pour<br />

l'Afrique du Nord, Alger, 1945, Tome II, p. 127).


— «0 —<br />

Béni-Bou-Khannous, du cercle d'Orléansville, l'importance des<br />

jardins et des arbres fruitiers l'emportait sur celle des céréa<br />

les. Les ruches jouaient un rôle non négligeable dans plusieurs<br />

tribus : Medjadja, Béni-Rached, Ouarsenis, Mchaïa, Dahra sur<br />

tout qui obtenaient un miel très estimé (1).<br />

Comme culture industrielle, seul le tabac avait quelque im<br />

portance. Beaucoup de tribus en produisaient dans le Dahra<br />

et l'Ouarsenis, mais en quantité souvent très faible, un kilo ou<br />

même moins par année. Le Cercle d'Orléansville comptait ce^<br />

pendant quelques producteurs plus considérables : les Ouarse<br />

nis, les Dahra, les Cheurfa, les Ouled-Younès et les Ouled-Abd-<br />

Allah qui totalisaient plusieurs centaines de kilos. Sur les mar<br />

chés du cercle de Téniet, le tabac jouait également un rôle nota<br />

ble dans les échanges (2).<br />

L'élevage.<br />

Mais pour l'Indigène toutes ces cultures ne fournissaient<br />

qu'un appoint aux ressources essentielles : céréales et troupeaux.<br />

Pour apprécier l'importance de ces derniers nous disposons de<br />

nombreuses données numériques fournies par les Bureaux ara<br />

bes, renseignements très complets, en particulier pour les an<br />

nées 1845, 1848, 1852 et que nous résumons très sommairement<br />

dans le tableau suivant (3).<br />

(1) N : 468, 1849, Cherchel, 2me q. mars et 2m« q. juin ; 447, 1852, subdivi<br />

sion d'Orléansville, Inspection ; 472, 1853, Ténès, juillet ; 449, 1854, Orléansville,<br />

Inspection.<br />

(2)N 447, 1852, subdivision d'Orléansville, Inspection ; 449, 1854, Orléans-<br />

vijle, Inspection ; 475, 1856, Orléansville, mars.<br />

(3) Pour 1845 les statistiques se trouvent dans le Tableau des établisse<br />

ments de 1844-45 p. 494 et suivantes ; les chiffres sont donnés pour les tribus<br />

et fractions de tribus ; afin de pouvoir comparer les résultats avec ceux des<br />

autres années nous avons écarté de la subdivision de Miliana toutes les tri<br />

bus qui par la suite n'y furent iilus englobées, à savoir : les Hadjoutes, Ghellaîe,<br />

Féroukia, Béni-Salah et Béni-Messaoud. Les statistiques de 1848 et 1852<br />

se trouvent respectivement dans N 447 et N 539. De l'étude détaillée et<br />

comparée de ces divers documents, il résulte qu'ils ne doivent être utilisés<br />

qu'avec circonspection, certains renseignements étant manitestement erro<br />

nés. Malgré leur extraordinaire précision apparente ces tableaux ne peuvent<br />

fournir qu'une vue d'ensemble de la situation.


Années<br />

Moutons<br />

et Chèvres<br />

Bœufs<br />

et Vaches<br />

•61-<br />

Chevaux Mulets Chameaux<br />

1845 575.732 61.020 8.193 3.126 1.216<br />

1848 590.760 71.419 5.401 4.462 1.183<br />

1852 847.700 90.371 6.907 4.904 1.153 (1)<br />

(1) Non<br />

500 et 600.<br />

compris ceux du cercle de Miliana que l'on peut estimer entré<br />

Les moutons forment l'élément essentiel,<br />

surpassant les<br />

chèvres, même dans les tribus au territoire entièrement mon<br />

tagneux : chez les Soumata, les Béni-Menad et les Chenoua,<br />

par exemple, on dénombre respectivement 783, 1723 et 590 mou<br />

tons contre 277, 935 et 174 chèvres (chiffres de 1845). Dans les<br />

tribus de plaine, la disproportion s'accentue : 17.500 moutons<br />

contre 2.057 chèvres chez les Attafs. Les bœufs et les vaches<br />

viennent loin derrière les moutons et les chèvres comme élé<br />

ment constitutif du troupeau : en 1845 le rapport est à peu près<br />

de 1/9 et si dans certaines tribus dû Nord, comme les Bou-<br />

Hallouan, il s'élève à 1/4 par contre, dans le Sersou, chez les<br />

Doui-Hasseni entre autres, il tombe à 1/164. Les chevaux et les<br />

mulets étaient en nombre véritablement faible pour une popu<br />

lation dépassant 165.000 habitants. Quant aux chameaux ils<br />

n'avaient de l'importance que dans quelques tribus : les Aziz<br />

de l'aghalik du Djendel en comptaient 370, les Ouled-Ayad 122,<br />

les Doui-Hasseni 230, les Béni-Maïda 153, les Béni-Linte 230,<br />

toutes tribus situées au contact du Tell et des Hautes Plai<br />

nes (1).<br />

Comme les céréales, et en grande partie pour les mêmes rai<br />

sons, le troupeau constituait une richesse essentiellement varia<br />

ble. Les renseignements que nous possédons pour 1845, 1848 et<br />

1852<br />

nous permettent de faire quelques remarques sur la situa<br />

tion au cours des premières années. Même si nous n'accordons<br />

aux chiffres qu'un crédit très limité, il semble impossible de<br />

nier la croissance du cheptel en moutons et chèvres, boeufs et<br />

(1) Il s'agit toujours des chiffres de 1845.


— — 62<br />

vaches, et aussi mulets : pour tous ces animaux, instruments de<br />

travail et capital en réserve de l'agriculteur, le progrès serait<br />

de l'ordre de 50 %<br />

de chevaux a sensiblement diminué et pour expliquer cette évo<br />

entre 1845 et 1852. Au contraire le troupeau<br />

lution, très brutale entre 1845 et 1848 notamment, il suffit d'in<br />

voquer l'insurrection de Bou-Maza et les combats meurtriers<br />

qui suivirent. Longtemps d'ailleurs le nombre de chevaux avait<br />

varié en sens inverse du reste du cheptel car, comme l'écrivait<br />

en 1849 le capitaine Richard,<br />

chef du bureau arabe d'Orléans-<br />

ville : « Quand l'Arabe craint les troubles, il vend ses moutons<br />

et achète un cheval et des armes » (1). Par la suite on n'obser<br />

ve plus ces discordances dans l'évolution des diverses espèces<br />

et, avec la pluviosité très incertaine en plaine, les hivers sou<br />

vent très rigoureux en montagne, le fait dominant restera l'ex<br />

traordinaire variation du troupeau indigène.<br />

Les méthodes d'élevage ne pouvaient pallier les inconvé<br />

nients naturels. Nous avons déjà dit comment,<br />

pour trouver<br />

une nourriture suffisante en toutes saisons, les troupeaux étaient<br />

contraints à de continuels déplacements, soit à l'intérieur du<br />

territoire même de la tribu,<br />

soit entre la plaine et la montagne,<br />

soit du Tell vers le Sud ; migrations qui n'étaient pas sans avan<br />

tages, développant le système musculaire ainsi que la force de<br />

résistance des animaux et leur permettant d'échapper à la sé<br />

cheresse de l'été ou aux rigueurs de l'hiver. Par contre l'absence<br />

d'abris se faisait cruellement sentir. A l'exception des agneaux,<br />

protégés sous la tente pendant quinze ou vingt jours, le trou<br />

peau n'avait le plus souvent, pour se garantir des excès du cli<br />

mat ou de la dent des bêtes féroces, qu'une haie de branches<br />

épineuses. Aussi un hiver particulièrement froid prenait les<br />

proportions d'une véritable catastrophe. Pour nous en faire une<br />

idée nous avons l'exemple de celui de 1857 : dans le Cercle de<br />

Téniet-el-Had les pertes des troupeaux atteignent parfois les<br />

2/3 ; dans celui d'Orléansville les intempéries déterminent la<br />

mort de 126.000 moutons, de 98.000 chèvres et de près de 11.500<br />

bœufs sur un troupeau total d'environ 300.000 têtes pour les<br />

moutons et les chèvres, de moins de 30.000 pour les bovins (2).<br />

(1) N 468, 1849, Orléansvilli 2""' q. janvier.<br />

(2) G Orléansville 1" T. 1857 et N 475, 1857, Téniet-el-Had, janvier.


— 63 —<br />

Et un pareil désastre est lourd de conséquences : l'année sui<br />

vante, faute de bœufs pour tirer la charrue et faute de moutons<br />

à échanger sur les marchés contre des semences, l'étendue des<br />

cultures se restreint considérablement.<br />

Le troupeau décimé va se reconstituer à la diable car si l'In<br />

digène pratique la castration (1), il le fait suivant des métho<br />

des primitives et choisit avec peu de discernement les animaux<br />

à opérer. Donc point de véritable sélection. L'Indigène ne pré<br />

voit pas à longue échéance ; il vend lorsqu'on lui offre un bon<br />

prix ou lorsque la nécessité l'y contraint, sans chercher à con<br />

server les bêtes qui progressivement pourraient contribuer à<br />

l'amélioration qualitative de son troupeau. De là, pour les mou<br />

tons par exemple, des résultats très médiocres aussi bien en ce<br />

qui concerne la viande que la laine. Les animaux sont amenés<br />

sur les marchés sans trop se préoccuper de leur poids ; il n'y<br />

a guère que les Sbéah et les Ouled-Kosseïr qui achètent, des bes<br />

tiaux et les engraissent avant de les revendre (2). Quant à la<br />

laine, elle se trouvait dépréciée par les procédés de la tonte.<br />

Celle-ci, pratiquée avec des couteaux ou la faucille, mutilait<br />

souvent les bêtes, tiraillait la toison et en laissait près du quart<br />

inutilisé sur le corps de l'animal. De plus, loin de laver la laine,<br />

l'Indigène pratiquait la tonte sur un sol terreux et malpropre<br />

afin d'accroître le poids du produit par l'incorporation d'une<br />

assez grande quantité de corps étrangers ; parfois il ajoutait<br />

sciemment de l'eau, du sable, de la terre et des pierres ou enle<br />

vait un peu de laine de chaque toison lorsqu'il pensait les céder<br />

à la pièce et non au poids.<br />

L'industrie.<br />

Elle vient loin derrière les céréales et l'élevage. C'est une<br />

industrie de la tente dans laquelle les femmes jouent un rôle<br />

primordial et qui vise à satisfaire les besoins essentiels de la<br />

communauté familiale. Peu de différences d'une tribu à une<br />

(1) Voir dans (137) 5-11 le rapport de Bernis, vétérinaire principal de<br />

l'Armée d'Afrique en 1852.<br />

(2) G Orléansville 2» T. 1856.


— 64 —<br />

autre et par suite peu d'échanges : certes nous signalerons plus<br />

loiu un certain nombre de spécialités, mais pour en apprécier<br />

l'importance il faut se souvenir qu'il s'agit d'une énumération<br />

à peu près complète et que notre enquête porte sur un total de<br />

105 tribus (1). Un rapporï d'inspection des Bureaux arabes<br />

note d'une façon catégorique que dans le Cercle de Miliana<br />

l'industrie se borne à la fabrication des objets de première uti<br />

lité et qu'il n'y a pas de spécialité. Son de cloche identique<br />

dans un rapport relatif au Cercle de Cherchel et énumérant<br />

pour diverses tribus les mêmes industries : poteries en terre,<br />

vanneries en palmier nain, haïks, burnous, charbon, huile d'oli<br />

ve et instruments aratoires grossiers. En somme une économie<br />

qui se suffit à elle-même ((2).<br />

De ce premier caractère en dérive un second : le peu de<br />

développement de l'activité industrielle. Pour les vêtements,<br />

dans le cercle de Téniet surtout, on comptait en partie sur ceux<br />

que les nomades apportaient. Dans les montagnes de Cherchel,<br />

sur treize tribus, seuls paraissent devoir être mentionnés comme<br />

ayant une activité industrielle les Chenoua fabriquant en quan<br />

tité appréciable des vases rudimentaires et des nattes de pal<br />

mier nain. Dans les agglomérations,<br />

même les plus importan<br />

tes, les ouvriers sont peu nombreux. En 1849 dans la ville ara<br />

be de Ténès, malgré les encouragements du bureau arabe, on<br />

trouve en tout et pour tout : un forgeron, un armurier et un<br />

teinturier. A Cherchel, à la même époque, la seule industrie<br />

assez renommée est celle de la poterie (3).<br />

Il faut noter également le caractère intermittent des indus<br />

tries indigènes. Pour le Cercle de Ténès, l'industrie principale<br />

consiste dans la confection, avec de l'alfa, de quelques nattes,<br />

paniers, couffins, mais comme personne ne s'y<br />

livre de manière<br />

permanente, ces articles ne se rencontrent sur les marchés qu'à<br />

l'époque des labours et à celle des moissons. Le travail indus<br />

triel, lorsqu'il existe, apparaît, en effet, le plus souvent, comme<br />

(1) Elles se répartissent ainsi : cercle de Ténès : 12 ; cercle d'Orléans-<br />

ville : 23 ; cercle de Téniet-el- Had : 11 ; cercle de Miliana : 46 ; cercle de<br />

Cherchel : 13. N 448, 1853, rapport du Général Camou sur la division d'Alger.<br />

(2) N 447, 1852» Miliana et Cherchel, Inspections.<br />

(3) N 468, 1849, Ténès 2"' q. mars ; N 469, 1860, Cherchel, septembre.


— — 65<br />

une occupation de morte-saison. Par exemple, chez les Béni-<br />

Haoua (cercle de Ténès), les 80 individus qui font des nattes,des<br />

cribles, des paniers, des couffins en alfa et en palmier nain<br />

s'adonnent à cette besogne seulement lorsque les travaux de<br />

culture ne réclament pas leurs soins (1).<br />

Si nous voulons apporter quelques précisions sur les diver<br />

ses industries,<br />

nous devons commencer évidemment par celles<br />

qui sont en relation directe avec l'agriculture. La place préémi<br />

nente revient à la mouture du grain, travail des femmes utili<br />

sant un mortier ou un petit moulin à bras ;<br />

corvée rude et fas<br />

tidieuse demandant chaque jour des heures entières et pour<br />

laquelle on a invoqué la nécessité de la polygamie ou évoqué<br />

la tâche des 6.000 esclaves enfouis dans les souterrains de Rome<br />

(2). A côté de cette besogne capitale les autres industries<br />

agricoles méritent à peine une mention : préparation des figues<br />

sèches, des raisins secs, du tabac et surtout fabrication de l'hui<br />

le. Ce dernier travail, confié aux femmes et aux enfants, se pra<br />

tiquant d'une manière très imparfaite, les pertes étaient lour<br />

des et le produit obtenu de qualité très médiocre; il jouait ce<br />

pendant un rôle notable dans les échanges du cercle de Cher<br />

chel (3).<br />

Beaucoup<br />

d'industries se retrouvent dans presque toutes<br />

les tribus tel le travail de la laine,<br />

autre occupation des fem<br />

mes. Outre les pièces mêmes de la tente ou flidj, elles font les<br />

tapis qui constituent à peu près tout l'ameublement, les haïks<br />

et les burnous pour leur époux et leurs enfants, les djelals pour<br />

les chevaux, les tellis pour les provisions. Les Medjadja fabri<br />

quent également les métiers nécessaires à cette industrie tex<br />

tile. La vannerie s'ajoute à l'industrie textile pour fournir à<br />

l'Indigène les objets les plus indispensables : avec l'alfa, le pal<br />

mier nain ou même le jonc on fabrique des nattes, des couffins,<br />

des grands paniers aux usages les plus divers. L'industrie de<br />

la poterie grossière se retrouve dans la plupart des tribus, mais<br />

quelques-unes seulement,<br />

(1) N 449, 1854, Ténès, Inspection.<br />

(2) Richard (18) 60.<br />

(3) G Cherchel 4* T. 1856 et 1" T. 1857.<br />

comme les Béni-Zioui du cercle de


— 66 —<br />

Cherchel, ont acquis quelque renommée pour leur habileté dans<br />

la fabrication des ustensiles de cuisine. La préparation du sa<br />

von, importante chez les Medjadja, les Béni-Rached et les Béni-<br />

bou-Khannous (cercle d'Orléansville) par exemple,<br />

paraît ce<br />

pendant plus localisée. Les Chouchaoua tannent des peaux de<br />

boucs qu'ils vont vendre sur les marchés environnants (1).<br />

Les spécialisations pouvant engendrer un véritable commerce<br />

restent peu nombreuses. Le bois surtout donne lieu à des indus<br />

tries variées qui alimentent les échanges avec les gens des plai<br />

nes. Plusieurs tribus montagnardes préparent du charbon, com<br />

me les Sendjès et les Ouled-Sidi-Salah, où, tels les Béni-bou-<br />

Khannous, livrent du goudron. Certaines confectionnent des<br />

objets variés allant depuis les cuillères en bois jusqu'aux âges<br />

de charrues, en passant par les montants de tentes, les plats,<br />

les planchettes pour les tolba, les baguettes de fusil...; c'est le<br />

cas des Ouled-Boufrid et des Talassa du cercle de Ténès, des<br />

Béni-Zoug-Zoug du cercle de Miliana, des Heumis et des Ouar<br />

senis du cercle d'Orléansville, des Béni-Linte et des Doui-Has<br />

seni du cercle de Téniet-el-Had. La préparation des planches<br />

pour cercueils pratiquée notamment par les Chouchaoua (cer<br />

cle d'Orléansville) donne lieu, dans les bois de thuya, à une ex<br />

ploitation dévastatrice parce que, faute d'outils pour extraire<br />

quelques planches, les Indigènes sont obligés d'abattre des ar<br />

bres de belle venue qui convenablement débités pourraient en<br />

fournir dix fois plus (2).<br />

L'exploitation des autres matières premières a des con<br />

séquences plus limitées. Les Medjadja fabriquent de la chaux.<br />

Dans les Béni-Merzoug, grâce à une carrière fournissant de la<br />

très bonne pierre, une vingtaine d'individus font des meules de<br />

moulins à bras qu'ils colportent sur les marchés. Le fer donne<br />

lieu à une petite industrie dans les régions où l'on trouve un peu<br />

de minerai : chez les Béni-Chaïb de l'Ouarsenis qui fabriquent<br />

(1) N : 447, 1852, Orléansville et Téniet-el-Had, Inspection ; 449, 1854,<br />

Orléansville, Inspection ; 539, 1848, statistiques.<br />

G Ténès 2* et 3" T. 1856, Cherchel 4* T. 1856.<br />

On appelle djelal la couverture utilisée pour le cheval.<br />

(2) N : 469, Orléansville, mars ; 447, 1852, Téniet et Miliana, Inspections;<br />

449, 1854, Orléansville, Inspection.


67 —<br />

des haches, des couteaux, des licols en fer et des anneaux ;<br />

chez les Béni-Zioui de la région de Cherchel qui font des ins<br />

truments de jardinage et des sabots pour renforcer le bois des<br />

charrues. Les Berbères de l'Ouarsenis extraient du plomb; avec<br />

leurs voisins! des Béni-Bou-Attab du cercle de Miliana,ils produi<br />

sent également du salpêtre suivant une méthode très simple : on<br />

laisse longtemps du fumier à l'humidité et il se forme des mot<br />

tes terreuses qui sont couvertes de salpêtre. La fabrication de<br />

la poudre était importante chez les Sbéah qui, suivant le capi<br />

taine Richard, avaient pour principale industrie le vol et le<br />

pillage comme les Ouled-Sidi-Salah la mendicité (1).<br />

Les échanges.<br />

Avec une population convaincue que celui qui possède du<br />

blé et de l'orge n'a plus rien à désirer, considérant les légumes<br />

comme superflus (2), le commerce ne pouvait avoir une bien<br />

grande extension. Chaque tente vivait de son grain, fabriquait<br />

le plus souvent ses ustensiles de ménage et confectionnait ses<br />

effets d'habillement ; les excédents, en grains et en laine notam<br />

ment,<br />

n'alimentaient que de faibles transactions. Celles-ci se<br />

nouaient sur les marchés où la population s'approvisionnait<br />

en denrées qui lui manquaient et qu'apportaient des marchands<br />

venus le plus souvent des tribus voisines.<br />

Nous avons dénombré 42 marchés en 1848 (3), c'est dire<br />

que beaucoup de tribus possédaient le leur. Certaines cepen<br />

dant, à cause de leur pauvreté,<br />

n'en avaient jamais eu : daus<br />

tout le cercle de Ténès par exemple on n'en complaît que deux.<br />

D'autres, comme les Béni-Ghomerian et les Béni-Ferrah,<br />

avaient vu le leur décroître puis disparaître. Par contre quel<br />

ques-unes telles les Braz, les Sendjès ou les Gouraya en tenaient<br />

(1) N 469, 1850, Cherchel, décembre. N 447, 1852, Ténès, Orléansville et<br />

Téniet-el-Had, Inspection. N 448, 1853, Orléansville, Inspection. N 472, 1853,<br />

Miliana, février. N 449, 1854, Ténès, Inspection. G Cherchel, 4» T. Richard<br />

(17) 25.<br />

(2) N 468, 1849, Ténès 1 q. avril.<br />

(3) N 539, 1848,<br />

statistique des tribus.


— 68 —<br />

deux et on en comptait jusqu'à trois chez les Sbéah du Nord et,<br />

semble-t-il, chez les Béni-Menasser.<br />

Nombre de ces marchés étaient davantage des lieux de<br />

réunion que de commerce et les places vers lesquelles conver<br />

geaient des courants commerciaux plus intenses se comptaient<br />

aisément. Dans le Nord, Ténès paraît avoir eu une importance<br />

notable pour les céréales,<br />

mais c'est le marché des Béni-Mer-<br />

zoug qui est signalé comme jouant le rôle essentiel. Sur le ver<br />

sant nord de l'Ouarsenis le marché le plus considérable était<br />

celui des Béni-Zoug-Zoug qui se tenait le mercredi et, plus au<br />

sud, marchands et acheteurs se rendaient chez les Béni-Lent,<br />

les Béni-Chaïb, les Ouled-Ayad et plus encore chez les Ouled-<br />

Ammar. Bien alimentée en sel, savon, sucre et café ainsi qu'en<br />

substances tinctoriales et eiî cotonnades, Miliana recevait des<br />

Béni-Zoug-Zoug, des Haraouat, des Bou-Rached, des Djendel,<br />

des Béni-Menasser, des Bou-Hallouan...<br />

Mais c'est surtout vers les marchés de la plaine du Chélif<br />

qu'affluaient les sans (1) de grains, les toisons de laine, les<br />

charges de tabac, les bœufs et les moutons, l'huile, le beurre, le<br />

miel, les volailles... A l'Ouest, les Ouled-Kosseïr étaient réputés<br />

particulièrement commerçants. Au centre, les Attafs possédaient<br />

deux marchés très fréquentés par les Kabyles de l'Ouarsenis<br />

et du Dahra comme par les populations de la plaine. Mais au<br />

cun de ces marchés ne pouvait se comparer à l'Arba des Djen<br />

del qui recevait des Ghribs, des Ouarsenis, des Ouled-Ayad,<br />

des Blaëls, des Soumata, des Hachem, des Bou-Hallouan, des<br />

Béni-Zoug-Zoug, des Attafs et même des Ouled-Kosseïr, des<br />

Sendjès et des Ouled-el-Abbès ; à la belle saison, il n'était pas<br />

rare d'y voir réunis 6.000 Indigènes.<br />

Si l'on cherche à discerner la nature de ces courants com<br />

merciaux, mis à part le trafic avec les nomades signalé anté<br />

rieurement, on note la prédominance des échanges entre la plai<br />

ne et la montagne. Lorsque la récolte était déficiente dans la<br />

vallée du Chélif, les Arabes de la plaine, en juillet et août,<br />

allaient chez les montagnards (du Nord surtout) chercher des<br />

(1) Mesure du pays équivalant à peu près à un quintal en orge et à un<br />

quintal et 12 à 15 kilogs en blé.


— — 69<br />

glands ou du grain ; mais c'était plus une forme de mendicité<br />

que de commerce (1). Dans le sens opposé, de la montagne<br />

vers la plaine, les rapports avaient un autre caractère et une<br />

plus grande ampleur. Outre les moissonneurs qu'elles déver<br />

saient chaque année sur la plaine, les montagnes du Nord et du<br />

Sud fournissaient aux gens du Chélif nombre de produits agri<br />

coles et même industriels. Les Kabyles de l'Ouarsenis ou de<br />

la région de Cherchel apportaient des légumes, des figues et<br />

aussi de l'huile qu'ils échangeaient contre des grains ; certains<br />

écoulaient également des laines, des vases grossiers, des usten<br />

siles en bois, mais au total ce commerce se trouvait limité par<br />

la pauvreté des populations et par le mauvais état des sentiers<br />

arabes.<br />

Il s'agit jusque là, comme pour la circulation des nomades, de<br />

courants Nord-Sud ou Sud-Nord (2). La vallée du Chélif ou<br />

vre une voie E-0 qui devait nécessairement constituer aussi<br />

un axe commercial. C'est en l'empruntant que venaient les mar<br />

chands de l'Oranie avec des tissus et des tapis et sans doute<br />

aussi avec des charges de sel (3) ; leurs caravanes emportaient<br />

au retour le blé et l'orge des tribus du Chélif. Dans le sens inver<br />

se, les Kabyles des Zatima, (cercle de Cherchel), lorsque la récol<br />

te d'olives avait été bonne, partaient avec leur huile jusque dans<br />

la région de Mascara (4) pour se procurer,<br />

par des échanges<br />

avantageux, le blé ainsi que les laines et les étoffes dont ils<br />

étaient dépourvus.<br />

Les populations côtières ne pratiquaient guère le cabotage.<br />

Cependant les grosses barques de Cherchel ou « sandals »<br />

(Pretot) apportaient à Alger des poteries, des fruits et du bois.<br />

(1) N : 462» 1846, 1 et 2n"> q. août ; 469, 1850, Orléansville, juillet.<br />

(2) On pourrait ajouter, comme suivant à peu près cette direction, le com<br />

merce des esclaves ; ceux-ci étaient considérés comme indispensables parce<br />

qu'ils aidaient les femmes dans leurs travaux, allant en particulier au bois<br />

et à l'eau, corvées que ne pouvaient assurer les filles de grande tente. Les<br />

marchands d'esclaves venaient parfois de très loin, du Gourara par exem<br />

ple. Ils essayèrent de maintenir leur trafic après la conquête française et en<br />

1J-48 on en arrêtait sur le marché d'Orléansville. N : 463, 1847, Orléansville<br />

2m" q. septembre ; 465, 1848, Ténès, 2me q. septembre ; 465, 1848, Orléansville<br />

2" q. juin.<br />

(3) N 469, 1850, Orléansville, février.<br />

(4) Et certains aussi vers Tiaret. G Cherchel 3e T. 1858.


— 70 —<br />

Quant à Ténès, avant même la conquête, c'était le port du Chélif<br />

et, en voulant en faire le débouché d'Orléansville, Bugeaud, en<br />

1843, ne fera que renforcer un courant commercial déjà exis<br />

tant. Chaque année, en effet, d'août à novembre, on transportait<br />

à Ténès de grosses quantités de céréales que des bâtiments<br />

d'Alger ou d'Espagne venaient charger (1).<br />

Regard vers l'extérieur certes, mais combien discret, com-i<br />

bien furtif ! Au total le pays demeurait recroquevillé sur luimême,<br />

était<br />

la tribu et parfois même la famille. Or, à la même époque,<br />

rEurope et la France en particulier? voyait se lever l'aurore<br />

d'une économie nouvelle caractérisée par la puissance de la<br />

ankylosé dans nnejîgnrinrmp arriérée dont le.cadre<br />

production avec la machine à vapeur et l'intensité des échanges!<br />

avec la voie ferrée (2). La religion du progrès industriel recru- \<br />

tait des fidèles et les Saint-Simoniens entonnaient un hymne<br />

à la production. Comment les officiers des Bureaux arabes,<br />

dont certains avaient appartenu à la jeunesse intellectuelle de<br />

Paris, auraient-ils pu s'accommoder d'une économie moyenâ<br />

geuse ? Pour des raisons que nous allons maintenant essayer<br />

de préciser et avec des méthodes imposées par la structure<br />

économique et sociale du pays, ils entreprirent la transformation<br />

radicale des genres de vie indigènes. ^^<br />

(1) M.G. 1314, notices de Pretot et notice sur Cherchel de 1841. N 465,<br />

1848, Ténès 2m" q. octobre. G Cherchel 1" T. 1866.<br />

(2) L'industrie française qui n'employait que 65 machines à vapeur en<br />

1820, en utilisait déjà plus de 8.000 en 1848.<br />

La première ligne française Paris-St-Germain date de 1837 ; la loi<br />

Guizot de 1842 donna l'impulsion nécessaire à un développement rapide et en<br />

1848 le réseau français approchait des 2.000 kilomètres contre 4.000 en Alle<br />

magne et 6.000 en Angleterre.


CHAPITRE II<br />

Les Bureaux arabes


Pour juger l'œuvre des Bureaux arabes et surtout la com<br />

prendre, il faut étudier avec quelque précision l'organisme lui-<br />

même. Nous en avons très rapidement fait l'historique, dénom<br />

bré les attributions et décrit les rouages. Reste à voir l'essentiel :<br />

l'esprit dans lequel les Bureaux arabes ont<br />

entrepris leur action<br />

et les moyens qu'ils mirent en œuvre pour atteindre le but fixé.<br />

On les a accusés de s'être isolés dans l'armée au point de for<br />

mer une confrérie, une franc-maçonnerie, une «Société d'admira<br />

tion mutuelle » (1) ; on a dit qu'ils recherchaient le désordre,<br />

razziant les tribus sans raison, sinon pour faciliter l'avance<br />

ment des officiers (2) et allant jusqu'à provoquer les insurrec<br />

tions pour justifier la présence leur administration ; on a<br />

âffirme que ces « Templiers modernes » (l'Txpfélssiôn est de J.<br />

régnaient sur les Indigènes par la corruption des chefs \<br />

Favre)<br />

et qu'ils ne haïssaient rien autant que la colonisation européen-<br />

ne ;<br />

on a admis communément que les chefs des Bureaux ara-<br />

bes étaient des sabreurs s'enivrant de leur autorité et paradant<br />

y<br />

y<br />

à la tête des goums.<br />

Toutes ces accusations soulèvent des questions qu'il<br />

faut aborder si l'on veut saisir les modalités de l'action<br />

des Bureaux arabes et en apprécier les résultats. Aussi<br />

nous proposons-nous, tout d'abord, d'examiner le rôle des Bu<br />

reaux arabes dans leurs rapports avec le reste de l'armée; puis,<br />

de rechercher la doctrine, ou, tout au moins, les idées maîtresses<br />

qui ont inspiré les Richard et les Lapasset; ensuite, de définir<br />

les méthodes utilisées par une poignée d'officiers pour mettre<br />

en branle des dizaines de milliers d'Indigène^; et, enfin, d'évo<br />

quer, dans la mesure du possible, les chefs les plus représenta<br />

tifs dont l'autorité s'est exercée dans l'Ouest du Tell algérois.<br />

(1) Pour toutes ces accusations, voir notamment : les Bureaux arabes<br />

devant le jury (126) ; Les Arabes et les bureaux arabes (118) ; articles de<br />

Bézy (42) ; Dûval et Warnier (58) ; A. Duvernois (59) ; Cl. Duvernois<br />

(60). Ce dernier s'adressant au prince Napoléon, et parlant des officiers des<br />

Bureaux arabes,<br />

chands du temple ! »<br />

s'écrie : « si vous êtes un réformateur, chassez les mar<br />

(2) Voir dans Hugonnet (1) 236-238 les pages relatives à la « razzia de<br />

pied ferme ». Il décrit comment un officier qui désire de l'avancement pro<br />

voque les Indigènes pour avoir l'occasion d'une razzia.<br />

\<br />

j


A —<br />

LE ROLE DES BUREAUX ARABES<br />

On a pu soutenir contradictoirement, d'une part, que les<br />

Bureaux arabes, demeurés confondus avec les autres éléments<br />

de l'armée, étaient de simples agents d'exécution sous les or<br />

dres du commandement militaire, de modestes intermédiaires<br />

chargés de transmettre aux Indigènes les décisions des chefs res<br />

ponsables, pour tout dire, rien de plus que l'instrument ou l'ou<br />

til des commandants de Cercle, de Subdivision et de Division<br />

dont ils se bornaient à refléter l'autorité (1) ; et, d'autre part,<br />

qu'ils passaient par-dessus la hiérarchie militaire, dominaient<br />

le gouvernement, constituaient un état dans l'état « avec son<br />

budget, son personnel, ses bureaux, son journal, ses cavaliers<br />

réguliers et irréguliers, disposant de tout le sol, de la liberté<br />

des administrés » sans être soumis à aucune espèce de contrôle,<br />

« habitués à considérer l'Algérie comme leur propriété et les<br />

Arabes comme leur chose ». On a parlé d'« un filet inextricable<br />

jeté sur la colonie » (2).<br />

Où est la vérité ? Il ne semble pas impossible de se faire une<br />

idée nette à condition de distinguer les principes de la réalité.<br />

I. —<br />

LES<br />

Les textes.<br />

BUREAUX ARABES, AGENTS D'EXECUTION<br />

Faire des Bureaux arabes de simples agents d'exécution<br />

tel est le but visé par tous ceux qui se sont occupés de l'organi-<br />

(1) Hugonnet (6) 8 ; Foucher (67) 14 à 17 ; Bureaux arabes devant le<br />

jury (126) 83 ; Peyronnet (87) I 934.<br />

(2) RiNgel (91) 96 ; Duval et Warnier (58) 50-54 ; Bureaux arabes de<br />

vant le jury (126) 26, 31, 77.


—<br />

— 74<br />

sation des Bureaux arabes depuis leur origine jusqu'à leur<br />

disparition.<br />

(Dès 1841, lorsqu'il établit la Direction des affaires arabes,<br />

Bugeaud s'attache à marquer la subordination du nouveau Di<br />

recteur au Gouverneur Général (1). L'arrêté fondamental de<br />

1844 ne laisse planer aucun doute sur ce point et l'article 5<br />

énonce sans ambiguïté que : « Partout et à tous les degrés, les<br />

affaires arabes dépendront du commandant militaire qui aura<br />

seul qualité pour donner et signer les ordres,<br />

dre avec son chef immédiat,<br />

chie ». Dans les instructions qu'il rédige,<br />

officiers des Bureaux arabes d'<br />

et pour correspon<br />

suivant les règles de la hiérar<br />

Daumas qualifie les<br />

« organes de notre autorité<br />

auprès des indigènes » jet il ajoute : « Il est bien entendu d'ail<br />

leurs que l'officier chargé des affaires arabes ne peut être que<br />

le représentant du commandant supérieur,<br />

et que son premier<br />

devoir est de tenir celui-ci au courant des événements, même<br />

les plus minimes, et à plus forte raison, de ne rien décider de<br />

grave sans son ordre » (2). Le nom même de bureau arabe n'im-<br />

plique-t-il pas une fonction secondaire, subordonnée à une direc<br />

tion supérieure ? )<br />

De 1847 à 1852 on songe à préciser la position des offi<br />

ciers des Bureaux arabes |afin d'améliorer leur situation et<br />

on envisage alors la création d'un corps spécial d'officiers<br />

employés aux affaires arabes. Mais, pour maintenir entière l'ini<br />

tiative du commandement dans le choix des officiers des Bureaux<br />

arabes, ce corps n'est pas organisé. On craignit de relâcher<br />

les liens de la subordination. Les officiers des Bureaux arabes<br />

continuèrent donc à compter dans leurs corps respectifs et fu<br />

rent simplement considérés comme employés dans un service<br />

spécial qualifié d'<br />

« auxiliaire le plus puissant du pouvoir mili-<br />

(1) Trois articles sur quatre affirment cette subordination. Texte dans<br />

Menerville (140) I 59.<br />

(2) Daumas (4) 74-75. Le Général Rivet, l'un des aides de camp de Bu<br />

geaud, écrit dans le même sens : « Le bureau arabe dans la pensée du maré<br />

chal Bugeaud ne devait pas être une autorité proprement dite, mais comme<br />

un état-major chargé des affaires arabes auprès du commandant supérieur et<br />

n'agissant qu'au nom et par ordre de celui-ci... » cité par Ringel (91) 32.


— — 75<br />

taire dans la réalisation de tout progrès et dans la marche régu<br />

lière du commandement » (1).<br />

L'affaire Doineau est l'occasion pour le ministère de la<br />

guerre de rappeler dans plusieurs notes que les Bureaux ara<br />

bes constituent « une sorte de service d'état-major », qu'ils doi<br />

vent « avoir, pour ainsi dire, la main sur le pouls des tribus »<br />

afin de renseigner l'autorité supérieure,<br />

mais qu'« on a soigneu<br />

sement évité de leur donner le rôle et les attributions d'un ser<br />

vice à part ayant une action propre sur les tribus », cette der<br />

nière phrase étant soulignée d'un gros trait afin de montrer<br />

que là se trouve l'idée maîtresse d'une étude de treize pages sur<br />

l'organisation des Bureaux arabes (2).<br />

En 1865, Napoléon III, dans sa lettre au Maréchal de Mac-<br />

Mahon sur la politique de la France en Algérie, insistait sur le<br />

fait que les Bureaux arabes n'étaient qu'un corps subalterne :<br />

« Les bureaux arabes, écrivait-il, ne sauraient être considérés<br />

comme une institution administrative ayant une action et une<br />

autorité propres. Les officiers qui les composent doivent tout<br />

à fait rentrer dans le commandement, mais il est essentiel que<br />

ce commandement au lieu de recevoir d'eux l'impulsion, soit<br />

capable de la leur imprimer. De cette manière les officiers des<br />

bureaux arabes ne seront que les officiers d'état-major du com<br />

mandement pour les affaires arabes. Leur rôle consiste à trans<br />

mettre aux populations les intentions, les conseils, les vues du-<br />

commandement » (3).<br />

Quant à la circulaire, de 1867, la charte des Bureaux ara<br />

bes, elle souligne dès le début le caractère subordonné des offi<br />

ciers des affaires indigènes : « Partout et à tous les degrés, les<br />

affaires arabes dépendent du commandant militaire qui, seul,<br />

a qualité pour signer les ordres et correspondre avec son chef<br />

immédiat', ses subordonnés et les différents services suivant les<br />

guerre, .<br />

(1) Décret du 11 juin 1850 et Rapport de Saint-Arnaud, ministre de la<br />

précédant le décret du 18 mars 1852 Ménerville (140) 160. N. 1676 :<br />

Projet d'organisation des bureaux arabes sous le nom de corps de gouverne<br />

ment arabe (5-7-1847). N. 442 : Note du capitaine Boissonnet, directeur des<br />

affaires arabes de la Province de Constantine (17-8-1847).<br />

(2) N 1713 F : note du ministère de la guerre du 28-8-1857 ; lettres du<br />

Ministre de la guerre au Maréchal Randon du 20 août et du 7 septembre 1857.<br />

(3) Napoléon III (84) 73.


— — 76<br />

règles de la hiérarchie... Il est interdit au chef de bureau ara<br />

be de faire usage d'un cachet particulier (1).<br />

« Les officiers des bureaux arabes sont sous les ordres di<br />

rects des commandants militaires et dans des<br />

conditions ana<br />

logues à celles des officiers de l'état-major général par rap<br />

port aux commandants des corps d'armée et de division. C'est<br />

par eux que les ordres des commandants militaires sont donnes<br />

aux chefs indigènes; c'est par eux que l'exécution en est assurée.<br />

Mais c'est toujours au commandant militaire que les chefs indi<br />

gènes adressent leurs rapports ou leurs lettres ayant trait au<br />

service... »<br />

Et dans rénumération des fonctions des bureaux de cercles<br />

notamment, il n'est presque pas un paragraphe qui ne note<br />

expressément la prépondérance du commandant supérieur au<br />

près duquel le chef de bureau arabe se rend au moins une fois<br />

par jour pour exposer les faits survenus et prendre connaissan<br />

ce des décisions et instructions (2).<br />

Le décret du 24 décembre 1870, si hostile aux Bureaux ara<br />

bes dont il voulait préparer la disparition,<br />

ne fait cependant<br />

que reprendre, parfois presque dans les même termes, les tex<br />

tes antérieurs lorsqu'il spécifie dans son article 2 que : « Les<br />

officiers des bureaux arabes maintenus, jusqu'à dispositions<br />

contraires, auprès des commandants chargés de l'administra<br />

tion des territoires dits militaires, sont les agents de ces com<br />

mandants, ils n'ont pas personnellement l'autorité... » (3).<br />

On peut dire qu'il n'est pas un texte relatif aux Bureaux<br />

arabes qui n'affirme leur subordination à l'autorité militaire.<br />

Les opinions.<br />

Cette subordination, les chefs de l'armée, dans les premières<br />

années tout au moins, ont tenu à la souligner.<br />

(1) Ce qu'il faisait sans doute couramment jusque là si l'on en croit<br />

Pein qui, dans ses Lettres familières sur l'Algérie, écrit en parlant du Bureau<br />

arabe : « on commit la maladresse de lui donner un cachet ; il devint une<br />

puissance » (13) 254.<br />

(2) Texte dans Ménerville (140) III 19.<br />

(3) Ménerville (140) III 10.


**<br />

— 77 —<br />

Le général Camou, commandant la division d'Alger, écrit<br />

dans son rapport d'inspection de 1853 : « Le chef du bureau<br />

arabe est le chef d'état-major du commandant supérieur pour<br />

toutes les affaires concernant les indigènes et cette définition<br />

si simple indique de suite ses devoirs, ses attributions... Toutes<br />

les décisions importantes sont prises et doivent l'être par le<br />

commandant supérieur, seul responsable vis-à-vis de l'autori<br />

té ; celles ne concernant que le service courant sont données<br />

par les chefs de bureau qui en rendent compte en temps utile.<br />

Partout, le rapport qui a lieu tous les matins et des rencontres<br />

fréquentes dans la journée permettent au commandant supé<br />

rieur d'être exactement et convenablement renseigné sur tout<br />

ce qu'il veut connaître... » (1).<br />

A l'échelle de lajsubdivisign on entend le même son de<br />

cloche. En 1852, le colonel commandant la subdivision de Milia<br />

na définit lui aussi le bureau arabe comme 1'<br />

« organe de l'auto<br />

rité supérieure » et son collègue d'Orléansville, particulièrement<br />

explicite dans son rapport de 1853, note que : « Le chef du<br />

bureau arabe est chef de service ; il reçoit du commandant la<br />

direction générale et l'impulsion et se comporte en toutes cir<br />

constances comme un délégué de l'autorité locale, livrant tous<br />

ses actes à son contrôle, faisant remonter à elle toute responsa<br />

bilité... S'il se présente une affaire importante à traiter, le chef<br />

du bureau arabe s'efface et le commandant intervient... Dans<br />

les tournées au milieu des tribus, le chef du bureau arabe accom<br />

pagne le commandant supérieur et se tient sur la réserve... Inu<br />

tile d'ajouter que l'autorité jalouse de ses droits ne souffrirait<br />

pas la plus petite apparence d'empiétement sur la moindre de<br />

ses prérogatives » (2).<br />

Les officiers subalternes, commandant les cercles, ne sont<br />

pas moins attachés à cette autorité. Il suffira de rapporter ici<br />

ce qu'écrivait le capitaine Margueritte, commandant supérieur<br />

(1) N 448 : Affaires arabes, Inspection, Alger 1853 ; et encore N. 450 :<br />

Affaires arabes, Inspections, Alger 1854.<br />

(2) N 447 et 448, Aff. arabes, inspections, Alger 1852 et 1853. De même,<br />

devant le jury d'Oran, le général de Beaufort commandant la subdivision de<br />

Tlemcen parle de Doineau, chef du bureau arabe, comme d'un subordonné et<br />

n'hésite pas à prendre la responsabilité des exécutions sommaires (123) 201-<br />

205.


—<br />

— 78<br />

du cercle de Téniet-el-Had et ancien chef du bureau arabe : « Les<br />

rapports entre le chef des affaires (arabes)<br />

et le commandant<br />

supérieur sont tels que le veulent les diverses ordonnances sur<br />

la matière. Il est rendu compte au commandant supérieur de<br />

toutes les affaires qui ont quelque importance et il en décide à<br />

son gré. Les chefs vont chez lui toutes les fois qu'ils viennent à<br />

Téniet et prennent ses instructions et ses ordres. C'est lui qui<br />

donne les burnous d'investiture et, en résumé, c'est à lui qu'ap<br />

partient toute l'initiative des affaires... Il arrive souvent qu'une<br />

décision prise au bureau arabe ne plaisant pas à l'individu qui<br />

en est l'objet, il va exposer de nouveau sa réclamation au com<br />

mandant supérieur qui maintient ou change la première solu<br />

tion » (1).<br />

Cette affirmation répétée de la condition auxiliaire des<br />

Bureaux arabes et de leur rôle officiel d'intermédiaires n'est<br />

jamais niée par ceux-ci,<br />

au contraire. On peut dire que les<br />

commandants militaires en faisant état de leur autorité se bor<br />

nent à entériner les rapports des officiers des affaires indigè<br />

ne. Ceux-ci, désireux de satisfaire leurs supérieurs, ont toujours,<br />

lorsqu'ils écrivent, le respect de la hiérarchie (2). Avec une pru<br />

dence très administrative et le souci de ménager les suscepti<br />

bilités, ils s'abritent derrière les ordres reçus et rendent hom<br />

mage à leurs supérieurs des initiatives heureuses. Il serait facile<br />

de multiplier les citations,<br />

qu'il s'agisse de la mise en état des<br />

moyens de communication (3) ; de la construction et de l'en<br />

tretien des maisons et des édifices publics (4) ; de la culture<br />

de la pomme de terre (5), de la vigne (6), du coton (7) ; des<br />

méthodes de labours (8) ; de la récolte des fourrages (9) ; de<br />

(1) N 447 ; même opinion du Ct supérieur de Cherchel, N 447 et N 448.<br />

(2) On pourrait citer les raDports des années 1852, 1853, 1854 dans N 447,<br />

448, 449.<br />

(3) G, Ténès 4- T. 1865 et Cherchel 3« T. 1858.<br />

(4) N 471 (cercle de Miliana) ; G. Orléansville sept. 1865 et 3- T. 1866.<br />

(5) G. Téniet 4* T. 1861.<br />

(6) G. Ténès 2> T. 1861.<br />

(7) G. Ténès 1" T. 1861.<br />

(8) G. Cherchel 4« T. 1859.<br />

(9) G. Ténès 2" T. 1858 et Téniet 2' T. 1859.


— — 79<br />

l'amélioration de la race ovine (1) ; ou encore de la multiplica<br />

tion des écoles (2) et de la lutte contre la misère (3). Toujours,<br />

par une incidente, le chef du bureau arabe s'efface habile<br />

ment derrière ceux que le règlement place au-dessus de lui.<br />

Et ce qui parait encose plus significatif, c'est que dans les<br />

projets de réforme que les plus éminents d'entre eux sont appe<br />

lés à formuler, les chefs de bureau arabe semblent conserver le<br />

même état d'esprit.<br />

Pour Richard, le bureau arabe c'est « le moyen<br />

.<br />

d'action, les jambes de nos idées » et il souscrit à la su<br />

bordination du bureau arabe : « Quels seront les rapports de<br />

dépendance du bureau arabe envers l'autorité locale qui l'em<br />

ploiera ? La réponse est des plus simples ;<br />

elle est dictée par<br />

l'intérêt de la discipline identifiée avec l'intérêt de la chose<br />

publique. Le Bureau arabe ne peut et ne doit être, que l'agent<br />

immédiat de celui qui, ayant toute la responsabilité, a besoin de<br />

toute l'autorité... Le chef du Bureau arabe ne peut espérer que<br />

l'influence que sa valeur personnelle peut lui donner et que la<br />

raison accepte toujours avec plaisir » (4).<br />

Tel est bien également l'avis de Lapasset,<br />

chef du bureau<br />

arabe de Ténès. S'bccupant de l'organisation des Indigènes en<br />

territoire militaire, il réprouve toute innovation tendant à mo<br />

difier le caractère de dépendance des bureaux arabes : « Les<br />

bureaux arabes doivent-ils agir par eux-mêmes ? Non. Ce serait<br />

détruire tout contrôle, toute hiérarchie militaire; ils ne sont que<br />

les agents, les chefs d'état-major (avec une certaine liberté<br />

d'action) du chef militaire qui a le commandement du pays ou<br />

d'une portion du pays et auprès duquel ils sont placés » (5).<br />

(1) G. Téniet 1" T. 1866.<br />

(2) N 447 (cercle de Miliana).<br />

(3) G. Orl. 1" T. 61 et 4« T. 1871 ; Ténès 3« T. 1857 ; Cherchel 1" T. 1859.<br />

(4) Richard (18) 20, 28.<br />

(5) Lapasset (10) 5-7. Devenu commandant de la subdivision de Bel-Abbès,<br />

dix ans plus tard, Lapasset demeure catégorique dans son jugement sur<br />

les Bureaux arabes qu'il qualifie d'institution admirable, mais dans laquelle<br />

il ne voit qu'un « trait d'union » entre vaincus et vainqueurs, un rouage »<br />

du cercle ou de la subdivision. Pour lui tant vaut le commandement tant<br />

vaut le bureau arabe » (121) 269-270.


— — 80<br />

Comment, en présence de textes aussi formels, a-t-on pu<br />

dire que le pouvoir des Bureaux arabes était indéfini, absolu,<br />

sans contrôle ? Comment a-t-on pu parler d'arbitraire et de<br />

despotisme ? C'est qu'il faut distinguer entre les principes et<br />

les faits, entre les textes officiels et la réalité. Le problème des<br />

Bureaux arabes soulève une deuxième question. La médaille<br />

a un revers.<br />

II. —<br />

LA<br />

L'esprit de corps.<br />

« PUISSANTE CONFRERIE » DES BUREAUX<br />

ARABES<br />

Jamais, officiellement, les Bureaux arabes,<br />

n'ont constitué<br />

un corps spécial, mais il eût été étonnant qu'une institution aussi<br />

spécialisée ne fît pas naître chez ceux qui la servaient, un cer<br />

tain esprit de solidarité, et ce, d'autant plus vivement que, dans<br />

les premières années tout au moins, jalousés par les autres<br />

corps, ils se trouvaient en somme isolés dans l'armée.<br />

Celle-ci leur reprochait d'être devenus des administrateurs,<br />

de s'occuper de comptabilité, de jouer aux diplomates et d'igno<br />

rer le métier des armes. De là des mesquineries : la mauvaise<br />

volonté des corps empêchait par exemple Lapasset à Ténès de<br />

trouver un bon caporal copiste (1) ; certains voyaient leur<br />

carrière compromise, tel le capitaine Charras au mérite incon<br />

testable,<br />

mais renié pas le corps de l'artillerie depuis son en<br />

trée dans les Bureaux arabes et pour lequel La Moricière solli<br />

citait en vain le grade de chef d'escadron. Tel aussi Hanoteau,<br />

capitaine du génie à 26 ans et qui resta 18 ans dans ce grade,<br />

malgré les efforts des Gouverneurs généraux et de Daumas au<br />

ministère parce que, nous dit Peyronnet, sa direction d'arme<br />

refusait de s'intéresser au sort d'un technicien entré dans<br />

le service des Bureaux arabes. Tels encore Margueritte, Moullé,<br />

(1) N 468, 1849, Ténès 2* q. août.


— 81-^<br />

Richard et bien d'autres dont l'avancement se trouva plus ou<br />

moins retardé (1).<br />

Il fut une période où l'hostilité des chefs de corps contre<br />

les officiers détachés était telle que les jeunes officiers crai<br />

gnaient de se présenter pour être employés dans les Bureaux<br />

arabes ; comme on exigeait d'eux des connaissances étendues<br />

et des qualités nombreuses, ils n'étaient pas sûrs de réussir et,<br />

s'ils retournaient à leurs corps, ils devaient alors craindre pour<br />

leur avancement (2). Comment s'étonner, dans ces conditions,<br />

de l'existence d'un esprit propre aux Bureaux arabes ? le sim<br />

ple réflexe de défense suffirait à l'expliquer (3).<br />

De plus, au début, les Bureaux arabes eurent, administrati-<br />

vement parlant, une forte individualité. Richard écrivait : « Ce<br />

qui fait la valeur des spécialités et l'importance même des ser<br />

vices qu'elles rendent, c'est la sauvegarde et l'impulsion intel<br />

ligente qu'elles trouvent dans les centralisations particulières<br />

dont elles dépendent. Supprimez ces dernières et vous n'au<br />

rez plus que le désordre et l'arbitraire. Il faut donc que le<br />

Bureau arabe, comme représentant d'une spécialité, et certes<br />

on conviendra que c'en est une des plus délicates, soit aussi<br />

sauvegardé par une centralisation qui lui soit propre » (4).<br />

Cette centralisation existe de 1841 à 1848 et ces quelques années<br />

suffirent pour donner une véritable cohésion à la nouvelle ad<br />

ministration et la marquer du sceau de la forte personnalité de<br />

Daumas qui resta à la tête des Affaires arabes jusqu'après le dé-<br />

(1) Keller (72) 323 ; G. série 21 H et Peyronnet (87) II. Walsin-Estbr-<br />

iiazt se plaint également de l'opposition systématique des chefs de corps à<br />

l'avancement des officiers des bureaux arabes dont le recrutement pour cette<br />

raison s'avérait difficile (30) 275-277.<br />

(2) N 447,<br />

rapport de septembre 1852 du colonel Borel de Brétizel com<br />

mandant la subdivision d'Orléansville.<br />

(3) Et suivant O. Keun cet esprit de corps s'est maintenu jusqu'à nos<br />

jours dans les Bureaux arabes du Sud. Signalant les rivalités qui existent<br />

entre leurs officiers, l'auteur ajoute : « Les bureaux arabes sont compara<br />

bles à ces troupeaux de buffles sauvages qui se battent à mort lfun contre<br />

l'autre, mais qui, à l'approche d'un intrus, font cercle, et présentent, tous en<br />

même temps, leurs cornes meurtrières en une souveraine et infranchissable<br />

défense ». (78) 597.<br />

(4J Richard (18) 29.


— 82 —<br />

part de Bugeaud (1). Une quinzaine d'années plus tard, Lapas<br />

set se souviendra encore, avec admiration, des circulaires du col<br />

laborateur de Bugeaud, invitant les chefs des bureaux arabes à<br />

pousser les Indigènes aux défrichements,<br />

aux plantations, aux<br />

constructions, jetant ainsi les bases de la doctrine des Bureaux<br />

arabes, doctrine qui unira tous ceux qui s'efforceront de la<br />

mettre en pratique,<br />

à la réalisation d'une grande œuvre.<br />

communiant dans le même enthousiasme<br />

A partir de décembre 1848, la Direction centrale des Affai<br />

res arabes perdit son titre et ses attributions : le Secrétaire géné<br />

ral du Gouvernement général de l'Algérie fut chargé de centra<br />

liser toutes les affaires arabes ainsi que toutes les affaires des<br />

colons du territoire militaire. Les défenseurs des Bureaux ara<br />

bes crièrent à la désorganisation et à l'incompétence des civils<br />

et ils réclamèrent le rétablissement de la Direction centrale<br />

avec son personnel d'officiers (2). En réalité toute centralisa<br />

tion militaire n'avait pas disparu et, bien que ses attributions<br />

fussent inférieures à celles de l'ancienne Direction, le Bureau<br />

politique, qui lui succéda,<br />

continua à assurer un rôle de coordi<br />

nation avec des chefs éprouvés comme Durrieu ou Fénelon. En<br />

1869 Duval et Warnier accuseront le Bureau politique de tout<br />

dominer en matière indigène « gouvernement général, comman<br />

dement et bureaux arabes » (3).<br />

L'autorité.<br />

Ces officiers devaient d'autre part se sentir différents du<br />

reste de l'armée par le rôle considérable qu'ils furent appelés<br />

à jouer et qui leur conféra une grande autorité.<br />

(1) Le colonel Rivet remplaça Daumas. Celui-ci, devenu général de bri<br />

gade, fut chargé, dès le commencement de 1850, de la direction du service de<br />

l'Algérie au ministère de la guerre, fonction qu'il exerça jusqu'en 1858, con<br />

tinuant par conséquent à peser sur les destinées des Bureaux arabes.<br />

(2) (121) 415, 489. Déjà avant la Révolution de 1848 la suppression de la<br />

Direction centrale, avait été envisagée pour anéantir ses prétentions à se<br />

constituer en une administration à part,<br />

« en une sorte de gouvernement<br />

pour les indigènes » ; on voulait affirmer la prééminence du commandement<br />

militaire qui paraissait menacée (note du Ministère de la guerre du 8-7-1847<br />

dans N 1676).<br />

(3) (58) 43.


-83 —<br />

Cette autorité paraissait indispensable même à ceux qui<br />

admettaient formellement la subordination du bureau arabe.<br />

Voici, à ce sujet, comment Richard conçoit le bureau arabe :<br />

« L'action du gouvernement dans notre constitution se trans<br />

met par l'exercice de trois autorités : l'administrative, la judi<br />

ciaire et la militaire. Gouverner le peuple arabe, c'est donc le<br />

soumettre, avec les ménagements qu'il demande, à l'action de<br />

ces trois autorités... L'action de ces trois autorités fondamenta<br />

les est bien implantée ici par l'administration civile,<br />

mais on<br />

remarquera qu'elle ne peut s'exercer que sur la population co<br />

loniale, et qu'arrivée au peuple indigène, elle se trouve arrê<br />

tée brusquement comme par un abîme, semblable à divers ca<br />

naux d'irrigation qui, après avoir commencé leurs ondulations<br />

intelligentes à travers les campagnes qu'ils fécondent, se trou<br />

vent arrêtés tout à coup<br />

par un ravin profond au moment de<br />

passer aux terres les plus arides : il leur faut alors un pont, un<br />

conduit qui, en les mêlant un instant, leur ouvre une libre circu<br />

lation sur l'autre bord et les empêche de se perdre sans effet<br />

dans l'obscur courant des eaux. Ce conduit, ce pont qui doit faire<br />

communiquer ainsi les rives opposées de l'abîme qui sépare les<br />

deux peuples en présence, c'est le Bureau arabe; c'est lui qui<br />

doit servir de moyen de transmission à l'action gouvernemen<br />

tale et, comme les trois autorités dont elle émane ont besoin de<br />

marcher simultanément et de se réunir au passage, il doit les<br />

exercer toutes les trois à la fois, et les concentrer dans une puis<br />

sante autorité : » (1).<br />

Une telle autorité les textes la déniaient aux Bureaux arabes.<br />

Mais décrets et circulaires n'étaient pas toujours respectés. Un<br />

détail, d'importance d'ailleurs, nous montrera la vanité des pres<br />

criptions officielles : la circulaire du 23 mars 1867, reprenant<br />

textuellement une des phrases de la lettre de l'Empereur, ordon<br />

nait que le commandement des goums fût laissé aux chefs indi<br />

gènes;<br />

et cependant les officiers des Bureaux arabes continuè<br />

rent à cavalcader à la tête des goums, entourés du respect des<br />

Indigènes pour celui qui apparemment était le chef (2). De<br />

plus, jusqu'en 1867, les textes n'ont jamais défini avec grande<br />

(1)<br />

Richard (18) 23-24.<br />

(2) Estoublon et Lefébure (139) 332.


— 84 —<br />

précision les attributions des Bureaux arabes. Bugeaud, pour<br />

sauvegarder l'autorité de la nouvelle institution, ne voulait pas<br />

insérer dans son arrêté d'article sur les fonctions dévolues aux<br />

officiers des Bureaux arabes; s'il accepta le texte de Soult, c'est<br />

que l'article 3 relatif à ces fonctions demeurait suffisamment<br />

imprécis pour laisser une grande liberté d'action à ceux qu'il<br />

concernait (1).<br />

Que devenait alors la condition auxiliaire des Bureaux<br />

arabes ? Le fait même que les textes soulignent leur subordina<br />

tion à maintes reprises (jusqu'à plusieurs fois dans un même<br />

article) dénote déjà que cette subordination était chose diffi<br />

cile à obtenir. Pour réduire les Bureaux arabes à leur condi<br />

tion officiel d'auxiliaires, il eût fallu que le commandement fût<br />

capable d'imprimer l'impulsion, mais la lettre de Napoléon III<br />

en 1865 (voir p. 75) prouve suffisamment qu'il n'en était rien,<br />

et cela faute d'une compétence suffisante, faute surtout pour<br />

les officiers supérieurs de connaître la langue arabe. C'est<br />

comme représentant d'une spécialité difficilement accessible<br />

que l'officier de bureau arabe s'impose tout d'abord : sans lui le<br />

monde indigène reste fermé. Aussi dès l'époque du premier bu<br />

reau arabe, La Moricière pouvait écrire : « On me consulte sur<br />

tout, on fait à peu près ce que je veux... » (2). Il en sera de<br />

même avec les Bureaux arabes de Bugeaud : dans la plupart<br />

des cercles, le commandant supérieur ayant pleine confiance<br />

dans son chef de bureau arabe, et surtout se sentant moins apte<br />

que lui, lui abandonnera l'administration des Indigènes et si<br />

gnera les yeux fermés (3). Aux échelons supérieurs, subdivi<br />

sion, division ou direction centrale, le rôle des officiers des<br />

Bureaux arabes reste toujours essentiel ; eux seuls peuvent<br />

élaborer les mesures soumises à l'approbation des officiers<br />

supérieurs, des généraux et du gouverneur : pour être occulte<br />

(1) Démontés (48) 502-503. Voici le texte de l'art. 3 d'après Ménerville<br />

(140) I 60 : « Les directions divisionnaires et les bureaux de leur ressort se<br />

ront spécialement chargés des traductions et rédactions arabes, de la prépa<br />

ration et de l'expédition des ordres et autres travaux relatifs à la conduite des<br />

affaires arabes, de la surveillance des marchés et de l'établissement 'des<br />

comptes de toute nature à rendre au gouverneur général sur la situation poli<br />

tique et administrative du pays » (c'est nous qui soulignons).<br />

(2) Keller (72) 83.<br />

(3) Hugonnet (6) 241-242 ; Du Barail (174) II 3.


— es-<br />

ton a parlé de maires du palais sans responsabilité) leur inter<br />

vention n'en reste pas moins déterminante (1).<br />

Et ainsi naquit, au bénéfice des Bureaux Arabes, et à ren<br />

contre des textes, une puissance presque sans limites. Richard<br />

lui-même (2) reconnaissait que la légalité manquait au chef<br />

de bureau arabe; la légalité, mais non l'autorité. Souvent il<br />

demeurait longtemps dans le même poste et acquérait une con<br />

naissance complète du pays, des habitants et des affaires qui<br />

faisaient de lui l'homme indispensable- Les textes s'inclineront<br />

devant cette évidence et la circulaire de 1867 recomman<br />

dera aux généraux chargés des provinces de « ne proposer que<br />

le plus rarement possible des mutations concernant les chefs<br />

de bureau ». Il y a bien le contrôle du commandant supérieur,<br />

mais peut-il être effectif ? Selon le général Cousin de Montau-<br />

ban, qui commanda la province d'Oran, les chefs indigènes<br />

étaient « abandonnés à l'arbitraire des bureaux arabes en dehors<br />

desquels ces chefs arabes n'oseraient jamais paraître chez le<br />

commandant supérieur. Mais fussent-ils admis, ils ne peuvent<br />

confier leurs secrets ou exposer leurs plaintes, car le corps des<br />

interprètes est au service des bureaux arabes et aucun de ses<br />

membres n'oserait garder pour lui la conversation du chef<br />

arabe, ni surtout traduire une plainte formulée contre l'officier<br />

du bureau arabe (3).<br />

On peut donc croire Walsin-Esterhazy, bien placé à la<br />

Direction des Affaires arabes à Oran, lorsqu'il écrit que c'est<br />

« par une fiction nécessaire peut-être à l'unité de commande-<br />

(1) Richard insistait sur l'importance de cette action occulte (18) 29-30.<br />

Girault (150) 138.<br />

F. Lacroix, cependant favorable à l'institution des bureaux arabes, les<br />

représente comme « les maîtres de la fortune, de la position et de la vie<br />

des indigènes » et lui aussi parle de « gouvernement occulte<br />

dons l'Etat ». (N 442, note du 23-7-1847).<br />

et d'Etat<br />

(2) (18) 100.<br />

(3) Propos rapportés par le fils du général, général lui-même ; cités dans<br />

Belayen (47) 46-47. Quant aux inspections elles étaient illusoires et Hugon<br />

net (6) 257 en donne la raison : « Le général commandant une province est<br />

l'inspecteur général de ses bureaux arabes. Il délègue les commandants de<br />

ceux-ci le commandant supérieur de chaque cercle. Or comment<br />

admettre que le commandant d'un cercle, dans le compte qu'il a à rendre de<br />

subdivision ;<br />

l'action de son bureau arabe, c'est-à-dire d'un service qu'il doit surveiller et<br />

diriger, puisse dire autre chose, sinon que tout est pour le mieux ».


^-86 —<br />

ment » que « les bureaux arabes sont censés n'être que des<br />

instruments entre les mains des commandants supérieurs des<br />

subdivisions et des cercles souvent étrangers aux choses ara<br />

bes » (1). Et, sous la plume de Rinn, ancien chef de bureau<br />

arabe et historien, nous relevons ces lignes : « Les indigènes<br />

habitués à n'avoir qu'un seul chef, le bureau arabe, alors inter<br />

médiaire forcé de tous les services publics (génie, ponts et chaus<br />

sées, forêts, justice, finances, etc..) le tenaient en très haute<br />

considération et ils n'avaient qu'un souci relatif des autorités<br />

dont dépendait le bureau. Ils savaient bien que le commandant<br />

supérieur était le chef de leur circonscription et qu'au-dessus<br />

il y avait encore des généraux : un petit (à la subdivision), un<br />

grand à la division et, plus haut encore, le maréchal, c'est-à-dire<br />

le gouverneur; mais ils voyaient rarement ces hauts personna<br />

ges et ils n'avaient guère affaire à eux, si ce n'est pour les actes<br />

de courtoisie, et le bureau arabe était tout » (2). Aussi, dès 1847,<br />

certains militaires protestaient contre les empiétements des<br />

bureaux arabes sur les pouvoirs de l'autorité supérieure (3).<br />

De cette grande autorité, les officiers des Bureaux arabes<br />

devaient s'enorgueillir et parfois même s'enivrer. « L'institu<br />

tion du bureau arabe, écrit Hugonnet, n'est comparable à rien<br />

dans le passé... On compare quelquefois le bureau arabe à l'au<br />

torité des pachas d'Orient, le bureau arabe a sur les musulmans<br />

un pouvoir plus étendu puisque, en outre de tout ce que peut<br />

faire un pacha, il contrôle en Algérie tout ce qui touche à la<br />

religion musulmane et cela avec bien plus d'indépendance que<br />

ne pourrait le faire un successeur des satrapes. » Et plus loin :<br />

«Cette vie de chef à l'orientale a bien d'autres séductions encore;<br />

ce prestige extraordinaire dont on est entouré; cette soumission<br />

mêlée de dignité, et qui va cependant jusqu'aux attentions per<br />

sonnelles dans l'intimité, des chefs et agents indigènes;<br />

(1) Walsin-Esterhazy (30) 283.<br />

ces gran-<br />

(2) Rinn (26) livre X chap. 1. N'est-ce pas sous une autre forme la pen<br />

sée exprimée, au cours du procès Doineau, par un avocat qui, parlant des pou<br />

voirs du général commandant la subdivision, pouvait dire que pour les Ara<br />

bes, frappés surtout par la réalité du fait, ces pouvoirs étaient purement con<br />

templatifs, cachés dans les nuages ; seule comptait la volonté toute puissante<br />

du chef du bureau arabe (123) 334-335.<br />

(3) Thomas (99) 37-40.


— 87 —<br />

des et somptueuses tentes; ces beaux chevaux; en un mot, cette<br />

constante disposition du sujet musulman à garder pour lui<br />

toutes les misères et à reporter vers ses chefs toutes les jouis<br />

sances; ces sensations nouvelles pour nous ont un attrait qu'il<br />

est difficile de méconnaître... » (1).<br />

Comment certains n'auraient-ils pas abusé de cette situation<br />

exceptionnelle ? Considérés comme des sultans par les Indigè<br />

nes, ils agissent parfois à la manière des despotes orientaux,<br />

inspirant à leurs administrés une terreur que nous avons peine<br />

à concevoir. Quelques réponses d'accusés, relevées dans le procès<br />

Doineau, sont à cet égard particulièrement édifiantes :<br />

— Le<br />

— Bel<br />

— Le<br />

— Bel<br />

— Le<br />

— Bel<br />

Président : Vous avez dit que vous aviez obéi au capitaine<br />

parce que, ayant ordonné l'assassinat de Bel-Abdallah,<br />

il pouvait ordonner le vôtre.<br />

Hadj (un agha, officier de la Légion d'Honneur) : Le<br />

capitaine pouvait tout ce qu'il voulait- Nous étions<br />

tous de cette idée et c'est pour cela que nous lui obéis<br />

sions en tout.<br />

Ou encore :<br />

Président : Comment n'avez-vous pas fait des repré<br />

sentations au capitaine ? (à propos de l'ordre d'as<br />

sassinat).<br />

Kheîr (un caïd) : Des représentations au sultan ! Je<br />

n'aurais peut-être pas passé la nuit !<br />

Président : Le capitaine se permettait donc de faire pas<br />

ser des hommes par les armes ?<br />

Kheir : Oh ! oui. Douze exécutions ont été faites à ma<br />

connaissance; j'en parle savamment et je puis vous<br />

citer tous les noms (2).<br />

(1) Hugonnet (6) 5, 189.<br />

(2) (123) 155. Dans ses Souvenirs Algériens, Aumerat raconte une exécu<br />

tion sommaire qui eut lieu au bureau arabe d'Orléansville en 1854 : accusé<br />

d'assassinat un Indigène est abattu en prétextant une imaginaire tentative<br />

d'évasion. (Rapporté dans l'hebdomadaire Le Progrès du 8-5-1902).


88 —<br />

De même le khodja du capitaine se disculpe ainsi : « Je<br />

ne suis pas un homme de grande tente; je ne suis qu'un simple<br />

khodja. Le capitaine c'était notre sultan. Je faisais tout ce qu'il<br />

me disait et je craignais de lui désobéir. »<br />

Et un troisième accusé, cependant pillard endurci, répond<br />

au président lui demandant s'il avait peur du capitaine : « Sans<br />

doute. Le capitaine aurait pu me faire disparaître comme une<br />

mouche. » (1).<br />

n dj^Éteùrf,<br />

.♦>.<br />

jusqulajjHa. exécutions sommaires;<br />

confondu devant une telle puissance allant<br />

on oublie les textes précé<br />

demment cités et invoqués par les défenseurs des Bureaux<br />

arabes. a<br />

Mais cette autorfflé indéniable, et dont ils abusèrent parfois,<br />

, les Bureaux arabes font-ils utilisée à poursuivre un but qui leur<br />

'fut propre ? Ont-ils agi indépendamment de l'armée ? En par<br />

ticulier ont-ils été'seuls à vouloir modifier les genres de vie des<br />

III. —<br />

LES BUREAUX ARABES, EXPRESSION DE L'ARMEE<br />

Il faut tout d'abord se rappeler que les officiers des Bureaux<br />

arabes étaient des soldats avant d'être des administrateurs. A<br />

l'origine leur tâche consistait surtout à renseigner le comman<br />

dement sur la valeur de l'ennemi et l'état du pays; à la tête des<br />

goums, ils tentaient les coups de main les plus aventureux et<br />

s'imposaient surtout par leurs qualités militaires. Pour repren<br />

dre l'expression d'Azéma de Montgravier ils étaient « l'âme des<br />

(1) Cité dans Delàyen '<br />

(47) 211-227. On trouvera de multiples autres<br />

exemples dans le Procès (123) surtout p. 53, 123, 140, 172. Dans le même sens<br />

(124) 297.<br />

Cette autorité était telle qu'aux yeux des Indigènes tous ceux qui<br />

approchaient le chef du bureau arabe en étaient également investis. Le<br />

chaouch du bureau arabe de Dra-el-Mizan (en Kabylie), se faisait craindre<br />

des plus grands chefs et il commit de telles exactions qu'en 1867 l'officier res<br />

ponsable du bureau arabe se suicida. (Voir les Débats au Corps Législatif du<br />

15-7-1868, discours de Lanjuinais).


— 89^-<br />

colonnes » (1). C'est seulemeent plus tard qu'ils furent chargés<br />

de l'administration du pays conquis, toujours prêts d'ailleurs à<br />

reprendre le combat. Richard joue un rôle actif dans la répres<br />

sion de l'insurrection du Dahra en 1845-1846 et il a pu laisser<br />

un récit vécu de ces événements. En 1845, Lapasset, nommé<br />

chef du Bureau arabe de Ténès en remplacement du capitaine<br />

Béatrix qui venait d'être massacré, se trouve immédiatement au<br />

cœur même de la lutte contre Bou Maza; il se distingue par la<br />

rapidité de ses mouvements, combat avec Canrobert autour<br />

Mazouna et reçoit une balle à la main au mome|n^Dutl§, fraj<br />

à mort un ennemi d'un coup de sabre (2). : -**,<br />

Ce caractère d'hommes d'action, ils voulurent le conserver<br />

même après la pacification complète du p|ys. Leur rôle, ils le<br />

concevaient surtout, au milieu des tribus, sans cesse en contact<br />

avec les Indigènes. Lapasset proteste énergiquement, et à plu<br />

sieurs reprises, contre la multiplication des^ états à fournir (3).É<br />

Richard lui-même, qui maniait cependant <br />

l'û4 plume avec une<br />

remarquable facilité, se déclare hostile aux travaux sédgBtaj-<br />

res : « Il ne faut pas oublier, écrit-il, (4)<br />

que les bureaux<br />

arabes"^<br />

sont plutôt des bureaux actifs que des bureaux administratifs<br />

et que, s'ils perdaient une. partie de leur premier caractère en<br />

faveur du second, ils diminueraient dans la même proportion<br />

les services qu'ils sont appelés à rendre. Il est incontestable que<br />

les bureaux arabes manquent d'une certaine règle, d'une hiérar<br />

chie qui sauvegarde leur spécialité et assure une centralisation<br />

éclairée, mais il faut que ces diverses conditions soient remplies<br />

de façon à permettre au chef de bureau arabe de courir, de<br />

voir et surtout de faire beaucoup, ce qui ne ressemble en rien<br />

à écrire beaucoup. Il nous semble donc que 13 registres à rem<br />

qu'<br />

et) (1) 13. Thuillier, adversaire du gouvernement militaire dit s à<br />

l'origine le bureau arabe n'était qu'un bureau de police à cheval » (100) 11.<br />

Une note du général Guiod (M.G. 230) montre bien comment au début le ser<br />

vice des affaires arabes n'était qu'une branche de l'état-major général de<br />

Parmée ayant pour objet d'étudier le pays, les habitudes des populations et<br />

leurs moyens de résistance ; la fonction administrative ne commença qu'avec<br />

la soumission des tribus et elle incomba naturellement à ceux qui, pour en<br />

trer en relation avec les Indigènes, avaient appris leur langue.<br />

(2) (121) 23 à 35.<br />

(3) N 465, 1848, Ténès 2" q. juillet. N 468, 1849, Ténès 2e q. mars.<br />

(4) N 465, 1848, Orléansville, 2e q. septembre.


— — 90<br />

plir et 40 casiers à surveiller (1) sont une fort grosse besogne<br />

pour un fonctionnaire qui a déjà tant d'autres choses à faire<br />

réellement; en termes plus ronds, c'est tuer à moitié le bureau<br />

arabe et étouffer son activité que de le jeter dans la paperasse,<br />

une des plus mauvaises maladies de notre temps. »<br />

Soldats, les officiers des Bureaux arabes doivent d'ailleurs<br />

le rester parce que tous sont appelés à quitter un jour les<br />

bureaux pour retourner dans l'armée. Beaucoup prennent en<br />

suite la direction d'un cercle : c'est la carrière normale. Ils<br />

peuvent d'ailleurs revenir aux affaires arabes comme direc<br />

teurs d'une division ou du Bureau politique jusqu'au jour où,<br />

à nouveau, ils seront appelés à un commandement (2). Hano-<br />

teau reprend même son poste de commandant supérieur du cer<br />

cle de Fort-Napoléon après avoir dirigé pendant un certain<br />

temps les affaires arabes de la division d'Alger. On assiste ainsi<br />

à une continuelle ventilation de l'armée aux bureaux arabes<br />

et des bureaux arabes à l'armée-<br />

Fait encore plus caractéristique : les chefs des bureaux<br />

arabes sont fréquemment nommés au commandement supé<br />

rieur de leur propre cercle ou y reviennent peu après : c'est<br />

le cas de Pein à Bou-Saada, mais c'est aussi celui de Margueritte<br />

à Téniet-el-Had puis, plus tard, de Charton et de Galland à<br />

Cherchel. Comment, dans ces conditions, la politique indigène<br />

du commandant supérieur aurait-elle pu différer de celle du<br />

bureau arabe ? Mieux que cela : on voit Du Barail nommé chef<br />

du bureau arabe de Blida et conserver en même temps le com<br />

mandement de son escadron de spahis qui passe ainsi au service<br />

du bureau arabe (3). Margueritte faillit assurer à la fois les<br />

fonctions de commandant supérieur et celles de chef de bureau<br />

arabe et c'est seulement pour ne pas l'accabler qu'on lui évita<br />

cette double charge; mais, à la fin du Second Empire, ces scru<br />

pules semblent avoir disparu et Duval et Warnier citent trois<br />

(1) Il s'agit d'observations sur les instructions relatives au classement<br />

des archives.<br />

(2) Certains interrompent même leur carrière dans les Bureaux arabes<br />

pour faire un ou deux stages dans l'armée. Peyronnet (87) II 450, exemple<br />

de Cantarrade.<br />

(3) Du Barail (174) I, 337.


— — 91<br />

capitaines et trois lieutenants qui cumulent les deux fonc<br />

tions (1).<br />

De plus, nombre de chefs des Bureaux arabes ont atteint<br />

par la suite les plus hautes positions dans l'armée d'Afrique.<br />

A côté des Margueritte et des Lapasset qui débutèrent dans<br />

l'Ouest du Tell algérois, on peut citer les La Moricière, Chanzy,<br />

Du Barail, Hanoteau, Cérez, Durrieu, Deligny, etc. (2). Fai<br />

sant remarquer que sur 22 commandants des divisions, subdi<br />

visions ou cercles importants on trouve 14 officiers généraux<br />

ou supérieurs sortant des Bureaux arabes contre 8 provenant<br />

des rangs de l'Armée, Duval et Warnicr en concluent que « le<br />

noviciat des affaires arabes est la condition obligée de tout<br />

aspirant à un commandement en Algérie et ils ajoutent : « La<br />

distinction théorique qu'on veut établir entre le commandement<br />

et les bureaux arabes n'est donc qu'une fiction » (3). Quand<br />

ces derniers sont attaqués par la presse en 1871, c'est le général<br />

Wolf, commandant la division d'Alger, qui prend leur défense<br />

devant les tribunaux : lui aussi a été un « néophyte de la puis<br />

sante confrérie » à laquelle, disent ses adversaires, il doit sa<br />

haute fortune militaire (4).<br />

On ne peut donc s'étonner de voir les officiers de troupe,<br />

colonels et généraux, animés du même esprit que les chefs des<br />

Bureaux arabes alors que, dans les premières années de la con<br />

quête, ils avaient une manière de voir très différente. Le conflit<br />

entre les Bureaux arabes et le reste de l'Armée ne fut qu'un<br />

épisode passager.<br />

Et ce qui prouve encore cette solidarité entre l'Armée et les<br />

Bureaux arabes,<br />

c'est que le programme de ces derniers nous<br />

le trouvons en grande partie tracé par les grands chefs de la<br />

conquête : La Moricière, Bedeau, Randon et surtout Bugeaud. A<br />

(1) G. 21 H carton 330, dossier Sériziat, lettres du général Camou et du<br />

Ministre de la guerre, 1852. Duval et Warnier (58) 43.<br />

(2) Voir Peyronnet (87) II.<br />

(3) (58) 42-43.<br />

(4) (126) 36. La carrière du général Wolf est particulièrement démons<br />

trative des rapports de l'armée et des Bureaux arabes puisqu'il fut notam<br />

ment chef de bureau arabe, commandant supérieur, chef du Bureau politique,<br />

général commandant une division. Pour détails (87) II, 325.


— 92 —<br />

cet égard nous croyons utile de citer, malgré sa longueur, la<br />

fameuse circulaire de Bugeaud, du 5 juillet 1845, qui se pré<br />

sente comme une proclamation aux Indigènes.<br />

Pour réparer les maux de la guerre, leur disait Bugeaud,<br />

l'essentiel,<br />

« c'est de vous occuper avec activité et intelligence<br />

d'agriculture et de commerce. Etablissez des villages, bâtissez<br />

de bonnes maisons en pierre et couvertes en tuiles, pour n'avoir<br />

pas tant à souffrir des pluies et du froid en hiver, de la chaleur<br />

en été; faites de beaux jardins et plantez des arbres fruitiers<br />

de toute espèce, surtout l'olivier greffé et le mûrier pour faire<br />

de la soie. Vous vendrez très bien l'huile et la soie, et du produit<br />

de la vente vous vous procurerez tout ce qui est nécessaire pour<br />

vous habiller et meubler vos maisons-<br />

« Faites de grandes provisions de paille, de foin pour nour<br />

rir vos bestiaux pendant la mauvaise saison. Construisez des<br />

hangars pour abriter vos troupeaux contre les pluies et les neiges<br />

qui en détruisent beaucoup. Castrez les jeunes veaux et les<br />

agneaux sauf ceux qui sont réservés pour la reproduction et ce<br />

doivent être les plus beaux. Les veaux et les agneaux castrés<br />

profitent davantage et se vendent mieux au marché parce que<br />

la viande est meilleure.<br />

Ayez de meilleures charrues pour labourer la terre. Donnez<br />

un ou deux labours préparatoires aux terres que vous voulez<br />

ensemencer la même année : le premier en février ou mars, le<br />

second en mai. Par ce moyen, vous n'aurez pas cette grande<br />

quantité de mauvaises herbes qui nuisent tant à vos récoltes.<br />

Avec des terres ainsi préparées, vous pourrez semer aux pre<br />

mières pluies d'automne, et vos blés n'auront plus à craindre<br />

la sécheresse de mai, ils seront en épi au milieu d'avril. Vos<br />

récoltes auront d'autant moins à redouter les sauterelles, ce fléau<br />

n'arrivant ordinairement qu'en mai; il trouvera vos orges mûres<br />

et vos froments bien près de l'être.<br />

« Je ne saurais trop<br />

vous recommander de ne pas détruire<br />

vos forêts comme vous le faites; il viendra une époque, je vous<br />

le prédis, où vous y trouverez une grande richesse. Il s'établira<br />

autour de vous des villes populeuses où vous vendrez à bon<br />

prix vos bois de construction et de chauffage... » (1).<br />

(1) Ménerville (140) I, 68.


— — 93<br />

Ces prescriptions s'adressaient en fait aux officiers des<br />

Bureaux arabes qui ne les oublièrent point et s'efforcèrent de<br />

les suivre, en accord avec les responsables de l'Armée comman<br />

dant les cercles, les subdivisions ou les divisions.<br />

Il semble donc peu exact de considérer les Bureaux arabes<br />

comme une caste à part dans l'Armée. Ils ont cherché à traduire<br />

dans les faits les idées de l'Armée dont ils furent un rouage<br />

principal ou plus exactement l'émanation la plus vive et la plus<br />

énergique. Les règlements établissant leur subordination au<br />

raient-ils été appliqués à la lettre que,<br />

sauf dans les premières<br />

années, ils en eussent peu souffert, car les chefs de l'Armée, issus<br />

le plus souvent des Bureaux arabes, faisaient confiance à ceux<br />

qui suivaient leurs traces. Rapidement le Bureau arabe fut<br />

comme l'incarnation de l'Armée, le symbole même du régime<br />

du sabre. Pour reprendre l'expression de Lapasset c'est la « ma<br />

chine militaire arabe » (1). Et cette communauté d'idées entre<br />

les officiers administrant les Indigènes et le reste de l'Armée va<br />

nous apparaître maintenant en étudiant ce que nous appelons<br />

la doctrine des Bureaux arabes.<br />

(1) (121) 345.


— B<br />

—<br />

LA DOCTRINE DES BUREAUX ARABES<br />

Peut-on parler de doctrine des Bureaux arabes ? Y a-t-il<br />

jamais eu un système cohérent de principes qui ait guidé les<br />

officiers des Affaires arabes ? On serait tenté de répondre par<br />

la négative. Richard se plaint du manque de « règle », de l'ab<br />

sence d'un « code d'action » (1), et Hugonnet parle de « la va<br />

riété inïinie » des diverses manières dont est compris le com<br />

mandement (2). On pourrait même, sur quelques points impor<br />

tants, montrer que les idées d'un Richard ne sont pas celles d'un<br />

Hugonnet (3). Mais tout cela ne prévaut pas contre le fait qu'un<br />

Bugeaud et un Daumas ont tracé, dès le début, un programme<br />

précis aux Bureaux arabes et qu'ils ont donné une impulsion<br />

qui se fera sentir longtemps encore après leur départ et que<br />

Randon notamment renouvellera. Surtout, placés dans des con<br />

ditions très comparables, ayant à résoudre les mêmes problè<br />

mes, il est normal que les officiers des Bureaux arabes aient<br />

presque partout réagi de la même façon. Et ainsi se sont déga<br />

gées quelques idées maîtresses, quelques principes admis à peu<br />

près par tous, quelques comportements majeurs, semblables<br />

dans tous les cercles, les mêmes causes ayant produit les mêmes<br />

effets. Ce sont ces idées directrices, ces principes simples, ces<br />

comportements caractéristiques, que nous voudrions dégager.<br />

A défaut d'une véritable doctrine nous trouverons ainsi ce que<br />

Richard appelle : « les bases qui doivent servir de point d'aji-<br />

pui » (4).-<br />

(1) Richard (18) 100. A noter que Richard écrit dans les toutes premiè<br />

res années des Bureaux arabes. Son jugement est d'ailleurs excessif si l'on<br />

songe à l'ouvrage de Daumas (4).<br />

(2)<br />

cercles,<br />

Hugonnet (6) 150. Mais il s'agit essentiellement des commandants de<br />

subdivisions et provinces.<br />

(3) Hugonnet par ex. (6) 125, 129 à 132, fait beaucoup de réserves sur la<br />

construction des maisons auxquelles il préfère la tente.<br />

(4) Richard (17) 174.


I. —<br />

LA<br />

SECURITE,<br />

96-<br />

PROBLEME FONDAMENTAL<br />

Le Bureau arabe, comme le reste de l'Armée, vise essen<br />

tiellement à obtenir la soumission définitive des Indigènes. « La<br />

pacification du pays, voilà notre but actuel... l'autorité fran<br />

çaise veut l'ordre public, la paix... », dit Daumas dans ses ins<br />

tructions; « la domination est le premier but de la politique »,<br />

écrit Richard, en théoricien de la nouvelle institution (1). Ce but<br />

éminemment militaire commandera l'action des Bureaux ara<br />

bes;<br />

c'est pour l'atteindre qu'ils vont essayer de modifier les<br />

genres de vie indigènes.<br />

L'officier de bureau arabe peut être un grand idéaliste et<br />

rêver de « donner au monde l'exemple inattendu d'une conquête<br />

qui a horreur de la spoliation et de la violence » ou penser, avec<br />

Montesquieu, que « la conquête laisse toujours à payer une<br />

dette immense pour s'acquitter envers la nature humaine » (2) ;<br />

il n'en reste pas moins vrai que, en face des Indigènes, « un des<br />

peuples les plus barbares de cette terre » (3), il demeure sur ses<br />

gardes. Il pense que la conquête, à laquelle il vient de contribuer<br />

par les armes, n'est pas forcément définitive. Formé à l'école<br />

de Bugeaud, il sait que les Indigènes sont affaiblis, mais non<br />

résignés.<br />

Tel est l'avis de Margueritte insistant, dans un rapport de<br />

1851, sur le fait que les Indigènes ne sont soumis qu'en surface<br />

et qu'ils ne considèrent pas notre domination comme irrévoca-<br />

'<br />

(1) Daumas (4) 44-47 ; Richard (18) 41.<br />

A rapprocher de ce qu'écrivait Bugeaud le 25 janvier 1843 dans une<br />

lettre au Ministre de la Guerre : « Je crois que l'objet de la gderre ne doit<br />

pas être seulement la colonisation quelle qu'elle soit, mais encore la domi<br />

nation et le gouvernement des Arabes, double condition sans laquelle un éta<br />

blissement colonial de quelque importance ne -pourrait pas se fonder ou ne<br />

se fonderait qu'avec des siècles et par suite avec des dépenses énormes (G.<br />

2 EE3).<br />

(2) Richard (18) 67, 110.<br />

(3) Richard (18) 6. Richard a jugé très sévèrement les Indigènes et sur<br />

tout leurs chefs. A leur égard, il conseille de se montrer indulgent, mais aussi<br />

d'éviter toute illusion qui nous les montrerait autres qu'ils ne sont en réalité.<br />

Voir en particulier l'introduction de (21).


— — 97<br />

ble (1). Selon Walsin-Esterhazy et Azéma de Montgravier, nous<br />

devons travailler à amener progressivement les Indigènes à des<br />

idées de civilisation tout en nous tenant prêts à les trouver, d'un<br />

moment à l'autre, devant nous comme ennemis . (2) Tel<br />

est aussi<br />

le sentiment de Richard que son désir de régénérer le peuple<br />

arabe n'aveugle pas et qui écrit : « Montrons-nous faibles quel<br />

que part, éprouvons un échec, et ces mêmes populations alliées<br />

la veille deviendront ennemies le lendemain. Ainsi seront les<br />

choses pendant bien longtemps encore. Soyons oonc forts pour<br />

être tranquilles ». Si cette tranquillité vient à êtreStooublée par<br />

des récalcitrants comme les Ouled-Younès, il agitNen soldat,<br />

entreprend le blocus des rebelles, les empêchant de coinmercerN<br />

avec les autres tribus, n'ijéstlant pas à « leur faire<br />

mal possible » quitte ensuite à s'écrier : « Il y aura pour\mus<br />

un sentiment profond de bonheur de pouvoir enfin traiterai<br />

amis des gens que les lois rigoureuses de la guerre nous ont<br />

forcés de châtier jusqu'à ce jour. » (3).<br />

Donc s'imposer partout, établir l'ordre par la force. Puis,<br />

et c'est là en somme la fonction essentielle du Bureau arabe,<br />

maintenir la sécurité si péniblement acquiSe^ Le bureau arabe,<br />

écrit un officier des affaires indigènes, doit organiser la paix<br />

bien plus que préparer la guerre. Il doit se concilierïes^Arabes,<br />

ses administrés, et leur donner la tranquillité et le repos. »<br />

Pour cela, d'abord, se faire craindre en mettant les tribus<br />

à même de comparer nos forces à leur faiblesse. Mais ne nous<br />

illusionnons pas sur l'action produite par l'aspect des murailles<br />

que nous plaçons sur le sol : « On ne se doute pas que le Kabyle<br />

hausse les épaules de mépris quand, du haut de son rocher, il<br />

aperçoit bien loin dans la plaine et sous ses pieds, ces quelques<br />

points blancs, d'où nous nous proclamons les maîtres du pays.<br />

Oubliant devant le spectacle qui s'offre à lui, le sanglant sou<br />

venir de ses défaites et notre puissance invincible, il établit<br />

(1) N 470, 1851, Téniet-el-Had, décembre et aussi N 447, 1852, Téniet, oc<br />

tobre.<br />

(2) Walsin-Esterhazy (30) 268-269, Azéma de Montgravier (1) 8.<br />

(3) N 463; 1847, Orléansville 1 q. mars ; N 465, 1848, Orléansville 2» q.<br />

octobre ; N 469, 1850, Orléansville, janvier.<br />

(4) Cottenest (3) 89.


— — 98<br />

entre les chances de sa délivrance et celle de sa soumission irré<br />

vocable, le rapport qui s'offre à lui entre l'espace de terrain<br />

encore libre de notre contact et celui que nous occupons. Cette<br />

idée fait briller un instant à ses yeux tous les rayons de l'espé<br />

rance et donne un nouvel aliment à sa haine. » (1).<br />

Donc, la force ne suffit pas. Il faut de l'habileté : un apport<br />

de grain au bon moment qui empêche les céréales de renchérir<br />

profite à notre domination (2). Surtout pas de brimades inutiles<br />

et Richard, dans un de ses rapports de quinzaine, proteste avec<br />

grande énergie contre les corvées de bois infligées aux Kabyles<br />

de l'Ouarsenis,<br />

parlant d'<br />

« un état déplorable de choses qui, en<br />

soumettant à une espèce de torture constante une population<br />

tout entière, compromet à la fois les intérêts de la politique et<br />

de l'humanité », et ajoutant : « Les tribus de l'Ouarsenis ne<br />

peuvent rien faire au milieu du calme général qui règne autour<br />

d'elles, mais leur indignation se concentre et éclatera tôt ou<br />

tard si nous ne faisons rien pour l'apaiser » (3).<br />

Force, habileté, modération, sont les caractères d'un bon<br />

gouvernement. Mais, pour assurer la tranquillité définitive du<br />

pays, il faut davantage, il faut régénérer le peuple arabe (4).<br />

Et cette régénération se fera par le -travail. Quand l'Indigène<br />

laboure, c'est qu'il croit à la paix (5). Il est donc nécessaire de<br />

fournir du travail : « Un de nos grands ennemis dans la vie<br />

arabe est le temps de repos pendant lequel les imaginations<br />

travaillent et sont exploitées contre nous. A ce point de vue les<br />

travaux d'utilité générale ou privée que l'on fait faire aux Ara<br />

bes pendant les saisons mortes pour l'agriculture servent parti<br />

culièrement nos intérêts et on ne saurait trop songer à préparer<br />

de semblables travaux. » (6). Combattons donc l'oisiveté et<br />

nous aurons la sécurité si nous parvenons à « ne pas laisser un<br />

seul bras sans travail, une seule bouche sans pain » (7).<br />

(1) Richard (18) 21-22.<br />

(2) N 465, 1847, Ténès 2" q. février (Lapasset). De même Richard (17) 75.<br />

(3) N 463, 1847, Orléansville 2* q. novembre.<br />

(4) (121) 69.<br />

(5) Rapport de Capifali, G Orléansville, octobre 1864. Salignac-Fénelon<br />

s'exprimait à peu près de même dans un rapport de juin 1847 (N 463, Miliana).<br />

(6) N 468, 1849, Orléansville 1"> q. juillet.<br />

(7) Richard (18) 22,-23.


II. —<br />

LA<br />

— — 99<br />

SECURITE PAR LA TRANSFORMATION<br />

DU GENRE DE VIE<br />

Mais le travail ne doit pas seulement occuper les esprits.<br />

Il faut qu'il assure l'existence de ceux qui s'y adonnent, car<br />

« l'ordre est le produit de la satisfaction publique » et celle-ci<br />

s'obtient par « la satisfaction des besoins légitimes ». Le travail<br />

devra donc être productif et, pour cela, il est nécessaire d'amener<br />

le peuple indigène « à des transformations qui améliorent son<br />

état et le rapprochent de nous », autrement dit, il faut entre<br />

prendre la transformation de son genre de vie (1).<br />

Et rapidement les Bureaux arabes conçoivent une double<br />

action concourant vers ce but : d'une part fixer les Indigènes -<br />

au sol et, d'autre part, améliorer les conditions de leur exploi<br />

tation, c'est-à-dire agir sur les deux traits les plus saillants de j<br />

la vie indigène, la mobilité et la médiocrité des rendements. Ce-<br />

faisant, ils feront entrer les Indigènes dans la voie du progrès<br />

« en s'en servant comme d'un élément de colonisation » pour<br />

reprendre une formule chère à Lapasset.<br />

La fixation au sol.<br />

ensuite,<br />

Dans l'esprit de Bugeaud d'abord et des Bureaux arabes<br />

vers 1845,<br />

c'est la condition sine qua non de la sécurité. Jusque<br />

l'Administration s'était peu préoccupée de ses em<br />

piétements sur les territoires occupés par les Indigènes, faisant<br />

appel aux ressources du Domaine ou aux expropriations. Dans<br />

aucun cas on ne se demandait ce que deviendraient les familles<br />

qui avaient jusque là vécu sur cette partie du sol à un titre<br />

quelconque; l'Administration usait de son droit et ne s'occupait<br />

plus de ceux qu'elle avait chassés (2). C'était le refoulement à<br />

(1)<br />

Richard (18) 22-23.<br />

(2) Documents ayant servi à l'établissement du rapport du Ml Randon à<br />

l'Empereur en novembre 1862. N 1805.


— — 100<br />

la manière yankee, mesure inhumaine et dangereuse pour la<br />

tranquillité du pays.<br />

Bugeaud le combat avec son énergie habituelle. Dès 1843<br />

il signale que le refoulement engendrera une guerre continuelle<br />

car on s'en prend à des « guêpes dont il ne fait pas bon<br />

troubler la demeure »; il condamne la politique de la tache<br />

d'huile parce qu'il « faudrait qu'une armée marchât toujours<br />

en avant de la tache,<br />

et quand cette tache aura trente lieues<br />

de diamètre quelle armée faudra-t-il pour garder la circonfé-<br />

'<br />

rence ? » 11^attire l'attention du Ministère de la Guerre sur le<br />

fait que les Européens ont besoin des bras des Indigènes et il<br />

1 demande le retour des tribus que la guerre a chassées de la<br />

I Mitidja (1). Dans les considérants d'un arrêté du 11 juillet<br />

1845 relatif à la création du premier village indigène, il estime<br />

; juste et politique de laisser « place aux indigènes, au milieu des<br />

populations européennes en les astreignant à nos habitudes<br />

fixes d'habitation et de cultures » (2).<br />

A ces conceptions applaudissent les chefs des Bureaux ara<br />

bes hostiles au refoulement (3). Et ainsi on s'achemine vers<br />

l'idée de partager le sol avec les Indigènes, c'est-à-dire vers la<br />

théorie du cantonnement que nous étudierons plus loin. Nous<br />

voudrions simplement montrer ici que cette théorie, dont les<br />

conséquences furent importantes,<br />

besoin de sécurité.<br />

est issue essentiellement du<br />

Charton, chef du bureau arabe de Téniet-el-Had, le prouve<br />

lorsque, pour faire disparaître un pays de baroud, il propose<br />

que le cantonnement y soit fait le plus vite possible après prise<br />

de possession par le Domaine (4).<br />

Hugonnet s'exprime de manière explicite sur cette ques<br />

tion : Les Indigènes, écrit-il, « craignent qu'on leur enlève<br />

leurs terres et il est important de les rassurer en prenant nous-<br />

mêmes l'initiative, en nous hâtant d'assigner en toute propriété<br />

(1) G. série EE, lettres de Bugeaud : du 25 janvier 1843 dans 2 EE 3 ; du<br />

3 juillet et du 25 novembre 1845 dans 2 EE 6 ; du 17 avril 1843 dans 2 EE 9.<br />

(2) N 1805 - Documents du rapport Randon 1862. Il s'agit d'un village de<br />

la Mitidja à établir sur les territoires des Guerouaou et des Mechdoufa.<br />

(3) Hugonnet (6) 119 et Lapasset (9) 56-58.<br />

(4) N 476, 1857, Téniet-el-Had, rapport annuel.


— 101 —<br />

aux tribus inquiètes une partie de leur territoire et d'améliorer,<br />

par certains travaux, cette partie, en dédommagement de celle<br />

qu'on leur prendra. Il devrait y avoir tout un service public<br />

uniquement occupé de cette mission; elle en vaut la peine, car<br />

il y a là, ne l'oublions pas, un intérêt fort grave en notre pré<br />

sence, et si, pour l'avoir négligé, un souffle d'insurrection venait<br />

à agiter en masse toutes les populations indigènes de l'Algérie,<br />

nous ne reprendrions pas le dessus sans éprouver de grandes<br />

pertes de toutes sortes.... » (1).<br />

En termes plus brefs, c'est ce que dit le général comman<br />

dant la division d'Oran lorsqu'il écrit en 1856 : « Le cantonne<br />

ment est une mesure essentiellement et uniquement politi<br />

que. » (2).<br />

Lorsqu'on aura assuré une fraction du territoire aux Indi<br />

gène en délimitant les biens de chaque tribu, il faudra, toujours<br />

pour assurer la tranquillité du pays et éviter les contestations,<br />

constituer la propriété indigène. Chaque individu devra obtenir<br />

une propriété déterminée et progressivement on dressera un<br />

véritable cadastre (3). Le but poursuivi par les Bureaux arabes<br />

et par l'Armée nous le trouvons clairement défini dans un rap<br />

port du 17 mai 1854 du Ministre de la Guerre : « En conférant<br />

à chaque tribu la propriété collective d'un périmètre déterminé,<br />

écrit celui-ci, mon département se réserve de constituer, dans<br />

ce périmètre même, la propriété individuelle, en faveur des<br />

familles qui s'en montrent dignes par leurs travaux de culture.<br />

Or, la propriété individuelle ainsi conquise,<br />

en modifiant radi<br />

calement l'état social des indigènes, les liera irrévocablement<br />

à notre cause par leurs propres intérêts. Née. du travail et de<br />

l'esprit de progrès, elle ouvrira les voies à toutes les améliora<br />

tions sociales et agricoles;<br />

l'assimilation des deux peuples. » (4).<br />

(1) Hugonnet (6) 268.<br />

elle sera le plus sûr point d'appui de<br />

(2) N 1805. Documents ayant servi au Rapport Randon 1862. Azéma de<br />

Montgravier, 2" lettre p. 20, exprime la même idée lorsqu'il écrit que le can<br />

tonnement doit être fait lors de la soumission des tribus et comme garantie<br />

de leur fidélité.<br />

(3) N 450, 1854, Rapport d'ensemble de la division d'Alger -<br />

N<br />

465, 1848,<br />

Orléansville 1 q. février N 1675, rapport de Walsin-Estherhazy du 23-12<br />

1844.<br />

(4) Cité dans Pellissier de Reynaud (14) III, 372.


—<br />

— 102<br />

Mais délimiter le territoire des tribus ou même celui de<br />

chaque propriétaire, ce n'est qu'une première phase de la fixa<br />

tion au sol. Celle-ci ne sera vraiment réalisée que lorsque l'Indi<br />

gène habitera une maison, sera membre d'un village. Et c'est<br />

là encore une condition essentielle de la pacification. Les textes<br />

ne laissent aucun doute sur le but essentiel que l'on poursuivait.<br />

Déjà en 1848, Bugeaud écrivait : « Il me vient une idée que je<br />

crois très politique et qui nous conduirait à deux buts à la fois :<br />

ce serait de faire des troupes_ou les condamnésjdes_villa-<br />

ges pour les Arabes en_jnême_ temps que nous en feripn^dans<br />

le'vôisinagëTpour les Européens. Ce. cadeau pourrait,leur faire<br />

prendre patience sur notre établissement et,<br />

en mêmejiemps,<br />

les attachëfàrflîû^ôT^TêuFdonnerait des intérêts permanents<br />

et ïixës"qûi les rendraient bien moins disposés à la révolte. C'est<br />

je crois une chose à tenter » (î).<br />

Les officiers des Bureaux arabes abondèrent dans ce sens<br />

car ils virent dans la construction des maisons et l'agglomération<br />

en villages le moyen de rendre saisissables les intérêts des<br />

Indigènes. Richard met l'accent sur la nécessité politique de<br />

grouper la population indigène lorsqu'il écrit : « Une chose qui<br />

frappe de prime abord l'homme qui observe ce pays, c'est, sans<br />

contredit, le grand éparpillement de la population sur le sol.<br />

Cette circonstance malheureuse enlève aux Arabes toute cohé<br />

sion, leur donne une mobilité qui nous les rend insaisissables et<br />

leur permet en quelque sorte de glisser entre nos doigts. Cette<br />

absence d'agrégation a, en outre, un inconvénient bien grave,<br />

c'est qu'il (sic) les livre pieds et poings liés au premier aventu<br />

rier qui sait exploiter leur fanatisme ou leur soif de pillage^.<br />

La première chose à faire pour enlever aux agitateurs leurs<br />

leviers, c'est d'agglomérer les membres épars du peuple, d'orga<br />

niser toutes les tribus qui nous sont soumises en zemalas et de<br />

mettre à cette condition leur paix définitive avec nous... » (2).<br />

Margueritte ne pense pas autrement et estime que : « La<br />

stabilité à laquelle nous engageons les Arabes est le meilleur<br />

moyen de les soumettre complètement par la crainte où nous<br />

(1) Lettre du 17 avril 1843 au Directeur de l'Intérieur, G. 2 EE 9.<br />

(2) Richard (17) 188-189. Le mot zemalas est pris ici dans le sens de vil<br />

lages et plus particulièrement de villages de tentes.


— — 103<br />

les tenons de se voir privés des intérêts qui les attachent au<br />

sol. » (1). Pour Lapasset également la fixation des Indigènes<br />

au sol par la construction de villages « rend les révoltes presque<br />

impossibles en mettant les terres dans notre main » (2). Walsin-<br />

Esterhazy voit la question de plus haut, mais toujours sous l'an<br />

gle de la sécurité, et, à propos de la construction d'habitations<br />

fixes aux Douaïrs et aux Zmélas (à l'Ouest d'Oran), il écrit :<br />

« Au moment où l'Arabe consent à se fixer au sol, il accepte<br />

implicitement, sans en apprécier peut-être toute la portée, une<br />

modification profonde à ses habitudes et à ses mœurs; il se<br />

crée des intérêts communs et solidaires avec les nôtres, il entre<br />

dans le mouvement colonisateur et devient aussi intéressé que<br />

l'Européen lui-même à la tranquillité et à la sécurité du<br />

pays » (3).<br />

Le groupement des Indigènes dans des villages n'est-ce<br />

pas, d'autre part, le moyen le plus efficace de surveiller les<br />

suspects et de porter secours à ceux qui sont attachés à notre<br />

cause ? Ce sont les riches d'abord qui se feront construire des<br />

maisons et « les hommes les plus influents de chaque tribu se<br />

trouveront par là réunis sous la surveillance immédiate du<br />

kaïd dont le commandement va devenir plus facile. En cas de<br />

guerre, les tentes trouveront toujours une protection puissante<br />

autour du village qui sera disposé de manière à la leur assurer.<br />

Ceux qui sont disposés à nous rester fidèles viendront naturel<br />

lement s'y réfugier » (4).<br />

On aurait tort de croire que la construction des villages<br />

augmentera les possibilités de résistance des Indigènes. D'abord<br />

ces villages ne seront pas bâtis « sur un plan défensif comme<br />

(1) N 465, 1848, Téniet-el-Had 1" q. de janvier.<br />

(2) Lapasset (9) 55-56. On pourrait citer dans le même sens le rapport<br />

de la 2" quinzaine de février 1849 de Salignac-Fénelon.<br />

(3) Walsin-Esterhazy (30) 231-232. Dans un rapport à Bugeaud du 24-<br />

12-1844, il disait déjà : « L'agriculture et la vie sédentaire ne doivent pas<br />

être oubliées dans l'énumération des moyens les plus puissants à employer<br />

pour rappeler les Arabes à des habitudes pacifiques et les rendre dociles à<br />

notre joug... » et il ajoutait « Admettons l'hypothèse que la propriété soit<br />

devenue individuelle et héréditaire, que la tente soit remplacée par la maison,<br />

en quoi leur état social différerait-il du nôtre ? »<br />

(4) Rapport de Richard de la 2» q. de juin 1848 (N 465). Lapasset pense<br />

de même (9) 40.


— 104 —<br />

le seront les nôtres » (1). Et puis « a-t-on jamais vu une ville<br />

arabe nous résister ? Toutes,<br />

au contraire, au moment des insur<br />

rections, recherchaient notre protection, car leur existence est<br />

liée à des idées d'ordre, de paix, de prospérité commerciale<br />

dont se soucient fort peu les tentes arabes. Nous serions vrai<br />

ment trop heureux si les indigènes,<br />

au lieu d'être nomades,<br />

insaisissables, habitaient de bonnes et fortes villes, fussent-elles<br />

même inexpugnables comme Constantine. Alors,<br />

serait depuis<br />

longtemps tranché le problème de la domination, aujourd'hui<br />

encore mal résolu,<br />

et toujours mis en question par une insur<br />

rection, comme il y en a eu et comme probablement il y en<br />

aura encore » (2).<br />

Les Indigènes fixés seront plus paisibles et, par conséquent,<br />

plus faciles à gouverner. Notre administration ne peut, en effet,<br />

s'accommoder de la vie errante des Arabes. Il est pratiquement<br />

impossible de faire régner l'ordre dans une société aussi mou<br />

vante. Avec la fixation, toutes les difficultés ne disparaîtront<br />

pas du jour au lendemain, mais on comprend « que s'il est quel<br />

quefois difficile d'exercer une police sévère sur un centre de<br />

population, d'y faire exécuter les ordres, les instructions de<br />

l'autorité, à plus forte raison, la chose est-elle peu aisée à l'égard<br />

des tribus dont les tentes sont quelquefois éparses sur une éten<br />

due de plus de vingt-cinq lieues carrées et qui, aujourd'hui sur<br />

un point, seront demain sur un autre » (3).<br />

L'amélioration de l'exploitation.<br />

Donc pas de véritable administration sans une fixation<br />

définitive au sol de l'élément indigène. Et de grandes transfor<br />

mations suivront cette révolution dans l'habitat : « comme il<br />

(1) Bugeaud cité par Démontes (48) 486.<br />

(2) Lapasset (9) 54.<br />

(3) Lapasset (9) 64. n est à remarquer que ce désir d'assurer la sécurité<br />

par la fixation au sol des Indigènes se retrouvera plus tard dans l'adminis<br />

tration des territoires du Sud, héritière des Bureaux araabes, et l'on pourrait<br />

citer nombre de rapports signalant que « les tribus se déplaçant moins faci<br />

lement deviennent moins aptes à la guerre », ou que * les tendances des indi<br />

gènes à se fixer au sol rendent plus faciles, au point de vue politique, la sur<br />

veillance et l'administration des tribus ». Voir Bernard et Lacroix (170) en<br />

particulier p. 135, 294, 297, 299.


— 105 —<br />

est dans la nature de l'homme de chercher constamment à aug<br />

menter la somme de son bien-être, écrit Fauvelle, chef du<br />

bureau arabe de Miliana en 1852, il en résultera ceci que l'Arabe<br />

fixé au sol cherchera à lui faire produire le plus possible; pour<br />

cela il devra adopter nos instruments, nos procédés : c'est une<br />

question de temps » (1). La production augmentera et, avec<br />

elle, le bien-être et la tranquillité car améliorer l'exploitation<br />

c'est encore renforcer la sécurité, affermir la conquête.<br />

Ces conséquences, éminemment politiques, Bugeaud les<br />

avait vues très nettement lorsqu'il voulait intéresser les Arabes<br />

à la conquête par l'appât du gain et le désir de jouir de meil<br />

leures conditions d'existence. Il conseillait surtout les travaux<br />

d'utilité publique (barrages, routes, ponts, fontaines, puits...) qui<br />

donneraient aux Indigènes des facilités commerciales ou aug<br />

menteraient leurs richesses agricoles et les commodités de la<br />

vie (2). La « bonne politique, celle qui vise à rendre les révoltes<br />

plus rares et moins dangereuses, doit procurer aux Arabes les<br />

avantages de notre état social et agricole avancé en même temps<br />

qu'on nuit à d'autres intérêts » (3). En développant le goût de<br />

la propriété bâtie et des cultures soignées on fera naître un<br />

état de résignation et de calme : « La belle et bonne culture<br />

rend les peuples sédentaires et moins disposés au combat<br />

parce qu'ils craignent de compromettre des jouissances agrico<br />

les de tous les jours qui sont aussi morales que matérielles. On<br />

aime avec ardeur ses prairies artificielles, ses plantations, ses<br />

prairies naturelles bien arrosées, ses bestiaux bien entretenus<br />

en toute saison, et l'on craint d'abandonner tout cela pour l'ex<br />

poser aux hasards d'une guerre ruineuse... » (4).<br />

Là comme ailleurs, les Bureaux arabes emboîtent le pas à<br />

leur fondateur. Dès que la situation matérielle s'améliore, à la<br />

suite par exemple d'une bonne récolte de glands doux, l'état de<br />

paix s'affermit,<br />

constate Lapasset. Pour faire bénir notre domi<br />

nation il suffit donc de travailler à accroître la richesse du pays<br />

(1) N 471, rapport d'août 1852.<br />

(2) Circulaire du 15-11-1844 Ménerville (140) I, 67 ou Daumas (4) 165-<br />

169.<br />

(3) Lettre du 1" décembre 1845 au Ministre de la guerre : G 2 EE 6.<br />

(4) Lettre du 25-1-1843 au Ministre de la guerre : G 2 EE 3.


— — 106<br />

en encourageant les cultures (1). En épigraphe à l'un de ses<br />

ouvrages, Richard met la phrase de Tite-Live : « La domination<br />

la plus assurée est celle qui est agréable à ceux-là sur qui on<br />

l'exerce ». Faisant remarquer les progrès réalisés en 1847, dans<br />

le cercle de Miliana (augmentation de 34 % des charrues culti<br />

vées, et de plus de 100 % de la quantité des semences en blé<br />

et orge), Salignac-Fénelon écrit : « Quand l'augmentation de<br />

la richesse a lieu dans de telles proportions,<br />

elle constitue un<br />

fait de nature à détruire, même dans l'esprit des Arabes les<br />

plus prévenus, les préoccupations fâcheuses contre notre gou<br />

vernement. » (2).<br />

Les officiers des Bureaux arabes pensent avec Walsin-<br />

Esterhazy<br />

que les populations prospères ne sont pas fanatiques<br />

et que les hommes s'attachent « d'autant plus aux institutions<br />

qui les régissent que ces institutions leur offrent plus de sécu<br />

rité, de bien-être et de plus sûres garanties pour leurs inté<br />

rêts » (3). Aussi, pour que la paix ne fût pas une simple trêve,<br />

après la chute d'Abd-el-Kader, ils entreprirent de modifier les<br />

habitudes des Arabes, de leur créer des besoins nouveaux, de<br />

les attacher au sol,<br />

par l'appât d'une agriculture de plus en<br />

plus productive et qui rendrait nécessaire le maintien de la<br />

tranquillité (4).<br />

Le souci d'assurer l'ordre se manifeste même dans les pro<br />

jets dont l'inspiration paraît la plus généreuse. On sait com<br />

ment, après la famine de 1867, le général Liébert, commandant<br />

la subdivision de Miliana,<br />

entreprit de propager dans le monde<br />

(1) Rapports de : Lapasset 1" q. février 1848 ; Richard 1" q. novembre<br />

1847 et 1 q. décembre 1849 dans N 465, 463, 468.<br />

(2) N 463, 1867, 1 q. décembre.<br />

(3) Walsin-Esterhazy (30) 236-237. N'est-ce pas ce que disait Daumas<br />

dans ses instructions (4) 47-48 lorsqu'il écrivait : « Parmi tous les moyens<br />

politiques de l'Emir nous en choisirons un seul celui qui avait pour but de rat<br />

tacher les tribus à l'autorité par le lien des intérêts matériels ; c'est sous ce<br />

rapport que notre gouvernement doit éclipser le sien et la protection intelli<br />

gente accordée aux hommes et à la propriété, l'encouragement de toutes les<br />

transactions, l'augmentation du bien-être et les besoins mêmes du luxe sont<br />

seuls capables de remplacer un jour pour nous, jusqu'à un certain point, les<br />

influences dont disposait l'Emir ».<br />

(4) Et cette œuvre fut poursuivie en communauté d'idées avec le com<br />

mandement militaire comme le prouvent les rapports d'inspection du général<br />

commandant la division d'Alger : N 448, 1853 et N 450, 1854.


— — 107<br />

indigène les pratiques d'assistance et de mutualité par l'instal<br />

lation de silos des pauvres et la création d'une caisse de prêts<br />

mutuels. Les sociétés qu'il ébaucha (1) sont considérées comme<br />

les premières sociétés indigènes de prévoyance,<br />

appelées à un<br />

grand avenir. Mais, ce que l'on sait moins, c'est que Liébert ne<br />

faisait que reprendre une idée lancée dès 1847 par Lapasset,<br />

alors chef du bureau arabe de Ténès. Pour Lapasset, il s'agit<br />

de prêter, à chaque campagne, des semences aux pauvres et,<br />

pendant les mauvaises années, d'approvisionner tous ceux qui<br />

en auraient besoin. On constituerait dans ce but des silos dej<br />

prévoyance alimentés annuellement par des versements en na-l<br />

ture (blé ou orge) variant pour chacun avec le nombre de char<br />

rues cultivées et avec l'importance de la moisson; pour aug<br />

menter les réserves, les prêts seraient toujours rendus avec un<br />

certain supplément. L'administration des silos confiée aux<br />

caïds, avec l'aide du bureau arabe, fonctionnerait sous le con<br />

trôle d'une commission consultative municipale.<br />

On ne peut qu'admirer l'économie du projet (2), mais il<br />

est juste d'ajouter que son inspiration n'était pas uniquement,<br />

peut-être même pas essentiellement, charitable. Lapasset le dit<br />

sans ambages : « Les avantages de ce projet sont politiques et<br />

matériels,<br />

mais il me semble que les premiers l'emportent sur<br />

les seconds » . En effet, situés dans le rayon de défense des villes<br />

ou des postes français administrant les tribus, les silos de ré<br />

serve constituent des gages de fidélité préférables aux otages<br />

qui sont une garantie peu commode et coûteuse. Et Lapasset<br />

précise nettement sa pensée : « Dans un temps d'inquiétude, de<br />

malaise politique, on restreindrait les prêts; et les dons, on les<br />

suspendrait même tout à fait si l'autorité supérieure jugeait la<br />

mesure opportune. On agirait de même à l'égard d'une tribu<br />

dont la fidélité inspirerait quelques doutes... Certes, il serait<br />

bien préférable d'avoir entre les mains tous les approvisionne<br />

ments des tribus; nous y avons même pensé; mais nous avons<br />

reculé devant cette mesure vexatoire qui entraverait, au plus<br />

haut point, les travaux d'agriculture et nous nous sommes bor<br />

nés à présenter ce diminutif de l'idée première, dont l'intérêt<br />

(1) Voir par exemple Arippe (167) 10-17.<br />

(2) Voir détails dans (9) 85 à 95.


— — <strong>108</strong><br />

est cependant assez fort pour donner à réfléchir à la tribu. Si<br />

donc elle venait à oublier la foi jurée, ses silos reviendraient de<br />

droit à l'Etat, et elle en serait prévenue à l'avance... » (1). On<br />

s'explique aisément le titre mis par Lapasset en tête de son<br />

exposé « Projet d'établissement de silos de prévoyance pour les<br />

tribus servant en même temps de garantie de leur fidélité ».<br />

Il semble donc incontestable que c'est autour de la question<br />

de la sécurité que se sont cristallisées les idées dont l'ensemble<br />

forme ce que nous avons appelé la doctrine des Bureaux arabes.<br />

Avant tout, ils voulurent défendre la conquête,<br />

tranquillité. Et,<br />

maintenir la<br />

plus ou mpinsr-ils-eur-ent conscience que, pour<br />

garder l'Agérie, il fallait y créer une paysannerie prospère qui<br />

ait intérêt au niaintien de l'ordre établi. De là, le désir^de^trans former complètement le genre de vie des Indigènes en les fixant<br />

et en améliorant les conditions de leur exploitation.<br />

III. —<br />

LE<br />

TERME DE L'EVOLUTION<br />

Les Bureaux arabes assignaient-ils une fin à l'œuvre qu'ils<br />

entreprenaient ? Imaginaient-ils ce que serait la société indi<br />

gène au terme de l'évolution ? Bien que l'œuvre n'ait pas été<br />

menée à bien, la question mérite de retenir l'attention.<br />

La marche progressive.<br />

Il faut tout d'abord remarquer que les officiers des Bureaux<br />

arabes ne se faisaient pas d'illusion sur les difficultés à surmon<br />

ter. Ils savaient que la transformation désirée n'aurait pas lieu<br />

à un rythme accéléré car « toute mesure est sûre de rencontrer,<br />

comme obstacle à son application, en dehors de l'inertie qu'of<br />

frent les masses à toute innovation, une méfiance ombrageuse,<br />

un sentiment de répulsion énergique, une haine fanatique contre<br />

(1) Lapasset (9) 91. Si le projet de Lapasset ne fut pas retenu, il est à<br />

remarquer que l'administration militaire s'efforça toujours de contrôler les<br />

silos dits « sauvages » qui échappaient à la surveillance : N 468, 1849, Téniet-<br />

el-Had, 2? q. juillet - N 469, Téniet-el-Had, juillet -<br />

let - N 471, 1852, Ténès, juillet.<br />

N<br />

470, 1851, Miliana, juil


— — 109<br />

les nouveautés impies; toutes les résistances à la fois : celle de<br />

l'instinct naturel, celle de la foi religieuse, celle enfin de l'hos<br />

tilité qu'inspire la domination étrangère » (1).<br />

Aussi, les chefs les plus éminents des Bureaux arabes con<br />

seillaient-ils d'agir avec modération, de procéder par étapes.<br />

Telle était déjà l'opinion de Pellissier de Reynaud pour qui :<br />

« Il y aurait de la témérité à tout attendre de la génération ac<br />

tuelle. C'est beaucoup de l'avoir mise à peu près sur la voie, le<br />

reste est une question de temps et de persévérance » (2). Selon<br />

Richard : « Il est évident pour tout homme sensé, que nos insti<br />

tutions ne peuvent entrer, sans quelques modifications, dans le<br />

milieu dont il s'agit; il y aurait un travail de la plus haute im<br />

portance à entreprendre, ce serait précisément de déterminer<br />

d'une manière claire quelles sont ces modifications transitoires<br />

qui doivent servir de passage à nos institutions. » (3). Et Ri<br />

chard l'a tenté dans un ouvrage que nous analysons plus loin.<br />

En termes plus modestes, Capifali, après les troubles de<br />

1864, définit ainsi sa tâche : « Les diriger (les Indigènes) avec<br />

mesure et précaution vers tous les progrès possibles soit agri<br />

coles, soit industriels,<br />

soit intellectuels et moraux. Ne jamais<br />

rien imposer, mais tâcher d'obtenir tout par la persuasion et le<br />

raisonnement » (4).<br />

Mais nul à cet égard n'a été aussi explicite que Lapasset<br />

dans ses rapports de chef de bureau arabe ou dans ses publi<br />

cations. Il déconseille de supprimer brutalement les esclaves<br />

qui aident au ménage et sont encore indispensables aux femmes<br />

de grande tente qui ne peuvent aller ni à l'eau ni au bois (5).<br />

Pourquoi vouloir contraindre les « Kabyles » à ensiloter hors<br />

(1)<br />

Richard (18) 19.<br />

(2) Pellissier de Reynaud (14) III, 400.<br />

(3)<br />

Richard (18) 14 et aussi (17) 183 où il écrit notamment : « Un peu<br />

ple ne peut pas passer subitement de l'état barbare à l'état civilisé. Un enfant<br />

n'acquiert pas dans un jour l'instruction et l'expérience d'un homme de trente<br />

ans. La méthode d'éducation facilite certainement beaucoup ce développe<br />

ment de l'intelligence ; mais elle a beau faire, elle ne peut supprimer le se<br />

cours de cet élément qu'on appelle le temps... » Même idée dans Azéma de<br />

Montgravier (1) 2» lettre p. 18.<br />

(4) G. Orléansville, 1864, novembre.<br />

(5) N 465, 1848, Ténès 2e q. septembre 1848.


— 110-<br />

de leurs chaumières : « A force de demander des innovations,<br />

on tire trop la corde, elle pourrait casser » . Même dans les cons<br />

tructions, il faut réduire les exigences, car le pays est pau<br />

vre (1). « La routine d'un peuple est immense, écrit-il. On ne<br />

redresse pas en un seul jour un arbre tordu et déjà fort; si l'on<br />

forçait trop, il se romprait. Suivons donc les coutumes actuel<br />

lement en vigueur, en y améliorant ce qui est mauvais et n'effa<br />

rouchons personne par des nouveautés qui paraîtraient excen<br />

triques à un peuple primitif. » (2). Et,<br />

pour mieux faire com<br />

prendre sa pensée à son ami Lacroix, Lapasset ne recule pas<br />

devant les images hardies : « Y a-t-il en fait de nourriture quel<br />

que chose de plus sain et de plus nutritif que le bifteck ? Et<br />

cependant, il ne vient pas à la pensée des mères d'en donner à<br />

leurs enfants nouveau-nés. Si chaque âge de l'homme a des ali<br />

ments qui lui sont convenables, vouloir aller trop<br />

vite en ali<br />

ments, comme en idées, c'est risquer de briser de existences... » ;<br />

ou encore, à propos du désir d'introduire d'un coup nos institu<br />

tions : « Cette situation ressemble à celle d'un cuisinier nova<br />

teur qui, voulant faire autrement que ses confrères, mettrait des<br />

denrées excellentes dans son pot-au-feu, mais ne voudrait lui<br />

accorder que quelques minutes de cuisson lorsqu'il faudrait<br />

plusieurs heures. Il obtiendrait un bouillon exécrable, quoique<br />

ayant employé d'excellentes choses parce qu'il n'aurait tenu<br />

aucun compte de l'élément nécessaire à tout : le temps. » (3).<br />

L'assimilation.<br />

Au contraire, en agissant progressivement, en ménageant<br />

les transitions, on évitera les heurts; et, au lieu de dresser face<br />

à face les deux populations, on parviendra d'abord à créer une<br />

solidarité d'intérêts. Bugeaud et Daumas avaient toujours songé<br />

(1) N 468, 1849, Ténès 2e q. août et N 468, 1849, Ténès, 2P q. octobre. Mar<br />

gueritte exprime la même idée dans un rapport de la 2e q. d'avril 1849 : N<br />

468, Téniet-el-Had.<br />

(2) Cité par Peyronnet (87) II, 266.<br />

(3) Lettres du 29 décembre 1858 et du 11 mai 1859 dans (121). La même<br />

idée développée presque dans les mêmes termes se retrouve dans Azéma de<br />

Montgravier (1) 2" lettre p. 7.


— — 111<br />

à enchaîner les Indigènes à notre cause par les liens de l'intérêt.<br />

Telle fut aussi la pensée des Bureaux arabes. Dans la vérifica<br />

tion des titres de propriété et la sanction que donnera l'autorité<br />

française, Richard voit le moyen d'unir les intérêts indigènes<br />

aux nôtres « en les compromettant » et, s'il propose aux colons<br />

des fermiers indigènes, c'est pour « jeter entre les deux peuples<br />

les premiers anneaux de la chaîne qui peut les lier ». (1). Sous<br />

la plume de Lapasset on trouve plus d'une fois exprimée l'inten<br />

tion d'établir une « solidarité d'intérêts » (2), d'<br />

« amener la<br />

connexion des intérêts européens et indigènes » (3), de créer<br />

un « trait d'union » entre les vaincus et l'élément colonisa<br />

teur (4). Et, pour cela, il propose,<br />

sur la surface du vaste échi<br />

quier qu'on appelle Algérie, de faire occuper les cases blanches<br />

par les Européens et les cases noires par les Indigènes (5), au<br />

trement dit, de mettre un village indigène auprès du village<br />

européen : des échanges de services s'établiront forcément, car<br />

les Européens ont besoin des bras indigènes et « cette suite non<br />

interrompue de relations, cette solidarité d'intérêts, amèneront<br />

plus sûrement la fusion rêvée que ce titre de citoyen français<br />

qu'on a proposé de donner aux indigènes » (6).<br />

Car si la solidarité d'intérêts est la première étape, la fusion<br />

paraît être la seconde pour les Bureaux arabes (7). Ils envisa<br />

gent, en particulier, des réformes qui introduiront peu à peu<br />

nos institutions chez les Indigènes. Bichard veut « jeter les bases<br />

de la municipalité dans la tribu » (8). Capifali désire « accor-<br />

(1)<br />

Richard (18) 68-69.<br />

(2) Lapasset (9) 9 et N 469, 1850, Ténès, mars.<br />

(3) Cité par Peyronnet (87) H, 266.<br />

(4) (121) 268, Lettre au général Fleury du 19-11-1860.<br />

(5) (121) 150, Lettre à F. Lacroix de juillet 1860. Le choix de la couleur<br />

des cases n'implique aucune idée péjorative chez Lapasset car ailleurs, dans<br />

une lettre à F. Lacroix du 31-7-1860 (p. 235 du même ouvrage) il établit les<br />

Indigènes sur les cases blanches du damier et les Européens sur les cases<br />

noires.<br />

(6)<br />

Lapasset (9) 53-54.<br />

(7) Walsin-Esterhazy le dit nettement (30) 287 : « La colonisation<br />

arabe rapprocherait de nous les indigènes et ce serait un premier moyen de<br />

fusion entre eux et nous, en rendant entre eux et nous, les intérêts communs<br />

et solidaires ».<br />

(8) Richard (18) 66 et aussi (21) p. XVII.


— — 112<br />

der aux indigènes la plus grande somme de liberté compatible<br />

avec l'ordre et la sécurité publique » (toujours le même sou<br />

ci) (1). Et Jubault, chef du bureau arabe de Téniet en 1862,<br />

trace un programme qui est une véritable anticipation : « Il<br />

faut, écrit-il, que les populations viennent d'elles-mêmes au<br />

progrès et dans ce sens nous croyons n'avoir pas de meilleure<br />

voie à suivre que de créer une sorte de conseil communal indi<br />

gène partout où la chose sera possible. Les éléments de ce<br />

conseil se trouvent dans les djemaa des tribus; il suffirait de<br />

les employer. Le meilleur moyen d'apprendre aux hommes à<br />

connaître leurs intérêts est de les charger eux-mêmes de les<br />

discuter... Cette méthode forcerait le peuple indigène à sortir<br />

de l'état d'engourdissement moral et de stagnation dans lequel<br />

il est plongé en lui donnant le sentiment de la vie sociale et de<br />

la vie politique. » (2). Ainsi on amènera progressivement les<br />

Indigènes à notre état de civilisation comme le recommandent<br />

les chefs de l'Armée et comme semblent l'accepter certains Indi<br />

gènes eux-mêmes (3). L'Algérie deviendra l'image de la Mé<br />

tropole. (4).<br />

Mais l'assimilation ne se bornera pas à la communauté<br />

d'institutions, ni même de civilisation. Elle doit être totale. Pour<br />

Pellissier de Reynaud « il n'y a de conquêtes légitimes et dura<br />

bles que là où le peuple vainqueur élève à lui le peuple vaincu,<br />

de manière à ce que l'avenir amène une fusion complète » et<br />

il se déclare partisan des mariages mixtes et même de la poly<br />

gamie (5). Bugeaud, dans ses instructions aux bureaux arabes<br />

à propos des Indigènes, dit qu'il espère « leur faire supporter<br />

d'abord notre domination, les y accoutumer plus tard et à la<br />

longue les identifier avec nous, de manière à ne former qu'un<br />

(1) G. 1864, Orléansville, novembre.<br />

(2) G. Téniet-el-Had, 1" T. 1862.<br />

(3) N 450, 1854, Rapport du Gl Camou.<br />

N 1805. Randon dans son rapport à IPEmpereur de novembre 1862<br />

rapporte les paroles d'un conseiller général indigène disant : « mes compa<br />

triotes comprendront que la conquête de la France n'a pas eu pour objet de<br />

les asservir, mais de les assimiler ». Le désir d'assimilation se retrouve même<br />

dans le Sénatus-consulte de 1863 : Duval et Warnier (57) 125.<br />

(4) A. de Montgravier (1) 2e lettre p. 26.<br />

(5) Pellissier (14) 424.


— 113 —<br />

seul et même peuple sous le gouvernement paternel du roi des<br />

Français » (1).<br />

Azéma de Montgravier donne son approbation à une doc<br />

trine visant à « rechercher les moyens d'apporter à l'état social<br />

des vaincus des modifications radicales dont le dernier terme<br />

sera la fusion des races,<br />

peut-être dans un avenir plus ou moins<br />

éloigné, et certainement l'absorption de l'élément barbare et<br />

réfractaire dans l'élément civilisateur » (2).<br />

Richard, toujours visionnaire, rêve aussi de l'absorption du<br />

peuple indigène par les Français, de sa dissolution dans nos<br />

masses. Il voit l'Algérie peuplée de 15 millions d'habitants, es<br />

sentiellement européens, et alors le nombre vaincra. Il écrit<br />

textuellement : « Il est donc bien manifeste que nous pouvons<br />

marcher vers notre but, sans trop<br />

nous préoccuper de cette<br />

grave affaire de la fu'sion des races qu'une certaine philanthropie<br />

timide avait établie devant nous comme une barrière infran<br />

chissable- Si nous n'opérons pas la fusion du peuple arabe avec<br />

le nôtre, nous opérerons à coup sûr son absorption par nos mas<br />

ses, résultat parfaitement identique au point de vue de nos<br />

intérêts et même de ceux de la civilisation que nous voulons<br />

implanter.» Rien d'étonnant par conséquent à le voir recomman<br />

der les mariages mixtes qui se contracteraient,<br />

au choix des<br />

époux, tantôt suivant la loi française, tantôt suivant la loi mu<br />

sulmane, et Richard pense même que la seconde aurait la pré<br />

férence. La religion d'ailleurs ne saurait être un obstacle :<br />

« Nous avons des citoyens français qui sont juifs, protestants,<br />

catholiques; pourquoi n'ajouterions-nous pas à cette liste les<br />

musulmans ?» (3).<br />

Comment dans ces conditions a-t-on pu accuser les Bureaux<br />

arabes d'avoir voulu isoler systématiquement le peuple conquis,<br />

de s'être opposé à toute assimilation, d'avoir combattu l'intro<br />

duction des Européens dans les tribus ? (4). L'accusation est-<br />

(1) Circulaire du 17 septembre 1844 : Ménerville (140) I, 65.<br />

(2)<br />

(3)<br />

(4)<br />

A. de Montgravier (1) 4, 14.<br />

Richard (18) 9-10, 59-61 et (19) 5.<br />

Voir par ex. : Duvernois (60).


— — 114<br />

elle sans fondement ? Non. Sur ce point, et toujours semble-t-il<br />

inspirés par les considérations de sécurité, l'attitude des offi<br />

ciers des Bureaux arabes se modifia. Nous verrons plus loin,<br />

à propos du cantonnement, comment ils en vinrent à considérer<br />

les Européens comme un élément de trouble et à monter la<br />

garde au seuil des tribus. Alors qu'ils voyaient au début dans<br />

les Européens et les Indigènes deux éléments appelés à collabo<br />

rer, puis à fusionner, ils en arrivèrent à les traiter comme deux<br />

adversaires qu'il fallait empêcher d'en venir aux mains (1).<br />

(1) Et par un curieux retour des choses ce sont les civils ennemis du ré<br />

gime militaire qui mettront en avant certaines des réformes préconisées par<br />

les Bureaux arabes au début. Par exemple Cl. Duvernois (148) 103, 268-274.


— c<br />

LES MÉTHODES DES BUREAUX ARABES<br />

Un des reproches les plus fréquents formulés contre les<br />

Bureaux arabes est d'avoir usé avec les Indigènes de méthodes<br />

peu susceptibles de nous attirer leur sympathie. On les accuse<br />

d'avoir fait preuve d'une autorité excessive, d'être apparus<br />

comme les «bourreaux; des Arabes» et surtout de s'être servi des<br />

chefs indigènes comme d'un moyen de tyranniser et de pressurer<br />

les tribus. Tout n'est pas inexact dans ces reproches, mais, avant<br />

d'examiner les modalités de l'action des Bureaux arabes, il<br />

faut, si l'on veut comprendre, évoquer la situation dans laquelle<br />

se trouvèrent ces officiers disséminés sur tout le territoire<br />

algérien.<br />

pements.<br />

I. —<br />

LA<br />

DEMOGRAPHIE COMMANDE<br />

Les nombres sont ici plus explicites que de longs dévelop<br />

D'un côté la masse indigène. On estime que vers 1845 la<br />

population algérienne comptait 2 millions d'habitants, évalua<br />

tion très approximative d'ailleurs. Sur le sens de l'évolution<br />

démographique, on n'était pas d'accord. Par suite des troubles<br />

qui suivirent la chute du gouvernement turc, de la guerre contre<br />

Abd-El-Kader, des insurrections comme celle de Bou-Maza, il<br />

est certain que la population avait diminué, mais chiffrer ce<br />

recul à un million d'habitants relève de la fantaisie . (1) De<br />

bons<br />

esprits ont pu penser que cette population manquait de vitalité<br />

et qu'elle était vouée à la décadence, sinon à la disparition : on<br />

s'explique ainsi le rêve de Richard la voyant absorber par l'im-<br />

(1) Dans l'ouvrage sur Lapasset (121) 60, l'auteur estime que la popu<br />

lation indigène était passée de 4 millions au temps des Turcs à 3 millions vers<br />

1846 : on voudrait bien savoir sur quoi reposent de pareilles estimations.


— 116 —<br />

migration française (1). Mais d'autres, comme Pellissier de Rey<br />

naud, virent bien que l'élément indigène avait tendance à s'ac<br />

croître et prophétisèrent même qu'il s'accroîtrait plus rapide<br />

ment que l'élément européen (2). L'avenir leur a donné raison<br />

et le dénombrement de 1861 totalisait plus de 2.700.000 Indigè<br />

nes, soit une augmentation de 400.000 par rapport à celui de<br />

1856.<br />

Or, quelle était la force numérique des Bureaux arabes en<br />

face de cette masse de près de trois millions d'individus ? Si<br />

l'on en croit Hugonnet, qui écrit en 1858,<br />

on ne possédait pas<br />

alors plus de 20 officiers aptes aux affaires arabes et il déclare<br />

urgent d'en former 150 ou 200 (3). Reste à savoir évidemment<br />

ce que Hugonnet appelle « officiers aptes aux affaires ». Mais<br />

Warnier donne une évaluation qui ne laisse place à aucun<br />

doute. Il écrit en 1865 et l'on compte alors pour l'administration<br />

des tribus 41 bureaux et 5 annexes. A raison de un chef, un<br />

adjoint, un stagiaire par bureau et un adjoint par annexe, on<br />

arrive à un total de 128 officiers. Avec le personnel des direc<br />

tions divisionnaires et du Bureau politique, Warnier estime que<br />

l'effectif de tout le corps peut s'élever à 150 officiers envi<br />

ron (4). Ce nombre paraît encore plus infime si l'on songe à<br />

l'étendue du territoire, à l'importance de la population indigène<br />

et aux multiples devoirs imposés aux officiers des Bureaux<br />

arabes.<br />

A l'échelle de notre région, les nombres restent aussi signi<br />

ficatifs. Dans l'Ouest du Tell algérois, le relèvement démogra<br />

phique paraît avoir été assez rapide après la reddition de Bou-<br />

Maza. On peut en donner quelques preuves. Par exemple, en<br />

1852, Margueritte, commandant supérieur du cercle de Téniet-<br />

el-Had, estime que les indigènes vont se trouver resserrés pour<br />

leurs labours si le développement démographique se poursuit<br />

(1) Des civils firent la même erreur : Duval (56) 7, Warnier (114) 29.<br />

(2) Pellissier (14) III, 402.<br />

(3) Hugonnet (6) 256.<br />

(4) Warnier (115) 238-239. Rouher précise qu'en 1868, il y avait 194<br />

officiers dans les Bureaux arabes (J.O. du 17-7-1868). Leblanc de Prébois<br />

(78) 28-29 donne pour 1870 les nombres suivants : 49 bureaux dont le Bu<br />

reau, politique, les 3 bureaux divisionnaires, 45 bureaux, répandus dans tout<br />

le pays arabe ; au total environ- 2Û0 officiers y compris les interprètes. Ces<br />

nombres sont confirmés par les documents d'archives M.G. 238,


— — 117<br />

au rythme des quatre années précédentes (1). Dans le cercle<br />

de Ténès, le plus affecté par l'insurrection de Bou-Maza, Lapas<br />

set, qui dirigeait le bureau arabe au moment des troubles, éva<br />

luait la population à 16.000 âmes (2). Elle est de 22.000 en 1852.<br />

Même en faisant des réserves sur l'exactitude des recensements,<br />

le sens de l'évolution ne paraît pas douteux et le dénombrement<br />

de 1853 accuse encore un excédent de 848 unités par rapport à<br />

celui de 1852. De même dans le cercle de Téniet-el-Had, dont<br />

Margueritte estimait la population à 14.000 âmes en 1848 et<br />

qui en compte 20.103 au recensement de 1853 (3). Il est probable<br />

que l'accroissement s'explique en partie par le retour de ceux<br />

qui avaient abandonné le pays aux époques troublées. Quoi<br />

qu'il en soit, si l'on compare pour l'ensemble de la région étu<br />

diée, le dénombrement de 1844-45 (4) à celui de 1852 (5) on<br />

trouve pour le premier 165.659 Indigènes et pour le second<br />

185.377.<br />

C'est donc une population de près de 200.000 habitants,<br />

répartis sur un territoire de 12.500 kilomètres carrés (soit envi<br />

ron la superficie de deux départements français)<br />

qu'eurent à<br />

administrer les officiers résidant à Orléansville, Ténès, Miliana,<br />

Cherchel et Téniet-el-Had. Or il est certain qu'en comprenant<br />

médecins, secrétaires et interprètes, le personnel français de ces<br />

bureaux arabes n'a jamais totalisé plus d'une trentaine de per<br />

sonnes,<br />

avec un maximum de 19 officiers en 1870. Quant aux<br />

cavaliers indigènes réguliers attachés aux bureaux, on peut esti<br />

mer leur nombre à environ une centaine pour l'ensemble et sans<br />

doute est-ce encore une évaluation excessive (6).<br />

(1) N 447, 1852, rapport du 7 octobre.<br />

(2) Lapasset (10) 15.<br />

(3) N 465, 1848, Téniet-el-Had, 1" q. février N 468, 1853, statistiques<br />

du 15 novembre.<br />

(4) Donné pour chaque tribu dans le Tableau (185) de 1844-1845. p. 494<br />

et suivantes. Avec Carette (173) 442, on obtient 167.100.<br />

(5)<br />

D'après les rapports des bureaux arabes N 447.<br />

(6) En 1870 les 19 officiers attachés au service des bureaux arabes dans<br />

l'Ouest du Tell algérois se répartissaient ainsi : 4 à Miliana, 5 à Cherchel, 4<br />

à Téniet-el-Had, 3 à Orléansville, 3 à Ténès ; en 1861 on en comptait seule<br />

ment 11 au total (M G 239 et 240).<br />

Pour le nombre de cavaliers indigènes, un rapport du général Camou<br />

de 1853 (N 448) précise que les bureaux arabes ont à leur disposition : à Or<br />

léansville et à Miliana 15 spahis ; dans les bureaux de 2" classe, 10 spahis. Un<br />

autre rapport du colonel commandant la subdivision d'Orléansville donne 25<br />

spahis pour le bureau d'Orléansville.


— 118 —<br />

Eparpillés ainsi au milieu d'une population souvent hostile<br />

et sans une règle d'action toujours précise,<br />

on conçoit que les<br />

officiers des Bureaux arabes aient organisé leur administration<br />

sans trop se soucier des garanties d'ordre qui entourent nos<br />

institutions civiles. On leur a reproché d'avoir restauré le sys<br />

tème barbaresque renversé par la conquête, de s'être faits Turcs,<br />

de n'être que « le rejeton du gouvernement turc » (1). C'est<br />

peut-être qu'ils se sont trouvés dans une situation comparable<br />

à celle des Turcs administrant une population de 2 millions à<br />

2.500.000 habitants avec 18.000 hommes. Et, comme les Turcs,<br />

ils durent faire appel au Makhzen et aux Chefs indigènes.<br />

IL —<br />

L'ACTION<br />

PAR LE MAKHZEN ET PAR LES CHEFS<br />

C'est un fait que les officiers des Bureaux arabes recon<br />

naissaient certains mérites aux Turcs et qu'ils n'en désavouaient<br />

pas toutes les méthodes. Walsin-Esterhazy recommande d'em<br />

prunter à la politique de l'ancien gouvernement ce qu'elle avait<br />

de bon et d'utile, notamment l'institution du Makhzen (2) qui<br />

fut, dit-il, l'appui le plus solide de l'autorité des anciens domi<br />

nateurs. Richard pense à peu près de même (3). Lapasset, à<br />

plusieurs reprises, attire l'attention sur la situation des Turcs<br />

qui, pendant près de trois siècles, ont tenu l'Algérie avec des<br />

troupes insignifiantes et, tout en condamnant leurs méthodes<br />

despotiques, il a tendance à s'en inspirer, louant non seulement<br />

le Makhzen, mais aussi la touiza, autrement dit la corvée, qu'il<br />

conseille d'utiliser pour la construction des villages indigènes<br />

(1) Thuillier (100) 11 ; Procès Doineau (123) 335 ; Bureaux arabes de<br />

vant le jury (126) 102 ; Feuillide (66) 72.<br />

(2) Walsin-Esterhazy (30) 233-234, 262-263, et plus encore (29) où dans<br />

l'avant-propos notamment il reproche aux premiers gouvernants de ne pas<br />

avoir recherché quels étaient dans la constitution gouvernementale des Turcs<br />

les principes que l'on eût pu s'approprier, montrant qu'avec 45.000 soldats<br />

nous n'avons établi notre autorité que sur une faible partie du territoire tenu<br />

par les Turcs avec moins de 15.000 hommes ; et cela faute d'avoir compris et<br />

maintenu l'institution du makhzen (il écrit maqrzen).<br />

(3) Richard (20) 53.


— — 119<br />

et européens (1). Rien d'étonnant par conséquent à ce que,<br />

subissant les conditions du milieu, les Bureaux arabes aient<br />

entrepris les transformations projetées en faisant appel à l'appui<br />

d'une minorité, essayant de diviser pour régner et pour réussir.<br />

Le Makhzen.<br />

Aux officiers des affaires arabes, Bureau arabe et Makh<br />

zen apparaissent comme deux institutions liées : « deux idées<br />

indivises : l'un est la tête, la pensée, le cœur du gouvernement<br />

indigène; les autres sont les yeux, les oreilles, les bras, les jam<br />

bes de ce gouvernement » (2). Or, qu'est-ce que le Makhzen<br />

tel que le conçoivent les Bureaux arabes ? Lapasset le définit<br />

en essayant, sans beaucoup réussir d'ailleurs, de le différencier<br />

du Makhzen turc : « Le Makhzen sous les Turcs, écrit-il, était<br />

la réunion d'un certain nombre de tribus exemptes d'impôts,<br />

montant à cheval, et aidant les vainqueurs à opprimer les vain<br />

cus, partageant avec eux leurs dépouilles. Sous notre gouverne<br />

ment plus juste, moins oppressif,<br />

mais qui doit être aussi fort<br />

que celui qui nous a précédés, ce sera la réunion par tribu, d'un<br />

certain nombre d'hommes d'élite, liés à notre cause par une<br />

solidarité d'intérêts, par une répugnance moins grande à se<br />

conformer à nos usages. Ils monteront à cheval avec nous, nous<br />

accompagneront dans nos expéditions, nous aideront à faire la<br />

police du pays, à le désarmer; ils seront les colporteurs, les pre<br />

neurs de nos idées et, liés d'intérêts à notre gouvernement, jouis<br />

sant, sous lui, de certains privilèges, de certains honneurs, ils<br />

défendront ses actes, repousseront les attaques de ses enne<br />

mis » (2).<br />

Diviser pour régner, voilà bien l'essence même du Makhzen.<br />

Il s'agit de créer le parti français en rattachant par des faveurs,<br />

par l'intérêt, une partie du peuple vaincu à la cause du peuple<br />

(1) Lapasset (9) 82-83. fce mot touiza qui est pris ici dans le sens de cor<br />

vée est employé dans d'autres cas pour désigner l'assistance que les Indigènes<br />

se prêtent les uns aux autres en vue de la construction d'une maison ou de<br />

l'exécution des travaux agricoles.<br />

(2) -<br />

Lapasset (10) 3-4 Montgravier (1) 2" lettre p. 28, exprime la mê<br />

me idée. Signalons aussi que les chefs de l'armée ne sont pas hostiles à l'ins<br />

titution du makhzen et Bosquet par exemple le défend.


— — 120<br />

vainqueur pour pouvoir l'opposer, si nécessaire, à l'autre partie<br />

de la population. En traitant inégalement les tribus, l'hostilité<br />

éclaterait entre elles et, selon Richard, nous obtiendrions un<br />

résultat de la plus haute importance : nous arriverions à diviser<br />

la population de l'Algérie en deux classes hostiles parfaitement<br />

distinctes, nous jetterions une ligne de démarcation infranchis<br />

sable entre deux masses d'individus jusque-là unies pour nous<br />

combattre (1). Tel est l'avis de Walsin-Esterhazy qui voit dans<br />

le Makhzen la résurrection des auxiliaires romains (2). Azéma<br />

de Montgravier pense de même et définit le Makhzen comme un<br />

« corps de cavalerie indigène, auxiliaire, irrégulière et privilé<br />

giée » (3). Il aura avant tout un rôle militaire s'efforçant de<br />

faire régner la sécurité, devenant « l'instrument de l'ordre entre<br />

les mains du Bureau arabe » (4).<br />

Pour atteindre plus sûrement ce but, les officiers des<br />

Bureaux arabes veulent donner une base sociale à l'institution<br />

du Makhzen. Les corps indigènes réguliers ne peuvent satisfaire<br />

les fils de grandes familles qui craignent notre discipline mili<br />

taire; le Makhzen ouvrirait une issue légitime à leur ambition,<br />

à leur amour des charges et des honneurs. Ils accepteraient plus<br />

facilement d'endosser le burnous bleu des mekhazenis que le<br />

burnous rouge des spahis. Et puis, : « dans toutes les sociétés<br />

les gens qui possèdent et qui possèdent beaucoup, sont particu<br />

lièrement ceux qui décident l'ordre et la paix. Pour établir le<br />

calme quelque part, la chose essentielle à faire est donc d'en<br />

confier les intérêts à cette classe de gens » (5). Ainsi compris, le<br />

Makhzen n'est pas autre chose qu'une des formes de l'action par<br />

les Chefs, la forme militaire si l'on veut.<br />

Mais il y a plus : le makhzen sera l'élément colonisateur.<br />

« Je désirerais voir, écrit Lapasset, la nation vraiment divisée<br />

en deux parties : l'une que l'on appellerait Zemoul (c'est-à-dire<br />

gens de la Smala) ou Makhzen, le nom fait peu à la chose ;<br />

(1) Richard (17) 185-187.<br />

(2) Walsin-Esterhazy (30) 285-289. Il admet l'existence de makhzens à<br />

pied ou à cheval suivant la nature du pays.<br />

(3) Montgravier (1) 2r lettre p. 9.<br />

(4) Richard (18) 93.<br />

(5) Richard (18) 92. Mêmes idées dans Walsin-Esterhazy (30) 265-268


— — 121<br />

l'autre serait nommé Meferoukine (c'est-à-dire habitant séparé<br />

ment, épars) ou Raïas (sujets). Les Zemoul habiteraient nos vil<br />

lages (1), auraient le droit de porter des armes, de monter à che<br />

val; on les exempterait des corvées, d'une certaine portion d'im<br />

pôts:; ils formeraient dans le village une espèce de milice, la gar<br />

de des chefs qui y habitent; ils feraient la police des routes, des<br />

marchés, le service d'escorte, de courriers, opéreraient les arres<br />

tations, la rentrée des impôts, etc..<br />

« Les Raïas ne pourraient avoir ni armes,<br />

ni chevaux de<br />

guerre (les Zemoul se chargeraient de faire exécuter cette clause<br />

si importante pour notre sûreté), ils paieraient tous les impôts<br />

et pourraient même être commandés de corvée dans la saison<br />

morte, pour aider les Zemoul, dans la construction ou répara<br />

tion de leur village, pour les travaux d'utilité générale, etc.. »<br />

Conception intéressante d'après laquelle le fait de changer<br />

de genre de vie entraînait une promotion politique et sociale.<br />

Nous verrons que ces idées reçurent un commencement d'exé<br />

cution et que, dans la région de Ténès et celle d'Orléansville, les<br />

Makhzens jouèrent un certain rôle agricole et colonisateur.<br />

Cependant, la fonction militaire demeure toujours prépon<br />

dérante. C'est pour la remplir que, sans avoir d'existence légale,<br />

les Makzens se constituèrent et se développèrent spontané<br />

ment. Daumas, dans ses instructions officielles ne voyait dans<br />

le Makhzen qu'un corps limité de cavaliers soldés sous les ordres<br />

des chefs indigènes : pour la province d'Alger tout entière leur<br />

nombre était de 390 seulement (2). Mais les chefs des Bureaux<br />

arabes s'aperçurent rapidement que pour agir sur la masse indi<br />

gène il leur fallait disposer très librement d'un nombre suffisant<br />

de cavaliers d'élite. Ils firent appel à des hommes de grande<br />

tente auxquels ils accordèrent certains avantages : exemptions<br />

d'impôts, indépendance à l'égard des caïds, considération parti<br />

culière. L'effectif varia suivant l'importance des tribus com<br />

mandées et l'influence personnelle des chefs de bureaux ara<br />

bes : certains eurent jusqu'à cinquante cavaliers à leur dispo-<br />

(1)<br />

la construction.<br />

Lapasset (9) 35. Il s'agit des villages indigènes dont Lapasset propose<br />

(2) Daumas (4) Chap. IV et p. 128-139.


— — 122<br />

sition sans compter les Makhzens existant autour des chefs<br />

indigènes et auxquels ils pouvaient faire appel. A peu près à<br />

la manière turque ressuscita ainsi le Makhzen à défaut duquel,<br />

selon Richard, il était impossible d'agir sur le pays et qui assura<br />

la prompte exécution des ordres, sans reculer même devant<br />

l'arbitraire (1).<br />

Les Chefs. (2).<br />

Le souci d'agir par l'intermédiaire d'une élite est bien le<br />

trait le plus saillant de la méthode d'action des officiers des<br />

Bureaux arabes.<br />

A vrai dire ceux-ci n'avaient pas dans les Chefs<br />

indigènes en général une grande confiance et tous auraient sous<br />

crit au jugement de Richard selon lequel les Chefs indigènes<br />

« sont obligés, dans leur position délicate, d'avoir, comme JanUs,<br />

deux faces opposées. Pour nous, qui les employons et qui payons<br />

leurs services au poids de l'or, ils ont la face du dévouement<br />

et de l'intelligence avancée qui comprend nos idées et veut nous<br />

aider à les appliquer; pour le peuple qu'ils administrent, ils<br />

ont celle de la pureté musulmane qui souffre à notre contact et<br />

ne supporte notre domination que comme une calamité passa<br />

gère à laquelle il faut se soumettre jusqu'à ce que Dieu l'ait fait<br />

disparaître » (3). Sous le masque des visages empressés il y<br />

a donc bien des faux dévouements, des serviteurs fatigués et<br />

usés dont la fidélité ne résisterait pas à l'apparition du Moulé<br />

(1) Pour éviter les exactions commises par les agents irréguliers du<br />

makhzen, on essaya de les remplacer progressivement par des spahis, mais<br />

l'évolution se fit lentement car des conflits constants éclataient entre les com<br />

mandante supérieurs et les officiers de spahis. M. G. 208 : Note du Ministère<br />

de la Guerre (1870).<br />

(2) Le mot chef n'implique pas forcément une autorité politique ou ad<br />

ministrative : il s'agit plus exactement des notables. Si nous nous en tenons<br />

au rôle administratif nous savons que les Turcs gouvernaient par l'intermédiaires<br />

de caïds et de cheikhs, les premiers ayant les seconds sous leurs or<br />

dres. Abd-el-Kader y ajouta toute une hiérarchie (aghas, bach-aghas, khalifas)<br />

que les Bureaux arabes conservèrent tout d'abord pour éviter de se<br />

trouver, comme au lendemain de la conquête, dans une situation anarchique.<br />

(3) Richard (18) 7-8 revient souvent sur cette idée du machiavélisme<br />

ues chefs dans (17), (20), (21). Hugonnet porte un jugement aussi sévère.


— — 123<br />

Saa . (1) Les Chefs religieux surtout paraissent suspects et, citant<br />

une fois de plus les Turcs en exemple, Lapasset propose de leur<br />

opposer l'aristocratie territoriale et militaire (2).<br />

Mais pourquoi ne pas se passer des uns et des autres en<br />

s'adressant sans intermédiaire à la masse ? Pourquoi, après les<br />

avoir utilisés pour la conquête, ne pas délaisser les Chefs indi<br />

gènes pour agir directement sur le peuple ? « C'est dans le pro<br />

grès social que nous pourrons faire faire à l'imparfaite société<br />

arabe, en développant peu à peu le principe de l'égalité chez<br />

ce peuple organisé féodalement, en cherchant avec tous les mé<br />

nagements possibles à séparer,<br />

en nous substituant insensible<br />

ment à ceux-ci, la cause des grands, de celle du peuple, que se<br />

trouve la sécurité et la stabilité de l'avenir », et Walsin-Ester<br />

hazy conseille de ne point laisser, en dehors de notre action<br />

immédiate, le peuple arabe commandé par ses Chefs, mais au<br />

contraire de rendre nos relations directes avec lui de plus en<br />

plus fréquentes (3).<br />

Cet avis ne fut pas suivi. Certains pensaient que l'aristo<br />

cratie était utile et nécessaire et qu'en décapitant la société<br />

arabe on favoriserait les insurrections (4). A la suite de Bu<br />

geaud, les officiers les plus marquants des Bureaux arabes con<br />

sidéraient que la masse opposerait la force d'inertie à toutes les<br />

nouveautés, se refusant à sacrifier ses habitudes séculaires<br />

même quand elles ont pour rançon la servitude. Tous les essais<br />

que l'on pourra tenter pour améliorer la condition matérielle<br />

des Indigènes échoueront sans le concours des Grands.On estime<br />

que « l'action de la civilisation se fera sentir plus aisément sui<br />

tes groupes constitués par l'intermédiaire de leurs chefs que sur<br />

qui-<br />

(1) Le Mouîé-Saa, c'est-à-dire le maître de l'heure, celui doit venir<br />

à l'heure indiquée par les prophètes pour délivrer les musulmans.<br />

(2) (121) 38.<br />

(3) Walsin-Esterhazy (30) 297. Il reconnaît cependant lui aussi qu'il est.<br />

difficile de se passer de l'influence des grandes familles p. 207. De même Ri<br />

chard qui envisage une substitution progressive des officiers français aux<br />

chefs indigènes, ceux-ci lui paraissant indispensables au début (21) xvi-xvn,<br />

(20) 41-52, (22) 11-14. Voir aussi Hugonnet (6) 188-189, 191.<br />

(4) C'est par exemple l'opinion de Bosquet, alors commandant, qui invo<br />

que aussi l'exemple des Turcs et attribue l'insurrection du Dahra à la dispa<br />

rition des chefs de grande famille (Lettre d'Orléansville du 5 mai 1847, p. 125-<br />

127, dans Bosquet, Lettres, Paris 1894, 400 p.).


— 124<br />

des individus isolés mis en contact immédiat avec les autorités<br />

et les institutions françaises ». Ce n'est pas l'administration<br />

directe, mais le régime du protectorat. D'un mot, Montgravier<br />

explique cette attitude : « C'est que dans ce pays l'aristocratie<br />

est tout et le peuple n'est rien ». (1).<br />

Donc, agir sur la masse par les Chefs. Mais comment tenir<br />

les Chefs ? Tâche délicate. L'argent a un rôle à jouer, mais non<br />

le seul. Bichard pense que le meilleur « moyen de les mater<br />

d'abord et de les conduire ensuite avec une certaine facilité, est<br />

de connaître leurs secrets les plus compromettants et de leur<br />

montrer, dans des entretiens confidentiels, qu'il n'y<br />

a rien de<br />

si simple que de les faire pendre. Les hautains deviennent alors<br />

d'une souplesse sans égale, et les rusés, se sentant pris, com<br />

prennent que le rôle d'<br />

anguille devient inutile » (2). L'appât<br />

des honneurs vaut sans doute mieux. Les chefs sont sensibles<br />

à la considération extérieure : aussi non seulement on évitera<br />

les manières brutales, mais on les flattera et, pour récompenser<br />

ceux qui dans le cercle de Téniet-el-Had développent leur éle<br />

vage, Margueritte conseille : « que dans le prochain Mobacher<br />

il leur soit fait quelques compliments; personne n'ignore com<br />

bien les Arabes sont sensibles aux témoignages de satisfaction<br />

venant de l'autorité supérieure et combien on peut obtenir d'eux<br />

en stimulant à propos leur amour-propre » (3).<br />

A ces Chefs soumis et respectueux quel rôle fera-t-on jouer<br />

pour engager la société indigène dans la voie des transforma<br />

tions désirées ? Ils devront donner l'exemple et l'impulsion. A<br />

eux incomberont les essais des cultures nouvelles et des procé<br />

dés agricoles nouveaux : les bons résultats qu'ils obtiendront<br />

décideront les autres Indigènes à les imiter. A eux aussi appar<br />

tiendra la tâche de harceler leurs administrés, de les pousser<br />

dans la voie du progrès.<br />

(1) Montgravier (1) 2e lettre 6. Rappelons-nous la circulaire de Bugeaud<br />

du 17 septembre 1844 sur les chefs indigènes et la nécessité de prendre en<br />

considération la naissance : « Eloigner du pouvoir les familles influentes,<br />

serait s'en faire des ennemis dangereux ; il vaut mieux<br />

les'<br />

avoir dans le camp<br />

qu'au dehors... » Daumas (4) 157 ou Ménerville (140) 65. Urbain (104) 46.<br />

(2) Richard (18) 37.<br />

(3) N 471, 1852, Téniet-el-Had, avril.


— 125 —<br />

Les résultats ont-ils répondu aux espérances ? Certes on<br />

peut citer plus d'une défaillance : ici c'est un caïd qui laisse<br />

dépérir la pépinière de l'Ouarsenis plantée par le Bureau arabe;<br />

ailleurs quelques chefs qui ne comprennent pas la nécessité de<br />

changer de charrue ; presque partout le manque d'initia<br />

tive (1). Mais, au total, même quand la bonne volonté n'y est<br />

pas, les Chefs répondent à ce que l'on attend d'eux, faisant un<br />

effort pour paraître progressistes, estimant que c'est là un<br />

sacrifice qu'ils doivent à leur position.<br />

Et on les voit installant des norias, créant des jardins, se<br />

procurant des plants à la pépinière d'Orléansville ou à celle de<br />

Blida, demandant des moniteurs pour la culture de la vigne et<br />

de la pomme de terre, constituant enfin de belles entreprises<br />

agricoles entourées de fossés de clôture.<br />

On pourrait multiplier les exemples de ces Chefs en qui les<br />

Bureaux arabes trouvèrent des collaborateurs dévoués : l'un,<br />

dans les Ouled-Farès,<br />

pour ses cultures maraîchères et ses arbres<br />

fruitiers, fait rechercher des sources perdues dans un grand<br />

marécage et crée un vaste bassin pour la réunion de leurs eaux;<br />

un autre, dans les Sbéah, se consacre aux orangers et à la vigne;<br />

l'agha des Zatima s'occupe sérieusement de la culture du coton;<br />

un caïd des Béni-Bou-Khannous plante en quelques années des<br />

milliers d'arbres... etc.. etc.. Deux aghas et huit caïds du cercle<br />

d'Orléansville demandent même, en 1862, à faire partie de la<br />

Société Impériale d'Agriculture d'Alger, preuve qu'ils recon<br />

naissent les avantages des méthodes agricoles françaises et<br />

qu'ils désirent suivre le progrès (2).<br />

Il est donc inexact de dire que les Chefs indigènes ont fait<br />

preuve d'<br />

« une bonne volonté graduée, depuis zéro jusqu'à un<br />

chiffre médiocrement élevé » (3). Ce qui est exact, c'est qu'ils<br />

furent peu suivis. Partout, il n'y a qu'une faible minorité qui<br />

répond à l'exemple donné. Alors que tous les Chefs indigènes<br />

du cercle de Cherchel acceptent, en 1859, d'opérer deux labours,<br />

(1) G. Orléansville 3" T. 1862, 4" T. 1856 et 2» T. 1867.<br />

(2) G. : entre autres, Orléansville i" T. 1861, 1" T. 1862, juin et septem<br />

bre 1862 ; Ténès 3» T. 1861.<br />

(3) Berbrugger (11) 436.


— — 126<br />

la plupart des cultivateurs refusent d'adopter cette nouvelle<br />

méthode agricole. C'est en vain que l'agha Si Kaddour El Gho-<br />

brini de Cherchel emploie les charrues françaises; ses adminis<br />

trés ne le suivent pas. Situation analogue dans le cercle de<br />

Ténès, où, en 1862, à l'exception des Chefs indigènes, il n'y a<br />

que quelques fellahs qui aient adopté nos instruments aratoi<br />

res (1). Incontestablement, et malgré les efforts des Chefs, la<br />

méthode d'action des Bureaux arabes n'a donné que des résul<br />

tats très partiels. Nous rechercherons plus loin les causes de<br />

cet échec.<br />

(1) G : entre autres, Téniet-el-Had 2' T. 1863 ; Ténès 4* T. 1862 ; Cher<br />

chel 4" T. 1865...<br />

Il faut ajouter que le nombre des chefs (du moins des chefs adminis<br />

tratifs) était réduit : en 1870, pour l'Algérie entière, on comptait : 9 khalifats,<br />

8 bach-aghas, 34 aghas et 656 caïds, soit au total 706 fonctionnaires indi<br />

gènes. Leblanc de Prébois (78) 29.


— D<br />

—<br />

LE PERSONNEL<br />

Napoléon III pensait que les Bureaux arabes devaient leur<br />

réputation à la valeur de leur personnel (1). Ce service, parti<br />

culièrement difficile, nécessitait des officiers non seulement une<br />

instruction élevée, mais aussi une énergie sans défaillance, une<br />

intelligence souple, une bienveillante compréhension du monde<br />

indigène. Et il est vraiment remarquable que, dans les premières<br />

années surtout, cette institution ait compté tant d'hommes de<br />

grand mérite.<br />

Dans la région qui nous intéresse, il serait facile<br />

d'évoquer la figure d'un Moullé, ce Parisien devenu un vétéran<br />

des affaires indigènes et qui dirigea pendant plus de douze ans<br />

le bureau arabe de Cherchel, ne le quittant que pour mourir;<br />

celle d'un Capifali, Corse plein de cœur et d'esprit, animé d'un<br />

véritable feu sacré et pour lequel ses supérieurs, dans leurs<br />

rapports, semblent avoir épuisé la gamme des adjectifs élogieux,<br />

lui reprochant seulement de trop se passionner pour son travail;<br />

ou encore celle de Salignac-Fénelon, polytechnicien, chef du<br />

bureau arabe de Miliana pendant six ans, puis directeur divi<br />

sionnaire à Blida, chef du Bureau politique et terminant sa car<br />

rière comme général de corps d'armée ; et combien d'autres<br />

dont le nom mériterait plus qu'une simple mention ! (2). Mais<br />

trois hommes éclipsent tous les autres et feront seuls l'objet<br />

d'une particulière attention : Margueritte, Lapasset et Richard.<br />

(1) (84) 72.<br />

(2) G. 21 H cartons n"<br />

303, 260, 332.


I. —<br />

•128<br />

LE LIEUTENANT MARGUERITTE (1)<br />

Le futur général Margueritte eut, on le sait, des débuts<br />

particulièrement difficiles. Originaire de la Meuse, il vient en<br />

1831 en Algérie avec son père qui, comme gendarme, sert sur<br />

tout à Kouba. Il reçoit, sur lé bureau paternel, les premiers<br />

rudiments de français et de calcul, mais il ne fréquente aucune<br />

école et ce n'est pas une des choses les moins extraordinaires<br />

de sa carrière que de le voir, par ses propres moyens, acquérir<br />

une instruction supérieure qui fera de lui l'égal de ses collègues<br />

sortant des grandes écoles.<br />

Jeunesse libre et agitée. Dès l'âge de huit ans, il fréquente<br />

couramment les petits Arabes et il arrive à parler leur langue<br />

aussi bien qu'eux-mêmes; plus tard, il approfondira ses con<br />

naissances au point de laisser des notes sur la poésie arabe.<br />

Pour l'heure, il joue souvent le rôle d'interprète à une époque<br />

où les Français parlant arabe sont rares. Son caractère se forme<br />

et ses qualités physiques s'affirment. Menant une vie tourmen<br />

tée, il devient rapidement un cavalier intrépide et un tireur<br />

incomparable.<br />

A quinze ans, il s'engage aux gendarmes maures en qualité<br />

d'interprète. Il tient garnison à Kouba et à Boufarik, prend part<br />

à plusieurs engagements dans la Mitidja et à une expédition sur<br />

Cherchel. A dix-sept ans, il est nommé brigadier et obtient sa<br />

première citation. Il continue à se distinguer dans le ravitaille<br />

ment de Médéa et de Miliana et, à dix-huit ans, devenu sous-<br />

lieutenant, on lui confie le commandement de la ligne de l'Har-<br />

rach et de la Maison-Carrée pendant l'hiver 1840-1841. L'année<br />

suivante, il fait partie de la colonne que Bugeaud mène contre<br />

les Béni-Ménasser, puis il suit Changarnier dans l'expédition<br />

fameuse qui aboutit à la jonction, dans la plaine du Chélif, des<br />

troupes de la province d'Alger et de celles de la province d'Oran.<br />

A ce moment, Margueritte compte déjà quatre citations.<br />

(1) Philibert (15) 5 à 101 est la source principale.


— — 129<br />

Brusquement sa carrière est brisée. En 1842, les gendarmes<br />

maures sont licenciés et remplacés par les régiments de spahis.<br />

Les officiers des gendarmes versés aux spahis ne pouvaient<br />

servir qu'à titre indigène et se voyaient condamnés à ne pas<br />

dépasser le grade de lieutenant. Margueritte préfère recommen<br />

cer une carrière et il s'engage comme simple soldat aux chas<br />

seurs d'Afrique à Toulon. Revenu en Algérie, nous le retrouvons<br />

aux spahis avec les galons de brigadier, puis de maréchal des<br />

logis. Malgré son grade modeste, en septembre 1842, on lui<br />

confie la direction des affaires arabes de la place de Miliana<br />

dont Saint-Arnaud vient de prendre le commandement comme<br />

lieutenant-colonel.<br />

Margueritte continue à mener la vie de soldat : il organise<br />

les convois de la grande expédition de 1842 dans l'Ouarsenis;<br />

à la tête du goum, il participe à des expéditions contre les Béni-<br />

Menasser et les Béni-Ferah, prend part à de nombreux combats<br />

à la suite de Saint-Arnaud, Changarnier et Bugeaud. Cependant<br />

il n'oublie pas qu'il se doit à l'administration des Indigènes.<br />

S'étant lié d'amitié avec un jeune maure, Si Sliman ben Siam,<br />

le futur agha de Miliana, il apprend à lire et à écrire l'arabe,<br />

s'intéresse à la société indigène et à l'Islam, amasse une quantité<br />

prodigieuse de documents sur les Khouans et les çoffs et, con<br />

naissant ainsi les moyens d'agir sur les tribus, il exerce une<br />

action si profonde que, lorsqu'il doit quitter le cercle, les Indi<br />

gène font une démarche auprès de Bugeaud pour lui demander<br />

de le conserver à la tête des affaires arabes de Miliana. Mais les<br />

Bureaux arabes s'organisent : un simple maréchal des logis ne<br />

peut commander à Miliana où l'on nomme le capitaine Salignac-<br />

Fénelon. Margueritte, en 1844, se voit ainsi attribuer le bureau<br />

arabe de Téniet-el-Had. Peu de mois après, il sera sous-lieu<br />

tenant.<br />

C'est à Téniet-el-Had qu'il donne sa mesure comme chef<br />

de bureau arabe. Il forme, avec les Béni-Méharez notamment,<br />

un makhzen de cavaliers dévoués avec lequel il parcourt les<br />

tribus, vivant comme les Arabes, s'informant de tout et faisant<br />

régner la sécurité. Les chefs indigènes s'attachent à sa personne,<br />

le suivent partout, lui constituant une véritable « maison » pour<br />

reprendre l'expression du général Philebert (1). L'insurrection<br />

(1) Philebert (15) 60.


— — 130<br />

de Bou-Maza donne à nouveau à Margueritte l'occasion de met<br />

tre en valeur ses qualités de soldat. Il réprime un commence<br />

ment de révolte dans le cercle de Téniet-el-Had, livre plusieurs<br />

combats, reçoit une blessure à la main droite et,<br />

en 1847, avec<br />

quelques cavaliers, il attaque Bou-Maza lui-même, lui inflige<br />

des pertes, est sur le point de le prendre. A cette époque, il est<br />

déjà lieutenant. Nommé capitaine en 1851, il prend le comman<br />

dement du cercle de Téniet-el-Had où il poursuit, jusqu'en 1855,<br />

l'œuvre entreprise comme chef de bureau arabe.<br />

Cette œuvre est considérable. Il a pratiquement créé Téniet-<br />

el-Had. Le poste avait été fondé, sur l'ordre de Bugeaud, comme<br />

passage important entre le Tell et le Sud, à proximité de nom<br />

breuses vallées ouvrant des voies vers le Chélif (O. Deurdeur,<br />

O. Massin, O. Zeddine) ou vers le Nahr-Ouassel (O. Mrila, O. El<br />

Ghoul, O. Issa). Changarnier"<br />

y avait établi un camp permanent<br />

en 1843 et quelques marchands, quelques ouvriers,<br />

comme tou<br />

jours en pareil cas, étaient venus s'installer autour des militai<br />

res. Quand Margueritte y arriva le village n'existait que sous<br />

la forme de quelques baraques. Le chef de bureau arabe va en<br />

achever l'installation en utilisant indigènes,<br />

soldats et colons.<br />

Il s'occupe de tout. Par des arrangements, il obtient des<br />

tribus les terres indispensables aux premiers colons. Il entre<br />

prend la fabrication de chaux, de plâtre, de briques, et, maniant<br />

lui-même la scie ou la hache, il transforme Téniet-el-Had en un<br />

vaste chantier dont il est le chef. Des bains sont construits. Dans<br />

toutes les tribus importantes on élève des maisons de comman<br />

dement. Les labours,<br />

abandonnés pendant les années de guerre,<br />

reprennent de l'extension. Les marchés se peuplent et les tran<br />

sactions se multiplient. Des routes s'ouvrent de Téniet-el-Had<br />

à Miliana et de Toukria (1) à Téniet-el-Had; celle de Téniet à<br />

Boghar est tracée. Surtout Margueritte comprend toute l'impor<br />

tance de l'eau : il multiplie les fontaines et construit des bar<br />

rages.<br />

L'un de ces derniers, établi sur le Nahr-Ouassel, fut un<br />

ouvrage remarquable. Dans la plaine qui s'étend en aval du<br />

confluent du Nahr-Ouassel et de l'Oued Mrila, les Indigènes<br />

(1) Le point d'eau d'Ain-Toukria est devenu le centre de Bourbakl.


— — 131<br />

pendant longtemps, avaient sauvegardé leurs récoltes par la<br />

pratique desi irrigations. Mais le Nahr-Ouassel ayant peu à peu<br />

profondément creusé son lit, les moyens dont disposaient les<br />

Doui-Hasseni étaient devenus insuffisants pour leur permettre<br />

d'édifier un barrage. Ils s'adressèrent à Margueritte, offrant<br />

15.000 francs et 60 animaux de transport pour ce travail. Le<br />

chef du bureau arabe comprit l'intérêt de l'œuvre à entrepren<br />

dre : nos communications avec le Sud possibles en toutes saisons<br />

grâce au rôle de pont que jouerait le barrage; les migrations<br />

des troupeaux du Tell dans te Sersou assurées pendant l'hiver;<br />

plus de bien-être pour le pays et par conséquent la tranquillité<br />

assurée (1).<br />

Margueritte mit en action de nombreuses tribus divisées en<br />

deux groupes, l'un au nord, l'autre au sud. Aux tribus du nord<br />

incombait le travail le plus pénible : le transport des arbres de<br />

la forêt de Téniet-el-Had qui se trouvait à 12 ou 15 lieues de là.<br />

Le gros œuvre devait, en effet, être formé par cinq rangées de<br />

pieux de 10 mètres de long sur 0 m. 25 à 0 m. 30 de diamètre,<br />

plantés à 0 m. 50 de distance les uns des autres avec un inter<br />

valle de quatre mètres entre chaque rangée; soit, au total, une<br />

largeur de 16 mètres ce qui, en réalité, avec l'épaisseur des talus<br />

placés en avant de la première rangée et en arrière de la der<br />

nière, faisait environ 24 mètres; il fallait 320 arbres par rangée,<br />

soit 1.600 au total,sans compter ceux de moindre importance que<br />

nécessitait la construction, de chaque côté, d'une digue d'un<br />

kilomètre de long. Pas de voitures et pas de routes. Les arbres<br />

devaient être transportés à travers champs et bien des mulets<br />

succombèrent à la tâche.<br />

Pour relier les arbres entre eux et accroître leur force de<br />

résistance, on confectionna des clayonnages avec les branchages<br />

longs et flexibles des tamaris et des lauriers-roses qui couvraient<br />

la vallée du Nahr-Ouassel. Les tribus du Sud fabriquèrent plus<br />

de cinquante mille saucissons en corde d'alfa qui furent éten<br />

dus le long des clayonnages. Il fallait ensuite verser dessus du<br />

sable très fin qui, pénétrant entre les fibres de l'alfa, formerait<br />

avec l'eau un bloc dense et homogène.<br />

(1) N 465, 1848, Téniet-el-Had, 2» q. octobre.


— 132 —<br />

Margueritte vint alors s'installer avec sa tente au milieu<br />

des milliers de travailleurs et on assista à un spectacle étrange,<br />

mais qui ne manquait pas de grandeur : « Chaque chef de tribu,<br />

portant son drapeau et suivi de ses musiciens et de ses chan<br />

teurs, conduisait ses travailleurs et les excitait; on apportait<br />

les saucissons et chaque indigène, à défaut de brouettes ou d'au<br />

tres instruments, allait remplir son djenah (pan de burnous) du<br />

sable de la dune. Puis tous, groupés par tribu et accompagnant<br />

de leurs chants la musique sauvage de leur chef, revenaient au<br />

barrage, grimpaient sur les saucissons et y déversaient le sable<br />

en damant le terrain avec leurs pieds » (1).<br />

Et ainsi, avec un remblai de 30.000 mètres cubes, fut édifié<br />

un barrage de 160 mètres de long, 24 de large et 8 de haut. Il<br />

assura un moment la fertilité de la région, mais ne fut malheu<br />

reusement pas entretenu par les successeurs de Margueritte.<br />

C'est peut-être à un travail de ce genre que pensait Mar<br />

gueritte lorsqu'il écrivait à sa femme : « Je crois que ma véri<br />

table vocation n'est pas d'être sodat. Je n'aime pas la guerre,<br />

j'en ressens l'entraînement quand je suis soumis à son action,<br />

mais de sang-froid j'en ai horreur : bâtir, planter, faire des<br />

travaux d'utilité, voilà ce qui me convient et c'est à cela que j'ai<br />

trouvé satisfaction dans ma carrière ». Son fils aurait voulu<br />

que ces lignes fussent gravées sur le piédestal de la statue élevée<br />

à Kouba (2).<br />

II. —<br />

LE CAPITAINE LAPASSET<br />

Comme Margueritte, Lapasset était appelé à une brillante<br />

carrière, mais celle-ci se poursuivit plus normalement. Né en<br />

1817 dans l'île de Ré, à Saint-Martin, où son père était capitaine,<br />

(1) Philebert (15) 93.<br />

(2) V. Margueritte (81) 5 et 218-231. Par la suite Margueritte confirma<br />

ses qualités d'administrateur dans le cercle de Laghouat où il demeura jus<br />

qu'en 1860. Puis il participa à l'expédition du Mexique, revint en Afrique pour<br />

lutter contre l'insurrection des Ouled-Sidi-Cheikh et fut tué à Sedan en 1870,<br />

à 47 ans, alors qu'il était le plus jeune général de division de l'armée fran<br />

çaise.


—133 —<br />

il fait de bonnes études et devient sous-lieutenant après son<br />

passage à Saint-Cyr.En 1840,il débarque en Algérie avec le grade<br />

de lieutenant et participe activement aux opérations de la con<br />

quête : on le trouve au combat du col de Mouzaïa de 1841, dans<br />

les expéditions de ravitaillement de Miliana, dans la campagne<br />

du Gontas et celle de la plaine du Chélif, plus tard, en Oranie,<br />

luttant contre Abd-el-'Kader; en 1844,<br />

sous le commandement<br />

de Bugeaud, il combat les Flitta et le gouverneur général le cite<br />

l'un des premiers dans son rapport.<br />

Entre temps, il a appris à fond la langue arabe et lorsque,<br />

en 1845, le capitaine Béatrix est massacré par les révoltés du<br />

Dahra, on songe à Lapasset pour le remplacer comme chef du<br />

Bureau arabe dé Ténès. Il arrive et se trouve immédiatement<br />

au cœur de l'insurrection. Commandant les goums dans les<br />

colonnes Ladmirault, Saint-Arnaud et Canrobert, il joue un<br />

rôle de premier plan. En janvier 1846, à Tadjena, dans une<br />

reconnaissance qu'il dirigeait avec 120 hommes, il se heurte<br />

à 25 cavaliers et près de 700 Kabyles à pied,<br />

commandés par<br />

Bou-Maza en personne; il soutient le choc et inflige à l'ennemi<br />

de grosses pertes. Un mois plus tard, près de Mazouna, dans<br />

une charge à la tête de ses mekhazenis, il tue de sa main trois<br />

ennemis et reçoit un coup de fusil à la main droite. Il est noté<br />

comme un officier d'élite, infatigable au travail, ne reculant<br />

devant aucune difficulté, apte à toutes les besognes (1).<br />

Le rapport d'inspection signale en particulier que Lapasset<br />

a mis son cercle à la tête du progrès. C'est qu'il avait plus que<br />

tout autre le sens des réalités. Il pensait, ainsi que nous l'avons<br />

déjà vu,<br />

qu'il fallait opérer graduellement les transformations<br />

projetées : vouloir aller trop vite, « ce serait donner de la viande<br />

et de la dinde truffée à un enfant encore à la mamelle. Le<br />

temps est un élément indispensable à toute chose. Modérons<br />

donc notre impatience ou sinon nous ferons des sottises ». (2).<br />

Mais n'allons pas croire qu'il fut un timoré,<br />

(1) G. 21 H carton 298.<br />

(2) (121) 151.<br />

aux conceptions


— — 134<br />

étriquées : le seul reproche que lui adressaient ses chefs, c'était<br />

d'avoir trop d'imagination. Et, en effet,<br />

s'intéressant à tout,<br />

il avait une solution pour chaque problème, écrivant des mémoi<br />

res sur la colonisation indigène et la colonisation européenne,<br />

proposant une réorganisation des Bureaux arabes, dressant un<br />

projet d'établissement de silos de prévoyance, envoyant au gou<br />

verneur général une étude sur « l'emploi des indigènes comme<br />

domestiques, bergers, métayers chez les Européens », travail<br />

si intéressant que le Ministre de la guerre le réclama.<br />

Surtout Lapasset aime passionnément les choses de la terre.<br />

Il lui arrive même de regretter de ne point vivre en bon paysan<br />

propriétaire et il avoue que si son fils pouvait devenir un petit<br />

Dombasle ou un Gasparin en miniature, il en serait fort satis<br />

fait. Jamais il n'est aussi heureux que lorsqu'il se trouve dans<br />

sa propriété de Montauriol, dans l'Aude, au milieu de ses plan<br />

tations:* J'aime tant les arbres ! écrit-il, je connais presque tous<br />

les miens, quoi qu'ils soient nombreux. Je les ai tous plantés.<br />

Je sais leurs défauts et leurs qualités; je m'arrête cinq minutes<br />

devant chacun d'eux, je passe, je repasse; je calcule ce qu'ils<br />

ont grandi depuis ma dernière visite, ce qu'ils grandiront jus<br />

qu'à la prochaine, ce qu'ils pourront me donner d'ombre lors<br />

de ma retraite... » C'est la veine de Bugeaud et Lapasset méritait<br />

bien le surnom de Tityre que lui donnèrent dès l'enfance ses<br />

camarades et qui lui resta par la suite auprès de ses condisciples<br />

ou de ses supérieurs le taquinant sur ses goûts agricoles ou pas<br />

toraux. On conçoit qu'avec de telles dispositions Lapasset se<br />

soit livré corps et âme à l'œuvre de transformation agricole<br />

entreprise par les Bureaux arabes (1).<br />

Pour être demeuré de goûts paysans, Lapasset n'en est pas<br />

moins de son temps et plus même qu'il ne le croit. Il se défend<br />

énergiquement d'être socialiste car, selon lui, les socialistes qui<br />

poursuivent la chimère de l'égalité parfaite n'obtiendront que<br />

l'égalité de la misère. Cependant, il est incontestable qu'il a subi<br />

l'influence des idées de l'époque et plus particulièrement celles<br />

de Fourier. L'association n'a peut-être pas trouvé en Algérie un<br />

(1) (121) 233, 303, 304, 348, 357,


— 135 —<br />

défenseur aussi ardent. Lapasset approuve une pétition parue<br />

dans YAkhbar, signée par des ouvriers favorables au travail<br />

en commun et demandant qu'on utilise leurs bras. Par l'asso<br />

ciation il pense résoudre non seulement le problème de la colo<br />

nisation arabe, comme nous le verrons plus loin, mais aussi<br />

celui de la colonisation européenne. Voici comment il conçoit<br />

l'établissement d'un village après l'arrivée des premiers colons :<br />

« Aussitôt les charpentiers, les maçons, les manœuvres se<br />

mettent à l'œuvre, construisent d'abord avec les ressources du<br />

pays, non des maisons à l'européenne, mais des abris en pisé,<br />

sauf à remplacer plus tard ces simples abris par des habitations<br />

plus commodes. Les cultivateurs vont aux champs. Sur les fonds<br />

de la masse on a acheté des bœufs de labour, quelques trou<br />

peaux, des voitures, des outils, des grains de semences. Les jar<br />

diniers s'occupent des légumes; les femmes sont employées en<br />

partie aux légers travaux de la campagne,<br />

en partie aux tra<br />

vaux de couture de l'association. Une petite salle d'asile pour les<br />

enfants en bas âge dispensera les mères de famille des soins<br />

constants à leur donner. Quant aux enfants d'un certain âge,<br />

ils pourront être utilisés,<br />

soit pour les travaux de culture, soit<br />

comme manœuvres, soit comme bergers. Il y aura, dans le prin<br />

cipe une écurie commune, une étable commune. Une infirmerie<br />

sera établie pour soigner les malades dont le traitement ne<br />

nécessiterait pas l'entrée à l'hôpital le plus voisin » (1).<br />

C'est seulement par la suite que sera constituée la pro<br />

priété particulière et ceux qui le désireront pourront d'ailleurs<br />

continuer à pratiquer l'association.<br />

Ces idées, Lapasset s'efforcera de les mettre en pratique<br />

lors de la création du village de Montenotte (au sud de Ténès)<br />

et, dès 1849, il assura le succès de cette colonie agricole. Aussi<br />

fut-il reçu triomphalement, en 1851,<br />

par les colons alors qu'il<br />

traversait le village pour mener campagne contre les Achacha.<br />

(1) Lapasset (9) 69 à 72. Un peu plus loin p. 77-78, il fait un tableau idyl<br />

lique du nouveau village au travail, ajoutant que sa description est confor<br />

me à la vie de la Smala de Ténès que nous étudierons plus loin.


— 136 —<br />

A cette époque, Lapasset était chef du Bureau arabe d'Orléans-<br />

ville où il avait succédé à un homme éminent : le capitaine<br />

Bichard (1).<br />

III. —<br />

LE CAPITAINE RICHARD<br />

C'est sans doute la personnalité la plus attachante et à coup<br />

sûr la plus originale. Méridional, né à Toulon en 1815, il entre<br />

à Polytechnique au lendemain de la Révolution dans laquelle<br />

l'Ecole avait joué son rôle (2) et à l'époque où la jeunesse<br />

étudiante s'enflammait pour les idées de Saint-Simon et de<br />

Fourier. Il prend part à cette exaltation et toute la vie, chez cet<br />

(1) Lapasset poursuivit en Algérie une brillante carrière comme direc<br />

teur des affaires arabes à Oran, commandant de la subdivision de Bel-Abbès<br />

puis de celle de Mostaganem. Par l'intermédiaire du général Fleury, confi<br />

dent de l'Empereur, il exerça une action considérable sur la politique algé<br />

rienne de Napoléon III. Il contribua notamment à renverser le Ministère de<br />

l'Algérie et des Colonies (121) L 365 ; puis fut un des artisans de la politique<br />

du Royaume Arabe. L'examen des textes ne laisse aucun doute à ce sujet.<br />

A côté du rôle prépondéiant d'Urbain dans la rédaction de la fameuse<br />

lettre du 6 février 1863 à Pélissier, on pourrait relever celui de Lapasset. Et<br />

dans la lettre du 20 juin 1865, adressée à Mac-Mahon, et relative à la politique<br />

de la France en Algérie, M. Emerit (61) a raison de soupçonner l'intervention<br />

de Lapasset. En voici la preuve : Au cours de son voyage en Algérie, l'Empe<br />

reur s'était longuement entretenu avec Lapasset à Mostaganem. De retour à<br />

Paris, il fit mander à Lapasset, par l'intermédiaire de Fleury, de lui consi<br />

gner par écrit les idées développées lors de la conversation de Mostaganem<br />

Un passage de la lettre de Lapasset datée du 6 juin 1865 disait :<br />

« Ne point considérer les bureaux arabes comme une institution ad<br />

ministrative ayant une action et une autorité qui leur soient propres. Les<br />

officiers qui les composent doivent tout à fait rentrer dans le commande<br />

ment, mais il faut que ce commandement, au lieu de recevoir l'impulsion soit,<br />

par son expérience, capable de l'imprimer. De cette manière les officiers des<br />

bureaux arabes ne seront que des officiers d'Etat-major du commandement<br />

pour les affaires arabes ».<br />

Que l'on rapproche ce texte de celui de la lettre de Napoléon III que<br />

nous citons p. 75 et l'on conviendra avec Fleury (lettre du 23 juin 1865) que<br />

l'Empereur avait tenu grand compte des idées de Lapasset. Napoléon III en<br />

voya d'ailleurs sa brochure au commandant de la subdivision de Mostaganem.<br />

pour lui demander son avis. (On trouvera les textes dans l'ouvrage cité sur<br />

Lapasset volume II p. 86-89 et 438-444).<br />

(2) G. 21 H : Le rapport d'inspection de 1848 mentionne que le cap. Ri<br />

chard est entré « au service » en 1832.


— 137 —<br />

homme qui fut un soldat énergique,<br />

on retrouvera les idées<br />

utopistes de ceux qui devinrent les « hommes de 48 » (1).<br />

Lieutenant en 1838, il part pour l'Afrique en 1840 Chargé<br />

des affaires arabes à Bougie, il y reste moins d'un an, mais<br />

affirme ses qualités militaires, et, en 1842, il a un cheval tué<br />

sous lui. Dès la fondation d'Orléansville, il prend la direction<br />

des affaires arabes de la région et jusqu'à son départ, en décem<br />

bre 1850, il joue un rôle de premier plan. Du Barail, qui le vil<br />

en 1849, nous en a laissé un rapide portrait. « Le chef du bureau<br />

arabe, figure très originale, était le capitaine Bichard, du génie,<br />

officier de la Légion d'Honneur, distinction assez rare dans son<br />

grade. C'était ce qu'on appelle un joli homme, avec de longs<br />

cheveux blonds, bouclés, rejetés en arrière, des traits fins, un<br />

œil bleu et rêveur, des manières exquises,<br />

une parole facile et<br />

entraînante, d'une douceur pénétrante. Il avait une très vive et<br />

très haute intelligence, mais une imagination qui nuisait parfois<br />

à son jugement. Toujours maître de lui dans les discussions, il<br />

développait ses idées avec une ténacité rare et, malheureuse<br />

ment, ces idées étaient celles de Saint-Simon, de Fourier, de<br />

Considérant » (2).<br />

Richard se fait remarquer à la fois comme soldat et comme<br />

administrateur. Comme soldat, il commande à plusieurs repri<br />

ses des opérations isolées avec des troupes régulières ou irré<br />

gulières. Bras droit de Saint-Arnaud dans la lutte contre l'in<br />

surrection du Dahra en 1845, il est blessé à deux reprises : une<br />

première fois à la tête et une deuxième fois au talon alors qu'il<br />

attaquait la smala de Bou-Maza (3). Administrateur, il était<br />

classé par tous ses chefs comme un homme supérieur, s'impo-<br />

sant par sa parfaite connaissance de l'arabe, son habileté à<br />

l'égard des Indigènes dont il avait conquis les sympathies, son<br />

(1) En pleine insurrection du Dahra par exemple, il exprimera son es<br />

poir < que le chemin de fer qui représentée le génie de l'industrie tuera, en<br />

fin, parmi nous, le canon qui représente le génie de la guerre » (17) 167.<br />

(2) Du Barail (174) I, 353.<br />

(3) Dans une lettre à son frère du 24 avril 1847 Saint-Arnaud présente<br />

Richard comme « un homme de mérite, doux comme un mouton, brave com<br />

me un lion, parlant l'arabe comme le français, mais neuf et connaissant peu<br />

le monde » (181) 2* vol. 146.


indéniable talent d'écrivain (1),<br />

— — 138<br />

sa bienveillance extrême pour<br />

ses inférieurs qu'il maintenait cependant dans l'accomplisse<br />

ment de leurs devoirs. Martimprey (2), très hostile aux théories<br />

sociales de son subordonné et dont le caractère pondéré et méti<br />

culeux ne pouvait s'accorder avec celui plein d'enthousiasme<br />

de Richard, reconnaît cependant à son chef de bureau arabe des<br />

aptitudes exceptionnelles (3). Bugeaud l'avait distingué. Le gou<br />

verneur général Charon intervint à plusieurs reprises pour que<br />

fût récompensé un homme qui avait rendu des services remar<br />

quables. Dès 1846, Richard était officier de la Légion d'honneur<br />

avec, fait curieux, te soutien du Ministre de l'Instruction publi<br />

que (4). Mais malgré des mérites éclatants, cet officier d'avenir<br />

qu'il fallait pousser (suivant les propres ternies de son rapport<br />

d'inspection de 1848), cet homme, que l'on jugeait capable de<br />

diriger les affaires arabes d'une division (d'après le rapport de<br />

1849), terminera sa carrière comme commandant aux îles d'Hyè-<br />

res, victime, semble-t-il, de l'animosité de l'Armée contre les<br />

Bureaux arabes.<br />

Du point de vue qui nous intéresse plus spécialement,<br />

Richard apparaît comme le type de l'officier qui se passionna<br />

pour son œuvre, voyant dans le Bureau arabe « le représen<br />

tant du principe civilisateur dans toute sa pureté et toute son<br />

énergie » (5).<br />

Il réussit à établir des relations amicales avec les Indigènes<br />

et les amena à fréquenter en nombre considérable les marchés<br />

d'Orléansville et de Ténès (6).<br />

Surtout il voulut fixer les Arabes au sol et il fut un grand<br />

bâtisseur de villages. A cause de son rôle pendant l'insurrection<br />

de 1845, de sa compétence en matière indigène, de son caractère<br />

à la fois ferme et bienveillant, il avait acquis une grande influence<br />

(1) Voir la nomenclature de ses œuvres dans la bibliographie.<br />

(2) Alors colonel, il commandait la subdivision d'Orléansville.<br />

(3) G. 21 H : Rapport d'inspection de 1850. Fleury dans ses souvenirs, dé<br />

clare Richard « officier de grand mérite » (176) I, 42.<br />

(4) G. 21 H : Rapports d'inspection de 1849 et de 1850 et la lettre du 27-<br />

11-1846 du Ministre de la guerre au Ministre de l'Instruction publique.<br />

(5) (17) 184.<br />

(6) Pontier, Souvenirs de l'Algérie, 78 p., Valenciennes, 1850, p. 6.


— — 139<br />

sur les chefs des tribus voisines. Il en profita et détermina les<br />

Indigènes à abandonner la tente pour la maison. On lui a repro<br />

ché d'avoir appliqué aux Arabes les théories phalanstériennes<br />

et Du Barail, qui relate les faits, écrit, sans aucune sympathie<br />

pour la tentative du chef de bureau arabe d'Orléansville :<br />

« Pour ménager les transitions, le capitaine Richard avait<br />

fait construire des villages, des phalanstères,<br />

sur le modèle du<br />

campement arabe, c'est-à-dire une grande place centrale et,<br />

tout autour, des constructions n'ayant qu'un rez-de-chaussée, et<br />

toutes reliées les unes aux autres comme des alvéoles de ruche.<br />

Avec toute sa grande intelligence, il était enchanté d'avoir<br />

découvert la « tente en pierre ». L'emplacement de ces villages<br />

était bien choisi sur le versant d'une colline, près d'une source,<br />

sous de très beaux arbres. De loin cela ressemblait à un décor<br />

d'opéra-comique. Mais quand on y mettait le pied, il ne fallait<br />

pas deux minutes pour se convaincre que les fameuses tentes<br />

en pierre étaient aussi parfaitement inhabitables pour des Ara<br />

bes que pour des Européens » (1).<br />

Et Du Barail souligne l'échec avec complaisance. Selon lui,<br />

Richard se heurta aux exactions des chefs indigènes, louant<br />

ostensiblement l'initiative du bureau arabe, mais présentant<br />

ensuite à leurs administrés les nouvelles bâtisses comme des<br />

prisons,<br />

se faisant verser des indemnitée par ceux qui ne vou<br />

laient pas y être envoyés et peuplant finalement les maisons<br />

avec les plus miséreux, c'est-à-dire, pouvons-nous ajouter, avec<br />

les moins susceptibles d'en profiter. Surtout Richard eut contre<br />

lui le colonel de Martim'prey<br />

taires » de son subordonné.<br />

furieux des « fantaisies humani<br />

D'un esprit extraordinairement fertile, Richard avait tou<br />

jours un projet à soumettre à ses chefs ou à l'opinion publique.<br />

Pour arriver à la fusion des deux peuples,<br />

nous avons vu qu'il<br />

approuvait les mariages mixtes et la polygamie, se faisant par<br />

ailleurs le défenseur de la femme indigène dont la reconnais<br />

sance nous amènerait la sympathie de la moitié d'un peuple (2).<br />

Pour amener les Arabes à désirer l'extension de notre occupa-<br />

(1) Du Barail (174) I, 354-355.<br />

(2) N 465, 1848, 2« q. janvier.


— — 140<br />

tion, il suffit de reconstituer les anciens makhzens et d'accorder<br />

la condition de makhzen à toute tribu au milileu de laquelle<br />

s'élèverait un établissement français (1).<br />

Si l'on veut se rendre maître de l'esprit fanatique des Ara<br />

bes, il serait bon d'avoir des prophètes à gages qui nous accor<br />

deraient un règne d'une centaine d'années : cela suffirait. « Il<br />

nous faudrait aussi avoir des inspirés à tant le mois, et les faire<br />

parler suivant les circonstances, mais toujours en notre faveur.<br />

Un livre que nous écririons à Alger et que nous ferions ensuite<br />

trouver par un pèlerin sous une pierre du tombeau du prophète,<br />

pourrait nous aplanir bien des difficultés s'il était conçu d'une<br />

manière intelligente. Il n'y a rien de facile comme de faire<br />

croire du merveilleux à un Arabe. On dira peut-être que c'est un<br />

petit moyen; c'est vrai, mais c'est avec de petits moyens qu'on<br />

mène les enfants et les peuples enfants » (2).<br />

Pour assurer notre domination pendant les périodes de<br />

paix, renonçons aux grosses colonnes mobiles, mais multiplions<br />

les petites «colonnes apostoliques» don^t la force reposerait moins<br />

sur les combattants que sur certains « éléments éminemment<br />

civilisateurs et pacifiques » : un service médical; un cadi pour<br />

juger en appel;<br />

une escouade de soldats du génie pour effectuer<br />

certains petits travaux et apprendre aux indigènes l'usage de<br />

nos outils ; un petit groupe de colons effectuant d'honnêtes<br />

transactions commerciales ; et ces colonnes, accueillies avec<br />

reconnaissance, deviendraient « les artères voyageuses de notre<br />

civilisation et en sèmeraient partout les germes féconds : leur<br />

bienfait serait immense » (3).<br />

Il faut, de toute nécessité, attirer des colons car : « le pays<br />

ne sera réellement à nous que quand nous serons partout. La<br />

population arabe ne cessera de lutter contre notre domination<br />

que quand elle sera enserrée de tous côtés dans la nôtre et<br />

qu'elle ne pourra faire un mouvement sans nous toucher les<br />

coudes ». D'autre part, et nous retrouvons l'idéaliste, l'Afrique<br />

doit être un « débouché offert aux misères qui encombrent la<br />

(1) (17) 187.<br />

(2) (17) 192-193.<br />

(3) (22) 25-27.


— — 141<br />

métropole. Le pauvre laborieux qui cherche en vain dans son<br />

pays une occupation pour ses bras doit trouver ici une terre<br />

généreuse, disposée à récompenser largement ses travaux ».<br />

Mais les colons ne viendront que si l'on sait rendre le pays<br />

séduisant en lui faisant notamment la réputation d'un pays<br />

libre, et Richard, à la retraite il est vrai à ce moment, demande<br />

d'étendre la liberté de la presse jusqu'aux dernières limites du<br />

possible et d'accorder même aux colons le droit de tenir des<br />

« meetings à l'américaine... » (1).<br />

Richard n'est pas moins fécond en idées, souvent origina<br />

les, lorsqu'il s'agit de réformes économiques et sociales. Afin<br />

de faciliter les transactions commerciales, il demande la refonte<br />

des douros d'Espagne qui sont des monnaies falsifiées (2).<br />

Pour que le bureau arabe puisse exercer largement l'hospitalité<br />

indigène, il propose un système permettant « d'atteindre la<br />

limite du parfait dans ce sens en faisant grandement les choses<br />

et en ne dépensant rien du tout ». Selon lui il suffirait pour<br />

cela de pratiquer tous les ans, dans chaque point occupé, une<br />

touiza de toutes les tribus du Cercle : l'administration avance<br />

rait les semences et, à la récolte,<br />

recueillerait la moisson dans<br />

ses magasins. Un marché serait ensuite passé par le chef du<br />

bureau arabe avec un caïd des diaf (3) qui, au lieu de recevoir<br />

de l'argent, recevrait une quantité d'orge et de blé d'une valeur<br />

équivalente; les bons que lui donnerait dans ce but le chef du<br />

bureau arabe lui seraient acquittés par l'administration qui, en<br />

fin d'année,<br />

garderait le blé et l'orge qui resteraient. Et ainsi<br />

on pratiquerait une hospitalité des plus larges en se créant une<br />

source de bénéfices au lieu des dépenses dont le budget s'effraie.<br />

Et Richard affirme que les Arabes ne demanderaient pas mieux<br />

que de nous donner une fois l'an un travail imperceptible pour<br />

chacun d'eux à la condition d'être bien traités quand ils vien<br />

draient chez nous (4).<br />

Ce recours à l'effort collectif est une idée chère à Richard<br />

comme à Lapasset. Non seulement il le préconise aux Colons<br />

(1) (17) 177-178 et (22) 21, 41, 42.<br />

(2) N 468, 1849, Orléansville 2» q. de janvier.<br />

(3) Diaf est le pluriel de dif : hôte, convive. La maison des diaf était<br />

destinée à héberger les Indigènes venant au bureau arabe.<br />

(4) N 465, 1848, Orléansville 2" q: de février.


— 142 —<br />

dans leurs villages (1), mais il en fait bénéficier tes Indigènes<br />

d'Orléansville. Beaucoup d'Arabes influents réclamaient avec<br />

insistance l'établissement d'un bain maure,<br />

mais l'argent man<br />

quait et il paraissait impossible de s'en procurer par la voie<br />

régulière des crédits accordés par l'Etat. Richard, au cours de<br />

plusieurs réunions,<br />

expose aux chefs indigènes ce qu'est l'asso<br />

ciation des capitaux et comment « elle enfante des prodiges tout<br />

en faisant la fortune des individus ». Il réussit à constituer une<br />

société de 25 souscripteurs dont les versements totalisent envi<br />

ron 10.000 francs, somme jugée suffisante. Le gérant en est l'ad<br />

joint du bureau arabe assisté d'un conseil de surveillance de<br />

cinq membres chargé de vérifier les dépenses et de répartir, au<br />

prorata des sommes versées, les recettes qui seront faites. L'en<br />

treprise se développe avec succès et, dans la constitution de<br />

cette société et la construction de ce bain maure, Richard, qui<br />

ne perd jamais de vue la mission des Bureaux arabes,<br />

voit un<br />

fait d'importance politique : « La facilité avec laquelle une<br />

pareille nouveauté a été adoptée, écrit-il, fait entrevoir qu'elle<br />

pourrait avoir des résultats féconds pour notre domination en<br />

donnant un moyen de lier encore plus étroitement les intérêts<br />

arabes aux nôtres et ausjsi en faisant sortir de terre, poussés par<br />

l'appât du gain, cette masse de douros qui dort stérile dessous<br />

tandis que, dessus, elle aurait si utilement à s'employer » (2).<br />

Richard aime à s'élever jusqu'aux considérations philoso<br />

phiques. Il se complaît surtout dans la philosophie de l'histoire<br />

et l'étude de l'évolution des sociétés lui paraît propre à nous<br />

fournir un enseignement sur la manière dont nous devons gou<br />

verner l'Algérie. Il consacre un de ses ouvrages à édifier tout<br />

un système évolutionniste (3). Le peuple arabe ne peut arriver<br />

jusqu'à nous qu'avec le temps et par gradations successives.<br />

nichard nous en avertit : s: Dans l'escalier qu'il monte vers<br />

l'avenir, plusieurs degrés le séparent de vous, et, quoi que vous<br />

fassiez, vous ne pouvez lui en épargner l'escalade. Vous pouvez,<br />

dans la position supérieure que vous occupez au-dessus de lui,<br />

l'aider, en lui tendant la main, à les franchir plus vite, et peut-<br />

(1) Richard (17) 178.<br />

(2) N 463, 1847, Orléansville, 2* q. de novembre.<br />

(3) De la civilisation du peuple arabe.


être à en sauter quelques-uns ;<br />

— 143 —<br />

c'est même votre devoir, votre<br />

mission providentielle; mais je vous défie de rien tenter de pra<br />

ticable au delà de cette limite. » Et puis, en s'inspirant de l'his<br />

toire, Richard prétend déterminer quelles sont les diverses pha<br />

ses par lesquelles nous devons faire passer le peuple arabe pour<br />

l'amener jusqu'à nous.<br />

Il en distingue sept. Au départ : la barbarie confuse,<br />

« trois millions d'âmes vivant dans la confusion de toutes les<br />

abominations imaginables, une orgie de toutes les immoralités<br />

connues, depuis celles de Sodome jusqu'à celles de Mandrin. »<br />

La première chose est d'établir une autorité et celle-ci ne peut<br />

être que féodale : féodalité indigène d'abord (grands chefs tra<br />

ditionnels puis hommes à notre dévotion); féodalité française<br />

ensuite, l'officier français prenant la place du caïd dans son<br />

château crénelé. Viendra alors la phase de la commune : aris<br />

tocratique dans les débuts avec une municipalité de membres<br />

riches et importants choisis par l'autorité, démocratique plus<br />

tard avec pour base l'élection. Et alors,<br />

arabe devenu un organisme civil,<br />

sous l'égide du bureau<br />

nous atteindrons le stade de<br />

la civilisation démocratique et nos lois pourront s'appliquer<br />

indifféremment aux Européens et aux Indigènes. Nous appar<br />

tiendrons tous à la même grande famille civilisée. Les barrières<br />

établies par la conquête tomberont; l'assimilation se fera. Cons<br />

truction fragile, il est vrai,<br />

indéniable talent.<br />

mais que Richard édifie avec un<br />

A cet esprit prompt aux vastes généralisations,<br />

ses chefs<br />

ont parfois reproché l'ardeur de l'imagination et de l'enthou<br />

siasme. Et il est certain qu'il y avait quelque chose du vision<br />

naire, de l'illuminé ou de l'apôtre chez cet homme qui, en épi<br />

graphe à l'un de ses ouvrages (1), mettait te verset de saint<br />

Matthieu sur la foi qui transporte les montagnes. Mais c'est cet<br />

état d'esprit qui donne au capitaine Richard une place à part<br />

dans la galerie des chefs des bureaux arabes, c'est lui qui lui<br />

inspire une page comme celle-ci :<br />

« Quand on veut conquérir, dans le vrai sens du mot, un<br />

pays, il y a deux espèces de conquêtes à exécuter : celle du<br />

(1) De l'esprit de la législation musulmane.


— — 144<br />

terrain qui est la conquête matérielle, et celle du peuple qui<br />

est la conquête morale. La première s'exécute par les armes<br />

et ne dure quelquefois que l'espace de quatre ou cinq grandes<br />

batailles, où tout ce qu'il y a d'hommes vigoureux dans le parti<br />

qui se défend, mord la poussière; la seconde s'exécute par les<br />

idées, et celle-là peut durer des siècles, quand le peuple conqué<br />

rant est chrétien et le peuple conquis musulman. La première<br />

est maintenant accomplie, et certes c'est un résultat glorieux;<br />

c'est le travail d'un homme; la seconde, c'est à peine si nous la<br />

commençons; le peuple est à peine à nous.nous ne devons qu'im<br />

parfaitement le connaître. Jusqu'ici nous ne l'avons guère vu<br />

qu'à la distance de la portée de son fusil; nous l'avons admiré<br />

à cheval, magnifiquement drapé dans son burnous, toujours<br />

beau quoique en guenilles;<br />

nous l'avons vu se battre souvent<br />

avec courage, et mourir toujours en héros ou en martyr, et nous<br />

nous sommes rappelés involontairement,<br />

ce peuple issu d'une<br />

misérable tribu de sauvages, qui faillit écraser sous ses premiers<br />

pas la civilisation chrétienne, et qui ne dut qu'à la perte d'une<br />

bataille d'être déshérité du vieux patrimoine romain. Nous ne<br />

l'avons vu, en un mot, que sous sa face poétique. Maintenant si,<br />

par la pensée, nous faisons le calme autour de lui,<br />

ne sifflent plus,<br />

si les balles<br />

si la poussière et la fumée de la poudre n'obs<br />

curcissent plus nos yeux, nous le verrons plus en détail et beau<br />

coup mieux. Nous le désarmerons, nous lui ôterons son bur<br />

nous, nous le ferons descendre de son cheval, et nous verrons<br />

alors une dégradation de la face humaine qui nous fera bénir<br />

le ciel d'être un peuple civilisé, et qui nous fera comprendre<br />

que c'est la Providence qui nous a envoyés ici pour y accomplir<br />

une mission grande et sainte » (1) .<br />

(1) L'insurrection du Dahra, p. 7-8. Cité dans Peyronnet (87) II 132-133.<br />

On pourrait également rappeler cette page où Richard affirme sa foi dans le<br />

progrès humain : « Nous pensons que les divers peuples de la terre quelle<br />

que soit la diversité de leur langage, de leurs mœurs, de leurs croyances reli<br />

gieuses, tendent tous, sous l'action d'une force providentielle, à une unité<br />

complète... La tendance générale de notre civilisation est de mettre l'ordre<br />

et le calme partout. Le progrès doit nécessairement nous amener à détruire<br />

les secousses politiques, à faire disparaître le paupérisme et assurer le règne<br />

de la plus parfaite justice. La société marche donc vers un état tel que la<br />

force brutale n'étant plus nécessaire pour la maintenir en paix, cette force,<br />

qui est maintenant représentée par l'armée, disparaîtra, et, avec elle, ce que<br />

nous appelons l'esprit, la science militaires... » (17) 164-167.


145-<br />

Avec un tel personnel, on conçoit que les résultats maxima<br />

aient pu être obtenus. Aucune autre région de l'Algérie ne peut<br />

sans doute se prévaloir d'une pareille activité dans la transfor<br />

mation délibérée des genres de vie indigènes. A en croire Mont<br />

gravier et Esterhazy (1), c'est à l'Oranie que revient l'initiative<br />

en 1847, de la fixation des Indigènes par la construction de vil<br />

lages et la Mitidja aurait suivi. Il est certain que l'activité fut<br />

grande dans les Douaïrs et les Zmélas à partir de novembre<br />

1847 (2), mais nous verrons que, dès 1845, Lapasset avait ouvert<br />

la voie à Ténès. En 1850, dans une lettre au commandant de la<br />

division d'Alger, le gouverneur général Charon adressait des<br />

éloges aux Cercles de Miliana et d'Orléansville « en raison des<br />

résultats obtenus dans les tribus de leurs ressorts tant pour la<br />

construction que sous le rapport agricole (culture de la pomme<br />

de terre, plantations et greffes d'arbres de toutes espèces) »,<br />

ajoutant qu'il importait à l'avenir de l'Algérie que tous les pro<br />

grès constatés sur ces points soient généralisés (3). Nous nous<br />

trouvons donc dans une région privilégiée et nos conclusions<br />

n'en auront que plus de force. Pour le reste de l'Algérie elles<br />

acquerront presque la valeur d'une démonstration à fortiori.<br />

(1) Azéma de Montgravier (1) 2f lettre 16 et Walsin-Esterhazy (30)<br />

400.<br />

(2) Tinthoin (183) 131.<br />

(3) G. dossier « Colonisation 1845-1870 -/, lettre du 19 mai 1850.<br />

10


CHAPITRE III<br />

La fixation au sol .<br />

Le Cantonnement


Nous avons déjà dit comment, au début, la colonisation<br />

faisait tache d'huile sans se préoccuper du sort des Indigènes<br />

refoulés. Il en fut ainsi jusqu'en 1845. A ce moment,<br />

raisons diverses, militaires, politiques, humanitaires,<br />

pour des<br />

on en<br />

vint, conformément aux idées de Bugeaud, à envisager le par<br />

tage du sol avec les Indigènes. C'était le cantonnement qui fut<br />

pratiqué jusqu'au sénatus-consulte de 1863 et auquel on trouva<br />

une base juridique. Dans la région que nous étudions, nous<br />

pouvons en citer deux exemples d'une application systémati<br />

que. Mais, avant de les étudier, pour en fixer la place et l'im<br />

portance, il paraît indispensable d'examiner dans son ensemble<br />

la question du cantonnement et de préciser l'attitude des Bu<br />

reaux arabes vis-à-vis de ce mode de constitution de la pro<br />

priété tant indigène qu'européenne.


I. —<br />

— — A<br />

LES BUREAUX ARABES ET LE CANTONNEMENT<br />

COMMENT S'EST POSEE ET A EVOLUE LA QUESTION<br />

DU CANTONNEMENT<br />

Cantonnement de fait et théorie.<br />

On a pratiqué le cantonnement, alors même qu'on n'em<br />

ployait pas le mot, à partir du jour où,<br />

admettant te droit à<br />

l'existence des Indigènes, on a estimé qu'au lieu de les refouler<br />

il valait mieux les maintenir au milieu des Européens en leur<br />

créant des villages et en les astreignant à bâtir. Au début, en<br />

effet, comme nous le verrons,<br />

arabe paraissent inséparables.<br />

cantonnement et colonisation<br />

La conception même du cantonnement se trouve exprimée<br />

officiellement en 1845, pour la première fois semble-t-il, dans<br />

le rapport du Directeur de l'Intérieur sur la création, ordonnée<br />

par Bugeaud, du village indigène de Guerouaou (1) : pour<br />

Guyot le problème consiste à « assurer le succès de la coloni<br />

sation en même temps que la conservation (au moins partielle)<br />

pour les Arabes du sol qui les nourrissait antrefois ». Et l'année<br />

suivante, à propos de la fondation à la Rassauta d'un village en<br />

faveur des Aribs, le rapporteur Foucher s'exprimait encore plus<br />

nettement : « Nous devons admettre, écrivait-il, les tribus sou<br />

mises à partager avec nous le sol en compensant le retrait que<br />

nous leur faisons de la majeure partie par l'assurance de la<br />

propriété incommutable du surplus » (2).<br />

(1) Non loin de Béni-Méred, dans la Mitidja.<br />

(2) N 1805, Documents ayant servi à l'établissement du Rapport de no<br />

vembre 1862 du Maréchal Randon à l'Empereur, p. 3 à 8 ; Randon était alors<br />

Ministre de la guerre. La circulaire de Bugeaud du 10 avril 1847 dans laquelle<br />

A. Bernard (41) 300-301 trouve les premières traces du cantonnement n'est<br />

donc pas le premier document relatif à cette opération.


— 150 —<br />

L'application de ces idées était relativement facile dans<br />

ces premières opérations (que l'on qualifia de cantonnement)<br />

pour les Aribs<br />

car il s'agissait de terres réputées domaniales et,<br />

en particulier, on avait affaire à des Indigènes établis par l'Ad<br />

ministration française depuis quelques années seulement (1).<br />

Mais comment, en droit, résoudrait-on le problème, lorsqu'on<br />

se trouverait en présence de tribus considérables, propriétaires<br />

ou usageres d'un sol sur lequel elles avaient toujours vécu ?<br />

A ce moment parut le livre du Docteur Worms qui devait<br />

donner un substratum juridique à une opération que les néces<br />

sités de la colonisation allaient imposer chaque année de ma<br />

nière plus impérieuse, surtout après le vote de la loi de 1851 qui<br />

garantit aux Indigènes leurs droits de propriété et de jouis^<br />

sance (2). Le Docteur Worms se passionnait depuis plusieurs<br />

années pour les études de législation musulmane (3). En 1846<br />

il publia un ouvrage (4) dans lequel il analysait le régime fon<br />

cier en pays musulman et notamment en Algérie. Il mettait en<br />

valeur, avec grande netteté, une distinction essentielle, bien<br />

souvent rappelée depuis, entre les terres de dîme et les terres<br />

de kharadj. Les premières, dont les occupants disposent libre-<br />

(1) BaudiCOUr (168) 504-505, cite deux autres exemples de cantonnement<br />

effectués sur des terres du Beylik : le premier intéresse la tribu des Béni-<br />

Mehenna (Philippeville) qui, en 1845, perdit au profit de la colonisation 12.000<br />

hectares sur les 40.000 qu'elle possédait, obtenant pour le reste un titre de<br />

propriété collective ; le second est relatif à une tribu des environs de Guelma<br />

à laquelle on ne laissa que 8.000 hectares sur 20.000, mais en constituant la<br />

propriété individuelle.<br />

ture,<br />

(2) La loi du 16 juin 1851 mit fin à l'expropriation pour cause d'incul<br />

ainsi qu'à la réunion au Domaine des terres dont les détenteurs ne<br />

pouvaient établir leurs droits de propriété. Aussi les terres de colonisation ne<br />

tardèrent pas à manquer et c'est alors surtout qu'on eut recours au canton<br />

nement. Mais nous voyons que la théorie et les premières opérations sont an<br />

térieures à la loi de 1851 et, à l'appui de cette affirmation, on pourrait citer<br />

encore les différentes instructions de Charon inspirées, semble-t-il, par la<br />

crainte de manquer de terres pour établir les « Colonies agricoles (G, HH,<br />

voir bibliographie).<br />

(3) Il avait exposé ses idées pour la première fois en 1841 dans un mé<br />

moire lu à l'Académie des Sciences morales et politiques, mémoire dont la<br />

teneur fut donnée par le général Duvivier à la fin de son ouvrage : Solu<br />

tion de la question de l'Algérie, Paris 1841, p. 328-333. De 1842 à 1844, le Dr<br />

Worms avait publié des études sur la propriété en pays musulman dans le<br />

Journal asiatique et dans la Revue de législation et de jurisprudence.<br />

(4) Recherches sur la constitution de la propriété territoriale dans les<br />

pays musulmans et subsidiairement en Algérie (162).


— 151 —<br />

ment, sont soumises aux prélèvements désignés sous le nom de<br />

zekkat (Worms écrit zekkaet)<br />

et qui ont à la fois le caractère<br />

d'aumônes puisqu'ils doivent être employés à venir en aide aux<br />

pauvres et d'impôts puisqu'ils sont déterminés par le souve<br />

rain (1). Les secondes, outre le zekkat,<br />

supportent un impôt<br />

spécial, le kharadj (Worms écrit kheradj), comme terres con<br />

quises par la force des armes, mais que le vainqueur avait<br />

cependant laissées aux mains du vaincu. Avec une remarquable<br />

érudition, Worms établissait que jamais l'Algérie n'avait été<br />

terre de dîme, mais toujours terre de kharadj<br />

ou de tribut : les<br />

Indigènes, selon lui, y possédaient le sol, non à titre de pro<br />

priété, mais seulement à titre d'usufruit.<br />

Les juristes firent valoir, par la suite, que les droits du<br />

détenteur indigène ne pouvaient être assimilés à ceux d'un<br />

usufruitier et les droits de l'Etat à ceux d'un nu propriétaire, car<br />

si le détenteur n'avait pas la possibilité d'aliéner la terre de<br />

kharadj, l'Etat cependant n'avait pas un véritable droit de pro<br />

priété : il percevait seulement le tribut et surveillait la mise en<br />

culture; la possession héréditaire était assurée au vaincu ou<br />

raya qui ne pouvait être expulsé sous aucun prétexte tant qu'il<br />

cultivait et payait régulièrement le kharadj. Mais, à l'époque<br />

où parut l'ouvrage du Dr. Worms, on ne fit point ces distinc<br />

tions. Le kharadj apparut comme le loyer d'une terre dont l'Etat<br />

français, héritier du Beylik, était propriétaire. On pensa que<br />

cette propriété s'étendait sur la majeure partie de l'Algérie<br />

puisque le pays avait été conquis par les Turcs musulmans (2).<br />

L'Administration appela arch (d'un mot arabe signifiant tribu)<br />

(1) Le zekkat porte sur les différents biens, mais on réserve souvent ce<br />

nom à l'impôt sur les troupeaux. Le zekkat qui frappe les produits du sol<br />

s'appelle achour parce qu'il est égal au dixième des fruits. A noter que tou<br />

tes les terres melk sont des terres de dîme puisque les possesseurs en ont la<br />

pleine propriété.<br />

(2) En réalité les terres de kharadj étaient beaucoup<br />

les terres de dîme parce que les Turcs n'ont jamais occupé la totalité de l'Al<br />

moins étendues que<br />

gérie et aussi parce que, pour des raisons politiques ou simplement financiè<br />

res, ils concédèrent en pleine propriété ou vendirent d'importants territoires.<br />

Gopin (151) 232-234,


— 152—<br />

ces terres dont la tribu ne paraissait avoir que la jouissance (1)<br />

et tout naturellement naquit la théorie du cantonnement.<br />

Dans l'esprit du législateur, il ne s'agissait pas d'une spolia<br />

tion, mais d'une « équitable transaction » (2),<br />

propre à satis<br />

faire les deux parties : on calculerait largement les besoins de<br />

la tribu (ce sont les propres termes d'une circulaire du général<br />

Charon du 15 juin 1849)<br />

n'avait pas besoin, mais qui, d'usufruitière,<br />

qui serait dessaisie des terres dont elle<br />

deviendrait pleine<br />

ment propriétaire sur la portion du sol qui lui serait laissée.<br />

La théorie reposait évidemment sur la certitude de disposer<br />

d'un territoire suffisamment vaste pour permettre la coexis<br />

tence des deux éléments de la population. On parla d'abord de<br />

resserrement (c'est te mot qu'emploie Bugeaud),<br />

puis on pré<br />

féra le mot cantonnement par analogie avec le cantonnement<br />

forestier où l'on transforme le droit de l'usager en un droit de<br />

propriété portant sur une partie du fonds affecté à son usage<br />

. (3)<br />

En droit, la théorie semblait donner satisfaction à l'équité.<br />

En fait, entre Colonisation et Indigènes,<br />

c'était un compromis<br />

aboutissant à un refoulement partiel, humanisé et légitimé par<br />

des considérations juridiques.<br />

D'énormes difficultés allaient surgir. Bugeaud les avait<br />

prévues lorsqu'il écrivait en parlant du partage des terres :<br />

« C'est une loi agraire à appliquer et il n'y a rien au monde<br />

d'aussi épineux, d'aussi compliqué que l'exécution d'une loi<br />

agraire ». Charon craignait qu'on ne laissât pas aux Indigènes<br />

suffisamment de terres cultivables : obligés alors d'exécuter des<br />

(1) Jouissance collective ou individuelle ? Les juristes sont très parta<br />

gés. Godin nie l'existence de la propriété collective et affirme péremptoire<br />

ment que la tribu ne procédait à aucune répartition périodique entre ses mem<br />

bres (151) 238-239. Nous verserons simplement au débat les témoignages<br />

d'hommes comme Pellissier de Reynaud (14) 433, Azéma de Montgravier<br />

(1) 2° lettre 15, Hugonnet (6) 133-134, David (5) 28, Wolff (154) 15, 33, qui<br />

tous mentionnent la propriété collective et le partage.<br />

(2) L'expression est dans un rapport ministériel du 17 mai 1854 : Pellis<br />

sier de Reynaud (14) III 371. Baudicour (168) 510 parle de « transaction su<br />

prême entre les campements arabes de l'intérieur et la marée montante des<br />

colons européens ».<br />

(3) Larcher (156) III 54 et N 1805, Documents du Rapport Randon de<br />

novembre 1862, p. 95-97.


--153<br />

travaux de défrichements très coûteux, ils subiraient un pré<br />

judice considérable (1).<br />

Comment, en effet, déterminer l'importance du territoire<br />

qui serait laissé à chaque tribu ? Les avis variaient à l'extrême.<br />

Les uns posent une fraction à priori : Bugeaud croit que les<br />

Indigènes consentiront à céder le quart ou le tiers de leurs ter<br />

res moyennant le bénéfice de la propriété individuelle (2), et<br />

Bedeau admet lui aussi que la colonisation prendra le tiers. Le<br />

duc d'Aumale, gouverneur général, tient compte essentiellement<br />

de la condition des personnes (3); il distingue trois catégories<br />

d'individus : les khammès qui ne peuvent prétendre à rien, les<br />

propriétaires qui garderont leurs terres ou recevront des com<br />

pensations, les fellahs simplement usufruitiers qui seront décla<br />

rés propriétaires d'une fraction des terrains détenus, fraction<br />

dont l'étendue variera avec les titres acquis à notre bienveillance<br />

ou avec l'importance de leurs moyens d'exploitation.<br />

Selon une autre conception, il faudrait évaluer les quan<br />

tités moyennes de terres labourées par la tribu ainsi que sa<br />

richesse en troupeaux et lui affecter une superficie égale au<br />

chiffre de cette moyenne des labours augmenté de celui des<br />

terres que nécessitait l'importance des troupeaux. On admettait<br />

en général qu'il fallait un hectare pour une grosse tête de bétail<br />

(cheval, mulet, chameau) et que deux ânes, six moutons ou six<br />

chèvres équivalaient à une grosse tête de bétail (4).<br />

Le plus souvent, on essaye d'apprécier les besoins des<br />

Indigènes et on prétend affecter à chaque individu un nom<br />

bre fixe d'hectares. Mais combien les appréciations varient !<br />

La Moricière, par exemple, pense parfois qu'il faut réserver 60<br />

(1) G. 2 EE 6, lettre du 1-12-1845 et N 442 lettre du gouv. Charon au<br />

Ministre de la guerre le 29-12-1848.<br />

(2) Démontés (48) 593. Ailleurs Bugeaud parle du cinquième ou du sixiè<br />

me (G. 2 EE 6).<br />

(3) Dans ses Prescriptions du 4 février 1848 i relatives aux mesures à<br />

prendre pour cantonner les indigènes habitant l'ouest de la Mitidja et pour<br />

ouvrir cette région à la colonisation européenne ». Il s'agissait de créer deux<br />

centres, l'un sur l'Oued Bourkika et l'autre sur l'Oued Djer ou à Aïn-Gassaf :<br />

N <strong>108</strong>2.<br />

(4) Projet de décret sur le cantonnement (154) 30-31. La commission de<br />

1861 se ralliera à cette conception.


— 154 —<br />

hectares par tente et d'autres fois 25 ou même moins; Yusuf<br />

estime qu'avec deux hectares par tête on satisfait tous les besoins<br />

réels et qu'on les dépasse même; en 1856, le Ministre considère<br />

comme très élevée la moyenne de 3 hectares par individu ;<br />

Cl. Duvernois, en 1858, voudrait voir accorder à chaque famille<br />

20 hectares dans le Tell et 50 dans les steppes; et il faudrait<br />

ajouter ceux qui, à l'idée d'accorder à tous la même quote-part,<br />

s'indignent et crient à la loi agraire (1).<br />

Finalement,<br />

vu l'importance du cantonnement et l'intérêt<br />

d'une règle générale, le Ministre institue une commission dans<br />

chaque province pour étudier la question. Seule, semble-t-il, la<br />

commission oranaise mène sa tâche à bien et centralise les docu<br />

ments émanant de plusieurs sous-commissions. Celle de Mos<br />

taganem, par exemple, après de longs calculs, évalue à 2 hec<br />

tares 65 la quantité moyenne de terrain à donner par tête d'in<br />

dividu sous la réserve expresse qu'il serait fait aux Indigènes<br />

une part équitable dans la répartition des bons terrains. La<br />

commission d'Oran considère ces précisions comme inutiles :<br />

te cantonnement étant une mesure purement politique « la puis<br />

sance dominante doit déterminer elle-même dans quelle pro<br />

portion elle entend qu'entre cet élément (l'élément indigène)<br />

dans la transformation du pays et surtout dans la constitution<br />

définitive de la propriété et de la colonisation algérienne. Dans<br />

l'accomplissement de cette mesure, il ne saurait être question<br />

de droits ni de besoins : les droits ne peuvent être reconnus et<br />

les besoins sont impossibles à déterminer et à satisfaire com<br />

plètement... » (2).<br />

L'attribution territoriale devait donc être déterminée arbi<br />

trairement par le Ministre. En fait, il n'y eut pas de règle géné-<br />

(1) Tel le rapporteur au Conseil du gouvernement en 1857 qui s'écrie<br />

« Quoi ! chaque membre de la tribu pourra prétendre à sa part de 3 hectares,<br />

même les femmes, même les enfants, mêmes les serviteurs attachés à la ten<br />

te ? Ce procédé — —<br />

j'hésite à le dire ressemble beaucoup à la loi agraire ».<br />

N 1805, Documents Randon, p. 63-64, 78-93.<br />

(2) N 1805, Documents du rapport Randon. Plus tard, en 1861, les auto<br />

rités de la Province d'Oran affirmeront que l'Etat peut « disposer souverai<br />

nement de tout le territoire. C'est une situation fort nette, fort simple, une,<br />

dont nous avons à nous féliciter et à profiter dans l'opération du cantonne<br />

ment » (165) 15-16,


155<br />

raie car, comme le disait une circulaire de Randon relative au<br />

cantonnement, les terres sont de qualité trop inégale, la consti<br />

tution des tribus est trop variée pour se prêter à l'application<br />

d'une loi uniforme (1). Chaque cantonnement fut donc consi<br />

déré comme un cas d'espèce.<br />

L'évolution.<br />

Dans l'esprit de l'Administration et, en particulier, des<br />

Bureaux arabes, le cantonnement n'était que le premier pas<br />

vers la constitution de la propriété individuelle. Mais devait-on<br />

constituer celle-ci immédiatement ouj passer d'abord par le stade<br />

de la propriété collective ? (2). Là encore, l'administration mi<br />

litaire ne réussit pas à se faire une doctrine et à s'y tenir.<br />

Il n'est question tout d'abord, dans les textes, que de pro<br />

priété individuelle et Fon assimile l'Indigène à un Colon recevant<br />

une concession et astreint à certaines obligations de construction<br />

et de mise en valeur. Tel est l'esprit des projets de 1845 et 1846<br />

concernant Guerouaou et les Aribs (3). Tel est aussi le plan<br />

initial de colonisation arabe relatif aux Douaïrs et aux Zmélas.<br />

En leur faveur, Bugeaud avait proposé, en 1847, un projet de<br />

cession pleine et entière des terres dont ils avaient héréditaire<br />

ment l'usufruit comme tribus du Makhzen et qui devaient être<br />

alloties entre les familles. Ce projet fut repoussé par le Ministre,<br />

mais La Moricière en dressa un nouveau, prévoyant la concen<br />

tration des douars sur leurs mechtas et la division du sol de<br />

chaque mechta entre les hommes possédant un certain capital.<br />

C'était la constitution de la propriété individuelle au profit des<br />

plus riches. Le Ministre hésita, favorable plutôt au maintien de<br />

l'usufruit, mais il céda finalement à l'argumentation du duc<br />

d'Aumale faisant valoir en particulier que la constitution de la<br />

propriété individuelle aurait pour conséquence de permettre<br />

(1) Circulaire du 20 mai 1858 : Ménerville (140) I 190-191.<br />

(2) Certains voulurent distinguer entre « le resserrement » qui mainte<br />

nait la propriété collective et le « cantonnement » qui était suivi de la cons<br />

titution de la propriété individuelle : Cl, Duvernois (60) 275-277,<br />

(3) Démontés (48) 510-517,


— 156 —<br />

les transactions libres et, par suite, la pénétration des Européens<br />

que l'on souhaitait à ce moment. Le cahier des charges établi<br />

comme pour des villages de colonisation française, Douaïrs et<br />

Zmélas se mirent à construire et à planter en attendant leurs<br />

titres de concessions (1).<br />

Mais les conceptions changent avec les hommes. Le Gou<br />

verneur général Charon n'envisage plus le cantonnement de<br />

la même manière. Voici comment, en 1850, s'opère celui des<br />

Gharaba. Cette tribu jouissait de 72.400 hectares au sud-est<br />

d'Oran. Refoulée par la coloniation et par la prise de possession<br />

de la forêt de Moulay Ismaël (2), elle<br />

si'<br />

était trouvée resserrée<br />

sur 25.000 hectares et ne pouvait plus nourrir ses 11.000 âmes<br />

et ses nombreux troupeaux. On lui attribua un supplément de<br />

8.000 hectares et, en dédommagement de la dépossession subie,<br />

on lui délivra un titre collectif de propriété absolue pour les<br />

33.000 hectares sur lesquels elle était définitivement resserrée.<br />

Ainsi donc,comme l'écrira plus tard le maréchal Randon, il n'est<br />

plus question de propriété individuelle ni de concession dans<br />

les formes ordinaires; l'indemnité de dépossession consiste dans<br />

la substitution d'un titre de propriété collective pour une partie<br />

de la terre au droit de jouissance collective qui existait pour le<br />

tout (3).<br />

Randon, comme Gouverneur général, défend un système<br />

mixte. En 1855, il propose au Ministre de délivrer aux tribus<br />

des titres collectifs correspondant à des superficies déterminées;<br />

les tribus seraient amenées ensuite à faire les partages indivi<br />

duels et à constituer la propriété privée. Mais le Ministre répond<br />

que l'on n'avait pas encore apporté de solution à la question<br />

« de savoir si, à l'occasion des opérations de cantonnement, il<br />

ne convenait pas mieux, au lieu d'une attribution du sol à la<br />

tribu à titre collectif, de constituer la propriété individuelle en<br />

délivrant un titre particulier à chaque famille pour la part lui<br />

(1) N 1805, Documents du Rapport Randon p. 25-29 ; Tinthoin (183)<br />

129-133 et 328. Baudicour nous l'avons vu (p. 150 note 1), signale le cantonne<br />

ment des Béni-Mehenna avec titre collectif en 1845, mais les documents d'ar<br />

chives ne font pas état de cette exception.<br />

(2) Au sud des salines d'Arzeu. En 1867 les Gharaba ont formé le douar<br />

Oum-el-Ghelaz.<br />

(3) N 1805, Lettre du Ml Randon à l'Empereur, de novembre 1862.


-15f-<br />

revenant ». A l'époque on pense beaucoup à l'intérêt des Indi<br />

gènes et, dans la crainte de voir la tribu se démembrer par la<br />

vente aux Européens des propriétés individuelles, le Ministre<br />

prescrit donc comme règle invariable le titre collectif délivré<br />

par le Gouverneur général après autorisation ministérielle pour<br />

chaque cas spécial. Et, pour éviter toute interprétation, il envoie<br />

un modèle de titre dont l'article 3 déclare formellement que<br />

la tribu est propriétaire à titre collectif et<br />

qu'<br />

« aucune mesure<br />

tendant au partage de la propriété entre les diverses fractions<br />

de la tribu,<br />

ou ayant pour objet de constituer la propriété indi<br />

viduelle parmi ses membres,<br />

ne pourra être prise sans avoir<br />

été préalablement soumise à la sanction du Ministre... »<br />

C'est d'après ces principes que fut enfin régularisé le can<br />

tonnement des Douaïrs et des Zmélas entrepris depuis long<br />

temps. Ce cantonnement fut définitivement approuvé en 1857<br />

pour les Douaïrs, 1858 pour les Zmélas. On délivra des titres<br />

individuels aux Indigènes qui, sur la foi des promesses de l'au<br />

torité locale, avaient élevé des constructions; mais le titre col<br />

lectif fut également délivré et la propriété collective l'emporta<br />

nettement en étendue, surtout chez les Zmélas. D'autres canton<br />

nements furent opérés d'après les mêmes données dans la plaine<br />

de l'Habra (1).<br />

Dès 1867, les idées commencent à évoluer et l'on va bientôt<br />

présenter comme une panacée ce que la veille l'on reniait. Le<br />

Maréchal Vaillant, au Ministère, songe à effectuer, dans cer<br />

taines tribus, la répartition de la propriété entre les chefs de<br />

famille,<br />

persuadé que « cette mesure serait accueillie avec<br />

faveur par les arabes qu'elle soustrairait au vasselage si lourd<br />

de leurs chefs en les élevant à la dignité de propriétaire » (2).<br />

En 1858 le prince Napoléon, alors chargé du Ministère de l'Al-<br />

(1) N 1805, Lettre de Randon 1862.<br />

G. Série I, dossier « Colonisation 1845-1870 » : lettre du Gouverneur<br />

Randon au Général commandant la Division d'Alger (11-11-1855) ; modèle de<br />

titre collectif de propriété attribuée aux tribus cantonnées.<br />

Tinthoin (183) 134 à 146, surtout les. cartes.<br />

(2) Randon, gouverneur, ne semble pas se rallier à ce point de vue et,<br />

dans sa circulaire du 20 mai 1858, Ménerville (140) 190, il ordonnait, sauf<br />

circonstances exceptionnelles, de constituer le patrimoine collectif des tribus<br />

à cantonner. Mais, un mois après cette circulaire, le Ministère de'<br />

l'Algérie et<br />

des Colonies se substituait au Gouverneur général.


— ISS —<br />

gérie, ordonne de « s'attacher à subsituer l'intérêt de la famille<br />

à celui de la tribu, à remplacer la propriété indivise et collective<br />

par la propriété privée partout où cela est possible sans dan<br />

ger ». Et, la même année, le prince approuve le cantonnement<br />

dans la province d'Oran, des deux tribus des Hamyan et des<br />

Bétioua, cantonnement fondé sur la base de la constitution<br />

immédiate de la propriété individuelle de chaque famille dans<br />

la proportion de ce qu'elle cultivait déjà; les titres devaient<br />

également faire mention de la part de jouissance revenant à<br />

chaque famille dans les terres de parcours laissées indivises<br />

jusqu'à ce jour.<br />

A partir de ce moment l'Adminitration semble s'en tenir<br />

à la constitution de la propriété privée. Randon, Ministre de la<br />

Guerre, se rallie, il est vrai avec beaucoup de réticences, à la<br />

création généralisée de la propriété individuelle,<br />

estimant que<br />

« cette grande mesure ne saurait être appliquée qu'avec une<br />

extrême prudence ». Par contre, Pélissier, devenu Gouverneur<br />

en 1860, lui accorde la préférence sans restrictions. Certains<br />

Indigènes la demandent. L'opinion publique est divisée : pour<br />

les uns, constituer la propriété privée, c'est permettre à la colo<br />

nisation de progresser en toute liberté par ses propres efforts;<br />

pour les autres, en démocratisant la propriété, on décapite la^<br />

société indigène alors que les notables, malgré leurs exactions,<br />

sont indispensables parce que l'action de la civilisation se fait<br />

sentir plus aisément sur les groupes constitués, par l'intermé<br />

diaire de leurs chefs,<br />

que sur des individus isolés. Pendant ce<br />

temps, sous la direction de l'autorité militaire et des officiers<br />

des Bureaux arabes, les commissions de cantonnement poursui<br />

vaient leur besogne en particulier chez les Ouled-Kosseïr et les<br />

Abid-et-Feraïlia (1).<br />

(1) C'est au cours de la période 1852-1864 que la Commission des Tran<br />

sactions et Partages instituée le 2 mars 1851 opéra le cantonnement des Indi<br />

gènes dans le Sahel d'Alger : Isnard (152). A propos de ses travaux on peut<br />

remarquer : 1°) qu'ils ont abouti partout à la constitution ou plutôt à la con<br />

solidation de la propriété individuelle, mais qu'il ne pouvait guère en être<br />

autrement vu le caractère mélk des territoires intéressés ; 2,°) ces travaux<br />

se justifient par application de l'ordonnance de 1846 sur la déchéance des In<br />

digènes n'ayant pas présenté de titres de propriété et non par la revendica<br />

tion des droits présumés de l'Etat sur les terres arch. Pour cette raison on<br />

peut négliger l'œuvre de la Commission des Transactions et Partages dans<br />

i-ne étude sur le cantonnement sensu stricto.


Le cantonnement cependant allait cesser au moment même<br />

où il paraissait devoir prendre une ampleur considérable. En<br />

mai 1861, Pélissier institue une commission à l'effet de préparer<br />

un projet de décret impérial, déterminant les principes et les<br />

formes à suivre en matière de cantonnement indigène. Pour la<br />

première fois, le cantonnement allait reposer sur des disposi<br />

tions légales, au lieu d'apparaître comme une simple mesure<br />

administrative, exécutée par l'autorité militaire en dehors de<br />

toute prescription gouvernementale (1). La commission se<br />

proposait d'assimiler complètement, et dans un avenir peu<br />

éloigné, la propriété foncière en Algérie, européenne et indi<br />

gène, à la propriété foncière dans la métropole. A cet effet, le<br />

projet rapidement établi, prévoyait d'une part la confirmation<br />

par de nouveaux titres de la propriété melk, partout où elle<br />

existait, et, d'autre part, la conversion en droits de propriété<br />

melk, moyennant un prélèvement au profit de l'Etat, des droits<br />

de jouissance collectifs ou individuels exercés sur les terres<br />

arch (ou sabega). Mais était réputée arch toute terre arable dont<br />

la possession n'était pas justifiée par des titres antérieurs à<br />

1830 et, de plus, l'Administration pouvait choisir librement<br />

parmi les terres des tribus celles qui lui convenaient pour former<br />

la part lui revenant (art. 2 et 11). Le danger qui pesait sur la<br />

propriété indigène était grand. Le cantonnement n'était plus<br />

qu'un refoulement déguisé. L'opposition fut vive au Corps Légis<br />

latif et jusque dans le Conseil d'Etat; le projet de décret dut<br />

être retiré. L'ère du cantonnement était close. Celle du sénatus-<br />

consulte allait commencer pour le plus grand dam de la coh><br />

nisation (2).<br />

Et une question se pose naturellement : quelle fut l'impor<br />

tance de l'œuvre réalisée ? On a voulu réduire le cantonnement<br />

à une simple expérience administrative. Suivant Estoublon et<br />

Pouyanne cinq tribus seulement furent cantonnées ; mais ce<br />

(1) Voir David (5) 15-23 : il s'insurge contre le fait que les 8 ou 10 can<br />

tonnements effectués, selon lui, sur les terres arch n'aient laissé aucune trace<br />

dans les actes officiels de l'Algérie ; il montre que cette opération capitale<br />

n'est régie Jusqu'en 1861 que par « des circulaires vagues, évasives, emprein<br />

tes de doute et d'indécision » dont il donne la liste.<br />

(2) Didier (52) 14-17 a exprimé la déception de la colonisation après le<br />

retrait du projet de cantonnement.


— 160 —<br />

dernier dans son énumération (p. 371) oublie, par exemple, de<br />

mentionner les Ouled-Kosseïr dont il fait état par la suite (p.<br />

1064); il ignore également les Douaïrs et les Zmélas. Franck<br />

Chauveau, dans un rapport au Sénat en 1893, donne le total de<br />

16 tribus cantonnées sur une étendue de 283.000 hectares, après<br />

avoir abandonné 61.000 hectares à l'Etat. Ce sont ces nombres<br />

que nous retrouvons dans les ouvrages de Besson, de Laynaud et<br />

d'A. Bernard (1). Nous croyons ces évaluations insuffisantes<br />

parce que tes auteurs n'envisagent le cantonnement qu'après le<br />

vote de la loi de 1851, alors que, nous le savons, tes opérations<br />

et le mot même de cantonnement sont antérieurs de plusieurs<br />

années à cette loi. Majs pour nous ce qui importe davantage, vu<br />

l'objet de notre étude, c'est que le cantonnement s'accompagna<br />

très souvent de la construction non seulement d'habitations par<br />

ticulières, mais aussi de villages d'agriculteurs et, à cet égard,<br />

il est en rapport étroit avec la politique des Bureaux arabes.<br />

II. —<br />

LES BUREAUX ARABES POUR ET CONTRE<br />

LE CANTONNEMENT<br />

Nous avons montré que les Bureaux arabes envi<br />

sageaient surtout le cantonnement sous l'angle de la sécurité à<br />

assurer au pays. C'était un premier point de vue. Il en existait<br />

un second, celui de la colonisation pour laquelle le cantonne<br />

ment avait comme résultat la libération des terres indispensa<br />

bles à son expansion. Nous voyons donc comment la position<br />

des Bureaux arabes vis-à-vis du cantonnement va se trouver<br />

liée également à leur attitude en face de la colonisation. Sécu<br />

rité, colonisation, cantonnement se tiennent étroitement dans<br />

l'esprit des officiers des Bureaux arabes, et les trois termes<br />

évoluent en fonction l'un de l'autre. La thèse couramment ad<br />

mise de l'hostilité déclarée des Bureaux arabes à la colonisation<br />

(1) Franck Chauveau (147) 12, Besson (143) 269, Laynaud (157) 49, A.<br />

Bernard (41) 300-301. Dans son récent Cours de droit algérien, Alger. 1947,<br />

Passeron reprend les mêmes chiffres.


161-<br />

et, par voie de conséquence, au cantonnement, est beaucoup trop<br />

entière. La position des Bureaux arabes a changé au point d'être<br />

en 1860 l'opposé de ce qu'elle était une dizaine d'années plus tôt.<br />

Les Bureaux arabes pour le cantonnement.<br />

Nous ne nierons pas l'hostilité déclarée de Daumas à tout<br />

resserrement des Indigènes et son animosité à l'égard de la<br />

colonisation (1). Mais prétendre, comme le fait Démontés, que,<br />

dès Bugeaud, tous tes officiers des Bureaux arabes considérèrent<br />

les Indigènes comme les spoliés et les Européens comme les<br />

spoliateurs, est certainement excessif. D'abord l'opinion de<br />

Bugeaud lui-même était beaucoup moins catégorique que celle<br />

de son chef des affaires arabes (2). Ensuite celui-ci ne put im<br />

poser son opinion à ses subordonnés parce qu'il fut désavoué<br />

officiellement par Trézel, Ministre de la Guerre,<br />

et parce qu'il<br />

abandonna la direction des affaires arabes avant les grandes<br />

opérations de cantonnement. Enfin, faute d'une législation sur<br />

le cantonnement, le rôle des exécutants, à l'échelle de la subdi<br />

vision ou même du cercle, fut souvent de première importance.<br />

Il importe donc de connaître l'opinion de ceux qui furent appe<br />

lés à résoudre pratiquement les problèmes que posait le contact<br />

des Européens et des Indigènes, et, en particulier, celui de<br />

l'acquisition des terres.<br />

C'est un fait qu'au début, les Bureaux arabes ménageaient<br />

tes intérêts de la colonisation parce qu'ils considéraient celle-ci<br />

(1) Démontés (48) 527-532. Même là d'ailleurs il ne faut pas exagérer et,<br />

dans les instructions qu'il adresse au gouverneur le 27-9-1850 (A. Orléans-<br />

ville, carton 1) Daumas parle de « l'indispensable opération du cantonne<br />

ment .,. Voir aussi ses discours au Sénat (127).<br />

(2) Dans une de ses dernières circulaires (10 avril 1847) alors que sa<br />

sympathie pour les Indigènes était cependant plus grande que jamais, Bu<br />

geaud écrivait : « Général, je crois vous avoir dit plusieurs fois que ma doc<br />

trine politique vis-à-vis des Arabes était, non pas de les refouler, mais de les<br />

mêler à notre civilisation, non pas de les déposséder, mais de les resserrer sur<br />

le territoire qu'ils possèdent et dont ils jouissent depuis longtemps, lorsque<br />

ce territoire est disproportionné à la population de la tribu... » N'est-ce pas<br />

là l'idée même du cantonnement ? C'est à cette circulaire d'ailleurs qu'A. Ber<br />

nard fait remonter l'origine du cantonnement.


— — 162<br />

comme un moyen d'affermir l'occupation (1). Pour Walsin-<br />

Esterhazy, qui écrit en 1840,<br />

si la colonisation n'est pas un<br />

moyen d'action pour la conquête, elle est un moyen de civilisa<br />

tion après la conquête, et il propose te partage des terres entre<br />

les Indigènes et les Colons (2). Lapasset,<br />

exposant son système<br />

de colonisation arabe, en 1848, se défend d'être hostile à la colo<br />

nisation européenne : « Nous la désirons forte et puissante,<br />

écrit-il, et nous dirons mieux, sans elle notre système serait une<br />

impossibilité, une absurdité » et il estime indispensable la colla<br />

boration entre les deux éléments de population (3).<br />

Azéma de Montgravier conseille de multiplier les points de<br />

contact entre Colons et Indigènes afin d'initier ceux-ci à nos<br />

méthodes agricoles; il demande l'institution d'une haute com<br />

mission permanente de colonisation qui opérerait immédiate<br />

ment le cantonnement et tracerait le cadre des deux colonisa<br />

tions, l'européenne et l'indigène; pour l'avenir, il voit la popu<br />

lation française et européenne répartie dans un grand nombre<br />

de communes agricoles « fortement constituées et disposées<br />

dès l'origine sur le sol en groupes compacts de manière à diviser<br />

là population indigène, de même qu'on mêle la poussière à la<br />

poudre pour l'empêcher d'éclater » (4).<br />

Tel est bien l'avis de Richard lorsque, après la soumission<br />

de Bou-Mazà, il écrit : « Les insurrections seront toujours immi<br />

nentes jusqu'au jour où des masses colonisatrices fortement<br />

organisées étendront leurs réseaux dans le pays et,<br />

en isolant<br />

les éléments épars d'opposition, l'auront pour ainsi dire ab<br />

sorbé ». Selon lui,<br />

« l'Afrique n'est pas faite pour exercer cent<br />

mille soldats au noble métier des armes, et si nous tenons à la<br />

garder, ce ne peut être que pour la peupler de colons et en<br />

former dans l'avenir une grande et riche province de là France.<br />

Ceci est une vérité tellement éclatante qu'il est inutile de la<br />

montrer; c'est une de celles qu'on voit les yeux fermés ». Et,<br />

(1) Et les grands chefs militaires comme Bugeaud, La Moricière, Bedeau,<br />

Pélissier, partageaient cette manière de voir. On trouvera leurs opinions rap<br />

portées dans Duval (55) 162-164.<br />

(2) Walsin-Esterhazy (30) 285.<br />

(3) Lapasset (9) conclusions et N 468 Ténès, 1849, 2* q. avril.<br />

(4) Montgravier (1) 2e lettre 7, 21, 29.


— — 163<br />

longtemps après avoir quitté l'Algérie, il rêvera encore de fon<br />

dre les trois millions d'indigènes dans un empire de dix millions<br />

de citoyens venus de tous les coins de la terre, appelés par l'at<br />

trait d'un pays que l'on aurait su rendre séduisant (1).<br />

Fait encore plus remarquable, Hugonnet demande la créa<br />

tion d'un corps spécial de fonctionnaires pour s'occuper du can<br />

tonnement au moment même où cette demande est formulée par<br />

un ardent défenseur de la colonisation comme Duvernois (2)<br />

Ce sont là, dira-t-on, concessions faites au grand public de<br />

la colonie. L'argument ne tient pas,<br />

car si l'on ouvre la corres<br />

pondance personnelle de Lapasset, cependant grand défenseur<br />

des Arabes,<br />

on trouve des phrases d'autant moins équivoques<br />

qu'elles sont adressées à des adversaires aussi déclarés de la<br />

colonisation que l'étaient Urbain et F. Lacroix (3). Après<br />

avoir protesté contre le refoulement brutal qui entraînerait une<br />

guerre à mort, Lapasset expose clairement ses idées : « Il y a<br />

place pour tous sous le soleil d'Afrique. Les indigènes ont trop<br />

de terres, ils se resserreront; ils occuperont les cases noires de<br />

l'échiquier, tandis que les Européens occuperont les blanches;<br />

les deux colonisations s'avanceront de front, vers l'intérieur du<br />

pays. Nul doute, dans un siècle, ou l'élément indigène se sera<br />

transformé, et le but de la France sera atteint; ou, s'il est resté<br />

réfractaire, les transactions aidant, la case blanche aura absorbé<br />

la noire. Dans ce cas, aux yeux des nations, comme devant notre<br />

conscience, nous aurons agi avec équité, et nous pourrons<br />

dire : si l'élément indigène a disparu, c'est qu'il avait à dispa<br />

raître ». Ce qu'il désire, comme il l'écrit par ailleurs,<br />

c'est un<br />

cantonnement équitable. Et à Lacroix qui voudrait arrêter la<br />

colonisation, il envoie son rapport sur le cantonnement en l'ac<br />

compagnant de ces mots : « Vous verrez par des chiffres et des<br />

calculs irrécusables qu'il y a place ici pour tout le monde, et<br />

(1) N 463, 1847, Orléansville 1 q. avril et (17) 175, (22) 21.<br />

(2) Hugonnet (6) 284 et Cl. Duvernois (60) 278, les deux ouvrages de<br />

1858. Encore en 1860, Hugonnet écrit : « Les Arabes occupent évidemment<br />

trop de terres, cette situation ne peut être tolérée » (7) 267.<br />

(3) URBAIN (Thomas, Ismaïl) : Saint-Simonien convaincu, devenu le<br />

défenseur des Arabes, a joué un rôle très important comme conseiller de<br />

— l'Empereur. LACROIX (Frédéric) : journaliste devenu préfet d'Alger, très<br />

arabophile. Voir Emerit (61).


— — 164<br />

qu'en faisant une part équitable à l'élément indigène, il restera<br />

encore la moitié, au moins, du territoire,<br />

péens » (1).<br />

pour les Euro<br />

Les actes d'ailleurs sont en conformité avec la théorie. Les<br />

Bureaux arabes mènent activement les recherches pour recon<br />

naître les biens du Domaine (2). On pourrait même citer des<br />

cas où, pour procurer des terres à la colonisation, ils ont fait<br />

preuve de brutalité à l'égard des Indigènes,<br />

ne reculant pas<br />

devant le refoulement ou, tout au moins, le cantonnement som<br />

maire. Lorsque le territoire d'une tribu leur paraît correspondre<br />

à ses besoins, ils estiment que le cantonnement se trouve réalisé<br />

ipso facto. Par contre, lorsque ce territoire leur semble trop<br />

vaste, ils ne s'embarrassent pas de questions relatives au droit<br />

de propriété et, sans même invoquer la théorie officielle du can<br />

tonnement, mais seulement les commodités, ils proposent d'opé<br />

rer les prélèvements pour la colonisation.<br />

Dans son rapport de 1855 sur le cantonnement, Sériziat,<br />

chef du bureau arabe d'Orléansville, considère qu'il est urgent<br />

de jalonner la rive droite du Chélif de centres européens, estime<br />

que les Sobah et les Ouled-Ziad ont plus de terres qu'il ne leur<br />

en faut et envisage, en conséquence, de prendre aux premiers<br />

800 hectares et aux seconds un vaste quadrilatère qu'il délimite<br />

avec précision; pour les uns comme pour les autres, il ajoute, en<br />

fin de rapport, que la question de la propriété reste à étudier<br />

car tous les Arabes se disent possesseurs de titres réguliers (3).<br />

Prendre d'abord et étudier ensuite les droits de propriété, c'est<br />

à peu près aussi ce que propose Bourgeret, chef du Bureau<br />

arabe de Miliana, au sujet d'une terre sise sur l'Oued Rouïna,<br />

dont la domanialité n'était pas reconnue (4), mais qu'il jugeait<br />

convenable pour un centre de population et que l'on pourrait :<br />

« sans scrupule » enlever aux Attafs « cette tribu étant fort<br />

riche en terres dont la quantité dépasse de beaucoup les be-<br />

(1) Lettres du 29 septembre, 22 et 29 décembre 1858 dans (121).<br />

(2) Voir notamment G : Ténès 2« T. 1856 et 1" T. 1857 ; Cherchel 3> T.<br />

1S56, 1" T. 1857, 2* T. 1858 ; Téniet-El-Had 4* T. 1857.<br />

(3) G.I. « Colonisation 1845-1870 ».<br />

(4) Et ne le sera jamais, les Attafs étant propriétaires de la presque<br />

totalité des terres qu'ils occupaient.


165.<br />

soins ». Dans d'autres rapports, en 1856 et 1857, il déclare<br />

urgent de « cantonner les tribus sur une partie des terres qu'el<br />

les occupent et de fixer ainsi la quantité susceptible d'être mise<br />

à la disposition de l'administration » ; il demande d'assurer aux<br />

Indigènes « les terres strictement nécessaires à leurs be<br />

soins » (1).<br />

Par ailleurs, les Bureaux arabes apportent le concours des<br />

Indigènes aux Colons édifiant les villages. A Montenotte où ce<br />

concours fut particulièrement efficace, la première fête patro<br />

nale de la colonie scella l'union des Colons et des Arabes ; et<br />

les habitants du village gardèrent toujours un vif sentiment de<br />

reconnaissance pour Lapasset, le recevant triomphalement alors<br />

même qu'il avait cessé de commander la colonie agricole (2).<br />

A Aïn-Bénian, Bou-Medfa et Aïn-Sultan, l'arrivée des Colons<br />

étant ajournée, les tribus sont engagées à cultiver les terres<br />

destinées à ces centres, car, abandonné à lui-même, le sol ne<br />

tarderait pas à se couvrir de plantes parasites qui plus tard en<br />

rendraient la culture plus difficile et surtout plus dispendieuse.<br />

Les Indigènes acceptent aux conditions suivantes : ils laboure<br />

ront, fourniront les semences et se chargeront de la moisson ;<br />

à la récolte, les semences et les frais de culture prélevés à leur<br />

profit, le reste sera partagé entre eux et les Colons qui doivent<br />

habiter les villages et qui trouveront ainsi à leur arrivée un<br />

approvisionnement très utile (3). A Zurich, en 1849, les Colons<br />

étant abattus par la maladie,<br />

ce sont les Indigènes qui labou<br />

rent, ensemencent, font la récolte et battent les grains (4).<br />

Richard et Lapasset surtout s'efforcent de « combiner les inté<br />

rêts des deux populations » en procurant des khammès aux<br />

Européens parce que « c'est une idée heureuse de faire entrer<br />

les indigènes dans la colonisation européenne ». A Orléansville<br />

(1) G. Miliana 4» T. 1856 et 1» T. 1857.<br />

(2) N 468, 1849, Ténès 1" q. avril et 1 q. juin ; (121) 114.<br />

(3) N 468, 1849, Miliana 2e q. septembre ;, N 470, 1851, Miliana, novembre.<br />

(4) N 468, 1849, Cherchel 2' q. septembre.


— — 166<br />

Richard détermine même les Arabes à faire des avances d'ar<br />

gent aux premiers Colons (1).<br />

Cette attitude bienveillante à l'égard de la colonisation (et<br />

par suite favorable au cantonnement) ne doit pas étonner. Si,<br />

à l'origine, les Bureaux arabes se montrent disposés à pratiquer<br />

le partage de la terre entre les deux éléments de la population,<br />

c'est qu'ils y voient des avantages pour les Indigènes et, par voie<br />

de conséquence, pour la sécurité du pays. Lé cantonnement<br />

devient un moyen de rapprocher les deux races, et Pellissier de<br />

Beynaud écrit : « La population arabe fournit aux colons euro<br />

péens sa main-d'œuvre peu coûteuse, des conditions plus écono<br />

miques de production; les colons lui donnent l'exemple du bien-<br />

être dû au travail, l'initiant à des pratiques agricoles avancées,<br />

qu'elle est d'autant mieux disposée à imiter qu'un territoire<br />

plus restreint l'invite à une culture plus intense » (2). Lapasset,<br />

au début, voyait un véritable bienfait dans le cantonnement car<br />

« tant que le doute planera sur la question de la propriété, aucun<br />

progrès, aucune amélioration agricole ne pourront être tentés<br />

par eux (les indigènes) ». A son avis, l'état d'incertitude dans<br />

lequel se trouve la propriété indigène a pour conséquence la<br />

ruine et la confusion et il rapporte tes paroles d'un vieil Arabe<br />

disant : « Cette incertitude nous a toujours empêchés de culti<br />

ver le sol, de le planter, de l'aménager comme nous l'aurions<br />

fait si nous eussions dû ne jamais le quitter. Nous en abusions<br />

comme d'un campement que nous devions lever un jour ou<br />

l'autre ». Mieux vaut donc le cantonnement à conditon qu'il<br />

soit appliqué sagement, progressivement et non tout d'une<br />

pièce (3). Ces opinions, Lapasset les professe encore en 1861-<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville 2? q. septembre ; N 468, 1848, Ténès, 2> q.<br />

novembre.<br />

(2) Pellissier (14) III 372.<br />

(3) Correspondance de Lapasset (121) 314, 319, 323, 346. On pourrait ci<br />

ter dans le même sens l'opinion de Gaulet, à Téniet-el-Had (G. 4* T. 1859)<br />

ou celle du chef du bureau de Miliana en 1861 (G. 1" T. 1861). On croit que<br />

du cantonnement « dépend le rapide essor de la colonisation tant indigène<br />

qu'européenne » (Rapport à l'Empereur sur la situation des populations ara<br />

bes en 1856. M. G. 229).


— — 167<br />

1862 et d'autres avec lui, comme par exemple Jubault, chef du<br />

Bureau arabe de Téniet-el-Had (1).<br />

A cette époque, cependant, un revirement s'était opéré chez<br />

la majeure partie des officiers de Bureaux arabes et ils en<br />

étaient arrivés à combattre ce qu'ils défendaient auparavant.<br />

Les Bureaux arabes contre le cantonnement.<br />

L'attitude des Bureaux arabes évolue, en effet,<br />

assez rapi<br />

dement vis-àrvis de la colonisation et du bélier qui lui ouvrait<br />

la voie : le cantonnement. On peut voir évidemment dans ce<br />

changement le réflexe d'une administration qui se sent mena<br />

cée : la colonisation appelait inévitablement le régime civil<br />

qui devait chasser le régime militaire et ses agents, les Bureaux<br />

arabes. C'est ainsi que tous les ennemis des Bureaux arabes<br />

expliquent l'animosité des militaires à l'égard des Colons et<br />

cette thèse contient certainement une part de vérité. Mais nous<br />

croyons qu'il y a autre chose.<br />

Les Colons ne furent pas exempts de tout reproche. Les<br />

officiers des Bureaux arabes les accusèrent de ne pas faire de<br />

colonisation effective et de se borner à louer aux Arabes les<br />

terres qu'ils obtenaient. Ils virent dans les Européens des éter<br />

nels mécontents, des « messieurs » jamais satisfaits des services<br />

rendus par les Indigènes (2). Surtout ils leur reprochèrent<br />

d'user de procédés malhonnêtes et, à cet égard, les rapports des<br />

(1) G. Téniet-el-Had, 1" T. 1862. Que les Bureaux arabes aient été à<br />

l'origine très favorables au cantonnement nous en trouvons une preuve sup<br />

plémentaire dans les ouvrages mêmes des défenseurs de la colonisation. A.<br />

Duvernois (59) 67, violemment hostile aux Bureaux Arabes, reproche au<br />

régime militaire d'être seul à l'origine du cantonnement, de l'avoir « illéga<br />

lement inventé » (c'est nous qui soulignons). Avec plus de mesure Baudicour<br />

écrit (168) 514-515 : « ce que propose aujourd'hui l'administration militaire<br />

n'est pas,<br />

comme elle voudrait le faire supposer, une transaction sincère au<br />

profit de la civilisation et des Arabes eux-mêmes ; c'est une transaction au<br />

profit du Coran et des bureaux arabes. A la vue du débordement de la coloni<br />

sation, elle veut essayer, pour les mieux défendre, de circonscrire ou de can<br />

tonner les tribus d'Arabes dans des espaces plus restreints » et Baudicour ap<br />

prouve les partisans du décantonnement » qui veulent mêler les colons aux<br />

Arabes en donnant simplement à ces derniers la possibilité d'aliéner leurs<br />

terres.<br />

(2) N 468, 1849, Cherchel 1" q. juillet et 2" q, novembre.


— — 168<br />

Bureaux arabes fourmillent d'accusations. Ici, il s'agit de prêts<br />

usuraires consentis à 60 ou 80 pour cent; là, de la vente de mar<br />

chandises de mauvaise qualité ou des prix exagérés demandés<br />

pour la moindre réparation ; plus loin, de l'entente entre les<br />

négociants d'Orléansville pour n'acheter le blé aux Indigènes<br />

qu'à un prix très bas; ailleurs de l'utilisation de fausses mesu<br />

res ou d'achats opérés par la contrainte après avoir arrêté sur<br />

la route les Indigènes se rendant au marché... etc.. (1). A tel<br />

point que Lapasset en arrive à considérer comme un « fait irré<br />

cusable que plus une tribu est rapprochée de nos centres de<br />

population, plus elle est turbulente, insolente, insoumise, voleuse<br />

et misérable; tandis que plus elle en est éloignée, plus elle est<br />

soumise, moralisée et possède le bien-être » (2).<br />

Dans un tel état d'esprit, on comprend que le Colon soit<br />

apparu aux Bureaux arabes comme un élément perturbateur<br />

de l'ordre établi. Ils dénoncèrent alors le cantonnement comme<br />

engendrant l'inquiétude dans les tribus et ils ne virent plus,<br />

dans cette mesure, qu'une spoliation dangereuse pour la sécurité<br />

du pays. Ils en arrivèrent à penser, comme autrefois Bugeaud,<br />

que les tribus la subiraient jusqu'à ce que l'occasion d'une<br />

révolte se présentât.<br />

L'évolution de Lapasset à cet égard est caractéristique. La<br />

question du cantonnement lui paraît « intimement liée à la paix<br />

du pays » (3) et nous avons vu qu'il considérait cette opération<br />

comme un véritable bienfait mais à condition qu'elle fût réali<br />

sée sur des bases équitables. Or, il constate que, dans la région<br />

de Philippeville par exemple, des tribus dont la population<br />

totalise 3.000 habitants ont subi jusqu'à quatre déplacements ;<br />

dans certains cas, on a laissé aux Indigènes un hectare par tête<br />

alors qu'en France, où la terre est plus fertile, on estime qu'il<br />

faut un hectare et demi (4). Il ne voit plus dans le cantonne-<br />

(1) Notamment N 448, 1853, Ténès, Inspection. N 465, 1848, Orléansville<br />

2" q. novembre ; Ténès 2* q. octobre. N 473, 1854, Ténès, août — G : rapports<br />

trimestriels, Orléansville 1856, 1860, 1862 à 1866 ; Ténès 1857, 1858, 1860, 1862,<br />

1864.<br />

(2) Lettre du 11-11-1862 à Lacroix (121) 367.<br />

(3) Lettre à Urbain du 1-12-1858 (121) 162.<br />

(4) Lettre à Lacroix du 30-12-1862 (121) 413.


— — 169<br />

ment que « vol et spoliation » ou « une loi agraire déguisée » (1) ; (<br />

et il en souligne les inconvénients pour les Indigènes : « En.con-<br />

tinuant à les parquer et à les resserrer à la mode française, onl<br />

les condamne à produire moins de céréales et avoir moins dej<br />

têtes de bestiaux. Partant, point de silos d'approvisionnement,'<br />

point de remède et point de dédommagement aux mauvaises<br />

années; par suite, la misère la plus profonde... » et, avec cela,<br />

une déplorable affaire financière,<br />

car chaque hectare cultivé<br />

par l'Indigène paie un impôt tandis qu'il en est affranchi lorsque<br />

la terre appartient à un Européen, bien que celui-ci la loue à<br />

un Indigène (2). A Napoléon III qui lui accorde un entretien, le<br />

30 juillet 1862, Lapasset donne son opinion sur le cantonnement :<br />

« J'ai cru d'abord, dit-il, au bien qu'apporterait cette mesure;<br />

j'y<br />

voyais une fin aux menaces perpétuelles de dépossession qui<br />

jetaient l'inquiétude dans les tribus et s'opposaient à toute<br />

espèce d'amélioration, de progrès; je croyais, alors, que tout en<br />

constituant la propriété, on pourrait se réserver des excédents<br />

de terre, pour l'émigration européenne. Mais diverses opérations<br />

de cantonnement dont j'ai été chargé, m'ont démontré que cette<br />

constitution de la propriété que je poursuivais existait parfaite<br />

ment chez les indigènes et malheureusement l'expérience m'a<br />

appris aussi qu'il ne fallait pas compter sur les immigrations<br />

européenne et française. » (3). N'est-ce pas d'ailleurs l'évo<br />

lution même des idées du maréchal Randon, défenseur ardent<br />

des Bureaux arabes, qui, comme gouverneur général, préconise<br />

le cantonnement et le condamne quelques années plus tard<br />

comme ministre de la guerre ? (4).<br />

On comprend par conséquent l'attitude du lieutenant-colo<br />

nel Gandil et du lieutenant-colonel Wolff que l'on peut consi<br />

dérer comme les représentants des Bureaux arabes au sein de<br />

(1) Lettres à Lacroix du 1-7-1862 et du 7 octobre 1862 (121) 352 et 360.<br />

(2) Lettre à Fleury du 18-11-1862 (121) 369.<br />

(3) (121) 391-392.<br />

(4) A. Duvernois (59) 68.


— — 170<br />

la commission de cantonnement de 1861 (1). Sans oser condam<br />

ner toutes les mesures de cantonnement, ils essayent d'en ré<br />

duire considérablement la portée.<br />

Wolff voudrait faire admettre le point de vue suivant :<br />

toutes les parcelles exploitées par les membres d'une tribu<br />

seraient obligatoirement attribuées en toute propriété à l'exploi<br />

tant; toutes les terres de parcours nécessaires à la tribu lui<br />

seraient attribuées collectivement, également en toute propriété,<br />

et la part de l'Etat ne pourrait jamais se composer que de l'ex<br />

cédent du territoire de la tribu soit en terres de cultures, soit<br />

en terres de parcours. A son avis il ne faut pas tant se « préoc<br />

cuper du mode de prélèvement à exercer au profit de l'Etat<br />

sur les terres Arch, que de reconnaître sur ces terres les droits<br />

légitimes des particuliers et des tribus ».<br />

Gandil, beaucoup plus catégorique que Wolff, arguant de<br />

la loi de 1851, conteste le droit de l'Etat à se ménager aucune<br />

réserve sur les terres Arch. Selon lui, les opérations de canton<br />

nement ont seulement pour but de reconnaître et de consolider<br />

(le mot est souligné dans te texte) les droits de propriété et de<br />

jouissance des Indigènes; dans tout autre cas le cantonnement<br />

serait une atteinte au droit de propriété. Il affirme aussi que<br />

le droit commun ne permet point à l'Etat d'exiger du détenteur<br />

du sol la preuve de son droit de possession ; l'Etat ne peut<br />

forcer le détenteur à faire cette preuve qu'en produisant d'abord,<br />

devant les tribunaux, des preuves qui feront présumer que la<br />

propriété est à lui.<br />

Wolff et Gandil se heurtent à l'opposition des défenseurs<br />

de la colonisation qui veulent que le cantonnement ait pour<br />

résultat de mettre entre les mains de l'Etat des ressources terri<br />

toriales assez considérables pour attirer vers l'Algérie un mou<br />

vement large et continu d'émigration européenne. On sait com<br />

ment la question fut résolue à l'avantage de la colonisation<br />

(1) Cette commission comprenait : de Maisonneuve, Inspecteur général<br />

général des Finances ; Lt Col. Wolff, chef du Bureau politique ; Testu, chef<br />

de division à la Direction générale des services civils ; Lt Col. Gandil, Direc<br />

teur divisionnaire des affaires arabes. Wolff et Gandil avaient été tous deux<br />

chefs de bureaux arabes ; Gandil notamment avait dirigé les bureaux de Té<br />

nès et d'Orléansville.


— — 171<br />

(voir p. 159), mais certains votes de la commission ne furent<br />

enlevés qu'à 3 voix contre 2 et Gandil refusa de voter l'ensemble<br />

du projet, craignant, dit-il, qu'il ne devînt « un instrument d'in<br />

justice » (1).<br />

Nous avons vu que le travail de la commission resta à l'état<br />

de projet et que les Bureaux arabes firent tous leurs efforts pour<br />

mettre fin aux opérations de cantonnement. Ils triomphèrent<br />

avec le sénatus-consulte de 1863 et la politique du Royaume<br />

arabe dont ils furent les instigateurs. La publication du sénatus-<br />

consulte n'impliquait pas cependant une victoire totale. En ap<br />

parence, c'était un cantonnement attribuant la totalité des terres<br />

aux Indigènes, mais il ne faut pas oublier que le sénatus-con<br />

sulte ordonnait non seulement la délimitation des tribus et la<br />

répartition des terres entre les douars, mais aussi la constitution<br />

de la propriété individuelle lorsque celle-ci n'existait pas, cons<br />

titution qui aurait permis aux Colons d'acheter des terres et<br />

de pénétrer jusqu'au cœur des tribus. C'est en ne réalisant pas<br />

cette dernière opération que les Bureaux arabes mirent un frein<br />

à la colonisation et sauvegardèrent le patrimoine indigène. Ils<br />

se bornèrent à délimiter les tribus et les douars, en classant les<br />

terres en différentes catégories : melk, terrains collectifs de<br />

culture, terrains communaux, biens domaniaux, domaine pu<br />

blic. Nous ne les suivrons pas dans ces travaux, d'abord parce<br />

qu'ils ne commencèrent dans notre région que tout à la fin de<br />

la période étudiée; ensuite, et surtout, parce qu'ils n'eurent pas<br />

d'influence marquée sur l'évolution des genres de vie indigènes.<br />

Il s'agit essentiellement d'une opération cadastrale qui ne s'ac<br />

compagne pas, comme le cantonnement, d'une modification de<br />

l'habitat et de l'habitation.<br />

(1) N 523, Projet de décret sur le cantonnement des indigènes, 1861.


— B<br />

LE CANTONNEMENT DES OULED-KOSSEÏR<br />

Dans l'Ouest du Tell algérois,<br />

on envisageait le cantonne<br />

ment de diverses tribus : Ouled-Younès, Béni-bou-Khannous,<br />

Sobah, Chenoua, Heumis, Medjadja... Pour ces deux dernières,<br />

on en parlait comme d'une chose toute proche en 1857 (1); les<br />

travaux commencèrent même chez les Heumis, mais ils furent<br />

abandonnés pour ne reprendre qu'en 1861-1862,<br />

tion de Capifali (2), et le revirement politique de 1863 y mit fin.<br />

sous la direc<br />

Trois tribus subirent seules le cantonnement et toutes les trois<br />

dans la plaine du Chélif : à l'Ouest les Ouled-Kosseïr, à l'Est les<br />

Abid et les Feraïlia; et chaque fois le cantonnement eut de gran<br />

des conséquences sur le genre de vie des Indigènes.<br />

I. —<br />

ORIGINE<br />

ET HISTOIRE DES OULED-KOSSEIR (3).<br />

Selon la tradition, la tribu des Ouled-Kosseïr, d'origine<br />

assez récente,<br />

remonterait au quinzième siècle. A cette époque,<br />

(1) Le sort des Medjadja était lié à celui des Heumis parce que les ma<br />

rabouts des Medjadja possédaient de nombreuses terres dans la tribu des<br />

Heumis.<br />

(2) G. Orléansville 3" T. 1857, 4* T. 1861 et 2« T. 1862.<br />

(3) Pour l'étude du cantonnement des Ouled-Kosseïr nous avons utilisé :<br />

a) Les Archives du Secrétariat du Sénatus-Consulte (voir bibliographie<br />

p. 404).<br />

b) Dans la série I du Gouvernement général de l'Algérie plusieurs let<br />

tres et rapports du dossier « Colonisation 1845-1870 » et la carte du<br />

cantonnement trouvé dans le dossier « Colonisation 1845-1877 (voir<br />

bibliographie p. 402).<br />

Dans la même série I divers rapports du bureau arabe d'Orléansville :<br />

3* et 4" T. 1856 ; 2" T. 1857 ; 1", 2e et 4e T. 1861 ; mars, avril et août<br />

1862, 2» T. 1862.<br />

Dans les séries L du Gouvernement général de l'Algérie des rensei<br />

gnements épars dans plusieurs dossiers : L 45 (une note du 22 juillet


— — 174<br />

un homme d'ascendance noble, issu des Méhal et nommé Am-<br />

mou-el-Kosseïr (1), vint s'établir dans la vallée du Chélif accom<br />

pagné d'un saint personnage qui le conseillait, Si Ahmed ben<br />

Abdallah. Prétendant descendre des Ommeïades et se croyant<br />

appelé à de hautes destinées, il travaille à se rendre maître du<br />

pays dans lequel il s'était fixé. Il avait épousé une femme chez<br />

les Béni-Rached et en avait eu trois fils, Bou Abdallah, T'nouri<br />

et Ali, qui devaient le seconder puissamment. Il sut se ménager<br />

de bonnes alliances et se créa une force armée avec le concours<br />

d'esclaves montés et celui des proscrits des tribus voisines aux<br />

quels il promettait des terres après la victoire (2).<br />

A cette époque le territoire actuel des Ouled-Kosseïr était<br />

occupé par les Chouchaoua, les Béni-Ouazzan, les Oulèd-Farès<br />

et les Heumis. Ammou attaqua successivement les Chouchaoua,<br />

les Béni-Ouazzan et les Ouled-Farès qu'il refoula sur les terri<br />

toires qu'ils occupèrent depuis. Loin d'affaiblir ses forces, la<br />

guerre ne faisait que les accroître,<br />

car la victoire encourageait<br />

tous tes déclassés à venir se joindre au vainqueur et ainsi<br />

se constitua, formée des éléments les plus variés, la puissante<br />

1862 de la Direction Générale des services publics et plusieurs lettres<br />

de la même année du gouverneur général ou de ses services) ; L 57<br />

(Terres cédées à la Société Algérienne) ; 1 L 219 (rapport du 18-1-<br />

1866 de la commission chargée du projet de création d'un centre à<br />

l'Oued Sly) ; 25 L 37 (Procès-verbaux du Conseil du gouvernement.<br />

8-11-1877).<br />

c) Plusieurs documents des Archives départementales d'Alger Colonies<br />

agricoles et Orléansville (voir bibliographie p. 406).<br />

d) Quelques documents provenant des Archives nationales N 465, 1848,<br />

1 q. février, 1" et 2" q. novembre ; N. 468, 1849, 1" q. décembre ; N.<br />

447, rapport du colonel commandant la subdivision d'Orléansville en<br />

date du 25 septembre 1852 ; N 472, rapport d'avril 1853 ; N 476, 1857,<br />

rapport de juillet ; N. 539, statistiques 1848.<br />

e) Les Tableaux de la situation des établissements français en Algérie :<br />

années 1844-1845, 1852-1854, 1856-1858, 1865-1866.<br />

f) Les B.O. 1859 p. 263 et surtout 1868 p. 670-673.<br />

g) Quelques renseignements dans Carette (173), Lapasset (121), A. Du<br />

vernois (59), Godin (151).<br />

(1) A cause de sa petite taille qui lui avait fait donner le surnom de<br />

Kosseïr (petit).<br />

(2) Nous suivons ici le rapport d'ensemble sur la délimitation de la tribu<br />

des Ouled-Kosseïr du 1" octobre 1867 (Archives du secrétariat du sénatus-<br />

consulte).


— — 175<br />

tribu des Ouled-Kosseïr, dans laquelle on devait compter 17<br />

fractions descendant des fils d'Ammou et à peu près autant<br />

provenant du bas-Chélif, des montagnes du Nord et du Sud et<br />

même du Sersou et du Sahara. La grande tribu des Heumis fut<br />

à son tour chassée de son territoire et l'une de ses fractions, celle<br />

des Béni-Zidja, s'incorpora volontairement aux vainqueurs.<br />

Leur puissance dut griser les Ouled-Kosseïr et, à la fin du<br />

XVIII""<br />

siècle, ils attaquèrent le khalifa du bey<br />

Ibrahim d'Oran<br />

alors que, suivant la coutume, il portait au Pacha d'Alger les<br />

impôts de la province de l'Ouest. Le khalifa se défendit éner-<br />

giquement et put continuer son voyage sur Alger, mais il avait<br />

perdu une partie des personnes de sa suite et, à son retour, il<br />

fut obligé de prendre le chemin des Sendjès et des Béni-Ouragh.<br />

Indigné, le bey Ibrahim appela aux armes les populations de<br />

l'Ouest pendant que le Pacha donnait l'ordre au bey du Tittery<br />

de se porter sur les Ouled-Kosseïr. Attaqués à l'Est et à l'Ouest<br />

ceux-ci, durement châtiés, prirent la fuite et se réfugièrent dans<br />

les tribus voisines. Leur territoire, rendu désert, fut déclaré pro<br />

priété du Beylik en l'an 1187 de l'hégire (1774).<br />

Les Turcs le laissèrent sans occupants pendant deux ans,<br />

mais il devint alors le lieu de rendez-vous des bandes de pil<br />

lards qui menaçaient les voyageurs.<br />

Pour mettre fin à cet état de choses le bey Ibrahim, en<br />

faisant appel aux Béni-Zoug-Zoug,<br />

aux Feraïlia et aux Ouled-<br />

Farès, constitua des zemoul (pluriel de zmala ou smala)<br />

qui vin<br />

rent s'établir sur l'ancien territoire des Ouled-Kosseïr. Mais<br />

ceux-ci, désireux de réoccuper leurs terres et bénéficiant du<br />

concours des pillards de la contrée, harcelaient sans cesse les<br />

nouveaux occupants. Les Turcs qui, avant tout, voulaient assu<br />

rer la sécurité sur l'artère essentielle que constituait la voie<br />

Alger-Oran, décidèrent alors, conformément à leur politique<br />

habituelle, de soutenir ceux qui paraissaient les plus forts. Ils<br />

réinstallèrent donc les Ouled-Kosseïr en les astreignant toute<br />

fois au paiement d'un impôt spécial représentant le prix de<br />

location de leurs anciennes terres devenues propriété du Beylik.<br />

La tribu se reconstitua rapidement et les Français la trouvèrent<br />

installée, comme jadis, sur les deux rives du Chélif, lorsqu'en<br />

1842, pour la première fois, ils traversèrent la plaine dans toute<br />

sa longueur.


II. —<br />

— — 176<br />

LE REFOULEMENT<br />

Ici comme ailleurs, la France hérita des droits du Beylik<br />

turc et se refusa à examiner les titres produits par les habitants,<br />

ces titres étant antérieurs à la confiscation prononcée par les<br />

Turcs. Mais quels étaient réellement ces droits ? Suivant Séri-<br />

ziat, chef du Bureau arabe de la subdivision d'Orléansville, la<br />

prise de possession par te Beylik des terres des Ouled-Kosseïr<br />

n'avait enlevé à ceux-ci aucun de leurs droits, sauf celui d'alié<br />

ner leurs champs à des étrangers, mais ils continuaient à héri<br />

ter, à louer et à jouir de leurs propriétés comme bon leur sem<br />

blait sous tous les autres rapports. Ils avaient en quelque sorte<br />

le domaine utile, le domaine éminent appartenant à l'Etat et,<br />

vu le droit spécial qu'ils payaient, on peut comparer leur situa<br />

tion à celle des détenteurs des terres de kharadj. Le terme ce<br />

pendant ne saurait être employé ici puisqu'il ne doit s'appliquer<br />

qu'à une terre enlevée à des non musulmans (1).<br />

Les faits.<br />

La théorie du cantonnement pouvait donc s'appliquer aux<br />

Ouled-Kosseïr, mais elle n'avait pas encore vu le jour lorsque,<br />

en 1843, les colonnes de Bugeaud occupèrent El Esnam et jetè<br />

rent les bases du futur centre d'Orléansville, d'abord simple<br />

(1) B.O. 1868 p. 670-671 ; G. série I, dossier « Colonisation 1845-1870 » :<br />

lettre du 8 août 1852 du général Ct la subdivision d'Orléansville au général<br />

Ct la division d'Alger ; G. série I, même dossier, rapport du 13-11-1855 sur<br />

le cantonnement des indigènes dans le cercle d'Orléansville ; Godin (151) 216-<br />

221 et 235-250.<br />

La similitude entre le kharadj et ce tribut payé comme « prix de la<br />

paix » est établi par le fait que dans l'administration du Bit El Mal divisée<br />

en quatre sections, c'était la même section ou chambre du kharadj qui per<br />

cevait le kharadj et les tributs analogues à celui dû par les Ouled-Kosseïr :<br />

Godin (151) 249. On trouve même ce tribut désigné par le mot hokor qui est<br />

synonyme de kharadj et le commissaire civil d'Orléansville précise en par<br />

lant des Ouled-Kosseïr que « c'est la seule tribu de la province d'Alger qui<br />

payât le hokor si fréquent et si important dans la province de Constantine »<br />

(A. Orléansville, carton 1, lettre au préfet de 23-3-1857). L'assimilation paraît<br />

abusive puisque Abd-el-Kader ayant supprimé le kharadj ou hokor payé par<br />

certaines terres maintint cependant le tribut payé par les Ouled-Kosseïr.


— 177 —<br />

camp autour duquel se groupèrent les premiers colons. Dès la<br />

fin de l'année, on comptait une population de 500 Européens et,<br />

en août 1845, une ordonnance décidait de créer une ville de<br />

2.000 âmes avec un territoire communal de 2.000 hectares. Le<br />

refoulement des Ouled-Kosseïr commençait. Sans recevoir au<br />

cune indemnité, car on les considéra comme de simples loca<br />

taires, ils perdirent près de 2.300 hectares auxquels vinrent<br />

s'ajouter en 1848 les terres nécessaires à la fondation des Colo<br />

nies agricoles de La Ferme et de Pontéba, soit environ 800 hec<br />

tares pour la première et 1.200 pour la seconde. De leur terri<br />

toire initial de 38.000 à 40.000 hectares, les Ouled-Kosseïr avaient<br />

donc abandonné 4.300 hectares (1).<br />

Le resserrement continua les années suivantes : le service<br />

du reboisement s'empara d'un millier d'hectares et il en fallut<br />

environ 2.000 autres pour le village du makhzen, les deux em<br />

placements de la smala des spahis et le pénitencier indigène de<br />

Lalla Aouda.<br />

La smala des mekhazenis et celle des spahis se rattachent<br />

à des conceptions générales de colonisation indigène que nous<br />

étudierons au chapitre suivant. Soulignons simplement ici l'im<br />

portance de ces deux créations.<br />

Le village du makhzen s'étendait au sud d'Orléansville,<br />

au voisinage du pénitencier de Lalla Aouda, dans une<br />

zone de collines boisées dominant la plaine d'une centaine de<br />

mètres; là se trouvaient surtout des jardins concédés aux cava<br />

liers du bureau arabe; la superficie totale qui, à l'origine, était<br />

de 170 hectares, se réduisit à moins d'une centaine par la suite.<br />

Il fallut opérer un prélèvement beaucoup plus important<br />

pour la smala des spahis non seulement à cause de son impor<br />

tance plus considérable, mais aussi par suite de son déplace<br />

ment. Nous verrons plus loin qu'une première smala fut établie<br />

(1) Il est difficile de connaître la superficie du territoire initial des Ou<br />

led-Kosseïr qui, suivant les documents, va de 36.000 hectares (dans un rap<br />

port de 1855) à plus de 40.000 (40.095 suivant M. Boyer-Banse). La Commis<br />

sion du Sénatus-consulte l'estima à 38.440 hectares. En ajoutant tous les<br />

prélèvements à ce qui resta aux Indigènes après le cantonnement nous avons<br />

trouvé environ 39.300 hectares, mais il n'est pas aisé de déterminer l'étendue<br />

exacte de chaque prélèvement à cause des renseignements contradictoires<br />

fournis par les documents.


— 178 —<br />

en 1844-1845 à l'ouest d'Orléansville sur un terrain d'une conte<br />

nance de 549 hectares affectant la forme d'un rectangle, longé<br />

au nord par la route d'Orléansville à Mostaganem et s'étendant<br />

de l'Oued Lalla Aouda à l'Oued Si el Aroussi. En 1853, ce terri<br />

toire fut abandonné, partie à des militaires indigènes qui y<br />

et la smala fut<br />

avaient bâti, partie à la colonisation française,<br />

transportée plus à l'ouest, sur l'Oued : Sly on accorda alors plus<br />

de 1.200 hectares à un escadron du premier régiment de spahis<br />

qui dressa un village de tentes autour d'un bordj (1).<br />

Quant au pénitencier de Lalla Aouda qui disposait de 200<br />

hectares, il mérite une mention spéciale. A l'origine les détenus<br />

indigènes étaient envoyés à la Casbah d'Alger, mais, faute de<br />

place, l'ordre fut donné à chaque subdivision de garder ses<br />

prisonniers. A Orléansville on eut l'idée (Lapasset en revendi<br />

que l'honneur) d'utiliser les prisonniers aux cultures d'un jardin<br />

d'essai que le Bureau arabe installa à quatre kilomètres au sud<br />

de la ville près de la fontaine de Lalla Aouda.<br />

L'exploitation prit de l'ampleur; des bâtiments s'élevèrent;<br />

on construisit des puits, une forge, un four et surtout un moulin<br />

qui fournit non seulement le pain des prisonniers, mais aussi,<br />

durant quelque temps au moins, celui des mekhazenis (établis<br />

à proximité) et des tribus voisines, heureuses pour un peu de<br />

blé ou d'orge, de pouvoir soustraire leurs femmes aux fatigues<br />

du moulin à bras. Sous la direction du bureau arabe, les prison<br />

niers, occupés dix heures par jour, construisirent un barrage<br />

sur l'Oued Ouaoua, se livrèrent au j ardinage, cultivèrent le tabac,<br />

essayèrent le coton, firent de nombreuses plantations d'arbres,<br />

travaillant avec goût lorsqu'il s'agissait d'espèces dont ils con<br />

naissaient l'utilité, comme le figuier, l'amandier, le caroubier;<br />

certains Indigènes d'autre part devinrent d'excellents forgerons.<br />

Devant de tels résultats, le colonel Borel de Brétizel, com<br />

mandant la subdivision d'Orléansville, ne tarit pas d'éloges sur<br />

son pénitencier auquel il trouve jusqu'à onze avantages, le der<br />

nier n'étant pas le moins inattendu : « C'est, dit-il, un achemi<br />

nement à la fusion des races : Européens et Arabes seront ras-<br />

(1) N 1138 : Bosquet Ct la subdivision d'Orléansville au Gl Levasseur Ct<br />

la division d'Alger le 26-5-1848 et Gouv. gl. au Dr des affaires civiles le 1-6-<br />

1S48. D. A. Orléansville, carton 1 : Gl Camou au Gouv. Randon le 28-10-1852.


~ 179 —<br />

semblés dans le même pénitencier. » Surtout il y voit Uii mer<br />

veilleux instrument de colonisation, car rendu itinérant, il pour^<br />

rait entreprendre d'importants travaux, comme la construction<br />

d'un barrage,<br />

ou préparer les terrains destinés à recevoir des<br />

villages ou de grandes fermes : le pénitencier deviendrait alors<br />

« un pionnier de1<br />

notre conquête et de notre civilisation » (1).<br />

Les résultats.<br />

Colonisation européenne et colonisation indigène conju<br />

guèrent donc leurs efforts pour réduire d'une manière sensible<br />

(de plus d'un sixième) le territoire occupé par les Ouled-Kosseïr.<br />

Ceux-ci se trouvaient chassés de la région d'Orléansville, ici<br />

comme ailleurs la création d'une agglomération européenne<br />

exerçant sur les Indigènes une action centrifuge avant de se<br />

manifester par un effet centripète.<br />

La conséquence immédiate de cette situation avait été de<br />

jeter une grande perturbation dans les questions de propriété,<br />

tant dans l'intérieur de la tribu que dans les rapports des Ouled-<br />

Kosseïr avec leurs voisins.<br />

A l'intérieur même de la tribu, le refoulement des proprié<br />

taires dépossédés avait déterminé un remaniement complet<br />

des propriétés restantes. Tous les ans les deux caïds (2) opé<br />

raient un nouveau partage des terres entre les cultivateurs et<br />

il en résultait des tiraillements énormes.<br />

Certains Ouled-Kosseïr manquant de terres empiétèrent sur<br />

le domaine de leurs voisins. Des contestations surgirent et, après<br />

les avoir réglées,<br />

pour en éviter le renouvellement l'année sui<br />

vante, le bureau arabe établit en principe que les divers douars<br />

auraient, jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement, la libre<br />

jouissance des terres qu'ils avaient labourées en 1848 :<br />

chacun disposerait de son kseb, suivant l'expression du<br />

(1) N 447, Rapport du colonel commandant la subdivision d'Orléansville<br />

septembre 1852 et (121) 291. On peut rapprocher la méthode de Borel de Bré-<br />

tizel de celle qu'avait préconisée le colonel Marengo : Démontés (48) 385-442.<br />

(2) La tribu avait été divisée en Ouled-Kosseïr Chëraga et Ouled-Kos<br />

seïr Gharaba.


— 180


— 181 —<br />

la route qui relie ces deux villes coupe l'Oued Sly. Toutefois<br />

il faisait remarquer que les terrains pris étaient les plus fertiles<br />

et que, parmi ceux qui restaient aux mains des Ouled-Kosseïr, se<br />

trouvaient les mamelons de ceinture du Chélif et de l'Oued Sly<br />

qui n'étaient pas cultivables, servant seulement au pacage ou<br />

à l'exploitation des figuiers de Barbarie; il estimait que les<br />

terres cultivables ne couvraient pas plus de 18.800 hectares. Or,<br />

la population comptait 11.508 habitants, labourant en 1854 avec<br />

1.029 charrues. Comme en plaine une charrue labourait 15 hec<br />

tares en moyenne, 15.435 hectares avaient été ensemencés en<br />

1854. L'excédent des terres disponibles était tout juste suffisant<br />

pour laisser reposer, de temps en temps, les champs qui s'appau<br />

vriraient rapidement sans cela. Sériziat, auteur du rapport,<br />

attirait de plus l'attention sur le fait que grâce à la paix, à<br />

l'augmentation de la population (attribuée par lui pour une<br />

bonne part à la vaccination), à l'accroissement de la fortune,<br />

les surfaces cultivées augmentaient chaque année, doublant<br />

presque de 1848 à 1854. Comment songer dans ces conditions<br />

à prendre de nouvelles terres aux Ouled-Kosseïr ? Il demandait<br />

que l'on considérât le cantonnement comme achevé et que l'on<br />

délivrât aux Ouled-Kosseïr un titre collectif pour le reste des<br />

terres, en attendant la délimitation des concessions particulières.<br />

III. —<br />

Les opérations.<br />

LE CANTONNEMENT PROPREMENT DIT<br />

Ce travail de constitution de la propriété que réclamait<br />

Sériziat était, en fait, déjà entrepris chez les Ouled-Kosseïr et,<br />

dès 1852, le bureau arabe avait commencé à répartir entre les<br />

membres de la tribu, le territoire anciennement confisqué, avec<br />

l'intention d'accompagner chaque lot d'un titre individuel ; en<br />

1853 la besogne était fort avancée. Pour justifier ces travaux<br />

préparatoires, le bureau arabe pouvait se prévaloir de la cir<br />

culaire du général Charon du 15 juin 1849 portant que tout Indi<br />

gène qui aurait bâti une maison sur un terrain domanial rece<br />

vrait une concession de terre proportionnée aux dépenses qu'il<br />

aurait faites. Mais le véritable cantonnement ne commença qu'a-


— — 182<br />

près la circulaire de Randon, du 2 juin 1855,<br />

ordonnant la ces<br />

sation des mesures de refoulement et leur substituant le partage<br />

tel que nous l'avons exposé antérieurement.<br />

La commission de 1856 chargée d'élaborer le travail du<br />

cantonnement comprenait quatre membres dont le commandant<br />

supérieur d'Orléansville et Sériziai. Adoptant les idées de ce<br />

dernier, elle voulut maintenir aux mains des Ouled-Kosseïr la<br />

totalité de leur territoire et elle proposa d'orienter la colonisa<br />

tion vers les territoires des Medjadja, Sendjès, Ouled-Farès et<br />

Sbéah du Sud qui étaient moins peuplées. Elle réclama la déli<br />

vrance d'un titre collectif pour les Ouled-Kosseïr, faisant valoir<br />

que, sur le pied de trois hectares par tête sans distinction de<br />

sexe ni d'âge, il manquait à cette tribu 1.429 hectares (1). Mais<br />

la commission ne fut pas suivie et le cantonnement eut lieu,<br />

provoqué surtout par les besoins de la colonisation qui récla<br />

mait au moins 6.000 hectares dans la région.<br />

Il fallut déterminer tout d'abord le nombre des; intéressés,<br />

La population des Ouled-Kosseïr, nous l'avons vu, s'était grossie<br />

à toutes les époques de nombreux étrangers parmi lesquels se<br />

trouvaient un assez grand nombre de cultivateurs. Il fut admis,<br />

en principe, que les étrangers fixés, dans la tribu, depuis 20 ans<br />

au moins, y avaient acquis droit de cité, mais tous ceux qui ne<br />

remplissaient pas cette condition seraient privés de tout droit<br />

au bénéfice du cantonnement. D'autre part on accorda la qua<br />

lité de melk à toutes les acquisitions faites avant 1774.<br />

Après le prélèvement effectué par l'Etat, le partage entre<br />

les divers chefs de famille se fit au prorata des étendues qu'ils<br />

avaient cultivées jusqu'alors en tenant compte aussi des moyens<br />

de culture dont chacun pouvait disposer (2) ; des terrains com<br />

munaux furent assignés aux hameaux dont la commission avait<br />

déterminé l'emplacement. Pour chacun de ces hameaux fut<br />

établi un état nominatif des concessionnaires indiquant, en<br />

regard de chaque nom, les numéros et la contenance des lots<br />

ruraux et urbains dont la concession était proposée. Les opéra<br />

tions semblent avoir été menées assez rapidement : dès l'été<br />

(1) S. C. : séances de la commission du cantonnement du 21 avril et 12<br />

mai 1856.<br />

(2) Urbain s'est insurgé contre cette manière de procéder et a crié à<br />

l'arbitraire : Voisin (112) 122-125.


— — 183<br />

1857 elles étaient terminées (1), mais elles ne furent approuvées,<br />

par décision ministérielle, que le 15 octobre 1859; c'est seulement<br />

le 15 septembre 1860 qu'un arrêté du général commandant la<br />

division d'Alger accorda aux Ouled-Kosseïr désignés dans les<br />

états de la commission, la concession définitive des lots qui leur<br />

avaient été dévolus, et la délivrance des titres se fit attendre<br />

jusqu'en 1862.<br />

Quelle était la situation territoriale des Ouled-Kosseïr après<br />

ce cantonnement ? Ils perdaient encore 6.514 hectares et leur<br />

patrimoine se réduisait alors à 25.495 hectares. Il est vrai que<br />

l'administration militaire ne montra aucun empressement à<br />

remettre à l'administration civile les terres qui lui revenaient<br />

et elle ne le fit qu'à la demande réitérée du gouverneur général<br />

en 1862. De plus, les terres rendues disponibles furent tout<br />

d'abord louées aux Indigènes qui s'y installèrent et les labou<br />

rèrent.<br />

Ce cantonnement ne fut d'ailleurs pas considéré comme<br />

définitif. Dès 1859 il subissait quelques retouches : il fallut en<br />

retirer notamment quelques concessions faites en territoire mi<br />

litaire à des Européens (une centaine d'hectares environ) et<br />

qui avaient été comprises par erreur sur le plan de la tribu des<br />

Ouled-Kosseïr. Entre 1860 et 1862 eurent lieu plusieurs rema<br />

niements et l'Etat fut amené à rétrocéder une partie des terres<br />

qu'il avait acquises,<br />

en particulier : 159 ha. 27 a. destinés à<br />

accroître les terrains de parcours et 735 ha. 12 a. en faveur d'in<br />

dividus qui avaient été omis dans la répartition générale. D'au<br />

tre part, les Indigènes des Medjadja, des Sendjès et des Ouled-<br />

Farès protestèrent contre la délimitation faite par la commis<br />

sion de cantonnement qui avait abouti à la confiscation, au profit<br />

de l'Etat, de terrains ne devant pas être considérés comme do<br />

maniaux et dont ils prétendaient tenir la possession du bey<br />

d'Oran par acte authentique. Ils obtinrent gain de cause et,<br />

après allotissement, 924 ha. 09 a. leur furent attribués en<br />

1862 (2).<br />

(1) N 473, 1857, juillet. C'est donc à tort que le B.O. de 1868 fixe à 1858<br />

le début des opérations du cantonnement.<br />

(2) La rectification se fit dans sa majeure partie au profit des Medjadja.<br />

seigneurs religieux des Ouled-Kosseïr ; ils firent valoir des titres antérieurs<br />

à 1774. Pour les erreurs commises on peut se reporter à 3 notes du Domaine<br />

datées de 1861 (dans D.A. Orléansville, carton 1).


— -


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Le cantonnernekc des Outed'KosSeîr ; partie Norrf. fit 4tf la tribu-<br />

£'-ecJle£U,<br />

rjîTfm ^Moù\l Cm>wiiMviK4« .<br />

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»<br />

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— 185^<br />

A l'Est on libère ainsi une parcelle de 823 hectares, le<br />

bled Ferdane (ou Faghdane), devant servir à la constitution du<br />

village de l'Oued-Fodda : en réalité cette parcelle sera cédée<br />

à la Société Algérienne en 1865 et il faudra, en 1873,<br />

une rétro<br />

cession pour fonder le territoire d'Oued-Fodda, en y joignant<br />

d'autres terres acquises, surtout par échanges,<br />

et les Attafs (1).<br />

avec les Sindjès<br />

A l'Ouest, s'étendait la réserve domaniale la plus impor<br />

tante : au nord, sur la rive droite du Chélif, la terre d'Ardh-el-<br />

Beïda, d'une superficie de 369 hectares, mais un peu isolée en<br />

raison de l'interposition du fleuve,<br />

non guéable pendant la<br />

saison pluvieuse; sur la rive gauche, le bled Bou-Zoutat, bloc<br />

compact de 1.805 hectares auquel s'ajoutait, un peu plus au<br />

sud, sur les hauteurs dominant la gorge de l'Oued Sly, 337 hec<br />

tares d'un terrain rocailleux propre seulement au parcours des<br />

troupeaux. On songeait à utiliser les terres de la rive droite<br />

pour créer des fermes isolées ou un hameau, et celles de la<br />

rive gauche pour établir un centre important; mais, là aussi, les<br />

projets furent abandonnés par suite de la politique de Napo<br />

léon III favorable aux grandes compagnies : la Société Algé<br />

rienne obtint le bled Bou-Zoutat et, en 1869, Malakoff fut cons<br />

titué avec des terres prélevées sur l'ancienne smala des spahis;<br />

plus tard on dut acheter à. la Compagnie Algérienne la majeure<br />

partie de la superficie nécessaire à l'agrandissement.<br />

Ainsi, en deux groupes de parcelles, la colonisation dispo<br />

sait à l'origine de 3.334 hectares. Si l'on ajoute le territoire<br />

formant la commune d'Orléansville (avec La Ferme et Pon-<br />

téba),<br />

on voit qu'elle avait pénétré profondément à l'intérieur<br />

de la tribu des Ouled-Kosseïr qui se trouvait disloquée en trois<br />

tronçons : l'un, au nord-est, sur les deux rives du Chélif; l'autre,<br />

au nord, entièrement sur la rive droite; le troisième, au sud,<br />

totalement sur la rive gauche. Les réserves forestières ajou<br />

taient encore à ce morcellement, en particulier le territoire<br />

effilé des Montagnes Rouges entre la plaine actuelle du Chélif<br />

et celle des Adjeraf.<br />

(1) G. L 57 : Terres Société Algérienne ; G. 1 L 219 : Projet de création<br />

d'un centre à l'Oued Sly.


— 186 —<br />

Le cantonnement s'accompagna de la création de hameaux<br />

ou de villages (qualifiés de douars sur la carte). On en compte<br />

44 formés pour la plupart de maisons construites en maçonnerie,<br />

mais couvertes en chaume (1). Certains de ces hameaux occu<br />

pent une position centrale par rapport à leur territoire, mais<br />

le plus souvent ils sont assez excentriques parce que les condi<br />

tions nécessaires à leur établisement ne se rencontraient pas<br />

partout et parce qu'il avait fallu tenir compte des habitudes<br />

antérieures de groupement, de l'emplacement habituel des<br />

mechtas. Ce qui frappe, c'est l'importance souvent très réduite<br />

des communaux ou plutôt leur répartition très inégale : en par<br />

ticulier au nord et au nord-est, certains douars en manquent<br />

totalement. Yusuf avait attiré l'attention sur ce fait, mais l'attri<br />

bution complémentaire de 159 hectares de terres de parcours<br />

avait peu modifié cette situation (2). La vie du troupeau se<br />

trouvait donc conditionnée par la jachère. Les forêts, en effet,<br />

n'étaient à peu près d'aucun secours : seul le massif forestier<br />

des Medjadja, à l'extrémité septentrionale du territoire, se trou<br />

vait grevé de droits d'usage, les autres, maigrement peuplés ou<br />

en voie de reboisement depuis 1853, avaient été soumis au<br />

régime forestier et dégagés de servitudes de toute espèce (3).<br />

Quant aux lots reçus par les différents attributaires, le plan<br />

montre qu'ils étaient d'importance très variable, mais le plus<br />

souvent peu étendus, moins de 10 hectares (4). Chaque proprié<br />

taire devait recevoir un titre de propriété portant au verso le<br />

(1) Le sénatus-consulte appliqué en 1868 répartit ces hameaux en 5<br />

douars de la manière suivante :<br />

El Adjeraf : 9 hameaux comptant 2.331 habitants.<br />

Chembel : 10 hameaux comptant 1.941 habitants.<br />

Oum-el-Drou : 8 hameaux comptant 1.381 habitants.<br />

Sidi-el-Aroussi : 9 hameaux comptant 1.415 habitants.<br />

Sly<br />

: 8 hameaux comptant 1.741 habitants (B.O. 1868).<br />

(2) Sur 36 villages dont nous connaissons la superficie des communaux,<br />

23 ne disposaient que de 25 hectares ou moins.<br />

(3) Pour être tout à fait exact il faut ajouter que, pendant plusieurs<br />

années, le bois de Sidi-Ahmed ben Youssef (sur la rive droite du Chélif, à<br />

l'est de Pontéba) fut maintenu comme pâturage à des Indigènes locataires.<br />

(4) Nous avons l'état de lotissement des terres données chez les Od Kosseïr<br />

aux Medjadja, Sindjès, Od Farès ; 37 lots sur 72 ont moins de 10 hecta<br />

res et 30 (sur les 72) appartiennent à plusieurs propriétaires.


— — 187<br />

plan de son lot et cette exacte détermination territoriale, par<br />

plans topographiques, constituait dans la région une grande<br />

nouveauté. Comme nous l'avons dit, ces titres se firent attendre.<br />

Au mois de septembre 1860, Chasseloup-Laubat, Ministre de<br />

l'Algérie et des Colonies, à l'issue de la revue passée par l'Em<br />

pereur sur le champ de manœuvres de Mustapha (Alger) déli<br />

vra de sa propre main les titres de propriété qui concernaient<br />

les Indigènes des Ouled-Kosseïr présents à la revue. Les autres<br />

titres furent distribués à Orléansville, en avril 1862,<br />

qui commandait la division, et Capifali,<br />

par Yusuf,<br />

chef du bureau arabe.<br />

Celui-ci nous a laissé une relation de cette importante céré<br />

monie :<br />

« Le grand événement du. mois, écrit-il, a été la cérémonie<br />

de la remise des titres de propriété aux Ouled-Kosseïr. Monsieur<br />

le général commandant la division est entré le 9 avril dans la<br />

subdivision d'Orléansville. Il a été reçu à la limite par le chef<br />

du bureau arabe à la tête d'une escorte composée en grande<br />

partie des cavaliers du goum des Ouled-Kosseïr. Le même jour,<br />

il a visité un grand nombre de villages de nouvelle création<br />

dans cette tribu, et, le soir, il a campé à Pontéba, où l'attendait<br />

le commandant de la subdivision.<br />

« Le 11 avril la cérémonie de la remise des titres a eu lieu<br />

avec une grande pompe. Tous les chefs indigènes du cercle,<br />

tous les chefs de tente des Ouled-Kosseïr, de fortes députations<br />

des autres tribus et les goums du cercle avaient été rassemblés<br />

sur l'emplacement du marché arabe pour y assister. Les habi<br />

tants des 44 villages des Ouled-Kosseïr formaient autant de<br />

groupes séparés ayant à leur tête chacun leurs chefs.<br />

« Monsieur le général commandant la division a distribué<br />

lui-même un certain nombre de titres par village. Se plaçant<br />

ensuite au milieu des indigènes, il leur a adressé un discours<br />

religieusement écouté et parfaitement compris, dans lequel il<br />

a montré les avantages immenses que les Ouled-Kosseïr retire<br />

raient de leur agglomération en villages et de la constitution<br />

définitive de leurs propriétés. Traçant ensuite à grands traits<br />

un tableau de l'état actuel de la société arabe et la comparant<br />

à ce qu'elle était il y a quelques années, il a rappelé tout ce<br />

que le gouvernement avait fait pour elle et tout ce qu'elle devait<br />

à la bienveillante sollicitude du chef de l'Etat. Son discours s'est


— 188-<br />

terminé par le cri de Vive l'Empereur que les indigènes ont<br />

répété avec enthousiasme.<br />

« Cette cérémonie laissera de profonds souvenirs dans la<br />

population du cercle d'Orléansville. » (1).<br />

IV. —<br />

LES<br />

CONSEQUENCES<br />

Capifali est satisfait : selon lui, « les Ouled-Kosseïr sont<br />

heureux d'être chez eux » (2). On espérait en effet beaucoup<br />

du cantonnement. On y voyait tout d'abord le moyen de dresser<br />

un cadastre parfaitement clair. On était persuadé que, munis<br />

de leurs titres de propriété, les Indigènes allaient mettre en<br />

culture une quantité considérable de terrains qu'ils n'osaient<br />

cultiver dans la crainte d'en être bientôt dépouillés. Le canton<br />

nement devait être à l'origine de tous les progrès agricoles et,<br />

dès 1857, Sériziat affirme que les procédés de culture évolue<br />

ront avec la transformation de l'état de la propriété. « A l'appui<br />

de cette assertion, écrit-il, nous pouvons citer la tribu des Ouled-<br />

Kosseïr, aujourd'hui cantonnée,<br />

chez lesquels nous constatons<br />

avec plaisir que les cultures sont plus soignées que précédem<br />

ment. Chacun est possesseur d'un lot qu'il tourne et retourne<br />

à sa guise et nous avons certains cultivateurs de cette tribu qui<br />

ont passé la charrue jusqu'à trois fois dans le même ter<br />

rain. » (3). Malheureusement, c'est à peu près l'unique note opti<br />

miste que l'on relève sous la plume de ceux qui ont parlé de ce<br />

cantonnement.<br />

Nul ne conteste l'état particulièrement net de la propriété<br />

au lendemain des travaux du bureau arabe, mais comme le note<br />

un juriste, M. Boyer-Banse : « Le vice du cantonnement c'était<br />

de créer pour le présent une situation foncière excellente, mais<br />

de ne rien prévoir pour l'avenir. Au lendemain de la délivrance<br />

des titres, la propriété constituée tombait sous l'action de la loi<br />

et des coutumes indigènes, sans que le législateur français eût<br />

(1) G. Orléansville, avril 1862.<br />

(2) G. Orléansville, mars 1862.<br />


—<br />

189"<br />

ménagé aucun moyen de réaction contre ce résultat, destiné<br />

fatalement à réduire à néant les effets de l'opération du can<br />

tonnement. » (1). Ce vice, il est vrai, ne devait apparaître qu'à<br />

la longue et jusqu'à nos jours la propriété chez les Ouled-Kos<br />

—<br />

seïr a conservé une netteté relative.<br />

Ce qui immédiatement fut mis en cause, c'est la réparti<br />

tion des propriétés et la construction des villages. Malheureu<br />

sement nous n'avons pour nous éclairer que les jugements d'en<br />

nemis déclarés du cantonnement comme Lapasset et Duvernois.<br />

Le premier revient à Orléansville en 1853, après onze ans d'ab<br />

sence, et décrit à son ami Lacroix l'état pitoyable de la contrée :<br />

« La plus belle tribu d'Orléansville, les Ouled-Kosseïr, qui<br />

comptait de mon temps 14.000 âmes, qui possédait de nombreux<br />

troupeaux, des chevaux, de riches cultures, est diminuée de<br />

moitié et ruinée, complètement ruinée.<br />

« On a parqué ces malheureux dans de prétendus (souligné<br />

dans le texte) villages de 100 maisons chacun. Les habitations,<br />

construites par nos soldats, à la façon des gourbis des camps,<br />

tombent déjà en ruines; la maladie y a pris domicile. Pour<br />

apporter le bois, le diss, les pierres nécessaires à ces construc<br />

tions, toutes les tribus ont été mises en réquisition et on les a<br />

abîmées de corvées.<br />

« Quant au partage des terres, Babeuf n'aurait pas fait pire.<br />

On a d'abord pris pour les colons tous les terrains fertiles, sans<br />

exception, on a associé le serviteur au maître, le khammès au<br />

fellah. A un individu qui labourait beaucoup, mais qui ne savait<br />

pas se remuer, on a donné peu de terres!, à un intrigant qui<br />

n'avait pas de moyens de culture, mais qui avait de l'entregent,<br />

on a donné des espaces qu'il ne pouvait mettre en valeur. Bou<br />

leversement moral, révolution sociale et agricole, résument fai<br />

blement ce chaos anarchique.<br />

« Des titres de propriété ont été donnés à ces malheureux.<br />

Déjà l'élément usurier a pris siège au milieu d'eux. Pour quel<br />

ques écus avancés, pour une balle de farine, certains d'entre eux<br />

(1) Boyer-Banse (145) 53.


-190-<br />

ont déjà été, évincés. Ils errent sans asile; leurs compagnons ne<br />

tarderont pas à les suivre... » (1).<br />

Duvernois qui écrit en 1865, fait un tableau analogue de<br />

la situation, accusant même l'autorité militaire d'avoir multiplié<br />

les corvées dans le dessein d'exposer les Indigènes à de nom<br />

breuses amendes. Selon lui, les Ouled-Kosseïr abandonnent leurs<br />

terres qui tombent aux mains de spéculateurs sans scrupules :<br />

plutôt que de faire une dépense au-dessus de leurs moyens en<br />

construisant une maison, ils ont préféré renoncer à leurs droits<br />

et émigrer vers1 le territoire civil (2).<br />

Signalée à la fois par un représentant de l'autorité militaire<br />

et par un adversaire résolu des Bureaux arabes, cette déposses<br />

sion des Ouled-Kosseïr, au lendemain du cantonnement, est un<br />

fait essentiel sur lequel les archives nous permettent d'apporter<br />

quelques précisions. On se doutait bien que la constitution de la<br />

propriété individuelle faciliterait les transactions immobilières<br />

entre Européens et Indigènes, mais le bureau arabe pensait,<br />

d'une part, que les ventes cesseraient vite par suite de la plus-<br />

value que prendraieent les propriétés, et que, d'autre part, les<br />

Colons s'introduisant au sein de la tribu, serviraient d'exemples<br />

aux Indigènes et seraient autant de moniteurs en matière d'agri<br />

culture.<br />

Les illusions ne durèrent guère. A l'approche de l'hiver<br />

nombre d'Indigènes, peu soucieux de l'avenir et poussés par le<br />

besoin à la suite d'une sécheresse exceptionnelle (3), cédèrent<br />

leur lot parfois à 20 ou 25 francs l'hectare, le plus souvent à<br />

5 ou 10 francs. Beaucoup vendaient aussi parce qu'ils n'avaient<br />

pas confiance dans l'ordre des choses établi et ils préféraient<br />

vendre à des Européens parce que, disaient-ils,<br />

(1) Lettre à Lacroix du 2-6-1863 (121) 456.<br />

(2) A. Duvernois (59) 88.<br />

« si l'Etat con-<br />

(3) Le rapport d'Orléansville de mai 1862 après avoir signalé que la ré<br />

colte sera nulle en plaine donne sur le climat de l'année les précisions sui<br />

vantes : « Un vent du sud fort chaud pour la saison est venu, dans la pre<br />

mière quinzaine de mai, détruire l'effet des pluies d'avril qui avaient en par<br />

tie réparé les dommages causés par la sécheresse du mois de mars ». Toute<br />

l'incertitude du climat chélifien est dans cette phrase.


testait plus tard ce don gracieux qu'il nous a fait, l'Européen<br />

saura toujours se défendre, tandis que l'indigène aura recours<br />

sur nous si nos droits nous étaient contestés » (1). Les ventes<br />

furent surtout importantes chez les Ouled-Kosseïr Chéraga, dans<br />

les villages situés près d'Orléansville et dont les habitants ser<br />

vaient les Colons ou se livraient à diverses industries; toutefois<br />

les vendeurs sauvegardèrent toujours leur lot urbain. Au total,<br />

quand la commission du sénatus-consulte entreprendra ses tra<br />

vaux, cinq ans plus tard, 2.000 hectares auront été vendus dans<br />

la seule fraction des Ouled-Kosseïr Cheraga. Dès 1862, des vil<br />

lages entiers comme celui de Chekalil étaient tombés aux mains<br />

des Européens. Les terres achetées furent à peu près toujours<br />

louées à des Arabes et l'Etat renonça ainsi à une partie consi<br />

dérable de l'impôt d'achour en faveur de gens qui n'améliorè<br />

rent en aucune façon les propriétés acquises.<br />

Parmi les spéculateurs, l'un s'illustra particulièrement, le<br />

sieur Casanova, d'Orléansville;<br />

servi par des courtiers qui cir<br />

culaient dans la tribu, il s'était rendu acquéreur de plus de 800<br />

hectares dans les premiers mois qui suivirent la remise des<br />

titres. Un moment même il monopolisa les achats et, dans la<br />

région, on disait qu'il était le représentant d'une compagnie<br />

achetant les terres en vue des expropriations pour cause d'utilité<br />

publique qui seraient faites par la Compagnie du Chemin de<br />

fer d'Alger à Oran à des prix très avantageux pour les expro<br />

priés. Il semble bien que Casanova n'ait travaillé que pour lui-<br />

même et nous retrouvons ce spéculateur de grande envergure<br />

en d'autres régions où la colonisation devait chercher à établir<br />

des centres : à Oued-Fodda, en 1868, il est acheteur d'environ<br />

2.000 hectares avoisinant le caravansérail; dans la commune<br />

mixte d'Inkermann quelques années plus tard il possède 1.800<br />

hectares qu'il loue à des Indigènes ou qu'il laisse en friches; et<br />

il est probable qu'il ne s'agit pas là de la totalité de ses biens (2).<br />

(1) G. Orléansville 2» T. 1862 et août 1862.<br />

(2) G. I « Colonisation 1845-1877 », Lettre du Gl Ct la subdivision de Mi<br />

— liana au Gl Ct la Province d'Alger (21 août 1868) G. 25 L, dossier 37 : Pro<br />

— cès-verbaux du Conseil de Gouvernement (8-11-1877) D.A. Colonies agri<br />

coles : Commissaire civil au préfet le 17-2-1860.


— Ï92 —<br />

Quant aux villages dont devaient bénéficier tes Indigènes,<br />

il est certain que leur construction fut laborieuse, puisqu'elle se<br />

poursuivait encore en 1861. Voici ce qu'en disait, à cette époque,<br />

le général commandant la subdivision d'Orléansville : « Le<br />

cantonnement des Ouled-Kosseïr se poursuit et la construction<br />

des villages sera poussée plus activement encore après les<br />

labours. A propos de ces villages, je dois dire que les plans sur<br />

lesquels nous sommes forcés de les établir sont très défectueux<br />

et qu'il serait bien à désirer qu'à l'avenir, les personnes chargées<br />

de l'établissement de ces plans fissent cette besogne avec plus<br />

de soin et même de raison.<br />

« Des villages vont se trouver établis sur des croupes où<br />

l'on ne peut construire de gourbis, ni placer une tente. Des jar<br />

dins doivent être endommagés pour faire des places où les<br />

gourbis doivent être construits ou pour donner passage à des<br />

rues. En général aussi les lots urbains sont trop petits, les chefs<br />

de famille ne pourront s'y établir avec leurs chevaux, leurs<br />

bœufs de labour, leurs meules de paille, leurs volailles, etc..<br />

etc.. » (1).<br />

Est-il exact que les Ouled-Kosseïr furent ruinés à la suite<br />

du cantonnement ? L'opinion de Lapasset ou de Duvernois ne<br />

saurait suffire. Rapportons-nous en aux chiffres dans la mesure<br />

où l'on peut leur faire confiance. En puisant à des sources di<br />

verses (2)<br />

nous avons établi le tableau suivant qui nous ren<br />

seigne mieux que tes impressions d'un voyageur :<br />

(1) G. « Colonisation 1845-1870 », Rapport « colonisation du général<br />

commandant la subdivision d'Orléansville, le 5-1-1861.<br />

(2) Tableaux de la situation des établissement français 1844-45 p. 514 et<br />

1865-66 p. 511 ; Carette (173) 471 —<br />

N 539, statistiques de 1848 et N 447, sta<br />

tistiques de 1852 dans rapport du colonel commandant la subdivision d'Or<br />

léansville ; B.O. 1868 p. 672 ; D.A. Orléansville, lettre de Yusuf Ct la Division<br />

d'Alger au Directeur des Services civils (18-5-1861).


Années POPULATION<br />

— — 193<br />

Bœufs<br />

et<br />

Vaches<br />

Moutons<br />

et<br />

Chèvres<br />

Chevaux<br />

Mulets<br />

1844-1845 8.953 (1). 2.379 22.545 619 127<br />

1848 8.288 2.331 16.760 427 95<br />

^eraga 5 711<br />

1852 10.885 j( Gharaba 5.174.<br />

1861 13..000 (2).<br />

1866<br />

8.616. j^fî<br />

( Gharaba 4.738.<br />

1.708 21.195 431 99<br />

1868 8.809. 3.567 21.971 780 234<br />

(1) Carette donne 9.000.<br />

(2) Chiffre donné par Yusuf qui commandait la division d'Alger.<br />

Lapasset, comme nous l'avons vu plus haut, estimait que<br />

de son temps, c'est-à-dire justement vers 1852, les Ouled-Kosseïr<br />

comptaient 14.000 habitants, jouissant d'une grande prospérité.<br />

Les statistiques, qu'il avait peut-être contribué lui-même à éta<br />

blir, montrent,<br />

en ce qui concerne la population tout au moins,<br />

que sa mémoire le trompait. Quant à la prospérité, si on l'appré<br />

cie uniquement d'après l'évolution démographique,<br />

elle paraît<br />

incontestable, la tribu gagnant près de 2.000 habitants en sept<br />

ans, malgré la chute imputable aux troubles des années<br />

1845-<br />

1847 (1). Mais c'est là un mauvais critérium : la fortune n'a pas<br />

augmenté dans les mêmes proportions ;<br />

elle est au contraire<br />

sensiblement moindre comme le montrent les chiffres du trou<br />

peau. On peut affirmer qu'il y<br />

a eu appauvrissement puisque<br />

en 1852 on dénombre moins de 2 moutons ou chèvres par tête<br />

d'habitant, tandis qu'il y<br />

en avait plus de 2,5 en 1844. On<br />

comptait alors 3,7 habitants pour un bœuf; 14.4 pour un cheval<br />

et 70,5 pour un mulet contre 6,3; 25,2 et 109,9 pour les mêmes<br />

espèces en 1852. Il ne paraît pas exagéré d'estimer à un quart,<br />

m Le BO 1859 p. 263, à propos de la délimitation des arrondissements<br />

du département d'Alger, attribue aux Ouled-Kosseïr 16.150 habitants. Un<br />

accroiiementparkit peu probable. Mais le sens du mouvement n'est<br />

pareill cantonne-<br />

pas douteux : la population s'est accrue jusqu'à l'achèvement du<br />

ment.<br />

l


— 194 —<br />

et peut-être même à un tiers, la réduction de la fortune par<br />

tête d'habitant. Et l'on ne saurait imputer cette évolution au<br />

cantonnement qui n'avait pas encore eu lieu : les troubles dus<br />

à l'insurrection de Bou-Maza et les mauvaises récoltes consti<br />

tuent des explications suffisantes.<br />

La comparaison entre les statistiques de 1868 et celles de<br />

1852 n'est pas moins intéressante. Le phénomène de dépossession<br />

signalé précédemment a été suivi d'un recul démographique<br />

sensible, puisque, en 1868, la population totale n'atteint pas le<br />

chiffre de 1845, la perte par rapport à 1852 étant de plus de<br />

2.000 unités, de plus de 4.000 par rapport à 1861. Les<br />

documents de 1866 nous permettant d'examiner séparément les<br />

Ouled-Kosseïr Chéraga et les Ouled-Kosseïr Gharaba, nous pou<br />

vons constater que le recul a été beaucoup plus accusé chez tes<br />

premiers que chez les seconds, les uns perdant 1.843 habitants<br />

et les autres 436 pour des populations numériquement compa<br />

rables à l'origine. Ce premier point paraît acquis : le canton<br />

nement a chassé l'Indigène (1).<br />

Mais quelle est la situation de ceux qui sont restés attachés<br />

à leur sol ? Non seulement ils ont retrouvé leur état de fortune<br />

de 1844, mais ils l'ont souvent dépassé comme le montre le<br />

tableau :<br />

TROUPEAUX<br />

Moutons et chèvres<br />

Bœufs<br />

Chevaux<br />

Mulets<br />

TÊTES DE BÉTAIL PAR HABITANT<br />

1844<br />

0,014<br />

0,26<br />

0,06<br />

2,52<br />

1848<br />

2,02<br />

0,28<br />

0,05<br />

0,011<br />

1852<br />

1,94<br />

0,15<br />

0,03<br />

0,009<br />

1868<br />

2,49<br />

0,40<br />

0,08<br />

0,026<br />

(l)On ne peut invoquer en effet les conséquences de la famine car le dé<br />

cret de répartition des Ouled-Kosseïr (en application du sénatus-consulte de<br />

1863) est de février 1868 et le dénombrement doit dater vraisemblablement<br />

du début de 1867, antérieur par conséquent à la catastrophe. La population<br />

de 1866 est d'ailleurs légèrement inférieure à ceUe de 1868 tandis qu'en 1872,<br />

après la famine, on ne compte plus chez lies Ouled-Kosseïr que 7.768 habi<br />

tants.


— 195-<br />

En somme nous assistons à un phénomène analogue à celui<br />

que l'on a pu observer dans tous les centres de colonisation fran<br />

çaise : les plus faibes sont partis, tes autres ont amélioré leur<br />

situation. Doit-on juger la colonisation sur la misère des colons<br />

vaincus ou sur la prospérité de ceux qui surmontèrent tous les<br />

obstacles ? Le jugement doit être nuancé. De même pour le<br />

cantonnement des Ouled-Kosseïr (1).<br />

(1) Il serait intéressant de connaître la propriété par tête d'habitant en<br />

1852 et en 1868. Les statistiques sont incomplètes. Nous pouvons toutefois<br />

risquer une estimation. En 1852, avant le cantonnement proprement dit et<br />

déduction faite de 1181 hectares de terrains forestiers, les Ouled-Kosseïr pos<br />

sédaient 31.920 hectares soit 2 ha 93 a par habitant. Après le cantonnement,<br />

les Indigènes ne disposaient plus que de 27.193 hectares dont une partie tom<br />

ba aux mains des Européens. Pour apprécier l'importance de celle-ci nous<br />

n'avons qu'un renseignement : près de 2.000 hectares perdus par les Ouled-<br />

Kosseïr Chéraga. Sachant que cette réduction s'est accompagnée d'une ré<br />

gression démographique de 1823 habitants alors qu'elle n'a été que de 436<br />

pour les Ouled-Kosseïr Gharaba nous croyons ne pas trop nous éloigner de la<br />

2.000 X 436<br />

■<br />

réalité en évaluant à = 533 hectares les pertes subies par ces<br />

1823<br />

derniers ce qui porte à 2.500 hectares environ le recul territorial de la tribu<br />

entière. Pour une superficie restante de 25.660 hectares nous trouvons 2 ha<br />

91 a par habitant. Contrairement à ce qui a eu lieu dans les villages de co<br />

lonisation, ceux qui sont demeurés n'ont pas accru l'étendue de leurs biens et<br />

ont seulement conservé les positions acquises.


c —<br />

LE CANTONNEMENT DES ÀBID-ET-FERÀILIA<br />

Il n'offre pas la même importance que celui des Ouled-<br />

Kosseïr : il intéresse un territoire moins étendu et une popula<br />

tion moins nombreuse. Il mérite cependant que l'on s'y arrête<br />

comme représentant un type particulier : le cantonnement<br />

simultané d'un groupe de tribus; et parce qu'il eut d'importan<br />

tes répercussions, non seulement sur le genre de vie des Indigè<br />

nes, mais aussi sur la colonisation de toute la plaine orientale<br />

du Chélif (1).<br />

(1) Nous ne disposons pas pour cette étude de renseignements aussi pré<br />

cis que pour les Ouled-Kosseïr : la carte de l'allotissement manque et les sta<br />

tistiques sont d'une interprétation délicate. La documentation repose sur les<br />

B.O. 1859 et 1868 ; Estoublon et Lefébure (139) 397 et 405 ; Duvernois (59)<br />

88-89 ; les Tableaux de la situation des établissements français 1844-1845 p.<br />

494, 1865-1866 p. 509 ; et surtout les Archives :<br />

1) G. série I, dossier « Colonisation 1845-1870 » : lettre du maréchal de<br />

camp Ct la subdivision de Miliana au général Ct la division d'Alger<br />

(4-2-1848) ; Rapport sur le cantonnement des tribus par le chef du<br />

bureau arabe de Miliana (1-11-1855) ; lettre du Maréchal Randon au<br />

général Ct la province d'Alger (14-3-1858).<br />

2) G. série I, rapports de Miliana 4" T. 1856 et 1" T. 1857.<br />

3) G. série II, registre de correspondance n° 255 (de la subdivision de<br />

Miliana à la division d'Alger) : en particulier les lettres du 25-11-<br />

1856 ; 24-2-1857 ; 11-9-1857 ; 13-9-1857 ; 30-10-1857 ; 24-11-1857 et<br />

7-1-1858.<br />

4) G. 1 L 166 : abondante correspondance entre le Gouverneur général<br />

et le Préfet d'Alger à propos de l'agrandissement projeté de Duperré ;<br />

lettre du Directeur des Domaines d'Alger au Gouverneur général le<br />

19 octobre 1883.<br />

5) N 539, 542, 447, 449 pour statistiques 1848, 1852, 1854 ; N 476, 1857, Mi<br />

liana, rapport annuel ; N 465, 1848, Miliana, 2" q. juin.<br />

6) Archives du Secrétariat du Sénatus-Consulte (voir bibliographie).<br />

7) Quelques documents dans les Archives du Val de Grâce et celles du<br />

département d'Alger (voir bibliographie).


I. _<br />

AVANT<br />

La terre dont il s'agit,<br />

198-<br />

LE CANTONNEMENT<br />

située dans la partie occidentale de<br />

la plaine d'Affreville, sur les deux rives du Chélif,<br />

est couram<br />

ment désignée sous le nom de terre d'El Kantara parce qu'elle<br />

s'étendait à l'Est et à l'Ouest du seul pont qui enjambait l'oued<br />

dans cette région. On estimait,<br />

au début, sa superficie à 10.000<br />

ou 12.000 hectares, mais elle n'était en réalité que de 8.941 ha. 50.<br />

Elle dépendait non d'une seule tribu, mais de plusieurs,<br />

sans origine commune, et dont les deux principales, les Abid<br />

et les Feraïlia occupaient, la première, la partie occidentale et<br />

la seconde la partie orientale du territoire. Les Abid étaient<br />

originaires des environs de Boghar et les seconds appartenaient<br />

à des tribus du Sud . (1)<br />

On peut apprécier leur importance dans<br />

les années qui précédèrent immédiatement le cantonnement,<br />

sachant qu'ils labouraient les uns avec 75 charrues, les autres<br />

avec 70.<br />

A côté de ces deux tribus vivaient sur la Terre d'El Kantara<br />

deux groupes moins importants : les Béni Naghelan, fraction<br />

des Braz Béni-Boukni, établis à l'Ouest près des Abid et labou<br />

rant avec 30 charrues; les Ouzaghera, d'une tribu voisine d'ori<br />

gine berbère (futur douar Oued Ouaguenay) (2), usufruitiers,<br />

à l'Est des Feraïlia, de quelques champs qu'ils labouraient avec<br />

quatre ou cinq charrues.<br />

Par son emplacement, la Terre d'El Kantara contrôlait les<br />

relations dans cette partie de l'Algérie : d'une part grâce au<br />

pont, entre le Nord et le Sud; d'autre part entre l'Est et l'Ouest<br />

(1) Du moins pour les éléments prépondérants car pour former un ma<br />

khzen les Turcs faisaient appel aux gens d'origines les plus diverses. On trou<br />

vait dans les Abid des familles des Braz, des Sbihh (Sbéah ?), des Ouled-Kos<br />

seïr, des Béni-Ouazzan (à 30 km. au sud d'Orléansville) et même des Chou<br />

chaoua (de l'Ouarsenis), sans parler des nègres, peu nombreux, mais qui<br />

avaient dû jouer un rôle notable à en croire le nom de la tribu (abid = es<br />

claves). Quant aux Feraïlia, ils descendraient d'une tribu du Sud, les Ouled<br />

Saber, dont l'une des familles sous la conduite d'un nommé Fghoul serait ve<br />

nue s'établir chez les Ouled-Kosseïr : c'est de là que les Turcs auraient con<br />

duit les Béni-Fghoul (ou Feraïlia) à la terre d'El Kantara pour peupler cette<br />

contrée devenue déserte.<br />

(2) Carte à la fin de l'ouvrage (n° 75).


— — 199<br />

en commandant l'étranglement de la plaine, puisqu'elle s'éten<br />

dait du territoire actuel de Duperré à celui de Littré, aussi bien<br />

dans la plaine que sur les pentes septentrionales du Djebel<br />

Doui (1). Saisissant l'importance exceptionnelle de cette<br />

situation, les Turcs avaient attribué le territoire aux Abid-et-<br />

Feraïlia (nous désignerons ainsi désormais toutes les tribus occu<br />

pant la Terre d'El Kantara), les organisant en makhzen chargé<br />

d'assurer la sécurité de la route d'Alger à Oran et de contenir<br />

les tribus montagnardes en interceptant les communications<br />

entre Matmata et Béni-Zoug-Zoug d'une part, Braz et Béni-<br />

Menasser de l'autre. Ayant reçu les armes et les instruments de<br />

travail nécessaires pour remplir leur double mission de gendar<br />

mes et d'agriculteurs, les Abid-et-Feraïlia furent administrés<br />

par un seul caïd, nommé par tejteju. et ils rendirent des services<br />

signalés au Gouvernement de l'Odjaq.<br />

La conquête française bouleversa leur situation. Après 1843,<br />

en effet, invoquant le fait que ces tribus militaires ou zmoul<br />

étaient installées sur des terres du Beylik et que, de plus, elles<br />

se trouvaient désormais dispensées du service de guerre, le<br />

Domaine inscrivit sur ses sommiers les terres des Abid-et-Feraï<br />

lia. Les Indigènes jusque-là avaient payé aux Turcs une petite<br />

redevance en nature appelée « hack echabir » (ou prix des épe<br />

rons), destinée à perpétuer te caractère de concession du Beylik;<br />

ils furent désormais considérés comme locataires du Domaine<br />

auquel ils versèrent un loyer minime d'environ 0 fr. 15 par<br />

hectare (2).<br />

Dans d'autres régions, les terres makhzen furent divisées<br />

en deux catégories : l'une appelée « réserve domaniale » affec<br />

tée à la colonisation et l'autre laissée aux Indigènes sous le<br />

nom de « cantonnement provisoire ». Ici, le partage n'eut pas<br />

lieu avant le cantonnement définitif,<br />

mais l'autorité militaire<br />

disposa assez librement des terres. Dans un but politique, pour<br />

faciliter leur surveillance, elle commença par attirer dans la<br />

plaine les Béni-Ferah des montagnes des Béni-Menasser (futur<br />

(1) Voir la carte p. 19, hors-texte.<br />

(2) Dans d'autres parties de l'Algérie le loyer payé par les tribus Zmoul<br />

fut sensiblement plus élevé : 0 fr. 50 par hectare de terre labourable et 0 fr,<br />

25 par hectare de terre de parcours, Gqdin (151) 247,


— — 200<br />

douar El Aneb notamment) : ils furent établis en 1847-1848 sur<br />

la rive droite du Chélif, à l'Est du pont, et labourèrent avec<br />

une cinquantaine de charrues. Ainsi se trouva accrue l'hétéro<br />

généité des populations occupant la Terre d'El Kantara.<br />

La colonisation ayant commencé par l'extrémité de la<br />

plaine du Djendel (création d'Affreville en 1848 et d'Aïn Sultan<br />

en 1849), les Abid-et-Feraïlia semblaient devoir échapper à un<br />

refoulement analogue à celui que connurent les Ouled-Kosseïr.<br />

Il n'en fut rien et ils subirent un double prélèvement. Tout<br />

d'abord, pour donner des compensations aux Indigènes dépos<br />

sédés à l'Oued Bouthan par la création d'Affreville,<br />

on enleva<br />

au makhzen 802 hectares et la Terre d'El Kantara se trouva<br />

ainsi réduite à 8.139 ha. 50, dont un tiers dans les collines assez<br />

boisées du Doui et deux tiers en plaine et partiellement couverts<br />

de palmiers-nains. Puis, la colonisation progressant vers l'Ouest,<br />

on entreprit, en 1856, le lotissement du bled Sahari, vaste terre<br />

de 750 hectares cultivée à la fois par les Feraïlia et des Béni-<br />

Ferah, dont une petite fraction fut accordée à un Indigène en<br />

raison des constructions qu'il y avait faites et la majeure partie<br />

distribuée à des Français dont les frères Robat, de Lyon, qui<br />

installèrent huit colons du Beaujolais,<br />

et le sieur Morambert<br />

qui voulut créer une entreprise agricole perfectionnée, mais qui<br />

échoua faute d'argent. Avant que le cantonnement proprement<br />

dit ne fût entrepris, la Terre d'El Kantara ne comptait plus que<br />

quelque 7.400 hectares.<br />

Un moment, en 1848, il avait été question de disposer du<br />

territoire en faveur des Maronites (1). On estimait que les Indi<br />

gènes ensemençant alors 1.500 hectares, en réservant une quan<br />

tité de terre pareille pour la jachère et 1.500 autres hectares<br />

pour les besoins des troupeaux,<br />

on pourrait disposer d'un do-<br />

(1) On sait que, de 1845 à 1860, il fut question à plusieurs reprises de<br />

porter secours aux Maronites persécutés par les Druses, en créant, en Algé<br />

rie, plusieurs villages qu'auraient peuplés des familles libanaises. On songea à<br />

la région de Sidi-Bel-Abbès et à celle de Tlemcen (d'après Yver : Les Ma<br />

ronites et l'Algérie Revue Africaine 1920 p. 165-211), mais aussi au Chélif<br />

comme le prouve une lettre du 4-2-1848 adressée, par le maréchal de camp<br />

commandant la subdivision de Miliana à Changarnier commandant la division<br />

d'Alger (G. série I).


— — 201<br />

maine suffisant pour l'établissement de plusieurs villages. Le<br />

choix de la Terre d'El Kantara n'était toutefois pas exempt d'in<br />

convénients : peu de bois, peu de sources et surtout trop éloigné<br />

de Miliana. Or, comme l'écrivait le commandant de la subdi<br />

vision : « Une population chrétienne bien qu'arabe, ou plutôt<br />

parce qu'elle sera arabe, n'aura pas de bons offices à attendre<br />

de ses voisins musulmans. Son introduction dans le Chélif don<br />

nera infailliblement lieu à de nombreux commentaires de la<br />

part des Arabes; elle fera naître parmi eux des inquiétudes d'au<br />

tant plus vivaces et plus difficiles à combattre que l'élément<br />

religieux y jouera un grand rôle. L'administration de ces grou<br />

pes d'Arabes chrétiens rencontrera souvent des obstacles que<br />

Péloignement de ces groupes rendra plus graves et qui exigeront<br />

une surveillance active, laquelle, au moins dans le commence<br />

ment, aurait quelque peine à être exercée à une distance de<br />

plus de cinq à six lieues ». Pour des raisons dépassant le cadre<br />

de la plaine du Chélif, le projet n'eut d'ailleurs pas de suite (1).<br />

II. —<br />

LE<br />

CANTONNEMENT<br />

La question du cantonnement se posait depuis 1855. Répon<br />

dant à une circulaire de Randon du 2 juin de cette année, le<br />

chef du bureau arabe de Miliana, Bourgeret, formulait des pro<br />

positions précises. Il estimait qu'il fallait concéder 1.600 hecta<br />

res aux Abid, 1.500 aux Feraïlia (il écrit Fghailias), 500 aux<br />

Béni-Ferah et 40 seulement aux Ouzaghera. La part de ces der<br />

niers avait été réduite parce qu'ils possédaient en propre d'au<br />

tres terres et qu'une partie de celles qu'ils réclamaient étaient<br />

aux mains d'Indigènes qui y avaient déjà exécuté des<br />

travaux. Il devait rester à la colonisation environ 4.000 hectares<br />

(c'était avant la concession du bled Sahari)<br />

que l'on prendrait<br />

à Aïn-Defla, lieu où les terres sont de meilleure qualité, où un<br />

village serait le mieux placé et où seulement on rencontre de<br />

l'eaU en quantité suffisante.<br />

L'étude fut reprise en 1857 lorsque l'on décida de fonder<br />

un centre à Aïn-Defla (le futur . Duperré) La Terre d'El Kantara<br />

(1) Voir Yver, article cité.


— — 202<br />

était alors répartie de la manière suivante : 4.880 hectares aux<br />

Abid (dont 1.236 pour la portion dite bled Aïn-Defla) ; 169 aux<br />

Feraïlia; 576 aux Béni-Naghelan ; le reste,<br />

hectares, aux Béni-Ferah qui comptaient 400 habitants et se trou<br />

vaient dans une situation précaire depuis la concession du bled<br />

♦K<br />

Tribu des<br />

&ou Rached.<br />

soit moins de 300<br />

u<br />

^efca.<br />

| gey BraV"*!<br />

Position approximative des Abid et Feraïlia après le cantonnement. (D'après<br />

les renseignements de M. Poivre, La loi du 26 juillet 1873, Alger 1888). K : futur em<br />

placement de Kherba et L : futur emplacement de Littré.<br />

Sahari (1). Suivant l'autorité militaire, les Béni-Naghelan, pro<br />

priétaires d'autres terres hors du domaine d'El Kantara, pou<br />

vaient abandonner de 300 à 350 hectares à la colonisation et les<br />

Feraïlia 400 à 500 hectares, à condition de renvoyer tous les<br />

(1) Il n'est pas question des Ouzaghera qui avaient sans doute cédé leurs<br />

terres à d'autres Indigènes.


— — 203<br />

étrangers. Les Abid, dont les 650 habitants occupaient un vaste<br />

territoire, paraissaient plus à même de fournir d'importantes<br />

concessions, mais les terres labourables (dont le bled Aïn-<br />

Defla) ne comptaient que pour 2.500 hectares; comme il en<br />

fallait 1200 pour les Abid et 500 pour recaser les Béni-Ferah,<br />

il ne restait donc que 800 hectares de terres cultivables auxquels<br />

on pouvait ajouter quelques centaines d'hectares de terres non<br />

défrichées et quelquefois couvertes de rochers. Conçu ainsi, te<br />

cantonnement ne donnait à la colonisation que 1.650 hectares<br />

de bonnes terres. Ces propositions ne furent pas retenues.<br />

Les travaux de cantonnement furent entrepris en 1857.<br />

Randon aurait voulu les confier à une commission désignée à<br />

cet effet, analogue à celle des Transactions et Partages (1), mais<br />

Yusuf, qui commandait la province d'Alger, les abandonna aux<br />

officiers des Bureaux arabes. Contrairement à ce qu'écrivait<br />

Duvernois, le Domaine cependant en retira des profits considé<br />

rables. Il put, avec les terres obtenues, accorder à Duperré un<br />

territoire de 2.251 hectares et donner plusieurs concessions à<br />

des particuliers, notamment au baron de La Motte dont l'empla<br />

cement de la propriété est encore mentionné sur la carte au<br />

1/50.0006 sous le nom de Fort Lamotte. De plus, l'Etat se réserva,<br />

au voisinage, la forêt du Djebel Doui exempte de toutes servi<br />

tudes, ne laissant aux Abid que 376 ha. 35 dont ils se considé<br />

rèrent comme propriétaires jusqu'au jour où l'on précisa qu'ils<br />

n'avaient que l'usufruit. Enfin, un millier d'hectares de terres<br />

de parcours, dites de Bou-Zehar, revinrent également à l'Etat<br />

qui opéra seulement un petit prélèvement de 23 ha 30 en faveur<br />

d'un officier indigène, originaire de la tribu,<br />

et absent pour<br />

cause de service au moment du cantonnement. Lors de l'appli<br />

cation du Sénatus-consulte, en 1868, ces terres furent abandon<br />

nées comme communaux à un des douars constitués, te douar<br />

Bou-Zehar.<br />

Dès la fin de 1857 les Indigènes se trouvaient cantonnés sur<br />

3.983 ha. 75 a. Mais il ne s'agissait là que d'un cantonnement<br />

collectif. La constitution de la propriété privée eut lieu en 1860<br />

et elle semble avoir entraîné quelques modifications dans la<br />

(1) L'œuvre de cette dernière a été étudiée par H. Isnard dans La réor<br />

ganisation de la propriété rurale dans la Mitidja, Alger, 1949.


— 204 —<br />

constitution territoriale des Abid-et-Feraïlia qui totalisent alors<br />

4.118 ha. 82 a. 15 ca. (1). Pour la répartition des terres on essaya<br />

de se rapprocher des principes déjà adoptés pour les Ouled-<br />

Kosseïr, mais, sur certains points, on s'en écarta sensiblement.<br />

C'est ainsi que les lots accordés ne furent pas strictement<br />

proportionnels aux superficies que chaque individu avait jus<br />

que-là mises en culture. D'une part, si beaucoup<br />

de khammès<br />

ne reçurent que de simples lots urbains dans les douars, certains<br />

cependant furent admis parmi les bénéficiaires de la répartition<br />

sans apporter leur contingent au nombre des charrues recen<br />

sées : chez les Feraïlia 11 familles reçurent ainsi 177 ha. 07 a.<br />

et chez les Abid 16 autres totalisèrent 167 ha. 53 a. 29 ca. D'autre<br />

part, on accorda des lots à 13 chefs de famille (5 chez les Feraïlia<br />

et 8 chez les Abid) étrangers aux tribus cantonnées chez les<br />

quelles ils ne comptaient que 4 à 15 ans de présence. Enfin, on<br />

décida, pour les Abid tout au moins, de fixer à chaque lot un<br />

minimum de contenance. Cette libéralité s'explique par le fait<br />

que la colonisation ayant renoncé à tout nouveau prélèvement,<br />

on se trouvait pouvoir disposer d'une quantité de terres jugée<br />

suffisante. Les Feraïlia obtinrent 13 ha. 44 a. par tente ou 1 ha.<br />

91 a. par individu. Par contre, l'étendue des terres de parcours<br />

(410 hectares chez les Feraïlia et 820 chez les Abid) n'atteignait<br />

pas les proportions indiquées par les circulaires gubernatoria-<br />

les, c'est-à-dire un hectare par tête de gros bétail ou par 10 têtes<br />

de chèvres et moutons (2).<br />

On réunit la population en cinq villages ou douars, un pour<br />

les Feraïlia et quatre pour les Abid. Le site de chacun d'eux fut<br />

choisi dans la partie la plus saine du territoire et on y réserva<br />

(1) Ainsi répartis :<br />

Feraïlia Abid<br />

Réserves forestières 232 ha 88 a 90 557 ha 80 a 70<br />

Bois communaux 203 ha 31 a 75<br />

Terrains de parcours 410 ha 50 a 55 820 ha 06 a 00<br />

Terres de culture 672 ha 25 a 95 1.136 ha 49 a 00<br />

Emplacement des douars 24 ha 99 a 00 60 ha 40 a 30<br />

(2) Voir les chiffres des troupeaux p. 207.<br />

'<br />

1.340 ha 74 a 40 2.778 ha 07 a 75


— — 205<br />

des lots urbains de 10 ares au moins, un emplacement vague<br />

où les khammès étrangers pourraient installer leurs tentes ou<br />

gourbis (mais sans que l'occupation n'impliquât jamais pour<br />

eux droit de propriété) et un autre emplacement pour la réu<br />

nion des troupeaux, les silos, les meules à fourrages et les tentes<br />

de voyageurs. On avait même songé à réserver, dans chaque<br />

village, un certain nombre de lots en prévision de l'accroisse<br />

ment des familles, mais Chasseloup-Laubat, alors Ministre de<br />

l'Algérie et des Colonies, s'y opposa, ne voulant pas d'une nou<br />

velle intervention de l'Etat et estimant inutile d'ouvrir une voie<br />

dans laquelle l'Administration ne tarderait pas à s'arrêter par<br />

l'épuisement des lots délimités. Le travail du cantonnement fut<br />

approuvé, à cette restriction près, par décision ministérielle du<br />

5 novembre 1860.<br />

III. —<br />

LES<br />

CONSEQUENCES<br />

Que devinrent tout d'abord les villages constitués ?<br />

Les archives nous donnent quelques précisions sur l'un<br />

d'entre eux, celui d'Aïn-Sadok, au sud immédiat du territoire<br />

de Duperré, à un kilomètre environ de la route d'Alger-Oran<br />

(voir plan p. suivante). Il avait été créé lors des opérations du<br />

cantonnement des Abid et, pour mieux fixer au sol les Indigènes,<br />

le Génie avait construit sur les lots urbains des maisonnettes<br />

à l'usage des concessionnaires à la disposition desquels avait<br />

été mis un vaste terrain de 280 hectares (1).<br />

Le village échoua. Quelques années plus tard, les maisons<br />

tombaient en ruines; les Indigènes avaient disparu. En 1881<br />

lorsque l'on étudie l'agrandissement du Duperré,<br />

au village d'Aïn-Sadok que trois Indigènes occupant 22 hecta<br />

on ne trouve<br />

res; trois lots urbains avaient été acquis par un Européen et<br />

personne ne réclamait les autres qui semblaient être tombés en<br />

déshérence. Quant aux lots ruraux, ils constituaient une partie<br />

des terrains de parcours abandonnés en 1868 au douar Bou-<br />

(1) L'acte administratif concédant les lots urbains ne date que du 2 mai<br />

1863 et il ne fait pas mention des lots ruraux (n° 35 et 36 bis de carte).


— — 206<br />

Zehar. L'acquisition des uns et des autres soulevait des diffi<br />

cultés et fut une des causes de l'échec de<br />

Duperré.<br />

l'agrandissement de<br />

De la ruine du village d'Aïn-Sadok doit-on conclure au<br />

rôle néfaste du cantonnement? Bourgeret, chef du bureau arabe<br />

de Miliana, présente les Indigènes comme fort satisfaits de<br />

l'opération; selon lui, les habitants des tribus voisines seraient<br />

tout disposés à accepter un cantonnement qui substituerait à<br />

leurs droits évasifs sur de grandes étendues, des droits réels sur<br />

une étendue plus restreinte. A en croire Duvernois, les Indigè<br />

nes ont fui, cédant leurs droits à la maison qu'ils avaient dû<br />

construire et au lot de terre qui devait leur échoir contre une<br />

somme de 25 à 30 francs; il prétend, en 1865,<br />

que neuf conces<br />

sionnaires sur dix ne sont plus propriétaires. Essayons d'avoir<br />

recours aux chiffres pour nous faire une opinion.<br />

Quelle était la situation à l'origine ? Carette ne donne aucun<br />

renseignement précis. Le Tableau de la situation des établisse<br />

ments français de 1844-1845 fournit par contre d'intéressantes<br />

statistiques sur la population et les ressources. Le chiffre donné<br />

pour la population (160 habitants pour les Abid comme pour les<br />

Feraïlia)<br />

étaient d'importance égale,<br />

peut paraître suspect : nous savons que les deux tribus<br />

mais les évaluations semblent bien<br />

faibles. Nous croyons cependant devoir les admettre parce<br />

qu'elles sont dues à deux des officiers les plus remarquables des<br />

Bureaux arabes, Margueritte et Salignac-Fénelon, qui avaient<br />

parcouru maintes fois la région, et aussi parce que, comparée<br />

à celle des autres tribus, l'importance relative des troupeaux<br />

par rapport à la population,<br />

ne présente rien d'anormal. Nous<br />

savons d'ailleurs que la mainmise du Domaine sur les terres<br />

du makhzen avait été suivie d'un exode important. Là est l'ex<br />

plication de la déficience démographique que nous constatons.<br />

Dès 1848, la situation est complètement modifiée. Par suite<br />

du retour de ceux qui avaient fui et surtout du transfert des<br />

Béni-Ferah, la population a considérablement augmenté : 368<br />

habitants chez les Feraïlia et 647 chez les Abid, soit 1.015 pour<br />

les deux tribus qui labouraient 1.500 hectares (1). Le mouve-<br />

(1) Dans un registre de 1847 (G. 21 H 19) on trouve groupés sous le nom<br />

de « Zmoules » les Abid, les Feraïlia, les Mouhabba et les Sbahia, la popula<br />

tion totale étant de 2.238 individus. Dans le Tableau de 1844-1845, les Mouhab<br />

ba étaient portés avec 270 habitants et les Sbahia avec 358.


— — 207<br />

ment de croissance démographique se poursuit jusqu'en 1852,<br />

tes Abid et les Feraïlia comptant alors 1.575 habitants. Il semble.<br />

que ce soit le sommet de la courbe. Dès 1854,<br />

avant même par<br />

conséquent le cantonnement collectif, la population n'est plus<br />

que de 1.449 individus. Un décret d'août 1859, faisant très pro<br />

bablement état de chiffres de 1858 (année qui suit le cantonne<br />

ment collectif), attribue aux Abid-et-Feraïlia 1.300 habitants.<br />

La statistique officielle de 1866 ne leur en accorde plus que 843<br />

dont 579 pour les Abid et 264 pour les Feraïlia : ces derniers<br />

avaient subi le coup le plus rude parce qu'ils avaient perdu,<br />

avec le seul bled Sahari, le tiers de leurs terres et les meilleures.<br />

Mais il est certain que le cantonnement n'est pas seul en cause<br />

puisque le recul démographique lui est antérieur. Peut-être<br />

n'est-il pas inutile de rappeler qu'en 1865 le pays avait subi une<br />

série de huit années de récoltes médiocres susceptibles d'avoir<br />

déterminé une certaine émigration (1).<br />

Années<br />

1844<br />

(F<br />

1848<br />

1852<br />

1854<br />

1859<br />

1860<br />

1866<br />

1868<br />

A<br />

F<br />

A<br />

F<br />

A<br />

(A<br />

IF<br />

A<br />

Population<br />

160<br />

160<br />

647<br />

368<br />

854<br />

721<br />

778<br />

671<br />

670<br />

423<br />

264<br />

579<br />

1.300<br />

1000<br />

320<br />

1.015<br />

1575<br />

1.449<br />

1.093<br />

843<br />

A : Abid.<br />

Bœufs<br />

et Vaches<br />

120<br />

161<br />

261 j<br />

198 |<br />

437 ;<br />

237 S<br />

542 i<br />

281 \<br />

598<br />

437<br />

(1) G. Miliana 2e T. 1865.<br />

450<br />

281<br />

459<br />

674<br />

823<br />

1.035<br />

F : Feraïlia<br />

Moutons<br />

et chèvres<br />

S3""<br />

2.200J<br />

3.300<br />

1.100}<br />

Si"»<br />

2.708<br />

1.419 4.127<br />

2.800<br />

Chevaux<br />

10 j<br />

10 ]<br />

6 )<br />

9 S<br />

12 |<br />

13 )<br />

82<br />

49<br />

20<br />

15<br />

25<br />

131<br />

84<br />

64<br />

45<br />

10<br />

15<br />

10<br />

26<br />

20<br />

19<br />

26<br />

Mulets<br />

148<br />

30<br />

25<br />

35<br />

46<br />

45


—<br />

— 208<br />

Comment avait évolué la richesse des tribus ? En<br />

tre 1844 et 1852, le troupeau se développe considérable<br />

ment en même temps que la population. Mais, par la suite,<br />

la décroissance démographique ne s'accompagne pas d'une<br />

diminution comparable dans les diverses espèces du cheptel et,<br />

en 1860, si le nombre de moutons et de chèvres a diminué de<br />

plus de 30 %, celui des bœufs et des vaches a augmenté d'envi<br />

ron 25 . % Alors survient te cantonnement individuel. Nous man<br />

quons malheureusement de chiffres sur les ressources au cours<br />

des années qui suivirent la constitution de la propriété. Lors de<br />

l'application du Sénatus-consulte, en 1868 (1), les Abid-et-Fe-<br />

raïlia furent incorporés dans le douar Bou-Zehar de 1.298 habi<br />

tants et comptant un troupeau d'environ 3.700 moutons et chè<br />

vres, 600 bœufs et vaches, 660 chevaux, 40 mulets (et une cen<br />

taine d'ânes).<br />

Quelle part de ces richesses revenait aux Abid-et-Feraïlia ?<br />

Territorialement ils couvraient un peu plus des trois quarts du<br />

douar Bouzehar (3.983 ha. 75 sur 5.135 ha. 08). Il semble donc<br />

que l'on puisse admettre qu'ils disposaient d'une population<br />

d'environ un millier d'habitants et d'un troupeau de 2.800 mou<br />

tons et chèvres, 450 bœufs et vaches, 45 chevaux, 30 mulets. Si<br />

l'on accepte ces nombres et si on les compare à ceux de 1860,<br />

on ne peut que constater la chute catastrophique : la population<br />

a baissé de moins de 10 %<br />

accusant même un relèvement par<br />

rapport à 1866, mais le troupeau de bœufs a perdu 55 % de ses<br />

effectifs, celui de moutons 32 %, et celui de chevaux et mulets<br />

près de 50 %. Peut-on imputer au cantonnement seul un tel<br />

appauvrissement ? Ce serait conclure un peu rapidement et<br />

oublier en particulier que les récoltes de 1866 et de 1867 ayant<br />

été catastrophiques, les tribus avaient dû se débarrasser à vil<br />

prix d'une bonne partie de leurs troupeaux qu'elles ne pouvaient<br />

plus nourrir. On peut seulement affirmer que la constitution<br />

(1) Ou plus probablement en 1867, le décret de répartition signé de l'Em<br />

pereur, après rapport du Ministre de la Guerre, étant de septembre 1868.


209-<br />

de la propriété individuelle n'était pas la panacée que l'on avait<br />

imaginée et Duval et Warnier avaient tort de croire qu'elle eût<br />

pu conjurer les grandes calamités de 1867-1868 (1).<br />

(1) Pour mieux apprécier les conséquences du cantonnement des Abid-<br />

et-Feraïlia comme de celui des Ouled-Kosseïr, nous avons songé à utiliser la<br />

méthode comparative en mettant en parallèle l'évolution des tribus canton<br />

nées et celle des tribus qui ne le furent point. Cette méthode est en réalité<br />

inapplicable car on risque fort de comparer des choses qui ne sont point com<br />

parables :<br />

— d'abord,<br />

il faudrait étudier des tribus voisines et placées dans une situa<br />

tion géographique semblable. Or, à proximité des Abid-et-Feraïlia comme<br />

des Ouled-Kosseïr qui sont essentiellement des tribus de plaine, on ne<br />

trouve que des tribus dont une grande partie du territoire est en monta<br />

gne ;<br />

— en second lieu, il est difficile de comparer, dans leur évolution, les tribus<br />

où des centres furent établis (Orléansville, La Ferme, Pontéba, Duperré...)<br />

—<br />

et celles qui restèrent longtemps encore loin de toute agglomération euro<br />

péenne. On attribuerait fatalement au cantonnement des conséquences<br />

heureuses ou malheureuses qui ne lui sont pas imputables ;<br />

surtout, on ne dispose pas de documents statistiques satisfaisants. On peut<br />

établir, à l'aide des Archives Nationales, la richesse de toutes les tribus<br />

en 1852 ou 1854, c'est-à-dire avant l'application du cantonnement, mais il<br />

est impossible de comparer les chiffres dont on dispose pour les années<br />

qui suivent le cantonnement. Ces chiffres sont, en effet, ceux que four<br />

nissent les commissions ayant appliqué le sénatus-consulte de 1863 et,<br />

pour la vallée du Chélif, ils vont de 1866 à 1869, suivant les tribus. Or, il<br />

s'agit là de la période de misère et de famine la plus grave qu'ait connue<br />

l'Algérie et au cours de laquelle les tribus du Chélif en particulier ont<br />

souvent été ruinées en quelques mois. Par suite, en l'absence de recense<br />

ments simultanés, toute comparaison serait entachée d'erreur.


CHAPITRE IV<br />

La fixation au sol<br />

Habitation et habitat


Les tribus délimitées ou, ce qui est mieux, cantonnées, les<br />

Bureaux arabes considèrent que les Indigènes ne doivent plus<br />

abandonner l'emplacement assigné : c'est la première étape<br />

vers la fixation. Ceux qui s'écartent de leur tribu y sont ramenés<br />

de force, telles, en 1847, six tentes des Ouled-Bel-Arbi (fraction<br />

qui avaient émigré dans le cercle de Tiaret (1).<br />

des Béni-Lent)<br />

La tente d'ailleurs doit disparaître. La propriété individuelle<br />

appelle la maison et les villages ont surgi, avec le cantonnement,<br />

chez les Ouled-Kosseïr, les Abid, les Feraïlia (2). C'est là une<br />

des conditions de la sécurité, mais aussi l'une de ses conséquen<br />

ces. L'Arabe, pense-t-on, professe peu d'enthousiasme pour sa<br />

tente en grosse laine dont le toit flottant l'abrite mal; les circons<br />

tances de guerre et de désordre dans lesquelles il vivait l'obli<br />

geaient à conserver une habitation qu'il pouvait transporter<br />

rapidement ailleurs à la moindre alerte,<br />

mais vienne la paix<br />

et il désirera une bonne maison (3).Bâtir c'est aller au-devant de<br />

ses désirs. C'est également, pense Richard, résoudre le problème<br />

de l'utilisation et de la circulation de l'argent indigène. On<br />

bâtira donc maisons et villages.<br />

(1) N 463, 1847, Téniet-el-Had, rapport 2" q. de janvier.<br />

(2) La même évolution s'observe plus tard dans le Sersou où, avec l'ex<br />

tension de la propriété individuelle, se multiplient les mechta. Bernard et<br />

Lacroix (170) 203, 251.<br />

(3) C'est l'avis général, que l'évolution future ne devait d'ailleurs pas<br />

confirmer. Hugonnet est l'un des rares officiers des Bureaux arabes hostile<br />

aux constructions, estimant la tente préférable à la maison et indispensable<br />

à cause des pérégrinations imposées par le genre de vie des Indigènes. Hu<br />

gonnet (6) 129-132.


— A<br />

LES MAISONS<br />

« C'est une grande et belle pensée, écrit Montgravier, en<br />

1850, que d'avoir rattaché le perfectionnement physique, moral<br />

et intellectuel de la race arabe à sa fixation au sol; d'avoir com<br />

pris que la substitution de la maison à la tente était le premier<br />

milliaire de la voie de la civilisation... » (1). Ainsi, en bâtis<br />

sant, non seulement on assure la sécurité mais on civilise. Ce<br />

n'est pas uniquement une opération de police,<br />

humanitaire.<br />

c'est une œuvre<br />

On se passionna pour cet idéal, pour cette mode dirent<br />

les adversaires. Chaque chef de bureau arabe devint un bâtis<br />

seur et pendant dix à douze ans surtout (jusqu'en) 1858 environ),<br />

l'Algérie, et en particulier notre région, connut une véritable<br />

fièvre de la construction. L'émulation s'établit entre les divers<br />

cercles : il fallait absolument « avoir plusieurs chefs de tribus<br />

de son commandement en train de faire construire; un tel qui<br />

en avait huit ou dix était un homme bien plus remarquable que<br />

celui qui n'en avait que deux ou trois ». (2). Les ennemis du<br />

régime militaire parlèrent du désir d'éblouir, des millions jetés<br />

de la poche des Indigènes dans celle de l'industrie et du com<br />

merce algériens . (3) On vit alors surgir, et en nombre, les édifices<br />

les plus divers : maisons de commandement, constructions d'uti<br />

lité publique, maisons particulières, dont nous allons mainte<br />

nant essayer de préciser les caractères et l'importance.<br />

I. —<br />

LES<br />

MAISONS DE COMMANDEMENT<br />

Leur conception, toute militaire, semble appartenir au<br />

Gouverneur Général Charon et se rattache à la doctrine de la<br />

(1) Montgravier (1) 2" lettre p. 15,<br />

(2) Hugonnet (6) 136.<br />

(3) A. Duvernois (59) 69 ; critique d'autant plus curieuse que le même<br />

accuse les Bureaux Arabes d'être hostiles à tout ce qui touche aux civils.


— 214 —<br />

domination par les chefs indigènes. Il s'agit d'édifier,<br />

aux frais<br />

des tribus et en des points que nos troupes ne pouvaient occuper<br />

de manière permanente, de petites forteresses devant servir<br />

d'habitations aux grands chefs dont la sécurité était ainsi<br />

assurée, et destinées à jouer le rôle de dépôts de vivres pour<br />

nos colonnes expéditionnaires, de réduits pour nos alliés et aussi<br />

d'étapes commodes pour les voyageurs. « Autour de ces petits<br />

forts,<br />

semblables aux châteaux du Moyen Age qui réunissaient<br />

sous la protection de leurs tours les manoirs des paysans et<br />

des vassaux, viendront se grouper les familles du parti fran<br />

çais, assurées de nous y voir accourir nous-mêmes pour les<br />

défendre contre l'ennemi commun, au jour du danger. Postes<br />

militaires en temps de guerre,<br />

ces établissements seront en<br />

temps de paix le moyen de la colonisation indigène, et, pour<br />

notre domination,<br />

un centre d'action d'autant plus efficace<br />

qu'elle s'exercera par l'intermédiaire de la population indigène<br />

elle-même et que notre main y paraîtra moins... » (1).<br />

Richard ne pense pas autrement et, dans les étapes qu'il<br />

assigne au développement de la société arabe, la troisième, celle<br />

de la féodalité indigène stable, se caractérise par la construc<br />

tion d'une habitation crénelée pour le chef que nous voudrons<br />

mettre à l'abri d'un coup de main et qui, protégé par de solides<br />

murs de maçonnerie, fera mieux respecter son autorité. Systé<br />

matiquement on devra bâtir autour de ce château les maisons<br />

de tous les notables de la tribu. « Nous obtiendrons ainsi deux<br />

résultats également précieux : le premier d'inspirer la recon<br />

naissance aux hommes considérables de la tribu en les initiant<br />

à une existence plus heureuse; le second, d'assurer la tranquil<br />

lité du pays,<br />

en réunissant dans nos mains ou, ce qui revient<br />

au même, sous clé, tous les ressorts qui peuvent l'agiter; d'une<br />

part bonheur pour le peuple, d'autre part, sûreté pour notre<br />

avantages pour tous... » (2).<br />

domination,<br />

Que furent ces maisons de commandement ? L'emplace<br />

ment était, en général, choisi avec soin comme par exemple<br />

(1) Montgravier (1) 2" lettre p. 21-22.<br />

(2) Richard (20) 35.


— — 215<br />

pour celle des Doui-Hasseni dominant le Nahr-Ouassel et com<br />

mandant le Sersou (1). La construction se faisait sous la sur<br />

veillance du bureau arabe et l'inauguration s'accompagnait<br />

parfois d'une véritable cérémonie avec grand concours de chefs<br />

comme ce fut le cas lors de l'installation, en novembre 1849, du<br />

Caïd des Caïds des Béni-Menna dans sa maison de comman<br />

dement (2).<br />

Le nom cependant ne doit pas faire illusion sur l'impor<br />

tance de l'édifice. Nous savons que dans le cercle de Ténès, en<br />

1853, on comptait neuf maisons de commandement (3), cinq<br />

de deuxième classe n'ayant que deux chambres, une petite<br />

écurie et une cour; quatre de première classe composées cha<br />

cune de trois grandes chambres, d'une vaste cour avec écuries<br />

et d'une salle pour tes hôtes. Une seule de ces dernières, dite<br />

de Chebeïlia, était plus importante par la solidité de sa cons<br />

truction et la présence de deux fortins à deux angles opposés<br />

pour en défendre les deux faces; elle avait été bâtie par le Génie.<br />

Chez les Béni-Menad, à quatre kilomètres de Marengo, sur<br />

la route menant à Miliana, l'autorité française avait également<br />

construit, pour le caïd, une maison de commandent avec une<br />

tour et des fosés; elle abritait une vingtaine de personnes.<br />

Dans le cercle de Téniet-el-Had il n'y avait pas de maisons<br />

de commandement proprement dites, mais on considérait com<br />

me telles les maisons habitées par le bach-agha et les caïds des<br />

tribus parce qu'elles étaient, en général, construites avec de<br />

petits bastions et susceptibles de défense. Certaines paraissent<br />

même avoir eu un aspect assez imposant : celle des Ouled-Bes-<br />

sam comptait trois grands logements et était défendue par une<br />

enceinte de 34 mètres de côté; celle des Doui-Hasseni, bâtie sur<br />

un monticule,<br />

comportait neuf logements et une chambre pour<br />

les hôtes avec également un mur d'enceinte la mettant à l'abri<br />

des coups de main; le caïd des Ouled-Ayad avait fait bâtir sur<br />

(1) Philebert (15) 89.<br />

(2) N 468, 1849, cercle de Ténès 1 q. de novembre. Les Béni-Menna ont<br />

constitué les douars Baache et Talassa.<br />

(3) Contre 6 dans le cercle de Miliana et 8 dans celui de Téniet-el-Had.<br />

Dès 1849 on en dénombrait 39 pour l'Algérie entière (Tableau des établisse<br />

ments français 1846-1849 p. 720 et N 447).


— — 216<br />

une élévation une maison carrée de sept chambres, flanquée de<br />

bastions de 30 mètres de côté, d'une maçonnerie excellente, avec<br />

grande porte d'entrée en pierre de taille, couverture en tuiles<br />

et écurie pouvant contenir dix chevaux.<br />

Nous donnons ci-dessous le plan d'une de ces maisons,<br />

celle de Toukria qui date de 1848 et pour laquelle Margueritte<br />

avait fait planter 1.500 pieds de vigne et environ 400 arbres<br />

fruitiers. Construite par des ouvriers civils pour un chef indi<br />

gène,<br />

elle devait servir en même temps de caravansérail. C'est<br />

MAISON DE TOUKRIA<br />

Cette figure est une réduction de moitié de documents trouvés aux<br />

Archives Nationales (F 8° 443). L'échelle que l'on peut déduire des cotes<br />

(non reproduites) est ici de 1 : 200».


217-<br />

une maison vaste, mais simple, avec seulement deux bastions<br />

aux extrémités de la façade Est dans laquelle s'ouvrait la porte<br />

d'entrée.<br />

Dans l'Ouest du Tell algérois on ne trouve rien de compa<br />

rable aux maisons de commandement que l'on rencontrait alors<br />

en Oranie, dans la subdivision de Bel-Abbès par exemple, où<br />

celle des Ouled-Ali-ben-Youd, sur la Mekerra, gardant un des<br />

principaux débouchés par lesquels on communiquait avec le<br />

Sahara, pouvait au besoin contenir une garnison d'une compa<br />

gnie d'infanterie et d'un peloton de cavalerie.<br />

Au total, il ne semble pas que ces maisons fortifiées aient<br />

joué dans la colonisation indigène le rôle attractif qui devait<br />

être le leur et cela s'explique sans doute par leur position d'un<br />

accès souvent difficile. Elles furent essentiellement un moyen<br />

de pacification (1).<br />

IL —<br />

LES<br />

CONSTRUCTIONS D'UTILITE PUBLIQUE<br />

Si les maisons de commandement furent imposées aux<br />

Indigènes, il n'en fut pas de même des constructions d'utilité<br />

publique comme bains maures fondouks, moulins, fontaines,<br />

puits, etc.. Les ouvertures faites aux djemaas, lorsqu'il s'agit<br />

d'entreprendre l'un de ces édifices, sont à peu près toujours bien<br />

accueillies. Souvent même les Indigènes prennent l'initiative.<br />

En 1848, la tribu des Attafs demande à s'imposer d'une somme<br />

de six mille francs destinée à l'établissement d'un caravansé<br />

rail et d'un moulin à eau pour lesquels elle fournira de plus la<br />

pierre, la chaux, le petit bois, le sable, les transports et des ma<br />

nœuvres. Les Braz et les Béni-Ferah veulent également s'impo<br />

ser à raison de mille et de deux mille francs pour la construc-<br />

(1) N 447, 448, 450 (années 1852, 1853, 1854), tableaux des travaux pu<br />

blics ; N 443, lettre de Margueritte au colonel Rivet, directeur central des<br />

affaires arabes, le 13 mai 1848 : Tableaux des établissements français 1852-<br />

1854 et 1856-1858.


— — 218<br />

tion de moulins à manège et le mouvement est suivi par les<br />

Béni-Zoug-Zoug, les Béni-Hamed, les Djendels, les Blaëls (1).<br />

Richard surtout encourage les Indigènes. Il veut enseigner<br />

aux Arabes à utiliser leur argent,<br />

ramener à la surface et livrer<br />

à la circulation une quantité considérable de douros ensevelis<br />

dans le sol. On y parviendra par l'appât des bénéfices et à<br />

condition que les Indigènes retirent de leur geste un avantage<br />

certain, « le moindrs échec pouvant refouler encore plus bas<br />

les timides douros cachés sous terre ». Richard, évidemment,<br />

a un système susceptible d'assurer la réussite et il l'expose en<br />

ces termes : « Un moyen simple et qui promet toutes chances<br />

de succès consiste à leur faire construire en commun des établis<br />

sements d'utilité générale tels que bains maures, fondouks, ma<br />

gasins divers, etc., dont les loyers sont assurés. De là,<br />

on peut<br />

aller au prêt à hypothèque et enfin, plus tard, quand il y aura<br />

moins de danger à le faire, au prêt sur billet. On conçoit les<br />

avantages considérables que notre commerce et nos établisse<br />

ments naissants tireraient de pareilles ressources pécuniaires si<br />

rares dans le pays et dont l'absence annule tant d'efforts. Il faut<br />

poser en principe que l'argent indigène doit servir à asseoir<br />

notre domination, tout en augmentant la richesse des Arabes,<br />

c'est-à-dire nous donner un auxiliaire puissant,<br />

assurer la satis<br />

faction publique et créer le lien solide de l'intérêt com<br />

mun ». (2). Il propose de faire concourir les Indigènes à la<br />

construction de fontaines, puits, abreuvoirs, ponts, sentiers de<br />

montagne. La tribu tout entière, représentée par sa djemaa,<br />

sera ainsi amenée à s'occuper des travaux d'utilité publique :<br />

ce sera le début des futures municipalités qui échapperont au<br />

despotisme fiscal des chefs.<br />

Quelles furent les réalisations ? A Orléansville nous avons<br />

vu comment Richard avait fait entreprendre collectivement<br />

aux chefs indigènes la construction d'un bain maure. Les<br />

résultats répondirent à ses espérances. Les souscripteurs furent<br />

(1) N 465, 1848, Miliana, rapports 1 et 2° quinzaines d'avril. Les Blaëls<br />

se situent au nord immédiat de Téniet-el-Had. Les Béni-Hamed ont consUtué<br />

le douar Oulled Telbenet. Les Béni-Zoug-Zoug formaient une confédération<br />

groupant plusieurs tribus sur le versant méridional de l'Ouarsenis, au sud de<br />

Miliana.<br />

(2) Richard (18) 66.


— — 219<br />

étonnés en voyant que non seulement leur argent n'était pas<br />

perdu, mais encore qu'il était représenté par une maison dont<br />

le loyer leur rapportait du vingt pour cent. L'ouverture des bou- .<br />

tiques attenantes aux bains permit de localiser dans la ville )<br />

certaines industries arabes qui y faisaient défaut. On eut bientôt<br />

un sellier, un bijoutier, un marchand de fruits et un boucher (<br />

(qui débita des bêtes tuées suivant les prescriptions du Coran,<br />

mais auquel on interdit de vendre du bœuf pour ne pas concur<br />

rencer les bouchers français). Le but était atteint : les douros<br />

circulaient. Richard se plaît d'autre part à souligner les réper<br />

cussions sociales consécutives à la construction des bains. Pous<br />

sés par le bureau arabe, agha et caïds, en un pompeux cortège,<br />

y ont amené leurs femmes et celles-ci, pour la première fois,<br />

ont pu voir Orléansville. Amélioration du sort des femmes, mais<br />

aussi satisfaction donnée aux plus pauvres : « Un jour, le jeudi,<br />

est consacré exclusivement aux Arabes nécessiteux, à ces pau<br />

vres qui, en définitive, subissent toutes les charges, sans com<br />

pensation. Ce jour-là, tout malheureux y est reçu avec les égards<br />

qu'on accorde à ses chefs; il se lave, entend la musique, boit<br />

son café pour rien et s'en va content, probablement en avouant<br />

dans son âme que nous ne sommes pas aussi méchants qu'on<br />

veut bien le dire ». (1).<br />

Outre les constructions imposées par l'aménagement hy<br />

draulique et que nous examinerons plus loin, deux types d'édi<br />

fices méritent une mention particulière : les mosquées et les<br />

écoles. Les bureaux arabes n'accordaient pas le même intérêt<br />

aux unes et aux autres.<br />

S'ils travaillèrent parfois à la réfection des premières, ce<br />

n'est jamais, semble-t-il, avec beaucoup<br />

d'enthousiasme. Quelle<br />

fut, en effet, l'attitude des officiers des Bureaux arabes vis-à-<br />

vis de la religion musulmane ? Ils constatèrent d'abord, à leur<br />

arrivée dans le pays, que le culte était fort délaissé. Dans le<br />

cercle de Téniet-el-Had, les établissements religieux perdaient<br />

de plus en plus de leur importance. Au vieux Ténès, où existaient<br />

cependant trois mosquées fort belles, c'est à peine, signale<br />

Lapasset, si le vendredi il y a les douze fidèles voulus par le<br />

(1) N 468, 1849, Orléansville, 1 et 2° q. de novembre.


— — 220<br />

Coran pour que le muphti fasse la prière publique; dans les<br />

campagnes, où la négligence des pratiques religieuses se mani<br />

feste encore plus vivement, il est rare de rencontrer un musul<br />

man pouvant réciter les prières obligatoires. Dans la région<br />

d'Orléansville, pendant la disette de 1850-1851, on vit des Arabes<br />

manger du sanglier avec l'approbation de leurs chefs reli<br />

gieux (1). « Ne soyons donc pas plus musulmans, que les musul<br />

mans, écrit Lapasset, laissons les choses aller leur cours naturel;<br />

peut-être que cette négligence des pratiques religieuses pourra<br />

un jour amener l'indifférence religieuse, ce qui serait un grand<br />

bien pour l'assiette de notre conquête et l'essor de notre colo<br />

nisation. Il n'est pas opportun d'élever de nouvelles mosquées. »<br />

Avec Lapasset, Walsin-Esterhazy, Richard et beaucoup d'autres<br />

pensent que notre dominaition ne pourra jamais être acceptée<br />

par les Indigènes s'ils restent musulmans et surtout s'ils prati<br />

quent avec ferveur : aussi s'opposent-ils à toute politique ten<br />

dant à favoriser l'islamisation. Les mosquées restèrent peu nom<br />

breuses et il ne dépendit pas des Bureaux arabes qu'elles le<br />

fussent encore moins (2).<br />

Pour des raisons analogues, ils se montrèrent réticents ou<br />

même franchement hostiles lorsqu'il s'agit de construire des<br />

écoles indigènes. Pour Richard ce sont « les laboratoires du<br />

fanatisme » et il exprime l'avis de nombreux officiers lorsqu'il<br />

écrit : « Nous ne verrions, pour notre part, pas grand mal à ce<br />

que ces établissements tombassent en poussière, et à ce que<br />

le peuple arabe retournât à l'ignorance des premiers âges. Il<br />

nous serait alors possible de lui apprendre quelque chose et de<br />

nous l'approprier par l'éducation tandis qu'à présent la chose<br />

(1) N 447, 1852, Orléansville et Téniet, Inspections. Lapasset (10) 45.<br />

(2) Tous les chefs de bureaux arabes se sont occupés du problème reli<br />

gieux, par exemple : Lapasset (10), Walsin-Esterhazy (30), Richard en<br />

particulier dans (21) et (22). De très nombreux rapports abordent la ques<br />

tion.<br />

L'attitude de Richard est assez particulière. Il pense que l'Islamisme est<br />

corrompu et qu'il faudrait lie « rectifier » en rappelant aux Arabes l'exécu<br />

tion de leurs propres lois car « si nous parvenions à les rendre d'abord bons<br />

musulmans, il nous serait plus facile, le temps aidant, d'en faire un jour de<br />

passables chrétiens » (21) X à XIII. Mais son hostilité à la religion musulma<br />

ne reste entière et, selon lui, le peuple arabe après avoir brillé par le Coran,<br />

« agonise maintenant, écrasé sous son livre » (22) 15.


— — 221<br />

est entourée d'énormes difficultés. » (1). Mais d'autres chefs<br />

de bureaux arabes se montrent moins hostiles et pensent, qu'à<br />

la condition d'exercer un contrôle, il vaut mieux une instruction<br />

musulmane que pas d'instruction du tout. Margueritte fait un<br />

gros effort : un petit détachement de chasseurs du bataillon<br />

d'Afrique en garnison à Téniet-el-Had (détachement composé<br />

de maçons et de charpentiers) entreprend, dès 1849, de parcou<br />

rir successivement toutes tes tribus pour y bâtir dans chacune<br />

une école à l'emplacement désigné par le chef du bureau arabe.<br />

Poliot, à Cherchel, et Capifali, à Orléansville,<br />

travaillent dans<br />

le même esprit. Mais les tolba étaient vraiment trop médiocres<br />

pour que l'on pût espérer obtenir des résultats présentant quel<br />

que intérêt. (2).<br />

Lorsqu'il s'agit de répandre l'instruction française, tous les<br />

officiers accordent leur concours sans réserve, convaincus<br />

qu'<br />

« instruire l'indigène en lui donnant un enseignement fran<br />

çais, c'est travailler à l'édification d'une société algérienne toute<br />

française par ses tendances et ses opinions », c'est « préparer<br />

l'union sincère des deux races » et « mettre résolument la géné<br />

ration future dans la voie de l'assimilation et du progrès » (3).<br />

Pour mieux assurer te succès, Le Brun, de Téniet— el-Had, con<br />

seillait d'adjoindre un internat aux écoles arabes-françaises,<br />

pensant qu'il fallait autant que possible détacher les enfants<br />

de leurs parents si l'on voulait que la tolérance triomphât (4).<br />

Faute de moyens, les écoles arabes-françaises restèrent<br />

cependant peu nombreuses : six ou sept pour tout l'Ouest du<br />

Tell algérois et il semble bien que seule la contrainte assurait<br />

leur fréquentation : dans le cercle d'Orléansville, les trois<br />

écoles établies par le bureau arabe et qui totalisaient 110 élèves<br />

en 1869, virent ce nombre tomber à zéro lorsque les tribus<br />

furent placées sous la juridiction civile; il fallut les supprimer<br />

alors que les 63 écoles musulmanes, bien que ne disposant pas<br />

(1) Richard (17) 188.<br />

(2) N 468, 1849, Téniet-el-Had, rapport de février —<br />

4" T. 1857 ; Orléansville 2" T. 1860.<br />

G : Cherchel 2* et<br />

(3) G. Orléansville 1" T. 1863, Téniet-el-Had 2» T. 1867, Ténès 4« T. 1865.<br />

(4) G. Téniet-el-Had 2? et 4- T. 1866.


— — 222<br />

de véritables bâtiments scolaires,<br />

comptaient 653 élèves (1).<br />

Echec symptomatique qui montre que les Bureaux arabes ne<br />

réussirent pas dans leur politique de rapprochement. Et une<br />

question vient naturellement à l'esprit : pouvaient-ils obtenir<br />

de meilleurs résultats dans la transformation économique et<br />

sociale alors que l'hostilité des esprits n'avait pas désarmé et<br />

que l'ignorance régnait sans partage ?<br />

Construction.<br />

III. —<br />

LES MAISONS ORDINAIRES<br />

Les Bureaux arabes encouragent vivement la construction<br />

des maisons particulières surtout dans les régions où dominent<br />

les tentes qu'ils considèrent comme un type d'habitation infé<br />

rieur aux gourbis. Pour susciter le désir de construire, ils font<br />

valoir aux Indigènes que c'est le meilleur moyen qu'ils aient de<br />

conserver dans l'avenir une partie du sol qu'ils occupent, que<br />

le gouvernement, ayant besoin de terres pour les colons, revisera<br />

forcément la loi de 1851, mais que, dans tous les cas, on tiendra<br />

bon compte, à ceux qui seront sortis de leur apathie, des efforts<br />

qu'ils auront faits pour édifier une maison (2). Et, quand les<br />

constructions sont achevées les officiers insistent pour que, con<br />

formément aux promesses faites (3), des titres de concessions<br />

soient délivrés aux Indigènes. Dans la subdivision de Miliana,<br />

toujours citée en première ligne pour l'élan donné aux construc<br />

tions, ils excitent l'amour-propre des fellahs qui consentent à<br />

bâtir, et une véritable émulation s'établit entre les chefs dési<br />

reux de se surpasser les uns les autres; certains prennent même.<br />

(1) G. Orléansville 2* et 4- T. 1872, 1er T. 1873, 1" T. 1874. La plupart des<br />

rapports consacrent quelques lignes à la question scolaire que nous ne fai<br />

sons ici qu'effleurer.<br />

(2) N 475, Cercle de Miliana, rapport du 3' T. 1856. La loi du 17 juin 1851<br />

avait reconnu les droits de propriété et les droits de jouissance appartenant<br />

aux particuliers, aux tribus et aux fractions de tribus.<br />

(3) Circulaire du gouverneur général Charon du 15 juin 1849. Dans la<br />

province d'Oran La Moricière avait pris cette initiative deux ans aupara<br />

vant : voir Tinthoin (183) 328.


223 —<br />

l'initiative des constructions et viennent demander des ouvriers<br />

au bureau arabe. Afin de récompenser ce zèle, les Indigènes<br />

qui ont bâti sont, pour l'année, exemptés d'une partie de l'impôt<br />

proportionnée à leurs dépenses; on leur procure des arbres choi<br />

sis parmi ceux dont on veut répandre les greffes dans le pays;<br />

on leur accorde d'ensiloter dans l'intérieur de leur maison ou<br />

au voisinage; ils obtiennent des concessions de terrains autour<br />

de leur habitation et ils bénéficient de la préférence pour la<br />

location des terres domaniales à proximité; on autorise même<br />

quelques corvées en faveur de ceux qui édifient une maison (1).<br />

La construction décidée, le bureau arabe ne laisse pas l'In<br />

digène agir à sa guise. L'administration militaire affirme à<br />

l'occasion que, partout, les Indigènes bâtissent librement, là où<br />

ils se plaisent davantage, dans leur jardins, près de leurs sour<br />

ces, au milieu de leurs exploitations et de leurs amis. Les rap<br />

ports prouvent qu'il n'en fut pas ainsi : c'est le chef du bureau<br />

arabe, accompagné il est vrai des notables de la tribu, qui déter<br />

mine les emplacements où s'élèveront les constructions et qui<br />

fixe même l'époque à laquelle devront commencer les travaux.<br />

Il recherche parfois un emplacement tel qu'on puisse, chaque<br />

année,<br />

agglomérer des constructions nouvelles autour des pré<br />

cédentes, d'après un plan d'ensemble déterminé dès l'abord, et<br />

afin de parvenir en trois ou quatre ans à créer plusieurs petits<br />

villages. Mais, au début, on se préoccupe surtout des conditions<br />

de sécurité et ce n'est que par la suite, sous le Second Empire,<br />

qu'on laisse les Indigènes bâtir, suivant leurs goûts, près des<br />

oueds ou des sources,<br />

et rechercher surtout les conditions de<br />

bien-être et de prospérité. Alors, la pacification achevée, il ne<br />

s'agit plus de prouver à l'Arabe qu'il peut posséder en toute<br />

sécurité,<br />

mais de lui faire aimer ce qu'il possède. Il s'agit<br />

d'éveiller l'âme paysanne (2).<br />

(1) N 467, 1852, subdivision de Miliana ; N 448, 1853, rapport du général<br />

Camou ; N 471, 1852, cercle d'Orléansville ; G. Orléansville 4e T. 1856.<br />

Baudicour (39) 470-471 accuse les Bureaux arabes d'avoir accordé des<br />

concessions de 4 à 500 hectares aux chefs indigènes et de les avoir exemptés<br />

de plusieurs années d'impôts pour une petite construction. La critique paraît<br />

fort exagérée.<br />

(2) N 448, 1853, rapport du général Camou ; N 465, 1848, Téniet-el-Had,<br />

1 q. de mai ; N 468, 1849, Téniet-el-Had, 2" q. de janvier ; N 472, 1853, Mi<br />

liana, juin.


— — 224<br />

L'action du bureau arabe ne cesse pas avec le choix de<br />

l'emplacement des futures maisons. Richard trace un large pro<br />

gramme : le bureau arabe, selon lui, « doit non seulement exci<br />

ter à bâtir, mais encore présider aux constructions et les faci<br />

liter de tous ses efforts. Il faut, d'ailleurs, que l'Etat vienne à<br />

son aide,<br />

en facilitant l'achat des outils nécessaires et aussi en<br />

accordant quelques primes aux constructeurs, à titre d'encou<br />

ragement. Le bureau arabe devra, en outre, mettre un soin par<br />

ticulier à former des maçons et autres ouvriers indigènes, afin<br />

de rendre encore plus facile les détails d'exécution. Quand la<br />

maison sera bâtie, il faudra la meubler et l'entourer d'un jardin.<br />

Par le meuble nous toucherons aux mœurs; par le jardin, nous<br />

propagerons la première des sciences : l'agriculture ». (1).<br />

S'ils ne vont pas jusqu'à s'occuper de l'ameublement, les<br />

Bureaux arabes interviennent cependant dans le détail de la<br />

construction. Ils sont les intermédiaires indispensables entre<br />

les Indigènes et les entrepreneurs,<br />

aussi bien d'ailleurs lorsqu'il<br />

s'agit de bâtir une mosquée que de construire une maison par<br />

ticulière. Ils dirigent chaque jour vers les différents points du<br />

cercle les ouvriers européens et indigènes chargés des construc<br />

tions. Dans certains cas, ils facilitent les travaux en fournissant<br />

de la main-d'œuvre militaire. On les voit installer dans l'Ouar<br />

senis des brigades de scieurs de long pour débiter le bois néces<br />

saire aux entrepreneurs, ou établir sur le Nahr-Ouassel des équi<br />

pes d'ouvriers arabes et français qui, dès l'automne, préparent<br />

les briques, les tuiles et la chaux que l'on utilisera au printemps<br />

prochain.<br />

Pendant la construction, la surveillance des Bureaux ara<br />

bes ne se relâche pas car ils craignent que les Indigènes ne<br />

soient trompés par les entrepreneurs, ce qui inévitablement les<br />

ramènerait à préférer la tente ou le gourbi. Ils veulent aussi<br />

éviter les dépenses trop fortes et préfèrent allonger la durée<br />

des travaux : dans le cercle de Miliana, en 1852,<br />

une maison de<br />

deux chambres avec hangars revient à 1.000 ou 1.100 francs ;<br />

les moins riches étendent l'ouvrage sur deux ans, élevant la<br />

maison la première année et, l'année suivante, les murs de clô-<br />

(1) Richard (18) 64.


— 225 —<br />

ture et les hangars. Lorsque la bâtisse est terminée, c'est l'offi<br />

cier du bureau arabe qui l'accepte et, en sa présence, le pro<br />

priétaire paie le constructeur de la main à la main.<br />

Et la tâche n'est pas terminée. Le Bureau arabe surveille<br />

désormais l'état des constructions pour s'assurer qu'elles sont<br />

toujours habitables; il essaye de faire comprendre que la pro<br />

preté est un remède souverain contre les maladies et,<br />

en con<br />

séquence, de temps à autre, il prescrit le blanchiment des mai<br />

sons à la chaux. Il devient le tuteur des nouveaux propriétai<br />

res. (1).<br />

Pour avoir une idée de cette actiyité et des obstacles qu'il<br />

fallait surmonter, le mieux est encore de citer un des rapports<br />

qui en font état. Autour d'Orléansville, en décembre 1849, les<br />

travaux battent leur plein. On construit à la fois mosquées,<br />

moulins, prisons, abreuvoirs, maisons,<br />

quent pas :<br />

et les difficultés ne man<br />

« Tous les points sur lesquels des constructions ont été<br />

faites sont assez éloignés d'Orléansville pour qu'il soit impos<br />

sible de profiter avantageusement des quelques ressources que<br />

cette ville offre, soit en matériaux, soit en moyens de transport,<br />

soit en ouvriers de toutes espèces. Ces points n'étant même pas,<br />

pour la plupart, reliés par des routes carrossables avec cette<br />

ville, il a fallu créer, dans chacun d'eux, des chantiers complets<br />

et se satisfaisant à eux-mêmes. Ainsi, il a fallu ouvrir partout<br />

des carrières de pierres à bâtir, de pierres à chaux, de plâtre,<br />

trouver des terres convenables pour la fabrication de la brique<br />

rechercher les bois nécessaires à la cuisson des<br />

et de la tuile,<br />

fours, rapprocher les eaux pour les constructions, établir des<br />

installations provisoires pour les ouvriers maçons, chaufour<br />

niers, carriers, menuisiers, briquetiers et veiller à l'approvision<br />

nement des vivres de ces ouvriers, en général très difficiles à<br />

conduire et dont il fallait surveiller avec soin les relations avec<br />

les indigènes qu'ils étaient très disposés à maltraiter.<br />

(1) Surtout N 465, 1848, cercle de Miliana ; N 468, 1849, cercle d'Orléans<br />

ville ; N 447, 1852, subdivision de Miliana ; N 472, 1852, cercles de Miliana et<br />

d'Orléansville ; N 472, 1853, cercle d'Orléansville ; G : Orléansville 2.» T. 1856,<br />

3* T. 1860, septembre 1865 ; Téniet-el-Had, 3" T. 1856.<br />

15


— 226-^<br />

« L'expérience a fait apporter des modifications successi<br />

ves. Le manque absolu de bois de construction à Orléansville,<br />

la mauvaise qualité de ceux envoyés d'Alger et l'impossibilité<br />

de se servir de ceux qui ont été faits dans les forêts de l'Ouar<br />

senis autrement que pour les échafaudages, a fait renoncer com<br />

plètement à l'emploi des toitures ordinaires de France qui ont<br />

été remplacées par des voûtes légères en briques, ce qui a per<br />

mis de supprimer les tuiles qui étaient d'ailleurs d'un mauvais<br />

usage pour les Arabes qui les brisaient rapidement en voulant<br />

monter sur leurs toitures, soit par curiosité, soit pour y déposer<br />

une foule d'objets.<br />

« En ce moment, il est fait une expérience pour remplacer<br />

ces voûtes en briques par d'autres en béton qui seraient d'une<br />

exécution très facile, des pierres de petite dimension se trou<br />

vant presque partout ; il serait même possible de faire une<br />

partie des murs par ce moyen.<br />

« Il a été reconnu utile de repousser partout à l'intérieur<br />

les enduits au mortier qui étaient rapidement dégradés ; on leur<br />

a substitué avec avantage ceux au plâtre : cette dernière matière<br />

se trouve presque partout en abondance.<br />

« Il a fallu abandonner l'emploi des serrures qui ne résis<br />

taient pas plus de huit jours entre les mains des Arabes ; de<br />

simples verrous ont suffi » (1).<br />

On simplifie les travaux de menuiserie, on simplifie la dis<br />

tribution des maisons et ainsi on va plus vite, sans doute trop<br />

vite.<br />

Description.<br />

Comment se présentaient les maisons bâties par les Bureaux<br />

arabes ? A vrai dire on rencontrait les aspects les plus variés,<br />

beaucoup<br />

cependant ressortissant au type de la maison élémen<br />

taire avec un seul bâtiment que couvre un seul toit abritant à<br />

la fois le logis d'habitation et, lorsqu'elles existent, les dépen<br />

dances.<br />

(1) N 468, 1849, Orléansville, 2* q. de décembre.


— — 227<br />

Le caractère de ces constructions est parfois très primitif.<br />

Faute de pouvoir faire mieux, en 1848, Margueritte encourage<br />

de tout son pouvoir l'édification des maisons-gourbis que les<br />

Arabes construisent eux-mêmes et qu'il estime néanmoins bien<br />

préférables à la tente. Dès la fin de l'année, on en compte 120<br />

dans le cercle de1 Téniet-el-Had; elles sont faites en pierres liées<br />

avec de la terre grasse mêlée de sable et couvertes en diss! ou en<br />

chaume (1).<br />

La maison de maçonnerie, couverte en tuiles ou en tuiles<br />

et rondins (dans l'Ouarsenis), plus rarement en terrasse, se com<br />

pose le plus souvent d'une seule pièce de dix mètres sur quatre<br />

avec cheminée, dallage en briques,<br />

et dispose parfois d'une cour<br />

de dix mètres sur huit (2). L'uniformité de la construction et<br />

surtout des dimensions.dans le cercle Miliana en particulier,<br />

traduit bien l'unité de la conception. Dans certaines tribus, com<br />

me les Ouled-Sidi-Slimane, les Béni-Senouss et les Béni-Sou-<br />

meur du cercle de Miliana, des gourbis utilisés comme écuries<br />

complètent la construction. Chez les Righa, ces gourbis servent<br />

d'habitation aux khammès du maître de la maison.<br />

Les maisons à plusieurs pièces d'habitation sont moins fré<br />

quentes. Elles consistent, dans la plupart des cas,<br />

en deux gran<br />

des chambres communiquant l'une avec l'autre et formant une<br />

des faces d'une cour carrée de dix mètres de côté. Ces chambres<br />

sont éclairées chacune par une fenêtre donnant dans la cour,<br />

mais placée assez haut pour que l'on ne puisse voir de l'exté<br />

rieur dans la maison. Aux murs de la cour s'adossent des han<br />

gars servant d'écuries aux chevaux et bêtes de somme. Là aussi<br />

on retrouve beaucoup<br />

de ressemblance entre les diverses cons<br />

tructions et cela tient non seulement à l'impulsion directrice<br />

des Bureaux arabes, mais aussi au fait que ce furent les mêmes<br />

entrepreneurs qui édifièrent la plupart des bâtisses. L'un d'eux,<br />

connu de tous les Indigènes sous le nom de<br />

Carré, de Miliana,<br />

Kari, fut le grand bâtisseur de la vallée du Chélif, n'hésitant<br />

(1) N 465, 1848, Téniet, 2" q. septembre et 1 q. novembre ; Miliana,<br />

1" q. novembre.<br />

(2) Type très voisin de celui que l'on rencontre à la même époque chez<br />

les Douaïrs et les Zmélas où la pièce mesure 10 mètres sur 5 et la cour 10<br />

mètres sur 7 : Tinthoin (183) 132.


— 228 —<br />

pas à mettre à contribution les nombreux matériaux antiques<br />

qui par endroits jonchaient le sol. Le caïd des Braz et plusieurs<br />

de ses administrés durent ainsi leur logis aux Romains de Tigava<br />

municipium (1).<br />

Les constructions prenaient parfois une allure imposante.<br />

Le caïd des caïds des Béni-Menna disposait de quatre chambres,<br />

deux salles de réception, une vaste cour, des écuries pour dix<br />

chevaux. Le caïd des caïds des Béni-Hidja avait fait bâtir une<br />

vaste maison qui, outre une salle à manger, trois chambres pour<br />

les femmes, un cabinet de bains et une cuisine avec grand four,<br />

comprenait une belle salle de réception meublée à la fran<br />

çaise et destinée aux passagers européens forcés de débarquer<br />

par mauvais temps dans « la baie de Taraguia » (Baie de Te-<br />

rarenia ?).<br />

Certaines fermes, exploitant plusieurs dizaines d'hectares,<br />

/alignaient des bâtiments ayant 35 à 40 mètres de côté. On les<br />

/trouvait notamment dans le cercle de Téniet—el-Had, chez les<br />

j Béni-Méharez, les Ouled-Bessem Chéraga, les Béni-Maïda, les<br />

Ouled-Ammar, les Ouled-Oradj, les Béni-Lent. Sur le versant<br />

sud de la montagne, au milieu d'un bois et à proximité de l'eau,<br />

s'élevait, chez les Béni-Méharez, une maison de 37 mètres sur<br />

18, en maçonnerie de pierre, crépie à la chaux, couverte en<br />

planches et tuiles et possédant deux magasins et deux écuries<br />

pour 18 chevaux. Chez les Béni-Lent, une ferme carrée de 42<br />

mètres de côté abritait 25 habitants dans six logements avec, en<br />

plus, une maison d'hospitalité, le tout avec portes et fenêtres<br />

vitrées (2).<br />

Mais les constructions les plus importantes, les plus vastes<br />

demeures et les plus luxueuses, se rencontraient dans les villa<br />

ges dont elles furent souvent l'origine essentielle. Là, les chefs,<br />

aiguillonnés par l'amour-propre, édifièrent, au prix d'énormes<br />

dépenses, de véritables installations seigneuriales. Les plus bel-<br />

(1) N 471, 1852, Miliana ; Lapasset (11) 338-340 ; Lacroix (178) 333 ;<br />

Tableau des établissements français 1856-1858 p. 206-207. Chez les Béni-Ah<br />

med (Oued Telbenet) les constructions furent surtout l'œuvre d'un Italien<br />

qui, adoptant les habitudes arabes, s'installa ensuite dans la tribu.<br />

(2) N 468, 1849, cercle de Ténès ; N 465 1848, cercle de Ténès ; Tableau<br />

des établissements français 1852-1854 p. 346-362.


— — 229<br />

les, sans conteste, et qui firent sensation dans le Chélif, étaient<br />

celles de l'agha et du bach-agha des Djendel, situées à quatre<br />

kilomètres au nord-est du grand marché de la tribu (lequel se<br />

trouve à l'emplacement actuel de Lavigerie) et qui furent bâties<br />

avec l'aide des moyens de transport des Indigènes.<br />

L'habitation de Baghdadi, agha des Djendel, se composait<br />

d'un corps de logis avec premier étage, d'une vaste écurie pou<br />

vant loger 40 ou 50 chevaux et d'une maison des hôtes.<br />

Quant à la maison de Bou Alem, bach-agha des Djendel,<br />

elle n'avait peut-être pas d'équivalent dans le reste de l'Algérie.<br />

Elle se divisait en trois parties. L'une constituait le corps de<br />

logis proprement dit, avec un premier étage, et s'organisait<br />

autour d'un patio où jaillissait le classique jet d'eau; les cham<br />

bres étaient toutes plafonnées, carrelées et décorées de peintures<br />

sur plâtre; les portes et les fenêtres avaient été établies sur le<br />

modèle des anciennes maisons d'Alger. La seconde partie, atte<br />

nante à la première, comprenait les dépendances et des écuries<br />

susceptibles de recevoir 50 chevaux. La troisième partie, séparée<br />

des deux autres par un vaste jardin, entretenu par des ouvriers<br />

français, formait la maison des hôtes et tint lieu, jusqu'en 1855,<br />

de caravansérail sur la route de Miliana à Médéa, à peu près à<br />

égale distance des deux villes; elle était très fréquentée par les<br />

commerçants européens attirés de tous les points par le marché<br />

de l'Arba et Bou Alem avait fait exécuter, à ses frais, un chemin<br />

carrossable pour relier son habitation au marché.<br />

Selon le Tableau des établissements français en Algérie de<br />

1852-1854, les demeures de Baghdadi et Bou Alem coûtèrent à<br />

elles seules 500.000 francs; d'autres documents limitent l'esti<br />

mation à 160.000 ou 180.000 francs. Même en admettant ces der<br />

niers chiffres, on peut apprécier le caractère princier des habi<br />

tations si l'on songe que le prix moyen d'une maison ordinaire<br />

de deux chambres s'établissait alors autour de mille francs (1).<br />

La juxtaposition, souvent dans la même tribu, de maisons<br />

très modestes à côté d'autres très confortables, apparaît avec<br />

beaucoup de netteté lorsque l'on compare la valeur des cons-<br />

(1) Tableaux des établissements français 1852-1854 et 1856-1858. Baudi<br />

cour (168) 523.


— — 230<br />

tractions. Chez les Ouled-Ayad par exemple, où l'on compte<br />

huit maisons, le logis du bach-agha estimé 2.000 francs vaut, à<br />

lui seul, autant que les sept autres réunis. Aux Ouled-Mira et<br />

Ouled-Mbakhta, les 21 maisons que totalisent les deux tribus<br />

valent 12.000 francs dont 10.000 pour celle du caïd, avec ses<br />

trois chambres de dix mètres sur trois et son écurie pouvant<br />

contenir quinze chevaux. Le hameau des Ouled-Yahia, avec ses<br />

cinq maisons, est estimé 3.600 francs et la seule maison de l'agha<br />

6.000. Quant aux demeures de Bou Alem et Baghdadi, en accep<br />

tant l'évaluation modérée de 160.000 francs, elles surpassent à<br />

elles seules les 97 maisons du cercle d'Orléansville auxquelles<br />

les statistiques accordent une valeur globale de 148.200 francs.<br />

Dans quelle proportion rencontrait-on maisons à pièce<br />

unique, maisons à plusieurs chambres et vastes fermes ? Dans<br />

la région qui nous intéresse, nous avons pu déterminer la com<br />

position de 546 habitations en 1856 et nous avons constaté la<br />

prépondérance très marquée des maisons à une pièce : 415<br />

pour 80 à deux pièces, 32 à trois et 19 seulement dotées de plus<br />

de trois chambres. Les grosses fortunes étaient rares et il ne<br />

faut pas oublier qu'à l'époque, les propriétaires ne recevaient<br />

de l'Etat aucune aide financière.<br />

Un type d'habitation mérite une mention toute particu<br />

lière : ce sont les maisons collectives bâties pour les familles<br />

de mekhazenis. Nous verrons plus loin qu'il y eut des villages<br />

entiers de caractère militaire. Ici il s'agit seulement de vastes<br />

constructions isolées les unes des autres et placées en des points<br />

où il y avait intérêt à surveiller la circulation. Autant que pos<br />

sible on choisissait également des lieux favorisés sous le rapport<br />

de la fertilité des terres et l'abondance des eaux, dans l'espoir<br />

que chacune de ces maisons pourrait devenir le centre d'un<br />

futur village. Dans le cercle de Téniet-el-Had, en 1848, Margue<br />

ritte fit édifier quatre de ces bâtisses soit par les Indigènes, soit<br />

par les ouvriers militaires. Les murs étaient de bonne maçon<br />

nerie (1)<br />

avec toit de tuiles ou de rondins recouverts de terre.<br />

(1) Pour l'une d'entre elles sise dans les Ouled-Ayad on utilisa la pierre<br />

provenant d'une ruine romaine assez considérable.


— 231<br />

Nous donnons ci-dessous et p. 232 le plan de deux de ces mai<br />

sons. L'une destinée à loger cinq familles de mekhazenis des<br />

Blaëls s'élevait à 1.200 mètres environ au nord-ouest du camp de<br />

Téniet-el-Had; l'autre, beaucoup plus importante, située à. trois<br />

kilomètres au sud-est de Téniet-el-Had, sur le versant sud de<br />

la montagne dite Dra-el-Kerrouch, devait loger dix familles et<br />

possédait en outre un emplacement pour l'école, un café et une<br />

salle des hôtes; la prééminence du chef se marquait pas le fait<br />

qu'il disposait d'un appartement de deux pièces et d'une écurie<br />

particulière (1).<br />

MAISON DE MEKHAZENIS<br />

Cette figure est une réduction de moitié de documents trouvés aux<br />

Archives Nationales (F s» 443). L'échelle que l'on peut déduire des cotes<br />

(non reproduites) est ici de 1 : 200".<br />

(1) Les deux autres maisons de mekhazenis du cercle de Téniet-el-Had,<br />

se trouvaient chez les Ouled-Ayad et devaient abriter chacune 5 familles.<br />

Leur plan était voisin de celui de la maison de mekhazenis ci-dessus.


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Résultats.<br />

•233-<br />

Quelle fut au total l'ampleur du bouleversement apporté<br />

dans le mode d'habitation des Indigènes ? Nous disposons des<br />

statistiques faites par les Bureaux arabes pour les années 1853<br />

et 1856 et nous avons dressé un tableau mentionnant, pour cha<br />

que tribu, les constructions qui y furent faites, en distinguant<br />

les maisons isolées des hameaux (p. 236-239).<br />

Pour l'instant, examinons les constructions dans leur<br />

ensemble sans accorder une place à part à l'habitat ag<br />

gloméré. Sur un total de 107 tribus nous en dénombrons<br />

63 qui comptent des constructions nouvelles, soit plus de<br />

la moitié. Mais la différence est considérable d'un cercle<br />

à l'autre. Presque rien dans le cercle de Cherchel, ni même<br />

dans celui de Ténès si l'on excepte le village de la Smala dont<br />

nous parlerons plus loin. Dans la région de Téniet-el-Had, les<br />

ouvriers européens retirent un bon profit de la construction des<br />

maisons (100.000 francs jusqu'en 1851 en comptant les bâtiments<br />

d'utilité publique), mais le nombre des chefs qui suivent le<br />

mouvement reste cependant réduit. Situation meilleure dans le<br />

cercle d'Orléansville où chaque année s'élèvent quelques mai<br />

sons nouvelles : six en 1852, cinq en 1853, onze en 1854 (1).<br />

C'est le cercle de Miliana qui offre le plus bel exemple de<br />

transformation. D'une tribu à l'autre, il est vrai, les résultats<br />

sont très différents : certaines, en 1856 encore, ne comptent<br />

qu'une, deux ou trois maisons et 17 n'atteignent pas les 10 mai<br />

sons pour 11 qui en possèdent entre 10 et 20, et 10 qui en totali<br />

sent plus de 20 dont les Djendel s'inscrivant pour 40, les Attafs<br />

pour 33 et les Béni-Hamed pour 82.<br />

Dans l'ensemble toutefois l'activité est grande dans le cercle<br />

où 38 tribus sur 48 ont édifié des maisons. En 1850, 200 ouvriers<br />

dont 60 Européens sont occupés aux constructions. De 1851 à<br />

1852 seulement on voit le nombre de maisons passer de 364 à<br />

413, puis à 449 en 1853, à 471 en 1854, à 546 en 1856. Le mouve-<br />

(1) N 470, 1851, cercle de Téniet ; N 450, 1854, cercle d'Orléansville.


— — 234<br />

ment est tel qu'en 1854, le chef du bureau arabe signale que les<br />

Indigènes agissent de leur plein gré, sans qu'il soit besoin de<br />

les encourager, paraissant comprendre la supériorité des cons<br />

tructions de maçonnerie sur les gourbis (1) .<br />

Il serait intéressant de comparer cette activité constructive<br />

à celle qui régnait alors dans l'ensemble de l'Algérie; malheu<br />

reusement les statistiques manquent ou n'inspirent aucune con<br />

fiance (2). Nous savons seulement qu'en 1853 l'Ouest du Tell<br />

algérois totalisait 578 maisons. A cette époque seule la subdi<br />

vision d'Oran avec 483 maisons (chez les Douaïrs, Zmélas et<br />

Garabas) surpassait légèrement celle de Miliana qui en présen<br />

tait 449; celle de Mostaganem suivait loin derrière avec 254. Si<br />

l'on songe que Douaïrs et Zmélas avaient à ce moment ter<br />

miné leurs villages,<br />

alors que les Abid-et-Feraïlia n'avaient pas<br />

encore commencé les leurs et que d'autres tribus allaient éga<br />

lement entreprendre des constructions, on voit que nous som<br />

mes sans doute ici dans1 la région qui l'emporta sur toutes les<br />

autres en matière de constructions. Et, avec les 44 villages des<br />

Ouled-Kosseïr notamment, le cercle d'Orléansville devait lui<br />

aussi s'assurer, dans les années à venir,<br />

une place d'honneur.<br />

Le paysage s'en trouva-t-il réellement et profondément<br />

modifié ? Dans le cercle exceptionnellement bâtisseur de Mi<br />

liana, nous trouvons, en 1853, 427 maisons pour 4.489 gourbis<br />

et 5.775 tentes et la progression qui s'effectua par la suite ne<br />

modifia pas beaucoup le rapport. La population vivant dans<br />

ces maisons ne dépassait guère 8.000 habitants sur près de<br />

74.000. Dans le cercle d'Orléansville qui, dans notre région, sui<br />

vait celui de Miliana pour l'importance des réalisations, les 96<br />

maisons abritaient environ 700 habitants; peu de choses compa<br />

rativement aux 4.370 tentes et aux 9.652 gourbis dans lesquels<br />

vivaient plus de 56.000 Indigènes (3). Le cantonnement des<br />

(1) N 469, 1850, cercle de Miliana ; N 473, 1854, cercle de Miliana.<br />

(2) Quand Ribourt (90) parle de 35.254 maisons en 1854 et de 79.480 en<br />

1857, il est évident qu'il englobe dans son dénombrement autre chose que les<br />

maisons construites à l'européenne.<br />

(3) N 448, 1853, cercles de Miliana et d'Orléansville.


235-<br />

Ouled-Kosseïr devait y apporter, nous l'avons vu, une notable<br />

modification, sans cependant infirmer, pour l'ensemble du ter<br />

ritoire, cette vérité générale : la maison resta une habitation<br />

assez exceptionnelle, comme l'était la fortune (1).<br />

(1) A propos des Béni-Ahmed, Lacroix (178) 333, décrit les vallées de<br />

l'Oued Telbenet et de l'Oued Guergour, r présentant un coup d'oeil ravis<br />

sant de maisons blanchies à la chaux, encadrées dans des touffes de verdu<br />

re » et il ajoute « mais il est inutile d'en chercher ailleurs ; tous les grands<br />

propriétaires habitent ces maisons, laissant à leurs khammès le soin de la<br />

bourer leurs terres éloignées ».


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Orléansville<br />

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(3)<br />

NOM<br />

Ouled-Kosseïr<br />

Medjadja<br />

Tribus diverses<br />

Zougagha<br />

TRIBUS VILLAGES OU HAMEAUX<br />

Total du cercle.<br />

Total du cercle.<br />

Total de la subdivi<br />

sion d'Orléansville.<br />

N° SDR<br />

CARTE<br />

h.-texte<br />

56, 57, 58<br />

61, 64<br />

30<br />

6<br />

NOM<br />

OU EMPLACEMENT<br />

Village du Makhzen<br />

Village des Medjadja<br />

Village de la Smala<br />

NOMBRE DE<br />

MAISONS<br />

MAISONS<br />

ISOLEES<br />

POPULATION<br />

habitant<br />

des<br />

maisons<br />

SDRFACES<br />

CULTIVÉES<br />

par les habitants<br />

des maisons<br />

(en hectares)<br />

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(1) Les chiffres proviennent essentiellement des Tableaux de la situation des établissements français de 1852-1854 et 1856-1858;<br />

les documents d'archives nc-us ont permis d'y apporter quelques corrections. Nous avons exclu<br />

écoles et les caravansérails et nous n'avons porté que les tribus comptant des maisons.<br />

du dénombrement les<br />

(2) En se reportant au numéro indiqué on trouvera soit le nom même de la tribu, soit celui du ou des douars-communes<br />

formés par application du Sénatus-consulte. Ce sont donc les numéros et non les dénominations qu'il faut chercher sur<br />

la carte à la fin de l'ouvrage.<br />

C'est du moins ce que mentionnent les Tableaux, mais les Archives (N. 447) qui distinguent pour chaque tribu les tentes,<br />

les gourbis et les maisons, notent, chez les Béni-bou-Attab, la présence de 188 gourbis. Question de dénomination sans<br />

doute. Gourbis ou maisons, ces habitations sont en tous cas antérieures à l'action des Bureaux arabes.<br />

(4) Le village de Bou Alem compte pour 500 habitants et 1.500 hectares.<br />

(5) Pour le cercle de Téniet les statistiques fournissent les surfaces cultivées en zouidjas. Nous avons compté la zouidja com<br />

me valant 10 hectares.<br />

(6) Toute la population habitait dans des gourbis et les officiers des Bureaux arabes, jugeant que la fixation était suffisamment<br />

réalisée, ne poussèrent pas les Indigènes à construire des maisons. Cela seul suffirait à prouver que la fixation, qui com<br />

mandait la sécurité, était le but principal, l'amélioration des conditions d'existence ne venant qu'ensuite.<br />

(7) Les totaux sont entre parenthèses lorsque les colonnes de chiffres ne sont pas absolument complètes.<br />

»


— B<br />

—<br />

HAMEAUX ET VILLAGES<br />

Si nous examinons le tableau précédent, pour l'année 1856<br />

par exemple, nous constatons qu'une bonne partie de la popu<br />

lation ayant opté pour la maison vit agglomérée en hameaux<br />

et villages : sur un total de 739 maisons, 278, soit près de deux<br />

cinquièmes se trouvent ainsi groupées. Il ne peut s'agir d'un<br />

effet du hasard, ni même du jeu de diverses influences géogra<br />

phiques, mais de la volonté délibérée des officiers de Bureaux<br />

arabes sans l'assentiment desquels rien ne pouvait se faire.<br />

Pour quelles raisons ont-ils ainsi favorisé l'agrégation des<br />

Indigènes ? Richard nous le dit dans un de ses rapports pour<br />

justifier les instructions qu'il a données aux tribus dont il a<br />

la charge : « Quant à notre intérêt particulier écrit-il, il est<br />

manifeste qu'il sera mieux satisfait par l'établissement des<br />

villages que par la construction des maisons isolées. Dans ce<br />

dernier système nous améliorons l'état de l'Arabe, mais nous<br />

ne gagnons rien pour la sécurité générale et notre domination;<br />

la même indépendance, la même facilité de fuite existe pour<br />

les Arabes en même temps que les mêmes causes de défiance<br />

et de discorde qui les divisent. Dans le premier système, au<br />

contraire,<br />

nous obtenons d'avoir sur un point déterminé toute<br />

la partie importante de la population qui nous assure le reste;<br />

nous avons le cœur de la tribu, c'est-à-dire sa vie.<br />

« On pourrait signaler d'autres avantages, tels que la possi<br />

bilité de constituer par le village, la municipalité dans les<br />

tribus (1), la faculté d'établir des moulins et des boulangeries<br />

(1) En 1861, à la commission chargée de rédiger un projet de cantonne<br />

ment, Gandil reviendra sur cette idée et affirmera que l'un des buts pour<br />

suivis est de grouper les populations indigènes dans des centres de popula<br />

en villages, et de préparer les tribus à passer de leur organisation inté<br />

tion,<br />

rieure actuelle à l'organisation en communes » (154) 39. Yusuf aurait voulu<br />

tenter l'essai avec les Ouled-Kosseïr.<br />

16


— 242-<br />

en commun, deux résultats qui doivent profondément remuer<br />

la société arabe et l'amener à nous. Mais il suffit de montrer<br />

le côté politique de la question qui, à l'heure qu'il est, est le<br />

plus important.<br />

« Le chef du bureau arabe pense donc que l'établissement<br />

des villages, compris dans ce sens, devrait être préféré à la<br />

construction des maisons isolées qui ne peuvent avancer que<br />

faiblement la question de la conquête. » (1).<br />

Comment, sous quelles formes, se fit ce groupement de la<br />

population en villages ? Le tableau précédent ne donne que<br />

des valeurs numériques qui masquent la diversité de l'œuvre<br />

accomplie. Deux types de villages, au moins, doivent être distin<br />

gués : ceux qui furent des créations uniquement militaires, et<br />

auxquels on accorde de préférence le nom de smalas, et ceux<br />

qui rassemblèrent les Indigènes sans leur imposer un service<br />

militaire. On peut y ajouter un troisième type, mixte,<br />

où une<br />

fraction seulement de la population était soumise à des obliga<br />

tions militaires : nous en avons un bel exemple dans la smala<br />

de Ténès.<br />

I. —<br />

LES SMALAS (2)<br />

Le terme de smala est parfois employé pour désigner toute<br />

population agglomérée et fixe. Richard et Lapasset, entre autres,<br />

l'utilisent avec cette acception tout en lui donnant dans d'autres<br />

cas le sens de village de militaires indigènes,<br />

sens qui devait<br />

s'imposer par la suite et auquel nous nous tiendrons ici.<br />

Origine et organisation.<br />

Peut-on préciser l'origine des smalas ? Il est certain qu'elle<br />

remonte aux Turcs : la smala, c'est le makhzen au repos, ce<br />

(1) N 465, 1848, 1 q. de juillet. Lapasset partage cette opinion et, s'il<br />

accepte la création de fermes indigènes isolées, c'est seulement à la condition<br />

de les rattacher à un centre voisin (121) 81.<br />

(2) Richard écrit Zemalas » et Lapasset « zmoul ». Le véritable plu<br />

riel serait zmoul, mais la forme « smalas » semble avoir prévalu dans les<br />

textes.


— 243-.<br />

sont des cavaliers auxquels le Beylik a concédé des terres et<br />

qui se livrent aux travaux de l'agriculture, toujours prêts à les<br />

abandonner pour marcher au premier signal du Bey dont ils<br />

dépendaient. Une fois de plus, les Bureaux arabes allaient donc<br />

se mettre à l'école des Turcs.<br />

L'idée de faire participer à la sécurité une milice indigène<br />

de soldats agriculteurs apparaît dès 1845, dans les écrits des<br />

Saint-Simoniens notamment (1). A cette époque même, Lapasset<br />

entreprenait à Ténès l'organisation d'une première colonie indi<br />

gène que l'on peut, dans une large mesure,<br />

considérer comme<br />

la première smala d'origine française, mais qui aggloméra aussi<br />

(nous le verrons plus loin) un certain nombre d'Indigènes échap<br />

pant au service militaire.<br />

Un peu plus tard, en 1846, Lapasset, dans un petit ouvrage<br />

(2) demande, entre autres choses, la création de smalas pour les<br />

spahis : au lieu de caserner ces derniers qui ne peuvent s'habi<br />

tuer aux exigences de la « soldatomanie » (3), il propose de les<br />

organiser en villages par escadron, soit au total, pour l'Algérie,<br />

18 villages de 150 familles chacun; chaque spahi recevrait une<br />

maison qui lui aurait été construite par les Indigènes du cercle<br />

et, avec les siens, il s'adonnerait à la culture et à l'élevage, sur-<br />

(1) Emerit (61) 254-255. On peut évoquer ici la tentative de Voirol en<br />

1834 : il fit grouper à la Rassauta une cinquantaine de tentes d'anciens saha<br />

riens, les Aribs, dont les hommes devaient assurer la sécurité dans les envi<br />

rons de la Maison-Carrée : « On leur donna des charrues et on leur fit des<br />

avances en semences. Le projet du général était d'introduire peu à peu chez<br />

eux nos procédés agricoles et d'en faire une tribu modèle qui, par le bienêtre<br />

dont elle aurait joui, aurait donné aux autres la preuve de davantage<br />

de nos méthodes de travail et de la douceur de nos lois » ; Pellissier de Rey<br />

naud cité par Azan (34) 121. Mais il ne s'agissait pas ici de soldats réguliers<br />

et la tentative d'ailleurs ne fit pas école. On sait que le projet d'établissement<br />

des Aribs devait être repris par Bugeaud en 1846 ; Démontés (48) 513-516.<br />

(2) Mémoires sur la colonisation indigène et la colonisation européenne<br />

qui ne fut publié qu'en 1848.<br />

(3) Par ce néologisme, Lapasset indique toutes les corvées et mouve<br />

ments imposés aux cavaliers indigènes dans nos casernes : pansage, paqueta<br />

ge, harnachement, marcher botte à botte, etc.. p. 37-40. Hugonnet reprendra<br />

cette idée dans son ouvrage Français et Arabes en Algérie, insistant sur le<br />

fait que les spahis nous fournissent d'excellents éclaireurs, des partisans, des<br />

vedettes et qu'ils perdent leurs aptitudes par un séjour prolongé dans les<br />

casernes et par la pratique d'exercices fastidieux. Aussi approuve-t-il la créa<br />

tion des smalas qui permettent aux spahis de conserver les qualités des cava<br />

liers arabes et de devenir des intermédiaires entre nous et les gens des tribus<br />

(7) 169-171.


=-244 —<br />

tout à celui des chevaux. Suivant Lapasset, l'aisance régnerait<br />

dans les familles des cavaliers et les engagements dans les<br />

spahis seraient alors plus nombreux, ce qui paraît bien être<br />

le but essentiel. Mais ce projet n'eut pas de suite.<br />

Chose curieuse, Lapasset semble ignorer complètement ce<br />

qui se passe alors, cinquante kilomètres plus loin, à Orléansville.<br />

Plus extraordinaire encore est le silence observé par Saint-<br />

Arnaud dans ses lettres et surtout par Richard dans ses nom<br />

breux rapports, tous deux exerçant un commandement à Or<br />

léansville où venait de naître la première smala.<br />

Fleury raconte, en effet, dans ses Souvenirs, qu'à la fin de<br />

1844 il fut désigné par La Moricière en vue d'organiser à Or<br />

léansville le cinquième escadron de spahis : « Pour décider<br />

l'engagement des hommes de grande tente, écrit-il (1), il fallait<br />

pouvoir offrir à des gens mariés la facilité de se grouper aux<br />

portes de la ville, de se constituer en smalah et d'y planter leurs<br />

tentes pour eux, leur famille et leurs serviteurs. De cette façon<br />

ils garderaient leur personnalité, seraient affranchis de la vie<br />

de caserne et ne seraient astreints qu'à l'obligation d'avoir leurs<br />

chevaux de quartier... » Pour mettre son projet à exécution,<br />

Fleury demanda à Saint-Arnaud,<br />

qui commandait la subdivi<br />

sion, de délivrer à l'escadron des terres à cultiver collective<br />

ment et dont le revenu servirait à payer les constructions et<br />

à faire face aux améliorations futures. Quels furent les résul<br />

tats ? Fleury présente son entreprise comme un succès, après<br />

trois mois d'efforts, grâce à l'aide du commandant du génie<br />

Tripier, qui lui fournit pierres, madriers et briques. Et il ajoute:<br />

« C'est de cette organisation partielle des spahis d'Orléansville<br />

en smalah que date en grand l'application du système à tous<br />

les escadrons détachés à l'intérieur. »<br />

Nous avons cru tout d'abord, à cause justement du silence<br />

fait sur sa tentative, que Fleury s'attribuait un rôle qu'il n'avait<br />

point joué. La découverte d'une lettre du colonel Bosquet (com<br />

mandant la subdivision d'Orléansville) au général Levasseur<br />

(commandant la division d'Alger), lettre datée du 26 mai 1848 (2),<br />

nous oblige à lui accorder, sans aucun doute, le mérite d'avoir<br />

(1) Fleury (176) I 35-36.<br />

(2) N 1138.


— — 245<br />

organisé la première smala. On lit, en effet, dans cette lettre :<br />

« L'escadron de spahis d'Orléansville est organisé en zemela<br />

sur les bords d'un petit ruisseau à l'ouest de la ville et à 2.000<br />

ou 3.000 mètres. Le problème a été heureusement résolu et<br />

grâce aux soins intelligents et vraiment exceptionnels de M. le<br />

capitaine Fleury cet escadron, composé d'un choix des meilleurs<br />

cavaliers du pays, peut être cité comme modèle. Les tentes for<br />

ment un seul douar de grande dimension au centre duquel<br />

s'élèvent déjà quelques constructions, un café, une maison pour<br />

un officier; chaque tente a son troupeau et comme les cavaliers<br />

sont de bonne tente ils ont aussi des gens pour les aider. » (1).<br />

Bosquet ajoute même que l'on obtint de bons résultats.<br />

Mais où Fleury se leurre, c'est lorsqu'il croit avoir servi<br />

de modèle à l'organisation des smalas que préconisa Randon.<br />

Cela est tellement vrai qu'en octobre 1852, écrivant au gouver<br />

neur, le général Camou, commandant la division d'Alger, lui<br />

dit que la smala d'Orléansville n'est pas conforme à ses « der<br />

nières instructions parce qu'elle a été entreprise il y a déjà plu<br />

sieurs années » (2).<br />

Qui donc a provoqué les instructions de Randon ? M. Eme-<br />

rit soupçonne l'influence d'Urbain. Celle de Du Barail paraît<br />

plus certaine.<br />

Fin 1850 ou début 1851, alors qu'il dirigeait les affaires<br />

arabes à Blida, Du Barail adresse à Yusuf, commandant la pro<br />

vince d'Alger, un long rapport qui contient toute l'organisation<br />

future des smalas. Il proposait d'utiliser des terres domaniales.<br />

Les spahis mèneraient une existence conforme à leurs mœurs,<br />

vivant sous la tente avec leur famille. Ils bénéficieraient<br />

d'avantages qui assureraient le recrutement : exemption<br />

de certains impôts,<br />

concession temporaire de lots de terre.<br />

Pour les mettre à l'abri de toute agression, on construirait sur<br />

un terrain facile à défendre, une enceinte carrée, entourée d'un<br />

mur crénelé, flanqué aux quatre coins d'une sorte de bastion.<br />

L'enceinte contiendrait un pavillon pour le cadre français et<br />

seir.<br />

(1) La suite du texte indique que ce sont des khammès.<br />

(2) A. Orléansville, 1" carton,<br />

dossier du cantonnement des Ouled-Kos


— — 246<br />

des dépendances pour les différents services. Les spahis, vivant<br />

en contact avec les tribus,<br />

seraient à même de prévoir les insur<br />

rections et, en cas de danger pressant, l'enceinte devrait être<br />

assez vaste pour recevoir les cavaliers et leurs familles. Puis,<br />

s'élevant au-dessus de la simple colonisation militaire indigène,<br />

et rejoignant dans un autre domaine, les créateurs du péniten<br />

cier de Lalla Aouda. Du Barail écrit à propos de ces smalas de<br />

spahis : « Je ne voulais pas seulement en faire, pour la colonie,<br />

des tentacules qui lui permettraient de sentir, j'en voulais aussi<br />

faire des pieds qui lui permettraient d'avancer. Je me figurais<br />

que, derrière la smala, la colonisaion marcherait et viendrait<br />

la rejoindre. Alors, les spahis plieraient leurs tentes et iraient<br />

établir une nouvelle smala à quelques lieues en avant de l'an<br />

cienne dont les bâtiments deviendraient le noyau d'un vil<br />

lage. » (1).<br />

Yusuf transmit ce projet au Ministre de la Guerre. Randon,<br />

qui remplit une première fois cette fonction de janvier à<br />

octobre 1851, en eut donc connaissance, et, devenu peu<br />

après, en décembre 1851, gouverneur général de l'Algérie, il<br />

chargea Du Barail d'appliquer lui-même le système proposé.<br />

Nommé commandant supérieur du cercle de Boghar, Du Barail,<br />

dès 1852, installe un escadron de cavalerie sur une terre doma<br />

niale située à deux heures de Boghar. Il l'organise suivant sa<br />

formule de la smala, les hommes vivant sous la tente et les<br />

chevaux en plein air. Il ne nous dit pas quels furent les résultats<br />

ni surtout si l'hiver n'amena pas quelques désagréments. Quoi<br />

qu'il en soit, si Du Barail ne semble pas fondé à revendiquer,<br />

comme il le fait, la paternité de la première smala de spahis,<br />

on peut admettre cependant que Randon suivit son projet lors<br />

qu'il rédigea les instructions sur l'organisation des smalas (2).<br />

Le système se généralisa sous le gouvernement même de<br />

Randon et, suivant les idées de Du Barail, sur des terres du<br />

__<br />

(1) Du Barail (174) I 417-419 et II 2, 3, 19.<br />

(2) Il serait juste de signaler également le Projet d'organisation des in-<br />

ines en colonies militaires, par le général de Rumigny (mars 1850) préco<br />

nisant la création de villages de légionnaires indigènes d'où partiraient un<br />

jour « les principes de la civilisation et les goûts du bien-être et d'une bonne<br />

culture dans nos possessions africaines ». Mais Rumigny songeait surtout aux<br />

Kabyles et son projet, annoté ironiquement par le gouverneur général Cha<br />

ron, n'eut aucune influence : M.G. 229,


— — 247<br />

Domaine, assez vastes pour satisfaire aux besoins d'un escadron,<br />

on éleva un bordj autour duquel les spahis se groupèrent avec<br />

leurs familles.<br />

De nombreux documents consultés au Ministère de la<br />

Guerre (1), il apparaît que l'on poursuivait plusieurs buts.<br />

D'abord un but militaire : il s'agissait de former un cordon<br />

de postes avancés tout le long de la limite du Tell ou d'orga<br />

niser des postes de surveillance au milieu des groupes de tribus<br />

les plus remuants. Pour ce service les spahis paraissaient plus<br />

aptes que les soldats français et, d'autre part,<br />

en les mettant à<br />

même de se livrer à l'agriculture, on espérait que les récoltes<br />

des smalas pourvoyant à la nourriture des chevaux on pour<br />

rait dès lors supprimer les allocatiens de fourrages, auquel cas<br />

un régiment de spahis reviendrait à meilleur compte à l'Etat<br />

qu'un régiment de chasseurs d'Afrique.<br />

La pacification assurée, au rôle militaire se substituerait<br />

unei fonction de police : les spahis deviendraient « une sorte de<br />

magistrature armée »,<br />

aidant à la perception des impôts et<br />

fournissant aux bureaux arabes des cavaliers disciplinés qui<br />

remplaceraient les mekhazenis dont la dureté et les exactions<br />

révoltaient les Indigènes. Le succès paraissait certain, car « le<br />

burnous rouge en Afrique produit sur la population arabe le<br />

même effet que le chapeau galonné du gendarme dans nos cam<br />

pagnes » (2).<br />

Avec l'institution des smalas devait croître notre influence<br />

politique. L'extension de la paix avait tari le recrutement des<br />

spahis et, par les avantages accordés aux membres des smalas,<br />

on pensait qu'il reprendrait. Surtout, à la différence de ce qui<br />

se passait pour les tirailleurs, on ne voulait pas recruter parmi<br />

les prolétaires, mais dans la classe aisée. On recherchait en par<br />

ticulier les fils de grande tente en vue de multiplier les points<br />

de contact avec la portion la plus nomade de la population indi<br />

gène. Chaque cavalier,<br />

pour avoir l'honneur de porter le bur<br />

nous rouge du Beylik, devait être possesseur d'un bon cheval<br />

(1)<br />

Surtout M.G 208 et 230 (voir bibliographie p. 399-400).<br />

(2) M.G. 230 : lettre du Ministre de la guerre au général Duvivier, ins<br />

pecteur général de la cavalerie (1859) et M.G. 208 : note du ministère de la<br />

guerre du 1" avril 1870.


— — 248<br />

d'escadron, avoir au moins un khammès et les moyens de culti<br />

ver le lot de terrain qui lui serait remis. La présence des familles<br />

dans les smalas assurait de la fidélité des spahis en expédition.<br />

L'institution de soldats indigènes laboureurs avait aussi<br />

pour but d'<br />

« inculquer aux Arabes des principes de civilisation<br />

et d'agriculture européenne » (1). Randon voulait les voir<br />

propager dans les tribus l'emploi d'instruments aratoires per<br />

fectionnés, introduire de nouveaux produits agricoles, amélio<br />

rer les races par des géniteurs de choix ou des croisements judi<br />

cieux, en un mot se livrer à la pratique de toutes les méthodes<br />

capables d'amener le progrès agricole parmi les Indigènes (2).<br />

Devenues ainsi des écoles d'agriculture pratique, les smalas<br />

travailleraient à répandre le bien-être, ce qui,<br />

nous le savons,<br />

équivalait à la sécurité dans l'esprit des Bureaux arabes (3) .<br />

Certains assignaient même aux smalas une fin plus élevée.<br />

« C'est par les indigènes que la France colonisera l'Algérie ».<br />

écrivait le Mobacher dans un article du 22 octobre 1862, à pro<br />

pos des smalas. Telle était l'opinon de ceux qui estimaient que<br />

l'immigration européenne n'était pas indispensable pour la mise<br />

en valeur du pays. Mais la plupart des défenseurs de la nouvelle<br />

organisation des spahis y voyaient surtout des colonies militai<br />

res destinées à préparer le terrain pour la colonisation euro<br />

péenne et devant se porter sur un autre point dès que ce premier<br />

but serait atteint. Grâce aux smalas, une fois de plus, on rêvait<br />

d'opérer la fusion des races et de contribuer au développement<br />

de leur prospérité. Encore en 1869, un rapport d'inspection se<br />

(1) M.G. 208 : note sans date du Ministre de la guerre (sans doute de<br />

1870).<br />

(2) M.G. 230 : lettre du 26 janvier 1858 au Ministre de la guerre.<br />

(3) Bureaux Arabes et Smalas sont deux institutions différentes et si<br />

nous avons pensé devoir les étudier ensemble c'est que les rapports étaient<br />

étroits entre l'une et l'autre : pour s'engager dans une smala le spahi devait<br />

être pourvu d'un certificat du chef du bureau arabe attestant la bonne répu<br />

tation du postulant ; les officiers français des smalas pouvaient être attachés<br />

aux bureaux arabes ; les spahis fournissaient des détachements aux chefs des<br />

bureaux arabes pour des fonctions purement politiques ou de police et tous<br />

les cavaliers des smalas assuraient successivement ce service ; l'action mili<br />

taire et politique de la smala était en fait sous la direction du bureau arabe.<br />

Enfin, ce qui prouve encore mieux les liens entre Bureaux Arabes et Smalas.<br />

c'est que Randon examine la question des Smalas de spahis dans son rapport<br />

d'inspection générale des Bureaux arabes de 1852. M.G. 208 et 230 ; N 1713*\


— 249 —<br />

terminait ainsi : « Les régiments de spahis rendent en Afrique<br />

les plus grands services et ils sont les plus grands éléments<br />

d'assimilation, si l'assimilation est possible. » (1).<br />

1"<br />

L'organisation définitive des smalas date du règlement du<br />

mai 1862. La smala était définie comme la réunion,<br />

sur un<br />

territoire déterminé, appartenant à l'Etat, des familles des<br />

cavaliers indigènes d'un escadron de spahis avec leurs tentes,<br />

serviteurs, chevaux et bestiaux. Selon la formule de Du Barail,<br />

la smala campait sous la protection d'un bordj renfermant les<br />

logements du cadre français de l'escadron et les divers locaux<br />

nécessaires à une troupe de cavalerie; il devait être assez vaste<br />

pour offrir un refuge en cas d'alerte aux tentes de la smala<br />

lorsque les cavaliers étaient en expédition. Il n'est plus question<br />

de bâtir des villages, ainsi que l'avait proposé Lapasset (2) :<br />

la smala s'établit en douar comme la tribu jusqu'à ce que l'avan<br />

tage des maisons étant apprécié par les Indigènes, ils en fassent<br />

construire de leur propre initiative. Mais le feraient-ils alors<br />

que les terres attribuées aux smalas leur étaient concédées seu<br />

lement en usufruit et que la propriété de toute construction<br />

devait revenir à l'Etat ?<br />

Le règlement prévoyait que chaque tente recevrait un lot<br />

de 15 à 20 hectares. Des moniteurs de culture, recrutés dans<br />

l'armée ou parmi les agriculteurs civils d'Algérie ou de France<br />

et ayant contracté un engagement dans les spahis, obtiendraient,<br />

dans chaque smala, à titre d'usufruitiers, les terres et les moyens<br />

de culture nécessaires pour fonder une ferme-modèle et ensei<br />

gner l'agriculture aux Indigènes par l'exemple et par leurs con<br />

seils. Tous les ans, au chef-lieu de chaque division, auraient<br />

lieu des expositions des produits des smalas avec distribution<br />

de primes. Une école devait être établie dans chaque bordj et<br />

des moniteurs spéciaux instruiraient non seulement les enfants<br />

de la smala, mais aussi les militaires du cadre de l'escadron<br />

(1) M.G. 230 : Rapport du général Yusuf sur l'ensemble des corps de la<br />

cavalerie indigène (1853). M.G. 208 : Rapport sur les smalas du 26 septembre<br />

1869.<br />

(2) Une seule exception, semble-t-il, la smala d'Aïn-Kerma, dans le dé<br />

partement d'Oran : elle avait établi les bâtiments d'un village qu'elle occu<br />

pait, mais c'était avant le règlement de mai 1862. M.G. 208 : Inspection gé<br />

nérale du général Lichtlin (28 août 1869).


— 250 —<br />

tenus d'apprendre l'arabe et les spahis de bonne volonté dési<br />

rant connaître le français pour briguer un emploi de caïd. Ecole<br />

militaire et école d'agriculture, la smala aspirait aussi au rôle<br />

d'école d'administration.<br />

Dans l'Ouest du Tell algérois.<br />

Quelle fut l'action de ces smalas dans l'Ouest du Tell algé<br />

rois ? On ne compte que deux véritables smalas de spahis :<br />

celle de Mghila, près de Téniet-el-Had, et celle de l'Oued Sly,<br />

à 12 kilomètres à l'Ouest d'Orléansville. On peut y ajouter la<br />

smala des Mekhazenis d'Orléansville utilisée à la fois par les<br />

cavaliers du makhzen et par les spahis.<br />

La smala de Mghila se trouvait chez les Béni-Soumeur<br />

(douar El Khémaïs) à environ une lieue de la place de Téniet-<br />

el-Had et cette proximité, loin de lui être favorable, lui fut<br />

préjudiciable (1). A cause du voisinage de Téniet, les familles<br />

des spahis pouvaient facilement y trouver protection en un jour<br />

de danger et on se demanda si la construction d'un bordj était<br />

bien nécessaire, s'il ne suffisait pas de construire des abris pour<br />

les chevaux et les bestiaux. La question ne fut jamais bien réso<br />

lue et on vécut dans le provisoire : en 1865, la smala disposait<br />

de 450 hectares, mais son emplacement même n'était point défi<br />

nitif et on attendait pour le fixer l'application du Sénatus-con<br />

sulte.<br />

En 1869, la situation paraissait devenue plus stable : la<br />

smala couvrait alors sur la rive droite de l'oued Mghila 571 ha<br />

60 a. et un plan cadastral avait été établi en vue de la constitu<br />

tion de la propriété individuelle. L'effectif militaire comprenait<br />

8 officiers dont 4 indigènes et 198 hommes de troupe dont 57<br />

français. La population non militaire était formée de 38 hom<br />

mes, 52 femmes et 47 enfants. Outre les 190 chevaux de l'esca-<br />

(1) M.G. 230 : Rapport général sur l'ensemble des corps de la cavalerie<br />

indigène, Inspection générale de 1853 ; Inspection du Général de Wimpffen<br />

commandant la province d'Alger, rapport au Ministre de la guerre du 1-12-<br />

1865. M.G. 208 : Rapport sur les smalas du 1" et 3" régiments, du 26 septem<br />

bre 1869, et rapport sur la smala de l'Oued Mrila du 30 juin 1869. B.O. 1870<br />

p. 268.


— — 251<br />

dron, la smala disposait d'un cheptel de 110 bœufs et vaches,<br />

700 moutons, 130 chèvres, 59 chevaux et juments, 28 ânes, ce<br />

qui pouvait paraître assez considérable (1).<br />

Et cependant la commission administrative (trois officiers<br />

dont un indigène) estimait que l'avenir était nul. En effet, les<br />

terrains, de nature rocailleuse et manquant d'eau une partie<br />

de l'année, ne se prêtaient bien à aucune culture. La route entre<br />

Téniet et l'oued Mghila, très mauvaise en hiver, n'était pas car<br />

rossable. Comme tout bâtiment,<br />

une petite maison qu'une seule<br />

personne pouvait occuper. Les cadres de l'escadron n'habitaient<br />

la smala que depuis quelques mois et ils devaient vivre sous la<br />

tente : ils réclamaient sinon un bordj, du moins des baraque<br />

ments. Pas d'école faute de quelqu'un connaissant assez bien la<br />

langue française et la langue arabe. Pas de moniteur qui puisse<br />

démontrer aux Indigènes la supériorité de nos modes de cul<br />

ture, pas même d'instruments aratoires et encore moins de fer<br />

me-modèle. Aussi aucune culture industrielle, aucune planta<br />

tion d'arbres. En somme un échec donnant raison à ceux qui<br />

réclamaient la suppression des smalas.<br />

La situation était meilleure à la smala de l'Oued Sly. Celle-<br />

ci datait de 1853. Appliquant les instructions du Gouverneur<br />

Randon, le général Camou avait estimé que, dans un avenir plus<br />

ou moins proche, la smala due à Fleury<br />

« se trouverait mal à<br />

l'aise près d'une ville, au milieu de propriétés exploitées par<br />

des Européens ». Son déplacement avait donc été décidé et,<br />

après avoir rejeté, pour la position future, le confluent du Sly<br />

et du Chélif à cause de son éloignement, de l'absence de bois<br />

et d'eau salubre, on avait opté pour un territoire plus en amont<br />

sur le Sly, au débouché de l'oued dans la plaine et traversé par<br />

la route d'Orléansville à Mostaganem (2).<br />

Les terres que l'on abandonnait furent en partie distribuées<br />

à des spahis, au nombre de 13, qui avaient bâti et planté. Cha<br />

cun reçut une concession d'environ six hectares et ainsi se trouva<br />

(1) Si on évalue les têtes de bétail possédées par habitant, on obtient<br />

2,41 pour les moutons et chèvres ; 0,32 pour les boeufs et vaches ; 0,17 pour<br />

les chevaux. A comparer par exemple avec les Ouled-Kosseïr p. 194.<br />

(2) D.A. Orléansville carton 1 : Camou à Randon le 21-10-1852 et Randon<br />

à Camou le 28-10-1852. Pour l'emplacement voit carte p. 177.


— — 252<br />

constitué un véritable lotissement (carte ci- jointe)<br />

autour du<br />

hameau engendré par cette première smala. Comme 80 ha. 65 a.<br />

avaient suffi pour cette création, il resta plus de 400 hectares<br />

qui furent livrés à la colonisation française.<br />

Quant à la nouvelle smala, il lui fut attribué une superficie<br />

de 840 hectares que l'on porta ensuite à plus de 1.200. Le bordj,<br />

construit aux frais du premier régiment de spahis,<br />

se dressait<br />

au voisinage immédiat d'un ample méandre, à l'entrée de la<br />

gorge de l'oued Sly et à environ 500 mètres d'importantes car<br />

rières. C'était un vaste quadrilatère de 100 mètres sur 80 dont<br />

les angles étaient constitués par des bâtiments en forme de<br />

pavillons. Il s'ouvrait par une porte cochère et comportait deux<br />

grandes cours dont l'une avec puits, pompe à manège et abreu<br />

voir. Les bâtiments comprenaient quelques pièces pour les<br />

cadres de la smala et surtout des salles de cuisines, des maga<br />

sins, des hangars et trois écuries pouvant abriter ensemble une<br />

centaine de chevaux (1). Plus tard, le bordj<br />

d'allées d'arbres à l'intérieur et à l'extérieur.<br />

fut agrémenté<br />

La smala elle-même groupait 80 à 90 tentes exploitant les<br />

vastes terrains mis à leur disposition à raison d'une moyenne<br />

de 12 hectares par famille, soit à peu près ce que l'on accordait<br />

alors aux colons français. La population de 425 habitants en<br />

1862 (2)<br />

en compta près de 500 quelques années plus tard. Nous<br />

avons aussi les chiffres du cheptel pour 1862 : 115 bœufs et<br />

vaches, 1.700 moutons, 50 chevaux et mulets. La sécheresse était<br />

le gros obstacle à vaincre pour la culture et la commission de<br />

mandait la construction d'un barrage sur le Sly afin de tirer<br />

parti, grâce à l'irrigation, de la fertilité des terrains d'alluvions.<br />

Contrairement à ce qui eut lieu à l'Oued Mghila, on multiplia<br />

les essais de cultures industrielles et les plantations d'arbres :<br />

le coton ne fournit des produits convenables que sur les tords de<br />

l'oued Sly; la garance venait très bien, mais ne rapportait pas;<br />

le tabac et la pomme de terre donnaient satisfaction ; une vigne<br />

partagée en 52 lots confiés aux moniteurs et à quelques Indigè<br />

nes, procura de belles grappes, mais un certain nombre de plants<br />

(1) Au total la surface enceinte de murs était de 7.800 mètres carrés et<br />

la surface couverte de 1997 mètres carrés.<br />

(2) 135 femmes^ 175 hommes, 60 filles et 55 garçons.


Plan des maisons de l'ancienne Smala du 5m*<br />

Escadron du 1« Régiment de spahis et des ter<br />

rains distribués à chaque spahis propriétaire de<br />

maison.<br />

Levé en mai 1853.<br />

Echelle de 0,001 pour 10 mètres.<br />

Extrait de D.A. Orléansville, carton 1<br />

L'oued Ouaou est appelé aussi Oued Lalla Aouda.<br />

N°<br />

du plan<br />

238<br />

239<br />

240<br />

241<br />

242<br />

243<br />

244<br />

248<br />

249<br />

250<br />

NOMS DES PROPRIETAIRES<br />

Taïeb ben Khedia<br />

Taïeb ben Aouda<br />

Bel Oufa<br />

Maammar ben Djilali<br />

Kaddour ben Mohammed<br />

Taïeb ben Aouda<br />

Bel Oufa<br />

Djilali ben Tata<br />

n^:ini:<br />

Ben Aouda ben Alimab-Zargaras<br />

Ali bel hadj et Boukharera<br />

Cette carte était accompagnée de la légende suivante :<br />

Superficie<br />

hect. ares<br />

25<br />

»<br />

25<br />

20<br />

20<br />

25<br />

50<br />

75<br />

20<br />

20<br />

20<br />

20<br />

N"<br />

du plan<br />

251<br />

252<br />

253<br />

254<br />

255<br />

256<br />

257<br />

258<br />

259<br />

260<br />

261<br />

262<br />

NOMS DES PROPRIETAIRES<br />

Djilali ben Zoudmi<br />

Abd el Kader ben Behia<br />

Ahmed ben Zitouni<br />

Marchand Emmanuel<br />

Amar Bakhera Rachdi<br />

Djilali ben Tata<br />

Ben Aduda ben Alimab-Zargaras.<br />

Kaddour ben Mohammed<br />

Ahmed ben Zitouni<br />

Ali bel hadj et Boukharera<br />

Djilali ben Zoudmi<br />

Abd el Kader ben Behia<br />

Total<br />

Superficie<br />

hect. ares<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

6<br />

80<br />

20<br />

20<br />

25<br />

65


— 253 —<br />

ne purent résister à la sécheresse. Pour avoir de l'ombre surtout,<br />

on développa les plantations d'arbres : 700 mûriers, 20 euca<br />

lyptus, 200 acacias; plus de 500 pêchers, abricotiers, amandiers,<br />

réussirent parfaitement. L'élevage des vers à soie ayant donné<br />

de remarquables cocons, on envisageait la construction d'une<br />

magnanerie. Si le succès n'était pas général et si, dans le trou<br />

peau notamment, l'amélioration resta peu sensible, les résultats<br />

cependant n'étaient pas décourageants comme ils le furent dans<br />

les autres smalas. Mais l'escadron qui logeait à la smala fut<br />

transporté à Laghouat, sans doute en 1867, et, au début de 1868,<br />

nous voyons la smala de l'Oued Sly<br />

mendicité (1).<br />

transformée en dépôt de<br />

La smala des Mekhazenis, à 2 km 500 au sud d'Orléansville.<br />

date de 1848 et ne fut pas créée spécialement pour les spahis,<br />

mais pour les employés du bureau arabe. A l'origine elle comp<br />

tait environ 170 hectares et fut réduite à 84 à la suite du can<br />

tonnement des Ouled-Kosseïr. La superficie mise en valeur<br />

semble d'ailleurs avoir toujours été très faible peut-être à cause<br />

de la nature rocheuse du terrain : les documents de 1853 ne<br />

parlent que de 14 hectares cultivés. Le village, bâti par les me<br />

khazenis du bureau arabe et peuplé de 44 habitants en 1853,<br />

était habité par des spahis et quelques cavaliers du makhzen.<br />

Il se composait d'une douzaine de maisons disposées le long<br />

d'une rue aboutissant à la maison du chef, un officier indigène<br />

de spahis, adjoint au chef du bureau arabe. Chaque maison<br />

comprenait deux chambres munies de cheminées et recevant<br />

le jour par des meurtrières; l'entretien en incombait aux habi<br />

tants. L'agglomération était entourée d'un mur d'enceinte au<br />

quel s'adossait une écurie pour les chevaux et les mulets et qui<br />

présentait deux bastions utilisés, l'un pour les magasins, l'autre<br />

pour un moulin à manège desservant le village et deux tribus<br />

voisines (fig. p. 254). Les habitants n'avaient aucun droit de<br />

(1) M.G. 230 : Inspection générale de 1853 ; inspections de 1862 et de<br />

1865 - M.G. 208 : rapport sur les smalas du 26 septembre 1869.<br />

G.I. : Rapport sur le cantonnement des indigènes, Orléansville (1855).<br />

Rapport du bureau arabe d'Orléansville de janvier 1868.<br />

G. 1 L 219 : Documents relatifs à la construction d'une conduite de l'Oued<br />

Sly (1863).<br />

Smala de spahis de l'Oued Sly (1869).


— 254 —<br />

VILLAGE DU MAKHZEN<br />

B B maisons G corps de garde.<br />

CC cours H hangars, magasins, écuries.<br />

D maison des hôtes M moulins.<br />

E maison du chef ? N mosquée.<br />

R grande rue.<br />

Ce plan est extrait de N 443 (échelle non indiquée). Il représente le village tel<br />

que l'avait conçu Richard. D'après les descriptions ultérieures le plan subit certai<br />

nes modifications : seuls furent construits les bastions M et G ainsi que 12 ou 13<br />

maisons au lieu de 16 ; E qui devait être une cour semble être devenu l'emplace<br />

ment de la maison du chef.


255 —<br />

possession sur les terres qui changeaient d'usufruitiers avec le<br />

renouvellement du corps du makhzen. La jouissance de la mai<br />

son et du sol s'attachant à la qualité d'employé du bureau arabe,<br />

ce village présentait donc un caractère nettement administra<br />

tif. (1).<br />

L'échec.<br />

Il est incontestable que l'expérience des smalas fut un échec<br />

à peu près total. Aucun des buts poursuivis ne fut atteint.<br />

Le recrutement ne fut pas celui que l'on avait escompté<br />

et le rapport d'inspection de 1869 note que : « La colonisation<br />

ayant envahi presque tous les terrains cultivables, les avanta<br />

ges, comme la culture, qu'on peut accorder aux indigènes sont<br />

trop minimes et trop<br />

précaires pour que l'on puisse avoir des<br />

cavaliers d'une certaine position et l'on n'a guère que des meurs<br />

de faim (souligné dans le texte)<br />

qui arrivent généralement avec<br />

de tristes chevaux; quelques-uns même ont été engagés sans<br />

chevaux par ordre supérieur »<br />

La valeur militaire des escadrons en smalas s'avéra médio<br />

cre, car les pères de famille avaient hâte de rentrer, ne sachant<br />

pas toujours si les leurs avaient de quoi vivre pendant leur<br />

absence et craignant que les terres cultivées et les bestiaux<br />

élevés n'aient à souffrir de leur éloignement : on dut créer des<br />

escadrons de célibataires qui ne vivaient point en smalas. La<br />

smala elle-même était incapable de se défendre à cause de<br />

l'impossibilité de mettre à l'abri dans la cour d'un bordj les<br />

femmes, les enfants et les richesses des spahis. Pendant l'insur<br />

rection de 1865, il fallut adjoindre à chaque escadron deux<br />

compagnies d'infanterie pour garder les tentes et le bâtiment<br />

en l'absence des cavaliers partis en expédition. Aussi, après son<br />

(1) Tableaux des établissements français 1852-1854 et 1856-1858.<br />

A Miliana également on essaya d'assurer des revenus agricoles aux cava<br />

liers du bureau arabe et une note du 10 juin 1871 sur le bled Ismaïl fait état<br />

des 2.774 hectares que ces cavaliers cultivaient en 1852 chez les Béni-Zoug-<br />

Zoug,<br />

dont disposait ïe bureau arabe (G. série L carton 23).<br />

superficie qui nous paraît bien considérable vu les effectifs réduits


— — 256<br />

inspection de 1869, le général Lichtlin demandait la suppression<br />

des smalas (1).<br />

Quant aux espoirs de colonisation par les smalas, c'était,<br />

reconnaît une note officielle, « la réalisation d'un rêve », et un<br />

adversaire du système a dit qu'on avait voulu reconstituer le<br />

type du soldat-laboureur avec des Arabes « qui n'avaient jamais<br />

été laboureurs et qui avaient bien de la peine à devenir sol<br />

dats ». Cette critique n'est pas dénuée de tout fondement et dans<br />

sa lettre à Mac-Mahon du 20 juin 1865 Napoléon III mettait en<br />

relief les deux défauts essentiels : d'une part,<br />

au lieu de s'adres<br />

ser aux fellahs, c'est-à-dire à la population réellement agricole,<br />

on a fait appel « à des cavaliers qui ont pour le travail manuel<br />

la répugnance instinctive de toute aristocratie guerrière » et<br />

qui se sont déchargés des travaux des champs sur des khammès<br />

peu soucieux de perfectionnement, se bornant à remplir leurs<br />

obligations traditionnelles : labour, moisson, dépiquage; d'autre<br />

part, les contrats étaient trop<br />

courts pour espérer un progrès<br />

agricole quelconque, le spahi se trouvant lié seulement par un<br />

engagement de trois ans et le khammès pour une seule année.<br />

Ajoutons d'autres raisons pour expliquer l'échec agricole<br />

des smalas : les spahis disposèrent le plus souvent d'une étendue<br />

de terre nettement inférieure à celle que prévoyait le règlement<br />

de 1862; la plupart manquaient de capitaux pour entreprendre<br />

des améliorations et ceux qui en disposaient n'avaient aucun<br />

intérêt à les utiliser pour un lot de terre dont ils n'étaient que<br />

les usufruitiers, qu'ils abandonnaient pendant leurs expéditions<br />

et que les femmes, privées alors de soutien, quittaient pour rega<br />

gner les tribus; la colonisation) en s'étendant menaçait les terres<br />

occupées par les smalas surtout lorsque celles-ci se trouvaient<br />

au voisinage d'une route; enfin, il est certain que les officiers<br />

français chargés de diriger les smalas n'avaient pas toujours<br />

la compétence nécessaire pour être des initiateurs en matière<br />

agricole et la vie isolée qu'ils menaient fut le plus souvent démo<br />

ralisante (2).<br />

(1) M.G. 208 : rapport sur les smalas du 26 septembre 1869 ; rapport du<br />

général Lichtlin du 28 août 1869 ; note non datée du ministère de la guerre.<br />

Certaines smalas des départements d'Oran et de Constantine se maintinrent<br />

cependant jusqu'à la fin du siècle.<br />

(2) M.G. 230 : inspection du général de Wimpffen de 1865 - Napoléon III<br />

-<br />

(84) 78-80 Jourdan (177) 230-231 - Lunel (179) 97-106 -<br />

Baumcour (168) 549.


— — 257<br />

Aussi l'expérience agricole des smalas,<br />

comme celle des<br />

soldats-laboureurs de Bugeaud, demeura sans lendemain. Dans<br />

notre région, il en est resté un grand bâtiment mis à la dispo<br />

sition des premiers colons de Malakoff, en 1869, et qui, après<br />

est devenue<br />

avoir appartenu à la Société générale algérienne,<br />

la propriété d'un colon français, sans jamais constituer le<br />

noyau d'un village comme l'avait rêvé Du Barail.<br />

II. —<br />

LES VILLAGES DE FELLAHS<br />

Ils ont joué un rôle autrement important que les smalas<br />

auxquelles ils s'apparentent d'ailleurs par leur conception, éta<br />

blis eux aussi dans l'intention de pacifier plus aisément le pays :<br />

dans le village, les officiers des Bureaux arabes voyaient avant<br />

tout la population agglomérée qui, par suite même de son grou<br />

pement, ne pouvait échapper à leur contrôle.<br />

Villages de tentes et de gourbis.<br />

Que cette population habitât des maisons n'était pas chose in<br />

dispensable et les officiers conçurent l'idée de villages de tentes<br />

plus faciles ai créer lévidemment que ceux! de maçonnerie et aux<br />

quels Hugonnet accordait même sa préférence. Richard, comme<br />

toujours, formule la théorie : «Nous croyons fermement, écrit-il,<br />

que l'idée de ces villes de tentes où nous emprisonnerions (1)<br />

la population arabe, porte en elle la paix du pays. L'essentiel<br />

est, en effet, de grouper ce peuple qui est partout et qui n'est<br />

nulle part; l'essentiel est de nous le rendre saisissable. Quand<br />

nous le tiendrons, nous pourrons alors faire bien des choses qui<br />

nous sont impossibles aujourd'hui, et qui nous permettront peut-<br />

être de nous emparer de son esprit après nous être emparés de<br />

son corps ». Ce village ou cette ville de tentes se constituerait<br />

en rassemblant les divers douars de la tribu, séparés les uns<br />

des autres par une haie de jujubiers sauvages ou de toute autre<br />

(1) Richard (17) 189-191. Le mot « emprisonner » est ici employé pour la<br />

deuxième fois, ce qui traduit bien le but de police poursuivi par l'auteur.<br />

17


258 —<br />

broussaille. Le cœur de la cité serait le chef au milieu de son<br />

makhzen et dont l'habitation entourée d'un mur crénelé se trou<br />

verait à l'abri d'un coup<br />

de main. Autour de la « zemala » elle-<br />

même, on creuserait un large fossé armé de cactus. Le village<br />

ainsi organisé aurait un caractère tout militaire.<br />

Deux ans après Richard, Lapasset défend l'idée des villages<br />

de tentes dans lesquels il voit un double avantage : d'abord, le<br />

moyen d'agglomérer la population même dans les régions où<br />

manquent les matériaux de construction et les Indigènes capa<br />

bles de bâtir; ensuite, la certitude d'avancer, lentement certes,<br />

mais d'un pas ferme, en évitant de subir, aux yeux des Indigè<br />

nes, un de ces échecs qui nous font tant de tort. Et lui aussi pro<br />

pose de grouper les tentes autour d'une maison crénelée que<br />

l'on bâtirait pour le chef, l'agglomération elle-même étant dé<br />

fendue par un large fossé complété d'un parapet formé avec la<br />

terre rejetée vers l'intérieur (1).<br />

Cette conception des villages de tentes n'était pas absolu<br />

ment nouvelle. Bugeaud y avait déjà sérieusement songé pour<br />

la colonisation française (2). Les officiers des Bureaux arabes,<br />

Richard surtout, la réalisèrent dans presque toute la subdivision<br />

d'Orléansville pendant la lutte contre Bou-Maza. Mais la paci<br />

fication assurée, les tentes se dispersèrent presque aussi rapi<br />

dement qu'elles avaient été rassemblées et, par la suite, il fallut<br />

procéder à de nouveaux regroupements, souvent imposés par<br />

des nécessités de police.<br />

En 1849, les Béni-Zidja, fraction considérable des Ouled-<br />

Kosseïr, servaient de complices pour les vols des Béni-Ouragh<br />

(3); ils sont réunis en deux « zemalas » placées sur les bords<br />

de l'Oued Sly de manière à faciliter la surveillance exercée sur<br />

les voleurs et sur la route qu'ils suivaient. La même mesure,<br />

sollicitée parfois par les caïds et les chefs indigènes, permet<br />

d'assurer la sécurité sur la route Ténès-Orléansville, les voya<br />

geurs attardés pouvant trouver un gîte dans ces smalas.<br />

(1) Lapasset (9) 49-51..<br />

(2) Dans une longue lettre du 1-12-1845 (G. 2EE6) où il affirme que<br />

« l'invention d'une bonne tente pour loger la famille des colons ferait faire<br />

un pas immense à la colonisation ».<br />

(3)N° 81 de la carte en fin d'ouvrage, le nom de la tribu étant sur cette<br />

carte Béni-Ouazzan.


Plus tard,<br />

— — 259<br />

on opère de la même manière, aux époques de<br />

misère surtout, chaque fois qu'il s'agit de lutter contre les vols.<br />

En 1859, dans le cercle de Cherchel, ce sont les Techta, puis les<br />

Zougagha et les Béni-Merhaba,<br />

10 à 12 tentes sous la direction d'un cheikh choisi par l'autorité<br />

qui sont groupés en douars de<br />

militaire. En 1867, par suite de la sécheresse et des sauterelles,<br />

la misère règne dans le pays, les vols se multiplient et des ban<br />

des pratiquent des expéditions nocturnes, pillant les silos ou<br />

volant les bestiaux; on procède comme en 1859 et, dans toute<br />

la subdivision d'Orléansville, on obtient la sécurité en agglomé<br />

rant les populations : ceux qui étaient menacés peuvent ainsi<br />

mieux se défendre et les voleurs cessent de bénéficier de la<br />

possibilité d'une retraite dans une habitation isolée (1).<br />

Même lorsqu'il ne se dispersait point après les périodes de<br />

troubles, le village de tentes ne pouvait être qu'une solution<br />

transitoire et Esterhazy, qui voulait créer systématiquement des<br />

douars, le considérait comme une étape avant la construction<br />

de véritables villages de colons arabes. Tel fut effectivement<br />

dans certains cas, le schéma de l'évolution : à Aïn-Méran, où<br />

l'administration avait bâti un fort pour l'agha des Sbéah, plus<br />

de 100 tentes entourèrent ce réduit avant la construction des<br />

dix maisons qui formèrent le hameau; près du confluent du<br />

Sly et du Chélif, le caïd des Sbéah du Sud bénéficia également<br />

d'une habitation fortifiée qui attira un certain nombre de tentes<br />

plus de deux ans avant l'édification des maisons; enfin,<br />

au sud<br />

d'Orléansville, sur le Tsighaout, l'agha des Sindjès avait réuni<br />

autour de lui, dans un grand village de tentes, ses serviteurs<br />

et ses voisins, qui, un peu plus tard, devaient occuper les 20<br />

maisons d'un gros hameau (2).<br />

On peut rattacher à cette conception le village de Djedida<br />

situé un peu à l'Est d'Orléansville et dont nous donnons le plan<br />

(p. 260). Il s'agissait de grouper les Indigènes établis isolément<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville. 2e q. de février.<br />

N 462, 1846, Orléansville, 1 q. de novembre.<br />

N 463, 1847, Orléansville, 1" q. de février.<br />

G. Cherchel, 2" et 3e T. 1859.<br />

G. Orléansville, mars 1867.<br />

(2) Walsin-Esterhazy (30) 297. Lapasset (9) 50-51.


— — 261<br />

comptait une agglomération de 160 maisons, les Indigènes<br />

étant attirés par la concession gratuite du terrain avec la seule<br />

restriction de ne pouvoir vendre au profit d'Européens. Les<br />

travaux commencés fin 1849 se poursuivirent en 1850,<br />

mais il<br />

semble bien que même les bâtiments essentiels de ce village ne<br />

furent jamais achevés (1).<br />

Villages de maisons.<br />

Presque toujours les villages furent édifiés directement en<br />

maçonnerie et dans leur ensemble. Hugonnet aurait voulu lais<br />

ser le village se créer à peu près librement; selon lui, l'adminis<br />

tration devait se borner à réunir, en un point convenable, tous<br />

les éléments d'agrégation pouvant engager les populations à s'y<br />

établir : bâtiments pour les autorités de la tribu (caïd, cadi,<br />

maître d'école), boutiques, fontaine, abreuvoir, lavoir... et le<br />

village se constituerait ensuite par l'édification des maisons si<br />

les particuliers y trouvaient réellement intérêt (2). Mais Hugon<br />

net ne fut pas suivi et les officiers des Bureaux arabes travail<br />

lant ex nihilo voulurent d'un seul coup faire œuvre complète<br />

et définitive.<br />

L'essentiel était peut-être le choix de l'emplacement. Nous<br />

avons vu, par l'exemple des Ouled-Kosseïr, qu'il laissa parfois<br />

beaucoup à désirer. Montgravier conseillait de s'en tenir aux<br />

lieux où, au cours de leurs déplacements, les Indigènes revien<br />

nent périodiquement et, en ces lieux, aux points pourvus d'une<br />

fontaine ou d'un puits (3). L'emplacement déterminé, la cons<br />

truction des maisons soulevait les difficultés déjà signalées.<br />

Comme dans les villages de Colons à la même époque, les consi<br />

dérations de sécurité passaient au premier plan et,<br />

alors qu'il<br />

bâtissait les villages des Ouled-Farès, des Heumis et celui du<br />

makhzen, Richard, en 1848, écrivait : « Il faut considérer chacun<br />

(1) N 443, constructions arabes : lettre de Martimprey, commandant la<br />

subdivision d'Orléansville à Blangini, commandant la division d'Alger le 23-<br />

6-1849 ; lettre de Blangini au gouverneur général le 9-7-1849 ; lettre du gou<br />

verneur général à Blangini le 16-7-1849. N 468, 1849, Orléansville, 2" q. de dé<br />

cembre. N 469, 1850, Orléansville, janvier et mars.<br />

(2) Hugonnet (6) 125-128. Cette conception devait plus tard réapparaître<br />

pour la création de villages français, Lavigerie, par exemple.<br />

(3) Montgravier (1) 2" lettre p. 14.


— — 262<br />

de ces villages comme la forteresse, la casbah d'un centre de<br />

population qui se groupera naturellement autour de ces murs-<br />

Deux des quatre tourelles qui sont aux angles serviront l'une<br />

de mosquée et l'autre pour placer un moulin à manège. Les deux<br />

autres tourelles restent à la disposition des caïds, l'une pour y<br />

établir les hommes de garde et l'autre pour servir de maison<br />

de diafs. »On trouve l'application de ces idées dans le plan des<br />

villages que nous donnons ci-après (1).<br />

Le village terminé et agrémenté le plus souvent de planta<br />

tions à l'intérieur et à l'extérieur,<br />

l'inauguration donnait lieu à<br />

une cérémonie. Pour celui des Ouled-Farès, le premier achevé<br />

dans le cercle d'Orléansville, le drapeau français fut arboré au<br />

bruit du canon et des fusillades et le colonel de Martimprey,<br />

commandant la subdivision, ayant réuni tous les chefs arabes,<br />

en profita pour leur adresser des encouragements au sujet des<br />

constructions qu'ils faisaient exécuter et leur en démontrer<br />

l'utilité (2).<br />

Combien de villages furent ainsi créés ? Le tableau p. 236-<br />

239 en énumère 26. Si l'on ajoute ceux qui furent construits lors<br />

des cantonnements et quatre autres (dont un de 43 maisons)<br />

établis chez les Heumis en 1862 (3),<br />

on obtient un total de 79.<br />

Le plus souvent c'étaient de simples hameaux. Dans ceux que<br />

nous connaissons avec précision,la moyenne du nombre des mai<br />

sons s'établit, en effet, entre 10 et 11 et si quelques-uns en ont<br />

plus de 20, d'autres se réduisent à trois ou quatre. Relativement<br />

au nombre d'habitations et compte tenu surtout du fait qu'il<br />

s'agissait souvent d'habitations à une seule chambre, ces villages<br />

étaient très peuplés : en 1853 pour les 18 villages dont il est<br />

possible de connaître la population, on arrive à un total de 3.013<br />

habitants pour 192 maisons, ce qui fait plus de 15 par maison.<br />

Et lorsqu'il existe des habitations de grands chefs, à plusieurs<br />

pièces, les chiffres s'élèvent encore : 24 habitants, en moyenne,<br />

par maison pour les trois villages des Attafs, 40 au hameau de<br />

(1) N 465$ 1848, Orléansville, 1" q. de juillet et lre q. de novembre ; N<br />

443, constructions arabes. Avant d'entreprendre la construction d'un village,<br />

on dressait la liste de tous les hommes importants de la tribu que le bureau<br />

arabe tenait à réunir sous son autorité. La maison de diafs est la maison des<br />

hôtes.<br />

(2) N 468, 1848, Orléansville, 2» q. de mai.<br />

(3) G. Orléansville, 2» et 3» T. 1862.


— 263<br />

Gorifa chez les Ouled-Yahia. 50 au village de Bou Alem chez<br />

les Djendel.<br />

L'aspect de ces villages variait peu de l'un à l'autre. Chez<br />

les Medjadja, dont le hameau était en majeure partie antérieur<br />

à l'arrivée des Français, chaque maison occupait le centre d'un<br />

jardin enclos de haies et se trouvait complètement isolée. Tel<br />

n'était pas le cas des villages des Bureaux arabes qui s'organi<br />

saient en fonction de la maison du chef, responsable de la sécu<br />

rité et surveillé lui-même par l'autorité militaire. D'où le carac<br />

tère quasi féodal de ces agglomérations avec presque toujours<br />

trois types de demeures : la maison vaste et parfois élégante du<br />

chef principal; celles, plus modestes, de ses subordonnés immé<br />

diats; et les gourbis ou les tentes pour les khammès, les bestiaux<br />

et le matériel.<br />

Le plus souvent, le village s'enfermait dans une enceinte,<br />

tel, entre autres, celui des Ouled-Farès (à 16 kilomètres d'Or-<br />

VILLAGE DES OULAD FERS (ou FARES)<br />

D'après N. 443, échelle non indiquée. A : maison du caïd ; a : cour des<br />

femmes. B,B : maison du village ; c,c : cours. D : maison de diaf. E,E : écu<br />

ries. G : grande cour. M : moulin. M2 : corps de garde. N : mosquée. R :<br />

grande rue.


— — 264<br />

léansville, près de la route de Ténès) qui avait la réputation<br />

d'être le plus complet, le mieux bâti et le plus joli de tous ceux<br />

du cercle. Ses 16 maisons étagées en amphithéâtre sur une pente<br />

assez escarpée comprenaient chacune deux chambres et une<br />

cour. Elles étaient disposées le long<br />

d'une large rue plantée<br />

d'arbres et conduisant à la maison du caïd composée de huit<br />

chambres. Vingt-quatre tentes complétaient le village. Celui-ci<br />

possédait une fontaine, deux abreuvoirs et, dans un ravin lon<br />

geant l'agglomération au sud, l'eau,<br />

suffisamment abondante,<br />

permettait d'entretenir de petits jardins contenant beaucoup<br />

d'arbres fruitiers et quelques mûriers. Trois des bastions de<br />

l'enceinte étaient utilisés pour l'école, le moulin à manège et<br />

le four (1).<br />

A douze kilomètres du précédent, mais dans la plaine et à<br />

16 kilomètres à l'Ouest d'Orléansville, le village des Sbéah du<br />

sud était un peu différent, du moins en ce qui concerne les dis<br />

positions prises pour assurer la sécurité. Il n'existait pas d'en<br />

ceinte. Les maisons, au nombre de dix, bâties en pierre et voû<br />

tées, avec des ouvertures en forme de meurtrières remplaçant<br />

les croisées, pouvaient par elles-mêmes offrir une certaine résis<br />

tance à un agresseur. D'une importance assez exceptionnelle,<br />

elles étaient composées de trois chambres chacune et séparées<br />

de proche en proche par une cour suffisamment grande pour<br />

qu'on pût y établir des appentis propres au logement des ani<br />

maux. Quant à la maison du caïd, plus vaste et plus belle, avec,<br />

de part et d'autre de la porte, des écuries pour 12 chevaux, elle<br />

se trouvait dans une enceinte rectangulaire flanquée par des<br />

bastions à chaque angle.destinée à servir de réduit au village, au<br />

cas où la résistance dans les maisons extérieures s'avérerait<br />

impossible; derrière l'habitation on avait creusé un puits sur<br />

lequel avait été établie une noria en vue de l'irrigation d'un<br />

jardin. Les autres habitants du village allaient puiser leur eau<br />

au Chélif, distant seulement de 200 mètres et où les animaux<br />

venaient s'abreuver. Dans le village, quatre chambres de deux<br />

maisons avaient été affectées à l'utilité publique : pour le mou-<br />

(1) Tableaux des établissements français 1852-1854 et 1856-1858.


■265<br />

lin, le café, la salle des hôtes et les prières. L'agglomération<br />

comprenait en outre 37 gourbis et 3 tentes.<br />

Le caractère militaire et semi-féodal des villages des Bu<br />

reaux arabes, nous le retrouvons dans les autres créations, chez<br />

les Sendjès, les Mchaïa, les Attafs, les Djendel, etc.. et aussi,<br />

hors de notre région, chez les Douaïrs et les Zmélas par exem<br />

ple, dont les villages, placés ordinairement sur une hauteur, pré<br />

sentaient un mur de défense crénelé avec, au milieu d'une des<br />

faces, la maison du chef (1). Rien là qui ne soit en conformité<br />

avec la doctrine précédemment exposée des officiers des Bu<br />

reaux arabes (2).<br />

VILLAGE DES HEUMISS<br />

D'après N 443, échelle non indiquée. A,A : maison du caïd ; a : cour<br />

des femmes. B,B : maisons ; c,c : cours. D : Diaf ou maison des<br />

hôtes. E,E : écuries. G : grande cour. M : moulin. N : mosquée. R :<br />

grande rue du village.<br />

(1) Montgravier (1) 2» lettre p. 16.<br />

(2) Pour être complet, il faudrait signaler les constructions faites par<br />

les Indigènes dans les villes : à Ténès, dans la ville arabe, en 1848, on compte<br />

déjà 25 maisons nouvelles, 17 boutiques ou cafés maures, et, à en croire La<br />

passet, « cette ville qui il y a quatre ans ne présentait qu'un amas de décom<br />

bres, se dessine maintenant blanche et presque coquette » (N 465 et 443) ; à<br />

Orléansville un quartier indigène commence à s'établir à l'intérieur des rem<br />

parts ; et on pourrait citer des faits analogues à Miliana et à Cherchel. Mais<br />

les villes échappèrent rapidement à l'autorité des bureaux arabes pour être<br />

soumises à celles des commissaires civils : dès 1841 à Cherchel, en 1848 à Té<br />

nès, en 1850 à Miliana, en 1851 à Orléansville.


266-<br />

VILLAGE DES SENDJESS<br />

D'après N 443, échelle non indiquée. A, ~ B, c, D, E, G, M, N et R :<br />

comme p. 265. H : hangars, magasins. M2 : corps de garde.<br />

III. —<br />

LA SMALA DE TENES (1)<br />

C'est le type le plus original de la colonisation indigène<br />

dans l'Ouest du Tell algérois et peut-être dans toute l'Algérie, à<br />

la fois village administratif,village militaire et village de fellahs.<br />

Les débuts.<br />

Nous connaissons déjà l'essentiel des idées de Lapasset.<br />

Nous savons qu'il était dominé par la pensée d'attacher le peu<br />

ple arabe au sol et de le lier aux Français, sinon par une fusion<br />

(1) Surtout d'après Lapasset (9).


Uformt tr;ar,3u/aïre a **<br />

duaudii cl fallu se Soumettre-<br />

Echelle c/e o»ooi f»>* 1


— — 267<br />

qui ne lui paraissait possible que dans un avenir éloigné, du<br />

moins par la solidarité des intérêts,<br />

seul moyen de résoudre<br />

« le problème de la domination du pays et celui non moins<br />

difficile d'utiliser à notre profit la société musulmane ». Pour<br />

atteindre ce but, il conseille de se servir des Indigènes comme<br />

d'un élément de colonisation et de créer aussi bien des villages<br />

arabes que des villages européens. Lui-même donne l'exemple<br />

à Ténès où, selon ses propres termes, il entreprend « une œuvre<br />

fondée sur l'association du travail » : « dans le but politique de<br />

prouver aux Arabes les avantages de la fixation au sol ; dans le<br />

but philanthropique d'améliorer leur existence en important<br />

chez eux des cultures nouvelles, des améliorations aux ancien<br />

nes; dans le but de servir d'école, de ferme-modèle » (1).<br />

La première tentative date de 1845. Avec les 20 cavaliers<br />

du bureau arabe. Lapasset pense pouvoir créer un village, bien<br />

avant par conséquent que ne soit entrepris celui du makhzen<br />

d'Orléansville. En novembre 1845, une quinzaine de maisons<br />

existaient déjà lorsque Bou-Maza, arrivant jusqu'à Ténès, les<br />

brûla avec une grande partie des approvisionnements qui y<br />

étaient renfermés. Après un moment de découragement, Lapas<br />

set tire une double leçon de ce tragique événement : il fallait<br />

s'attacher à édifier un centre aussi considérable que possible<br />

et l'organiser en village fortifié.<br />

Au début de 1846, il choisit donc une position très forte sur<br />

le plateau des Ouled Henni en vue des deux villes de Ténès (2),<br />

à quatre kilomètres environ de la côte, et il fit bâtir par les<br />

tribus (en représailles de l'incendie du premier village) un mur<br />

d'enceinte défendu par un fossé et dont les deux seules ouver<br />

tures, les portes du village, étaient fermées par de très fortes<br />

barrières rustiques de 2 m. 50 de hauteur. L'enceinte était ren<br />

forcée par deux bastions crénelés et par un réduit à deux étages<br />

et deux rangs de créneaux, établi sur le point culminant, fermé<br />

par une porte à l'épreuve de la balle et entouré lui-même d'un<br />

fossé (fig. ci-jointe).<br />

(1) N 465, 1848, Ténès, 1" q. de juin.<br />

(2) La nouvelle ville et le Vieux Ténès à deux kilomètres plus au sud.


•268 —<br />

Et tout en assurant ainsi la sécurité, on entreprenait la<br />

construction du village, chaque fraction de tribu étant chargée<br />

d'un travail déterminé sous la surveillance de son cheikh et d'un<br />

cavalier du bureau arabe. Ce sont les tribus qui fournirent les<br />

bois de charpente et de clôture, qu'elles coupèrent dans leurs<br />

propres forêts, tandis que les cavaliers du makhzen préparaient<br />

la chaux et le mortier. Les petits travaux, comme le nivellement<br />

intérieur des maisons ou celui des rues, furent exécutés par les<br />

habitants du nouveau village. La seule dépense importante<br />

provint de l'achat des planches indispensables pour les portes<br />

et les fenêtres. La besogne dura deux ans parce qu'elle fut<br />

effectuée par les tribus appelées uniquement pendant la morte-<br />

saison et seulement quelques jours chacune. Mais les travaux<br />

agricoles, menés parallèlement à la construction,permirent rapi<br />

dement au village de subvenir à ses besoins.<br />

Le village comprenait 33 maisons dans l'intérieur de l'en<br />

ceinte et 8 à l'extérieur (ces dernières non portées sur le plan) ;<br />

il disposait d'une bergerie modèle pouvant contenir 700 mou<br />

tons, 40 bœufs et le logement du berger. Les maisons couvertes<br />

en terrasse, étaient bâties en pisé de terre blanche argileuse<br />

avec crépissage au mortier de chaux. Chaque maison se com<br />

posait de deux grandes chambres, la première destinée aux<br />

réceptions et la seconde aux femmes; dans la cour intérieure,<br />

deux appentis servaient l'un d'écurie et l'autre d'étable (fig. p.<br />

suivante).<br />

Le territoire du village couvrait 200 hectares dont une par<br />

tie appartenait à cinq cavaliers du bureau arabe et dont le<br />

reste fut pris à ferme aux propriétaires, moyennant une rente<br />

annuelle en céréales, pour 3, 6 et 9 ans. Le bureau arabe fit louer<br />

également dans la plaine de l'Oued Allalah de vastes terrains<br />

qui devaient être exploités par les habitants du village moyen<br />

nant des redevances en grains. Le centre ne reçut pas d'autre<br />

nom que celui de Smala, bien que Lapasset eût désiré l'appeler<br />

Smala d'Aumale en l'honneur du quatrième fils de Louis-<br />

Philippe.<br />

Les vingt cavaliers du bureau arabe, appointés par le Gou<br />

vernement, formèrent le noyau principal et le drapeau national<br />

qui flottait au-dessus du village portait dans ses plis l'inscrip<br />

tion : Makhzen de Ténès. A cet élément, on adjoignit treize


Obsenvations<br />

Les habitations sont peu hautes<br />

pour n'être pas en prise an Wnt et «<br />

U pluie. E-n revanche on creuse dans<br />

I inférieur,<br />

Le Pointillé sur la. façade indique.<br />

les dh erses couches de. Pisé} il y en «<br />

ordinairement quatre cfiacunede o^o<br />

de h auteur1.<br />

^Projection des Piliers de, soutien..<br />

Elévation D'après : Lapasset : Mémoires sur<br />

la colonisation indigène et la coloni<br />

Por- te d'entrée<br />

EzhdU. de. 0*ol pour un melre.<br />

sation européenne. 1848.<br />

Plan d'une Maison<br />

du Village de la Smala


— — 269<br />

autres cavaliers venus demander à faire partie de la smala et<br />

acceptant de partager le service du makhzen sans recevoir au<br />

cune rétribution pécuniaire. Enfin, douze autres familles char<br />

gées uniquement de fonctions agricoles ou pastorales s'établi<br />

rent dans les maisons extérieures et dans la bergerie. C'étaient<br />

au total 55 familles groupant 205 individus qualifiés de « frè<br />

res » par Lapasset.<br />

Et la vie s'organise sous l'égide de l'Association. La petite<br />

société obéit à un règlement précis en treize articles que Lapas<br />

set propose d'appliquer aux futurs villages de Colons français.<br />

Deux principes essentiels s'en dégagent : la Société doit tout<br />

d'abord, autant que faire se peut, se suffire à elle-même et avoir<br />

recours le moins possible à des étrangers,<br />

attendu qu'elle n'a<br />

pas d'argent pour solder leur main-d'œuvre; en second lieu, le<br />

travait en commun est obligatoire, son refus étant un motif d'ex<br />

clusion et l'Association héritant alors de la part de celui qui<br />

sera expulsé par ses frères. Chaque cavalier doit donc à l'Asso<br />

ciation tout le temps que lui laisse libre son service militaire et<br />

la surveillance de ses intérêts particuliers pour laquelle il lui<br />

est accordé des permissions.<br />

Le travail est journellement indiqué par le chef du bureau<br />

arabe. Les récoltes sont emmagasinées par le chef du makhzen<br />

sous la surveillance de l'officier adjoint et, à jour donné, on<br />

opère le partage entre tous les associés suivant un barème bien<br />

déterminé. Outre la ration journalière en orge et en paille de<br />

son cheval, tout « mokhazeni » a droit à une part, sauf le chef<br />

du makhzen qui perçoit deux parts, et le khodja du bureau<br />

arabe une part et demie. Les cavaliers qui ne reçoivent pas de<br />

solde touchent mensuellement, à titre d'indemnité, un demi-<br />

quintal de blé. Les légumes des jardins et les fruits sont parta<br />

gés entre les cavaliers, jardiniers et bouviers. Ces trois der<br />

nières catégories,<br />

ployés que celle d'associés,<br />

à titre de salaire,<br />

qui semblent plutôt avoir la qualité d'em<br />

perçoivent par mois et par famille,<br />

un quintal de blé. Si la Société se trouvait<br />

avoir réellement besoin d'argent, il lui était possible de vendre<br />

l'excédent des produits, mais, la deuxième année encore, on


— — 270<br />

préfère laisser perdre les légumes récoltés en trop grande abon<br />

dance plutôt que d'en tirer un bénéfice (1).<br />

Les débuts furent difficiles. L'administration dut avancer<br />

les semences à charge de restitution. La première récolte donna<br />

273 quintaux d'orge, 85 quintaux de blé, et 800 quintaux de<br />

paille. Le troupeau comprenait seulement 8 bœufs, 4 vaches,<br />

4 mulets, 90 moutons ou brebis. Légumes et fruits restèrent<br />

rares, car on ne put défricher qu'un seul jardin d'environ un<br />

hectare et demi qui fournit seulement des melons et des navets.<br />

Mais les progrès suivirent rapidement. Les cultures de cé<br />

réales s'étendirent, surtout celles de blé;<br />

ment on creusa 18 silos autour de la Smala et,<br />

pour l'emmagasine-<br />

ce nombre ne<br />

suffisant pas, on construisit un magasin sur le même modèle<br />

que les maisons et on y déposa les céréales qui devaient être<br />

promptement consommées. Sept hectares de jardin furent mis<br />

en valeur et grâce à d'importantes conduites d'eau et à quatre<br />

grands bassins d'irrigation de la contenance de 27 à 34 mètres<br />

cubes chacun, ils donnèrent en abondance tous les légumes pos<br />

sibles (choux, salades, haricots, oignons, citrouilles, et surtout<br />

melons et pastèques) et quantité d'arbres fruitiers (poiriers, pê<br />

chers, pommiers et plus encore, cerisiers et noyers jusqu'alors<br />

inconnus dans le pays) dont les plants avaient été envoyés de<br />

la pépinière d'Alger. L'intérieur et les abords du village furent<br />

garnis de mûriers. La pomme de terre, essayée pour la pre<br />

mière fois, donna du 10 pour 1. Les ceps de vigne se comptèrent<br />

par milliers. Le succès du tabac fut malheureusement compro<br />

mis par l'inhabileté ou la négligence du soldat qui servit de<br />

moniteur.<br />

(1) Si l'on songe que, suivant les conceptions de Lapasset, cette colonie<br />

avait également un but éducatif et qu'elle était destinée à essaimer, on ne<br />

peut s'empêcher d'évoquer les fondateurs du mouvement coopératif, les Equi<br />

tables pionniers de Rochdale dont le manifeste, rédigé en 1844, s'exprimait<br />

ainsi (c'est nous qui soulignons) : « Sitôt qu'il sera possible, la société procé<br />

dera à l'organisation de la production, de la distribution et de l'éducation,<br />

dans son sein et par ses propres moyens ou, en d'autres termes, elle se cons<br />

tituera en colonie autonome où tous les intérêts seront mis en commun. La<br />

société viendra en aide aux autres sociétés coopératives qui voudront fonder<br />

de semblables colonies ». (Antonelli, Manuel d'économie politique, 1945, tome<br />

I, p. 380).


Le développement et la fin.<br />

Trois ans après la fondation, les résultats étaient promet<br />

teurs. La récolte de 1848 donnait, en effet, 424 quintaux d'orge,<br />

712 quintaux de blé, 79 quintaux de fèves, 62 quintaux de pom<br />

mes de terres, 24.000 têtes d'oignons et de légumes. Pendant la<br />

seule année 1849, on plante 15.000 pieds de vigne, 1.000 arbres<br />

fruitiers et on crée une pépinière contenant 8.000 plants d'ar<br />

bres et un nombre bien plus grand encore de semis. Quatorze<br />

jardiniers travaillaient journellement avec un soldat pour mo<br />

niteur.<br />

Le village avait complété son équipement. Il comprenait<br />

44 maisons qui avaient été recrépies et blanchies; celle du chef<br />

du makhzen avait été fortifiée. Outre le magasin à blé, l'agglo<br />

mération disposait d'une chambre spéciale pour les semences<br />

et les graines; d'Un dépôt d'outils et de charrues; d'une fontaine<br />

et d'un abreuvoir alimentés par une conduite de 1.800 mètres<br />

et particulièrement appréciés des femmes dispensées désormais<br />

d'aller puiser au loin l'eau qu'elles transportaient dans des<br />

outres. Une carrière, ouverte à proximité, fournissait la pierre<br />

nécessaire; une petite scierie, établie pour utiliser le bois de<br />

construction du pays, et une briqueterie fonctionnaient : à l'ex<br />

ception des ouvrages en fer, la société se suffisait à elle-même.<br />

Deux ponceaux avaient été jetés sur des ravins, une petite<br />

route muletière pratiquée dans le milieu du périmètre et, véri<br />

table révolution dans les moyens de transport des Indigènes,<br />

une voiture bouvière, confectionnée par le parc militaire, fut<br />

mise à la disposition de l'Association. D'un mode d'attelage<br />

facile et pouvant transporter autant que 10 mulets,<br />

elle fut vite<br />

adoptée par les habitants du village et Lapasset espère que cet<br />

exemple se généralisera et que,<br />

pour utiliser ce nouveau véhi<br />

cule, les Indigènes seront amenés à améliorer les routes de<br />

plaine, à en établir en montagne.<br />

La smala jouera ainsi pleinement son rôle d'installation<br />

modèle et d'école d'agriculture dont toute la contrée doit pro<br />

fiter. Les tribus, répondant à l'appel du chef du bureau arabe,


— — 272<br />

envoyèrent quelques hommes y faire un stage. Pour ne pas<br />

décourager par trop<br />

de nouveautés l'intelligence des premiers<br />

adeptes, on introduisit les innovations une à une et, dans l'im<br />

médiat, Lapasset conseille de se limiter, à peu de chose près, aux<br />

instruments aratoires habituels : selon lui,<br />

expression de Bugeaud,<br />

était de perfectionner la routine ».<br />

pour reprendre une<br />

« la conduite la plus sage à tenir ici<br />

Dès 1848, des agriculteurs nouvellement formés à la smala<br />

font, chez les Béni-Hidja et dans le caïdat de Ténès, des planta<br />

tions de vigne, d'arbres fruitiers, de pommes de terre et de quel<br />

ques autres légumes. En 1849,<br />

plus de soixante élèves sont for<br />

més. Pour atteindre son but éducateur, Lapasset conduit les<br />

chefs ou même de simples Indigènes dans le village, les jardins,<br />

les plantations, leur donnant toutes les explications nécessaires,<br />

leur faisant apprécier les produits nouveaux et en particulier<br />

la pomme de terre. Devenant non seulement une école de jardi<br />

nage, mais une vaste ferme-modèle, la smala fournit aux Indi<br />

gènes, avec des conseils et un exemple utile à suivre, une quan<br />

tité de plus en plus imporante de graines et de plants d'ar<br />

bres (1).<br />

Mais ce n'était pas là le stade final. Dans la pensée de son<br />

fondateur, la smala ne devait pas rester un établissement isolé.<br />

Déjà, en 1848, deux grands chefs du cercle demandaient la<br />

construction de hameaux sur le modèle de la Smala. Au chef-<br />

lieu de chaque cercle, en utilisant notamment les biens du Bey<br />

lik, Lapasset voulait faire bâtir par les tribus un village indi<br />

gène modèle, peuplé, comme celui de Ténès, par les cavaliers,<br />

les employés du bureau arabe, quelques Indigènes choisis parmi<br />

ceux qui étaient les plus susceptibles d'embrasser nos idées et<br />

aussi les familles dont on voudrait surveiller la conduite poli<br />

tique. Pendant les trois ou quatre premières années suivant la<br />

création du village, la propriété serait possédée en commun et<br />

l'association du travail érigée en principe. Lorsque les terres<br />

(1) N 465, 1848, Ténès, 1 q. de novembre.<br />

N 468, 1849, Ténès, 2° q. de mars.<br />

N 468, 1849, Ténès, 2' q. de décembre.<br />

N. 443, main-d'œuvre indigène.


— — 273<br />

seraient en plein rapport et les travaux d'utilité générale exé<br />

cutés, on opérerait la dissolution de la société et le partage équi<br />

table des champs, des jardins, des maisons,<br />

chaque famille re<br />

cevant un titre définitif de propriété sur une étendue que La<br />

passet estimait devoir être d'environ douze hectares; seuls la<br />

pépinière et le jardin d'essai non partagés deviendraient biens<br />

communaux.<br />

Et, lorsque les villages des cercles seront florissants, on entre<br />

prendra la création de villages moins importants autour de cha<br />

que chef influent et on les peuplera avec les familles, les servi<br />

teurs, les chaouchs, les cavaliers de ce notable auquel on pourra<br />

bâtir une maison crénelée servant en même temps de réduit à<br />

l'agglomération. On encouragera les Arabes à habiter ces cen<br />

tres de population en accordant certains privilèges à ceux qui<br />

viendront s'y fixer, on les contraindra indirectement à y venir<br />

en ordonnant que tous les silos de la tribu soient construits au<br />

tour des fossés d'enceinte. Dans les centres éloignés du bureau<br />

arabe, les Indigènes ne pourront bénéficier des avantages de<br />

l'association car, loin de la protection de l'autorité française,<br />

les habitants du hameau soumis au régime communautaire ne<br />

seraient plus que les fermiers de l'agha ou du caïd. Là, par<br />

exception, la propriété individuelle sera immédiatement cons<br />

tituée.<br />

Surtout la colonisation arabe devra essaimer : le « nouveau<br />

village en voie de prospérité, l'on procédera à l'installation d'un<br />

autre, d'après le même mode, de telle sorte que, par cercle, il<br />

y aura, suivant son importance, 3, 4 ou 5 centres indigènes<br />

se reliant avec des centres européens » (souligné dans le texte)<br />

(1). Et ainsi les deux colonisations, se tendant la main, coopé<br />

reront à la grande œuvre de la mise en valeur du pays.<br />

Lapasset voit bien les objections que l'on peut faire à son<br />

projet. On protestera contre le travail imposé aux tribus pour<br />

construire les villages bien que la touïza soit d'une pratique cou<br />

rante chez les Indigènes, et d'ailleurs, selon lui,«sans une certaine<br />

contrainte, il est impossible de faire du bien aux masses ». Il<br />

ne croit pas à la répulsion absolue des Indigènes à habiter des<br />

(1) Lapasset (9) 41.<br />

18


— — 274<br />

centres surtout si, dans certains cas,<br />

on se limite aux villages<br />

de tentes. Et il voit de multiples avantages à agglomérer ainsi<br />

la population indigène. Au point de vue politique, les révoltes<br />

seraient presque impossibles, des besoins nouveaux se mani<br />

festeraient, une solidarité d'intérêts s'établirait qui, pour le mo<br />

ment, est « la seule fusion possible entre le chapeau rond et le<br />

turban, entre la croix et le croissant ». Au point de vue admi<br />

nistratif, les affaires se régleraient plus vite et les chefs ne<br />

pourraient pas échapper à la surveillance de l'autorité fran<br />

çaise. Financièrement, l'Etat en retirerait un grand profit, car<br />

l'assiette de l'impôt serait plus justement et plus facilement<br />

établie. Pour les Indigènes,<br />

la voie du bien-être et de la régénération.<br />

l'agglomération au village ouvrirait<br />

Et Lapasset conclut par une comparaison entre la coloni<br />

sation indigène et la colonisation européenne, la première lui<br />

paraissant beaucoup plus riche en éléments de succès : « L'une<br />

a ses terres toutes prêtes, l'autre a besoin de les acheter; celle-ci<br />

possède un grand nombre de familles acclimatées;<br />

celle-là n'en<br />

a qu'un petit nombre que la fièvre décime tous les jours. La<br />

première peut être organisée, dirigée vers un but et sans grands<br />

frais; la seconde, indisciplinée, éparpillant ses efforts, coûte des<br />

sommes immenses » (1).<br />

Le succès répondit-il aux espérances de Lapasset ? Remar<br />

quons tout d'abord que l'œuvre resta localisée à la Smala de<br />

Ténès, peut-être parce que Lapasset, nommé à Orléansville, puis<br />

à Oran, ne put jamais lui donner l'extension rêvée. Mais, en<br />

admettant même son maintien à Ténès (où il resta d'ailleurs<br />

jusqu'en 1851),<br />

aurait-il pu continuer à défendre son système<br />

basé sur l'association, alors que, en janvier 1850, l'Assemblée<br />

Législative approuvait un rapport de Thiers assimilant l'asso<br />

ciation ouvrière à une manifestation de l'anarchie ? alors que<br />

les nombreuses coopératives créées après les journées de février<br />

1848 disparaissaient une à une et que l'idée coopérative elle-<br />

même, suspecte d'engendrer la subversion sociale, était englobée<br />

(1) Lapasset (9) 65-67.


275<br />

dans la haine du « rouge » et vouée aux gémonies par la bour<br />

geoisie dont les officiers étaient issus ? La Smala se trouva<br />

isolée, sinon condamnée, par les conceptions mêmes qui lui<br />

avaient donné naissance.<br />

Que devint-elle ? Elle ne semble pas avoir été acceptée avec<br />

beaucoup d'enthousiasme par les Indigènes de la région et, en<br />

1848, ils avaient formé le projet de s'emparer des moissons à<br />

main armée, « sous le vain prétexte, écrit Lapasset, qu'elles<br />

étaient la propriété du chef des affaires arabes, directeur de<br />

l'association » (1),<br />

appréciation qui semblerait prouver que le<br />

village était étroitement soumis à l'autorité militaire. En 1852,<br />

Randon la condamne parce qu'elle ne correspondait pas à ses<br />

conceptions sur les smalas, et il ordonne que chaque proprié<br />

taire de maison reçoive un lot de terrain (2). Nous ignorons<br />

comment s'effectua l'allotissement, mais nous connaissons la<br />

situation en 1856 : le village compte seulement 20 maisons et<br />

« quoique habitables, elles ne sont pas dans un bon état d'entre<br />

tien. Les terres sont assez bien cultivées et les plantations sont<br />

assez bien entretenues. Le village de la Smala possède environ<br />

3.000 arbres fruitiers et 4 hectares et demi de vigne dont la moi<br />

tié environ en bonne production. Les routes qui le sillonnent<br />

sont complantées d'arbres d'avenues. Le village est doté d'une<br />

fontaine, de bassins et abreuvoirs qui répondent à toutes les<br />

conditions d'un bon service » (3). Ce rapport officiel émanant,<br />

à n'en pas douter, du bureau arabe de Ténès, ne parvient pas,<br />

malgré son ton quasi optimiste, à cacher l'échec d'une création<br />

qui semblait appeler à un bel avenir. Que sont devenus les<br />

troupeaux ? les jardins ? la pépinire ? et surtout les 24 maisons<br />

que l'agglomération compte en moins ? Ruinées sans aucun<br />

doute. Un pauvre village recroquevillé sur lui-même a succédé<br />

à une agglomération qui devait être l'élément générateur de<br />

toute la colonisation indigène dans la région, la maison mère<br />

essaimant dans la contrée !<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville, 1 q. de juin.<br />

(2) D.A. Orléansville carton 1 : lettre au général Camou le 28-10-1852.<br />

(3) Tableau des Etablissements français 1856-58, p. 197.


276-<br />

CONCLUSION<br />

Cet échec n'étant pas particulier au village de la Smala<br />

ne peut être imputé à la pratique de l'association et comme,<br />

d'autre part, il dépasse la question des entreprises de villages,<br />

nous essayerons, plus loin, d'en dégager les causes générales.<br />

Notons cependant, dès maintenant,que les Indigènes étaient<br />

mal disposés à l'égard des constructions qu'ils considéraient<br />

plutôt comme portant atteinte à leur liberté individuelle que<br />

comme devant leur procurer un bien-être qu'ils ne connaissaient<br />

pas et enviaient peu. Aussi n'agissaient-ils souvent que pour<br />

complaire à l'autorité français, à ce qu'ils considéraient comme<br />

un caprice des Français. Encore en 1862, les Heumis manifes<br />

tent une certaine opposition lorsqu'il est question de les réunir<br />

en village (1) et il est probable que, dans notre région, comme<br />

ailleurs, plus d'un chef, une fois sa maison élevée, a continué<br />

à vivre sous la tente, abandonnant à ses troupeaux la demeure<br />

de maçonnerie (2).<br />

Lapasset croyait que, dans la modification du logis, la fem<br />

me, estimant la maison plus confortable, aiderait puissamment<br />

l'action des Bureaux arabes. Il semble que ce soit Hugonnet qui<br />

ait vu juste lorsqu'il écrivait : « Dans la question si importante<br />

du remplacement de la tente par la maison, nous n'avons pas<br />

d'adversaire plus éloquent et plus à redouter que la femme. Elle<br />

ne veut pas de cette habitation de pierres qui représente pour elle<br />

une cage, une prison. Avec la tente, au contraire, elle se trans<br />

porte, suivant les saisons, dans diverses contrées; elle n'a qu'à<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville, divers. G. Orléansville,<br />

mars 1862.<br />

(2) Hugonnet (6) 122-123, Wahl : l'Algérie, 454 p. Paris 1903 à la p. 203.<br />

M.G. 208 : note du ministère de la guerre (1870). Pour citer un exemple dans<br />

notre région : en 1877 la commission des centres de Miliana rapporte que le<br />

village arabe de Kobour Ali (ou Gueba Ali de notre tableau p. 237), au sud<br />

d'Affreville, est à peu près abandonné : les maisons qui subsistent sont dédai<br />

gnées par les indigènes qui se sont construits à côté de misérables gourbis<br />

(D.A. Affreville).


— 277-<br />

soulever un des bords de sa demeure pour voir se dérouler de<br />

vant elle les horizons immenses... elle et ses enfants se trouvent<br />

là perpétuellement en contact avec l'air libre » (1).<br />

A cette hostilité naturelle des Indigènes pour les construc<br />

tions, il faut ajouter que parfois les promesses faites ne furent<br />

pas tenues et les titres de propriété ne suivirent pas toujours<br />

l'édification des maisons (2).<br />

Aussi le mouvement créateur de constructions se ralentit<br />

dès 1858-1860,<br />

si l'on préfère après le gouvernement de Randon,<br />

au moment de la création du Ministère de l'Algérie et des Colo<br />

nies : c'est tout à fait exceptionnellement que l'on signale alors,<br />

dans l'aghalik des Zatima par exemple, la construction de quel<br />

ques maisons.<br />

Le sénatus-consulte de 1863, confimant les droits de pro<br />

priété des Indigènes eut, dans certains endroits, un effet remar<br />

quable. Pendant l'automne 1864, les Sbéah bâtissent plus de<br />

100 maisons; dans l'aghalik d'El Esnam (Orléansville), les Ara<br />

bes élèvent également de nombreuses constructions et Capifali<br />

estime que, depuis la promulgation du sénatus-consulte, plus de<br />

400 maisons ont été bâties dans le cercle. Toutefois selon toute<br />

apparence, c'étaient des bâtiments plus élémentaires que ceux<br />

décrits précédemment et pour les Sbéah par exemple, il est<br />

parlé de « maisonnettes construites avec de la chaux et du<br />

plâtre sur le modèle de celles de Mazouna ». Dans son désir de<br />

montrer les heureux effets de la politique du Royaume arabe,<br />

il est probable que Capifali englobe dans ses statistiques beau<br />

coup de maisons-gourbis.<br />

D'ailleurs, cet engouement pour les maisons ne fut pas<br />

général et les rapports de Téniet-el-Had et de Miliana signalent<br />

l'absence de toute construction, imputant parfois ce fait à l'inap<br />

plication du Sénatus-consulte. Dans la région d'Orléansville elle-<br />

(1) Lapasset (9) 59-60. Hugonnet (6) 109-110.<br />

(2) G. Orléansville, 1er T. 1860. Urbain accuse le cantonnement d'être a<br />

l'origine de l'arrêt des constructions (112) 115-116. Les exemples que nous<br />

avons donnés prouveraient plutôt le contraire.


278-<br />

même le mouvement cessa bientôt et Capifali qui, en 1864, pro<br />

phétisait des progrès encore plus intenses pour le printemps<br />

prochain, ne dit plus un mot des constructions dans les rapports<br />

qui suivent. Tentes et gourbis continuèrent donc à prédominer<br />

dans la région (1).<br />

(1) G. Cherchel, 4" T. 1861.<br />

G. Orléansville, 4" T. 1864.<br />

G. Téniet-el-Had, 4« T. 1864.<br />

G. Miliana, 2« T, 1865.


CHAPITRE V<br />

L Amélioration de l'Economie<br />

Cultures et Elevage


Nous abordons maintenant la troisième partie du pro<br />

gramme dont la réalisation fut entreprise par les Bureaux<br />

arabes pour transformer les genres de vie indigènes : outre la<br />

délimitation des propriétés et la fixation au sol par la maison,<br />

il leur apparaît capital d'améliorer les rendements de l'écono<br />

mie indigène, en matière agricole surtout.Pensant, avec Richard,<br />

que l'agriculture est la première des sciences et le premier<br />

intérêt des nations, ils considèrent comme un grand but d'ap<br />

prendre aux Arabes à exploiter le sol avec intelligence et profit.<br />

A cet effet, ils font appel à l'intervention de l'Etat pour<br />

agir sur les volontés engourdies ou récalcitrantes,<br />

pour vaincre<br />

l'apathie, l'indifférence, les répugnances et les préjugés des<br />

Indigènes plongés dans la routine et la paresse. Ils voudraient<br />

que l'Administration distribuât aux cultivateurs des manuels<br />

d'agriculture en langue arabe ou des articles du Mobacher trai<br />

tant des questions agricoles (1). Surtout, ils sollicitent de tous<br />

leurs vœux la fondation auprès de chaque bureau arabe d'une<br />

ferme-modèle où les Indigènes pourraient venir apprendre à<br />

créer un jardin, à greffer des arbres fruitiers, à planter la pom<br />

me de terre, le tabac ou le coton. Lapasset désirait même l'éta<br />

blissement d'écoles arabes-françaises dans lesquelles on donne<br />

rait de bonnes notions d'agriculture pratique.<br />

Dans l'attente de toutes ces réalisations qu'ils espérèrent en<br />

vain, les officiers des Bureaux arabes se firent les instituteurs<br />

des Arabes, s'efforçant de les initier à notre agriculture et de<br />

rénover une économie attardée. Nous allons essayer d'évoquer<br />

leur action dans les différents domaines où s'exerça leur acti<br />

vité (2).<br />

(1) Auraient-ils pu les lire ? Probablement non, du moins dans la région<br />

étudiée où l'arabisation des régions montagneuses était loin d'être achevée.<br />

Signalons cependant que dans un rapport du 24-12-1844, relatif à la Province<br />

d'Oran, Walsin-Esterhazy affirme que « la moyenne des individus du sexe<br />

masculin sachant lire et écrire est au moins égale à celle que les statistiques<br />

départementales nous font connaître pour les habitants de nos campagnes »<br />

(N 1675). On sait qu'à cette époque, en France, plus de la moitié des conscrits<br />

étaient illettrés et c'est l'application de la loi Guizot de 1833 qui, après 1858,<br />

ramena cette proportion au tiers<br />

(2) Richard (18) 64-65. Lettre de Lapasset à Lacroix du 15 septembre<br />

1863 (121) 482. G. Orléansville, 1" T. 1861 (rapport de Capifali). Dans son<br />

rapport d'inspection de 1853, le général Camou reprend à peu près textuelle<br />

ment les arguments de Richard en faveur de la ferme-modèle, autre preuve,<br />

s'il en était besoin, de la parfaite concordance d'idées entre les Bureaux ara<br />

bes et les responsables de l'Armée (N 448).


— — A<br />

LA CULTURE DES CÉRÉALES<br />

Pour les officiers des Bureaux arabes, la culture des céréa<br />

les doit être l'apanage des Indigènes. Pellissier de Reynaud la<br />

déconseillait formellement aux Européens,<br />

car c< c'est dans les<br />

riches cultures industrielles du coton, du tabac, du mûrier, de<br />

l'olivier, de la cochenille, etc.. que la colonisation doit se frayer<br />

sa voie parce que c'est l'unique source de ces larges et rapides<br />

bénéfices qu'elle recherche avant tout », et parce que,<br />

« mar<br />

chant ainsi par deux routes distinctes, les deux populations<br />

peuvent vivre côte à côte » (1). Dès 1848, Richard pensait qu'il<br />

était impossible aux Colons de concurrencer les Indigènes dans<br />

la culture des céréales et lui aussi affirmait que « pour coloniser<br />

dans ce pays d'une manière sérieuse, il faut tirer de la terre<br />

autre chose que des grains qu'elle donne déjà en si grande abon<br />

dance » (2). L'idée est particulièrement chère à Lapasset. Il y<br />

revient à plusieurs reprises et prétendant mettre « chacun à sa<br />

place », il fait la répartition suivante : « A eux (les Indigènes)<br />

la production des céréales, la grande culture, l'élevage des bes<br />

tiaux, pour lesquels nous ne pouvons lutter avec eux. A nous<br />

la culture industrielle, à nous le commerce, l'industrie; à nous<br />

les mines, les forêts, les chemins de fer, les grands travaux<br />

d'utilité publique, à nous enfin les villes ». Tel est, à l'entendre,<br />

le seul programme naturel en Algérie. Et l'on sait que Napoléon<br />

III devait l'adopter dans sa fameuse lettre au maréchal Pélis-<br />

(1) Pellissier (14) III 402.<br />

(2) N 465, 1848, 2" q. de septembre.


{■<br />

282<br />

sier, du 6 février 1863 (1). A cette époque, depuis plusieurs an<br />

nées déjà, les Bureaux arabes essayaient d'en démontrer le bien<br />

fondé en agissant sur les Indigènes pour les porter à étendre<br />

et à améliorer leurs cultures de céréales.<br />

I. —<br />

Défrichements.<br />

L'EXTENSION DE LA CULTURE<br />

Les adversaires des Bureaux arabes leur ont parfois repro<br />

ché, d'avoir poussé les Indigènes non à améliorer, mais à étendre<br />

leurs cultures, ce qui avait pour résultats de priver la coloni<br />

sation de terres dont elle aurait pu tirer grand profit (2). En<br />

réalité, ils essayèrent à la fois d'augmenter les surfaces livrées<br />

à la charrue et d'accroître les rendements,<br />

mais il est certain<br />

qu'il leur fut plus facile d'atteindre le premier objectif que le<br />

second.<br />

L'extension des défrichements était d'ailleurs imposée par<br />

les progrès mêmes de la colonisation. Resserrés par les acqui<br />

sitions des Européens, les Béni-Menasser, en 1856,<br />

mettent en<br />

valeur des terres qu'ils avaient jusque-là négligées. Les Righa,<br />

à l'étroit dans leur pays depuis la constitution des villages d'Aïn-<br />

Bénian et d'Aïn-Sultan, recherchent de l'espace dans le Chélif,<br />

du côté des Djendel, et ils y parviennent en 1851, grâce à l'inter<br />

médiaire du bureau arabe qui trouve à louer des terres pour ces<br />

montagnards. De plus, la création des centres de colonisation et<br />

l'ouverture de leurs marchés, en donnant aux Indigènes l'assu<br />

rance de vendre les produits agricoles à un prix élevé, déter-<br />

(1) Lettre de Lapasset à Lacroix du 29 juin 1859. Il reprend la même<br />

idée dans une lettre à Daumas du 7 mars 1862 et dans une autre à Lacroix<br />

du 15 avril 1862 (121) 187-188, 330, 338. Dans sa lettre sur le Royaume arabe<br />

Napoléon III disait « Aux indigènes, l'élevage des chevaux et du bétail, les<br />

cultures naturelles du sol. A l'activité et à l'intelligence européennes, l'ex<br />

ploitation des forêts et des mines, les dessèchements, les irrigations, l'intro<br />

duction de cultures perfectionnées, l'importation de ces industries qui précè<br />

dent ou accompagnent toujours les progrès de l'agriculture ».<br />

(2) A. Duvernois (59) 51.


— — 283<br />

mine en plusieurs endroits (dans le cercle de Cherchel en parti<br />

culier)<br />

un notable accroissement des labours (1).<br />

L'impulsion des Bureaux arabes joue un grand rôle après<br />

une mauvaise année, en 1868 par exemple, où, dans le cercle<br />

d'Orléansville, entre autres, ils réussirent à accroître les labours<br />

d'un tiers. C'est encore par leur action que, pour subvenir aux<br />

besoins de la Métropole, les surfaces cultivées s'étendent consi<br />

dérablement pendant la campagne 1870-1871. A Orléansville. les<br />

tribus voisines du territoire civil fournissent 1.500 charrues pour<br />

ensemencer de nouveaux terrains; dans les autres cercles, l'ef<br />

fort est également considérable bien qu'entravé par les intem<br />

péries qui ont été la cause d'une grande mortalité des bes<br />

tiaux (2).<br />

Mais c'est surtout après une année d'abondance que l'on<br />

note les transformations les plus remarquables. Une bonne<br />

récolte, et à plus forte raison, une suite de bonnes récoltes, bou<br />

leverse les conditions économiques et sociales. En 1855, dans<br />

la région d'Orléansville, à cause des rendements favorables de<br />

plusieurs années, de l'élévation du prix des céréales et de la<br />

vente assurée, beaucoup de khammès achètent des bœufs de<br />

labour et deviennent cultivateurs, entreprenant de multiples !<br />

défrichements, non sans d'interminables procès soulevés par la j<br />

question de la propriété des terres ou par le règlement des avan- ;<br />

ces faites par les fellahs à leurs anciens khammès. Par voie de i<br />

conséquence, les grands propriétaires peuvent difficilement /<br />

faire labourer leurs terres car ceux qui consentent encore à rem- j<br />

plir les fonctions de khammès demandent non seulement de i<br />

grandes avances en argent, mais une part du dixième ou 1<br />

même du cinquième en propre dans la charrue en sus de ce \<br />

(1) N 475 Cherchel, 3» T. 1856 ; N 470 Miliana, octobre 1851. G. Cherchel,<br />

4« T. 1856.<br />

(2) G. Orléansville, juillet et novembre 1868 ; Orléansville, février 1871 ;<br />

Cherchel, 1" T. 1871.


■284 —<br />

qui leur revient d'ordinaire (1). Au total,<br />

chaque fois que cette<br />

situation se reproduit, la diminution du nombre de khammès<br />

et l'augmentation corrélative du nombre de fellahs se traduit<br />

par1 une extension des surfaces labourées, ce qui ne signifie pas<br />

forcément une récolte plus importante, car les nouveaux fellahs<br />

ne disposant le plus souvent que de bêtes de mauvaise qualité<br />

et de terrains qu'ils n'ont pas le moyen de fumer par le pacage<br />

des bestiaux, obtiennent des grains de qualité inférieure et en<br />

quantité moindre.<br />

Parfois l'accroissement des surfaces cultivées résulte sim<br />

plement d'une meilleure utilisation du sol. Les buissons et les<br />

bouquets de jujubier sauvage disparaissent du milieu des terres<br />

labourées et la superficie ensemencée s'en trouve ainsi accrue.<br />

Lorsqu'il s'agit de prendre possession de terres nouvelles, on<br />

opère par brûlis sous la surveillance des agents forestiers : les<br />

broussailles sont coupées à fleur de terre, sans toucher aux raci<br />

nes et, non sans risques, on y met le feu : il arrive que l'année<br />

suivante les broussailles repoussent et il faut recommencer le<br />

même travail. Lorsque l'autorisation de pratiquer l'incendie<br />

n'est pas donnée, les défrichements se font à la pioche, dans le<br />

cercle de Ténès, par exemple (2).<br />

Faute de statistiques générales, il n'est pas aisé d'apprécier<br />

l'importance des défrichements réalisés. Qu'un seul caïd ait<br />

défriché 20 hectares la même année (en 1850, dans la région de<br />

Ténès), c'est là un exploit individuel sans grande portée. Il est<br />

beaucoup plus intéressant de savoir que, dans le cercle de<br />

Miliana, en 1854, plusieurs tribus dont la superficie n'a cepen<br />

dant pas diminuée, n'ont pas autant de terres labourables qu'el-<br />

i (1) N 474, Orléansville, novembre 1855.<br />

G. Ténès, 2" T. 1858.<br />

G. Orléansville, 2» T. 1865, 2» et 3« T. 1866.<br />

C'est donc à tort que Rectenwald, dans son beau travail sur Le contrat<br />

de khammesat en Afrique du Nord (Paris 1912, 136 p.), p. 37, nie l'intervention<br />

de la loi de l'offre et la demande et affirme que la rémunération du kham<br />

mès, pour un même lieu, est immuable au cours des temps.<br />

(2) N 450, 1854, cercle de Ténès N 463, 1847, Orléansville, 2? q. août.<br />

G. Orléansville, 4« T. 1858 ; G. Cherchel, 3» T. 1856 ; G. Miliana, 2» T. 1860.


— — 285<br />

les pourraient en cultiver, ce qui ne s'était jamais vu avant<br />

l'occupation française.<br />

Parfois nous disposons de renseignements plus précis. Un<br />

rapport de Téniet-el-Had établit que le nombre de paires de<br />

bœufs ayant labouré dans le cercle a été de 468 en 1843-1844, ,<br />

de 1.010 en 1844-1845, de 593 en 1845-1846, de 1.331 en 1846-1847<br />

et de 1.845 en 1847-1848. Malgré les difficultés dues à l'insurrec-<br />

tion de Bou-Maza et expliquant l'importance des variations '.<br />

enregistrées, le progrès est donc considérable;<br />

pense, et cela lui paraît un maximum,<br />

aussi Margueritte<br />

que le cercle utilisera<br />

3.000 paires de bœufs quatre ans plus tard. Ces prévisions furent<br />

cependant dépassées puisque, à en croire un rapport de 1852,<br />

l'ensemble des surfaces défrichées dans le cercle s'élevait alors<br />

à 65.860 hectares, et l'on sait que la charrue ou zouidja doit<br />

être estimée entre 10 et 15 hectares. Le cercle de Miliana qui !<br />

dans la seule année 1847 avait augmenté de 34 % le nombre<br />

de ses charrues, totalisait,<br />

en 1854, 72.670 hectares défrichés. On<br />

peut signaler des progrès de même ordre dans les autres régions :<br />

10.850 hectares labourés en 1849 dans le cercle de Ténès contre<br />

8.952 en 1848; dans celui d'Orléansville, les labours de 1850<br />

dépassent de 28 °/o ceux de 1849 et, en 1851, ils sont encore<br />

supérieurs d'un cinquième à ceux de l'année précédente. Le<br />

mouvement se continue par la suite, notamment au cours de la<br />

période 1860-1866,<br />

et l'on enregistre alors de notables accrois<br />

sements de cultures dans les régions de Miliana, de Cherchel et<br />

surtout dans celle de Téniet-el-Had qui, dans la seule année<br />

1865, s'inscrit pour 700 nouvelles zouidjas (1).<br />

Il ne faudrait cependant pas conclure à un développement<br />

régulier des surfaces labourées. Une mauvaise année peut avoir<br />

dans ce domaine des conséquences catastrophiques. En 1867, par<br />

suite d'une sécheresse exceptionnelle, la récolte avait été à peu<br />

près nulle, les grains, en de nombreux endroits, n'ayant même<br />

pas germé; les semences manquaient et surtout les bêtes de tra<br />

vail étaient épuisées par une disette prolongée résultant de l'ab-<br />

(1) N 463, 1867, cercle de Miliana ; N 447, 1852, subdivision de Miliana ;<br />

N 473, 1854. cercle de Miliana ; N 465, 1848, cercle de Téniet-el-Had ; N 468,<br />

1849, -<br />

cercle de Ténès ; N 469, 1850, cercle de Ténès G : Miliana, 2" T. 1860;<br />

Téniet-el-Had, 4« T. 1856 et 4< T. 1865 ; Cherchel, 1" T. 1864.<br />

j


— — 286<br />

sence complète de pâturages. Dans le cercle d'Orléansville, qui<br />

avait perdu 50 % de ses bœufs, le nombre de charrues labourées<br />

passe de 6.256 à 1.428. Même au cours d'une année normale, on<br />

peut noter des reculs,<br />

un retour aux friches de champs abandon<br />

nés volontairement. Le fait est signalé à plusieurs reprises, no<br />

tamment de 1868 à 1871. Des Indigènes quittent les terres qu'ils<br />

possèdent et louent, pour les cultiver, d'autres terrains à des<br />

Européens,<br />

parce que le prix de location est bien inférieur au<br />

montant de l'impôt d'achour qu'ils auraient à payer en labou<br />

rant leurs propres terres. D'autres, dans les montagnes de Cher<br />

chel en particulier, s'estimant trop imposés, se contentent de<br />

louer leurs bestiaux aux cultivateurs de la plaine du Chélif,<br />

trouvant dans cette affaire un bénéfice plus grand que celui<br />

qu'ils auraient retiré de la culture de leurs terres (1).<br />

Prêts et Réserves.<br />

Défricher ne suffit d'ailleurs pas. Encore faut-il disposer<br />

des grains nécessaires aux ensemencements. Lorsque s'ouvre la<br />

campagne agricole, surtout si l'année précédente a été mauvaise,<br />

les semences peuvent manquer au cultivateur. Pas d'institutions<br />

de crédit susceptibles de fournir rapidement les avances indis<br />

pensables : celles qui existent, comme l'écrit Garaud, chef du<br />

bureau arabe de Miliana, exigent toutes les formalités paperas<br />

sières de la Métropole et par suite se trouvent prêtes à aider le<br />

fellah lorsqu'il n'en est plus temps. Rebuté, celui-ci, pressé par<br />

l'époque des labours, se tourne vers l'usurier,<br />

parfois un Euro<br />

péen, le plus souvent un Juif. C'est la solution traditionnelle,<br />

celle qui ruine l'agriculteur indigène et qui faisait écrire au<br />

général Lacretelle en 1868 : « Il faut que l'usure soit tuée ou<br />

que le peuple arabe meure » (2).<br />

Les plus importants chefs indigènes, Bou Alem et Baghdadi<br />

par exemple, respectivement bach-agha et agha des Djendel,<br />

eurent de graves difficultés avec leurs prêteurs et l'affaire eut<br />

(1) G. Orléansville, avril et juin 1868, 4« T. 1868 ; Cherchel, 1" T. 1871.<br />

(2) Lacretelle (8) 42,-48.


— — 287<br />

un grand retentissement au tribunal de Blida (1). Quant aux<br />

petits fellahs, il leur était particulièrement difficile d'échapper<br />

aux usuriers, car faute d'ensemencer une seule année, ils se<br />

seraient trouvés dans l'obligation, pour subsister, de vendre leur<br />

troupeau,<br />

peut-être même leurs bêtes de labour, c'est-à-dire de<br />

se vouer à une misère sans doute définitive. Ils achetaient donc<br />

à crédit les semences indispensables ou empruntaient l'argent<br />

nécessaire aux achats et cela à des conditions telles que la ré<br />

colte suivante, fût-elle assez bonne, suffisait à peine pour les<br />

libérer et les ruinait si elle était médiocre : dans le cercle d'Or<br />

léansville, en 1862, les négociants vendent l'orge à crédit deux<br />

fois et demi son prix avec remboursement obligatoire au prin<br />

temps prochain; à Cherchel, en 1868, le taux moyen de l'intérêt<br />

atteint 40 % pour deux mois, c'est-à-dire 240 %<br />

pour l'année.<br />

S'étant livrés pieds et poings liés, les fellahs vivaient dans<br />

l'attente de la moisson, et celle-ci à peine terminée, on voyait<br />

les grains affluer vers les magasins des créanciers, les Indigènes<br />

faisant tous leurs efforts pour s'acquitter de leurs dettes ruineu<br />

ses. Afin d'éviter les frais de justice entraînés par le défaut de<br />

paiement et les saisies brutales qui frappaient parfois tout un<br />

douar, ils se privaient même du nécessaire pour échapper à la<br />

ruine totale et ils apportaient aux usuriers des grains qu'ils<br />

seraient peut-être obligés de solliciter à nouveau quelques mois<br />

après, lorsque les pluies d'automne permettraient les premiers<br />

labours. Si le règlement tardait, les billets émis par les créan<br />

ciers s'abattaient sur le bureau arabe chargé de les transmet<br />

tre : celui d'Orléansville les recevait par centaines et certaines<br />

années l'autorité militaire s'en déclare accablée.<br />

Pour assurer sa prospérité, le fellah ne pouvait même pas<br />

compter sur une année favorable, car si la récolte s'avérait<br />

satisfaisante, elle l'était également ailleurs et il ne pouvait ven<br />

dre les excédents avec profit. Une bonne année agricole, c'était<br />

le plus souvent une année inutile. Rongé par l'usure, l'Indigène<br />

(1) G. Miliana, 1" et 2? T. 1861. Les plus grands personnages de la région<br />

étaient acculés à la ruine pour avoir emprunté de faibles sommes et les rap<br />

ports du bureau'<br />

arabe de Miliana les présentent comme les victimes d'une<br />

compagnie de Juifs.


-288 —<br />

se trouvait dans l'obligation de vendre et, vu la grande quantité<br />

de grains disponible, les prix baissaient d'une manière désas<br />

treuse : 20 à 30 %<br />

en une seule journée sur le marché de Ténès<br />

en 1863. Et ainsi se posaient deux problèmes étroitement liés<br />

d'ailleurs : celui des prêts à consentir aux Indigènes et celui de<br />

la possibilité pour eux de constituer des réserves (1).<br />

Les Turcs avaient partiellement porté remède à cette situa<br />

tion, du moins en ce qui concernait les tribus du Makhzen. Les<br />

cavaliers nécessiteux recevaient, en effet, du Gouvernement, les<br />

grains pour ensemencer leurs terres et pour nourrir leurs che<br />

vaux et ils réintégraient ces avances sur leurs premières récol<br />

tes. Les Bureaux arabes essayèrent de généraliser la méthode<br />

à l'ensemble des Indigènes. Grâce à eux, à de nombreuses repri<br />

ses, l'Administration distribue, à titre de prêt contre rembour<br />

sement après la récolte, d'importantes quantités de grains d'orge<br />

et de blé sans lesquelles beaucoup<br />

n'auraient pu ensemencer.<br />

Margueritte voit là un excellent moyen pour s'attirer les sym<br />

pathies des Indigènes et leur reconnaissance.<br />

Mais les ressources de l'Administration étant limitées, les<br />

Bureaux arabes font souvent pression sur les chefs indigènes<br />

pour les inciter à prêter. En décembre 1846, dans l'attente des<br />

bâtiments qui doivent apporter des céréales à Ténès, le chef du<br />

bureau arabe rassemble tous les riches cultivateurs, connus pour<br />

posséder des silos de réserve, et les invite, sous sa responsabi<br />

lité et celle des caïds, à prêter du blé ou de l'orge aux pauvres<br />

à la condition expresse que les grains cédés seraient rendus par<br />

l'entremise du bureau arabe à l'époque de la moisson, et l'opé<br />

ration s'effectue sans difficultés. Souvent, en effet, on trouve<br />

de la bonne volonté chez les notables indigène, tel l'agha El<br />

Ghobrini, de Cherchel, qui, en 1859, n'hésite pas à prêter 400<br />

doubles décalitres pour aider ses administrés accablés par une<br />

mauvaise récolte. Lorsqu'il y a des réticences de la part des gens<br />

(1) En particulier : G. Orléansville, 3» T. 1859 ; 2*, 3« et 4« T. 1862<br />

2' T. 1863 ; août 1863.<br />

Ténès, 1" et 4" T. 1860.<br />

Miliana, 1" T. 1861 ; 3° T. 1863 ; 4" T. 1865 ; 1" T. et 4" T. 1867.<br />

Cherchel, 3» et 4e T. 1866 ; 2» T. 1868.


— 289-<br />

de grande tente, des « ordres sévères » sont donnés par le bu<br />

reau arabe dans chaque bocaa (section de douar) pour que les<br />

riches prêtent : c'est l'emprunt forcé. Avec plus ou moins de<br />

ménagements, cette méthode qui consistait à faire appel à la<br />

fortune des chefs indigènes, fut pratiquée dans notre région à<br />

peu près jusqu'à la disparition des Bureaux arabes (1).<br />

C'est que l'administration militaire ne parvint que fort tard<br />

à créer, sur une échelle importante, un service normal d'assis<br />

tance et de crédit. Nous avons signalé précédemment (p. 107) le<br />

projet de Lapasset en 1846-1848,<br />

pour substituer aux silos indi<br />

viduels des silos collectifs qu'il appelait silos de prévoyance.<br />

Ce projet n'eut malheureusement pas de suite immédiate, peut-<br />

être à cause des événements de 1848 dans la Métropole, et les<br />

Indigènes continuèrent à vivre au jour le jour dans la dépen<br />

dance d'une bonne ou d'une mauvaise récolte. C'est en vain que<br />

les Bureaux arabes les invitaient à faire des réserves de grains.<br />

Sollicités par les courtiers des maisons de commerce, les grands<br />

propriétaires eux-mêmes ne savaient résister à l'appât des réali<br />

sations en argent. Ils vidaient les silos qu'une sage prévoyance<br />

leur conseillait de tenir toujours pleins, et, par suite, n'avaient<br />

plus les moyens de faire à leurs khammès les avances qu'ils<br />

faisaient autrefois. Et Ozanaux,<br />

qui avait succédé à Capifali<br />

comme chef du bureau arabe d'Orléansville, en arrivait à<br />

penser que la liberté économique pouvait être plus nuisible<br />

qu'utile (2).<br />

L'effroyable misère de 1867-1868 devait apporter, sinon<br />

un remède décisif, du moins un palliatif. En 1868, à l'instigation<br />

des Bureaux arabes semble-t-il, et dans le cercle d'Orléansville<br />

notamment, les djemaas des tribus, entreprirent de constituer<br />

un fonds de réserve pour secourir les malheureux et parer à<br />

toute éventualité. Les gens aisés de chaque tribu prélevèrent<br />

sur leur récolte une certaine quantité de grains destinée à for<br />

mer ce fonds de secours que l'on devait utiliser en faveur des<br />

(1) Notamment : N 462, 1846, Ténès 2e q. de décembre ; N 463, 1847, Or<br />

léansville 1"> q. de janvier. G : Orléansvilte 4e T. 1858, 4* T. 1860, 4e T. 1862 4e<br />

T. 1877 ; Téniet-el-Had 4* T. 1852 ; Cherchel 1" T. 1859.<br />

(2) G. Orléansville, juin 1867.<br />

19


— 290 —<br />

malheureux au début de la mauvaise saison. Sous l'impulsîo<br />

des Bureaux arabes,<br />

ces silos de prévoyance (c'est ainsi qu'o<br />

les qualifiait officiellement), furent rapidement alimentés pa<br />

dons et par achats (1).<br />

Mais c'est dans la subdivision de Miliana que fut organisé*<br />

par le général Liébert, la première institution ayant le caractèr<br />

d'une caisse de prêts mutuels et dont le but était non seulemen<br />

de porter secours à des malheureux et de combattre les usuriers<br />

mais aussi de permettre aux petits cultivateurs de donner un<br />

plus grande extension à leurs cultures. Cette société indigèn<br />

de crédit et de secours fonctionne dès 1868, mais ses statuts n<br />

sont approuvés par le gouverneur général Mac-Mahon qu'ei<br />

septembre 1869. Elle était composée de tous les Indigènes qu<br />

voulaient verser une cotisation mensuelle de un franc et elli<br />

existait dans chaque douar où l'on établissait des silos dits di<br />

réserve, destinés à recevoir les rentrées en nature. La sociéti<br />

pouvait accorder des prêts en grains et même en argent ava<br />

un intérêt de 5 %. Le contrôle général appartenait à un consei<br />

de surveillance siégeant au chef-lieu de la subdivision, dont 1<<br />

président était le commandant de la subdivision, et le secrétaire<br />

le chef du bureau arabe (2).<br />

Déjà en 1869 la nouvelle institution rendait de grandi<br />

services. A Cherchel, elle pourvoyait largement aux besoins des<br />

Indigènes en grains de semence. A Téniet-el-Had elle prêtail<br />

des grains à plus de 500 cultivateurs, ainsi que 9.000 francs poui<br />

l'achat de bœufs de labour. Dans la région de Miliana, elle<br />

venait également en aide aux fellahs les plus pauvres au moyen<br />

d'un prêt de 22.000 francs pour leur permettre d'acheter des<br />

animaux de labour et d'une avance en grains évaluée à 2.OO0<br />

quintaux. Dans le reste de l'Algérie ces sociétés ne purent guère<br />

se développer à cause des événements de 1870-1871, mais, dans<br />

l'Ouest du Tell algérois, elles restèrent solidement implantées<br />

et, après la tourmente, on les retrouve prospères non seulement<br />

dans la région de Miliana, mais encore dans celle d'Orléansville<br />

(1) G. Orléansville, juillet 1868, août 1869, 2« T. 1869.<br />

(2) Arippe (167) 13 à 19.<br />

G. Miliana 4' T. 1868. Cherchel 4' T. 1874.


-291-<br />

où, gérés par les caïds, sous le contrôle de l'autorité militaire,<br />

les silos de prévoyance récupèrent sans difficultés les avances<br />

qu'ils ont faites. On sait que, généralisée à toute l'Algérie par<br />

le Gouverneur Général Tirman en 1884, cette œuvre a engendré<br />

les actuelles Sociétés indigènes de prévoyance (1).<br />

II. —<br />

L'AMELIORATION<br />

La question de l'eau.<br />

DE LA CULTURE<br />

« Avec de l'eau et notre soleil, écrivait Lapasset, nous<br />

ferons pousser de l'herbe sur des pierres ». (2). Les officiers<br />

des Bureaux arabes comprirent rapidement l'importance excep<br />

tionnelle de la question de l'eau,<br />

en particulier dans la vallée<br />

du Chélif et les hautes plaines du Sersou. Ils auraient voulu<br />

aménager au maximum les oueds et exploiter les nappes sou<br />

terraines en vue de rendre cultivables des terres qui ne l'étaient<br />

pas, et si, en entreprenant la réalisation de ce programme, ils ne<br />

songeaient pas uniquement aux céréales, il est certain toutefois<br />

que ce sont les récoltes d'orge et de blé qu'ils s'efforcèrent tou<br />

jours de sauvegarder. C'est en montrant que la récolte des<br />

céréales pouvait ne pas être aléatoire qu'ils espéraient amener<br />

à la culture les tribus qui ne la pratiquaient pas encore.<br />

Parfois le bureau arabe envisage la prospection systémati<br />

que des richesses aquifères, comme dans le cercle de Ténès où,<br />

en 1860, il entreprend des études pour se rendre un compte<br />

exact des ressources des tribus en eau douce pendant les diffé<br />

rentes saisons de l'année, cette statistique devant servir de base<br />

à un projet général d'aménagement et d'amélioration des fontai<br />

nes au point de vue des usages journaliers de la population et<br />

de l'agriculture (3). Le plus souvent, le bureau arabe, après<br />

(1) Surtout G : Miliana 4» T. 1869, 4° T. 1872, 4" T. 1873, 4" T. 1874.<br />

Cherchel 4" T. 1869, 4« T. 1873, 4« T. 1874.<br />

Téniet-el-Had 4» T. 1869.<br />

Orléansville, août 1872, 4« T. 1873, 4» T. 1875, 3' T. 1879.<br />

(2) Lettre à Lacroix du 21 mai 1861 (121) 297-298.<br />

(3) G. Ténès 4« T. 1860. De même pour Miliana : G. Miliana 2" T. 1860.


-292-<br />

avoir suscité les initiatives individuelles, se contente de les<br />

soutenir, portant son effort sur un point ou sur un autre, suivant<br />

les besoins du moment, et sans plan préconçu. Les résultats<br />

furent cependant loin d'être négligeables, surtout en matière<br />

de construction de puits et plus encore de barrages.<br />

De nombreux puits sont forés dans les villages,<br />

auprès des<br />

maisons, dans les tribus les plus directement soumises à l'action<br />

des militaires. Avant même que ne soit réglé définitivement<br />

leur cantonnement, les Ouled-Kosseïr creusent 11 puits qui leur<br />

rendent les plus grands services, et,<br />

pour les encourager à ac<br />

croître leur effort, le bureau arabe demande la délivrance de<br />

titres de propriété à ceux qui entreprennent de tels travaux.<br />

Le succès ne couronne pas toujours les efforts : Aux Attafs,<br />

dans le fondouk de l'agha, Européens et Indigènes forent en<br />

vain jusqu'à 60 mètres.<br />

Mais le plus souvent le résultat est encourageant. Chez les<br />

Hachem, un puits donne un mètre et demi d'eau à 25 mètres de<br />

profondeur; il est maçonné,<br />

une porte;<br />

surmonté d'un dôme et fermé par<br />

c'est un événement dans le Chélif ! Les Ouzaghera<br />

et les Ouled-Mira s'efforcent de l'imiter. Au pénitencier de Lalla<br />

Aouda, en une seule année, les détenus creusent trois puits de<br />

15 à 20 mètres, dont l'un est maçonné et un autre avec noria.<br />

Chez les Hérenfa, tribu des Sbéah, on recueille les eaux d'une<br />

fontaine dans un bassin en maçonnerie surmonté d'un abri de<br />

même nature. Pour les seuls cercles de Miliana et de Ténièt-el-<br />

Had, le rapport d'ensemble de 1852 dénombre 18 puits creusés<br />

et 28 fontaines bâties, sans compter 31 barrages et 117.000 mè<br />

tres de canaux tracés.Dans le cercle de Ténès, pour l'année 1853,<br />

le bilan s'établit ainsi : trois puits, deux fontaines et 2.250 mè<br />

tres de canaux; et dans celui de Miliana on ne compte pas moins<br />

de 17 nouveaux puits, 3.000 mètres de canaux récents et un nom<br />

bre de fontaines atteignant alors 377 (1).<br />

(1) N 447, 1852, rapport du colonel Ct la subdivision de Miliana et ta<br />

bleaux statistiques.<br />

N 448, 1853, cercle de Miliana.<br />

N 471, 1853, cercle de Miliana, rapport d'août.<br />

G. Orléansville 1" et 4' T. 1857.


— 293<br />

Voici comment Baudicour décrit les travaux hydrauliques<br />

effectués au village d'<br />

Aïn-Méran : « Les deux sources princi<br />

pales ont été emprisonnées dans des aqueducs très courts qui<br />

les conduisent dans un réservoir commun et recouvert, d'où<br />

elles coulent dans une succession de belles auges en pierres de<br />

taille étagées suivant la pente du terrain et pouvant abreuver<br />

50 chevaux à la fois; à la sortie des auges, ces eaux,<br />

réunies à<br />

celles des autres sources, se rendent dans un bassin en maçon<br />

nerie, muni d'écluses et pouvant servir soit à baigner les che<br />

vaux, soit comme lavoir; ensuite les eaux sont rendues aux<br />

ravins sans autre utilisation ». Et Baudicour propose de s'en<br />

servir pour le jardinage et d'établir un moulin (1).<br />

C'est cependant sur la constructon des barrages que porta<br />

l'effort principal. Certains officiers des Bureaux arabes, tel Mar<br />

gueritte, s'y passionnèrent. Lapasset ne tarit pas d'éloges sur<br />

les bienfaits que l'on peut en attendre. Là est pour lui l'avenir<br />

de l'Algérie et il voudrait que pas une seule goutte d'eau n'arrivât<br />

jusqu'à la mer. « Plus je vais, écrit-il, plus j'examine,<br />

plus je<br />

pense, et plus je m'enracine dans l'idée des barrages, des grands<br />

réservoirs d'eau. C'est mieux que les routes, mieux que les che<br />

mins de fer, mieux que tous les systèmes administratifs, c'est<br />

la voie, l'ancre de salut du pays... », et ailleurs, toujours à pro<br />

pos des barrages : « C'est de l'or, puis c'est la vie, c'est le mou<br />

vement, la population, la colonisation, ce sont les chemins de<br />

fer, c'est toute la civilisation et l'abondance ». Et il propose<br />

l'édification de barrages sur l'Oued Fodda, l'Oued Rouïna et<br />

l'Oued Isly (2).<br />

Deux régions devaient particulièrement attirer les efforts<br />

des officiers des Bureaux arabes, à cause même de leur aridité :<br />

les hautes plaines du Sersou et la vallée du Chélif. Nous avons<br />

relaté antérieurement (p. 130-132) le travail gigantesque (vu les<br />

moyens dont on disposait)<br />

entrepris par Margueritte pour barrer<br />

le Nahr-Ouassel. L'ouvrage s'était étendu sur quatre années,<br />

mais, achevé, il fut une source de prospérité pour les Doui-Has<br />

seni car, sur une longueur de 16 kilomètres, il permit d'irriguer<br />

une surface de 1.500 hectares de plaine. C'était de beaucoup le<br />

(1) Baudicour (168) 518.<br />

(2) Plusieurs lettres de 1861 notamment à Lacroix du 21 mai et du 22<br />

octobre (121) 238, 314-317.


294<br />

plus important du cercle de Téniet-el-Had, mais non le seul,<br />

puisque, en 1852 déjà, on en comptait 31. Le Nahr-Ouassel sur<br />

tout était bien pourvu avec sept barrages dont six en amont du<br />

géant de la région; en 1855, il en comptera jusqu'à dix depuis<br />

sa source jusqu'à la limite du cercle de Boghar, c'est-à-dire sur<br />

une longueur de 80 kilomètres à travers les terres des Béni-Lent,<br />

des Béni-Maïda et des Doui-Hasseni et, en 1862, les Indigènes<br />

feront même construire à leurs frais un barrage en maçonnerie<br />

par un entrepreneur civil.<br />

Les autres ouvrages se rencontraient sur l'Oued Mrila,<br />

l'Oued Bessabis, l'Oued Issa, l'Oued Maloussine, l'Oued el<br />

Gherga. Certains dataient de la domination turque et avaient<br />

seulement été entretenus ou remaniés, mais le plus grand nom<br />

bre devaient leur existence à l'impulsion des Bureaux arabes.<br />

C'étaient, en général, des travaux de peu d'importance, construits<br />

en lits alternés de branchages, de pierres et de terre, mais dont<br />

Siquot, chef du bureau arabe de Téniet-el-Had en 1855, estimait<br />

qu'ils avaient toute la perfection désirable et une solidité sinon<br />

à toute épreuve, du moins leur permettant de résister aux crues<br />

ordinaires avec l'avantage de n'exiger que les matériaux se<br />

trouvant à pied d'<br />

œuvre et le minimum de connaissances vul<br />

gaires que l'on peut trouver chez les Indigènes. Pendant la seule<br />

année 1850, les Ouled-Ayad, les Doui-Hasseni, les Béni-Maïda<br />

et les Béni-Lent, en construisirent 12 dont les deux plus impor<br />

tants demandèrent aux tribus moins de trois mois de travail ;<br />

le résultat fut l'irrigation de 5.000 hectares de terres ainsi ferti<br />

lisées. Il faudrait également signaler un grand nombre de tout<br />

petits barrages élevés au-dessous des fontaines ou sources des<br />

tinées à alimenter les jardins; on les mettait en état chaque<br />

année après les labours et avant le printemps. Tous ces ouvrages,<br />

grands et petits, s'accompagnaient d'une multitude de séguias<br />

dont la longueur croissait tous les ans au point d'atteindre, dès<br />

1852, 59 kilomtères dans le cercle de Téniet-el-Had. Les arrosa<br />

ges se faisaient au printemps grâce aux pluies de cette époque<br />

sur les régions montagneuses et aussi à la fonte des neiges de<br />

l'Ouarsenis (1).<br />

(1) N 447, 1852, cercle de Miliana.<br />

N 469, 1850, cercle de Téniet-el-Had.<br />

N 473, 1854, cercle de Téniet-el-Had.<br />

G. Téniet-el-Had, 1" T. 1860, » et 4' T. 1862, 4» T. 1866, 2« T. 1868.


Dans le Chélif, l'intérêt des barrages n'était pas moindre<br />

et il apparut vite aux officiers des Bureaux arabes. Pour Lapas<br />

set, la plaine du Chélif « deviendra admirable avec les irriga<br />

tions, mais sans eau, c'est de la terre morte, suivant l'expression<br />

arabe » (1). Capifali voit dans la création d'un système d'irri<br />

gation une question vitale et, en 1863, il exprime F « émotion »<br />

des populations à l'annonce d'un projet de barrage aux Béni-<br />

Rached. Il s'efforce de venir en aide à une société qui envisage<br />

d'irriguer la plaine et, ayant fait comprendre l'intérêt de pareils<br />

travaux aux Indigènes, il réunit près de 3.000 souscripteurs dis<br />

posés à acheter les eaux. Puisque l'on parle de construire la<br />

voie ferrée Alger-Oran, il pense qu'il faut, au préalable, enrichir<br />

la plaine par les irrigations, afin que les chemins de fer y trou<br />

vent autre chose que de funestes résultats. Il ne fut pas entendu<br />

et l'on sait que le premier ouvrage important fut construit seu<br />

lement en 1872, près de Pontéba.<br />

Mais, poussés par les Bureaux arabes, les. Indigènes avaient<br />

édifié plusieurs ouvrage sur les affluents du Chélif. Dans l'agha<br />

lik des Attafs,<br />

on établissait tous les ans un petit barrage sur<br />

l'Oued Fodda. En 1861, sous la direction du chef du bureau<br />

arabe, la tribu des Chouchaoua construisit, sur ce même oued",<br />

un barrage plus important de 100 mètres de longueur, fait sur<br />

pilotis et, à l'instar de ceux existant dans le Sud,<br />

en assises de<br />

broussailles, herbes et terre damée avec un double clayonnage<br />

pour le garantir en dedans de la crue des eaux; il arrosait envi<br />

ron 200 hectares et il s'avéra assez résistant. Sur l'Oued Isly,<br />

en vue surtout de l'irrigation du coton,<br />

on avait dressé un bar<br />

rage capable de rendre à la culture près de 100 hectares. En<br />

1855 les Sbéah du Sud, pour irriguer une trentaine d'hectares<br />

dans la plaine, construisirent un barrage sur le Taflout,<br />

en gros<br />

ses pierres, fagots d'épines, paille et terre. Sur l'Oued Deurdeur<br />

on ne trouvait qu'un barrage arabe enlevé à chaque crue, mais<br />

de nombreuses séguias avaient déterminé la création de jardins<br />

et permettaient parfois de sauver les moissons. Peu à peu les<br />

(1) Lettre à Lacroix du 23 mai 1862 (121) 344.


— 296<br />

arbres entouraient les maisons, le paysage changeait et la plaine<br />

du Chélif semblait vouloir se faire plus accueillante (1).<br />

Matériel et méthodes.<br />

Il apparaissait cependant aux yeux les moins avertis que<br />

les rendements ne pouvaient s'éméliorer sérieusement que si le<br />

matériel agricole dont disposaient les Indigènes était profondé<br />

ment transformé et, en particulier, si la charrue française,<br />

légère, bien entendu, se substituait à l'araire primitif qui opé<br />

rait non un véritable labour,<br />

mais un simple scarifiage à une<br />

profondeur ne dépassant pas une dizaine de centimètres et tout<br />

juste suffisante pour enfouir les grains.<br />

Pour faire utiliser la charrue française, les Bureaux arabes<br />

comptaient tout d'abord sur l'évolution qui portait les Indigènes<br />

à étendre leurs cultures : se trouvant bientôt à l'étroit pour leurs<br />

labours, ils seraient forcés de pratiquer des procédés qui exi<br />

gent, pour un résultat semblable,<br />

un espace bien moindre de<br />

terrain C'est même ce raisonnement qui explique, en grande<br />

partie, l'attitude favorable que les militaires adoptèrent au dé<br />

but à l'égard du cantonnement. Ils pensaient également que les<br />

Indigènes ne pouvaient résister à l'appât du gain et que, devant<br />

la supériorité des produits obtenus avec la charrue française, ils<br />

seraient amenés, mieux que par de longs raisonnements, à<br />

accepter nos instruments et nos méthodes agricoles.<br />

Ils s'aperçurent vite qu'à laisser faire les choses on n'avan<br />

cerait guère et qu'il fallait stimuler les meilleurs sentiments (2).<br />

On distribua des charrues françaises aux chefs et proprié<br />

taires indigènes jugés les plus intelligents. Pour obtenir des<br />

résultats vraiment concluants, des moniteurs, pris parmi les<br />

soldats des garnisons, furent chargés d'opérer les premières<br />

opérations et, afin de populariser le nouvel instrument de labour,<br />

(1) N 474, 1855, cercle d'Orléansville, mars et novembre N 447, 1852,<br />

cercle de Miliana.<br />

G. Orléansville, 2? T. 1861, 1" T. 1862, 2? T. 1863, octobre 1863, 2" T. 1865<br />

G. Miliana 2e T. 1858, l»r T. 1864, 3e T. 1866.<br />

(2) G. Miliana 4' T. 1857 et 4« T. 1859.


— — 297<br />

les officiers des Bureaux arabes proposèrent de dégrever de<br />

l'achour, en totalité ou en partie, les terres mises en produit<br />

par ce moyen ou de distribuer des primes à leurs propriétaires.<br />

A défaut de pouvoir céder définitivement les charrues, ils con<br />

seillèrent de les faire prêter dans chaque tribu aux plus labo<br />

rieux, sous la responsabiité du caïd (1).<br />

Certains officiers pensaient que, pour être réalisée, la trans<br />

formation devait être imposée par le Gouvernement. Mais dans<br />

ce cas il ne fallait agir qu'à coup sûr et ne pas conseiller des<br />

engins qui s'adapteraient mal au pays. Aussi, en 1860, dans le<br />

cercle d'Orléansville, Capifali effectue des essais de charrues<br />

françaises, employant à la fois la grosse charrue gasconne, une<br />

petite charrue (modèle gascon) et la petite charrue Dombasle.<br />

Il estime que la première, quoique exigeant moins de main-<br />

d'œuvre, est trop forte pour les bœufs du pays. La deuxième,<br />

tout à fait légère, ne semble devoir réussir que dans les terrains<br />

sablonneux. C'est la Dombasle qui lui paraît réunir les meilleu<br />

res conditions de succès (2).<br />

Quelques faits parurent de bon augure et les rapports les<br />

signalent comme des succès. Dans le cercle de Ténès, les chefs<br />

indigènes, possesseurs de charrues françaises, utilisent leurs<br />

nouveaux instruments aratoires non seulement pour ensemencer<br />

en grains,<br />

mais aussi pour planter des champs de pommes de<br />

terre. A Orléansville, en 1862, 33 chefs ou notables du cercle<br />

demandent des charrues françaises; en fin d'année, on compte une<br />

soixantaine de celles-ci et, pour l'avenir, tous les espoirs parais<br />

sent permis si l'on en juge par certaines initiatives heureuses.<br />

Par exemple,<br />

pour rendre la nouvelle charrue plus accessible<br />

aux Arabes et leur éviter notamment des dépenses supplémen<br />

taires, le caïd Adda des Ouled-Kosseïr Gheraba imagine un har<br />

nais bien simple et peu coûteux. Il était fait avec du palmier nain<br />

tissé soigneusement et se composait d'un large poitrail soutenu<br />

par une bande qui passait par-dessus le garrot de la bête de<br />

trait. Le tout était appliqué sur une étoffe grossière en laine, ce<br />

qui garantissait l'animal des blessures. Les traits étaient égale-<br />

(1) G. Miliana 3' T. 1857 et 1" T. 1858. N 470, 1851, Miliana, décembre.<br />

(2) G. Orléansville 4e T. 1860.


— — 298<br />

ment formés par deux cordes en palmier nain très fortes. Et<br />

Capifali déclare qu'après avoir vu deux paires de chevaux<br />

labourer avec deux charrues Dombasle ainsi organisées, il a<br />

été très satisfait, car il n'a remarqué chez les bêtes de trait, qui<br />

cependant labouraient depuis plusieurs jours, ni blessures, ni<br />

épuisement (1).<br />

Mais, à côté de ces quelques succès, que de déboires ! A<br />

Téniet-el-Had, en 1857, le bureau arabe distribue aux Indigènes<br />

des charrues en bois plus perfectionnées que les leurs, mais<br />

elles manquaient complètement de solidité et la plupart d'entre<br />

elles se brisaient après avoir exécuté un ou deux labours : com<br />

ment espérer autre chose des Indigènes qu'un sourire scepti<br />

que ? A Ténès, enl861, il n'y a plus que deux caïds qui, guidés<br />

par le commandant supérieur, acceptent encore de labourer<br />

dix hectares chacun avec la charrue française. A Cherchel, seul<br />

l'agha Si Khaddour El Ghobrini laboure avec une Dombasle<br />

attelée de six bœufs, mais il ne trouve pas d'imitateurs, et, dans<br />

l'aghalik des Zatima, deux tribus n'utilisent même pas la char<br />

rue arabe et sont obligées d'avoir recours à la pioche, les pentes<br />

rocheuses et accidentées qu'elles ensemencent ne permettant pas<br />

d'employer un autre mode de labour. On pourrait aisément mul<br />

tiplier les exemples du même ordre. Nous essayerons plus loin<br />

de déterminer lès causes de cet échec (2).<br />

L'effort des Bureaux arabes ne porte pas uniquement d'ail<br />

leurs sur la charrue. Ils auraient désiré faire adopter aux Indi<br />

gènes l'ensemble du matériel français. Ils essayent de répandre<br />

la pelle, la brouette, la scie, la hache. Par exception, quelques<br />

chefs acceptent d'utiliser la herse. En 1870,<br />

par suite de la rareté<br />

des moissonneurs et des salaires qu'ils exigent, on voit même<br />

le caïd des Heumis et celui des Medjadja demander à Paris une<br />

moissonneuse et une faucheuse, encouragés par le bureau arabe<br />

qui espère en outre les amener à utiliser la herse et même le<br />

(1) G : Ténès 1" T. 1858 ; Orléansville 4" T. 1862 et novembre 1862.<br />

(2) G : Ténès 4' T. 1861 ; Cherchel 4" T. 1864. N 476, 1857, Téniet-el-Had,<br />

rapport annuel. Lacroix présente comme un succès l'exemple de « quelques<br />

cultivateurs des Béni-Fathem qui « avaient fait dès avant 1868 un premier<br />

pas dans la voie du progrès : sans accepter encore la charrue française, ils<br />

avaient cependant modifié le soc de la charrue arabe de manière à atteindre<br />

une plus grande profondeur » (178) 339.


299<br />

rouleau. De tels faits doivent cependant être assez rares puisque<br />

l'autorité militaire supérieure demande de les signaler au gou<br />

verneur général (1).<br />

La faux recueillit plus de suffrages, du moins dans les<br />

régions où la configuration du terrain n'en rendait pas l'emploi<br />

impossible. Des faucheurs expérimentés,<br />

pris parmi les soldats<br />

ou même les colons, parcourent les tribus avec un officier du<br />

bureau arabe pour en démontrer l'usage. Les notables indigènes<br />

achètent le nouvel instrument en vue notamment de faire des<br />

réserves de foin. En 1860 des faux sont distribuées dans le cercle<br />

d'Orléansville et elles remplacent en peu de temps la faucille,<br />

ayant séduit les fellahs par la rapidité dans le travail jointe à<br />

la commodité de l'emploi. Devenus d'habiles faucheurs, les Ara<br />

bes sont employés chez les colons (2).<br />

En même temps qu'ils s'efforcent de faire adopter les ins<br />

truments agricoles des paysans français, les Bureaux arabes<br />

diffusent des méthodes d'exploitation plus rationnelles et plus<br />

adaptées au pays. Ils s'intéressent surtout aux labours. La char<br />

rue française se répandant difficilement, ils essayent d'y sup<br />

pléer en multipliant les travaux effectués avec l'araire du pays.<br />

Plusieurs tribus du cercle de Téniet-el-Had les écoutent et pré<br />

parent la terre par un premier labour. Dans la région de Milia<br />

na, les Indigènes passent la charrue deux fois dans deux sens<br />

perpendiculaires l'un à l'autre.Sauf dans quelques tribus, comme<br />

celle des Chouchaoua du cercle d'Orléansville, la méthode ne<br />

se répand guère, car si les fellahs acceptent volontiers de voir<br />

donner un premier labour avant les semailles, les khammès<br />

refusent obstinément ce surcroît de besogne et l'on est obligé<br />

d'y<br />

renoncer (3).<br />

Bien d'autres réformes sont tentées. Pour hâter la germi<br />

nation et éviter le charbon et la carie, le bureau arabe d'Orléans-<br />

(1) N 465, 1848, Miliana, 2« q. de novembre. G : Ténès 4« T. 1861 ; Or<br />

léansville 1" et 2- T. 1870.<br />

(2) G : Miliana 2" T. 1857 ; Téniet-el-Had 2? T. 1860 ; Orléansville 2* et 3=<br />

T. 1860, mai 1865 ; Cherchel 2" T. 1861.<br />

(3) Notamment : G : Miliana 4' T. 1859 et 1" T. 1864 ; Téniet-el- Had 4»<br />

T. 1859 et 1" T. 1860 ; Cherchel 4e T. 1859 et 1" T. 1860 ; Orléansville, octo<br />

bre 1862. N 449, 1854, Téniet-el-Had, rapport annuel


— — 300<br />

ville conseille aux habitants de la montagne de pratiquer le<br />

chaulage des blés. Les Indigènes sont invités à combattre les<br />

plantes parasites, à nettoyer leurs céréales. On signale comme<br />

un succès en 1869 et 1870 le fait que quelques cultivateurs débar<br />

rassent leurs terres des pierres dans les terrains rocailleux et<br />

qu'ils utilisent le fumier produit par leurs troupeaux (1).<br />

Pour être à peu près complet dans ce tableau des efforts<br />

accomplis par les Bureaux arabes en vue d'améliorer la culture<br />

•les céréales, il faudrait étudier leurs interventions multiples<br />

entre fellahs et khammès. Afin d'éviter les revendications per<br />

pétuelles qui surgissent dans les conventions entre les uns et<br />

les autres, ils les obligent à passer leurs engagements devant le<br />

cadi qui les inscrit sur son registre. Ils jouent le rôle d'élément<br />

conciliateur surtout lorsque,<br />

après une bonne année, les kham<br />

mès deviennent difficiles à trouver. Ils auraient voulu, à la<br />

faveur de ces difficultés, déterminer les fellahs à cultiver eux-<br />

mêmes leurs terres, mais en vain : chaque khammès aspirait à<br />

devenir fellah pour abandonner la charrue (2).<br />

Céréales nouvelles.<br />

Orge et blé dur restèrent toujours les céréales essentielles,<br />

mais dans leur désir d'améliorer le genre de vie des Indigènes,<br />

les Bureaux arabes cherchèrent à introduire d'autres graminées<br />

dont le rendement pouvait être supérieur.<br />

Nous ne dirons rien du riz qui fut tenté en vain dans le<br />

cercle de Téniet-el-Had notamment, ni du seigle qui n'est signalé<br />

qu'accidentellement.<br />

Le blé tendre ne semble pas avoir été connu dans la région<br />

avant l'occupation française (3). Son extension suivit celle de<br />

l'occupation et commença en conséquence dans la plaine du<br />

(1) G : Orléansville 4' T. 1860 et 1" T. 1865 ; Ténès 2» et 4' T. 1869, 2? T.<br />

1870.<br />

(2) G. Orléansville 4* T. 1856 et 4° T. 1857.<br />

(3) Peut-être même était-il inconnu dans toute la zone littorale algé<br />

rienne avant 1830, alors qu'on le trouvait sur les confins sahariens et dans les<br />

oasis. Ducellier : Espèces et variétés de céréales cultivées en Algérie (p. 28)<br />

dans Céréales d'Algérie, Alger 1930.


— — 30ï<br />

Chélif. Les Indigènes ne l'adpotèrent cependant que vers 1868,<br />

mais, à cause de son prix plus élevé, les progrès furent rapides<br />

et, cinq ou six ans après, tous les douars, plus ou moins, en culti<br />

vaient; il était également ensemencé dans beaucoup de tribus<br />

de l'Ouarsenis et dans toutes celles du Dahra, à l'exception d'une<br />

seule (1).<br />

Les montagnards de la région de Cherchel récoltaient du<br />

maïs en petite quantité; ils furent invités à étendre cette cul<br />

ture. Autour de Ténès, cette céréale n'est signalée que sur quel<br />

ques points. Dans le cercle d'Orléansville, c'est seulement en<br />

1860 que le maïs est introduit dans les tribus avec les graines<br />

distribuées par le bureau arabe et il ne prend guère d'extension.<br />

Le succès paraît plus graud dans le cercle de Téniet-el-Had où<br />

l'on enregistre, en 1869, 200 hectares cultivés. Dans la région de<br />

Miliana, les Arabes de la plaine n'avaient jamais cultivé de<br />

maïs tandis que ceux des montagnes en faisaient une culture<br />

de jardins, culture soignée qu'ils pratiquaient auprès des fon<br />

taines. Dès que l'on voulut consacrer de vastes surfaces au maïs,<br />

les Indigènes malgré toutes les recommandations et la surveil<br />

lance, le laissèrent venir à la manière du blé ou de l'orge, sans<br />

plus s'en occuper. Le maïs étant plus exigeant et demandant un<br />

travail continuel pour l'arrosage, le nettoyage du sol, l'écimage,<br />

il en résulta un rendement faible qui dissuada les Indigènes de<br />

l'adopter comme culture habituelle (2) .<br />

A cause de sa végétation rapide, le sarrazin (3) devait<br />

attirer l'attention des Bureaux arabes. Une soixantaine de quin<br />

taux en sont distribués pour les ensemencements aux tribus<br />

orléansvilloises en 1868. Les résultats n'encouragent guère à<br />

persévérer : l'essai tenté au printemps souffre des froids tardifs<br />

et celui de l'automne est complètement perdu par suite du mau<br />

vais temps. A la même époque les froids prématurés de novem<br />

bre et décembre causent l'échec du sarrazin dans la région de<br />

Ténès. Dans le cercle de Téniet-el-Had également, cette culture<br />

(1) N 475, 1856, Téniet-el-Had, mars. G. Orléansville 1" T. 1874.<br />

(2) N 469, 1850, Cherchel, septembre. G : Ténès 2? T. 1869 ; Orléansville<br />

2' T. 1860 ; Téniet-el-Had 2« T. 1868 ; Miliana 3- T. 1868 ; Cherchel 3' T. 1859.<br />

(3) Oh ne le considère pas toujours comme une céréale par suite de son<br />

appartenance à la famille des polygonacées et non des graminées.


— — âÛ2<br />

ne dépasse pas le stade de l'expérimentation et, en 1869, seule<br />

une tribu en sème deux quintaux (1).<br />

gho)<br />

De toutes les céréales de printemps c'est le bechna (ou sor<br />

qui paraissait appelé au plus bel avenir. Donnant en trois<br />

ou quatre mois des récoltes abondantes et se contentant de con<br />

ditions médiocres de climat et de sol, il était une des cultures<br />

les mieux appropriées à l'économie des Indigènes II est peu<br />

probable cependant que ceux-ci l'aient connu avant l'arrivée des<br />

Français (2). Il a dû être introduit vers 1855 : nous savons qu'à<br />

cette date, ou un peu avant, il fut importé dans la région de<br />

Téhès en provenance de la subdivision de Philippeville. A la<br />

fin du Second Empire il n'avait pas encore acquis partout droit<br />

de cité : les essais tentés en 1869 dans les montagnes de Cherchel<br />

avaient complètement échoué; dans le cercle de Téniet-el-Had,<br />

la culture débutait grâce aux avances faites aux fellahs par la<br />

Société de secours indigène; à Orléansvile, on le considérait<br />

toujours comme une nouveauté acceptée avec prudence et, dans<br />

les tribus dépendant de Ténès, il restait à l'état sporadique.<br />

Cependant on commençait à l'apprécier à cause de ses usages<br />

multiples (pain et couscous avec le grain; balais avec les brins;<br />

nourriture des vaches avec les feuilles) et de ses rendements<br />

convenables : 10 pour 1 en année moyenne et parfois jusqu'à<br />

50 pour 1 (3).<br />

(1) G : Orléansville 3" T. 1868 et 2° T. 1869 ; Ténès 3' T. 1868 et 1" T.<br />

1869 ; Téniet-el-Had 1" T. 1869.<br />

(2) Piedallu pense que dans le Dahra, entre Ténès et Mostaganem, la<br />

culture du sorgho avait été conservée depuis l'époque romaine (dans Céréales<br />

d'Algérie : les soprhos à grains en Afrique du Nord, p. 7). Cependant, pour la<br />

région algéroise tout au moins, les documents d'archives le présentent comme<br />

une nouveauté sous le Second Empire.<br />

(3) N 474, 1855, Ténès, mars G : Cherchel 2" T. 1869 ; Téniet-el-Had<br />

2" T. 1868 et 1" T. 1869 ; Ténès 3' T. 1868 ; Orléansville 3e T. 1868, avril, mai,<br />

août 1868.


LES AUTRES CULTURES<br />

Tout en apportant leurs soins à développer les céréales, les<br />

officiers des Bureaux arabes se rendaient compte que cette<br />

quasi monoculture était une source de sérieux déboires, la<br />

plus grave faiblesse de l'économie. Pendant les années diffici<br />

les, en 1861, par exemple, ils notent que les tribus où les cultures<br />

sont variées, où les arbres notamment sont en honneur, souf<br />

frent beaucoup moins que les autres. Une bonne récolte d'olives<br />

chez les Béni-Menasser atténue l'absence de céréales et, avec<br />

le produit de la vente, les Indigènes peuvent acheter dans les<br />

régions plus favorisées les grains qui leur manquent.<br />

Pour éviter la misère, il faut donc diversifier les cultures,<br />

pratiquer les assolements,<br />

passer de la culture extensive à la<br />

culture intensive, en abandonnant, au moins partiellement, les<br />

céréales. Parfois, les Indigènes semblent répondre aux espoirs<br />

de leurs tuteurs et Capifali présente à peu près comme un bul<br />

letin de victoire le fait que les tribusi du cercle d'Orléansville,en<br />

1862, demandent pour la prochaine campagne agricole : 615.000<br />

crossettes de vigne, 675 quintaux de pommes de terre, 129 dou<br />

bles décalitres de seigle et 124 d'avoine, du maïs, des fèves, des<br />

petits pois, des lentilles (1).<br />

C'est par la polyculture que l'on espère assurer la vie indi<br />

gène, même au cours des plus mauvaises années, et, à cet effet,<br />

les Bureaux arabes entreprennent, d'une part, de donner de<br />

l'extension aux cultures qui existaient déjà à l'état embryon<br />

naire et, d'autre part, de répandre des espèces nouvelles.<br />

(1) G. Cherchel 4" T. 1861 ; Orléansville 1" T. 1861, 2e T. 1862, mai et<br />

novembre 1862.


I. —<br />

DEVELOPPEMENT<br />

■304-<br />

DES CULTURES ANCIENNES<br />

Pour enrichir l'Indigène, selon Capifali en 1864, il ne faut<br />

pas tant songer à importer chez lui de nouvelles cultures, tou<br />

jours d'un apprentissage assez difficile, qu'à améliorer et à<br />

étendre celles qu'il pratique déjà d'une manière défectueuse et<br />

incomplète (1). C'est une conclusion inspirée par les nombreux<br />

échecs enregistrés au cours des années précédentes dans les<br />

essais culturaux les plus variés et justifiée aussi par la présence<br />

dans les champs indigènes de plantes qui méritaient de connaî<br />

tre une plus grande vogue.<br />

Légumes.<br />

La pratique du jardinage devait évidemment apparaître à<br />

des Français comme l'une des conditions essentielles de tout<br />

progrès. En année de disette surtout, les Bureaux arabes pous<br />

sent à la création de jardins et, mieux écouté alors qu'en pé<br />

riode de prospérité, Richard, toujours enthousiaste, parle de<br />

« révolution importante dans l'art agronomique chez les Ara<br />

bes ». Fauvelle, commandant le bureau de Miliana, encourage<br />

ses administrés à creuser des fossés à Aïn-Defla (futur empla<br />

cement de Duperré)<br />

pour assécher un marais qui se forme tous<br />

les hivers et le remplacer par des cultures de légumes. Au prin<br />

temps 1862, Capifali fait mettre à la disposition des principaux<br />

chefs une compagnie entière pour extraire les jujubiers sauva<br />

ges et préparer les terrains des futurs jardins. La même année,<br />

le chef du bureau arabe de Ténès distribue à ses administrés<br />

une assez grande quantité de graines potagères (2).<br />

Les Indigènes répondent favorablement à ces efforts et<br />

certains font même appel à l'expérience des ouvriers espagnols.<br />

C'est qu'ils trouvent dans les villages de colonisation des débou<br />

chés de plus en plus importants. Aussi, à côté des melons et des<br />

pastèques qui ont leurs faveurs, se développent nombre de légu-<br />

(1) G. Orléansville 4" T. 1864.<br />

■<br />

(2) N 469, 1850, Orléansville, avril N 471, 1852, Miliana. novembre.<br />

G : Orléansville 2? T. 1862 ; Ténès 4* T. 1862.


— 305 —<br />

mes. Dans le Dahra, le petit pois français se substitue au pois<br />

sauvage ensemencé jusqu'alors. Les pois chiches offrent une<br />

ressource de plus en plus sérieuse. Chez les Béni-Rached, on<br />

trouve à peu près toutes nos cultures maraîchères et, à eux seuls,<br />

ils parviennent à alimenter le marché hebdomadaire d'Orléan-<br />

ville (1).<br />

Certains légumes ne se contentent plus du cadre étroit du<br />

jardin et jouent un rôle considérable. Dans la région de Cher<br />

chel, les fèves, à côté de l'orge et du blé, tenaient depuis long<br />

temps une place notable dans l'alimentation des montagnards.<br />

Par contre, dans le cercle d'Orléansville, avant 1860,<br />

ce farineux<br />

était à peine répandu : on en faisait quelques azilas (2)<br />

d'environ un are aux abords des douars et cela suffisait aux<br />

besoins des familles qui ne l'utilisaient qu'à l'état frais. Quatre<br />

ou cinq ans plus tard, l'Indigène qui cultivait le moins de fèves<br />

en semait une dizaine de doubles décalitres et certains dix fois<br />

plus. Dans plusieurs tribus elles comptaient pour un quart dans<br />

les semailles de chaque charrue et, dans toutes les autres, elles<br />

figuraient pour un cinquième au moins. Avec un rendement<br />

supérieur à celui des orges, et pouvant suppléer à l'absence de<br />

céréales en année de disette, elles tendaient à devenir une véri<br />

table culture d'assolement. Par la suite, la culture continua à<br />

s'étendre et le produit subvenait non seulement à la nourriture<br />

de la famille, mais la récolte, toujours hâtive, pouvait être rapi<br />

dement vendue et permettre soit de payer les frais de la mois<br />

son, soit de se libérer du zekkat et de l'achour, soit encore d'ac<br />

quitter la location de la terre (3).<br />

Les arbres.<br />

C'est peut-être à l'arboriculture, « point capital à la réussite<br />

offi-<br />

duquel on ne saurait consacrer trop d'efforts » (4), que les<br />

(1) N 447, 1852, rapport d'inspection de la subdivision de Miliana.<br />

G : Cherchel 2> T. 1859 ; Orléansville 3* T. 1861, 4" T. 1863, 4" T. 1864,<br />

2- T. 1870.<br />

(2) On désigne par azla un petit champ et azOa est un diminutif de azla.<br />

(3) G : Cherchel 4" T. 1856 et 1" T. 1857. Orléansville 4« T. 1862, janvier<br />

1863, mars 1864, 4" T. 1864, 1" T. 1865, 2* T. 1870, 2» T. 1872, 1" T. 1874.<br />

(4) Capifali, dans Orléansville 1" T. 1865.<br />

20


306-<br />

eiers des Bureaux arabes ont accordé le plus de soins, et c'esl<br />

sans doute là qu'ils ont enregistré leurs succès les plus notables<br />

Les Lapasset, Capifali, Jubault, Lavondes, n'auraient pas désa<br />

voué Bugeaud lorsqu'il écrivait : « Il faut partout encouragei<br />

la culture des arbres fruitiers. Rien n'attache autant au sol que<br />

l'arboriculture. On fait facilement le sacrifice des récoltes an<br />

nuelles pour se livrer à la révolte;<br />

on se résout avec peine à<br />

sacrifier de belles plantations d'arbres » (1). Alors que, suivant<br />

les époques, les Bureaux arabes ont plus ou moins abandonné<br />

certaines parties de leur programme de transformation, on peut<br />

dire que seule l'arboriculture est toujours restée au premier<br />

plan de leurs soucis.<br />

Aussi leurs adversaires ne pouvant, pour une fois, nier les<br />

résultats obtenus, ont affirmé qu'ils l'avaient été à force d'amen<br />

des (2). A coup sûr, il y eut d'autres moyens. Les plantations<br />

d'arbres sont, avec le coton, celles qui reçoivent le plus d'encou<br />

ragements : 24 récompenses pour la seule année 1859 à Orléans-<br />

ville. Des serpes et des scies sont distribuées pour permettre<br />

d'élaguer les arbres. Le bureau arabe essaye d'inculquer aux<br />

chefs le goût des plantations en leur faisant visiter les pépiniè<br />

res que l'on crée un peu partout : à Orléansville, Ténès, Miliana,<br />

Téniet. La smala de Ténès cède des jardiniers aux notables pour<br />

diriger leurs plantations. Encouragés par l'autorité militaire, des<br />

travailleurs européens, surtout des Espagnols,<br />

se rendent dans<br />

les tribus, préparent les trous qui doivent recevoir les arbres et<br />

parfois même se chargent de la plantation complète. Dans le<br />

cercle de Téniet-el-Had,<br />

en particulier dans la partie méridio<br />

nale, le développement des cultures fruitières se trouvant arrêté<br />

en 1853 par le manque d'ouvriers compétents, les caïds sont invi<br />

tés à envoyer chacun un homme de leur tribu à la pépinière<br />

arabe de Téniet; ces hommes resteront une année en apprentis<br />

sage pour apprendre à cultiver les arbres et les légumes, puis<br />

ils retourneront dans leur tribu où ils formeront des élèves ;<br />

(1) Circulaire du 20 mars 1847, citée par Ideville (69) III 227.<br />

(2) Duvernois (59) 78.


— 307-<br />

pendant leur apprentissage, la tribu à laquelle ils appartiennent<br />

devra fournir le vêtement et la nourriture (1).<br />

D'où venaient les plants indispensables ? On fit d'abord<br />

appel aux ressources mêmes des tribus et, l'amour-propre ai<br />

dant, les populations montagnardes accordèrent leur concours :<br />

dès 1848, les seuls Indigènes de Miliana mettent 2.000 pieds<br />

d'arbres fruitiers à la disposition du chef du bureau arabe qui<br />

les destine aux tribus plus démunies : Attafs, Djendel, Béni-<br />

Hamed, Hachem. Mais les ressources locales ne suffisant pas,<br />

on s'adresse aux pépinières d'Alger et de Blida et, en décembre<br />

1848, en un seul convoi, les Indigènes ramènent de la première<br />

3.000 pieds d'arbres qui sont immédiatement plantés. Cependant<br />

les communications étant difficiles, surtout pendant la mauvaise<br />

saison, on fait appel de plus en plus aux pépinières locales. Dès<br />

la campagne 1852-1853,<br />

celle d'Orléansville livre environ 15.000<br />

plants les plus divers d'arbres fruitiers, arbres d'agrément, pins<br />

d'Alep, cyprès, etc. Sans avoir la même importance, le péniten<br />

cier de Lalla Aouda, en une année, vend aux tribus, à des prix<br />

très modérés, 2.000 pieds d'arbres d'essences variées. Le cercle<br />

de Cherchel s'adresse de préférence à la pépinière de Miliana.<br />

Celle de Téniet-el-Had, créée en 1852, contient dès la première<br />

année plus de 20.000 plants de toutes espèces et,<br />

non contente<br />

de fournir ces plants, elle accompagne la vente des instructions<br />

les plus détaillées pour assurer la réussite des plantations.<br />

Cependant Alger joue toujours son rôle comme fournisseur des<br />

espèces les plus rares et on continue également à avoir recours<br />

aux ressources propres des tribus : en 1862, 30.000 figuiers pris<br />

chez les Indigènes de l'Ouarsenis sont répandus dans les Ouled-<br />

Kosseïr, tandis que près de 14.000 arbres divers cédés par les<br />

chefs sont plantés dans le cercle de Ténès (2).<br />

On peut, par quelques chiffres, apprécier l'importance de<br />

l'œuvre réalisée. 150.000 arbres fruitiers plantés en 1849 dans la<br />

(1) N 447, 1852, MilSana, Inspection. N 471, 1852, Miliana, janvier ; Or<br />

léansville, août ; Ténès, février. N 472, 1853, Téniet-el-Had, février. G. Or<br />

léansville 1" T. 1861.<br />

(2) Tableau des établissements français 1852-1854, p. 488. N 465, 1848,<br />

2" q. de novembre et 2" q. de décembre. N 447, 1852, Téniet-el-Had, Inspection.<br />

G : Orléansville 1" T. 1862 et 1" T. 1865 ; Ténès let T. 1862 ; Cherchel 4" T.<br />

1857, 1" T. 1862 ; Téniet 1" T. 1864.


308.<br />

subdivision de Miliana, voilà un nombre qui traduit bien l'acti<br />

vité extraordinaire de certaines tribus comme celle des Béni-<br />

Hamed qui, au cours de l'année, crée 104 nouveaux vergers tous<br />

entourés de clôture. Salignac-Fénelon accompagne la mention<br />

de ce succès d'un commentaire que,<br />

sous d'autres formes, nous<br />

connaissons déjà : « Nous ferons tous nos efforts, écrit-il, pour<br />

les encourager et les pousser dans cette voie qui, les attachant<br />

davantage au sol, nous les rendra pour l'avenir plus soumis et<br />

plus dévoués. » L'éternel leitmotiv ! (1).<br />

Dans la subdivision d'Orléansville, le mouvement, plus lent<br />

au début, prend par la suite, une ampleur comparable. Dans<br />

le cercle de Ténès, l'effort porte sur la partie occidentale, voisine<br />

de l'Oranie, où selon les dires de Bonnes,<br />

chef du bureau arabe<br />

en 1859, jamais un arbre n'avait été planté et qui se couvre par<br />

endroits de figuiers et de mûriers. Pour le cercle d'Orléansville,<br />

les chiffres sont éloquents : 9.450 arbres plantés en 1852, plus<br />

de 70.000 en 1861, au total, avec les oliviers greffés, plus de<br />

100.000 en 1862 (2).<br />

Le plus difficile était de faire assurer les soins nécessaires<br />

aux arbres plantés. Souvent on se heurtait à l'ignorance du<br />

fellah et il est rare de voir une tribu comme celle des Béni-<br />

Menasser soignant ses abricotiers et ses amandiers, remuant la<br />

terre à l'origine des racines, préservant les arbres de l'approche<br />

des bestiaux à l'aide de clayonnages en épines. Il avait fallu<br />

nombre d'interventions pour les amener à prendre ces précau<br />

tions et il s'agissait cependant de montagnards portés à l'arbo<br />

riculture (3).<br />

Il est intéressant de préciser les espèces qui eurent le plus<br />

de diffusion. Un tableau de 1861 concernant le cercle d'Orléans-<br />

ville nous donne les statistiques suivantes (4) r<br />

(1) N 468, 1849, Miliana, 2" q. de janvier, 1" et 2* q. de février.<br />

Rapport du ministre de la guerre du 23-1-1851 cité par A. Duvernois<br />

(59) 72.<br />

(2) N 447, 1852, Orléansville, Inspection. G : Ténès, 2" T. 1857, 3" T. 1859;<br />

Orléansville 2* T. 1861, juin 1862.<br />

(3) N 468, 1849, Cherchel, V q. de juin.<br />

(4) G. Orléansville, 2" T. 1861.


TRIBUS<br />

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1<br />

Medjadja 1.701 109 83 18 8 6 18 13 18 262 72 6891 2.308<br />

Ouled-Kosseïr Gheraba 1.073 » » s » s » » » » 538 1611<br />

Ouled-Farès 343 6 6 » » » » » 231 » 80 586<br />

Ouled-Kosseïr Chéraga 170 21 38 9 » 6 8 » » * 755 4.358 1.007<br />

Heumis 735 » » » » » » » » 2.410 295 3.145<br />

Béni-Rached 365 3 6 2 » 6 1 » » 500 415 883<br />

Béni-Derdjin 880 * 10 10 » 6 » » » » 6 950 912<br />

Sbéah du Sud 1.833 324 159 55 94 30 28 » 23 61 21 1.786 2.628<br />

Dahra 3.218 » » » » » » » » » » » 3.218<br />

| Djahafa 821 45 19 » » > » » » » 157 885<br />

Mchaa ! 1.401 86 12 2 30 3 11 s 9 31 » 559 1.585<br />

Herenfa 636 39 12 16 » 14 2 » » 19 » 249 738<br />

Ouled-Ziad 2.215 » » » » » s » » » » 336 2215<br />

Sobha 134 18 » » » » » » » » .<br />

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BO<br />

5<br />

20 152<br />

Ouarsenis 8.340 80 485 188 12 17 160 » 85 180 » 433 9.547<br />

Beni-bou-Khannous 29.510 » 693 » 20 56 »<br />

»'<br />

» » » 988 30.279<br />

Béni-Ouaizan 20 ■> » » » » » » » » 599 200 619<br />

Ouled-bou-Sliman 2.066 » » » » » » » » 466 353 2.532<br />

Ouled-Sidi-Salah 2.890 40 113 2 20 7 4 3 » 9 » 391 3.088<br />

Sindjès Gheraba 4.850 38 47 10 9 11 54 » 1 14 » 7.252 5.034<br />

Sindjès Chéraga 299 » » » » » » » » » » 404 299<br />

Chouchaoua<br />

Total<br />

1.066 » 14 » 16 2 45 » » 12 » 346 1.155<br />

64.566 809 1.697 312 209 158 336 17 136 819 5.367 26.463 74.426


— 310<br />

La prépondérance du figuier apparaît extraordinaire et il<br />

ne s'agit ni d'une année exceptionnelle puisque nous avons<br />

signalé une plantation de 30.000 pieds en 1862, ni d'une particu<br />

larité de la région d'Orléansville puisque, en 1849, par exemple,<br />

le cercle de Miliana plante 40.000 arbres de cette espèce. On<br />

s'efforça de le répandre dans la plaine où il réussit, mais ce<br />

sont les montagnards qui lui consacrèrent le plus de surface,<br />

lui réservant d'ailleurs parfois les plus mauvais terrains. C'est<br />

ainsi que les Béni-Bached choisissaient, sur les mamelons ro<br />

cheux, les sols où la charrue ne pouvait passer et dont ils bri<br />

saient la carapace calcaire ou tifkirt afin de pouvoir effectuer<br />

leurs plantations, les débris du « tifkirt » leur servant à faire de<br />

petits murs de clôture (1).<br />

Par contre, le nombre d'oliviers paraît étonnamment faible.<br />

Il n'en était pas toujours et partout ainsi : en 1858, les Ouled-<br />

Sidi-Salah et les Sendjès plantent 15 à 20.000 pieds de sau<br />

vageons d'oliviers sur les pentes dénudées de leur territoire ;<br />

en février 1860, 30.000 pieds sont extraits de la forêt domaniale<br />

des Medjadja et replantés sous la direction et la surveillance<br />

d'un officier du bureau arabe d'Orléansville dans la tribu des<br />

Heumis dont le sol était complètement déboisé. Surtout, il faut<br />

tenir compte du fait que la culture de l'olivier se répandait plus<br />

par la greffe que par la plantation. Dans beaucoup de tribus,<br />

les Indigènes abandonnaient aux chèvres leurs oliviers sauvages<br />

et il fallut l'intervention du bureau arabe pour les déterminer<br />

à en tirer profit.<br />

Parfois, ce sont les bûcherons militaires qui enseignent et<br />

propagent l'usage de la greffe dans les régions riches en oléas-<br />

tres. Le plus souvent, poussées par le bureau arabe, les tribus<br />

les plus expertes en oléiculture, comme celles de la région de<br />

Cherchel, envoient des greffeurs à celles qui en manquent ou,<br />

mieux, un véritable enseignement agricole est organisé, analo<br />

gue à celui que nous avons signalé plus haut pour les planta<br />

tions d'arbres et de légumes. Dans le cercle de Ténès, Jubault<br />

prend des moniteurs dans les tribus des Zouggara et des Sinfita<br />

où la culture est la mieux entendue, lève des sujets chez deux<br />

(1) N 468, 1849, Miliana, 1" q. de février G. Orléansville,<br />

bre 1862.<br />

mai et octo


caïds qui obtiennent d'excellents poduits et fait entreprendre la<br />

greffe des oliviers sauvages dans plusieurs tribus; les moniteurs<br />

forment à leur tour des élèves qui les remplacent et on greffe<br />

ainsi des milliers d'arbres (1). En général, les résultats sont<br />

bons,<br />

mais les Indigènes n'attendent pas toujours la maturité<br />

complète pour récolter;<br />

nécessiteux ou désireux de réaliser ra<br />

pidement un bénéfice, ils cueillent trop tôt les fruits et par suite<br />

obtiennent une huile médiocre (2).<br />

Les autres espèces n'ont pas la même importance. Les oran<br />

gers ne se propagent guère, peut-être parce que les pépinières en<br />

manquaient et qu'il fallait les acheter dans la Mitidja (3). Pom<br />

miers, pruniers, poiriers, cognassiers, amandiers restent très<br />

disséminés. Les châtaigniers que le tableau ne mentionne pas<br />

furent cependant essayés dans la région au cours de la même<br />

année, mais, à cause de la mauvaise qualité des châtaignes mi<br />

ses en terre et de l'irrigation insuffisante,<br />

on avait eu à enre<br />

gistrer un échec, échec que compensèrent par la suite quelques<br />

succès dans l'Ouarsenis et, à un moindre degré, dans les mon<br />

tagnes de Ténès et de Miliana (4).<br />

Les Bureaux arabes tentèrent aussi de défendre les forêts,<br />

notamment contre la pratique de l'incendie et, dans la mesure<br />

du possible, d'entreprendre le reboisement. Ils se heurtèrent à<br />

l'hostilité des Indigènes auxquels on faisait appel au moyen des<br />

prestations et qui se rendaient difficilement compte de l'utilité<br />

de planter des arbres qui ne rapportaient pas de fruits. Les<br />

espèces utilisées variaient beaucoup. A Aïn-Defla (futur Du-<br />

(1) On opère à peu près de même chez les Righa et les Béni-Férah :<br />

deux greffeurs habiles envoyés de Miliana dans chacune de ces tribus réunis<br />

sent autour d'eux, avec le concours des caïds, une vingtaine de jeunes gens<br />

tirés de toutes les parties des deux territoires et leur enseignent la greffe des<br />

oliviers ; envoyés ensuite chacun dans son canton, ces jeunes mettent en pra<br />

tique leur savoir moyennant une rétribution par pied d'arbre.<br />

(2) N 465, 1848, Miliana, 1 q. de janvier. N 472, 1853, Miliana, mai. N<br />

430, Division d'Alger, 1" T. 1858.<br />

G : Cherchel 3' T. 1858, 2» T. 1859 et 2f T. 1860 ; Orléansville 1" T. 1860 ;<br />

Ténès 2e T. 1864, 2" T. 1866 ; Miliana 1" T. 1869.<br />

(3) D'après le Tableau des établissements français de 1863 (p. 214), on<br />

ne comptait dans la subdivision d'Orléansville que 9 propriétaires d'orangers<br />

(dont un Européen) contre 37 dans celle de Miliana (dont un Européen).<br />

(4) G : Orléansville, 3e T. 1861 et avril 1862 ; Ténès 1" T. 1861 ; Miliana<br />

1" et 2° T. 1861.


— — 312<br />

perré), dès 1848, un officier du bureau arabe dirige la planta<br />

tion de 400 trembles et de quelques milliers de saules pour as<br />

sainir cette terre domaniale, lui procurer un peu d'ombre et la<br />

rendre ainsi plus propre à recevoir un jour un centre européen.<br />

Chez les tribus voisines du Nahr-Ouassel, on essaye le caroubier<br />

et le mûrier. Près d'Orléansville, les Montagnes Bouges se cou<br />

vrent de semis de chênes à glands doux, de thuyas, de caroubiers<br />

et de pins d'Alep. En plusieurs endroits du cercle d'Orléansville<br />

et de celui de Miliana, les eucalyptus commencent une carrière<br />

sur laquelle on fondait beaucoup d'espoirs, à commencer par<br />

l'assainissement du marais des Aribs (1).<br />

La vigne.<br />

Dans leurs statistiques, les officiers des Bureaux arabes met<br />

tent la vigne avec les cultures arbustives et lui attribuent la<br />

même importance. Lapasset va plus loin et anticipe lorsqu'il<br />

écrit : « S'il suffit d'une plante heureuse, comme disait La Bour<br />

donnais, pour faire la fortune d'un pays, je crois que la vigne<br />

est cette plante » (2). Aussi ne ménage-t-on pas les efforts pour<br />

donner une ampleur considérable à cette culture qui n'existait<br />

qu'à l'état tout à fait sporadique. Dans la période 1860-1863,<br />

c'est par dizaines de mille que l'on distribue les pieds de vigne<br />

venus de France et par centaines de mille ceux qui sont origi<br />

naires d'Algérie. Ténès est le port d'arrivée des plants métro<br />

politains; de là, sous la surveillance du bureau arabe, ils sont<br />

expédiés dans les différentes tribus. En Algérie, ce sont les<br />

Trappistes de Staouéli qui fournissent le plus : 615.000 sarments<br />

ou crossettes des meilleures espèces de France partent en 1863<br />

pour la subdivision d'Orléansville (3).<br />

Le bureau arabe ne se contente pas de distribuer les pieds<br />

de vigne;<br />

plus ou moins directement il dirige les travaux de<br />

(1) N 465, 1848, Miliana, 2" q. de décembre. N 470, 1851, Miliana, janvier.<br />

N 447, 1852, Inspection d'Orléansville.<br />

G : Téniet-el-Had 1" T. 1869 ; Orléansville 1 T. 1872 ; Miliana 1"* T.<br />

1872.<br />

(2) Lettre à Lacroix du 30-12-1861 (121) 320.<br />

(3) G : Cherchel 1" T. 1863 ; Orléansville, janvier 1863,


— 313<br />

plantation. Dans les Ouled-Kosseïr, où les essais sont entrepris<br />

sur une grande échelle, ce sont des moniteurs indigènes formés<br />

à Lalla Aouda qui surveillent la besogne. Ailleurs, des détache<br />

ments de soldats aident les Indigènes à ouvrir les tranchées<br />

puis jouent le rôle de moniteurs lorsqu'il s'agit de tailler la<br />

vigne. On essaye la culture un peu partout,<br />

aussi bien dans la<br />

plaine que dans le Dahra et l'Ouarsenis. Des encouragements<br />

en argent sont donnés aux fellahs qui travaillent avec le plus<br />

d'intelligence (1).<br />

L'extension du vignoble ne fut pas continue et régulière.<br />

Elle se poursuit surtout de 1848 à 1852 et de 1860 à 1863. Au<br />

cours de la première période nous notons 100.000 pieds de vigne<br />

mis en terre en 1849 dans le cercle de Miliana, 40.000 dans les<br />

tribus de l'aghalik d'El Esnam (Orléansville) en 1852, 40.000<br />

également la même année dans le cercle de Ténès dont 7.500<br />

à la smala. Puis les plantations paraissent avoir cessé. Elles re<br />

prennent avec une vigueur nouvelle en 1860 et pendant trois<br />

ou quatre années. Le cercle d'Orléansville tient la tête du mou<br />

vement : 300.000 pieds de vigne plantés en février 1862, 700.000<br />

en mars et on s'efforce d'en assurer le succès en invitant les pro<br />

priétaires à donner tout autour des crossettes une légère façon<br />

et à la répéter plusieurs fois. Dans les montagnes de Cherchel,<br />

en 1863, on plante 350.000 pieds dont 50.000 venus de France ;<br />

la vigne couvre 650 hectares. Les raisins en sont vendus à des<br />

Européens, qui fabriquent de bons vins blancs, ou préparés dans<br />

la tribu des Zatima pour en obtenir des raisins secs jouissant<br />

d'une grande réputation (2).<br />

Cependant, le succès reste exceptionnel, non seulement à<br />

cause d'erreurs comme la plantation trop<br />

tardive ou de condi<br />

tions atmosphérique malencontreuses, tel le violent siroco qui,<br />

en avril 1862, sévit sur la route de Ténès à Orléansville au mo<br />

ment du transport des pieds de vigne;<br />

mais aussi et surtout à<br />

cause du peu d'empressement montré par les Indigènes qui<br />

cèdent parfois à la pression du bureau arabe,<br />

mais reviennent<br />

(1) G : Cherchel 3« T. 1863 ; Orléansville 3e et 4" T. 1861, avril 1862.<br />

(2) N 468, 1849, Miliana, 1" q. de février. N 471, 1852, Ténès, février.<br />

N 447, 1852, Orléansville, Inspection.<br />

G : Orléansville, mai 1862 ; Cherchel 3« T. 1862, 2- et 3* T. 1863.


— 314 —<br />

ensuite sur leur promesse de pratiquer la culture qu'on leur<br />

conseille. Il faut ajouter,<br />

et les officiers des Bureaux arabes le<br />

reconnaissent, que la vigne exigeait trop de soins pour être<br />

adoptée par des populations peu soucieuses d'agriculture déli<br />

cate, et, qui plus est, ne consommant pas de vin (1).<br />

Le tabac.<br />

Nous savons que sa culture était pratiquée avant l'arrivée<br />

des Français. Les Bureaux arabes cherchèrent à lui donner plus<br />

d'importance et à améliorer la qualité en substituant le tabac<br />

philippin au tabac indigène. Ils commandent de la graine à la<br />

pépinière du Gouvernement et en 1856, par exemple, 150 pro<br />

priétaires des Béni-Hidja et des Béni-Haoua (cercle de Ténès)<br />

adoptent ainsi le tabac philippin. Dans certaines tribus comme<br />

celles des Béni-Fathem et des Matmata du cercle de Miliana, la<br />

culture est soignée : les terres sont fumées et convenablement<br />

ameublies pour recevoir les plants au moment du repiquage ;<br />

aussi obtient-on de bons résultats (2).<br />

Le plus souvent cependant, les progrès restent très limités.<br />

Dans le cercle de Ténès un grand nombre de propriétaires cul<br />

tivent le tabac, mais seulement pour leur consommation per<br />

sonnelle. Dans la région de Cherchel, les fellahs qui font des<br />

essais ensemencent 30 à 40 ares chacun. A Téniet-el-Had, il<br />

débute seulement en 1868, dans la propriété de quelques grands<br />

chefs. On ne signale qu'exceptionnellement une production no<br />

table donnant lieu à un petit commerce sur les marchés indigè<br />

nes. La contrée la| plus favorisée paraît être l'Ouarsenis, tout au<br />

moins la région proche de l'Oranie : les tribus obtiennent de<br />

belles récoltes avec lés plants provenant du pénitencier de Làlla<br />

Aouda et la culture prend un développement assez considéra<br />

ble pour suffire presque à alimenter le marché de Tiaret (3).<br />

(1) G : Ténès 4* T. 1861 et 3" T. 1862 ; Orléansville, mars et septembre<br />

1863.<br />

1869.<br />

(2) N 475, 1856, Ténès, mars - G<br />

: Ténès, 2» T. 1856 ; Miliana 1" et 3« T.<br />

(3) N 450, 1854, Orléansville, Inspection.<br />

G : Ténès 2» T. 1857, 2- T. 1859, 4e T. 1863 ; Cherchel 3« T. 1859 ; Orléans-<br />

ville 3' et 4» T. 1865.


IL —<br />

LES<br />

CULTURES NOUVELLES<br />

Nous avons déjà signalé quelques-unes des plus importan<br />

tes avec les céréales. Elles sont accompagnées de beaucoup d'au<br />

tres.<br />

On essaye les haricots et les lentilles malgré le peu de goût<br />

que montrent les Indigènes. Pour les lentilles dont on veut<br />

donner les fruits aux hommes et les fanes aux animaux, on pra<br />

tique la culture sur brûlis,<br />

car on a remarqué que ces légumi<br />

neuses se trouvaient dans les conditions les plus favorables<br />

lorsqu'elles étaient ensemencées dans des terrains défrichés par<br />

le feu.<br />

Les navets sont adoptés de bonne heure par le caïd des<br />

Ouzaghera (cercle de Miliana) et, comme il réussit parfaitement,<br />

en 1852 les Ouzaghera demandent des graines que leur envoie<br />

le Jardin d'Essai d'Alger. Dans la région de Ténès, ils apparais<br />

sent en 1868 seulement et pour cette culture, comme pour cer<br />

taines autres d'introduction récente (bechna, sarrazin, pommes<br />

de terre), un officier du bureau arabe est obligé de surveiller<br />

dans chaque douar les Indigènes détenteurs des graines afin d'en<br />

assurer l'ensemencement (1).<br />

A côté de ces cultures qui, plus ou moins, s'implantèrent<br />

dans la région, d'autres eurent une carrière très brève. Que la<br />

canne à sucre et le thé aient pu être tentés dans l'Ouarsenis,<br />

entre 1852 et 1856, cela participe des espoirs insensés que l'on<br />

avait mis dans l'Algérie, encore considérée comme une terre<br />

tropicale dans les premières années du Second Empire. La val<br />

lée du Chélif et les montagnes voisines semblèrent un moment<br />

destinées à produire du lin : Béni-Fathem, Hachem, Sbahia,<br />

Djendel, obtinrent, paraît-il, de bons résultats. Quant au tour<br />

nesol il devait assainir la « mourdja des Aribs », mais le projet<br />

ne paraît pas avoir reçu d'exécution. (2).<br />

(1) N 469, 1850, Cherchel, septembre - N<br />

471, 1852, Miliana, janvier.<br />

G : Orléansville 2" T. 1860, i' T. 1865 ; Ténès, 4" T. 1868.<br />

(2) N 471, 1852, Orléansville, mars. N 475, 1856, Téniet-el-Had, mars. G.<br />

Miliana 1er T. 1858, 1" et 2" T. 1870.


Le coton.<br />

— 316-<br />

Le coton mérite un examen plus attentif. On sait quels<br />

espoirs il fit naître ! On lui prédisait le plus bel avenir non<br />

seulement dans les régions irriguées, mais aussi « dans les ter<br />

rains exposés le plus à une grande sécheresse » (1) et il faudra<br />

des années pour admettre que, sauf exception, la culture en<br />

terre sèche ne pouvait être productive. Capifali rêve de nous<br />

affranchir du tribut payé à l'étranger et même de primer un<br />

jour les Etats-Unis à cause de l'avantage que nous donne la proxi<br />

mité des côtes européennes. On désire aussi amener les Indigè<br />

nes à travailler eux-mêmes le coton, ce qui serait évidemment<br />

le meilleur moyen d'assurer la culture. En 1857, le caïd de Gou-<br />

raya fabrique chez lui des haïks et des burnous avec le coton<br />

qu'il a récolté et il envoie l'un de ces vêtements à Alger, à l'ex<br />

position permanente des produits de l'industrie algérienne.<br />

Sériziat, en 1859, à Orléansville, réussit à faire filer et tisser le<br />

coton par deux femmes arabes : l'une d'elle confectionne un<br />

grand haïk dont la trame est en coton et la chaîne en laine ;<br />

l'autre tisse un burnous d'enfant avec trame et chaîne en<br />

coton. Il espère que de nombreux imitateurs suivront et que ce<br />

textile deviendra l'une des matières premières nécessaires aux<br />

Indigènes. L'exemple de l'Egypte de Méhémet Ali était un puis<br />

sant stimulant (2).<br />

Les Bureaux arabes poursuivirent leurs efforts pendant au<br />

moins une dizaine d'années, car si le coton connut un dévelop<br />

pement notable en Algérie pendant la guerre de Sécession, sa<br />

culture cependant est bien antérieure : un décret du 16 octobre<br />

1853 lui prodiguait déjà le soutien de l'Etat. Les primes furent<br />

un réel encouragement et beaucoup de bonnes volontés n'eurent<br />

pas d'autre origine : elles devaient disparaître avec les libéra<br />

lités de l'Administration.<br />

(1) G. Cherchel 2» T. 1860.<br />

(2) N 473, 1854, Orléansville, octobre N 476, 1857, Cherchel, rapport<br />

annuel. G. Orléansville 1" T. 1859.<br />

Ribourt (98) 75-76.


• 317 —<br />

Des instructions sont données aux aghas et aux caïds sur<br />

les emplacements à choisir et sur la manière de les préparer. A<br />

partir de 1861, on recherche les endroits où, au cours d'essais<br />

antérieurs, la culture avait donné de bons résultats. On aménage<br />

surtout les possibilités d'irrigation et les soins accordés relèvent<br />

presque du jardinage : dans la tribu des Chouchaoua, en 1862,<br />

on concentre les efforts sur un espace de quatre hectares et on<br />

fait appel aux tribus des Sindjès, des Béni-Ouazan et des Chou<br />

chaoua pour mettre en état le barrage sur l'Oued Fodda; dans<br />

la tribu des Zouggara,<br />

on choisit six hectares dominés par un<br />

oued, on ouvre une série de petits canaux pour permettre d'irri<br />

guer en temps opportun, on entoure les terrains d'une, barrière<br />

pour empêcher les animaux d'y venir et, après quatre labours<br />

successifs, les terres sont ensemencées. On n'hésite pas à réta<br />

blir la touiza en 1860 pour obliger les Indigènes à consacrer au<br />

coton certains terrains de leur tribu, mais,<br />

afin d'éviter les<br />

réclamations, on annonce en 1861 que les produits de la récolte<br />

seraient partagés entre les travailleurs et ne deviendraient pas<br />

le bénéfice exclusif du caïd comme ils l'avaient été antérieu<br />

rement.<br />

L'action des Bureaux arabes est de tous les instants : ils<br />

répartissent les graines avec une instruction et des explications;<br />

ils surveillent toutes les opérations de la culture; après avoir<br />

conseillé les irrigations, ils font essayer l'exploitation en terre<br />

sèche, sous la direction d'un moniteur indigène venu de Bône;<br />

ils réclament des machines à égrener dans l'espoir que les fem<br />

mes pourront pratiquer l'égrenage sous la tente (1) .<br />

Toute cette activité cependant ne dépasse guère le cadre<br />

des expériences : 25 hectares de coton en 1855 dans le cercle de<br />

Cherchel; 6 hectares dans celui de Téniet-el-Had en 1861, et<br />

50 en 1862; une dizaine d'hectares répartis entre cinq tribus de<br />

la région de Ténès en 1863; voilà quelques nombres qui suffisent<br />

à donner une idée de l'étendue des ensemencements.<br />

Rarement les Bureaux arabes signalent le succès de la<br />

récolte : en 1855 le Géorgie longue soie atteint en moyenne une<br />

(1) G : Orléansville 1" T. 1857, 1" T. 1860, 1" et 3» T. 1861, mai 1863 ; Cher<br />

chel 2* T. 1858 ; Ténès 1" T. 1861, 1" T. 1862, 2f T. 1862 ; Miliana 1" T. 1860;<br />

Téniet-el-Had 1" T. 1862 N 473, 1854, Cherchel, mars.


•318-<br />

hauteur de un mètre dans le cercle de Ténès et en 1856, certains<br />

pieds ont même 1 m. 35; dans le cercle d'Orléansville, le coton<br />

réussit en 1860 notamment sur le plateau d'<br />

Aïn-Méran (futur<br />

emplacement de Babelais).<br />

Mais le plus souvent c'est l'échec que l'on cherche parfois<br />

à voiler sous un raisonnement spécieux comme celui qui con<br />

siste à évaluer le rendement d'après la récolte de la seule tribu<br />

où le coton ait réussi, en considérant comme négligeable l'échec<br />

encouru dans six autres. On peut même mettre en doute les<br />

succès annoncés lorsqu'on voit les Indigènes du cercle de Ténès<br />

abandonner le coton en 1857 à la suite de plusieurs « insuccès<br />

consécutifs », alors qu'on avait signalé de beaux résultats en<br />

1856 ! Après 1860 le coton sera repris dans la même région, mais<br />

sans succès, et Lavondes, chef du bureau arabe, reconnaît que<br />

« sans notre influence et une surveillance active les Indigènes<br />

feraient peu de cas de cette culture ». Tubault,<br />

Lavondes,<br />

qui succède à<br />

ne pense pas autrement et les événements leur don<br />

nent raison : en 1863 un seul Indigène de la région s'occupe<br />

encore du coton et il sème deux kilos de graines !<br />

Il en va de même dans les autres cercles. A Orléansville,<br />

Capifali en vient à penser qu'après les tentatives infructueuses<br />

faites depuis de longues années, il serait bon de ne point priver<br />

les Indigènes d'excellentes terres où ils pourraient obtenir du<br />

blé. A Téniet-el-Had, où les essais ont cependant été importants<br />

en 1862, la culture est complètement abandonnée en 1863. Quant<br />

à la région de Miliana, la récolte ne couvrant pas les frais de<br />

culture, elle renonce au coton dès 1862. (1).<br />

C'est au climat qu'il faut attribuer d'abord la cause essen<br />

tielle de ces échecs. Les conditions de température ne sont favo<br />

rables que dans la plaine du Chélif (et encore sous certaines<br />

réserves pour l'époque des semailles et celle de la maturation) ;<br />

mais vouloir mener à bien une récolte de coton dans le Dahra<br />

et surtout dans l'Ouarsenis, c'était une gageure ! Situation en<br />

core plus mauvaise pour les pluies : les meilleures pour le coton<br />

(1) N 474, 1855, Ténès, rapport annuel.<br />

G : Orléansville 3« T. 1860, 3" T. 1862 ; Ténès 3r T. 1856, 2" T. 1857, 2-, 3"<br />

et T. 1861, l" T. 1863 ; Miliana 4« T. 1860 et 1" T. 1862 ; Téniet-el-Had 2» T.<br />

1861, 3- T. 1862, 3' T. 1863.


— 319<br />

sont celles de printemps et d'été, alors que l'Algérie a son maxi<br />

mum en automne et en hiver. D'où de multiples déboires : à<br />

Téniet-el-Had les gelées et la grêle compromettent la cueillette;<br />

à Miliana, même lorsque la récolte paraît magnifique,<br />

elle n'ar<br />

rive pas à maturité faute d'une température assez élevée ; à<br />

Cherchel, en 1860, les champs étaient prometteurs,<br />

mais des<br />

pluies violentes les ravagent et arrachent les capsules; à Or<br />

léansville, en 1863, les graines ayant pourri, sans doute à cause<br />

d'une température du sol inférieure à 15 degrés au moment des<br />

semailles, on ensemence à nouveau à la fin mai,<br />

mais alors la<br />

saison étant trop avancée, les capsules ne peuvent arriver à<br />

maturité (1).<br />

Mais le climat ne doit pas être seul invoqué. Les Indigènes<br />

n'étaient pas préparés à une culture qui demande des travaux<br />

aussi nombreux et parfois délicats : labours profonds et croisés,<br />

hersages, billonnage, semis, arrosages réguliers, sarclages, bina<br />

ges, écimages, cueillette au fur et à mesure de la maturité des<br />

capsules, comment pouvait-on espérer obtenir tout cela des<br />

cultivateurs qui n'avaient jamais compté que sur la volonté<br />

d'Allah ? Les officiers des Bureaux arabes eux-mêmes pou<br />

vaient-ils suffire à la tâche : « Nous n'obtiendrons du coton,<br />

écrit Capifali, que lorsque nous saurons comment choisir sa<br />

terre et comment diriger les travaux. Les livres et les instruc<br />

tions ne suffisent point; il faudrait des gens pratiques installés<br />

dans les tribus qui puissent guider les Indigènes et suivre la cul<br />

ture dans ses différentes phases » (2). On s'explique donc le<br />

peu d'empressement montré par les Indigènes pour une culture<br />

dont ils ne connaissaient pas les produits et qui leur apparaissait<br />

comme très accaparante et très aléatoire. Ils prétendaient, avec<br />

juste raison, que la culture de l'orge et du blé leur était plus<br />

avantageuse et plus facile (3) .<br />

(1) G : Cherchel 4« T. 1860 ; Miliana 1" T. 1858 ; Téniet-el-Had 4« T. 1861<br />

et 3" T. 1862 ; Orléansville 4" T. 1863.<br />

(2) G. Orléansville 2" T. 1862.<br />

(3) G. Ténès 4" T. 1864.


La pomme de terre.<br />

-320-<br />

Par contre, ils acceptèrent avec davantage d'empressement<br />

l'introduction de la pomme de terre dont ils pouvaient recon<br />

naître les avantages immédiats et que l'on trouve dès 1849 à<br />

Orléansville, en 1850 à Cherchel, en 1852 à Téniet-el-Had et<br />

sans doute à Miliana, vers 1860 à Ténès. Les Bureaux arabes<br />

essayèrent de développer les bonnes dispositions qu'ils rencon<br />

traient en distribuant les semences ou en promettant de récom<br />

penser ceux qui obtiendraient les plus beaux résultats par des<br />

prix magnifiques : un fusil à deux coups ou un sabre richement<br />

orné ! Nous voyons aussi les montagnards de l'Ouarsenis convo<br />

qués chez le caïd des caïds pour y goûter le nouveau légume<br />

dont ils se montrent, paraît-il, très friands (Bichard dixit).<br />

Surtout, il fallait guider le fellah, le conseiller, le surveiller<br />

si l'on voulait donner à la nouvelle culture une extension suffi<br />

sante pour pallier les risques d'une mauvaise récolte de céréa<br />

les. Sous la direction d'un officier du bureau arabe, les terrains<br />

sont défoncés à la pioche ou labourés avant la réception des<br />

tubercules. Dans le cercle de Miliana, des corvées partent des<br />

diverses tribus pour se rendre à Cherchel et rapporter les se<br />

mences provenant soit de la région, soit d'importations de France<br />

ou d'Espagne. Richard fait distribuer une instruction en arabe,<br />

en même temps que la semence, pour expliquer les détails de la<br />

culture. Des moniteurs, le plus souvent des militaires choisis<br />

parmi les agriculteurs de profession, parcourent les tribus pour<br />

indiquer les terrains les plus convenables et faire les planta<br />

tions sous les yeux des Indigènes; parfois ce sont des Espagnols<br />

qui opèrent, par exemple chez les Braz, les Attafs, les Djendel,<br />

les Béni-Ahmed et les Doui-Hasseni; dans la plaine du Chélif<br />

et de l'Oued Ouaguenay (un affluent de la rive gauche), on orga<br />

nise des touiza composées d'Arabes déjà experts et d'autres qui<br />

apprennent, le produit de la récolte devant être partagé entre<br />

les tribus.<br />

Le bureau arabe intervient jusque dans le détail des tra<br />

vaux, faisant bêcher pour enlever les mauvaises herbes et chaus<br />

ser les pieds de pommes de terre afin de mieux garantir le tuber<br />

cule de la chaleur. Pour détruire les sangliers qui ravagent les


— 321-7-<br />

champs, des chasses sont organisées et se terminent par des<br />

tableaux impressionnants. Et, la récolte achevée, des recom<br />

mandations sont adressées à tous les cultivateurs afin de con<br />

server pour la prochaine plantation les semences nécessai<br />

res (1).<br />

Est-ce à dire que l'on obtint des résultats remarquables ?<br />

Les Indigènes se montrèrent souvent peu soigneux de la culture;<br />

travaillant avec des charrues arabes, ils ne fouillaient pas la<br />

terre assez profondément et les tubercules, à peine arrivés à<br />

maturité, se développant presque à la surface du sol, germaient<br />

immédiatement. Parfois l'échec est imputable au manque d'ex<br />

périence : les tubercules,<br />

semés en décembre dans les monta<br />

gnes de Ténès, succombaient en mars sous l'action des gelées<br />

alors que les plantes étaient en fleurs. , Les rendements varient<br />

la même année d'un point à un autre, suivant les soins apportés<br />

à la culture : certaines tribus n'obtiennent que du 2 pour 1, alors<br />

que d'autres ont du 5 et du 6 et peuvent non seulement se nour<br />

rir, mais encore payer les moissonneurs; on signale même à<br />

Ténès, en 1862, une récolte dont le rendement moyen fut de<br />

16 pour 1.<br />

Il est difficile de se faire une opinion sur la qualité des pro<br />

duits. Dans les Ouled-Boufrid (cercle de Ténès), où tous les fel<br />

lahs ont planté en 1861 dans une terre profondément remuée,<br />

on obtient des pommes de terre d'une grosseur prodigieuse.<br />

Cette année, dans le cercle d'Orléansville,<br />

si nous en croyons<br />

Capifali, les tubercules sont aussi de dimensions extraordinai<br />

res, très farineux et d'une qualité supérieure. Le même, il est<br />

vrai, quelques années après, en 1865, signale que dans la région<br />

la pomme de terre réussit mal, qu'elle est de mauvaise qualité<br />

et il présente ce résultat comme fatal à cause du climat chaud.<br />

L'enthousiasme du début était bien tombé (2).<br />

C'est qu'une fois de plus les espérances avaient été déçues.<br />

Des récoltes très insuffisantes dans la région de Miliana où les<br />

(1) N 468, 1849, Orléansville, 1 q. de décembre -<br />

N<br />

469, 1850, Orléans-<br />

ville, janvier, mai et juin. N 471, 1852, Miliana, janvier - N 472, 1853, Miliana,<br />

mars - N 447, 1853, Téniet-el-Had, Inspection.<br />

G : Ténès 2» T. 1862, 2» T. 1872 ; Cherchel 1" et 4' T. 1861, 2- T. 1863 ;<br />

Miliana 1" T. 1862 ; Téniet-el-Had 1" et 2? T. 1861.<br />

(2) G : Orléansville 3" T. 1861 et 2? T. 1865 ; Ténès 2" et 4° T. 1861, 3e T.<br />

1862 ; Miliana 2.» T. 1869 ; Téniet-el-Had 3« T. 1863.


— 322 —<br />

Indigènes acceptent difficilement la polyculture; 500 à 1.000<br />

quintaux ensemencés dans le cercle d'Orléansville et une cen<br />

taine dans celui de Ténès; 300 quintaux mis en terre par les<br />

montagnards de Cherchel alors que Gaulet parle de culture en<br />

plein progrès et d'un grand secours pour les tribus pauvres en<br />

céréales; des ensemencements atteignant à Téniet-el-Had leur<br />

maximum en 1862 avec 400 quintaux quand, dès 1857, Charton<br />

disait qu'il suffisait d'un peu de persévérance pour rendre la<br />

culture de la pomme de terre familière aux Indigènes; voilà<br />

des renseignements, choisis intentionnellement parmi les plus<br />

optimistes, qui montrent bien que la vérité est exprimée par<br />

Galland, du bureau arabe de Cherchel, écrivant en 1865, à la<br />

fin de la grande période de propagation de la pomme de terre,<br />

que l'on rencontre de temps à autre de « petits carrés de ces<br />

tubercules » (1).<br />

Seuls ou presque, les plus riches avaient accepté la nouvelle<br />

culture. Pourquoi ? Capifali nous en donne une raison curieuse :<br />

c'est que « les indigènes de petite tente ne peuvent cultiver ce<br />

précieux tubercule parce que leurs femmes les déterrent en<br />

cachette avant maturité pour les manger ». Ne serait-ce pas<br />

plutôt que les notables étaient obligés de sacrifier à leur charge<br />

ou qu'ils subirent de la part du bureau arabe une pression toute<br />

spéciale ? En tous cas, le caractère très sporadique de la culture<br />

ne fait aucun doute encore à la fin du Second Empire. En 1870,<br />

le chef du bureau arabe de Cherchel prédit que la pomme de<br />

terre « donnera d'immenses résultats lorsqu'elle sera complè<br />

tement vulgarisée », ajoutant toutefois que, pour l'instant, elle<br />

ne se cultive qu'en petit et dans les jardins. Quant à son collè<br />

gue d'Orléansville, à la même époque, s'il reconnaît que la<br />

pomme de terre ne couvre pas encore de grands espaces, il attire<br />

vivement l'attention sur le fait que, pour la première fois, cer<br />

tains propriétaires en ont cultivé spontanément sur de petites<br />

étendues. Mince consolation après plus de vingt années d'ef<br />

forts ! (2).<br />

(1) G : Orléansville 1" et 4' T. 1861, janvier 1862, 3' 1"<br />

T. 1863 ; Ténès<br />

T 1863 ; Miliana 2° T. 1863 ; Cherchel 4° T. 1860, 1" T. 1862, 2" T. 1865 ; Té<br />

niet-el-Had 4° T. 1857, 1" T. 1861, 4" T. 1862.<br />

(2) G : Orléansville, mars 1864, 2" T. 1870 ; Ténès 1", 2e et 3» T. 1872,<br />

1" T. 1873 ; Cherchel 1" T. 1870.


L'ELEVAGE<br />

Nous verrons plus loin, en étudiant les échanges, quelle fut<br />

l'action du régime militaire sur les déplacements des tribus du<br />

Sud. Nous voulons ici examiner seulement les transformations<br />

que désirèrent réaliser les Bureaux arabes sur le troupeau des<br />

régions telliennes dont ils entreprirent d'améliorer les condi<br />

tions de vie et de sélectionner les espèces.<br />

I. —<br />

La nourriture.<br />

LES AMELIORATIONS GENERALES<br />

Les Bureaux arabes s'attachèrent à une modification essen<br />

tielle : amener les cultivateurs à faire des foins et à les conser<br />

ver afin de préserver leur bétail de la famine pendant la mau<br />

vaise saison. Les Indigènes durent réserver en fourrages tous<br />

les terrains vagues qui ne leur étaient pas d'une absolue nécessité<br />

pour le pacage de leurs bestiaux,et de préférence les bas-fonds ou<br />

«méroudj »,plus humides.La saison venue,sur l'ordre du bureau<br />

arabe, les caïds font des tournées dans les tribus pour s'assurer<br />

que l'on y coupe les foins. A cette occasion on répand l'usage<br />

de la faux. Dans le cercle de Téniet-el-Had,<br />

un certain nombre<br />

d'Indigènes, pris dans les diverses régions et réunis au centre<br />

du cercle, apprennent à s'en servir avant de devenir les instruc<br />

teurs des gens de leur tribu. Pour faciliter la récolte des four<br />

rages naturels, des faucheurs militaires sont également envoyés<br />

chez les fellahs. Parfois même, les Indigènes habitant près des<br />

centres européens,et ne sachant manier que la faucille, prennent<br />

à gages des Colons qui opèrent la fenaison. La récolte faite, des<br />

mesures sont prises pour en assurer la conservation : les tribus<br />

construisent des meules ou même bâtissent des gourbis destinés


— — 324<br />

à servir de magasins à fourrages. On semble être sur la voie d'ui<br />

important progrès (1) .<br />

Mais comme toujours, lorsqu'il s'agit des Bureaux arabes<br />

il y a ce que claironnent les rapports et ce qu'une analyse ui<br />

peu attentive permet de découvrir. On signale, il est vrai, plui<br />

d'un succès : dans l'Ouarsenis des troupeaux ne pouvant sortir<br />

à cause d'un hiver rigoureux, résistent cependant, grâce aiu<br />

fourrages conservés en meules; des réserves « abondantes t.<br />

sont enregistrées à plusieurs reprises surtout dans les tribus<br />

riveraines du Chélif. On voit aussi, sur le conseil du bureat<br />

arabe, des djemaas mettre en adjudication des lots de fourrages<br />

qu'achètent les Colons ou l'Armée; et l'espoir qu'avait Gandil<br />

d'amener les Indigènes à exploiter eux-mêmes leurs prairies<br />

paraît recevoir un commencement de réalisation, puisque dans<br />

la région de Miliana, en 1872, on signale des fellahs qui livrent<br />

des fourrages à l'Administration. On pourrait encore noter les<br />

essais de prairies artificielles faits non seulement au péniten<br />

cier de Lalla Aouda, mais aussi dans le cercle de Miliana où un<br />

Colon, qui a cultivé la luzerne avec succès, accepte de se faire<br />

le moniteur des Arabes (2) .<br />

A cela, il faut apporter deux correctifs. D'abord il est cer<br />

tain que les Indigènes étaient foncièrement hostiles à cette nou<br />

veauté et qu'ils subirent une contrainte. A plusieurs reprises, il<br />

est question d'ordres donnés ou d'action de l'autorité; encore en<br />

1868, le chef du bureau arabe d'Orléansville écrit que « les indi<br />

gènes ont été mis en demeure de faire des réserves de fourrages<br />

et des ordres formels ont été donnés pour que les chefs mon<br />

trent l'exemple » et, comme résultat, on annonce en 1869, que les<br />

Arabes « commencent à se pénétrer » de l'utilité des réserves<br />

de foin. Les chiffres malheureusement sont peu nombreux, mais<br />

ceux que l'on nous donne et qui sont évidemment des maxima,<br />

suffisent pour se faire une opinion : à Aïn-Méran, on signale<br />

(1) G : Orléansville 2« T. 1857, 1" T. 1860, avril 1868, avril 1869 ; Ténés<br />

2» 1" T. 1859 2°<br />

; Miliana T. 1858 2« et T. 1868 ; Cherchel T. 1861 ; Téniet-el-<br />

Had 2? T, 1859 et 3« T. 1872 - N 465, 1848, Miliana, 2» q. janvier -<br />

Orléansville, mars.<br />

N<br />

470, 1851,<br />

(2) G : Orléansville, 4« T. 1860, 1" T. 1869 ; Ténès 3e T. 1869 ; Miliana<br />

2' T. 1868 et 3« T. 1872 ; Cherchel 2' T. 1860.


— 325<br />

en 1849 une meule de près de 2.000 quintaux qui appartient à<br />

l'agha; en 1851, le bach-agha Bou Alem et le cheikh des Attafs<br />

emmagasinent chacun 1.000 à 1.200 quintaux de fourrages ;<br />

environ 2.000 quintaux, au total, sont ramassés en 1857 dans le<br />

cerclé de Miliana et l'on présente le fait comme un gros progrès<br />

alors que, six ans auparavant, deux propriétaires seuls en pro<br />

duisent autant ou plus; 15.000 quintaux de foins pour toute<br />

l'étendue du cercle d'Orléansville;<br />

considérables que nous ayons relevés, et,<br />

troupeau comprenait au moins 300.000 têtes,<br />

voilà les nombres les plus<br />

si l'on songe que le<br />

on conviendra<br />

qu'il n'y avait pas là de quoi provoquer l'enthousiasme. Les<br />

chefs seuls avaient obéi, justement parce qu'ils étaient les<br />

chefs (1).<br />

Les abris.<br />

La question des abris était étroitement liée à celle des ap<br />

provisionnements en fourrages. Dans les deux cas, le but pour<br />

suivi est le même : assurer au troupeau les moyens de braver<br />

la mauvaise saison. Sous la direction du chef du bureau arabe,<br />

et en présence du garde des forêts qui indique les coupes à faire,<br />

les tribus préparent dans les bois les perches nécessaires à la<br />

construction des gourbis-abris. Au préalable, un officier du<br />

bureau arabe a établi, dans chaque fraction de tribu, le nom<br />

bre de gourbis jugé indispensable à ses besoins.<br />

Des obstacles surgirent.<br />

Il n'était pas toujours facile d'amener les Indigènes à<br />

construire des gourbis solides,<br />

vastes et aérés comme ceux<br />

que l'on désirait, d'autant plus que s'ils acceptaient à la rigueur<br />

d'abriter les chevaux et les bovins, ils s'y refusaient pour les<br />

ovins, donnant pour raison l'exemple du Sud qui fournissait<br />

les meilleurs animaux et les meilleures laines, la grande diffi<br />

culté qu'aurait un propriétaire de plus de cent moutons à leur<br />

(1) N 468, 1849, Orléansville, 2? q. décembre. N 479, 1851, Miliana, avril.<br />

G : Orléansville, avril 1868, 1" T. et 2e T. 1869 ; Miliana 2' T. 1857 ; Té<br />

nès 2» T. 1857.


— — 326<br />

construire dés abris assez importants, la crainte, justifiée par<br />

leur expérience, de voir la laine s'abîmer par l'action corrosive<br />

d'un fumier non exposé à l'air libre (1).<br />

Les résultats ne peuvent être appréciés avec exactitude.<br />

Des abris furent construits, cela est certain, mais combien ?<br />

Nous n'en savons rien. Là aussi une minorité seule semble<br />

avoir cédé à l'impulsion des Bureaux arabes, la minorité de<br />

ceux que les rapports appellent « les plus avancés ». D'autre<br />

part, il faut distinguer avec les régions : il est évident que les<br />

tribus habitant le versant méridional de l'Ouarsenis, et qui<br />

envoyaient leurs troupeaux dans le Sersou ou plus au sud,<br />

avaient moins besoin d'abris et de réserves de fourrages que<br />

celles gardant leurs bêtes dans la montagne. Mais même pour<br />

ces dernières tribus, les rapports laissent entendre qu'elles uti<br />

lisaient les gourbis-abris seulement par temps de pluie, et<br />

Warnier nous en donne peut-être la raison lorsqu'il écrit que<br />

l'on dut renoncer aux foins et aux abris quand on vit « les<br />

indigènes vendre leurs foins pour payer les Européens qui les<br />

avaient récoltés et faire camper les troupeaux à côté des han<br />

gars pour qu'ils ne se noient pas, au bout de quelques jours,<br />

dans leur propre fumier » (2).<br />

IL —<br />

L'AMELIORATION<br />

Les moutons.<br />

DES DIVERSES ESPECES<br />

Bernis, vétérinaire de l'Armée d'Afrique, avait tracé en<br />

1852 un programme très précis des améliorations à apporter<br />

à la race ovine (3). Selon lui on était trop souvent en opposition<br />

avec la manière d'être des Arabes en les obligeant par exemple<br />

à construire des hangars ou à faire des provisions de foins. Ce<br />

(1) G : Orléansville 3" T. 1857 ; Ténès 3* T. 1858 ; Miliana 4' T. 1859 ;<br />

Téniet-el-Had 3" T. 1857.<br />

(2) N 476, 1857, Miliana, rapport annuel ; Téniet-el-Had, rapport annuel.<br />

G : Orléansville 3" T. 1857, janvier 1865 ; Miliana 3' T. 1857 ; Cherchel<br />

1" T. 1862 ; Ténès 1" T. 1862. Warnier (115) 233.<br />

(3) Le Pays du mouton (137) 9-11.


sont là, pensait-il,<br />

— 327 —<br />

améliorations qui ne peuvent s'adapter à<br />

l'état agricole du pays et aux conditions d'existence des Indi<br />

gènes, et, voulant rester avant tout dans le domaine des choses<br />

possibles, il préconisait huit réformes qui peuvent se ramener<br />

à deux essentielles : la sélection des animaux pour la repro<br />

duction et l'amélioration des procédés de la tonte. Il croyait<br />

que l'on obtiendrait rapidement des résultats positifs qui se<br />

raient de la plus grande importance pour les Indigènes et il<br />

s'en remettait à l'action des Bureaux arabes.<br />

Ceux-ci déploient une grande activité. Circulant dans les<br />

tribus avec le vétérinaire, les officiers procèdent à l'élimina<br />

tion des animaux présentant de graves défauts. Les brebis à<br />

tête noire et à laine défectueuse sont marquées d'une entaille<br />

à l'oreille et doivent être vendues à la boucherie. Quant aux<br />

béliers dont la toison ou la conformation étaient imparfaites,<br />

ils sont abattus ou subissent l'opération du fouettage ou du<br />

bistournage. Par contre, les meilleurs reproducteurs sont signa<br />

lés à l'attention des Indigènes et on s'efforce de n'en conserver<br />

qu'un nombre restreint. Bernis conseillait de garder cinq ou<br />

six béliers pour cent brebis. Bien que pratiquant déjà la cas<br />

tration et habitués à vendre chaque année une partie de leurs<br />

bêtes, les Indigènes se soumirent cependant difficilement à ces<br />

mesures rigoureuses (1).<br />

Une tentative intéressante,<br />

malheureusement de grandes précisions,<br />

sur laquelle inous manquons<br />

est celle de la créa<br />

tion, dans le cercle de Téniet-el-Had, d'un troupeau modèle<br />

que l'on désigne couramment sous le nom de Smala de Tisem-<br />

sil (2). Ce troupeau, surveillé par un lieutenant adjoint au<br />

bureau arabe, allait prendre ses quartiers d'hiver dans la<br />

région du Nahr-Ouassel, près du bordj du caïd des Doui-Has<br />

seni où l'on édifia d'abord des gourbis destinés à protéger les<br />

animaux et, en 1862, une bergerie mieux équipée pour lutter<br />

contre les rigueurs de l'hiver. Le troupeau comprenait 100 à<br />

120 belles brebis et un certain nombre de béliers importés :<br />

(1) G : Orléansville 3" T. 1860, avril 1867 ; Téniet-el-Had 4" T. 1860, 4"<br />

T. 1861, 2" T. 1862, 2» T. 1863.<br />

(2) Le point d'eau d'Aïn-Tisemsil (ou Tissemsil) est devenu le centre de<br />

Vialar.


— 328<br />

en 1860 on n'en comptait que deux, deux mérinos de la Crau<br />

semble-t-il, et le chef du bureau arabe se plaint de ce nombre<br />

très insuffisant. Le but était de vendre aux Indigènes de bons<br />

reproducteurs.<br />

Y est-on parvenu ? Barberet,<br />

qui commande le bureau<br />

arabe de Téniet en 1866, rapporte que dans les tribus des Ouled-<br />

Ayad et des Béni-Maïda qui étaient les plus voisines de la ber<br />

gerie modèle de Tisemsil, les laines se sont sensiblement amé<br />

liorées et se vendent sur les marchés à un prix supérieur à<br />

celles des tribus voisines. L'expérience ne paraît pas s'être<br />

poursuivie longtemps, car nous n'en trouvons plus aucune trace<br />

dans les rapports qui suivent. N'est-on pas cependant en droit<br />

d'y<br />

voir l'ancêtre de la station de Tademit (entre Djelfa et<br />

Laghouat) qui date de 1918 ou de celle, toute récente, de la<br />

Baraouïa (entre le Kroubs et Constantine) installée seulement<br />

en 1945 ? (1).<br />

Les Bureaux arabes se montrent aussi très attentifs à amé<br />

liorer la quantité et la qualité de la laine. Margueritte invite<br />

les Arabes à ne pas mélanger les moutons de différentes cou<br />

leurs afin que les laines soient uniformes et trouvent plus faci<br />

lement preneurs chez les commerçants européens : c'est que<br />

le cercle de Téniet-el-Had débitait annuellement environ 15.000<br />

toisons qui étaient vendues surtout au marché des Djendel. A<br />

Orléansville, Lapasset distribue deux prix, un burnous et un<br />

tapis,<br />

laine. A Miliana également on organise des concours régionaux.<br />

aux propriétaires des moutons qui avaient la plus belle<br />

Mais c'est sur les procédés de la tonte que porte surtout<br />

le gros effort, le but étant de substituer les cisailles à la faucille.<br />

Des moniteurs enseignent aux Indigènes comment utiliser le<br />

nouvel instrument et aussi comment pratiquer le repassage.<br />

Des cisailles sont distribuées, en particulier aux propriétaires<br />

des plus gros troupeaux, et, dès 1860, dans la région d'Orléans-<br />

ville tout au moins, on semble vouloir abandonner la faucille.<br />

Toutefois les difficultés ne manquent pas et les Indigènes<br />

commettent de nombreuses maladresses, faute de gens compé<br />

tents assez nombreux pour assurer une surveillance assidue.<br />

(1) G. Téniet-el-Had 1" et 4' T. 1860, 4- T. 1862, 31 T. 1863, 1" T. 1866.


— — 329<br />

A Téniet-el-Had les essais entrepris sont interrompus par l'in<br />

surrection de 1864 et, en 1866, les populations continuant à se<br />

montrer récalcitrantes, le chef du bureau arabe doit une fois<br />

de plus faire appel à leurs chefs et aux cavaliers pour donner<br />

l'exemple. Le succès cependant paraît avoir couronné les ef<br />

forts des Bureaux arabes et en 1862 par exemple on voit un<br />

marchand de quincaillerie de Ténès fournir une centaine de<br />

paires de cisailles aux Indigènes qui en désireraient davantage.<br />

C'est d'ailleurs une des rares réussites que les partisans du<br />

régime civil concèdent aux Bureaux arabes (1).<br />

Les autres espèces (2).<br />

Pour les bœufs, comme pour les moutons, on pratiqua la<br />

castration, ne gardant pour la reproduction que les plus belles<br />

bêtes. On prit des mesures pour lutter contre les épidémies en<br />

ordonnant de faire débarrasser les gourbis, servant d'abris, des<br />

fumiers qui les encombraient ou en conseillant aux proprié<br />

taires des troupeaux de conduire leurs bêtes vers les eaux les<br />

plus fraîches.<br />

Surtout certains chefs indigènes prirent l'habitude de mé<br />

nager leurs bêtes de labour. Jusqu'alors elles se reposaient à<br />

peine vers midi et, pendant cette courte détente, il ne leur<br />

était donnée aucune nourriture. Dans le cercle d'Orléansville,<br />

en 1864, on signale que beaucoup de propriétaires donnent à<br />

leurs bêtes de trait, bœufs ou chevaux, un long repos vers midi<br />

et les réconfortent par un repas toujours accompagné de paille<br />

et souvent d'orge, progrès appréciable qui doit assurer la<br />

conservation des attelages de labour que l'on voyait autrefois<br />

dépérir et disparaître après un service assez court.<br />

Cependant le cheptel bovin continua à varier énormément<br />

d'une année à l'autre avec les rigueurs de l'hiver et plus encore<br />

- (1) N 471, 1852, Téniet-el-Had, mars; Orléansville, avril N 476, 1857,<br />

Ténièt-el-Had, rapport annuel.<br />

G : Orléansville 2" T. 1860 ; Ténès 2" T. 1862, 1" et 2° T. 1863 ; Miliana<br />

2? T. 1860 ; Téniet-el-Had 4« T. 1860, 1er T. 1866, Warnier (115) 233.<br />

(2) Les rapports ne donnent aucun renseignement particulier sur les chè<br />

vres dont le troupeau est lé plus souvent confondu avec celui des moutons.


— — 330<br />

l'abondance ou la médiocrité de la récolte. C'est ainsi que le<br />

troupeau du cercle de Téniet-el-Had passe de 23.917 têtes en<br />

1867 à 10.519 en 1868 et à 6.718 en 1869, peut-être à 4.000 à la<br />

fin de cette même année et la Société indigène de crédit, de<br />

création récente, doit prêter aux Indigènes pour leur permettre<br />

d'effectuer des achats de bœufs de labour (1).<br />

Les chevaux bénéficient d'une attention toute particulière.<br />

Pour aucune espèce on n'instaure un aussi grand nombre de<br />

primes. Des concours de poulains et de pouliches ont lieu à peu<br />

près chaque printemps; plusieurs centaines d'animaux s'y pré<br />

sentent et, en une seule fois, on distribue jusqu'à une dizaine<br />

de prix (en général une somme de cent francs) dont accidentel<br />

lement bénéficient aussi des Européens; dans certains cas ce<br />

sont les étalons qui sont primés.<br />

Les courses changent de caractère sous le gouvernement<br />

de Randon. Au lieu de n'y voir qu'un spectacle, on essaye d'en<br />

faire des épreuves ayant pour but de mesurer les qualités des<br />

chevaux en même temps que des compétitions mettant en jeu<br />

l'amour-propre des chefs. On tente même d'instituer un stud-<br />

book de l'Algérie en vue de connaître les meilleurs chevaux et<br />

d'arriver à créer le pur-sang algérien (2).<br />

Surtout pour améliorer la qualité, des stations de remonte<br />

sont organisées vers 1853. Les Indigènes achètent des reproduc<br />

teurs qui, pendant l'année, sont soignés et nourris dans les<br />

écuries de l'Etat. Quelque temps avant l'époque de la monte,<br />

le bureau arabe adresse aux caïds les instructions les plus dé<br />

taillées pour la construction d'un vaste gourbi, le recrutement<br />

d'un personnel expert, les soins à donner aux étalons (3). Puis<br />

ceux-ci sont envoyés dans les tribus auxquelles ils appartien<br />

nent, ce qui favorise l'augmentation du nombre des saillies<br />

(puisque les Arabes trouvant l'étalon chez eux n'éprouvent<br />

(1) N 475, 1856, Ténès, juin G : Orléansville, octobre 1862, 4- T. 1864 ;<br />

Téniet-el-Had 1" et 4' T. 1869.<br />

(2) G : Orléansville 2* T. 1863, avril 1863, avril 1865 ; Ténès 2« T. 1865 ;<br />

Cherchel 2" T. 1861 ; Miliana 1*' T. 1864 ; Téniet-el-Had 2- T. 1861. Ribourt<br />

(90) 44-45.<br />

(3) Les caïds forcent par exemple les Arabes à se servir de la brosse et<br />

de l'étrille et à faire un pansage par jour alors qu'auparavant les chevaux<br />

étaient simplement lavés à l'eau froide (N 473, 1854, Téniet-eî-Had, mai).


■331 —<br />

aucun dérangement pour amener leurs juments) et montre<br />

aussi aux tribus que le reproducteur qu'elles ont acheté est bien<br />

véritablement leur propriété. Parfois les étalons,<br />

après avoir<br />

été agréés par le service des remontes, étaient laissés à la<br />

charge des tribus,<br />

mais soumis alors à des inspections. Plus<br />

tard, il n'est plus question d'étalons appartenant aux tribus,<br />

mais d'étalons de l'Etat accompagnés de cavaliers de remonte<br />

et envoyés, en avril-mai, dans des stations bien déterminées,<br />

comme Ténès ou, dans le cercle de Téniet-el-Had, Toukria,<br />

Taza et l'Etnin des Ouled-Ammar, points vers lesquels les Indi<br />

gènes dirigeaient leurs juments (1).<br />

Là aussi, les difficultés ne manquèrent pas et la force fit<br />

certainement plus que la douceur. Les officiers des Bureaux<br />

arabes se heurtèrent à l'incompréhension des Indigènes. Hu<br />

gonnet raconte qu'il fallut obliger les candidats à comparaître<br />

dans les concours de poulains et de pouliches et que les Indi<br />

gènes ne pouvant admettre que l'on donnât de l'argent sans<br />

rien prendre en retour, refusèrent les primes en répétant qu'ils<br />

ne voulaient pas vendre leurs bêtes. Le même état d'esprit<br />

régnait dans l'Ouest du Tell algérois. Aussi les résultats furent-<br />

ils très divers. Les chevaux du cercle de Cherchel remportent,<br />

il est vrai, des prix aux courses d'Alger en 1854 et 1855. Parfois<br />

les commissions distribuant les primes manifestent leur satis<br />

faction, mais parfois aussi elles expriment leur désillusion et<br />

souhaitent que les efforts faits pour l'amélioration de la race<br />

chevaline aboutissent à des résultats plus probants. Dans le<br />

cercle de Miliana, en 1861, le chef du bureau arabe signale<br />

même un recul marqué de l'élevage du cheval qu'il attribue<br />

à la baisse des prix sur les marchés et au resserrement subi par<br />

certaines tribus (2).<br />

(1) N 448, 1853, Inspection de la division d'Alger - N<br />

Had, mars.<br />

472, 1853, Téniet-el-<br />

G : Ténès 3" q. 1863 ; Téniet-el-Had l*r T. 1861 et 1" T. 1863.<br />

Ribourt (90) 44.<br />

(2) N 474, 1855, Cherchel, octobre.<br />

G : Orléansville 2" T. 1863, mai 1863, avril 1865 ; Ténès 2? T. 1863 ; Mi<br />

liana 4« T. 1861.


CHAPITRE VI<br />

L Amélioration de l'Economie<br />

Industrie et Echanges


En matière d'industrie et d'échanges l'action de l'autorité<br />

militaire ne présente plus les mêmes caractères que lorsqu'il<br />

s'agit de fixer les tribus ou d'améliorer leur agriculture : sauf<br />

peut-être dans la création des routes,<br />

nous n'assistons pas à la<br />

mise à exécution d'un programme délibérément arrêté.<br />

La présence de l'administration militaire et la pénétration<br />

progressive des Européens jettent le trouble dans l'économie<br />

industrielle et commerciale des Indigènes. Les Bureaux arabes<br />

assistent souvent impuissants à cette désorganisation dont ils<br />

portent en partie la responsabilité. Ils essayent de trouver des<br />

remèdes et de défendre leurs administrés contre ce que pour<br />

rait avoir de néfaste le contact d'une civilisation différente<br />

basée sur le dynamisme de l'argent. Ils créent beaucoup moins<br />

qu'en matière d'habitation ou d'agriculture, ils corrigent le plus<br />

souvent, parfois même ils se bornent à constater.


L'INDUSTRIE<br />

L'industrie indigène dont nous connaissons l'état arriéré<br />

fut à peu près annihilée en quelques années et il y a un con<br />

traste saisissant entre cette disparition quasi complète et la<br />

vanité des essais de rénovation qui furent tentés.<br />

I. —<br />

L'EVOLUTION DES INDUSTRIES INDIGENES<br />

Leur ruine commença le jour où les tribus se mirent à<br />

utiliser les objets manufacturés français que les colporteurs<br />

kabyles, mzabites ou juifs venaient apporter sur les marchés<br />

et qui s'avérèrent plus commodes ou plus solides que les<br />

objets similaires indigènes. Les tissus européens eurent vite<br />

la faveur des hommes et surtout des femmes. Dès 1858, Séri<br />

ziat signale que, dans le cercle d'Orléansville, la consomma<br />

tion du savon français augmente dans une proportion énorme.<br />

A Cherchel où, avant la conquête,<br />

on fabriquait des poteries<br />

assez renommées, cette industrie se trouve d'autant plus para<br />

lysée que la colonisation semble avoir occupé les sols qui four<br />

nissaient la terre indispensable. Chez les Matmata la confec<br />

tion des djelals (couvertures pour les chevaux)<br />

à disparaître. Quant à l'industrie de la poudre,<br />

ment interdite (1).<br />

et des tapis tend<br />

elle fut évidem<br />

Peu à peu les industries françaises viennent s'établir au<br />

milieu même des tribus. Parfois elles procurent aux Indigènes<br />

un supplément de besogne comme l'exploitation des mines qui,<br />

(1) N 469, 1850, Cherchel, septembre N 447, 1852, Orléansville, Inspection<br />

N 475, 1856, Miliana, juin.<br />

G : Orléansville 1" T. 1858 ■<br />

4"<br />

T. 1865.<br />

Miliana 2' T. 1862 et 4« T. 1875 ; Cherchel


— 336<br />

dans le cercle de Cherchel, attire un moment plusieurs com<br />

pagnies (Compagnie anglaise, Compagnie de Châtillon et Com-<br />

mentry...) ou les concessions résinières obtenues par la Société<br />

Léon Lesca dans l'Ouarsenis, aux forêts de Bou Yelfen, d'Aïn-<br />

Lellou et de Sidi Driss. Ces dernières furent d'une grande<br />

utilité aux Béni-Bou-Khannous obligés de s'expatrier d'ordi<br />

naire pour faire des labours et qui trouvèrent là le moyen de<br />

se procurer quelques ressources, d'abord en faisant d'impor<br />

tants travaux de défrichement et d'éclaircissement, puis en<br />

pratiquant le gemmage (1) et, enfin, en « résinant » eux-mêmes<br />

les arbres situés sur leurs propriétés particulières. Parfois aussi<br />

nous voyons un chef indigène introduire dans sa tribu un nou<br />

vel appareil pour le plus grand profit des siens, tel le bach-<br />

agha Ameur ben Ferhat du cercle de Téniet-el-Had, qui fait<br />

construire à Aïn Toukria un moulin à manège en 1854. C'était<br />

le début de la transformation rêvée par Richard et qui devait<br />

affranchir les femmes de la plus rude des tâches (2).<br />

Mais cette évolution qui laisse l'activité industrielle aux<br />

mains des Indigènes est tout à fait exceptionnelle. Le plus<br />

souvent l'industrie européenne qui s'installe entraîne la dispa<br />

rition de l'industrie indigène. C'est le cas des moulins à blé.<br />

C'est aussi celui de la fabrication de l'huile. Les Kabyles de la<br />

région de Cherchel produisaient de l'huile qu'ils échangeaient<br />

contre des céréales et de la laine sur les marchés de Cherchel<br />

et de Marengo ou encore sur ceux de Miliana et de Ténès où on<br />

leur donnait un meilleur prix. Des moulins à huile s'installè<br />

rent dans le cercle, en 1863-1865, notamment à Gouraya, à<br />

Cherchel, aux Larhat, dans la tribu d'Arbal (ou Aghbal). Les<br />

Indigènes constatèrent que le prix qu'ils retiraient de l'huile<br />

ne dépassait pas celui qu'ils pouvaient obtenir de leurs olives<br />

en les livrant aux industriels, c'est-à-dire en évitant tout tra<br />

vail. Une espèce de fièvre, nous dit le chef du bureau arabe,<br />

s'empara de tous et ils apportèrent aux moulins de grandes<br />

quantités d'olives, sans attendre la prospection que faisaient<br />

les industriels dans les tribus au moment de la récolte. Ainsi<br />

(1) Travail que l'on payait 4 à 5 francs par jour soit à peu près le double<br />

d'une journée de cultivateur.<br />

(2) N 450, 1854, Téniet-el-Had, Inspection -<br />

Cherchel 3e T. 1875 et 1" T. 1876.<br />

G<br />

: Orléansville, avril 1863 ;


337<br />

mourait une industrie chez les Gouraya, les Larhat, les Béni-<br />

Zioui et les Béni-bou-Mileuk tandis que, en 1872,<br />

une seule<br />

usine (sur les six) fabriquait près de 100.000 litres d'huile et<br />

que celle-ci trouvait son écoulement sur le marché d'Alger ou<br />

même en France (1).<br />

On pourrait citer d'autres cas d'industries européennes<br />

se substituant sur place aux industries indigènes. Même l'indus<br />

trie des planches de cercueil dut être abandonnée par les<br />

habitants du pays. Elle leur fut interdite pour éviter le gaspil<br />

lage du bois de thuya, car les Arabes,<br />

pour extraire quelques-<br />

unes de ces planches, étaient obligés, faute d'outils, d'abattre<br />

des arbres magnifiques qui,<br />

exploités plus rationnellement,<br />

auraient fourni bien davantage. Pour ménager cette ressource,<br />

et aussi pour diminuer le prix de revient, Richard décida<br />

qu'un chantier serait confié à un Européen ayant seul le droit<br />

de débiter les planches de cercueil que les indigènes iraient lui<br />

acheter (2).<br />

Le terme de toute cette évolution,<br />

on le devine. Dans les<br />

' cas les plus favorables, les tribus, celles des régions monta<br />

gneuses surtout, maintiennent une petite industrie : fabrica<br />

tion de burnous par les femmes au moyen de métiers primitifs<br />

et grossiers, quelques poteries, une industrie de l'huile donnant<br />

un produit médiocre et ne pouvant pas concurrencer la pro<br />

duction des moulins européens,<br />

c'est à peu près tout pour le<br />

cercle de Cherchel en 1870; dans celui de Ténès on ne trouve<br />

guère qu'un peu de sparterie et quelques laines ouvrées; la<br />

région de Téniet-el-Had compte toujours sur les tribus du Sud,<br />

et en particulier sur celles du Djebel Amour, pour se procurer<br />

ses meilleurs tissus; les rapports de Miliana ne mentionnent<br />

l'industrie que rarement et pour signaler son caractère rudi-<br />

mèntaire. A Orléansville, Capifali jette un cri d'alarme, écri<br />

vant dès 1860 : « L'industrie tombe chez les indigènes, les arts<br />

et métiers sont à peu près nuls et finiront par disparaître chez<br />

eux si nous ne nous en occupons pas sérieusement. » (3).<br />

(1) N 448, 1853, Orléansville, Inspection - G : Cherchel 2? T. 1858 ; 4" T.<br />

1863 ; 1", et 4* T. 1865 ; 4» T. 1867 ; 1", 2e et 4' T. 1872.<br />

(2) N 469, 1850, Orléansville, mars.<br />

(3) G : Orléansville 3" T. 1860 ; Ténès 1" T. 1864 ; Miliana 3» T. 1874 ;<br />

Cherchel 2* T. 1870 ; Téniet-el-Had 1" T. 1870.<br />

22


II. —<br />

PROJETS<br />

— 338-<br />

ET TENTATIVES DE RENOVATION<br />

Les Bureaux arabes songèrent à prendre des mesures pour<br />

arrêter cette décadence de l'industrie indigène et si possible<br />

façonner des ouvriers dignes de ce nom. Mais les efforts furent<br />

décousus et il y eut plus de projets et de velléités que de<br />

réalisations.<br />

Richard, toujours fertile en ressources, propose de créer<br />

systématiquement de petites industries et il formule des pro<br />

positions précises : la confection de bois de charronnage au<br />

Guelta, l'exploitation d'une mine d'albâtre et de plâtre, la<br />

pêche de poissons et particulièrement de coquillages et d'huî<br />

tres. Il donne même un commencement d'exécution à ses pro<br />

jets et les Ouled- Younès entreprennent la préparation du bois<br />

de charronnage, ce qui fait revivre le cabotage sur la côte, les<br />

tartanes venant au Guelta charger le bois destiné à Ténès (1).<br />

Afin de pousser ses administrés à embrasser les profes<br />

sions industrielles, Bourgeret, chef du bureau arabe de Miliana,<br />

demande au Génie de les utiliser un peu plus et à l'autorité<br />

civile de renoncer à percevoir la somme de trois francs, pour<br />

la délivrance du livret, sur tout Indigène qui se présente pour<br />

travailler en ville, car beaucoup ne sont pas en état de donner<br />

cette somme et préfèrent s'en aller (2).<br />

Garaud, de Miliana également, pense que le meilleur<br />

encouragement à donner serait de doter les tribus de quelques<br />

bons ouvriers qui formeraient des élèves parmi les leurs. Mais<br />

d'où viendraient ces ouvriers ? De l'école des arts et métiers<br />

de Fort-Napoléon (aujourd'hui Fort-National). Malheureuse<br />

ment cette école ne semble pas avoir eu grand succès dans<br />

l'Ouest algérois. C'est très exceptionnellement que l'on signale<br />

des demandes d'admission. Aussi, faute de pouvoir faire elles-<br />

mêmes leurs travaux, les tribus accueillent avec plaisir les<br />

Indigènes de la Grande Kabylie qui, ayant reçu une certaine<br />

(1)N 469, 1850, Orléansville, avril.<br />

(2) G : Miliana 1" T. 1858.


formation professionnelle,<br />

— 339 —<br />

viennent dans le cercle de Cherchel<br />

par exemple, non seulement comme colporteurs, mais aussi<br />

comme ouvriers, forgerons et armuriers en particulier.<br />

Le remède serait peut-être de créer une ou plusieurs<br />

écoles d'arts et métiers dans la région. On y songe à plusieurs<br />

reprises, en même temps d'ailleurs qu'à l'installation d'une<br />

ferme-école. Le général Camou, commandant la division d'Al<br />

ger, partage l'avis des Bureaux arabes,<br />

car « s'il est certaine<br />

ment utile de pousser nos nationaux à produire les objets<br />

nécessaires aux indigènes, il paraît contraire à l'intérêt général<br />

de voir la portion la plus considérable de la population de<br />

l'Algérie s'éloigner des travaux industriels. » Mais aucune<br />

réalisation ne suivit (1).<br />

Une solution qui ne pouvait manquer d'être suggérée et<br />

même expérimentée, c'est l'association. En 1848, pour cinq<br />

tribus (Ouled-Kosseïr, Ouled-Farès, Sbéah du Nord, Sbéah du<br />

Sud, Sendjès), Richard projette d'établir,<br />

ges qui doivent être construits,<br />

au centre des villa<br />

un moulin dont l'exploitation<br />

permettrait de réaliser des bénéfices qui « seront la base de la<br />

caisse municipale, comme le village lui-même sera la base de<br />

la commune. » Et, à la même époque, Lapasset veut créer,<br />

dans les environs de Ténès,<br />

un moulin à vent qui sera<br />

un moulin banal destiné à servir de modèle : « les bienfaits<br />

qu'il apportera conduiront peu à peu les autres tribus à imiter<br />

un exemple si utile pour eux (les indigènes),<br />

si politique pour<br />

nous. » Les avantages de l'association sont rappelés bien des<br />

années après, en 1861, par Gaulet, de Cherchel. C'est, selon lui,<br />

le seul moyen d'améliorer la production de l'huile, car l'acqui<br />

sition de l'outillage nécessaire dépasse les possibilités d'un seul<br />

propriétaire, mais il fait bien des restrictions, craignant sur<br />

tout de voir surgir entre associés de nombreuses rixes et des<br />

procès.<br />

Une tentative eut lieu cependant en 1869. En accord avec<br />

le bureau arabe, les Indigènes de Béni-bou-Mileuk, Zatima et<br />

Zouggara qui vendaient leurs olives à vil prix sur place à des<br />

(1) N 450, 1854, Inspection.<br />

G : Miliana 3» T. 1865 et 3-<br />

T. 1866 ; Ténès 3« T. 1866 ; Cherchel 1" T.<br />

1870.


340<br />

Européens ou à des Israélites, construisirent, à frais communs,<br />

un moulin à huile dans la tribu des Béni-bou-Mileuk, au lieu<br />

dit Tebainet. Le chef du bureau arabe, fier de cette réalisation,<br />

prévoit, pour les années à venir, la fabrication du savon qui<br />

augmentera le bien-être des tribus, et le général commandant<br />

la division, très intéressé, annote le rapport de ces mots :<br />

« mais c'est à ma connaissance le premier établissement de ce<br />

genre créé par les Arabes —<br />

m'en parler ». Les rapports qui<br />

suivirent lui en parlèrent : l'échec fut complet, et le moulin<br />

à huile de Tebainet fut loué aux enchères publiques à un Eu<br />

ropéen (1).<br />

C'est peut-être Capifali qui prit le plus ardemment la<br />

défense des industries indigènes et, dans un long rapport, il<br />

écrit notamment :<br />

« L'autorité devrait favoriser toutes les industries et les<br />

encourager. On pourrait d'abord s'occuper spécialement de<br />

celle du tissage, car elle servirait à rendre utiles des bras nom<br />

breux qui restent inactifs... Quand la femme arabe sera pour<br />

son mari un sujet de gain, elle sera beaucoup plus respectée et<br />

beaucoup plus soignée. Quand elle sera occupée, elle songera<br />

moins à ces intrigues qui finissent toujours par des coups et<br />

quelquefois par la mort des individus.<br />

« Quand il y aura des maçons, des menuisiers, des char<br />

pentiers, l'Arabe bâtira beaucoup et deviendra plus entrepre<br />

nant. Trouvant à sa portée des ouvriers parlant sa langue,<br />

justiciable des mêmes tribunaux, il ne redoutera plus de faire<br />

bâtir, d'acheter des meubles, ce qui arrive fréquemment aujour<br />

d'hui car, pour faire cela, il faut avoir recours à un Européen<br />

qui bien souvent fait suivre son travail d'un gros procès ou qui<br />

vend de mauvaise marchandise.<br />

« Quand les indigènes verront le parti que les menuisiers<br />

et les charpentiers tirent du bois, ils comprendront la valeur<br />

des forêts et apprécieront mieux l'importance de leur con<br />

servation.<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville, 2* q. d'août ; Ténès, 1 q. de février.<br />

G : Cherchel 2* T. 1861, 4* T. 1869, 3' et 4« T. 1870.


-341 —<br />

« Tous les petits métiers disparaissent devant la concur<br />

rence européenne. Il nous faudrait au contraire les encourager<br />

afin que l'agriculture trouvât sur place des ouvriers pour la<br />

fabrication de tous les instruments aratoires.<br />

suivi,<br />

« Pour atteindre ce but qui nous semble devoir être pour<br />

nous proposons premièrement l'établissement d'un con<br />

cours où des primes d'encouragement, des certificats, des bre<br />

vets seraient distribués...<br />

« Pour diriger les industries, il nous semble qu'on devrait<br />

établir dans chaque subdivision une école des arts et métiers<br />

ou, tout au moins, placer des élèves dans les ateliers du Génie<br />

qui pourrait les instruire tout en les employant aux travaux<br />

d'utilité publique faits au titre des centimes additionnels.<br />

« Nous ne croyons pas que l'Etat doive reculer devant la<br />

dépense qu'occasionneraient toutes ces institutions, car il ne<br />

ferait que semer pour récolter. En effet, tous les métiers doi<br />

vent être plus tard soumis à une patente et on trouverait une<br />

grande compensation dans le produit que cette taxe donne<br />

rait.... » (1).<br />

Qu'advint-il de ces propositions ? Un concours de pro<br />

duits de l'industrie indigène eut lieu à Orléansville, le 25<br />

décembre 1862. Les produits les plus remarquables furent des<br />

broderies sur velours faites par un Indigène établi dans les<br />

Medjadja; des burnous noirs et des haïks des Sindjès; quel<br />

ques tapis en laine qui,<br />

sans avoir la valeur de ceux de Tiaret<br />

et de Kalaa, parurent cependant dignes d'attention. C'est tout,<br />

et c'est là sans doute le seul succès enregistré. Par la suite, on<br />

en vint à penser que les Indigènes deviendraient des ouvriers<br />

seulement lorsque l'industrie européenne ayant pénétré dans<br />

l'intérieur du pays, ils seraient employés dans les manufactu<br />

res. Il n'était donc plus question de créer une industrie propre<br />

ment indigène (2).<br />

(1) G. Orléansville 1" T. 1861.<br />

(2) G : Orléansville 1" T. 1862 ; Miliana 3e T. 1874.


— B<br />

—<br />

LES ECHANGES<br />

Les échanges se trouvèrent modifiés et le plus souvent<br />

développés par suite d'une demande accrue suscitée par la<br />

présence européenne et grâce aux facilités nouvelles offertes<br />

par l'utilisation de nouveaux moyens d'échanges et en parti<br />

culier d'un réseau routier progressivement étendu.<br />

Les routes.<br />

I. —<br />

LES<br />

MOYENS D'ECHANGES<br />

Les Bureaux arabes assurent l'entretien des routes et col<br />

laborent aussi à leur établissement. Parfois, ils apportent leur<br />

aide au Génie pour l'ouverture des voies essentielles; parfois,<br />

agissant par eux-mêmes, ils mobilisent les caïds pour faire<br />

tracer d'importants chemins là où n'existaient que des sentiers,<br />

notamment dans les montagnes de pénétration difficile.<br />

Ils agissaient sous l'action de mobiles différents. Les tra-\<br />

vaux de la route muletière de Ténès à Cherchel sont imposés, \<br />

sous forme de corvées, aux Béni-Haoua et aux Zouggara pour<br />

les punir de laisser allumer des incendies dans leurs forêts. I<br />

Dans les années de misère,<br />

comme 1859 et 1867-1869, qui sui<br />

vent de mauvaises récoltes, les chantiers sur routes deviennent<br />

de véritables ateliers de charité; les Indigènes y sont payés soit<br />

avec les secours attribués par l'Etat, soit par les journées de<br />

prestations que les propriétaires aisés préfèrent solder en ,<br />

argent. Les soucis stratégiques ne peuvent évidemment être<br />

oubliés par des militaires et si l'on demande une route de<br />

Ténès à l'Oued Damous en suivant les crêtes du Djebel Bissa,<br />

c'est parce que, pendant tout son parcours, elle dominerait le<br />

pays difficile des Béni-Hidja, reliant entre elles les maisons


■344 —<br />

de commandement. On invoque aussi la nécessité de faire<br />

pénétrer l'influence française et l'on signale que les tribus les<br />

plus arriérées et les plus réfractaires à nos idées, comme les<br />

montagnards de l'Ouarsenis, sont celles qui demeurent le plus<br />

éloignées des grandes voies de communication. Il n'est pas<br />

jusqu'à la colonisation que l'on ne déclare vouloir! favo<br />

riser (1).<br />

I Mais c'est le désir d'intensifier les tractations commercia-<br />

|les qui apparaît le plus souvent. En 1862, dans le cercle de<br />

P Ténès, le bureau arabe établit plusieurs voies de communica<br />

tion et notamment une route de 40 kilomètres pour desservir<br />

les marchés : désormais les négociants de Ténès peuvent se<br />

rendre auprès des fellahs et traiter directement avec eux sans<br />

passer par l'intermédiaire des courtiers indigènes qui exploi<br />

tent les cultivateurs; de plus, les Béni-Merzoug<br />

et les Bagh-<br />

doura, pour mieux bénéficier de la route, veulent se grouper<br />

en centres, initiative que ne pouvait manquer de soutenir le<br />

bureau arabe. Jubault, à Ténès, voudrait davantage et ne pou<br />

vant entreprendre lui-même les travaux de grande envergure,<br />

il insiste pour que soient créées les routes de Cherchel et de<br />

Mostaganem qui, avec celle d'Orléansville, permiettraient de dé<br />

velopper dans la région le commerce de transit. De même à<br />

Cherchel, l'autorité militaire demande une route qui, reliant<br />

les tribus de l'ouest du cercle à la vallée du Chélif, fournirait<br />

un débouché indispensable à la vigne, aux fruits et aux olives<br />

que produisent les tribus (2).<br />

Pour mener à bien leurs travaux, les Bureaux arabes ne<br />

disposaient que de moyens limités, essentiellement les journées<br />

des prestataires conduits au travail par les caïds qui campaient<br />

sur les lieux et que surveillait un officier du bureau arabe,<br />

directeur du chantier. Cela pouvait suffire pour l'entretien de<br />

routes déjà établies, mais non pour développer un vaste sys<br />

tème de voies de communication. Cependant l'œuvre accomplie<br />

(1) N 472, 1853, Miliana, juin.<br />

G : Orléansville 1" T. 1869 ; Ténès 1" T. 1859, 1" T. 1861, 2» T. 1866 ;<br />

Cherchel 1" T. 1871.<br />

(2) G : Ténès l" T. 1862, 1" T. 1863 et 1" T, 1864 ; Cherchel 2» et 3« T,<br />

1870.


ne fut pas négligeable,<br />

— 345-<br />

grâce à la masse de travailleurs dont dis<br />

posa parfois l'admdnistration |militaire : à Cherchel, pour citer un<br />

cas précis, en 1861, les tribus du cercle fournirent en 38 jours<br />

11.400 travailleurs. Nombre de chemins devinrent carrossables,<br />

d'autres furent élargis jusqu'à quatre mètres et on dériva les<br />

eaux qui les détrempaient et les transformaient en fondrières;<br />

des ponts facilitèrent la circulation sur la route de Téniet à<br />

Miliana; une multitude de chemins relièrent les villages les<br />

uns aux autres ou permirent l'exploitation des forêts de l'Ouar<br />

senis. A défaut de belles chaussées, on eut des routes muletiè<br />

res comme celle qui partait de Ténès vers Cherchel ou celle<br />

qui, par la ligne des crêtes et la maison de commandement des<br />

Béni-Menna, conduisait de Cherchel à Aïn-Méran.<br />

Celle dont on attendait le plus est certainement la route<br />

qui relierait au littoral la plaine orientale du Chélif. Moullé<br />

déjà avait attiré l'attention sur le fait que la grande source de<br />

prospérité du cercle de Cherchel étant le commerce des grains<br />

avec la plaine du Chélif, il fallait en conséquence ouvrir une<br />

route aboutissant à Cherchel. Lavondes, en 1858, estimait que<br />

la question était d'<br />

« importance vitale » pour Cherchel. Plu<br />

sieurs années après, l'un de ses successeurs,<br />

en unissant les<br />

efforts des Gouraya, Larhat, Béni-Lioui, Béni-bou-Mileuk,<br />

Zouggara et Tacheta, réussit à ouvrir une route muletière sur<br />

le trajet désigné depuis longtemps par le col d'Azerou Derbal.<br />

C'était malheureusement en 1869, c'est-à-dire au moment où<br />

la voie ferrée Alger-Oran allait briser l'importance de toutes<br />

les transversales sud-nord en ouvrant largement la vallée du<br />

Chélif vers l'Est et vers l'Ouest (1).<br />

A l'occasion, les chiffres mettent en relief les résultats ob<br />

tenus. Pour réparer la seule artère de Ténès à Orléansville, en<br />

1855, les Arabes doivent porter 10.000 mètres cubes de pierres<br />

puisées dans le fond des ravins. En 1862, les Ouled-Kosseïr<br />

établissent 5.500 mètres de routes. Dans le cercle de Ténès, 180<br />

kilomètres sont exécutés en quelques années. Lors de son<br />

(1) N 470, 1851, Orléansville, mai et novembre N 474, 1855, Cherchel,<br />

décembre - N 450, 1854, Inspection de Miliana. G, notamment : Orléansville,<br />

novembre 1863, 2? T. 1857 ; Cherchel, 4« T. 1858 et 4' T. 1859, 4" T. 1860, 2" T.<br />

1861 ; Miliana 2« T, 1858.


346<br />

commandement à Téniet-el-Had, Margueritte livre au transport<br />

des laines 635 kilomètres de routes. Le caractère de ces tra<br />

vaux reste, il est vrai, assez souvent primitif à cause de l'état<br />

du terrain et des faibles moyens techniques dont on disposait.<br />

Ainsi la route de Téniet-el-Had à Tiaret était presque impra<br />

ticable l'hiver à cause de la boue et, si l'on faisait des empier<br />

rements, par suite de la sécheresse d'été et de la pente, les<br />

cailloux glissaient et tombaient dans les ravins. Le chef du<br />

bureau arabe, pour remédier à cet inconvénient, trouve la<br />

solution suivante : préparer des tas nombreux de pierres cas<br />

sées et, les premières pluies arrivées, disséminer sur la route<br />

des travailleurs ayant pour mission de jeter ces pierres dans<br />

les ornières et les fondrières; de cette manière la terre humec<br />

tée ferait corps avec le cailloutis et donnerait beaucoup de<br />

solidité à la route. On ne sait si l'on doit admirer davantage<br />

la simplicité du procédé ou l'optimisme du chef de bureau<br />

arabe (1).<br />

Pour assurer la sécurité des routes et offrir un abri de<br />

nuit aux voyageurs, les Bureaux arabes collaborèrent à l'édifi<br />

cation des postes-cafés ou des caravansérails, les seconds beau<br />

coup<br />

plus importants que les premiers. On trouve des postes-<br />

cafés sur la plupart des routes : à Tizi<br />

n'<br />

Franco, sur celle de<br />

Miliana à Cherchel, à Aïn-Lellou et à Aïn-Lekhal sur celle<br />

d'Orléansville à l'Ouarsenis, à Zeboudj-el-Ouost sur celle d'Or<br />

léansville à Mostaganem, à Aïn-Kherazza sur celle de Miliana<br />

à Tiaret, à Aïn-Defla et Rouïna dans la vallée du Chélif, etc..<br />

Construits par le Génie ou par les tribus, ces postes étaient<br />

confiés à la surveillance des Bureaux arabes et on y installait<br />

des gardes-routes choisis de préférence parmi les Indigènes<br />

désirant l'emploi. Un poste comprenait en général trois famil<br />

les, exceptionnellement davantage comme ceux d'<br />

Aïn-Defla et<br />

d'Oued Rouïna qui en comptaient huit. A la tribu qui fournis<br />

sait le poste, on imposait parfois de bâtir, dans un délai déter<br />

miné, vingt jours par exemple, un grand gourbi pour recevoir<br />

les voyageurs et une habitation pour chaque famille à installer;<br />

(1) N 474, 1855, Orléansville, octobre.<br />

G : Orléansville 4- T. 1862 ; Ténès 2« T. 1863 ; Téniet-el-Had 2" T. 1862.<br />

Masqueray (83) 349.


— 347<br />

elle devait payer en outre une certaine somme aux gardiens<br />

ou pourvoir chacun d'eux d'un terrain de culture suffisant<br />

pour labourer une demi-charrue. Des chevaux étaient placés<br />

en quelques points (Attafs, Aïn-Defla, Kherazza),<br />

tre le transport rapide des dépêches (1).<br />

pour permet<br />

Certains de ces postes pouvaient par la suite se transfor<br />

mer en caravansérails comme le furent ceux des Attafs et<br />

d'<br />

Aïn-Defla. Aux Djendel, nous le savons (p. 229), c'est la mai<br />

son du bach-agha Bou Alem qui servit de caravansérail jusqu'en<br />

1855. Aux Béni-Indel (hameau actuel de Molière), c'est le bordj<br />

formant la maison de commandement qui recevait les voya<br />

geurs et à l'occasion les troupes, car il contrôlait la route d'Or<br />

léansville à Téniet. Un véritable caravansérail avait ordinaire<br />

ment la forme d'une grande cour carrée dans l'intérieur de<br />

laquelle étaient disposés sur trois côtés les logements pour les<br />

voyageurs et les écuries. Celui des Djendel, si nous en croyons<br />

des plans postérieurs à 1870, présentait des bâtiments sur les<br />

quatre côtés avec un bastion à chaque angle et, au centre de<br />

la cour, un puits à noria et un abreuvoir. Ces bâtiments im<br />

portants furent parfois l'œuvre des tribus, mais le plus souvent<br />

du Génie avec l'aide de la main-d'œuvre indigène qui, subis<br />

sant, pas toujours de bon gré, l'impulsion du bureau arabe,<br />

fournissait les transports de pierres, de sable et de bois (pour<br />

la cuisson de la chaux).<br />

Dans la région qui nous intéresse, nous avons pu dénom<br />

brer sept caravansérails : celui des Djendel qui semble avoir<br />

été le plus important, utilisé non seulement comme étape pour<br />

les voyageurs, mais comme entrepôt des marchandises desti<br />

nées au marché; celui d'<br />

Aïn-Defla construit en utilisant les<br />

matériaux puisés dans les ruines d'Oppidum Novum et pour<br />

lequel toutes les tribus du cercle de Miliana avaient dû payer ;<br />

celui des Attafs, bâti aux frais des Indigènes,<br />

comprenant plu<br />

sieurs chambres pour les hôtes et des écuries pour 20 chevaux;<br />

un peu plus à l'ouest, le caravansérail de YOued Fodda avait<br />

surtout été construit pour surveiller les Attafs et les Chou<br />

chaoua; d'une superficie de 900 mètres carrés,<br />

4'<br />

celui de YOued<br />

(1) N 471, 1852, MiMana, octobre G ; Orléansville 3- T. 1860 ; Cherchel<br />

T, 1860.


— 348 —<br />

Massine, chez les Haraouat Chéraga, sur la route de Miliana<br />

à Téniet (au sud de l'actuel Pont-du-Caïd) ; celui de Téniet-el-<br />

Had, qui date de 1856; de deux ans plus récent, celui de YOued<br />

Damous, à mi-distance sur la route entre Ténès et Cherchel,<br />

utilisé par les voyageurs qui en grand nombre prenaient la<br />

voie de terre pour éviter les inconvénients des voyages en mer<br />

et en particulier l'ennui de voir le bateau dans l'impossibilité<br />

de relâcher sur la côte comme cela se produisait par suite de<br />

l'insuffisance des ports lorsque la mer était grosse. Sur ces<br />

sept caravansérails on peut remarquer que quatre se trouvaient<br />

dans la vallée du Chélif, artère essentielle de la circulation<br />

dans l'Ouest du Tell algérois (1).<br />

Les marchés.<br />

Les Bureaux arabes n'eurent pas de politique définie à<br />

l'égard des marchés indigènes. Ils agirent au mieux des inté<br />

rêts du commerce et surtout de la sécurité.<br />

Parfois ils pensent qu'il convient de multiplier les marchés<br />

car ils sont un puissant moyen de favoriser la production :<br />

l'Indigène qui cultive ou fabrique, obligé pour écouler ses den<br />

rées de se rendre sur des marchés éloignés, préfère réduire ses<br />

récoltes ou sa petite industrie. Et Capifali cite la Kabylie si<br />

active avec ses nombreux marchés. De plus, ajoute-t-il,<br />

« les<br />

marchés servent aussi à la civilisation des Arabes : le frotte<br />

ment des individus modifie les mœurs, étend les relations et<br />

met les populations en communication d'idées. Il les tire de ce<br />

milieu étroit de la tribu où tout est agité du misérable point<br />

de vue des rivalités locales »; et il demande l'installation de<br />

trois nouveaux marchés aux Ouled-Bou-Sliman, aux Medjadja<br />

et aux Ouled-Farès. A maintes reprises nous assistons ainsi<br />

à des créations inspirées par le désir de donner un nouvel<br />

(1) N 447, 1852, Inspection de Miliana. N 448, 1853, cercles d'Orléansville<br />

et de Cherchel. N 450, 1854, Inspection de Miliana. N 474, 1855, Miliana, sep<br />

tembre.<br />

G. Téniet-el-Had 3« T. 1856.<br />

G. 1 L 166 : Rapport du 5 juin 1857 sur le lotissement d' Aïn-Defla.<br />

Tableaux des établissements français 1852-1854 et 1856-1858.


— 349<br />

essor au commerce local. Il arrive que l'inauguration s'accom<br />

pagne d'une fête comme ce fut le cas pour le marché arabe<br />

installé en 1857 sur un terrain militaire à l'entrée de la plaine<br />

du Chélif et dans la dépendance d'Affreville; l'armée organisa<br />

la cérémonie et les Indigènes manifestèrent leur empressement<br />

en apportant en masse céréales et bestiaux (1).<br />

Le plus souvent ce sont les soucis dé police qui dictent<br />

leurs actes aux Bureaux arabes. Les marchés des Béni-Boukni<br />

et des Betaïa, par exemple, sont entourés d'un fossé pour em<br />

pêcher les propriétés riveraines d'être dévastées par les ani<br />

maux amenés sur les marchés et surtout pour rendre la per<br />

ception des droits plus aisée. Margueritte dit nettement que le<br />

but principal à atteindre est d'assurer une surveillance plus<br />

facile;<br />

aussi fait-il transporter pendant plusieurs mois chez les<br />

Ouled-Ayad, au voisinage de Téniet, le marché des Ouled-Am<br />

mar trop<br />

des Sbéah où se passaient continuellement des scènes de désor<br />

souvent agité. Richard déplace d'office deux marchés<br />

dres qui parfois devenaient sanglantes; il en transporte l'un<br />

sur l'Oued Isly et l'autre sur l'Oued Ras, en des lieux plus rap<br />

prochés d'Orléansville. Ce déplacement pouvait être néfaste<br />

au marché : celui du Sebt (c'est-à-dire du samedi) à Aïn-Méran<br />

disparut ainsi à cause, nous dit Richard, du caractère des Sbéah<br />

« qui ne pouvant se voler les uns les autres n'aimaient pas à<br />

se réunir si près du contrôle de l'autorité ». Pour lui redonner<br />

vie, l'administration militaire l'exonère de droits alors qu'elle<br />

impose les deux autres plus voisins, espérant ainsi obliger les<br />

Indigènes à le fréquenter (2).<br />

Les déplacements ne suffisant pas toujours, pour faciliter<br />

la surveillance on en arrive à diminuer systématiquement le<br />

nombre des marchés en ne laissant subsister que ceux jugés<br />

indispensables. Jubault, à Téniet-el-Had,<br />

estimant que la sur-<br />

(1) G : Orléansville 1" T. 1861, mars 1873 ; Ténès 1" T. 1863 ; Miliana<br />

1" T. 1857 et 1" T. 1871. Certains marchés (aux Sendjès, Béni-Rached, Med<br />

jadja, Ouled-Farès) furent créés en temps de famine pour procurer à des tri<br />

bus affamées du grain à meilleur marché; ils ne purent ensuite se maintenir.<br />

(2) N 461, 1846, Orléansville 2" q. d'avril et 1" q. de mai. N 462 1846, Té<br />

niet-el-Had, 2» q. de septembre. N 463, 1847, Orléansville, 2e q. mars ; Ténietel-Had<br />

2* q. de mai et 1" q. de septembre.<br />

N 465, 1848, Téniet-el-Had, 1 q. de juillet.<br />

G. Miliana 1" T. 1869.


350-<br />

veillance doit être « de tous les instants » veut fondre les cinq<br />

marchés en un seul, siégeant à Toukria ou à Téniet. Cette poli<br />

tique, le développement des voies de communication, le<br />

rôle des Européens dans les centres de colonisation font que,<br />

contrairement à ce que souhaitaient certains officiers et notam<br />

ment Capifali, on assiste à une sélection qui ne laisse subsister<br />

que les places les plus importantes.<br />

Dans la région de Cherchel, le seul marché conservant<br />

encore une certaine importance en 1862 est celui des Béni-<br />

Menasser qui reçoit en moyenne 400 à 500 Indigènes; de plus<br />

en plus les montagnards accourent en grand nombre à la halle<br />

de Cherchel qui seule leur offre de véritables garanties de<br />

pesage.<br />

Dans la plaine orientale du Chélif, le marché des Djendel<br />

prend une importance croissante et on y apporte de Miliana<br />

ou de Médéa les grains que viennent chercher des convois de<br />

l'Ouest tandis que la laine est surtout achetée par les Euro<br />

péens; les autres marchés indigènes ne comptent pas et s'effa<br />

cent au profit de Miliana où les Colons font un grand com<br />

merce de grains.<br />

Même phénomène dans le cercle d'Orléansville où tous<br />

les marchés déclinent au profit de celui de la ville nouvelle.<br />

Dès 1849, Bichard note que le marché d'El Had, à la porte de<br />

la ville (1), n'a jamais été aussi imposant « même aux plus<br />

beaux jours des temps arabes » : 3.000 à 4.000 Indigènes y<br />

viennent et le mouvement des denrées est de 50.000 à 60.000<br />

francs par dimanche en 1849, de 120.000 francs en 1851. Cette<br />

évolution se poursuivra et, en 1877, tous les marchés des tribus<br />

ayant périclité, seuls compteront, avec,<br />

celui d'Orléansville<br />

toujours au premier rang, ceux d'Oued Fodda et des Attafs.<br />

Dans le cercle de Ténès, déjà en 1856, le seul marché de<br />

tribu encore notable est celui des Béni-Madoun (au sud de<br />

Ténès, fraction des Maïn) toujours présidé par un officier du<br />

bureau arabe et où les Indigènes apportent troupeaux, laines,<br />

(1) Il en existait un autre à l'intérieur même de l'agglomération, d'abord<br />

près de la porte de Miliana puis placé par Richard près des nouveaux bains<br />

maures afin de lui donner plus d'animation (N 468, 1849, Orléansville 1 q.<br />

de décembre).


— — 351<br />

huile, miel, volailles, œufs, mais non les céréales, car le com<br />

merce des grains, étroitement contrôlé, doit se faire à Ténès<br />

où ont lieu les ventes et les exportations vers Alger et la France<br />

(1). Là arrivent non seulement les grains du cercle, mais<br />

ceux de la vallée du Chélif, de quelques tribus de Mostaganem,<br />

d'Ammi-Moussa, de Miliana (2).<br />

Sur les marchés, les officiers des Bureaux arabes introdui<br />

sent l'usage des mesures décimales,<br />

en particulier le double<br />

décalitre et le kilogramme, aidés dans leur tâche par les mar<br />

chands ambulants qui, fréquentant Alger et parcourant les<br />

tribus, furent les meilleurs propagateurs du système métrique.<br />

Dès 1848, Richard profite du paiement de l'achour pour faire<br />

accepter le double décalitre dans la subdivision d'Orléansville.<br />

Des balances envoyées d'Alger sont mises en usage en 1849<br />

dans le cercle de Miliana. Pour lever les difficultés qui pou<br />

vaient se présenter dans la pratique, relativement à l'emploi ,<br />

des nouvelles mesures, une instruction écrite est répandue à un<br />

grand nombre d'exemplaires.<br />

Le système métrique cependant ne s'établit pas du jour<br />

au lendemain, parce qu'il était difficile de se procurer les<br />

nouvelles unités. En fabriquer sur place ne suffisait pas à<br />

résoudre le problème et Richard nous le dit : « Dans l'impos<br />

sibilité, écrit-il en 1848, d'en obtenir (des mesures) d'exactes et<br />

de légales, c'est-à-dire poinçonnées par l'administration, il en<br />

a été fait à l'aide des ouvriers du lieu qui sont déjà employées<br />

par les Arabes; mais alors ce n'est plus la population indigène<br />

qui les repousse, mais bien la population européenne qui ne<br />

veut pas les admettre comme légales. De sorte qu'à l'heure<br />

qu'il est, les Arabes mesurent entre eux avec des doubles déca<br />

litres et les colons avec l'ancienne mesure du marché appelée<br />

kéroui. Ces derniers donnent donc ce spectacle étrange de<br />

(1) L'obligation de porter les grains à Ténès semble avoir été précédée<br />

par l'habitude des Arabes de délaisser les marchés des tribus au profit de<br />

celui du port (N 474, 1855, rapport annuel). Le marché des Béni-Madoun de<br />

vait plus tard être éclipsé par celui des Heumis (G. Ténès 2" T. 1875).<br />

(2) N 468, 1849, Orléansville 2" q. de novembre. N 469, 1850, Miliana, août.<br />

N 470, 1851, Orléansville, août. N 448, 1853, Orléansville, Inspection.<br />

G : Orléansville, 1" T. 1877, janvier et mars 1877 ; Ténès 2e et 3« T. 1856<br />

4" T. 1859 ; Miliana 3« T. 1863 ; Cherchel 3« T. 1860 et 3« T. 1862 ; Téniet-el-<br />

Had 1" T. 1861.


j<br />

352 —<br />

refuser aux yeux de la population arabe nos propres mesures<br />

et de vouloir prendre les siennes. Il serait urgent de mettre fin<br />

à un pareil contre-sens » (1).<br />

A ces difficultés s'en ajoutaient d'autres dues aux fraudes<br />

multiples. La monnaie notamment donnait lieu à un grand<br />

trafic. Des Juifs exploitaient l'ignorance des Arabes quant à<br />

la valeur réelle de l'argent français par rapport à l'argent<br />

espagnol ou algérien. Les Indigènes étaient habitués à la mon<br />

naie d'argent et ils se montraient méfiants à l'égard de la<br />

monnaie d'or introduite par les Français; aussi des trafiquants<br />

cherchèrent à mettre cette défiance à profit en changeant les<br />

! pièces d'or contre de l'argent moyennant un bénéfice allant<br />

quelquefois jusqu'à 1 fr. 50 par pièce (2). Les Bureaux arabes<br />

durent prendre des dispositions pour éviter ce commerce qui<br />

dépréciait, aux yeux des Indigènes, la monnaie d'or fran<br />

çaise (3).<br />

Mais le trafic le plus grave était celui qui avait lieu sur<br />

les routes menant aux marchés. Avec l'aide de courtiers indi<br />

gènes malhonnêtes, des Européens et des Israélites arrêtaient<br />

les convois de grains dont les propriétaires se défaisaient de<br />

gré ou même de force car, à en croire les Bureaux arabes, on<br />

allait jusqu'à la violence. Un véritable vol se pratiquait avec<br />

emploi de sacs troués, de bascules fausses, de mesures de capa<br />

cité trop<br />

petites ou à double-fond sur lesquelles on avait con<br />

trefait le poinçon, etc.. On prit des dispositions qui, tout en<br />

permettant au vendeur de livrer sa marchandise en dehors du<br />

marché, interdisaient à l'acheteur de l'arrêter sur une voie<br />

publique.<br />

Mais alors les négociants établirent, de part et d'autre des<br />

routes, de petites baraques entourées de faibles barrières : on<br />

en comptait une soixantane le long<br />

ville,<br />

de la route Ténès-Orléans-<br />

avant Montenotte surtout. Malgré les conseils donnés par<br />

(1) N 465, 1848, Orléansville 1 q. d'août, 2* q. d'octobre. N 468, 1849, Té<br />

niet-el-Had 2? q. de mai ; Miliana V q. de mai N 443 : rapport du général<br />

Ct la division d'Alger (6 août 1848) et lettre de Richard au colonel Rivet (5<br />

août 1848). ;<br />

f (2) A l'époque, pour fixer les idées, la viande de bœuf ou de mouton va-<br />

: lait moins de 1 franc le kilog et le blé 20 francs le quintal.<br />

(3) N 470, 1851, Téniet-el-Had, novembre. N 474, 1855, Miliana, juin.


les Bureaux arabes,<br />

— — 353<br />

pour éviter le transport jusqu'à Ténès et<br />

se dispenser du droit de mesurage perçu au marché, les Indi<br />

gènes s'arrêtaient aux baraques et là, à l'abri des règlements,<br />

le trafic reprenait. L'Indigène connaissant les ruses employées<br />

à son égard,<br />

se défendait par des procédés aussi malhonnêtes.<br />

Avant de parvenir au voisinage des échoppes, il versait son<br />

grain sur la route et le ramassait mêlé à une poussière impal<br />

pable qui donnait plus de poids aux sacs. Cette poussière se<br />

retrouvait au moment du criblage et occasionnait un déchet<br />

considérable. D'où les plaintes des commerçants honnêtes et<br />

une dévaluation du blé. On conçoit alors l'importance accordée<br />

par les officiers des Bureaux arabes à la surveillance du com<br />

merce des grains et leur désir de le centraliser sur les marchés<br />

où le pesage pouvait être contrôlé (1).<br />

IL —<br />

Dans la région.<br />

LES COURANTS COMMERCIAUX<br />

Le chef du bureau arabe de Miliana, en 1862,<br />

exagère à<br />

peine lorsqu'il écrit : « Les indigènes sont en général pauvres<br />

et misérables et tout le commerce qu'ils peuvent faire consiste<br />

forcément à vendre ce qu'ils ont pour payer ce qu'ils doi<br />

vent. » (2).<br />

A l'intérieur de notre région les échanges restèrent en effet<br />

peu importants. Comme par le passé, c'est entre montagnards<br />

et habitants des plaines, entre gens du Tell et nomades du Sud<br />

qu'avaient lieu les transactions les plus considérables, portant<br />

essentiellement sur les troupeaux et les grains. Elles se nouaient<br />

toujours sur les grands marchés, en particulier ceux des Attafs<br />

et du Djendel, auxquels venaient maintenant s'ajouter les<br />

centres à forte population européenne, Orléansville, Miliana,<br />

(1) N 450, 1854, rapport annuel de la division d'Alger. N 465, 1848, Ténès<br />

2? q. d'octobre.<br />

G : Orléansville, 3' T. 1862, décembre 1863, 4» T. 1864, 3" T. 1865, 3« T.<br />

1866 ; Ténès 3« et 4« T. 1857.<br />

(2) G. Miliana 1" T. 1862.<br />

23


■354-<br />

Ténès, Cherchel, Téniet-el-Had, sans parler de villages comme<br />

Affreville ou Duperré, dont le rôle commercial s'accentuait<br />

chaque jour.<br />

La création des voies nouvelles de communication accrut<br />

l'intensité de certains courants notamment de ceux issus des<br />

régions montagneuses. S'il n'y a pas de véritable route entre<br />

Cherchel et la plaine du Chélif, les sentiers arabes, élargis<br />

grâce aux corvées, permettent aux Béni-Menasser et aux tribus<br />

voisines d'utiliser leurs bêtes de somme pour aller acheter des<br />

grains sur les marchés indigènes des plaines et venir ensuite<br />

en faire le commerce à Cherchel avec des profits appréciables.<br />

Les raisins de la montagne des Béni-Menasser prennent avec<br />

l'huile le chemin de la vallée du Chélif où ils rencontrent les<br />

fruits (figues, pêches, melons, pastèques...)<br />

et les légumes des<br />

tribus de l'Ouarsenis. Par contre le commerce du bois subit<br />

un recul à cause de la réglementation de l'administration<br />

forestière (1).<br />

La demande suscitée par la colonisation provoqua de nou<br />

veaux échanges. Les Arabes vendirent aux Européens qui,<br />

généralement, achetaient en vue de l'exportation, des quantités<br />

de plus en plus notables de grains, de laines, et, à un moindre<br />

degré, d'huile, de raisins, de figues. Certains Indigènes jouaient<br />

le rôle d'intermédiaires et allaient dans les tribus chercher les<br />

grains qu'ils vendaient ensuite aux Colons (2).<br />

Sur les marchés, le commerce attirait nombre de trafi<br />

quants étrangers aux tribus. Tenaient la première place, les<br />

Juifs de Ténès, d'Orléansville ou de Miliana,<br />

qui transportaient<br />

leurs tentes d'un marché à l'autre et avaient toujours la pré<br />

férence du client indigène dont ils parlaient la langue. Ils<br />

détenaient le monopole presque exclusif des objets manufac<br />

turés français et notamment des cotonnades; ils y ajoutaient<br />

les bijoux d'origine indigène. Dans ce dernier domaine, ils se<br />

heurtaient parfois à la concurrence des Zouaoua,<br />

chel.<br />

(1) N 448, 1853, Inspection de Cherchel -<br />

G. Téniet 3« T. 1862.<br />

qui appor-<br />

N 449, 1854, Inspection de Cher<br />

(2) G : Orléansville, août 1865, septembre 1869, mai 1872 ; Ténès 2" T.<br />

1866 ; Cherchel 1" T. 1860 ; Téniet 3« T. 1857 ; N 472, 1853 , Cherchel, janvier


355<br />

taient, pour les femmes, des colliers, des bagues, des boucles<br />

d'oreilles en corne et en verroterie. Les colporteurs mzabites<br />

arrivaient du Sud avec des étoffes de prix telles que burnous,<br />

haïk,<br />

à longue distance ayant ses assises hors de notre région (1).<br />

tapis. Mais dans ce dernier cas c'était déjà le commerce<br />

Avec l'extérieur.<br />

Les échanges avec les régions voisines ou lointaines subi<br />

rent des transformations très différentes suivant les courants<br />

considérés.<br />

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les nomades<br />

furent relativement peu affectés, du moins dans la période<br />

envisagée. Sur les tribus du Sud estivant dans le Tell, l'action<br />

des Bureaux arabes voulut être le moins pesante possible. Les<br />

migrations se poursuivirent et on ne fit rien pour les entraver.<br />

Au contraire, dans la plaine du Chélif, lorsque la récolte em<br />

plissait les silos, l'arrivée des nomades était considérée comme<br />

une bonne fortune pour le pays et Richard donne des ordres<br />

sévères pour qu'on les reçoive avec les plus grands égards,<br />

autant pour leur donner une haute idée de la justice de notre<br />

domination que pour les inciter à nouer de bonnes relations<br />

avec les populations du Tell. Pour certaines régions d'ailleurs,<br />

comme celle de Téniet-el-Had, Arbaa et Ouled-Naïl étaient les<br />

seuls acheteurs possibles des grains en excédent, car l'absence<br />

de voies de communication empêchait l'exportation vers le<br />

Nord. Les commerçants européens eux-mêmes, les représen<br />

tants des maisons algéroises notamment, venaient attendre les<br />

tribus dans le cercle de Miliana pour passer des marchés sur<br />

la laine (2).<br />

Cependant, bien que soucieuse de respecter les coutumes<br />

des nomades, par le fait même qu'elle existait et qu'elle était<br />

une administration, l'autorité militaire fut un agent de trans-<br />

(1) G : Orléansville 4» T. 1S56 ; Miliana 1" et 2« T. 1862, 2e T. 1866, 3e T<br />

1867 ; Cherchel 1" T. 1866.<br />

(2) N 468, 1849, Orléansville 2» q. de septembre. N 471, 1852, Miliana,<br />

mars. N 474, 1855, Téniet-el-Had, juin.


— — 356<br />

Aj-^w^formation. Dans un but d'ordre et de sécurité, et aussi pour<br />

tenir compte des ressources très variables des diverses régions,<br />

elle réglementa les déplacements, orientant les troupeaux,<br />

suivant les années, vers les marchés du Chélif ou ceux de la<br />

Mitidja. De plus les Arbaa ne purent venir à une autre époque<br />

que juillet,<br />

août et septembre et il leur fut interdit de se pré<br />

senter par petits groupes de 10, 20 ou 30 chameaux, car il était<br />

alors difficile de percevoir l'impôt. La région que nous étu<br />

dions semble avoir eu à souffrir de cette réglementation et<br />

Margueritte en particulier se plaint que les tribus acquittant<br />

leurs impôts à Médéa et à Tiaret ne viennent qu'ensuite dans<br />

le cel'Ulè dT Téniet qui, se trouvant privé de relations directes<br />

avec les nomades, subit ainsi un double préjudice : celui de ne<br />

pouvoir vendre qu'en faible quantité à des tribus déjà appro<br />

visionnées et celui de ne recevoir que le rebut des marchan<br />

dises du Sud (1).<br />

On peut noter aussi que l'action de la colonisation qui<br />

devait par la suite aboutir au recul du nomadisme n'eut pas cet<br />

effet immédiatement.Les nomades éprouvèrent plus de difficultés<br />

à s'approvisionner à cause de la concurrence des acheteurs<br />

européens et, faute de grains sur les marchés méridionaux, ils<br />

durent monter vers le Nord : ainsi, encore en 1878, année de<br />

récolte convenable cependant, on voit les Arbaa pousser leurs<br />

chameaux jusque dans la vallée du Chélif faute d'avoir trouvé<br />

des grains sur les marchés de Téniet et de Boghar. Le désir<br />

de vendre leur laine à un prix élevé aux Européens semble<br />

aussi pousser les nomades plus au nord qu'auparavant. Lapas<br />

set signale que l'arrivée à Ténès de 30 chameaux, dans la pre<br />

mière quinzaine d'octobre 1849, fait sensation parce que jamais<br />

les chameaux n'étaient venus dans le pays; aussi,<br />

sur l'ordre<br />

du bureau arabe, les nomades sont7ils bien traités et engagés<br />

à revenir en plus grand nombre. Par la suite, on compte à<br />

plusieurs reprises des convois dépassant une centaine de cha<br />

meaux que les Indigènes voyaient d'ailleurs arriver sans grand<br />

enthousiasme, persuadés que l'apparition des chameaux dans<br />

(1) N 468, 1849, Téniet-el-Had, 2? q. de mars, 1 q. d'avril et 1" q. d'août;<br />

Miliana 1 q. de septembre. N 470, 1851, Téniet-el-Had, août. Voir aussi<br />

Bugéja (172) 99-102.


— — 357<br />

le cercle de Ténès annonçait toujours une mauvaise récolte<br />

soit à leur point de départ, soit à celui de leur destination (1) .<br />

Au total, il est donc permis de conclure que dans la direc<br />

tion Sud-Nord ou Nord-Sud, les échanges ne subirent pas<br />

une'<br />

transformation radicale. Il n'en fut pas de même de certains<br />

courants commerciaux de direction Est-Ouest et Ouest-Est.<br />

Nous savons que les Kabyles des Zatima pratiquaient un<br />

commerce d'huile avec la région de Mascara (p. 69). Dans les<br />

années qui suivirent l'occupation de la région ce courant se<br />

maintint : d'une part les prix à Cherchel étaient peu élevés<br />

car le commerce français n'estimait guère cette huile qu'il ne<br />

pouvait livrer à la consommation qu'après l'avoir épurée et<br />

qu'il préférait utiliser pour la fabrication du savon; d'autre<br />

part, les populations de l'Ouest appréciant l'huile telle qu'elle<br />

était et la préférant même à d'autres plus fines, l'achetaient<br />

très cher et l'échangeaient contre des laines, des tissus, des<br />

céréales dont l'aghalik de Zatima se trouvait dépourvu. Les<br />

échanges se faisaient dans les deux sens, car parfois c'étaient<br />

les Arabes de Mascara, d'El Kelaa et aussi des Ouled-Kosseïr<br />

qui venaient acheter leur huile aux montagnards de Cherchel<br />

malgré les efforts du bureau arabe qui aurait préféré voir ces<br />

huiles exportées vers la France, mais qui se heurtait aux prix<br />

inférieurs offerts par les Européens du cercle (2).<br />

Vers 1861 une évolution s'esquisse : les Indigènes vendent<br />

une partie de leur huile sur place contre des pommes de terre<br />

de semence et le bureau arabe pense qu'il faut encourager<br />

cette tendance. La révolution vient de l'établissement des usi<br />

nes à huile signalées plus haut (p. 336). La première date de<br />

1863 et elle est suivie de trois autres dès 1864. Selon le chef<br />

du bureau arabe, elles fournissaient une huile excellente pou<br />

vant rivaliser avec celle de Provence. Toujours est-il que, en<br />

1864, déjà, seuls quelques montagnards continuent à porter<br />

leurs huiles vers l'Ouest. Presque tous vendent aux indus<br />

triels et le bureau arabe espère que le bon prix qu'ils tirent<br />

(1) N 468, 1849, Ténès, 1 q. d'octobre -<br />

N<br />

475, 1856, Ténès, juillet.<br />

G : Orléansville 3e T. 1878 ; Ténès 2" T. 1857 ; Téniet-el-Had 3e T. 1863.<br />

(2) N 472, 1853, Cherchel, octobre G. Cherchel 4» T. 1858, 1" et 2» T.<br />

1S61,


358-<br />

des olives les amènera à soigner davantage leurs oliviers. En<br />

1867,<br />

c'est tout au plus si quelques Kabyles se rendent dans les<br />

tribus de la plaine pour y échanger contre des tissus le peu<br />

d'huile qu'ils fabriquaient encore. Un courant commercial était<br />

mort en même temps que s'éteignait une industrie indigène (1).<br />

Dans d'autres cas, au contraire, on voit des courants longi<br />

tudinaux se maintenir,<br />

s'intensifier ou même se créer. Dans<br />

l'Ouest, les Indigènes du cercle d'Orléansville fréquentaient le<br />

marché de Relizane sur lequel ils trouvaient bœufs et chevaux<br />

fournis par l'élevage européen. De gros négociants des Sbéah<br />

du Sud allaient à Tlemcen d'où ils rapportaient les effets<br />

d'habillement, les djelals, les couvertures, les tapis que l'on<br />

ne trouvait pas dans l'Ouest du Tell algérois. A Mostaganem<br />

certains apportaient leurs laines et achetaient des bestiaux<br />

pour les revendre à Boufarik ou à Alger (2).<br />

C'est vers l'Est en effet que se tourne surtout la région.<br />

Trafic lointain parfois : les Zouaoua de la Grande Kabylie<br />

venaient jusque sur les marchés du cercle d'Orléansville ache<br />

ter des chevaux qu'ils dirigeaient ensuite vers la province de<br />

Constantine où ils les revendaient à des marchands étrangers<br />

en réalisant de gros bénéfices; l'importance des achats était<br />

telle qu'un moment on les estima préjudiciables à la remonte.<br />

La Mitidja constituait toutefois une zone d'attraction autre<br />

ment importante. Les Djendel, les Béni- Ahmed, les Bou-Hal<br />

louan et les Béni-Zoug-Zoug fréquentaient régulièrement le<br />

marché de Marengo où ils apportaient charbon, bois de chauf<br />

fage, nattes, poteries, œufs, volailles et un peu de céréales. Une<br />

partie de la laine de Téniet et des grains du Chélif étaient<br />

vendus à Blida qui, par contre, envoyait oranges et citrons<br />

sur les marchés du cercle de Miliana. Les gens de Miliana<br />

allaient à Tiaret acheter des moutons qu'ils revendaient en<br />

suite dans la Mitidja. Les Indigènes de Téniet faisaient le<br />

même trafic, mais certains y ajoutaient la spéculation sur les<br />

(1) G. Cherchel 4° T. 1861, 4« T. 1863, l°r et 2» T. 1864, 1" T. 1866, 4" T.<br />

1867.<br />

(2) G. Orléansville 1" et 3« T. 1860, 3* T. 1863, 2" T. 1865.


359<br />

jeunes agneaux qu'ils achetaient à Tiaret et revendaient en<br />

suite à Boufarik après les avoir engraissés pendant un an (1).<br />

Malgré la distance, Alger joue un rôle considérable. Les<br />

Indigènes venaient y chercher des cotonnades, de la quincail<br />

lerie, de la mercerie et parfois aussi du blé : les gens de Cher<br />

chel assez fréquemment, ceux d'Orléansville seulement pen<br />

dant les années désastreuses comme 1867. Alors qu'ils ven<br />

daient la laine sur place,<br />

ces derniers transportaient à Alger<br />

les peaux des animaux abattus parce qu'ils y trouvaient un<br />

meilleur débit. C'est à Alger également (et aussi à Boufarik)<br />

que les Sbéah £t les Ouled-Kosseïr venaient vendre avec de<br />

gros bénéfices les bestiaux engraissés chez eux. Ils y appor<br />

taient aussi du blé, la différence de prix étant parfois consi<br />

dérable : en 1848 par exemple, le blé acheté dans la région<br />

d'Orléansville 8 frs 50 le quintal était revendu à Alger 15 à<br />

17 frs. L'appât du gain est assez fort pour que, encouragés par<br />

le chef du bureau arabe, les Doui-Hasseni, les Béni-Maïda et<br />

les Béni-Lent, au sud du cercle de Téniet, se déterminent en<br />

1853, à louer des chameaux afin d'assurer le transport des<br />

grains à Alger (2).<br />

La plus grande nouveauté nous la trouvons sans doute<br />

dans l'importance prise par le commerce maritime. Les mar<br />

chandises d'exportation, et les grains en premier lieu, centra<br />

lisées dans quelques gros marchés par les acheteurs européens,<br />

étaient dirigées vers les ports. Mais l'organisation commerciale<br />

restait rudimentaire. Même à Orléansville ou à Ténès les négo<br />

ciants ne disposaient pas de magasins offrant de réelles garan<br />

ties de construction et, par suite, ils devaient expédier immé<br />

diatement. Il en résultait que les achats sur les marchés étaient<br />

suspendus dès que les cours baissaient dans les zones impor<br />

tatrices, les négociants de la région n'ayant pas la possibilité<br />

de stocker pour attendre des temps meilleurs (3).<br />

(1) N 471, 1852, Miliana, avril - N<br />

463, 1847, Miliana 2? q. de septembre.<br />

G : Orléansville 2» T. 1874 , Miliana 1er T. 1866 ; Cherchel 1" T. 1858 et<br />

l" T. 1872 ; Téniet-el-Had 1" T. 1867 et 2° T. 1868.<br />

(2) N 465, 1848, Orléansville 2» q. septembre. N 475, Orléansville 2" T.<br />

1856. N 472, 1853, Téniet-el-Had. septembre.<br />

G : Orléansville 1" T. 1859, 3« T. 1860, juillet 1867 ; Cherchel 3e T. 1867.<br />

(3) G. Orléansville, 2e T, 1S63.


— — 360<br />

L'exportation principale était dirigée vers la France.<br />

Cherchel tenait une place notable dans ce trafic et certaines<br />

années une bonne partie de la population, Français et Indigè<br />

nes, s'occupait du commerce des grains destinés à l'embar<br />

quement; en 1853, les bâtiments en emportèrent pour une<br />

valeur d'environ 200.000 francs à un prix qui ne devait pas<br />

excéder alors 15 francs le quintal en Algérie.<br />

Le rôle de Ténès était encore plus considérable. Le port,<br />

qui faisait quelque commerce déjà avant l'occupation, avait<br />

cessé toute activité après 1843 à cause de la répugnance des<br />

tribus à engager des transactions avec les chrétiens vainqueurs<br />

et surtout à cause de la ruine du pays par la guerre, des labours<br />

peu étendus et des mauvaises récoltes. Le trafic reprit seule<br />

ment en 1848 et les marchandises y arrivaient par la route ou<br />

par la mer.<br />

Par la voie terrestre venaient surtout les produits de la<br />

région de Téniet et de celle d'Orléansville. La première four<br />

nissait exceptionnellement des grains,<br />

mais surtout des laines<br />

que transportaient des convois de chameaux : en juillet 1856,<br />

trois convois totalisent 345 chameaux; en mai et juin 1857 deux<br />

convois l'un de 180, l'autre de 182 chameaux livrent au port<br />

724 quintaux de laine et, dès 1850, le marché était assez impor<br />

tant pour déterminer l'arrivée à Ténès de voyageurs venant<br />

de France. D'Orléansville au contraire provenaient un peu de<br />

laine et surtout des grains dont certains négociants faisaient<br />

des achats massifs aux Indigènes (1) bien qu'ils fussent plus<br />

chers qu'ailleurs, mais parce que la route vers le port offrait<br />

de grandes facilités pour l'exportation. Aussi au cours du seul<br />

deuxième trimestre de 1857 le marché de Ténès recevait plus<br />

de 15.000 hectolitres de céréales.<br />

Une partie, il est vrai, parvenait par la voie maritime.<br />

Pendant la saison des grains une espèce de cabotage s'établis<br />

sait entre Ténès et les rivages des Ouled-Younès et des Ouled-<br />

Boufrid (fraction des Baache); des négociants européens al-<br />

aient acheter à la Guelta des Ouled- Younès ou autres marchés<br />

du Dahra, des grains, des fèves, du miel, etc.. qu'ils faisaient<br />

(1) Un seul négociant engageait 150.000 francs dans ces transactions en<br />

1852.


361 —<br />

emmener à Ténès sur des balancelles ou des barques dont<br />

l'équipage se composait en majorité d'Italiens auxquels s'ad<br />

joignaient quelques Indigènes. De Ténès, les grains étaient<br />

expédiés parfois directement vers la France, le plus souvent<br />

vers un autre port de la côte algérienne,<br />

Alger,<br />

presque toujours<br />

qui assurait vers la Métropole les grosses exportations<br />

de céréales (1).<br />

Le commerce s'amplifiait en période de guerre. La guerre<br />

de Crimée détermine des achats considérables de chevaux<br />

pour monter les régiments venus de France. Il en est de même<br />

en 1859, au moment de la guerre d'Italie : plus de 550 chevaux<br />

de troupe sont alors achetés par la remonte dans le seul cercle<br />

d'Orléansville et si l'on ajoute à ce nombre ceux que leurs<br />

propriétaires, alléchés par les hauts prix, avaient conduit di<br />

rectement à Miliana, Blida et Alger, on estime que le cercle<br />

avait vu disparaître près de 800 chevaux. Les grains ayant été<br />

achetés dans des proportions aussi importantes, il en résulta<br />

des difficultés pour subvenir aux besoins des populations pen<br />

dant la mauvaise saison (2).<br />

A côté de la France, l'Espagne offrait parfois un débouché<br />

intéressant lorsque le cours des grains baissait dans la Métro<br />

pole. Les balancelles qui apportaient des pommes de terre et<br />

des vignes chargeaient du blé et des ovins. Pendant la famine<br />

de 1867 on importa des céréales d'Espagne et, à l'époque, le<br />

chef du bureau arabe d'Orléansville aurait voulu que l'auto<br />

rité militaire donnât toutes facilités à un négociant de Barce<br />

lone qui avait l'intention d'apporter de grosses quantités de<br />

grains et d'acheter les bestiaux que, faute de pâturages, les<br />

Indigènes ne pouvaient conserver (3).<br />

(1) N 465, 1848, Ténès 2? q. d'octobre. N 468, 1849, Ténès 1 q. d'octobre.<br />

N 469, 1850, Ténès, mars. N 471, 1852, Orléansville, août. N 448, 1853, Inspec<br />

tion Miliana. N 472, 1853, Cherchel, janvier et septembre. N 473, 1854, Téniet-<br />

el-Had, janvier. N 475, 1856, Ténès, juillet.<br />

G : Ténès 2" et 4- T. 1857, 3« T. 1860, 1" T. 1864 ; Téniet-el-Had 2» T. 1867.<br />

(2) G. Orléansville 4» T. 1856, 3« T. 1859, 1" T. 1860.<br />

(3) N 472, 1853, Cherchel, mars.<br />

G : Orléansville, juin 1867 ; Ténès l" T. 1858, 1" T. 1862 et 1" T. 1864 ;<br />

Miliana 1" T. 1862.


362-<br />

Tout ce trafic maritime allait être bouleversé par la cons<br />

truction de la route impériale et plus encore par l'établisse<br />

ment de la voie ferrée Alger-Oran dont les chantiers furent<br />

un secours appréciable offert aux Indigènes pendant les an<br />

nées de misère 1867-1868. Dès juillet et août 1870 la gare d'Or<br />

léansville exportait 15 quintaux environ de blé tendre, 1.500<br />

de blé dur, 2.500 d'orge et 220 de fèves. C'était encore sensible<br />

ment moins que les quantités dirigées vers Ténès, mais il y<br />

avait là le début d'une évolution qui s'accentua par la suite<br />

au point que Ténès cessera presque complètement de desservir<br />

la vallée du Chélif (1).<br />

Les conséquences.<br />

Certaines tribus trouvèrent dans l'activité commerciale<br />

accrue des ressources importantes. Dans le cercle d'Orléans-<br />

ville ce fut le cas des Sendjès, des Ouled-Farès, des Medjadja,<br />

des Sbéah du Sud et surtout des Ouled-Kosseïr. Ceux-ci, à cause<br />

de leur situation, entrèrent rapidement en relation avec les<br />

Européens. Ils furent d'abord employés comme manœuvres ou<br />

portefaix et, la concurrence jouant entre les Européens, ils en<br />

arrivèrent à gagner 2 frs 50 et 3 francs par jour (2). Surtout les<br />

plus intelligents servirent d'intermédiaires entre les Colons et<br />

les autres Indigènes. Ils apprirent ainsi les principes du com<br />

merce et le pratiquèrent pour leur propre compte. Ils allaient<br />

dans les marchés du Sud et de l'Ouest des troupeaux<br />

et des laines qu'ils vendaient à Alger et au marché de Boufa<br />

rik, réalisant ainsi un premier bénéfice. D'Alger ils rappor<br />

taient des étoffes et des produits d'épicerie dont la vente leur<br />

procurait un second bénéfice. On trouvait leurs tentes en grand<br />

nombre sur tous les marchés de la subdivision d'Orléansville<br />

et ils faisaient aux Juifs une concurrence redoutable car ils<br />

avaient la réputation d'être moins voleurs. Certains Ouled-<br />

Kosseïr s'occupaient exclusivement du commerce des bestiaux<br />

tant pour eux-mêmes que pour le compte des marchands de<br />

(1) G. Orléansville, juin 1867, 3" T. 1870.<br />

(2) L'orge valait alors 7 francs l'hectolitre et le mouton 1 franc le kilog.


363<br />

la ville. D'autres enfin avaient pour seul métier d'aller acheter<br />

à Tlemcen ou à Mascara les tissus particuliers à l'Ouest et sur<br />

tout ceux que les caravanes du Maroc apportaient dans ces<br />

villes et dont les Ouled-Kosseïr faisaient l'acquisition pour<br />

aller les écouler à Alger (1).<br />

Le développement du commerce extérieur fut parfois con<br />

sidéré comme un danger par les Bureaux arabes. C'est que les<br />

cultivateurs, les petits surtout, attirés par les offres des négo<br />

ciants,<br />

vendaient inconsidérément et se trouvaient démunis<br />

pendant l'hiver. Ils achetaient alors à prix élevé aux Européens<br />

ce qu'ils leur avaient parfois vendu bon marché quelques mois<br />

plus tôt et le chef du bureau arabe de Ténès, en 1867, parle<br />

d'<br />

« exploitation de l'ignorance par le progrès ». Les grands<br />

propriétaires eux-mêmes en arrivaient à négliger les réserves<br />

qui leur permettaient de faire des avances à leurs khammès<br />

pendant les mauvaises années. Et le mal ne se limitait pas aux<br />

céréales : en 1864 par exemple la vente excessive des chevaux<br />

et des mulets épuise le cercle de Téniet-el-Had.<br />

Aussi les Bureaux arabes s'efforcent-ils de ralentir ou tout<br />

au moins de régulariser les échanges commerciaux. Ils con<br />

seillent aux chefs indigènes de diminuer les ventes et quali<br />

fient d'<br />

« errements » la politique de liberté du commerce à<br />

laquelle ils attribuent, en partie, l'effroyable misère de 1867.<br />

Ils empêchent les Indigènes de se précipiter sur les marchés<br />

immédiatement après la récolte pour se débarrasser le plus<br />

promptement possible des prêts usuraires, car leur empresse<br />

ment déprécie immédiatement les marchandises. Ils octroient<br />

des délais différents pour le paiement des impôts afin que les<br />

fellahs, dans le but de se procurer de l'argent,<br />

ne portent pas<br />

tous au même moment sur les marchés leurs grains et leurs<br />

bestiaux qu'ils seraient alors obligés de vendre à vil prix. Mais<br />

aucune de ces mesures n'aboutit à un résultat appréciable. Les<br />

Bureaux arabes ne parvinrent pas plus à contrôler le com<br />

merce qu'ils n'avaient réussi à améliorer la production ou à<br />

transformer l'habitat.<br />

(1) N 473, 1854, Orléansville, juillet.


CONCLUSION<br />

L'échec et ses causes<br />

« L'esprit des bureaux arabes est donc au fond celui qui<br />

a prévalu dans toute l'administration conquérante de la colo<br />

nie. Ce qu'ils n'ont pas fait, ils l'ont suggéré. C'est à eux que<br />

la France aurait le droit de s'en prendre en cas d'échec, c'est<br />

à eux qu'elle doit savoir gré d'un succès qui tient du prodige » ;<br />

voilà ce qu'écrivait en 1860 le duc de Broglie après un voyage<br />

en Algérie (1).<br />

En ce qui concerne la transformation des genres de vie<br />

indigènes peut-on souscrire à un tel jugement ? A plusieurs<br />

reprises, dans les pages précédentes, nous avons vu des espé<br />

rances déçues, des entreprises avortées,<br />

mais avant de se pro<br />

noncer en toute connaissance de cause, il convient de dresser,<br />

dans la mesure du possible et en toute objectivité, un tableau<br />

d'ensemble des résultats obtenus. Le bilan établi, il sera<br />

facile de se faire une opinion.<br />

Les succès.<br />

I. —<br />

SUCCES<br />

ET ECHECS<br />

Notons tout d'abord que nous avons puisé l'essentiel de<br />

notre documentation dans les rapports rédigés par les officiers<br />

des Bureaux arabes et que, par conséquent, peu de réussites<br />

peuvent nous avoir échappé. Nous risquons surtout de pêcher<br />

par excès d'optimisme.<br />

(1) Broglie (44) 67.


—<br />

— 366<br />

Or, que relevons-nous ? soit des affirmations générales<br />

incontrôlables et apparemment exagérées, soit des faits précis<br />

mais de portée limitée et parfois très contestables.<br />

On voudrait bien croire Sériziat lorsqu'il écrit : « Une<br />

quantité considérable de tentes qui n'avaient jamais eu de<br />

chaussures et n'avaient jamais été vêtues que de haillons sont<br />

aujourd'hui au niveau des tentes aisées du temps des Turcs;<br />

et le nombre des Arabes qui ont admis du luxe dans les vête<br />

ments de leur femme et la propreté dans les leurs est réelle<br />

ment considérable » (1). Il répète, il est vrai, deux ans après<br />

ce qu'il écrivait en 1854 et plus catégorique encore, il affirme<br />

alors être « forcé de constater que la moyenne de la fortune<br />

a augmenté considérablement. Il est très rare aujourd'hui de<br />

voir des Arabes sans souliers ou en guenilles même dans les<br />

tribus les plus reculées des montagnes » (2). Avoir obtenu un<br />

pareil résultat en une douzaine d'années, sept ans seulement<br />

après la révolte de Bou-Maza, voilà évidemment un succès qui<br />

tiendrait du prodige. Mais sans aller jusqu'à invoquer le vieil<br />

adage, Testis unus, testis nullus, on ne peut s'empêcher de<br />

constater qu'aucun des successeurs de Sériziat n'a noté une<br />

situation aussi satisfaisante et il faut admettre, dans le cas le<br />

plus favorable, qu'elle fut passagère, s'expliquant par les bon<br />

nes récoltes des années précédentes plus que par l'action du<br />

bureau arabe.<br />

Au sujet des progrès en agriculture et en matière d'habi<br />

tation, on relève de temps à autre des notes très optimistes.<br />

« Quelques années de paix et notre contrée aura entièrement<br />

changé d'aspect », prophétise Lapasset en 1849. Les années<br />

de paix se succédèrent et cependant quatorze ans après, Lapas<br />

set parcourant la subdivision d'Orléansville faisait un tableau<br />

pitoyable de la situation chez les Ouled-Kosseïr,<br />

attribuant leur<br />

misère au cantonnement, mais sans dire un mot des autres<br />

tribus non cantonnées de Ténès ou d'Orléansville et dont la<br />

prospérité, par comparaison tout au moins, aurait dû le frap<br />

per (3).<br />

(1) N 473, 1854, Orléansville, août.<br />

(2) G. Orléansville 2° q. 1856.<br />

(3) N 468, 1849, Ténès 2' q. de septembre. Voir avant p. 189.


— — 367<br />

Dès 1857, Poliot, à Cherchel,<br />

annonce que l'usage de la<br />

faux et celui de la charrue sont définitivement introduits dans<br />

les tribus du cercle alors que,<br />

encore en 1863, et dans les an<br />

nées suivantes, les chefs du bureau arabe notent que la charrue<br />

ne se répand pas et que certaines tribus utilisent toujours la<br />

pioche comme seul moyen de labour.<br />

De même en 1861, Gaulet, du bureau de Cherchel égale<br />

ment, signale « de notables progrès depuis quelques années »,<br />

les Indigènes comprenant la supériorité de nos méthodes et<br />

modifiant par suite leurs procédés de culture. Plusieurs années<br />

après, cependant, l'un de ses successeurs insiste sur l'ab<br />

sence de progrès dans les procédés employés pour l'ensemen<br />

cement et les cultures : les Indigènes, écrit-il,<br />

« considèrent le<br />

rendement comme suffisant et ne paraissent pas attacher grand<br />

prix aux moyens perfectionnés qu'ils voient en usage dans les<br />

fermes et aux environs des villes » (1). Comment ne pas croire<br />

que certains officiers, trop enthousiastes,<br />

pour des réalités ?<br />

ont pris leurs rêves<br />

On relèverait certes quelques succès d'une valeur incon<br />

testable à l'actif des Bureaux arabes. Ici, d'importants défri<br />

chements de terrains montagneux longtemps considérés com<br />

me impropres à la culture et une augmentation considérable<br />

du nombre des charrues mises en labour. Là, des chiffres assez<br />

imposants sur les plantations d'arbres ou l'ensemencement des<br />

pommes de terre. Ailleurs, des travaux hydrauliques soignés<br />

ou quelques progrès dans l'emploi d'instruments aratoires per<br />

fectionnés. On découvrirait même, en cherchant bien,<br />

un vil<br />

lage dû aux Bureaux arabes et qui, quelque vingt ans après<br />

sa construction, conserve encore une partie de sa popula<br />

tion (2) et on pourrait ainsi, en puisant dans les pages qui<br />

précèdent ou dans les documents d'archives, dresser un cata<br />

logue qui ne manquerait pas d'une certaine ampleur.<br />

(1) G. Cherchel 1" T. 1861 et 1" T. 1874.<br />

N 476, 1857, Cherchel, rapport annuel.<br />

(2) Il s'agit de Gueba-Ali ou Goubt Ali (au sud du Puits) : G. Série L<br />

Carton 23, lettre du 14 octobre 1876 du sous-préfet de Miliana au préfet d'Al<br />

ger.


— — 368<br />

Mais même si, faisant fi d'erreurs imputables à l'enthou<br />

siasme ou au désir de se faire valoir, on additionnait tous les<br />

succès mentionnés,<br />

on obtiendrait de l'œuvre réalisée une<br />

image qui n'emporterait pas la conviction. On chercherait en<br />

vain les « immenses progrès» que nota le général Camou ou<br />

les « résultats immenses » dont parle Foucher (1). C'est à peine<br />

si le vaste tableau des genres de vie indigènes apparaîtrait<br />

comme ayant subi quelques retouches tout à fait insuffisantes<br />

pour modifier le caractère de l'ensemble, trop sporadiques pour<br />

transformer sérieusement le paysage du passé.<br />

Les échecs.<br />

Si, au contraire, en regard de la liste des succès enregis<br />

trés, on dressait celle des échecs encourus, non seulement on<br />

en obtiendrait un recueil plus imposant (bien qu'utilisant les<br />

documents émanant des Bureaux arabes),<br />

mais surtout on cons<br />

taterait qu'ils intéressent les éléments essentiels du genre de<br />

vie indigène et les points décisifs du programme que s'étaient<br />

tracé les Bureaux arabes.<br />

Qu'ont-ils obtenu en matière de constitution de la pro<br />

priété ? Deux cantonnements intéressant trois tribus sur les<br />

105 que comptait la région. Résultat d'autant plus insignifiant<br />

que l'on est en droit de se demander dans quelle mesure il<br />

s'agit là d'un succès à mettre à l'actif des Bureaux arabes<br />

puisque, après l'avoir préconisé, ils condamnèrent le canton<br />

nement jusque dans son principe. On dénombrerait évidem<br />

ment davantage de tribus sénatus-consultées, mais dans aucune<br />

ne fut appliquée la clause relative à la constitution de la pro<br />

priété dans les douars.<br />

Furent-ils plus heureux dans leur politique de l'habitat<br />

qui devait aboutir à la fixation au sol des tribus ? Pour les<br />

maisons nous avons donné plus haut (p. 234) des chiffres qui<br />

nous ont permis d'apprécier le caractère local des progrès<br />

réalisés aux dépens du gourbi, de la tente ou même des habi-<br />

(1) N 448, 1853, Rapport d'inspection - Foucher<br />

(67) 33.


— 369 —<br />

tations de troglodytes que l'on trouvait encore en 1869 dans<br />

les berges des ravins (1). Ce qui est plus grave, c'est que les<br />

maisons furent le plus souvent abandonnées et qu'elles tombè<br />

rent rapidement en ruines. Duvernois affirme même que nom<br />

bre de leurs propriétaires,<br />

ruinés par une dépense au-dessus<br />

de leurs moyens, durent aller se placer comme bergers ou com<br />

me garçons de charrue chez quelques-uns de leurs coreligion<br />

naires plus heureux. Les maisons telles qu'elles avaient été<br />

conçues n'étaient d'ailleur9 pas forcément supérieures à la tente<br />

et le médecin attaché au bureau arabe de Ténès en 1870 note<br />

que les Indigènes vivant dans les maisons sont généralement<br />

dans des conditions déplorables parce que leurs logis humides,<br />

mal aérés, mal éclairés, produisent sur leurs habitants des ma<br />

ladies très nombreuses, cachexie, rhumatismes, scrofule, maux<br />

d'yeux,<br />

etc.. Au contraire, les Indigènes vivant sous la tente<br />

se trouvent dans des conditions bien meilleures,<br />

ayant la pos<br />

sibilité d'éviter les endroits bas et humides, de planter leurs<br />

tentes sur des hauteurs bien ventilées et d'abandonner les lieux<br />

trop souillés par les détritus (2).<br />

Si maintenant nous examinons les villages,<br />

que voyons-<br />

nous en 1856, c'est-à-dire tout au plus huit ans après la cons<br />

truction du plus ancien d'entre eux ? Aux Sindjès toutes les<br />

maisons ont été abandonnées par leurs possesseurs. Situation<br />

analogue au village des Heumis que tous les propriétaires ont<br />

quitté après avoir demandé à renoncer à leurs droits. Aux<br />

Chouchaoua, le village datait de 1849 : le caïd avait bâti une<br />

maison et six des principaux chefs de tente demandèrent à<br />

posséder une construction semblable. Richard voyait là le<br />

noyau d'un centre de population; or, en 1854, on ne trouve<br />

encore, au total, que 7 maisons et habitées par les cavaliers du<br />

bureau arabe, parce que les premiers habitants avaient depuis<br />

longtemps sollicité, comme une faveur, de renoncer à leurs<br />

droits de propriétaires. Et l'on pourrait poursuivre l'énumé-<br />

ration par des exemples aussi désastreux : chez les Mchaïa, la<br />

population d'Aïn-Méran a disparu pour ne pas avoir à entrete<br />

nir des maisons qui menacent ruines; le village des Sbéah du<br />

(1) G. Orléansville, avril 1869.<br />

(2) Duvernois (59) 73-74. G. Ténès 4* T. 1870.<br />

24


— 370 —<br />

Sud n'a jamais été terminé et la portion bâtie va s'effondrer<br />

bien que datant seulement de 1850; le village des Medjadja est<br />

lui aussi en très mauvais état. C'est à peine si, dans la subdi<br />

vision d'Orléansville, on peut signaler un centre, celui des<br />

Ouled-Farès, dont la situation paraît satisfaisante. Là il ne<br />

s'agit plus de quelques échecs, mais d'une faillite (1).<br />

Peut-on porter à l'actif des Bureaux arabes une amélio<br />

ration sensible de l'agriculture ? Il serait facile d'accumuler<br />

les preuves démontrant qu'il n'en fut rien. Contentons-nous de<br />

quelques faits. C'est le général commandant la subdivision<br />

d'Orléansville (2)<br />

qui écrit dans un rapport de 1876 : « Les<br />

procédés de culture sont toujours ceux que nous avons men<br />

tionnés dans nos précédents rapports. Il n'y a aucun progrès<br />

à constater de ce côté et il n'y en a pas du reste à espérer.<br />

L'agriculture reste stationnaire et les indigènes n'essaient pas<br />

d'augmenter les produits dont la nomenclature ne s'est pas<br />

accrue. Le blé, l'orge, les fèves, quelques plantes potagères,<br />

mais en petit nombre, tels sont les produits de l'agriculture<br />

indigène »;<br />

et un rapport de Ténès décrit ainsi les façons cul-<br />

turales pour les céréales : « Un simple labour pour l'ensemen<br />

cement, l'effanage au moyen des troupeaux et la récolte sont<br />

les seules opérations qu'ils pratiquent. Le choix des terrains,<br />

la division en assolements, la préparation de la semence, l'ap<br />

plication des engrais, le hersage et le sarclage leur sont incon<br />

nus » (3). La situation n'est pas différente dans la région de<br />

Miliana où les rapports constatent aussi l'absence de tout pro<br />

grès et le caractère très primitif de la culture : la charrue<br />

arabe et la pioche sont les seuls instruments employés avec<br />

une petite sarclette qui sert à arracher les mauvaises herbes;<br />

(1) Tableau des établissements français 1856-1858. N 465, 1848, Orléans-<br />

ville 2" q. de décembre. N 449, 1854, Orléansville, Inspection. DA. Duperré :<br />

une lettre du sous-préfet de Miliana du 24-7-1877 signale que dans l'ancien<br />

village d'Aïn-Sadok toutes les maisons sont ruinées et il ne subsiste que trois<br />

familles qui vivent dans des gourbis. La situation semble un peu meilleure<br />

dans la subdivision de Miliana, sans doute parce qu'il s'agit de constructions<br />

tout à fait récentes. Dans les provinces d'Oran et de Constantine, on enre<br />

gistre aussi des résultats décevants : Baudicour (168) 519.<br />

(2) Nous rappelons que celle-ci comprenait alors les anciennes subdivi;<br />

sions de Miliana et d'Orléansville.<br />

(3) G. Orléansville 2> T. 1876 et Ténès 4- T. 1869.


371<br />

la faux n'est pas utilisée et l'autorité militaire estime que<br />

toutes les mesures « viendront échouer devant l'apathie et le<br />

fatalisme du peuple arabe que le progrès laisse complètement<br />

inerte ». Vingt ans après les premières tentatives on ne voit<br />

comme solution que le temps pour prouver aux Indigènes<br />

l'avantage de nos instruments sur les leurs ! Quant au succès<br />

remporté par l'introduction des cultures nouvelles, nous ren<br />

voyons à ce que nous avons dit plus haut notamment sur le<br />

coton et la pomme de terre (1).<br />

Les efforts déployés en vue d'améliorer l'élevage ne don<br />

nèrent pas de résultats plus encourageants. Un rapport de la<br />

subdivision d'Orléansville de 1876 note que « les foins ont été<br />

assez abondants; malheureusement les indigènes n'en récoltent<br />

que très peu et les laissent perdre le plus souvent ». Survienne<br />

la sécheresse et la mortalité décime les troupeaux surtout dans<br />

la plaine dont les habitants n'ont toujours comme sauvegarde<br />

que l'établissement d'azibs dans l'Ouarsenis. Le remède s'avère<br />

insuffisant et le cercle d'Orléansville perd en 1873 : 400 bœufs,<br />

200 veaux, 20.000 moutons, 12.000 agneaux, 16.000 chèvres et<br />

10.000 chevaux. L'année suivante ce n'est plus la sécheresse,<br />

mais le froid qui ravage un cheptel affaibli et la région d'Or<br />

léansville perd 122.449 moutons, 71.863 chèvres et 2.316 bœufs<br />

ce qui doit représenter à peu près la moitié du troupeau total.<br />

(1) G : Miliana 2" T. 1874, 1er et 2" T. 1876 ; Ténès 4« T. 1862. On trouve<br />

rait la preuve de l'échec des tentatives agricoles dans un grand nombre de<br />

rapports intéressant la fin de la période que nous étudions, par exemple.<br />

Orléansville, octobre 1874 et 1875 ; Ténès 3" et 4« T. 1870 ; Cherchel 4e T. 1868,<br />

1" 4'<br />

et T. 1874 ; Téniet-el-Had 1" et 2e T. 1872 ; Miliana 2e T. 1866. 4» T.<br />

1873, etc.. Il ne s'agit pas, on s'en doute, d'une situation particulière à notre<br />

région. Dans son rapport du 30 avril 1857, soumis à l'Empereur, le Maréchal<br />

Vaillant, ministre de la guerre, écrivait : « Je suis conduit à reconnaître<br />

que, malgré les efforts des bureaux arabes, l'indigène n'a fait aucun progrès<br />

en matière de procédés agricoles. Il cultive encore aujourd'hui comme il cul<br />

tivait avant la conquête ; il a étendu ses espaces d'ensemencements, il n'a<br />

point amélioré ses terres. Faute des instruments nécessaires pour labourer<br />

profondément, ses récoltes souffrent lorsqu'arrivent les temps de sécheresse<br />

et donnent un rendement de beaucoup inférieur à celui qui est obtenu par<br />

les colons européens ». Bordet (344) 41. En 1868 le général Lacretelle, fer<br />

vent défenseur du gouvernement militaire, reconnaît que k la colonisation<br />

arabe souffre (3) 16 et l'année suivante, Lunel, ancien officier de spahis,<br />

s'écrie après avoir constaté les méfaits de la famine : « que d'Arabes ne se<br />

raient pas morts de faim s'ils avaient connu ou su cultiver la pomme de ter<br />

re ! » (179) 85, enregistrant ainsi l'échec complet de cette culture.


— 372 —<br />

La catastrophe est du même ordre dans le cercle de Cherchel.<br />

Les fléaux sont donc restés les mêmes et leur ampleur n'a pas<br />

diminué (1).<br />

Nous avons déjà dit combien vains avaient été tous les<br />

projets de rénovation de l'industrie. Les rapports de toutes les<br />

régions concordent pour signaler que l'industrie indigène déjà<br />

peu développée avant l'occupation tend à disparaître devant<br />

la concurrence européenne,<br />

que la variété des produits n'a pas<br />

augmenté et que les procédés de fabrication sont encore ce<br />

qu'ils étaient au début de la conquête (2). C'est toujours l'in<br />

dustrie familiale engendrant des transactions réduites sur les<br />

marchés locaux. A la fin de la période considérée, le commerce<br />

d'exportation prend un développement plus grand, mais cela<br />

est dû essentiellement à l'établissement de la voie ferrée et non<br />

à l'action des Bureaux arabes.<br />

Il est incontestable que cette action, dans tous les domai<br />

nes envisagés, a eu pour terme un échec quasi complet; et on<br />

aboutit à cette conclusion même sans faire entrer en ligne de<br />

compte le recul démographique enregistré de 1856 à 1872 (3)<br />

et qui, attribuable au choléra de 1867 et à la famine de 1868,<br />

ne saurait être imputé, totalement, comme on l'a fait, à la<br />

politique des Bureaux arabes.<br />

Un tel insuccès mérite d'être expliqué.<br />

(1) G : Orléansville 4" T. 1874, 1" T. 1875, décembre 1874, janvier et fé<br />

vrier 1875 ; Cherchel 1" T. 1875. Renseignements du même ordre dans : Or<br />

léansville, janvier et décembre 1868, mars 1877, 3» T. 1877, 1" T. 1880, jan<br />

vier 1880 ; Ténès 4« T. 1874, l" T. 1875 ; Miliana 4» T. 1878.<br />

(2) En particulier, G : Orléansville 4» T. 1875, 2- T. 1876, 1" T. 1878 :<br />

Ténès 4" T. 1862, 4" T. 1863, 4* T. 1868, 1" et 2" T. 1874 ; Cherchel 1" T. 1864,<br />

2- T. 1874 ; Miliana 3« T. 1874 ; Téniet-el-Had 1" et 4« T. 1865.<br />

(3) Pour l'Algérie les statistiques de la population indigène donnent<br />

2.328.091 habitants en 1856 et 2.125.052 en 1872. Pour notre région, les Ta<br />

bleaux des établissements français de 1855-1856, 1865-1866 et la Statistique<br />

générale de l'Algérie (1867 à 1872) permettent d'établir qu'en 1856 la popu<br />

lation indigène était de 215.709 individus ; en 1866 elle s'élève à 234.874 pour<br />

tomber, en 1872, à 165.784, chute impressionnante, beaucoup plus brutale que<br />

celle qu'enregistre l'ensemble de l'Algérie.


IL —<br />

LES<br />

— 373 ~<br />

CAUSES DE L'ECHEC<br />

Causes d'importance secondaire tenant aux Bureaux arabes.<br />

Il faut d'abord se débarrasser d'un certain nombre de lieux<br />

communs et d'idées qui, pour être couramment exprimés, n'en<br />

sont pas moins des erreurs (1). Les polémistes,<br />

ont fini par<br />

faire admettre que les Bureaux arabes étaient le « linceul »<br />

sous lequel expirait la pauvre Algérie et ils ont repris contre<br />

eux le Dèlendm est Cathago (2).<br />

En ce qui concerne les genres de vie indigènes, l'œuvre de<br />

transformation aurait échoué parce qu'elle avait été entreprise<br />

par le régime militaire. Les Bureaux arabes se sont mal défen<br />

dus en invoquant l'inertie des Indigènes ou le rôle jugé néfaste<br />

de la colonisation. Avec le recul que donne le temps un autre.<br />

argument peut être invoqué qui met hors de cause le régime<br />

militaire en tant que tel : après la disparition des Bureaux<br />

arabes, l'évolution a-t-elle été si rapide sous l'égide de l'admi<br />

nistration civile ? Les fellahs ont-ils rapidement adopté les<br />

engins perfectionnés de l'agriculture française et l'élevage a-t-il<br />

subi cette amélioration profonde dont on rêvait sous le Second<br />

Empire ? On peut trouver la réponse à ces questions auprès<br />

des administrateurs actuels ou tout simplement, pour l'Algérie<br />

entière, dans le traité d'agriculture de Bivière (3). On verra<br />

que les mêmes caractères et les mêmes errements sont toujours<br />

signalés pour les cultures comme pour l'élevage.<br />

(1) III est évident qu'il ne s'agit ici que de l'œuvre entreprise par les Bu<br />

reaux Arabes pour faire évoluer les genres de vie indigènes. Leur action pu<br />

rement militaire ou politique, leur intervention dans le domaine religieux,<br />

leurs idées et leurs réalisations en matière d'instruction indigène sont autant<br />

de chapitres qui nécessiteraient de longs développements et dont nous ne<br />

préjugeons point les conclusions, mais qui dans tous les cas débordent le ca<br />

dre de notre sujet,<br />

(2) Bézy (42) 33 et 42.<br />

(3) Rivière : Traité pratique d'agriculture pour le nord de l'Afrique, 2<br />

volumes, nouvelle édition 1928-1929.


■374 —<br />

En matière d'habitat rural on trouve bien quelques réali<br />

sations sur l'ensemble du territoire algérien (1) et dans notre<br />

région en particulier, les créations du cardinal Lavigerie à<br />

Saint-Cyprien et à Sainte-Monique, dans la vallée du Chélif,<br />

mais il s'agit là de tentatives tout à fait locales qui ne modifient<br />

guère l'aspect de l'ensemble. Dans la commune de Ténès en<br />

1911, on compte, pour les Indigènes, 59 maisons à l'européenne<br />

contre 4.650 gourbis; dans la commune mixte du Chélif, seu<br />

lement 200 maisons de ce type, les habitants vivant en majo<br />

rité dans des gourbis et l'été sous la tente ; dans la commune<br />

mixte de Cherchel, encore en 1936, on ne bâtit guère à l'euro<br />

péenne. Est-ce vraiment un succès de constater qu'en 1936,<br />

70.000 familles indigènes habitent des maisons de type euro<br />

péen, alors que la population berbéro-arabe était alors de plus<br />

de six millions d'âmes ? Une conclusion s'impose : c'est seule<br />

ment de nos jours que l'on semble vouloir entreprendre métho<br />

diquement l'œuvre de transformation des genres de vie indi<br />

gènes avec la politique du Paysanat et les Secteurs d'améliora<br />

tion rurale; et encore en est-on à la période des essais, un siècle<br />

après la tentative de Lapasset à la smala de Ténès ! (2).<br />

S Une autre explication, étroitement liée à la précédente<br />

d'ailleurs, est d'attribuer l'échec des officiers à leur incom<br />

pétence. Les ennemis des Bureaux arabes ont prétendu que /<br />

le recrutement de ce service se faisait au hasard et que seuls /<br />

y<br />

sollicitaient leur admission des ambitieux désirant une carV<br />

rière rapide. La vérité paraît être toute différente. Il est certaip<br />

(1) Outre les tentatives avortées des Bureaux arabes dans le Sud, no<br />

tamment près de Djelfa et dans le cercle de Touggourt, on peut citer l'expé<br />

rience de Bédrabine dans l'arrondissement de Bel-Abbès ; celle des Pères<br />

Blancs dans le Chélif et en Kabylie et, présentant un caractère urbain, celle<br />

de M. Averseng à El Affroun et de M. Charles Lévy à Sétif. Voir Berque<br />

(171) 78 à 93. Plusieurs communes poursuivent actuellement la réalisation<br />

d'un plan d'habitations indigènes.<br />

(2) Il est remarquable de constater qu'un administrateur comme Ber<br />

que, ancien directeur des Affaires Musulmanes et des Territoires du Sud, re<br />

prenait, près d'un siècle après, les arguments des Bureaux arabes : « Il con<br />

vient écrit-il, ne serait-ce que dans un but égoïste de sécurité politique de<br />

stabiliser, d'enraciner dans la .glèbe.qui doit le nourrir ce paysannat destiné<br />

à devenir peut-être la plus ferme assise de notre domination. Ce qu'a com<br />

mencé notre loi foncière du 16 lévrier 1897, je veux dire la création d'une pe<br />

tite bourgeoisie rurale, nous devant la sécurité de ses titres immobiliers, il<br />

importe de le poursuivre par le progrès de l'habitation ». Berque (171) 99.


375-<br />

que les chefs de bureaux arabes mis dans l'obligation de résou<br />

dre de multiples problèmes ne pouvaient être compétents en<br />

toutes choses. Mais tous les administrateurs qui ont entre leurs<br />

mains le sort d'un territoire en sont là,<br />

avec cette différence<br />

qu'ils disposent des services de techniciens spécialisés. Ce que<br />

l'on peut mettre en cause dans ce cas, c'est, comme nous le<br />

ferons plus loin, l'insuffisance des moyens et non la qualité<br />

du personnel dirigeant. Après avoir dépouillé environ deux<br />

mille cinq cents rapports de chefs de bureaux arabes, nous<br />

d'Orléans- i<br />

avons acquis la certitude qu'à la tête des bureaux<br />

ville, Ténès, Cherchel, Miliana et Téniet-el-Had, se sont trou<br />

vés des offciers de grande valeur dont plusieurs, à l'exemple<br />

de Lapasset,<br />

possédaient même de sérieuses connaissances en<br />

matière agricole. Considérée dans son ensemble, et dans la<br />

région étudiée tout au moins,la valeur du personnel des Bureaux<br />

arabes ne semble donc pas devoir être mise en cause.<br />

Toutefois on pourrait distinguer deux moments dans la<br />

période étudiée. Hugonnet pense qu'après 1854 environ, le ser<br />

vice reçut des « sujets d'un mérite plus vulgaire » à cause de<br />

la politique extérieure active de l'Empire qui détournait les<br />

jeunes officiers de l'administration et parce que la paperas<br />

serie de plus en plus lourde décourageait les hommes les plus<br />

distingués (1). Lapasset, lui aussi,<br />

signale que la guerre<br />

d'Italie, les expéditions de Chine et du Mexique enlevèrent à<br />

l'Algérie les plus anciens et les meilleurs officiers des Bureaux<br />

arabes : le recrutement se fit difficilement, les traditions se<br />

perdirent, en un mot l'instrument se trouva « un peu ébré-<br />

ché » (2).<br />

Une différenciation plus profonde a été faite par Binn (3)<br />

qui, à la suite des Indigènes, distinguait, de part et d'autre de<br />

1858, les bureaux arabes « mekhaznya » ou de gouvernement<br />

et les bureaux arabes « hekkam » ou d'administration : les<br />

premiers, issus de la conquête elle-même,<br />

(1) Hugonnet (6) 192.<br />

plus autoritaires et<br />

(2) (121) I, 435 et II, 3. Avec Mac-Manon cependant et après 1863, les<br />

difficultés de recrutement disparurent.<br />

(3) Rinn (26) Livre X Chapitre 1. A. Bernard (41) 254 a repris cette<br />

division.


— 376 —<br />

plus actifs, les seconds, établis dans un pays pacifié, moins<br />

entreprenants, plus formalistes, plus fonctionnarisés pour<br />

tout dire.<br />

La lecture des rapports laisse, en effet, apparaître .'quel<br />

que différence entre les deux générations d'officiers, celle de<br />

la deuxième République et du début du Second Empire et celle<br />

qui n'avait pas connu les années de la conquête. De l'une à<br />

l'autre, le dynamisme semble avoir baissé. On ne retrouve plus,<br />

sauf chez Capifali cependant, l'ampleur de vues, l'imagination<br />

enthousiaste, les desseins parfois utopiques d'un Richard ou<br />

d'un Lapasset. On sent que la génération qui a vécu le roman<br />

tisme et le mouvement de 1848 fait place à celle qui connaît<br />

le roman réaliste et la philosophie scientiste.<br />

Et il y a peut-être autre chose. Devant les réactions des<br />

civils, les Bureaux arabes ont compris, plus ou moins nette<br />

ment, qu'ils travaillaient à leur perte et que, pour eux, réussir<br />

c*était disparaître. On trouve par exemple dans Baudicour<br />

(1), une_opinion intéressante du rapporteur du_çomité consul-<br />

tatif de l'ÂIgérïëT A propos de la fixation des Indigènes par<br />

la construction de maisons, celui-ci disait : « L'Arabe n'est<br />

plus à craindre parce qu'il devient saisissable en sa personne,<br />

sa famille et son bien. Il est donc superflu de recourir contre<br />

lui à des moyens de surveillance et de police exceptionnels »,<br />

c'est-à-dire aux Bureaux arabes! Un tel état d'esprit était évi-<br />

n'ëmmenT^pêlïnfalï^'diir stmîuler l'action des officiers, mais<br />

de là à affirmer qu'ils renièrent leur doctrine, il y a loin :<br />

si, après 1858 surtout, les initiatives se font moins nombreuses,<br />

l'action continue cependant et c'est seulement vers 1870 que<br />

l'institution de Bugeaud paraît perdre la foi qui l'avait sou<br />

tenue.<br />

Causes d'importance secondaire étrangères aux Bureaux arabes.<br />

Pour jutifier ses échecs, l'autorité militaire a parfois invo<br />

qué les circonstances historiques difficiles qu'elle connut à<br />

plusieurs reprises. Dans l'Ouest du Tell Algérois, c'est d'abord<br />

(1) Baudicour (38) 463.


la révolte de Bou-Maza,<br />

— 377<br />

puis l'insurrection de 1864 qui atteint<br />

le Dahra et enfin celle de 1871 qui détruit les résultats de plu-<br />

sieus années de labeur dans la région de Cherchel (1). Et l'on<br />

pourrait ajouter aussi la création du Ministère de l'Algérie en<br />

1858 qui laissa craindre aux Bureaux arabes la suppression ou<br />

tout au moins l'amoindrissement de l'autorité militaire. Mais,<br />

d'une part, des insurrections comme celles de 1864 ou de 1871<br />

n'ont atteint notre région que localement, sans déterminer un<br />

profond mouvement de révolte, et, d'autre part, le seul soulè<br />

vement ayant duré, celui de Bou-Maza (1845-1847), se place<br />

tout à fait au début de la période étudiée. Quant au Ministère<br />

de l'Algérie, dès 1859 avec Chasseloup-Laubat, il perdait son<br />

/caractère de réaction contre le régime militaire. La famine de<br />

1867-1868, que les Bureaux arabes furent impuissants à con<br />

jurer, serait une meilleure excuse si dans les années qui la<br />

précédèrent l'œuvre avait connu le succès, mais ce n'est pas<br />

le cas.<br />

Faute de pouvoir trouver des raisons suffisantes dans<br />

l'Histoire, les Bureaux arabes en ont appelé au caractère des<br />

Indigènes. Si le village des Chouchaoua s'est dépeuplé, c'est<br />

que 1'<br />

« esprit essentiellement tracassier de cette tribu ne s'ac<br />

commodait pas de demeures sédentaires » (2), ce qui n'expli<br />

que pas évidemment pourquoi les autres villages ont subi le<br />

même sort. Si les progrès sont lents, c'est qu'il est difficile<br />

de réagir contre la routine des Indigènes qui n'écoutent aucun<br />

conseil. Ils montrent de la mauvaise volonté lorsqu'il s'agit de<br />

bâtir; ils ont de la « répugnance pour le travail » et, devant<br />

les difficultés qu'il éprouve à faire construire de petits barra<br />

ges, Sériziat, du bureau arabe d'Orléansville, écrit en 1855 :<br />

« La paresse naturelle aux Arabes est le seul obstacle à ce que<br />

les plus simples de ces travaux soient faits depuis longtemps.<br />

Pour lés entreprendre, il faudra peser sur eux fortement et<br />

leur instinct répulsif à tout ce que n'avaient pas fait leurs<br />

pères est tellement prononcé que lors même qu'ils auront<br />

retiré de ces travaux de grands bénéfices, il faudra constam<br />

ment employer la rigueur pour les obliger à entretenir les tra-<br />

(1) G. Orléansville de mai à novembre 1864 ; Cherchel 1" T. 1872.<br />

(2) N 449, 1854, Orléansville, Inspection.


— — 378<br />

vaux, cause première de leur gain » (1). A Jubault qui les<br />

invite à planter des pommes de terre, les djemaas du cercle de<br />

Téniet-el-Had répondent que l'orge et le blé avaient toujours<br />

suffi aux besoins de leurs familles et qu'elles ne voyaient nulle<br />

ment la nécessité d'introduire cette nouvelle culture (2). Pen<br />

dant la famine de 1867-1868, ce fatalisme atteint une véritable<br />

grandeur et le courage tranquille avec lequel les Indigènes<br />

acceptent la pire des adversités, s'il est digne d'admiration,<br />

prouve aussi qu'il devait être difficile de les émouvoir en fai<br />

sant miroiter à leurs yeux une amélioration problématique de<br />

leurs conditions de vie obtenue par un surcroît de travail. Il<br />

y a là un obstacle psychologique, d'origine essentiellement reli<br />

gieuse, qu'il ne faut pas négliger, mais on a eu le tort de vou<br />

loir tout expliquer par lui.<br />

Or, les exemples ne manquent pas qui prouvent la bonne<br />

volonté des Indigènes. Malgré une récolte de coton presque<br />

nulle en 1864,<br />

un certain nombre de cultivateurs du cercle<br />

d'Orléansville demandent à recommencer l'essai de cette nou<br />

velle culture. Beaucoup veulent s'employer sur les chantiers<br />

de la route et dn chemin de fer dans la vallée du Chélif et les<br />

nomades eux-mêmes finissent par faire de bons ouvriers. Les<br />

Indigènes comprennent le rôle des grands travaux d'utilité<br />

publique et souvent accordent leur travail de bon gré pour la<br />

construction des caravansérails, des moulins, des barrages, des<br />

routes. On peut même trouver des rapports qui signalent l'em<br />

pressement des tribus à suivre les conseils donnés pour l'agri<br />

culture ou qui notent une bonne volonté générale et une « per<br />

sévérance continue ». Ne surestimons donc pas le rôle qu'a<br />

pu jouer la passivité des populations, surtout connaissant la<br />

toute puissance des Bureaux arabes (3).<br />

(1) N 474, 1855, Orléansville, novembre.<br />

(2) G. Téniet-el-Had, 4' T. 1861 et, dans le même sens : N 471, 1862, Té<br />

nès, janvier ; N 448, 1853, Orléansville, Inspection. G : Ténès 3« T. 1862, 4- T.<br />

1865, 1" T. 1870, 1" T. 1871 ; Cherchel 4« T. 1857, 2" T. 1862, etc..<br />

(3) N 463, 1847, Orléansville 1" q. de mai. N 468, 1869, Téniet-el-Had<br />

2* q. de mars. N. 469, 1850, Orléansville, mars. N 448, 1853, Miliana, Cherchel,<br />

Téniet-el-Had, Inspections. N 449, 1854, Cherchel, Inspection. G : Orléansville<br />

3e T. 1865 ; Ténès 4" T. 1867 - Mac-Mahon : Mémoires. Souvenirs d'Algérie.<br />

Paris 1932, 337 p. à la p. 328.


— — 3T9<br />

II reste à envisager le rôle de la colonisation européenne.<br />

Les Bureaux arabes sont aussi formels à son égard que les<br />

civils à l'égard du régime militaire. Pour eux, sauf au début<br />

de notre période, le Colon est un obstacle à l'œuvre qu'ils ont<br />

entreprise. Suivant Lapasset, si les Indigènes ont cessé de bâtir<br />

des maisons, de planter des arbres et d'évoluer, c'est parce t<br />

que les convoitises des Colons pour les terres ont été tellement<br />

ardentes qu'ils ont forcé « le gouvernement algérien » à i<br />

renoncer à cette politique. Ils craignaient que ces améliora<br />

tions du sol considérées comme droits imprescriptibles de pos<br />

session ne rendissent impossible le refoulement (1). L'argument<br />

est de peu de valeur lorsqu'on sait combien était grande l'in<br />

fluence des Bureaux arabes sur le gouvernement militaire de<br />

la colonie et surtout combien ils étaient les maîtres dans les<br />

territoires qu'ils administraient.<br />

V D'autre part, après les événements de 1870, l'autorité mi<br />

litaire se faisant plus souple, et consciente de son échec, ex<br />

prime à plusieurs reprises l'idée que seule la pénétration de<br />

l'élément européen dans les tribus pourra montrer aux Indi<br />

gènes la supériorité et l'efficacité de nos moyens agricoles :<br />

optimisme aussi peu justifié d'ailleurs que l'était l'anathème<br />

jeté sur la colonisation. On s'est beaucoup leurré, en effet, sur<br />

le rôle d'éducateurs que pouvaient jouer les Colons isolés dans<br />

le bled et réduits à leurs faibles moyens. D'abord, certains<br />

échouèrent totalement en voulant transplanter tels quels les<br />

procédés culturaux ou les espèces cultivées dans la Métropole,<br />

en matière de blé par exemple; ils ne pouvaient par conséquent<br />

prétendre au rôle de moniteurs. Beaucoup d'autres, moins<br />

actifs ou plus prudents, employaient des Arabes pour labourer<br />

et moissonner leurs concessions et, loin de leur apprendre les<br />

procédés de la culture européenne, ils utilisaient les charrues<br />

de bois et l'attelage des Indigènes. Ils imitaient les fellahs et<br />

s'en remettaient à des khammès. C'était l'assimilation à re<br />

bours (2).<br />

(1) (121) 378, 400.<br />

(2) N 470, 1851, Téniet-el-Had, juillet. N 475, 1856, Miliana 3« T.<br />

G : Miliana 2» T. 1875 ; Téniet-el-Had 2- T. 1875.


— — 380<br />

Ainsi, que nous examinions les arguments fournis par les<br />

adversaires du régime militaire ou ceux qu'invoquent à leur<br />

propre décharge les Bureaux arabes, nous avons l'impression<br />

que les causes essentielles sont ailleurs. On peut en dégager<br />

deux qui se complètent et donnent à elles seules une explica<br />

tion satisfaisante : l'insuffisance des moyens et la complexité<br />

du problème de la transformation des genres de vie indigènes.<br />

L'insuffisance des moyens.<br />

Elle est notoire aussi bien chez les Indigènes que chez<br />

ceux qui s'étaient institués leurs éducateurs.<br />

Remarquant en 1860 que les procédés de culture ne pré<br />

sentaient aucune amélioration notable, Lavondes, dirigeant le<br />

bureau arabe de Ténès,<br />

pense que cet état de choses « ne doit<br />

pas être attribué à la mauvaise volonté des Arabes et au peu<br />

de cas qu'ils font de nos conseils, mais bien au manque absolu<br />

de numéraire qui ne permet pas aux fellahs de se procurer<br />

actuellement les instruments améliorateurs à si bas prix qu'ils<br />

puissent être » (1). C'est un son de cloche qui retentit sou<br />

vent. Comme l'écrit Gaulet à Cherchel, les Indigènes « tirent<br />

de leurs terres tout le parti désirable dans la proportion de<br />

leurs ressources ». Comment demander d'acheter des charrues<br />

françaises à des gens qui sont parfois trop<br />

pauvres pour avoir<br />

même un âne ! (2). C'était là un obstacle d'importance et cela<br />

est si vrai que les Indigènes évoluent beaucoup plus rapide<br />

ment lorsqu'ils s'enrichissent : après la guerre de 1914-1918<br />

par exemple, le nombre des maisons et des fermes bâties à<br />

l'européenne a augmenté sensiblement parce que le fellah<br />

désirait matérialiser son argent, tandis que la crise qui survint<br />

en 1930 a ralenti le mouvement.<br />

Pour remédier à la pauvreté des fellahs, il aurait fallu<br />

mettre à la disposition des Bureaux arabes des moyens puis<br />

sants. Or, que voyons-nous ? Une administration le plus sou-<br />

(1) G. Ténès 4« T. 1860.<br />

(2) G : Cherchel 4- T. 1856, 2" T. 1861, 3' T. 1862, 1" T. 1874 ; Miliana<br />

4-<br />

'<br />

T. 1874.


— 381 —<br />

vent démunie de disponibilités financières. Pas d'argent pour<br />

encourager les Arabes qui bâtissent. Pas de fonds à consacrer<br />

à<br />

l'aménagement des sources et à la construction des puits.<br />

Pour effectuer les travaux nécessaires à l'irrigation des terres<br />

des Hachem et des Sbahia, on doit s'en remettre à la générosité<br />

des propriétaires aisés. Suivant Sériziat, les primes distribuées<br />

prouvent le caractère philanthropique de l'administration mi<br />

litaire, mais, vu leur faible importance, elles ont surtout un<br />

effet moral, l'effet matériel restant minime. Capifali pense<br />

aussi qu'elles ne suffisent pas pour obtenir une transformation<br />

rapide de l'élevage (1). On croit rendre hommage aux Bureaux<br />

arabes en disant qu'ils furent une administration peu coûteuse.<br />

Le compliment ne vaudrait que si l'économie n'avait pas nui<br />

à l'efficacité de leur action.<br />

A défaut d'argent ont-ils reçu le personnel et les moyens<br />

matériels que requérait l'œuvre entreprise ? Nous avons déjà<br />

signalé l'étonnante faiblesse numérique de cette administration<br />

et les conséquences ne sauraient étonner. La culture de la vigne<br />

échoue en 1862 dans le cercle d'Orléansville parce que les offi<br />

ciers du bureau arabe, trop peu nombreux, ne peuvent surveiller<br />

les travaux. Il en va à peu près de même pour le coton : c'est<br />

à peine si le bureau arabe d'Orléansville peut détacher parfois<br />

«un interprète» (sic) pour enseigner cette culture. Les moniteurs<br />

surtout sont rares et cela explique en particulier que la faux<br />

se répande lentement dans la région de Cherchel. Les besoins<br />

du service empêchent souvent de détacher des soldats pour<br />

s'occuper de l'éducation agricole des Indigènes et les chefs de<br />

mandent en vain à Orléansville de la main-d'œuvre militaire<br />

pour guider leurs khammès dans l'édification des meules. En<br />

1855, dans tout le cercle, on ne dispose que de cinq soldats fau<br />

cheurs et emmeuleurs pour diriger les Arabes.<br />

Faute d'avoir un personnel nombreux, et aiguillonnée aussi<br />

par un vain sentiment d'orgueil, l'administration militaire tra<br />

vaille souvent dans une hâte fébrile. Pour construire les cinq<br />

villages des Abid-et-Feraïla, on s'adresse à la main-d'œuvre mi<br />

litaire et à des Indigènes, et ces villages, totalisant 190 maisons,<br />

(1) N 469, 1850, Miliana, février. N 475, 1856, Orléansville, 3» T.<br />

G : Orléansville 4' T. 1856, 1" T. 1865, 1" T. 1874 ; Ténès 3* T. 1862.


382-<br />

sont construits en trois semaines. Il est certain que des maçons<br />

auraient mis plus longtemps, mais il est non moins certain que<br />

la solidité eût été plus grande. Quand on a connaissance de<br />

pareils records on ne s'étonne plus de voir les maisons s'effon<br />

drer quatre ou cinq<br />

ans après leur construction (1).<br />

Et le personnel n'est pas seul à être déficient. Les engins<br />

que l'on distribue, et notamment les charrues, sont parfois de<br />

mauvaise qualité et peu propres à inspirer confiance aux Indi<br />

gènes. On ne dispose pas d'assez de plants pour développer les<br />

cultures arbustives. Les semences sont aussi en quantité insuf<br />

fisante pour la pomme de terre comme pour les céréales. En<br />

1867, à la suite d'une mauvaise année, les labours se trouvent<br />

réduits de plus de moitié dans le cercle de Téniet-el-Had, et Le<br />

Brun de constater mélancoliquement : « Nous aurions dû met<br />

tre toute notre sollicitude à ne point laisser à aucun prix baisser<br />

l'importance des labours qui étaient seuls susceptibles de rele<br />

ver la position. Il est évident que du moment que nous laissons<br />

la production s'affaiblir, nous entretenons dans le pays une<br />

cause de misère permanente » (2).<br />

Quand les semences ne manquent pas, elles sont de mau<br />

vaise qualité ou arrivent trop tard. C'est le cas, en 1854, pour<br />

le coton : les graines envoyées par la pépinière d'Alger ne don<br />

nent aucun résultat, alors que réussissent celles venues d'Amé<br />

rique; l'effet est désastreux car,<br />

sur les conseils du bureau<br />

arabe, les Indigènes avaient consacré à la nouvelle culture les<br />

terres habituellement réservées aux melons, pastèques, auber<br />

gines, oignons, dont ils se trouvent privés. En 1868, la récolte<br />

des céréales dans le cercle de Ténès subit les conséquences d'un<br />

arrivage de grains avariés reçus l'année précédente. Résultats<br />

aussi déplorables lorsque les répartitions se font attendre :<br />

trop<br />

en 1858, dans la région de Cherchel, la récolte de coton est me<br />

nacée parce que les graines n'arrivent pas à temps;<br />

en 1862,<br />

dans le cercle d'Orléansville, les livraisons de plants de vigne<br />

et de semences de pommes de terre sont tardives et la culture<br />

s'en trouve compromise. Plutôt que d'attendre en vain les grains<br />

(1) N 473, 1854, Orléansville, octobre. N 476, 1857, OrléansviUe, avril.<br />

G : Orléansville 3' et 4- T. 1862, 1" T. 1863, mai 1863 ; Cherchel 2- T. 1860.<br />

(2) N 469, 1850, Ténès, janvier. N 470, 1851, Cherchel, février.<br />

G : Ténès 1« T. 1861, 4« T. 1866, 2- T. 1868 ; Téniet-el-Had 4- T. 1867.


— — 383<br />

qu'on doit leur distribuer à titre de prêts pour ensemencer, les<br />

Indigènes préfèrent parfois emprunter à des taux usuraires (1).<br />

Cette insuffisance de moyens, tant du côté de leurs admi<br />

nistrés que du côté de leur propre administration, explique que<br />

les Bureaux arabes aient eu essentiellement recours à la mé<br />

thode de l'exemple. Aux raisons données plus haut pour expli<br />

quer l'action des Bureaux arabes parles; chefs (p. 122-126), il faut<br />

ajouter celle-ci, capitale : seuls les chefs avaient, grâce à leur<br />

fortune, la possibilité d'entreprendre une réforme en matière<br />

d'habitat ou d'agriculture. Mais quelle pouvait être l'efficacité<br />

de cette méthode ? Comment espérer par exemple que la révo<br />

lution dans les coutumes qu'entraînait l'édification de la maison<br />

de pierres pût être obtenue simplement par l'exposition, aux<br />

frais de quelques chefs de tribus, d'un spécimen de maison euro<br />

péenne ? Même en admettant que les Indigènes aient eu le désir<br />

(et ils ne l'avaient pas) d'adopter la nouvelle bâtisse avec tout<br />

son confort, ils se seraient trouvés dans la situation du visiteur<br />

qui, dans une exposition automobile, admire les réalisations de<br />

la technique moderne, mais n'ose même pas rêver d'une voiture<br />

ancien modèle. En matière de transformations économiques et<br />

sociales, la politique de la vitrine ne peut mener bien loin.<br />

La complexité du problème.<br />

Ce qui aggravait les conséquences du manque de moyens,<br />

c'est que le problème de la transformation des genres de vie<br />

indigènes est d'une extrême complexité et que, dans les débuts<br />

au moins, on ne semble pas s'en être aperçu (2).<br />

(1) N 473, 1853, Orléansville, juin.<br />

G : Orléansville 1" et 2e T. 1862, novembre 1866 ; Ténès 2f T. 1868 ; Cher<br />

chel 1" T. 1858.<br />

(2) Pour être juste toutefois il faut signaler que, dès 1854, le capitaine<br />

Javary écrivait (71) 87-88 : « Faites bâtir des maisons ou planter des jar<br />

dins, introduisez des cultures nouvelles, faites construire des fontaines ou<br />

percer des routes en pays arabes, élever des barrages, reboiser des montagnes<br />

ou greffer des sauvageons : mais, dites-moi, qui s'intéressera à ces travaux.<br />

qui veillera à leur entretien journalier et songera à en tirer quelque utilité<br />

puisqu'ils supposent des habitudes de vie toutes différentes. Presque tous<br />

ceux à qui on les imposera les considéreront comme des saignées faites à leur<br />

bourse dans notre intérêt, non dans le leur. Iront-ils s'imaginer que nous<br />

voulons les ramener à la vie sédentaire, mais dans quel but et en quoi cette<br />

existence leur paraîtra-t-elle préférable à la vie nomade ?... »


— — 384<br />

Le genre de vie indigène était un tout qui résultait d'une<br />

adaptation étroite à un milieu déterminé et à des possibilités<br />

limitées. L'habitat instable se justifiait : l'Indigène labourait des<br />

parcelles souvent très éparpillées; il devait éloigner de la dent<br />

de ses bêtes le blé ou l'orge qui apparaissaient ; il lui fallait<br />

abandonner un espace qu'un trop long séjour rendait inhabi<br />

table par suite de l'accumulation des ordures; il partait donc<br />

et plantait sa tente où il y avait de l'herbe pour ses troupeaux.<br />

Il utilisait un outillage primitif ? Mais pourquoi les Colons l'ont-<br />

ils imité souvent,<br />

après avoir essayé de moyens plus perfection<br />

nés ? C'est que, vu le milieu, le fellah produisait encore le plus<br />

économiquement possible avec les plus grandes chances de reve<br />

nus. Aussi Bichard conseille-t-il aux Colons de ne pas innover<br />

au début et voici ses conseils :<br />

« Il est incontestable que, si le colon veut cultiver ici comme<br />

il le fait en Europe, son exploitation ne le mènera pas loin. Si,<br />

pour se mettre à l'œuvre, il lui faut acheter une charrue de<br />

deux mille francs, passer deux fois la terre avant d'y<br />

jeter la<br />

semence, et payer un laboureur dix francs par jour, il n'est pas<br />

besoin d'être expert en calcul pour démontrer qu'il se ruinera et<br />

qu'il ne produira rien; mais, qu'au lieu d'agir de cette folle ma<br />

nière, il veuille bien se contenter de la modeste charrue indi<br />

gène qui, à la rigueur, montée avec des ânes, ne lui coûtera,<br />

prête à fonctionner, que 75 francs; qu'au lieu de payer 10 francs<br />

par jour celui qui doit la conduire, il daigne prendre le kham<br />

mès arabe qui ne lui réclamera son salaire qu'à la récolte,<br />

et le<br />

laisse cultiver à sa guise, sa situation et ses résultats changeront<br />

du tout au tout... » (1).<br />

Il ne faut pas voir là une admiration des procédés indigè<br />

nes ou un désir d'assimilation à rebours,<br />

mais simplement<br />

l'idée qu'il était nécessaire de se plier momentanément aux con<br />

ditions du milieu avant de vouloir en entreprendre la trans<br />

formation.<br />

Cette transformation, on crut pouvoir la réaliser par frac<br />

tions sans se rendre compte que modifier une partie de ce tout<br />

que constituait le genre de vie indigène en maintenant les au-<br />

(1) Richard (18) 68.


très,<br />

— 385<br />

c'était rompre une harmonie, c'était jeter le trouble dans<br />

un ensemble dont toutes les pièces jouaient solidairement. Par<br />

exemple,<br />

l'établissement d'un habitat fixe supposait résolu le<br />

problème du groupement des intérêts autour de la maison,<br />

c'est-à-dire trouvé le moyen de faire vivre le troupeau sur un<br />

espace limité et d'obtenir tous les ans d'un même champ une<br />

récolte suffisante. En d'autres termes, l'édification de la maison<br />

de maçonnerie préjugeait déjà un Indigène devenu sédentaire.<br />

Elle présumait aussi une propriété bien établie,<br />

car comment<br />

admettre que l'on puisse développer l'habitation fixe sans se<br />

prononcer sur l'étendue et les limites du territoire que chacun<br />

pourra exploiter ? (1).<br />

L'introduction d'un outillage plus moderne ou l'innovation<br />

d'une méthode culturale soulève des problèmes du même ordre.<br />

On pense, entre autres choses, du jour au lendemain, pouvoir<br />

remplacer la faucille par la faux. On y réussit assez bien dans<br />

le cercle d'Orléansville à cause de l'importance des plaines, mais<br />

non dans celui de Cherchel où la configuration du terrain ren<br />

dait l'emploi de cet instrument impossible en beaucoup d'en<br />

droits. D'autre part, la faux coupe aussi bien les herbes consti<br />

tuant le futur pâturage des bestiaux que le blé ou l'orge et cela<br />

d'autant plus que la taille des céréales indigènes est très basse.<br />

Vu cette faible longueur des tiges, le ramassage des javelles,<br />

mêlées aux herbes, s'en trouve alors compliqué. Il faudrait donc<br />

obtenir des blés plus haut, c'est-à-dire pratiquer des labours<br />

plus profonds et on se heurte ainsi à de nouvelles difficultés.<br />

Tandis qu'avec la faucille les travailleurs lient en même temps<br />

les gerbes qui peuvent être ramassées plus facilement et em-<br />

(1) N 443. Blangini, commandant la division d'Alger, dans une lettre au<br />

gouverneur (du 4-12 1847), traitant des constructions et du cantonnement,<br />

pense « qu'il ne serait pas prudent de presser l'exécution des constructions<br />

par les arabes avant d'avoir établi régulièrement leurs droits à la propriété.<br />

Il est facile de concevoir, en effet, que Ifétat éventuel dans lequel sont les<br />

propriétés indigènes est le principal obstacle à la mise à exécution des pro<br />

jets qui tendent à créer sur le sol des établissements stables ».


— — 386<br />

portées à l'aide des bêtes de somme (1). Il y a bien la question<br />

de rapidité dans l'exécution de la moisson, mais le champ n'est<br />

pas si vaste et le temps n'a jamais manqué en pays d'Allah !<br />

On peut multiplier les exemples montrant l'interdépen<br />

dance des éléments du problème de la transformation des gen<br />

res de vie. Conseiller aux Indigènes d'élever des abris pour leurs<br />

troupeaux, c'était les inviter à trouver, en un lieu déterminé,<br />

des pâturages suffisamment abondants pour alimenter les bêtes<br />

pendant un long séjour : était-ce possible dans des régions brû<br />

lées par le soleil une grande partie de l'année ? Pouvait-on espé<br />

rer avec l'herbe souvent très courte des pâturages algériens faire<br />

des réserves de foins suffisantes pour des milliers d'animaux ?<br />

Le développement des prairies artificielles apporterait évidem<br />

ment une solution,<br />

mais c'est alors une révolution totale qui<br />

suppose résolue la question de l'eau. Allons plus loin : connais<br />

sant le laisser-aller des Indigènes dû en grande partie à leur<br />

ignorance, était-il même souhaitable de ramasser ainsi en un<br />

espace restreint un cheptel nombreux qui, dans l'abri, échappe<br />

rait bien au froid, mais serait sans doute ravagé par les épidémies<br />

qui ne manqueraientpas de se répandre sous ces hangars devenus<br />

des foyers d'infection ? Confier une bergerie à des gens qui n'en<br />

voient pas l'utilité et ne sauraient l'entretenir, ce serait proba<br />

blement remplacer un mal par un autre. Il y a évidemment une<br />

éducation technique préalable qui ne se conçoit pas sans berge<br />

ries-modèles.<br />

Difficultés du même ordre lorsqu'il s'agit de multiplier les<br />

plantations. Les visites de la pépinière d'Orléansville ont incul<br />

qué aux chefs le goût des arbres. Ils créent des vergers, mais,<br />

écrit Lapasset,<br />

« il faut convenir que tant de travaux sont loin<br />

(1) G. Cherchel 2? T. 1861 et Miliana 2? T. 1874. On pourrait ajouter que<br />

l'emploi de la faucille semble répondre à une société d'esprit communautaire<br />

soucieuse de réserver les chaumes à la collectivité (Revue historique, avriljuin<br />

1948, p. 177), ou y voir le désir de pallier la pénurie de fumier grâce aux<br />

détritus de paille qui enrichissent le sol après la pâture des bestiaux, ou en<br />

core invoquer la loi du moindre effort puisqu'il s'agit d'un instrument facile<br />

à manier et dont l'emploi a pour conséquence des économies de transport (de<br />

la paille au douar et du fumier au champ). Pour reprendre une expression<br />

de M. Sorre (Annales de. géographie, avril-juin 1948, p. <strong>108</strong>), on se trouve en<br />

présence d'un cas « d'étroite cohésion d'un genre de vie adapté au milieu »<br />

et on comprend que l'Indigène ait éprouvé de grosses difficultés à « s'affran<br />

chir de son instrument ».


— 387 —<br />

de produire les effets qu'on devrait en attendre ; l'ignorance<br />

préside à tous les essais et l'on compte vingt tentatives avortées<br />

pour un succès. Patience, persévérance, opiniâtreté, c'est la de<br />

vise qu'il faut suivre » (1). Belle devise, mais qui ne saurait<br />

suffire cependant.<br />

Dans le cercle de Cherchel, les montagnards réussissent bien<br />

en arboriculture, produisant en particulier des quantités consi<br />

dérables de figues et d'amandes auxquelles s'ajoutent les rai<br />

sins très abondants. La production dépasse les besoins de la<br />

consommation et pourrait encore s'étendre, mais alors se pose<br />

la question : comment exporter et d'où viendraient les grains<br />

indispensables si l'arboriculture couvrait des surfaces de plus<br />

en plus étendues ? Et en 1875-1876,<br />

on demande toujours une<br />

bonne route qui mettrait en communication le littoral avec le<br />

Chélif (2). Ici, c'est le problème des relations qui paraît condi<br />

tionner tous les autres.<br />

Que n'a-t-on pas dit aussi contre la charrue indigène inca<br />

pable de rendre aucun service. Et cependant ? Est-on certain<br />

tout d'abord que l'introduction ex abrupto de la charrue fran<br />

çaise soit, dans tous les cas, le souverain bien ? Les officiers des<br />

Bureaux arabes se sont posé la question : une culture plus inten<br />

sive n'épuiserait-elle pas rapidement le sol ? Pourrait-on même<br />

manier une charrue lourde sur des pentes abruptes où jusqu'a<br />

lors on avait labouré à la pioche ? Suivant le chef du Bureau<br />

arabe de Cherchel en 1863, pour que cette charrue soit adoptée<br />

par l'Indigène, elle devrait être rendue presque aussi légère que<br />

l'araire du pays (3). Il faudrait aussi résoudre le problème de<br />

l'acquisition d'un instrument coûteux par des fellahs miséreux.<br />

Mais, même en supposant des distributions gratuites, il ne man<br />

querait pas encore d'obstacles à surmonter. Ainsi dans le cercle<br />

de Ténès, en 1861, quelques chefs indigènes avaient fait venir<br />

des charrues françaises pour tâcher d'obtenir un rendement<br />

plus considérable, mais leurs khammès n'étant pas guidés par<br />

des moniteurs, ils avaient dû les abandonner parce que ce nou<br />

veau mode de labour, avec lequel les cultivateurs n'étaient pas<br />

(1) N 471, 1852, Orléansville, août.<br />

(2) G. Cherchel 4» T. 1875 et 1" T. 1876.<br />

(3) G : Cherchel 3» T. 1862, 1" T. 1863, 1" T. 1870, 1" T. 1875 : Ténès<br />

4" T. 1873.


— — 388<br />

familiarisés, s'était révélé plus onéreux que productif. Qui enfin,<br />

loin des centres européens, aurait pu effectuer les réparations<br />

indispensables à un outillage perfectionné, d'autant plus vite<br />

détérioré qu'il serait confié à des mains inexpertes ? (1).<br />

Plus délicate encore était la question des animaux de<br />

labour. D'abord les charrues françaises s'adaptaient difficile<br />

ment aux jougs arabes et, dans le cercle de Téniet-el-Had, c'est<br />

une difficulté qui a fait échouer les premiers essais. Surtout<br />

intervenait le manque de puissance des bêtes utilisées aux<br />

labours. Poliot, chef du bureau arabe de Cherchel en 1857, le<br />

constate en ces termes : « En France, écrit-il, où la culture est<br />

perfectionnée, on emploie ces mêmes charrues en y attelant<br />

deux et quatre bons chevaux ou bœufs conduits par des labou<br />

reurs entendus et l'on obtient de bons résultats; il n'est donc<br />

pas étonnant de voir nos Arabes échouer contre un obstacle<br />

qu'ils ne peuvent surmonter. » A maintes reprises, les officiers<br />

reviennent sur ce côté de la question et le chef du bureau de<br />

Miliana, en 1861, voit très clairement que l'on fait fausse route :<br />

« Depuis plusieurs années, note-t-il, l'administration supérieure<br />

pousse à l'introduction de la charrue française dans les cultures<br />

arabes; évidemment cette idée est excellente,<br />

mais à la condi<br />

tion d'avoir des bêtes suffisamment fortes. En d'autres termes, il<br />

ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs. Améliorons donc<br />

le moteur avant de songer à décupler la puissance de la machine<br />

à laquelle il doit s'appliquer;<br />

en un mot mettons les bœufs à<br />

leur place, ce que nous n'avons point assez fait jusqu'ici; encou<br />

rageons l'élève de la race bovine, améliorons et régénérons<br />

sa race, stimulons les éleveurs par des primes... » Il ne s'agit<br />

plus de trouver un engin perfectionné mais de se procurer des<br />

taureaux reproducteurs et d'établir des comices agricoles au sein<br />

des tribus. Ce n'est plus un problème mécanique, mais un pro<br />

blème d'élevage, et la difficulté n'est pas moindre, car il faut<br />

amener l'Indigène à modifier ses habitudes et à soigner ses<br />

bêtes. Il s'agit non seulement d'une éducation technique, mais<br />

même morale (2).<br />

(1) G. Ténès 4' T. 1861, 4» T. 1863, 1" et 4« T. 1875.<br />

(2) N 476, 1857, Téniet-el-Had, rapport annuel.<br />

G : Cherchel 4« T. 1857, 4' T. 1862 ; Miliana 4" T. 1861, 2» et 3- T. 1865<br />

Ténès 4" T. 1874 ; Téniet 1" T. 1874.


— — 389<br />

Ajoutons que l'araire et son attelage répondent à une tech<br />

nique très différente de celle du labourage à la manière euro<br />

péenne. Pour le Colon, comme pour le paysan de France, le<br />

labour a pour but de remuer la terre avant de lui confier le<br />

grain qui sera recouvert par un autre instrument. Pour l'Indi<br />

gène qui sème d'abord, il s'agit d'effectuer ensuite non un véri<br />

table labour,<br />

mais un simple grattage qui ensevelira la graine<br />

plus ou moins convenablement. Remplacer l'antique « madmad »,<br />

ne pénétrant qu'à quelque cinq centimètres, par une charrue s'en-<br />

fonçant à quinze ou vingt centimètres, cela signifiait que le semis<br />

suivrait le labour au lieu de le précéder et qu'il faudrait com<br />

pléter la charrue par une herse pour enfouir les grains et peut-<br />

être par un rouleau pour briser les mottes, sans compter qu'un<br />

bon labour à la charrue française laisse, après la moisson, un<br />

champ dénudé, tandis que les plantes vivaces, dont les pousses<br />

ont été respectées par l'araire, reparaissent rapidement en cul<br />

ture indigène et assurent les besoins du troupeau. Il ne s'agit<br />

donc pas seulement de remplacer une charrue par une autre,<br />

mais d'adopter toute une méthode culturale différente et d'aban<br />

donner des habitudes ancestrales.<br />

Nous en arrivons donc à cette conclusion qu'il était impos<br />

sible de modifier par pièces le genre de vie indigène. Il fallait<br />

substituer un tout à un autre tout. Il n'y avait pas à résoudre<br />

un problème de la faux, un autre de la1 charrue, un troisième de<br />

l'élevage du mouton, de l'arboriculture ou de la pomme de terre.<br />

Il y avait, dans son ensemble, le problème du genre de vie indi<br />

gène qui demandait une concordance des efforts, non seule<br />

ment dans les différents domaines de l'agriculture, mais aussi<br />

dans ceux de l'industrie, des échanges, de l'instruction techni<br />

que, de l'éducation morale. Il y avait à envisager la transforma<br />

tion même du milieu par l'amélioration des sols et surtout<br />

l'aménagement des eaux. Autrement dit, avec ou sans contrainte,<br />

le progrès devait être général ou ne pas être.<br />

Cette révolution demandait des moyens considérables, une<br />

politique continue et une action s'èxerçant partout à la fois.<br />

Nous avons dit ce qu'il fallait penser des moyens dont disposè<br />

rent les Bureaux arabes (1). Si maintenant,<br />

nous élevant au-<br />

(1) Les défenseurs des Bureaux arabes sont d'accord sur ce point avec<br />

leurs adversaires. Bardy (37) 20, 28, voudrait voir à peu près tripler le nom<br />

bre de bureaux afin- de réduire l'étendue administrée par chacun d'eux.


— 390 —<br />

dessus des faits presque quotidiens enregistrés par l'adminis<br />

tration militaire, nous essayons d'envisager dans leur ensemble<br />

les efforts des officiers,<br />

que constatons-nous ? D'abord que la<br />

continuité des rapports cache mal le caractère discontinu de<br />

l'activité des Bureaux arabes. Celle-ci connaît des hauts et des<br />

bas, des périodes aux réalisations nombreuses suivies d'autres<br />

ternes. Aux premières se rattachent l'œuvre accomplie sous<br />

Bugeaud, sous Randon et, à un moindre degré, celle réalisée<br />

pendant le gouvernement de Pélissier;<br />

aux secondes appartien<br />

nent sans doute la période qui suit le départ de Bugeaud et les<br />

événements de 1848, celle des inquiétudes provoquées par la<br />

création du Ministère de l'Algérie et surtout les dernières années<br />

du Gouvernement de Mac-Mahon au cours desquelles les mau<br />

vaises récoltes, le choléra, la famine s'abattent sur une adminis<br />

tration mal préparée à conjurer de telles carastrophes, et l'écra<br />

sent.<br />

De plus, on a l'impression, en lisant les rapports des Bu<br />

reaux arabes, que l'administration militaire a envisagé l'une<br />

après l'autre les transformations à apporter. Certains ont parlé<br />

de modes changeantes. Sans aller jusque-là,<br />

on doit constater<br />

que l'on s'attache surtout au début à la construction des mai<br />

sons et des villages que l'on abandonne ensuite complètement.<br />

On s'efforce alors de modifier les cultures ou l'élevage, parfois<br />

simplement par la sélection des variétés et des races locales,<br />

parfois au contraire par l'introduction de plantes nouvelles ou<br />

de reproducteurs étrangers au pays. Un moment les travaux<br />

publics sont à l'honneur et on multiplie les cotisations volon<br />

taires en vue de les développer. Le commerce avec le Sud sem<br />

ble dans d'autres cas devoir retenir toute l'attention des bureaux<br />

à moins que ce ne soit la question des écoles à créer dans les<br />

douars. En somme, des solutions successives à des problèmes<br />

qui paraissaient divers, des tâtonnements, la politique des petits<br />

paquets ou des retouches avec laquelle on ne risqué que des<br />

échecs partiels, mais jamais aussi un véritable succès.<br />

Et quand on a ainsi analysé les causes qui expliquent les<br />

échecs des Bureaux arabes et mesuré l'ampleur des desseins<br />

avortés, ce qui étonne, ce n'est pas que l'œuvre n'ait pu être<br />

menée à bien, c'est qu'elle ait pu être entreprise et que la liste<br />

des échecs soit, tout de même, de loin en loin,<br />

un succès.<br />

interrompue par


Bibliographie


Documents d'Archives<br />

Ils nous ont fourni l'essentiel de notre documentation tant à Paris<br />

qu'à Alger.<br />

I. —<br />

ARCHIVES<br />

NATIONALES<br />

Dans la sous-série F 80 concernant l'Algérie, nous avons consulté 35 cartons<br />

qui peuvent être groupés sous trois rubriques : cartons contenant les rapports<br />

dès bureaux arabes; cartons contenant les rapports d'inspection des bureaux<br />

arabes; cartons divers. ><br />

N°du<br />

carton<br />

461<br />

462<br />

463<br />

DESIGNATION<br />

DU CARTON<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1846.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1846-<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1847.<br />

INVENTAIRE SOMMAIRE (1)<br />

1°) Cartons contenant les rapports des bureaux arabes<br />

Contient trois documents concernant les divi<br />

sions d'Alger, d'Oran et de Constantine :<br />

a) Centralisation des rapports de quinzaine des<br />

bureaux arabes pour la 2me quinzaine de mars et<br />

la 1"<br />

quinzaine d'avril 1846 ;<br />

renseignements<br />

groupés par subdivision; un tableau pour celle<br />

de Miliana, rien pour celle d'Orléansville.<br />

b) Centralisation des rapports de quinzaine des<br />

bureaux arabes de l'Algérie pour la 2mo quinzaine<br />

d'avril et la 1"<br />

quinzaine de mai 1846 : rensei<br />

gnements sur les cercles de Miliana, Téniet-el-<br />

Had, Cherchel, Orléansville, Ténès.<br />

c) Centralisation des rapports de quinzaine des<br />

bureaux arabes de l'Algérie pour la 2°<br />

quinzaine<br />

du mois de mai 1846 : comme lé précédent.<br />

Rapports de quinzaine des bureaux arabes<br />

pour les subdivisions d'Alger, Médéa, Miliana,<br />

Orléansville : rapports groupés par cercle; ils<br />

accordent la première place aux faits politiques,<br />

aux renseignements sur les chef indigènes, aux<br />

impôts et aux amendes.<br />

Rapports de quinzaine des bureaux arabes<br />

pour les subdivisions d'Orléansville et de Milia-<br />

na : analogues à ceux du carton 462.<br />

(1) Cet inventaire porte uniquement sur les documents intéressant les Bureaux<br />

arabes et néglige par conséquent, dans chaque carton, les pièces étrangères à notre<br />

sujet.


465<br />

468<br />

469<br />

470<br />

471<br />

472<br />

473<br />

474<br />

475<br />

476<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1848.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1849.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1851.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1852.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1853.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1854.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1855.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1856.<br />

Bureaux arabes.<br />

Rapports. Alger 1857.<br />

— — 394<br />

Rapports de quinzaine des bureaux arabes<br />

pour les subdivisions d'Alger, Médéa, Orléans-<br />

ville, Miliana : analogues à ceux du 462, mais par<br />

ticulièrement denses, surtout pour le cercle d'Or<br />

léansville.<br />

Rapports de quinzaine des bureaux arabes<br />

pour les cercles de Médéa, de Boghar et ceux des<br />

subdivisions d'Orléansville et de Miliana : ana<br />

logues aux rapports de 462.<br />

Ils concernent l'année 1850. Ce sont les rap<br />

ports mensuels des bureaux arabes, pour les cer<br />

cles d'Alger, Dellys, Blida, Aumale, Médéa, Boghar<br />

et ceux des subdivisions d'Orléansville et de<br />

Miliana.<br />

Comme le carton 469, mais pour 1851.<br />

Comme le 469, mais pour 1852.<br />

Comme le 469, mais pour 1853-<br />

Comme le 469, mais pour 1854.<br />

Contient les rapports mensuels de Cherchel,<br />

Miliana, Téniet-el-Had, Orléansville et Ténès ;<br />

ceux d'Alger, Dellys, Aumale, Blida, Boghar, La-<br />

ghouat, Médéa.<br />

Documents<br />

concernant les mêmes cercles que<br />

le carton 474 auxquels s'ajoutent Tizi-Ouzou, Dra-<br />

el-Mizan, Djelfa. Outre les rapports<br />

mensuels qui<br />

s'occupent surtout des questions d'amendes, on<br />

trouve les rapports trimestriels et annuels pins<br />

intéressants.<br />

Rapports de Miliana, Cherchel, Téniet-el-Had,<br />

Dra-<br />

Orléansville, Ténès, Médéa, Fort-Napoléon,<br />

el-Mizan, Blida, Dellys, Aumale, Béni-Mansour,<br />

rapports<br />

Boghar, Djelfa, Laghouat. Il s'agit des<br />

mensuels, trimestriels et annuels dont certains<br />

se retrouvent dans les archives du Gouvernement<br />

Général de l'Algérie.


447<br />

448<br />

449<br />

450<br />

543<br />

U-<br />

430<br />

442<br />

Affaires arabes.<br />

Inspections. Alger 1852<br />

Affaires arabes.<br />

Inspections. Alger 1853<br />

Affaires arabes-<br />

Inspections. Alger 1854<br />

Affaires arabes.<br />

Inspections. Alger 1854<br />

Statistiques<br />

des Tribus. Alger 1855<br />

Rapports trimestriels.<br />

Tournées préfectorales,<br />

Affaires arabes. ■<br />

Bureaux arabes<br />

départementaux.<br />

Etat civil, Milices,<br />

Missions diverses,<br />

Hôtes, Otages, etc.<br />

— 395<br />

2°) Cartons contenant les rapports d'inspection<br />

des bureaux arabes.<br />

Contient les documents relatifs aux subdivi<br />

sions d'Orléansville, de Miliana, de Médéa. Nom<br />

breux renseignements statistiques.<br />

Rapports sur les subdivisions d'Orléansville,<br />

Miliana, Médéa, Blida, Alger, Aumale. Abondante<br />

documentation sur l'organisation des bureaux<br />

arabes, les tribus, la colonisation indigène.<br />

Analogue au précédent avec en outre des docu<br />

ments concernant les divisions de Constantine et<br />

d'Oran.<br />

Complète le carton 449, mais n'intéresse que<br />

la division d'Alger.<br />

Il s'agit en réalité, pour toute la division d'Al<br />

ger, des documents de l'Inspection générale des<br />

Affaires arabes de 1855. On y trouve des tableaux<br />

sur la soumission des tribus, l'instruction publi<br />

que, le culte musulman, la colonisation indigène,<br />

les travaux d'utilité publique, lés impôts et amen<br />

des, le service de santé, le Beït-el-Mal, les ordres<br />

religieux.<br />

3°) Cartons divers.<br />

Contient les rapports trimestriels de la Direc<br />

tion des affaires civiles de l'Algérie (1854-56) ;<br />

les rapports de tournées préfectorales (1857); les<br />

rapports trimestriels des inspecteurs de coloni<br />

sation. On peut y puiser quelques renseignements<br />

sur la colonisation indigène.<br />

Documents intéressant notre sujet :<br />

— une<br />

note du 23 juillet 1847 intitulée « Sur<br />

les bureaux arabes » ;<br />

— une<br />

note du 17 août 1847 du cap. Boisson-<br />

net (directeur des affaires arabes de la province<br />

de Constantine)<br />

arabes;<br />

sur l'organisation des bureaux<br />

— une lettre du 29-12-1848 du Gouverneur<br />

général Charon au Ministre de la Guerre : traite<br />

en particulier du cantonnement.


443<br />

444<br />

523<br />

539<br />

541<br />

Affaires arabes.<br />

Hakems. Présents aux<br />

chefs. Organisation po<br />

litique des tribus.<br />

Amendes. Réquisitions<br />

Cimetières. Djellals.<br />

Main-d'œuvre. Com<br />

merce, etc...<br />

Bureaux arabes.<br />

Immeubles. Maisons de<br />

commandement.<br />

Sans titre.<br />

Statistiques des tribus.<br />

Alger 1848.<br />

Statistiques des tribus.<br />

Alger 1853.<br />

396<br />

Dossiers les plus importants :<br />

— Commerce<br />

en pays arabe; système métri<br />

que; colportage.<br />

— Main-d'œuvre<br />

— Villages<br />

indigène.<br />

et constructions arabes (surtout<br />

Médéa, Aumale, Oran).<br />

— Constructions arabes : dossier essentiel con<br />

tenant des états pour 1850, des détails sur les<br />

constructions particulières et les travaux d'utilité<br />

publique exécutés en 1848 et 1849, des plans de<br />

maisons et villages, plusieurs lettres et rapports<br />

sur les travaux dans les trois divisions.<br />

Quelques détails sur l'installation des bureaux<br />

arabes d'Orléansville et de Cherchel, sur la mai<br />

son de commandement des Béni-Hindel.<br />

Concerne aussi la Direction centrale d'Alger<br />

et Médéa, Blida, Aumale, Constantine, Oran.<br />

Contient de nombreuses pièces sur le canton<br />

nement :<br />

— Extraits de journaux : Moniteur de l'Algérie<br />

du 5 octobre 1861; L'Africain (Constantine) du<br />

8 octobre 1861; Le Nouvelliste (Marseille) du 8<br />

janvier 1863.<br />

— Projet<br />

de décret sur la constitution de la<br />

propriété chez les Arabes (Conseil supérieur, ses<br />

sion de 1861).<br />

— Délibération<br />

des conseils généraux (pour<br />

Alger : Moniteur de l'Algérie; pour Oran : Cour<br />

rier d'Oran, Echo d'Oran, Moniteur de l'Algérie;<br />

pour Constantine : des manuscrits).<br />

— Projet de décret sur le cantonnement des<br />

indigènes : travaux de la commission instituée<br />

le 29 mai 1861; brochure de 58 pages-<br />

— Pièces<br />

manuscrites diverses.<br />

Statistiques de la population et des richesses<br />

des tribus avec des observations parfois intéres<br />

santes. Concerne : Aumale, Miliana, Téniet-el-<br />

Had, Cherchel, Ténès, Orléansville.<br />

Concerne l'Annexe de Dra-el-Mizan, Dellys,<br />

Aumale, Boghar, Cherchel, Téniet-el-Had, Orléansville,<br />

Ténès. Pour l'Ouest du Tell algérois, fait<br />

double emploi avec le carton 448.


542<br />

<strong>108</strong>2<br />

1131<br />

1138<br />

1150<br />

Statistiques des tribus,<br />

Alger 1854.<br />

Beït-el-Mal. Amin Sekka<br />

Cantonnement.<br />

Plans de colonisation,<br />

Villes et villages.<br />

Colonisation.<br />

Projets de centres.<br />

Union agricole du Sig,<br />

Villages et cultures<br />

arabes.<br />

— — 397<br />

Concerne : Blida, Médéa, Alger, Miliana. Il y<br />

a intérêt à comparer ces statistiques à celles du<br />

carton 449.<br />

Le dossier « cantonnement des tribus » com<br />

prend notamment des pièces intéressant la ré<br />

gion d'Arbal (Oran) et la Mitidja, de 1845 à 1851;<br />

des instructions adressées au commandant de la<br />

division d'Alger et intitulées : « Prescriptions<br />

relatives aux mesures à prendre pour cantonner<br />

des indigènes habitant l'ouest de la Mitidja et<br />

pour ouvrir cette région à la colonisation euro<br />

péenne » ;<br />

un rapport non daté de la Commis<br />

sion pour l'agrandissement des villages.<br />

— Un<br />

manuscrit de 21 pages provenant du<br />

Ministère de la Guerre, daté du 15-2-1857 et inti<br />

tulé «Historique des divers modes de colonisation<br />

suivis en Algérie. Cantonnement des tribus ara<br />

bes ».<br />

— « Lettres sur le cantonnement et les colo<br />

nies militaires en Algérie », de F. Lacroix, à<br />

Urbain le 2-6-1861.<br />

— Un<br />

dossier « Colonisation indigène » com<br />

prenant plusieurs documents sur le cantonne<br />

ment : circulaire d'Henri d'Orléans, gouverneur<br />

général, le 4-2-1848; correspondance entre le Mi<br />

nistre de la Guerre et le Gouverneur Général re<br />

lative à la constitution de la propriété indigène,<br />

1849-1852; lettre au Gouverneur des généraux<br />

commandant à Oran et à Constantine en 1849.<br />

— Deux<br />

lettres importantes sur les origines de<br />

la Smala d'Orléansville :<br />

— Col. Bosquet, corn' la subdivision d'Orléans-<br />

ville,<br />

le 26-5-1848.<br />

— Gouverneur<br />

au Gén"<br />

Levasseur,<br />

corn'<br />

la division d'Alger,<br />

Général au Directeur général<br />

des Affaires civiles, le 1-6-1848.<br />

Pour les subdivisions d'Orléansville et de Mi<br />

liana des états de constructions élevées par les<br />

Indigènes (documents de 1856); un dossier « agri<br />

culture, colonisation chez les Arabes ».


1675<br />

1676<br />

1680<br />

1713f<br />

Sans titre.<br />

Sans titre.<br />

Sans titre.<br />

Sans titre<br />

/<br />

— 398 —<br />

Pour notre sujet un intéressant rapport du 24.<br />

12-1844 de Walsin-Esterhazy, directeur des affai<br />

res arabes à Oran.<br />

—<br />

Contient en particulier :<br />

une note du 8-7-1847 du Ministère de la Guerre<br />

sur la Direction centrale des affaires arabes<br />

à Alger;<br />

— une note du 12-1-1848 du Ministère de la<br />

Guerre sur le gouvernement des indigènes;<br />

— une<br />

— un<br />

— les<br />

note sur les bureaux arabes du 23-7-1847.<br />

projet d'organisation des bureaux arabes<br />

sous le nom dé Corps du gouvernement arabe<br />

(du Ministère de la Guerre, le 5-7-1847);<br />

résumés des rapports des bureaux arabes<br />

en 1848.<br />

Plusieurs dossiers classés chronologiquement.<br />

Dans le dossier 1866 : une instruction sur les<br />

« Règles à suivre pour l'exécution du décret du<br />

5 mars 1866 relatif au recrutement des bureaux<br />

arabes ».<br />

Nombreuses pièces sur l'organisation, les ins<br />

pections, le personnel des bureaux arabes ainsi<br />

que la polémique les concernant, en particulier :<br />

— une note du Ministre de la Guerre au Mar1<br />

— une<br />

— les<br />

— la<br />

— des<br />

Randon du 7-7-1852,<br />

officiers des bureaux arabes;<br />

sur le recrutement des<br />

note du Ministre de la Guerre du 28 août<br />

1857 sur les bureaux arabes;<br />

une lettre de<br />

Randon au Ministre de la Guerre, du 20 août<br />

1857;<br />

une lettre du Ministre de la Guerre à<br />

Randon, du 7 septembre 1857 : les répercus<br />

sions de l'affaire Doineau;<br />

rapports du Gouverneur général sur les<br />

Inspections générales des bureaux arabes en<br />

1851, 1852, 1853, 1854, 1855, 1856.<br />

brochure de Puyau (voir bibliographie des<br />

ouvrages) ;<br />

documents sur l'avancement des officiers<br />

des bureaux arabes, des actes de malversa<br />

tions commis en 1860, la préparation (en 1866)<br />

d'un nouveau règlement-<br />

i


— — 399<br />

1805 Sans titre. Contient de nombreux documents sur le ré<br />

gime de la propriété de 1842 à 1861, sur les con<br />

cessions de terres domaniales à des Indigènes<br />

II. —<br />

ARCHIVES<br />

antérieurement au sénatus-consulte,<br />

et surtout<br />

des pièces très importantes sur le cantonnement :<br />

a) des projets de cantonnement : Testu, Lormel.<br />

b) Les documents rassemblés par la commission<br />

chargée de préparer le rapport du M" Ran<br />

don à l'Empereur.<br />

c) Le texte du rapport du M" Randon à l'Empe<br />

reur en novembre 162.<br />

DU MINISTERE DE LA GUERRE<br />

8 cartons nous ont fourni des renseignements, mais d'un intérêt très différent.<br />

N°du<br />

carton<br />

208<br />

227<br />

DESIGNATION<br />

DU CARTON<br />

Organisation<br />

des spahis. Réorgani<br />

sation de l'Algérie de<br />

1834 à 1870.<br />

Mémoires divers.<br />

1839.<br />

— documents<br />

— un<br />

Pour notre étude :<br />

INVENTADtE SOMMAIRE<br />

officiels relatifs aux diverses orga<br />

nisations de spahis de 1834 à 1845;<br />

dossier « Spahis 1834-1870 » contenant<br />

plusieurs notes du Ministère de la Guerre;<br />

— rapports de 1869 sur les smalas;<br />

— règlement sur la constitution, le régime, l'ad<br />

ministration et la comptabilité des smalas des<br />

régiments de spahis (1862);<br />

— un manuscrit important du général Deligny<br />

intitulé « Simple discours sur l'Algérie »<br />

(sans doute de 1869).<br />

Nombreux renseignements sur la situation des<br />

tribus au moment de l'occupation dans :<br />

a) « Note sur le chemin de fer d'Alger à Oran<br />

jointe à la carte gravée par ordre de M. le Minis<br />

tre de la Guerre (1839) » : non signée, mais cer<br />

tainement du capitaine Saint-Hypolite.<br />

b) « Notice sur les tribus de la Province d'Oran<br />

par G. Tatareau, cap. du corps royal d'état-major,<br />

Oran, 30 avril 1833 ».<br />

c) Les tribus de la Province d'Oran en 1839 :<br />

série de dossiers attribuables à Warnier.<br />

(La province d'Oran s'étendait alors jusqu'au<br />

Djendel).


229<br />

230<br />

236<br />

238<br />

239<br />

240<br />

Mémoires divers.<br />

1844-1859<br />

Mémoires divers.<br />

1845-1882.<br />

Notes pouvant servir<br />

à l'historique de l'Al<br />

gérie.<br />

Travail des commis<br />

sions de 1862-1870.<br />

Forces militaires. Ef<br />

fectifs. Emplacements,<br />

etc.<br />

Bureaux arabes.<br />

Récapitulations dès<br />

troupes 1861-1867.<br />

Bureaux arabes.<br />

Récapitulations des<br />

troupes 1867-1870.<br />

400.—<br />

Notamment :<br />

— Rapport à l'Empereur sur l'administration<br />

des populations arabes de l'Algérie pendant l'an<br />

née 1856.<br />

— Réflexions sur l'Algérie par M. le Capitaine<br />

Azéma de Montgravier (7 septembre 1846).<br />

— Projet d'organisation des indigènes en colo<br />

nies militaires par le général de Rumigny (mars<br />

1850).<br />

Renseignements nombreux dans :<br />

— « Documents divers sur l'Algérie, 1845-1870,<br />

provenant du général Guiod » : 39 pièces dont<br />

plusieurs relatives aux bureaux arabes. (Trois<br />

notes, deux numéros du Moniteur de l'Algérie,<br />

la brochure : Le régime du sabre en Algérie).<br />

— « Organisation des smalas » : 30 pièces<br />

(notes du Ministre de la Guerre, lettre de Randon<br />

du 26-1-1858, article du Mobacher du 22 octobre<br />

1862, rapports d'inspection de 1853, 1862, 1865).<br />

Sur les bureaux arabes un petit dossier (1847-<br />

1850) contenant quelques états.<br />

Deux dossiers intéressants :<br />

— « Notes sur l'Algérie. Projet du général<br />

Clouard. Colonies militaires indigènes. Smalas Se<br />

spahis du M" Randon » : outre le projet du<br />

G"<br />

Chanzy<br />

Clouard de 1865, contient celui du Général<br />

de 1868.<br />

— « Bureaux arabes 1867 » : on y trouve l'ins<br />

truction sur le service des bureaux arabes de<br />

1867 et une note d'avril 1868 sur le service des<br />

affaires arabes.<br />

Surtout des états nominatifs des officiers atta<br />

chés aux bureaux arabes.<br />

Etats des officiers attachés aux bureaux arabes<br />

(1867-1870) et états des officiers demandant à<br />

être admis dans le service (1870).


1314<br />

(N° du Catalogue géné<br />

ral de L. Tuetey. Re<br />

connaissances militai<br />

res depuis 1790).<br />

III. —<br />

401-<br />

— « Mémoire sur les corps indigènes en Afrique<br />

et les bureaux arabes », par Louis Philippe, lieu<br />

tenant au 26— de ligne, 27 août 1847. 20 p.<br />

— « Notices sur divers points du littoral de<br />

la Régence d'Alger considérés dans leurs rap<br />

ports avec la conquête, le commerce et la colo<br />

nisation ultérieure du pays », par le Lt-Colonel<br />

Pretot, 1834, 169 p. (en particulier Ténès et Cher<br />

chel).<br />

— «<br />

6 p.<br />

Note sur Cherchel<br />

Cherchel », notice de 1841, 7 p.<br />

ARCHIVES DU VAL DE GRACE (Paris)<br />

Peu de choses pour notre sujet :<br />

— Dans<br />

portant :<br />

du 24 octobre 1834,<br />

le carton 72 un dossier sur les bureaux arabes com<br />

a) une lettre du médecin-chef Netter, de l'hôpital de Tiaret, deman<br />

dant l'organisation du service médical des bureaux arabes<br />

(18-5-1848);<br />

b) des rapports mensuels et trimestriels adressés par les chirur<br />

giens des trois divisions au chirurgien en chef de l'armée<br />

(années 1848, 1849, 1851).<br />

— Dans<br />

le carton 92 un « Essai de topographie statistique<br />

médicale et ethnologique du cercle de Miliana », par le Dr Camille<br />

Ricque (sans doute de 1859) : donne quelques renseignements sur<br />

les tribus.<br />

IV— ARCHIVES DU GOUVERNEMENT GENERAL DE L'ALGERIE<br />

1. —<br />

La Série L<br />

Elle apporte le complément indispensable aux documents<br />

consultés à Paris. Il s'agit des archives de la division d'Alger ras<br />

semblées par les soins de M. Esquer, mais non encore inventoriées.<br />

Nous avons pu y trouver :<br />

a) Des collections complètes de rapports<br />

pour les :<br />

des bureaux arabes<br />

Cercle d'Orléansville Rapports trimestriels du 2°" trimestre 1856<br />

au 4m" trimestre 1880; rapports mensuels de<br />

1862 à 1880.<br />

26


402-<br />

Cercle de Ténès : Rapports trimestriels du 2m*<br />

1" trimestre 1876.<br />

trimestre 1856 au<br />

Cercle de Miliana : Rapports trimestriels du 3""<br />

trimestre 1856 au<br />

3°<br />

1860.<br />

trimestre 1880; rapport mensuel de juin<br />

Cercle de Cherchel : Rapports trimestriels du 3me<br />

au 1"<br />

trimestre 1876.<br />

Cercle de Téniet-el-Hdd : Rapports trimestriels du 1"<br />

1856 au 4m" trimestre 1880.<br />

trimestre 1856<br />

trimestre<br />

b) Un gros dossier intitulé « Colonisation 1845-1870 » (s'arrêtant en<br />

réalité en 1865) et contenant de nombreuses pièces intéressantes sur<br />

le cantonnement :<br />

— Lettre<br />

— Lettre<br />

— Lettre<br />

— Lettre<br />

— Rapport<br />

— Rapports<br />

— Lettre<br />

— Modèle<br />

— Lettre<br />

— Rapport<br />

du M"1<br />

de camp<br />

à Changarnier,<br />

commandant la subdivision de Miliana,<br />

commandant la division d'Alger (4 février 1848).<br />

du 19 mai 1850 du gouverneur général Charon au com<br />

mandant de la division d'Alger.<br />

du 8 août 1852 de la subdivision d'Orléansville au général<br />

commandant la division d'Alger.<br />

du M"1 Randon au général commandant la division<br />

d'Alger : sur le cantonnement '(2 juin 1855).<br />

sur le cantonnement de tribus, du chef du bureau<br />

arabe de Miliana fji" novembre 1855).<br />

du cercle d'Orléansville et du cerce de Ténès sur le<br />

cantonnement des indigènes (13-11-1855).<br />

du 11-11-1855 du gouverneur général Randon au com<br />

mandant de la division d'Alger.<br />

de titre collectif de propriété (attribué aux tribus can<br />

tonnées).<br />

du 14-3-1858 du M" Randon au général commandant<br />

la province d'Alger.<br />

intitulé « Colonisation » du général<br />

subdivision d'Orléansville (5-1-1861).<br />

c) Un dossier portant le titre « Colonisation 1845-1877 »<br />

commandant la<br />

rassemblant des<br />

documents variés et en particulier des pièces relatives à Oued-Fodda<br />

et Ardh-el-Béïda dans lesquelles nous avons puisé quelques détails sur<br />

le cantonnement des Ouled-Kosseïr. C'est dans ce dossier que nous<br />

avons trouvé la carte du cantonnement des Ouled-Kosseïr.


Des<br />

2. —<br />

Les<br />

autres séries :<br />

renseignements dans :<br />

403-<br />

a) La série 2 E.E- formée par 19 registres de correspondance du<br />

M"1 Bugeaud au Ministre de la Guerre. D'un très grand intérêt. Au cours<br />

de notre étude nous renvoyons aux registres 2E.E.2 (année 1842); 2 E.E. 3<br />

(18421843); 2 E.E. 6 (1844-1845); 2 E.E, 9 (1842-1843) (1). On trouve<br />

aussi quelques renseignements dans 2 E.E. 7, 2 E.E. 10, 2 E.E. 11, 2 E.E.<br />

12, 2 E.E. 16.<br />

b) Dans la série H. concernant les Affaires musulmanes :<br />

1 H. 5 contient plusieurs lettres de Moullé, Margueritte, Richard et<br />

Salignac-Fénelon au colonel Rivet, Directeur central des affaires ara<br />

bes (1848).<br />

Les rapports des inspections des bureaux arabes de la région étu<br />

diée sont dans 8 H l3.<br />

Le dossier 8 H. 12 renferme les minutes relatives aux travaux de<br />

la Commission de cantonnement de 1861, mais ces travaux ont été publiés.<br />

Les dossiers du personnel des Affaires indigènes forment les<br />

cartons 21 H. 242 à 343 et sont groupés, dans l'ensemble, suivant l'ordre<br />

alphabétique : on trouve Capifali au n°<br />

260, Lapasset au 298, Margueritte<br />

ct Moullé au 303, Richard au 324, Sériziat au 330, Salignac-Fénelon au<br />

332. Ces dossiers ont été utilisés par R. Peyronnet pour rédiger son Livre<br />

d'Or.<br />

Dans 21 H. 19 on trouve un registre de « Notes et renseignements<br />

politiques » (1847) qui renferme aussi des renseignements économiques<br />

et un « Rapport sur la manière dont la race berbère est répartie sur la<br />

surface du cercle de Miliana (1856) ».<br />

c) Les registres de la série H. H. contiennent la correspondance<br />

émanant du service central des Affaires indigènes (le Bureau politique).<br />

On y trouve peu de renseignements sur l'œuvre économique et sociale<br />

des Bureaux arabes, mais quelques lettres intéressantes pour préciser<br />

les caractères de l'institution et la doctrine de ceux qui la servirent, en<br />

particulier dans les registres :<br />

9 : lettre du 29-1-1945 à Moullé (l'autorité de 1'<br />

« agha Daumas »)•<br />

11 : le 24-2-1848 (construction chez les Sbéah et les Ouled-Kosseïr).<br />

le 28-2-1848 (la sécurité par la fixation au sol).<br />

le 4-10-1848 (éloge de Richard par Charon).<br />

21 : un important rapport de Charon du 29-10-1850; loue les Bureaux<br />

arabes et dresse un véritable bilan de l'œuvre entreprise dans<br />

l'Algérie entière; plusieurs tableaux.<br />

24 : le 5-1-1844, sur les conceptions de Daumas. ,<br />

le 12-1-1844, sur les rapports avec les chefs indigènes./<br />

26 : le 5-2-1848, sur la fixation des indigènes.<br />

le 29-10 et le 25-12-1848 sur le cantonnement.<br />

t<br />

(1) Le répertoire des séries de correspondance E et EE a été publié en<br />

1949. Il est l'œuvre de MM. Esquer et Dermenghem.<br />

L'inventaire de la série H paraîtra en 1953.


f<br />

— — 404<br />

28 : (correspondance avec la province d'Oran) : lettres du 24 et du<br />

25-12-1848 sur le cantonnement.<br />

40 : plusieurs rapports sur les smalas notamment du 15-4-1853, 20-3-1854<br />

et 17-2-1856.<br />

d) Dans la série 1.1. (Affaires arabes. Registres de correspondance)<br />

la sous-série 3 II concerne les subdivisions de la division d'Alger et le<br />

registre n"<br />

255 (19 octobre 1856-22 août 1858), contenant la correspon<br />

dance de la subdivision de Miliana avec la division d'Alger, nous a été<br />

utile pour le cantonnement des Abid-et-Feraïlia.<br />

Quelques précisions sur la colonisation arabe et les smalas dans<br />

le registre n'<br />

277 (années 1862 à 1865).<br />

e) Les séries L concernant la colonisation nous ont, accidentelle<br />

ment, procuré quelques précisions, en particulier :<br />

/<br />

¥<br />

— L<br />

— L<br />

— L<br />

— IL<br />

— IL<br />

— 25<br />

— 29<br />

carton 23, liasse 9, colonisation, arrondissement de Miliana :<br />

une note du 10 juin 1871 et une lettre du sous-préfet de Miliana<br />

du 14 octobre 1876 donnant quelques renseignements sur<br />

l'œuvre des bureaux arabes chez les Béni-Zoug-Zoug et les<br />

Hachem.<br />

carton 45, liasse 9; Malakoff : plusieurs lettres de 1862 du<br />

Gouverneur général sur le cantonnement des Ouled-Kosseïr.<br />

carton 57, liasses 5 et 6 : documents sur l'état des terres<br />

domaniales en territoire militaire.<br />

166 : Duperré (1857-1884); utile pour le cantonnement des<br />

Abid-et-Feraïlia.<br />

219, Malakoff (1863-1874), quelques précisions sur la smala<br />

des spahis.<br />

L 37, Inkermann : quelques renseignements sur Casanova.<br />

L 29, Le Puits : un procès-verbal du 16-6-1877 décrit l'état<br />

des maisons construites par les Bureaux arabes à Kobour-An.<br />

ARCHIVES DU SECRETARIAT<br />

DU SENATUS-CONSULTE<br />

Ce secrétariat existe toujours puisque le sénatus-consulte de 1863<br />

n'est pas encore appliqué à la totalité du territoire algérien. Les archives<br />

n'en ont pas été versées au fonds du Gouvernement général, mais sont<br />

demeurées à la Direction des Finances, Service de la topographie et de<br />

l'organisation foncière (1). Bien qu'incomplets, les dossiers contiennent<br />

cependant des documents de grand intérêt :<br />

(1) Certains documents cependant se sont égarés telle la carte du can<br />

tonnement des Ouled-Kosseïr trouvée tout à fait par hasard dans un paquet<br />

non classé de la Série I.


— des<br />

1° — Dans<br />

— — 405<br />

celui des Abid-et-Feraïla on trouve notamment :<br />

documents statistiques (1866 et 1867). y,<br />

plusieurs lettres : de Chasseloup-Laubat, ministre de l'Algérie et des<br />

Colonies, au général commandant la division d'Alger, le 5-11-1860<br />

(particulièrement importante); du général commandant la commis<br />

sion administrative au G1 C la Province, le 3-4-1866; du G1 C la<br />

subdivision d'Orléansville au G"<br />

C la Province, le 15-10-1866; du chef<br />

du service des Domaines au G" C4 la Province, 21-8-1867; de Mac-<br />

Manon, gouverneur général de l'Algérie, au G*1 C* la province d'Alger,<br />

le 7-11-1868, etc..<br />

2" Le dossier, des Ouled-Kosseïr contient de nombreuses pièces dont<br />

les principales sont :<br />

— des<br />

— le<br />

— deux<br />

— le<br />

— le<br />

comptes rendus de séances de la commission consultative chargée<br />

d'élaborer le travail du cantonnement des tribus arabes (avril-mai<br />

1856).<br />

procès-verbal de délimitation de la tribu des Ouled-Kosseïr (9 août<br />

1856).<br />

procès-verbaux de séances de la commission du cantonnement<br />

(février 1859).<br />

tableau de l'état de lotissement des terres données en compensa<br />

tion, en 1862, aux Medjadja, Sindjès et Ouled-Farès.<br />

rapport d'ensemble sur la délimitation de la tribu des Ouled-Kos<br />

seïr (1er octobre 1867).<br />

— le bulletin résumant les opérations de la commission administrative<br />

' — le<br />

—<br />

—<br />

— diverses<br />

du sénatus-consulte (1" octobre 1867).<br />

rapport d'ensemble sur la délimitation des douars et la répartition<br />

du sol (8 janvier 1868).<br />

un extrait des procès-verbaux du Conseil du Gouvernement (jan<br />

vier 1868).<br />

plusieurs lettres : du colonel C1 la subdivision d'Orléansville au<br />

G"<br />

O la division d'Alger (12-9-1862) ;<br />

du maréchal Pélissier au<br />

G" D la division d'Alger (29-9-1862); du chef de bataillon comman<br />

dant la subdivision d'Orléansville au G"" C la division d'Alger<br />

(12-11-1862).<br />

cartes : 3 plans de la tribu au 1/40.000"<br />

(1866, 1867, 1868) ;<br />

au'<br />

un plan de séparation 1/40.000% indiquant la limite des douars<br />

(1868); un plan du douar Sidi-el-Aroussi au 1/10.000" (1868).


VI. —<br />

ARCHIVES<br />

— 406<br />

DEPARTEMENTALES D'ALGER<br />

A l'occasion d'autres recherches, nous avons trouvé quelques docu<br />

ments intéressants dans les cartons suivants :<br />

— une<br />

— 2<br />

— une<br />

Affreville : dans le dossier « Kobour-Ali, 1877-1879,<br />

un rapport<br />

de la Commission des centres du 28-124877 et un<br />

avant-projet de village du 4-7-1879 rappellent ce que<br />

fut la colonisation arabe dans la région.<br />

Colonies agricoles : dans le 1"<br />

carton, au dossier « Peuplement »,<br />

plusieurs pièces concernant Casanova et, dans le 2"",<br />

un rapport de 1848 sur les colonies agricoles envisa<br />

geant le cantonnement des Ouled-Kosseïr et en faisant<br />

la critique.<br />

Duperré : sur le cantonnement des Abid-et-Feraïlia, un rapport<br />

du bureau arabe de Miliana du 17-9-1857 et une lettre<br />

de la division d'Alger au Gouverneur, du 12-11-1857;<br />

sur le village d'Aïn-Sadok une lettre du sous-préfet de<br />

Miliana au préfet, le 24-7-1877 et un rapport de la Com<br />

mission des centres, du 20-3-1878.<br />

Orléansville : Sur le cantonnement des Ouled-Kosseïr :<br />

lettre du Commissaire civil d'Orléansville au Préfet, du 5-9-1857.<br />

notes du Domaine (de septembre 1861) sur les anomalies du can<br />

tonnement.<br />

lettre de la subdivision d'Orléansville à la division (9-8-1861) sur<br />

le même sujet.<br />

— une lettre du G"<br />

— 2<br />

— une<br />

vices civils (18-5-1861),<br />

Yusuf, O la division d'Alger,<br />

au Directeur des Ser<br />

précisant la situation des Ouled-Kosseïr.<br />

Sur la smala des spahis d'Orléansville :<br />

lettres de la division d'Alger au Gouverneur général, le 24-12-1849<br />

et le 21-10-1852.<br />

lettre du Gouverneur Randon au G*1<br />

— un plan de l'ancienne smala (en date du 10-3-1855).<br />

Camou, le 28-10u1852.<br />

•— une correspondance entre la subdivision d'Orléansville et la division<br />

— l'acte<br />

d'Alger (1855-1856).<br />

de remise à l'administration civile des terrains de l'ancienne<br />

smala, le 4-7-1860.<br />

Dans les Archives du Bureau arabe départemental d'Alger on trouve<br />

un dossier sans titre renfermant des rapports mensuels de 1855 émanant<br />

des bureaux arabes militaires de la division d'Alger : rapports d'avril,<br />

juin et septembre pour Ténès et Téniet-el-Had; de juin et septembre<br />

pour Cherchel, Miliana, Orléansville.


Ouvrages consultés<br />

Les ouvrages utilisés accidentellement et pour un détail<br />

précis sont mentionnés au bas de la page intéressée et ne sont<br />

pas reproduits ici. Les travaux que nous avons mis à contribu<br />

tion peuvent être groupés en trois catégories : les œuvres des<br />

officiers de bureaux arabes; les ouvrages traitant, au moins<br />

partiellement, des bureaux arabes ; les travaux divers. Pour<br />

chaque catégorie nous donnons la liste des différents<br />

livres suivant l'ordre alphabétique en indiquant les cotes lors<br />

qu'il s'agit d'ouvrages consultés à la Bibliothèque Nationale<br />

de Paris.<br />

L— ŒUVRES DES OFFICIERS DES BUREAUX ARABES (1)<br />

Azéma de Montgravier (2) : Lettres à Monsieur le Président de<br />

la République. Oran 1849 (15 p.) et 1850 (30 p.) in-8°.<br />

(La seconde est la plus intéressante pour les conceptions des<br />

Bureaux arabes : makhzen, assimilation, colonisation...).<br />

Bidault (3) : La vérité sur VMgérie. Bougie 1871, in-12, 112 p.<br />

(Défenseur discret des Bureaux arabes. Partisan de la conci<br />

liation entre civils et militaires).<br />

(1) Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais seulement des ouvrages<br />

qui nous ont été réellement utiles ou qui ont pour auteur un officier ayant<br />

servi dans l'Ouest du Tell algérois. On ne trouvera pas mentionnées, en par<br />

ticulier, toutes les œuvres de Daumas et de Rinn, souvent intéressantes, mais<br />

pour d'autres sujets que le nôtre.<br />

(2) Azéma de Montgravier (Michel, Auguste, Martin, Agénor) : entre<br />

clans les affaires arabes en 1846 comme adjoint à Oran, est chef de bureau<br />

sur place en 1849 ; se livre à des études archéologiques et historiques ; est<br />

appelé en 1850 au Ministère de la guerre où il fait partie du comité consul<br />

tatif de l'Algérie ; y reste jusqu'en 1861.<br />

(3) Bidault (F. L.) : entre dans les affaires indigènes en 1866 et y reste<br />

jusqu'en 1872 ; a servi surtout dans le département de Constantine, puis au<br />

Bureau politique et au Cabinet militaire.


— 408 —<br />

Cottenest (1) : Etude historique sur le service des affaires indi<br />

gènes et la colonisation algérienne 1830-1870. Bulletin de la<br />

Société d'Alger et de l'Afrique du Nord, 11"0<br />

p. 83 à 91.<br />

année, 1906,<br />

(Etude inachevée. Renseignements sur l'origine et les fonc<br />

tions des Bureaux arabes).<br />

Daumas (L'-Colonel) (2) : Exposé sur l'état actuel de la société<br />

arabe, du gouvernement et de la législation qui la régit. Alger,<br />

169 p. in-8. LK8 371. (Rédigé sur l'ordre de Bugeaud<br />

1844, VIII -<br />

et distribué aux commandants supérieurs et aux officiers<br />

chargés des affaires arabes pour leur servir de guide).<br />

David (3)<br />

: Réflexions et discours sur la propriété chez les Arabes.<br />

Bordeaux 1862, in-8", 71 p.<br />

(Favorable aux Bureaux<br />

cantonnement).<br />

arabes. Fait une critique acerbe du<br />

Hugonnet (4) : Souvenirs d'un chef de bureau arabe. Paris 1858,<br />

in-12, 288 p.<br />

(Intéressant ;<br />

chefs de bureaux arabes).<br />

ne partage pas toujours les idées des autres<br />

Hugonnet : Français et Arabes en Algérie. Paris 1860, in-12, 276 p.<br />

(En particulier le chapitre sur Daumas, p. 173 à 197).<br />

(1) Cottenest (Gaston, Ernest) : entre au service des affaires indigènes<br />

en 1898 ; adjoint en 1900 à In Salah où il fait creuser le premier puits arté<br />

sien de la région ; se rend célèbre en 1902 par le combat de Tit livré aux<br />

Touareg ; adjoint au bureau de Lalla Marnia lorsqu'il écrit l'article que nous<br />

citons, puis chef de bureau arabe à Tlemcen et à la division d'Oran, chef de<br />

l'annexe de Béni-Abbès et commandant de la compagnie saharienne de la<br />

Saoura ; tué en septembre 1914.<br />

(2) Daumas (Melchior, Joseph, Eugène) : débute en Algérie en 1835 et<br />

fait sous Clauzel les campagnes de Mascara et de Tlemcen ; étudie l'arabe<br />

et, après le traité de la Tafna, représente la France auprès d'Abd-el-Kader.<br />

Dirige d'abord la politique indigène de la province d'Oran puis la Direction<br />

centrale des affaires indigènes. Promu général, il rentre en France en 1850<br />

ct exerce une grosse influence au Ministère de la guerre, à la tête des affai<br />

res de l'Algérie.<br />

(3) David (Baron Jérôme, Frédéric, Paul) : Chef du bureau arabe de<br />

Marnia en 1845, à la direction de la division d'Alger en 1850, à Médéa en 1851<br />

à Béni-Mansour en 1852 Promu capitaine en 1853, il rentre alors à son<br />

Corps.<br />

(4) Hugonnet (Ferdinand, Victor) : adjoint à la direction de Bône, en<br />

1845 ; chef du bureau de La Calle en août 1848 ; adjoint à la direction de<br />

Constantine en septembre 1853 ; rentre à son corps en mars 1856. Outre les<br />

deux ouvrages ci-dessus il publia en 1859 une étude de 50 p. sur Bugeaud, duo<br />

d'Isly et sur La cavalerie dans Jes Armées modernes.


A 9<br />

10<br />

11<br />

12<br />

13<br />

Lacretelle (général)t (1)<br />

-409-<br />

actuelle. Paris 1868, in-4» 102 p.<br />

: De l'Algérie au point de vue de la crise<br />

(Prend la défense du Gouvernement militaire et des Bureaux<br />

arabes).<br />

Lapasset (2) : Mémoires sur la colonisation indigène et la colo<br />

nisation européenne suivis d'un projet sur l'établissement des<br />

silos de prévoyance pour les tribus arabes, servant en même<br />

temps de garantie de leur fidélité. Alger 1848, in-8", 94 p. et<br />

3 plans.<br />

(D'un grand intérêt pour les conceptions et les réalisations<br />

de l'auteur).<br />

Lapasset : Aperçu sur l'organisation des indigènes dans les terri<br />

toires civils : Alger 1850, in-8", 47, p.<br />

(D'un caractère plus général que l'ouvrage précédent).<br />

Lapasset et Berbrugger : Antiquités du cercle de Ténès. Revue<br />

Africaine 1856 (p. 335-345 ; 428-440) et 1857 (p. 4-13; 91-104;<br />

185-194; 267-275).<br />

(Il s'agit, en réalité, d'articles de Berbrugger, mais rédigés en<br />

grande partie avec les notes de Lapasset).<br />

Margueritte (3) : Chasses de rAtgérie et notes sur les Arabes du<br />

Sud,, 3me<br />

édition, Paris, 1884, 273 p. La 1" édition est de 1869.<br />

(Bétails intéressants sur l'Ouarsenis et le Sersou au moment<br />

de l'occupation).<br />

Pein (4)<br />

2édition,<br />

Alger 1893, in-12, LXXII, 519 p.<br />

: Lettres familières sur l'Algérie. Un petit royaume arabe.<br />

(Souvenirs d'un chef de bureau arabe devenu commandant<br />

du cercle de Bou-Saada).<br />

(1) Lacretelle (Charles, Nicolas) : a fait une carrière dans les bureaux<br />

arabes de 1849 à. 1854. Termine comme chef de bureau arabe de Sidi-Bel-Abbès,<br />

puis part pour la Crimée.<br />

(2) Lapasset (F.) : voir p. 132.<br />

(3) Margueritte (A.) : voir p. 128.<br />

(4) Pein (Th.) : fut chef de bureau arabe à Bou-Saada en 1849, puis<br />

commandant supérieur au même lieu pendant neuf ans ; il exerça un pouvoir<br />

absolu et se présente lui-même comme le roi ■», le « sultan » du cercle de<br />

Bou-Saada.


14<br />

15<br />

16<br />

17<br />

— — 410<br />

Pellissier de Reynaud (1) : Annales algériennes, édition de 1854,<br />

Alger, 3 vol. 478, 517 et 535 p. Une première édition en<br />

1836-1839.<br />

(Surtout le 3mc volume pour l'administration des Indigènes, les<br />

.genres de vie, le cantonnement).<br />

Philebert (généra!) (2) : Algérie et Sahara. Le général Margue<br />

ritte. Paris, 1882, in-8", 468 p.,<br />

du général Margueritte.<br />

un portrait et un autographe<br />

(Intéressante biographie écrite par un compagnon de Mar<br />

gueritte).<br />

Puyau (3) : De l'impuissance des bureaux arabes et des réformes<br />

à introduire en Algérie. 1871. 30 p. Se trouve dans le carton<br />

1713f des Archives nationales.<br />

(Brochure écrite en 1867 et publiée seulement en 1871 ; pré<br />

tend que l'influence des chefs indigènes est telle qu'elle réduit<br />

les Bureaux arabes à l'impuissance).<br />

Richard (4) : Elude sur l'insurrection du Dahra (1845-1846).<br />

Alger 1846, in-8", 207 p.<br />

(1) Pellissier de Reynaud (Jules, Henri, François, Edmond de) : s'oc<br />

cupe du bureau arabe d'Alger en 1834, Directeur des affaires arabes de 1837<br />

à 1839 ; a joué ensuite un rôle diplomatique important. CEuvres nombreuses :<br />

voir Peyronnet (87) II, 46-48.<br />

(2) Philebert (Charles) : carrière dans les bureaux arabes de 1852 à<br />

1865 ; a servi notamment à Bou-Saada, Djelfa, Ténès et Miliana puis à la di<br />

rection divisionnaire.<br />

(3) Puyau (Charles) : a fait comme adjoint une courte carrière dans<br />

les bureaux de la Province de Constantine en 1864-1865.<br />

(4) Richard (Ch.) •<br />

voir p. 136. Richard a écrit d'autres ouvrages étran<br />

gers à la question algérienne, que l'on trouve à la Bibliothèque Nationale de<br />

Paris, et dont voici la liste :<br />

— Le Bon Célime : poème anodin, Paris 1867, in-12, 215 p.<br />

—<br />

- Cosmogonie Origine et fin des mondes, Paris 1863, in-16, 192 p.<br />

— Esquisse d'une philosophie synthêsiste. Critère du jugement ; concep<br />

tion générale du monde ; règle de conduite, Paris 1875, in-16, 288 p.<br />

— Les lois de Dieu et l'esprit moderne, issue aux contradictions humaines,<br />

Paris 1858, in-18, 252 p.<br />

— Principes de science générale, Toulon 1879, in-8, 43 p.<br />

— La prostitution devant le philosophe, Paris, 1881, in-8, 176 p.<br />

— Question de philosophie synthêsiste. De la prévision des évênemnts<br />

humains, Toulon 1877, in-16, 15 p.<br />

— Question de philosophie synthêsiste. Règle de conduite. Draguignan<br />

1880, in-8, 10 p.<br />

— Rapport présenté au Conseil rnunicipal dans la séance du 28 octobre<br />

1876 au nom de la commission de la rue de l'Avenir, Toulon, 1876,<br />

in-8, 22 p.<br />

— Réponse à Charles Renouvier... au sujet de son appréciation de l'Es<br />

— Les<br />

quisse d'un» philosophie synthêsiste par Ch. Richard, Paris, 1875, in-<br />

16, 45 p.<br />

Révolutions inévitables dans le globe et l'humanité, Paris 1861,<br />

in-18, 296 p.


18<br />

19<br />

20<br />

21<br />

22<br />

23<br />

24<br />

411<br />

(La première partie raconte l'insurrection; la seconde en<br />

recherche les causes, étudie la société arabe et propose des<br />

moyens de gouvernement. Dtes extraits importants dans la<br />

Revue de l'Orient, 1846, p. 123-165,<br />

sous le titre « Traditions<br />

et prophéties arabes. Le moule-saâ et le moule-drâ, Bou-Maza<br />

et Abd-el-Kader ».<br />

Richard : Du gouvernement arabe et de l'institution qui doit<br />

Texercer. Alger, 1848, in-8°, 116 p.<br />

(Définit le rôle des Bureaux arabes).<br />

Richard : De l'esprit de la législation musulmane. Alger 1849, 31 p.<br />

(Deux chapitres extraits de l'ouvrage « Du gouvernement<br />

arabe » et précédés d'un ajiant-propos inédit).<br />

Richard : De la civilisation du peuple arabe. Alger 1850. in-8"<br />

68 p.<br />

(Richard expose ses idées sur l'évolution future du peuple<br />

arabe).<br />

Richard : Les mystères du peuple arabe. Paris, 1860, in-12, XXIII,<br />

242 p.<br />

(Richard se propose de décrire le peuple arabe tel qu'il est<br />

dans sa nature intime, loin de notre contact; il nous trans<br />

porte pour cela au sein d*un marché dans une région éloignée<br />

et décrit des scènes souvent très amusantes. L'ouvrage est<br />

précédé d'une introduction de 23 p. dans laquelle l'auteur<br />

développe ses idés sur le gouvernement des arabes et en par<br />

ticulier sur les chefs indigènes).<br />

R,chard : Examen critique de ta lettre de TEmpereur sur l'Algérie.<br />

Extrait du « Toulonnais », in-12, 46 p. Toulon 1865. LK8 1981.<br />

(Reprend ses thèmes habituels notamment sur les chefs indi<br />

gènes).<br />

Richard : Scènes de mœurs arabes, 2m° édition. Paris 1876, in-12,<br />

226 p. (La première édition doit être de 1850. Richard veut<br />

peindre le peuple arabe tel qu'il se montre dans ses relations<br />

avec nous; il évoque le chef de bureau arabe rendant la jus<br />

tice;<br />

scènes vivantes).<br />

Rinn (1) : L'Algérie assimilée. Etude sur la constitution et l'orga<br />

nisation de l'Algérie par un chef de bureau arabe. Constantine,<br />

1871, 168 p.<br />

(1) Rinn (Louis) : Carrière remarquable dans les bureaux arabes de<br />

1865 à 1885. Après avoir dirigé plusieurs bureaux dans le département de<br />

Constantine, il est appelé à Alger en 1874 et sert à la division puis à l'Etatmajor<br />

général. En 1881 il est chef du service central et en 1885 devient con<br />

seiller du gouvernement. Il a laissé une oeuvre considérable.


25<br />

26<br />

27<br />

28<br />

29<br />

30<br />

— — 412<br />

(Ouvrage paru sous l'anonymat. Le manuscrit formant 77<br />

feuillets se trouve à la Bibliothèque Universitaire d'Alger, sous<br />

le<br />

n"<br />

535. Tout en défendant les bureaux arabes, Rinn pro<br />

pose l'instauration du régime civil).<br />

Rinn : Les grands tournants de l'histoire de l'Algérie. Bulletin de<br />

la Société de géographie d'Alger et de l'Afrique du Nord, 1903,<br />

p. 1-24.<br />

(Sur l'évolution des Bureaux arabes,<br />

Rinn : Histoire de l'Algérie; sans date,<br />

p. 19-21).<br />

en X livres (19 volumes).<br />

Livre IX : les fils du Roi (11 novembre 1843-3 mars 1848).<br />

Livre X : Les bureaux arabes mekhaznya (3 mars 1848-24<br />

juin 1858).<br />

Livre XI : Les bureaux arabes hekkam (24 juin 1858-10 novem<br />

bre 1870).<br />

(Œuvre manuscrite qui se trouve à la Bibliothèque Universi<br />

taire d'Alger sous le<br />

n°<br />

528).<br />

Robin (colonel) (1) : L'insurrection de la Grande Kabylie en 1871.<br />

Paris, 1901, in-8°, 579 p.<br />

(Au chapitre II raconte la crise des Bureaux arabes en 1870).<br />

Villot (L'-coIonel) (2) : Mœurs, coutumes et institutions des indi<br />

gènes de l'Algérie, Alger, 1888, 521 p.<br />

(Réédition d'un ouvrage de 1868. Surtout p. 283-287 sur la<br />

question des terres, 302-317 sur les chefs indigènes, et 484-492<br />

sur l'assimilation).<br />

Walsin-Esterhazy (3) : De la domination turque dans l'ancienne<br />

Régence d'Alger. Paris 1840, in-8°, XXII-327 p.<br />

(Renseignements utiles dans l'avant-propos et dans le chapitre<br />

sur l'organisation militaire des Turcs).<br />

Walsin-Esterhazy : Notice historique sur le maghzen d'Oran.<br />

Oran 1849, in-8°, 409 p.<br />

(Outre son intérêt historique,<br />

« doctrine » des Bureaux arabes).<br />

contribution intéressante à la<br />

(1) Robin (Joseph-Mil) : longue carrière dans les bureaux arabes de<br />

1859 à 1886. A servi surtout en Kabylie puis, après 1870, comme directeur<br />

provincial à Alger.<br />

(2) ViMot (Edouard, Etienne, Cécile) : dans les bureaux arabes de 1860<br />

à 1876. A dirigé notamment les bureaux subdivisionnaires de Constantine et<br />

de Batna. Son ouvrage est une mise au point de l'œuvre de Daumas.<br />

(3) Walsin-Esterhazy (Louis, Joseph, Ferdinand) : chargé des affaires<br />

arabes à Mostaganem en 1840 et 1841 ; chef du bureau central d'Oran en<br />

1£42 ; directeur divisionnaire des affaires arabes d'Oran en 1844 et de plus<br />

chef du makhzen en 1845. A joué un grand rôle comme administrateur et<br />

comme soldat ; a terminé sa carrière général de division.


— — 413<br />

31 Zaccone (1) : Réflexions, sur la colonisation en Algérie. Paris<br />

1872, 18 p.<br />

32<br />

33<br />

34<br />

35<br />

36<br />

37<br />

38<br />

II. —<br />

(Détaché au bureau arabe de Tébessa. Evolution symptoma-<br />

tique : ne désire pas transformer profondément le genre de<br />

vie des Indigènes).<br />

OUVRAGES TRAITANT DES BUREAUX ARABES<br />

ET DE LEURS CHEFS<br />

Andrieu (E.) (ancien officier de chasseurs d'Afrique) : Types et<br />

croquis algériens. Riom 1875, 2 vol. in-8", réunis en un seul<br />

de 263 p. Li «22.<br />

(Quelques pages sur les Bureaux arabes de 1830 à 1840 :<br />

p. 163-190;<br />

suit les officiers dans leur carrière).<br />

Azan (lieutenant P.) : Recherche d'une solution de la question<br />

indigène en Algérie. Paris 1903, in-8", 87 p.<br />

(Eloge des Bureaux arabes auxquels il attribue la sécurité du<br />

pays, p. 51-55).<br />

Azan (général P.) : L'armée d'Afrique de 1830 à 1852. Collection du<br />

Centenaire de l'Algérie, Paris 1936, in-4°, 524 p.<br />

(Nombreux renseignements sur l'histoire des Bureaux arabes).<br />

Azan (général P.) : Par l'Epée et par la Charrue. Ecrits et Discours<br />

de Bugeaud. Avant-propos de Ch. A. Julien. Paris 1948, in-8",<br />

XXI + 350 p.<br />

(Quelques textes permettant de déceler l'impulsion à laquelle<br />

obéirent au début les Bureaux arabes, surtout p. 19, 44, 79, 133).<br />

Ballue '(!A.) ; La question agérienne à vol d'oiseau. Marseille 1869,<br />

in-8°, 49 p. LK 8852.<br />

(Critique les Bureaux arabes qu'il veut réformer, mais non<br />

supprimer).<br />

Bardy (M.) : L'Algérie et son organisation en royaume. Paris-Alger<br />

1852, in-8°, 165 p.<br />

(Favorable aux Bureaux arabes,<br />

projets de réformes).<br />

mais surtout préoccupé de<br />

Baudicour (L. de) : La guerre et le gouvernement de l'Alglérie.<br />

Paris 1853, in-8°, 600 p.<br />

(1) Zaccone (Prosper, Fernand) : aux affaires indigènes de 1871 à 1877.<br />

A surtout servi dans les bureaux arabes du département de Constantine. Est<br />

capitaine en 1872. .<br />

/


—<br />

— 414<br />

(En particulier le chapitre sur les chefs indigènes, p. 429-454,<br />

celui sur les Bureaux arabes, p. 454-463, et la conclusion<br />

p. 545-596).<br />

39 Baudicour (L- de) : La colonisation de l'Algérie. Ses éléments.<br />

Paris 1856, in-8°,<br />

590 p.<br />

(Quelques pages, 522 à 534,<br />

général).<br />

sur l'administration militaire en<br />

40 Behaghel (A.) Conquête et colonisation. Religion et mœurs. Armée.<br />

Paris 1870, in-12, 380 p.<br />

(P. 371-375 : une bonne étude sur les origines des Bureaux<br />

arabes).<br />

41 Bernard (A.) : L'Algérie (2mo volume de l'Histoire des cotonies<br />

françaises et de l'expansion de la France dans le monde,<br />

publiée par Hanoteau et Martineau). Paris 1930, in-4°, 548 p.<br />

(Pages intéressant les bureaux arabes : 144, 145, 249 à 254,<br />

300-301, 325 à 331).<br />

42 Bézy (J.-G.) : La vérité sur le régime militaire en Algérie. Articles<br />

parus dans « Le Courrier de l'Algérie ». Alger 1870, in-16,<br />

64 p. (Très hostile aux Bureaux arabes).<br />

43 Blanc (P.) : L'insurrection en Algérie. Alger 1864, in-8", 59 p,<br />

(Veut assimiler les Arabes et pour cela « il faut supprimer les<br />

chefs indigènes » et « par la suppression des chefs indigènes,<br />

les bureaux arabes devenant inutiles, il faut renoncer aux uns<br />

comme aux autres »).<br />

44 Broglie (A. de) : Une réforme administrative en Afrique. Paris<br />

1860, in-12, 242 p.<br />

(Critique le Ministère de l'Algérie et des Colonies, fait l'éloge<br />

de l'administration militaire et en particulier des Bureaux<br />

arabes).<br />

45 Cambon (F.) : Pour le régime civil en Algérie. Constantine 1879.<br />

in-8", 18 p. (Critique générale du régime militaire).<br />

46 Cocquerel (A.) : L'Algérie. Une solution. Alger, 1860, in-8", 16 p.<br />

(Partisan du cantonnement sans être hostile aux Bureaux<br />

arabes).<br />

47 Delayen (G.) : Les deux affaires du capitaine Doineau 1856-1874.<br />

L'attaque de la diligence de Tlemcen ; l'évasion de Bazaine.<br />

Paris 1924, 388 p.<br />

(Dans l'affaire de Tlemcen, la culpabilité de Doineau n'appa<br />

raît pas aussi entière qu'on l'admet généralement).


48<br />

415<br />

Démontés (V.) : La colonisation militaire sous Bugeaud. Paris-<br />

Alger, 1917, in-8°, 632 p.<br />

(Au livre IV surtout traite la question des bureaux arabes et<br />

de la colonisation arabe sous Bugeaud).<br />

49 Démontés (V.) : L'Algérie économique, tome VI : Un siècle de<br />

50<br />

51<br />

colonisation. Evolution historique de la colonisation de l'Al<br />

gérie. Alger 1930, in-8°, 408 p.<br />

(Etudie les Bureaux arabes, p. 68-78, le cantonnement, p.<br />

131-134).<br />

Deshorties (A.) : Les Arabes. Les Bureaux arabes. Paris 1864.<br />

(Ouvragé dû à un chef d'escadron d'état-major. Indiqué pour<br />

mémoire, car nous n'avons pu le trouver).<br />

Didier (H.) : Le gouvernement de l'Algérie. Paris 1851, in-18, 30 p.<br />

52 Didier (H.) : Le gouvernement militaire et la colonisation en<br />

Algérie. Paris 1865, in-8°, 32 p.<br />

(Didier fut l'un des représentants de l'Algérie à la Constituante<br />

et à la Législative. Il plaide pour le régime civil; dans le<br />

premier ouvrage, il propose la création d'un Ministère de<br />

l'Algérie; dans le second, il montre comment, après* la créa<br />

tion de ce ministère, les militaires réussirent progressivement<br />

à reprendre le pouvoir).<br />

53 Duponchel (E.) : 100000 hommes en Algérie. Projet de colonisa<br />

tion militaire. Solution économique et pratique de la question<br />

algérienne par un vieil africain. Paris 1860, in-8°, 64 p.<br />

(Défenseur du régime militaire, p. 40 à 64).<br />

54 Dupré (A.) : Lettres sur l'Algérie;<br />

Bordeaux 1870, in-12, XI-119 p.).<br />

publiées dans « La Gironde »■<br />

(Adopte le point de vue des colons sur le régime militaire).<br />

55 Duval (J.) : Réflexions sur la politique de l'Empereur en Algérie.<br />

Paris 1866, in-8°, VIII-184 p.<br />

(Critique la lettre de Napoléon III à Mac-Mahon; attaque inci<br />

demment l'administration militaire, p. 87, 166-167, mais fait<br />

surtout l'apologie de la colonisation).<br />

56 Duval (J.) : L'Algérie et les colonies françaises. Paris 1877, in-8°,<br />

XXX-354 p.<br />

(Une suite d'études écrites sous le Second Empire, notam<br />

ment un chapitre intéressant et objectif sur les Bureaux ara<br />

bes,<br />

p. 98 à 114).


57<br />

58<br />

59<br />

60<br />

61<br />

62<br />

63<br />

64<br />

■416-<br />

Duval (J.) et Warnier (A.) : Un programme de politique algé<br />

rienne. Lettres adressées à Son Exe. M. Rouher, ministre<br />

d'Etat, par J, Duval et M. Warnier, délégués officieux d'un<br />

grand nombre de colons algériens. Paris 1868, in-8", 144 p.<br />

(Exposent les revendications des colons, hostiles au régime<br />

militaire).<br />

Duval (J. et Warnier (A.) : Bureaux arabes et colons. Réponse au<br />

Constitutionnel pour faire suite aux lettres à M. Rouher. Paris,<br />

1869, in-8°, 190 p.<br />

(Critique sérieuse des Bureaux arabes, en particulier p. 41<br />

à 61).<br />

Duvernois (A.) : Le régime civil en Algérie. Urgence et possibilité<br />

de son application fmméd/a/e.Paris-Alger 1865, in-8°,XV-166 p<br />

(A. Duvernois est un ancien interprète de l'armée et un<br />

ancien sous-chef de bureau arabe civil; son attaque contre les<br />

bureaux arabes militaires est souvent excessive).<br />

Duvernois (Cl) : La réorganisation de l'Algérie. Lettre à S.A.l.<br />

le prince Napoléon chargé du Ministère de l'Algérie et des<br />

colonies. Alger 1858, in-18, 34 p.<br />

(L'auteur, ancien rédacteur en chef du journal « La Coloni<br />

sation, demande la suppression des Bureaux arabes).<br />

Emerit (M.) : Les Saint-Simoniens en Algérie. Publications de la<br />

Faculté des Lettres d'Alger, Paris, 1941, in-8°, 250 p.<br />

(Surtout le chapitre sur : La politique du royaume arabe,<br />

p. 233 à 287).<br />

Emerit (M.) : Les Bureaux arabes. Documents algériens, 10 novem<br />

bre 1947, 4 p. (Article de vulgarisation).<br />

Enfantin : Colonisation de l'Algérie. Paris 1843, in-8", 542 p.<br />

(Antérieur à l'organisation des bureaux arabes, mais insiste<br />

sur la nécessité de gouverner les Indigènes avec un personnel<br />

militaire spécialisé, surtout p. 325-336 et 351-352. Estime que<br />

le service demanderait plus de 700 officiers et sous-officiers<br />

et 7.000 hommes).<br />

Etourneau : L'Algérie faiscait appel à la France. Paris 1867, in-8°,<br />

466 p.<br />

(Défend le cantonnement p. 177-180. Très hostile au régime<br />

militaire et aux Bureaux arabes dont il souligne l'échec, p.<br />

220-221).


— — 417<br />

63 Faucon (N.) : Le Livre d'Or de l'Algérie de 1830 à 1889. Tome /.<br />

66<br />

67<br />

68<br />

y<br />

69<br />

70<br />

71<br />

72<br />

73<br />

74<br />

Biographies. Paris 1889, in-8°, XXIH-617 p.<br />

(Quelques renseignements sur Daumas, Lapasset, Margue<br />

ritte).<br />

Feuillide (Capo de) : L'Algérie française. Paris 1856, in-8", XXX-<br />

402 p. (Attaque vivement les Bureaux arabes, p. 71 à 86).<br />

Foucher (V.) : Les Bureaux arabes en Algérie. Bibliothèque du<br />

colon. Paris 1858, in-12, 51 p.<br />

(Défend les bureaux arabes après l'affaire Doineau).<br />

Hugonnet (L-) : La crise algérienne et la démocratie. Alger 1868,<br />

96 p. (Œuvre d'un socialiste qui s'en prend aussi bien à la<br />

colonisation qu'au régime militaire).<br />

Ideville (H. d') : Le Maréchal Bugeaud d'après sa èorrespondance<br />

intime el des documents inédits;<br />

in-8°, 452 p.<br />

(Etudie les^Brîreaux arabes au chapitre VI,<br />

Jaillet (P.)<br />

3 volume- Paris 1882,<br />

p. 214-259).<br />

: Essai historique et critique sur la colonisation mili<br />

taire. Thèse de droit, Paris 1903, in-8°, 372 p.<br />

(Bugeaud et les Bureaux arabes, p. 270-279).<br />

Javary (A.) : Etudes sur le gouvernement militaire de l'Algérie.<br />

Paris 1855, in-8»,<br />

200 p. LR8497.<br />

(L'auteur, capitaine de zouaves, a servi comme adjoint dans<br />

les bureaux arabes. Favorable à l'administration militaire et<br />

au cantonnement, mais formule certaines critiques).<br />

Keller (E.) : Le générai De La Moricière. Sa vie militaire, politi<br />

que et religieuse. Tome I. Paris 1874, iri-8°, 514 p.<br />

(Quelques renseignements sur le premier bureau arabe, p. 76<br />

et suivantes).<br />

Keun dO.) : Réflexions d'une civile sur les Bureaux arabes. Revue<br />

de Paris, 27m


75<br />

76<br />

77<br />

78<br />

79<br />

80<br />

81<br />

82<br />

83<br />

84<br />

-418-<br />

Lavigne (A.) : Le régime du sabre. Paris 1871, 46 p. LK8 931.<br />

(Un chapitre sur les Bureaux arabes, p. 28 à 46. Très hostile<br />

au régime militaire veut annexer l'Algérie à la France pure<br />

ment et simplement).<br />

Leblanc de Prébois (F.) : Bilan de l'Algérie à la fin de l'an 1864<br />

ou De la crise financière, commerciale et agricole. Ses causes<br />

et les moyens de la conjurer. Alger 1865, in-8", 31 p.<br />

(Chef d'escadron d'état-major, retraité et ancien représentant<br />

de l'Algérie à la Constituante. Défend l'armée, mais non les<br />

Bureaux arabes, p. 13-28).<br />

Leblanc de Prébois (F.) : Bilan du régime civil de l'Algérie à la<br />

fin de 1871. Paris 1872, in-8", 16 p., LK» 941.<br />

(Reproche surtout aux Bureaux arabes « un puritanisme exa<br />

géré et inintelligent » qui les détermina à abandonner au fisc<br />

le produit des impôts arabes lequel servit essentiellement aux<br />

territoires civils).<br />

Leblanc de Prébois (F.) : Situation de l'Algérie depuis le 4 sep<br />

tembre 1870. Alger 1875, in-8°, 41 p.<br />

(Repousse les accusations les plus graves formulées contre les<br />

Bureaux arabes, p. 27-33).<br />

Le Pays de Bourjolly (général) : Colonisation et mode de gou<br />

vernement en Algérie. Paris 1851. in-8", 71 p.<br />

(Défenseur de l'autorité militaire et des Bureaux arabes).<br />

Margueritte (P.) : Mon Père. Paris 1886, in-12, Vt-316 p.<br />

(Vie du général suivie de lettres écrites de 1860 à 1870).<br />

Margueritte (V.) : Un grand Français, le général Margueriile.<br />

Paris 1930, in-8°, 248 p. (Ajoute peu au livre précédent).<br />

Martin (G.) : La commune d'Alger, 1870-1871. Paris 1936, in-8",<br />

111 p.<br />

(Montre bien la lutte de la population civile contre la domi<br />

nation militaire).<br />

Masqueray (E.)<br />

: Souvenirs et visions d'Afrique. Paris 1894, in-12,<br />

444 p. (Un chapitre sur le général Margueritte, p. 342 à 366).<br />

Napoléon III : Lettre du 20 juin 1865 sur la politique de la France<br />

en Algérie adressée par l'Empereur au Maréchal de Mac-<br />

Mahon. Paris 1865, 85 p.<br />

(Le chapitre III traite notamment du makhzen, des Bureaux<br />

arabes et des smalas).


85<br />

86<br />

87<br />

89<br />

90<br />

91<br />

92<br />

93<br />

— — 419<br />

Panier (Dr) : Le Royaume arabe du héros de Sedan. Alger 1871,<br />

in-8°, 20 p.<br />

(A propos de l'insurrection de 1871, il fait le procès de Napo<br />

léon III, du régime militaire et des Bureaux arabes).<br />

Pelletier (H.)<br />

: Physiologie de la tribu après quarante ans d'occu<br />

pation suivi d'un projet d'organisation. Bône 1871, in-12, 93 p.<br />

(Violente attaque contre les « cloaques des Bureaux arabes ».<br />

L'auteur est colon près de Duvivier).<br />

Peyronnet(R.): Livre d'Or des officiers des affaires indigènes 1830-<br />

1930- —<br />

Tome I : Histoire et annuaire, 964 p. Tome II : noti<br />

ces et biographies 984 p. Gouvernement général de l'Algérie.<br />

Commissariat général du Centenaire. Alger 1930.<br />

(Travail considérable de caractère officiel).<br />

Randon : Mémoires du maréchal Randon. Paris 1875 et 1877, 2 vol.<br />

in-8° I de VIII + 526 p. et une carte, II de 328 p.<br />

(Dans vol. I : sur le but des smalas de spahis, p. 61-63, sur<br />

l'administration des indigènes p. 365-376 et sur le gouverne<br />

ment militaire, p. 504-512).<br />

Regnaud de Saint-Jean-d'Angely : Rapport adressé à M. le Pré<br />

sident de la République par le Ministre de la Guerre sur le<br />

gouvernement et l'administration des tribus arabes de l'Algé<br />

rie, Paris 1851, in-8°, 91 p.<br />

(Vues optimistes sur l'œuvre entreprise par les Bureaux<br />

arabes).<br />

Ribourt (colonel F.) : Le gouvernement de l'Algérie de 1851 à<br />

1858. Extrait de la « Revue Européenne », numéro du 15 avril,<br />

1er et 15 mai 1859. Paris, 1859, in-8°, 94 p.<br />

(Etude du gouvernement du maréchal Randon; favorable aux<br />

Bureaux arabes; est l'œuvre de Duruy qui, dans ses Notes et<br />

Souvenirs,, vol. I, p. 106-107, raconte comment il fut amené<br />

à l'écrire).<br />

Ringel (A.) : Les bureaux arabes de Bugeaud et les cercles mili<br />

taires de Gallièni- Thèse pour le doctorat es sciences politi<br />

ques et économiques. Paris 1903, in-8°, 126 p.<br />

(106 p. sur les Bureaux arabes; étude superficielle).<br />

Robiou de la Tréhonnais : L'Algérie en 1871. Paris 1871, in-8°,<br />

44 p. (P. 1-28 expose le point de vue des colons face aux<br />

Bureaux arabes).<br />

Rousset (C.) : La conquête de l'Algérie. Paris 1889, in-8", tome I,<br />

383 p.<br />

(Pages 284 à 289 sur l'origine des Bureaux arabes).


94<br />

95<br />

96<br />

97<br />

98<br />

99<br />

100<br />

101<br />

102<br />

— — 420<br />

Saint-Amant (de) : VAlgérie. Aperçus sur son état actuel et sur<br />

son avenir. Londres 1862, in-16, 48 p.<br />

(Hostile au régime militaire,<br />

caporal »).<br />

Senhaux (H. de) : La France et l'Algérie, 2n»<br />

in-8», 95 p.<br />

« régime mélangé de Turc et de<br />

édition, Paris 1871,<br />

(Ne voit dans le bureau arabe qu'un « être hermaphrodite...<br />

ni soldat, ni administrateur »).<br />

Tailliart (Ch.) : L'Algérie dans la littérature française. Paris 1925,<br />

in-8», 676 p.<br />

(Un bon résumé des<br />

critiques adressées au régime militaire et<br />

aux Bureaux arabes, avec nombreuses références, p. 87-100).<br />

Testot (L.) : La question algérienne. Le Correspondant 1869,<br />

p. 393-431. Z. 21.417.<br />

LXXIX,<br />

(Fait le procès des Bureaux arabes dont il demande l'abolition)<br />

Thomas (Baron G. M.) : Question africaine. Paris 1865, in-8°, 48 p.<br />

(Capitaine au 2m" cuirassiers de la Garde Impériale. Défend<br />

la politique de fixation au sol et de construction de villages<br />

pratiquée par les Bureaux arabes).<br />

Thomas (V.) : De l'emploi des Arabes et de leur réforme considé<br />

rés comme moyens de domination en Algérie. Alger, 1847,<br />

in-8°, 114 p.<br />

(Chef de bataillon, défend les Bureaux arabes,<br />

mais ne veut<br />

pas qu'ils empiètent sur les pouvoirs de l'autorité supérieure,<br />

p. 37 à 40).<br />

Thuillier (E.) : Le royaume arabe devant le jury de Constantine.<br />

Constantine 1873, in-8", 55 p. (Ecrit à propos du procès des<br />

chefs indigènes de l'insurrection de 1871; accuse les Bureaux<br />

arabes d'imprévoyance sinon de complicité et demande leur<br />

disparition).<br />

Trolard (M. E.) : L'Algérie et le gouvernement civil. Extrait du<br />

journal « Le Siècle ». Noyon 1881, 43 p.<br />

(Hostile au gouvernement militaire : au contact des affaires<br />

arabes, l'armée a gagné « la gangrène »)■<br />

Urbain (I.) : Du gouvernement des tribus de l'Algérie. Revue de<br />

l'Orient et de l'Algérie. 1847. Tome II, p. 241-259.<br />

(Loue la création des Bureaux arabes et désire que dans l'ad<br />

ministration des tribus on s'inspire des méthodes turques<br />

souples et efficaces).


103<br />

104<br />

105<br />

106<br />

107<br />

<strong>108</strong><br />

109<br />

421<br />

Urbain (L) : De la tolérance dans l'Islamisme, 19 p. Extrait de la<br />

Revue de Paris du l»p avril 1857.<br />

(Page 3 fait l'éloge de l'œuvre accomplie par les Bureaux<br />

arabes).<br />

Urbain (L) : L'Algérie française. Indigènes et Immigrants. Paris<br />

1862, 74 p:<br />

(Brochure parue sous l'anonymat, favorable au gouvernement<br />

militaire et aux Indigènes; pour son importance, voir M.<br />

n»<br />

Emerit p. 269-274).<br />

61,<br />

Vacherot (A.) : L'Algérie sous l'Empire. Les indigènes et la colo<br />

nisation. Revue des Deux Mondes, tome 83, 1869,<br />

p. 173-189.<br />

(Défend le cantonnement et attaque le sénatus-consulte. Cri<br />

tique mesurée des Bureaux arabes dont il demande cependant<br />

la suppression).<br />

Vaillant : Rapport présenté à l'Empereur sur la situation de<br />

l'Algérie en 1853 par M. le maréchal Vaillant, ministre de la<br />

Guerre. Paris, 1854, 69 p.<br />

(Progrès des Indigènes en matière agricole, p. 12-14).<br />

Vaillant : Rapport adressé à l'Empereur sur la situation de l'Al<br />

gérie au point de vue de l'administration des indigènes en<br />

1856. Paris 1857, in-8», 45 p.<br />

(Intéressant,<br />

il fait l'éloge) (1).<br />

nettement dans l'esprit des Bureaux arabes dont<br />

Valet (R.) : Le Sahara algérien. Elude de l'organisation adminis<br />

trative, financière et judiciaire des territoires du Sud. Alger<br />

1927, 300 p.<br />

(Fait rapidement l'historique du Service des affaires arabes,<br />

p. 41 à 57).<br />

Valet (R.) : L'administration militaire de 1830 à 1870 et la « pho<br />

bie » des bureaux arabes : Revue algérienne! tunisienne et<br />

marocaine de législation et de jurisprudence. Tome XLIII,<br />

année 1927, p. 78 à 87.<br />

(Organisation des Bureaux arabes et critiques adressées à leurs<br />

officiers).<br />

(1) Dans la Revue de l'Orient et de l'Algérie et des Colonies, tome XVI,<br />

1854, p. 222-224, on trouve un rapport du Ml Vaillant intitulé : Organisation<br />

des bureaux arabes, mais il concerne seulement les bureaux arabes départe<br />

mentaux.


110<br />

111<br />

112<br />

113<br />

114<br />

115<br />

116<br />

117<br />

118<br />

— — 422<br />

Verne (H.) : La France en Algérie. Paris 169, iri-8», 63 p.<br />

(10 p. sur les Bureaux arabes,<br />

« puissance occulte et irrésis<br />

tible qui impose sa volonté, arrête la marche du progrès, mo<br />

difie, transforme, annihile les mesures décrétées, rend inutiles<br />

les ordres du souverain »).<br />

Vian (L.) : L'Algérie contemporaine. Paris 1863, in-12, 264-IV p.<br />

(Nombreuses critiques adressées au régime militaire et aux<br />

Bureaux arabes).<br />

Voisin (G.) : L'Algérie pour les Algériens. Paris 1861, 164 p.<br />

(Œuvre d'I. Urbain, défend le régime militaire).<br />

Warnier (A.) : L'Algérie devant le Sénat. Paris 1863, in-8°, 179 p.<br />

(Articles rédigés pour le quotidien : « L'Opinion nationale »;<br />

défense énergique des colons avec une critique des Bureaux<br />

arabes, p. 22 à 27).<br />

Warnier (A.) : L'Algérie devant Vopinion publique. Pour faire<br />

suite à l'Algérie devant le Sénat. Indigènes et Immigrants,<br />

examen rétrospectif. Alger et Paris 1864, in-8», VII-176 p.<br />

(Recueil d'articles écrits pour « Le Courrier de l'Algérie ;<br />

réponse à la brochure d'Urbain, critique l'administration des<br />

Bureaux arabes,<br />

p. 59 à 78).<br />

Warnier (A.) : L'Algérie devant l'Empereur. Pour faire suite à<br />

l'Algérie devant le Sénat et à l'Algérie devant l'opinion publi<br />

que. Paris 1865, in-8», XII-328 p. (Un exposé et une critique<br />

des fonctions des Bureaux arabes au chap. XX, p. 229 à 248).<br />

Warnier (A.) : Cahiers algériens. Alger 1870,<br />

(Ouvrage anonyme dû à Warnier;<br />

in-8» 192 p.<br />

vœux des colons algériens<br />

présentés sous la forme de projets de lois commentés; on<br />

trouve dans ces commentaires toutes les critiques adressées<br />

au régime militaire et aux Bureaux arabes).<br />

Watbled (E.) : Souvenirs de l'Armée d'Afrique. Paris 1877, in-12,<br />

259 p. (Un chapitre sur t L'Armée d'Afrique et les Bureaux<br />

arabes ». Ces derniers furent « un important moyen... d'obéis<br />

sance, de police et d'administration », mais ont « hésité trop<br />

longtemps à reconnaître que leur mission était terminée »)•<br />

Ouvrages anonymes et comptes rendus de débats :<br />

Les Arabes et les Bureaux arabes. Paris 1864, in-8», 16 p., LK8<br />

712. (Attaque les Bureaux à propos de l'insurrection<br />

de 1864; en demande la suppression).


119<br />

120<br />

121<br />

122<br />

123<br />

124<br />

125<br />

— 423<br />

De rAlgérie au point de vue de la crise actuelle. Paris 1868,<br />

102 p. (P. 15 à 35 défend le gouvernement militaire et les<br />

Bureaux arabes qu'il estime « indispensables »).<br />

Le régime du sabre en Algérie. Extrait de la Revue militaire<br />

française. Paris 1869, 48 p.<br />

(Expose toute l'organisation administrative de l'Algérie ;<br />

défend le régime militaire et en particulier les Bureaux<br />

arabes, surtout p. 17 à 24).<br />

Un ancien officier de l'armée du Rhin : le Général Lapas<br />

set. 2 vol.<br />

497 p. — Tome<br />

in-8» Tome I 1815-1864, 2m» édit. Paris 1899,<br />

II 1865-1875, 2 édit. Paris 1899, 450 p.<br />

(Contient de longues citations des œuvres de Lapasset et<br />

surtout sa correspondance avec F. Lacroix, Urbain, Fleury,<br />

etc.).<br />

X.X.X. (Auteur du roman du curé)<br />

: L'Homme qui tue ! (Les Bu<br />

reaux arabes sous le Second Empire). Le ventre de Lalla<br />

Fathma. Bruxelles, 1878,<br />

Y26927.<br />

4m»<br />

édition, in-8». VII-272 p.<br />

(Violente diatribe contre la guerre d'Afrique et les Bureaux<br />

arabes. La mention « Auteur du Roman du Curé » permet<br />

d'identifier Hector France, alors proscrit et dont le Roman<br />

du Curé, interdit en France, parut à Bruxelles vers la fin<br />

de 1877).<br />

Procès du capitaine Doineau et de ses co-accusés devant<br />

la Cour d'Assises d'Oran (août 1857) : Acte d'accusation.<br />

Interrogatoire des<br />

accusés. Dépositions des témoins. Réqui<br />

sitoire. Plaidoiries. Arrêt. Pourvoi en cassation. Plaidoi<br />

ries. Arrêt de rejet. Paris 1857, 508 p.<br />

(Débats presque in extenso).<br />

Affaire de l'Oued Mahouinè dcercle de Tébessa). Massacre<br />

d'une caravane (27 victimes). Constantine. Paris, 1870 ;<br />

2 vol., 398 p. et 367 p. LK» 905.<br />

(Il s'agit des débats devant le Conseil de guerre de Cons<br />

tantine).<br />

Premier Conseil de guerre de Constantine. Débats de l'af<br />

faire Trinquand. (Abandon d'un convoi de vivres à l'en<br />

nemi). LK8 945.<br />

(Reproduits par C. Taupiac, avocat, rédacteur en chef de<br />

1'<br />

et Paris<br />

« Indépendant de Constantine » . Constantine<br />

1871, 68 p.).


— — 424<br />

126 Les Bureaux arabes devant le jury. —<br />

Compte rendu in<br />

extenso des débats intentés par M. le général de division<br />

Wolf, agissant au nom des Bureaux arabes, contre YAkhbar<br />

l'Algérie française, le Moniteur de l'Algérie et le Tell. Alger<br />

1871, in-8», XV + 127 p.<br />

(Véritable résumé de toutes les accusations portées contre<br />

les Bureaux arabes).<br />

127 Au Sénat la préparation du sénatus-consulte de 1863<br />

donne lieu à des débats intéressants, en particulier le rap<br />

port du comte de Casabianca (Moniteur Universel du 9-4-<br />

1863), et les interventions de F. Barrot, du comte de la<br />

Rue et du général Cousin-Montauban (Moniteur Universel<br />

du 12-4-1863).<br />

Daumas défend les Bureaux arabes, mais ne se montre<br />

point l'adversaire de la colonisation (voir par ex. : Séan<br />

ces du 26-2-1862 et 30-1-1863 dans le Moniteur Universel).<br />

Son discours du 30 avril 1869 prononcé à propos des lois<br />

de finances de 1870 (J.O. du 1-5-1869) fait l'éloge du régime<br />

militaire en général et des Bureaux arabes en particulier<br />

sans les séparer de l'œuvre de colonisation.<br />

128 Au Corps Législatif, les séances les plus intéressantes<br />

sont :<br />

— celles des 15 et 16 juillet 1868 (J.O. des 16 et 17-7-1868) où<br />

s'affrontent les adversaires (Lanjuinais, J. Favre) et les<br />

défenseurs (le baron J. David et Rouher) des Bureaux<br />

arabes ;<br />

— celles des 7, 8 et 9 mars 1870 (J.O. des 8, 9, 10-3-1870) qui<br />

suivent l'enquête Le Hon avec les discours de Le Hon, de<br />

Lefébure, du baron J. David, du comte de Kératry; se<br />

terminent par un ordre du jour adopté à l'unanimité et<br />

favorable à l'établissement du régime civil en Algérie.<br />

III. —<br />

OUVRAGES<br />

DIVERS.<br />

On peut mettre à part ceux utilisés pour les chapitres I, II<br />

et III. Par contre, il est impossible de distinguer entre les autres<br />

chapitres, la plupart des ouvrages étant communs.<br />

1° Chapitre I : Le Pays et les Genres de vie indigènes au moment<br />

de la conquête.<br />

129 Pour la documentation cartographique, on peut consulter :<br />

— la<br />

— la<br />

carte de l'Algérie au 1/500-000°, Alger.<br />

carte de l'Algérie au 1/200.000", feuilles Orléansville,<br />

Miliana, Cherchel, Ammi-Moussa, Téniet-el-Had, Tiaret,<br />

Chellala, Reibell.


130<br />

131<br />

132<br />

133<br />

134<br />

135<br />

136<br />

— la<br />

—■ la<br />

— la<br />

— Pour<br />

— — 425<br />

carte de l'Algérie au 1/50.000*. Parmi les feuilles parues :<br />

Gouraya, Cherchel, Tipaza, Cavaignac, Ténès, Oued-Da-<br />

mous, Marceau, Marengo, Oued-Kramis, Warnier, Oued-<br />

Fodda, Carnot, Miliana, Lavigerie, Charon, Orléansville,<br />

Béni-bou-Douanc, Pont du Caïd, Sidi-Madjoub, Ammi-Mous-<br />

sa, Téniet-el-Had, Letourneux.<br />

carte géologique de l'Algérie au 1/500-000», feuille Alger-<br />

Nord.<br />

carte géologique de l'Algérie au 1/50.000". Feuilles pa<br />

rues : Cherchel, Gouraya, Cavaignac, Ténès, Cap-Ténès,<br />

Warnier, Oued-Fodda, Carnot, Miliana, Vesoul-Bénian, Cha<br />

ron, Orléansville.<br />

la région comprise entre le Chélif et la mer on ajou<br />

tera la carte géologique du nord-ouest de la province d'Al<br />

ger, au 1/200.000» par Glangeaud.<br />

Bernard (A.) : Afrique septentrionale et occidentale. Tome XI<br />

de la Géographie Universelle, lr» partie : Généralités; Afrique<br />

du Nord. Paris 1937, 284 p.<br />

Dalloni ((M.) : Géologie appliquée de VAlgèrie. Métallogénie. Hydro-<br />

géologie.<br />

Agrogéologie. Collection du Centenaire de l'Algérie.<br />

Alger, 1939, in-4°, 888 p. et 8 planches hors texte.<br />

Koulomzine (Th.) : Les sources de Miliana, Essai d'<br />

hydrogéologie<br />

précise. Bulletin du Service de la carte géologique de l'Algé)-<br />

rie; 3ra" série : Géologie appliquée. Documents sur l'hydrologie<br />

souterraine des différentes régions de l'Algérie. Alger 1935,<br />

in-8», 42 p. et une carte hors texte.<br />

Maire (R.) : Carte phytogéographique de l'Algérie \et de la Tunisie.<br />

Notice de 43 p. et 30 planches. Alger 1926.<br />

Peyerimhoff (P. de) : Carte forestière de l'Algérie et de la Tunisie.<br />

70 p. et 7 planches de photographies. Alger 1941.<br />

Seltzer (P.) (avec la collaboration de L. Lasserre, A. Grandjean,<br />

et A. Fourey) : Le climat de l'Algérie. Alger 1946,<br />

R. Auberty<br />

in-4», 219 p.<br />

Trabut (L.) : Flore du Nord de l'Afrique. Répertoire des noms<br />

indigènes des plantes spontanées, cultivées et utilisées dans le<br />

Nord de l'Afrique. Collection du Centenaire. Alger 1935. in-4°,<br />

356 p.


— — 426<br />

137 Turlin (A.), A&ardo (F) et Flamand (G. B. M.) : Le Pays du<br />

Mouton. Des conditions d'existence des troupeaux sur les<br />

Hauts Plateaux el dans ie> Sud de l'Algérie. Alger 1893, 501 p.<br />

cartes et photos.<br />

(P. 5 à 11 reproduit le rapport du 29-12-1852 de Bernis, vété<br />

rinaire principal de l'Armée d'Afrique).<br />

138 Répertoire alphabétique des tribus et des douars de l'Algérie<br />

dressé d'après les documents officiels,<br />

sous la direction de<br />

M. Le Myre de Villers, par F. Accardo, Alger 1879, 288 p.<br />

(Comprend deux parties : tribus et fractions de tribus; douars<br />

et fractions de douars. Une carte au 1/800.000". Indispensable).<br />

2° Chapitre II : Les Bureaux arabes.<br />

Ce sont les ouvrages indiqués ci-dessus (I et II). Pour les<br />

documents officiels :<br />

139<br />

140<br />

141<br />

142<br />

Estoublon et Lefébure : Code de l'Algérie annoté. Recueil chro<br />

nologique des lois, ordonnances, décrets, arrêtés, circulaires,<br />

etc., formant la Législation algérienne avec les travaux pré<br />

paratoires et l'indication de la jurisprudence. 1" volume de<br />

1830 à 1895, 1.064 p. et une table de 135 p. Alger 1896.<br />

Ménerville (M. L.) : Dictionnaire de la législation algérienne.<br />

Code annoté et manuel raisonné des lois, ordonnances, décrets,<br />

décisions et arrêtés publiés au Bulletin officiel des actes du<br />

gouvernement.<br />

1er volume 1830-1860, 702 p. Paris 1867.<br />

2» volume 1860-1866, 356 p. Paris 1872.<br />

3"" volume 1866-1872, 341 p. Paris 1872.<br />

Instruction réglementaire sur le service des Bureaux arabes<br />

(signée du M"1 Mac-Mahon, duc de Magenta). Extrait du bulle<br />

tin officiel n»<br />

222 du 26 mars 1867; 29 p. Alger 1867.<br />

Division d'Alger : Circulaire sur l'administration des<br />

nés (avril 1861). Alger 1861, 60 p.<br />

indigèm<br />

(Etudie toutes les questions dont s'occupèrent les Bureaux<br />

arabes en particulier le cantonnement p. 24 à 33; le commerce,<br />

l'agriculture et l'industrie p. indigène, 51 à 59).


— 427-<br />

3° Chapitre III : Le Cantonnement<br />

Pour la délicate question du cantonnement nous avons<br />

consulté :<br />

143<br />

144<br />

145<br />

146<br />

147<br />

148<br />

149<br />

150<br />

Besson (E.) : La législation civile de l'Algérie. Etude sur la condi<br />

tion des personnes et sur le régime des biens en Algérie.<br />

Paris 1894, 364 p.<br />

Bordet : Algérie. Immigrants et indigènes. Paris 1863, 71 p.<br />

(Réponse à Urbain : Algérie française. Indigènes et Immi<br />

grants. Défend le cantonnement et la constitution de la pro<br />

priété individuelle).<br />

Boyer-Banse (L.) : La propriété indigène dans l'arrondissement<br />

d'Orléansville. Thèse de doctorat en droit. Orléansville 1902,<br />

in-8», 174 p.<br />

(Utile pour le cantonnement des Ouled-Kosseïr surtout).<br />

Cauquil (Dr.) : Etudes économiques sur l'Algérie. Administration,<br />

colonisation, cantonnement des indigènes. Oran 1860, in-8»,<br />

98 p. (Favorable au cantonnement qu'il étudie, p. 51 à 67).<br />

Chauveau (F.) : Rapport fait au Sénat au nom de la Commission<br />

chargée d'examiner les modifications à introduire dans la<br />

législation et dans l'organisation des divers services en Algé<br />

rie. Paris 1893,<br />

87 p.<br />

(Etudie les questions de propriété foncière, définit le canton<br />

nement et donne des chiffres).<br />

Duvernois (Cl.) : L'Algérie. Ce qu'elle est. Ce qu'elle doit être.<br />

Essai économique et politique. Alger et Paris 1858, in-12, 398 p.<br />

(Un chapitre sur le cantonnement, p. 269 à 287).<br />

Giraud (H.) : Le gouvernement de l'Algérie. Trente mois de minis<br />

tère spécial. Extrait de la Revue contemporaire, livraison du<br />

15-2-1860. Paris 1861, 47 p.<br />

(Un des rares auteurs qui affirme que le cantonnement a<br />

« réussi au delà de toute attente » ; hostile à la constitution<br />

de la propriété collective de la tribu).<br />

Girault (A.) : Principes de colonisation et de législation coloniale.<br />

IV. Troisième partie. L'Afrique du Nord- L'Algérie. 5° édition.<br />

Paris 1927, 466 p.<br />

(Rapide étude des Bureaux arabes et du cantonnement, p. 135-<br />

142, 374).


151<br />

152<br />

153<br />

154<br />

155<br />

156<br />

157<br />

158<br />

159<br />

160<br />

— — 428<br />

Godin (F.) : Le régime foncier de l'Algérie, p. 203-416, in « L'œuvre<br />

législative de la France en Algérie », par Milliot, Morand, Go<br />

din et Gaffiot. Collection du Centenaire, Paris 1930, in-4°,<br />

526 p.<br />

(Etude approfondie, mais qui paraît trop systématique).<br />

Isnard (H.) : Le cantonnement des indigènes dans le Sahel d'Alger<br />

p. (1852-1864), 245-255 des Mélanges de géographie et d'orien<br />

talisme offerts à E.-F. Gautier. Tours, 1937.<br />

(Œuvre de la Commission des Transactions et Partages au<br />

Sud du Sahel).<br />

Isnard (H.) : La réorganisation de la propriété rurale dans la<br />

Mitidja. Ses conséquences sur la vie indigène. Alger 1949,<br />

in-8», 125 p;<br />

(Un autre aspect de l'œuvre de la Commission des Transac<br />

tions et Partages).<br />

La Beaume : Projet de décret sur le cantonnement des indigènes.<br />

Alger, 1861, 58 p.<br />

(Comprend le projet de décret établi par la commission et le<br />

compte rendu de toutes les séances).<br />

Lacroix (F.) : L'Algérie et la lettre de l'Empereur. Paris 1863, 80 p.<br />

(Ouvrage paru sous l'anonymat. P.22 à 35, étudie la propriété<br />

indigène et condamne le cantonnement).<br />

Larcher (E.) : Traité élémentaire de législation algérienne. 3»<br />

édition revue,<br />

augmentée et mise au courant par E. Larcher<br />

et G- Rectenwald. Paris 1923, 3 vol. in-8» : 777 p., 670 p., 652 p.<br />

(La question du cantonnement est traitée dans le volume II,<br />

p. 52 à 57).<br />

Laynaud (M.) : Notice sur la propriété foncière en Algérie. Alger<br />

1900, 129 p.<br />

(Etudie le cantonnement,<br />

p. 45 à 51).<br />

Leblanc de Prébois (F.) : Langueur de VAlgêrie, ses causes et le<br />

moyen d'y remédier. Alger 1862, in-8", 31 p.<br />

(Très hostile au cantonnement, p. 8 à 11).<br />

Poivre (M.) : La loi du 26 juillet 1873 sur la propriété en Algérie.<br />

Son interprétation et son exécution. Alger 1888, 200 p.<br />

(Une carte qui permet de situer exactement le cantonnement<br />

des Abid-et-Feraïlia).<br />

Pouyanne (M.) : La propriété foncière en Algérie. Alger, 1900.<br />

1.120 p.<br />

(Un chapitre sur le cantonnement, p. 367-373).


—<br />

— 429<br />

161 Vinet (J.) : La crise algérienne. Quelques mots sur la colonisation.<br />

162<br />

163<br />

164<br />

165<br />

166<br />

La lettre de Sa Majesté l'Empereur. Paris 1863, in-8», 16 p.<br />

(Œuvre d'un colon favorable à l'idée du cantonnement et de<br />

la constitution de la propriété individuelle chez les Arabes).<br />

Worms (M.) : Recherches sur la constitution de la propriété terri<br />

toriale dans les pays musulmans et subsidiairement en Algérie.<br />

Paris 1846, 499 p.<br />

(D'un grand intérêt historique; surtout p. 289 à 346 et, dans<br />

la 2"<br />

partie, le chapitre premier : De la propriété du terri<br />

toire de grande culture ou des campagnes en Algérie, p. 350<br />

à 429).<br />

(Anonyme) : L'Algérie à la France. L'Etat et les tribus. Constan<br />

tine et Paris, 1862, 40 p.<br />

(Etudie le cantonnement au point de vue juridique et le con<br />

sidère comme « une mesure indispensable, juste, aussi favora<br />

ble aux indigènes qu'à l'Etat lui-même et au progrès »).<br />

Bulletin officiel du Gouvernement général de l'Algérie.<br />

(Auparavant : Bulletin Officiel des Actes du Gouvernement de<br />

l'Algérie, 1834-1858;<br />

puis : Bulletin Officiel de l'Algérie et des<br />

Colonies 1858-1860. Documentation intéressante dans les rap<br />

ports des commissions chargées d'appliquer le Sénatus-<br />

consulte).<br />

(Anonyme) : Etude sur le projet de cantonnement des indigènes<br />

au point de vue de la province d'Oran. Oran 1861, in-8», 24 p.<br />

(Précédée du projet de décret établi par la Commission d'Al<br />

ger. Le critique sévèrement et affirme la souveraineté totale<br />

de l'Etat sur les terres occupées par les Indigènes qu'on ne<br />

saurait considérer comme des propriétaires).<br />

Le Moniteur Algérien du 20 février 1857.<br />

(Dans la partie non officielle, une note qui définit les buts et<br />

les caractères du cantonnement).<br />

4° Chapitres IV, V et VI et Conclusion<br />

167 Arippe (P.) : Des sociétés indigènes de prévoyance, de<br />

secours et<br />

de prêts mutuels d'Algérie. Ce qu'elles sont. Ce qu'elles doivent<br />

être- Thèse de droit. Alger 1930, in-8», 225 p.<br />

(Signale le rôle de Lapasset et de Liébert dans les origines<br />

des S.I.P.).


168 Baudicour (L. de)<br />

1860, in-8», 584 p.<br />

-430-<br />

: Histoire de la colonisation de l'Algérie. Paris<br />

(Un chapitre sur le cantonnement, p. 486-515 et des rensei<br />

gnements sur la colonisation indigène, p. 516-550).<br />

169 Bernard ÇA.) : Enquête sur l'habitation rurale des indigènes de<br />

l'Algérie. Alger 1921, 150 p., 15 croquis, 16 pi. et une carte<br />

hors texte.<br />

170 Bernard (A.) et Lacroix (N.)<br />

rie. Alger 1906, in-8», 342 p.<br />

(Permet des rapprochements intéressants).<br />

: L'évolution du nomadisme en Algé<br />

171 Berque (A.) : L'habitat de l'indigène algérien. Revue Africaine, 1"<br />

et 2"" trimestres 1936, p. 43 à 100.<br />

(Cet ouvrage et le<br />

n»<br />

169 permettent de mieux placer dans<br />

l'ensemble de l'évolution l'œuvre entreprise par les Bureaux<br />

arabes en matière d'habitat).<br />

172 Bugéja (M.) : Au pays des moissons (Le Sersou). Alger 1948, in-8",<br />

255 p.<br />

173<br />

(Cite des rapports montrant l'influence de l'administration<br />

militaire sur les nomades, p. 99-103).<br />

Carette (E.) : Origine et migrations des principales tribus de<br />

l'Afrique septentrionale et particulièrement de l'Algérie.. Ex<br />

ploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840,<br />

1841, 1842. Paris 1853, in-8", 489 p.<br />

174 Du Barail (F. G-) : Mes souvenirs. 1'" volume. Paris 1908, in-8",<br />

452 pages.<br />

(Détails intéressants sur les Bureaux arabes et les smalas).<br />

175 Ducrot (général) : La vérité sur l'Algérie. Paris 1871, in-8», 77 p.<br />

LK8 922. (Insiste sur l'échec des smalas, p. 17-20 et 69-72).<br />

176 Fleury (général comte de) : Souvenirs, 2 vol. in-8» :<br />

I : 1837-1859, Paris 1897, 433 p.<br />

II : 1859-1867, Paris 1898, 393 p.<br />

(Revendique la création de la première smala au<br />

f vol.).<br />

chap. V du<br />

177 Jourdan (Ch.) : Croquis algériens. Paris 1880, in-8". 302 p.<br />

(Une critique des smalas, p. 230 à 233).<br />

178 Lacroix ((N.) : Les groupements indigènes de la commune mixte<br />

du Djendel au moment de l'établissement du Sénatus-Consulte<br />

de 1863, Revue Africaine 1909, p. 311-397.<br />

(Signale les transformations survenues notamment chez les<br />

Djendel, les Béni-Ahmed et les Béni-Fathem).


179<br />

180<br />

181<br />

182<br />

183<br />

184<br />

185<br />

431-<br />

Lunel (E.) : La question algérienne. Les Arabes, l'armée, les colons.<br />

Paris 1869, in-8", IX-135 p.<br />

(Ancien officier de spahis; fait le procès des smalas,<br />

à 106).<br />

p. 97<br />

Monglave (E. de) : De l'influence des smalas de spahis sur l'avenir<br />

de l'Algérie. Revue de l'Orient, de l'Algérie et des Colonies,<br />

1.857 p., 144-150.<br />

(Les buts poursuivis, les progrès économiques réalisés, la<br />

nécessité de l'enseignement, l'importance du commandement).<br />

Saint-Arnaud (M*1<br />

572 et 606 p.<br />

de) : Lettres. Paris 1855. 2 vol. in-12, XXVI-<br />

(Dans le premier volume, les lettres écrites pendant le com<br />

mandement à Miliana; dans le second,<br />

celles d'Orléansville).<br />

Simon (F.) : Les spahis et les smalas. Constantine. Paris 1871, in-8",<br />

16 p., LK8 924.<br />

(Fait une critique sérieuse des smalas dont il propose la<br />

réorganisation).<br />

Tinthoin (R.) : Colonisation et évolution des genres de vie dans<br />

la région ouest d'Oran, de 1830 à 1885. Etude de géographie<br />

et d'histoire coloniales. Oran 1947, ini-4°, 389 p.<br />

(Utile pour des comparaisons entre Tell algérois et Tell ora-<br />

nais).<br />

Règlement sur la constitution, le régime, l'administration et la<br />

comptabilité des smalas des régiments de spahis. Paris<br />

1862, 128 p.<br />

(Ce règlement comporte 90 articles. Il se trouve dans les<br />

archives du Ministère de la Guerre, carton 208).<br />

Tableaux de la situation des établissements français en<br />

/ 1865-1866 p. 503 et suivantes : une statistique de la popu<br />

Algérie, de 1837 à 1866;<br />

en principe un volume par année,<br />

mais parfois deux années dans le même volume.<br />

Les plus importants pour nous ont été :<br />

1844-1845, qui contient p. 397-519 des notices statistiques éta<br />

blies par les officiers des Bureaux arabes sur les tribus;<br />

et la carte de l'Algérie au 1/1.000.000" de Carette et War<br />

nier.<br />

1850-1852 : une étude ds Bureaux arabes p. 69 à 73.<br />

1852-1854 p. 346 et suivantes ) nombreux renseignements<br />

1856-1858 p. 193 et suivantes. )<br />

sur l'habitat indigène.<br />

lation des tribus.


LEXIQUE DE MOTS INDIGÈNES<br />

Nous donnons ici, très sommairement, le sens des mots<br />

indigènes (presque toujours arabes) utilisés dans le texte. Lors<br />

qu'il y a lieu, un nombre renvoie à la page où l'on peut trouver<br />

plus de précision.<br />

abd (pluriel : abid) : serviteur, es<br />

clave.<br />

achaba : location de terrains de par<br />

cours. 49.<br />

achour : dime sur les récoltes. 151.<br />

aïn (plur. : aïoun) : source (fréquent<br />

dans les noms de lieux).<br />

amara : étoffe ou musette de che<br />

val. 42.<br />

arba : quatre, le mercredi.<br />

arch : les terres arch sont les terres<br />

collectives des tribus. 51.<br />

ard : terre, pays.<br />

asker : soldats.<br />

azibs < se dit de troupeaux confiés<br />

azila ( à des gardiens. 44.<br />

bechna : sorgho.<br />

beïda : blanche.<br />

bekouka : l'Arum. 59.<br />

ben (plur. : béni) : fils de.<br />

beylik : l'état turc.<br />

bit el mal : l'administration des biens<br />

(le Trésor public).<br />

bled : campagne, pays.<br />

bocaa : division d'un douar-commune.<br />

bordj : bastion, citadelle.<br />

bou, abréviation de abou : père.<br />

cadi : juge-notaire musulman.<br />

caïd : chef de tribu.<br />

chabet : ravin, défilé.<br />

chergui (plur. : chéraga) : de l'Est.<br />

cof, çoff ou sof : ligue, parti.<br />

dar : maison.<br />

defla : laurier-rose.<br />

dif (plur. : diaf) : hôte; dar ed-diaf;<br />

maison des hôtes. 141.<br />

djebel : montagne.<br />

djelal : couverture pour le cheval.<br />

djemaa : assemblée.<br />

djenah : pan de burnous.<br />

douar : groupe de tentes ; désigne<br />

aussi le douar-commune qui est<br />

une division administrative.<br />

etnin ou plutôt tnine : deux, lundi.<br />

féraoun : scille maritime.<br />

flidj<br />

: pièce de la tente. 42.<br />

fondouk : entrepôt de marchandises.<br />

gharbi (plur. : gheraba) : de l'Ouest.^<br />

grara : bissac de laine.<br />

guettaïf : grand tapis du Sud.<br />

habous : bien religieux. 51.


ialla : sainte.<br />

makhzen : le gouvernement.<br />

mechta : gourbi d'hivernage, hameau.<br />

47.<br />

medjelès : conseil, assemblée.<br />

mekariin : moissonneurs, journaliers<br />

agricoles.<br />

mekhazeni ou mokhzani (plur. : mo-<br />

khaznia) : cavalier du bureau<br />

arabe.<br />

mekraznya (bureaux arabes) : 22.<br />

melk : propriété privée.<br />

merdja (plur. : meroudj) marais.<br />

moulé-saa : le maître de l'heure. 123.<br />

odjaq : milice des janissaires.<br />

ouled : enfants de<br />

oussada : coussin. 42.<br />

quetaa : le prix fixé (sens dans le<br />

texte 180).<br />

raya : se dit des tribus soumises, par<br />

opposition à celles du makhzen. 151.<br />

— 434-<br />

saa : mesure de capacité. 68.^<br />

sabega : synonyme de arch.<br />

sebt : samedi.<br />

seguia : canal.<br />

smala (plur. : zmoul) : campement./<br />

242.<br />

taleb (plur. : tolba) : l'étudiant, mais<br />

employé aussi pour désigner celui<br />

qui enseigne.<br />

talrouda : le Bunium. 59.<br />

tellis : sac double. 42.<br />

tifkirt : croûte calcaire. 310.<br />

tizi : col (d'une région montagneuse).<br />

tleta : trois, mardi.<br />

tnine : deux, lundi.<br />

touiza : coopération gratuite, et aus<br />

si : corvée.<br />

zekkat : impôt sur les troupeaux. 151. /<br />

zorbia : tapis. 42.<br />

zouidja : charrue. 16.


INDEX DES NOMS PROPRES<br />

Il concerne le texte et les notes à l'exclusion des noms que l'on<br />

trouve sur les cartes, figures et tableaux.<br />

Lorsqu'un nom se rencontre dans plusieurs pages consécutives<br />

nous indiquons seulement la première et la dernière de ces pages,<br />

par exemple : Orléansville 296-308.<br />

Tous les noms de rivières sont à rechercher après Oued.<br />

Les noms des officiers ayant servi dans les Bureaux arabes sont<br />

en caractères gras.<br />

Abd-el-Kader 12, 13, 28, 106, 115, 122,<br />

133.<br />

Abid 173, 198, 201-204, 206, 207, 213.<br />

Abid-et-Feraïlia 158, 197-200, 204,<br />

207-209, 234, 281.<br />

Achacha 42, 135.<br />

Adda 297.<br />

Adjeraf 185, 186.<br />

Affreville 28, 35,<br />

349, 354.<br />

37, 198, 200, 276,<br />

Afrique 136, 137,<br />

373.<br />

140, 162, 221, 247,<br />

Aïn-Bénian 165, 182.<br />

Aïn-Defla 201-203, 304, 311, 346, 348.<br />

Aïn-Fergoussin 56.<br />

Aïn-Gassaf 153.<br />

Aïn-Kherazza 346, 347.<br />

Aïn-Kerma 249.<br />

Aïn-Lekhal 346.<br />

Aïn-Lellou 336, 346.<br />

Aïn-Meran 259, 293, 318, 324, 345, 349,<br />

369.<br />

Aïn-Oussera 37.<br />

Aïn-Sadok 205, 206, 370.<br />

Aïn-Sultan 165, 200, 282.<br />

Aïn-Tagrout 21.<br />

Aïn-Toukria 43, 130, 331, 336, 350.<br />

Aix 9.<br />

Akhbar 21, 135.<br />

Alger 9, 10, 11, 13, 15, 18, 19, 21, 70,<br />

77, 80, 101, 106, 121, 128, 145, 157,<br />

175, 178, 183, 191, 197, 200, 205, 226,<br />

244, 295, 307, 311, 315, 331, 337, 339,<br />

345, 351, 353, 358, 359, 361-363, 367,<br />

382, 385.<br />

Algérie 13, 15, 19, 29, 33, 38, 54, 75, 86,<br />

<strong>108</strong>, 111-113, 118, 120, 128, 129,<br />

133, 134, 136, 138, 142, 145, 150, 151,<br />

157, 161, 163, 170, 199, 229, 234, 243,<br />

248, 249, 266, 277, 281, 290, 291, 293,<br />

300, 302, 312, 313, 316, 319, 330, 339,<br />

360, 365, 372, 375-378, 390.<br />

Ali (fils de Ammou-el-Kosseïr) 174.<br />

Allah 57, 319, 386.<br />

Allemagne 70.<br />

Allonville (d') 12.<br />

Amérique 282.<br />

Ameur-ben-Ferhat 336.<br />

Ammi-Moussa 180, 351.<br />

Ammou-el-Kosseïr 174, 175.<br />

Angleterre 70.<br />

Antonelli 270.<br />

Arabes 9-11, 16, 68, 97, 98, 102, 104,<br />

105, 139, 163, 164, 167, 201, 212, 219,<br />

223, 226, 241, 277, 297, 299, 301, 304,<br />

320, 324, 326, 328, 330, 337, 340, 345,<br />

348, 351, 352, 354, 357, 366, 371, 376,<br />

377, 379-381, 388.<br />

Arab Saïd de l'Oureguela 44.<br />

Arbaa (ou Larba) 41-43, 45, 50, 68,<br />

229, 355, 356.<br />

Arbal 336.<br />

Ardh-el-Beïda 185.<br />

Aribs 149, 150, 155, 243, 312, 315.<br />

Arippe 107, 290.<br />

Arzew 156.<br />

Atlas Saharien 19.


Attafs 34, 48, 55, 61, 68, 164, 185, 217,<br />

233, 262, 265, 292, 295, 307, 320, 325,<br />

347, 350, 353.<br />

Aude 134.<br />

Aumale (duc d') 268.<br />

Averseng 374.<br />

Avizard (général) 11.<br />

Azan (général) 11, 243.<br />

Azéma de Montgravier 17, 18, 88, 97,<br />

101, 109, 110, 112, 113, 119, 120, 124.<br />

145, 152, 162, 213, 214, 261, 265.<br />

Azerou Derbal (col d') 345.<br />

Aziz 45, 51, 61.<br />

B<br />

Baache 53, 215, 360.<br />

Babeuf 189.<br />

Baghdadi 229, 230, 286.<br />

Baghdoura 344.<br />

Baraouïa 328.<br />

Barberet 328.<br />

Bardy 389.<br />

Baudicour 150, 152, 156, 167, 223, 229,<br />

256, 293, 370, 376.<br />

Béatrix (capitaine) 133.<br />

Beauce 38.<br />

Beaufort (général de) 77.<br />

Beaujolais 200.<br />

Bedeau (général) 91, 162.<br />

Bel Abdallah 21.<br />

Bel Hadj 87.<br />

Bel Kheir 87.<br />

Bel Kheïrat 32.<br />

Beni-bou-Attab 67.<br />

Beni-Boukni 198, 349.<br />

Beni-bou-Khannous 60, 66, 125, 173,<br />

336.<br />

Beni-bou-Milleuk 337, 339, 340, 345.<br />

Beni-Chaïb 48, 66, 68.<br />

Beni-Djerdin 48.<br />

Beni-Fatem 52, 298, 314, 315.<br />

Beni-Ferah 51, 67, 129, 199, 200-203,<br />

206, 217, 311.<br />

Beni-Ghomerian 67.<br />

Beni-Hamed 218, 228, 233, 235, 307,<br />

308, 320, 358.<br />

-436 —<br />

Beni-Haoua 65, 314, 343.<br />

Beni-Hidja 228, 314, 343.<br />

Beni-Indel 347.<br />

Beni-Lent 42, 51, 61, 66, 68, 212, 228<br />

294, 359.<br />

Beni-Lioui 345.<br />

Beni-Madoun 350.<br />

Beni-Mahrez (ou Méharez) 33, 48,<br />

129, 228.<br />

Beni-Maïda 42, 45, 50, 51, 61, 228, 294,<br />

328, 359.<br />

Beni-Mehenna 150, 156.<br />

Beni-Menad 61, 215.<br />

Beni-Menasser 27, 28, 59, 68, 128, 129,<br />

199, 282, 303, 308, 350, 354.<br />

Beni-Menna 53, 215, 228, 345.<br />

Beni-Méred 149.<br />

Beni-Merhaba 259.<br />

Beni-Merzoug 53, 66, 68, 344.<br />

Beni-Messaoud 60.<br />

Beni-Naghelan 198, 202.<br />

Beni-Naouri 42.<br />

Beni-Ouazzan 174, 198, 258, 317.<br />

Beni-Ouragh 175, 258.<br />

Beni-Rached 34, 48, 59, 60, 66, 174,<br />

295, 305, 310, 349.<br />

Beni-Salah 60.<br />

Beni-Senouss 227.<br />

Beni-Soumeur 227, 250.<br />

Beni-Zidja 175, 258.<br />

Beni-Zioui 65, 67, 337.<br />

Beni-Zoug-Zoug 19, 52, 66, 68, 175.<br />

199, 218, 255, 358.<br />

Berbères 67.<br />

Berbrugger 125.<br />

Bernard (A.) 11, 37, 42, 50, 104, 149,<br />

160, 161, 212, 375.<br />

Bernis 45, 63, 326, 327.<br />

Berque 374.<br />

Berthault 38.<br />

Berthezène (général) 10, H.<br />

Besson 160.<br />

Betaïa 349.<br />

Betioua 158.<br />

Bézy 72, 373.<br />

Blaëls 43, 68, 218, 231.


Blangini (général) 261, 385.<br />

Blida 90, 127, 245, 287, 307, 358, 361.<br />

Boissonnet (capitaine) 75.<br />

Boghar 130, 198, 294, 356.<br />

Boghari 36, 37, 41.<br />

Bône 317.<br />

Bonnes 308.<br />

Bordet 371.<br />

Borel de Brétizel (colonel) 81, 178,<br />

179.<br />

Bosquet (général) 37, 119, 123, 178,<br />

244, 245.<br />

Bou-Abdallah 174.<br />

Bou-Alem 229, 230, 263, 286, 325, 347.<br />

Boufarik 128, 358, 359.<br />

Bougie 11, 137.<br />

Bou-Hallouan 61, 68, 358.<br />

Bou-Mad 27.<br />

Bou-Maza 19, 62, 89, 115-117, 130, 133,<br />

137, 162, 194, 258, 267, 285, 365, 377.<br />

Bou-Medfa 165.<br />

Bou-Rached 68.<br />

Bourbaki (général) 37, 38, 130.<br />

Bourgeret 164, 201, 206, 338.<br />

Bourmont (général) 10.<br />

Bou-Saada 90.<br />

Bou-Yelfen 336.<br />

Bou-Zehar 203, 206, 208.<br />

Bou-Zoutat 185.<br />

Boyer 10.<br />

Boyer-Banse 177, 188.<br />

Brarchas 21.<br />

Braz 55, 67, 198, 199, 217, 228, 230.<br />

Broglie (de) 365.<br />

Bugeaud 12-15, 20, 26, 28, 35, 37, 70,<br />

74, 82, 84, 91, 93, 95, 96, 99, 100, 103,<br />

105, 110, 112, 123, 124, 128, 129, 130,<br />

133, 134, 138, 148, 149, 152, 153, 161,<br />

162, 174, 243, 257, 258, 272, 376, 390.<br />

Bugéja 356.<br />

Burdeau 37.<br />

Camou (général) 64, 77, 91, 112, 178,<br />

223, 251, 275, 280, 339, 368.<br />

Canrobert (lieutenant-colonel) 89,<br />

133.<br />

-437 —<br />

Cantarrade 90.<br />

Capifali 17, 98, 127, 173, 188, 221, 277,<br />

278, 280, 289, 295, 297, 298, 303, 304,<br />

306, 316, 318, 319, 321, 322, 337, 340,<br />

348, 350, 376, 381.<br />

Capot-Rey 44, 49.<br />

Carbuccia 43.<br />

Carette 37, 43, 117, 174, 192, 206.<br />

Carnot 28.<br />

Carré 227.<br />

Casanova 191.<br />

Castellum Tingitanum 35.<br />

Cérez (général) 91.<br />

Changarnier (général) 28, 32, 128,<br />

130, 200.<br />

Chanzy 91.<br />

Charon (gouverneur général) 138,<br />

145, 150, 152-154, 213, 224, 226.<br />

Charras 80.<br />

Charton 90, 100, 181, 322.<br />

Chasseloup-Laubat 187, 205, 377.<br />

Chauveau 160.<br />

Châtillon 336.<br />

Chebellia 215.<br />

Chekallil 191.<br />

Chembel 186.<br />

Chenoua 19, 61, 64, 173.<br />

Cheurfa 60.<br />

Cherchel 14, 23, 27, 28, 30, 44-46, 48,<br />

50, 51, 54, 59, 60, 64-67, 70, 78, 90,<br />

117, 125-128, 164, 165, 167, 221, 233,<br />

259, 265, 278, 283, 286, 290, 299, 301-<br />

303, 305, 307, 308, 311-314, 316, 317,<br />

319, 320, 322, 324, 326, 331, 335, 337,<br />

339, 340, 343, 348, 350, 351, 354, 357-<br />

361, 367, 372, 375, 377, 380-383, 385-<br />

388.<br />

Chine 375.<br />

Chouchaoua 66, 174, 198, 295, 299, 317,<br />

347, 369, 377.<br />

Clauzel (général) 10.<br />

Commentry 336.<br />

Considérant 137.<br />

Constantine 13, 21, 75, 104, 256, 328.<br />

Coran 220.<br />

Corse 127.<br />

Cottenest 11, 17, 97.<br />

Cousin de Montauban (général) 85.


Crau 328.<br />

Crémieux 20, 21.<br />

Crimée 361.<br />

Dahra 27-30, 32, 35, 48, 58, 60, 68, 89,<br />

123, 133, 137, 144, 301, 302, 305, 313,<br />

318, 360, 377.<br />

Dalloni 29, 38.<br />

Damrémont (général) 12.<br />

Daumas 12, 13, 15, 17, 74, 80, 82, 95,<br />

96, 105, 106, 110, 121, 124, 161, 282.<br />

David 152, 159.<br />

Dayas 41.<br />

Delaporte 11.<br />

Delayen 85, 88.<br />

Deligny (général) 46, 91.<br />

Démontés 18, 84, 104, 153, 155, 161,<br />

179, 243.<br />

Denniée 10.<br />

Despois 9.<br />

Djebel Amour 337.<br />

Djebel Bissa 27, 343.<br />

Djebel bou Maad 28.<br />

Djebel Doui 34, 199, 203.<br />

Djebel ech Chaouch 30.<br />

Djebel el Meddah 30, 33.<br />

Djebel Nador 38.<br />

Djebel Rhilas 30.<br />

Djedida 259.<br />

Djelfa 328, 374.<br />

Djendel 34, 43, 54, 61, 68, 200, 218,<br />

229, 233, 265, 282, 286, 307, 315, 320,<br />

328, 347, 350, 358.<br />

Didier 159.<br />

Doineau (capitaine) 20, 21, 75 77 86,<br />

87, 118.<br />

Dombasle 134, 297, 298.<br />

Douaïrs 103, 145, 155-157, 160,<br />

234, 265.<br />

Doui-Hasseni 42„ 51, 56, 61, 66,<br />

215, 293, 294, 320, 327, 359.<br />

Dra-el-Kerrouch 231.<br />

Dra-el-Mizan 88.<br />

Drouet d'Erlon (gouverneur) 11.<br />

Druses 200,<br />

— — 438<br />

227,<br />

131,<br />

Du Barail (général), 84, 90, 91, 137<br />

139, 245, 246, 249, 257.<br />

Ducellier 300.<br />

Duperré 28, 199, 201, 203, 205, 206,<br />

209, 304, 311, 354, 370.<br />

Durrieu 82, 91.<br />

Duval 72, 73, 82, 90, 91, 112, 162, 209.<br />

Duvernois (A.) 72, 113, 114, 169, 174,<br />

189, 190, 192, 197, 203, 206, 282, 306,<br />

308, 369.<br />

Duvernois (Cl.) 72, 154, 155, 163, 214.<br />

Duvivier (général) 33, 150.<br />

Egypte 316.<br />

El Affroun 374.<br />

El Aneb 200.<br />

E<br />

El Esnam 176, 277, 313.<br />

El Ghobrini (Si Kaddour) 126, 288,<br />

298.<br />

El Gourine 27.<br />

El Had 350.<br />

El Kantara 28, 198-202.<br />

El Kelaa 357.<br />

El Khemaïs 250.<br />

El Nouadeur 52.<br />

Emerit 136, 163, 243, 245.<br />

Espagne 70, 320, 361.<br />

Espagnols 306, 320.<br />

Estoublon 83, 197.<br />

Etats-Unis 316.<br />

Etnin des Ouled-Ammar 331.<br />

Europe 70.<br />

Européens 16, 103, 111, 139, 143, 157,<br />

164, 167, 251, 260, 281, 282, 286, 292,<br />

311, 313, 326, 330, 334, 337, 340, 350,<br />

352, 354, 356, 357, 362.<br />

Fauvelle 105, 304.<br />

Favre 21.<br />

Feraïlia (Fgaïlia) 173, 175, 198, 200-<br />

202, 2.04, 206, 207, 212.<br />

Ferdane (ou Faghdane) 185.<br />

Féroukia 60.<br />

Fghoul 198.<br />

Fleury (général) 111, 136, 169, 244,<br />

245, 251.


Flirta 133.<br />

Fort-Napoléon (ou National) 90, 338.<br />

Foucher 12, 15, 73, 149, 368.<br />

Fourier 134, 136, 137.<br />

Français 113, 352, 360.<br />

France 12, 41, 52, 70, 75, 112, 136, 150,<br />

162, 163, 176, 226, 249, 280, 312, 313,<br />

320, 337, 351, 357, 360, 361, 365.<br />

Fromentin 30, 41.<br />

Gafsa 21.<br />

Galland 90, 322.<br />

Gandil 170, 171, 241. 324.<br />

Garaud 286, 338.<br />

Garonne 35.<br />

Gasparin 134.<br />

Gaulet 166, 322, 339, 367, 380.<br />

Gautier 9.<br />

Gharaba (ou Garaba) 156, 234.<br />

Ghellaïe 60.<br />

Girault 85.<br />

Godin 151, 152, 199.<br />

Gontas 133.<br />

Gorifa 263.<br />

Gouraya 30, 51, 67, 316, 336, 337, 345.<br />

Gribs 68.<br />

Gueba Ali (Kobour Ali ou Goubt Ali)<br />

276, 367.<br />

Guelma 150.<br />

Guelta 338.<br />

Guerouaou 100, 149, 155.<br />

Guiod (général) 89.<br />

Guizot 70, 280.<br />

Guyon 33.<br />

Guyot 149.<br />

Habra 157.<br />

H<br />

Hachem 48, 52, 68, 292, 307, 315, 381.<br />

Hadjadj 41, 42.<br />

Hadjoutes 60.<br />

Hamdane ben Aminé el Secca 10.<br />

Hamyan 158,<br />

I<br />

439 —<br />

Hanoteau (général) 80, 90, 91.<br />

Hanoteau (centre) 48.<br />

Haraouat 54, 68, 348.<br />

Harrach 128.<br />

Harrar 48.<br />

Herenfa 292.<br />

Heumis 66, 173, 175, 261, 262, 276, 298,<br />

351, 369.<br />

Hugonnet 11, 15, 17, 46, 72, 73, 84-87,<br />

95, 100, 101, 116, 123, 152, 153, 163,<br />

212, 213, 243, 257, 261, 276, 277, 375.<br />

Hyères 138.<br />

Ibrahim (bey d'Oran) 175.<br />

Ideville 17, 306.<br />

Ighout (ou Ighoud) 42, 50.<br />

Inkermann 191.<br />

Isnard 9, 158, 203.<br />

Israélites 340, 352.<br />

Italie 361.<br />

Italiens 361.<br />

Janus 122.<br />

Javary (capitaine) 383.<br />

Jourdan 256.<br />

J<br />

Jubault 112, 167, 306, 310, 318, 344,<br />

378.<br />

Juifs 286, 287, 352, 362.<br />

-Kabyles (Kabaïles) 45, 68, 98, 246,<br />

336, 357, 358.<br />

Kabylie 88, 338, 348, 358, 374.<br />

Kalaa (ou Kelaa) 341, 357.<br />

Kef er Rebiba 37.<br />

Kef Sidi Amar 30.<br />

Keller 11, 81, 84.<br />

Keun 81.<br />

Khobbaza 48.<br />

Koléa 10.<br />

Kouba 128, 132.<br />

Koulomzine 29.<br />

Kramis (cap) 19.<br />

Kroubs 328.


La Bourdonnais 312.<br />

La Calle 15.<br />

LacreteUe 286, 371.<br />

Lacroix (F.) 37, 42, 50, 85, 104, 109-<br />

111, 163, 168, 169, 189, 212, 228, 235,<br />

280, 282, 291, 293, 295, 298, 312.<br />

Ladmirault (colonel) 133.<br />

La Ferme 177, 185, 209.<br />

Laghouat 41, 132, 253, 328.<br />

Lalla Aouda 177, 178, 246, 292, 307,<br />

313, 314, 324.<br />

La Moricière 11, 12. 80, 84, 91, 152,<br />

155, 162, 222, 244.<br />

La Motte (baron de) 203.<br />

Lanjuinais 88.<br />

Lapasset 17, 22, 70, 79, 80, 82, 89, 91,<br />

93, 98-100, 103, 105-111, 115, 117-<br />

119, 121, 123, 127, 132-136, 141, 145.<br />

161-163, 165, 166, 168, 169, 174, 178,<br />

189, 192, 193, 219, 220, 228, 242-244,<br />

249, 258, 259, 266-277, 280-282, 291,<br />

293, 295, 306, 312, 328, 339, 366, 374-<br />

376, 379, 386.<br />

Larbaa ou Larbâ : voir Arbaa.<br />

Larcher 152.<br />

Larhat 336, 337, 345.<br />

Lavigerie (cardinal) 374.<br />

Lavigerie (village) 229, 261.<br />

Lavondes 306, 318, 345, 380.<br />

Laynaud 160.<br />

Leblanc de Prébois 116, 126.<br />

Le Brun 221, 382.<br />

Lefébure 83, 197.<br />

Lehuraux 41, 42.<br />

Lesca 236.<br />

Letourneux 32.<br />

Levasseur (général) 178, 244.<br />

Lévy 374.<br />

Lichtlin (général) 249, 256.<br />

Liébert (général) 106, 107, 290.<br />

Littré 28, 199.<br />

Loha (ou El Louha) 43.<br />

Loire 35.<br />

Louis-Philippe 268.<br />

Lunel 256, 371.<br />

Lyon 200.<br />

•440 —<br />

Maamra 41, 42.<br />

M<br />

Mac-Mahon 13, 22, 75, 136, 256, 290,<br />

375, 378, 390.<br />

Mahi ed Dine es Seghir ben Embarek<br />

10, 11.<br />

Maïn 150.<br />

Maire 29, 37.<br />

Maison-Carrée 128, 243.<br />

Maisonneuve 170.<br />

Malakoff 257.<br />

Malliana 35.<br />

Mandrin 143.<br />

Marçais (G.) 9.<br />

Marceau 29.<br />

Marengo 179, 215, 336, 358.<br />

Margueritte 17, 22, 32, 33, 37, 46, 51<br />

77, 80, 90, 91, 96, 102, 110, 116, lrf!<br />

124, 127-132, 206, 216, 217, 221, 227,<br />

230, 285, 288, 293, 328, 346, 349.<br />

Maroc 363. —<br />

~_^_<br />

Maronites 200.<br />

Martimprey (colonel) 138, 139, 261,<br />

262.<br />

Mascara 37, 357, 363.<br />

Masqueray 346.<br />

Matmata 30, 44, 199, 314, 335.<br />

Mazouna 89, 133, 277.<br />

Mchaïa 60, 265, 368.<br />

Mechdoufa 100.<br />

Médéa 128, 229, 350, 356.<br />

Medjadja 45, 59, 60, 65, 66, 173, 182,<br />

183, 186, 263, 298, 310, 341, 348, 349,<br />

362, 370.<br />

Medjana 21.<br />

Mehal 174.<br />

Méhémet Ali 316.<br />

Mekerra 217.<br />

Mendiri 10.<br />

Ménerville 20, 74-76, 84, 92, 105, 113,<br />

124, 155, 157.<br />

Meuse 128.<br />

Mexique 132, 375.<br />

Miliana 14, 15, 18, 19, 27-30, 43-45,<br />

48, 51, 52, 54-56, 58, 60, 64, 66-68,<br />

77-79, 105, 106, <strong>108</strong>, 127-130, 133,<br />

145, 164-166, 191, 197, 200, 201, 206,


207, 215, 218, 222-225, 227-229, 233,<br />

234, 255, 265, 276-278, 283-288, 290-<br />

292, 294, 296, 297, 299, 301, 305-308,<br />

310-315, 317-321, 324-326, 328, 330,<br />

331, 335-338, 341, 345-356, 358, 359,<br />

361, 367, 370-372, 375, 378-381, 386,<br />

388.<br />

Mitidja 11, 28, 35, 100, 128, 145, 149,<br />

153, 311, 356, 358.<br />

Mobacher 124, 280.<br />

Molière 32, 33, 347.<br />

Montagnes Rouges 312.<br />

Montauriol 134.<br />

Montenotte 135, 164, 352.<br />

Montesquieu 96.<br />

Morambert 200.<br />

Mostaganem 136, 154, 234, 251, 302,<br />

344, 346, 351, 358.<br />

Mouhabba 206.<br />

MouUé 17, 46, 80, 127, 345.<br />

Mouzaïa 123.<br />

Moulay Ismaël 156.<br />

Mustapha (Champ-de-Manœuvres de)<br />

187.<br />

N<br />

Napoléon III 75, 12,7, 136, 169, 185.<br />

187, 256, 281, 282.<br />

Napoléon (Prince) 157.<br />

Omméiades 174.<br />

Oppidum Novum 347.<br />

Oran 12, 13, 21, 85, 101, 103, 128, 136,<br />

154, 156, 157, 175, 199, 205, 222, 234,<br />

249, 256, 280, 295, 345, 362, 370.<br />

Oranie 38, 133, 145, 217, 314.<br />

Orient 86.<br />

Orléansville 14, 17-20, 22, 23, 28, 29,<br />

34-37, 44, 46, 48, 51, 53, 55, 57, 60,<br />

62-64, 66, 67, 70, 77-79, 81, 87, 89,<br />

97, 98, 101, 109, 112, 117, 121, 123,<br />

125, 137, 138, 141, 142, 145, 161, 163-<br />

166, 168, 170, 173, 174, 176, 178-180,<br />

184-185, 187-192, 198, 209, 218-223,<br />

225, 226, 230, 233, 234, 244, 245, 250,<br />

251, 253, 258-262, 264, 265, 267, 275,<br />

276-278, 283, 284, 286-292, 296-308,<br />

310, 312, 313, 315-322, 324-330, 335-<br />

338, 340, 341, 344-349, 351-355, 357-<br />

363, 366, 369, 370-372, 375, 377, 378,<br />

381-383, 387.<br />

-441-<br />

Ouaguenay (douar) 54.<br />

Ouarsenis 19, 27, 30, 32, 34-37, 44, 45,<br />

48, 54, 58, 60, 66-68, 98, 125, 129,<br />

198, 218, 226, 294, 301, 307, 311, 313,<br />

314, 318, 320, 324, 326, 336, 344-346,<br />

354, 371.<br />

Oued Allalah 268.<br />

Oued Bessabis 294.<br />

Oued Bourkika 153.<br />

Oued Bouthan 200.<br />

Oued Chélif 19, 27-29, 32, 34-37, 44,<br />

46, 50, 51, 57, 58, 68, 70, 128, 130,<br />

133, 164, 173-175, 185, 186, 197, 198,<br />

200, 209, 227, 229, 251, 259, 264, 282,<br />

286, 291-293, 295, 301, 315, 318, 320,<br />

324, 344-346, 348-351, 354-356, 358,<br />

362, 374, 378, 387.<br />

Oued Damous 27-30, 343, 348.<br />

Oued Deurdeur 30, 32, 48, 130, 295.<br />

Oued Djer 153.<br />

Oued el Gherga 294.<br />

Oued el Ghoul 130.<br />

Oued el Hachem 28, 29.<br />

Oued Fodda 32, 34, 48, 185, 191, 293,<br />

295, 317, 347, 350.<br />

Oued Guergour 235.<br />

Oued Isly. Voir O. SU.<br />

Oued Issa 130, 294.<br />

Oued Lalla Aouda 178.<br />

Oued Lebied 50.<br />

Oued Mahouine 20, 21.<br />

Oued Maloussine 294.<br />

Oued Massin 130, 348.<br />

Oued Mgila (ou Mrila) 130, 250-252.<br />

Oued Mina 30, 37.<br />

Oued Nahr Ouassel 36-39, 44, 50, 56,<br />

130, 215, 224, 293, 294, 312, 327.<br />

Oued Ouaguenay 192, 320.<br />

Oued Ouaoua 178.<br />

Oued Ras 349.<br />

Oued Riou 44.<br />

Oued Rouïna 32, 164, 293, 346.<br />

Oued Si el Aroussi 178.<br />

Oued SU (ou Sly ou Isly) 32, 178,<br />

181, 185, 186, 250-253, 258, 259, 293,<br />

295, 349.<br />

Oued Souf Sellem 38.<br />

Oued Taflout 295.


Oued Telbenet 218, 228, 235.<br />

Oued Tsighaout 184, 259.<br />

Oued Zeddine 130.<br />

Ouled-Abbès 34.<br />

Ouled-Ammar 42, 43, 49, 50, 68, 228,<br />

331, 349.<br />

Ouled-Amran 52, 53.<br />

Ouled-Ayad 43, 61, 68, 215, 230, 231,<br />

294, 328, 349.<br />

Ouled-Bel-Arbi 212.<br />

Ouled-Ben-Châa 42.<br />

Ouled-Bessam (ou Bessem) 42, 50,<br />

215, 228.<br />

Ouled-Boufrid 66, 321, 360.<br />

Ouled-Bou-Sliman 348.<br />

Ouled-Bouzid 50.<br />

Ouled-Chaïb 44.<br />

Ouled-Farès 125, 174, 175, 180, 182,<br />

183, 186, 261-263, 339, 348, 349, 362,<br />

370.<br />

Ouled-Henni 267.<br />

Ouled-Kosseïr 48, 63, 68, 158, 160,<br />

173-175, 176, 177, 179-181, 183-187,<br />

189-195, 197, 198, 200, 204, 209, 212,<br />

234, 235, 241, 245, 251, 253, 258, 261,<br />

292, 297, 307, 313, 339, 345, 357, 359,<br />

362, 363, 366.<br />

Ouled-Mbakhta 230.<br />

Ouled-Mira 230, 292.<br />

Oufed-Naïl 45, 355.<br />

Ouled-Oradj 228.<br />

Ouled-Saber 198.<br />

Ouled-Salah 41, 42, 50.<br />

Ouled-Sidi-Cheikh 132.<br />

Ouled-Sidi-Salah 66, 67, 310.<br />

Ouled-Sidi-Slimane 132.<br />

Ouled-Yahia 230, 263.<br />

Ouled-Younès 60, 97, 173, 338, 360.<br />

Ouled-Ziad 53, 164.<br />

Ouled-Ziane 42, 50.<br />

Ouled-Zid 41.<br />

Oum-el-Drou 186.<br />

Oureguela (Ouargla) 44.<br />

Ouzaghera 54, 198, 201, 202, 292, 315.<br />

Ozanaux 289.<br />

— 442-<br />

Paris 15, 41, 70, 136, 298, 378.<br />

Paul Robert 30.<br />

Pein 76, 90.<br />

Pellissier de Reynaud 12, 109, 112<br />

116, 152, 166, 243, 281.<br />

Peyerimhoff 29.<br />

Peyronnet 12, 18, 19, 73, 80, 81, 90<br />

91, 110, 111, 144.<br />

Pélissier 136, 158, 159, 162, 390.<br />

Philebert (général) 41, 129, 215.<br />

Philippeville 150, 302.<br />

Poliot 221, 367.<br />

Pont-du-Caïd 348.<br />

Pontéba 178, 184-187, 209, 295.<br />

Pontier 138.<br />

Pouyanne 159.<br />

Prétot 70.<br />

Provence 357.<br />

Rabelais 30, 318.<br />

Randon 14, 22, 75, 91, 95, 99, 101, 112,<br />

149, 152, 154-158, 169, 178, 182, 197,<br />

201, 203, 245, 246, 248, 251, 277, 330,<br />

390.<br />

Rassauta 149, 243.<br />

Réchaïga 37.<br />

Rectenwald 58, 284.<br />

ReibeM 37.<br />

Relizane 358.<br />

Ré (ile de) 182.<br />

Ribourt (colonel) 234, 315, 330, 331.<br />

Richard 17, 22, 53, 62, 65, 67, 70, 79,<br />

81, 83, 85, 89, 95, 98, 99, 102, 103.<br />

106, 109, 111, 113, 114, 118, 120, 122-<br />

124, 127, 136, 137, 139, 141-143, 162,<br />

165, 166, 180, 212, 214, 218-221, 224,<br />

241, 242, 244, 257, 258, 261, 280, 281,<br />

304, 320, 336, 337-339, 349-352, 355,<br />

369, 376, 384.<br />

Righa 227, 282, 311.<br />

Ringel 73, 74.<br />

Rinn 14, 19, 22, 86, 375.<br />

Rivet (général) 37, 74, 82, 217, 352.<br />

Rivière 373.<br />

Robat 200.


Rome 65.<br />

Romains 228.<br />

Rouïna (poste d'Oued) 346.<br />

Rovigo (général) 11.<br />

Rouher 15.<br />

Rumigny (général) 246.<br />

Sahara 37, 175.<br />

Sahari (bled) 200-202, 207.<br />

Sahariens 42, 43.<br />

Saïd Atba 44, 45.<br />

Saint-Arnaud 19, 75, 129, 133, 137,<br />

244.<br />

Saint-Cyprien 374.<br />

Saint-Cyr 133.<br />

Saint-Martin 132.<br />

Saint-Matthieu 143.<br />

Saint-Simon et Saint-Simoniens 70,<br />

136, 137, 243.<br />

Sainte-Monique 374.<br />

Salignac-Fénelon 17, 83, 98, 103, 106,<br />

12.7, 129, 206, 308.<br />

Sbahia 48, 206, 315, 381.<br />

Sbéah 63, 67, 68, 125, 180, 182, 198,<br />

259, 264, 277, 292, 235, 339, 349, 358,<br />

359, 362, 369.<br />

Sedan 132.<br />

Seine 35.<br />

Sendjès 66, 67, 182, 183, 185, 186, 259.<br />

265, 310, 317, 339, 341, 349, 362, 369.<br />

Sériziat 21, 91, 164, 176, 181, 182, 187,<br />

316, 366, 377, 381.<br />

Sersou 19, 22, 36-39, 45, 51, 61, 131,<br />

175, 212, 215, 291, 293, 326.<br />

Sétif 374.<br />

Si Ahmed ben Abdallah 174.<br />

Sibérie 32.<br />

Sidi Abd Allah (sra de) 32.<br />

Sidi Ahmed ben Youssef 186.<br />

Sidi Amar (kef) 32.<br />

Sidi-bel-Abbès 37, 136, 200, 217, 374.<br />

Sidi Driss 336.<br />

Sidi-el-Aroussi 186.<br />

Sidi-Medjahed 30.<br />

Sidi Sliman 27.<br />

— 443<br />

Sinfita 310.<br />

Siouf 43.<br />

Siquot 294.<br />

Si Sliman ben Siam 129.<br />

Sobah 164, 173.<br />

Sodome 143.<br />

Sofran 42, 50.<br />

Soxre 386.<br />

Soult 84.<br />

Soumata 61, 68.<br />

Staouéli (Trappistes) 312.<br />

Sud 9, 62, 130.<br />

Tademit 328.<br />

Tadjena 133.<br />

Tafna 12.<br />

Taine 38.<br />

Talassa 53, 66, 215.<br />

Taraguia (ou Terarenia) 228.<br />

Taza 331.<br />

Tebainet 340.<br />

Tébessa 21.<br />

Techta (ou Tacheta) 259, 345.<br />

Tell 9, 19, 23, 39, 41-45, 49, 50, 61, 62,<br />

70, 91, 116, 130, 131, 154, 217, 221,<br />

234, 247, 250, 266, 290, 331, 348, 353,<br />

355, 358, 376.<br />

Tell (journal) 21.<br />

TeHien 42, 43.<br />

Ténès 14, 20, 28-30, 45, 48, 51, 53-<br />

55, 57, 59, 64-67, 70 ,78, 80, 89, 98,<br />

107-110, 117, 121, 12.6, 133, 135, 138,<br />

145, 164-166, 168, 170, 215, 219, 228,<br />

233, 243, 258, 264-268, 272, 274, 275,<br />

284, 285, 288, 289, 291, 232, 297-302,<br />

304, 306-308, 310-315, 317-322, 324-<br />

326, 329-331, 337-340, 344-346, 348-<br />

357, 359-363, 366, 369-372, 374, 375,<br />

378, 380-383, 387, 388.<br />

Téniet-el-Had 14, 23, 32, 33, 41-48,<br />

51, 52, 54-57, 60, 62-64, 66, 67, 78,<br />

79, 90, 97, 100, 104, <strong>108</strong>, 110, 112,<br />

116, 117, 124, 126, 12,9, 130, 164, 166,<br />

167, 212, 215, 218-221, 223, 225, 227.<br />

228, 230, 231, 233, 250, 251, 277, 278,<br />

285, 289-292. 294, 298, 239-302, 306,<br />

307, 312, 314, 315, 317-323, 326-331,<br />

336, 337, 345-352, 354-359, 361, 363,<br />

371, 372, 375, 378, 379, 382, 388.


Testu 170.<br />

Thiers 274.<br />

Thomas 86.<br />

Thuillier 89, 118.<br />

Tiaret 36-38, 41, 43, 44, 212, 314, 341,<br />

346, 356, 359.<br />

Tigava municipium 228.<br />

Tinthoin 18, 54, 145, 156, 157, 222, 227.<br />

Tirman 291.<br />

Tisemsil 327, 328.<br />

Tite-Live 106.<br />

^Tittery 30, 175.<br />

Tityre 134.<br />

Tizi n'Franco 346.<br />

Tlemcen 23., 77, 200, 358, 363.<br />

T'nouri 174.<br />

Touggourt 374.<br />

Toukria. Voir Aïn Toukria.<br />

Toulon 129, 136.<br />

Trabut 59.<br />

Trézel (général) 11, 161.<br />

Trinquant 20, 21.<br />

Tripier (commandant) 244.<br />

Truet 59.<br />

-Turcs 10, 28, 50, 118, 122, 123, 175,<br />

180, 198, 199, 242, 243, 288, 366.<br />

U<br />

Urbain 124, 136, 163, 168, 182, 245,<br />

277.<br />

Vaillant 157, 371.<br />

Valée 12.<br />

— — 444<br />

Valenciennes 138.<br />

Vialar 37, 38, 327.<br />

Voirol (général) 243.<br />

Voisin (pseudonyme d'Urbain) 182.<br />

Wahl 2,76.<br />

w<br />

Walsin-Esterhazy 81, 85, 86, 97, 101,<br />

103, 106, 111, 118, 120, 123, 145, 162,<br />

220, 259, 280.<br />

Warnier 17, 37, 72, 73, 82, 90, 91, 112,<br />

116, 209, 326, 329.<br />

Wimpffen 250, 256.<br />

Wolff (ou Wolf) 21, 91, 152, 169, 170.<br />

Worms 150, 151.<br />

Yusuf (ou Yousouf) 37, 154, 186, 187,<br />

192, 203, 241, 245, 249.<br />

Yver 200, 201.<br />

Zaccar 27, 28, 29.<br />

Zatima 44, 54, 125, 277, 298, 313, 339.<br />

357.<br />

Zeboudj-el-Ouost 346.<br />

Zekaska 42, 50.<br />

Zmélas 104, 145, 155, 156, 157, 160,<br />

227, 234, 265.<br />

Zmoul 120, 121.<br />

Zouaoua 354, 358.<br />

Zougagha (ou Zouggara) 259, 310,<br />

317, 339, 343.<br />

Zurich 28, 29, 165.


AVERTISSEMENT<br />

TABLE des MATIÈRES<br />

INTRODUCTION : Objet et limites de cette étude.<br />

Origine des Bureaux arabes, 10 ; organisation des Bureaux<br />

arabes, 13; fonctions des Bureaux arabes, 15; limites du sujet, 18.<br />

A. —<br />

B. —<br />

A. —<br />

B. —<br />

C. —<br />

D. —<br />

CHAPITRE I<br />

LE PAYS ET LES GENRES DE VIE INDIGENES<br />

Le Pays.<br />

I. —<br />

IL —<br />

Les<br />

AU MOMENT DE LA CONQUETE.<br />

pays de montagnes : Dahra, 27; Ouarsenis, 30-<br />

Les pays de plaines : Chélif, 34; Sersou, 36.<br />

Les genres de vie indigènes.<br />

I. —<br />

II. —<br />

L'instabilité<br />

de la vie indigène : les déplacements, 41;<br />

la propriété, 49.<br />

L'exploitation primitive : les céréales, 53; les autres<br />

cultures, 59; l'élevage, 60; l'industrie, 63; les échan<br />

ges, 67.<br />

CHAPITRE II<br />

LES BUREAUX ARABES<br />

Le Rôle des Bureaux arabes.<br />

I. —<br />

II. —<br />

Les<br />

La<br />

Bureaux arabes, agents d'exécution : les textes,<br />

73; les opinions, 76.<br />

« puissante confrérie des Bureaux arabes » :<br />

l'esprit de corps, 80; l'autorité, 82.<br />

III. --» Les Bureaux arabes,<br />

La doctrine des Bureaux arabes.<br />

I. —<br />

IL —<br />

III. —<br />

La<br />

La<br />

Le<br />

expression de l'armée : 88.<br />

sécurité, problème fondamental : 96.<br />

sécurité par la transformation du genre de vie :<br />

la fixation au sol, 99; l'amélioration de l'exploita<br />

tion, 104.<br />

terme de l'évolution : la marche progressive, <strong>108</strong>;<br />

l'assimilation, 110.<br />

Les Méthodes «les Bureaux arabes.<br />

I. —<br />

IL —<br />

La<br />

L'action<br />

Le Personnel.<br />

L —<br />

IL —<br />

III. —<br />

démographie commande : 115.<br />

par le makhzen et par les chefs : le makh<br />

zen, 119; les chefs, 122.<br />

Le Lieutenant Margueritte : 128-<br />

Le<br />

Le<br />

Capitaine Lapasset : 132.<br />

Capitaine Richard : 136.<br />

25<br />

27<br />

41<br />

71<br />

73<br />

95<br />

115<br />

127


A. —<br />

B. —<br />

C. —<br />

A. —<br />

B. —<br />

446-<br />

CHAPITRE III<br />

LA FIXATION AU SOL : LE CANTONNEMENT<br />

Les Bureaux arabes et le cantonnement.<br />

I. —<br />

IL —<br />

Comment<br />

Les<br />

s'est posée et a évolué la question du can<br />

tonnement : Cantonnement de fait et théorie, 149 ;<br />

l'évolution, 155.<br />

Bureaux arabes pour et contre le cantonnement :<br />

pour le cantonnement, 161; contre le cantonnement,<br />

167.<br />

Le cantonnement des Ouled-Kosseïr.<br />

I. —<br />

IL —<br />

III. —<br />

IV. —<br />

Origine<br />

Le<br />

Le<br />

Les<br />

et histoire des Ouled-Kosseïr : 173.<br />

refoulement : les faits, 176; les résultats, 179.<br />

cantonnement proprement dit : les opérations,<br />

181; la situation nouvelle, 184.<br />

conséquences : 188.<br />

Le cantonnement des Abid-et-Feraïlia.<br />

I. —<br />

IL —<br />

III. —<br />

Avant le cantonnement : 198-<br />

Le<br />

cantonnement : 201.<br />

Lés conséquences : 205.<br />

CHAPITRE IV<br />

LA FIXATION AU SOL : HABITATION ET HABITAT<br />

Les Maisons.<br />

I. —<br />

IL —<br />

III. —<br />

Les<br />

maisons de commandement : 213.<br />

Les constructions d'utilité publique : 217.<br />

Les<br />

maisons ordinaires : construction, 222; descrip<br />

tion, 226. Résultats : 233.<br />

Hameaux et Villages.<br />

I. —<br />

IL —<br />

IH. —<br />

Les<br />

Les<br />

La<br />

Conclusion : 276.<br />

smalas : origine et organisation, 242; dans l'Ouest<br />

du Tell algérois, 250; l'échec, 255.<br />

villages de fellahs : villages de tentes et de gour<br />

bis, 257; villages de maisons, 261.<br />

smala de Ténès : les débuts, 266; le développe<br />

ment, 271.<br />

CHAPITRE V<br />

L'AMELIORATION DE L'ECONOMIE : CULTURES ET ELEVAGE<br />

A. —<br />

La Culture des céréales.<br />

L —<br />

IL —<br />

L'extension<br />

L'amélioration<br />

de la, culture: défrichements, 282; prêts<br />

et réserves, 286.<br />

de la culture : la question de l'eau,<br />

291; matériel et méthodes, 296;<br />

300-<br />

céréales nouvelles,<br />

147<br />

149<br />

173<br />

197<br />

211<br />

213<br />

241<br />

279<br />

281


B. —<br />

C. —<br />

A. —<br />

B. —<br />

Les autres cultures.<br />

I. —<br />

II. —<br />

L'élevage.<br />

I. —<br />

IL —<br />

—<br />

— 447<br />

Développement des cultures anciennes : les légumes<br />

304; les arbres, 305; la vigne, 312; le labac, 314.<br />

Les cultures nouvelles : le coton, 316; la pomme de<br />

terre, 320.<br />

Les<br />

Les<br />

améliorations générales : la nourriture, 323; les<br />

abris, 325.<br />

améliorations des diverses espèces : les moutons,<br />

326; les autres espèces, 329.<br />

CHAPITRE VI<br />

L'AMELIORATION DE L'ECONOMIE : INDUSTRIE<br />

L'industrie.<br />

L —<br />

II- —<br />

L'évolution<br />

ET ECHANGES.<br />

des industries indigènes : 335.<br />

Projets et tentatives de rénovation : 338.<br />

Les échanges.<br />

I. —<br />

IL —<br />

Les<br />

Les<br />

CONCLUSION. —<br />

I. —<br />

IL —<br />

Succëfe<br />

BIBLIOGRAPHIE.<br />

A. —<br />

B. —<br />

moyens d'échanges : les routes, 343 ; les mar<br />

chés, 348.<br />

courants commerciaux : dans la région, 353<br />

avec l'extérieur, 355; les conséquences, 362.<br />

L'Echec et ses causes.<br />

et échecs : les succès, 365; les échecs, 368.<br />

Les causes de l'échec : causes d'importance secon<br />

daire tenant aux Bureaux arabes, 373; causes d'im<br />

portance secondaire étrangères aux Bureaux arabes;<br />

376; l'insuffisance des moyens, 380; la complexité du<br />

problème, 383<br />

Documents d'archives.<br />

Ouvrages<br />

I. —<br />

IL —<br />

III- —<br />

IV. —<br />

V. —<br />

VI. —<br />

Archives<br />

Archives<br />

Archives<br />

Archives<br />

Archives<br />

Archives<br />

nationales : 393.<br />

du Ministère de la Guerre : 399.<br />

du Val de Grâce : 401.<br />

du Gouvernement Général de l'Algérie : 401.<br />

du Secrétariat du Sénatus-consulte : 404.<br />

départementales d'Alger : 406.<br />

consultés.<br />

I. —<br />

IL —<br />

III. —<br />

Œuvres<br />

Ouvrages<br />

Ouvrages<br />

des officiers des Bureaux arabes : 407.<br />

traitant des Bureaux arabes et de leurs<br />

chefs : 413.<br />

divers : 424.<br />

303<br />

3^3<br />

333<br />

335<br />

343<br />

365<br />

391<br />

393<br />

407


Lexique de mots indigènes.<br />

Index des noms propres.<br />

CARTES, PLANS ET FIGURES.<br />

Dans le texte :<br />

•448-<br />

Diagrammes thermo-pluvipmétriques.<br />

Le cantonnement des Abid-et-Feraïlia.<br />

Maison de Toukria.<br />

Maison de mekhazenis des Blaëls.<br />

Maison de mekhazenis de Dra-el-Kerrouch.<br />

Village du makhzen d'Orléansville.<br />

Village de Djedida.-<br />

Village des Ouled-Farès.<br />

Village des Heumis.<br />

Village des Sendjès.<br />

En- hors-texte ':<br />

Croquis d'ensemble de la région.<br />

Cantonnement'<br />

des Ouled-Kosseïr (carte d'ensemble).<br />

Cantonnement des Ouled-Kosseïr (extrait du plan parrr1<br />

.laire). ^F<br />

'<br />

Le territoire du village d'Aïn-Sadock. ^<br />

Lotissement de l'ancienne smala des spahis<br />

„<br />

-<br />

, o?.<br />

*3;r<br />

rT''»3ne ., ,.;<br />

Plan du village de la smala de Ténès. .»*»<br />

Plan d'une maison du village de la smala Qp énès.<br />

Carte des tribus et des douars.<br />

u *dV '^'J d<br />

-■


fc<br />

1<br />

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