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Paysage triste encore aujourd'hui, mais bien plus il y a
un siècle. Comme végétation, des scilles maritimes, des aspho
dèles, quelques graminées et surtout les branches grisâtres de
grêles jujubiers et les rudes éventails des palmiers nains. Plaine
sombre en hiver, sans maisons, sans arbres, sans verdure. En
été le scintillement d'un air surchauffé par un soleil accablant,
une « chaleur torréfiante » (1),
une atmosphère irrespirable.
Par contre, un printemps splendide pendant lequel le sol
s'émaille de fleurs et se couvre de verdure, tandis que grues,
canards sauvages, vanneaux et bécassines font leur apparition.
C'est à cette époque de l'année, en mai 1842, que, pour la pre
mière fois, Bugeaud traversa la plaine d'Ouest en Est et il fut
séduit : il l'estime « cent fois préférable à la plaine de la
Mitidja» et il affirme que, cultivée par des Européens, elle serait
alors comparable « aux plus belles parties de nos vallées de la
Loire, de la Garonne ou de la Seine », elle deviendrait en « un
demi-siècle, un des plus beaux pays du monde » (2).
Les conditions naturelles sont-elles donc ici si favorables
par rapport à celles du Dahra et de l'Ouarsenis ? La réponse
doit être nuancée.
Les ruines romaines qui jalonnent la plaine entre Malliana
(Affreville) et Castellum Tingitanum (Orléanville) apportent un
témoignage de poids en faveur de la richesse de la plaine. Il
faut, d'autre part,
en ce qui concerne la plaine du Chélif tout
au moins, abandonner le traditionnel diptyque opposant, au
moment de la conquête, des massifs montagneux relativement
surpeuplés à des plaines abandonnées par suite de l'insécurité.
La plaine du Chélif comptait parmi les régions à population
nombreuse et nous pourrions en appeler encore au témoignage
de Bugeaud (3).
Ce qui reste vrai, c'est qu'il s'agissait d'une agriculture
pleine d'aléas. Le sol peut être profond et riche en éléments
fertilisants, le climat fait peser sur la récolte une menace per
pétuelle,
non seulement parce que la quantité totale d'eau
(1) L'expression est dans le rapport du bureau arabe d'Orléansville de
juillet 1862 (Archives G.).
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(2) G. 2 EE2 lettre du 13-6-1842 au Ministre de la Guerre.
(3) Par exemple dans ses lettres au Ministre de la Guerre du 13 juin
1842 et du 25 janvier 1843 (G. 2 EE 2, 2 EE 3).