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Saa . (1) Les Chefs religieux surtout paraissent suspects et, citant
une fois de plus les Turcs en exemple, Lapasset propose de leur
opposer l'aristocratie territoriale et militaire (2).
Mais pourquoi ne pas se passer des uns et des autres en
s'adressant sans intermédiaire à la masse ? Pourquoi, après les
avoir utilisés pour la conquête, ne pas délaisser les Chefs indi
gènes pour agir directement sur le peuple ? « C'est dans le pro
grès social que nous pourrons faire faire à l'imparfaite société
arabe, en développant peu à peu le principe de l'égalité chez
ce peuple organisé féodalement, en cherchant avec tous les mé
nagements possibles à séparer,
en nous substituant insensible
ment à ceux-ci, la cause des grands, de celle du peuple, que se
trouve la sécurité et la stabilité de l'avenir », et Walsin-Ester
hazy conseille de ne point laisser, en dehors de notre action
immédiate, le peuple arabe commandé par ses Chefs, mais au
contraire de rendre nos relations directes avec lui de plus en
plus fréquentes (3).
Cet avis ne fut pas suivi. Certains pensaient que l'aristo
cratie était utile et nécessaire et qu'en décapitant la société
arabe on favoriserait les insurrections (4). A la suite de Bu
geaud, les officiers les plus marquants des Bureaux arabes con
sidéraient que la masse opposerait la force d'inertie à toutes les
nouveautés, se refusant à sacrifier ses habitudes séculaires
même quand elles ont pour rançon la servitude. Tous les essais
que l'on pourra tenter pour améliorer la condition matérielle
des Indigènes échoueront sans le concours des Grands.On estime
que « l'action de la civilisation se fera sentir plus aisément sui
tes groupes constitués par l'intermédiaire de leurs chefs que sur
qui-
(1) Le Mouîé-Saa, c'est-à-dire le maître de l'heure, celui doit venir
à l'heure indiquée par les prophètes pour délivrer les musulmans.
(2) (121) 38.
(3) Walsin-Esterhazy (30) 297. Il reconnaît cependant lui aussi qu'il est.
difficile de se passer de l'influence des grandes familles p. 207. De même Ri
chard qui envisage une substitution progressive des officiers français aux
chefs indigènes, ceux-ci lui paraissant indispensables au début (21) xvi-xvn,
(20) 41-52, (22) 11-14. Voir aussi Hugonnet (6) 188-189, 191.
(4) C'est par exemple l'opinion de Bosquet, alors commandant, qui invo
que aussi l'exemple des Turcs et attribue l'insurrection du Dahra à la dispa
rition des chefs de grande famille (Lettre d'Orléansville du 5 mai 1847, p. 125-
127, dans Bosquet, Lettres, Paris 1894, 400 p.).