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longtemps après avoir quitté l'Algérie, il rêvera encore de fon
dre les trois millions d'indigènes dans un empire de dix millions
de citoyens venus de tous les coins de la terre, appelés par l'at
trait d'un pays que l'on aurait su rendre séduisant (1).
Fait encore plus remarquable, Hugonnet demande la créa
tion d'un corps spécial de fonctionnaires pour s'occuper du can
tonnement au moment même où cette demande est formulée par
un ardent défenseur de la colonisation comme Duvernois (2)
Ce sont là, dira-t-on, concessions faites au grand public de
la colonie. L'argument ne tient pas,
car si l'on ouvre la corres
pondance personnelle de Lapasset, cependant grand défenseur
des Arabes,
on trouve des phrases d'autant moins équivoques
qu'elles sont adressées à des adversaires aussi déclarés de la
colonisation que l'étaient Urbain et F. Lacroix (3). Après
avoir protesté contre le refoulement brutal qui entraînerait une
guerre à mort, Lapasset expose clairement ses idées : « Il y a
place pour tous sous le soleil d'Afrique. Les indigènes ont trop
de terres, ils se resserreront; ils occuperont les cases noires de
l'échiquier, tandis que les Européens occuperont les blanches;
les deux colonisations s'avanceront de front, vers l'intérieur du
pays. Nul doute, dans un siècle, ou l'élément indigène se sera
transformé, et le but de la France sera atteint; ou, s'il est resté
réfractaire, les transactions aidant, la case blanche aura absorbé
la noire. Dans ce cas, aux yeux des nations, comme devant notre
conscience, nous aurons agi avec équité, et nous pourrons
dire : si l'élément indigène a disparu, c'est qu'il avait à dispa
raître ». Ce qu'il désire, comme il l'écrit par ailleurs,
c'est un
cantonnement équitable. Et à Lacroix qui voudrait arrêter la
colonisation, il envoie son rapport sur le cantonnement en l'ac
compagnant de ces mots : « Vous verrez par des chiffres et des
calculs irrécusables qu'il y a place ici pour tout le monde, et
(1) N 463, 1847, Orléansville 1 q. avril et (17) 175, (22) 21.
(2) Hugonnet (6) 284 et Cl. Duvernois (60) 278, les deux ouvrages de
1858. Encore en 1860, Hugonnet écrit : « Les Arabes occupent évidemment
trop de terres, cette situation ne peut être tolérée » (7) 267.
(3) URBAIN (Thomas, Ismaïl) : Saint-Simonien convaincu, devenu le
défenseur des Arabes, a joué un rôle très important comme conseiller de
— l'Empereur. LACROIX (Frédéric) : journaliste devenu préfet d'Alger, très
arabophile. Voir Emerit (61).