Comment prendre en compte le vélo dans les projets de tram

C’est la question posée à la FUB par Brest A Pied et A
Vélo (BAPAV) et Ensemble à Vélo dans l’Agglomération
Dijonnaise (EVAD) alors que leurs villes respectives
lançaient l’étude de leur futur tram. La diversité et la
richesse des expériences de terrain a incité la FUB à
mener sa propre enquête.
L’engouement
de la population urbaine
pour ce « nouveau » mode
Au début de XX e siècle, le développement
du tramway est devenu un
argument électoral montrant la
modernité d’une cité. Mais tous les
trams, Saint-Etienne excepté, disparaîtront
dans les années 30 au profit
des autobus puis de l’automobile. Il
faut attendre 1985/2000 pour assister
à leur retour dans le paysage
urbain. Début 2012, lorsque la FUB
débute son enquête, 21 agglomérations
se sont à nouveau dotées d’un
tramway. Six l’ont fait avant 1996 et
ont donc échappé aux obligations de
la loi sur l’air : Saint-Etienne, Nantes,
Grenoble, Paris (banlieue nord),
Rouen et Strasbourg. 15 l’ont achevé
entre 2000 et 2011 : Montpellier,
Lyon, Orléans, Bordeaux, Mulhouse,
Lille et Valenciennes, Marseille, Caen,
Clermont-Ferrand, Le Mans, Nice,
Toulouse, Reims et Angers. Cinq
lignes s’inaugureront en 2012/2013 :
Dijon, Brest, Besançon, Le Havre et
Tours.
Concurrence ou complémentarité
: les mentalités
évoluent lentement
Certes le Gart (Groupement des
autorités organisatrices de transport)
soutient depuis une dizaine d’années
que les cyclistes sont des alliés du
transport en commun : ils réalisent
plus de la moitié de leurs déplacements
à vélo mais ont le réflexe TC
pour des trajets plus longs et pratiquent
l’intermodalité bien plus que
la voiture solo ; ils ne sont pas
source d’embouteillages donc n’impactent
pas la vitesse commerciale ;
ils libèrent des places dans les zones
denses et aux heures où les TC sont
particulièrement saturés... Pour
autant, les AOTU (Autorités organisa-
trices de transport urbain) n’ont pas
anticipé la complémentarité des
deux modes.
Les enseignements
de cette étude
La FUB a envoyé deux questionnaires
: l’un à ses associations membres,
l’autre aux AOTU. L’exploitation
croisée des réponses donne un bon
panorama de l’existant et des relations
entre les représentants des
cyclistes et les porteurs de projets de
tramways. Une étude en cours du
CETE Méditerranée sur la praticabilité
des plate-formes tram par les cyclistes
viendra en 2013 utilement compléter
notre analyse.
L’enquête FUB s’intéresse à la place
faite au vélo le long du trajet, aux
conditions d’intermodalité, à l’accidentologie
tramway et vélo ainsi
qu’au mode de gouvernance et de
concertation.
E n q u ê t e F U B
Comment prendre en compte
le vélo dans les projets de trams ?
1/ Cyclabilité souvent médiocre
le long des axes tram
Avant la publication de la loi sur l’air
(LAURE, 1996), les concepteurs
ignorent les cyclistes sauf à
Strasbourg. Quelques agglomérations
sauront évoluer au fil du temps, ce
qui donnera une amélioration importante
de la qualité de la cyclabilité
entre la première ligne et les extensions
successives (Grenoble, Lille,
...). Les lignes les plus récentes
répondent de mieux en mieux aux
attentes des cyclistes (Dijon, Brest).
Mais 60 % des réponses révèlent
une cyclabilité médiocre : les cyclistes
sont renvoyés tantôt sur les trottoirs
avec les piétons, d’où des
conflits, tantôt sur une chaussée
rétrécie donnant le sentiment de
servir de ralentisseur vivant.
L’autorisation, sur certains tronçons,
de circuler sur la plate-forme pour
les cyclistes, ou, pour les automobilistes
de la franchir pour dépasser un
cycliste, varie selon les agglomérations
mais a aujourd’hui tendance à
disparaître : c’est pourtant un bon
compromis pour des emprises restreintes.
La discontinuité des aménagements,
les traversées multiples de
voies pour se situer tantôt à gauche
Les cyclistes sont complémentaires des transports en commun
FUB
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FUB
E n q u ê t e F U B
du tram, tantôt à sa droite, sont
autant de risques de conflits, de rallongements
de parcours et de tentations
d’enfreindre la réglementation.
2/ Une inégalité des territoires
pour l’intermodalité vélo / tram
Le tram constitue un axe structurant
de circulation : pour autant les agglomérations
n’ont pas prévu de jalonnement
ou d’itinéraires cyclables de
rabattement vers les stations, excepté
Brest et Angers. Si 50 % des interrogés
sont satisfaits de l’offre de stationnement
aux stations et terminus
(abris sécurisés, arceaux couverts,
vélostation, ...), les autres doivent se
contenter de quelques arceaux symboliques
ou même pas d’arceaux du
tout lorsqu’une station de « vélo en
libre service » se trouve à proximité.
Anecdote représentative pour le
transport du vélo dans les trams :
Brest et Dijon qui ont fait une commande
groupée d’un même matériel
pour une inauguration à quelques
semaines d’écart ont adopté des
réglementations différentes, seule
Brest acceptant les vélos dans ses
rames.
3/ Accidentologie : nombreuses
chutes sans gravité
Associations et AOTU sont unanimes
sur ce point. Les accidents surviennent
plutôt en période de travaux et
mise en service. Les rails restent tout
de même un piège qui ne pardonne
aucune faute d’inattention quand on
les franchit avec un angle inférieur à
30 degrés.
4/ Concertation : le plus tôt est
le mieux
Les associations qui ont obtenu gain
de cause (Lille, Grenoble, Bordeaux,
...) disent combien il faut se battre,
être vigilant, s’organiser pour suivre
toutes les réunions. Beaucoup de
militants tirent un constat d’échec :
nous n’avons pas été entendus !
Une AOTU s’interroge même naïvement
: « ah bon, les cyclistes avaient
des revendications ? Je n’en ai pas
eu connaissance ». Les interlocuteurs
des cyclistes dans les collectivités
sont différents des élus et techniciens
en charge du projet tram et
chacun se renvoie la patate chaude.
La qualité de la concertation en pâtit
fortement ! Beaucoup de collectivités
Aménagement cyclable réellement parallèle au tramway de Lyon
FUB
Le franchissement des rails de tramway
reste source d’accidents sans gravité
confondent consultation et concertation
: elles présentent un projet ficelé
à la population, sans aucune prise
en compte des cyclistes, et promettent
que les aménagements cyclables
viendront « plus tard » ou sur
des itinéraires parallèles (comprendre
plus longs et moins directs) ou
bien acceptent tardivement de faire
une concession qui au final ne satisfera
personne.
Il est capital d’ouvrir la concertation
avant même la définition du tracé :
le vélo doit être dans le cahier des
charges communiqué aux bureaux
d’études. Les usagers connaissent
bien leur quartier : leurs propositions
sont pertinentes et constructives, les
techniciens n’ont qu’une vue globale
et des connaissances parcellaires
telles que des trafics journaliers qui
n’intègrent ni cyclistes, ni piétons.
Principales préconisations
FUB pour les futurs trams
et BHNS
Avec la réduction drastique des aides
financières de l’Etat pour les investissements
de transport en commun et
les difficultés d’équilibre budgétaire
des collectivités territoriales, d’aucuns
annonçaient la fin des projets de
tramway. Il n’en est rien. Les coûts
d’exploitation, d’entretien et d’amor-

tissement allant croissant, les décideurs
se tournent aussi vers des
systèmes plus souples en installation,
moins coûteux en matériel mais
toujours en site propre : les Bus à
Haut Niveau de Service (BHNS).
Plusieurs des préconisations issues
de l’étude FUB leur sont tout à fait
transposables, et les deux premières
sont même incontournables :
• Consulter les cyclistes dès les
prémices du projet, soit à la
rédaction du cahier des charges ;
• Respecter l’article L228-2 du
Code de l’Environnement : aménagements
cyclables obligatoires
pour toute création et rénovation
de voies urbaines ; l’article R110-
2 du Code de la Route : trottoirs
de 1,40 m minimum et exclus
aux cyclistes de plus de 8 ans,
doubles sens cyclables généralisés
en zone 30 ;
• Privilégier les aménagements
cyclables continus, directs, contigus
à la plate-forme et surtout
séparés des flux piétons ; anticiper
sur des phases de feux compatibles
avec les objectifs PDU :
priorité aux cyclistes et piétons
sur l’automobile ;
•
•
•
Adopter des solutions de type
plate-formes praticables, bordures
franchissables dans les cas de
voies étroites le long du tram ;
Penser dès la phase projet au
rabattement et jalonnement
cyclable sur stations, au stationnement
vélo massif et sécurisé ;
Autoriser le transport des vélos
dans les trams...
En conclusion, et comme toujours,
un bon aménagement sera celui issu
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d’une réelle concertation entre toutes
les parties prenantes : rien de
mieux que de mettre les aménageurs
à la place des cyclistes pour
une visite des projets.
Geneviève Laferrère
Consultez les résultats complets de l’enquête
vélo et tramway menée par Boris Keller pour
le compte de la FUB sur notre site internet
www.fubicy.org > Dossiers > Enquêtes.
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A Strasbourg, stationnement vélo à une station de tramway
Agence Ecomobilité Chambéry
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