Patrick Rayou, Gérard Sensevy
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2) L’organisation même de l’aide aux devoirs peut favoriser ou<br />
empêcher le travail d’aide. Dans la situation étudiée, certains élèves<br />
n’ont pas de devoir et demandent une action spécifique de l’AP, ce qui<br />
tend à déséquilibrer son action propre, et à déconcentrer certains<br />
élèves (dont Safia) dans leur travail. La multiplicité des niveaux de<br />
classe au sein d’une même séance peut rendre bien entendu l’aide plus<br />
délicate.<br />
La structure organisationnelle de l’aide aux devoirs demande donc<br />
probablement des modalités de rassemblement d’élèves qui évite une<br />
trop grande hétérogénéité, et, peut-être, une relative « spécialisation »<br />
des assistants, soit par niveau, soit par groupe de disciplines.<br />
2.3. La place de l’aide aux devoirs dans la<br />
reconstruction de la forme scolaire<br />
Si nous faisons nôtre l’argument selon lequel la démocratie n’a pas<br />
encore trouvé sa forme scolaire (Go, 2007), et qu’il faut donc<br />
reconstruire la forme scolaire, l’aide aux devoirs joue selon nous un<br />
rôle premier dans cette reconstruction.<br />
L’aide aux devoirs, en effet, constitue le lien le plus clair entre<br />
l’intérieur (de la classe) et l’extérieur (c’est-à-dire la famille, et audelà<br />
la société), et donc le lieu par excellence où peut se travailler une<br />
forme d’harmonisation des dispositions sociales et des dispositions<br />
didactiques. Nous pensons qu’une telle harmonisation demande à la<br />
fois la maîtrise de certains savoir que (Ryle, 1949) qui fonctionnent<br />
comme autant d’éléments premiers pour la production de savoirs, et<br />
celle de savoir comment (Ryle, 1949) irréductibles au langage, même<br />
s’ils sont nécessairement fondés sur lui. L’apprentissage de la lecture,<br />
qui nécessite à la fois l’entraînement au déchiffrage et à la<br />
correspondance grapho-phonétique, et la familiarisation profonde avec<br />
tout ce que peut signifier la compréhension d’un texte, peut être selon<br />
nous considéré comme un bon modèle de l’activité épistémique, et,<br />
au-delà, des objectifs qu’on peut fixer à cette harmonisation des<br />
dispositions sociales et des dispositions didactiques. Tout élève doit en<br />
effet répéter, faire des gammes, pour rendre quasi-automatiques<br />
certaines connaissances (que certains psychologues nomment<br />
déclaratives, cf. notamment Fischer, 1993). Mais tout élève doit aussi<br />
appréhender à travers les savoirs les œuvres de l’humanité : les<br />
connaissances consolidées dans la répétition n’ont de sens que parce<br />
qu’elles peuvent ouvrir aux œuvres – le pianiste ne fait pas des<br />
gammes pour elles-mêmes, mais pour mieux exprimer des œuvres.<br />
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