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8-9 > La suppression des titres au porteur: quelques points de repère B R U N O C O L M A N T Professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences Fiscales Membre du Conseil Supérieur des Finances Membre du Conseil IEC La loi supprimant les titres au porteur a été introduite le 14 décembre 2005 1 . Cette orientation législative, prise dans le sillage de l’instauration de la DLU (Déclaration Libératoire Unique), constitue un mouvement d’envergure qui va concerner l’ensemble des investisseurs et sociétés belges. Le premier objectif du législateur est de supprimer l’anonymat caractéristique des titres au porteur. Cet anonymat peut favoriser le blanchiment d’argent. Mais c’est la fraude fiscale qui constitue l’abus principal auquel l’anonymat des titres au porteur pourrait, le cas échéant et dans des circonstances particulières, donner lieu. Les actions de sociétés cotées, par exemple, sont souvent absentes de la déclaration de succession dans le but d’échapper aux droits. Les coupons sont, quant à eux, parfois encaissés à l’étranger. Un autre type d’abus rendu possible par l’anonymat et le caractère matériel des titres au porteur se situe sur le plan du droit des successions. La remise matérielle des titres au porteur permet de contourner les règles légales en matière de part réservataire, de sorte que certains enfants puissent être favorisés, contrairement à la loi et au détriment des autres. La modernisation du droit en matière de titre constitue un autre objectif de la loi de suppression des titres au porteur, et ce pour différentes raisons: risque de perte et de vol, lourdeur et coût de la conservation des titres au porteur et de l’encaissement des coupons, manipulation physique lors du transfert de propriété, notamment lors d’échanges importants. Grâce à la dématérialisation, entraînée par la suppression des titres au porteur, les transactions portant sur des titres pourront être désormais réalisées sous la forme d’une simple opération sur un compte. La gestion des titres s’en trouvera rationalisée et la dématérialisation mènera à une amélioration de la sécurité et à une diminution des coûts. Le régime des titres au porteur se trouvera donc modernisé, entre autres par l’introduction de la possibilité de tenir un registre des participations sous forme électronique et par une simplification des règles en matière de transfert. Pour les titres au porteur, enfin, les règles en matière de certificat collectif, qui permettent de ne pas imprimer tous les titres au porteur, seront aussi simplifiées. Tous les titres au porteur ne tombent pas dans le champ d’application de la loi sur la suppression des titres au porteur. La loi distingue, en effet, trois catégories de titres au porteur. Il s’agit des titres de société, des titres émis par une autorité publique et des titres appartenant à la catégorie résiduelle. Sous l’appellation de titres de sociétés, on trouve les actions, les parts bénéficiaires, les obligations, et les droits de souscriptions émis par des sociétés de droit belge conformément au Code des sociétés. Lorsque ces titres sont émis à l’étranger, ils tombent aussi dans le champ d’application de la loi sur la suppression des titres au porteur (avec une exception pour les obligations au porteur).Les titres émis par une autorité publique sont principalement les titres de la dette du secteur public. La catégorie résiduelle reprend, quant à elle, les titres suivants: tous autres titres émis par un émetteur de droit belge et incorporant une créance financière à l’égard de cet émetteur ou d’un tiers, y compris les titres représentatifs de droits indivis dans un organisme de placement collectif de droit belge revêtant la forme contractuelle. Par contre, les effets de commerce (lettres de change, billets à ordre, warrants, chèques, etc.) et les titres émis exclusivement à l’étranger ou qui sont soumis au droit étranger ne sont pas considérés comme titres au porteur au sens de la loi. Les titres dématérialisés sont les titres représentés par une inscription en compte, au nom de leur propriétaire ou de leur détenteur auprès d’un organisme de liquidation ou d’un teneur de comptes agréé. Le régime de ces titres se caractérise par une structure pyramidale: l’ayant droit fait inscrire ses titres sur un compte tenu auprès d’un teneur de comptes agréé ou d’un organisme de liquidation. Si les titres sont tenus auprès d’un teneur de comptes agréé, celui-ci doit en principe, à son
D E C E M B R E 2 0 0 7 T A X A U D I T & A C C O U N T A N C Y tour, faire inscrire les titres dématérialisés sur un compte tenu auprès d’un organisme de liquidation. C’est le même processus qui s’applique aux titres non cotés, à condition que le titulaire de compte-titres donne son accord. Dans ce cas, aucun organisme de liquidation n’intervient, mais un teneur de comptes agréé se place au sommet de la pyramide. L’opération, dont il ne faut pas sous-estimer l’envergure, sera déclinée en trois phases. Dans la première phase, l’émission de nouveaux titres au porteur est interdite, de même que la livraison matérielle de certains titres au porteur existants. Les titres au porteur qui sont inscrits sur un compte-titres sont convertis de plein droit en titres dématérialisés. Dans une seconde phase, les titres au porteur existants sont convertis en titres nominatifs ou dématérialisés. Enfin, dans une troisième phase, les titres au porteur qui n’ont pas été convertis à temps sont mis en vente. Examinons cette chronologie, et les faits saillants de chaque étape, sachant que les sociétés de droit belge dont les titres sont cotés sur un marché réglementé et l’ensemble des organismes de placement collectif doivent adapter leurs statuts ou leurs règlements de gestion avant le 1 er janvier 2008 afin de prévoir la possibilité d’émettre des titres dématérialisés. Il est également nécessaire pour les sociétés de droit belge dont les titres sont cotés sur Alternext ou le Marché Libre de procéder à cette adaptation. Première phase: phase qui débute le 1 er janvier 2008 Les émetteurs ne peuvent plus émettre de nouveaux titres au porteur, mais seulement des titres dématérialisés ou nominatifs. La livraison matérielle de tous les titres au porteur qui sont sous le coup de la loi de suppression des titres au porteur et qui sont inscrits sur un compte-titres est interdite. Les titres au porteur émis à l’étranger ou qui sont soumis à un droit étranger ne peuvent plus être délivrés en Belgique. Les titres émis par une autorité publique sont aussi convertis en titres dématérialisés. Les sociétés de droit belge dont les titres sont cotés sur un marché réglementé doivent modifier leurs statuts pour le 31 décembre 2007. Plus particulièrement, les statuts doivent préciser que les titres de sociétés qui sont au porteur et qui se trouvent sur un comptetitres subsistent sous une forme dématérialisée. Pour le 31 décembre 2007, les sociétés doivent également prendre les mesures nécessaires avec un organisme de liquidation agréé afin de respecter l’obligation légale qui impose l’inscription au nom de l’organisme de liquidation des titres dématérialisés en circulation par catégorie de titres. Deuxième phase: phase s’achevant au 31 décembre 2013 La conversion en titres dématérialisés ou nominatifs doit être demandée au plus tard le 31 décembre 2013 2 pour les titres au porteur émis avant la publication de la loi de suppression des titres au porteur et qui n’ont pas été dématérialisés de droit. Après le 31 décembre 2013, les titres au porteur dont la conversion n’aura pas été demandée, seront convertis de plein droit en titres dématérialisés et inscrits par l’émetteur sur un compte-titres. Les droits attachés aux titres au porteur dont la conversion n’a pas été demandée sont suspendus jusqu’à ce que l’ayant droit obtienne une inscription à son nom au registre des effets nominatifs ou sur un compte-titres tenu par l’émetteur, un teneur de compte agréé ou un organisme de liquidation. Troisième phase: phase qui commence le 1 er janvier 2015 A partir du 1 er janvier 2015, les titres cotés sur un marché réglementé et dont l’actionnaire est inconnu sont vendus par l’émetteur sur un marché réglementé. Les titres non cotés sur un marché réglementé dont l’ayant droit ne s’est pas fait connaître peuvent aussi être mis en vente par l’émetteur. La personne qui demande la restitution du produit de la vente déposée à la Caisse des dépôts et consignations est passible d’une amende par année de retard à partir du 31 décembre 2015. Cette amende est de 10 % par année de retard calculée sur la somme ou la contre-valeur des titres dont la restitution est demandée. 1 Loi du 14 décembre 2005 portant suppression des titres au porteur, M.B. 23 décembre 2005, p. 5488, err. M.B. 6 février 2006, p. 6111, modifiée par la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV), M.B. 8 mai 2007, p. 25103. 2 Il est à noter que les textes initiaux avaient prévu deux dates de fin de conversion, selon la nature des titres, à savoir les 31 décembre 2012 et 2013. Finalement, seule la seconde date a été retenue, cf. la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses, chap. II, art. 85, M.B. du 8 mai 2007, p. 25118 et s.
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