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1. Le Trone de Fer.pdf

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un nez large, épaté, et toujours l’air <strong>de</strong> ne s’être pas rasé. La<br />

manche gauche <strong>de</strong> sa tunique <strong>de</strong> laine noire était agrafée à<br />

l’épaule par une fibule d’argent en forme <strong>de</strong> flamberge. « <strong>Le</strong>s<br />

mots ne feront pas <strong>de</strong> ta mère une pute. Elle était ce qu’elle<br />

était, tout ce que dira Crapaud n’y changera rien. Puis, tu sais,<br />

<strong>de</strong>s hommes dont les mères étaient réellement <strong>de</strong>s putes nous<br />

en avons, au Mur. »<br />

Pas ma mère. Sans rien savoir d’elle, puisque Père n’en<br />

parlait jamais, Jon le pensait dur comme fer. Il rêvait d’elle si<br />

souvent qu’il finissait presque par la voir. Belle, gran<strong>de</strong> dame,<br />

et <strong>de</strong>s yeux tendres<br />

— Ça te paraît invivable, d’être le bâtard d’un grand<br />

seigneur ? Jeren a pour père un septon, et Cotter Pyke pour<br />

mère une fille d’auberge, mais sa basse extraction ne l’a pas<br />

empêché <strong>de</strong> s’élever : il comman<strong>de</strong> actuellement Fort-<strong>Le</strong>vant.<br />

— Je m’en fiche, dit Jon. Je me fiche d’eux comme je me<br />

fiche <strong>de</strong> vous, <strong>de</strong> Thorne ou <strong>de</strong> Benjen Stark et <strong>de</strong> tous ces<br />

trucs. Je déteste ce bled. Il est trop..., il y fait froid.<br />

— Oui. Froid, dur, misérable, tel est le Mur, ainsi que les<br />

hommes qui le hantent. Rien à voir avec les contes <strong>de</strong> ta<br />

nourrice ? Eh bien, pisse-leur <strong>de</strong>ssus, aux contes, et ta nourrice,<br />

pisse-lui <strong>de</strong>ssus. Ici, les choses sont ce qu’elles sont, et, comme<br />

nous tous, tu t’y trouves pour la vie.<br />

— La vie », répéta Jon avec amertume. Il pouvait en<br />

parler, l’armurier, <strong>de</strong> la vie. Il en avait eu une, lui, n’ayant<br />

endossé la tenue noire qu’après la perte <strong>de</strong> son bras au siège<br />

d’Accalmie. Auparavant, il forgeait pour le compte <strong>de</strong> Stannis<br />

Baratheon, le frère du roi. Il avait parcouru <strong>de</strong> long en large les<br />

Sept Couronnes, banqueté, couru les bor<strong>de</strong>ls, livré cent<br />

batailles. On lui attribuait la masse d’armes fatale à Rhaegar,<br />

dans le gué du Tri<strong>de</strong>nt. Bref, tout ce dont lui-même serait à<br />

jamais privé, Donal Noye s’en était gorgé jusqu’au jour où, déjà<br />

vieux, la trentaine largement sonnée, un formidable coup <strong>de</strong><br />

hache puis la gangrène lui avaient valu son amputation.<br />

N’importait le Mur, bien sûr, une fois infirme et la vie <strong>de</strong>rrière !<br />

« Oui, la vie, reprit le vétéran. Brève ou longue, c’est ton<br />

affaire, Snow. Mais, vu la manière dont tu t’y prends, l’un <strong>de</strong> tes<br />

frères t’égorgera, une nuit ou l’autre...<br />

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