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Vers Londres 6 : Pierre Malengreau, Note sur la construction du cas

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NLS Messager 38 - 2010/2011<br />

<strong>Note</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>construction</strong> <strong>du</strong> <strong>cas</strong><br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Malengreau</strong><br />

Y a-t-il un mode de présentation clinique qui favorise le dégagement d’un problème psychanalytique<br />

comme tel, s’interrogeait récemment E. Laurent1 ? La question est à double entrée : elle porte à <strong>la</strong> fois <strong>sur</strong><br />

le matériel clinique présenté et <strong>sur</strong> l’usage que nous en faisons à des fins multiples, d’enseignement ou de<br />

transmission, de monstration ou de démonstration. La question vaut d’être ainsi dépliée dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e où<br />

un certain usage de <strong>la</strong> clinique, et partant <strong>du</strong> <strong>cas</strong>, peut aller à l’oc<strong>cas</strong>ion à l’encontre de <strong>la</strong> clinique même<br />

dont nous l’avons extrait. Quel usage faisons-nous de nos <strong>cas</strong> dans nos exposés, dans nos enseignements ?<br />

Y a-t-il une manière propre à <strong>la</strong> psychanalyse de parler de ses <strong>cas</strong> ?<br />

La clinique psychanalytique exige un abord <strong>du</strong> <strong>cas</strong> qui ne démente pas d’emblée sa visée. Elle suppose un<br />

abord <strong>du</strong> <strong>cas</strong> qui inclut l’orientation de l’expérience vers le réel. L’expérience <strong>du</strong> réel dans une<br />

psychanalyse est l’expérience d’une rencontre avec un réel qui se dérobe2. Deux dimensions <strong>du</strong> réel se<br />

conjoignent dans cette définition, l’une concerne le réel comme rencontre, comme effraction, et l’autre<br />

concerne le réel comme hors-sens. Un abord <strong>du</strong> <strong>cas</strong> cohérent avec cette orientation vers le réel suppose dès<br />

lors l’inclusion de <strong>la</strong> contingence de sa <strong>construction</strong> même. « La clinique psychanalytique se doit<br />

d’interroger les analystes, afin qu’ils rendent compte de ce que leur pratique a de hasardeux »3. Lacan nous<br />

invite à prendre au sérieux le fait qu’il y a dans l’expérience analytique une part de hasard qui fait partie de<br />

l’expérience elle-même, et que c’est à traiter ça « de <strong>la</strong> bonne façon »4 que nous avons quelque chance de<br />

transmettre ce qu’elle a de spécifique. Quelle p<strong>la</strong>ce donnons-nous au réel de <strong>la</strong> clinique dans <strong>la</strong> manière<br />

dont nous rapportons nos <strong>cas</strong> ?<br />

Une remarque de J.-A. Miller nous permet de déplier cette question. Evoquant certains phénomènes<br />

d’irruption libidinale, il insistait <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nécessité qu’il y a à les situer dans leur procès symbolique. « A<br />

défaut, disait-il, on se retrouve dans une clinique à <strong>la</strong>quelle je voudrais tordre le cou, selon<br />

l’immortelleexpression d’Eric Laurent, qui se contente d’un « Eh bien, il est envahi de jouissance. » (…)<br />

« Pourquoi des p<strong>la</strong>ques apparaissent-elles <strong>sur</strong> le corps <strong>du</strong> patient ? » « C’est un phénomène de jouissance. »<br />

Ce n’est pas ce que nous faisons. Je dis qu’il faut essayer, dans tous les <strong>cas</strong>, de restituer ce à quoi nous<br />

avons accès de <strong>la</strong> phase d’aliénation, pour donner leur juste p<strong>la</strong>ce aux phénomènes relevant de <strong>la</strong><br />

séparation »5.<br />

Cette remarque dénote et oppose deux abords <strong>du</strong> <strong>cas</strong>, et partant, deux conceptions de <strong>la</strong> clinique.<br />

La première fait les délices d’une clinique qu’on pourrait nommer objective. La clinique objective s’appuie<br />

<strong>sur</strong> ce qui s’observe, que ce soit d’un point de vue innocent ou averti. Elle fait usage <strong>du</strong> signifiant-maître à<br />

des fins d’identification. La notion de jouissance à <strong>la</strong>quelle il est fait référence ici se dénature dans ce <strong>cas</strong><br />

en outil d’observation, et perd sa pertinence conceptuelle de n’être plus en prise <strong>sur</strong> le réel de l’expérience.<br />

Ce n’est pas <strong>sur</strong> cet usage des concepts que le psychanalyste <strong>la</strong>canien se doit de régler son abord <strong>du</strong> <strong>cas</strong>.<br />

L’autre clinique, qu’on pourrait nommer démonstrative, s’appuie <strong>sur</strong> un mode de <strong>construction</strong> <strong>du</strong> <strong>cas</strong> qui<br />

prend en compte que tout ne peut se dire, ou que jamais l’opération d’aliénation, aussi construite soit-elle,<br />

ne pourra recouvrir ce qui s’opère <strong>du</strong> côté de <strong>la</strong> séparation. Cette clinique, fondée <strong>sur</strong> <strong>la</strong> temporalité<br />

freudienne de l’après-coup, a besoin d’instruments qui ne relèvent plus de l’observation, mais de <strong>la</strong> logique.<br />

L’articu<strong>la</strong>tion avancée par J.-A. Miller dans son « Homologue de Ma<strong>la</strong>ga »6 entre <strong>la</strong> notion intuitive de<br />

série et <strong>la</strong> théorie des séquences peut ici nous servir de guide.<br />

L’expérience analytique est d’abord une expérience de sériation des signifiants qui importent au sujet. Il<br />

s’agit pour un sujet d’appréhender les différents traits, souvenirs, identifications qui ont marqué son<br />

histoire. C’est de là que nous partons. Nous partons <strong>du</strong> pas à pas d’une mise en série de ce qui importe à<br />

l’analysant. La <strong>construction</strong> <strong>du</strong> <strong>cas</strong> passe d’abord par ce repérage. Il n’est cependant pas spécifiquement<br />

psychanalytique. Décrire l’ordre symbolique dans lequel un sujet est pris n’est pas le propre d’une pratique<br />

orientée vers le réel7. Le repérage et <strong>la</strong> sériation des identifications, des signifiants régressifs pourraient fort<br />

bien nous ramener à ce que Lacan nomme le « leurre ordinaire de <strong>la</strong> compréhension »8. Ne faudrait-il pas<br />

dès lors qu’apparaisse aussi dans nos <strong>construction</strong>s qu’il manque un signifiant à <strong>la</strong> chaîne des signifiants<br />

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